Le nouveau coach du club haut-savoyard, véritable globe-trotter du football, affiche plus de 40 ans d’expérience sur un banc et presque autant d’équipes entraînées. Le Vauclusien évoque sa personnalité et sa vision du foot, donne des recettes et livre quelques savoureuses anecdotes.

Par Anthony BOYER / Photos : TEGG

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S’entretenir, même en visio, avec Noël Tosi, c’est l’assurance de passer un excellent moment. Charisme, bagou, truculence, séduction, humour, bonhomie, l’entraîneur de 65 ans – « Je vais faire comme Raymond Goethals, essayer de gagner la Champion’s League à 75 ans ! » – possède un peu toutes ces caractéristiques, et c’est ce qui le rend très différent de pas mal de ses confrères entraîneurs. Et en plus, il est bavard, à tel point qu’il faudrait deux jours pour éluder tous les sujets; ça tombe bien, l’interview a duré deux jours : elle a été enregistrée en deux matinées ! « Anthony, je dois filer à l’entraînement, on se rappelle demain matin ? » « Ok Noël, mais un peu plus tôt alors ? » « 7h45 ? » « Banco ! »

En un mot comme en mille, le joyeux drille Noël Tosi est ce bon client, affable, pagnolesque, charmeur, rieur. Un personnage haut en couleurs. Mais la singularité a parfois son revers de médaille. Pour préparer cet entretien, on a lu quelques articles consacrés au natif de Philippeville (devenue Skikda), en Algérie, où les anecdotes fusent. Et celle qui a retenu le plus notre attention concernait son arrivée à la tête de la sélection de Mauritanie. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque, dès la première question, il répondit exactement ce que nous venions de lire ailleurs au sujet de cet épisode ! Bien sûr, nous l’avons laissé dérouler son histoire, au demeurant incroyable, que l’on a volontairement choisi de mettre à la fin de ce papier, un peu comme une question subsidiaire ! Et puis, Noël Tosi raconte tellement bien les histoires… Le reste est aussi très bon, du Tosi dans le texte, tantôt sérieux, tantôt drôle.

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Début janvier, l’entraîneur, qui affiche 40 ans de carrière sur un banc et 35 clubs dirigés (!), s’est engagé en National 3, à Thonon Evian Grand Genève, en remplacement de William Prunier, quelques semaines après avoir commencé la saison à GOAL FC, en National 2. Sans langue de bois, l’entraîneur au CV long comme le bras évoque ces deux épisodes, notamment son retour manqué à Chasselay, où il pensait retrouver le club qu’il avait connu lors de son premier passage il y a 10 ans, aux Monts d’Or, au-dessus de Lyon. OK, le coach, qui fut le premier avant Patrick Vieira à s’expatrier aux Etats-Unis, à Sacramento, en 1984 (vainqueur de la coupe de Californie), change de clubs comme certains changent de slip. Mercenaire, Noël Tosi ? On lui a posé la question. Vous lirez la réponse. De toute façon, Noël Tosi a réponse à tout.

Enfin, pour ne pas « polluer » cette entame de papier, nous avons préféré lister à la fin (encore !) les quelque 35 clubs et sélections que Noël Tosi a entraînés ! Mieux, nous lui avons demandé de les citer, par ordre chronologique ! Là encore, on vous laisse découvrir le résultat.

Interview : « Je ne suis pas un mercenaire »

Noël, c’est quoi votre mode de fonctionnement ?
Je ne sais pas si je fais du football ou si je fais du Noël Tosi ! D’abord, c’est de m’adapter au rythme du temps. Bon, je fais un peu entraîneur vintage maintenant mais je suis tout jeune dans ma tête et j’ai su m’adapter aux générations. Comme je l’explique souvent, il y a des groupes qui ont des profils psychologiques, certains qui vous conviennent, d’autres qui ne vous conviennent pas. Par exemple, s’il faut un gendarme, ce n’est pas moi qu’il faut prendre comme entraîneur. S’il faut un tacticien, de l’intelligence, de l’humanité, oui, c’est moi qu’il faut prendre. On ne choisit pas toujours les clubs où on va, ni les groupes que l’on entraîne. On est souvent venu me chercher pour sortir des équipes de l’agonie, un peu comme Rolland Courbis en première division à l’époque, sauf que moi c’était en deuxième division, ce qui m’a permis de comprendre une chose : il ne faut jamais mettre un joueur sur le côté. Mon style, c’est de dire qu’un joueur, même s’il n’adhère pas à tes principes, même s’il n’a pas l’esprit que tu souhaites, il faut le considérer, sinon c’est un signe de faiblesse. Avec cet état d’esprit-là, j’ai réussi à « récupérer » des joueurs, des clubs, à me sortir de situations. Pour la fête des pères, je reçois entre 50 et 100 textos « Bonne fête papa ! ». Bien sûr, beaucoup émanent de joueurs africains, parce qu’ils ont encore plus besoin d’amour, et moi j’ai ce côté humain qui plaît, je sais leur donner ce qu’il faut. Mais je sais aussi avoir un main de fer dans un gant de velours : j’ai une technique bien particulière, c’est « Un coup de pied au cul, un bisous », et ça, ça marche (rires).

Votre plus grosse déception d’entraîneur ?
C’était quand j’entraînais Montauban, en CFA (en 1996/97). On est premier avec 12 points d’avance. On perd deux matchs, je me retrouve avec six points d’avance et là, le président, Philippe Delcaillau, me convoque, En fait, ce que je ne savais pas, c’est qu’il avait promis l’équipe à un joueur qui n’avait pas le diplôme, et si c’était moi qui montait, le joueur ne pouvait pas prendre l’équipe, alors il m’a viré. Je n’ai pas compris. D’abord, comme on était le 1er avril, je lui ai dit que sa blague était drôle, mais j’ai compris que ce n’était pas une blague. Je lui ai demandé les raisons, et là, c’est toujours pareil; quand on veut virer un entraîneur, on dit toujours que son discours ne passe plus avec les joueurs. C’est facile, c’est comme quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est la plus grosse déception de ma carrière. Je ne suis pas rancunier … mais je lui en veux encore. Il n’aurait jamais dû faire ça. J’avais une famille, des enfants, il restait deux mois… Je serais allé au bout (le club n’est pas monté). C’est Jean-Luc Pasturel, un ex-joueur de Rodez, qui m’a remplacé.

« Un journaliste m’avait qualifié d’extra-terrestre »

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Ce n’est pas faire injure que de dire que vous êtes plus près de la fin de votre carrière que du début : c’est quoi votre plus grande fierté d’entraîneur ?
J’espère qu’elle n’est pas encore arrivée ! C’est d’avoir formé des joueurs de qualité, d’avoir donné du bonheur à beaucoup d’entre eux, d’avoir le retour et la reconnaissance que j’ai aujourd’hui, de leur part et de la part des entraîneurs et des dirigeants. Cela dépend de la personnalité : je suis quelqu’un d’affable, qui aime rire, ça dénote un peu dans le milieu. Parfois, on m’a dit que si je n’avais pas fait du théâtre ou si je n’avais pas écrit des livres, j’aurais fait une autre carrière : c’est possible aussi (rires) ! »Un journaliste m’avait qualifié d’extra-terrestre »

Vos qualités et vos défauts selon vous ?
Les défauts, pour moi, ça n’existe pas. Je m’explique. Prenez la relation hommes-femmes : admettons que je trouve tel défaut chez une femme, mais que vous, vous trouviez que ce défaut est une qualité chez elle. Donc ce sont des traits de caractère, et là, où on aime, où on n’aime pas. Après, des qualités, j’essaie d’en avoir le plus possible, mais on ne peut pas plaire à tout le monde (rires) ! Il faut accepter la contradiction. Quand on est entraîneur, il faut essayer d’être différent : quand j’étais en poste à Angers, un journaliste, malheureusement décédé aujourd’hui, avait titré « Noël Tosi, l’extraterrestre », ça me plaît bien (rires) !

« Il faut l’équipe autour de l’équipe »

Cette différence, vous la cultivez ?
Je pense que ça fonctionnerait partout à partir du moment où il y a ce critère, parce qu’en football, il n’y a pas de vérité : il faut l’équipe autour de l’équipe. Si l’équipe autour de l’équipe est bonne, vous réussissez tout le temps. A chaque fois que j’ai eu ça, j’ai toujours réussi. Après, autre critère, il faut trouver le président qui vous choisit, qui vous correspond. Sur tous les présidents de L1 ou L2, il y en a peut-être 2 ou 3 qui vont vous apprécier, les autres vont dire « Non mais attendez, je ne vais pas prendre Tosi, lui c’est un fou furieux… « , mais si on trouve la bonne personne au bon endroit, souvent on réussit.

Vous êtes un entraîneur plutôt comment ?
Humain.

« Les entraîneurs français sont maltraités »

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Des modèles de coach ?
Sur le plan du discours, Michel Hidalgo : c’est quelqu’un qui a bercé toute ma jeunesse, je buvais ses mots, j’aimais son humanité, ses compétences. Je suis amoureux de tous les entraîneurs et je trouve qu’en France, on a des entraîneurs extraordinaires, je peux en citer plein, Stéphane Le Mignan à Metz, Philippe Hinschberger, Régis Brouard, Jean-Michel Cavalli, des garçons qui ont plein de qualités mais qui ne sont pas en Ligue 1, mais heureusement, on a Bruno Genesio, un phénomène, Franck Haise, même Didier Digard, ce n’est pas parce qu’il est mal classé avec Le Havre qu’il n’est pas bon, mais je trouve que les présidents de clubs sont un peu durs avec eux. Pourtant, on a des grands entraîneurs en France. On est maltraités. On n’a rien à envier à personne. Je peux te citer 20 ou 30 entraîneurs qui peuvent aller en Ligue 1 à la place de certains. Je trouve aussi qu’il y a un manque total de respect de la part des entraîneurs étrangers de ne pas apprendre la langue; ça fait genre « Vous vous adapterez à moi, je n’ai pas à m’adapter à vous. » Alors que l’adaptation, c’est la plus belle qualité d’un entraîneur.

« Président un jour ? Pourquoi pas ! »

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Si vous ne deviez citer qu’un seul président ?
C’est impossible ! Même celui qui m’a viré ! Il y en a beaucoup que j’ai plus apprécié que d’autres, mais je ne peux pas tirer sur quelqu’un qui m’a donné à manger, qui m’a pris comme entraîneur, alors je ferais une réponse de Gascon : joker (rires) ! Un jour, René Charrier (ex-président de l’UNFP) m’a dit que je ferais un président extraordinaire, parce que je laisserais travailler l’entraîneur, parce que j’arriverais humainement à emmener tout le monde avec moi ! D’autres me l’ont dit aussi. J’ai répondu « faites moi une proposition, comme ça je prends ma retraite d’entraîneur (rires) ! » Président un jour ? On verra, pourquoi pas ? C’est vrai que j’ai des qualités humaines.

Des erreurs de casting dans votre parcours ?
Oh pauvre, j’en ai fait plein ! Je n’ai fait que des conneries, c’est pour ça que j’ai fini par devenir un bon entraîneur ! Mais avec le recul, je me dis que c’était nécessaire pour avoir la carrière que j’ai eue. Et puis, tu sais, une fois que j’ai fait une connerie, je ne la refais plus.

Un exemple de « connerie » ?
Un match capital pour la montée en National avec Dijon, en CFA, à Metz, contre la réserve (dernière journée de la saison 1998/99), et là, je veux réinventer le football, un peu comme ce qu’a fait Guardiola dans sa première finale de Ligue des Champions contre Chelsea. Je mets un milieu au poste de libero, des gauchers à droite, des droitiers à gauche, je fais une équipe à l’envers et je perds 4 à 2, et on ne monte pas… C’est Besançon qui monte. Et là, je me dis « Noël, la prochaine fois que tu as un match capital, tu mets chacun à son poste, tu n’inventes pas le football », et je ne l’ai plus jamais refait. Ce sont des défaites qui servent pour l’avenir.

De tous vos clubs entraînés, vraiment pas une seule erreur de casting ?
Non, aucune. J’ai toujours été content là où j’étais, et aujourd’hui je suis content d’être où je suis, à Thonon Evian Grand Genève, avec un président, Ravy Truchot, qui a des valeurs humaines incroyables, il a dit « C’est lui que je veux » en parlant de moi, et ça je ne l’ai pas souvent entendu dans ma carrière, mais quelques fois quand même, hein. Quand un président vous dit que vous avez toutes les valeurs humaines qui correspondent à ce qu’il veut mettre en place dans un club, alors là, on a envie de s’arracher.

« Je ne voulais pas être le fossoyeur de GOAL »

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La présence d’Olivier Chavanon, le directeur sportif de Thonon Evian GG, que vous avez connu joueur, a-t-elle joué dans la décision ?
Olivier, j’étais son entraîneur à Bourges, en D2, on a toujours gardé de très bons rapports pendant toutes ces années; personne ne le sait, mais Olivier a fait gagner des sommes d’argent monumentales à Clermont avec la vente des joueurs. Il connaît son boulot par coeur. Il est ultra-positif. Il m’a présenté à Ravy Truchot mais je pense que c’est le président qui m’a choisi, même si Olivier aussi. D’ailleurs, je devais venir au mois de juin dernier, mais il y a eu une question de timing, je crois que l’on s’est rappelé trop tard, et j’avais donné ma parole à Jocelyn Fontanel, le président de GOAL FC, qui est mon ami aussi. Donc quand Thonon Evian a décidé de ne pas continuer avec William Prunier, qui a fait du bon boulot d’ailleurs, Ravy Truchot m’a appelé à 6h du matin, et il m’a dit, « Voilà, c’était écrit, on va travailler ensemble, on ne l’a pas fait en juin, on va le faire maintenant ! ».

Pourquoi cela pas fonctionné à GOAL ?
Je pensais retrouver le club que j’avais quitté il y a 12 ans. Je pensais qu’il y avait beaucoup d’humanité. Je pensais que j’allais pouvoir mettre en place mes idées. Je pensais aussi qu’il y aurait l’équipe autour de l’équipe, une valeur qui m’est cher. J’ai accepté beaucoup de choses. Mais je ne pensais pas qu’on allait avoir autant de points retirés au classement, ni qu’on allait faire une grève, pour laquelle je n’étais pas pour d’ailleurs, et puis le reste… C’est comme ça, cela devait se faire comme ça… J’ai gardé de bons rapports avec le président et je leur souhaite de tout coeur de se maintenir, je suis content quand ils gagnent. Mais je suis beaucoup mieux où je suis, par rapport à tout ce que j’ai dit avant. Il y a des groupes, des clubs, qui vous correspondent, et celui-là, je pense qu’il me correspond un petit peu mieux et je correspond un petit peu mieux à ce club. Les résultats n’étaient pas catastrophiques à GOAL, sans attaquant. Après, je n’avais pas envie non plus d’être le fossoyeur de GOAL, donc j’ai préféré prendre du recul. Et puis, je n’ai pas été bon, je n’ai pas fait ce qu’il fallait à GOAL au moment où il fallait le faire, mais j’étais persuadé que c’était le même club qu’avant, et bien non : erreur de casting (rires).

« Je n’ai jamais eu peur de rien »

Photo GOAL FC

Petit flash-back : quand avez-vous su que vous vouliez devenir entraîneur ?
Très tôt. En classe, j’étais le délégué. Joueur, j’étais capitaine de mes équipes. J’étais gardien, un poste proche de l’entraîneur. Je suis passé entraîneur-joueur à 24 ans, à Orange, en D3. Ensuite, j’ai été le plus jeune entraîneur d’un centre de formation, le plus jeune entraîneur d’une équipe professionnelle à 28 ans, à Grenoble, il y en avait un autre, au Mans je crois, qui avait 29 ans (il cherche son nom). J’ai aussi été le premier entraîneur français aux Etats-Unis. En fait, je n’ai jamais eu peur de rien. Je suis allé partout où on m’a dit « Je t’aime », et je ne regrette rien. Je suis content d’avoir fait ce que j’ai fait.

Meilleur joueur entraîné ?
Oh là là, ce n’est pas simple ! Je ne peux pas en sortir un (rires) ! On joue à Sacramento contre les San Francisco Seals, en championnat. Je regarde l’échauffement de mes joueurs, mais je vois qu’il en manque un; là, il y a un ballon qui sort sur le côté, et (rires) je vais chercher le ballon, et je vois Antonio Sutton, un joueur qui a été international, en train de fumer du cannabis… Un pétard comme Bob Marley ! Avant un match ! Je lui ai dit « Ce n’est pas possible, allez, va à l’échauffement ». Il jette son pétard, il le piétine, il s’échauffe, il joue et il marque 3 buts… Depuis ce jour-là, je sais que le cannabis fait marquer des buts ! Je ne sais pas si c’est le meilleur joueur que j’ai entraîné, mais c’est le plus fou en tout cas (rires).

« Partir de Gueugnon m’a fait mal au coeur »

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Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Franchement ? J’ai eu des joies partout. Je suis quelqu’un qui ne regarde pas la couleur, qui ne regarde pas la religion, qui ne regarde pas l’orientation sexuelle, qui ne fait pas de politique. Un homme, c’est un homme. L’aspect humain passe d’abord.

Une décision difficile à prendre ?
Quand on est entraîneur, on a énormément de décisions difficiles à prendre. Mais il y en a une, quand même, qui m’a fait mal au coeur. C’est quand je suis parti de Gueugnon, un des meilleurs clubs de Ligue 2, à l’époque, pour aller dans un autre club de Ligue 2, à Créteil, parce que Créteil avait fusionné avec Saint-Maur Lusitanos, où j’avais déjà entraîné, le président, Mr Lopes, était le même.

Sur votre CV, on voit que certains clubs apparaissent plusieurs fois : étonnant, non ?
Je crois que j’ai entraîné huit clubs deux fois ! Mais à 80 %, c’était les mêmes présidents dans ces clubs, ça veut dire que j’avais laissé un bon souvenir, que j’avais fait du bon travail. Je suis fier de ça. J’ai fait des rencontres incroyables, comme le président Armand Lopes, aux Lusitanos de Saint-Maur, on a été champion de France de N2, Bernard Gnecchi à Dijon, un président d’exception. Ou mon président de Cherbourg, Gérard Gohel : si un joueur a un problème de plomberie, Gérard arrive avec sa caisse à outils et il répare ! Humainement, il est incroyable, il aime rire, et comme je suis un peu comédien à mes heures, je me régalais en lui racontant mes blagues. Cherbourg a été un bon moment de ma vie.

Cherbourg, justement, vous y êtes retourné en N3, il n’y pas longtemps (en 2019)…
On attendait un partenaire qui n’est pas venu, mais j’ai laissé le club en tête du championnat. Gérard n’arrivait pas à me payer et m’a dit « essaie de trouver quelque chose » et c’est là que je suis parti au Luxembourg, et après il y a eu la Covid.

« En situation de crise, j’excelle »

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La contrepartie de votre CV, c’est qu’avec tous ces clubs, toutes ces durées courtes, vous pouvez passer pour un mercenaire : vous en êtes conscient de cela ?
Pas un mercenaire, non. Mais un globe-trotter, oui. Je ne suis pas du tout un mercenaire, j’ai même entraîné gratuitement certaines fois, quand je le pouvais. Je n’ai pas du tout fait ça pour l’argent. Mais c’est souvent quelque chose que l’on me met sous le nez. Aux Etats-Unis, c’est différent, on dit « Il a entraîné dans plein de clubs, waouh, ça fait 35 ans qu’il est dans le métier, il a toujours trouvé un club, waouh », mais en France, on dit « Ah bah il a fait beaucoup de clubs », mais moi, je n’ai pas fait entraîneur d’un centre de formation où on peut rester en place pendant 5 ans ! Vous savez quelle est la durée de vie d’un coach pro ? C’est 18 mois. Je suis entraîneur professionnel, on me paie pour avoir des résultats. Des fois, il faut savoir partir, des fois il faut savoir rester. Les quelques rares entraîneurs qui durent plus que 18 mois, ce sont des phénomènes. Même Klopp, trois ans à Liverpool, il n’en pouvait plus, alors qu’il avait une équipe exceptionnelle. Quand on presse les joueurs sans cesse, qu’on a tout donné au bout d’un an ou 18 mois, alors il faut savoir partir. Quand je suis dans une mission sauvetage, une fois que c’est fini, qu’est ce que je vais bien pouvoir leur dire aux joueurs la saison suivante, après tout ce que je leur ai dit pour se sauver ? Voilà. Après, en situation de crise, je sais que j’excelle. C’est pour ça qu’on est souvent venu me chercher pour des missions de 6 mois ou un an. On a fait des one shot aussi parfois d’un ou deux ans pour monter. Je ne vois pas pourquoi je m’installerais 5 ans dans un club alors que je sais que ce n’est pas là que je serai le meilleur. Je suis plus performant sur des durées courtes. Et puis, ce n’est pas toujours de mon fait : parfois on vient me chercher, on m’appelle. Au Congo, on gagne le championnat, la coupe, et je pars… Après, je me dis « Qu’est ce que je vais faire d’autre ? ». Je n’ai rien à envier à personne. Je n’ai peur de rien. Je connais mon football. Et heureusement que j’ai foiré parfois, sinon je n’aurais pas réussi à gagner des matchs.

« Perdre un match, ce n’est pas dramatique »

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Qu’est-ce que vous pouvez apporter à une équipe comme Thonon Evian, dont les résultats étaient plutôt bons avant votre arrivée, début janvier ?
Le problème de Thonon, c’était un problème de fonctionnement qu était délicat et qui ne convenait pas aux dirigeants. C’est comme pour vous : vous épousez une femme et vous allez vous apercevoir au bout de trois semaines qu’elle ne veut pas faire l’amour avec vous, alors vous allez en changer (rires !). C’est un peu ça, ça ne correspondait pas à ce que le club recherchait. Pour l’instant, je n’ai que deux matchs à la tête de Thonon Evian, un nul et une défaite. Il va falloir ça pour prendre les bonnes décisions peut-être. Mais perdre un match, ce n’est pas dramatique. J’ai souvent perdu des matchs et ça m’a permis de trouver le solution. Moi je ne pleure jamais, j’ai des attaquants blessés, à GOAL aussi, j’avais perdu mes attaquants… Je sais que l’on aura des jour meilleurs. De toute façon, on sait que ça se jouera en mars/avril. Là, en trois semaines, on ne peut pas changer beaucoup de choses.

C’est quoi, votre style d’équipe, sachant que, forcément, quand vous arrivez en cours de saison dans un club, vous devez vous adaptez…
J’aime bien le jeu offensif, avoir beaucoup d’attaquants. J’aime bien quand ça centre. L’exemple aujourd’hui, c’est de dire qu’on adore le jeu de Liverpool, mais c’est trop facile; j’aime les équipes qui sont à la fois capables de faire de la conservation, du jeu direct, du pressing, où les milieux se projettent vers l’avant. Un jeu offensif et ambitieux, quoi ! Je préfère perdre 4 à 3 à domicile que perdre 1 à 0. Mais pour dire la vérité, parfois, quand il fallu sauver des équipes, on jouait à 10 derrière et on laissait traînait la malette à pharmacie (rires) !

« Mon spectacle, actuellement, c’est Thonon Evian ! »

Avec les Diables noirs de Brazzaville.

Le théâtre, le cinéma, les livres, vous continuez toujours ?
Non. Mais c’est vrai que j’ai ces passions pour le théâtre (il a joué dans des pièces) et l’écriture (il a écrit des romans). Parfois, dans le foot, il y a des gens dont le hobby est d’aller boire du chablis, de jouer au golf ou à la pétanque, moi c’est le théâtre et l’écriture. Mais je pense que cela m’a plus desservi qu’aidé. Même si j’ai appris plein de choses au théâtre, comme la maîtrise de la communication, parce que ce n’est pas facile d’être entraîneur professionnel : parfois on doit répondre à des questions difficiles, et d’avoir fait du théâtre m’a permis de jongler avec ça, d’avoir mon humour, ce bagou. Parfois, quelqu’un me dit « Bonjour » et moi je dis le reste hein (rires) ! Mais ça m’a permis d’avoir un équilibre psychologique, et je retrouvais les sensations que j’avais quand j’étais joueur, parce qu’il y avait un public, des réactions. J’aime aller voir des comédies, des drames, des opéras. J’aime tous les spectacles vivants. J’aime écrire aussi. J’ai écrit des pièces qui ont eu du succès et je peux te dire que faire rire en écrivant, ce n’est pas facile. J’aime m’amuser en dehors du foot (rires). Mais en France, un entraîneur de foot doit être un entraîneur de foot, pas un gars qui écrit des livres ou fait du théâtre… Je ne regrette rien. Je suis heureux. J’ai eu des joies incroyables au football et j’en aurai encore. J’ai eu des joies incroyables au théâtre. Peut-être que je remonterai un jour sur les planches, mais pour le moment, mon spectacle, c’est Thonon Evian Grand Genève (rires) !

Seriez-vous capable de me citer, maintenant, dans l’ordre chronologique, et sans tricher, tous les clubs dans lesquels vous avez exercé ?
Je peux prendre une feuille et un stylo ? Alors (il écrit), SC Orange, entraîneur-joueur, en D3, AST Deauville… FC Grenoble… Non, je n’y arriverai pas, il y a quand même 40 ans de métier. Et oui Anthony !

  • La fameuse question subsidiaire
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Meilleur souvenir d’entraîneur de votre carrière ?
J’espère qu’il n’est pas encore arrivé. Alors si, j’en ai des merveilleux, bien sûr. J’en ai un qui est fabuleux. C’est long à raconter : je viens de faire une belle saison en Ligue 2, et je pense que je vais avoir un gros club de Ligue 2 ou peut-être un club de Ligue 1, alors j’attends pour signer. Je me retrouve sans rien et quand je me réveille, je n’ai pas non plus de clubs de National ou CFA car tout le monde a repris. Je reçois un coup de fil, je crois comprendre que l’on me dit « C’est Maurice et Annie », alors qu’en fait, c’est la Mauritanie, vous avez entraîné Ahmed Dabo, et il dit que vous êtes le meilleur entraîneur qu’il n’a jamais eu ! Et là il me demande « Est-ce que vous seriez susceptible de venir entraîner en Afrique ? » Je dis « Pourquoi pas », et je pars en Mauritanie sans trop savoir où c’est, je fais 5 heures d’avion, là-bas je suis reçu comme un Milord, on discute, on se met d’accord, et je rentre en France. Et là, je vois que la Mauritanie est 188e mondiale ! 188e ! Derrière, il y avait juste le Liechtenstein, le Vatican et San Marin. Je me suis demandé ce que je venais de faire… Bon, finalement, je me dit, c’est une première expérience de sélectionneur national, de DTN, et je fonce ! J’essaie de faire une sélection, je trouve 20 joueurs valables, mais je n’arrive pas à bien voir le niveau, et Amara Traoré, qui entraîne Saint-Louis, au Sénégal, on fait un match amical, mais de manière informelle, on joue contre une D2 sénégalaise et on perd 6 à 0 (rires). Là, je me dit « Ouh la la ». Et par hasard, pendant une séance de l’équipe nationale, le ministre des Sports de la Mauritanie vient me voir, et m’amène un cabri, pour tout le travail que je fais. Je lui dit « Mettez-le sur le banc, pas comme remplaçant, mais parce que je suis à l’entraînement ! » Et là, il me dit qu’il a un neveu qui joue très bien au foot. Poliment, je lui réponds que pour le moment, je ne peux pas le prendre, que je le prendrai à la prochaine sélection, et je vois son neveu qui sort de la voiture, déjà habillé dans la même tenue que les joueurs de la sélection ! Je le prends, il n’est pas plus mauvais que les autres, même un peu meilleur. Je le garde dans le groupe. Le ministre est content, et il me vient une idée. Il y a eu le tirage du tour préliminaire de la coupe du Monde, Mauritanie-Zimbabwe, 45e nation mondiale. Je dis au ministre qu’il faudrait apporter un peu de professionnalisme à cette équipe, et je lui demande qu’il me fasse onze passeports mauritaniens. A l’époque, il n’y avait pas de loi. On pouvait faire ce que l’on voulait, par exemple, au Togo, ils avaient cinq Brésiliens. Je me suis servi de ce vide juridique pour faire venir 11 joueurs que j’avais entraîné en Ligue 2. Cela a fait un tollé général, je me suis fait traiter de tous les noms, et depuis ce jour-là, une loi oblige un joueur à rester au moins deux ans dans un même pays avant qu’il puisse le représenter. Et là, je n’avais plus la même équipe, et j’avais des joueurs que je connaissais, qui étaient habitués à ma façon de fonctionner, donc j’en mets 7 ou 8, je garde deux ou trois très bons Mauritaniens, et on reçoit le Zimbabwe et au bout de 17 minutes, on mène 3 à 0. Le président de la Fédération Zimbabwéenne descend des tribunes, vire son sélectionneur et se met sur le banc ! Incroyable ! En plus c’était une grosse équipe ! J’avais des joueurs comme Mohamed Benyachou (Nîmes), Ahmed Dabo bien sûr, Antonio Tavares (St-Maur), un Portugais, un mauritanien blanc et citoyen du monde. Tout le monde pleurait à la fin du match, je ne comprenais pas pourquoi, et le président me dit, « Noël, cela fait 14 ans que l’on n’a pas gagné un match ! ». A partir de là, j’ai crée deux académies de jeunes de 17-20 ans, avec les meilleurs jeunes mauritaniens, afin de les faire jouer dans le championnat mauritanien. La Mauritanie est ensuite passée de la 188e place à la 73e, elle a fait la Coupe d’Afrique des Nations, c’était inimaginable avant. J’ai pleuré moi aussi. Je crois que c’est un des plus grands moments de l’histoire de la Mauritanie. Des anecdotes comme ça, j’en ai à la pelle ! Je peux en raconter des centaines !

On veut bien le croire…

  • Le parcours d’entraîneur de Noel Tosi

1984 : Sacramento (Etats-Unis)
1985-1986 : Orange (D3)
1986-1988 : AS Trouville-Deauville (D4, DH)
1988-1992 : FC Grenoble (D3 et D2)
1992-1993 : FC Bourges (D2, adjoint d’Alain Michel)
1993-1994 : Amicale de Lucé (N3)
1994-1995 : SCO Avignon (DH)
1995-1996 : Nîmes Olympique (directeur du centre de formation)
1996-1997 : Stade Quimpérois (National)
1997-1998 : Montauban FC (N2)
1998-1999 : Dijon FCO (N2)
1999-2001 : Saint-Maur (N2, accession en National)
2001-2002 : FC Gueugnon (Ligue 2)
2002-2003 : US Créteil-Lusitanos (Ligue 2)
2003-2004 : Mauritanie (sélectionneur)
2004 : Angers SCO (Ligue 2)
2004 : RC Paris (National)
2004-2005 : Angers SCO (Ligue 2)
2006-2007 : Congo (sélectionneur)
2007-2009 : AS Cherbourg (National)
2009-2010 : Dijon FCO (directeur technique)
2010-2011 : Nîmes Olympique (Ligue 2)
2012 : JS Saint-Pierroise (La Réunion)
2012-2013 : AC Arles-Avignon (Ligue 2, adjoint de Franck Dumas puis entraîneur numéro 1)
2014 : US Le Pontet (N2)
2014-2016 : Monts d’Or Azergues Chasselay (N2)
2017 : FC Mulhouse (N2)
2018/2019 : Wydad Athletic Club Casablanca (D1 Maroc, manager général)
2019-2020 : AS Cherbourg (N3)
2020 : Jeunesse d’Esch (D1 Luxembourg)
2020/21 : FC Balagne (DH, manager général)
2022 : Africa Sports d’Abidjan (D1, Côte d’Ivoire)
2023 : Diables noirs de Brazzaville (D1, Congo)
2024 : GOAL FC (N2)
Depuis Janvier 2025 : Thonon Évian Grand Genève FC (N3)

  • Son parcours de joueur :

Gardien de but à Carpentras (DH), Avignon (D2), au Gazélec Ajaccio (D2), à l’US Bénédictins (La Réunion) et à Orange (D3).

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Thonon Evian Grand Genève

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Le leader de la poule B semble filer tout droit vers le National mais la concurrence est rude avec un avion de chasse lancé à ses trousses, Bordeaux. Et si c’était la bonne année pour l’USSM ? Entretiens avec Gwen Corbin, le coach, et Fabrice Rolland, le DG.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech

Les Malouins ont terminé l’année 2024 avec un bilan de 32 points en 14 matchs (9 victoires et 5 nuls). Photo Philippe Le Brech

(Reportage réalisé avant la défaite, la première en championnat, face au Stade Briochin à Marville, 1-2). Et à la fin, s’il ne reste qu’un seul club invaincu dans les cinq premières divisions françaises, ce sera peut-être l’US Saint-Malo ! Pour l’heure, les Malouins partagent ce « titre » symbolique, honorifique, avec le PSG (!) et Rousset, un club de National 3 situé à côté d’Aix-en-Provence (Rousset s’est incliné pour la première fois de la saison ce samedi 18 janvier, 3-2 à Alès). Jusqu’à la semaine dernière, ils étaient quatre. C’était avant que le FC Fleury 91 (N2) ne s’incline à domicile face au FC 93.

Rester invaincue, l’USSM se doute bien que cela sera compliqué, mais l’essentiel est ailleurs : 2e de N2 la saison passée derrière l’ogre Boulonnais, 5e il y a 2 ans, l’équipe entraînée par le « régional » Gwenaël Corbin, arrivé en février 2022 après 21 ans passés à la tête du FC Guichen (prononcez « Guichain »), au sud de Rennes, est sur une phase de progression dont la finalité logique serait d’accéder, pour la première fois de son histoire, en National.

A Blois, juste avant Noël, sur un terrain « difficile », les Bretons ont été menés au score mais ont su puiser dans leurs réserves pour égaliser, et partir en vacances sur une bonne note, bien installés en tête de la poule, avec 32 points en 14 matchs (2,3 points par match), avec 7 points d’avance sur Saint-Pryvé / Saint-Hilaire et 8 sur Bordeaux*. La fusée a décollé !

