Attendue depuis des années, la Ligue 3 sera officiellement lancée le 1er juillet 2026, en remplacement du National ! Une évolution plus qu’une révolution, qui devra notamment tenir compte des nombreuses disparités et iniquités entre les pros et les amateurs. Et dont le but sera de proposer un championnat pérenne, homogène et attractif.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Philippe LE BRECH

Photo Philippe Le Brech

En devenant officiellement le 1er juillet 2026 la Ligue 3, ce championnat National en aura au moins terminé avec ce manque de reconnaissance dont il souffre depuis ses débuts, en 1993, il y a déjà 32 ans. Un déficit de notoriété dont il n’a jamais vraiment su se départir, matérialisé par l’image d’un championnat intensément passionnant d’un côté, mais hybride, instable et bâtard de l’autre, où l’incohérence, les disparités, les injustices et l’absence d’homogénéité sont légion.

D’homogénéité justement, il en est beaucoup question avec cette nouvelle Ligue 3 puisque c’est exactement ce que réclament à l’unisson les clubs du 3e niveau – notez que l’on ne parle volontairement pas de 3e division -, qui attendent cependant de voir avant de croire. Troisième niveau, parce qu’à sa naissance, le National 1 fut ce championnat à deux poules blotti entre une Division 2 appelée à lui refourguer un tiers de ses 36 clubs, et une Division 3 à six groupes (ex-CFA, National 2 aujourd’hui) qui sera amputée de ses meilleurs clubs.

Un projet attendu depuis des années

Ce changement d’appellation et donc de statut, attendu depuis des années, sera une aubaine et permettra, entre autres, de développer le marketing et la communication, domaines incontournables aujourd’hui, on voit bien les effets positifs de la nouvelle « Arkema Première Ligue » lancée l’été dernier.
Il permettra aussi d’identifier immédiatement la place de ce championnat sur l’échiquier du football français, juste derrière la Ligue 1 et la Ligue 2 pour qui sait bien compter. Et pour qui sait bien écrire, l’on cessera enfin de lire sur internet et dans les journaux « championnat Nationale » (non, ça c’est au rugby !) ou « championnat National 1 » (non, ça c’était en 1993, jusqu’en 1997 et l’arrivée de la poule unique).

Déficit d’image et de notoriété

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La manière d’écrire « National » est peut-être un détail pour vous mais elle en dit beaucoup sur son déficit de notoriété et d’image, quand bien même la Fédération Française de football, dont il dépend depuis toujours, et dont il dépendra encore sous sa nouvelle dénomination, a oeuvré pour son développement.

La FFF a notamment mis en place des séminaires pour les différents acteurs qui font la vie des clubs de cet échelon. Elle a diffusé les matchs (commentés par des duos de consultants) en direct sur sa chaîne FFF TV, disponible sur YouTube. Elle a proposé des contenus éditoriaux sous forme de vidéos (résumés, inside, buts, arrêts, etc.) ou d’écrits. Elle a édité un guide médias chaque saison. Elle a créé une identité visuelle et une panneautique dédiée, à l’instar de ce qui se fait aux étages au-dessus. Elle a organisé une soirée des Trophées dans la cadre majestueux de Clairefontaine, le camp de base des équipes de France. Bref, elle a professionnalisé l’ensemble, un peu sur le modèle de la Ligue 2.

En National, les budgets ont doublé en 5 ans !

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Ok, tout ça, c’est bien joli, mais ce que veulent les clubs, c’est de l’argent ! Le National n’est pas la Ligue 2. Il n’y a jamais eu de droits TV, tout juste une rétrocession de la FFF, sorte de subvention exceptionnelle de 50 000 euros, ponctionnée dans l’enveloppe des droits TV du football féminin. Une somme qui n’a jamais pesé bien lourd dans le budget des clubs, lesquels sont passés d’une moyenne de 2,5 à 5 millions en l’espace de 5 ans, entre 2020 et 2025 ! Paradoxal quand on sait que le déficit des clubs français dépasse le milliard d’euros cette année, selon la DNCG, qui, et c’est de plus en plus inquiétant, s’attend à prononcer des rétrogradations administratives et appellent à une baisse des masses salariales.

La part du gâteau… mais quelle part ?

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Forcément, cette absence de droits TV n’a pas contribué à faire du National le championnat de l’équité puisque, d’un côté, les clubs pros relégués de Ligue 2, gérés par des sociétés (SAS, SASP, etc.), continuaient de les percevoir, alors que de l’autre, les clubs amateurs, souvent constitués en association, se sentaient laissés pour compte. Mais pas abandonnés pour autant. Car, là encore, la 3F octroie une aide financière aux clubs amateurs de National : 270 000 euros cette saison dont une part fixe de 180 000 euros au titre des frais de déplacement. A cette aide financière, qui était de 230 000 euros l’an passé et qui montera à 300 000 euros en 2025-2026, il convient d’ajouter le remboursement des frais kilométriques pour les déplacements (7 euros le kilomètres, trajet aller seulement). Bon, tout le monde n’effectue pas le même nombre de kilomètres selon qu’il est situé dans une zone à plus ou moins forte concentrations de clubs, mais, grosso modo, cela équivaut à une manne supplémentaire comprise entre 40 000 euros et 80 000 euros environ (pour Aubagne ou Nîmes cette saison par exemple, deux clubs « excentrés » sur la carte de France).

