Après 15 mois sans club, le défenseur central (32 ans) qui a connu la Ligue 2 puis la Ligue 1 à Clermont, a finalement retrouvé un club à Wasquehal… et surtout son poids de forme, après être passé de 88 à 101 kilos ! Tombé bas, le natif de Colombes raconte comment il a relevé et surmonté ce challenge de la transformation physique.

Par Anthony BOYER / Photos : Lily-Rose Candelle

Quand la fin de son contrat professionnel avec le Clermont Foot 63 est arrivé, en juin 2022, après quatre saisons, trois en ligue 2 et une quatrième en Ligue 1 après l’accession historique de 2021 (deux matchs), Josué Albert pesait 88 kilos.

Quand il a retrouvé un club, quinze mois plus tard, à Wasquehal, en National 2, en septembre 2023, il en pesait… 97 ! Le défenseur central, né à Colombes (Hauts-de-Seine) était même monté jusqu’à 101 kilos.

Valenciennes, le contrat avorté

L’histoire de Josué Albert (32 ans), crème dans la vie de tous les jours, pâte pour n’importe quel entraîneur et guerrier sur la pelouse, c’est celle d’un footballeur qui a d’abord beaucoup galéré et avalé de couleuvres avant de signer pro, à l’inter-saison 2017-2018, à Quevilly-Rouen, en Ligue 2, où, d’un cinquième voire d’un sixième choix en début de saison, il est devenu le premier choix de son coach de l’époque, Manu Da Costa, dès le mois de janvier.

Le Parisien avait alors 26 ans. Avec son CV, son expérience, et même s’il n’était pas forcément « titu » à Clermont (une cinquantaine de matchs de Ligue 2 tout de même), on s’attendait à retrouver l’international guyanais en Ligue 2, voire en National, mais de là à ce qu’il reste sans club pendant plus d’un an, non.

S’il n’a pas signé à Valenciennes, en Ligue 2, dans la foulée de ses quatre saisons à Clermont, à l’été 2022, et s’il n’a pas rejoint Romain Revelli, l’un de ses formateurs au centre à Saint-Etienne, l’an passé, à Villefranche, en National, l’explication est simple. Double même : le temps de jeu et la prise de poids.

Le temps de jeu, c’est souvent l’obstacle qui, dans les discussions, a freiné les clubs intéressés, parce que, lors de ses deux dernières saisons à Clermont, Josué n’a que très peu joué. « Après Clermont, je devais signer à Valenciennes, raconte Josué; tout était prêt ! J’avais discuté au téléphone avec Nicolas Rabuel, le coach. Mon agent, qui avait eu le directeur sportif José Saez, me dit « la direction va valider et tu vas recevoir la proposition ». Le lundi passe, pas de proposition. Le mardi passe, pas de proposition… le mercredi, un journaliste qui suit Valenciennes publie sur Twitter « Deux anciens clermontois, Josué Albert et Jason Berthomier, tout proches de signer au VAFC ». Mon agent ne comprend pas pourquoi l’info est sortie, alors que je n’avais rien dit à personne. Vraiment à personne, hormis à mon épouse, Justine. Le jeudi, Jason se rend à Valenciennes pour signer. Il me dit « Il y avait un autre joueur avec moi, je pense que c’était un défenseur central ». Avec mon agent, on essaie d’appeler le club, mais impossible de joindre qui que ce soit. On était déjà fin août. »

« J’avais le CV, pas le temps de jeu »

Dans le bureau avec Jason Berthomier, ce n’est donc pas Josué qui paraphe le contrat, mais un autre joueur. La fin du mercato approche. Les petites issues de secours se referment petit à petit. « Après cet épisode, je suis passé d’un premier choix à un second, puis à un troisième ou quatrième, et puis les clubs ne me parlaient pas d’expérience, mais de temps de jeu… Un de mes problèmes, c’est que j’avais le CV, mais pas le temps de jeu ! J’ai eu une touche avec le Paris FC, mais ils cherchaient un jeune, pour le revendre derrière en cas d’accession en Ligue 1. Moi, j’allais avoir 31 ans, je savais que ça allait devenir compliqué. L’étranger ? familialement, ce n’était pas simple. Je n’étais pas prêt à me lancer dans des plans bizarres… Je me suis entraîné de mon côté. J’ai écouté ma femme, qui est à mes côtés depuis que j’ai 17 ans… Elle a son travail fixe, c’était à moi de l’écouter cette fois, quitte à mettre de côté ma carrière. A la trêve, il y a eu des contacts, mais rien de concret. Je n’ai pas été surpris. Parce que je sortais d’une saison en Ligue 1 où je n’avais joué que 2 matchs. Après Clermont, les clubs me disaient « tu n’as pas beaucoup joué », alors on n’allait pas, six mois plus tard, me dire que « j’avais joué ». OK, je n’ai pas beaucoup joué, mais donnez-moi du temps de jeu, sinon, je ne vais jamais jouer ! »

Saison blanche

La saison 2022-2023 passe. Sans Josué, qui s’entraîne avec la réserve du Clermont Foot. « Je remercie le club pour ça. » Finalement, ce sera une saison blanche. Et puis, arrive la saison 2023-2024. Sur les réseaux sociaux, il est annoncé du côté de Villefranche-Beaujolais, en National. Mais, une fois encore, l’affaire n’aboutit pas : « Ce qui s’est passé, à Villefranche, c’est que, tout simplement, je n’étais pas dans le meilleur de ma forme, raconte Josué, plein d’honnêteté; pourtant, je m’étais entraîné avec un « prépa ». J’effectue la reprise avec le club et, dès le premier jour d’entraînement, alors qu’on faisait un truc tout simple, deux fois 15 minutes de footing, du travail technique, sur un appui, « bam », je sens une pointe au mollet. Le premier jour ! Je fais une échographie : j’ai deux élongations. Je demande à Romain Revelli, que j’avais eu quand j’étais jeune à Saint-Etienne : « coach, franchement, ne me faites pas espérer, dites moi tout de suite si c’est mort ou pas », et il me répond, franchement « On va chercher un défenseur. Si on trouve, on le fera signer, on ne peut attendre que tu reviennes de blessure, on a une saison à préparer ». Et puis Nathan Dekoké est arrivé. Du coup, je n’ai pensé qu’à une chose, bien me soigner, parce que c’était ma dernière chance ».

« Il fallait que je regoûte au pain noir »

Cela fait plus d’un an maintenant que Josué est sans contrat. A 31 ans, forcément, le doute s’installe. Depuis qu’il a 8 ans, il ne sait faire que ça : jouer au foot ! Il a commencé au CSM Gennevilliers, où il était d’ailleurs attaquant – « Je te jure, j’empilais les buts ! », – puis il est passé par le centre de formation à Saint-Etienne, la réserve de Guingamp avant de découvrir le National à Uzès, à 21 ans.

« Et puis, à la fin de l’été dernier, je suis chez mes beaux parents à Saint-Etienne, et Anthony Rogie, un de mes tout meilleurs amis et ancien coéquipier à Quevilly Rouen, m’appelle pour prendre de mes nouvelles. Il s’énerve en apprenant que je n’ai pas de club. Il me dit qu’il a signé à Wasquehal, en National 2*, qu’il va en parler au coach, Mehdi Izeghouine. Je lui ai dit « si ça me permet de rejouer, pourquoi pas ? ». Derrière, le coach et le directeur sportif, Aurélien Capoue, m’appellent dans la foulée. J’en parle à mon épouse : Wasquehal, ce n’est pas à côté de Clermont. Je n’allais pas faire déménager ma femme et mes enfants. Je savais qu’en retournant en CFA, ça allait être compliqué par rapport aux conditions de travail. Mais cela ne me faisait pas peur, parce que, si j’ai connu le très haut niveau, avec la Ligue 1, j’ai connu aussi la DHR quand je jouais en réserve à Uzès. Du coup, je suis parti à Wasquehal, seul. Familialement, c’est dur. Mais il fallait que je regoûte au pain noir, c’était la seule solution si je voulais aspirer à retrouver le National ou pourquoi pas la Ligue 2. Il fallait que je rejoue, que je charbonne à nouveau. Anto Rogie a eu un poids aussi dans ma décision. Wasquehal, c’est une belle opportunité, et je remercierai toujours Mehdi Izeghouine de m’avoir permis de rejouer au foot. »

La transformation

C’est donc à Wasquehal, dans le Nord, entre Lille et Roubaix, en N2, un niveau qu’il n’avait plus connu depuis sa superbe saison à Quevilly Rouen en 2015-16 (accession en National), que Josué va rebondir. C’est aussi là qu’il va prendre conscience de l’importance de son corps : « Au bout de trois matchs, je me suis blessé, c’était le 12 octobre; à ce moment-là, je faisais 97 kilos. Je n’étais pas du tout en forme. » Et Josué de nous montrer la première photo de lui à son arrivée : « ça c’est moi, regarde… »

À partir de là, il prend conscience de la situation et va opérer ce qu’il appelle « la transformation » : « Je revenais en CFA, à 700 km de ma femme et de mes deux filles, j’aurais pu me dire « tu viens, tu prends ton oseille », mais non. Je me suis mis à faire des journées « strictes », réveil – petit déjeuner – diète – sieste – salle – entraînement… C’était un truc de fou ! Je me suis fait mal. C’était un rythme de fou. J’en ai chié. J’étais rentré à Clermont faire mes soins et là, j’ai demandé à Bakary Sako (ex-coéquipier au centre à Saint-Etienne) un contact pour la diète, parce qu’il venait de suivre un programme pour perdre du poids. Et il me parle d’un certain Faress. J’appelle le Faress en question (Faress Brikh), je lui dis que je veux retrouver mon poids de forme. Il me dit « t’es sûr ? Parce que c’est dur tu sais… Une transformation incroyable nécessite des actes incroyables, es-tu prêt ? » Je lui ai dit « j’ai besoin de toi ». Et depuis, on se parle tous les jours ! J’ai échangé 1400 vidéos et photos avec lui (il montre l’écran de son téléphone). On a commencé le programme le 30 octobre. J’ai mes petits plats avec moi, haricots, pâtes, poulet… Je prépare tous mes Tupperware quand je pars en déplacement avec le club, j’ai mes compléments alimentaires, mes collations, mes fruits rouges, mon citron… A Wasquehal, je ne suis pas dans un club pro, donc je peux me permettre de faire ça. Mes performances ? C’est le jour et la nuit. Forcément, elles s’en ressentent. Tu ne peux pas savoir comme j’ai été piqué à mon arrivée, quand des joueurs me disaient « ah ouep, Josué, t’as des bourrelets »… Comme ça m’a vexé. Je peux dire que cela a été le plus gros challenge de ma vie, un challenge incroyable. La dernière fois que je pesais moins de 87 kg, c’était à Quevilly, il y a 10 ans ! Je suis même monté jusqu’à 101 kilos. 101… »

La prise de conscience

Au Clermont foot 63, le poids de forme de Josué était de 87/88 kilos. Mais le suivi était tel, là-bas, qu’aucun joueur ne pouvait se permettre le moindre écart, sinon, il était mis à l’amende. « Le problème, c’est qu’après mon départ, j’ai continué de manger comme si j’avais toujours la même dépense d’énergie chaque jour. Donc forcément, au bout d’un moment, je l’ai ressenti. Mais c’était inconscient. Je rentrais dans une routine, je jouais à la play station tard, je dormais moins, je ne jouais plus au foot, ce fut une période compliquée. »

Le pire, dans l’histoire, c’est que Josué ne s’est pas vu prendre du poids. « Je m’en suis vraiment aperçu juste avant l’été dernier… Je suis sorti de la douche, je me suis assis sur la baignoire, je me suis regardé, et je me suis dit « c’est quoi ça ? Mais non… » J’ai dit à mon épouse, regarde les plis… Je monte sur la balance… 96 ! En fait, quand je m’entraînais avec la réserve de Clermont foot, je me tuais à la muscu, mais je n’avais pas du tout le régime alimentaire adapté pour perdre du poids, j’ai pris du muscle et de la graisse… 97, 98, 99, 100, 101… Je suis monté jusqu’à 101 kilos ! Là, mon kiné m’a dit « Il faut que tu arrêtes la muscu, t’es pas affûté, t’es grand, gras, gros musclé… Tu ne peux pas jouer au foot comme ça. Et j’ai arrêté la muscu. Je suis descendu à 97 en deux mois. Je faisais 97 cm de tour de ventre, j’en fais 80 aujourd’hui. Et j’ai un corps d’athlète ! J’ai pris conscience que le corps, la santé, c’est ce que l’on a de plus cher. Et c’est mon outil de travail. J’ai aussi pris conscience que, si tu veux durer, il faut être un minimum affûté sur le terrain, parce que derrière, la jeunesse qui arrive, elle pousse fort, elle est pleine de fougue. J’aime bien prendre exemple sur des « anciens » qui jouent encore au haut niveau, comme Thiago Silva, 39 ans, Dante, 40 ans, avant il y avait Hilton aussi à Montpellier, qui a joué jusqu’à 42 ans, Akrour, qui joue encore à 49 ans avec Chambéry (N3)… »

Le maintien en N2, un autre challenge

Josué l’avoue, tout n’a pas été simple. Et il a eu des moments de découragement, de doute. Au point de raccrocher ? « Ma femme et mes enfants, Mila et Tiana, ont joué un rôle primordial. Je ne pouvais pas dire stop. Je sentais que je pouvais encore apporter au foot, peu importe le niveau, que je pouvais encore prendre du plaisir. Redonner à mon corps cette souffrance, ça a été un challenge incroyable. Quand tu fais la diète, tu dois être concentré du matin au soir, tu ne dois pas oublier ceci ou cela, il faut tout peser, 200 grammes, c’est pas 201, c’est pas 199, c’est une discipline, une rigueur… »

Vendredi dernier, en National 2, le Wasquehal Foot, malgré un bon match, et sans quelques cadres (Rayan Frikèche et Clarck N’Sikulu étaient absents) s’est incliné chez le leader, le FBBP01 (Bourg-en-Bresse/Péronnas), sur un score de 3 à 0 qui ne reflète pas les débats. Josué, titulaire, qui fait aussi partie des cadres de l’équipe au même titre que l’attaquant David Pollet (ex-Lens, Charleroi), a dû céder sa place au bout de 20 minutes, touché à l’épaule.

L’équipe 2023-2024 de Wasquehal Foot en N2.

Il va profiter de ces quinze jours de repos pour aborder la dernière ligne droite – il ne reste que deux journées de championnat – dans de bonnes conditions : 9e au classement, les Nordistes n’ont aucune marge et sont condamnés à engranger encore des points pour assurer le maintien (la 9e place est synonyme de descente dans l’une des quatre poules de N2). Cela passera par la venue, le 11 mai, au Stadium Lille Métropole de Villeneuve-d’Ascq de Colmar, qui lutte également pour son maintien (10e avec le même nombre de points !) puis un déplacement à Créteil en clôture de la saison 2023-2024, le 18 mai. Encore un sacré challenge !

*Blessé, Anthony Rogie a quitté le club de Wasquehal pour rejoindre Eric Assadourian au centre de formation du RC Lens, où il intervient comme éducateur auprès des 14 ans et des U17 Nationaux. Il envisage de passer le BEF.

Josué Albert, du tac au tac

Meilleur souvenir sportif ?
J’en ai deux ! Y’en a même plus ! Quand on est monté en Ligue 2 avec Quevilly Rouen et que le coach Manu Da Costa m’a annoncé que j’allais signer pro, après deux opérations au ménisque du genou droit, au même endroit. J’avais mal été opéré la première fois. Signer pro, c’était une récompense pour moi. Bon, ça a traîné, je n’ai signé pro qu’à la trêve de cette saison-là en Ligue 2, parce que le club, au départ, n’avait pas voulu me conserver. Et puis finalement QRM a eu besoin d’un défenseur… Le deuxième, c’est l’accession en Ligue 1 avec Clermont.

Pire souvenir sportif ?
Ma première grosse blessure, c’était lors de mon premier match en sélection avec la Guyane, aux Bermudes (mars 2016), je suis mal retombé, et cela a été le début de pas mal de moments compliqués. J’ai eu la chance à ce moment-là d’avoir un très bon entourage, ce qui m’a aidé à ne pas lâcher.

Combien de buts marqués depuis tes débuts en réserve à Saint-Etienne ?
Je n’en ai pas mis des masses ! À Saint-Etienne, je n’en ai mis qu’un seul… non deux… Ah je ne sais pas, je ne les compte pas mais j’en ai mis des beaux, notamment un cette saison avec Wasquehal, dans le jeu, depuis le rond central, et l’autre un coup franc à la dernière minute en CFA avec Quevilly Rouen contre Croix à la dernière minute ! On avait gagné 1 à 0.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur et pourquoi défenseur ?
Tout simplement parce que quand j’étais petit, j’étais toujours avec un ballon, j’ai toujours joué au foot, en maternelle, en primaire. Mes parents m’ont inscrit à Gennevilliers quand j’avais 8 ans avec mes amis du quartier et mon père a commencé aussi à m’entraîner, sans savoir que je deviendrais pro bien sûr. A cette époque, on n’entendait pas encore parler de « projet », comme le « projet Mbappé ». Moi, c’était le plaisir de jouer au foot. J’ai commencé attaquant, parce que mon père avait joué attaquant. Mais je touchais aussi à tous les sports. Au basket, au hand, au badminton, le mercredi après-midi, c’était le multi-sports dans un gymnase ! J’ai même fait de la gymnastique quand j’étais au collège (rires), parce que faire toutes ces activités permettait d’avoir de meilleurs notes.

Tu étais un enfant plutôt comment ?
Très fougueux. Un peu casse-cou. Très serviable aussi. J’étais l’un des jeunes qui rendait le plus de services aux mamans. Elles savaient que je n’allais pas dire non.

Tu n’as donc pas toujours été défenseur central…
Non ! J’ai été recruté au centre de formation à « Sainté » parce que j’avais joué à ce poste dans un match en sélection Île de France et depuis, je suis resté à ce poste, même si cela m’est arrivé de jouer arrière gauche pour dépanner. Ce jour-là, il y avait un problème de défenseur, je me suis proposé, et voilà… A Gennevilliers, à mes débuts, je jouais attaquant. Et je te jure que j’étais un goaleador !!! En benjamins, j’avais fini meilleur buteur ! Je me souviens d’un match à cette époque, à Clichy, on n’a pas de gardien, je me propose pour jouer dans les cages, mais mon coach me dit « tu joues dans l’axe, je ne veux pas te voir dans les buts », et derrière, on en prend 13 !!! J’en rigolais il n’y a pas longtemps avec un collègue.

Ton geste technique préféré ?
Une bonne passe claquée du gauche, croisée, fort au sol ! Le contrôle aussi, qui te permet derrière d’enchaîner une bonne passe.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Je suis trop exigeant, même si c’est une qualité aussi, et auparavant, j’avais quelques sautes de concentration, mais j’ai énormément travaillé là-dessus et je n’en ai plus. Après, je suis généreux, patron, je suis à un poste qui demande beaucoup de communication. Guerrier aussi, je ne lâche jamais. Costaud.

Le club ou la saison où tu as pris le plus de plaisir ?

Avec QRM en Ligue 2 en 2017-18. Photo B. M.

Je n’ai pas fait 150 clubs mais le peu de clubs que j’ai fait, j’ai toujours eu de très bonne relations, et il y a encore plein de joueurs avec lesquels je suis encore en contact. C’est malheureux mais j’ai passé 4 ans à Saint-Etienne et sur les 150 joueurs que j’ai croisés, il n’y en peut-être 5 avec qui je parle quotidiennement, et si je devais n’en citer qu’un, je citerais Josuha Guilavogui (à Mayence aujourd’hui), avec qui je suis en contact en permanence, cet été on va encore en vacances ensemble. A QRM, j’ai rencontré des personnes formidables, Mathieu Géran, Anthony Rogie, ma première fille est née là-bas… Maintenant, en termes de plaisir, ça se joue entre Quevilly-Rouen, où on n’était pas encore dans le monde pro comme on l’entend aujourd’hui, et Clermont, où il y a eu ce changement radical, ce déclic du monde pro ! À Clermont, je suis devenu papa d’une deuxième fille qui a bientôt 3 ans; là-bas, les entraînements, l’intensité des séances, la rigueur… J’ai vraiment basculé dans le monde pro.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
(Il réfléchit)…

Tu ne vas pas dire PSG hein ?
(Rires), Je suis parisien, n’oublie pas ! Plus sérieusement, le championnat anglais me fait rêver. Manchester City.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
Geoffroy-Guichard (Saint-Etienne).

Un public marquant ?
Bollaert (Lens) et Geoffroy-Guichard.

Un coéquipier marquant ?

Avec Anthony Rogie (à gauche) et Stanislas Oliveira, à QRM. Photo BM.

Oh punaise ! Abdoulaïde Mzé M’Baba*, un Comorien, avec qui je jouais à Saint-Etienne. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Il était très fort. Il jouait à l’AC Boulogne Billancourt avant d’aller à « Sainté ». Il faisait ce qu’il voulait avec le ballon. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Il avait signé un pré-contrat avec Arsenal quand il est arrivé à Saint-Etienne, malheureusement, il a fait quelques bêtises, il s’est mis dedans tout seul… C’était LE joueur dont tout le monde parlait. Quand on jouait les derbys ASSE-Lyon, il mettait tout le monde à l’amende. Arsenal n’arrêtait pas de parler de lui.

Le joueur avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Oh la la la la ! « Anto » Rogie. Je savais où il voulait le ballon, où il allait être, s’il allait me la remettre… Quand je suis arrivé à QRM, en provenance d’Uzès, en National, je suis tombé sur ce « fou », qui avait le pied droit, le pied gauche, il nettoyait tous les ballons, c’était une machine à laver. J’adorais jouer avec lui. Il s’est malheureusement blessé là. Finalement, après les examens, il a choisi de ne pas se faire opérer et il est parti au centre de formation du RC Lens. Il prépare son diplôme d’entraîneur. Il prépare sa reconversion.

Combien d’amis dans le foot ?
Très bonne question. J’ai énormément de contacts, de connaissances, mais des amis-amis, j’en ai quelques-uns, mais il y en a deux ou trois avec lesquels je suis ami depuis dix ans ou plus même, comme Josuha Guilavogui, Mathieu Géran ou Anthony Rogie. Dix ans, ça commence à faire. Josuha, ça fait 16 ans. Sinon, j’ai des amis de 2 ou 3 ans, c’est trop récent.

Sous le maillot de Clermont. Photo CF63

Un coach que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
J’en ai revu certains, Romain Revelli, en début de saison dernière, quand j’ai failli signer à Villefranche, Abdel Bouhazama, à qui j’avais envoyé un maillot, Gilles Rodriguez… J’ai eu des entraîneurs à Gennevilliers, en moins de 13 ans ou en moins de 11 ans avec qui je suis en contact, mais il y en a un, qui s’appelait Moussa, mais je ne me souviens plus de son nom de famille, il nous entraînait avec Toufik Hamdaoui (aujourd’hui au Paris 13 Atlético). Moussa, oui, j’aimerais savoir ce qu’il devient !

Une causerie de coach ?
Celle de Manu Da Costa à QRM, quand il nous demande de nous lever, de monter sur la chaise, ça m’avait fait des frissons.

L’appli mobile que tu utilises le plus ?
Brawl Stars, un jeu. Regarde (il ouvre l’appli), et tiens, quelqu’un m’invite déjà à jouer avec lui !

Un attaquant qui t’a impressionné ?
J’étais sur le banc avec Clermont quand on a affronté le PSG, j’ai vu de près Mbappé, il est impressionnant. Et sinon, un attaquant contre lequel j’ai joué, Medhy Guezoui était hyper « relou » et chiant à jouer.

Tes manies avant un match ?
Je ne suis pas très superstitieux, mais j’aime bien mon rituel de jour de match, petit-déjeuner, marche, repas, et puis il me faut ma sieste ! C’est vraiment la chose dont j’ai besoin. Écouter ma musique avant mon match aussi, visualiser quelques actions, ça m’aide à me concentrer.

Qu’est-ce qui t’a manqué pour jouer en Ligue 1 ?
Qu’on me donne un peu plus de temps de jeu et qu’on m’accorde un peu plus de confiance. Pourtant j’étais irréprochable aux entraînements, sérieux, appliqué, discipliné.

Tu es un défenseur plutôt…
Costaud et technique.

Un modèle de joueur quand tu étais gamin ?
Carlos Puyol. En grandissant, après, j’adorais regarder Thiago Silva.

Le match de foot de légende ?
Même si je n’avais que 6 ans, le France-Brésil de 1998 tout de même !

Le dernier match où tu as assisté en tant que spectateur ?
C’était Lens-Clermont (1-0, le 20 avril dernier).

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Quand j’étais petit, je voulais être prof d’éducation physique et sportive !

Le milieu du foot, en deux ou trois mots…
Footballeur, c’est le plus beau métier du monde, bien qu’il soit ingrat.

*Abdoulaïde Mzé M’Baba a ensuite joué aux Comores, au Fomboni Club, puis à Montélimar en DH et à Ain Sud Foot en CFA2.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Lily-Rose Candelle

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Grâce à son succès au Puy, le club provençal, qui s’apprête à fusionner avec ses voisins Air Bel et La Penne, s’est ouvert les portes du National en grand. Ce serait une première pour ce club plus jeune que l’âge de son capitaine, qui veut faire de la formation son axe fort et promet, en cas d’accession, de ne pas faire de folie.

Article réalisé avant la victoire face au Hyères 83 FC

Par Anthony BOYER / Photos : Aubagne FC – Tom Avrisani

41 ans. C’est l’âge de Lamine Djaballah, le capitaine du Aubagne FC, buteur samedi dernier au Puy dans un match qui s’apparentait à une petite finale du groupe A de National 2, et remporté 2-1 par les Provençaux.

41 ans, c’est 6 ans de plus que son propre club, né en 1989 de la fusion de trois associations de cette ville de 45 000 habitants, située à 10 kilomètres à peine de l’entrée Est de Marseille, sa grande voisine.

En National dès ce week-end ?