*Battue à domicile samedi 18 janvier par Saint-Brieuc, l’USSM compte désormais 5 points d’avance sur les Girondins, vainqueurs dans le même temps 2 à 0 face au Poiré.

Le stade de Marville de Saint-Malo, à l’Anglaise ! Photo Philippe Le Brech

La semaine dernière, le premier de leur deux matchs d’affilée à domicile, face à leur dauphin, a été reporté, la faute aux conditions météorologiques (le match contre St-Pryvé aura lieu samedi 1er février à 18h). Du coup, ce samedi, à 18h, ils recevront une équipe de Saint-Brieuc qui se présentera au stade de Marville avec le désavantage d’avoir livré une bataille mercredi en 16e de finale de coupe de France contre Annecy (qualification pour les 8es de finale aux tirs au but !). Forcément, la fraîcheur sera un élément à prendre en considération face à l’adversaire qui les avait éliminés de la coupe, au 8e tour, aux tirs au but.

Souvent placé, jamais gagnant, Saint-Malo veut capitaliser sur des années passées à construire et structurer. Et si demain le National arrive, le club sera prêt. Il veut aussi en finir avec cette réputation liée au contexte : parce qu’ici, la vie sur la Côte d’Emeraude est, comment dire, paisible. Propice au farniente, à la flânerie et à la rêverie. Saint-Malo, ville corsaire et historique, c’est le tourisme, les remparts, les balades intra-muros dans la citadelle, la mer, un panorama à couper le souffle… De quoi se « laisser vivre ». « Mais heureusement, à Saint-Malo, on travaille aussi beaucoup, coupe d’emblée Fabrice Rolland ». Le directeur général du club, arrivé en 2017, veut en finir avec ces raccourcis : le joueur ne vient pas ici en « vacances » ou en « touriste » !

Pour 13heuresfoot, « Gwen » Corbin et Fabrice Rolland se sont exprimés avant le premier match officiel de l’année 2025 contre Saint-Brieuc.

Fabrice Rolland : « Un club, c’est une histoire d’hommes »

Fabrice Rolland, le directeur général du club. Photo Bernard Morvan.

Directeur général depuis 5 ans mais présent au club depuis bientôt 8, où il est arrivé au poste de directeur administratif et financier, Fabrice Rolland (52 ans) a eu une vie avant le foot, même s’il était déjà dirigeant d’un club amateur entre Grenoble et Valence, à l’US Chattoise, à côté de Saint-Marcellin, en Isère, le département dont il est originaire. « Je connaissais les rouages du foot même si ce n’était pas au même niveau qu’à Saint-Malo, déroule-t-il; j’ai un parcours de chef d’entreprise, plutôt manager d’entreprise – Il a été directeur d’un centre de profit en services aux entreprises de 200 salariés sur 3 départements, et aussi directeur et gérant d’une société de sous-traitance industrielle de 40 salariés –, mais cet amour du football m’a guidé ».

« Un choix de vie »

Son arrivée à Saint-Malo ? « Un choix de vie ». Un choix de… seconde vie même. « Pour des questions personnelles et de souhait. Je voulais mêler expérience de management d’entreprise avec ma passion et ma connaissance du foot. Avant, j’étais dans un grand groupe national, dans les métiers de service, puis je suis retourné à la faculté de Lyon à l’âge de 43 ans pour y passer une licence de management des organisations sportives. Je me suis retrouvé avec quelques personnes comme moi, en reconversion, et avec des jeunes étudiants. Mais je n’étais pas en quête d’un diplôme : ma présence sur les bancs de la fac avait un sens. J’étais en quête de rencontres, de réseau, de concepts, d’outils, de connaissances. Je venais de perdre mes deux parents, c’était un cheminement personnel, intime même. Vous savez, la vie est constituée d’étapes. Là, cela a été une sorte de révélation avec une motivation très forte de ma part. »

« Se confronter aux enjeux du foot »

Contre les Girondins de Bordeaux, l’USSM avait été tenue en échec 1-1 à Marville en novembre dernier. Photo Philippe Le Brech

Ce goût pour le management, les organisations sportives, le développement et la structuration, il veut le mettre au service d’un club de football. « J’avais une attirance pour ce domaine-là. Je voulais me confronter à tous les enjeux du foot. L’année en fac a été riche. La finalité, c’était de savoir ce que j’allais faire de cette licence. J’avais développé une activité de conseil auprès des organisations sportives, sur la région Rhône-Alpes, avec l’objectif d’intégrer un club de foot en tant que salarié, de participer à un projet de niveau « national », dans un club qui avait de l’ambition, qui était déjà structuré, avec à sa tête des dirigeants sérieux, solides, chefs d’entreprises. Ce portrait-robot que j’avais dressé, je l’ai retrouvé dans l’annonce que j’ai découverte quand Saint-Malo s’est mis à la recherche d’un DAF ». Et voilà comment Fabrice Rolland s’est retrouvé en Ile-et-Vilaine, à près de 1000 kilomètres de chez lui ! « L’USSM cochait beaucoup de cases. J’ai postulé. Et j’ai mis les pieds pour la première fois à Saint-Malo en février 2017 ! Cela va faire 8 ans. »

Fabrice, comment décrirais-tu le club, en quelques mots ?
L’USSM compte un peu moins de 500 licenciés, avec deux équipes Elite, la N2 chez les garçons et la Seconde Ligue chez les filles. Il s’appuie sur un double projet masculin-féminin. Le club a 30 ans de présence dans le foot féminin et un véritable ADN pour ça. C’est un club qui se structure, qui poursuit son développement et sa professionnalisation. On a 54 contrats de travail dont 18 pour le staff administratif et la staff sportif, sachant que le staff sportif, c’est 14 salariés pour la N2, la Seconde Ligue et la formation. On a une structure assez légère sur la fonction support, avec un alternant en plus. On a investi sur la formation afin de tendre vers un projet pro, vers un meilleur niveau sportif chez les jeunes où, pour l’heure, nos équipes évoluent au niveau Régional. L’objectif est de les former pour les emmener ensuite vers l’équipe réserve, actuellement en tête de sa poule en Régional 1. La réserve, championne de son groupe en R1 la saison passée, est composée à 60 % de jeunes formés au club; le reste provient d’un recrutement plutôt régional. Chez les féminines, notre réserve est aussi en R1. »

« Ici, il y a une attente »

Une équipe N2 chez les garçons, une autre en Seconde Ligue chez les filles : vous avez peu d’équivalents en France…
Il y a aussi le FC Fleury 93, avec les garçons en N2 mais les féminines sont en D1 Arkema. Nous, on arrive juste derrière. Sans oublier Thonon-Evian, même si les garçons sont descendus en N3. C’est du haut niveau dans sa globalité d’offre.

Le milieu de terrain Alexandre Leroyer. Photo Philippe Le Brech

Comment se passe la cohabitation filles/garçons ?
L’acceptation voire l’adhésion du football féminin ne va jamais de soi. Ce n’est jamais évident. On a beaucoup travaillé là-dessus et progressé en interne. Il faut dire aussi que tout se passe sur un même lieu et ça, c’est très positif et propice à l’ouverture vers le foot féminin. Tout le monde se croise, les gens, les staffs, les joueurs et les joueuses se parlent, échangent… Le projet féminin a du coup gagné en légitimité de par cette proximité. Le risque, dans nos structures, est de penser que l’un joue contre l’autre, que l’un va au détriment de l’autre : parfois, c’est des questions que l’on a pu avoir. On a essayé de lever ces doutes-là, avec une approche budgétaire analytique. On a développé le modèle économique féminin pour que les deux budgets soient indépendants, pour que l’un ne pèse pas sur l’autre. Cela a aidé à favoriser une cohabitation saine, à favoriser les passerelles, même si je pense qu’il faut toujours faire un peu plus. On voit bien aujourd’hui que dans certains projets professionnels, quand des difficultés économiques se présentent, la variable peut vite devenir le foot féminin. Mais notre lieu unique a certaines limites, comme comme le manque de terrains ou de disponibilités.

Récemment, un classement a montré que l’USSM était, avec 1500 spectateurs de moyenne, la 2e affluence de National 2 derrière Bordeaux…
A Saint-Malo, il y a une attente. On a un vrai stade de foot, qui a une âme, avec une belle atmosphère. On a un public qui est fidèle, familial, qui peut certes manquer de ferveur dans les encouragements, avec des spectateurs plutôt que des supporters, mais au fond d’eux, ils ont cette vraie passion pour leur club. C’est juste qu’ici, les gens l’expriment moins. Cela tient du fait de la sociologie de la ville, de l’environnement propre au territoire. On est vraiment sur une terre de football, il y a une vraie passion qui est plus de l’ordre de l’intime, avec une vraie fidélité, un public qui s’élargit au gré des rendez-vous, comme contre Dinan-Léhon, le derby qui attire beaucoup de monde, ou alors la venue de Bordeaux, qui va plus s’apparenter à un public de coupe de France, comme on l’a vu (2500 contre les Girondins en novembre dernier). On a une croissance de notre audience due aussi à nos résultats – le succès attire le succès -, ce qui permet de gagner 10 ou 20 % de public. On a vu un public un peu plus jeune contre Avranches aussi, la tribune a fait un peu plus de bruit. Et puis, il y a ce que dégage l’équipe, une vraie solidarité, un vrai engagement, une vraie force collective, tout ça combiné à du jeu… Parce qu’ici, les gens aiment voir du foot un peu léché mais avec de l’engagement. Cela correspond aux valeurs d’une ville portuaire, où il y a une vraie identité, une vraie histoire. Les gens peuvent se reconnaître dans cette équipe, dans ces mecs qui donnent sur le terrain.

« Notre engagement pour le foot féminin est fort »

L’équipe féminine de Seconde Ligue de l’USSM. Photo Philippe Le Brech

Et l’affluence chez les filles ?
C’est plus difficile, on fait 100 ou 200 personnes quand on en fait 1300 ou 1400 chez les garçons. Pourtant, on essaie de promouvoir les matchs mais on pâtit d’un programme assez aléatoire, on joue le dimanche, parfois à midi, parfois à 13 h ou 14 h 30, on s’adapte aux demandes adverses pour des questions de logistique (transports), ce sont d’ailleurs des demandes que nous faisons également quand on se déplace. Il n y a pas de rendez-vous clé comme en National ou en N2, et puis, je le disais, il faut faire plus. On a 27 % de nos licenciés qui sont des féminines et on approche les 25 % de budget, donc le poids et l’engagement du foot féminin à l’USSM est fort, alors que dans les clubs pros, même si les échelles de grandeur ne sont pas les mêmes, c’est plutôt de l’ordre de 1 à 3 %.

Justement, quel est le budget de fonctionnement du club ?
Il est de 2,9 millions d’euros cette année. On a dû aller chercher 300 000 euros de budget supplémentaire afin d’accéder en Seconde Ligue féminine et au regard des contraintes du cahier des charges, qui sont fortes : on a notamment triplé notre budget déplacement sur la Seconde Ligue.

Est-ce que tu as un modèle de club ?
J’aime bien m’inspirer, regarder ce qui se fait ailleurs, mais transposer des modèles, c’est difficile, parce qu’un club, c’est une histoire d’hommes et de contexte. Notre quête, c’est de créer notre propre modèle, sans fausse modestie mal placée. C’est pour cela que l’on travaille à structurer le club qui, je le rappelle, est porté dans son budget à 75 % par 220 partenaires privés, ce qui est énorme. Et puis, il ne faut pas oublier que ce club est aussi porté par deux hommes qui sont arrivés il y a 18 ans, Roland Beaumanoir, le président d’honneur, et Yves Fantou, le président du conseil d’administration. Les bases sont là. Le budget, porté par un tissu économique qui nous permet d’avancer dans notre projet, est en progression d’année en année. C’est pensé et réfléchi.

« On est focus sur les 16 dernières étapes »

Ne pas monter en National en fin de saison serait un échec ?
Je ne veux pas envisager ce scénario-là, parce qu’on travaille pour ça. Idem pour la défaite, que l’on essaie de sortir de notre logiciel : on l’a vu à Blois avant Noël, où les gars sont allés chercher le match nul dans des conditions difficiles, sur un terrain difficile. On est invaincu, c’est une très bonne chose. Mais on a une concurrence particulière cette année avec l’arrivée dans notre poule d’un club exceptionnel, Bordeaux. On a fait une première partie de saison exceptionnelle et très forte en termes de ratio points / match (2,30). On sait que tenir toute la saison sera difficile mais c’est notre objectif, il reste 16 étapes, on est focus là-dessus.

Le milieu de terrain Sofiane Barroug. Photo Philippe Le Brech

On voit bien que la progression est constante depuis l’arrivée de Gwen Corbin, en février 2022 : est-ce à dire qu’il y a eu des erreurs de casting avec les coachs précédents, on pense à Grégory Poirier et Fabien Pujo ?
L’élément de contexte est toujours très important pour comprendre une réussite ou une non réussite. C’est valable pour un joueur aussi. C’est une question de temporalité, de lieu, d’hommes, d’environnement… Pour en revenir aux expériences de Greg et de Fabien, on a bien vu que ces garçons-là ont réussi ailleurs, à d’autres moments, dans d’autres contextes. Il y a eu des éléments qui ont mal été appréhendés, par nous. Mais c’est plus complexe qu’une erreur de casting. Est-ce que c’était le bon moment, le bon contexte, la bonne approche, les bonnes décisions pour accompagner leur arrivée ? Il faut analyser en interne ces choses-là, prendre du recul. Mais au-delà des coachs, il y a eu aussi un recrutement de joueurs qui a été beaucoup plus large, un gros renouvellement d’effectif, ça aussi, ce sont des éléments de contexte, et quand l’alchimie ne se créé pas, les choses deviennent beaucoup plus difficiles. Et dans ces moments-là, peut-être que l’approche culturelle peut avoir son incidence. C’est multi-factoriels. La Covid est arrivée quand Greg était là, donc l’expérience n’a pas été aboutie. Et avec Fabien, il y a eu beaucoup de personnes aussi qui sont arrivées d’horizons divers, de renouvellement d’effectif. L’alchimie a aussi été très dure à obtenir et là, l’élément de connaissance de l’environnement, que cela soient les suiveurs, le public, les partenaires, les dirigeants, et bien tout cela fait que quand on a moins d’histoire commune, cela peut être plus difficile dans les moments tendus.

« Etre bien dans un environnement est facteur de performance »

Toi aussi, à titre personnel, tu as rencontré des difficultés d’adaptation ?
J’ai eu une adaptation très facile. On est dans un environnement très sain, avec des hommes à la tête du club qui m’ont très rapidement accordé leur confiance et donné de l’autonomie au quotidien, c’est facilitateur. Et puis il y a une qualité de vie appréciable à Saint-Malo.

L’attaquant Raphaël Gerbeaud. Photo Philippe Le Brech

Justement, cette qualité de vie n’a-t-elle pas été un frein aux ambitions du club ?
C’est vrai que cela pose parfois des interrogations, parce que la qualité de vie de vie ici est telle que l’on peut penser qu’il y a un risque de tranquillité. Moi je pense justement qu’être bien dans un environnement est un facteur de performance. Quand on est joueur, qu’on est en couple, que l’on a déjà une petite famille, arriver à Saint-Malo est un facteur favorisant la performance, même s’il y a d’autres leviers à aller chercher par rapport à d’autres environnements « plus durs »; à Saint-Malo, l’environnement est différent : il faut aller chercher la motivation. Mais être dans un club sain, structuré, où les gens sont solides, y compris quand on joue le maintien en N2 à la dernière journée comme il y a 3 ans, c’est un plus.

Cette solidité et cet environnement doivent être un facteur de réussite et de performance collective, de développement du club pour porter le projet que l’USSM mérite. A Saint-Malo, il y a une forme de citoyenneté qui se perd ailleurs, dans la société. C’est un environnement propice et sain. C’est comme ça que je le ressens. Quand on recrute, il faut tenir compte du contexte. Il y a vraiment des éléments multi-factoriels qui viennent conditionner la durée ou la réussite ou non d’un projet.

Ces éléments, vous les avez pris en compte au moment de choisi Gwen Corbin en février en 2022 ?
Son arrivée a aussi été un choix de revenir à des fondamentaux, de s’appuyer sur quelqu’un qui connaît bien l’environnement régional, qui a une fraîcheur dans ce milieu, parce qu’il a tout fait et tout construit, patiemment, à Guichen, où il a surperformé. Son engagement est total, et ça, on le trouve moins chez certains profils. Etre rattaché au territoire, à l’identité et à la connaissance de l’environnement, c’est un des facteurs de performance.

Gwenaël Corbin :

« Maintenant, il va falloir surperformer ! »

Gwenaël Corbin a passé 21 ans au FC Guichen, près de Rennes, avant d’arriver en février 2022 à Saint-Malo. Photo Philippe Le Brech

Au stade de Marville, tout le monde l’appelle « Gwen ». « Même moi, j’ai l’impression de m’appeler Gwen ! Et quand on m’appelle Gwenaël, ça me fait bizarre » plaisante l’entraîneur malouin (50 ans), arrivé à l’USSM en février 2022 pour une opération maintien.

Le parcours du natif de Granville, dans la Manche, est assez simple : il joue jusqu’à l’âge de 14 ans dans le club de sa ville puis part au centre de formation de Rennes, qu’il ne quittera plus : « Je me sens plus Rennais que Granvillais. D’ailleurs, j’habite toujours à Rennes ».
Au Stade Rennais, le numéro 8 est aspirant, stagiaire-pro puis pro : « Je suis resté jusqu’à l’âge de 21 ans, avec une deuxième partie de saison en 1994-95 et une autre en 1995-96 comme pro. J’ai eu Yves Colleu, un très bon formateur, Patrick Rampillon, le directeur du centre, ou Michel Le Milinaire. A 17 ans, je faisais mes premiers matchs en réserve, en Division 3 à l’époque. »

Titulaire à une seule reprise en Division 1, à La Meinau, contre Strasbourg, en août 1995 (défaite 3-1), aux côtés de Wiltord, Carteron, Ziani ou encore Cyprien, ils quitte le club breton en 1996 pour Angoulême, en National. Mais des blessures à répétition mettent prématurément un terme à sa courte carrière, laquelle se dessine rapidement du côté des bancs de touche. « A Angoulême, j’arrêtais, je reprenais, je me refaisais mal… J’ai dû arrêter. »
Il tente une dernière expérience en CFA, à Pontivy, où il rejoint un pote croisé au centre à Rennes, Gilles Séro : « J’ai essayé de reprendre là-bas, mais je n’ai pas joué, ou très peu ».

Le magicien du FC Guichen, où il a passé 21 saisons, s’est confié sur ses presque trois ans à la tête de l’équipe de National 2 de l’USSM, qu’il avait rejoint en cours de saison, en février 2022, en remplacement de Fabien Pujo. Les « Diables noirs » étaient alors en grosse difficulté dans leur championnat – premier relégable – et ne s’étaient maintenus qu’à l’ultime journée. Depuis, le club surfe sur la vague des bons résultats (5e en 2023, 2e en 2024, 1er à la trêve cette saison). Entretien avec un grand bavard qui, étonnamment, avoue ne pas avoir une grande confiance en lui…

Gwenaël Corbin, sous le maillot du Stade Rennais. Photo Philippe Le Brech

Gwen, un seul match en D1 : que vous a-t-il manqué pour faire une carrière pro ?
Sur la fin à Rennes, j’ai eu un gros problème au nerf sciatique, qui a duré 2 ans. C’est une des raisons. De toute façon, je pense que je serais arrivé à maturité sur le tard, comme disaient mes entraîneurs, car je n’avais pas une grosse confiance en moi même si j’avais des qualités. J’ai signé à Angoulême en National à 21 ans mais je me suis claqué sept fois car mon nerf s’est aggravé, j ‘ai arrêté deux ans, j’ai vu des dizaines de médecins et spécialistes, je l’ai vécu comme un deuil, parce que j’étais passionné de foot, je ne pouvais pas faire un footing, rien. Passer de quasiment dix séances par semaine à ne plus pouvoir faire du sport, ni même conduire, ou alors en mettant la jambe gauche sur la pédale d’accélérateur plutôt que la jambe droite parce que la douleur est là… c’est difficile. Mais ça m’a forgé mentalement et ça me sert encore aujourd’hui, dans les moments difficiles. Cela a été dur aussi au niveau psychologique parce que quand on fait du sport, on sécrète des hormones, et là, mon corps me réclamait quelque chose que je ne pouvais pas lui donner, et ça me rendait dingue.

C’est pour ça que, très tôt, vous avez passé vos diplômes pour devenir entraîneur…
Oui. Parce que j’ai compris que jouer au foot serait derrière moi. C’est juste dommage car je n’ai pas pu profiter de tout ce que j’ai appris pendant mes années de formation. Après, je ne sais pas quelle carrière j’aurais fait. J’avais des qualités techniques, des qualités de perception de lecture du jeu aussi mais peut-être que j’aurais été freiné sur le plan athlétique. Mais comme ma passion, c’est le foot, dans ma tête, c’était clair : j’avais une appétence pour le coaching. Quand j’étais jeune, les coachs s’appuyaient déjà sur moi pour faire le relais et moi, j’avais ce regard sur les séances, j’essayais de percevoir où les entraîneurs voulaient en venir, comment ils les emmenaient à réussir les exercices… En fait, j’avais cette envie de transmettre.

Imprégné du Stade Rennais

Gwenaël Corbin, le coach. Photo Philippe Le Brech

Malouin d’adoption et Rennais de coeur ?
Rennais d’adoption ! Le Stade Rennais est mon club de coeur, quasiment le seul que j’ai vraiment connu, donc évidemment je le suis depuis une trentaine d’année. Mon épouse est Rennaise, je l’ai rencontrée quand j’avais 17 ans. Je me sens complètement rennais, je regarde les matchs, j’en rate très peu, et dès que je peux, je vais au Stade, je connais toute l’histoire du club depuis 1988, quand j’y suis arrivé !

Du coup, les coachs côtoyés, notamment au Stade Rennais, sont source d’inspiration…
Inconsciemment, ce sont des choses qui restent, c’est évident, j’ai été imprégné. J’ai pris le coté joueur de Colleu, la proximité et la façon qu’il avait de parler à ses joueurs. J’ai pris aussi de l’exigence de Rampillon, j’en ai laissé aussi (rires) ! Mais on doit aussi rester soi-même et c’est pour ça que je me documente, que je m’informe. Il faut garder son naturel même s’il y a des choses à prendre partout. De la à dire que j’ai fait un copier-coller des coachs que j’ai eus, non.

Clément Milon, le gardien. Photo Philippe Le Brech

Avant votre arrivée à Saint-Malo, vous avez passé 21 ans au FC Guichen. 21 ans, c’est rare…
En fait, quand j’ai arrêté de jouer pour passer mes diplômes, j’ai eu la possibilité d’intégrer le centre de formation de Rennes comme éducateur, même si je souhaitais plutôt prendre un club où il n’y avait pas grand-chose afin d’en faire quelque chose. Je voulais construire, avoir un peu les mains libres : à 25 ans, Patrick Medjo, avec qui je passais mes diplômes, me dit que Guichen cherche quelqu’un, et c’est parti comme ça !

A votre arrivée au FC Guichen, vous n’avez pas immédiatement pris en charge les seniors…
Non, je faisais deux séances U11, deux séances U13, etc. J’ai vraiment commencé par la base. J’ai pris les seniors en 2003-2004. Quand je suis arrivé, en 2001, le club était au niveau équivalent du Régional 3 aujourd’hui, on est allé deux fois jusqu’en CFA2 (N3).

« A Guichen, je me suis peut-être un peu sacrifié »

21 ans, tout de même, c’est long. N’avez-vous jamais songé à partir ?
Je me suis posé plusieurs fois la question. On me disait souvent « c’est dommage, tu as des qualités pour entraîner au-dessus »… Bon, moi, je ne suis pas quelqu’un qui a une grande confiance en lui. Entraîneur, il ne faut pas croire, ce n’est pas toujours facile. Donc j’ai toujours privilégié l’aspect familial, voilà. C’était mon choix. Je me suis peut-être un peu « sacrifié », et encore, ce mot est un peu fort, mais je ne voulais pas que le foot devienne une priorité, parce que je connais le fonctionnement de ce milieu. Cela m’a peut-être couté un poste ailleurs, même si j’avais quand même identifié quelques clubs pas trop loin de Rennes, susceptibles de m’intéresser. Il y en avait très peu.

A Guichen, c’était la galère à chaque fois qu’on est monté en N3; par exemple, j’avais 100 euros à donner aux joueurs… Il fallait que j’arrive à les convaincre, à les faire progresser. Je m’étais toujours dit que si je devais changer de club, ce serait pour éviter la galère si on devait être amené à monter. C’est pour ça que Saint-Malo m’intéressait. C’est un très bon club, structuré, à travers les gens qui sont en place et qui, je pense, peut évoluer et accompagner un projet.

A votre avis, pourquoi Saint-Malo a pensé à vous en 2022, quand ça allait mal ?
Il faudrait poser la question aux dirigeants (rires) ! Quand je suis arrivé le 15 février 2022, le club était dans une situation sportive extrêmement compliqué, l’ambiance était particulière, tous les joueurs ne s’appréciaient pas forcément, il y avait eu des erreurs de casting.

« Le club a dû faire des choix humains pas simples »

Le milieu de terrain Lucas Daury. Photo Philippe Le Brech

Vos deux prédécesseurs n’étaient pas des « régionaux » : vous pensez que cela a joué dans leur intégration ?
Fabien (Pujo) venait du sud de la France, Grégory (Poirier) aussi. Après eux, le club avait peut-être besoin de retrouver quelqu’un du sérail, de la région, qui allait essayer de ramener un peu de sérénité là-dedans. Il devait y avoir un peu de ça. Parce que je sais que les staffs précédents avaient subi quelques critiques, et pourtant, on sait très bien que Fabien et Greg sont deux très bons entraîneurs, la preuve aujourd’hui. Mais l’environnement n’est pas simple à appréhender à Saint-Malo. C’est un club avec 220 partenaires privés, c’est énorme, dont des entreprises très importantes.

Il y a une section féminine aussi, avec des choix de clubs à faire, des gens qui sont pour le foot masculin, d’autres pour le foot féminin. Cela fait 13 ans que le club est en N2, il y a eu une attente, peut-être qu’il y a eu des erreurs de communication, qu’on est passé pour un club très ambitieux, parce que parfois on a parlé trop haut, mais c’était aussi un problème d’interprétation. Et puis, au club, derrière, il y a monsieur Roland Beaumanoir (fondateur et PDG du groupe éponyme, géant français de la distribution mode, prêt à porter et textile), donc ça fait parler. Le club a dû faire des choix humains aussi (joueurs, staff, dirigeants) pas toujours simples mais indispensables afin de travailler dans la sérénité. Parce que l’intérêt du club doit rester au-dessus de tout.

J’ai cet avantage, par rapport à certains entraîneurs, c’est que je me suis formé par moi-même. J’ai toujours beaucoup donné. Je suis allé chercher les informations. Je connais les composantes d’un club de A à Z. Je sais que les bénévoles sont importants, je sais comment fonctionnent les partenaires, les éducateurs, le respect doit être partout, et c’est souvent ce qu’on oublie, or ça vaut de l’or… J’ai fait cette démarche d’intégration, c’est tellement important : si je n’avais pas fait tout ça, je ne serais peut-être plus l’entraîneur de Saint-Malo. En fait, la clé d’un club repose sur l’entente entre le président, le directeur général et le coach, avec en plus, à Saint-Malo, un monsieur comme Roland Beaumanoir. On se fait tous confiance, on s’entend bien et c’est beaucoup plus important que plein de choses.

Le capitaine Edouard Daillet. Photo Philippe Le Brech

Et ce fameux « contexte » Saint-Malo, dont le club s’est affranchi…
C’est ça, on est bien à Saint-Malo, il y a la mer, la plage, les joueurs sont dans un cocon, un confort, on vit bien, c’est tranquille. Il y a tout ces aspects-là aussi : quand je suis arrivé, c’était le constat. Non mais sincèrement, aujourd’hui, l’ambiance est plus saine, plus sereine, même si je sais qu’en disant cela, au moindre mauvais résultat, on va me le renvoyer comme un boomerang. Quand je suis arrivé, je n’avais pas de légitimité, on a même dû se demander « c’est qui le guignol qu’on a mis là ? », et c’est normal, je n’avais jamais entraîné à ce niveau-là. Néanmoins, je pense que j’ai gagné en crédibilité et puis j’ai les mains totalement libres aujourd’hui.

« J’aime avoir une base solide »

Le style de votre équipe, c’est quoi ?
On est plutôt une équipe dominatrice, de possession, même si contre Bordeaux, le match auquel vous avez assisté, c’était moins ça. On rencontre beaucoup de blocs bas, on travaille là-dessus. On n’est pas du tout une équipe de contres. J’aime bien construire mon équipe à partir d’une base solide. Il faut un socle pour solidifier l’équipe et, une fois qu’on l’a trouvé, c’est toujours mieux d’avoir le ballon, on prend plus de plaisir. Donc si on peut avoir des joueurs de qualité pour faire des différences dans les 30 derniers mètres, c’est mieux. Je n’ai pas eu cette richesse-là à Guichen où je me suis toujours adapté. Ici, on a une équipe très joueuse, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne doit pas courir (rires). Je dis ça parce que cela a souvent été le défaut de Saint-Malo (rires) !

Daillet fait l’acrobate entre Heinry et Bourrag. Photo Philippe Le Brech

Depuis votre arrivée, l’équipe ne cesse de progresser : comment l’expliquez-vous ?
En juin 2022, une fois le maintien assuré, on a gardé 5 joueurs de l’effectif sur 24 joueurs. Donc on a tout reconstruit. On a refait un effectif pour pas se faire peur, avec des joueurs ayant une certaine maturité. On a fini 5e. Puis on a renouvelé l’effectif d’un tiers la saison suivante afin de repositionner Saint-Malo dans un bon top 5 et on a fini 2e derrière Boulogne. Cette saison, on a changé 7 joueurs, on a un groupe avec des jouables fiables, bien humainement, qui ont progressé pour certains. Peut-être qu’il nous faut maintenant aller chercher ceux qui vont nous faire passer de la 2e l’an passé à la 1re place cette année (rires) ! (le club vient de s’attacher les services de l’attaquant du FC Versailles en National, Djibril Bangoura, Ndlr)

Dans votre poule, on ne parle que de la concurrence de Bordeaux, alors que Saint-Pryvé est votre dauphin et réalise une saison exceptionnelle…
Saint-Pryvé, on l’a vu avec Baptiste (Ridira, aujourd’hui à Dijon, en National) les saisons précédentes, et on le voit cette saison avec Mathieu Pousse, qui était son adjoint, fait un travail remarquable. Il est dans la continuité. Ils font toujours des bons coups dans le recrutement et ils arrivent à conserver des joueurs importants. Et puis, quand je vois leur milieu de terrain, avec Fortunato, Gope-Fenepej, Galas, et devant, Mendes et Gautier (il cite les joueurs un par un), waouh, c’est pas mal ! Ils ont toujours une bonne base derrière, ils maîtrisent leur 4-4-2 losange à la perfection, ils ont de la régularité, de la stabilité, ils sont malins. Et ils prennent beaucoup de points à domicile, parce que le contexte est particulier là-bas : on en parle souvent entre nous, ce n’est pas le terrain le plus agréable à jouer. Avec Blois, ce sont les deux terrains les plus difficiles.

Ne pas monter en National en fin de saison, ce serait une déception ?
Euh… sincèrement oui. On tourne à une moyenne de points qui est supérieure à 2,28, c’est énorme, donc si le championnat s’était arrêté aujourd’hui, on mériterait de monter, mais on a un avion de chasse derrière nous aussi (Bordeaux), qui continue de recruter, et qui va finir la saison avec un effectif qui n’a rien à faire en National 2, la réalité elle est là. Donc voilà. On a performé jusqu’à maintenant, mais j’ai envie de dire qu’en deuxième partie de saison, il va falloir surperformer, waouh ! Parce qu’on n’est pas dans un championnat normal, de par la présence de Bordeaux. Mais il va quand même falloir venir nous chercher !

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos :  Philippe Le Brech

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Le voisin du Puy-en-Velay, en Haute-Loire, pensionnaire de National 3 et adversaire du PSG en 16e, ne veut pas dévier de sa ligne de conduite et entend capitaliser sur son exploit pour continuer à se structurer. Dans cette commune de 3 500 habitants, on a officieusement décrété que mercredi serait « Journée nationale » pour se rendre au match à Clermont !

Par Anthony BOYER / Photos : FC Espaly et DR

La joie après la qualif face à Dijon.

C’est parce qu’elle génère des émotions indescriptibles et provoque des scènes de liesse mémorables que la coupe de France est l’épreuve préférée des suiveurs du ballon rond, qu’ils soient joueurs amateurs, supporters, spectateurs, dirigeants, partenaires ou néophytes.

C’est parce que l’épreuve reine permet de faire qu’un rêve devienne réalité qu’elle est tant aimée, demandez au club de l’US Revel ce qu’il en pense, lui qui a affronté le PSG et ses stars l’an dernier, en 32e de finale, dans un stade habituellement vouée à la cause de l’ovalie, à Castres.

Demandez aussi au FC Espaly ce qu’il en pense, lui qui va affronter cette même équipe mercredi soir, là encore dans un haut-lieu de l’ovalie, au stade Marcel-Michelin, à Clermont.

Il n’y a qu’à voir les images de liesse au moment du tirage au sort des 16es de finale, diffusées en boucle sur les réseaux sociaux, pour comprendre la portée et la dimension d’un tel événement, qui n’arrive – en principe – qu’une fois dans la vie d’un joueur et d’un club de niveau 5.

Voisin du Puy

Le président Christian Perbet porté en triomphe, après l’accession en N3 en 2023. Photo Lucas Jacquet.