On est loin du million d’euros réclamé en 2017 par l’ancien président d’Avranches, Gilbert Guérin. A l’époque, le président de l’amicale des clubs de National, fondée la même année, misait beaucoup sur la nouvelle répartition des droits TV pour la période 2018-2022 pour récupérer 1,2 % de la somme attribuée aux clubs de L1 et de L2. Sauf que ces derniers n’ont pas souhaité partager le gâteau, au grand dam de Guérin, décédé en octobre 2023, et de ses compagnons d’infortune, l’ex-président de l’USL Dunkerque Jean-Pierre Scouarnec et Jacques Piriou, le président de l’US Concarneau, Antoine Emmanuelli (Bastia-Borgo), principaux instigateurs du mouvement.

Une importance stratégique

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La suite fut pire avec le fiasco MediaPro lors de la saison 2021/2022, qui a contraint les clubs pros à faire machine arrière, alors qu’une aide de 5 millions d’euros avait été actée pour les clubs de National ! Et ce n’est pas la crise actuelle des droits TV qui incite à l’optimisme. Une crise qui a eu des répercussions : l’été dernier, aucun opérateur ne s’est déclaré au moment de répondre à l’appel d’offre des droits de diffusion du National pour la période 2024-2029 (jusqu’en 2024, Canal + payait 500 000 euros par saison pour diffuser une affiche par journée de championnat National et un multiplex lors des deux dernières journées).

S’est alors posée la question de la retransmission des matchs pour la saison en cours. Finalement, la FFF a poursuivi sa diffusion gratuite sur FFF TV, en sous-traitant avec des sociétés de production, comme elle le faisait déjà avant sauf pour l’affiche de Canal +. Un mécanisme bien huilé qui existe depuis la saison 2012-2013 (1). C’est bien la preuve que le National, qui n’a cependant pas l’aura de la coupe de France, la compétition phare de la FFF et aussi la plus aimée du grand public, est très important dans sa stratégie. Il l’est d’autant plus qu’il a toujours vu passer des pépites et mêmes de futurs internationaux français, ou des internationaux en fin de carrière, on pense à Ulrich Ramé (Angers, 1996-97), Eric Carrière (Muret, 1993-95), Bernard Pardo (Toulon, 1993-94), Philippe Anziani (GFC Ajaccio, 1994-95), Laurent Koscielny (Tours, 2007-08), Stéphane Guivarc’h (Guingamp, 1993-94), Julien Faubert (Cannes, 2001-04), Stéphane Ruffier (Bayonne, 2005-06), Franck Ribéry (Boulogne, Alès et Brest entre 2001 et 2004), Didier Sénac (Créteil, 1996-98), Steve Savidan (Valenciennes, Angoulême, Angers), Jean-Marc Ferreri (Saint-Denis / Saint-Leu, 1997-98), Michaël Ciani (Racing-club de France, un match en 2001-02), Olivier Giroud (Istres, 2007-08), N’Golo Kanté (Boulogne, 2012-13), André-Pierre Gignac (Pau, 2005-06), Steve Marlet (Red Star, 2011-12), Tony Vairelles (Gueugnon, 2009-11) , Randal Kolo-Muani (Boulogne 2019-20), Mathieu Valbuena (Libourne/Saint-Seurin, 2004-06), ou Jonathan Clauss (Avranches, 2016-17), pour ne citer qu’eux ! Et qu’il répond à une certaine vision du football, un football de territoire, pour ne pas employer le mot « campagne ».

Un National amateur avec 10 clubs pros sur 17 !

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Au fil des saisons, le National a surtout gagné en qualité et en intérêt de par la liste, de plus en plus fournie, de clubs professionnels pour ne pas dire historiques, qui la compose, comme Nancy, Valenciennes, Sochaux, Nîmes, Dijon, Le Mans, Châteauroux, Orléans, Rouen, cette saison. Ou qui l’ont composé, comme Bastia, Laval, Niort, Sedan, Red Star, Metz, Guingamp, Troyes, Reims, Tours, Angers, Brest, Cannes, Toulouse, Strasbourg, et on en oublie !

La présence accrue de clubs de ce standing est des plus logiques. Elle est même mathématique ! La refonte des championnats L1 et L2 en 2023 et en 2024, avec le rétrécissement de 20 à 18 clubs, est passée par là. Forcément, il a bien fallu que ces clubs-là tombent quelque part, et pour la plupart, c’est en National ! Tant et si bien que, cette saison, sur 17 clubs présents sur la ligne de départ, 10 avaient le statut pro (9 la saison passée). Du jamais vu pour un championnat amateur !

Cette situation ubuesque nécessite des ajustements afin d’apporter une forme de logique, d’équité, d’homogénéité. C’est ce que la 3F va s’atteler à faire avec cette nouvelle Ligue 3, de même qu’elle cherchera aussi à gagner en stabilité après de multiples saisons émaillées de rétrogradations administratives, de dépôts de bilan, d’arrêts en cours de route ou de procédures juridiques, qui ont eu pour effet, trois fois fois en quinze ans (2010-11, 2017-18 et 2024-25) de se retrouver avec un nombre impair de clubs présents sur la ligne de départ en National, avec un exempt à chaque journée. Ce cas n’est plus tenable !

Des statuts à définir pour les joueurs et les clubs

Un article de France Football évoquant la création d’une D3 professionnelle, c’était il y a … 20 ans !