À Aubagne, on est fier de Marcel Pagnol (c’est sa ville natale) et on aime l’OM, bien sûr ! On aime l’argile, la céramique, les santons et la tranquillité des lieux, sur les bords de l’Huveaune, le fleuve qui la traverse, indissociable de ses habitants.
Et on aime de plus en plus son équipe de football locale qui, à trois journées de la fin de la saison, n’a jamais été aussi proche d’écrire un chapitre inédit de sa jeune histoire, et d’accéder en National. « Battre Le Puy chez lui, c’est énorme, avançait l’entraîneur « Momo » Sadani dans les colonnes de La Provence, dimanche, au lendemain de ce match au sommet que d’aucuns considéraient comme la finale de la poule A de National 2. C’est une saison exceptionnelle et si on la conclut bien, la joie sera intense. »

Les plus optimistes prétendent que, pour l’accession, cela pourrait être réglé dès ce week-end si Le Puy Foot 43 ne gagne pas à Cannes, et surtout si, dans le même temps, les coéquipiers des expérimentés Thibault Vialla (6 buts, ex-Ajaccio et Dunkerque en Ligue 2, Le Mans et Red Star en National) et de Cédric Odzoumo (meilleur buteur de l’équipe avec 8 buts, ex-Boulogne, Bastia-Borgo et Chambly en National) s’imposent chez eux, au stade de Lattre-de-Tassigny, face à Hyères.

« Chat échaudé… »

La joie dans les vestiaires au Puy, avec le président au centre.

Pour autant, pas question d’organiser une fête avant l’heure puisque, comme le raconte Lionnel Jeanningros, le président de l’AFC (depuis juin 2014), « Chat échaudé craint l’eau froide ! ». Le chef de l’entreprise éponyme, importateur et grossiste en fruits et légumes et installé sur le marché de gros de Marseille, a encore en mémoire un match de CFA2 (N3) important pour l’accession en CFA (N2), sur ce même terrain, face à Toulouse-Rodéo, en avril 2017. Aubagne était alors entraîné par le tandem Léon Galli – Didier Camizulli.

La joie dans les vestiaires au Puy.

« Ce jour-là, on avait voulu mettre les petits plats dans les grands, comme on dit, et on on avait fait match nul 0-0, on avait raté un penalty, raconte Jeanningros. Ce match a coûté, je pense, la montée en CFA… (c’est finalement Grasse qui est monté). Donc on ne fera pas deux fois la même erreur. Pour l’instant, on ne va pas fantasmer, on reste tranquille. »

Entendez par là que, face à Hyères, personne n’achètera ni bouteille de champagne ni petits fours avant la rencontre, d’autant moins que, côté varois, tout le monde a encore en travers de la gorge le scénario du match aller (0-1 et un but d’Aubagne dans le temps additionnel, une spécialité maison cette saison !). Le club varois se déplacera, c’est certain, avec un esprit revanchard, comptez sur son président Nicolas Garrigues pour ça.

Les Provençaux sont prévenus, personne ne leur fera de cadeau… sauf peut-être leur président en cas de scénario favorable sur les coups de 20 heures samedi !

Un mauvais départ

La joie de « Momo » Sadani, le coach, après le succès au Puy.

Voir le club provençal truster la première place cette saison – de la 12e à la 19e journée et à nouveau depuis la 21e journée – est, avouons-le, une surprise pour beaucoup, et même pour les principaux intéressés.

D’abord parce qu’il avait fallu attendre la dernière journée l’an dernier pour assurer le maintien sur le terrain de Louhans-Cuiseaux, qui jouait également sa survie (1-1).

Ensuite, parce que, dans la foulée d’une saison 2022-2023 compliquée (11e sur 16), les résultats ne sont pas immédiatement arrivés (deux défaites et un nul lors des trois premières journées cette saison).

Enfin parce que, dans cette poule Sud, les cadors, du moins sur le papier, sont nombreux : Hyères, Alès, Thonon-Evian, Fréjus/Saint-Raphaël, Cannes, Toulon ou encore Grasse et Le Puy étaient régulièrement cités parmi les potentiels favoris. Mais Aubagne ? Qui aurait pu penser que cette formation caracolerait en tête ? Qui aurait misé sur elle ?

Promis à un printemps 2024 d’enfer, talonné par une équipe du Puy impressionnante de régularité et louée pour sa qualité de jeu (1/4 de finaliste de la coupe de France fin février face à Rennes et invaincue en National depuis début octobre et une défaite à domicile contre Fréjus/Saint-Raphaël), confronté à un calendrier démentiel avec, justement, un voyage sinueux en Haute-Loire, le club aubagnais a finalement réussi à s’extirper de tous les pièges. Il a su profiter d’une petite ouverture pour récupérer la première place quand, au bénéfice d’un difficile succès à domicile face à Cannes (2-1) lors de la 21e journée, les Auvergnats, leaders le temps d’une petite semaine, ont laissé filer deux points chez eux la veille face à Bourgoin-Jallieu (1-1). Un premier tournant avant le grand virage, une semaine plus tard, au stade Massot, là où Dunkerque et Laval, deux équipes de Ligue 2, s’étaient cassés les dents en coupe de France cet hiver !

Au centre, le capitaine, Lamine Djaballah (41 ans).

Mais devant près de 3000 personnes, les coéquipiers d’un Lamine Djaballah (ex-Amiens en Ligue 2 et en National, Libourne, Gazelec Ajaccio et en National, notamment), auteur d’un premier but splendide, ont tenu bon, soutenu par un bus de supporters, et creusé le plus gros écart de la saison sur son dauphin (+4 points et le goal-average particulier), pile au bon moment.

En 2018 et en 2010, Djaballah, véritable symbole de cette équipe à la fois expérimentée et composée de jeunes, et habituée aux joutes du Sud, avait déjà connu les joies d’une accession de CFA (N2) en National, avec Toulon et Gap.

Regrouper les forces vives

Après la victoire à l’aller à Cannes.

Voir l’AFC en National n’est plus un fantasme et, même si l’accession n’est pas encore acquise, elle tomberait, c’est le hasard, la même année que la fusion avec les voisins d’Air Bel et de La Penne-sur-Huveaune. Une aubaine pour Aubagne.

En regroupant les forces vives de l’Est du bassin marseillais, le club va devenir, dès la saison prochaine, le GROS club du département en termes de licenciés, au même titre que Marignane Gignac Côte Bleue, dont la fusion a été actée voilà deux ans. Et aussi le GROS club du département en termes de niveau : outre les seniors A, aux portes du National et de l’antichambre de la Ligue 2 donc, les jeunes évolueront en U19 Nationaux et en U17 Nationaux, puisqu’il « absorbera » les championnats du Sporting Club Air Bel, un club qui n’a pas de seniors et qui a fait de la formation sa réputation, sa carte de visite et son savoir-faire.

Le stade de Lattre-de-Tassigny, vu depuis … le pont jute au-dessus !

À quelques jours de ce qui s’apparente presque au match de la montée face à Hyères, Lionnel Jeanningros nous a reçus au siège du club, à « De Lattre », comme on dit là-bas, où les trois entités seront administrativement regroupées.

C’est mercredi après-midi. Il fait beau et chaud. Il y a un peu de vent et beaucoup d’enfants, d’éducateurs et de parents dans les allées. Le président salue tout le monde. Il est connu comme le loup blanc ici ! Les locaux sont plutôt exigus, un peu « vieillots » mais ce côté rustique confère une certaine convivialité et proximité.

Tout le monde sur le pont !

Thibault Vialla, l’un des joueurs expérimentés de l’équipe.

Au bord de la pelouse et devant la piste d’athlétisme, un espace VIP fermé et vitré a été aménagé sous la tribune de 1000 places. Une tribune qu’il faudra remplir la saison prochaine si le club a la chance de recevoir Sochaux, Nancy, Nîmes, Dijon, Rouen, Le Mans, Orléans, Valenciennes ou encore Châteauroux, si d’aventure tout ce beau se retrouve bien en National  !

Contre Cannes, le 13 mai dernier, ils étaient 400 spectateurs à encourager les Marine et Jaune (un kop « Ultras Aubagne » a été créé il y a un an, avec une cinquantaine de personnes), et presque autant … en dehors du stade ! Car c’est l’un des problèmes majeurs de cette enceinte, certes homologuée en cas d’accession – il faudra améliorer l’éclairage -, mais ouverte aux quatre vents !

Au stade de Lattre-de-Tassigny, il est possible d’assister aux matchs en se tenant sur le pont situé juste au-dessus du complexe, le long des rails du nouveau tramway, où la vue sur la pelouse est à la fois imprenable et plongeante !

Il est possible aussi de regarder le match depuis le clos bouliste, en face de la tribune, ou tout simplement autour du complexe, lieu de vie où le passage est incessant. Un certain charme diront les uns, un manque à gagner (billetterie, buvette) pour les autres. Un problème vraiment pas simple à résoudre.

Interview / Lionnel Jeanningros :

« On n’est pas un club bling-bling »

Lionnel Jeanningros, le président de l’AFC.

Président, d’où vient cette passion pour le club et pourquoi être autant investi comme vous l’êtes ?
Au départ, j’étais partenaire du club. Je suis natif d’Aubagne, j ai joué en jeunes ici. Mais jamais en seniors. Je venais voir les matchs avec mon père, on était supporter, puis on est devenu partenaire, selon un système de mécénat classique, et de fil en aiguille, la situation a évolué. L’ancien président (Marcel Anastasio) m’a fait entrer au comité directeur, puis j’ai été poussé par des personnes pour investir financièrement dans le club et aussi m’impliquer « physiquement ». En fait, à un moment donné, il y a eu des divergences de vue et une passation de pouvoir. Aujourd’hui, cela fait 10 ans que je suis président, et c’est notre 4e saison en National 2.

Vous êtes chef d’entreprise et donc bien occupé déjà : le foot, ça vous prend combien de temps par semaine ?
Concrètement, j’ai tous les jours au téléphone des personnes du club, le secrétaire général, le directeur général, William Fekraoui, qui a porté le projet de fusion au départ, le coach Mohamed Sadani, pour avoir les nouvelles. J’essaie de « monter » au club une fois par semaine, en dehors des matchs bien sûr.

« Avec la fusion, on devrait arriver à 1100 ou 1200 licenciés »

Comment définiriez-vous le club, à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Aubagne FC, ça reste encore un club familial où il y a beaucoup de proximité, avec un stade en centre ville. Quand je parle de proximité, je parle aussi d’un point de vue intellectuel et moral, parce que j’ai un rapport avec les gens. Ce n’est pas un club bling-bling : de toute façon, cela ne correspondrait pas à la ville, ce n’est pas dans notre mentalité ni dans notre état d’esprit.

Contre Cannes, le maire de la ville, Gérard Gazay, était là : il vous soutient ?
Le maire était même là lors de nos deux derniers matchs à domicile contre Cannes et Toulon. Il nous suit, la mairie nous suit et nous suivra, nous soutiendra, dans la mesure de ses possibilités.

Avec quel budget fonctionnez-vous en N2 ?
Cette saison, nous avons 1,2 million d’euros. On est dans la moyenne en N2. On consacre environ 700 000 euros à l’équipe fanion : là encore, on est dans la moyenne. On a 650 licenciés mais ce chiffre va grossir puisqu’on a finalisé la fusion avec Air Bel et La Penne-sur-Huveaune. On a fait une estimation : en restant raisonnable, on devrait arriver à 1100 voire 1200 licenciés. Air Bel a 521 licenciés jeunes et La Penne compte 236 licenciés. Dans la région, Marignane Gignac Côte Bleue sera le club le plus important et nous, on ne sera pas loin derrière !

« Une vraie logique géographique »

Ce projet de fusion, il est né quand ?
Cela fait deux ans qu’on réfléchit au projet. Il y a eu pas mal d’oppositions au départ (une pétition contre le projet circule actuellement) et aussi des gens enthousiastes. Aux gens qui sont « contre », il a fallu expliquer les choses, parce qu’on ne voulait pas arriver et « foutre » en l’air tout ce qui a été fait. Bien entendu, dans une fusion, des gens s’y retrouvent et d’autres pas : peut-être que ces derniers, ceux qui vont partir, reviendront vers nous dans un an ou deux. On s’y attendait. Air Bel, c’est le premier quartier, quand on arrive à Marseille, pratiquement limitrophe avec La Penne-sur-Huveaune, qui elle est juste à côté d’Aubagne, donc il y a une vraie raison et une vraie logique géographique à ce rapprochement. Et une raison sportive bien entendu.

Du coup, vous aurez trois sites…
Oui au niveau sportif, mais sur le plan administratif, tout sera centralisé sur Aubagne. Sur le plan des installations, avec cette fusion, en plus de nos trois terrains d’Aubagne, on aura un terrain en pelouse à La Penne, où on envisage de faire jouer notre réserve (R2), dont l’objectif, l’an prochain, sera de monter en Régional 1. On aura aussi le terrain d’Air Bel, qui accueillera des matches des catégories de jeunes, sauf les U19 Nationaux et les U17 Nationaux, qui joueront au stade « De Lattre », parce qu’il y aura des belles affiches, avec l’OM, Nice, Monaco, etc.

Un groupe de supporters, les Utras Aubagne, a été créé il y a un an.

C’est quoi, concrètement, l’objectif de cette fusion ?
C’est de regrouper les forces vives. À Aubagne, on a fait le constat suivant : en National 2, soit vous avez une grosse politique de formation et vous arrivez à sortir des jeunes, mais ce n’est pas toujours évident, ou alors, c’est à celui qui met le plus d’argent sur la table pour « signer » un joueur et là, on rentre clairement dans un système de surenchère : « Combien ils te donnent là-bas ? Combien on va te donner… » Mais nous, clairement, on ne veut pas rentrer dans ce système-là. Air Bel est un club référence au niveau national voire international en matière de formation, donc le but sera toujours de former des joueurs : les tout meilleurs partiront, on l’espère, dans des clubs pros, mais pour ceux qui n’auront pas cette chance dans un premier temps, eh bien ils pourront passer par la case aubagnaise, en National 2 ou peut-être plus haut, en National, si jamais on monte; ça leur permettra d’être exposé, d’être vu, et pour eux, ce sera peut-être reculer pour mieux sauter. On le voit, il y a plein d’exemples de joueurs en National ou en N2 qui ne sont pas passés par des centres de formation et qui ont fini par devenir pro sur le tard. Le national serait une vitrine pour nos jeunes.

Forcément, qui dit fusion dit nouvel organigramme : comment allez-vous gérer les nominations chez les éducateurs ?
Pour l’organigramme, le directeur sportif, qui vient d’être nommé – il s’agit de Franck Tognarelli, qui était déjà directeur sportif à Air Bel -, fera ses choix avec les éducateurs des trois clubs, en fonction des compétences des uns et des autres. On s’attend à des départs mais aussi à des arrivées car des gens vont vouloir nous rejoindre.

« On va garder les pieds sur terre »

Revenons aux seniors : pour cette fin de saison, vous avez certainement un plan A, pour le National, et un plan B, pour le National 2…
Oui. mais on ne peut pas dire que la différence sera énorme entre les deux. Si on monte, on ne fera pas de folie. On va garder les pieds sur terre et la tête bien fraîche, sans s’enflammer. La différence de budget serait minime. On fonctionnerait avec un budget en légère augmentation. Pour le stade, il est aux normes du National, sauf au niveau de l’éclairage, qui est insuffisant et qu’il faudrait changer. La mairie est prête, elle a budgétisé ces travaux, le cas échéant. Mais ce que l’on veut, c’est essayer de former des jeunes. Actuellement, dans notre effectif, on a des joueurs de la région marseillaise, c’est bien, et, depuis l’an passé, on en a quelques-uns qui sont devenus des titulaires comme Ryan Silva ou Yassine « Zino » Benattab, les deux qui jouent régulièrement : ça donne une connotation locale à notre équipe. C’est notre ambition et c’est ce que l’on souhaite développer encore plus.

Quid du stade « De Lattre », ouvert aux quatre vents…
C’est vrai… Le pont au-dessus de la pelouse est « à bloc » lors des matchs. En fait, il peut vite y avoir du monde, notamment tout autour du stade, pas uniquement sur le pont, mais aussi en face, au clos bouliste. On peut vite multiplier l’affluence par 2; ça a un certain charme mais ce sont autant de personnes qui ne paient ni leur place ni une consommation ! Surtout que, si on monte, on aura plus de monde, quand on voit les noms de certains adversaires potentiels, Nancy, Sochaux, Le Mans… On peut dire que le National est une Ligue 2 bis. Voir des affiches Aubagne-Sochaux, Aubagne-Nancy, ça fait tout de même rêver ! Après, pour en revenir à notre stade, il est comme il est. C’est un stade omnisports, avec une piste et un club d’athlétisme qui fonctionne bien. L’équipe de N2 s’entraîne juste derrière ou alors sur un terrain synthétique derrière l’Huveaune.

« En 10 ans, c’est le groupe le plus soudé que j’ai vu »

Cette première place, avec 4 points d’avance, à 3 journées de la fin, avouez que personne ne s’y attendait…
On ne s’y attendait pas, c’est vrai. Et le National n’était pas prévu cette saison. Bon, on n’y est pas encore. Il reste trois matchs. Quand on a lancé le projet de fusion, on s’était dit qu’on jouerait la montée dans une saison ou deux. Surtout que, l’an passé, on était lanterne rouge à mi-saison; heureusement, on avait fait une belle remontée et on s’était sauvé à la dernière journée à Louhans-Cuiseaux. Donc bon… impossible d’imaginer qu’on allait jouer la montée cette année, et en plus, on a perdu à Andrézieux à la première journée, on a perdu à Alès à la 3e journée, on n’a pas bien démarré. Mais de fil en aiguille, le groupe est resté solide et il y a vraiment une bonne entente entre les joueurs cette saison.

Cette entente, c’est ce qui fait la force du groupe ?
Oui. Cela fait 10 ans que je suis président, et cette saison, c’est le groupe le plus uni et le plus soudé que j’ai vu. La différence, pour moi, elle se fait là. Parce que, très franchement, j’ai vu d’autres équipes dans notre poule, même Toulouse et Alès, qui ne sont pas loin de nous et contre lesquelles ça s’est joué sur des détails. C’est vraiment un championnat très serré. Regardez les budgets de certains clubs… après, nous, on est comme le chien qui a l’os dans la bouche : on va essayer d’aller au bout !

Il ne peut pas y avoir que la bonne entente… Votre équipe a forcément d’autres qualités…
Elle a de la qualité technique et un peu d’expérience aussi, mais au-delà de ça, j’en reviens à son gros état d’esprit, à sa grosse solidarité. Franchement, l’an passé, neuf clubs sur dix auraient viré le staff à la trêve hivernale, quand on était en bas de tableau. Mais nous, on a fait un choix différent : on a écarté des joueurs et on s’est « soudé » et resserré avec le staff. La mayonnaise a pris et le staff a ressenti cette confiance. Il sait qu’il peut travailler sereinement; bien sûr, on se dit les choses, on n’est pas toujours d’accord, c’est normal, mais tout est mis à plat. L’équipe dirigeante est soudée et fait corps. Ici, il n’y a pas de bruits de couloir ou d’autres choses comme ça. On n’oublie jamais l’esprit de famille, et il faut penser aux jeunes aussi.

« Une excitation mesurée »

Le club supporterait donc une accession en National ?
Oui, parce que l’on resterait raisonnable. Le National, cela ne nous fait pas peur, cela nous excite. Mais c’est une excitation mesurée. En ville, les gens commencent à en parler, mais il faut rester dans notre projet de formation des jeunes. L’erreur serait de faire venir des pseudo-vedettes.

Et sur le long terme ? Le National est un championnat de passage, où peu de clubs restent longtemps…
Le but, c’est de pérenniser le club en National si on monte. Mais on sait la difficulté de ce championnat, qui ressemble à la Ligue 2, sans les avantages. On sent bien que les instances veulent des grandes villes à ce niveau, des clubs « costauds ». Mais notre credo, qui est de former les jeunes, ne changera pas. Et pour l’équipe une, on essaiera de se maintenir si on est en National, mais ça, on ne peut pas le prévoir.

Le point sur l’accession en National

  • National 2 (poule A) : 1. Aubagne (47 points); 2. Le Puy Foot 43 (43 points).

Leur calendrier :

J24 (samedi 27 avril)  : Cannes – Le Puy et Aubagne – Hyères.

J25 (samedi 11 mai) : Toulon – Le Puy et Thonon-Evian – Aubagne.

J26 (samedi 18 mai) : Aubagne – Andrézieux et Le Puy – Hyères.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Aubagne FC / Tom Avrisani

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L’entraîneur de Saint-Pryvé/Saint-Hilaire (N2) évoque son parcours et sa vision du métier. Réfléchi et altruiste, il ne tire jamais la couverture à soi, attache beaucoup d’importance à l’aspect collectif et met l’accent sur les notions de progression, d’épanouissement personnel, de plaisir et de passion.

Par Anthony Boyer – Photos Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

« Un entraîneur qui a des résultats, quelque soit son niveau, est plus crédible qu’un entraîneur qui n’en a pas, et ce quelque soit son parcours et son vécu ». Ce n’est pas un philosophe qui a dit cette lapalissade, mais Baptiste Ridira, l’entraîneur de Saint-Pryvé/Saint-Hilaire. Encore que, même si le discours de ce dernier s’apparente souvent à de la philosophie, dans son cas, l’on peut plutôt parler de pragmatisme, une doctrine dont il essaie de se rapprocher au gré des saisons et de l’urgence du résultat.

A 40 ans, le natif de Neuville-aux-Bois, dans le Loiret, fait partie de ces « jeunes » entraîneurs qui montent, « à la mode », et qui se font remarquer dans le foot amateur grâce à leur travail et leurs compétences. Et aussi leurs performances : les siennes sont admirables pour un club de ce standing – les deux communes, Saint-Pryvé et Saint-Hilaire font moins de 9000 habitants à elles deux -, et bien installé depuis bientôt 7 ans en National 2.

« On a réussi à mettre le club sur la carte du foot amateur ! »

Quand il a pris en charge l’équipe fanion en CFA2 (N3) en 2016, celle-ci est immédiatement montée en N2, avant d’enchaîner six maintiens. Pour le 7e maintien, il faudra encore attendre quelques semaines : la venue d’Angoulême, samedi dernier, un concurrent direct au maintien, aurait pu permettre, en cas de succès de faire un grand pas mais les joueurs du Loiret ont perdu 1 à 0. Si bien qu’à trois journées de la fin, Saint-Pryvé-Saint-Hilaire FC, qui compte un match en retard, n’est pas encore sauvé, même si ça sent bon (4 points d’avance sur le premier relégable mais seulement un point d’avance sur le 9e, potentiellement relégable). Il faudra encore cravacher.

Photo Philippe Le Brech

Baptiste Ridira est aussi un formidable ambassadeur pour son club et ses deux communes, et il en tire une réelle fierté : « Tout le monde nous mettait en Vendée à cause de Saint-Hilaire-de-Riez, ça nous faisait toujours sourire, après, je pense honnêtement qu’aujourd’hui on a réussi à mettre le club sur la carte du foot amateur ! Maintenant, les gens savent où se situe Saint-Pryvé sur la carte de France (près d’Orléans), grâce à nos coups d’éclat en coupe de France notamment et notre longévité en National 2. C’est une fierté, mais on sait que c’est loin d’être gagné pour nous, en terme de moyens, parce que l’on fait figure de village gaulois dans le paysage. On a vraiment fort à faire pour pouvoir exister à ce niveau-là. Après, ici, dans le jargon, les gens disent « Saint-Pryvé » par raccourci, parce le stade et les installations de l’équipe de N2 sont à Saint-Pryvé, mais on a des terrains sur les deux communes, qui chacune aide le club. »

Des coups d’éclat en coupe

C’est peut-être aussi ses résultats en coupe de France qui lui ont ouvert les portes du diplômes pour le BEPF (Baptiste Ridira fait partie de la promotion 2023-2024). « Je ne sais pas, répond-il; j’ai passé les tests trois fois. C’est vrai qu’avec Saint-Pryvé, on a fait un 16e de finale contre Rennes (en 2019), on a battu deux équipes de Ligue 2, Dijon (en 2022) et Troyes (en 2018), et aussi Toulouse (Ligue 1, en 2020), donc forcément, ces coups d’éclat mettent l’entraîneur sur le devant de la scène et lui offre plus de crédibilité. C’est peut-être aussi grâce à la stabilité du club que j’ai été pris au BEPF, tout cela a fini de convaincre les jurés de me faire entrer en formation. »

Sollicité pour un long entretien – la marque de fabrique de 13heuresfoot ! -, Baptiste Ridira a immédiatement accepté, lui qui donne assez peu d’interviews, si ce n’est à la presse locale. C’était un mercredi, juste après un succès sur le terrain de l’ex-leader, Libourne (1-0) et juste avant un autre à Blois (1-0 toujours). « Pour vivre heureux, vivons caché, comme dit mon président Jean-Bernard Legroux ! Bon, non, je ne me cache pas forcément, je réponds aux sollicitations si j’en ai. »

Interview

« C’est le collectif qui nous permet de réussir ! »

Photo Philippe Le Brech

Baptiste, d’où vient cette passion du métier d’entraîneur de football ?
Je l’ai toujours eue. Je me suis inspiré des gens que j’ai rencontrés, que cela soit dans le foot, quand je jouais gardien, ou dans l’éducation nationale. J’avais ça en tête dès le collège. J’ai eu des profs d’éducation physique qui étaient aussi entraîneurs à côté de leur métier et c’était quelque chose qui m’intéressait. Je me voyais bien faire coach, mais à cette époque-là, plutôt un coach sans grande ambition, de niveau régional, tout en étant enseignant à côté. Après mon bac S, je suis rentré à la fac de sport, mais j’ai compris au fil des années que la relation enseignant-enseigné, une relation contrainte dans laquelle on n’est pas face à un public volontaire, me passionnait moins que la relation entraîneur-entraîné.

Entraîner était donc une vocation…
C’est mon parcours de joueur qui a construit mon parcours d’éducateur, puis d’entraîneur. J’ai eu un parcours modeste, d’abord à Neuville-aux-Bois jusqu’à mes 17 ans. Ensuite, je suis allé à Saint-Jean-de-la-Ruelle pour être 2e gardien en 18 ans nationaux, et j’ai tout de suite joué en seniors. Après, je suis allé à Saint-Jean-le-Blanc et j’ai fait un petit passage à l’US Orléans. En parallèle, j’étais éducateur : à la fac, on avait la possibilité de faire un double cursus – diplôme fédéral et cursus universitaire -, du coup, ça m’a amené à passer mon Brevet d’état 1er degré en 2006. Je suis retourné jouer à Saint-Jean-le-Blanc, qui m’a employé en tant qu’éducateur; à l’époque je travaillais également comme assistant d’éducation à côté : on a monté une section sportive, et c’est là que j’ai été mis en relation avec le District du Loiret, où j’ai été embauché en CDI en 2008, au départ sur une mission de création d’une section sportive élite départementale, avec un projet de « foot des quartiers ». Puis il y a eu du mouvement sur la structure : Bertrand Baillou, qui s’occupait du foot diversifié et du foot féminin, a basculé sur un poste à la coordination technique (il est aujourd’hui entraîneur des gardiens à l’US Orléans) et j’ai aussi pris en charge le foot féminin et les pratiques diversifiées. En 2011, j’ai passé mon DEF (DES aujourd’hui, qui permet d’entraîner jusqu’en N2).