Jusqu’à présent, le FC Espaly n’avait jamais dépassé le 7e tour de la Coupe, en 2015, sorti avec les honneurs par une équipe de National, Fréjus/St-Raphaël (1-3), au stade Massot où évolue le voisin du Puy-en-Velay.

Mais cette fois, les Espaviots, comme on appelle les habitants de cette commune de 3 500 âmes, ont poussé le bouchon beaucoup plus loin en signant l’une des performances les plus marquantes des 32es de finale : ils ont éliminé Dijon, club de haut de tableau de National, aux tirs au but (1-1, 4-3 tab). Et comme un symbole, c’est Joachim Ichane (38 ans), sans doute le garçon le plus expérimenté du groupe (il a joué en L2 à Reims, Laval et Niort, et en National à Cherbourg, Fréjus et au Puy), habituel capitaine mais remplaçant ce soir-là, qui a inscrit le dernier penalty, un scénario que lui avait prédit son président, Christian Perbet, avant le coup d’envoi, comme pour le « consoler » de ne pas être titulaire, comme pour lui rappeler son importance dans le groupe et le garder concerné jusqu’à l’ultime seconde.

Le stade pittoresque du Viouzou, construit dans une carrière.

Ce soir-là, la France du football a non seulement placé, plus ou moins, la commune d’Espaly-Saint-Marcel sur la carte de France, mais a surtout découvert le stade du Viouzou, construit dans une carrière, que même les chauffeurs de bus les plus aguerris ont du mal à atteindre, tant la pente qui y conduit est raide !

Mais une fois sur le terrain hybride, devant sa tribune rouge de 700 places, le décor est pittoresque. Saisissant. C’est simple, le Viouzou, c’est un peu comme le terrain d’entraînement de l’AS Monaco, à La Turbie, construit lui aussi en hauteur et dans la roche, avec une différence majeure : il n’y a pas de vue imprenable sur la mer Méditerranée !

Qu’importe, à défaut de la mer, il y a l’esprit. La convivialité façon rugby. La famille. Le bonheur. Le partage. Tout ce qui anime le club de Christian Perbet, chef d’entreprise de 58 ans, à sa tête depuis 2012, « mais j’y suis licencié depuis 50 ans, aime-t-il à rappeler ! »

« Une bourrasque médiatique »

Les joueurs du FC Espaly, après leur succès en coupe de France face au voisin Velay.

Ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines même, les projecteurs étaient toujours braqués sur un voisin tout sauf encombrant, Le Puy Foot, devenu au fil des saisons un spécialiste de la coupe : Lorient (L1) en 2021, Nice (L1) en 2023, Laval (L2) et Dunkerque (L2) en 2024 et, surtout, Montpellier (L1) et ce 4-0 retentissant juste avant Noël, les « grosses » têtes sont souvent tombées au stade Massot ! Des résultats qui forcent le respect et l’admiration, auxquels il faut ajouter deux accessions en National, en 2019 et en 2022.

C’est simple, Le Puy Foot, avec son 1/4 de finale de coupe l’an passé (Rennes à Geoffroy-Guichard), son 8e de finale en 2021, ses deux 16es de finale cette saison et en 2023, sans compter quelques 32es de finale (2018, 2019 et 2020) et ses nombreuses Unes dans les journaux locaux, régionaux et nationaux, phagocytait tout.

Alors comment vivre dans l’ombre de ce « géant » de Haute-Loire devenu référence nationale du monde amateur ? Comment exister à côté de ces Ponots de plus en plus penauds ? La réponse est simple : il fallait construire (le Viouzou a été inauguré en 2019), travailler, le plus souvent sans faire de bruit, être patient et aussi accéder de Régional 1 en National 3 : après plusieurs échecs consécutifs, ce fut finalement fait en 2023 sous la conduite de Sylvain Jore, retourné à Calais ensuite.

Il fallait, surtout, marquer les esprits, réaliser un exploit en coupe de France et avoir un tirage clinquant. Et là… En touchant le gros lot, le FC Espaly est surtout tombé dans ce que son président appelle une « bourrasque médiatique », qui dépasse l’entendement. On n’affronte pas PSG, dont le logo ressemble étrangement à celui d’Espaly, comme on affronte Hauts-Lyonnais, Décines ou Limonest, sans manquer de respect à ces clubs.

2000 Espaviots à Clermont

La statue de Joseph tenant dans ses bras le petit Jésus à Espaly. Photo 13HF

Mais le rêve a ses limites. Le stade du Viouzou aussi. Les Parisiens ne le verront pas. Pas plus qu’ils ne verront le stade Massot du Puy, dont la particularité est qu’il se situe sur la commune d’Espaly, à 300 mètres à vol d’oiseau du Viouzou !

Les Parisiens ne verront pas non plus la statue de Saint-Joseph tenant dans ses bras le petit Jésus, qui surplombe le village et fait face à Marie, bien installée sur son rocher de la Vierge au dessus du Puy-en-Velay, entre la cathédrale, lieu de départ du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, et l’église Saint-Michel d’Aiguilhe, perchée sur son piton volcanique.

Le stade Marcel-Michelin à Clermont va accueillir ce 16e de finale.

Les Parisiens verront simplement un stade de rugby plein comme un oeuf pour l’occasion (17 000 spectateurs, match à guichets fermés), habituel antre des Jaunards de l’AS Montferrand. Ils verront aussi une ambiance à Michelin à mi-chemin entre ballon rond et ovalie.

Puissent les Espaviots et son entraîneur Lionel Vaillant (ex-formateur à l’AS Saint-Etienne et ancien entraîneur de la réserve du Puy en N3 et R1) résister autant voire plus que les joueurs de Revel l’an passé, lesquels avaient vraiment tenu la dragée haute au PSG pendant 20 minutes avant, évidemment, de céder.

Puisse Espaly montrer une belle image de la Haute-Loire, qui a donc deux représentants en 16e de finale (Le Puy Foot se déplace à Dives-Cabourg, club de N3), une belle image de l’Auvergne et faire la promotion d’un championnat de National 3 de plus en plus relevé. Un championnat dont les coéquipiers de Gabay Allaigre, un autre joueur expérimenté de l’effectif, formé à Saint-Etienne et passé en N2 par Andrézieux et Le Puy, ont fait leur quotidien, mais qu’ils ont un peu plus de mal à appréhender cette saison (13e sur 16 avec 3 victoires, 4 nuls et 5 défaites).

Puisse le rêve se poursuivre et voir la nouvelle prémonition de Christian Perbet devenir réalité : « Comme on va se qualifier, on jouera contre Le Puy en 8e (rires) ! Sinon, on souhaite au Puy de tomber contre le PSG ! »

Interview / Christian Perbet : « C’est une fierté »

Christian Perbet, le président, après la qualification face à Dijon.

Il a le même âge que son homologue du Puy Foot 43, Christophe Gauthier. « On est tous les deux nés en 66 ». C’est dire s’ils connaissent la route, qu’ils ont fait ensemble pour en arriver là, avant de voir leur chemin se séparer. « Parfois, on en rigole… Si on nous avait dit, gamin, que l’on serait tous les deux à la tête des deux clubs de foot ! »

À la tête de l’agence de marketing-communication  TNT, basée au Puy, Christian Perbet (58 ans) est un chef d’entreprise respecté et fidèle : il est entré dans « sa » boîte en 1991, cinq ans après sa création, et il a signé sa première licence au FC Espaly il y a 51 ans. Sans jamais en partir.

Aujourd’hui, il gère TNT comme un père de famille, et on ne dit pas cela parce qu’il y travaille avec ses deux filles, Chloe et Elsa. Mais c’est cet esprit qui l’anime, et qu’il essaie de reproduire au club foot, qu’il préside depuis 2012, en y ajoutant des valeurs de sérieux, de travail, de convivialité, de plaisir. Un esprit cadré. « Dès l’âge de 2 ans, j’habitais en bas du stade, route de Saugues, où j’ai toujours la maison de mes parents, mais à l’époque, bien sûr, ce n’était encore qu’une carrière, puisque c’était une vraie carrière, et le terrain annexe, derrière l’actuelle tribune, était le plus beau pré à luge d’Espaly ! C’était là qu’on descendait à fond (rires), raconte-t-il.

À quelques jours de recevoir Bourgoin-Jallieu en championnat de National 3 (entretien réalisé mercredi 8 janvier) puis le PSG en 16e de finale de la coupe de France, le président du FC Espaly, ultra-sollicité depuis l’annonce du tirage au sort, s’est confié avec lucidité, sans forfanterie. Christian Perbet a la tête sur les épaules et ce n’est certainement pas ce 16e de finale historique pour sa ville, son club et lui qui lui fera perdre la raison. En revanche, il entend bien s’en servir pour la suite de la saison et les années à venir, toujours avec cette volonté de bâtir.

Le stade du Viouzou à Espaly.

Si vous deviez vous définir, vous diriez que vous êtes un président plutôt …
(Il réfléchit) J’essaie de trouver le bon adjectif… Cadré ! J’essaie de mettre la même rigueur que j’ai dans les projets que je monte de manière professionnelle pour des chefs d’entreprises ou des décideurs avec la force et la faiblesse du bénévolat. C’est-à-dire que ce n’est pas professionnel, mais c’est professionnalisé. Inversement, cela laisse une place à tout le monde au club, que cela soit du côté des bénévoles, où chacun peut trouver sa place et avoir des responsabilités, ou des joueurs, quelle que soit la catégorie. À Espaly, on a deux équipes dans chaque catégorie de jeunes et tout le monde peut jouer, qu’on soit bon ou pas bon. A l’arrivée, tout le monde participe à la joie collective quand c’est le moment ou à la peine collective quand ça arrive.

Devenir président du club, c’était écrit ?
C’était mon tour (rires) ! Je suis licencié au club depuis 50 ans. Les bénévoles qui sont là depuis longtemps ont eux aussi estimé cela, que c’était mon tour. Mon fils Yann avait pris le foot un peu avant, du coup je me suis remis dedans à fond. Mais il n’ y a pas de notion de pouvoir dans ce titre de président, d’ailleurs, les quatre anciens présidents sont encore au comité directeur. Il y a plutôt une notion de transmission de générations.

Deux clubs, deux logos mais une ressemblance évidente.

Comment décririez-vous le club d’Espaly à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Familial. Ce qui ne veut pas dire sans ambition ou sans exigence. Ici, on fait tout pour que tout le monde soit bien, quelle que soit sa catégorie, du U4 (le baby foot accueille les enfants dès 3 ans)  jusqu’aux vétérans. Tout le monde a le même maillot, d’ailleurs, quand on fait les maillots, on en fait 400, c’est-à-dire le nombre de nos licenciés. On était 110 il y a 12 ans. On a une quinzaine d’équipes avec les féminines.

Le budget de fonctionnement global du club ?
La saison passée, il était de 460 000 euros, et cette année, il est de 520 000 eurois pour l’ensemble du club, validé par la DNCG. C’est le plus petit budget de notre poule de National 3, et de très loin. Mais on ne fait pas les Calimero. On s’oblige à sur-performer pour exister là où on est, c’est comme ça.

Le capitaine Jo Ichane et Gabay Allaigre

Le 16e de finale de coupe de France va apporter un peu de beurre dans les épinards, avec la dotation (83 000 euros en cumulé)…
Oui, mais ça ne changera pas notre politique sportive. L’argent qui sera mis de côté sera utilisé pour structurer le club différemment. Cela ira dans des infrastructures, des choses qui resteront. On ne dépensera pas de l’argent pour des nouveaux joueurs par exemple ou pour augmenter notre politique salariale. Non, ça, ça ne bougera pas.

Le National 3, pour un club comme Espaly, c’est le plafond de verre ?
Si on est raisonnable, c’est ce que l’on doit se dire, mais on n’est pas sûr d’être raisonnable…

Cela veut dire qu’Espaly peut, un jour, rêver au National 2 ?
C’est aux joueurs de le faire. De repousser leurs limites sportives. On a un groupe stable. 80 % des joueurs de la saison passée sont restés, et 50 % était là en Régional 1. Maintenant, on serait fou de dire que l’on veut monter en National 2 alors qu’il faut déjà se maintenir en National 3 cette saison. On n’attaque jamais une compétition pour descendre. Là, on a fait un point à Noël, comme chaque saison, pour voir où on en était.

Le milieu de terrain Mouad Aït-Boulaalam.

Et ce point, qu’est ce que cela a donné ?
On a fait les cons (sic) lors des trois derniers matchs avant la trêve (trois matchs nuls contre Chambéry, Seyssinet et Saint-Etienne) puisqu’on a perdu 6 points dans le temps additionnel. On est en retard sur le tableau de marche que l’on s’était fixé même s’il n’y a pas le feu du tout. Les matchs qui arrivent sont contre des grosses cylindrées; là, on doit jouer contre Bourgoin-Jallieu chez nous (l’entretien a été réalisé avant le match, qui s’est soldé sur le score de 1-1), on va bientôt affronter Mâcon, Lyon-Duchère et Limonest. Rien ne nous fait peur mais on ne se prend pas pour d’autres. Le groupe sait ce qu’il a à faire.

Exister à côté du Puy Foot, c’est difficile ?
Non, pas du tout. Je suis très proche de son président Christophe Gauthier, on a le même âge. Là, ça nous fait rire, parce que on est tous les deux en 16e de finale, et je pense que l’on n’aurait jamais imaginé un tel scénario quand on était tout petit, sachant qu’il a toujours été plus grand, parce qu’il est grand par la taille (rires) ! On n’aurait jamais pensé qu’on serait là tous les deux, à côté l’un de l’autre ! Mais il n’y a pas du tout de rivalité, de concurrence. Le Puy, club de la préfecture, se doit d’être le club numéro 1. Cela ne veut pas dire que nous, on ne doit pas avoir d’ambition. Ce que fait Le Puy Foot, honnêtement, c’est exceptionnel : ils sont encore en 16e de finale cette saison, ils étaient en 1/4 l’an passé, en 16e y’a deux ans, ils sont aux portes du National, ils travaillent vraiment bien. C’est vraiment une autre cylindrée. Nous, on est plus dans l’ancrage local et régional, qui va de Saint-Etienne à Clermont en traversant la Haute-Loire. Eux ont une ambition plus large, plus « nationale ».

L’entraîneur Lionel Vaillant.

Il n’y a donc pas de rivalité avec Le Puy Foot ?
Non. Nous, on a six ou sept joueurs de Haute-Loire, notre groupe s’est bâti en R1. Et quand on a recruté en National 3, ce n’est pas au Puy que l’on est allé chercher des joueurs.

Un club en N3, un club en N2, dans une agglo de 72 000 habitants (72 communes), ce n’est pas un peu trop compte tenu de la conjoncture actuelle ?
On est 3 500 à Espaly, 19 000 au Puy, il y a une complémentarité qui peut très bien se faire. J’ai l’exemple en tête de deux clubs pas très loin qui ont fusionné mais cela n’a rien apporté (Moulins et Yzeure, Ndlr). On ne fait pas du tout d’ombre au Puy. Personne ne marche sur les plates-bandes de l’autre, et ça, c’est dû aussi à deux présidents, Christophe Gauthier et moi-même, qui s’apprécient. Sans Christophe, il n’y aurait pas Le Puy Foot. C’est comme dans tous les clubs : sans François Inglese, il n’y aurait pas Monistrol, sans Jérôme Ribeyre, il n’y aurait pas Brioude, voilà. En fait, à Espaly, ce qui nous sclérose, ce sont nos infrastructures. Nous n’avons que deux terrains, or pour 400 licenciés, ce n’est pas suffisant. C’est en cela que la coupe de France peut aider à nous structurer, à construire un troisième terrain. En tout cas, c’est l’idée que j’ai en tête. Parce que nous sommes freinés dans notre développement et enquiquinés dans notre quotidien. Un troisième terrain permettrait de désengorger tout ça. Mais fusionner avec Le Puy Foot serait une erreur, cela n’apporterait rien à personne.

Séance vidéo avec le coach.

Grâce à cette qualification contre Dijon et au tirage au sort, qui offre le PSG, Espaly est du coup placé sur la carte de France…
Oui, c’est une fierté, en plus, on a été l’épicentre des 32es de finale puisque je ne crois pas qu’il y ait une seule commune avec deux terrains distants de 300 mètres à vol d’oiseau – puisque le stade Massot du Puy Foot est sur la commune d’Espaly – à avoir vécu deux 32es de finale de coupe de France. Après, c’est vrai que la bourrasque médiatique est forte. Cela fait 35 ans que je suis consultant-marketing, je n’ai jamais vu une « marque » comme celle du PSG qui portait si vite, qui allait si loin. J’ai fait beaucoup d’événementiels ou de stratégie marketing, mais là… Je n’avais jamais connu ça.

Vous êtes vous tourné vers Le Puy Foot, qui a l’expérience de la coupe et déjà affronté des clubs de Ligue 1 à plusieurs reprises ces dernières saisons ?
Dès le lendemain du tirage, le lundi, on s’est appelé avec Christophe (Gauthier) et pour la petite histoire, c’est lui qui m’a orienté vers le stade Michelin à Clermont. Tout de suite, cette solution m’a paru être une évidence. Avec ma boîte, je travaille pour l’AS Montferrand et je suis Auvergnat…

La joie après le but face à Dijon en 32e.

Toutes les places sont parties en une heure : ça aussi, c’est incroyable, non ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est à la fois une prouesse technique de mes équipes à TNT et AchetezA.com, et une prouesse de l’Auvergne qui a acheté 90 % des billets ! C’est un succès marketing, technique et sportif.

Combien y aura-t-il d’Espaviots à Clermont ?
On sera 2 000, c’est sûr, on a 10 cars gratuits affrétés par la Région pour emmener notre école de foot. On a aussi décrété que mercredi et jeudi seraient « jour national à Espaly » : les gamins n’auront pas école, enfin… disons qu’on l’a auto-décrété (rires), mais voilà, c’est ce qui se profile, avec un car de U11, un car de U13, un car de U15, etc. On sera tous dans la loge Michelin de 800 places, ça sera notre kop au sens de la famille, de la fierté, parce que notre ADN, c’est la convivialité et la famille. Par contre, cela ne nous empêche pas d’être hyper-carré, parce que c’est notre façon de faire. On a eu une très bonne écoute de la Préfecture du Puy-de-Dôme, qui a vraiment facilité les choses, on a fait quatre réunions de sécurité, on a aussi eu une très bonne écoute du PSG et de l’ASM Rugby. On ne perd pas de vue que c’est Espaly, le petit club, qui a la fierté et la chance de « monter » et jouer à Clermont, et qui doit être à la hauteur du Michelin.

Dans les vestiaires du FC Espaly.

Disputer un match comme celui-là, même dans vos rêves les plus fous, c’était inimaginable, non ?
Disputer un 32e de finale, même pas, encore moins un 16e… Et le PSG, même si on y pense toujours, on se dit que c’est pour les autres. Même là, au tirage, quand on a attendu la dernière boule…

Gérer une telle affiche en plein milieu du championnat, a fortiori avant de recevoir Bourgoin, cela ne doit pas être simple ?
Non, même si notre match de championnat juste avant PSG tombe contre Bourgoin, une équipe encore qualifiée elle aussi pour les 16es de finale et qui, en plus, affronte Lyon. Avec le président de Bourgoin (Djemal Kolver), on s’est appelé. Pour eux, c’est le Graal, c’est la vraie classe de jouer Lyon. Et en plus, ils ont la chance de jouer chez eux, au stade Pierre-Rajon. Finalement, c’est bien que l’on soit tombé en championnat contre un autre club qualifié en 16e.

Le FC Espaly à la Une de LEveil de Haute-Loire ! On remet ça ?

Votre devise est « L’important, c’est d’être heureux », ça tombe bien, en ce moment, vous êtes un président heureux…
C’est ce qui a guidé ma vie, que ma famille soit heureuse.

Mais vous ne montrez pas trop vos émotions, vous semblez dans la retenue…
C’est parce que je suis un grand émotif. J’intériorise beaucoup. Là, pour la première fois, j’ai une conjonction de ma vie professionnelle et de mon engagement associatif dans le foot. Pour la première fois, je suis devant alors que d’habitude, ce sont mes clients qui sont en première ligne. Quelque part, c’est un accomplissement de tout ce que j’ai pu mettre en place depuis 35 ans.

Pour la première fois, aussi, on va beaucoup plus parler d’Espaly, qui joue contre PSG, que du Puy Foot, qui affronte Dives-Cabourg, une affiche qui sera forcément moins médiatisée…
L’ombre du Puy Foot, on doit l’accepter. Là, comme on va se qualifier, on jouera contre Le Puy en 8e de finale (rires) ! Sinon, on souhaite au Puy de tomber contre le PSG !

Mercredi 15 janvier 2025 – coupe de France (16e de finale) : FC Espaly-Saint-Marcel (N3) – Paris Saint-Germain (Ligue 1), à 21h au stade Marcel-Michelin, à Clermont-Ferrand.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : FC Espaly et DR

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L’ancien attaquant d’Angers, Brest, Reims, Auxerre, Saint-Etienne ou encore Bastia, a rejoint l’été dernier le club vendéen de Pouzauges Bocage en Régional 1 après l’annonce de sa fin de carrière professionnelle. Il y a retrouvé son grand frère, Valentin, entraîneur de l’équipe fanion, et le monde amateur par la même occasion. Un chapitre qui se ferme et un autre qui s’ouvre !

Par Joël Penet – Photos : Philippe Le Brech et Pouzauges Bocage FC / Illan Visuals

Avec Pouzauges Bocage FC

C’est du côté du Tours FC, un des clubs historiques de l’Hexagone, qu’on entend pour la première fois le nom de Gaëtan Charbonnier, entre 2001 et 2007. Le potentiel est là. Il est décelé par le SO Châtellerault. Le club, qui évolue en CFA, a le nez creux : Charbonnier fait trembler les filets à 11 reprises lors son arrivée. Des stats’ qui tapent dans l’œil du Paris Saint-Germain même si le rêve en professionnel ne se réalise pas au Parc des Princes : « J’ai eu l’opportunité d’intégrer un effectif de Ligue 2 plutôt que d’enchaîner une troisième saison en CFA avec un challenge sportif intéressant ».

L’attaquant originaire de Saint-Mandé (Val-de-Marne) plante pourtant 13 pions en 27 matchs avec la réserve francilienne mais c’est bien dans les Pays de la Loire qu’il se révèle définitivement. Angers SCO lui tend la main en 2009 et après six mois de rodage, le costume de titulaire lui colle à la peau. Jusqu’en 2012, l’attaquant fait se lever les foules du stade Jean-Bouin une trentaine de fois avant de s’essayer à Montpellier puis au Stade de Reims où il goûte à la Ligue 1 l’année suivante ! Mais c’est au Stade Francis Le Blé, sur la rade de Brest, qu’il connaît son apogée : 27 unités inscrites en 2018/2019, faisant de lui le meilleur buteur de Ligue 2. Une distinction aux trophées UNFP avec en prime le retour dans l’élite pour les Ty-Zefs viennent alors agrémenter sa fin d’exercice : « Une saison en apothéose, un groupe exceptionnel, une ambiance incroyable… sans tout ça, il n’y aurait jamais eu cette réussite individuelle ! »

138 buts en 477 matchs

Avec Châtellerault, en CFA, en 2007-08. Photo Philippe Le Brech

Des hauts, il y en a eu mais des bas aussi ! Bien loin de ses premiers pas insouciants à l’US Torcy en région parisienne, « Charbo’ » continue de planter, à Auxerre puis dans le Chaudron de Geoffroy-Guichard avec Saint-Etienne même s’il connaît des blessures. Alors qu’il avait été plutôt épargné jusqu’ici, une rupture antérieure du ligament droit précipite sa fin de saison dans le Forez : « J’ai été stoppé dans mon élan alors que j’étais parti sur de très bonnes bases avec un groupe qui avait envie de se sortir de cette mauvaise passe ».

Malgré 6 buts en 27 matchs, ce coup d’arrêt ne l’empêche pas de vivre une dernière expérience à Bastia, en Corse, un lieu où il raccroche finalement les crampons, laissant derrière lui les strass et les paillettes d’un parcours entamé en 2007. Au total, Gaëtan Charbonnier c’est 138 buts en 477 matchs : un bagage confortable pour appréhender au mieux son « retour » en amateur aux côtés de son frère Valentin sur les terrains de Régional 1 à Pouzauges. Entretien.

« Je ne suis pas arrivé avec mes grands sabots »

Avec Pouzauges Bocage FC

Gaëtan, c’est donc à Bastia que tu as clôturé ta riche carrière de footballeur professionnel…
Je m’attendais à autre chose… Tout d’abord, au bout de dix jours, le coach qui m’a fait venir (Régis Brouard) est évincé. C’est quand même compliqué même si l’adaptation footballistique se passait plutôt bien. Par contre, j’étais seul là-bas, sans ma femme et mes filles et j’ai très longtemps galéré pour trouver un logement… pour au final ne pas trouver ! Du coup, Airbnb pendant six mois, la famille pendant les vacances scolaires… J’ai donc pris la décision d’arrêter car je ne me voyais pas continuer comme ça. C’est quelque chose qu’on a gardé entre nous, ma femme et moi, jusqu’au maintien acquis par le club car c’était la chose la plus importante. A partir de là, une fois le maintien obtenu, il restait 15 jours de compet’ et j’ai pris rendez-vous avec mon président : je n’ai rien demandé au club parce que la proposition qui m’avait été faite à la base était très respectueuse. J’ai expliqué ma situation, il me restait un an de contrat, on s’est serré la main et j’ai pris le temps de réfléchir ensuite.

Comment se passe ta réflexion ?
Je me suis laissé 15 jours, tranquille, le temps de me poser pour voir aussi si le monde pro me manquait. Auparavant, j’avais déjà eu des contacts avec Pouzauges et j’ai recontacté le président quand je me suis senti prêt. J’avais demandé à mes agents de ne pas entamer de nouvelles démarches car je ne savais pas si j’allais trouver un projet sportif et humain qui allait me plaire dans le monde professionnel. Bien entendu, je savais que ça allait s’arrêter un jour mais c’est moi qui ait pris la décision donc je n’ai aucun regret. Après 17 ans à ce niveau, c’était important de revenir vers des choses « vraies », comme profiter de mes filles, de ma femme, de mes proches.

Avec Pouzauges Bocage FC

Valentin, ton frère, est coach de l’équipe fanion de Pouzauges Bocage FC en R1. On imagine que le rejoindre était une évidence à ce moment-là ?
Sur l’aspect professionnel, on parle le même football. Il a aussi été joueur (à Châtellerault, à Chartres, au TVEC Les Sables) et puis il s’est mis à entraîner. J’avais envie de l’aider et je souhaitais aussi continuer de jouer. Cette option s’est présentée et tout était aligné pour que ça se passe.

Il y a environ 6000 habitants à Pouzauges. Comment apprivoises-tu ce nouvel environnement ?
Mon frère vit ici depuis bientôt dix ans, j’habite à dix minutes de chez lui en plus de ça. On fait la route ensemble. « Val » l’a fait pendant très longtemps seul donc le faire à deux, ça lui fait du bien (sourires) ! Tout se passe très bien depuis, je me plais, j’aime le foot et la relation que j’ai avec le milieu amateur aujourd’hui… c’est une sorte de transition légère !

« Je suis agréablement surpris »

Quel regard poses-tu sur le football amateur justement ?
Je suis agréablement surpris par ce qui est mis en place par les joueurs, dans le travail, dans le sérieux, dans la qualité technique des séances. Je savais très bien que mon frère allait créer un groupe qui lui ressemble, avec la vision qu’il avait envie d’amener. On sent qu’il y a de la qualité et je prends beaucoup de plaisir !

Est-ce que tu as connu un club en professionnel avec la même ambiance, ce côté chaleureux, convivial ?
Oui, je dirais à Angers lors mes débuts, une ambiance que j’ai pu retrouver à Brest. On vivait bien tous ensemble. Dans d’autres clubs, il y a des affinités qui se créent plus facilement avec certains mais globalement, partout où je suis passé, il y avait des groupes intéressants. Après, c’est vrai que je me suis senti vraiment bien au SCO Angers et à Brest.

« Je suis quelqu’un de normal, simple »

Avec Angers, en Ligue 2, en 2010-11. Photo Philippe Le Brech

Quel a été ta première impression dans le vestiaire vendéen ?
Je ne suis pas quelqu’un qui va arriver avec mes grands sabots. Je pars du principe que j’arrive dans un groupe où des gars sont là depuis longtemps et j’ai plus à apprendre d’eux dans la vie de groupe que l’inverse. J’ai cette envie de m’intégrer du mieux possible car c’est d’abord un sport collectif et c’est aussi ce que je ressens dans le discours de mon frère. Je me suis très bien adapté et acclimaté au groupe. Je suis quelqu’un de normal, simple, je chambre, je me fais chambrer (sourires) ! Sur le terrain, j’en loupe aussi comme les autres. L’important, c’est de persévérer, d’être meilleur à chaque match et on est dans une très bonne spirale au niveau du club (Pouzauges Bocage FC est 2e de son championnat en Régional 1 avec 7 victoires, 1 nul et 2 défaites et 22 points, à 3 longueurs de la réserve du Mans, leader).

Est-ce simple de s’acclimater dans un groupe où la priorité n’est pas forcément le foot ?
J’échange comme je peux avec mes coéquipiers. Je suis ouvert à tout même si je ne pourrais peut-être pas répondre à toutes les interrogations. On essaye de trouver des solutions ensemble afin que les petits besoins de chacun soient comblés. On a un groupe qui est très exigeant avec lui-même et je suis admiratif de sa progression !

Après 138 buts en 477 matchs en pro, qu’est-ce que tu peux amener à ce groupe ?
Je n’ai pas envie d’avoir l’étiquette du joueur sur qui on peut tout miser. Je suis juste moi-même, j’essaye de faire jouer les autres, de faire marquer, de marquer aussi ! C’est ce qui m’a animé toute ma carrière. Être dans une équipe qui joue bien, avec des situations pour marquer offensivement.

« L’important, c’est que le collectif marche »

Avec Châtellerault, en CFA, en 2007-08. Photo Philippe Le Brech

Néanmoins, est-ce que tu t’es fixé des objectifs comptables cette saison ?
Non pas du tout ! Même en pro, je ne m’en fixais pas ! L’important c’est que le collectif marche. En pro, des fois en début de saison, je ne marquais pas mais je savais que dans le jeu j’étais influant. Quand ça doit venir, ça viendra tout seul. Je n’ai pas à forcer les choses, je ne suis pas du tout dans cette mentalité-là.

Tu as un profil un peu atypique, non ?
Je suis grand et tout le monde s’attend à ce que je reste devant à dévier les ballons. Pourtant, j’ai été pendant longtemps le plus petit de ma génération. J’étais très mobile, me déplaçant dans l’espace pour être « joignable ». Je ne suis pas le genre de joueur qui court longtemps et très vite.

Comment caractériserais-tu les ambitions sportives du groupe ?
Mon frère entame sa deuxième saison sur le banc et je dirais que c’est plutôt un club qui se reconstruit après le départ de l’ancien entraîneur (Cédric Fuzeau) qui est resté dix ans à la tête du groupe. On est des compétiteurs mais il y a aussi la réalité du championnat avec des écuries comme la réserve du Mans, du Poiré, d’autres clubs qui ont évolué en N3 aussi. C’est très homogène et c’est surtout très difficile de déterminer qui terminera premier. Sachant qu’en plus, il y a un barrage d’accession à disputer pour valider la montée. Pour l’instant, on est dans les clous, on est là où on veut être.

Tu as connu plusieurs montées en Ligue 1, tu sais les émotions que ça procure. On imagine que tu as envie de revivre cela ?
Une saison, c’est long ! On a eu un passage ou on a été un peu dans le dur mais on essaye de mettre en place une idée de jeu, de travailler avec un objectif. Le principal, c’est d’abord avoir un contenu positif si on veut gagner des matchs. Tout le monde commence à bien se connaitre, ça joue aussi ! Des fois, ça prend très vite, d’autres fois ça peut prendre plus de temps.

« Faire grandir les jeunes du pays de Bocage »

Avec Pouzauges Bocage FC

Comment le club se conditionne-t-il pour performer ?
Il y a des bases intéressantes avec 550 licenciés foot féminin et masculin confondus. C’est un groupement de plusieurs villages alentours et le club de Pouzauges veut faire grandir les jeunes du pays de Bocage. Il y a une belle mixité entre les locaux et ceux qui viennent d’un peu plus loin. Il y a des bases avec tout ce qui a pu être mis en place depuis une dizaine d’années. Après on sait que le football amateur a besoin de subventions et doit aussi pouvoir s’appuyer sur les collectivités.

Tu essayes donc d’avoir un rôle majeur au sein du club et notamment auprès des jeunes…
Au-delà de mon rôle de joueur, sur l’aspect sportif, une fois par mois, j’anime un spécifique attaquant pour les catégories U15 à U19. Quand je peux aller voir des matchs de jeunes, j’échange avec les éducateurs, j’observe aussi. J’essaye d’avoir un œil sur tout l’aspect organisation car il y a beaucoup de choses qu’on ne voit pas sur les séances : les infrastructures, la gestion du matériel…

« Même en Régional 1, on a des exigences »

Avec Angers en Ligue 2 (2010/11). Photo Philippe Le Brech

Justement, est-ce un moyen de préparer ta reconversion ?
Je vais déjà jouer jusqu’en fin de saison, très probablement la prochaine aussi. On va mettre des choses en place suivant les demandes du président. Je m’occupe aussi de la communication au club. On a refait la charte graphique, c’est une base de travail sur laquelle on peut s’appuyer. Elle donne une ligne directrice et c’est important si on veut attirer du monde car même en R1, on a des exigences. On essaye d’illustrer au mieux notre quotidien, par les résultats, par le travail chez les jeunes. Par exemple, nous avons mis en avant la montée en R1 des U19, une première historique ! C’est pourquoi on a imaginé une collaboration avec l’équipementier NOLT afin de pouvoir leur offrir les maillots.