Lors des très nombreux chantiers que va explorer le groupe de réflexion nommé par le président de la FFF, Philippe Diallo, le 13 juin, lors du prochain ComEx (Comité Exécutif), il sera forcément question du statut du joueur et du club. Et pas seulement. La licence club, sorte de cahier des charges hyper-lourd, qui attribue des points (et donc des euros), et les contrats seront au coeur des « négociations ». Car aujourd’hui, tant pour les clubs que pour les joueurs, les règles ne sont pas les mêmes selon que l’on évolue en National ou en Ligue 2. C’est là-dessus aussi que sera attendue la Ligue 3, qui restera bien sous giron fédéral. Quant à l’éventuelle disparition de la Ligue professionnelle, voulue par Philippe Diallo, cela ne devrait modifier en rien la nouvelle donne, puisque la FFF demeure le régisseur.

Si l’on parle de la création d’une Ligue 3 depuis des années, et même des décennies – l’on a retrouvé des articles de FranceFootball datant du milieu des années 90 qui l’évoquait déjà, (voir photo) -, celle-ci s’est accélérée ces derniers mois avec, tout d’abord, une réunion au siège de la FFF entre les présidents de clubs, le 7 octobre dernier, qui a abouti au lancement d’un collège des présidents du National, composé d’un président très actif et ultra impliqué (Thierry Gomez, Le Mans FC) et de deux vice-présidents (Philippe Terrier de Villefranche/Beaujolais et Jacques Piriou, de l’US Concarneau).

Un modèle économique calqué sur l’Arkema Première Ligue ?

A cette occasion, un point a été fait sur la naissance de ce projet, et une réflexion a porté sur son évolution. C’est dans ce cadre-là que les présidents ont rencontré Paul-Hervé Douillard, le directeur de la nouvelle Ligue Féminine de Football Professionnel (LFFP), afin d’échanger sur la création, le 1er juillet 2024, de cette entité, elle aussi placée sous giron fédéral, présidée par Jean-Michel Aulas.

Les acteurs ont aussi échangé sur le modèle économique opté par l’Arkema Première Ligue (la société Arkema verse 1,2 million d’Euros à la FFF pendant 3 ans pour être sponsor-titre) et la Pro Ligue, les deux nouveaux championnats féminins qui ont remplacé la D1 Arkema et la D2F, et dont la future Ligue 3 souhaite s’inspirer.

Des clubs à l’unisson

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Le 13 décembre 2024, à l’occasion de la 15e journée de National, les clubs ont publié un communiqué commun. Plusieurs actions symboliques ont été menées à l’unisson : pendant l’échauffement, joueurs et staffs ont porté un tee-shirt avec l’inscription « La Ligue 3, c’est maintenant ». Une photo avec tous les acteurs de cette opération a été prise sur chacun des stades avant le coup d’envoi, comme pour mieux montrer leur motivation et leur détermination à mener ce projet ensemble, et sensibiliser à la veille des élections du président de la FFF.

Mais c’est le 16 janvier dernier, en ComEx, qu’est officiellement née la Ligue 3 masculine. « Je souhaite que ce nouveau championnat professionnel soit durable, qu’il s’inscrive dans un modèle attractif, innovant, pérenne et régulé, déclara Philippe Diallo, reconduit à la tête de la FFF; Il faut qu’il y ait un certain nombre de règles, financières, sportives, qui encadrent les clubs ».

Première mesure : la création d’un comité de pilotage, coordonné par Marc Keller, chargé de définir le format de la compétition, ses règles, sa jurisprudence disciplinaire, le statut des clubs participants, le modèle économique, les centres de formation, le nombre de joueurs formés localement, le salary cap, la stratégie marketing, la licence club (les infrastructures notamment, les terrains, les capacités, l’éclairage, la sécurité, l’accueil, etc.), la médiatisation, la formation, le naming, des droits TV, le diffuseur, bref, tous les aspects sont mis sur la table.

Ce comité de pilotage est composé de Marc Keller donc, et aussi de Jean-Michel Aulas, Pascal Bovis, Baptiste Malherbe, Pierric Bernard-Hervé, Virginie Molho, Jean-François Vilotte, ainsi que d’autres représentants des clubs de National, de la Direction technique nationale, des syndicats, des joueurs, des entraîneurs et de la LFP.

Un sponsor-titre à trouver

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Dans la foulée de cette avancée significative, Philippe Diallo a rencontré le collège des présidents de National le 12 février : cette réunion avait été jugée « très constructive » par un Thierry Gomez optimiste, qui s’était déjà longuement confié ici, à 13heuresfoot, en octobre 2023, lançant « La Ligue 3, c’est le sens de l’histoire ».

Puis, le 17 avril, le ComEx a définitivement validé le format de la compétition. Selon les proches du dossier, c’était une étape déterminante afin de pouvoir, ensuite, markéter le projet. On se gardera bien de faire tout commentaire quant à la formule adoptée, avec des play-off pour les équipes classées de 3 à 6 (jusqu’alors, seul le 3e de National disputait un barrage contre le barragiste de Ligue 2, comme c’était le cas encore cette semaine avec Boulogne et Clermont).

Si trois clubs ont été ajoutés dans la boucle (le 4e, le 5e et le 6e), c’est pour donner encore plus d’intérêt et de piment à l’épreuve, mais aussi pour « concerner » plus d’équipes du ventre mou et éviter, par la même occasions, des résultats parfois surprenants en fin de saison. Le relâchement est humain, mais là, avec cette formule de play off, il y aura un peu plus d’équipes concernées mathématiquement même si décrocher ce troisième hypothétique ticket pour la Ligue 2 (les deux premiers accéderont toujours directement) sera un parcours du combattant.

Sur le modèle du naming en Ligue 1 (McDonald’s) et en Ligue 2 (BKT), il conviendra de trouver un partenaire susceptible d’associer son nom au championnat. Une « Ligue 3 Nike » aurait de la gueule, mais c’est un exemple. Pour info, Mc Donald’s verse 30 millions d’euros par an à la LFP (sur trois ans, de 2024 à 2027), une somme record, pour associer le nom de sa marque à celui de la Ligue 1.