« Le club ne tangue pas quand ça fonctionne moins bien »

Photo Philippe Le Brech

C’est comme cela que tu es devenu entraîneur en N2 ?
En fait, en 2014, j’ai intégré le staff du Saint-Pryvé/Saint-Hilaire FC en CFA2 afin de pouvoir passer le CEGB (certificat d’entraîneur gardien de but) en 2016. Et en fin de saison 2015/2016, mon prédécesseur, Mickaël Ferreira, a annoncé son départ vers le mois de mars. Là, je me suis signalé auprès des dirigeants. « Micka » était entraîneur à plein temps et responsable technique du club. Au départ, les dirigeants voulaient réduire la voilure et repartir avec l’entraîneur de la réserve, qui bossaient à côté, mais il n’avait pas tous les diplômes requis. Le 10 juin 2016, le club m’a sollicité pour reprendre l’équipe. J’ai sauté sur l’occasion. Là, avec mon adjoint Mathieu Pousse, on s’est retrouvé à devoir construire un effectif et à préparer une saison, et dans le même temps, il a fallu finaliser et préparer la saison avec le District, duquel j’ai démissionné. Au départ mes deux co-présidents étaient réticents à me « sortir » d’une forme de sécurité de l’emploi, pour basculer dans le monde des coachs assez incertain et instable; on se connaissait, mes dirigeants étaient prévenants avec moi, mais on a pris cette décision et dès la première saison on est monté en N2.

Quand, à 33 ans, tu es parti du District, où tu étais en CDI, avec la sécurité de l’emploi, n’as-tu pas pris un risque en optant pour un poste d’entraîneur dont on connaît le caractère aléatoire ?
En fait, le hasard avait fait aussi que je m’étais installé, avec ma famille, à Saint-Pryvé. C’est une décision que j’ai prise assez rapidement. Je ne calcule pas énormément les choses. J’aime bien fonctionner à l’instinct et à la confiance. Au départ, avec Saint-Pryvé, je suis parti sur un contrat de 2 ans, avec une option de renouvellement en cas de maintien au bout des 2 ans ou en cas de montée. Et comme on est monté la première année, ça m’a assuré 3 ans encore après l’année de la montée. Donc c’était une forme de sécurité aussi, sachant qu’ici, les entraîneurs restent longtemps quand ils en ont la volonté, que le club est stable et qu’il ne tangue pas quand la machine fonctionne moins bien : je peux en parler en connaissance de cause puisque la saison passée, on est resté sans gagner un match jusqu’à la 8e journée, et pourtant, à aucun moment mon président m’a dit « Coco, il faut se poser des questions, on ne va peut-être pas continuer si on n’a pas de resultat »…

« Ici, ça me ressemble en terme de travail, de sérénité et d’humilité »

Photo Philippe Le Brech

Saint-Pryvé laisse donc le temps aux entraîneurs…
Ici, on est dans un club familial où ça fonctionne au relationnel et à la confiance. Je n’ai jamais senti de difficulté par rapport à ça et cela va faire 8 ans en juin qu’on est ensemble, avec un adjoint, Mathieu Pousse, qui est arrivé dans le staff 4 ans avant moi, qui entraîne également la réserve et qui a un boulot à côté. On est dans une structure plutôt modeste au niveau du staff mais ça me ressemble en terme de travail, de sérénité et d’humilité. On sait qu’on doit continuer de prouver chaque jour, et c’est ça qui me fait avancer. Je continue d’être un entraîneur en construction et en désir de progression. C’est ce qui nous a permis d’avoir une dynamique évolutive et positive en termes de résultat.

Tu as dit que tu avais joué à l’US Orléans, le grand club de ta région…
Oui, j’y ai passé une saison, comme gardien, en réserve. C’était l’année de mon DEF. J’ai effectué la préparation avec le groupe National de Yann Lachuer, j’ai aussi croisé Olivier Frapolli. Dans l’optique du diplôme, c’était intéressant, ça m’a permis d’acquérir des connaissances dans un club plus huppé, plus tourné vers la performance du haut niveau.

Y a-t-il eu, durant tes années de joueur, un entraîneur qui t’a inspiré, qui t’a marqué plus qu’un autre ?
Oui, Philippe Rebot. C’était le responsable de l’option football à la fac (aujourd’hui Directeur National adjoint à la Fédération Française du Sport Universitaire). C’est lui qui m’a confirmé dans ma passion du foot et dans ma passion de transmettre, parce qu’il y avait cette bivalence entre l’aspect transmission des « savoir faire » et « savoir être ». Je garderai toujours ce côté transmission, ce côté partage de ce qu’on est, de ce que l’on aime faire et de son savoir faire : sans manquer d’humilité, je pense que transmettre, c’est quelque chose qui m’anime au quotidien. D’ailleurs, au club, aujourd’hui, je ne suis pas seulement entraîneur de l’équipe de N2, je suis aussi manager général. Ce qui implique une transmission auprès des éducateurs du club. Il y a un travail profond qui est fait en filiation entre le projet de jeu de l’équipe première et celui qu’on applique sur les jeunes, et ça, c’est quelque chose qui continue de m’animer même si j’ai basculé aussi vers la performance et l’élitisme. J’ai pris goût à la compétition. Être sur un banc, aujourd’hui, cela fait partie d’une stimulation positive.

Mais tu aurais pu être prof d’EPS…
Oui mais je n’ai pas validé mon concours : c’est un objectif manqué dans mon parcours mais je n’en suis pas malheureux, parce que cela a été un vrai choix de ne pas aller au bout de ce cursus. Je ne le regrette pas. Je me suis tourné vers le coté entraîneur et éducateur. Grand bien m’en a pris !

« Si on se maintient, ce sera comme une petite accession »

As-tu vu une évolution du National 2 depuis l’accession en 2017 ?
Pas franchement. C’est toujours aussi exigeant. Mais je pense qu’on va retourner vers un niveau plus élevé comme du temps du CFA. La réduction du nombre de clubs fait que l’on va vers un championnat encore plus compliqué, où on trouvera des clubs plus performants et mieux structurés, comme le souhaite la FFF. On passe quand même de 4 poules de 16 à 3 poules de 16 en deux saisons, donc nous, si on se maintient, ce sera comme une petite accession ! C’est déjà une vraie performance d’être là depuis 7 ans.

Photo Philippe Le Brech

Justement, comment fait Saint-Pryvé pour exister et « survivre » en National 2 ?
En N2, les subventions municipales tournent en moyenne autour de 250 000 euros pour un club, mais chez nous, c’est moins de 50 000 euros avec les deux communes cumulées. Sans parler du budget, où la moyenne en France est, grossièrement, de 1,2 million d’euros. Nous, on est péniblement entre 700 et 800 000 euros. Mais à défaut de moyens, on a des idées. On a fait évoluer le fonctionnement du club même si on tâtonne encore sur certains aspects. On a continué sur la lancée du travail qui avait été mis en place avant que je n’arrive, sur l’aspect « développement des exigences du haut niveau ». On est passé de 4 séances à 7 créneaux si l’on compte la séance de soin du jeudi; certains joueurs bossent et ne peuvent faire que 4 créneaux du soir et de la kiné. On a mis des séances en journée pour augmenter le volume et attirer aussi des joueurs en développement et qui ont besoin d’un volume de séances important pour continuer leur progression : ces joueurs-là peuvent se servir de notre club comme un tremplin. C’était le cas d’Anthony Baron (Servette de Genève), Antoine Carnejy (Feirense, D2 portugaise) ou Hugo Vargas (Le Mans), passés chez nous, entre-autres joueurs.

« On n’a pas de marge à ce niveau »

Dans l’effectif, il n’y a pas trop de « noms »…
On a Georges Gope-Fenepej (Troyes, Boulogne, Amiens, Le Mans, Concarneau) et Idrissa Sylla (Le Mans en L2, Anderlecht, Zulte-Waregem et Ostende en D1 belge), on a aussi des jeunes joueurs qu’on a fait venir pour les accompagner dans leur développement ou alors des garçons qui ont déjà fait leurs classes en National 3 ou en National 2, comme Yoann Wachter, international gabonais formé à Lorient (ex-Sedan en National), Grégory Lescot, un international guyanais, ou le gardien Jordy Claveau, qui a été formé au PSG. Ils ont eu une belle formation mais n’ont pas passé le cap. C’est ce qui fait la richesse de notre effectif. On va souvent chercher des garçons qui ont des choses à prouver, ce qui nous ressemble un peu car nous aussi, au niveau du club, on doit prouver chaque année qu’on a les capacité à vivre et à survivre en N2. Les joueurs s’inscrivent dans cette démarche et c’est d’ailleurs ce qui fait que cela fonctionne. Les seuls soucis que l’on peut avoir, c’est quand les joueurs ou nous, le staff, on se met à penser que l’on est arrivé alors que l’on n’a pas de marge à ce niveau.

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Comment faites-vous pour, chaque année, être compétitifs ?
La clé, c’est vraiment le travail et cette conviction que l’on ne peut pas, si on veut rester au niveau où on est, se reposer sur nos acquis. Parce que sinon, le club, le staff, le groupe, on va finir par stagner. Il faut que tout le monde reste dans cette démarche de progression. A chaque début de saison, on repart dans la peau du challenger et on se dit qu’il faut faire mieux. On regarde les statistiques : si on a fini 6e, on va viser la 5e place. Tant que l’on aura la conviction que l’on a encore des choses à prouver, on continuera de survivre. Depuis qu’on est arrivé avec le staff, on a augmenté le travail vidéo par exemple, on a un quelqu’un qui s’occupe des gardiens, on a pris un alternant spécialisé dans l’optimisation de la performance, on a intégré des étudiants en STAPS pour la ré-athlétisation… On fait preuve d’imagination et ça permet aussi de renouveler notre façon de travailler, d’apporter un plus. On a passé un partenariat avec une marque étrangère pour un logiciel d’analyse vidéo, et également avec Tanguy Fleury, préparateur individuel de Sébastien Haller (Dortmund) : il a mis en place une application qui s’appelle « enjeux », destinée au suivi individuel. On met en place des formations pour les joueurs, qui peut les amener à avoir une porte de sortie après le football et leur donne des billes supplémentaires (interventions sur la nutrition, sur la préparation mentale) pour leur carrière. On essaie de relier des nouvelles expertises dans différentes domaines, pour se renouveler. Il ne manque que quelques moyens supplémentaires pour faire encore mieux et améliorer les choses.

Est-ce que tu vas voir des matchs dans ta région, notamment en National à l’US Orléans ?
Il existe un lien fort avec l’US Orléans où notre président Jean-Bernard Legroux (depuis 1984 et la création du club) est actionnaire de la SASP; c’est un ami de Philippe Boutron (ce dernier, président de l’USO, vient de vendre le club) donc forcément, oui, on va régulièrement voir des matchs à La Source en National. Je suis proche aussi de Maxime d’Ornano, l’entraîneur du FC Rouen, donc je regarde ses matchs. Récemment, je suis allé voir le Red Star contre Niort. Tout ça fait partie de ma formation et de ma progression. J’ai aussi eu l’occasion d’aller plusieurs années de suite en immersion avec le staff de Pascal Gastien à Clermont, ce fut très riche. Et dans le cadre du BEPF cette saison, je suis allé au Lausanne Sports où j’ai passé une semaine avec le coach Ludovic Magnin et son staff : on a eu des moments de partage qui ont été enrichissants, passionnants et exceptionnels. Ce sont des choses qui permettent surtout de se relier aux exigences du très-très haut niveau et nourrissent notre réflexion , même si c’est parfois difficile de trouver des choses transversales entre ces structures et des structures comme Saint-Pryvé/Saint-Hilaire, mais avec de l’imagination, on arrive à en tirer des « astuces » pour mieux fonctionner.

« La formation au BEPF, c’est passionnant, stimulant… »

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Parle-nous un peu de ta formation au BEPF, des candidats…
La formation, c’est très riche. Quand on regarde la liste de ceux qui sont avec moi, forcément… Quand on voit mon parcours, c’est déjà une opportunité d’être relié à ce type d’entraîneurs de haut, voire de très haut niveau, comme Sandrine Soubeyrand, qui a disputé la Ligue des champions à la tête du Paris FC, Lilian Nalis, qui l’a aussi connue cette saison avec Lens, Didier Digard, qui a entraîné Nice en Ligue 1. Ce n’est pas rien. Il y a une forme d’éclectisme magnifique entre tous les profils : cet écart avec les stagiaires qui ont touché au très haut niveau et d’autres comme moi fait qu’il y a une énorme richesse dans le partage et les échanges. On a à apprendre de tout le monde et je me nourris de ça au quotidien. C’est varié, et ça remet en question tout ce que l’on fait durant la saison, car, pour avancer, on met sur le grill nos compétences et nos certitudes. C’est passionnant. Et au delà de la simple formation, on a crée des connivences entre nous et les intervenants. On vit quasiment ensemble une année complète, c’est stimulant. Parfois, on se livre car on travaille sur des choses plus personnelles, sur la connaissance de soi, sur des éléments qui nous amène à nous interroger sur nos parcours de vie, et ça, peut-être que je ne le partagerai plus jamais avec d’autres personnes. Je sais qu’il y a de grandes chances que je retrouve un jour des camarades de promotion comme adversaires, en coupe ou en championnat, parce que c’est le foot et que l’on est amené à croiser des collègues, mais ce sera un vrai plaisir et un vrai défi !

Compte tenu du travail effectué depuis toutes ces années à Saint-Pryvé, le « grand » club voisin (l’USO) aurait pu s’intéresser à toi, non ?
C’est vrai qu’à chaque nouveau changement d’entraîneur à l’US Orléans, il y avait toujours quelqu’un pour écrire dans la presse, notamment locale, ou sur les réseaux sociaux, « Pourquoi pas Baptiste Ridira ? ». Eh bien tout simplement parce qu’il n’avait pas le diplôme ! Aujourd’hui, l’USO a trouvé une belle stabilité avec Karim Mokeddem, qui selon moi est l’homme de la situation. Maintenant, le changement de propriétaire fait qu’il y aura peut-être des changements, des évolutions, mais moi, je n’ai jamais fait de l’USO une priorité. Déjà, le niveau où je suis aujourd’hui, en National 2, ce n’était pas quelque chose de prévu, ni de calculé. Maintenant, à un moment donné, on sait bien que, pour un entraîneur, chaque semaine qui passe, chaque mois qui passe, chaque saison qui passe, le rapproche de la fin avec la structure dans laquelle il est, donc fatalement, il faudra écouter tout ce qui se passe ici ou ailleurs. Le fait d’obtenir, je l’espère, et je croise fortement les doigts, le diplôme du BEPF, ouvre aussi des perspectives individuelles qui n’ont jamais été explorées. Par le passé, je n’ai jamais eu intérêt à partir du club : on a eu la montée en N2 la première année, ensuite il a fallu pérenniser le club à ce niveau, on a eu la Covid au bout de la 2e année en N2… Ce n’était pas des périodes adaptées pour pouvoir bouger. Après, il y a eu la perspective du diplôme, qui implique une année très exigeante, et nécessite beaucoup de stabilité, à la fois sur le plan organisationnel et familial. C’est pour ça que c’était important pour moi de passer mon diplôme en étant à Saint-Pryvé, parce que le fonctionnement était calé, que l’on travaille dans un grande confiance avec les dirigeants. Cela permet aussi de passer une saison sereine sur ce plan-là mais pas tranquille pour autant, on le voit avec le classement, mais le cadre était sécurisant.

« Aucun club français n’a vu passer mon CV… »

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Forcément, l’obtention du BEPF va te donner des envies d’aller plus haut, dans le foot pro…
Oui. Mais je me répète, je n’ai pas de plan de carrière. Je ne me suis jamais dit « à 50 ans il faut que je sois en Ligue 1 « . Là, je suis sous contrat jusqu’en juin 2024 et en cas de maintien, contractuellement, il y a des possibilités pour le club et moi on continue, maintenant, il ne faut jamais dire jamais, car les choses vont très vite, on le sait. Des contacts, on en a tous, mais pour le moment, je suis là jusqu’à la fin de saison et je me projette déjà sur la saison suivante, que je prépare, parce que cela fait partie de mon boulot. Pour l’heure, ce qui est prioritaire, au niveau du club, c’est le maintien en National 2 et aussi en Régional 1 pour l’équipe réserve, et au niveau personnel, c’est mon diplôme. C’est pour cela que je ne vais pas au-devant de sollicitations et que les clubs français n’ont pas vu passer mon CV, ce n’est pas ma manière de fonctionner. Et si je dois travailler encore 10 ans à Saint-Pryvé, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible, même si, personnellement, j’espère faire évoluer le club pour aller plus loin : à ce sujet, j’ai déjà dit qu’il n’était pas taillé pour le National. Alors effectivement, j’ai de l’ambition, mais voilà, c’est une ambition légitime par rapport à tout ce que l’on a fait au club, et je dis bien « on », parce que c’est le groupe, les dirigeants et le staff, ce n’est pas moi tout seul. C’est pour ça que j’attache beaucoup d’importance à l’aspect collectif : j’ai rarement vu un entraîneur faire une saison seul avec un vestiaire à dos, il faut en être conscient, individuellement, on n’est pas grand chose. C’est le collectif qui nous permet de réussir. Et quoi qu’il advienne, mes ambitions sont construites et tournées vers un projet collectif, qui me conviendra, et, aujourd’hui, celui de Saint-Pryvé continue de me convenir du moment que l’on peut qu’on peut avancer.

Des mauvaises langues disent que, ces dernières années, c’était plus agréable de regarder jouer Saint-Pryvé que l’US Orléans…
(Rire !) Alors ça, c’est une forme de lieu commun, que je me garderais bien de commenter ! De base, on a quand même une philosophie tournée vers la possession et un jeu de mouvement, avec pas mal de mobilité entre les lignes. Et surtout, on a une identité de jeu, depuis des années, axée sur le 4-4-2 losange : et ça, tout le monde le sait ! Je me fais régulièrement « chambrer » là-dessus ! C’est une réalité mais ça nous plaît parce que c’est un dispositif qui n’est pas commun, et dont on tire une force, une originalité et une vraie identité pour notre équipe et pour notre club. Malgré tout, je suis devenu aussi pragmatique : très communément, je suis un entraîneur qui veut gagner des matchs, je ne suis pas plus bête qu’un autre ! Le meilleur témoin de l’efficacité, c’est la victoire. Pour ça, il faut parfois, non pas se renier, mais s’adapter pour pouvoir être dans cette efficacité-là, dans l’une ou l’autre des deux surfaces, car on sait que ce sont les résultats qui font avancer les clubs et les équipes, et on s’inscrit là-dedans. La base d’une saison se construit sur une idée de jeu, certes, mais aussi sur une forme d’épanouissement personnel des joueurs et du plaisir : si on a un groupe avec des joueurs qui ne se reconnaissent pas dans un projet de jeu, c’est difficile de faire une saison entière. Les notions de plaisir, de progression et d’épanouissement de la personne, que l’on soit joueur, entraîneur, membre du staff, sont essentielles, et c’est ce qui nous permet, à Saint-Pryvé, d’avancer depuis plusieurs saisons.

« Je suis dans l’empathie »

Photo Philippe Le Brech

Qui sont tes modèles de coach ?
C’est drôle parce qu’un de mes joueurs, une fois, m’a demandé « Mais coach, ça vient d’où cette volonté de jouer en losange ? Qui vous inspire ? C’est Guardiola ? », et je lui ai dit « Non, c’est moi ! ». Je me documente, je regarde beaucoup de matches, je lis plein de livres… Au tout début de notre intronisation, avec Mathieu Pousse, mon adjoint, on s’est posé la question de savoir ce que l’on voulait faire. Et depuis toutes ces années, on est resté dans cette idée de jeu plutôt basé sur la possession, l’utilisation du ballon, la mobilité, l’étagement des joueurs entre les lignes, avec aussi la capacité d’être vertical à la transition. Et au fur et à mesure, on est devenu un peu plus pragmatique. On a tendu vers l’efficacité, parce que c’était une nécessité à un moment, tout en gardant cette volonté de jouer, de prendre plaisir à construire des choses. Bien sûr que l’on s’inspire des tout meilleurs, mais aujourd’hui, cela va plus loin que Guardiola, qui est un disciple de Cruyff. Quand on creuse, on voit bien que les inspirations sont innombrables. Les premières traces d’un dispositif à étagement, c’est Herbert Chapman en Angleterre et son fameux WM. Il y a eu aussi Johan Neeskens et son Ajax Amsterdam au Pays-Bas. Si on veut faire un joyeux mélange, on prend le football de transition prôné par Klopp, qui a cette capacité à créer du lien avec ses joueurs, le football de possession prôné par Guardiola, qui a cette capacité à faire jouer ses équipes, et on y ajoute des Tuchel, des Ancelotti… Et puis, dans le management, il y a des coachs admirables comme Ancelotti justement, il l’a prouvé à maintes reprises. Je m’inspire de tout ça. Il y a du bon partout. Il faut rester très ouvert. Le plus gros problème que peut rencontrer un entraîneur, c’est de s’arrêter sur des convictions, de se renfermer, de ne pas s’ouvrir. Il faut etre tourné vers la progression, le plaisir du football et la passion tout simplement.

En deux ou trois adjectifs, tu dirais que tu es un entraîneur plutôt comment ?
C’est difficile, en deux-trois adjectifs, parce que je parle beaucoup ! Je suis un entraîneur passionné, réfléchi et altruiste. Je suis dans l’empathie. J’aime être proche des joueurs. Je leur donne la parole. J’aime que l’ensemble du groupe soit tourné vers la même direction et s’y retrouve dans les notions que j’ai évoquées juste avant, et prenne du plaisir à vivre ensemble.

Est-ce que tu as des manies, des rituels ?
Oui ! Je ne laisse jamais sortir les joueurs du vestiaire avant de les avoir tous « tchecker », comme on dit. Il n’y a pas un joueur qui part sur la pelouse ou sur le banc avant que je ne l’ai vu, sans qu’il ne m’ait tapé dans la main, ça c’est un vrai rite : je me mets devant la porte, avant la vérification de l’arbitre. Sinon, j’aime bien boire un café sur le terrain ou au bord du terrain pendant l’échauffement, je me fais chambrer quand je me promène avec ma tasse !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Philippe Le Brech

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À 31 ans, le gardien international burkinabé n’a jamais semblé aussi fort que depuis sa signature en 2020 au Paris 13 Atletico, dont il est l’un des leaders. Arrivé en France en 2010 à Saint-Etienne, il n’a pas forcément réussi la carrière que beaucoup lui prédisaient, même s’il  est fier de son parcours et bien décidé à rattraper le temps perdu.

Par Laurent Pruneta / Photos Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

Avec le Burkina-Faso, il a disputé cinq CAN (Coupe d’Afrique des Nations) et connu une première sélection en A alors qu’il n’avait que 17 ans. Mais quand il est arrivé en France en 2010 au centre de formation de l’AS Saint-Etienne, Germain Sanou n’a pas réussi à évoluer au niveau que beaucoup d’observateurs lui prédisaient.

Au lieu d’évoluer chez les pros en L1, en L2 ou à l’étranger comme la plupart de ses coéquipiers en sélection, le gardien de but, aujourd’hui âgé de 31 ans, a dû se contenter de jouer essentiellement en National 2 et en National 3 avec Drancy, Beauvais et le Paris 13 Atletico. Il a même connu deux saisons blanches après ses départs de Saint-Etienne puis de Beauvais.

Mais depuis sa signature au Paris 13 Atletico en 2020, il a trouvé une nouvelle stabilité et vient certainement de réaliser les meilleures saisons de sa carrière. Avec le club du XIIIe arrondissement, il est monté en National en 2022. Malgré de grosses performances sur le plan individuel, il n’a pas réussi à éviter la redescente immédiate de son équipe qui joue néanmoins les premières rôles dans le groupe B de National 2 cette saison (3e à 4 journées de la fin). Avant un choc contre le leader Libourne, il est longuement revenu sur son parcours pour 13HeuresFoot.

« Venir en Europe n’était pas forcément un objectif pour moi »

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Né à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, Germain se souvient d’avoir toujours joué dans les buts. « Quand on est petit, c’est rare qu’on veuille aller aux buts, rigole-t-il. Mais moi, ça me plaisait bien car j’aimais sauter et me défouler. J’avais 5-6 ans, je jouais dans mon quartier. Vers 12-13 ans, j’ai rejoint le club de Brama Traoré (qui vient d’être nommé sélectionneur des Étalons). »

Après avoir effectué des tests, il intègre l’institut de formation de footballeurs africains (IFFA) de Matourkou, un centre parrainé et financé en partie par l’AS Saint-Etienne depuis 2007. « J’avais 15 ans. C’est là que c’est devenu plus sérieux pour moi. Au début, le foot, ce n’était que du plaisir. Je voyais les anciens internationaux burkinabés, je voulais juste faire comme eux, jouer. Je ne connaissais rien à tout ce qui était lié au foot, les transferts etc… Venir en Europe n’était pas forcément un objectif pour moi. »

Avec l’IFFA, il démontre néanmoins de grosses qualités. Il est sélectionné en équipe nationale U17. Son histoire est en marche. Après deux ans à l’IFFA, Saint-Etienne le fait venir à l’essai. « On était trois de ma promotion mais je suis le seul à être resté et à avoir signé stagiaire. J’avais 17 ans et je suis venu en septembre. En décembre, j’ai dû rentrer au Burkina pour renouveler mon visa. Quand je suis revenu en janvier à Saint-Etienne, le froid, c’était terrible. Je voulais rentrer chez moi. Mais je me suis accroché. »

« À Saint-Etienne, j’ai eu tort de partir au conflit »

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Chez les Verts, il évolue avec les U19 et la réserve. Il n’a que 17 ans quand il est appelé pour la première fois par Paulo Duarte chez les A du Burkina Faso. Le 11 mai 2011, il est titulaire dans les buts de Saint-Etienne lors de la finale de la Coupe Gambardella perdue ( (1-1, 3-4 aux tab) face à Monaco. Sanou s’entraîne également régulièrement avec le groupe pro où il est 4e gardien derrière Stéphane Ruffier, Jérémie Janot et Pape Coulibaly. « J’ai passé trois ans à Saint-Etienne. Je pense avoir fait ce que j’avais à faire, je n’ai pas de regret même si cela s’est mal fini. »

Considéré comme un grand espoir lors de son arrivée dans le Forez, le gardien ne se voit pas proposer de contrat pro en 2012. « Il y a des trucs qui se passent dans les coulisses, je ne peux pas tout raconter. Mais j’ai vécu des choses vraiment pas bien. Certaines personnes ont raconté que je n’étais pas assez fort mentalement, des trucs de ce genre. Je n’en veux pas à Saint-Étienne, mais juste à ces gens. J’ai peut-être eu tort de partir au conflit. Avec le recul et l’âge, j’ai compris que ce n’était pas la bonne solution. »

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Le co-président stéphanois, Roland Romeyer, avait même déclaré en 2013 au journal burkinabé Sidwaya : « On avait beaucoup d’espoir en lui, mais il n’a pas le mental du haut niveau. Ça se passe simplement dans la tête alors qu’il vient d’un milieu modeste et il avait la possibilité de devenir un grand gardien. Il n’a pas la volonté de se battre et pour nous, c’est une grande déception ».