Tu es aussi titulaire d’un BEP hôtellerie-restauration. Est-ce toujours un domaine qui t’attire ?
Après le collège, j’ai toujours eu l’envie et l’ambition d’être footballeur pro. Mes parents m’avaient donné pour objectif d’avoir un diplôme. Ensuite, j’ai eu la même période pour trouver un club professionnel. C’était soit l’un, soit l’autre, mais aujourd’hui je me vois dans le football, c’est ce que j’ai toujours connu !

Gaëtan Charbonnier du tac au tac

Avec Pouzauges Bocage FC

Meilleur souvenir sportif ?
Les montées en Ligue 1 avec Brest et Auxerre.

Pire souvenir sportif ?
La descente avec Reims.

Plus beau but marqué ?
Lors de la rencontre Toulouse – Brest avec une victoire 5-2 !

Un but tout fait que tu as loupé ?
Avec Reims contre Sochaux !

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
C’était mon rêve.

Avec Brest, en 2019, à Charléty, face au Paris FC. Photo Philippe Le Brech

Ton but le plus important ?
Y’en a plusieurs, mais le doublé à Le blé qui valide la montée de Brest en L1 !

Ton geste technique préféré ?
Le petit pont.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Cinq, six je dirais…

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Altruiste (trop pour certains), vision du jeu… Impulsif et râleur pour les défauts je dirais !

Le club ou l’équipe (ou la saison) où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Brest sans hésitation.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Barcelone.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Barcelone.

Un public qui t’a marqué ?
Brest.

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois…
Quentin Bernard, pour son leadership et sa capacité à rassembler. Aïssa Mandi et Gauthier Larsonneur pour leur professionnalisme !

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain (idem, tu as droit à 2 ou 3) ?
Mathias Autret dès la première séance, incroyable ! Après, avec le temps, sur une saison, Claudiu Keseru et Gauthier Hein !

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Thiago Silva, Verratti, Edin Dzeko.

L’équipe qui t’a le plus impressionné (impuissance, souvenir d’un match) ?
Paris SG, Arsenal là bas en Ligue des Champions.

Un coéquipier et un coach perdus de vue que tu aimerais revoir ?
Aucun, je suis plus ou moins en contact fréquent avec tous ceux qu’avec qui j’avais créé du lien.

Avec Pouzauges Bocage FC

Un président ou un dirigeant marquant ?
Louis Nicollin.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Anime Off, ça part d’une touche, le ballon circule de droite à gauche, un des défenseurs casse les lignes pour toucher un attaquant et là : « à partir de là, on voit ce que ça donne »; en gros, démerdez vous !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Aïssa Mandi.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion (en dehors des clubs où tu as joués) ?
Le stade de Schalke 04 à Gelsenkirchen !

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’ai toujours pleins de paires de chaussettes le jour de match pour pouvoir choisir ! Et je ne m’échauffe jamais avec la paire avec laquelle je joue.

Avec Brest, en 2019, en amical face à Rennes. Photo Philippe Le Brech

Une devise, un dicton ?
Marquer un but de plus que l’adversaire.

Tes passions dans la vie ?
Ma famille, mes ami(es), la Play.

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu étais un joueur plutôt …
Altruiste.

Un modèle de joueur ?
Denis Bergkamp, Dimitar Berbatov, Edin Dzeko, Mickael Pagis.

Une idole de jeunesse ?
Zidane.

Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
France-Brésil en 1998.

Le Pouzauges Bocage FC, c’est un club plutôt… ?
Familial.

Ci-dessous : avec Brest et Reims (Photos Philippe Le Brech).

Texte : Joël PENET

Photos : Philippe Le Brech et Pouzauges Bocage FC

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L’ex-gardien de but de Bourg-Péronnas et Toulon, formé à Nice, sa ville natale, et à Sochaux, est devenu un entraîneur dur, exigeant, rigoureux et cash. Un vrai général d’armée, qui n’aspire qu’à transmettre, progresser et gravir les échelons. Et à mettre de l’eau dans son vin !

Par Anthony BOYER / Photos : 13HF, FC Albères-Argelès et Besançon Foot

Photo FC Albères-Argelès

Mettre les mains dans le cambouis, ou plutôt les gants, Benoît Pansier sait ce que cela veut dire. Et on ne dit pas cela uniquement parce qu’il était gardien et qu’il a joué par tous les temps ! Mais parce qu’avant de côtoyer les championnats nationaux sur un banc, l’ancien joueur de Bourg-Péronnas et Toulon, notamment, a fait ses armes à des niveaux régionaux voire départementaux, là où les moyens sont souvent limités et où il faut user du système D. Et même s’il considère qu’il a « vagabondé » deux ans au Lavandou, un an à La Seyne, en Promotion d’Honneur, et six mois à Mouans-Sartoux, en DHR, où ce n’était « pas simple », les premières années de coach – dont une autre expérience avec la réserve de Toulon également – lui ont beaucoup servi.

« Sincèrement, je n’étais pas adapté pour ces niveaux-là, et ces expériences se sont révélées être des échecs plus qu’autre chose, reconnaît-il avec une lucidité rare dans le milieu. C’est d’ailleurs avec cette même lucidité – et aussi son côté « cash » – qu’à la question « Qu’est-ce qu’il t-a manqué pour faire une carrière de joueur en Ligue 2 » que lui, l’ancien gardien coté en National et en National 2, a répondu avec la plus grande franchise : « Le talent ».

« Le terrain me manquait trop »

Photo FC Albères-Argelès

« Honnêtement, entraîner en PHA et en DHR, c’était plus de la survie; poursuit-il. Mais à un moment donné, il faut bien manger… Cela m’a appris des choses, notamment sur la gestion humaine. Mais je ne suis pas fait pour ces niveaux-là. Ensuite, je suis parti deux ans à Fos-sur-Mer, comme responsable de la formation, une super-expérience, mais le terrain me manquait trop. Et puis, au moment où je pense que c’est mort, le projet du BF (Besançon Foot), en National 3, est arrivé de nulle part ! »

Attention, quand Benoît Pansier dit qu’il n’était pas « fait » pour ces niveaux-là, n’y voyez là aucune prétention : simplement, chez lui, son exigence, sa rigueur, sa discipline, son professionnalisme sont tels qu’il est presque impossible de retranscrire tout ça à l’échelle amateur. C’est pour cela que le natif de Nice (47 ans) a un profil qui se rapproche plus du haut niveau, et avec le National 3, il a déjà trouvé un échelon plus en rapport avec ses désirs, un échelon plus élevé (surtout depuis la refonte des championnats l’été dernier) où certains joueurs n’ont que le ballon pour métier.

Alors, quand l’autre club de Besançon, le « BF », lui a proposé un contrat, il n’a pas hésité : « Le club cherchait un coach, et puis, vous savez comment c’est, un agent, l’ami d’un agent, puis l’ami d’un ami d’un agent connaissait le directeur sportif de Fos-sur-Mer, James Strauss, à qui j’avais dit que j’aspirais à retrouver le terrain. On m’a appelé, et voilà, en 48 heures, ça s’est fait avec le Besançon Foot. »

« J’ai du mal à arrondir les angles »

Trois saisons et trois maintiens plus tard, le titulaire du DES – il peut entraîner jusqu’en National 2 – a ressenti le besoin d’aller voir ailleurs. Puis les portes qu’il avait entrouvertes à l’intersaison se sont tour à tour refermées, au point que le doute s’est à nouveau installé : « Je suis resté trois saisons à Besançon et à ce jour, c’est mon fait d’armes. J’avais fait trois ans à Sochaux, donc je n’arrivais pas en terrain inconnu, je connaissais la région, c’était un peu comme un retour aux sources. Mais après trois ans, j’avais la sensation d’avoir fait le tour, de tourner en rond, mon discours s’usait, et puis, il faut avouer aussi que j’ai un management très dur… C’est pour ça que, rester trois ans dans un club avec mes méthodes de management, c’est un exploit. Avec moi, c’est à la dure, à la militaire. J’ai du mal à arrondir les angles. Mais je tends vers plus de souplesse, parce que mon leitmotiv, c’est d’aller au plus haut niveau. Et je mettrai tout en oeuvre pour y aller. Si cela doit passer par un peu plus de rondeur dans les angles, alors OK. » L’exigence dont on vous parlait plus haut.

De Besançon à Argelès…

Photo FC Albères-Argelès

À Besançon, le foot, le foot, ça a l’air compliqué, non ? « C’est compliqué au Racing surtout, pas au Besançon Foot. Le BF, c’est un club qui s’est retrouvé en National 3 sans avoir vraiment voulu y être, qui a profité des différents dépôts de bilan du Racing; à la base, c’est un club de PHA de quartiers, qui a fusionné avec d’autres clubs, qui a gravi les échelons parce que ça a bien travaillé. Mais il n’a pas les structures d’un club de National 3. On se partageait juste le stade Léo-Lagrange pour les matchs de championnat. D’ailleurs, quand je suis arrivé, les deux clubs étaient en N3, comme cette saison d’ailleurs. Pour le derby, y’avait 1500 à 2000 personnes. Après, le Racing a toujours fait du monde, c’est le club historique. Mais les deux ne s’entendent pas. Moi, par exemple, j’avais des contacts avec David (Le Frapper, aujourd’hui coach à Bourg-en-Bresse/Péronnas, en National), mais je n’en avais pas avec son prédécesseur, Jean-Marc Trinita. »

Finalement, après une inter-saison où il a bien cru ne trouver aucun projet, est arrivé Albères-Argelès, toujours en National 3, dans les Pyrénées-Orientales, à côté de Perpignan. « Je connaissais très bien l’ancien coach, Guillaume Boronad (de 2017 à 2022), avec qui j’avais joué à Toulon, et qui a fait monter le club de Régional 1 en N3. En discutant avec lui, je lui ai dit que je cherchais un nouveau challenge, et il m’a dit que le coach de la saison passée, Raphaël Girardot, allait partir, et derrière, ça s’est fait vite. »

Au pays du rugby

Le stade Eric Cantona à Argelès. Photo FC Albères-Argelès

En terre d’ovalie, Benoît découvre un club jeune (il est né en 2006 de la fusion entre l’ASEA Sorède, situé sur le territoire des « Albères », qui regroupe plusieurs petites communes, et le FC Argelèst), avec un peu plus de moyens : « On a 650 000 euros de budget contre 350 000 euros au BF » et surtout une équipe où la plupart des joueurs ne font que du foot. Je peux travailler avec un groupe où je n’ai que quatre joueurs qui bossent à côté, mais comme ce sont les quatre cadres de l’équipe, alors on s’entraîne le soir. On a trois contrats fédéraux. On a vraiment des bons joueurs, un bon groupe, un bon effectif, avec Pascal Vié, qui a joué à Martigues, Marignane et Canet, Toufik Ouadoudi, qui a joué au Puy et à Canet, Max Ferri, l’ex-gardien du Canet, Quentin Martin (ex-Villefranche, Bourg, Béziers)… Bien sûr, en termes de structures, on reste un club amateur, on n’est pas Alès, Gueugnon, Mâcon, Jura Dolois ou Louhans-Cuiseaux, pour ne citer que ces clubs-là. Il ne faut pas oublier qu’Albères-Argelès était en Régional 1 il y a 4 ans et demi. »

Le National 3, plafond de verre ? Comment exister au pays du rugby ? Quid du football à Perpignan et dans sa région ? Un rapprochement est-il possible comme ce fut le cas avec Canet et la capitale de la Catalogne ? « Le National 3 a des exigences, répond Pansier; notre club n’a pas d’histoire, et ça, c’est difficile, parce qu’on est dans une région ou le football n’est pas la priorité. Mais il a de l’ambition. Tant qu’Albères-Argelès restera tout seul, ça sera compliqué. Il faudrait se rapprocher de Perpignan, faire un club Perpignan-Argelès. Perpignan est quand même une grande ville. Pour Canet (N3), c’est pareil : ils ont juste un peu plus de moyens que nous, mais ils ont la même problématique : un jour, un mécène est arrivé, mais le jour où le mécène s’en va… Ils ont eu cette réflexion et tenté le rapprochement avec Perpignan; géographiquement, c’était justifié, parce que Canet est juste à côté, alors qu’Argelès est à 25 kilomètres de Perpignan. Mais cela leur a plus coûté qu’autre chose, parce que Perpignan, où la politique sportive est le rugby, a jeté l’éponge. C’est incroyable que la capitale de la Catalogne n’ait pas un club de foot au moins en National. La Catalogne, c’est le Barça tout de même ! »

« L’objectif ? Un bon maintien en N3 »

Photo FC Albères-Argelès

Sportivement, le FC Albères-Argelès, coprésidé par Raymond Vazquez et Mickaël Lafond, a livré une première partie de saison intéressante (7e à la trêve), qui s’est terminée par un 0-0 sur le terrain de Bayonne, une équipe que Pansier voit bien accéder en National 2 la saison prochaine (lire l’interview « du tac au tac »), même si, pour l’heure, c’est la réserve de Toulouse qui est en tête. « Le National 3 est relevé, c’est dû à la refonte des championnats. Après, est-ce que c’est notre poule qui est plus relevée ? Je ne sais pas, mais c’est dur : les écarts sont faibles. Notre objectif, c’est un bon maintien. C’est la première fois que les dirigeants prennent un coach de l’extérieur, avec quelques joueurs aussi de l’extérieur. On a un peu professionnalisé le club, au niveau du staff et du fonctionnement, avec un adjoint / préparateur physique (Maxime Moretti), un entraîneur des gardiens, Hicham Rhoufir (demi-finaliste de la coupe de France 2010 avec Quevilly), un intendant sportif (Damien Potteau), un kiné (Nicolas Cladiu) et un team manager (Logan Ropero). Mais le point noir, c’est la coupe de France, on a été sorti tôt (élimination au 5e tour face au FC Comtal, club de R2, sur le score de 2 buts à 1). »

Une grosse déception, parce qu’un parcours en coupe est synonyme de médiatisation : « Le club manque de notoriété et c’est en ce sens que la coupe aurait servi. Je comprends la position des dirigeants, mais le problème, c’est que j’ai 25 joueurs à concerner : or, si du 18e au 25e, aucun ne joue contre un club de Régional 3 en coupe, quand est-ce que je le fais jouer alors ? Parce qu’il faut garder tout le monde concerné. Aujourd’hui, le jeune joueur de 20 ans, il veut jouer : ce n’est plus comme à mon époque, où on était content d’être à l’entrainement, d’être dans le groupe. C’est là que, parfois, les discours dirigeants / coachs diffèrent. Mais je comprends : la coupe, ça fait rentrer de l’argent au club et ça engendre une médiatisation. »

Benoît Pansier, du tac au tac

« Passion, travail, rigueur »

Meilleur souvenir de ta carrière ?

Benoît Pansier sous les couleurs de Toulon (Photo An. D.)

J’en ai plusieurs ! J’ai vécu pas mal d’épopées en coupe de France, avec différents clubs, Bourg-Péronnas notamment (1/4 de finale en 1998 et 8e de finale en 2003). Et avec Toulon, on a quand même fait un 16e de finale à Clermont (en 2005). Ce sont des souvenirs marquants. Mais peut-être que mon plus beau souvenir, c’est la montée de CFA en National avec Toulon en 2005. On monte à la dernière journée contre Saint-Priest devant un stade de Bon Rencontre plein. Je pense que ça passe avant la coupe parce que c’est l’aboutissement d’une saison, ce n’est pas éphémère.

Le pire souvenir ?
C’est la descente, la seule que j’ai connue, de National en CFA, lors de ma dernière saison à Bourg, en 2004. Cette saison-là, je me suis blessé au dos, je n’ai malheureusement pas disputé tous les matchs, c’était aussi ma première saison en National, et même quand je jouais, je n’étais pas à 100 %. Une saison de merde.

As-tu déjà pris des cartons rouges ?
Oui, quelques-uns… Mais pour un gardien, je pense que j’en ai pris un peu plus que ce que je ne n’aurais dû. Mon caractère, mon style de jeu avec ma capacité à jouer haut, et donc à être moyen dans la couverture de ma défense, ont fait que… En fait, j’étais un gardien à l’ancienne, bon sur sur sa ligne et dans les 18 mètres, mais peu à l’aise dans le jeu en dehors de mes 18 mètres, et parfois, je m’aventurais loin de ma surface et il m’arrivait de découper l’attaquant.

Photo 13HF

Qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités, le jeu sur ma ligne, la technique, la prise de balle, plongeon, détente, les sorties aériennes… mais à l’époque, nous, les gardiens, on était vachement jugé sur notre jeu aérien : c’est beaucoup moins le cas maintenant. Aujourd’hui, cet aspect du jeu est devenu anodin et plus du tout prioritaire. J’étais un gardien à l’image de Lionel Letizi, très sobre sur sa ligne, toutes proportions gardées.

Justement, Letizi, le Niçois comme toi : c’est un modèle ?
Oui, j’allais le scruter aux séances à Nice. J’ai eu la chance de faire des entraînements spécifiques avec lui, j’étais ce gamin qui admirait son « grand frère ». Jusqu’à en avoir même des mimiques sur mes déplacements, ma manière de jouer.. On a un peu la même morphologie, la même nonchalance, un peu les même caractéristiques. En plus, au-delà de ses qualités de joueur, c’est un homme en or.

Une erreur de casting dans ta carrière ?
Oui, avoir quitté Toulon pour Fréjus. Je ne veux pas dévaloriser Fréjus, parce que pendant deux ans, le club fut mon employeur, mais quand on a connu Toulon… Si c’était à refaire, je n’y serais pas allé, parce que passer de Bon Rencontre avec plusieurs milliers de supporters à un stade de … Le samedi, quand je jouais à Fréjus, ça sentait la merguez alors que, un an avant, à Toulon, ça sentait les fumigènes. Pour la motivation, c’était compliqué. Je n’y arrivais pas. Ce n’était pas un problème d’équipe, car on avait une bonne équipe à Fréjus, mais je n’arrivais pas à me transcender et les deux saisons que j’ai fait là-bas, en terme de rendement, sont mes deux plus pourries.

Un club où tu aurais rêvé de jouer ?
J’y ai joué, mais en jeunes, c’est l’OGC Nice; j’aurais aimé y faire ma carrière si j’avais eu le choix. C’est mon club de sang, c’est ma ville. J’allais avec la Brigade Sud au stade du Ray quand j’étais jeune. Je suis Niçois quoi ! J’y reviens à toutes les vacances.

Photo Besançon Foot

Un match qui ressort de ta carrière ?
(Rires) Bayonne – Toulon en National : là-bas, ce soir-là, on avait été héroïque, j’avais fait cinq ou six arrêts déterminants. C’était Alain Pochat sur le banc d’en face, que je viens juste d’affronter à nouveau à Bayonne avant Noël en N3 avec Albères-Argelès (0-0). Après ce match Bayonne-Toulon, je me souviendrai toute ma vie de ce que m’a dit le directeur sportif André di Scala à la fin : « Lundi tu passes au bureau, et tu signes pour la durée que tu veux au Sporting » ! Je lui en avais voulu de m’avoir dit ça. En fin de saison, il me lourde de Toulon ! C’est le football.

Le pire match de ta carrière ?
Certains de mes matchs avec Fréjus en CFA, je me disais « Il ne faut pas que je reste, cela ne sert à rien ». Je n’étais pas épanoui, mais j’étais payé, et pas mal payé… D’ailleurs, le club payait bien les joueurs pour les faire venir, sinon, les joueurs ne viendraient pas.

Un stade mythique ?
Le Ray à Nice. Même si, contrairement à la plupart des Niçois pure souche, j’adore l’Allianz Riviera (le nouveau stade de Nice, inauguré en 2013), quand il est plein, y’a une ambiance de malade. Je suis un des rares niçois à kiffer l’Allianz !

Un coéquipier marquant dans ta carrière ?
À Sochaux, j’ai côtoyé des garçons qui ont fait une grosse carrière, mais si je dois en ressortir un, je dirais Camel Meriem, il aurait dû faire une carrière à la Zidane. C’est le meilleur joueur avec lequel j’ai joué.

Et le meilleur feeling sur le terrain ?
Sébastien Soulas à Toulon. Lui aussi, c’est pareil, il aurait dû faire une meilleure carrière.

Avec Omar Daf à Sochaux. Photo Besançon Foot

Combien d’amis dans le football ?
Omar Daf, mon ami d’enfance, avec qui j’ai joué à Sochaux, c’est la famille.

Un adversaire qui t’a impressionné ?
L’attaquant Do Marcolino (ex-Laval, Angers, Amiens), quand il jouait à Vannes, m’avait mis un hattrick en National et m’avait impressionné, à tel point que Jean-Louis Garcia, notre coach à Toulon, voulait le récupérer la saison d’après; finalement, il l’a récupéré, mais plus tard, à Angers. Et je citerais aussi quelqu’un avec qui j’ai joué et qui a aussi été un adversaire, c’est Mesut Bilici, un attaquant redoutable.

Un coach que tu as perdu de vue mais que tu aimerais revoir ?
Parfois je l’ai au téléphone, c’est une personne que j’ai eu comme entraîneur, et pourtant, à ce moment-là, notre relation n’était pas au top, c’est Jean-Louis Garcia. Une référence. C’est le meilleur coach que j’ai connu, et pourtant, j’en ai connu beaucoup, Francis Gillot à Sochaux, Faruk Hadzibegic, Jean Fernandez, des noms plus ronflants, mais Jean-Louis… J’aurais aimé bosser avec lui, même si je sais qu’il bosse beaucoup avec Manu (Nogueira), qui est un pote, mais là, je ne sais pas si Jean-Louis reprendra à nouveau un club. J’aurais aimé le côtoyer dans un staff.

Photo FC Albères-Argelès

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Non, aucun. Joueur, je me projetais déjà en tant que coach, donc j’essayais d’apprendre. Je n’étais pas un joueur chiant. J’étais sérieux, bosseur, rigoureux, respectueux. J’avais un sale caractère mais je n’étais pas un « falabrac », je n’étais pas Ruffier ! Moi, c’est plus la sobriété, Letizi, Lloris… Je n’étais ni bruyant ni bouillant. J’étais dans mon coin. D’ailleurs, pas sûr qu’à l’époque on aurait pu penser que je deviendrais entraîneur, car je n’étais pas un meneur d’hommes, je ne faisais pas de bruit dans le vestiaire, je ne criais pas à la mi-temps ou à la fin d’un match. Par contre, j’en faisais plus que les autres. J’arrivais le premier, je partais le dernier.

Une causerie ?
Oui, celle de Didier Christophe à Bourg, il avait repris l’équipe en National, je crois que c’était le match du maintien; il avait fait une causerie un peu à la Pascal Dupraz. Il avait demandé à quelques épouses et familles de joueurs de dire un petit mot en vidéo, j’avais trouvé ça fabuleux. D’ailleurs, je l’ai imité une fois.

Des rituels, des manies avant un match ?
Toucher ma barre au coup d’envoi, notamment. J’en avais plein d’autres !

Photo Besançon Foot

Une phrase, un dicton ?
Le travail surpasse le talent, alors que le talent échoue face au travail.

Pourquoi as-tu pratiqué le foot, quand tu étais gamin ?
C’est mon père qui m’a transmis le virus. C’était sa passion. Il m’a initié au foot, à La Victorine, à Nice, puis j’ai intégré l’OGC Nice où j’ai suivi des amis. J’y ai passé cinq ans de U15 jusqu’à la réserve de CFA où on s’entraînait très jeune, parce qu’il n’y avait pas de 18 ans nationaux; j’avais eu des formateurs comme Gaby Desmenez, Daniel Sanchez, Hugues Buffat…

Tu ne pensais qu’au foot ?
Oh oui, j’étais un malade de foot, je le suis toujours d’ailleurs. Le foot, c’était une obsession. Je voulais réussir. C’est un trait de caractère fort chez moi, mais dans le foot, parce que dans la vie, je ne suis pas du tout comme ça. Dès que ça touche au football, je deviens fou furieux, c’est ma vie, et je dirais même, c’est ma thérapie, une drogue : quand je ne vais pas bien, je me mets un match de foot !

Que t’a-t-il manqué pour franchir le cap et jouer en Ligue 2 ?
Le talent. Ce que j’ai réalisé, je le dois à 90 % au travail. Je n’avais même pas le talent pour jouer au niveau où j’ai joué. J’ai arrêté à 35 ans parce que mon cerveau était usé. Usé de mon surplus de travail, d’investissement, tout ce travail invisible que je me suis imposé pendant quinze ans, avec une hygiène de vie draconienne, à la limite de la folie. Je pesais les aliments, je me couchais à 23 heures… J’avais conscience que je n’avais pas le talent pour jouer ne serait-ce qu’en National, mais j’ai réussi à gravir des échelons grâce au travail.

As-tu déjà marqué un but ?
Malheureusement non !

Si tu n’avais pas été footballeur ?
J’aurais peut-être fait l’Armée.

Photo FC Albères-Argelès

Quand as-tu su que tu allais devenir coach ?
Très jeune, quand j’avais 18 ou 19 ans. C’est une vocation. Celle-là je l’avais ! Je l’ai toujours eu en moi. C’est paradoxal. Autant quand j’étais joueur, j’avais l’image de quelqu’un de humble, autant j’ai l’image d’un coach hautain, prétentieux, sur de lui… Après, je sais que j’ai des qualités pour ce métier de coach, et j’aspire à aller plus haut. Ce qui n’empêche pas le travail : je suis pareil, j’arrive trois heures avant la séance et je repars deux heures après, ça, ça n’a pas changé ! Je m’impose la même rigueur de travail que si j’étais en Ligue 1. J’ai commencé avec les gardiens, à Bourg, j’avais l’école des gardiens, même à Sochaux, parfois, on nous envoyait coacher une équipe de jeunes.

Les entraîneurs qui t’ont inspiré ?
J’ai deux mentors. Il y a Jean-Louis Garcia, ancien gardien comme moi, même rigueur, même exigence, même caractère, avec l’obsession du moindre détail. Après, quand je l’ai eu à Toulon, ça avait matché moyen, parce qu’il est « casse-couilles ». Mais les deux meilleures saisons que j’ai faites, c’est avec lui, j’avais atteint un niveau que je ne pensais pas pouvoir atteindre. Il est toujours derrière toi, il ne te lâche pas, il te met la pression, il te crie dessus. Mais il fait aussi constamment aller au-dessus. Je suis un peu comme ça avec mes joueurs. Et j’ai Pep Guardiola. Bien sûr, je n’ai jamais « pratiqué » Guardiola, alors que Jean-Louis, oui, c’est plus concret. Mais je reste un pro-guardiola, j’aime le jeu de possession, au point d’en être obsédé et fermé à tout autre football, mais j’ai dû évoluer dans ma réflexion : Guardiola, il a les meilleurs joueurs du monde… Faire ce qu’il fait, tu ne peux pas le faire avec Nancy par exemple (rires). Avec Argelès, Besançon ou la réserve du Sporting de Toulon, ce n’est pas possible non plus. Est-ce que l’on veut mourir avec ses idées ou bien essayer d’évoluer, parce que tu as envie de progresser, de durer, d’aller vers un plus haut niveau ? J’ai pris cette deuxième option, en essayant toutefois de garder les grands principes de jeu.

Photo 13HF

Justement, tes principes de jeu ?
Aujourd’hui, j’insiste aussi beaucoup sur les valeurs de combativité et de générosité, de solidité dans les duels, parce que le N3 le demande. Tout en conservant le cadre du jeu. Je suis beaucoup plus adepte d’une défense à 4, j’essaie de bâtir mes effectifs à partir de ce socle, mais cela m’est arrivé de jouer à 5 ou à 3, même si je ne suis pas un grand fan. Ensuite, est-ce que je joue avec une sentinelle devant la défense, ou deux numéros 6… ? Je ne suis pas fermé. Mais j’ai une obsession depuis 2 ou 3 ans, que je n’avais pas avant : c’est de faire du pressing, très haut. Je trouve qu’en N3, on arrive toujours à chiper des ballons, parce que les défenseurs sont avant tout des défenseurs justement, et pas des gros relanceurs. Et puis on met beaucoup plus l’adversaire en difficulté en allant le chercher, en le pressant. Depuis quatre saisons que j’entraîne en N3, j’ai noté que, dans l’ensemble, les joueurs n’aimaient pas attendre. Le bloc bas, ils n’aiment pas trop : ça tombe bien, parce que je préfère que mon équipe soit active plutôt que passive. Après, j’ai toujours cette haine de prendre un but, je préfère gagner 1 à 0, j’aime bien être « meilleure défense » même si je ne l’ai jamais été, là, avec Argelès cette saison, on n’est pas trop mal (6e défense).

Que manque-t-il a un entraîneur comme toi pour toucher le monde pro ?
Il faut des résultats et un réseau, et bien sûr le diplôme ! Mais tu ne peux le passer que si tu es dans une structure pro, c’est dur. Adjoint en pro un jour ? Oui, si j’ai de grosses affinités avec le coach, sinon, non. En revanche, je suis ouvert aux U17 ou aux U19 dans un centre de formation pro, là oui, ou une réserve pro.

Qui va monter en N2 dans ta poule ?
Bayonne et Toulouse sont les plus armés. Bayonne a une équipe très puissante, très N2, elle a le profil. Toulouse, on a pris le feu chez eux, on a perdu 4 à 0. Mais ce jour-là, il y avait eu 9 redescentes de pros, de joueurs de 20/23 ans. Mais c’est une réserve pro, ils ne joueront pas tout le temps avec une équipe comme ça.

Le foot, en trois mots ?
Passion, travail, rigueur.

  • Un peu d’histoire ! Pourquoi le stade d’Argelès s’appelle-t-il stade Eric Cantona ? « Nous cherchions à donner un nom de footballeur marquant à ce stade (inauguré le 30 août 2019), expliquait sur France Antoine Parra, le maire d’Argelès; Dans notre département, c’est rare ! On a pensé à Eric Cantona car il a une histoire liée avec Argelès-sur-Mer. Son grand-père a fait partie des Républicains qui ont fui le franquisme en 1939 et il a été interné au camp d’Argelès ». Le jour de l’inauguration, Eric Cantona était présent en compagnie de sa famille.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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À 36 ans, le capitaine des Tango continue d’emmener tout le monde dans son sillage, comme jadis à Niort ou au Red Star. Entêté du football et leader obstiné, le milieu de terrain décrypte une carrière où il a avancé ardemment, escorté de ses convictions et d’un feu intérieur permanent, et parle de Laval comme d’un club à part.

Par Clément Maillard / Photos Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

De Nice à Niort, d’une naissance à Paris à deux saisons dans le club de Saint-Ouen au Red Star 30 ans plus tard, de week-ends à pleurer seul dans sa chambre du centre de formation des Aiglons aux soirées d’après-matches pleines d’échanges avec les supporters du Stade Lavallois, Jimmy Roye promène son amour du football depuis bien longtemps déjà.

Le milieu de terrain et capitaine des Tango (36 ans) retrace sa carrière, qui s’étire sur plus de 330 matches de Ligue 2 et 224 de National, avec Calais, le Paris FC, les Chamois Niortais, le Gazélec Ajaccio, le Red Star et enfin Laval. Le droitier, relayeur ou milieu défensif travailleur, s’est toujours accroché à son objectif ultime de devenir joueur professionnel. Une obstination qui lui a permis de réaliser un parcours qu’il juge au-delà de ses espérances, mais pas de ses rêves. Entretien avec un entêté du football.

Interview :

« Ma carrière a dépassé mes espérances, pas mes rêves ! »

Jimmy, comment est-ce qu’un gosse du Val-d’Oise, formé attaquant à Nice, en arrive-t-il à compter plus de 500 matches en tant que milieu de terrain ?
Je suis né à Paris, avant de grandir à La Garenne-Colombes et à Argenteuil, dans le quartier d’Orgemont. J’ai monté les échelons au Racing Club de France, comme on l’appelait à l’époque, jusqu’en U14 Fédéraux. Je jouais attaquant, et c’est là que j’ai été repéré par Nice. Le « monsieur » de l’OGC Nice avait fait l’effort de rencontrer mes parents sur Paris, ça avait été un déclic alors que j’avais effectué des essais à Monaco, Châteauroux, au PSG, Montpellier…

Nice me prenait tout de suite, ça avait fait tilt. Ils avaient payé le billet d’avion, nous avaient fait découvrir les installations, je trouvais que c’était un club où je pouvais progresser, où j’allais me sentir bien. Ce sont déjà des choix difficiles, à 14 ans et demi, de partir, mais il faut les faire. Après des fois ils sont bons, ou pas, mais voilà (rires) !

« Faire carrière, je n’avais que ça en tête »

C’est vrai que ce déracinement, jeune, on n’en parle pas tout le temps. Tu pars donc avec l’idée de faire carrière ?
Je n’avais que ça en tête. L’école, ce n’était pas mon fort. Je ne vivais que pour ça, je voulais faire ça uniquement. Quand je suis arrivé en 14 ans, je voyais que j’avais des capacités au-dessus de la moyenne, je me suis accroché à cela, je n’ai pas lâché l’affaire, malgré pas mal de péripéties.
Mais c’est sûr que le déracinement, quitter ses parents à 14 ans et arriver seul à Nice, c’est dur, ce n’est pas facile. J’ai passé des week-ends à pleurer seul dans ma chambre, ça forge le caractère, on va dire; ça passe ou ça casse, certains y arrivent, comme ça a été le cas pour moi, d’autres non.
Tu as même arrêté tes études dans cet objectif de devenir professionnel…

A Nice, on était plusieurs à faire un BEP vente sur deux ans, je l’ai eu, et ma dernière année de contrat aspirant, j’ai décidé de ne pas continuer l’école et de me concentrer sur ma formation, comme j’avais eu le brevet, aussi. La 3e année, le nouveau directeur du centre de formation n’entendait pas que des joueurs restent dans leurs chambres pendant que d’autres étaient en cours. Ce n’est pas passé. Je voulais me consacrer au ballon rond, j’étais en équipe de France moins de 18 ans à l’époque, il faut remettre ce contexte où Nice laisse partir un jeune qui est en EDF U17, U18, ne lui fait pas signer de contrat stagiaire. Aujourd’hui, ce serait impensable pour un centre de formation de ne pas conserver un jeune international, mais à l’époque ça se faisait.