La fin du football champêtre ?

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Concrètement, demain, la Ligue 3 devra se rapprocher au maximum de la Ligue 2, et tendre vers une professionnalisation qui ne voudra cependant pas dire que ce sera la fin, sans péjoration aucune, du « football de campagne », ou du « football des territoires », comme le craignent certains, pour qui le résultat sportif doit primer.

Simplement, ces « petits » clubs, ces petits stades champêtres, déjà beaucoup moins nombreux cette saison, et qui font aussi le charme du National, devront suivre le mouvement et répondre à des tas de critères. On pense notamment à ceux de National 2 dont les stades sont, pour la plupart, loin de répondre aux critères de plus en plus exigeants et pointus, surtout en vue de la Ligue 3. On a encore en tête l’exemple du FC Chambly, promu en Ligue 2 en 2019, mais qui a eu son magnifique stade Walter-Luzi… trop tard, une fois retombé … en National 2 !
Pour tous ces clubs, il en va de leur avenir si un jour ils venaient à gagner leur place en Ligue 2. Histoire d’être prêt, de répondre au cahier des charges et d’anticiper l’arrivée dans le grand monde le cas échéant. Car après tout, le rêve sera toujours permis !

(1) La première rencontre de National diffusée sur FFF TV fut Amiens-Colmar.

Paul Fauvel (Dijon FCO) : « Il faut un statut commun à tout le monde »

Le directeur général du DFCO, passé par le Red Star et le Bergerac Périgord FC 24, livre son point de vue sur l’arrivée de la Ligue 3.

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L’arrivée de cette Ligue 3, dans un an, ça vous inspire quoi ?
Pour moi, aujourd’hui, il y a un mot qui doit tout résumer, c’est « homogénéité ». Il faut un statut commun à tout le monde. Il faut les mêmes conditions pour tout le monde, la même DNCG, la même commission de discipline, les mêmes subventions, parce qu’il y a des disparités entre les clubs professionnels et les clubs « fédéraux », c’est-à-dire les clubs amateurs. C’est la base de la Ligue 3. Je n’ai pas l’impression d’affronter les mêmes statuts de clubs quand on joue Villefranche par exemple, qui n’a pas les mêmes contraintes qu’un DFCO qui, lui, doit répondre à une Licence club mise en place par la LFP, avec une obligation de centre de formation par exemple. A Dijon, si on veut avoir des points en plus pour la licence club, il faut un centre de formation, il faut ceci ou cela, mais c’est lourd : avoir un centre de formation répond là encore à un cahier des charges, il faut avoir des salariés à temps plein par exemple.

Villefranche n’a pas les mêmes contraintes, certes, mais si un de ses joueurs part dans un club pro, le club peut toucher zéro euro…
Bien sûr, c’est pour cela que je parle d’homogénéité, d’avoir un statut commun, régi selon une même législation, et qui réponde à un même cahier des charges, etc. Quelque chose de cohérent.

La FFF va gérer la Ligue 3 : ça change quelque chose ?
Le modèle qui est intéressant et dont il faut s’inspirer est celui de la Ligue de football féminin professionnel (la LFFP ou L2FP), qui gère l’Arkema Première Ligue et la Seconde Ligue : c’est une petite start-up de la FFF, très moderne, très novatrice. Le produit a été très bien markété, en générant des revenus. On voit les résultats. Si on suit son modèle, avec un président de cette Ligue 3, à l’instar de Jean-Michel Aulas chez les filles, qui peut « pousser » un peu les choses, cela peut devenir très intéressant. Je préfère en tout cas ce dispositif là, sous l’égide de la FFF, plutôt que d’être la cinquième roue du carrosse de la LFP, qui a suffisamment de problèmes à gérer et qui ne va pas encore s’encombrer en récupérant un championnat, le National, par défaut.

Quid des droits TV ?
Aujourd’hui, il n’y en a pas.

Les étapes à suivre ?
Le phasage est celui-là : d’abord, comment « markéter » le produit sportivement, afin de rendre le championnat le plus attractif possible, avec un système de play off, play down; ça c’est ce qui vient d’être adopté. Maintenant que l’enjeu sportif est défini, il faut aller chercher un « namer », des partenaires, comme BetClic par exemple qui est rentré sur la L2FP chez les filles. Une fois que l’on a une marque, il faut aller chercher un diffuseur. Maintenant, si demain la LFP est encore là et créée sa chaîne 100 % LFP, elle serait bien inspirée de prendre la Ligue 3 avec elle, cela lui permettrait de récupérer plein de communautés de clubs issues de Dijon, Valenciennes, Caen, Sochaux, Rouen, etc. Autant de communautés que l’on n’aurait pas en Ligue 1 ou en Ligue 2. Ce serait autant de nouveaux abonnés potentiels. Et de fil en aiguille, la capacité de « fan net » augmenterait.

Ne faudrait-il pas non plus une même DNCG ?
Oui. Nous, à Dijon, quand on passe à la DNCG, c’est la DNCG pro. Quand Versailles passe devant la DNCG, c’est la DNCG de la FFF, c’est-à-dire la DNCG amateur. Ce ne sont pas les mêmes appétences de compte, ce ne sont pas les mêmes juges, pas les mêmes exigences, d’où cette quête d’une homogénéité.