« Roland Romeyer c’est comme mon Père, rétorque Sanou. Ce n’est pas ce qu’il pensait vraiment de moi. C’est un discours pour parler aux médias, téléguidé par le coach (NDLR : Christophe Galtier). Sportivement, j’avais été sérieux et montré quand même un peu de mental pour arriver d’Afrique ».

« J’ai été déçu par certaines personnes »

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Au chômage après sa rupture, Germain reste quand même habiter à Saint-Etienne. « J’ai eu des propositions mais j’ai été déçu par certaines personnes. J’avais 20 ans, de l’envie et des ambitions mais on m’a mis des bâtons dans les roues. Ça m’a un peu dégoûté du foot. »

Même s’il est sans club, il continue à être appelé en sélection nationale : « Ça m’a permis de me reprendre en main. Je me suis dit « tu auras la vie que tu mérites ». À Saint-Etienne, j’allais courir et m’entraîner sur un terrain. Ça ne remplace pas la compétition, mais ça m’a permis de rattraper le temps perdu. »

L’éclaircie arrive en janvier 2014. Après un an et demi sans jouer en club, il signe à la Jeanne d’Arc de Drancy en CFA (National 2), club partenaire de l’AS Saint-Etienne. « C’est Roland Romeyer qui a parlé de moi aux dirigeants. C’est bien la preuve qu’il ne m’a jamais lâché et qu’on était resté en bons termes malgré ce qu’il s’était passé à la fin. »

Avec Drancy, Sanou dispute 9 matchs de championnat. « Ça s’est bien passé. Mais le contexte et le club étaient quand même un peu spéciaux là-bas. » De nouveau sans club, il retourne vivre à Saint-Etienne. C’est là que Kassi Ouedraogo, son coéquipier en sélection du Burkina Faso, l’appelle pour le rejoindre à Beauvais (CFA) qui cherchait un gardien numéro 2.

« Il y a tout pour réussir à Beauvais mais ça manque de stabilité »

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Le gardien va trouver une vraie stabilité dans le club de l’Oise où il reste cinq saisons, deux en CFA et trois en CFA 2. Les deux premières saisons, il était en concurrence avec Xavier Pinoteau (14 matchs puis 9 matchs). A l’été 2016, il avait quitté Beauvais avant d’y revenir en septembre. « Ils n’avaient pas accepté mes exigences financières. Mais en septembre, ils m’ont rappelé car Coulibaly s’était blessé et ils me donnaient ce que je demandais. Xavier (Pinoteau) était, lui, parti à Chambly. J’étais titulaire. »

En trois saisons, il dispute 63 matchs. Même s’il n’évolue qu’en CFA ou CFA 2, il continue à être appelé en équipe nationale, ce qui fait de lui un joueur forcément à part à côté des stars des Étalons comme Pitroipa, Bancé, Traoré ou Kaboré.

Lors de ses deux saisons en CFA (National 2) avec Beauvais, il a même connu deux relégations (2015, 2018) en CFA2 (National 3). « Il y a tout pour réussir à Beauvais, des moyens, des bonnes infrastructures. Mais ce club a connu trop de changements. Ça manque de stabilité et d’un bon encadrement. » Lors de sa dernière saison à l’ASBO, ça ne se passe pas forcement bien avec le coach Sébastien Dailly. « Mais sinon, je suis parti en bons termes avec tout le monde », précise-t-il.

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Germain Sanou va de nouveau connaître une nouvelle saison blanche. « Je suis quand même resté habiter à Beauvais. En cinq ans, j’avais fait ma vie ici. J’aime bien, c’est tranquille. Je m’y suis fait des amis. Même encore maintenant, je vis encore à Beauvais. Je fais la route tous les jours pour venir à l’entrainement, souvent avec le train. Vivre à Paris, cela ne me dit rien. »

Car en juin 2020, le gardien rejoint le Paris 13 Atletico. Il produit un certain effet en venant le jour de sa signature, accompagné par Bertrand Traoré (Chelsea, Lyon, Aston Villa…). « C’est comme un frère. Je le connais depuis Bobo-Dioulasso, on est resté très soudé et très proche. »

« Au Paris 13 Atletico, les gens sont honnêtes »

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Après une première saison stoppée par la Covid en octobre, il va réaliser « LA » saison de sa carrière en 2021-2022. Le Paris 13 Atletico créé une belle sensation en obtenant son billet pour le National. Sanou n’encaisse que 17 buts. Le « Paris 13 » est la meilleure défense des quatre groupes de N2. « On était vraiment très solides. On a réussi un gros championnat. »

En National, le gardien repousse la concurrence de Didier Desprez (ex-Lens, Paris FC), prêté par Charleroi. C’est lui qui est titulaire (30 matchs disputés). Il se montre décisif à de nombreuses reprises. Mais le club redescend en National 2. « Ce n’est pas à moi de dire si j’ai été bon ou pas. J’ai fait ce que je pouvais, tout simplement. On a manqué d’expérience à certains moments. J’étais déçu de descendre. Mais je pense avoir montré à ceux qui doutaient de moi que je pouvais peut-être jouer plus haut. Je ne suis pourtant pas frustré. Le plus important est d’être épanoui et bien où l’on est. »

« On ne va pas se cacher »

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Malgré le retour en National 2, il choisit de rester. « J’ai eu des contacts. Mais ça ne sert à rien de partir pour partir. Je sais déjà ce que j’ai ici. J’aime bien l’ambiance dans ce club. Le président Frédéric Pereira, le directeur général Namori Keita, ici tous les gens sont honnêtes et francs. On se regarde dans les yeux, on se dit les choses. C’est très important pour moi. »

Placé dans le groupe B, le club du XIIIe arrondissement où le coach de la montée Fabien Valéri est revenu sur le banc en janvier (après une belle saison à Chambly et une courte expérience à Virton en Belgique), joue les premières rôles. À quatre journées de la fin, il est 3e à un tout petit point de Libourne et La Roche-sur-Yon. Et ce samedi 20 avril, il reçoit d’ailleurs Libourne pour le choc de la journée !

« On ne va pas se cacher, prévient Sanou. L’objectif est de remonter en National. Par rapport à l’équipe de la montée il y a deux ans, l’équipe a moins de maturité, elle est plus joueuse et a moins de vice. Mais il y a du talent. »

« J’aurais mérité d’être rappelé en sélection »

C’est un paradoxe. Depuis trois ans, Germain Sanou n’a jamais été aussi fort à 31 ans. Mais depuis 2018, il n’a plus jamais été rappelé en sélection. Avec les Étalons du Burkina Faso, son compteur s’est arrêté à 28 sélections et à cinq CAN disputées. « Hervé Koffi , c’est normal que ce soit lui le titulaire, c’est la classe. Je le connais depuis le quartier. Mais derrière lui, je pense que j’aurais mérité d’être appelé. J’espère toujours… Mais je ne me plains pas non plus. J’ai pris ce qu’il y avait à prendre et j’ai quand même réussi de belles choses dans le foot. Je reste fier de mon parcours vu d’où je suis parti. J’ai grandi dans une grande famille, plutôt modeste. Je sais que j’ai quand même rendu fier ma famille et c’est ça le plus important pour moi. Jouer pour son pays, ce n’est pas donné à tout le monde. Je ne vais pas déchirer le livre. »

Germain Sanou, du tac au tac

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Meilleur souvenir ?
La CAN 2013. On a réussi un parcours extraordinaire avec le Burkina Faso alors que personne ne misait sur nous. On est arrivé jusqu’en finale (défaite 1-0 contre le Nigéria). Je n’oublierai jamais le retour au pays, le bain de foule, l’émotion de tout le peuple.

Pire souvenir ?
La CAN 2012. C’est moi qui avait joué les éliminatoires. Mais à la CAN, je n’ai pas disputé un seul match. Le pire, c’est que Saint-Etienne ne voulait pas me laisser y aller. Le gardien numéro 2 était blessé et ils m’ont demandé de rester pour être sur le banc en L1 derrière Ruffier. Mais j’ai quand même décidé de partir. A mon retour à Saint-Etienne, ils m’ont envoyé avec la réserve. Je n’ai pas joué à la CAN, j’ai eu des soucis avec Saint-Etienne ensuite. J’avais tout perdu.

La plus grosse ambiance dans un stade ?
J’ai connu des CAN. Mais je n’oublierai jamais un match de U17 au Rwanda. On était arrivé à l’hôtel la veille. On pensait que ça serait tranquille au niveau de l’ambiance car c’était juste un match de U17. Mais dès 13 heures le samedi, on a vu les rues se remplir de monde et les klaxons résonner dans toute la ville. Tout le monde se dirigeait vers le stade. Il était rempli. Il y avait 30 000 personnes dans une ambiance hostile. On a tremblé mais on a tenu 1-1 et on s’est qualifié.

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Qualités et défauts ?
Je suis bon sur la ligne je pense. Dans un groupe, je suis aussi un leader. C’est quelque chose de naturel pour moi. Comme défaut, je suis assez têtu. Souvent, je n’en fait qu’à ma tête.

Votre plus bel arrêt ?
La saison dernière en National contre Cholet chez nous. Sur une frappe qui tournait, j’étais parti de l’autre côté, mais j’arrive à l’arrêter avec ma main opposée.

Un but gag encaissé ?
Toujours en National la saison dernière. Contre Sedan, j’avais le ballon dans les mains mais je me suis tamponné avec mon défenseur Édouard Daillet. J’ai relâché le ballon et ça a fait but.

Le club ou la saison où vous vous êtes le senti le mieux ?
Celle de la montée en National avec le Paris 13 Atletico (2021-2022). Je n’ai pris que 17 buts et fait 19 clean-scheet. Je me sentais imbattable.

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Les joueurs les plus forts avec qui vous avez joué ?
Dimitri Payet à Saint-Etienne, Jonathan Pitroipa et Bertrand Traoré en sélection du Burkina Faso. Bertrand, c’est comme un frère.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Pierre-Emerick Aubameyang. J’ai aussi joué avec lui à Saint-Etienne. Mais en tant qu’adversaire, il nous a fait mal plusieurs fois lors de matchs Gabon – Burkina Faso.

Vos modèles dans le foot ?
Quand j’étais enfant, le gardien de l’équipe nationale c’était Abdoulaye Soulama. Un très grand gardien qui venait du même quartier que moi. J’ai pu ensuite le retrouver en sélection, l’observer. Malheureusement, il est parti trop tôt (NDLR : il est décédé à l’âge de 37 ans). Paix à son âme. Après, ça a été Iker Casillas et Gianluigi Buffon.

Les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Paulo Duarte. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi. Il m’a sélectionné en équipe nationale du Burkina alors que je n’avais que 17 ans. Ça parlait beaucoup sur moi, mais malgré les polémiques, il a continué à me faire confiance. Il m’a toujours aimé et soutenu. Mais il savait aussi me taper sur les doigts quand il le fallait. À Saint-Etienne, je ne citerais qu’un seul coach : Abdel Bouhazama avec les U19. Et bien sûr Fabien Valéri au Paris 13 Atletico. C’est un top entraîneur, humainement, au niveau des séances et de son analyse du jeu. C’est lui qui m’a redonné goût et envie au football alors que je n’avais pas joué pendant un an après mon départ de Beauvais.

Photo Philippe Le Brech

Les présidents marquants ?
Roland Romeyer à Saint-Etienne. C’est lui qui est venu me chercher en Afrique. Il a toujours pris soin de moi et de ma famille. Ici au Paris 13 Atletico, le président Frédéric Pereira et le directeur général Namori Keita. Ce sont vraiment de bonnes personnes. Ils m’ont toujours mis dans les meilleures conditions. Ce sont des personnes franches avec qui on peut être en confiance. C’est ce que je recherche chez les gens, même si dans le foot, ça devient rare.

Justement, comment définiriez-vous le milieu du foot ?
C’est un super métier. Mais c’est aussi un milieu très spécial où on pense surtout à sa gueule. C’est assez hypocrite, peu de gens disent vraiment les choses. Moi, ce n’est pas vraiment dans mes valeurs et dans mon éducation. Après, c’est comme partout, il y a les bons et les mauvais endroits, les bonnes et les mauvaises personnes, les bons et les mauvais clubs… Une carrière, c’est aussi une part de chance. Il faut tomber au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes personnes.

Vos occupations en dehors du foot ?

Photo Philippe Le Brech

Je suis assez tranquille. Je reste à la maison. Sinon, j’aime bien jouer au tennis de temps en temps. C’est ma deuxième passion après le foot.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Alors ça, bonne question (éclats de rire). Je ne sais pas du tout. Je serais certainement resté en Afrique. J’ai arrêté l’école pour le foot après le Brevet en 3e.

Jusqu’à quand vous voyez vous jouer ?
J’ai encore de belles années devant moi. Je continue à prendre soin de mon corps, je veux faire les choses biens. Après ma carrière, je pense que je rentrerai chez moi au Burkina. J’ai déjà un peu investi car il faut assurer ses arrières (sourire). Mais ma reconversion, je ne la vois pas forcément dans le foot, à part travailler avec les jeunes.

National 2 (23e journée) / samedi 20 avril 2024 : Paris XIII Atlético (3e – 39 pts) – Libourne FC (1er ( 38 pts), à 15h, au stade Boutroux.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech

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Le Basque de 35 ans, quart-de-finaliste de la Coupe de France avec Bergerac (N2) en 2022, a intégré le milieu pro et entraîne désormais la réserve des Girondins de Bordeaux en National 3. Entretien avec un coach exigeant, déterminé, à la personnalité affirmée, qui sait d’où il vient et, surtout, où il veut aller.

Texte : Clément Maillard / Photos : Raccoon’s colors – BPFC24 et Philippe Le Brech

Il y a la fable du lièvre et de la tortue, et puis il y a le récit du chemin de coach d’Erwan Lannuzel, l’entraîneur de la réserve de Bordeaux (N3), qui oscille entre la célérité du premier et la profondeur de réflexion de la seconde.

Ancien gardien de la JA Biarritz, dans sa ville natale, le Basque est devenu entraîneur plus tôt que certains de ses collègues tacticiens. Éducateur chez les jeunes à 18 ans du côté à la JAB, coach de la réserve de ce même club à 22 ans, il a ensuite pris les rênes de Bayonne (R1) à 26 printemps, avant d’être propulsé entraîneur de Bergerac à 32 ans, et aujourd’hui de l’équipe bis des Girondins à 35 ans. Un parcours qu’il a raconté à 13heuresfoot, entre récits d’une vie footballistique déjà bien remplie, notamment avec la Coupe de France et une accession en National manquée à la dernière seconde du championnat en 2022, lorsqu’il coachait le BPFC24, et l’envie de continuer à explorer et donner à ce sport, où il place l’humain avant tout.

Interview

« Hormis cette saison, j’ai toujours coaché des plus vieux »

La première chose qui ressort de votre parcours, c’est ce passage rapide de joueur à entraîneur. Comment y a-t-il eu bascule ?

Photo Girondins de Bordeaux.

C’est quelque chose qui était ancré en moi.Quand j’ai commencé, je coachais des équipes de jeunes de mon club et je jouais en même temps. Éducateur, j’ai dû commencer ça à 17 ans. Derrière, j’ai passé mon brevet d’État sur l’année de mes 18 ans, et ça a été une première opportunité de me professionnaliser. J’ai eu la chance de tomber sur des présidents, messieurs Legaz et Salva, qui ont décidé de m’embaucher et me contractualiser avec un CDI à la sortie de mon diplôme.

Ça a été une opportunité professionnelle intéressante, car ça reste compliqué de travailler dans le football. Cette première expérience avait de l’attrait, dans le monde amateur, dans ma ville de Biarritz. Je vivais de ma passion. Le club s’est ensuite retrouvé en difficulté avec l’entraîneur de la réserve qui arrête, et à ce moment-là le président François-Xavier Legaz m’a proposé la mission de reprendre. Je ne veux pas perdre du temps à continuer à jouer, et j’ai pris la tête de l’équipe II pendant 2 ans; ça s’est plutôt bien passé, avant de monter en équipe première en tant qu’adjoint de Xavier Legaz, coach un peu emblématique du club. On travaille sur deux saisons et on finit par accéder en Régional 1 et à s’y maintenir.

C’est également l’année d’une nouvelle bascule, semble-t-il…

Cette année-là, je passe donc le DES à 25 ans environ. Ça a été une aventure qui m’a donné encore plus envie de découvrir l’univers semi-professionnel. Avec le maintien en DH, dans un club sans trop de moyens, mais avec d’immenses valeurs, et avec le diplôme, l’année a été très formatrice. Nicolas Sahnoun (actuel coach adjoint à Valenciennes), qui vient d’arriver à Bayonne, me propose avec le président Mérin (Emmanuel) de venir à l’Aviron Bayonnais, et j’y suis resté quatre saisons.
Entraîner, en fait, c’est quelque chose qui a été très vite présent en moi. Rapidement, j’ai pris beaucoup de plaisir à créer les séances, à regarder des reportages sur des coaches, à aller observer les séances de Bayonne ou Anglet, en CFA2 à l’époque. Un jour, j’avais aussi envoyé un mail et eu un échange avec Alain Pochat, grand entraîneur du Pays basque (actuel coach de Villefranche en National). On avait parlé du métier d’entraîneur, ce qui m’avait encore plus conforté dans l’idée d’en faire mon métier.

« Je m’attendais à être jugé »

Oswald Tanchot (Sochaux) nous racontait qu’il avait « attendu » avec impatience sa fin de carrière de joueur pour coacher. Chez vous aussi, c’est une vocation ?

Photo Philippe Le Brech

Là où ça s’est vraiment approfondi, c’est que j’ai commencé à prendre du plaisir à entraîner et faire des séances alors que je me faisais ch*** comme joueur. Je me suis dit : « Tu ne peux pas perdre du temps pour quelque chose qui ne te plaît pas ». Le côté philosophique, c’est que je me suis dit : « Où est-ce que tu vas pouvoir essayer de vivre des émotions ? En étant entraîneur et en construisant ta carrière en commençant à 22 ans, avec un chemin qui va être long, est-ce que tu prends ce parti-là ? Ou alors est-ce que tu vas attendre 10 ans, commencer ton chemin avec 10 ans de retard ? ». Car quand on parle, là, maintenant, j’aurais pu tout juste avoir fini ma carrière de joueur amateur et seulement commencer ma carrière d’entraîneur. Entre-temps il s’est passé plein de choses sur ces dix ans.

C’est quand même très spécifique, à 22 ans, de prendre la tête d’une équipe réserve d’ailleurs. Comment avez-vous géré l’âge ?

Ce ne fut pas forcément évident, mais ces amis que j’ai aujourd’hui encore m’ont vu débuter comme entraîneur. Tout au long de ma carrière, à part cette saison à Bordeaux, j’ai toujours coaché des footballeurs plus vieux, ou qui avaient joué à plus haut niveau que moi. Ma légitimité, elle se gagnait à travers ce que j’allais faire. Je m’attendais à être jugé, « Est-ce que j’allais faire jouer mes potes ? », mais mon projet de jeu, mon contenu d’entraînement, mon exigence, tout cela était important pour être performant. J’ai essayé d’asseoir ma légitimité et mon travail en étant carré et le plus exigeant possible avec moi-même, pour qu’on ne puisse jamais me reprocher quoi que ce soit. Jamais.

« La performance, c’est à la fois du sportif et de l’humain »

Une autre chose qui ressort, c’est votre côté humain. Dans votre début de carrière, il y a aussi une étiquette de manager plus globale. Votre travail a été pluriel à vos débuts ?

Photo Philippe Le Brech

J’aime le terme précis de manager, j’aime ce mot. Il peut être un grand fourre-tout, tout et n’importe quoi, mais on peut y mettre des choses bien précises. On doit être capable de manager son staff, soi-même, ses cadres, ses joueurs… Pour moi, les deux chemins pour arriver à la performance sportive, c’est l’aspect technique et l’humain. Si on additionne les deux, on arrive à la performance, et quoi qu’il arrive, il reste les souvenirs humains, d’avoir passé des moments de vie incroyables. Si on peut déjà s’assurer ça, en plus associer à des résultats…

Avec une bonne équipe, on peut avoir des bons résultats, avec un très bon groupe, on peut avoir de très bons résultats. Ce côté humain est primordial, et je l’associe à ce rôle de manager, qui doit être capable de gérer les choses, prendre ses responsabilités, décider aussi, parfois en ne faisant pas plaisir. Mais quand on respecte l’homme, je trouve qu’on arrive à manager intelligemment et à performer. Je pense que cet ADN-là vient aussi de mon club formateur, la JAB, qui est très humain.

Quelle est votre vision du football, plus globalement ?

Le côté humain est au centre de mon projet. On a le droit de ne pas être d’accord, mais il faut respecter l’homme et il faut avoir des convictions quand on fait les choses. Moi ce que j’aime c’est le football, l’entraînement. J’ai un investissement à 110% quand je suis dans un projet, et j’attends que les joueurs et le staff aient un investissement similaire. Quand je suis arrivé à Bergerac par exemple, j’allais aussi voir les entraînements des jeunes, car il peut y avoir des bonnes idées partout. Il n’y a pas qu’une recette, sinon ça se saurait. J’aime aller chercher des choses chez tous les coaches que je rencontre, je trouve que c’est passionnant.

« Bergerac a fait confiance à un jeune coach de 32 ans »

Justement, vous débarquez assez jeune à Bergerac en 2021, où ce fut une sacrée aventure, avec des souvenirs pour la vie…

Extraordinaire ! On a eu la chance, avec Denis Stinat, mon adjoint, de rencontrer Christophe et Paul Fauvel (président et directeur général), qui ont fait confiance à un coach de 32 ans qui n’avait jamais entraîné en National 2. L’année a été difficile, mais extraordinaire. On est tombés sur des joueurs passionnés, exigeants, revanchards, qui ont adhéré et cru dans notre projet de jeu, de vie; ça a matché tout de suite. On a perdu quatre fois en plus de quarante matches en compétition. Une aventure incroyable, avec tout l’aspect humain et chaleureux de la Dordogne, de la ville de Bergerac. Une aventure exceptionnelle.

Votre parcours en Coupe de France fut complètement dingue : pouvez-vous revenir dessus ?

Face au St-Etienne de Pascal Dupraz en coupe. Photo Philippe Le Brech

Ce parcours est marquant car il est réalisé avec un groupe de joueurs exceptionnels, déjà, avec une ferveur autour du club très présente. Le parcours est incroyable. On passe aux penaltys contre Metz, une Ligue 1 (0-0, 5 t.a.b à 4, en 32e de finale), un shoot d’adrénaline fou, mais pas plus violent que contre Créteil au tour suivant (16e). Dans la série de tirs au but, Metz loupe le deuxième penalty je crois, et on commence à y croire, on vit ce moment avec le stress. C’est très paradoxal, on se demande si le destin va bien faire les choses ou pas. Il le fait bien, on se qualifie, c’est exceptionnel, car ça reste la première Ligue 1 battue par Bergerac en 100 ans d’histoire.

Mais le soir, il y a le tirage, et on prend Créteil. On partait en vacances à ce moment de la saison. On se prépare, on joue, on fait un bon match, on fait plus que rivaliser, on retourne aux penaltys. Et là par contre je prends un shoot d’adrénaline extraordinaire. Car Créteil loupe son dernier penalty, et derrière il n’y a plus besoin de tirer. La joie est immense d’un coup, il n’y a plus de calcul à avoir sur la suite de la séance, ça y est, c’est fini. Le shoot est plus violent, il n’y a pas de calcul comme contre Metz. Vous n’avez plus qu’à partager ce moment de bonheur, vous cherchez le regard de votre femme en tribunes, c’est génial. Après, je sors frustré en tant que coach. On aurait pu ne pas passer car moi, je n’ai pas essayé d’aller gagner le match. Cela m’a aidé pour Saint-Etienne en 8e de finale.

Et oui, parce qu’en suite, vous affrontez une nouvelle L1, Saint-Etienne…

Contre l’ASSE, on est à 0-0 à la 60e. Je me suis battu toute l’année pour faire comprendre aux joueurs que les cinq éléments que je fais sortir du banc peuvent faire gagner le match. Après Créteil, je suis un peu déçu de moi car je n’ai pas joué pour aller le gagner. Contre Saint-Etienne, je regarde un banc que j’avais construit pour faire mal à l’adversaire à partir de la 60e. C’est Romain Escarpit qui rentre et qui nous qualifie dans le jeu. Là c’est une fierté d’avoir été capable de se qualifier dans le jeu avec ceux qui rentrent, d’avoir été acteurs de notre match de A à Z, de gagner sur le terrain, ça a été une belle victoire.

« Vous devez toujours travailler sur l’après »

Un esprit très rugby ça, avec les « finisseurs » chers à Fabien Galthié !