C’est déjà un choix assez fort de ta part à ce moment-là, car aujourd’hui les études sont plus intégrées, ou mieux mises en avant.
Clairement. Aujourd’hui, la nouvelle génération a tout à sa disposition, et c’est très, très bien, je suis content pour eux. Et bien entendu que l’école, c’est primordial. Mais ce n’était pas mon truc. On n’avait pas autant de choix, ce n’était pas autant suivi, j’ai 36 ans, on parle des études dans les centres de formation d’il y a 20 ans. Oui, ça a été un choix fort, que ma famille n’a pas trop compris, mais j’ai assumé, je pensais que c’était le plus bénéfique pour être professionnel.

Une décision qui t’amène à Amiens, donc (2006-2008). Comment arrives-tu là-bas ?
Je quitte l’OGC Nice, on m’annonce qu’on ne me conserve pas pour faire de la place à d’autres joueurs. De là, je n’ai pas d’agent, il y en avait un certain nombre qui tournait autour de moi car j’étais en équipe de France, mais ce monde me faisait peur, je ne leur faisais pas forcément confiance. Mon prof de droit en BEP avait des touches avec le directeur sportif d’Amiens, et il m’envoie faire un essai directement avec les professionnels. Je fais cet essai au début du mois de juillet, et je marque contre Le Havre de Jean-Michel Lesage, on gagne 2-0, je n’ai même pas 18 ans, je crois. Ils m’ont pris, mais je signe stagiaire, pas pro. Je me rapprochais toutefois de la région parisienne et de ma famille.

« Se retrouver 20 ans après avec Malik (Tchokounté), c’est beau ! »

Tu dis que tu es parti de Nice pour faire de la place, tu parles d’Anthony Modeste ? Tu as également été formé avec Malik Tchokounté, avec qui tu rejoues au Stade lavallois !
Malik et son parcours, c’est incroyable. C’est fou de se retrouver maintenant en Ligue 2 dans le même club, alors qu’on se connaissait quand on avait 15 ans. A l’époque, quand je jouais avant-centre, il était plus en équipe B et moi je jouais avec Anthony en A. Anthony a ensuite grimpé les échelons : à 17 ans, il jouait souvent en réserve. Je ne suis pas jaloux de sa réussite. J’ai déjà pu le féliciter en le recroisant. Et pour Malik, quand on voit où il est arrivé, c’est un grand message pour les jeunes : il ne faut pas lâcher. C’est quelqu’un de très gentil, très collectif, toujours avec le sourire, toujours positif, j’adore les gens comme ça, je leur tire mon chapeau. On se tirait la bourre tous ensemble, avec le frère de Malik également. Se retrouver 20 ans après en pro avec Malik, c’est beau. De temps en temps, le coach me replace attaquant sur du travail spécifique à l’entraînement, par doublettes. On se met ensemble comme à la grande époque, on en rigole ! On se connaît bien, on arrive un peu à se trouver les yeux fermés.

Qu’est-ce que tu gardes de ce passage niçois ?
Franchement, c’est un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Les premiers centres de formation, ce sont des souvenirs qu’on n’oublie jamais, qui sont ancrés dans ma tête jusqu’à la fin de ma vie, comme quand je pleure dans ma chambre. Beaucoup de gamins rentraient chez eux, à l’instar de Malik, à Fréjus, Marseille, leurs parents venaient les chercher le vendredi soir.

A 15 ans, c’est dur d’être à 1500 km de ses parents. Mais j’ai aussi tissé des liens incroyables là-bas. Mon meilleur ami était au centre avec moi à Nice, je suis le parrain de sa fille, son témoin de mariage, on part en vacances ensemble, on ne s’est jamais perdus de vue, et ça, pour moi, ça n’a pas de prix, ça a beaucoup plus de valeur que le football.

« Ma carrière a dépassé mes espérances »

Comment voyais-tu ta carrière à ce moment-là ?
Quand j’étais au centre, je me souviens avoir inscrit sur un papier que j’ai donné à ma mère que je serais en équipe de France et que je soulèverais une Coupe du monde, c’étaient mes plus grands rêves. Bon, je n’ai pas réussi à remplir ces objectifs, mais c’était clair et net, mon objectif était d’être professionnel. En arrivant à Amiens, quand j’ai vu le monde que c’était, j’ai compris que l’équipe de France, ça allait être compliqué ! Mais je ne voulais pas lâcher le rêve de jouer en Ligue 1, en L2 ou en National. Même en National 2, ça ne m’aurait pas dérangé. En tout cas, à 18 ans, je n’aurais jamais cru faire autant de matches, jouer autant de saisons, et être encore actif aujourd’hui. A cet âge, j’aurais signé tous les jours pour avoir cette carrière. Elle a dépassé mes espérances. Mais elle n’a pas dépassé mes rêves. Ces rêves les plus fous de gamin de 15 ans, jouer en Bleu et soulever une Coupe du monde.

« Eddy Torest m’a sorti de la merde »

Voici donc venir, tout de même, tes grands débuts. Tu quittes Amiens pour Calais, avant de jouer pour le Paris FC et d’exploser définitivement à Niort. Un sacré début de parcours, quand même ?
C’est un peu ça. À Amiens, je m’entraîne avec les pros, je joue avec la réserve, mais le club ne me conserve pas, il ne veut pas me faire signer pro. Je me retrouve une deuxième fois dans la merde (sic) après Nice, clairement, pour dire les choses assez crûment. Je n’avais toujours pas d’argent et je ne leur faisais pas confiance. Arrive le mois de juin, j’ai un agent qui m’appelle, que je ne connais pas du tout, Eddy Torest. C’est encore mon agent aujourd’hui, il m’a sorti de là. Il contribue à me mettre à Calais avec quelqu’un d’autre. J’arrive en outsider derrière des attaquants comme Djezon Boutoille ou Mathieu Hoguet, des pointures dans le Nord et en National à l’époque. Je suis 4e ou 5e attaquant, mais j’arrive un peu à bousculer la hiérarchie et faire mes 30 matches, mettre mes 5 buts. Là, re-patatras, encore un coup dur, le club coule administrativement et nous on descend sportivement.

Je me retrouve fin juillet sans club, à me dire que je vais arrêter le foot et que je vais aller bosser. Et à partir de là, mon agent me rappelle et me dit « écoute, je connais bien Jean-Marc Pilorget au Paris FC, je vais te faire signer là-bas ». Mais je signe pour rien, à 1200 euros nets par mois, je crois, un contrat fédéral. Je me dis, « de toute manière je n’ai que ça, soit j’arrête le foot, soit j’y vais ». J’arrive au Paris FC sur la pointe des pieds. Personne ne me connaît, même si je viens de faire une année de National, mais avec Calais, en finissant derniers ou avant-derniers du championnat, donc voilà. Là entre guillemets, j’explose au Paris FC, Jean-Marc Pilorget me fait confiance, comme Jean-Luc Vannuchi l’année d’après. Je fais 36 puis 37 matches, je mets mes 5-6 buts les deux saisons, à 20 et 21 ans.

Et puis de là, Pascal Gastien, le coach de Niort en National, me contacte et me dit : « Ecoute, on veut faire une équipe pour monter, mais on n’a pas trop de billes, on n’a pas trop d’argent, et surtout on n’a pas de temps, on n’a qu’une année pour monter. » Donc on n’avait qu’une année pour monter, et je me retrouve dans une équipe de fous à Niort, avec un coach de malade, des joueurs incroyables. Une aventure humaine particulière, comme on n’en vit plus beaucoup. On fait monter le club et voilà, après, la carrière prend son élan en Ligue 2.

« À Niort, je me suis épanoui plus, plus, plus »

Tu ouvres ainsi le volet Chamois Niortais. Sept ans de ta vie (2011-18), une montée, un replacement au milieu de terrain, un super groupe. Tu peux détailler un peu tout ça ?

J’arrive chez les Chamois après trois années de National. On a une équipe incroyable avec Quentin Bernard, Johan Gastien, Arnaud Gonzalez, Paul Delecroix… On fait une année, on explose le championnat de National, enfin, on finit 3es, mais on était la meilleure équipe, on jouait le mieux. On arrive à monter en Ligue 2 sur la dernière journée, au Gazélec Ajaccio, où je marque le penalty de la montée ! Je n’ai jamais eu aussi peur d’aller tirer un penalty dans toute ma carrière, avec toute la pression derrière, sur une dernière journée. On gagne 1-0, on fait la fête, on monte. En Ligue 2, on est un club avec très peu de moyens, un stade vétuste, un centre d’entraînement qui n’existe pas. Mais Pascal Gastien, c’est un visionnaire, un amoureux du football et quelqu’un qui arrive à faire progresser tous ses joueurs, même ceux qui ne jouent pas. Et c’est ça qui est le plus fort, faire progresser ceux qui jouent moins, qui ne sont pas titulaires, arriver à les maintenir en vie, entre guillemets, dans le groupe. C’est une période de ma vie incroyable. Footballistiquement, je me suis épanoui « plus, plus, plus »… C’est pour moi l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, de ma carrière.

C’est à ce moment-là que Pascal Gastien te repositionne au milieu de terrain ?
Quand j’arrive en National, il ne me voit pas avant-centre : pas assez rapide, pas assez costaud. Mais il voit que j’arrivais à sentir le foot, que j’étais assez technique, et il me met numéro 10 ou en 9 et demi derrière l’attaquant. Bien lui en a pris, je mets 10 buts et 10 passes décisives en National quand on monte. On a été plusieurs à exploser cette saison-là. Gastien, c’est un visionnaire ce coach, c’est le meilleur que j’ai vu de toute ma carrière. Avec lui, tout passe par le jeu, même en Ligue 2 on s’en sortait par le jeu, en n’ayant pas peur, en prenant des risques. Comme à Clermont, qui avait le plus petit budget en Ligue 1. Mais quand tu as des idées, tu peux déplacer des montagnes.

« Je me suis adouci avec l’âge »

Ton profil se révèle être celui d’un milieu de terrain technique, mais accrocheur, comme le décrit aussi Alain Wathelet, qui t’a connu au centre de formation de Nice. C’est un peu un condensé de ce que tu es, Niort ?
C’est un peu ça, oui. Cela a un peu dévoilé toute ma palette footballistique, mais aussi mentale… C’est-à-dire que je suis un mec qui ne lâche rien, je suis un casse-bonbons. Si vous demandez aux joueurs, 90% vont dire qu’ils ne m’aiment pas. Je n’ai pas de problème avec ça, parce que sur un terrain, ma personne est 200 000 fois à l’opposé de celle que je suis dans la vie.

Mais sur le terrain, je ne lâche rien, c’est vraiment ça. Je mets le pied, je parle beaucoup, je cours beaucoup, j’essaye de tout donner, 100%, à chaque entraînement, chaque match. Je suis aussi un peu râleur, donc forcément, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais j’ai aussi fait ma carrière sur ça. Je n’étais pas le meilleur, mais j’ai un aspect mental qui est un peu meilleur que les autres. Un peu à l’instar de certains basketteurs très exigeants, comme Kobe Bryant ou Kevin Garnett.

Moi, je vais être honnête avec toi : j’étais affreux. Alors je me suis adouci avec l’âge, mais j’étais affreux avec mes adversaires et j’étais affreux avec mes coéquipiers, par moments. Mais affreux dans le bon sens : pas pour être méchant; j’étais dur. Il faut avoir de l’exigence. Je ne conçois pas que les autres ne puissent pas faire pareil. Mais on n’est pas tous faits pareil.

Pour reprendre l’exemple de Kobe Bryant, il était tellement exigeant envers lui-même qu’il en demandait autant aux autres. Avec l’âge, j’ai compris que tu ne pouvais pas en demander autant aux autres qu’à toi-même, parce qu’on est tous différents, on n’a pas tous la même personnalité, on n’a pas tous été élevés de la même manière, on n’a pas tous grandi au même endroit. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dur, j’étais un « chieur », puis je me suis adouci avec l’âge. Aujourd’hui, je comprends un peu mieux les autres, on va dire.

« À Laval, il n’y a que des capitaines ! »

Tu étais capitaine à Niort, tu l’es aussi à Laval, où tu es arrivé il y a 3 ans et demi. Peux-tu parler de ce rôle qui semble très bien t’aller ?
J’ai toujours été un leader, même sans le brassard, ça ne m’a jamais posé de problèmes. C’est ce que je dis aujourd’hui quand je suis en conférence de presse, le brassard à Laval, je ne l’ai pas demandé, on me l’a donné. Aujourd’hui il y a plusieurs capitaines dans le vestiaire. Tu parlais de Malik Tchokounté, c’est un capitaine par sa positivité. Mamadou Samassa (le gardien de but des Tangos), c’est un capitaine par ce qu’il dégage, et Anthony Gonçalvès (latéral ou milieu) est un capitaine par excellence. Et il y a Jordan Adéoti, Yohan Tavares… Il n’y a que des capitaines dans cette équipe, n’importe qui pourrait le prendre.

Même quand je n’avais pas le brassard de capitaine, j’étais un leader, j’avais ça en moi, parler, essayer de tirer le maximum de mes coéquipiers et d’amener l’équipe et le club vers le haut, l’institution vers le haut. Parce que c’est ce que je mets avant tout en en avant, les clubs par lesquels je suis passé. Moi, mon perso, ça ne m’intéresse pas beaucoup, ce sont les clubs qui sont importants, parce qu’on est que de passage dans un club, il faut leur donner le maximum.

Alors oui, j’ai toujours été capitaine dans mes clubs, mais je n’ai jamais rien demandé. En fait, c’est juste que j’ai une personnalité, je suis très exigeant, je donne 100 % à chaque entraînement. Je dis les choses assez clairement, je suis assez cash. Alors avec certains ça passe, avec d’autres ça ne passe pas. Et avec l’âge, j’apprends à tourner ma langue dans ma bouche avant de parler.

« Je ne suis pas facile »

Ce qui n’empêche pas ce retour assez général sur toi : tu es un pénible sur le terrain, mais aussi et avant tout un joueur et une personne très appréciée dans tes vestiaires.
Déjà, donner cette interview, c’est bizarre, je n’aime pas beaucoup parler de moi, mais bon c’est le but. Alors oui je suis aimé, mais je n’ai pas été aimé par tout le monde. Je me suis déjà bagarré avec des coéquipiers, des vraies bagarres, je ne suis pas facile. Mais quand on me connaît, quand on arrive à sortir du personnage que je suis sur le terrain et voir ce que je suis en dehors, on comprend tout de suite qui je suis et voilà.

Beaucoup de gens vont dire que je suis un « merdeux » sur le terrain, mais en dehors, si j’ai un coéquipier qui m’appelle à n’importe quelle heure de la nuit, je serai là pour le dépanner, que j’ai des affinités ou pas avec lui. Dans un vestiaire il y a 28 garçons, on ne va pas manger tous ensemble au restaurant tous les midis, on ne va pas se mentir, mais peu importe qui m’appelle, je lui tendrai la main de bon cœur. C’est aussi pour ça que les gens m’apprécient, ils savent que je ne suis pas quelqu’un qui veut le mal des autres.

Cela permet de rebondir sur les clubs que tu as connus après Niort : le Gazélec Ajaccio et le Red Star, deux entités avec une identité forte, à ton image. Tu y vas aussi pour ça ?
Les Chamois, c’est une super partie de ma carrière. Mais l’engouement n’était pas… (Il cherche ses mots). C’est un club familial, très tranquille, où même quand tu perds, ce n’est pas grave. Quand je suis parti des chamois, c’est aussi quand monsieur Hanouna arrive, et je savais que ça n’allait pas coller. Je me suis assis sur une dernière année de contrat avec un beau salaire, j’ai appelé mon agent, je savais que ça n’allait pas passer.

Je ne demande pas un centime et je pars. J’avais besoin de sortir de ma zone de confort et j’avais besoin de de me remettre en question footballistiquement. Personnellement, je venais de divorcer, j’avais besoin d’un changement. Et je pense que le Gazélec, c’est ce qui me correspondait le plus, c’est aussi simple que cela : un engouement, une identité, un club, une ville, une île, peut-être une mentalité qui me correspondait, aussi. Ça ne s’est pas passé comme j’aurais voulu. J’avais signé trois ans, on descend en National, j’avais une clause pour partir en cas de descente, et pareil, je m’en vais sans un centime.

J’arrive au Red Star, un club complètement à part dans le football. Pour moi, c’était énorme d’aller signer là-bas, j’étais hyper content. Il y a une identité forte, un club, des couleurs… Vraiment magnifique. Et des supporters avec un engouement, quelque chose de fou, fou à décrire. Mais au bout de deux ans, on n’arrive pas à monter en Ligue 2, on jouait sur le synthétique de Bauer, qui était très, très compliqué à l’époque, la Covid a aussi arrêté la saison, ça nous a un peu pénalisés.

« J’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois »

Après deux ans, tu arrives donc à Laval en 2021. C’est un retour dans un club plus familial ?
Laval m’appelle, le président, le coach, le directeur sportif. Surtout, on m’appelle en me proposant un projet familial, mais aussi pour reconstruire une identité qui correspond à la Mayenne. C’est un club où il y a toujours eu du monde, un engouement et des couleurs, mais où les gens de la ville se dissociaient du club. Plus les années passaient et moins les gens venaient au stade. On m’a clairement dit que j’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois, ça m’a parlé tout de suite.

J’ai divisé mon salaire par deux, je ne suis pas venu pour l’argent, mais pour ce projet. Un projet qui n’était même pas sportif, mais plus global, je ne sais même pas comment on peut dire, un projet pour la ville… Remettre la ville et ses administrés au cœur du club de Laval. Et ça a marché directement. On avait et on a une équipe de fou, un groupe de fous. Je n’ai jamais vu autant de joueurs aller dans les espaces partenaires, et/ou même pas partenaires, aller avec les supporters, boire des coups, manger, c’est fou-fou-fou. On a ramené 10 000 personnes à chaque match quasiment. Pour moi, ce sera la plus grosse fierté que j’aurai le jour où ça s’arrêtera à Laval.

« Step by step »

Le Stade Lavallois, c’est un club historique, mais dans votre groupe, il y a plein d’histoires dans la grande histoire, comme celle du maintien à la dernière seconde il y a deux ans, quelques semaines après le décès du papa d’Olivier Frapolli…

Il se passe toujours quelque chose à Laval. En tout cas, depuis que je suis arrivé. Le coach m’avait appelé, il n’y avait pas de leaders, le groupe était amorphe un peu, c’est un club qui vivotait dans les dans les bas-fonds du National, ou en milieu de tableau.

Il cherchait une équipe avec de la personnalité, avec des leaders, des mecs qui en avaient, entre guillemets (rires). Et ça a matché tout de suite. On parlait de Pascal Gastien tout à l’heure, mais Olivier Frapolli sera le deuxième coach de ma carrière, il m’a beaucoup marqué. On a une relation particulière, je suis son capitaine, on a vécu des choses incroyables, une montée, un maintien à la dernière seconde, son papa lui avait dit qu’on se maintiendrait, il n’avait pas menti.

Il vit des belles choses au club, moi je vis des belles années avec lui, le club vit de belles choses, pourvu que ça dure. Mais il se passe toujours quelque chose à Laval. La première année, on est champions en National, le premier titre du club, le premier trophée de son histoire. Et en Ligue 2, on se maintient à 17 secondes de la fin, sur la dernière journée, on marque à la 93e plus 43 secondes.

L’année d’après, on est premiers quasi tout le championnat, on fait un parcours de fou en Coupe de France, on élimine Nantes chez eux. Et puis cette année on est à notre place, dans la première partie de tableau en Ligue 2. C’est un club qui se structure, qui progresse, qu’on est en train de structurer, entre guillemets. Et qu’on veut, petit à petit, amener vers le sommet, « step by step ». C’est mon expression ça !

Ce « step by step », l’humain, le sportif, kiffer jour après jour, c’est ça qui te permet de continuer encore, à 36 ans ?
Je suis en fin de contrat, mais je ne demande rien, je ne veux pas de garanties. Je veux jouer au foot, prendre du plaisir, garder le sourire. S’ils sont contents de moi, eh bien on prolongera l’aventure, sinon on se serrera la main et je leur dirai merci sans rien attendre en retour. Rien d’autre. J’aurai juste à dire merci pour l’histoire ensemble.

Mais oui, tout ça, c’est ce qui me maintient. C’est ce qui me maintient en vie et c’est ce qui me donne envie d’aller m’arracher tous les jours à l’entraînement. C’est l’humain, ce sont les gens… Il faut se rendre compte de ce qu’on vit ici. L’autre jour j’étais au sport avec mon fils, partout où je vais les gens me parlent de foot, ils connaissent le sport, suivent l’équipe, c’est ultra bienveillant, c’est hyper agréable, ils encouragent, nous disent de continuer, que c’est super ce qu’on fait. Ils vivent avec le club, et les émotions qu’on leur procure, ils nous les rendent fois mille.

J’ai encore un exemple, hier j’étais à la Ligue de Football Professionnel pour la présentation du trophée de Ligue 2, et il y a un membre de la DNCG qui était là, qui est venu me saluer, que je n’avais jamais vu de ma vie. Il me dit « Bonjour, félicitations pour ce que vous faites ». Je lui réponds « Eh bien merci, mais vous êtes qui ? » (rires). Il me dit qu’il est Lavallois, qu’il travaille à la DNCG donc, qu’il vient tous les 15 jours / trois semaines, au stade, et qu’il tenait à me féliciter, à me dire bravo pour l’image du club… Voilà, moi avec juste des petits mots comme ça, je pourrais jouer encore 15 ans (rires) !

« Je dis aux gens Venez, venez à Le Basser, et vous verrez ! »

Les Tangos re-dansent avec vous, avec cette équipe ?

J’encourage les gens à venir à Le Basser. Et pas que les Lavallois. Je dis aux gens « Venez. Venez et vous verrez ». La sandwicherie Chez Bouboule, c’est top, le stade, c’est top, on voit les joueurs à la fin des matches, ils sont dans les espaces partenaires ou autres. Moi après chaque match je vais dans un groupe de supporters, on boit la bière de l’amitié, on débriefe, qu’on gagne, qu’on perde, les gens sont bienveillants, il y a une bonne ambiance.

Pour conclure, ce que tu évoques de Laval semble démonstratif du joueur et de la personne que tu es. De Nice à Laval, en passant par Niort, quel bilan tu fais de ta carrière ?
Ma carrière, je n’ai pas assez de mots pour la décrire… C’est beau, c’est… En fait, je veux juste dire merci, voilà. Merci au football, c’est tout. Merci aux gens, merci à toutes les rencontres, merci à toutes les aventures humaines. J’espère que ça va continuer encore une année, ou deux, ou trois, mais je veux juste dire merci au foot. Le football, ce sont des émotions, et on y joue pour avoir des émotions et vivre des moments magnifiques.
Ma carrière m’a fait vivre des moments incroyables, des moments beaucoup plus difficiles, mais j’ai envie de dire qu’elle est un peu comme la vie de chacun, avec des hauts, des bas. Mais si mentalement tu ne lâches pas et que tu respectes tout le monde, à un moment donné tu es récompensé.

Jimmy Roye, du tac au tac

Le ou les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

Les deux montées en Ligue 2 avec Niort (2011-2012) et Laval (2021-2022) … 10 ans d’intervalle !

Le pire souvenir ?
La descente avec le Gazélec Ajaccio en 2018-2019 ! J’ai toujours pas regardé le barrage retour (contre Le Mans) à l’heure actuelle.

Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
J’en mets trois : Marhez, Thuram et Ferreira Carrasco, et en bonus Javier Pastore en Coupe de France.

Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Hugo Lloris a l’OGC Nice.

As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Eric Cantona, Lionel Messi.

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
A Niort, Didier Lamkel Zé, de loin !!!

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Il y en a beaucoup … Je dirais toute l’équipe de Calais autour d’une bonne bouffe !

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Niort lors de la saison 2010-2011. Très très forte, cette équipe !

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Sûrement l’armée ou les forces de l’ordre.

L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore raconté mais que tu vas raconter ici ?
Il y en a tellement … Je vais dire à Calais, les veilles de match, dans les chambres d’hôtel, c’était du grand n’importe quoi ! Whisky, bière, vodka, on parle là d’une veille de match quand même … Mais je ne donnerais pas de noms. Les mecs pensaient à demander des glaçons à l’hôtel pour remplir les éviers de la chambre et mettre les bières au frais !!! C’était une autre époque.

Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Pascal Gastien, un maître en la matière.

Un président marquant ?
Laurent Lairy, mon président actuel à Laval, avec des idées innovantes et différentes dans le football.

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade Bollaert (Lens)… Incroyable.

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
Monaco en Ligue 2, saison 2012-2013, que des stars !

Un match où tu t’es senti intouchable ?
Je n’ai pas de match en particulier en tête, mais une saison, celle de 2011-2012 avec Niort ! On était injouable, presque.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le PSG, bien sûr.

Une causerie de coach marquante ?
Pascal Gastien pour le match du maintien saison 2012-2013.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Pedro Miguel Pauleta.

Pour finir, une devise, un dicton ?
« On n’a que ce qu’on mérite dans la vie. »

Coupe de France (32e de finale) – vendredi 20 décembre 2024 : Mérignac (R1) – Stade Lavallois MFC (L2), à 20h45, au stade Robert-Brettes, à Mérignac.

 

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

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Le manager général du club provençal, promu cette saison en N2, estime que, compte tenu de son budget, l’équipe « rivalise avec ses moyens ». Le dirigeant évoque aussi la place d’Istres sur les bords de l’étang de Berre, la mutualisation des moyens, le stade Parsemain, la formation, la fin du football « village »  et … Bordeaux, un cas particulier qu’il ne comprend pas.

Par Anthony BOYER

Reportage effectué avant le match Istres FC / Andrézieux (0-0)

Laurent Thomas. Photo 13HF

Forcément, quand on accuse 46 ans de vie associative et sportive istréenne, ou presque, il peut arriver que l’on se mélange les pinceaux ! Et que l’on en vienne à se tromper lorsqu’il s’agit de parler de « son » club. Pendant les 45 minutes qu’a duré cet entretien, Laurent Thomas, le manager général du « Istres Football-club », 46 ans donc, a toujours parlé – par erreur – du « FC Istres ». « J’ai dit FC Istres ? C’est parce que je suis nostalgique (rires) ! Avant, c’était le FC Istres Ouest-Provence, le FC Istres Ville Nouvelle… Bon, c’est vrai qu’aujourd’hui, c’est Istres Football-club. »

Si l’on a titillé le dirigeant provençal sur le sujet, c’est parce que, quelques instants plus tôt, l’on évoquait ensemble la nostalgie qui, parfois, peut freiner le développement de certains clubs qui vivent dans le passé ou ne parviennent pas à se défaire d’une époque dorée révolue.
Ce n’est pas le cas à Istres, d’autant moins qu’ici, on joue plutôt la carte de l’humilité, même si le professionnalisme a bercé trente ans de vie sur les bords de l’étang de Berre, entre 1985 et 2015. Trente ans durant lesquels le club a joué dans la cour des grands (10 saisons de National) et même des très grands (19 saisons de Ligue 2 et une saison de Ligue 1, en 2004-2005). C’était l’époque du stade Bardin, le petit chaudron provençal, où l’on pouvait basculer d’un match de foot à un match de handball juste en descendant sous la tribune couverte de 2200 places, où se trouvait la salle omnisports.

C’était l’époque du football de villages, celui qui a de moins en moins sa place aujourd’hui dans les hautes divisions françaises, à quelques exceptions près, comme le regrette d’ailleurs le dirigeant des « Violet et noir ».

C’était l’époque où, lorsque l’on arrivait dans cette commune, située à 15 km de Martigues, nichée entre Fos (10 km) et Miramas (10 km), le panneau d’entrée annonçait la couleur : « Istres ville nouvelle ».

Du stade Bardin à Parsemain…

Le stade Parsemain, à Fos

Les panneaux ont disparu. Mais qu’est-ce ce slogan « ville nouvelle » voulait bien dire ? « Notre maire, François Bernardini, qui est à la tête de la ville depuis longtemps, et qui est une vraie personnalité politique sans égale sur les pourtours de l’étang de Berre (il fut notamment député européen), a eu à l’époque une vision avant-gardiste, explique Laurent Thomas; il a devancé tout le monde et fait passer sa ville de 10/15 000 habitants à 45 000 habitants, en développant le bassin économique. Il a fait de son gros village une ville et, automatiquement, dans ses discours, il a parlé de « ville nouvelle ». L’expression est venue de là. »

C’était aussi l’époque du déménagement du nouveau FCIOP à Fos-sur-Mer en 2005, dans un stade Parsemain froid et impersonnel de 13 000 places assises, ouvert aux quatre vents et surtout aux moustiques. Un stade construit à la va-vite pour y accueillir le club en Ligue 1 (il n’y disputa que ses quatre derniers matchs « à domicile » de la saison), et dans lequel il évolue toujours, devant plusieurs centaines de spectateurs, parfois un peu plus d’un millier comme ce fut le cas récemment lors de la réception d’une Ligue 2, Grenoble, en coupe de France. Et pour les matchs de championnat, le stade est partagé avec l’ES Fos, club de National 3.

L’ancien gardien de but, qui n’a fait qu’une seule infidélité à l’étang de Berre – il est parti 3 ans à Narbonne mais a surtout porté les couleurs d’Istres en jeunes, Martigues et Fos ensuite en seniors avant de revenir à Istres – connaît parfaitement le microcosme local.

Le stade, le National 2, les jeunes, les infrastructures, la place du football istréen, l’avenir, le passé, les clubs voisins, les finances, le sportif, Bordeaux, Mollo, Laurent Thomas, chef du service gestion et concours aux associations à la ville d’Istres – « On est force de proposition dans les budgets associatifs de la Ville, on gère toutes les demandes de subvention » – a passé en revue tous les sujets. Sans jamais user de la langue de bois. Mais toujours avec son accent chantant. L’accent provençal, bien sûr !

Interview

« Aujourd’hui, il est impossible d’aller en National »

Laurent Thomas. Photo 13HF

Laurent, revenons sur votre carrière de joueur et votre arrivée en tant que dirigeant à Istres…
J’ai joué jusqu’à l’âge de 31 ans. J’ai été formé à Istres, j’y suis resté jusqu’à l’âge de 19 ans, j’y ai côtoyé l’effectif de National à l’époque sans jouer, car j’étais 2e ou 3e gardien. Comme je pensais que l’herbe était plus verte ailleurs, je suis parti à Martigues, chez le voisin, pendant deux saisons, où j’étais second gardien, en CFA2. J’ai ensuite privilégié ma carrière professionnelle tout en me faisant plaisir dans le foot, c’est pour ça que je suis parti 3 ans à Narbonne avant de revenir à Istres, dans ma ville, en 2002, où j’ai eu la possibilité d’intégrer la municipalité, tout en jouant à Fos pendant 4 ans, avec une accession en CFA2 et un titre en Coupe de Provence. Enfin, j’ai bouclé la boucle en signant à Istres, où j’ai rendu service en « accompagnant » les jeunes de la réserve, que j’ai entraînée aussi pendant une saison. Je m’entraînais avec le groupe National. Ensuite, j’ai coupé avec le foot. J’ai lancé une autre activité dans la restauration et puis je suis revenu dans le foot quand mon fils a commencé à jouer, à l’âge de 7 ans (il en a 15 aujourd’hui). Je suis devenu éducateur à la Jeunesse Sportive Istréenne, où il jouait, puis il a intégré le Istres Football-club (il fait actuellement partie de l’effectif U17 Nationaux), du coup, je me suis intéressé au club, et quand il a connu des aléas, des tracas, j’ai eu la possibilité de le reprendre et j’en suis devenu le président, pendant 6 saisons. Puis, compte tenu de mon activité à la mairie, il y avait un conflit d’intérêt donc je suis passé manager général, il y a 2 ans maintenant.

Vous êtes le manager, ok, mais aussi encore un peu président, non ?
Non, le président c’est Youssef Moumaris. On travaille en étroite collaboration. Je l’ai fait venir voilà 5 ou 6 ans. On marche main dans la main. Même si je suis plus proche du sportif et de l’aspect technique, il a toute responsabilité dans la bonne marche du club.

« À chaque jour suffit sa peine »

L’ex-pro Foued Kadir, capitaine du Istres FC. Photo Kevin Mesa / ASC

Vous avez joué à Martigues, à Fos, à Istres : c’est où le mieux pour faire du foot ?
On n’est pas dans les mêmes formats de clubs. Istres jouit d’une réputation de club formateur sur la région PACA et bien au-delà. On a des jeunes qui intègrent des structures professionnelles tous les ans. Il y a un énorme travail de fait dans ce domaine. Quand j’ai pris la responsabilité du club, il y avait deux façons de voir les choses : soit on axait le budget en priorité sur une équipe seniors comme certains clubs sur l’étang de Berre, soit on axait sur la formation. Mais on se rend bien compte que tout miser sur une équipe, c’est fragile, que ce sont des châteaux de cartes qui s’effondrent. Regardez l’Atletico Marseille (ex-Consolat), qui a failli accéder en Ligue 2, mais derrière l’équipe fanion, c’était une coquille vide, rien n’était mis en place pour assurer un renouvellement des générations. Quand je suis arrivé à Istres, on a alloué un budget, qui était ce qu’il était, en utilisant le système D. On a privilégié ce volet formation, et le reste du budget était alloué à l’équipe une sur laquelle on nourrissait de l’ambition, sans jamais mettre en péril l’édifice. A Fos, en jeunes, on parle d’équipes de District, de faible niveau, mais l’équipe Une réalise de bons championnats en National 3. Quant à Martigues, on le voit aujourd’hui, ils ont des difficultés financières et une structure jeunes proche du néant, sans aucune équipe au niveau national. C’est même compliqué pour eux au niveau Ligue. Après, chacun voit midi à sa porte : nous, on a souhaité un format axé sur la formation tout en gardant une ambition pour la vitrine. Certains trouvent que les choses ne vont pas assez vite, je leur réponds qu’à chaque jour suffit sa peine.