Thierry Gomez (Le Mans FC) : « La Ligue 3 doit être un championnat novateur, équitable, attractif »

Ce n’est pas parce que le président du Mans FC va changer de monde et retrouver la saison prochaine la Ligue 2, qu’il avait quittée par la faute de la Covid-19 en 2020, qu’il va délaisser le dossier « Ligue 3 ». Bien au contraire. Car Thierry Gomez est l’un sinon LE personnage le plus engagé de ces trois dernières années pour défendre la cause. L’ancien président de Troyes a multiplié les communiqués et les revendications, ne cessant jamais de militer pour la création de ce nouveau championnat, dont il aurait sans doute souhaité une arrivée plus tôt. D’autres le font avec lui, d’autres l’ont fait avant lui, mais c’est désormais Gomez qui tient le leadership.

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La Ligue 3 va arriver dans un an : ça vous inspire quoi ?
D’abord, avant toute chose, il faut revenir aux sources, parce que les gens oublient l’histoire. La Ligue 3 pro s’imposait déjà y a deux ans, à partir du moment où l’on a fait cette réforme des championnats, avec notamment ce passage à 18 clubs, en Ligue 1 et en Ligue 2, et aussi en National 2, avec le passage de 4 à 3 poules. Sauf que l’on a oublié qu’entre la Ligue 2 et le National 2, il y avait le National, pour lequel rien n’a été fait. Or, la force du foot français, c’est le maillage que l’on a sur tout le territoire. On a du football dans toutes les régions, et on ne veut pas voir des clubs qui ont fait l’Histoire de ce sport, qui sont le patrimoine de ce sport, disparaître. N’oublions pas que nos instances sont là pour développer et favoriser nos clubs au quotidien. Pourtant, on a resserré l’élite en oubliant le National, qui a un pied chez les pros via la LFP (Ligue de football professionnel), et un pied chez les amateurs via la FFF. En National, on a eu 6 descentes sur 18 pendant deux ans, 12 clubs relégués ! C’est une erreur stratégique. Il aurait fallu passer à une Ligue 3 professionnelle au moment de la réforme, ce qui aurait permis de créer une dynamique au sein du foot français. Bon, on le fait maintenant, et mieux vaut tard que jamais.

La Ligue 3, tout le monde en parle depuis des lustres …
Oui, ça n’arrête pas. La Ligue 3, tout le monde me dit « c’est super », tout le monde me demande comment cela va se passer. Des clubs m’appellent… D’un seul coup, c’est formidable. On est quand même le pays deux fois champion du monde (1998 et 2018) et on est le seul des grands championnats à n’avoir que deux divisions professionnelles, à n’avoir qu’un seul club en première division à Paris : bon maintenant avec le Paris FC, on en aura deux, et ça, c’est une bonne chose. Après, on s’étonne de ne pas avoir de droits TV, mais il faut créer une dynamique, avoir une vision… Le National, c’est le championnat le plus inéquitable, le plus déséquilibré, le plus injuste qui existe aujourd’hui chez nous, avec des clubs qui ont des statuts différents, avec des réglementations différentes, avec des joueurs aux statuts pros ou aux statuts fédéraux (amateurs).

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Le statut du joueur, justement, sera l’un des nombreux dossiers chauds à régler…
Je vous donne un exemple. Quand Le Mans FC veut recruter un joueur, il doit lui proposer un contrat pro, alors que Villefranche lui proposera un contrat fédéral. Psychologiquement, le club pro a un avantage, car le rêve de tout joueur est de signer un jour un contrat pro. De plus, avec le contrat pro, on offre la possibilité pour le joueur d’ouvrir un pécule (fonds de prévoyance) qui lui permettra en fin de carrière de toucher un capital. C’est un autre avantage. En revanche, un club pro en National comme Le Mans FC ne peut proposer aucun contrat à un joueur de moins de 20 ans, même si celui-ci est formé au club depuis plusieurs années, alors qu’un club fédéral comme Villefranche par exemple peut proposer à un joueur de moins de 20 ans formé au club un contrat fédéral de 5 ans, ce qui permet de donner un statut au joueur et de valoriser le travail de formation de son club qui pourra éventuellement le transférer. Des cas d’inégalité comme ça, il y en a plein. Le National est un championnat de pus en plus attractif, avec des Valenciennes, des Nancy, des Sochaux, des clubs qui ont fait l’Histoire du foot, avec un potentiel public important. Valorisons tout ça.

Quel a été selon vous l’élément important qui a permis de remettre sur la table la création d’une Ligue 3 pro ?
Notre unité et notre conviction qu’on on se bat pour l’ensemble du football, parce qu’on est persuadé qu’avec une Ligue 3 plus forte, structurée, on aura par répercussion une Ligue 2 plus forte et une Ligue 1 plus forte. Et puis, on voit bien que quand des clubs de Ligue 1 ou de Ligue 2 descendent pour la première fois en National, ils ont une méconnaissance de ce championnat. On tente de faire comprendre aux instances et aux autres présidents de L1 et de L2 que la création de la L3 pro, c’est une chance pour l’ensemble du football français !