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

J’aime beaucoup le terme de finisseurs. Si on prend les statistiques sur notre saison 2021-2022 à Bergerac, il y a 30% des buts qui sont marqués par des finisseurs. Et sur ces 30% de buts-là, 75% sont décisifs ! C’est-à-dire qu’ils ont fait basculer le match de zéro point à un point, de la défaite à la victoire, ou du nul à trois points. Quand vous sortez cette « stat » à des joueurs, que vous appuyez votre message avec ces chiffres, ils sont entre guillemets obligés de vous suivre, car ils comprennent.

Pour revenir à la Coupe de France, il y a malgré tout une cicatrice après « Sainté », c’est la défaite en 1/4 contre Versailles (National, 1-1, 4-5 aux t.a.b). De quoi créer, aussi, des liens pour la vie ?

Il y a quelque chose de commun à tous les groupes avec lesquels j’ai travaillé : j’ai toujours des échanges avec des joueurs et les groupes staff WhatsApp restent plutôt actifs (rires). Mais pas avec coups de téléphone du mois de mai ou de juin pour retrouver un club ! Quand je parle d’une cicatrice à Bergerac, c’est parce que c’est une blessure dans nos corps. Mais je disais aux joueurs que le plus important, c’est le chemin. L’arrivée est un instant T dont on espère qu’il soit beau. L’aventure de la Coupe de France s’arrête sur un penalty contre Versailles, à l’image de toute cette saison, exceptionnelle, mais qui se termine sur un tir au but. Je retiens trois choses de ce match.

La première, c’est le moment du tirage au sort, où j’apprends qu’on joue Versailles à domicile. On s’était réunis avec les joueurs et le staff pour le vivre, avec des pizzas etc, et il y a un retard avec la télévision : je suis avec ma femme au téléphone et elle me dit qu’on prend Versailles à domicile. Je le sais, je suis mitigé, et je vois dans les yeux des joueurs le rêve de se dire, « allez, quel gros on va jouer ? ». Versailles tombe, et c’est du 50/50. Celui qui sera éliminé de ce match-là aura moins de gloire que de sortir contre une Ligue 1.

La deuxième chose, c’est notre égalisation en fin de match d’Axel Tressens (1-1, 89e). Là, vous vous dîtes que les penalties vous ont déjà réussi deux fois. La troisième chose, c’est un des moments forts de notre saison et de la compétition : quand tout s’arrête. On est encore en course pour l’accession en National, le match de Coupe était le mercredi soir, on va jouer à Béziers le samedi. Je rassemble les joueurs au centre du terrain. Forcément il y a des larmes partout. Vous êtes obligé de maintenir le cap. De préparer une équipe à aller défier Béziers à Béziers quelques jours plus tard pour continuer à avancer. Vous êtes obligé d’être un meneur à ce moment-là, d’autoriser les joueurs à être tristes, à pleurer ce soir, mais demain, il faut repartir, car il y a encore une énorme aventure qui nous attend. Quand vous êtes coach, vous ne pouvez pas tanguer. Vous devez créer ce moment. C’était dur. C’était un moment fort.

Ce fut aussi un grand moment, très humain, un instant de vie incroyable ?

Oui. Il est à la même hauteur que l’égalisation de Romain Escarpit contre Saint-Etienne, la joie sur le penalty face à Créteil, ou la prise de conscience de battre une Ligue 1 contre Metz. C’était le symbole du chemin de tout ce qu’on avait vécu ensemble. Ce moment est dur mais les garçons en face sont des éponges. C’est à vous de fixer les autres rendez-vous importants qui arrivent.

« Il faut vivre avec cette cicatrice et construire une nouvelle histoire »

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Votre fin de saison est difficile, également. Lors du dernier match de N2, vous étiez en National à la 95e minute, mais sur un autre terrain, Le Puy Foot marque à la 96e, et vous ne montez pas… Comment vous avez géré cela ?
Le « juste après » est horrible, honnêtement. On était juste vides. Tout s’arrête, après 40 matches, avec des larmes. Vous essayez d’aller chercher du réconfort dans les bras de vos proches, vous avez conscience que c’est fini, et qu’à partir du jour suivant, il va falloir travailler sur la nouvelle saison.

On avait prévu de recevoir les joueurs le lendemain, certains pour les prolonger, d’autres pour les faire partir en vacances, d’autres pour leur dire que l’aventure était terminée, et ça c’était encore plus dur. Car vous ne pouvez pas reprocher à des garçons leur investissement quand vous faites une saison comme cela. Mais vous devez passer à la saison d’après. Et puis vous partez en vacances, il faut digérer, il y a la reprise, et vous ne pouvez pas vivre dans le passé ; il y a un nouveau groupe, une nouvelle saison qui va s’écrire, vous avez cette cicatrice commune, mais il faut vivre avec et essayer de construire une nouvelle histoire. Et c’est notre métier. C’est mon métier.

Un an plus tard, vous quittez Bergerac. Pourquoi ce départ vers la réserve de Bordeaux ?
On loupe encore l’accession et il y a cette sollicitation et cette possibilité de rejoindre les Girondins. Honnêtement, quand on est un garçon qui n’a pas connu cet univers-là, vous êtes obligé d’être attentif à ce genre de proposition. Le train du monde professionnel ne passe pas souvent. Là, il arrive, et je ne veux pas le louper. Bordeaux et le monde professionnel étaient les seules possibilités de me sortir de ma dernière année de contrat.

« Fier du Pays Basque, fier de Biarritz… »

Vous êtes très étiqueté Sud-Ouest, avec un esprit très club…

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Je suis très fier de venir du Pays basque, de la ville de Biarritz, très fier de mes origines, un père breton, une mère basque. Je vote encore à Biarritz, et c’est un endroit où j’aime venir, il y a mes amis, ma famille, il y fait bon vivre, c’est une des plus belles villes de France, voire du monde, même si je ne suis pas très objectif (rires) !

Quel est votre regard sur votre parcours, justement, de Biarritz à Bayonne ?

Il y a un peu de fierté, pas mal placée bien entendu, mais il y en a. D’avoir évolué, d’avoir été capable de vivre ces émotions, d’avoir grandi en tant qu’homme, fait toutes ces rencontres. Je ne regrette rien. Les bons comme les mauvais moments… tout ça a permis de me construire. Je dirais de la fierté, du plaisir, de la passion… C’est le sentiment qui ressort. Mais je pense aussi qu’il faut être capable de prendre de la hauteur, il faut regarder quelle trace vous avez laissé. Ce sont les gens dans les clubs qui en parlent le mieux. Si on m’avait dit que j’allais faire un quart de finale de Coupe de France et coacher la réserve de Bordeaux, même à 50 ans, j’aurais signé des deux mains. Le chemin que j’ai parcouru, c’est un peu tout cela.

« Il faut avoir de l’ambition mais elle se construit »

Il est parfois difficile de parler d’ambition en France. Vous en aviez à vos débuts, vous en avez toujours ?

Face à Versailles (le coach Youssef Chibhi à gauche) en demi-finale de la coupe. Photo Philippe Le Brech.

Je n’ai aucun problème avec ça. Il faut avoir de l’ambition, il faut se lever avec ça, mais en fait, elle se construit. Avec du travail, de l’exigence, des performances, et de l’humilité. Quand vous associez tout cela, le mot « ambition » n’est pas vulgaire. Il l’est si vous êtes assis sur votre canapé toute la journée et vous dîtes « je veux ça » sans rien faire; là, c’est mal placé. L’ambition de bien faire son travail au quotidien est déjà une ambition. Voilà, moi je me construis comme ça, au quotidien, en travaillant. Et le destin m’amène à faire des rencontres ensuite, des choix de carrière, et l’idéal est de toujours essayer d’avancer, d’avoir le choix, avec plus ou moins de réussite. Mes jeunes joueurs à Bordeaux, je les vois tous les jours. Quand ils me parlent d’ambition, je leur demande ce qu’ils sont prêts à faire pour réussir.

Comment travaillez-vous à Bordeaux au quotidien, et plus globalement ?

Je vais peut-être un peu me répéter, mais avec passion. Je pense que c’est ce qui me caractérise. Athlétiquement, tactiquement, on essaie de se rapprocher des matches au maximum. Le projet de jeu tourne autour de ça, celui du match, du week-end. Il y a pas mal de réflexion, de jeu, on met beaucoup d’intensité. Je demande à mon staff à ce qu’on surprenne au maximum les joueurs. On se voit pendant dix mois, il faut être capable de les mettre en éveil, de les surprendre, dans un cadre bien précis qui est le projet de jeu. Mais je veux que les joueurs se demandent ce sur quoi ils vont bosser, et derrière on manipule les consignes; je demande aux joueurs d’être attentifs. Au lieu d’avoir des chasubles sur des exercices de « conserve », on passe avec des plots de couleurs dans les mains, donc sur la prise d’infos ça va plus vite… Ce sont plein de détails au quotidien pour faire progresser les joueurs et les rendre acteurs du projet, de leur projet personnel, de leur saison. Je fais la même chose sur les causeries.

« Le match appartient aux joueurs »

Il y d’ailleurs eu une fameuse causerie avant le derby contre Trélissac avec Bergerac…

Oui. L’idée, c’est de toujours rendre acteurs les joueurs. On jouait le derby et j’ai pris la ville de naissance de chaque joueur et celle de son derby pour les rendre acteurs de notre derby. Le derby de Bergerac ne signifiait pas forcément grand-chose pour beaucoup de joueurs, ça les a ramenés à leur enfance, leurs propres souvenirs, pour le nôtre avec Bergerac.

A côté de ça, vous êtes calme pendant les matches, hors causeries. Une volonté de séréniser ? Vous êtes un coach calme, ou est-ce calculé ?

Photo Philippe Le Brech.

Alors je ne suis pas que comme ça ! Parfois, je suis un peu plus agité, et ça dépend aussi de l’équipe que j’ai. Avec les jeunes à Bordeaux, ils ont besoin d’être plus stimulés, alors qu’avec un groupe mature, vous pouvez redescendre. Moi, en fait, là où je redeviens calme, c’est au moment où j’ai fait la causerie. 90% de mon job a été fait : de l’entraînement, la préparation de l’entraînement, la préparation du match, les après-entraînements, la dernière vidéo, à la causerie, mon travail est là à 90%. Quand il y a le match, il appartient aux joueurs.

Il va falloir que je sois fort sur les changements, pour impacter le match, et les deux-trois petites corrections à apporter aux joueurs, être précis. Pour analyser tous ces moments, il faut être calme, prendre de la hauteur, être capable de visualiser. Les joueurs ont parfois besoin que vous les stimuliez, mais pour prendre ces décisions, ça doit venir d’une analyse. Si les joueurs dorment sur le terrain, je dois être calme pour le voir, et me dire « qu’est-ce que je vais faire pour changer ça ? ». Ça part d’une analyse, un constat, pour mettre une action en place. Des fois les joueurs sont énervés, et si vous êtes énervés au-dessus de ça, ça ne va pas. Dans de petits vestiaires, par exemple, avec une équipe à côté qui peut vous entendre, si vous criez, vous pouvez impacter l’adversaire, qui va se dire : « Ecoutez les gars, ils se font engueuler, donc on va taper fort », et ils vont y croire. Si vous restez calme dans ce cas précis, si vous ne criez pas et que vous avec des mots forts, alors vous impactez votre équipe. Tout ce que j’essaie de faire, j’essaie de le mesurer pour avoir la bonne attitude et aider mes joueurs à performer.

« Mettre les joueurs au centre du projet »

Vous avez des superstitions, apparemment ?

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Il y a des choses qui sont ancrées, qui me sécurisent moi, mais ça n’a pas de sens, ça n’a pas de poids. On n’avait pas de numéro 13 à Bergerac, car lors de mes premières années à Bayonne, mes joueurs avaient compris que le numéro 13 avait très peu de chance de rentrer. Et un jour j’entends un de mes joueurs dire « Pu**** je suis rentré alors que j’avais le 13 ! ». Je lui ai demandé pourquoi il disait ça, et il avait répondu « Bah on a compris coach, que celui qui a le 13 a très peu de chances de rentrer ! »

J’envoie aussi toujours un message à ma femme un quart d’heure avant les matches, et je ne regarde jamais la réponse, mais alors jamais ! À Bergerac, je me garais toujours sur la même place de parking, et un jour j’ai fait sortir la voiture du commercial… Ne le dite pas à Paul (Fauvel), il ne doit pas le savoir !!! Ce sont des trucs qui me sécurisent. Je faisais mes causeries et mes rectifications de la mi-temps sur des bouts de papier. Si on perdait, je jetais le stylo. Ça n’a pas de sens !

Vous avez passé une journée avec Christophe Urios, alors manager de l’UBB, ou échangé avec Yannick Bru, du côté de l’Aviron Bayonnais. Vous êtes fan de ballon ovale ?

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

J’adore le rugby et aller à Chaban-Delmas pour voir l’UBB jouer. Avec Yannick Bru, ça s’est fait car on était dans la même ville et le même club, l’Aviron Bayonnais. Quand on a fait notre bon parcours avec l’Aviron en Coupe de France (jusqu’en 32e de finale), il était venu nous dire un mot avant le match. J’entendais parler de son travail et j’avais des infos sur ce qu’il faisait grâce au responsable de la com’ de Bayonne, Yann, qui est devenu un ami; il me voyait travailler au quotidien et on échangeait beaucoup sur les deux sports. Grâce à ma compagne, qui connaît Cameron Woki, j’ai aussi pu rencontrer Christophe Urios, un coach incroyable. J’ai pu passer une journée en immersion avec lui. Je me demande toujours quelles idées je peux prendre au rugby.

Pour en revenir au foot, on dit que vous faites beaucoup confiance à vos joueurs. C’est vrai ?

C’est donnant-donnant pour moi. C’est peut-être moins vrai en réserve à Bordeaux avec des jeunes, mais par moments, je n’ai pas peur de le dire, ce sont les joueurs qui ont fait grandir notre projet de jeu. Ils doivent être acteurs, ils voient des choses que je ne vois pas sur le terrain, ils vous font grandir. Avec cette base de réflexion, les temps d’échanges vont être importants. C’est pour cela que je suis proche de mes joueurs. Ils doivent être au cœur du projet, comme Damien Fachan à Bergerac, mon capitaine, avec qui on avait des échanges, et en un regard ou un mot, il savait ce qu’on devait faire faire à l’équipe. Il était un relai, il faisait passer des choses. Vous devez convaincre les joueurs de tout cela; ça ne marche pas s’ils n’y croient pas. Vous devez les mettre au centre du projet.

Erwan Lannuzel du tac au tac

Avant le derby retour à Trélissac l’an passé (ici Hervé Loubat, le coach de Trélissac). Photo A. B.

Votre meilleur souvenir ?
La qualification pour le 1/4 de finale de Coupe de France contre Saint Étienne.

Votre pire souvenir ?
Le but du Puy à la 97e à la dernière journée qui nous enlève la montée en National avec Bergerac. Le travail d’une saison s’écroule en une seconde.

Des inspirations, des modèles ?
J’aime bien me nourrir de plusieurs coaches. J’aime prendre des idées des coaches et me les approprier.

Des mentors ?
Stéphane Adamietz (ex-conseiller technique fédéral à la Ligue de Nouvelle Aquitaine et conseiller technique départemental du District des Pyrénées-Atlantiques), qui m’a fait prendre conscience de plein de choses durant mon année DES, il y a 10 ans. Mais je suis « brouillé » avec lui, pour une connerie, comme bien souvent.

Un match référence ou un gros coup tactique ?
Le match contre Saint Étienne évidement ou on gagne dans le jeu en étant acteur de notre match sur 90 minutes. Et il y a aussi un match avec Bayonne contre Bordeaux B (2017-2018). On gagne 1-0 et j’ai le sentiment en fin de match de voir mon équipe s’être imprégnée du projet de jeu complètement.

Un match à oublier ?
Chamalières-Bergerac la saison dernière. Une défaite 5-2. J’ai tout loupé sur cette journée.

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Votre philosophie/style de jeu ?
Je veux avoir une équipe active et hybride, capable de tout faire dans le match, capable de s’adapter à tous les scénarios, de prendre le ballon, de tenir la possession, de faire mal à l’adversaire, de l’user pour ensuite attaquer finir les actions, ou par moments d’être très vertical et d’attaquer en deux ou trois passes, ou aussi décider de ne plus avoir le ballon par instants, et de rendre les joueurs autonomes pour qu’ils puissent lire tous les scénarios et les imposer à l’adversaire. On essaie de travailler tous les scénarios pour que l’équipe soit la plus hybride possible dans le système 4-3-3 qui est le nôtre.

Un président marquant ?
Tous, car ils m’ont tous fait confiance.

Un joueur entraîné qui vous a impressionné ?
Damien Fachan, aussi bien l’homme que le joueur, et Denis Stinat. Mais il n’a joué que 45 minutes donc je ne sais pas s’il n’avait pas tout donné sur ce match !!! Je pense que Denis est meilleur adjoint quand même !

Une anecdote de vestiaire ?
La saison dernière, à Bergerac, on gagne à domicile. La semaine d’après est une semaine sans match. Les cadres me demandent évidemment des jours de repos. J’accepte, à une seule condition, c’est de voir tous les joueurs au Moka (bar-boîte de la ville). Le vestiaire était plus heureux que d’avoir des jours off ! Le président, le directeur général, les joueurs et le staff ont suivi Victor Elissalt, Lucas Dumaî et « Flo » Heguiabéhéré, des fidèles du lieu. La soirée ensuite fut très arrosée !

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Chaque club en quelques mots/phrases ?
Biarritz : Famille.
Bayonne : Ambition.
Poitiers : Covid.
Bergerac : Humain.
Bordeaux : Professionnel.

Aviron Bayonnais rugby ou Biarritz Olympique ?
Biarritz Olympique à 100 % même s’ils sont dans une période difficile.

Des hobbies en dehors du football ?
Ma femme, les amis, les voyages. Et le padel avec certains staffs, car d’autres n’ont pas été au niveau, ils se reconnaîtront peut être !

Un ami dans le monde du football perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Si c’est un ami, je ne l’ai pas perdu de vue, donc personne.

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : Raccoon’s colors / BPFC24 (et Girondins de Bordeaux) et Philippe Le Brech

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À 42 ans, le coach azuréen, licencié depuis 33 ans dans « son » club, modèle de grinta et de fidélité, dispute sa 11e saison sur le banc des seniors. Il n’éprouve aucune lassitude et conserve intactes ses ambitions. Il rêve même de voir le Racing, souvent bien placé, un jour en National.

Par Anthony Boyer – Photos RC Pays de Grasse

Si Loïc Chabas n’avait pas été entraîneur de foot, il serait peut-être… journaliste sportif ! C’est l’intéressé lui-même qui a nous a confié sa passion pour ce métier, entre deux cafés, dans son bureau, au stade de La Paoute, situé dans la plaine de Grasse.

Ce métier, il l’a d’ailleurs touché du bout des doigts, du bout du crayon même, quand il était correspondant sportif pour le quotidien Nice-Matin ! C’était il y a un peu plus de 10 ans et le natif de Grasse n’était pas encore installé sur le banc de l’équipe fanion seniors de « son » club de toujours : le Racing-club de Grasse (devenu en juillet 2022 le RC Pays de Grasse).

Finalement, il a persévéré dans le foot et choisi un autre métier-passion. Il a sans doute bien fait vu ce que le club lui a apporté et ce qu’il a apporté à son club depuis toutes ces années. Mais au fait, combien d’années exactement ? Là, Loïc est obligé de réfléchir. De compter. « J’ai 42 ans (il est né le 2 septembre 1981 à Grasse) et j’ai pris ma première licence en 1991, donc j’avais 10 ans ! »

33 ans de fidélité

Loïc Chabas, c’est donc 33 ans de licence au Racing-club Pays de Grasse. 33 ans de fidélité. Et 11 ans d’affilée passés sur le banc de coach de l’équipe première, d’abord en Division d’Honneur, en 2013, lorsqu’il fut intronisé par le tandem Roustan-Henry (François Roustan, ancien président, aujourd’hui adjoint aux sports, et Romain Henry, actuel directeur sportif), puis en CFA2 après une première accession (en 2016) et enfin en CFA (National 2) après une deuxième accession consécutive, en 2017 ! De quoi légitimer les débuts de ce nouvel entraîneur en chef, à l’époque promu alors qu’il n’avait, finalement, que peu de références, moins en tout cas comme joueur que comme entraîneur chez les jeunes : « J’ai joué au club mais jamais en équipe première. J’étais capitaine de la réserve mais j’ai arrêté tôt, car je prenais plus de plaisir à entraîner qu’à jouer. J’étais latéral droit, mais bon, je n’étais pas… »

Loïc ne termine pas sa phrase. Ce sera la seule fois, du reste, car ensuite, il répondra aux questions sans jamais tirer la couverture des excellents résultats du RCPG à lui. Il consent aussi ne pas savoir s’il restera un an, trois ans, dix ans ou toute sa vie au Racing : « Je ne sais pas, on n’en sait rien ». Son caractère, son ambition, sa vision du foot, son club, à quelques heures d’un nouveau rendez-vous à La Paoute face à une équipe de haut de tableau (Le Puy, 2e), il passe un peu en revue tous les sujets, n’oubliant jamais de rendre hommage à ses dirigeants, à ceux qui lui ont fait et lui font confiance, et surtout à son staff.

Interview

« Le positif amène le positif »

Ton meilleur souvenir sportif de coach à ce jour ?
Les deux accessions, de DH en CFA2 et de CFA2 en CFA (N2). S’il fallait en choisir une, je dirais la deuxième montée, alors qu’on est tout juste promu en CFA2. En plus, il y a le contexte qui va avec, on gagne à l’extérieur, lors du dernier match de la saison, à Toulon, face à la réserve. En fait, j’ai vraiment trois souvenirs marquants sur les dix saisons (onze saisons en réalité, Ndlr), donc ces deux accessions, et aussi le match de coupe de France, l’an passé, contre Rodez, avec ces trois poteaux pour nous et cette élimination aux tirs au but.

Pire souvenir ?
C’était samedi, contre Aubagne (1-1), parce que c’est frais (entretien réalisé avant le déplacement suivant à Cannes). Après, il y a eu aussi la saison arrêtée à cause de la Covid, la première (2019-20), parce que cette fois-là, on s’est dit, « c’est pour nous » (l’accession en National). On avait fait tout ce qu’il fallait, on avait un calendrier favorable, on avait battu les gros chez eux, donc la pire nouvelle, c’est quand on nous a appris que l’on ne reprendrait pas alors qu’on espérait pendant longtemps que ça puisse reprendre.

« J’aime la grinta de Diego Simeone »

Avec Nicolas Soumah son adjoint.

Le club que tu rêverais d’entraîner, dans tes rêves les plus fous ?
Petit, j’ai été bercé par l’OM… Après, je suis Azuréen, donc je dirais l’OGC Nice !

Le club où tu as failli signer ?
Non, il n’y en a pas. Honnêtement il n y a jamais rien eu de poussé.

Tes modèles de coach ?
Celui qui m’inspire, c’est Diego Simeone (Atlético Madrid). Je me retrouve en lui. J’aime la grinta qu’il apporte à son équipe.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Rire) C’est une question piège ! Si je veux m’assurer une fin de saison tranquille, je suis obligé de répondre Nicolas Medjian (son capitaine) ! Plus sérieusement, j’en ai eu des bons, c’est vrai, ces dernières années. J’en ai vu passer, des Mafouta, des Boussaïd, des Gueye… On a eu la chance d’avoir de très-très bons joueurs ces dernières saisons.

Pourquoi es-tu devenu entraîneur ?
Cela s’est fait de fil en aiguille. J’ai commencé à entraîner quand j’avais 18 ans, je m’occupais des touts-petits, bénévolement, puis très vite, parce qu’il y a eu un entraîneur qui est parti, j ‘ai pris une équipe de foot à 11 alors que je n’avais que 19 ou 20 ans. C’était des U13. Ce n’était pas évident parce qu’il n’y avait que 6 ou 7 ans d’écart avec eux. Ce fut un démarrage très rapide mais ça s’est bien passé et ensuite j’ai eu des U15 avec qui on est monté au plus haut niveau régional. Après, j’ai enchaîné avec les U19, et là, pareil, on monte en DH : cette même saison-là, l’équipe seniors tombe de CFA2 en DH. Et c’est là que l’on me propose de reprendre les seniors I, après la descente et une saison compliquée, où beaucoup de joueurs n’étaient pas des locaux, donc des joueurs pas forcément concernés. Et là, je pars avec Romain (Henry, directeur sportif) sur un projet basé sur l’identité, et on se lance dans le truc. On ne garde que cinq joueurs (Kevin Raccosta, Jonathan Minasi, Anthony Calatayud, Vincent Bardaji, Salim Chaffar) et on lance les jeunes du coin. En fait, mon arrivée à la tête de l’équipe fanion s’est faite sans calculer, mais naturellement.

Si tu n’avais pas été entraîneur ?
J’avais plusieurs projets, dont celui de devenir journaliste sportif. D’ailleurs j’ai été pigiste à Nice-matin ! J’étais partie dans la branche du tourisme aussi, mais le sport a toujours été ma passion.

Ton parcours de joueur ?
J’ai joué dans toutes les catégories mais jamais en équipe première. J’étais capitaine de la réserve mais j’ai arrêté tôt, parce que je prenais plus de plaisir à entraîner qu’à jouer. J’étais latéral droit, mais bon, je n’étais pas…

Un joueur perdu de vue que tu aimerais revoir ?
En fait, il n’y en a pas vraiment, parce que je reste en contact avec beaucoup de joueurs. J’ai eu plusieurs générations, avec des cycles de 3 ou 4 ans, il n’y a pas eu beaucoup de départs de joueurs au bout d’un an. Il y a eu la génération Minasi, après la génération Camus-Medjian, et là, par la force des choses, ça a un peu changé.

« Je cogite énormément »

Des moments de doute ?
Oui. Je suis assez impulsif et souvent, après une contre-performance, je me dis « mais qu’est-ce que je fais là ? » ou « pourquoi je fais ça ? ». Souvent, à chaud, je me pose ces questions. Alors, ma deuxième saison à la tête des seniors (en 2014-2015), celle où on a failli descendre de DH en DHR, je me suis dit que je n’étais peut-être pas fait pour les seniors, que j’étais juste bon à entraîner des jeunes… De toute manière, des doutes, j’en ai tout le temps. Depuis samedi, par exemple, je cogite énormément bien que l’on ait fait match nul contre le leader, Aubagne… Cela fait partie de ma personnalité. C’est très rare que l’on encaisse un but à la fin, que cela soit à domicile ou à l’extérieur. Et là… (Ndlr, la semaine suivante, le RC Pays de Grasse a de nouveau encaissé un but à la fin du match, à Cannes, 1-1).