L’équipe fanion évolue en National 2 pour la première fois de son histoire : c’est sa place aujourd’hui ?
Avant cela, on a passé 6 ans en National 3. Là, on est dans le top 100 français. Compte tenu de notre budget, le plus petit de la notre poule en National 2, avec 1,2 million d’euros, on est au même niveau qu’Anglet, mais Anglet n’a pas d’équipes de jeunes en national. 60 % sont alloués à l’équipe Une, mais pas 80 ou 90 %. Quand on négocie pour des joueurs, on voit bien ce que peuvent proposer financièrement d’autres clubs, mais nous, on veut conserver une certaine homogénéité dans le vestiaire afin de ne pas créer de trop gros déséquilibres au niveau des salaires. Celui qui vient à Istres, il sait pourquoi : il vient pour rebondir, pour le niveau aussi, dans un écrin qui donne quand même envie et sur des installations d’entraînement certes vieillissantes, au complexe Audibert, mais correctes, où sont hébergés à l’année 20 garçons des générations 2008 et 2009, avec du soutien scolaire, de la restauration, du gardiennage, des transports, etc. Et tout ça a un coût. Le joueur qui nous rejoint, il sait qu’il ne fera pas une affaire financière. Mais on peut être un tremplin pour lui. C’est ça l’idée. Après, on peut attirer des garçons comme Foued Kadir (41 ans) cette saison, qui jouait encore à Martigues en National l’an passé (ex-OM, Rennes, Valenciennes, Betis Seville, Getafe), et qui a envie de boucler la boucle pas loin de chez lui, en prenant du plaisir, dans un club structuré. On n’a rien inventé. On assure juste une continuité. On essaie de consolider l’ensemble.

« Pour une mutualisation, il faut une volonté politique »

Anthony Sichi, le coach de l’équipe de N2. Photo Istres FC

Autour de l’étang, avec tous ces clubs, un rapprochement n’est-il pas envisageable pour, un jour, avoir un deuxième « gros » club derrière l’OM ?
Vous parlez de mutualisation… Ce type de projets émanent de volontés politiques. Avec Fos, il y a eu à un moment donné une volonté de se rapprocher mais comme on le dit, dans une fusion, il y a un « cocu », et peut-être qu’à ce moment là, les politiques ou les techniciens de clubs se sont sentis en infériorité. Pour avoir un deuxième club des Bouches-du-Rhône derrière l’OM, il faut passer par une mutualisation des infrastructures, des moyens financiers, des compétences, des ressources humaines, etc. J’ai toujours été ouvert à ça. D’ailleurs, au sein de ma ville, j’ai voulu mutualiser les quatre clubs de football d’Istres, mais j’ai échoué : j’ai tendu la main aux autres clubs qui ne l’ont pas saisie. A Istres, le foot représente un potentiel de 1200 licenciés, pour une ville de 45 000 habitants, ce n’est pas rien. Cette mutualisation aurait permis d’être « perfusé » par une seule et même ville. C’est pour ça que c’est compliqué de mettre autour de la table plusieurs interlocuteurs de différentes villes, car il peut y avoir des conflits d’intérêt ou des conflits de personnes, des questions d’ego. Pour en revenir à une mutualisation du football du bassin de l’étang de Berre, il faut une volonté politique : ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui vont décider de cela.

Un regret d’avoir échoué dans votre entreprise de regrouper les clubs de football à Istres ?
Le truc, c’est que s’il doit n’en rester qu’un seul, ce sera le gros… Les collectivités ont de moins en moins de moyens aujourd’hui, les aides financières diminuent pour les associations, cela devient compliqué pour tout le monde, c’est pour ça que mutualiser était, je pense, une belle vision, une belle projection, un beau signal, et ça aurait permis de grandir, de grossir, de jouer sous la même égide, avec le soutien de la municipalité. Là, chacun reste dans son coin. Aujourd’hui, on en est à point où un club est content de récupérer 50 licenciés chez lui mais la saison d’après, comme l’éducateur est parti dans un autre club, ces 50 licenciés-là sont partis et l’ont suivi. En fait, le « diviser pour mieux régner » est bénéfique aux clubs des alentours, mais pas aux nôtres. Le Istres FC, c’est 520 licenciés, par rapport aux structures existantes, c’est bien. On est presque à un plafond de verre.

Une convention d’occupation à Parsemain

Le stade Parsemain va quitter le giron de la Métropole Aix-Marseille-Provence au 1er janvier et redevenir propriété de la ville de Fos : allez-vous être SDF ?
Non, parce qu’on a un maire qui est prévoyant, qui a une vraie ferveur pour le sport de sa ville. Il avait anticipé et signé une convention d’occupation qui garantit la continuité pendant les 10 prochaines années au moins. Cela laisse le temps voir venir (sourire). De ce côté là, on est tranquille.

L’ancien stade Bardin d’Istres.

Le point noir, c’est le public : 500 personnes dans un stade de 13 000 places, ça sonne creux…
On le sait, c’est là où le bas blesse, sur Istres et ses alentours. Ici, ce n’est pas comme à Nîmes où la ferveur est historique. Le stade Parsemain, on est content de l’avoir, même si on aimerait l’avoir différemment. Mais pas de querelle de clochers : il est à Fos, et voilà. C’est vrai qu’on préférerait qu’il soit à Istres, mais il a fallu parer au plus pressé et gérer l’urgence quand le club est monté en L1 en 2004. Alors c’est vrai, ça manque de chaleur, on s’en plaint un peu, il n’est pas à taille humaine, on est loin de la surface de jeu, mais ne faisons pas la fine bouche, c’est un atout majeur quand même par rapport à beaucoup de clubs.

À Bardin, quand il y avait 1 000 personnes, on avait l’impression que le stade était plein. Là, avec nos 1200 spectateurs contre Grenoble, on avait l’impression que c’était vide. Jouer à Parsemain est un avantage d’un côté, parce que l’outil est de qualité, mais c’est un inconvénient par rapport à son format et sa localisation, pour créer un lien avec les partenaires, les licenciés, il n’est pas équipé pour ça. Et quand il y a du mistral, ça ne donne pas envie aux gens de venir à Parsemain. C’était déjà le cas en National voire en Ligue 2. Alors imaginez en National 2 ! Et puis on a un peu de concurrence avec Marignane en N2 et Martigues même s’ils n’ont pas encore joué chez eux cette saison en Ligue 2. Sans oublier le foot à la télé, il y en a tous les jours, à toutes les heures. Alors quand vous avez un peu froid en hiver et que vous avez la possibilité de regarder un match bien installé dans votre canapé au chaud, du coup vous n’allez pas au stade.

Cette saison, évoluer en National 2 me permet de voir ce qui se fait ailleurs, notamment dans des régions où l’on n’a pas l’habitude d’aller : je vois que certains stades sont plus adaptés, attirent les gens et permettent de créer ce lien, d’attirer. J’ai vu par exemple à Saint-Priest et à Bergerac des outils accueillants et adaptés pour le niveau. Hyères, Fréjus, Grasse, on les connaît, je ne parle pas de Jura Sud où on a joué sur un terrain de repli digne d’un club de R1, idem quand on a joué à Fréjus, alors là, où on a eu la malchance de jouer sur un terrain de repli, alors là, je trouve ça scandaleux et honteux, et je me demande comment ce terrain a pu être homologué pour le N2… A Grasse, hormis la surface synthétique, l’outil est agréable, à taille raisonnable par rapport au format club.

« Chacun mène sa barque, sans jalousie »

Après la victoire face à Toulon, fin novembre. Photo Istres FC

L’idée, c’est de continuer à cohabiter avec Fos ?
On a un peu une priorité en championnat compte tenu de notre niveau (Fos évolue en N3), on essaie de jouer en alternance, et quand il y doublon, Fos a la chance d’avoir un autre terrain aux normes, le stade de l’Allée des Pins. La situation s’est déjà produite. Je ne dis pas que c’est l’entente que l’on souhaiterait mais elle est cordiale et les choses se font en bonne intelligence.

Et l’entente avec les autres clubs du bassin ?
Dire que l’on se serre les coudes tous entre-nous serait faux-cul, ce n’est pas vrai, on l’a vu en N3 l’an passé, cela a été des matchs tendus. En fait, il n y a pas d’entente particulière entre les clubs, sauf quand on n’est pas au même niveau : par exemple, avec Martigues, on s’entend très bien, j’échange régulièrement avec le manager général, Djamal Mohamed, avec qui j’entretiens de très bonnes relations, pareil avec l’ancien président Alain Nersessian, avec qui j’échangeais beaucoup; bon, là, on n’a pas de contact avec la nouvelle direction, c’est leur volonté mais ils sont tellement plus haut que nous que, peut-être, ils n’ont pas besoin de nous et puis on ne va pas se le cacher, on n’a peut-être pas besoin d’eux. En jeunes, y’a pas photo… On est largement devant. Chacun mène sa barque, sans jalousie, sans aigreur, il n’y a de toute façon pas de quoi en avoir. À Fos, l’entraîneur a travaillé chez nous (Frédéric Cravero) et beaucoup de joueurs sont passés dans les deux clubs, il n’y a pas de problème.

Évoquons votre équipe fanion de National 2, entraînée par Anthony Sichi : clairement, l’objectif, c’est de se maintenir…
De toute façon, dès que l’on est monté, on a dit que l’on allait jouer le maintien, ce qui veut tout dire et rien dire en même temps. Un maintien ambitieux, c’est déjà de laisser trois clubs au minimum derrière nous au classement (Istres, tenu en échec par Andrézieux le 13 décembre dernier 0-0, est actuellement 12e sur 16). Après, si on peut gagner quelques places, ce sera bien. Là, après 12 journées, on voit qu’un championnat à deux vitesses se dessinent, avec des forces en présence, et d’autres équipes qui manquent d’homogénéité et d’automatismes. Pour moi, le maintien va se jouer entre six et sept équipes. Je nourris des regrets sur notre parcours à l’extérieur : on pourrait avoir 2 ou 3 points de plus. On a perdu à Saint-Priest sans démériter, on a perdu à Bergerac sans combattre et à Cannes, samedi dernier, contre une équipe qui doutait, on a une grosse occasion d’entrée et si on marque, on ne sait pas ce qui peut se passer : là, on les a assis à la table et on leur a servi le repas… Maintenant, on ne va pas comparer les moyens de l’AS Cannes avec nos moyens. Mais on se rend compte que les matches ne tiennent pas à grand chose.

« Il faut être réaliste »

Photo Istres FC

Istres a été professionnel pendant 30 ans, jusqu’en 2015 : le club peut-il un jour retrouver le monde pro ? Comprenez-vous la nostalgie ?
La nostalgie est inévitable. Regardez l’AS Cannes et son passé, on parle d’un club qui a joué la Coupe d’Europe et qui a longtemps fait partie des deux ou trois meilleurs clubs formateurs en France. Oui, parfois on est frustré, le niveau de National 2 est ce qu’il est, et quand on a connu le niveau au-dessus, comme c’est le cas chez nous, on a envie d’y retourner, mais il y a une réalité financière : alors OK, oui, aujourd’hui, sans moyens financiers, on peut y arriver, car l’argent ne garantit pas le résultat, mais par contre il réduit l’incertitude de ce résultat. Aujourd’hui, avec nos moyens, il est impossible d’accéder au National. Parce que la marche financière est trop haute. Dans notre poule, en National 2, les budgets s’étalent pour la plupart entre 1,5 et 2,5 millions d’euros, avec des exceptions comme Cannes où c’est beaucoup plus, on parle de 4 millions quand même ! Essayons d’être moins mauvais que les autres déjà, avec nos moyens, afin d’exister sportivement, tout en sachant que l’on n’a pas de marge de manoeuvre. Actuellement, nos résultats sont en adéquation par rapport à ce que l’on a à disposition. Peut-être que l’on pourrait avoir 3 ou 4 places au-dessus, mais on est là, on existe, on ne doit pas avoir la frustration de ne pas être dans les trois premiers, il faut être réaliste aussi.

Laurent Thomas. Photo 13HF

Aubagne la saison passée, Marignane deux fois lors des dernières saisons, Consolat, Martigues en 2022, sont parvenus à monter en National : pourquoi pas Istres un jour ?
Bien évidemment qu’une année peut s’avérer exceptionnelle et que le sportif peut prendre le dessus sur la réalité économique, mais on se rend compte que les équilibres sont fragiles. On le sait, la seconde année ou la troisième est toujours plus difficile, en général, et souvent, quand ce type d’équipes-là montent, des joueurs ou des coachs ont de ces mêmes équipes ont des sollicitations et ne restent pas, regardez Eric Chelle ou Nicolas Usai à Consolat, c’est normal, ils sont attirés par le niveau au-dessus, et regardez où en est Consolat (Atletico Marseille) aujourd’hui…

Je pense qu’il ne faut pas occulter le rêve mais rester réaliste : on pourrait « brûler la caisse » et tout tenter sur une saison, quitte à mettre en péril l’édifice, mais ce n’est pas mon idée. Le Istres FC attire quand même, des gens auront peut-être envie d’investir, il y a un stade, c’est déjà un atout majeur; à Nîmes, cela a couté 10 à 12 millions au président (Rani Assaf) de construire un stade (Les Antonins) pour jouer en National. Qui, en arrivant dans un club de N2 ou en N3, va mettre de telle somme pour construire un stade ? Il y a une autre solution : trouver en interne des solutions, mettre plus d’eau au moulin. N’oublions pas que Martigues, avant de monter en L2, c’est 10 ans de purgatoire en N2. Franchement, on n’a aucune frustration à avoir : on est un club serein, stable sur l’aspect sportif et financier. Devant la DNCG Fédérale, on passe sans encombre, on a juste un encadrement de la masse salariale mais ça, c’est propre à tous les clubs qui accèdent. On a attendu 6 ans en N3 avant de monter, et une année, on devait même descendre en R1 mais on a été repêché parce que Monaco ne s’est pas engagé.

On voit bien qu’avec le rétrécissement de l’élite, cela cela va devenir de plus en plus difficile, parce qu’aujourd’hui il ne faut pas se le cacher, la Fédération et la LFP (Ligue) ne veulent plus de ces clubs qui réalisent ces « exploits », ils veulent des divisions fermées, alors on diminue les descentes et les accessions. On parle de la création d’une Ligue 3 : mais vous avez vu les clubs en National ? Sochaux, Nancy, Le Mans, Dijon, Valenciennes, Châteauroux… ce sont des clubs qui ont connu le très haut niveau, le monde pro, structurés, avec des budgets exorbitants. Alors, que ces clubs-là soient frustrés de jouer en National, je l’entends, mais nous, on ne peut pas avoir de frustration : compte tenu de nos moyens, Istres est à sa place. Pour ce qui est de demain, là, on ne sait pas.

« Pourquoi a-t-on fait de Bordeaux un cas particulier ? »

Photo Istres FC.

Votre constat rejoint l’opinion de pas mal de dirigeants de clubs amateurs…
Quand je vous dis que la FFF ne veut plus de ces clubs qui font des exploits, qu’elle fait tout pour les écarter… Mais après, j’ai envie de vous dire que c’est le football français qui va mal. Regardez les droits télés. Et puis il ne se passe plus une commission de DNCG sans qu’il y ait une rétrogradation administrative à titre conservatoire, des clubs qui prennent des points de pénalité ou des interdictions de recruter.

L’exemple flagrant, c’est Bordeaux : comment se fait-il que ce club soit en National 2 avec la dette qu’il a (le 23 juillet 2024, la DNCG évaluait l’endettement de Bordeaux à 118 millions d’euros) ? Ce n’est pas normal. Je n’ai rien contre les Girondins de Bordeaux, un club qui a fait rêver, parce que moi, j’aime le foot pour le foot, mais là, on a fait un cas particulier. Pourquoi ? Après, on me dit, « Oui, mais Bordeaux, c’est un grand club », ok, et Sedan ? C’est pas un grand club ? Et Niort ? Sedan et Niort ont été rétrogradés de National et de Ligue 2 directement en Régional ? Nous, à notre petite échelle, à Istres, on est descendu de National en DHR pour une dette de 400 000 euros en 2015, ça me paraît aberrant !

Des exemples comme ça, y’en a plein ! Aujourd’hui, les Girondins sont en train de boxer dans une autre catégorie en National 2 et mettent en difficulté d’autres clubs qui désirent accéder au National. Ils devraient être trois ou quatre niveaux en dessous. Le constat est affligeant. Tous ces clubs qui ont joué la surenchère ont fait mal au foot amateur, comme Hyères il y a 2 ans, qui donnait des salaires de Ligue 2, et regardez cette saison à Cannes, certains ont des salaires de Ligue 2, et nous on arrive avec notre réalité économique. Avec la réforme des championnats, en passant de 4 à 3 poules, 400 joueurs de N2 se sont retrouvés sans club. Nous, on est là, avec notre « salary cap », je n’aime pas employer cette expression, que l’on a mis en place, qui est trois, quatre ou cinq fois inférieur à certains de la poule. On rivalise avec nos moyens. Cela ne veut pas dire que l’on ne va pas y arriver.

Pour terminer, un mot sur le récent départ de Yohan Mollo à Alès (N3) ?
C’est un bien pour tout le monde. Il était amené à un peu moins jouer. Il a l’âge qu’il a (35 ans). Il en a plus fait que ce qu’il allait en faire. Quand il est venu chez nous l’an passé, alors que Hyères ne souhaitait pas le conserver, il a enclenché sur un projet à côté de chez lui, on ne lui a pas promis monts et merveilles, on a assuré notre objectif qui était de monter en N2. Là, il a pris un an de plus et il y a des jeunes qui émergent, comme Abdezerrek Saïdi, qui a 19 ans, que l’on est allé chercher à Béziers en 19 ans nationaux, et qui a pris une place prépondérante dans les compositions d’équipe. Yohan aurait été amené à moins jouer. La possibilité pour lui d’aller à Alès, avec un projet sur 18 mois et financièrement plus attrayant que le nôtre, j’ai envie de dire, c’est une opportunité commune. Cela nous libère d’un salaire et j’espère pour lui qu’il pourra retrouver un temps de jeu plus conséquent, à un niveau moindre parce qu’entre le National 3 et le National 2, je le vois bien, il y a un palier. Après, que Yohan ait un peu d’aigreur envers le club, envers moi, ce n’est pas grave, c’est comme ça. Dans le foot, les gens passent, il est passé, je passerai aussi, mais l’institution reste. On n’est pas là pour se faire des amis; à partir du moment où vous avez des responsabilités dans un club, que vous vous avez des décisions à prendre, vous ne pouvez pas embrasser tout le monde sur la bouche. On fait des contents, on fait des mécontents, c’est comme ça.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Tout savoir et tout comprendre sur l’historique, le contexte, la rivalité et la situation actuelle des deux clubs de l’agglomération rouennaise, aux antipodes l’un de l’autre et pourtant à deux doigts de fusionner l’été dernier, et appelés à s’affronter dans un derby normand très attendu, mais placé sous haute surveillance !

Par Anthony BOYER / Photos Bernard MORVAN-FCR et QRM / Photo de couverture : Philippe Le Brech

Fusion. Nom féminin. Réunion en un seul groupe de divers éléments distincts. Exemple, la fusion de deux partis politiques. Larousse aurait pu prendre un autre exemple pour cette définition, comme la fusion de deux clubs de football. Surtout quand celle-ci est… politique !

Trois ans et demi après leur dernière confrontation officielle, en coupe de France, pendant la période Covid-19, le FC Rouen et Quevilly Rouen Métropole se retrouvent, cette fois en championnat. Ce qui n’était plus arrivé depuis la saison 2012/2013, du temps de l’US Quevilly.

Au 8e tour de la coupe de France, le 13 février 2021, à Diochon, un solide et sérieux QRM en passe de retrouver la Ligue 2 et entraîné par Bruno Irles, s’était difficilement imposé 1 à 0 (but d’Andrew Jung) face à un FC Rouen alors en National 2, mais dont les prémices du renouveau étaient perceptibles, sous la houlette de David Giguel d’abord, sous celle surtout, quelques mois plus tard, de Maxime d’Ornano.

Maxime d’Ornano, faiseur de miracles

Maxime d’Ornano a conduit le FCR en National et en 1/4 de finale de la Coupe. Photo FCR.

Ce dernier, déjà faiseur de miracle au Stade Briochin, qu’il avait conduit en National en 2020, allait rééditer la même performance avec le FC Rouen en mai 2023, un an et demi après son arrivée en Normandie. Un retour dans l’antichambre du monde professionnel attendu par le peuple rouennais depuis 10 ans et un depot de bilan qui avait précipité la chute en Division d’Honneur.

Voilà résumé en quelques mots ce qui différencie sportivement ces deux clubs géographiquement séparés d’un peu plus de 3 kilomètres seulement si l’on se réfère à la distance Diochon – Lozai, mais que tout oppose sportivement. Quant au rapport de force, il est vite vu : Le Petit-Quevilly et ses 23 000 habitants ne fait pas le poids à côté de Rouen et de ses 115 000 habitants.

Cohabitation et colocation

Le FC Rouen. Photo Bernard Morvan.

Le FCR et QRM sont des voisins qui se côtoient, parfois, qui cohabitent, le plus souvent. Ce sont des colocataires qui partagent le même stade, le mythique Robert-Diochon, et les mêmes installations d’entraînement, le fameux « terrain de la ferme », objet de convoitises et de querelles pendant de longues années.

Depuis cette saison, maintenant que les deux clubs évoluent au même échelon, quand bien même l’un a le statut pro (QRM) et l’autre le statut amateur, un turn-over est opéré. Quand le FCR joue à domicile le vendredi en National, c’est lui qui s’entraîne à « La ferme » toute la semaine qui précède le match, pendant que QRM retourne chez lui, là où il a grandi, là où ses détracteurs aimeraient qu’il retourne, à Lozai, où les locaux administratifs y sont spacieux et magnifiques. Et vice versa lorsque QRM joue à domicile, il prend possession de « La ferme » toute la semaine pendant que le FCR file sur ses terrains de repli, tantôt à La petite Bouverie, à 12 kilomètres de Diochon, au nord-est de Rouen, tantôt juste à côté, à 300 mètres, au complexe Pierre Le François. Pas simple.

Le micmac des vestiaires

Pour l’occupation des vestiaires, là encore, c’est tout un micmac. Surtout le soir des matchs de National du FC Rouen, quand les deux équipes, celle qui reçoit et celle qui visite, créent des embouteillages quand elles se croisent dans le même couloir long et étroit du stade, à droite en rentrant dans le hall. Une situation née de l’attribution à QRM, au moment de sa création en 2015, du grand vestiaire à gauche pour le nouvel occupant, avec les bureaux pour le staff, ceux-là même occupés par le FCR au temps de sa splendeur !

Une situation ubuesque

Le terrain d’entraînement de la Ferme, à Diochon. Photo Bernard Morvan.

Le stade, le partage des installations, les vestiaires, les couleurs, l’appellation du club, les supporters, la rivalité, la fusion, la sécurité, sont quelques-uns des dossiers chauds nés de cette situation unique dans les annales en France, au point de donner lieu à des scènes ubuesques, la plus « célèbre » d’entre elles étant la configuration du siège social des deux entités.

Au fond du parking « officiel » du stade Diochon se trouve le « bunker » qui abrita jadis le centre de formation du FCR quand il fut professionnel, ça remonte ! Aujourd’hui, le bâtiment hébergent les bureaux administratifs des deux entités, qui se regardent en chien de faïence : à gauche en rentrant, ceux de la SAS (Société par actions simplifiées) QRM, et à droite ceux de la SAS FCR. Les salariés s’ignorent le plus souvent ou se saluent courtoisement, du moins ceux qui ont envie. Les staffs se respectent. Les dirigeants aussi. Mais gare à ne pas trop « fricoter » avec le voisin de palier, cela pourrait être mal vu.

Michel Mallet, le gestionnaire

Michel Mallet, président de QRM. Photo QRM

L’on pourrait, comme ça, citer d’autres exemples de cette situation intenable sur la durée, née de la création du projet Quevilly Rouen Métropole en 2015. Un projet dont l’instigateur s’appelle Michel Mallet, chef d’entreprise respecté dans l’agglomération rouennaise et loué pour ses qualités de gestionnaire : c’est simple, quand Michel Mallet, ex-membre du ComEx à la Fédération, possède un euro dans les caisses, il ne dépense généralement jamais plus de 90 centimes. Voilà pour le portrait dressé par ceux qui ont côtoyé l’ancien président de l’US Quevilly, un club amateur au palmarès long comme le bras, devenu hyper-respecté grâce à deux campagnes mémorables en coupe de France en trois ans seulement, avec une demi-finale en 2010 et surtout une finale en 2012 !

Une brèche laissée ouverte par le FCR

Ces exploits à répétition donnent des idées de grandeur et de développement à Michel Mallet : si l’US Quevilly attire 40 000 supporters venus de Normandie au Stade de France, qu’est-ce qui peut empêcher d’en attirer ne serait-ce que 4 000 (ce n’est qu’un exemple) issus de l’agglomération rouennaise pour ses matchs de championnat ? Plusieurs conditions sont nécessaires à cela : grosso modo, rallier le monde professionnel et la Ligue 2 (Quevilly a goûté à l’ancienne Division 2 de 1970 à 1972), unir les forces en présence et quitter Lozai. Au moment du lancement de QRM, en 2015, le club est en CFA, l’équivalent du N2.

La ferveur ne « s’achète » pas

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR à domicile. Photo Bernard Morvan

En fait, Quevilly profite de la chute administrative et sportive du FC Rouen – dont les déboires financiers ne cessent de s’accumuler depuis 30 ans – pour s’engouffrer dans la brèche. Pour s’assurer le monopole. Pour prendre une place dans le coeur de la population de la douzième agglomération de France (500 000 habitants). Sauf qu’il ne parviendra jamais à prendre la place du FCR dans le coeur des supporters rouennais, mais ça, il ne le sait pas encore.

L’idée de départ est bonne. Le projet est séduisant et ambitieux. Surtout, il est validé par les dirigeants deux deux camps. Sauf que l’on ne tire pas un trait sur l’Histoire comme ça. Sauf que le coeur et la ferveur ne « s’achètent » pas. Pas plus qu’ils ne se décrètent. Et c’est peut-être l’une des erreurs commises à ce moment-là par Michel Mallet et son consortium d’investisseurs, qui ont, dans l’esprit des fervents supporters du FCR, voulu « passer en force », en faisant fi notamment de l’histoire, du logo et des couleurs de Rouen.

Quand QRM réveille le FCR

L’équipe de QRM. Photo QRM

C’est pour cela que, dès l’arrivée dans le microcosme du football amateur hexagonal de Quevilly Rouen Métropole, une appellation qui n’a jamais été acceptée dans le camp d’en face, l’accueil des supporters rouennais est hostile pour ne pas dire virulent. Sur les réseaux sociaux du FCR, les communicants, les contributeurs ou les « commentateurs » n’écrivent jamais le « vrai » nom de « l’ennemi », mais se font toujours un malin plaisir à écrire – volontairement – le terme « Quevilly » tout seul. Révélateur.

En réunissant les logos des deux clubs en un seul et même fanion, en optant pour les couleurs « Rouge et jaune » (l’US Quevilly évoluait en jaune et noir, le FCR en rouge), en s’appropriant le stade Diochon, antre des Diables Rouges, seulement « prêté » à l’USQ pour certaines affiches de coupe de France lorsque le club de Petit-Quevilly était vu d’un bon oeil et considéré comme un gentil voisin pas trop encombrant, Quevilly Rouen Métropole, QRM pour les intimes, s’attire les foudres du voisin. Pire, il réveille le camp d’en face, endormi et résigné depuis l’époque Thierry Granturco et la rétrogradation de National en DH en 2013.

Des fiançailles avant un mariage

Alors bien sûr, dans le projet QRM initial, figure la caution morale (et financière) Fabrice Tardy, le président de l’association FCR, celle-là même qui est « sauvée » par QRM lors du « rapprochement ». Car c’est bien d’un rapprochement dont il s’agit, et non pas d’une fusion. Les dirigeants parlent souvent de fiançailles avant le mariage.

La présence de Tardy, actionnaire de QRM, ne suffit pas à calmer les revendications et les velléités des supporters de Rouen, qui moquent constamment les affluences du voisin, et dont certains se rendent coupables d’actes d’incivilités – on ne compte plus le nombre de tags dans les travées du stade. Ceux-ci sont contre l’idée d’une fusion qui enverrait l’Histoire d’un monument du foot français aux oubliettes. Surtout avec un nom pareil ! Et ils sont « pour » que l’on retire la couleur jaune à Diochon…

Le volte-face de Fabrice Tardy

Clément Bassin, le capitaine du FCR. Photo Bernard Morvan

Mais tout ne se passe pas comme prévu. En 2017, alors que QRM vient de grimper d’une division dès sa deuxième année d’existence et qu’il est en passe d’en gravir un second d’affilée, le volte-face de Fabrice Tardy change la donne. De fusion, il n’en sera plus question… jusqu’à l’été dernier. Et dire que QRM avait déjà la bague au doigt.

Pendant sept ans, chacun roule sa bosse. Vit sa vie. Avec Manu Da Costa aux manettes (un ancien du … FCR !), resté sept saisons sur le banc, Quevilly Rouen accède rapidement en National (2016) et dans la foulée en Ligue 2 (2017) avant de redescendre aussi sec (2018).

Avec Bruno Irles, parti à Troyes à Noël 2022, il remonte encore en L2 (2021), assure deux maintiens avec Fabien Mercadal et Olivier Echouafni (2022 et 2023) mais Jean-Louis Garcia ne peut éviter la rechute (en 2024). Le FCR, pendant ce temps, comble progressivement son retard : National 3 en 2017, National 2 en 2019 puis National en 2023.

Rivaux en National, 12 ans après !

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR. Photo Bernard Morvan.

Le clou de l’histoire intervient à l’été 2024, quand QRM rejoint en National un FCR renaissant, qui a cru quant à lui pouvoir se mêler à la lutte pour l’accession en Ligue 2. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu si un tel scénario s’était produit. Comme lors de la saison 2012-2013, la dernière qui a vu les deux clubs s’affronter officiellement en championnat (en National déjà), il va donc y avoir un nouveau derby, ce vendredi. Le 14 décembre 2012, devant 3 789 spectateurs à Diochon, le FCR, alors entraîné par Didier Ollé Nicolle, s’était imposé 1 à 0 grâce à son buteur maison Julien Jahier face à l’USQ de Farid Fouzari.

Au match retour, le 4 mai 2013, devant 1 425 spectateurs au stade Lozai, Quevilly et Rouen faisaient match nul 1-1 (but de Rémy Dugimont à la 6e pour le FCR et égalisation d’Oussoumane Fofana à la 87e pour l’USQ). Le point commun entre ces deux derbys ? Valentin Sanson. L’actuel défenseur du FC Rouen (32 ans) était dans le camp des Jaune à l’époque. Il était même de la partie en finale de coupe de France, présent au SDF comme 19e (18 sur la feuille de match) avec l’USQ face à Lyon, lancé la même saison en National par un certain Régis Brouard.

Régis Brouard, du jaune au rouge

Régis Brouard. Photo Bernard Morvan.

Dans un récent entretien, ici même, à la question « L’entraîneur que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir » Sanson avait répondu « Régis » (Brouard). Douze ans après, et même s’ils s’étaient recroisés à Diochon lorsque Bastia est venu y jouer en Ligue 2, les « vraies » retrouvailles ont donc eu lieu puisque l’ex-coach du Sporting a remplacé Maxime d’Ornano le 4 novembre dernier.

Et dire que Régis Brouard était la priorité de Michel Mallet l’été dernier lorsqu’il s’est agi de trouver un successeur à Jean-Louis Garcia et de repartir d’une feuille blanche ! C’est vrai que Brouard, qui a entraîné l’USQ de 2008 à 2012, club avec lequel il a vécu tant de belles choses – accession en National, maintien en National, demi-finale puis finale de coupe de France ! – n’a laissé que des bons souvenirs dans la maison quevillaise. Et même si la séparation avait été douloureuse – les deux hommes ont été un peu fâchés avant de se rabibocher -, l’idée de revenir 12 ans en arrière avait de la gueule, même si dans le foot, comme dans la vie en général, il n’est jamais évident de revenir à ses premières amours.

Un derby qui ne manque pas de sel

« Le Druide », comme on le surnommait à Lozai, a décliné poliment. Le retrouver aujourd’hui dans le camp d’en face, sur le banc du FC Rouen, un club hyper-populaire comme il les aime (Bastia, Red Star, Nîmes…), rajoute forcément du sel à ce derby qui n’en manque déjà pas et qui fera, contrairement à la saison 2012/2013, le plein à Diochon (guichets fermés et 8000 spectateurs attendus). La « faute » évidemment à tout ce que l’on vient de raconter et qui n’a fait qu’exacerber une rivalité nouvelle, pour ne pas dire une haine viscérale des Rouge envers les Jaune.

En octobre dernier, dans l’émission sportive du quotidien Paris Normandie, « Parlons Sport », Michel Mallet l’a dit : « On sera attentif à l’organisation du match. Ce qui me va bien, c’est que le FCR recoive à l’aller (…). On verra comment les choses se passent. Il y a eu quelques excès ces dernières saisons, à l’extérieur du stade. C’est dommageable. Ma hantise, c’est qu’il y ait un incident un jour. »

La fusion avortée cet été

Iwan Postel (à gauche) et Tarkan Ser. Photo Bernard Morvan.