Pensez-vous qu’il sera possible d’avoir en Ligue 3, une seule licence club, une seule DNCG, une seule commission de discipline, les mêmes subventions, un statut commun identique, etc. ?
L’idée, c’est de dire oui à tout ça. Aujourd’hui, on a franchi une première étape importante. Il était impératif de déterminer le format de la compétition afin de lancer la Ligue 3 le 1er juillet 2026. On ne voulait pas aller au-delà de cette date. Il fallait aller vite. Il fallait donner une vision aux partenaires, aux collectivités, et leur dire : « Regardez, la Ligue 3 va arriver, le championnat va se développer ». Sur le format de la compétition, il y a eu un vrai débat, et là, il faut remercier Marc Keller, Jean-Michel Aulas, Pascal Bovis et Baptiste Malherbe qui coordonnent ce groupe de travail sous l’autorité du président de la FFF et qui sont à l’écoute de ce que nous on vit au quotidien. Maintenant, le format doit être validé au mois de juin en AG. On est un beau championnat, mais on ne veut pas être un laboratoire, c’est trop péjoratif. On doit être un championnat novateur, équitable, attractif, qui fasse avancer le football.

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Les prochaines étapes ?
L’urgence c’était le format, ll fallait le faire valider au ComEx du 16 avril, cela doit maintenant passer à la commission des règlements, puis au vote à l’AG de juin, pour démarrer le 1er juillet 2026. On a encore un an pour s’attaquer à toutes ces questions de contrats, de statuts, d ‘arbitrage, de droits d’engagements, de salary cap, etc… Pour mieux aider les clubs à contrôler leur budget, il y a plusieurs méthodes, celle de l’UEFA avec le fair play financier ou celle de la DNCG qui regarde la situation net, la trésorerie, etc… le débat va être intéressant. Par exemple, la mise en place d’un salary cap en Ligue 3 est une mesure qui pourrait permettre de limiter certaines dérives budgétaires et qu’on pourrait dans un second temps élargir à la Ligue 2.
Puis, on va travailler sur le marketing, le naming, l’arbitrage avec un objectif prioritaire : améliorer l’image de notre football. Par exemple, au niveau de l’arbitrage, on doit prendre des décisions qui valorisent et protègent davantage l’arbitre, parce qu’on est valeur d’exemple. Et il en va de l’image du football.

Pourquoi selon vous a-t-on l’impression qu’il y a de plus en plus d’excès dans le football ?
Parce qu’aujourd’hui, les enjeux sont colossaux : il y a 5 ans ou 10 ans, l’enjeu, pour un club, c’était une perte de 1 million d’euros, aujourd’hui, un club peut perdre 10 OU 20 millions en un claquement de doigts, c’est normal que les gens perdent la tête… On a encouragé cela en faisant le contraire des Anglais et des Américains, en créant un modèle qui privilégie l’élite, en s’occupant des trois ou quatre grands clubs français. Je prends l’exemple de l’écart des aides, quand il y en avait : eh bien, en Angleterre, entre le 1er et le dernier, l’écart était de 1,4, or nous, en France, il était de fois 3 ou fois 4, puis c’est même passé à 7 ou 8. C’était beaucoup trop. Il faut aider tous les clubs de L1, L2 et L3 à être forts et donc mettre en place une répartition des droits plus équilibrée, plus solidaire, comme l’a d’ailleurs souligné dernièrement le président de la FFF. Vous vous rendez compte que nous, on vend les droits internationaux de notre championnat de Ligue 1 avec 18 clubs aux TV étrangères mais on dit que l’argent de ces droits ne sera plus que réparti uniquement entre les clubs qualifiés en coupe d’Europe ! On créé un fossé énorme entre les six clubs qui vont participer aux coupes d’Europe et tous les autres clubs français d’autant plus que les aides versées à ces clubs par l’UEFA pour leur participation en coupe d’Europe sont aujourd’hui très importantes. Encore une fois, il faut une répartition équitable des richesses pour rendre nos compétitions plus équilibrées parce que si vous connaissez avant le début de la saison qui va être champion, cela n’intéresse plus personne, ce n’est pas difficile à comprendre, c’est du bons sens, mais on a fait l’inverse depuis 10 ou 15 ans. Et on voit le résultat, aujourd’hui, avec trois-quart des clubs qui sont à l’agonie financièrement s’ils ne se qualifient pas en coupe d’Europe.

Photo Philippe Le Brech

Parmi les nombreuses disparités existantes, vous aviez déjà relevé le problème des droits d’engagement des clubs…
Philippe Diallo a réglé le problème quand on a mis le doigt dessus, parce qu’on payait 50 000 euros de droit d’inscription, soit autant qu’un club de Ligue 1; il a descendu cette somme une première année à 25 000 et aujourd’hui on est à 12 500 euros. Mais il y a encore des iniquités : un club pro qui a une réserve en N3, il paie près de 10 000 euros pour sa N3, c’est beaucoup trop.

Avec la création de la Ligue 3, est-ce la fin des clubs « champêtres » ?
A titre personnel, je pense que si l’on veut valoriser le championnat, il faut évidemment qu’en termes d’infrastructures, il y ait une sorte de cahier des charges qui soit mis en place, mais le sportif doit quand même garder une part importante, on est quand même dans le sport, il y a des valeurs à respecter : il ne faut pas que cela soit le plus riche, le plus gros, le plus fort, qui gagne obligatoirement à chaque fois. C’est ça qui fait la beauté du sport. Mais les règles du jeu doivent être claires et énoncer dans ce un cahier des charges qui précise les conditions pour accéder la la Ligue 1, à la Ligue 2, etc. Mais avant de sanctionner les clubs, il faut aussi et surtout les accompagner. Si demain un club doit monter en Ligue 2, il faut l’aider à s’y préparer.

La crise des droits TV, ça vous inquiète ?
L’avenir, c’est que l’on puisse avoir une seule plateforme qui donne accès à l’ensemble du football L1-L2-L3, et qu’un diffuseur puisse prendre les plus belles affiches avec une distribution des recettes plus équitable. Il faut également que cette plateforme s’ouvre à l’ensemble du football amateur et à nos sélections françaises. Mais aujourd’hui, il faut déjà régler le problème des droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2, et ce n’est pas simple.