Samedi dernier, lors du derby, à Cannes (1-1).

Des manies, des rituels ?
Disons que c’est compliqué de me parler avant un match. Je suis « dedans ». Parfois, j’essaie de sortir un peu de tout ça, de parler d’autre chose, mais je reste quand même très focus sur le match, donc je suis très fermé. Le matin du match, quand je pars de la maison, je suis déjà presque dans mon match. Quand on joue à domicile, j’aime bien venir très tôt au stade si le fiston ne joue pas aux alentours. Je me gare toujours à la même place ! Je me pose dans mon bureau. Je peaufine les derniers réglages. J’essaie de réfléchir à tous les scénarios possibles. Avec le staff et avec Valentin, l’analyste vidéo, on finaliste la présentation, les coups de pied arrêtés. En fait, on met un dernier coup de collier et moi ça m’aide à rentrer dans le match. Peut-être que, parfois, c’est trop, mais moi, j’en ai besoin. J’ai besoin que cette journée ne soit focalisée que sur le match. Après, il y a toujours cette dernière heure avant le coup d’envoi qui est un peu longue pour moi, après la causerie : de 17h10 à 18h, c’est interminable !

« Une perpétuelle remise en questions »

Une devise ?
J’ai une phrase que je répète souvent : le positif amène le positif. Parce que j’ai tendance à ne voir que le négatif en premier, et que cela soit ma famille, ma direction on mon staff, on me l’a souvent répété, donc je progresse là-dessus. Quand j’ai envie de dire que ceci ou cela ne va pas… Non ! Allez, je me reprends, et je me dis que le positif amène le positif.

Nicolas Medjian, le capitaine.

Penses-tu être un meilleur coach aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?
J’espère (rire) ! Ce métier, c’est une perpétuelle remise en questions. J’ai la chance d’avoir un staff avec lequel on communique beaucoup et on se dit les vérités, Karim (Adsa), Nico (Soumah), Emiliano (Ippoliti) et Valentin (Oberkugler). On se dit les choses, même si parfois ça crie. C’est ce qui permet d’évoluer dans plein de domaines. Evidemment que, dans l’approche des matchs et dans l’analyse de la rencontre, il y a l’expérience qui entre en jeu et permet de progresser sur ce plan-là. Idem pour les séances d’entraînement, qu’on essaie d’améliorer et de rendre toujours plus cohérentes, de mettre en adéquation avec les demandes des joueurs, et ça, ça prend du temps. Parfois, nous, on n’est pas assez à l’écoute des joueurs parce que, toute la semaine, on est focus sur le match, alors qu’ils ont des besoins : parfois ils veulent un peu plus de jeu, parfois ils veulent un peu plus de tactique, ou du physique, donc cela passe par beaucoup de communication avec les cadres. On a besoin d’avoir leur ressenti. On ne doit pas rester fermés. Et pour ça, on va sentir l’ambiance en salle de muscu aussi. Là-dessus, je pense avoir beaucoup progressé : je suis capable, avant une séance d’entraînement, de dire comment elle va se passer, en fonction de plein de choses, de l’ambiance dans la salle de muscu, dans le vestiaire, en fonction des regards, des discussions, et là, vite, je m’adapte. Peut-être qu’il faut les rassurer sur un point, ou alors peut-être qu’il faut un peu plus de jeu parce qu’ils ont envie de s’éclater, ou alors ils ont des doutes et on va faire plus de travail tactique, en situation. Le feeling que l’on a, la relation staff – joueurs, ce sont des choses vraiment importantes et c’est ce qui fait notre force sur les dernières années, je pense.

« Je suis un coach à l’écoute »

Un style de jeu ?
Là aussi, sur ce plan, on a évolué. Pendant des années, on a joué en 4-4-2 losange, dans lequel on aimait bien avoir une vraie possession. Et puis après, on est passé à trois défenseurs, cinq milieux et deux attaquants : quand on a changé ça, on s’est aussi adapté, on a mis du temps. On aime bien aller chercher haut défensivement l’adversaire, presser, récupérer, harceler, mettre beaucoup d’intensité sur des séquences. Offensivement, on aime bien travailler sur les transitions. Après, on bosse beaucoup sur les attaques placées, un domaine dans lequel on doit s’améliorer, car on a pas mal de déchets cette année.

Tu es un coach plutôt comment ?
(Il réfléchit longuement). Je dirais que je suis un coach à l’écoute. J’essaie de prendre le maximum d’infos, que cela vienne des joueurs, du staff, de la direction, afin d’analyser dans un second temps. Parfois, cela prend du temps. Après, quand j’ai les infos, je prends du recul, et j’essaie d’évaluer tout ça, de prendre des décisions s’il le faut, de faire des choix.

Un match référence avec toi sur le banc ?
Le match référence, j’en ai parlé, c’est celui en coupe de France contre Rodez la saison passée parce que je pense qu’avec le staff, on avait vraiment fait le travail qu’il fallait. On n’a pas eu peur d’affronter cette équipe. Malheureusement, il y a eu ces trois poteaux qui font que l’on n’a pas pu gagner ce match, mais pour nous, ce fut vraiment un match abouti de A à Z.

Le pire match ?
Cela dépend comment tu le vois… Le match où je me suis demandé ce que je faisais là, c’est le match aller cette saison à Aubagne (3-0), mais on avait beaucoup d’absents, on est parti avec un nouveau système. Sans se cacher derrière ça, on prend deux buts coups sur coups, on sentait que ce n’était pas notre jour. Mais celui où, véritablement, j’ai eu un peu de mal à digérer, c’est la défaite à Bourgoin-Jallieu le mois dernier (2-1) : on mène 1 à 0, on sent qu’on est très bien dans le match, l’adversaire se retrouve à 10, mais au final, ce n’est pas un bien pour nous, et puis on fait deux erreurs de jeunesse, on provoque deux penalties, et on se dit « C’est pas possible »… Et on perd ce match 2-1… C’est la pire défaite celle-là.

« Une fierté de faire jouer des jeunes du coin »

Ton match de légende de l’Histoire du foot ?
France – Brésil 1998 par rapport aux émotions, et OM – Milan aussi en 1993 mais j’étais jeune…

Une idole de jeunesse ?
Jean-Pierre Papin. C’est là où j’ai vraiment commencé à regarder le foot.

Plus grande fierté au niveau foot ?
C’est d’avoir réussi à avancer avec le club de mon coeur.

Et dans la vie de tous les jours ?
Ma famille, mes enfants… J’ai un garçon, Marlon, qui a 10 ans. Il joue au club, il est « fondu » de foot. Il est gardien en U11. Et j’ai Léna, qui a un peu plus d’un an. Et on aussi trois autres garçons du côté de mon épouse. Donc ça fait cinq enfants à la maison, c’est du sport ! Mais tout le monde aime le foot !

Que te manque-t-il pour entraîner plus haut ?
Ce qui me manque, c’est de monter en National avec le RC Pays de Grasse ! Ce serait mon rêve de le faire avec mon club, mais il manque quelques points (rire). Même si cela ne fait pas forcément partie des objectifs chaque année, encore moins cette année avec les départs de nombreux titulaires l’été dernier, quand on se retrouve toute la saison sur le podium, on a quand même ça dans un coin de la tête et on a toujours l’espérance de pouvoir monter. Pour le faire avec Grasse, ce sont des petits détails que l’on doit gommer chaque année et améliorer. Après, quand tu vois l’âge moyen de notre équipe… On a quand même fait jouer cinq joueurs nés en 2003, deux nés en 2004 et un né en 2005, ce sont presque les âges des réserves pros ! Et récemment, à domicile, contre Toulon (2-1), on a fini avec trois joueurs dans l’axe nés en 2002, 2002 et 2003. Et on a tenu ! C’est une fierté, ça aussi, de faire jouer les jeunes du coin, de les faire évoluer, progresser et de les voir partir dans des clubs pros comme Sahmkou Camara parti jouer en D1 Suisse à Lausanne après être passé par le Cavigal. Cette année, on va encore en avoir un ou deux qui auront la possibilité de signer dans le monde pro.

« Tout entraîneur a envie d’aller plus haut »

La saison passée, en coupe de France, face à Rodez.

Donc entraîner plus haut, tu en as envie ?
Tout entraîneur, je pense, a envie d’aller plus haut. Mais pour moi, déjà, entraîneur, ce n’était pas programmé, ça s’est fait naturellement, parce que, au départ, quand tu entraînes en Division d’Honneur, tu ne t’imagines pas que cela puisse devenir ton métier dans dix ans. Et c’est pourtant ce qui s’est passé pour moi, donc ça, déjà, c’est merveilleux. J’ai conscience d’avoir une chance énorme de pouvoir vivre cette expérience. Après, bien sûr que j’ai envie d’aller plus haut : l’objectif, c’est de le faire avec le club de mon coeur. Ce serait ce qu’il y a de plus beau. Après, peut-être que cela se fera différemment.

Depuis l’accession de Grasse en N2 en 2017, le club a souvent fini sur le podium : des résultats qui ont dû susciter des convoitises, non ?
(Sourire) Alors y’a eu une année, on n’est pas terrible, sinon, c’est vrai qu’on est souvent sur le podium. Des sollicitations ? Non, pas plus que ça. Pour être honnête, je pense que la réussite d’un club, ce n’est pas que la réussite d’un coach. Déjà, au début, tout est parti de François Roustan (l’ancien président) et de Romain Henry (le directeur sportif) : avec eux, d’entrée, ce fut carré, on est parti sur des bases solides. On a travaillé dans la sérénité, par exemple, sans se sentir menacé à la moindre défaite. Après, il y a eu l’ère Cheton, avec Jean-Philippe Cheton, le président, et Thomas Dersy, le directeur. Avec eux, c’est pareil. Ils m’ont mis dans un cadre sécuritaire. Ils m’ont présenté un projet basé sur des joueurs locaux et un staff local. Ils m’ont dit que c’était avec mon staff et moi qu’ils avaient envie d’avancer. C’est pour ça que je vous dis que ces bons classements, 2e, 3e, c’est un tout : ça reflète la gestion d’un club qui ne fait pas de folie, qui recrute avec de la réflexion et du temps. C’est aussi une organisation et un staff solide. Tout est mis en oeuvre pour que l’on travaille bien. Après, pour en revenir au classement, on est conscient que, quand même, on est bien placé, et cela fait plusieurs années que l’on est en haut de tableau, on le sait, et parfois cela permet de relativiser les choses après une défaite, parce qu’on sait qu’il y a des clubs avec des gros budgets qui aimeraient être à notre place et qui galèrent même pour se maintenir. Ces résultats stables, c’est une vraie fierté aussi.

« Chaque saison on repart de zéro »

On a l’impression que le club a atteint son plafond de verre, qu’il ne parvient pas à passer le cap… Comment Grasse va-t-il pouvoir continuer à exister et performer les prochaines saisons ?
Déjà, la première des choses et le plus simple serait de pouvoir garder les joueurs qui font de grosses saisons chez nous, mais ça, c’est compliqué, parce que, économiquement, on ne fait pas partie des plus gros clubs. Et sportivement, on ne peut pas empêcher un joueur d’aller jouer plus haut. C’est sûr que, quand on n’est pas passé loin de monter en National, ce fut un frein et ça nous a fait défaut les saisons suivantes. La vérité, c’est que chaque saison, on repart à zéro. Il faut continuer à avoir un temps d’avance sur le recrutement. En fait, ce que l’on fait, c’est qu’on imagine toujours qui sont les joueurs que l’on va perdre et il faut très vite imaginer par qui on va les remplacer, et ça c’est un travail qui est déjà bien commencé : on a déjà des idées pour la saison prochaine.

Après, c’est vrai, parfois, on est tout près de monter, et on perd des joueurs, on les remplace par des jeunes, et il faut qu’on ait une analyse très fine de leurs compétences. Ces jeunes, il va falloir qu’ils soient au niveau, qu’ils correspondent à l’ADN – la gnac, la grinta – de l’équipe, qu’ils s’intègrent vite dans le groupe, pour continuer à jouer le haut de tableau.

Après, là où je ne suis pas d’accord, c’est que je trouve qu’on est bien organisé et bien structuré au niveau du club. Donc si on venait à monter d’un cran, on serait prêt. Ce qui manque, cette saison, c’est peut-être une ou deux individualités supplémentaires pour faire la différence. Je n’oublie pas qu’on a perdu des joueurs importants sur blessures, d’autres ont été suspendus, notamment après le match de coupe de France face à Fréjus/Saint-Raphaël où je pense que l’on a été plutôt victimes que coupables.

Ces péripéties font que l’on se retrouve à 7 ou 8 points du leader, ce qui est beaucoup et peu à la fois. Il faut continuer à travailler sereinement comme on le fait, et que l’on réussisse à gagner ce genre de match clé comme celui d’Aubagne récemment (1-1, égalisation d’Aubagne à la 94e). L’an passé, on avait fait 0 à 0 contre le leader Marignane, qui était juste devant nous, à 4 points, et on était resté à 4 points. Il manque aussi de l’expérience dans ces moments-là, même si on en a un peu avec Nico (Medjian), Kevin (Châtelain), Herman (Ako) et aussi Amaury (Roperti). Peut-être qu’il en faudrait un ou deux supplémentaires… Cette expérience là pourrait nous aider à franchir des paliers.

« Rien de plus beau que de réussir dans son club »

On te sent extrêmement investi dans ton club : malgré ça, vas-tu rester toute ta vie à Grasse ?
Je ne sais pas. On n’en sait rien. Il n y a rien de plus beau que de réussir dans son club. On est déjà monté deux fois, et si on arrive à monter une troisième fois, ce serait le summum. Je me donne cet objectif suprême. Après, on ne sait pas comment les choses vont se passer : peut-être que dans deux ou trois ans le club prendra une autre direction, on ne peut pas savoir, et peut-être que, à ce moment-là, j’aurai des possibilités pour aller voir ailleurs.

Loïc Chabas, tout sauf un mercenaire, donc ?
Je ne le cache pas, la stabilité et le fait d’être prêt de ma famille sont des facteurs importants. Si un jour je venais à partir, et même si on ne peux jamais en avoir l’assurance, ce serait pour un projet à long terme ou à moyen terme. Personnellement, je ne me vois pas aller faire un « one shot » dans un club. On le voit bien dans la poule Sud : tu sais que tu peux faire six mois dans un club et puis « merci au revoir » et là, ce serait compliqué, et ce serait un frein pour moi, parce que je me dis que pour bien travailler, pour avoir le temps de mettre en place tes idées, ta manière de voir le travail, ça prend du temps, or du temps, il n’ y en a pas. Parce que les clubs cherchent à avoir des résultats immédiatement.

Alors, Aubagne ou Le Puy en National la saison prochaine ?
Déjà, même si on reste ambitieux, c’est dommage que l’on n’ait pas pu faire partie de ce duel, pour que la lutte à l’accession ne se résume pas à ces deux clubs et devienne une lutte à trois, un trio de tête… Pour ça, il a manqué de l ‘expérience sur les moments clés. Le Puy ? Je vois une équipe talentueuse et très complète de A à Z. Aubagne ? Il y a des joueurs d’expérience, qui connaissent parfaitement bien le championnat et la poule, et cette équipe a la réussite du champion !

National 2 (22e journée) – Samedi 13 avril 2024, à 18h : RC Pays de Grasse – le Puy Foot 43, à 18h, au stade de La Paoute.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : RCPG

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Le promu haut-rhinois place l’humain au centre de tout. Emmené depuis deux saisons par Vincent Rychen, il fait beaucoup mieux que de la figuration dans son championnat, au point d’enquiquiner les « cadors » de la poule en haut de tableau et de se mêler à la lutte pour la montée en National.

Par Anthony Boyer – Photos Jorge de Carvalho

La joie du buteur Alain Reppert.

C’est un peu le tube de l’année en National 2. Depuis juin 2022 et l’arrivée sur le banc de Vincent Rychen, l’ASC Biesheim – prononcez « Bissaïme » – ne cesse d’étonner. Après avoir survolé sa poule en National 3 la saison passée (16 victoires, 7 nuls et seulement 3 défaites), le promu alsacien poursuit sur sa lancée à l’étage supérieur, où, de manière totalement inattendue il faut l’avouer, il est venu se mêler à la lutte pour l’accession en National, quand bien même son dernier revers, samedi, face à Saint-Quentin (2-3), l’a un petit peu éloigné de la première place.

Pourtant, à cinq journées de la fin, l’association sportive et culturelle de Biesheim ne pointe qu’à quatre longueurs de l’actuel leader, Bourg-en-Bresse/Péronnas, et à trois longueurs du dauphin, l’AS Furiani Agliani. Et peut donc, toujours, légitimement rêver de tutoyer les sommets. Mais où s’arrêtera-t-il ? Et si Biesheim coiffait Bourg, Furiani, Fleury ou Bobigny sur le poteau ? Vous avez dit utopie ?

La réussite de Saint-Louis / Neuweg

Le coach de Biesheim, Vincent Rychen (qui salue ici le coach de Fleury, David Vignes).

Ces questions, forcément, nous les avons posé à deux des principaux intéressés. Le coach donc, Vincent Rychen, 48 ans, originaire de Saint-Louis, dans le Haut-Rhin, où il a d’ailleurs quasiment effectué toute sa carrière footballistique, à la fois comme joueur et entraîneur.

C’est là-bas, dans le triangle des trois frontières, comme on dit dans le coin (Saint-Louis jouxte à la fois la frontière suisse et la frontière allemande), qu’il est resté assis le plus longtemps sur un banc, d’abord dans le rôle d’adjoint, ensuite dans celui d’entraîneur principal, avec une certaine réussite puisqu’il a conduit Saint-Louis / Neuweg en CFA (N2) en 2015, à l’issue de sa troisième saison.

Mais c’est aussi dans ce même club qu’il a connus deux évictions : en effet, Vincent Rychen, éducateur sportif à la ville de Saint-Louis dans la vie civile, où il réside encore (à Saint-Louis La Chaussée), y a effectué deux passages. « Mais la première fois, en 2017, c’est plutôt moi qui ai démissionné » rectifie-t-il.

Le National, sujet tabou ?

Vincent Schmitt, le président.

On a aussi posé « la question qui tue » – « L’accession en National, sujet tabou ? » – au président Vincent Schmitt, à la tête de l’ASC Biesheim depuis 5 ans, et présent à l’ASCB depuis 7 ans, quand il siégeait aux côtés de l’ancien président (de 2010 à 2019), Marc Nagor, aujourd’hui président du club voisin et distant de 15 kilomètres, Colmar, adversaire en championnat !

« Le National ? Vous me lancez la patate chaude là » répond avec humour le chef d’entreprise – il est gérant de la société de transport SAFE -, et ancien coéquipier de Vincent Rychen du temps de leur jeunesse, à Colmar. Déjà, cette saison, on s’attendait à souffrir davantage. Après, franchement, il reste 5 matchs, et cette fin de saison appartient aux joueurs, à l’entraîneur et au staff ».

Le capitaine Mouhameth Sané (à droite).

Schmitt, dont l’une des particularités est d’avoir participé l’été dernier au sauvetage du FC Sochaux, dont il est l’unique alsacien parmi les 40 actionnaires, ne s’avance pas trop. Mais consent toutefois : « C’est vrai que, depuis quelques semaines, on m’en parle un peu (du National). Maintenant, je vais vous dire, on a anticipé deux budgets : l’un pour le National 2 (il est actuellement de 1,1 million d’euros, dont 70 % dont consacrés à l’équipe première masculine) et l’autre pour le National si jamais on était amené à monter. Mais il est évident qu’en cas d’accession, on ne pourra pas fonctionner avec le budget actuel. Il faut être réaliste et lucide. Il faudra avoir des idées et trouver de l’argent, mais on n’aura pas 2 millions non plus. »

Le président n’est pas un rêveur mais est bien obligé de prévoir. Surtout, il met avant ce qui fait, selon lui, la force de son club : « Chez nous, l’humain est au centre de tout. L’ASC Biesheim est un club convivial, familial, avec une vraie identité locale. Il y a beaucoup d’Alsaciens en équipe première et seulement trois ou quatre de l’extérieur. »

Rychen : « On va se jauger »

Le coach Vincent Rychen.

Et le coach, il en dit quoi ? Là, on a droit à une réponse de Normand. Pour un Alsacien, ça la fout vraiment mal ! « Il faut continuer. On a des matchs intéressants à jouer qui arrivent, à Furiani (samedi 13 avril), qui nous avait largement dominés chez nous à l’aller (0-3) et contre Bourg à domicile (samedi 20 avril). On va se jauger. On verra si on peut rivaliser et en tout cas être meilleurs que sur les deux confrontations qu’on a eues à l’aller. Et après ça, il y aura le derby à Colmar. »

Bon. Et la montée en National alors ? Vincent Rychen, gêné, n’en parle pas. Du moins pas devant nous, pas à micro ouvert. Mais il laisse apparaître un léger rictus, qui trahit une envie d’aller plus haut, et, surtout, une âme de compétiteur. Une envie de jouer le coup à fond.

Maintenant, ne nous faites pas écrire ce que nous n’avons pas écrit ! « Vincent, le National, vous y pensez ? » « Notre credo a toujours été d’être focus sur le maintien. Bon, mathématiquement, 34 points c’est bien mais derrière ça gagne aussi (Biesheim compte 10 points d’avance sur le 9e, la réserve d’Auxerre, Ndlr). Après, on est des compétiteurs, on a aussi cette ambition de bien faire, de rivaliser avec les équipes qui sont avec nous. Récemment, on a gagné à Auxerre B (1-0), face à leur réserve, mais c’était un match très serré, ils méritaient d’ouvrir le score en première mi-temps, on voit bien que les matchs ne se jouent à pas grand-chose ».

A Biesheim, comme ailleurs, chacun est dans son rôle. L’entraîneur entraîne. Tire le meilleur de son groupe. Insuffle son esprit compétiteur. Et ne parle pas à tort et à travers. Le président, lui, préside, anticipe. Gère. Les problèmes. Les crises. Comme celle, récente de l’automne dernier, lorsqu’il avait présenté sa démission après une sombre affaire de propos racistes tenus par deux de ses dirigeants. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Schmitt a été réélu. Rychen-Schmitt. Les deux hommes sont liés. Font preuve d’humilité. Ne se lancent pas dans de grands discours. Rien ne les empêche cependant de rêver. Après tout, et même si le National semble encore loin, pourquoi se priver d’aller encore plus haut quand on tutoie les sommets d’aussi prêt ?

Interview

Vincent Rychen : « J’aime l’école nantaise »

Vincent, on ne savait pas trop comment prononcer Biesheim… On doit souvent vous poser la question, non ?
On me le demande souvent, oui. Nos adversaires aussi nous le demandent parfois ! Biesheim est une petite ville de 2600 habitants, on est proche de Colmar (15 kilomètres environ), proche du Rhin, proche de Fribourg en Allemagne (35 kilomètres environ)…

Avec Colmar, y-a-t-il une rivalité ?
Une rivalité saine. C’est le genre de match qui attire du monde.

Avec Colmar, aucun rapprochement en vue non plus ?
Non, mais ça, c’est plutôt au président de répondre. Vincent Schmitt : « Non, ce n’est ni dans les cartons, ni dans les tuyaux. »

Le club référence, pour vous, c’est Strasbourg ?
Oui. Ici, on aime le Racing-club de Strasbourg ! On est à moins d’une heure, ça reste notre référence, même en Sud-Alsace, alors que, pourtant, on n’est qu’à une heure de Sochaux aussi, mais le Racing, c’est culturel.

Des tribunes bien remplies pour le derby aller face au voisin Colmar.

Votre parcours de joueur ?
Il est loin d’être linéaire, un peu cabossé (rire) ! J’ai commencé à Saint-Louis, où j’ai grandi à côté d’une cité. J’ai appris le foot dans la rue. J’adorais ça ! On jouait tous les jours, et vers l’âge de 15 ans, j’ai pris ma première licence à Saint-Louis. Je ne suis pas passé par une école de foot : ma préformation, je l’ai effectuée dans la rue. Après ma saison en U16 (juniors première année), j’ai intégré les seniors 1 de Saint-Louis, en Excellence, l’équivalent du Régional 2 aujourd’hui. Ensuite, j’ai joué à Colmar en CFA2 et à Schiltigheim (CFA2), où on a manqué plusieurs fois la montée en CFA. Parallèlement, je faisais des études à Strasbourg.

A quel poste étiez-vous ?
Je jouais essentiellement latéral mais j’ai fait plusieurs postes, notamment sur mes dernières années, où je jouais plus central ou milieu défensif.

Alexandre Valbon.

Comment avez-vous basculé de joueur à entraîneur ?
Très tôt, j’ai bien aimé ce côté éducateur. Quand je suis arrivé dans le foot, sur le tard, j’ai tout de suite été encadré par des anciens pros, des anciens du FC Mulhouse, qui avaient un vécu, comme Serge Duvernois, (ex-Mulhouse et ex-entraîneur/joueur de Saint-Louis-Neuweg), Philippe Tschiember (ex-Mulhouse) et ils ont su me transmettre ça. Damien Ott (ex-coach de Colmar, Bourg, Troyes et Avranches, passé aussi par Saint-Louis) et Nicolas Frischherz m’ont aussi accompagné dans mes débuts.

Je voulais savoir comment gagner des matchs et ce qu’il fallait faire pour y parvenir. En fait, c’est un cheminement. Et puis j’aime beaucoup la compétition. J’ai commencé par coacher des jeunes, des débutants jusqu’aux U19, et ensuite j’ai été adjoint de 2008 à 2012 de Cédric Decker, en CFA (N2) à Saint-Louis (Decker entraîne aujourd’hui l’ASL Koetzingue en Régional 2), alors que je jouais encore, et c’est là que j’ai pris vraiment conscience que je voulais devenir entraîneur.