N’y voyez aucune menace. Ce n’est pas le style du chef d’entreprise dont la prise de parole, en plus d’être rare, est toujours mesurée et pondérée. Sauf que là, pour une fois, Michel Mallet – qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview – a quelque peu dérogé à sa règle : la fusion avortée cet été, la rivalité, les projets, l’avenir, l’approche du derby, les objectifs, les finances, la sécurité (1) – le derby fait l’objet d’un arrêté préfectoral – et la communication agressive et provoc’ de son homologue du FCR, Iwan Postel, les sujets n’ont pas manqué et il n’a rien éludé face aux deux journalistes « questionneurs », Victorien Lenud et Grégory Caru-Thomas.

Ces derniers ont obtenu quelques infos et parfois même des aveux, comme lorsque Michel Mallet est revenu sur la fusion « épisode II », avortée : « L’idée, c’était d’allier la ferveur populaire du FC Rouen, parce qu’il faut reconnaître l’évidence, Rouen est porteur de plus d’engouement, avec la rigueur de Quevilly. Vous savez, quand j’étais petit, j’ai vu tous les matchs du FCR en Division 1 et en Division 2 », disait-il. « La fusion, c’était le deal de départ, en 2015. Le projet avait été validé par les politiques, dont le maire de Rouen de l’époque (Yvon Robert) et par Fabrice Tardy (ex-président du FCR), qui est revenu en arrière contre toute attente. Si on veut aller au haut niveau, il ne faut qu’un seul club, ça coule de sens. Maintenant, si on veut rester en National… On peut continuer comme ça pendant longtemps, avec deux clubs… On s’est rapproché fortement pour que les planètes s’alignent. On n’est pas passé loin l’été dernier. Il y a eu des erreurs, on en a sans doute fait au départ en 2014 ou 2015. »

Des concessions… sauf sur le nouveau nom

Valentin Sanson a porté le maillot de QRM avant celui du FCR. Photo Bernard Morvan

Visiblement, le président de QRM, pourtant enclin à faire des concessions sur de nombreux sujets (numéro d’affiliation du FCR, retour aux couleurs rouges et blanches, etc.) et à revoir sa copie de départ, en a gros sur la patate. Il n’a pas digéré que l’actuel président de la Métropole, qui est aussi le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, donne un blanc-seing au duo composé du Turc Tarkan Ser et du Néerlandais Iwan Postel, respectivement fondateur et vice-président de la société turque Black Eagle, spécialisée dans l’achat et la vente de jets privés, pour la reprise du FCR.

Mallet défendait un dossier « local » porté par des chefs d’entreprises de la région : « J’aurais aimé que le maire de Rouen mette autant d’énergie pour qu’une fusion des deux clubs s’envisage avec des acteurs locaux qu’il ne l’a fait pour permettre l’arrivée d’autres personnes non issues de la région ».

Toujours au cours de cette même émission animée par Paris Normandie, Michel Mallet a reconnu avoir évolué dans sa réflexion et que le nom du futur club était un point d’achoppement, mais pas la raison de la non-fusion. L’on est donc passé tout près de voir la création d’un FC Rouen Quevilly, comme il le souhaitait, puisqu’il n’était pas enclin à retirer le mot « Quevilly ».

« Faire un FC Rouen Quevilly, c’était tout a fait envisageable. C’était répondre au sens de l’histoire, avait-il confié lors de cet entretien; c’était reconnaître à Rouen sa prédominance dans la hiérarchie, et on conservait aussi Quevilly pour tout ce qu’il a représenté dans le football normand. Quand on a joué nos campagnes en coupe de France, il y avait plein de Rouennais présents à Caen ou au Stade de France. Le FC Rouen a été fondé en 1899, Quevilly juste après, en 1902, avec chacun des beaux palmarès, l’un plutôt chez les professionnels, l’autre plutôt chez les amateurs. L’idée, c’était d’associer deux forces, d’allier la ferveur populaire de Rouen avec la rigueur de Quevilly. Pas de faire disparaître l’un ou l’autre des deux clubs. Pour moi, c’est un rendez-vous manqué. »

Le feu et la glace

Avant, pendant ou après les matchs, Iwan Postel aime saluer les supporters du FCR. Photo Bernard Morvan.

Aujourd’hui, Michel Mallet ronge son frein. Et s’est résolu à repartir non pas d’une feuille blanche, parce que les fondations sont là et solides – même avec un directeur général (Arnaud Saint-André) parti au chevet des Girondins de Bordeaux avec encore quelques doigts de pied à QRM -, mais pour un ou plusieurs tours en National, avec l’objectif que QRM, l’un des dix clubs professionnels du championnat (6 millions d’euros de budget), retrouve un jour la Ligue 2.

Pendant ce temps, Iwan Postel, son homologue du FCR, se pavane sur tous les stades, multiplie les selfies avec les supporters et fait le buzz sur les réseaux sociaux où il distille les « petites phrases » et les déclarations plus provocatrices les unes que les autres. La plus célèbre ? « L’ambition, c’est minimum d’être en Ligue 2 et à moyen terme d’être en Ligue 1. Tous les deux ans, nous devons franchir un palier. Les gens vont dire que je suis fou mais j’ambitionne que le FC Rouen soit en Ligues des champions d’ici sept ans. » C’était en octobre. Et cela ne nécessite aucun commentaire. Pourtant, Postel, qui vit à l’hôtel, continue d’en faire sur sa page Facebook, comme pour justifier ses prises de position et son ton cash. On a peut-être déniché un nouveau Donald Trump, roi en matière de communication. Ce qui est certain, c’est que tout oppose les deux hommes forts, dont l’image colle parfaitement à leur club : Postel, c’est le feu, Mallet, la glace.

Iwan Postel, ce communiquant

L’on sait que cette nouvelle façon de communiquer du successeur de Charles Maarek à la tête des Diables rouges ne plaisait pas trop à Maxime d’Ornano, une personne plutôt discrète. Pas sûr que cela plaise non plus à Régis Brouard, même si avoir de l’ambition n’a jamais été une tare… sauf peut-être en France où il a toujours été mal vu de l’afficher. Question de culture, sans doute. Du moment que l’omnipotent Iwan Postel n’interfère pas dans le travail du nouveau technicien rouennais, il ne devrait pas y avoir de problème. Comme le dit l’adage, « Chacun son métier, et les moutons seront bien gardés » ! On verra aussi quelle sera sa communication après le passage du club devant la DNCG, fin décembre.

« Parfois, ça me fait sourire » a confié à ce sujet Régis Brouard sur le plateau de Kop Normandie, l’émission de BFM Normandie, le 25 novembre dernier. Ce soir-là, le nouveau coach rouennais, qui n’a jamais caché sa position au sujet d’une fusion – « Je l’ai toujours dit, même au temps de l’USQ, c’est inéluctable, il faut un seul club » – était interrogé par les consultants David Fouquet, son ancien adjoint pendant 4 ans à l’US Quevilly, et Romain Djoubri, ex-coach du FC Rouen en DH (2014-2017) et des féminines du Havre. La communication de Postel ? Brouard : « J’entends, j’écoute, on me dit… Mais moi, je ne suis concentré que sur mes objectifs, et ils sont clairs, c’est la montée dans six mois ou dans un an et demi. »

Qui veut faire un nouveau stade ?

La tribune d’Honneur (Horlaville) du stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

La Ligue 2, le FC Rouen et ses 4 millions d’euros de budget annoncé – dont 630 000 euros de subvention de la Métropole Rouen Normandie, la même que celle allouée à QRM depuis cette saison (il touchait 210 000 l’an passé) – ambitionne aussi d’y accéder, comme l’a clamé Postel, et surtout de ne pas y rester. Et ce n’est pas le début de saison poussif et décevant de son équipe qui lui a coupé les ailes. Même s’il a conduit à un changement d’entraîneur.

On rappellera juste que le club n’a plus goûté à la Ligue 2 depuis la saison 2003-2004, ce qui ne lui interdit pas de rêver et d’y retourner. Cette saison ou la suivante. Après tout, et c’est Michel Mallet qui a pris cet exemple, le Paris FC était très loin au classement à la trêve lors de la fameuse saison 2016-2017 – celle qui a vu QRM accéder en L2 – avant d’effectuer une superbe phase retour et de monter (grâce à un repêchage après des barrages pourtant perdus face à Orléans). Un exemple valable pour les deux clubs, qui possèdent le même nombre de points en championnat (15), à 7 longueurs d’Orléans (2e) et à 6 de Dijon (3e et barragiste).

On rappellera aussi que le stade Diochon, certes historique et véritable monument, partagé par trois clubs (les rugbymen, relégués de Pro D2 et actuels leaders de Nationale, y évoluent également), conserve toujours ce côté vétuste qui sera forcément un frein à ses grandes ambitions, compte tenu de sa capacité et des normes – notamment de sécurité – toujours plus drastiques imposées chaque saison par la LFP. Là encore, Iwan Postel a la solution : acheter un terrain et en construire un nouveau stade, si possible un grand, à la « portée internationale », modulable, de 40 à 50 000 places, avec « une main d’oeuvre étrangère » pour aller « cinq fois plus vite ». C’est dit.

La Métropole entre en piste

De son côté, la Métropole a lancé voilà quelques mois le projet de construction d’un futur stade « à spectacle », d’une capacité de 15 000 à 25 000 places, construit à l’emplacement de l’actuel parking du Zénith et du Parc des Expositions, à 2 kilomètres de Diochon, à 8 kilomètres du centre-ville, juste à côté de l’autoroute A13 pour Paris.

Mais le projet ne se fera pas du jour au lendemain : « Ce n’est pas une affaire d’un an », a rappelé le président de la Métropole, Nicolas Mayer-Rossignol, lors d’une réunion de la Fédération des culs rouges (2), en septembre dernier, avant d’évoquer une échéance « large » à 8 ans, même si « ça sera peut-être moins », et de parler d’agrandir Diochon dans le même temps.

Place au derby, place au jeu !

David Carré, le coach de QRM. Photo QRM.

Hier (mercredi), dans le quotidien Paris Normandie, le vice-président de la Métropole et chargé des sports, David Lamiray, déjà là au moment des premières discussions en 2014 autour du projet QRM, s’est montré plus précis : « Depuis 2015, la Métropole a injecté 10 millions d’euros pour la mise aux normes de Diochon (…), on lance des études à la fois sur la construction d’un nouveau stade et l’agrandissement de Diochon (…) On travaille sur les installations pour avoir un terrain (d’entraînement) supplémentaire ». L’élu métropolitain a également évoqué le volet sécuritaire autour du derby de ce vendredi en National et « une très forte appréhension des supporters de QRM et de ses dirigeants ».

Oui, parce qu’avec tout ça, on l’aurait presque oublié, il va y avoir un match de football dans un stade Diochon en ébullition entre un FC Rouen qui a opéré son redressement (2 victoires de suite depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, 3 avec la coupe) et un QRM au profil plus « physique », qui a trouvé son rythme de croisière : 8 points pris lors des 4 derniers matchs et une qualification en coupe sur le terrain du leader de la L2, le Paris FC.

Dans ce laps de temps, QRM aurait même dû s’imposer à Aubagne (1-1) et contre Orléans (1-1) ! Quatre points de perdu pour l’équipe de David Carré, sans quoi elle figurerait logiquement dans le premier tiers du classement. Et maintenant, place à l’essentiel, le jeu !

1. La préfecture de la Seine-Maritime, qui a classé ce match « à risques », a réduit à 200 le nombre de supporters de QRM autorisés dans le stade, sur les 700 places, environ, que compte le parcage visiteurs de Diochon. Et neuf supporters du FC Rouen ont été suspendus de matchs pendant 6 mois.

2. La Fédération des culs est une association influente régie selon la loi 1901, fondée en 2013, qui regroupe des amoureux du FCR afin de peser sur l’avenir du club.

Championnat National (J14) – vendredi 6 décembre 2024, à 19h30, au stade Diochon : FC Rouen – Quevilly Rouen Métropole. Regardez le match en cliquant ici : https://ffftv.fff.fr/video/x93cyz2/j14-national-i-fc-rouen-1899-vs-qrm-en-direct-19h15

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Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

– Photos : Bernard MORVAN / FCR et QRM

– Photo de couverture : Philippe Le Brech

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L’ex-attaquant, passé pro sur le tard, à 25 ans, revient sur son parcours et ses expériences de joueur et d’entraîneur. Aujourd’hui, à 54 ans, il cherche à revivre le Graal qu’il a notamment connu avec Rodez, après un long passage au Mans. Mais il refuse d’être considéré comme le coach de deux clubs.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

Qui se souvient que Laurent Peyrelade (54 ans), l’ancien attaquant, arrivé dans le foot pro sur le tard – à l’âge de 25 ans – a connu le National à ses débuts ? C’était à l’ESA Brive, à 100 kilomètres de chez lui, à Limoges. C’est là, en Corrèze, où il empilait les buts, que Robert Budzynski, recruteur et directeur sportif du FC Nantes, est venu le chercher, comme il était venu chercher Dominique Casagrande et Eric Carrière à Muret un peu plus tôt.
Prendre les meilleurs joueurs du National de l’époque, Nantes aimait bien ça. Si Laurent Peyrelade s’est souvent demandé « pourquoi moi ? », il n’a pas boudé son plaisir de se retrouver dans le club champion de France en titre, et de côtoyer de très grands footballeurs et un monsieur, Jean-Claude Suaudeau.

En revanche, tout le monde se souvient que Laurent Peyrelade est resté longtemps sur le banc du RAF (Rodez Aveyron Football), presque 8 ans, un club qu’il a façonné et conduit du National 2 à la Ligue 2. L’ancien joueur du LOSC a aussi longtemps exercé sur le banc au Mans, à la préformation d’abord, avec les U17 Nationaux ensuite (4 saisons) avant de devenir l’adjoint d’Arnaud Cormier en Ligue 1 puis en Ligue 2, pendant 2 ans (de décembre 2009 à décembre 2011).

Photo Philippe Le Brech

Devenir entraîneur ? Ce n’était pas forcément le destin de cet étudiant en médecine (2 ans) puis en STAPS, à Clermont, qui se voyait plutôt prof d’université, quelque chose comme ça. Le foot est arrivé plus tard. Du coup, il a profité de chaque instant de sa carrière professionnelle de joueur, qui a duré 10 ans. Sa carrière d’entraîneur, elle, dure depuis près de 20 ans mais est actuellement à l’arrêt : après avoir rempli sa dernière mission « sauvetage » à Grenoble au printemps dernier, il s’est remis en quête d’un nouveau projet.

Depuis son domicile, au Mans, entre deux cessions de sa formation de manager au CDES (au Centre de droit et d’économie du sport) de Limoges, Laurent Peyrelade, un homme ouvert d’esprit, très expressif, communicatif, naturel et qui a beaucoup de personnalité, a remonté le temps : ses débuts à Limoges, son départ à Brive, son court passage à Pau, ses débuts pros à Nantes, son parcours, sa vision du foot, ses souvenirs, ses regrets, ses erreurs, sa personnalité, il a effectué un large tour d’horizon dans une discussion à bâtons rompus, où il a souvent ri et employé le mot « fatalement » et l’expression « d’accord ? », et où il a bien sûr été question de Rodez et du Mans ! Car, et il en est bien conscient, on se souvient plus de son passage sur le banc en Aveyron, très marquant, que de ses trois derniers mois à Grenoble ou de sa courte expérience en National la saison passée à Versailles. Ah les étiquettes, difficile de s’en défaire !

Interview

« À Nantes, je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi » ?! »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir de joueur ?
J’en ai trois ! Je les place sur le même pied d’égalité. La Ligue des champions avec Nantes, et notamment ce premier match contre Porto, ou plutôt l’entraînement de la veille, au stade, on avait fait un peu les cons avec Garcion, Casagrande, Da Rocha ou Renou, on faisait comme dans la cour d’école, on partait d’un but et on allait attaquer l’autre but, à trois contre personne, et on marquait des buts fantastiques. En fait, on était en Ligue des Champions et en même c’était la cour d’école ! J’arrivais de Brive, de découvrais une compétition que je ne pensais jamais découvrir de ma vie, mais cela ne nous avait pas empêché de garder notre âme d’enfant. Il y a aussi l’année de Ligue 1 avec Lille et Vahid (Halilhodzic), on fait 3e (en 2000-2001), on venait de monter de Ligue 2, on avait un super groupe. Un pur bonheur. Et aussi la première montée de Ligue 2 en Ligue 1 avec Le Mans (en 2003), après une saison exceptionnelle, on était dans un projet collectif incroyable.

Justement, au Mans, nous sommes allés voir le stade Léon-Bollée la semaine dernière… du moins ce qu’il en reste …
Vous l’avez reconnu ?

Oui, même s’il ne reste qu’une tribune, le reste est en friche, avec un programme immobilier qui sort de terre…
C’était un stade « centre-ville », comme il y en aura de moins en moins, comme le stade du Ray chez vous à Nice, voilà.

« Je n’écoute plus les scores des autres matchs à la fin »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
La saison de National avec Rodez, quand on monte en Ligue 2 (saison 2018-2019), on a la sensation d’être imbattable, avec un groupe de joueurs exceptionnel.

Un souvenir d’entraîneur douloureux ?
Quand j’étais adjoint d’Arnaud (Cormier), au Mans, en L2, on mène 2 à 0 à la mi-temps à Vannes et on perd 4 à 3, on rate la montée en Ligue 1 à cause de ça (en 2011). On avait une équipe pour remonter, on rate le coche sur ce match, des choix, la pression, plein de choses…

Pire souvenir de joueur ?
A Lille, à la fin de la première année, on écoute les résultats sur le terrain, on est à la lutte pour la remontée, on gagne à Grimonprez-Jooris notre match mais on n’est pas maître de notre destin : du coup on écoute au stade la fin de l’autre match, et là… Je crois que c’était Martigues (Sochaux en fait). Depuis, je n’écoute jamais ce que font les adversaires après le match. Faisons notre match, et puis voilà.

Comptiez-vous vos buts quand vous étiez joueur ?
Non.

France-Angleterre 1982, la révélation

Photo Philippe Le Brech

Pourquoi avez-vous pratiqué le foot ?
Mon père y jouait, donc chaque week-end, j’allais sur les terrains de foot à Abzac en Charente, près de Confolens : je jouais le samedi à Limoges parce que mes parents travaillaient à Limoges et le dimanche on allait chez mes grands parents, on écumait les terrains autour d’Abzac, donc je ne connaissais que ce sport ! Et puis, ce qui m’a marqué, c’est qu’en 1982, mon père m’a emmené voir le match de l’équipe de France contre l’Angleterre à Bilbao (1-3), en Espagne, et là, magnifique. Mon père est un féru de foot, il était à Glasgow avec des amis en 1976 pour la finale de Saint-Etienne !

Première licence ?
A l’AC Landouge (aujourd’hui Limoges Landouge Foot), à Limoges, où mon père fut président, il est encore président d’honneur et toujours impliqué au club !

Pourquoi n’avez-vous jamais évolué dans le club phare de Limoges, qui venait de connaître la D2 ?
C’est vrai que j’allais voir les matchs en D2 (la dernière saison de Limoges à ce niveau remonte à 1986-1987) avec mon père, c’était l’époque de Francis Smerecki, qui était entraîneur, puis le club est redescendu en D4, et je n’étais pas… comment dire… Disons que j’avais juste cette qualité d’avoir la tête bien pleine, mais je suivais mes potes, j’allais là où ils allaient : c’est comme ça que je suis allé à l’ASPTT Limoges, pour jouer à un meilleur niveau qu’à Landouge, j’avais 17 ans, après je suis allé à Brive à 20 ans parce que Jean-Claude Giuntini, l’entraîneur, m’a contacté et que c’était encore un meilleur niveau, la D3, et on est monté en National 1, on est resté 3 ans à ce niveau. Là encore, le stade était en centre-ville, je n’ai jamais joué dans le nouveau stade de Brive. Mais avec Limoges FC, il n’y a jamais rien eu, pas de contact.

Pourquoi, lors de la saison 1994-1995, votre dernière en National, être parti à Pau puis revenu à Brive à la trêve ?
Parce qu’à Pau, il y avait beaucoup d’ex-pros, le club voulait monter en D2, mais il a explosé financièrement. On ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, donc je suis rentré à Brive, j’ai pu être réintégré au 126e Régiment d’infanterie de Brive pour effectuer mon service. On a fini 3e avec Brive, derrière Lorient et Poitiers qui sont montés en D2.

« Dans les années 90, le National était un championnat de villages »

Photo Philippe Le Brech

Vous avez connu le National dans les années 90 : c’est quoi les différences avec celui d’aujourd’hui ?
Il y en a beaucoup. La première qui me vient à l’esprit, c’était une division amateur, maintenant c’est une division professionnelle. Ensuite, c’était un championnat de villages, maintenant c’est un championnat de villes. La moitié du championnat, là, ce sont des clubs historiques du football français, avec des stades historiques. J’adore Les Herbiers, mais aujourd’hui, c’est quelque chose, avec Valenciennes, Le Mans, Sochaux, Nancy, Dijon, ce sont pas les mêmes enceintes ! Quand je jouais en National à l’époque, j’étais toute la semaine à Clermont, j’allais courir seul, je m’entraînais avec le club le mardi, parfois deux fois par semaine, ils étaient en DH ! J’avais un de mes meilleurs potes de Brive, Christophe Chastang, qui jouait à Clermont, d’ailleurs il y est toujours. Et je rentrais le week-end pour jouer avec Brive. Cela ne nous empêchait pas d’être performant. C’est inconcevable aujourd’hui. Tout a changé, les méthodes d’entraînement, la quantité d’entraînement…

Et le jeu ? C’était comment le National du temps de Brive ?
Déjà, nous, on était une équipe physique, ça correspondait à l’endroit où on était, Brive, une ville de rugby, avec Jean-Claude Giuntini, un entraîneur avec de la poigne, de la gnaque, et on courait ! Comme avec Vahid, attention ! La première année à Brive, j’ai perdu 10 kilos pendant la préparation ! Le championnat était plus physique, mais c’était différent. C’est pareil pour la Ligue 2 : on ne peut pas la comparer avec la D2 du temps où il y avait deux poules.

Votre geste technique préféré sur un terrain, c’était quoi ?
L’extérieur du pied.

« Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le foot moderne »

Vos qualités et vos défauts sur un terrain ?
J’étais adroit devant le but, je me déplaçais bien, j’anticipais bien. Mon défaut, un manque de volume. En fait, je n’avais pas d’énormes qualités, je n’avais pas non plus d’énormes défauts. C’est pour ça, je pense, que je suis passé pro assez tard (à l’âge de 25 ans, Ndlr). Cela a mis du temps pour que tout se mette en place. Je ne suis pas très… comment dire… je ne vais pas très vite ! Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le football moderne. Ah, et je n’aime pas perdre non plus.

Photo Philippe Le Brech

Si vous n’aviez pas signé pro, vous auriez fait quoi ?
J’ai fait deux ans de médecine à Limoges mais c’était trop compliqué, j’ai raté une épreuve la deuxième année, et là, impossible d’être dans le numerus clausus. Ensuite je suis parti en STAPS à Clermont : en fait, la semaine, j’étais à Clermont, et le week-end, je rentrais à Brive pour jouer en championnat. Je n’étais pas prédestiné pour faire le professorat. Je me serais plutôt orienté, je pense, vers des cours en université au niveau STAPS, ou alors prof agrégé d’université, cela aurait pu m’intéresser. Mes parents me disaient de passer les diplômes, et pour le foot, on verrait, parce que quand tu es jeune et que tu marques des buts, des sollicitations, on en a tout le temps, mais je n’avais pas d’agent au début. Il n’y a que deux clubs qui m’auraient fait devenir pro, c’était Nantes et Bordeaux. Voilà. Nantes et Robert Budzynski sont arrivés. C’était Nantes quand même, champion de France, des internationaux partout, une équipe incroyable… Je ne voyais pas trop pourquoi il venait chercher un jeune amateur à Brive-la-Gaillarde à ce moment-là ! Mais ça ne se refuse pas, parce que financièrement, ce que tu vas gagner en passant pro… On est beaucoup mieux payé en pro à Nantes que dans l’éducation nationale. Donc on s’est dit que, même si ça ne marche pas, j’aurai fait 4 ans et je repartirai dans l’éducation nationale.

« C’est incroyable et magique, le foot ! »

Photo Philippe Le Brech

Des regrets ?
Ah non, non, non. Déjà, je ne pensais même pas jouer un jour la Ligue des Champions ! Au bout d’un mois et demi à Nantes, je me suis demandé ce que je faisais là, à l’entraînement, ça allait à 2000 à l’heure. Je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi ? Ils ont vu quelque chose, un truc (rires)?? » parce que ça allait vite, ça pensait vite, ça anticipait vite, et en fait, ça s’est super-bien passé, parce que l’être humain s’adapte, progresse, travaille. Ce que j’ai vécu à Nantes, c’est exceptionnel. D’ailleurs, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’être là, et de faire des matchs de ce niveau-là.

Cette question « Pourquoi Nantes- est-il venu vous chercher à Brive ? », vous avez-vous trouvé la réponse ?
J’étais le 3e attaquant à Nantes. Dans la même poule de National, un an avant, ils avaient pris Casagrande et Carrière à Muret, alors je pense qu’ils ont pris les meilleurs joueurs de National pour les faire grimper dans le groupe et comme cela a bien marché, voire très bien, avec Doumé (Casagrande) et Carrière, je pense qu’ils ont voulu refaire la même chose. J’ai quand même fait 30 matchs, pas tous titulaire bien sûr, mais bon, je passais de Brive à la Ligue des champions ! C’est incroyable et magique le football.

« Je suis en recherche permanente du Graal »

Photo Philippe Le Brech

Le club ou la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
Joueur, au Mans, quand on est monté de L2 en L1 (en 2003). Et coach, la saison en National quand on monte en L2 avec Rodez (en 2019), je suis obligé de dire celle-là, je suis en recherche de ce Graal en permanence, quand toutes les connections et les circonstances sont réunies au même endroit au même moment. Tu cherches ça dans ta vie de tous les jours. J’ai deux objectifs : la recherche des moments de bonheur partagé, dans la vie et dans le sport, et il n’y en a pas tant que ça dans le foot, et là, je ne parle pas de victoire, je parle d’un moment qui sort de l’ordinaire, où tout un club est là. Je suis en recherche d’harmonie aussi, interne et externe. Dans ma vie, dans mon club et avec l’extérieur. Ce sont mes objectifs de vie.

Vous n’avez pas peur de ne pas retrouver ce Graal dont vous parliez et que vous avez vécu avec Rodez ?
Je ne sais pas. On ne vit pas dans la peur. C’est ça qui est bien. Des très bons moments de vie partagés, il y en aura d’autres. Après, j’en ai eu des moments comme ça, comme quand on se maintient avec Rodez à Bastia à la dernière journée (en mai 2022) en gagnant 1 à 0 à la 90e, ça c’est un moment de bonheur partagé, c’est fluide, c’est limpide, c’est calme, c’est zen. Voilà. Tout se passe dans le bon ordre, comme tu l’avais pensé, tu le fais avec tes joueurs, tes enfants, ta famille, tes proches, ton épouse… Je suis en quête de ça. Mais si cela n’arrive pas, ce n’est pas grave.

« On galvaude le mot bâtisseur »

Photo Philippe Le Brech

Entraîneur, vous avez passé plus de 7 ans à Rodez et plus de 7 ans au Mans, c’est rare. Paradoxalement, vous n’êtes pas resté longtemps à Versailles et à Grenoble. Aujourd’hui, c’est plus dur de durer ?
On ne se rend compte que cela a été long que lorsque l’on se retourne. Tant que je me sens bien, tant que je suis en équilibre, que le travail marche, que l’on n’est pas au bout de ce que l’on pourrait faire, il n’y a pas de raison d’aller voir si l’herbe est plus verte à côté. On sait toujours ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on va gagner. Cela a toujours été ma devise quand j’étais joueur. Je suis conscient que l’équilibre est fragile, que c’est compliqué de travailler dans la continuité avec des dirigeants, avec des joueurs aussi, parce que parfois, ce ne sont pas que les dirigeants qui prennent la décision de se séparer d’un entraîneur.

Vous parlez en connaissance de cause ?
Pas du tout. Je ne peux pas travailler si je ne suis pas en connexion avec mon groupe de joueurs. Je ne peux pas travailler avec des gens que je n’aime pas. Ce qui me dérange le plus, c’est que, parfois, les dirigeants, disent, « On est sur un projet à 3 ans », « On veut construire quelque chose ». OK, moi ça me va, car je suis plutôt un bâtisseur. Et d’un autre côté, on vous dit « Oui mais vous, vous êtes l’homme de deux clubs »… Je l’entends ça parfois, ou alors les gens ne le disent pas mais le pensent, je le ressens, ça me fait sourire, parce que des dirigeants me parlent de construire dans la durée, ce qui est normal, et de l’autre, ils vont prendre des gens qui ne sont pas du tout en phase avec ça, qui sont dans la performance de l’année, et après, les mecs sont surpris, « Mais comment ? il s’en va déjà ? » Cette ambivalence m’agace un peu. On galvaude le mot bâtisseur, l’humain au centre du projet. On travaille dans l’urgence.

« Je suis un intuitif »

Photo Philippe Le Brech

Une erreur de casting dans votre carrière ?
J’assume tous mes choix. Mais j’en ai fait une quand j’étais joueur. J’aurais peut-être dû rester une année supplémentaire avec Suaudeau à nantes, pour apprendre encore plus. J’ai été prêté au Mans dès ma deuxième saison, et c’était super, parce que j’avais envie de jouer, pas de regarder les autres jouer. Mais avec le recul, cela n’aurait pas été mal de rester.

Sinon, j’ai un autre regret : je suis parti de Lille à Sedan parce que je voulais travailler avec Alex (Dupont), or à Lille, où cela faisait 4 ans que j’étais là, j’avais l’impression de ne pas être considéré à ma juste valeur, mais c’est comme ça, les joueurs du club sont toujours moins bien considérés que ceux qui arrivent. C’est une vérité. Je pensais finir ma carrière à Lille. On n’était pas d’accord financièrement et je suis parti par mauvais orgueil à Sedan (rires). Entraîneur, j’ai fait tout ce que je ressentais. Je n’ai rien fait à contre coeur. Je suis un intuitif. Si mon coeur me dit d’y aller, j’y vais. Cela ne veut pas dire que ça va marcher ou que ça va être simple. Non. C’est dur : quand j’arrive à Rodez, en CFA, on est descendu (le club avait terminé 14e et relégable avant d’être repêché).

Qu’est ce qui n’a pas fonctionné à Versailles ?
Ils vont dire que je n’étais pas aligné avec les objectifs, etc., mais je pense que l’on commençait juste à trouver un bon équilibre dans le fonctionnement, que je cernais mieux mon groupe, donc on en revient toujours à la même chose, on part sur un projet de 3 ans et ça s’arrête au bout de trois mois… J’aurais été dernier, à la rue, j’aurais compris. Là, je pense qu’ils (les dirigeants) ont eu peur. On n’était pas relégable. Bon, on n’état pas 3e non plus. On est parti d’une feuille blanche. Avec certains joueurs sous contrat que l’on ne voulait pas forcément conserver. Ce n’est pas facile d’en parler, je suis en procès avec le club.

Un club où vous avez failli signer ?
Avec Slavo Muslin à Bordeaux, que j’avais eu à Pau. Et aussi à Nice, quand Guy David était entraîneur (en 1999-2000).

Et en tant qu’entraîneur ? Vous avez failli revenir au Mans en novembre 2022, pour être coach en National…
Quand j’ai été limogé de Rodez, enfin… limogé, quand j’ai été viré de Rodez, Le Mans est arrivé deux jours après. J’étais fatigué. J’ai été cash. J’ai été reçu, j’aurais pu dire « Super ! Génial ! Ma maison est à un kilomètre du centre d’entraînement du Mans, allez je prends », mais non, je ne voulais pas leur mentir, j’aurais fait de la merde, c’était trop tôt. Il leur fallait quelqu’un de frais, je sortais de près de 8 ans à Rodez, j’avais besoin de digérer ça. Il aurait fallu qu’il m’appelle en janvier. « Vous ne pouviez pas me rappeler au mois de janvier suivant parce que là, ça m’aurait plu (rires) » ! Je préfère être honnête plutôt que de tricher.

Cela vous fait mal de dire que vous avez été viré de Rodez, ou limogé… Vous vous êtes repris quand vous l’avez évoqué…
Sur le moment, c’est douloureux, bien sûr, maintenant, c’est passé, depuis longtemps, je regarde Rodez avec plaisir, j’y ai des amis.

« Je cherche des connexions entre joueurs »

Photo Philippe Le Brech

Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling ?
Djezon Boutoille et Philippe Celdran. J’adorais jouer avec eux. On était connecté. C’est ça que je cherche aujourd’hui en tant qu’entraîneur : des connexions entre joueurs. Avec Boutoille et Celdran, c’était ça. Les uns s’adaptaient aux autres. Je n’avais pas des qualités qui me permettaient de faire des différences individuelles. Entraîneur, ma devise, c’est plus celle de Suaudeau : « Avoir un très bon joueur, c’est cher; avoir deux très bons joueurs, c’est très cher; avoir une connexion entre deux joueurs, ça n’a pas de prix ». C’est pour ça que, par exemple, avec Daniel Cousin, au Mans, je m’adaptais à lui.

Un joueur marquant ?
Alors je citerais d’abord un adversaire, Lilian Thuram. Pfff… On n’était pas sur la même planète. On ne faisait pas le même sport. Bon. Voilà… Sinon, comme coéquipier, Japhet N’Doram. Lui, waouh ! Pfff… C’était incroyable.

Un coach marquant ?
(sans hésiter) Suaudeau. Il a révolutionné la vision que j’avais du foot.