Que la L3 dépende de la FFF et non de la Ligue, que Philippe Diallo appelle à disparaître, cela ne vous pose pas de problème ?
Il fallait avancer, sinon le National allait mourir, beaucoup de clubs historiques allaient disparaître, et c’était la seule façon d’y arriver. Vous savez, les gens vont oublier… C’est comme dans mon club : on veut opposer la SASP avec l’association : mais quand un gamin porte le maillot du Mans FC, il ne se demande pas s’il joue pour la SASP ou pour l’asso. Il s’en fiche. Là, c’est pareil, les amoureux du football se fichent que la Ligue 3 soit gérée par la LFP ou la FFF. L’important pour le grand public, c’est d’avoir un paysage L1-L2-L3.

Vous avez toujours prôné un discours « collectif », et parlé au nom d’un ensemble et pas pour une cause personnelle : c’est surprenant dans ce milieu individualiste…
En France, l’ensemble des clubs professionnels devraient être avec nous. Mais parfois on oublie qu’aucun club n’est à l’abri d’une descente. On regarde toujours en haut, jamais en bas. Maintenant, il faut utiliser les difficultés d’aujourd’hui pour réformer notre football et mettre en place une nouvelle vision plus collective et plus solidaire qui doit permettre de développer l’ensemble de notre football et l’ensemble de nos clubs.

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Olivier Miannay (Le Puy Foot) : « Il n’y aura plus de contrats fédéraux »

Photo Philippe Le Brech

Pour le manager général du Puy Foot, qui vient d’enregistrer une troisième accession en National en six saisons, et qui connaît bien lui aussi les problématiques de ce championnat qu’il a beaucoup fréquenté ces 20 dernières années (Sète, Beauvais, Cannes, Créteil, Boulogne, etc.), l’arrivée de la Ligue 3 doit s’accompagner de la fin des contrats fédéraux. Mais pas seulement…

Olivier, quid des contrats des joueurs en Ligue 3 ?
Cela sera un contrat pro. Il n’y aura plus de contrats fédéraux, et c’est une grosse différence. Aujourd’hui, en National, on a d’un côté la charte du contrat fédéral et de l’autre la charte du contrat pro, qui est beaucoup plus avantageuse en National que celle du contrat fédéral, parce que les règles, les obligations, ne sont pas les mêmes, alors que l’on est dans le même championnat.

Un exemple ?
Oui, déjà, pour les salaires, les minimums ne sont pas les mêmes. Les contrats fédéraux sont régies par trois cas, et en fonction du cas dans lequel un club va recruter un joueur, il sera obligé de lui verser un certain salaire mensuel, 4 096 euros brut pour le cas numéro 1, 2 691 pour le cas 2 et 1 696 pour le 3, qui est le minimum. Si un club fédéral (amateur) veux faire signer un joueur pro en National qui a plus de 4 ans d’années en pro, il rentre dans la case 1, et il est obligé de lui faire un contrat à 4 096 euros brut minimum. Un exemple : pour le même joueur, si c’est Le Mans FC, un club pro, qui le recrute, le salaire sera moins important parce que la charte du contrat pro est plus avantageuse à ce niveau là. Les clubs ne sont pas logés à la même enseigne. Il faudra annuler les contrats fédéraux pour que tout le monde ait la même charte, mais il reste plein de zones d’ombre à éclaircir, les droits TV, l’aide à la rétrogradation, les frais kilométriques pour les amateurs, la DNCG qui, logiquement, devrait être celle de la FFF puisque c’est cette instance qui va gérer la Ligue 3, idem pour la commission de discipline, etc. Il y a plein de détails comme ça à régler, comme une aide supplémentaire aux clubs : aujourd’hui, l’on parle de rajouter une somme de 100 000 euros.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe LE BRECH (sauf mentions spéciales)
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Les 17 clubs de la saison 2024-2025

Photos Philippe Le Brech

AS Nancy Lorraine (1er) / Promu en Ligue 2
Le Mans FC (2e) / Promu en Ligue 2
US Boulogne CO (3e) / Barragiste pour la montée en L2
Dijon FCO (4e)
FC Bourg-en-Bresse/Péronnas 01 (5e)
Aubagne FC (6e)
US Orléans (7e)
US Concarneau (8e)
Valenciennes FC (9e)
FC Rouen (10e)
US Quevilly Rouen Métropole (11e)
FC Sochaux Montbéliard (12e)
FC Versailles (13e)
Paris 13 Atletico (14e)
FC Villefranche Beaujolais (15e)
La Berrichonne de Châteauroux (16e) / Relégué en National 2
Nîmes Olympique (17e) / Relégué en National 2