En 2012, j’ai pris la succession de Cédric, qui est un ami et avec qui j’ai grandi. Ensemble, on a fait de belles années à Saint-Louis. J’ai fait 3 ans en CFA2 (N3) et 2 ans et demi en CFA (N2) sur le banc de Saint-Louis puis ça n’allait plus trop et en février 2018, avec le club, on s’est séparé. Là, j’ai entraîné un autre club, Hegenheim, en Régional 1, à côté de Saint-Louis. Il y a eu la Covid, cela a été compliqué. Ensuite, Saint-Louis m’a recontacté. Ce n’était plus les mêmes dirigeants. J’avais envie de revenir mais l’expérience n’a pas duré. Il y a eu beaucoup de changement. Et il faut du temps pour réussir, or là, on n’en a pas eu beaucoup pour atteindre nos objectifs.

Foday Camara et le gardien Bastien Rempp, face au Mâcon de Timothée Taufflieb.

En fait, vous avez été viré deux fois du même club ?
Oui, enfin, la première fois, je suis parti de moi-même, je n’étais plus en phase avec la direction de l’époque, j’ai préféré m’arrêter. La deuxième fois, l’idée, en revenant, c’était d’aider la nouvelle équipe dirigeante, mais il y avait eu 17 ou 18 départs pour autant d’arrivées, ça fait beaucoup, ce fut assez compliqué. Cela n’a pas fonctionné, c’est comme ça… Mais ce sont des épreuves qui forgent le caractère, qui sont tout de même enrichissantes.

Votre arrivée à Biesheim en 2022?
Le président, Vincent Schmitt, avec qui j’ai joué à Colmar, m’a contacté. J’avais envie de continuer à coacher, repartir sur un autre projet. Les contacts ont commencé vers février ou mars 2022. Cela faisait neuf ans que Biesheim était en N3 (depuis 2013). L’objectif, en venant, était de maintenir le club à ce niveau et puis on a fait une saison au delà-de nos espérances : on est monté en N2 !

Les résultats de Biesheim depuis votre arrivée sont-ils en quelque sorte une revanche personnelle ?
Une revanche ? Non. Mais une fierté, ça c’est sur. Dans le foot, vous savez, parfois on fait des bons choix et parfois des mauvais choix… Je suis quelqu’un d’entier : quand je m’engage quelque part, c’est à 200 %. Mais si je vois que certaines choses ne me conviennent pas, alors cela devient compliqué.

Parlez-nous de votre club, que l’on connaît très peu…
Je ne le connaissais pas plus que ça avant d’arriver ici, si ce n’est comme adversaire. J’ai découvert un club de près de 400 licenciés, familial, avec des gens simples, des valeurs de bon sens et je m’y retrouve. Le président a joué ici, il est très investi et il veut pérenniser le club en N2, c’est le premier objectif.

Le joueur Alain Reppert (à droite).

Comment se déroule une semaine-type ?
On s’entraîne 4 fois par semaine en début de soirée, du mardi au vendredi, et le lundi, les joueurs ont un programme de musculation et d’entretien à suivre. On s’entraîne sur un terrain en herbe. Le club dispose de trois terrains en herbe. On a de bonnes infrastructures même si on galère un peu en hiver à cause du froid ou du gel, ce qui nous oblige à trouver un terrain en synthétique, mais la commune soutient bien le club, d’ailleurs, son maire (Gérard Hug) vient régulièrement au match. On a beaucoup de contrats fédéraux mais ce sont des contrats à mi-temps, car beaucoup de joueurs travaillent à côté. Pour ma part, je suis éducateur sportif à la Ville de Saint-Louis, où je dispense des cours d’EPS dans les écoles. Je suis à temps partiel cette année : 60 % à la ville et à 40 % au club.

Votre effectif est peu expérimenté également…
C’est vrai, même si on a beaucoup de joueurs qui ont été formés au RC Strasbourg. On a beaucoup de Haut-Rhinois ou de joueurs de la région mulhousienne, de la banlieue de Strasbourg, et seulement deux ou trois de l’extérieur. Anthony Lamonge, notre deuxième gardien, a été pro à Lorient (ex-Avranches, Vannes), Mouhameth Sané, notre capitaine, a été formé à Dijon et Auxerre et a connu la Ligue 2. Reda Bellahcene a aussi un vécu, en première division algérienne, avant de revenir à Schiltigheim.

Ces bons résultats, comment les expliquez-vous ?
(Il sourit). Honnêtement, même nous on est un peu surpris (entretien réalisé avant la défaite face à Saint-Quentin, Ndlr). On voulait absolument ce maintien parce qu’avec cette réforme fédérale… J’ai un groupe travailleur et réceptif, qui a envie de progresser ensemble…

L’équipe de National 2 de l’ASC Biesheim.

Oui mais tous les coachs disent ça, qu’ils ont un groupe travailleur, réceptif… Il doit bien y a avoir autre chose, non ?
(Rire) Oui, je pense que les relations que mes joueurs ont entre eux sont fortes : c’est une des raisons de cette réussite. Mais c’est vrai que j’ai été élevé comme ça, avec des valeurs de travail, et là, on récolte les fruits de notre travail. On a beaucoup de joueurs formés à Strasbourg, Mulhouse, Dijon ou Auxerre, qui n’ont pas passé le cap pour devenir pro, qui ont envie de montrer qu’ils ont un certain niveau et qu’ils sont aussi devenus plus matures. J’ai un groupe qui sait se remettre en cause et a envie de progresser ensemble. J’ai un super staff aussi, c’est important : on a plaisir à se retrouver avec Guillaume Muller (adjoint), Maxime Gelardin (préparateur athlétique), Michel Wurker (entraîneur des gardiens), Quentin Fichter-Zoelle (analyste vidéo) et Yvan Giroir (logistique). Les relations avec le président sont bonnes aussi, pour moi c’est vraiment important, on est sur la même longueur d’onde. Tout ça fait que cela se passe bien.

Face à Saint-Quentin, samedi dernier.

Peut-on parler d’identité de jeu à Biesheim ?
Bien sûr, on veut avoir une identité de jeu, qu’on essaie de développer, on travaille ça à l’entraînement, mais on a aussi pris des claques aussi cette saison, à Bobigny, contre Furiani chez nous à l’aller, à Feignies où on a fait un non match. On essaie toujours de jouer au foot.

Votre ligne directrice ?
On aime bien avoir la possession et jouer aussi dans les transitions. Pour moi, une équipe performante doit être capable de faire les deux, de s’adapter, parce que c’est comme cela aujourd’hui dans le foot moderne. C’est un rapport de force : si l’adversaire nous prive de ballons, il faut être capable de bien défendre et de se projeter vite. Si on a le ballon, à nous de poser des problèmes à l’adversaire, de le déséquilibrer avec des principes de jeu bien clairs.

Vos modèles de coach ?
J’aime l’école nantaise de Jean-Claude Suaudeau et Reynald Denoueix, des précurseurs. J’aime bien m’inspirer d’eux. J’aime Lens aussi et le travail qu’effectue Franck Haise : je me retrouve dans sa façon de voir le foot.

Dix points d’avance sur le maintien, c’est bon ?
Il faut continuer. On a des matchs intéressants à jouer qui arrivent. On va se jauger car on avait perdu en décembre contre Furiani et Bourg, on verra si on peut rivaliser et en tout cas être meilleurs que sur les deux confrontations qu’on a déjà eues.

Vous aviez déjà entraîné en N2 par le passé avec Saint-Louis/Neuweg : le championnat a-t-il changé ?
Peut-être que les équipes étaient un peu plus joueuses avant, or là, comme il y a beaucoup de descentes, chaque match est un véritable combat. Il n’y a pas de ventre mou : soit on est en haut, soit on est en bas. Donc les adversaires se livrent un peu moins mais il y en a quand même qui jouent au foot.

Le club pourrait-il supporter une accession en National ?
(Embêté) Le président ne mettrait pas de frein… Dans son esprit, il doit anticiper un plan A et un plan B.

Et au niveau du public, vous êtes comment ?
On a un peu plus de monde cette saison, ça aussi, c’est une fierté. Quand Colmar est à l’extérieur, les gens viennent à Biesheim. On est 300 spectateurs en général sauf en cas de derby, où peut monter à 1000 ou 1500, comme ça va être le cas contre Colmar. Il y a même encore plus de monde quand on joue contre Haguenau. Mais contre Wasquehal, récemment, on était 300.

Allez, pour terminer, on remet une couche : le National, vous y pensez ?
On a envie d’aller le plus loin possible, avec nos moyens. Je ne peux pas freiner ça, mais il y a des gros matchs à venir, à Furiani, contre Bourg et à Colmar. Après, si une fenêtre de tir se présente, bien sûr !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Jorge de Carvalho

Photos : Jorge de Carvalho

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L’information est tombée ce dimanche matin : Alain Nersessian n’est plus le président du Football-club de Martigues, actuellement 2e du championnat National. Il n’occupe plus aucune fonction officielle au sein du club, qui n’a pas, au moment où nous écrivons ces lignes, encore communiqué. Alain Nersessian, qui était à la tête du club martégal depuis 2019, aurait été débarqué par les nouveaux propriétaires américains. « Je n’entrerai pas dans la polémique même si je suis forcément déçu et surpris, a-t-il expliqué au quotidien La Provence. Le coach, le staff, les joueurs et tous ceux qui ont adhéré au projet sous mes ordres ne méritent pas cela. Je préfère parler de mon bilan pour appuyer mon étonnement. Maintenant, je ne ferai pas de commentaires pour ne pas déstabiliser l’équipe première et l’équipe réserve dans leurs objectifs. »

En août 2022, il s’était longuement confié à @13heuresfoot :

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-attentionmartigues-est-de-retour/

Photo FCM

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Sensible, posé, réfléchi et d’apparence calme, le coach provençal cache en réalité une forte personnalité, des principes et des convictions. Portrait à coeur ouvert d’un garçon qui a réveillé Martigues et qui ambitionne de goûter au monde professionnel sur un banc.

Par Laurent PRUNETA – Photos Philippe Le Brech

À 41 ans, Grégory Poirier est un entraîneur qui monte. Pour la deuxième saison d’affilée, il joue les premiers rôles en National avec Martigues, une équipe à laquelle il a insufflé une vraie philosophie de jeu depuis son arrivée en 2021, en National 2. Une « patte Poirier » souvent saluée par ses adversaires. Après avoir vu sa carrière interrompue par plusieurs opérations, l’ancien milieu défensif continue de gravir les échelons après des expériences à Arles (jeunes et R2), Endoume Marseille (de R1 en N2), Saint-Malo (N2) et Sedan (N2). Il est aussi membre de la promotion 2023-2024 du BEPF. Pour 13heuresfoot, il est longuement revenu sur son parcours et décrit sa méthode, basée sur le plaisir du jeu et les valeurs humaines.

« Une fierté d’avoir été pro car je partais de loin »

Sa carrière de joueur l’a mené de La Rochelle (N3), sa ville natale, à Amiens (L2) en passant par Vergèze (N3), Arles (N3 à National) et Nîmes (L2). « C’est une fierté d’avoir été pro car je partais de loin. Mais ça a été au prix d’un gros mental et d’exigences car j’ai dû changer dans mon quotidien pour basculer dans le monde pro. » Quand il évoluait encore en N3 et N2, Grégory Poirier effectuait des études de management du sport à Montpellier. « Au final, j’ai eu une modeste carrière pro qui n’a duré que cinq ans (14 matchs de L2, 88 de National). Mais j’ai pu voir les deux mondes et les deux milieux. D’abord les amateurs puis les pros. Ça me sert aujourd’hui dans ma carrière d’entraîneur. »

S’il a participé à trois montées avec Arles, du N3 (CFA à l’époque) à la L2, il n’est pas conservé au moment où le club rejoint le monde professionnel en 2009 et devient Arles-Avignon. Son premier contrat pro, le milieu défensif le signe à Nîmes, avant de rejoindre Amiens pendant trois saisons. Mais en 2013, il doit stopper sa carrière à 30 ans. « J’aurais préféré continuer mais j’ai eu une double fracture déplacée tibia-péroné. Au total, j’ai eu quatre opérations de la jambe. J’ai eu une mauvaise consolidation. Quand on monte en Ligue 2 avec Amiens, je joue sous infiltration. Ils m’ont mis un clou de 30 cm dans le genou avec des vis. Je fais de l’arthrose. Le docteur Rolland me dit : « C’est la nature qui n’a pas pris à 100 %, il faut recasser l’os. » J’ai donc recassé. À chaque fois, il y a eu aussi une ablation de matériel ou un ajout. »

Les éloges de Giroud

Mais à son retour, il se rend bien compte qu’il n’est plus le même joueur. « Je n’ai jamais été un milieu très rapide. Mais j’avais perdu dans certains aspects athlétiques, au niveau de la vivacité, de la gestuelle. Avant ma double opération, je gagnais beaucoup de duels ariens. Je me souviens que lors d’un match de Coupe de la Ligue en 2011 contre Montpellier, Olivier Giroud m’avait dit « J’ai rarement vu un adversaire aussi bon de la tête. » Mais quand je suis revenu, je ne gagnais plus un duel… »

La décision d’arrêter s’impose donc à lui. « La médecine du travail m’a mis en inaptitude. J’avais mal même en montant l’escalier. Le médecin m’a dit « si vous continuez, un jour vous ne pourrez même plus jouer avec vos enfants dans le jardin… » Aujourd’hui, j’ai encore des séquelles et des douleurs. Je suis souvent blessé alors que je suis addict au sport et que j’adore jouer au Padel. »

« J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner »

S’il est cruel, l’arrêt de sa carrière sonne pourtant comme un soulagement. « J’ai toujours dit qu’après la naissance de mes enfants, les plus beaux jours de ma vie, c’était quand j’ai signé mon premier contrat pro à Nîmes et quand j’ai accepté d’arrêter de jouer. Ça a été une libération. J’ai accepté ma blessure car je savais que j’allais maintenant faire ce qui serait le mieux pour moi. »

Très tôt, Grégory Poirier avait en effet senti une vocation pour entraîner. « Ça va faire sourire car ça fait très Will Still (l’entraîneur de Reims, Ndlr)… Mais moi aussi, je m’enfermais dans le noir pour jouer à Foot Manager. J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner. Je n’avais pas de qualités fortes pour jouer en L1. Mais je savais les optimiser et faire jouer les autres. Plus jeune, j’ai toujours été sensibilisé à l’aspect tactique, comment occuper les zones, décrypter le jeu de l’adversaire. »

Retour à Arles pour la reconversion

C’est dans l’un de ses anciens clubs, à Arles, qu’il a débuté sa reconversion. « Je pense que je méritais d’avoir un contrat pro à Arles. Mais quand on est monté en Ligue 2, les nouveaux dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne me conserveraient pas. Le président historique du club, Patrick Chauvin, n’était pas d’accord avec cette décision. Il m’a dit, « Si un jour tu veux revenir, il y aura toujours une place pour toi ». »

À Arles, il est d’abord adjoint en U17 Nationaux. « Ça m’a permis de gérer ma jambe. J’ai fait un choix fort en enlevant le matériel qu’il y avait à l’intérieur. J’ai ensuite passé mes diplômes rapidement. »

Après avoir été entraîneur principal des U17, il est nommé – en 2016 – entraîneur de l’équipe première de l’AC Arles, qui est repartie en Régional 2 après la faillite d’Arles-Avignon. Son équipe fait la course en tête devant Istres, un club également passé par la Ligue 2 et en reconstruction. Mais au mois de mars, il décide de quitter le club. « Je n’avais pas de contrat et ça devenait trop difficile à gérer financièrement pour ma famille. Les dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne pourraient pas me faire le contrat qu’ils m’avaient promis. Le club d’Endoume Marseille, en Régional 1, me proposait, lui, un contrat. J’avais bien sûr des regrets de ne pas valider la montée avec Arles. Mais on avait 18 victoires, 10 points d’avance quand je suis parti. On serait monté. »

« En toute humilité, je suis monté deux fois en un an »

Quand il arrive dans le club des quartiers ouest de Marseille, l’équipe est 6e. « Je faisais la route Nîmes – Marseille (240 km aller-retour) tous les jours. On m’avait dit, « C’est un club historique, tu n’es pas de la région, ça risque d’être difficile pour toi… » Mais en trois mois, on gagne 8 matchs sur 10 et on termine 2e derrière Cannes. On est promu en National 3. En toute humilité, je suis donc monté deux fois en un an. »

Avec Endoume, il connaît ensuite deux magnifiques saisons. « Quand on monte en N3, on joue le maintien. Je sais que ça va être compliqué. Humainement ça a été difficile, mais j’ai choisi de renouveler l’effectif pour pouvoir répondre à ce challenge. » Mais en fin de saison, Endoume termine premier de son groupe devant le SC Bastia, à peine tombé de Ligue 1 et liquidé l’année précédente. « On termine devant des équipes qui avaient beaucoup plus de moyens que nous comme Bastia, Cannes ou Aubagne. C’était exceptionnel, car vraiment inattendu. C’est aussi une fierté d’avoir pu révéler des joueurs à ce niveau. »

En National 2, Endoume termine ensuite 4e (saison 2018-19). « À la trêve, on s’était même pris à rêver à une 3e montée… Mais c’est Toulon qui monte. On a pu ramener des belles équipes comme Toulon ou Fréjus dans notre stade. J’ai vraiment passé deux saisons et demie magnifiques à Endoume, et avec des supers résultats. »

« Saint-Malo, une année moyenne, qui m’a beaucoup servi »

En juillet 2019, il met le cap sur la Bretagne avec un contrat de deux ans à Saint-Malo (N2). « Honnêtement, je m’attendais à avoir davantage de propositions. Il y a eu quelques approches mais pas tant que ça au final. Mais j’étais content d’arriver à Saint-Malo qui est un bon club à ce niveau. C’était une nouvelle expérience à tenter. »

Quand la saison s’arrête à cause du Covid, Saint-Malo est classé avec 8e avec un bilan équilibré (6 V, 6 N, 6 D). « L’année précédente, ils avaient terminé 11e. Il y avait moins de moyens pour la N2 car il y avait une équipe féminine en D2. Au final, ça a été une année moyenne qui m’a beaucoup servi pour la suite. J’ai toujours été dans l’auto-analyse. Je me suis demandé ce que j’aurais pu faire de mieux. Mais cette saison m’a permis de me réinventer et de me remettre en question. J’ai évolué dans ma philosophie de jeu. J’étais dans une région qui prônait avant tout le jeu. Cela m’a donc permis de peaufiner mon projet de jeu. »

« Une erreur de partir à Sedan »

Malgré l’année de contrat qui lui restait, Poirier choisit de répondre favorablement à la proposition de Sedan qui venait de rater la montée en National au profit du SC Bastia. « Ma famille était très bien à Saint-Malo et j’étais dans un club très sain. Avec le recul ça a été une erreur de partir à Sedan. Mais cette erreur, tout le monde l’aurait certainement fait… J’ai toujours été dans l’idée d’être ambitieux, de faire monter mes équipes et j’ai bien vu que ce serait compliqué avec Saint-Malo. Quand on a une proposition de trois ans de contrat dans un club historique comme Sedan avec des moyens pour monter, c’est difficile de refuser. C’est humain, on a tous envie de grandir. Mais ça m’a servi de leçon. Aujourd’hui, même avec une proposition comme ça, j’y réfléchirais à deux fois, notamment par rapport au cadre qui te permet de bien travailler. »

« À Sedan, j’ai été sali »

À Sedan, il a été écarté après sept matchs (1 V, 5 N, 1 D) alors que les championnats s’étaient de nouveau arrêtés. « Quand je suis arrivé, j’ai senti un club encore sous le choc d’avoir raté la montée après avoir été 1er presque toute l’année. Il y a beaucoup de supporters. Je sentais cette passion mais aussi une forme d’impatience. Je remplaçais aussi un entraîneur ardennais, ce n’est jamais évident. Sur les matchs, ça ne s’est pas joué à grand-chose, on a eu des poteaux. Après, j’étais en désaccord avec une personne décisionnaire au club. »

Grégory Poirier, qui passera au tribunal dans les prochaines semaines pour régler son litige avec Sedan – il a été licencié pour faute grave -, ne peut pas entrer dans les détails. Mais il est encore meurtri. « Je n’en veux pas au club de Sedan où j’étais bien. J’ai travaillé, j’ai tout donné mais certaines personnes ont choisi de me salir. Derrière leur décision, il y avait des enjeux familiaux et financiers pour moi. Bien sûr, on peut toujours faire mieux. Mais humainement, moi, je suis resté droit dans mes bottes et je peux me regarder dans un miroir. Je suis resté fidèle à mes valeurs. Je veux continuer à l’être dans ce métier, qui est très difficile et où on doit faire des choix. Je veux bien assumer mes responsabilités mais je n’accepte pas d’être sali en tant qu’homme. »

Accession en National avec Martigues

Après six mois de chômage, il est choisi pour succéder à Éric Chelle, parti à Boulogne-sur-Mer (National), sur le banc de Martigues (N2). Il ne signe que pour un an. « Djamal Mohamed, le directeur sportif, me connaissait par rapport à mes parcours avec Arles et Endoume. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir choisi ainsi que le président Alain Nersessian, malgré les bons profils qui se sont présentés car Martigues est un club attractif. Prendre un jeune entraîneur qui sortait d’une expérience difficile à Sedan, cela aurait pourtant pu les refroidir. »

Si le début de saison est poussif avec beaucoup de matchs nuls, le FC Martigues réalise une grosse deuxième partie de saison et est promu en National. « À un moment, on avait 11 points de retard sur GOAL FC mais on leur est passé devant. » Une nouvelle montée pour Grégory Poirier. « La saison suivante, en National, on s’attendait à un championnat difficile. Avec six descentes, on jouait le maintien. Mais on s’est positionné, 4e, 5e, et on a pris confiance. » À tel point qu’à trois journées de la fin, Martigues est en position de monter en Ligue 2. Mais il est rejoint par Nancy dans les dernières minutes à Turcan (1-1) puis s’incline contre toute attente chez le dernier, Borgo (3-0). La victoire lors de la dernière journée contre Versailles est juste un baroud d’honneur, Martigues termine 4e, à 2 points du tandem Concarneau-Dunkerque, promu en L2.

« A Borgo, c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête »

« On est un peu isolé géographiquement et les déplacements ont vraiment été énergivores. On n’avait pas un effectif très large. En plus, sur la 2e partie de saison, on a beaucoup joué le lundi sur Canal +. Ce qui fait qu’on a souvent enchaîné le lundi et le vendredi. Pour un club amateur, ce fut compliqué à gérer. On avait joué Dunkerque et Concarneau en prenant 4 points sur 6. Ensuite, on est resté 18 jours sans jouer. C’est là qu’on perd la montée. On avait 3 points à prendre contre Nancy et Borgo mais on n’en prend qu’un seul… »

La défaite à Borgo a suscité de nombreuses rumeurs. « Les gens disent n’importe quoi. On a respecté cette équipe de Borgo et joué pour gagner. On n’avait pas pu travailler l’approche physique. Dans l’approche mentale, il y a aussi un truc qui n’a pas fonctionné. »
Ce soir-là, le coach de Martigues est tombé de très haut. « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Le lendemain de Borgo, j’étais à Clairefontaine pour les trophées du National où j’étais nommé parmi les trois meilleurs entraîneurs. Le lundi, je commençais le BEPF. Je me souviens être allé marcher seul dans la forêt à Clairefontaine. Je savais qu’on avait perdu la montée. Je ne voulais plus manger, je voulais tout arrêter… Mais je me suis vite repris. Aller au BEPF était une forme d’aboutissement pour moi. Je me devais de rester digne. Il restait le match de Versailles. Je me devais aussi de rester pro vis-à-vis de mon groupe, de mon club et d’y croire jusqu’au bout. »

« L’expérience de la saison dernière peut nous servir »

Un mois après cette terrible déception, la reprise de l’entraînement est entourée d’interrogations. « Je me demandais si on allait rebondir, comment le groupe, le staff, le club allait réagir ? Les gens me disaient « Tu as raté un truc exceptionnel, si tu arrives à te maintenir, ça serait déjà bien ». Mais on avait quand même réussi à garder 3/4 des joueurs. Le 1er juillet lors de la reprise, j’ai vu qu’on était tous contents de se retrouver. Cette journée m’a réconforté. J’ai senti qu’on était tous prêt à repartir, à se battre et à reprendre du plaisir. Je mets le jeu au centre de tout. Dans ces conditions, c’est forcément plus facile pour le coach et les joueurs de repartir. »

En coulisses, Martigues qui était fortement subventionné par la mairie, est passé sous pavillon américain en juin avec la création d’une SAS portée par le fonds d’investissement dirigé par Rob Roskopp et son épouse Lepa Galeb-Roskopp, représentés au quotidien par Columbus Morfaw, fondateur de Soccerlytics, société spécialisée dans l’analyse de données sportives. « Ce n’est pas ma partie mais on sent que le club est en mutation avec l’arrivée des Américains. Ça donne de la force et de la sérénité, on se sent moins exposé à une dangerosité. »
Malgré tout, le début de saison a été mitigé. « On avait créé des attentes. Il nous a manqué des joueurs, on n’arrivait plus à beaucoup marquer. Il a fallu trouver d’autres leviers, progresser défensivement. Et on est revenu. »

À 7 journées de la fin, Martigues, 3e, est toujours en course pour la Ligue 2, à 3 points seulement du 2e, Niort (entretien réalisé avant le succès du FCM face à Villefranche et la défaite de Niort au Red Star, Ndlr). « On espère être toujours là pour le sprint final des cinq dernières journées. Niort est devant, ils ont de l’avance et ils peuvent s’appuyer sur une grosse armada offensive. Nous, on a notre force collective et la connaissance du championnat. L’expérience de la saison dernière peut nous servir. »

« C’est une fierté que notre collectif soit réputé et remarqué »

Au-delà des bons résultats avec Martigues, Grégory Poirier s’est aussi fait remarquer par la qualité du jeu pratiqué par son équipe, qui fait l’unanimité chez les adversaires et observateurs du National. « C’est une fierté que ce collectif soit réputé et remarqué. À Arles et Endoume, j’avais construit mes équipes dans l’intensité et le résultat. Depuis Saint-Malo, j’ai changé de philosophie. Il faut prendre du plaisir à jouer, créer un collectif à travers des valeurs et du jeu. On est dans un football nouvelle génération avec un nouveau management. Avec mon staff, on essaye de se réinventer et de se renouveler. Avec les joueurs, on construit une relation exigeante en termes de performances mais en leur offrant un cadre de travail, un cadre humain où ils se sentent bien. Ils sentent les moyens à mettre dans le jeu et en même temps, ils apprécient notre compréhension sur le plan humain. Moi, j’essaye de mettre mes joueurs dans les meilleures conditions mentales. »

Sous contrat jusqu’en 2025 avec Martigues, Poirier, qui avec son BEPF pourra prétendre entraîner en L1 et L2, ne cache pas ses ambitions. « J’ai un profil d’avenir, je sais que je vais entraîner au plus haut niveau. Je suis plus fort depuis mes expériences à Sedan et à Saint-Malo. Mais je ne veux pas faire n’importe quoi comme quand j’ai quitté Saint-Malo. Ce que j’ai fait avec Martigues me réconforte dans ce que je mets en place. Je n’ai jamais changé. Bien sûr que je me remets en question. Je connais mes valeurs, je donne un sens à ce que je fais. Il y a la compétition que j’adore, mais aussi la relation avec le groupe, les gens avec qui tu travailles. Au quotidien, c’est extraordinaire. C’est de l’humain. Comme beaucoup d’entraîneurs, j’y mets des valeurs. La pire chose qui puisse t’arriver, c’est qu’on te salisse humainement, alors que tu a mis des valeurs dans ton management, que tu as tout donné. Mais ça t’apprend sur le monde du foot. Je préfère rester comme je suis car je sais que sur 10 fois, ça va marcher 8 ou 9 fois. Mais au moins je suis fidèle à ce que je veux mettre comme valeurs. »

Grégory Poirier, du tac au tac

« J’ai su me réinventer »

Meilleur souvenir ?
Mes montées. Celle avec mes U17 à Arles où on a gagné 23 matchs sur 24. Ensuite, celle de N3 à N2 avec Endoume Marseille après avoir été au coude à coude avec le SC Bastia. Et le parcours sur la durée avec Martigues.