Photo Philippe Le Brech

Comment vous êtes vous construit en tant que coach ?
On se construit au fur et à mesure. J’ai toujours été éducateur dans l’âme. C’est différent du métier d’entraîneur. Cela vient de ton éducation, de ton parcours universitaire. Se poser des questions du style « pourquoi on fait ça ? », je me les posais déjà quand j’étais joueur. Et puis, fatalement, de chaque coach que j’ai eu, j’ai pris quelque chose. Lui c’est sa façon de parler, lui c’est sa vision du foot, lui son exigence, etc. Je me souviens qu’au bout de deux ou trois mois à Nantes, j’ai commencé à noter ce que Suaudeau faisait à l’entraînement. Mais je ne savais pas si j’étais capable de transmettre quelque chose. Quelque soit ton poste, tu n’es pas que manager, tu transmets un patrimoine, des idées aussi. Avoir des idées dans la tête, c’est une chose, savoir les transmettre et les formaliser, c’en est une autre. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur au Mans, les dirigeants m’ont demandé si cela m’intéressait de passer de l’autre côté. J’avais dit « Oui mais si je ne suis pas fait pour ça, si ça ne m’intéresse pas, si je ne prends pas de plaisir, je m’arrêterai et je ferai autre chose », mais comme je n’y avais jamais goûté, je ne savais pas. J’ai fait de la préformation puis je resté 4 ans avec les U17 Nationaux, c’était génial, on commençait avoir des internationaux, il y avait beaucoup d’anciens joueurs du club comme moi au centre de formation, je ne me posais pas la question d’aller avec les pros, ça fonctionnait bien, on faisait de la compétition sans en faire, on n’était pas obnubilé par le fait d’être les meilleurs en championnat. L’idée, c’était d’avoir quelques très très bons joueurs pour les faire progresser, d’être sur le jeu, sur le développement individuel, dans l’intelligence, pas dans la performance immédiate.

« J’aime être proche de mes joueurs »

Vous êtes un coach plutôt …
J’aime le dialogue mais je décide, j’aime que le climat soit propice à l’exigence, je n’aime pas l’à peu-près. On peut avoir de la liberté mais il y a une discipline de groupe, collective et tactique, à avoir. L’intelligence des joueur c’est ça : être capable de créer en fonction de tout le catalogue que te donne l’entraîneur. J’aime être proche de mes joueurs. Mais il ne faut pas confondre proximité et complicité. On peut être proche et dur. Je dis la vérité aux joueurs. Parfois, il vaut mieux une vérité qui fasse mal.

Au printemps dernier, vous avez fait une pige à Grenoble Foot : finalement, vous seriez bien resté là-bas, non ?
Bien sûr ! D’ailleurs, j’ai passé l’entretien avec le président pour rester. J’étais venu pour une mission, parce que Max Marty (le directeur général) me l’a demandé. Cela n’aurait pas été Max, je ne serais pas venu à Grenoble. Parce qu’il m’a rendu des services, c’est un ami. Il m’a donné plein de conseils. Il avait besoin de quelqu’un pour les 9 derniers matchs, je savais que c’était comme ça. J’étais un choix d’urgence. J’ai dit oui. Et après, j’ai passé l’entretien comme les quatre autres coachs, le président a choisi. C’était la première fois que j’allais dans un club pour une période courte, pour un one shot. C’est très différent. Il faut être opérationnel tout de suite, il faut être dans une énergie folle, il faut trouver des solutions, il faut remettre une dynamique de fonctionnement, du dialogue, il y a 10 millions de choses ! C’était une expérience nouvelle et je savais que Max et le staff seraient bienveillants à mon égard. C’est plus agréable que d’y aller sur la pointe des pieds. J’ai croqué dedans. Je savais que ça n’allait peut-être pas durer. Ce fut très formateur. C’est un autre job. Il faut s’adapter au système qui est le meilleur pour l’équipe. Tu t’adaptes aux joueurs que tu as. Tu n’as pas le temps de mettre des principes en place. Je serais prêt à le refaire, bien sûr, mais ça dépend de l’endroit et avec qui.

C’est qui l’attaquant de légende, selon vous ?
Van basten et Maradona.

« C’est So Foot en version bad boys » !

Photo Philippe Le Brech

Si vous deviez décrire le foot en quelques mots à quelqu’un qui ne connaît pas le milieu ?
Waouh ! (Rires) Oh la question ! C’est So Foot en version bad boy (rires) ! Je réfléchis et je reviens ! C’est un milieu d’affaires, qui s’éloigne de la cour d’école, mais qui est capable de générer des émotions collectives grandioses. Mais il y gravite tellement d’argent que, comme dans tous les milieux d’affaires, il y a des dérives pénibles, par rapport à l’ego, la diplomatie, la politique… On ne peut plus dire aujourd’hui tout le temps ce que l’on pense, encore moins avec les réseaux sociaux. Je vis avec, les jeunes vivent avec, la société vit avec. Il faut faire attention.

Vous êtes branché réseaux sociaux ?
Je n’ai pas Facebook, je regarde un peu Instagram, je me tiens infirmé, et puis ma fille est social manager dans la boisson énergisante, donc fatalement… Je fais attention de pas polluer mes pensées. Je préviens toujours mes joueurs en début de saison, il faut se détacher de ça. Après, c’est intéressant pour les contenus, montrer ce que tu fais, comment vit ton groupe, comment ton lui travaille, mais les joueurs ne sont pas là pour répondre à quelqu’un qui les insulte. L’important c’est ce que pensent les proches et la famille des joueurs, pas ceux qu’ils ne connaissent pas.

Depuis l’an passé, vous suivez une formation à Limoges de manager général de club sportif au Centre de droit et d’économie du sport : vous voulez élargir votre palette ?
Oui, on élargit le champ d’action et le champ d’esprit aussi ! Dans le foot, c’est compliqué de faire des choses qui t’ouvrent l’esprit, parce que quand tu es en poste, tu es dedans tout le temps, six jours et demi sur sept, et puis ce n’est pas bien vu de dire à son président, « Je voudrais aller voir tel entraîneur travailler pendant 3 jours ». Là, il te répond « mais pourquoi ? » alors que c’est intéressant d’échanger des idées. Quand j’étais à Rodez, David Vignes (entraîneur de Fleury, actuel leader de sa poule en N2), qui est un ami, est venu une semaine à la maison, quand il était au chômage. C’est super intéressant ces échanges. Les clubs devraient dire à leurs entraîneurs de partir une fois par an, à l’étranger par exemple, pour voir comment ça fonctionne là-bas. Cette formation de manager s’inscrit un peu dans ce sens-là. L’an passé, je suis allé voir des clubs, d’autres disciplines, ça permet de voir comment fonctionne le sport professionnel en général, d’avoir des bonnes idées, de connaître le fonctionnement d’un club pro dans son ensemble, parce que je pense que tout est lié dans un club.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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À la tête des Crocos depuis début avril, l’ancien joueur pro, qui coachait la réserve et les jeunes auparavant, reste ambitieux, à la fois pour son équipe et pour lui. Le successeur de Frédéric Bompard raconte aussi la vie pas toujours simple d’un Nîmois à Nîmes Olympique et rappelle que nul n’est prophète en son pays.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe LE BRECH

Photo Philippe Le Brech

Bientôt neuf mois qu’Adil Hermach (38 ans) est à la tête de Nîmes Olympique. Après avoir évité une descente en National 2 la saison passée, alors qu’il ne restait que 6 matchs de championnat quand il a été appelé sur le banc et que la position des Crocos n’était pas flatteuse (14e sur 18 et à 2 points du premier non-relégable), l’ancien joueur pro de Lens (2004-2011) et Toulouse notamment, passé aussi par les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, a finalement été reconduit dans ses fonctions cet été, quand bien même il ne possède pas le diplôme requis. Il en coûte donc 7 500 euros d’amende par match, un choix assumé par le club.

La semaine dernière, c’est un Adil Hermach encore sonné par le revers concédé à domicile face à Quevilly Rouen le 8 novembre (0-2, 12e journée) qui a, 45 minutes durant, répondu à nos questions. Cet entretien, il l’avait accepté de longue date. Malgré la période sportive compliquée pour son équipe (13e sur 17), qui reste sur trois défaites de rang, deux en championnat (à Bourg et contre QRM) et une en coupe de France (élimination au 6e tour à Beaucaire, club de N3, sur le score de 3 à 2 après avoir mené 2 à 0), le successeur de Frédéric Bompard sur le banc n’a pas rechigné à répondre à nos questions, nombreuses, sur l’actualité de NO et sur sa personnalité.

Et ce qui est frappant chez lui, c’est son attachement, viscéral, à sa ville et à son club. Adil Hermach est un entraîneur posé, réfléchi, respecté, ambitieux, curieux, cash, et qui a le sens de la (bonne) formule. Un entraîneur qui a juste besoin de gagner des matchs à l’heure actuelle. Un entraîneur qui peut parler de football pendant des heures mais qui zappe dès lors que la politique s’en mêle. Le mélange des genres, ce n’est pas pour lui.

Interview

« Je pense bien représenter ma ville »

Photo Philippe Le Brech

Adil, à la fin de ta carrière de joueur, tu es revenu à Nîmes Olympique : comment cela s’est-il fait ?
Cela s’est fait naturellement, parce j’habite à Nîmes, je suis Nîmois, j’ai aussi mon petit frère qui joue en équipe réserve en Régional 1. J’ai eu l’opportunité d’intégrer le centre de formation, d’abord avec les U16 puis avec les U18. En fait, ça s’est fait de manière naturelle. Là, c’est ma 4e saison au club.

Quand tu étais encore joueur, tu avais envisagé de devenir entraîneur ?
Oui, oui. Lors de mes dernières années comme joueur, j’étais orienté « coaching », « management », et sur la fin, j’étais plus proche des staffs techniques que des joueurs avec lesquels je jouais. Je suis quelqu’un d’ambitieux. Mon objectif était d’intégrer le club, de gravir les échelons, maintenant, c’est vrai que cela a été vite, avec cette mission maintien à accomplir la saison passée avec l’équipe de National. Je ne pouvais pas imaginer que cela se passerait comme ça. Maintenant, je suis content que cela se soit passé comme ça.

C’est une formation accélérée, en quelque sorte ?
Exactement.

« Je ne suis pas quelqu’un qui se projette trop »

Photo Philippe Le Brech

As-tu hésité avant de prendre en main l’équipe de National quand on a fait appel à toi en avril dernier ?
Oui ! Une fraction de seconde ! Cette fraction de seconde a paru éternelle, c’est ça qui est paradoxal. Ce petit blanc que je marque quand je dois répondre à Sébastien Larcier (le directeur sportif), il était long et court à la fois. Il m’a posé des questions et je lui ai posé une ou deux questions aussi. Et une fois que j’ai dit « oui », j’ai dû me remettre au boulot direct.

Est-ce que cela t’a surpris que l’on fasse appel à toi ?
Aussi, oui. Après, je m’occupais de la réserve, j’étais proche de l’équipe première, entre guillemets, et souvent, pour des intérims, dans ces situations-là, on fait appel au coach de l’équipe en-dessous. Là, c’était plus qu’un intérim, il fallait essayer de sauver le club qui était en difficulté en National.

Tu le voyais juste comme un intérim à ce moment-là ? Et cet été, quand des noms ont circulé, comment as-tu vécu la situation ?
C’est clair que la situation était floue. Mais j’ai eu la chance … disons, le président (Rani Assaf) m’a très vite rassuré. Quand j’ai pris l’équipe, je ne regardais pas trop loin non plus quand même. C’était volontaire de ma part aussi de ne pas regarder trop loin. De toute façon, je ne suis pas quelqu’un qui aime trop se projeter trop, déjà que c’est un métier dur, alors si en plus je dois réfléchir à des choses que je ne maîtrise pas, ça devient compliqué…

« J’aimerais dire que je vais faire 20 ans à Nîmes Olympique »

Photo Philippe Le Brech

Si tu continues dans ce métier, tu seras forcément amener à bouger un jour : ça ne te fait pas peur ? Surtout que tu as une famille, trois garçons aussi…
C’est ça, j’ai trois garçons. J’ai bougé déjà très jeune. J’ai quitté Nîmes pour aller à Lens quand j’avais 18 ans, puis je suis allé en Arabie Saoudite. C’est vrai que dans une carrière de joueur, il n’y a pas de stabilité. Maintenant, une carrière d’entraîneur est plus difficile : elle est peut-être plus longue mais il y a encore moins de stabilité que lorsque tu es joueur, parce que tu bouges. Tu vis par rapport aux contrats que tu as. J’aimerais te dire que je vais faire 20 ans au Nîmes Olympique. J’aimerais hein… Maintenant si on me fait signer un contrat de 20 ans, je serais capable d’accepter, parce que je suis d’ici, parce que c’est chez moi et que j’aimerais tout faire ici. Après, il y a la réalité du métier quand même.

Entraîner Nîmes Olympique, c’est une fierté ?
Oui. Déjà, je suis fier de représenter la ville. Tu sais, Nîmes, c’est particulier comme ville. On est très attaché à elle et aussi très exigeant avec ses habitants. C’est une fierté mais ce n’est pas facile. Il y a la réalité du foot qui te rattrape. Et puis nul n’est prophète en son pays, alors quand tu perds deux matchs… Après, ça reste un dicton. Tout dépend de la spirale dans laquelle tu es : quand elle est bonne, tu peux te prendre pour le prince de la ville; là, ce qu’il y a de bien, c’est que c’est du foot et qu’il y a un match à préparer chaque vendredi, et le vendredi, tu peux vite redevenir la personne la plus détestée des fans du Nîmes Olympique. Honnêtement, être le prophète, pour reprendre cette image-là, ce n’est pas ce que je recherche. Je préfère dire que je me sens au service de ma ville, parce que je m’y sens bien, que c’est chez moi. Je me reconnais plus ou moins dans une grosse partie de sa population et j’essaie de faire au mieux pour la représenter. Dans le contexte actuel, sans faire de politique et sans généraliser, je pense que je représente bien ma ville, qui est un peu décriée, qui a la réputation d’être difficile, avec des choses qui se passent… Mais il y a beaucoup de gens, beaucoup plus que ce que l’on croit d’ailleurs, qui essaient de s’en sortir.

« Les supporters se reconnaissent en moi »

Photo Philippe Le Brech

C’est quoi, justement, les inconvénients d’être de Nîmes ?
Certaines familiarités. Les gens ont du mal à faire la différence entre le Adil dehors, une personne très lambda, qui fait preuve d’humilité, et cinq minutes après, le Adil qui prend la posture d’entraîneur. Cette barrière entre ces deux statuts-là, certaines personnes, parce que je connais beaucoup de monde ici, ont du mal à la différencier. Et puis on est peut-être un peu plus « méchant », exigeant, avec le gars du coin, et un peu plus indulgent ou gentil avec un coach « étranger ». Alors bien sûr, au début, quand tu as des résultats, tu es un peu l’étendard de la ville, mais quand ça ne va pas, on est encore un peu plus méchant. Mais c’est le jeu et je l’accepte. Donc être de Nîmes, être un mec du coin, connaître beaucoup de monde ici et entraîner Nîmes Olympique, cela a ses avantages et ses inconvénients, mais je les prends et je ne les changerais pour rien au monde.

Les gens te parlent de foot dans la rue ?
Oui. Pour beaucoup, je suis un exemple, pour les mecs qui arrivent du milieu urbain, même si je viens des villages voisins mais j’ai fait aussi les quartiers populaires à Nîmes. Je suis un exemple aussi pour les petits du clubs, parce que j’ai fait les catégories jeunes, et parce que j’ai joué au club et que, maintenant, j’entraîne au club. Je pense que les supporters savent se reconnaître en moi. On me parle beaucoup de foot, mais tu es tributaire des résultats. Quand ça ne va pas, on tape, et quand ça va bien, tout va bien. C’est comme pour tout. J’ai un cocon d’amis, qui n’est pas branché foot du tout. Ils ne savent même pas que le foot, ça se joue à 11 ! C’est avec eux que je me ressource le plus souvent, et là, je suis très tranquille.

« Si tu n’as pas ton vestiaire avec toi… »

Photo Philippe Le Brech

Tu te reconnais en qui comme coach ?
Parmi les coachs que je ne connais pas, dans les plus grands, j’aime beaucoup Carlo Ancelotti et sa façon de manager. Je suis un garçon qui lit beaucoup, je suis très curieux, cela en devient un vilain défaut ! J’ai lu ses deux livres, dont l’un en anglais. Ancelotti, c’est par rapport à ce qu’il dégage sur son groupe. Après, tu peux être le meilleur tacticien du monde, si tu n’as pas ton vestiaire avec toi, tu n’as pas d’équipe. Aujourd’hui, même au PMU, les gens se prennent pour des coachs… Tous les coachs ont une certaine culture tactique, une connaissance du jeu, mais ce qui les différencie, c’est peut-être le management. Parler à la nouvelle génération, leur faire passer des messages, leur véhiculer des valeurs, ce n’est pas simple et ce n’est pas donné à tout le monde. Après, dans les coachs que j’ai eus, j’ai apprécié le calme de Francis Gillot, qui m’a connu très jeune à Lens, et le charisme d’Eric Gerets (son sélectionneur avec l’équipe nationale du Maroc).

Est-ce que tes joueurs te vouvoient ?
Oui.

Tous ?
Oui. Avec les joueurs, c’est « vous coach ». Par contre, une fois qu’on est sorti du Domaine de la Bastide, ils peuvent m’appeler Adil, il n’y a aucun problème. Au lieu de parler de moi dans la presse, s’ils me croisent dans 10 ans dans la rue, ça me rendrait heureux qu’ils traversent la rue et viennent me dire bonjour. C’est ce qui se passe d’ailleurs aujourd’hui avec certains que j’ai entraînés en U16 ou U18, qui viennent me dire bonjour ou m’envoient encore des messages. Après, le vouvoiement, c’est complètement franco-français ça… Je n’y vois pas une forme de respect, d’ailleurs, il y a des pays où le vouvoiement n’existe pas, et ce n’est pas pour autant que les gens sont moins respectueux. Par contre, dans le cadre du boulot, c’est « Vous coach ». Ce n’est pas ce que je préfère, mais cela permet de poser un cadre.

« Je n’aimerais pas que Rani Assaf m’appelle chaque jour »

Photo Philippe Le Brech

C’est dur d’entraîner Nîmes Olympique ?
Oui, parce que je suis très exigeant avec moi-même, très exigeant avec mon équipe, et quand je dis que c’est dur, c’est aussi parce qu’on n’est pas non plus 35 à bosser. C’est ce qui fait que le métier est difficile. Il y a le président, le directeur sportif, les quatre administratifs, mon staff et moi. Il n’y a pas beaucoup d’intermédiaire, c’est ce qui fait le bon côté des choses mais c’est ce qui fait que l’on a beaucoup plus de travail aussi. Je me sens bien en tout cas.

Est-ce que c’est du d’avoir Rani Assaf comme président ?
Non.

Tu as des contacts avec lui ?
Pour ça, il y a Sébastien Larcier qui fait le relais. J’apprends le métier d’entraîneur. Sébastien me l’apprend aussi, le président aussi, les entraînements et les résultats aussi, mais je n’aimerais pas avoir le président tous les jours au téléphone, c’est certain. J’ai déjà connu des présidents omniprésents… Moi, je sais où je veux aller, et quand j’ai besoin de lui demander quelque chose, je peux lui envoyer un SMS. Mais actuellement, j’ai surtout besoin de gagner des matchs.

« Il faut que tout le monde y mette du sien »

Photo Philippe Le Brech

La situation bloquée entre les supporters et le président t’affecte-t-elle ? En plus, ta position, entre les deux n’est pas facile, elle est même plutôt « bâtarde »…
Tu as raison. La plus belle des choses serait qu’un terrain d’entente soit trouvée. Bien sûr que j’aimerais que l’on joue devant 12 000 personnes à chaque match. Par contre, il faut aussi que l’on écoute le président, qu’on écoute ce qu’il a à dire, que tout le monde y mette du sien, mais honnêtement, j’essaie surtout d’avoir des bons résultats pour l’instant, afin de ramener le public, les supporters, au stade des Antonins. Je suis tout autant supporter qu’eux. Ils ne peuvent pas me dire que je ne respecte pas le club ou que je ne fais pas tout pour le club. Mais c’est très délicat d’en parler : ma position n’est pas bâtarde, mais je préfère un stade qui vit. Par contre, tout le monde doit y mettre du sien. On a vu la saison passée que, quand on a eu besoin de lui pour le maintien, le public avait répondu présent aux Antonins et on a vu que c’était réellement le 12e homme. C’est ça que je veux voir. Pas juste des spectateurs, parce que ça, ça ne m’intéresse pas.

Tu sens un désamour avec ce stade des Antonins ?
Oui, bien sûr, parce que le stade des Costières est mythique, mais bon, il faut évoluer avec son temps. Le président avait un projet de nouveau stade, ce qui aurait pu être un coup de boost pour la Ville. Les Antonins, c’est à nous de nous l’approprier, de le rendre telle une forteresse, mais cela ne va pas être facile.

« S’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique »

Comment as-tu vécu les récentes déclarations de l’adjoint aux sports de Nîmes, l’ex-arbitre Nicolas Rainville, au sujet du club, du président et surtout du stade des Costières ?
Je vais répondre sincèrement et avec beaucoup d’honnêteté. Je n’ai pas vu l’interview de Nicolas Rainville et de toute façon, je ne l’aurais pas lu parce que ça ne m’intéresse pas, parce que ça ne parle pas de foot. Pour l’instant, et s’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique, parce que je n’y connais rien. Je ne vais pas commencer à donner mon avis ou à m’inventer des trucs… De ne pas m’y intéresser, ça me permet d’avoir du recul par rapport aux choses. C’est un sujet que je ne maîtrise pas, donc je n’essaie pas d’entrer dans la conversation, même si je sais très bien que l’on parle beaucoup de Nîmes, de la situation, du stade, du président, etc., mais moi, je ne parle jamais de ça. Je n’ai pas envie de mettre le nez dedans.

En revanche, on peut te parler de tactique, de technique, de physique et de mental, tout ce qui a manqué à ton équipe contre Quevilly Rouen lors du dernier match de championnat…
C’est ça !

« Mon avis ne changera rien »

Photo Philippe Le Brech

La tactique, la technique, le physique et le mental, c’est ton credo ?
Ce sont les seuls paramètres qui m’importent et sur lesquels j’ai envie d’être jugés. Et pas sur l’ambiance, l’état du terrain, les installations, la relation avec la mairie ou autre… Parce que mon avis ne changera rien et je ne peux rien y faire. Je n’ai aucun pouvoir sur ça. Par contre, les choses sur lesquelles je peux avoir un impact, c’est mon équipe, techniquement, physiquement, tactiquement et mentalement. On peut mettre les quatre critères dans l’ordre que l’on veut, tant que l’on n’a pas ces ingrédients, on perd.

Peut-on parler d’un manque de confiance de ton équipe aussi ?
Je n’oublie pas la confiance, elle est inclue dans l’aspect mental que, personnellement, je mets en numéro 1 : parce que tu peux être le joueur le plus technique du monde, si tu n’as pas la confiance, tu perd la technique. On a vu des joueurs bourrés de talent mais mentalement très faibles ne pas être performants, et ça arrive aux meilleurs joueurs.

« Le joueur doit avoir l’estime de soi »

La saison passée, quand tu as repris l’équipe, tu avais mis l’accent sur le plaisir, la confiance et l’estime de soi, des thèmes affichés dans les vestiaires. Cette saison, c’est quoi ton « slogan » ?
La saison passée, je voulais afficher ça parce que ça doit être quelque chose que l’on doit avoir en soi, notamment l’estime de soi : le joueur de foot a beaucoup d’ego, c’est ce qui fait qu’il y arrive de toute façon, et quand tout va mal dans un club, tout le monde peut le faire passer pour une « merde ». Je voulais redonner confiance à mes joueurs, avec des trucs bateaux, comme aller voir un match des U10 du club, qu’ils se fassent prendre en photo avec les joueurs, que des petits viennent en courant dire bonjour à notre attaquant ou notre capitaine… Je pense que ces gestes simples, ça te rebooste un petit peu, et c’est ce qu’il n’y avait plus au club, où l’on ne parlait que de la mairie, des Costières, des résultats, où l’on disait que le club n allait pas bien, donc tout ça fait que ton ego prend une claque. Moi, je voulais rebooster ça par des actions très basiques : j’ai voulu montrer aux joueurs qu’ils avaient de la qualité, qu’ils n’étaient pas devenus des nuls, qu’on les aimait encore et que c’était eux qui faisaient kiffer les enfants.

Empathique et bienveillant

Photo Philippe Le Brech

Tu dirais que tu es un entraîneur plutôt comment ?
(Il réfléchit) Je suis un entraîneur qui essaie d’être le miroir du joueur que j’ai en face de moi. Je peux être très dur avec certains, mais je parle toujours calmement. Si j ai un garçon hyper-sensible, qui est dans l’émotion, j’essaie de m’adapter. Je suis quelqu’un qui fait preuve d’empathie et qui est bienveillant, ça on ne me l’enlèvera pas. J’essaie d’être à l’écoute. J’aime bien les joueurs autonomes mais dans un cadre duquel il ne faut pas sortir, sinon la sanction peut être très lourde. Il y a phrase qui revient souvent, que j’ai lue y’a pas longtemps, Jérémy Clément (le coach qui a assuré l’intérim récemment à Versailles) disait « J’aimerais être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir », c’est exactement ça. Dans un football idéaliste, je préfère donner des émotions aux gens : si je ne prends plus de plaisir et si mes joueurs n’en donnent pas, je suis capable d’arrêter. Après, je suis très connecté avec les plus jeunes. J’essaie de combler le décalage entre ma génération et la leur, dans la communication, dans les gestes, dans leurs habitudes : quand je jouais, les réseaux sociaux, c’était même pas 5 % de ce qu’il y a aujourd’hui. Le décalage est important. J’essaie de m’adapter, même si ce n’est pas quelque chose que je cautionne ni que j’aime en tout cas.

Joueur, ta force, c’était le mental ?
Je ne pense pas, au contraire, j’étais trop scolaire, j’étais dans une matrice, dans un monde où on te fait croire que dans le football, il y a trop d’enjeux, ou qu’une passe ratée vers l’arrière peut coûter un but… Ce n’est pas un regret vingt ans après, mais j’aurais aimé être un peu plus accompagné sur le plan mental. La première fois qu’on m a parlé d’un psychologue du sport, j’ai dit non, parce qu à 18 ans, tu crois que t’es intouchable. Je pensais que, si je faisais ça, la psychologue irait consulter à son tour une fois qu’elle m’aurait rencontré. Le foot, c’est une machine à laver qui peut faire très mal, et aujourd’hui, avec mon équipe, on est en plein dedans.

« Il faut remettre le jeu à sa place »

Tu as songé à prendre un préparateur mental pour ton équipe ?
Non, non. Pour se sentir écouter, aimer, pour être aidé, je sais qu’il y a des professionnels pour ça mais parfois, tu peux juste parler avec quelqu’un et un climat de confiance peut s’installer, tu peux vider ton sac et après c’est reparti ! Dès fois, c’est tout bête. Chacun fait la démarche qu’il souhaite. Il faut juste remettre le jeu à sa place. Parce que le foot, ça reste un jeu et ça ne doit pas amener de l’anxiété, du stress. Si tu as fait un mauvais match, ça ne doit pas t’empêcher de dormir.

En lisant quelques-unes de tes interviews, j’ai vu que tu avais cité des clubs de National des années 2000 contre lesquels tu as joués, Cherbourg, Romorantin… Tu as donc connu le National avec Nîmes ?
Oui ! J’ai joué avec Nîmes en National il y a 20 ans (saison 2003-2004). C’était mes débuts en pro, c’était mon premier match à 17 ans, un Nîmes – Cherbourg !

« Le National, c’est une Ligue 2 bis »

Photo Philippe Le Brech

Alors tu peux comparer le National d’il y a 20 ans avec celui d’aujourd’hui ?
Ce championnat a toujours eu la réputation d’être très rugueux, très âpre, mais aujourd’hui, on n’est plus dans cette configuration-là. C’est pour ça, c ‘est marrant quand on me dit « Ah le championnat National, ce n’est pas du foot » et ça me fait rire aussi qu’on dise « Pour s’en sortir en National, il faut laisser la balle à l’adversaire »… Ah bon ? Je réponds « Met FFF TV et regarde ce que le Red Star a fait la saison passée. Il faut aussi regarder Concarneau et ce qu’ils ont fait il y a deux saisons pour monter en Ligue 2″… Aujourd’hui, quand tu vois les effectifs des clubs en National, c’est une Ligue 2 bis. C’est pour ça, quand des journalistes me demandent si je vais passer à du jeu plus direct, je leur réponds clairement « Non ». Parce la différence qu’il y a entre le National d’aujourd’hui et celui d’il y a 20 ans, elle est énorme. L’aspect athlétique, il y est bien sûr, mais attention, il ne faut pas se tromper : en National , c’est largement moins athlétique qu’en Ligue 1. Les gens oublient ça et pensent que c’est le contraire. Donc oui, le National était plus difficile avant dans l’engagement physique, mais il y avait moins de joueurs de talents, moins de bons terrains aussi.

Toujours en écoutant tes interviews, on sent aussi de la détermination, de l’ambition et puis tu as un certain sens de la formule, tu as de la réparti…
Rien n’est préparé, je parle naturellement. Quand on me pose une question, si j ai les capacités ou si j’ai envie d’y répondre, j’y réponds, mais si je n’ai pas envie, tu vas le deviner, mais je me prête au jeu des interviews. Mes causeries, par exemple, sont très préparées : je commence à les préparer le lundi pour un match le vendredi et souvent quand on arrive le jour du match, elles ne ressemblent plus du tout à celles du lundi ! Mais c’est toujours le vrai Adil qui parle, le même que celui que tu croises dans la rue, que celui qui s’adresse à ses parents ou à ses amis. C’est pour ça que je réponds de cette manière-là. Je parle comme ça tous les jours. Parfois, ça peut paraître choquant, parfois non, en tout cas, j’essaie de rester moi-même.

« Est-ce que tu imagines un coach qui ne soit pas ambitieux ? »

Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que tu as une manière assez cash de parler, en même temps, tu peux dire des choses qui ne plaisent pas, mais de manière douce…
Oui, bien sûr, parce qu’il faut quand même expliquer les choses. J’entends parler de mon ambition… Je dis que j’ai de l’ambition, mais est-ce que tu imagines un coach qui n’est pas ambitieux ? Quel message j’envoie sinon ? Parfois, c’est ce que je dis aux journalistes : « Mais qu’est ce que vous voulez que je vous dise, que je vais finir 16e ? » Non, ce que je dis à mes joueurs, c’est que de leur attitude dépendra l’altitude à laquelle ils voudront aller. Si vous êtes performants, on jouera les premiers rôles, si vous jouez comme contre QRM, alors, on est à notre place et on jouera clairement le maintien en National.

Tu as une devise ?
J’en ai trop ! Je crois que Steve Jobs a dit un truc comme « Quand tu as un choix à faire, fais comme si c’était le dernier jour de ta vie ». J’aime cette phrase, parce que, parfois, il faut s’enlever plein de parasites, ne pas regretter.

Tu étais un joueur plutôt ?
Intelligent et technique. Et endurant.

Aujourd’hui, tu es un coach plutôt…
Endurant dans la détermination, bienveillant.

Le milieu du foot, tu le décris comment à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Je luis dis « Reste bien loin du foot parce que ça serait trop difficile pour toi ».

« A Nîmes, ce sont les supporters qui sont mythiques »

Le joueur mythique de Nîmes Olympique ?
A Nîmes, ce qu’il y a de bien, c’est que, quand tu pars en déplacement ou quand tu es à l’étranger, et que les gens te parlent du club, ils parlent des supporters, des joueurs mythiques aussi. J’ai beaucoup de respect pour Hassan Akesbi, recordman du nombre de buts marqués (114) avec le club, et qui vient de décéder (à l’âge de 89 ans), mais je n’ai jamais vu un des ses buts. Je sais juste que c’est le meilleur buteur de l’histoire du NO donc respect à lui, paix à son âme, mais honnêtement, quand tu es loin de Nîmes et qu’on te parle de Nîmes, on te parle des supporters d’abord. Donc ce sont peut-être eux les joueurs mythiques du club. Pour moi, les supporters du Nîmes Olympique sont mythiques.

Et le match mythique du NO ?
Ah, celui-là, je l’ai parce que j’étais dans les tribunes ! C’est Nîmes-Montpellier, 2 à 0, en demi-finale de la coupe de France, en 1996. J’étais au stade. J’étais fou ! Ce sont des souvenirs incroyables, je venais à pied, on prenait une glace à McDo et on allait au match !

Ton premier match dans les tribunes ?
Je pense que c’était durant cette saison-là.

Le joueur emblématique de Nîmes, ce n’est pas Renaud Ripart ?
C’est aussi un joueur mythique du club. S’il reviendra au club ? Je ne sais pas mais je lui passe un grand bonjour ! De toute façon, il est comme moi, il est Nîmois à vie.

Un Ripart, ce n’est pas ce qui manque à l’équipe ?
Bien sûr, il est Nîmois, et il y en a de moins en moins mais on essaie d’en trouver. Renaud Ripart est très important pour le club mais pour moi, le meilleur joueur que j’ai vu ces dernières années à Nîmes, c’est Téji Savanier.

(1) Dans un entretien donné à Objectif Gard, l’ancien arbitre et actuel adjoint aux sports de la Ville de Nîmes, Nicolas Rainville, a assuré que le club rejouerait dans un stade des Costières rénové, dès lors que le stade redeviendra propriété de la commune et que la date butoir du recours juridictionnel, qui court jusqu’au 31 décembre 2024, et lié au compromis de vente déposé par Rani Assaf pour son immense projet Nemausus, sera passée.

Vendredi 22 novembre 2024, à l’occasion de la 13e journée de National, Nîmes Olympique sera exempt. Prochain match de championnat vendredi 6 décembre, au stade des Antonins, face au Mans (à 19h30). Au total, l’équipe, éliminée de la coupe de France, dont le 8e tour sera disputé durant le week-end du 30 novembre et du 1er décembre, sera restée un mois sans compétition officielle.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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