Pire souvenir ?
En tant que joueur, mes nombreuses blessures. Comme coach, forcément la journée où on m’annonce que c’est terminé à Sedan. Tu rentres à la maison et ton fils de 8 ans te dit « Papa, tu n’es plus entraîneur de Sedan ? ». Forcément, tu fonds en larmes. Tu culpabilises car tu as fait déplacer ta famille, fait changer plusieurs fois d’école tes enfants… Bien sûr, c’est le métier qui veut ça. Mais à ce moment, je me dis « moi, je ne veux pas ça, je veux d’abord construire une famille » …

Un match référence ou un gros coup tactique ?
Plutôt que de sortir un match en particulier, je retiens d’abord que j’ai su me réinventer. Ça, j’en suis fier. Provoquer l’erreur de l’adversaire plutôt que d’attendre son erreur, ce n’est pas la même approche. J’ai eu des évolutions tactiques. À Endoume, je mettais un système en place par rapport à celui de l’adversaire. C’est pour ça que j’alternais entre le 3-5-2 et le 4-3-3. Aujourd’hui, ce que je retiens de mes expériences, c’est que je mets en place des choses pour qu’il y ait de la continuité et des repères. Mon projet de jeu culturel est plus fort que tout. Bien sûr que je vais essayer de savoir comment l’adversaire fonctionne, je vais essayer d’anticiper ses forces et faiblesses. Mais je veux aussi m’appuyer sur des valeurs refuges. Et le système, il l’est. Depuis 3-4 ans, j’ai une philosophie de jeu beaucoup plus joueuse qu’avant. J’ai aussi un projet de jeu très détaillé; mes adjoints, je sais les positionner sur des missions très claires dans le détail de ce projet de jeu. C’est une marque que je veux créer. Sans me prendre pour un autre, je veux créer une marque Poirier où l’équipe joue d’une certaine façon et avec des résultats.

Des modèles d’entraîneurs ?
J’essaye d’être le coach que j’aurais voulu avoir quand j’étais joueur, notamment sur le plan humain. J’ai essayé de prendre chez tous les coachs que j’ai connus. Je peux notamment ressortir Jean-Michel Cavalli à Nîmes, Francis de Taddeo et Ludovic Batelli à Amiens, et Michel Estevan à Arles. J’ai aussi eu Patrice Neveu chez les jeunes. Jean-Louis Saez, qui est actuellement directeur sportif de Montpellier, m’a, lui, sensibilisé sur les connexions dans le jeu.

Le joueur le plus fort que vous avez entraîné ?
Ismaël Bennacer, que j’ai eu avec les U17 à Arles. Il est aujourd’hui à l’AC Milan. Mais je ne vais pas tirer la couverture à moi. On était juste dans l’accompagnement avec lui. Il avait le mental et il aurait réussi avec n’importe quel coach. J’ai aussi entrainé Gaël Danic à Saint-Malo et j’entraîne Foued Kadir à Martigues, qui ont eu une belle carrière.

Quels joueurs avez-vous fait le plus progresser ?
On est toujours fier de sortir des joueurs et les voir au-dessus aujourd’hui. Je peux citer Oualid Orinel (Martigues) et Achille Anani (Red Star) que je vais chercher en R2 à Arles et en N3 à Aubagne où il ne jouait pas trop, quand j’étais à Endoume. ll y a aussi Yasser Balde que je relance en N2 avec Endoume et qui joue aujourd’hui en L2 avec Laval. J’ai aussi relancé Anthony Ribelin à Endoume. Zakaria Fdaouch, on va le chercher en N2 avec Martigues. Avec Dijon, il est maintenant devenu l’un des meilleurs joueurs de National et il jouera certainement en L2 la saison prochaine.

Avec le président du FC Martigues, Alain Nersessian.

Un président marquant ?
Pour moi, il est important qu’il y ait un triangle de confiance entre le président, le directeur sportif et le coach. Mais je ne suis pas naïf, non plus… Je sais que cette confiance peut s’étioler avec les résultats. Malgré ma mauvaise expérience à Sedan, j’ai toujours veillé à bien faire fonctionner notre trio. Si je ne devais ressortir qu’un président, je dirais forcément Patrick Chauvin à Arles. Il m’a changé en tant qu’homme. Je jouais en CFA2, je faisais mes études et je ne pensais pas arriver jusqu’aux pros et devenir entraîneur. Ensuite, je n’oublierais jamais qu’il m’a rappelé pour devenir éducateur à Arles quand j’ai été obligé de stopper ma carrière. J’ai beaucoup d’affection pour lui. Il a marqué tous ceux qui l’ont connu à Arles. Il disait toujours « je recrute des hommes avant de recruter des joueurs ». Il mettait les relations humaines au-dessus de tout, en plus de connaître le foot. C’est juste exceptionnel…

Vos amis dans le foot ?
J’en ai beaucoup. J’ai gardé beaucoup de relations avec mes anciens joueurs aussi, que ce soit d’Arles, Endoume, Saint-Malo et Sedan, même ceux qui ont arrêté le foot depuis. En National, je revois aussi beaucoup d’anciens sedanais. Chez les entraineurs, je suis proche de Fabien Pujo. On s’est croisé, affronté et chamaillé (sourire) lors des matchs Toulon – Endoume. Ensuite, « Fabio » m’a succédé à Saint-Malo. Et là, on passe le BEPF ensemble et on s’affronte en National. Globalement, il y a vraiment une super ambiance entre nous dans la promotion de cette année. Fabien, il est différent intrinsèquement de moi. Mais on arrive à beaucoup échanger et on s’enrichit mutuellement. Chez les coachs de National, j’apprécie également Karim Mokeddem, Habib Beye et Maxime d’Ornano que j’ai connu quand il était à Saint-Brieuc et moi à Saint-Malo. Il a des idées et une grande humilité. Il a fait un parcours extraordinaire en Coupe et en championnat.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je passe beaucoup de temps avec mes enfants. Je ne peux pas remplir toutes les tâches du quotidien, surtout cette année avec le diplôme, mais l’éducation de mes enfants, je ne veux pas passer à côté. Ils m’ont suivi partout. On est une famille très soudée. Après, j’aime faire du sport, courir, taper la balle au padel… Mais quand mon corps me le permet. Sinon, je suis plutôt nature, j’aime bien me balader, à la mer ou à la montagne.

La Rochelle où vous avez grandi, le Sud où vous avez beaucoup joué et entraîné, le Nord ou la Bretagne ?
J’adore le soleil et le cadre de vie du sud. J’aime aussi l’humour du sud. Mais je ne me considère pas comme un vrai sudiste. J’ai des attaches partout en France. Je sais aussi m’adapter partout. J’ai aimé la mentalité à Saint-Malo et à Sedan ou Amiens quand je jouais. En tant qu’entraîneur, c’est vrai que j’ai eu des résultats et des montées avec des clubs du sud mais je veux aussi prouver plus tard que je peux aussi réussir dans d’autres régions.

Les réseaux sociaux où vous êtes bien présent sur Instagram, c’est important pour vous ?
À la base, je n’étais pas très réseaux. Mais ils font partie du monde d’aujourd’hui. J’ai appris à travailler avec eux. Il y a des gens qui nous suivent mais on n’a pas toujours le temps d’échanger. Il faut savoir partager des émotions. Quand je suis parti en stage à l’AC Milan en décembre, j’ai fait des photos et des selfies que j’ai partagés. Je ne le ferai pas tout le temps. Mais c’était pour fixer des souvenirs car je ne partirai pas 50 fois en stage dans un aussi grand club que l’AC Milan. Après, moi, je reste surtout concentré sur le terrain. Mes réseaux, c’est surtout ma femme qui s’en occupe.

Texte : Laurent PRUNETA / Twitter : @PrunetaLaurent

Photo de couverture : Philippe Le Brech

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Rappelé sur le banc en décembre, le coach nordiste évoque la demi-finale historique de coupe de France à Lyon, un rayon de soleil dans une saison très compliquée en Ligue 2. Éternel optimiste, le Franco-marocain parle aussi de son attachement au club, de son équipe aux deux visages et de la formation valenciennoise.

Photo Philippe Le Brech

La coupe de France comme exutoire. L’épreuve reine du football français, celle qui fait tant rêver les amateurs mais aussi bien sûr les professionnels, rappelle que l’on peut être dernier de sa classe dans son championnat mais performer sur des matches couperets, au point de s’inviter à la table des très grands et de se hisser jusqu’en demi-finale, aux côtés du PSG, de Lyon et de Rennes, excusez du peu. Belle moralité.

Le dernier invité, un peu surprise il faut le reconnaître, c’est donc Valenciennes, troisième club historique du Nord après Lens et Lille – qui s’affrontaient d’ailleurs samedi dans un derby remporté par les Dogues (2-1) – et 40e club au classement français actuel, si l’on se réfère à sa 20e place en Ligue 2. Une place qui, à 8 journées de la fin de saison, ne condamne pas le VAFC au National. Du moins pas encore.

Parce que même si le coach Ahmed Kantari, rappelé au chevet de l’équipe le 7 décembre dernier en remplacement du Portugais Jorge Maciel, huit mois après avoir déjà remplacé, avec bonheur, Nicolas Rabuel (maintien assuré), conserve un discours résolument optimiste. Après tout, l’ancien défenseur de Brest et de Lens est dans son rôle. Mais on ne voit pas comment les joueurs du Hainaut pourraient éviter la descente avec un tel retard (18 points d’écart avec le premier non-relégable). Quand bien même il reste 24 points à distribuer…

1000 supporters de VAFC à Lyon

Photo Philippe Le Brech

Pourtant, sur le pré, les joueurs et le staff font le taff. En mars, ils ont tout de même tenu tête aux deux premiers du classement, Auxerre et Angers (0-0), ce qui signifie bien qu’ils ne n’ont pas résigné et, surtout, qu’il y a de la qualité dans cette formation. Cela signifie aussi qu’ils ne lâchent pas, malgré leur dernier revers samedi face à un Saint-Etienne lancé dans la course aux deux premières places (0-2). Ahmed Kantari, qui s’était déjà assis sur le banc du VAFC en Ligue 2 dans le rôle d’adjoint de Réginald Ray (janv à juin 2020) puis d’Olivier Guégan (2020-21), avant de rejoindre Sabri Lamouchi à Nottingham Forest (2021-2022), y veille en tout cas.

Qualifiés depuis bientôt cinq semaines pile poil pour les demi-finales de la coupe de France – le 1/4 de finale à Rouen s’est déroulé le mercredi 27 février -, les Valenciennois ont donc eu tout le loisir de bien préparer ce match « historique » au Groupama Stadium, à Lyon. Un match dont ils ne partiront bien évidemment pas favoris, et ça, ce sera tout nouveau pour les coéquipiers du capitaine de Joffrey Cuffaut, qui ont jusqu’à présent toujours affrontés des équipes de niveau inférieur, sauf en 16e de finale face au Paris FC (Ligue 2, qualification 2-1 au stade du Hainaut).

VAFC pas respecté par les amateurs ?

Photo Philippe Le Brech

On peut en tout cas être certain que le coach rhodanien, Pierre Sage, mettra en garde ses joueurs et leur demandera de bien respecter leur adversaire et de ne surtout pas le prendre de haut, au prétexte qu’il est lanterne rouge de Ligue 2. Écrire cela n’est pas anodin : à l’issue de la qualification aux tirs au but à Rouen, Ahmed Kantari avait fustigé l’attitude de certains clubs amateurs lors des précédents tours, assurant que son équipe, n’avait pas été respectée. Des propos sur lesquels il a accepté de revenir avant ce match-événement face à l’OL.

Le natif de Blois dans le Loir-et-Cher (38 ans) évoque la demi-finale, la première depuis 1970 (Valenciennes avait également disputé une demi-finale de coupe de France en 1964 et une finale en 1951); il revient aussi sur le déroulement de la saison, sur sa mission de formateur, sur la jeunesse de l’effectif (3e plus jeune en L2 selon le site transfertmarkt avec 24,4 de moyenne, derrière Troyes 23,6 et Rodez 23,8) et son attachement à VAFC. Soldat sur le terrain lorsque le Franco-Marocain était joueur (15 sélections avec les Lions de l’Atlas), il demeure le même une fois enfilée la tunique d’entraîneur. On appelle cela de la fidélité. Et une certaine conception du football…

« Il y a des choses positives aussi cette saison »

Photo Philippe Le Brech

Ahmed, votre réaction quand VAFC a tiré Lyon en demi-finale de la coupe ?
Content ! Content de jouer une grande et grosse équipe de Ligue 1, d’affronter un club qui a une grosse histoire, qui a remporté beaucoup de titres dans les années 2000. Découvrir le Groupama Stadium pour mes joueurs, ça va être une expérience extraordinaire.

Pas trop déçu de ne pas jouer au Hainaut ?
Oui, forcément, mais on est surtout déçu pour nos supporters, parce qu’on aurait bien aimé leur offrir cette demi-finale chez nous. On aurait aimé qu’ils puissent partager cette fête avec nous, même si on voit qu’il y aura quand même mille supporters qui vont se déplacer jusqu’à Lyon en semaine. C’est vrai que si on avait joué au Hainaut, on aurait fait 25 000 spectateurs au stade, mais voilà… On est quand même en demi-finale de la coupe de France et le premier sentiment qui me vient à l’esprit, c’est la joie.

« Des clubs étaient déçus de tomber contre nous… »

Photo Philippe Le Brech

Vos déclarations à l’issue de la qualification à Rouen ont surpris, vous avez parlé de manque de respect chez vos adversaires…
Je ne parlais pas de Rouen en particulier, mais c’est vrai qu’en allant à Sarreguemines par exemple… Vous savez, les « petits » clubs, voilà… Disons qu’on n’a pas senti chez nos adversaires la crainte de nous recevoir, bien au contraire, il étaient contents de nous « tirer », et il y a même des clubs qui étaient déçus de nous « tirer ». Mais ça, c’est dû à notre classement en championnat.

Est-ce que cela a été un levier de motivation supplémentaire ?
Non, je ne me suis pas servi de ça. Je me suis concentré sur mon équipe et sur le contenu qu’elle allait proposer. Parce que je pense que c’est ça qui est important même si il y a des aspects extérieurs qui peuvent devenir des motivations mais notre réelle motivation, elle n’est pas celle-là. Nous, c’est « Qu’est qu’on va mettre en place techniquement, tactiquement et physiquement pour pouvoir impacter l’adversaire et pouvoir gagner des matchs ? ».

Photo Philippe Le Brech

Votre équipe est une des plus jeunes de Ligue 2, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je n’ai pas les statistiques en tête mais c’est vrai que VAFC est une équipe très jeune. Au-delà de l’aspect jeune en termes d’âge, j’ai une équipe jeune pour ce qui est du vécu. On est sûrement l’équipe qui aligne les joueurs ayant le moins de vécu en Ligue 2.

Le positif de la saison, c’est cette jeunesse ?
On a encore fait de la place à beaucoup de jeunes, on le voit avec des joueurs de 17 ans, 18 ans, 19 ans, cela permet aussi de mettre en avant la formation Valenciennoise, parce qu’on a un centre qui travaille bien, on a des éducateurs qui bossent bien. C’est un socle solide sur lequel le club s’appuie. La formation, ça fait partie de l’ADN du club qui a cette envie d’accompagner ces jeunes joueurs, de les faire progresser, de les faire jouer dès qu’ils sont prêts : on le voit cette année avce des Joachim Kayi-Sanda, Ilyes Hamache, Manga Foe Ondoa, des joueurs passés par la formation valenciennoise et qui aujourd’hui porte l’équipe première.

« En mode coupe de France »

Photo Philippe Le Brech

Comment expliquer que VAFC soit autant passé à côté de sa saison en Ligue 2 ?
(Silence). Il y a beaucoup de raisons. En décembre, j’ai hérité d’un groupe qui était touché mentalement, qui n’avait gagné qu’un seul match de championnat en six mois (1-0 à Rodez, 4e journée, le 26 août 2023), et on sait à quel point la confiance est importante pour les joueurs.

En championnat, les joueurs ont ce fardeau à porter sur les épaules, ce fardeau des six premiers mois compliqués à gérer, et ça a eu des répercussions sur le terrain, sur leurs prises de risques, sur leur envie de se projeter ou d’aller vers l’avant. Donc on s’est retrouvé avec des joueurs qui se mettaient en sécurité, chose que l’on n’a pas du tout retrouvé en coupe de France, peut-être parce que c’est une compétition différente : là, les joueurs sont arrivés à se mettre dans un mode « coupe » avec beaucoup d’envie, beaucoup d’abnégation, beaucoup de jeu vers l’avant, les pieds beaucoup moins serrés dans les chaussures que ce qu’on peut voir en championnat.

Photo Philippe Le Brech

En même temps, en coupe, VAFC a tout le temps été favori « hiérarchiquement » sur le papier, non ?
Oui, on a toujours eu des tirages « favorables ». Hormis le Paris FC (L2), que l’on a affronté en 16e de finale, on a toujours affronté des équipes de niveau inférieur. Et on a toujours été obligé de se déplacer, sauf face au Paris FC, et on sait que ce qui fait la magie de la coupe de France, ce n’est pas une question de niveau, mais une question d’environnement, et les joueurs ont bien gérer ce paramètre.

Mental et confiance

Mathématiquement, évidemment, le maintien est toujours possible, mais y croyez-vous vraiment ?
(Catégorique) On n’a pas du tout abdiqué. On est dans le travail. Il reste 9 matchs, 27 points (entretien réalisé avant la réception de Saint-Etienne), et on les joue tous pour les gagner. C’est vraiment ça l’état d’esprit qui nous anime. On a pu le voir récemment, on a affronté les deux premiers du championnat, Auxerre et Angers, et on a fait deux matchs nuls sans encaisser de but (0-0 deux fois). Cela montre notre investissement et à quel point les joueurs sont toujours concernés.

Sous le maillot du VAFC. Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que ces deux bons résultats montrent aussi qu’il y a de la qualité à VAFC…
Il y a de la qualité et les joueurs sont encore mobilisés, voilà ce que cela montre. Bien sûr, on sait que l’aspect mental est important dans le football et il faut que les joueurs aient cette confiance en eux et en leurs qualités pour pouvoir performer en championnat, et c’est ce qu’ils arrivent à faire en coupe de France.

Pourquoi avoir à nouveau accepté ce retour sur le banc ?
Je vais vous dire, ce club m’a tellement donné, m’a tellement apporté en tant que joueur, j’y ai terminé ma carrière, j’y ai entamé ma reconversion, que je suis redevable envers le club. Je suis un soldat du club. Je suis à sa disposition. On sait que joueurs ou entraîneurs, on est tous de passage, mais je pense qu’il faut aussi avoir de la reconnaissance envers ces clubs-là, où on passe, et c’est pour ça que je suis toujours disponible et motivé pour rendre à VAFC ce qu’il m’a donné.

Sous le maillot du RC Lens. Photo Philippe Le Brech

Mais vous saviez en décembre que la mission, à défaut d’être impossible, allait être extrêmement compliqué…
Oui (catégorique). Mais c’est dans mon tempérament. J’aime les challenges. J’aime foncer, aller de l’allant. Je ne suis ni peureux, ni réticent, ni sur mes gardes. Quand on me présente ce challenge, j’ai envie d’aller à la bagarre et j’aime ça.

« Il faut construire un club fort »

Pourtant, vous savez comment cela fonctionne, les résultats sont épiés : ça pourrait mettre en péril votre carrière, non ?
Je ne pense pas à ça, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas de plan de carrière. Je prends les choses comme elles viennent. La saison passée, il y a eu ce maintien miraculeux. Cette année, on est en demi-finale de la coupe de France. Je veux dire par là qu’il y a aussi des choses positives qui sont arrivées et qui arrivent encore. A chaque fois que j’ai été appelé aussi en équipe première, la saison passée et cette saison, j’ai laissé l’équipe réserve à la première place de son classement en National 3, donc il y a eu des résultats très positifs aussi avec le club.

Sous le maillot du RC Strasbourg. Photo Philippe Le Brech

Question piège : la dernière fois que VAFC a joué en National, c’était quand ?
C’était après la montée de Daniel Leclerc, de National en L2, il me semble que c’est en 2004/2005 ?

Oui c’est ça. Vous connaissez bien l’histoire de votre club !
(Rires) Oui !

Au fond de vous, voir un club comme VAFC peut-être tomber en National, c’est un crève coeur ?
Forcément, parce que la place de Valenciennes pour moi, est en Ligue 1. Ce club fait partie des trois plus importants du Nord avec Lens et Lille, de par ses infrastructures, son stade, son histoire, son engouement, ses supporters. Valenciennes, c’est un de nos beaux clubs français, maintenant, il y a une réalité sportive… On a vu d’autres clubs avant qui ont dû passer par le National pour pouvoir rebondir et se reconstruire de manière plus forte. Il ne faut pas oublier que VAFC a été racheté il y a six mois seulement (1) et il y a des choses qui sont mises en place par les nouveaux propriétaires, et ces choses-là mettent du temps. Malheureusement, dans le football, on n’a pas le temps, on n’a pas ce recul ni cette patience-là, mais cela fait partie du processus.

Sous le maillot du Stade Brestois. Photo Philippe Le Brech

(1) Le VAFC a été racheté en juillet 2023 par le fond d’investissement Sport Republic, créé par le milliardaire serbe Dragan Solak, déjà propriétaire des clubs de Southampton en Angleterre (à 80 %) et du club turc du Göztepe.

En National, le club pourrait-il se relever ? Quand on voit des clubs comme Dijon, Sochaux, Nancy, Le Mans, Orléans, Châteauroux ou Nîmes qui ne s’en sortent pas…
En National, le niveau s’élève, on le voit avec des clubs « importants », comme vous dites, qui ont du mal à remonter. Mais il y a aussi des contre-exemples comme Niort, qui est en haut de tableau et qui va peut-être remonter immédiatement. Maintenant, je pense que, quelle que soit la division dans laquelle on va être, il faut construire un club fort : ça passera bien sûr par des résultats, mais il faut que tout le monde travaille la main dans la main, afin de récréer une dynamique positive.

« Sans les joueurs, on n’est rien »

Vous êtes un entraîneur plutôt comment ?

Sous le maillot du RC Lens. Photo Philippe Le Brech

Je suis un entraîneur simple (rires), exigeant, mais c’était déjà le cas quand j’étais joueur, j’ai gardé ce côté-là. J’ai eu la chance de connaître le foot de haut niveau et je sais que cela se joue à des détails, qu’il ne faut rien négliger, et qu’il faut beaucoup de travail. Après, j’ai aussi beaucoup de proximité avec mon groupe. Je pars toujours du principe que, sans les joueurs, on n’est rien, car ce sont toujours eux les acteurs qui décident, finalement, du projet de jeu, du projet de vie. C’est pour cela que je pense qu’il faut être proche d’eux, tout en gardant cette autorité et cette exigence du haut niveau. J’accorde beaucoup d’importance au groupe et aux joueurs.

Qui sont vos modèles d’entraîneur ?
Je puise chez tout le monde, forcément, et notamment parmi les coachs que j’ai connus quand j’étais joueur, mais chacun avait sa manière de manager et d’entraîner, et je pense qu’il faut se créer sa propre personnalité d’entraîneur. Moi je suis quelqu’un qui aime beaucoup la verticalité dans le jeu. J’aime avoir des joueurs rapides qui puisse faire du jeu vers l’avant, parce qu’on est dans une région où on doit s’adapter à la culture et ce public nordiste, ces gens, aiment que les joueurs aient cette projection rapide vers l’avant et développent un football qui réclame beaucoup d’engagement et de don de soi. Ce n’est pas un public latin ou espagnol qui aime voir son équipe avoir la possession, ronronner. C’est important de s’adapter à l’environnement dans lequel on évolue.

Arrivez-vous à vous projeter déjà vers la saison prochaine ?
Écoutez, je suis un jeune entraîneur mais j’ai un peu d’expérience pour avoir été joueur (rires) donc je ne me projette que sur le match qui arrive !

Coupe de France (demi-finale) – mardi 2 avril 2024 : Olympique Lyonnais (L1) – VAFC, à 20h45 au Parc OL (Groupama Stadium).

Le parcours de VAFC en coupe de France

  • 7e tour (18 novembre 2023) : Haguenau (N2) – VAFC 0-2
  • 8e tour (10 décembre 2023) : FC Mulhouse (R1) – VAFC 1-1 (4-5 tab)
  • 32e de finale (5 janvier 2024) : Sarreguemines (R1) – VAFC 0-2
  • 16e de finale (20 janvier 2024) : VAFC – Paris FC (Ligue 2) 2-1
  • 8e de finale (7 février 2024) : Saint-Priest (N3) – VAFC 1-2
  • 1/4 de finale : (28 février 2024) : FC Rouen (National) – VAFC 1-1 (2-4 tab)

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech

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