Le National en chiffres

27 820. Le record du nombre de spectateurs pour un match de National. C’était lors de la J34 de la saison 2014-2015, au stade de La Meinau, à Strasbourg, lors de Racing Strasbourg / Colomiers.
1993. L’année de création du championnat National, alors à deux poules. Il est ensuite passé à une poule unique en 1997.
91. Le nombre de points inscrit par le SC Bastia en 2010-2011, record à battre.
79. Le nombre record de buts encaissés par une équipe lors d’un exercice. Ce triste record échoit à Beaucaire lors de la saison 2002-2003. Depuis l’instauration de la poule à 18, c’est Epinal qui a encaissé le plus de buts lors de la saison (saison 2014-2015, 73 buts encaissés en 34 matchs).
31. Le record du nombre de buts marqués en une saison. Il est l’oeuvre de Grégory Thil avec Boulogne en 2006-2007. Il devance Dominique Corroyer (30 buts, saison 1994-1995, avec le FC Rouen).
18. Le nombre d’équipes engagées en National depuis la saison 2013-14. Avant cela, le championnat comportait 20 clubs (et même 21 lors de la saison 2010-11).
17. le nombre de saisons disputés en National par Paris FC et Créteil, record à battre ! Vient ensuite le Pau FC (16 saisons) puis le Gazelec FC Ajacio, Avranches et Boulogne (14).
11. Le nombre de clubs qui ont enchaîné une accession de National en Ligue 2 puis dans la foulée de Ligue 2 en Ligue 1; il s’agit de Guingamp, Bastia, Valenciennes, Sedan, Toulouse, Arles-Avignon, Evian-Thonon-Gaillard, Metz, Gazelec Ajaccio, Strasbourg et Amiens.
10. Le nombre de points inscrits par l’AC Arles lors de la saison 1993-1994. C’est le plus petit score jamais enregistré.
10 (bis). Le nombre de présence d’affilée en National. C’est l’US Avranches Mont-Sain-Michel, l’AS Cannes, l’US Boulogne et le Pau FC qui détiennent ce record : le club normand a évolué en National sans discontinuité de 2014 à 2024, le club azuréen de 2001 à 2011, le club nordiste de 2012 à 2022 et le club béarnais de 1998 à 2008.
2. Le nombre de clubs de National à avoir atteint la finale de la coupe de France : Les Herbiers en 2018 et Nîmes en 1996.
1. Un club a disputé parallèlement le championnat National et la coupe d’Europe, en 1996-97 : il s’agit de Nîmes Olympique, finaliste de la coupe de France en 1996.

Le chiffre en +

129. Le nombre de clubs à avoir participé, au moins une saison, en National. Ce chiffre passera à 130 la saison prochaine avec l’arrivée du FC Fleury 91, promu de N2, et qui n’avait encore jamais évolué en National. Ce n’est pas le cas des deux autres promus, Le Puy Foot 43 et le Stade Briochin, qui retrouvent tous deux le National après l’avoir quitté en 2023 (3e participation pour Le Puy et 5e pour Saint-Brieuc).

Liste des clubs passés en National (jusqu’en 2024-25) :

  • 17 saisons (2 clubs) : Paris FC, Créteil.
  • 16 saisons (1 club) : Pau.
  • 14 saisons (3 clubs) : Gazelec Ajaccio, Avranches, US Boulogne CO.
  • 13 saisons (2 clubs) : Sète, Fréjus (puis Fréjus/Saint-Raphaël).
  • 12 saisons (2 clubs) : Louhans-Cuiseaux, Red Star.
  • 11 saisons (2 clubs) : Cherbourg, Nîmes.
  • 10 saisons (6 clubs) : Orléans, Istres, Cannes, Besançon, Dijon, Bourg-en-Bresse/Péronnas 01.
  • 9 saisons (7 clubs) : Valenciennes, FC Rouen, Noisy-le-Sec, Beauvais, Angoulême, Dunkerque, Epinal
  • 8 saisons (9 clubs) : Concarneau, Laval, Sannois-Saint-Gratien, Rodez, Brest, Amiens, FC Borgo (ex-CA Bastia et FC Bastia-Borgo), Angers, Martigues.
  • 7 saisons (10 clubs) : Châteauroux, Quevilly-Rouen (ex-US Quevilly), Villefranche-Beaujolais, Raon-l’Etape, Racing-club de France, Thouars, Toulon, Lyon-Duchère, Sedan, Cholet.
  • 6 saisons (10 clubs) : Le Mans, Bayonne, Colmar, Châtellerault, La Roche-sur-Yon, Pacy-sur-Eure, Romorantin, Tours, Vannes, Chambly.
  • 5 saisons (5 clubs) : Grenoble, Luzenac, Reims, Saint-Denis/Saint-Leu, Niort.
  • 4 saisons (15 clubs) : Wasquehal, Saint-Maur, RC Strasbourg, Quimper, Marseille-Consolat, Libourne/Saint-Seurin, Le Poiré-sur-Vie, Fécamp, Evry, Croix-de-Savoie (puis Evian TG), Clermont Foot, Aubervilliers, Alès, Béziers, Saint-Brieuc.
  • 3 saisons (16 clubs) : Nancy, Versailles, Arles, Bourges, Brive, Calais, Gueugnon, Les Herbiers, Luçon, Muret, Poitiers, Annecy, Roubaix, Troyes, Trélissac, Valence.
  • 2 saisons (18 clubs) : Sochaux, Paris 13 Atlético (ex-Gobelins), Uzès, Vallauris, Saint-Priest, SC Bastia, Plabennec, Moulins, Lorient, L’Ile Rousse, Haguenau, Guingamp, Cassis-Carnoux, Carquefou, Colomiers, Belfort, Le Puy Foot 43, Marignane-Gignac.
  • 1 saison (21 clubs) : Aubagne FC, GOAL FC, Yzeure, Vitrolles, Viry-Châtillon, Villemomble, Toulouse FC, Roye, Perpignan, Nevers, Mont-de-Marsan, Mulhouse, FC Metz, Hyères, Gap, Drancy, Charleville-Mézières, Beaucaire, AC Ajaccio, Ancenis, Alfortville.

L’entraîneur auvergnat, qui vient de signer un nouveau bail de 2 ans au Puy, revient sur deux saisons exceptionnelles. Il évoque l’immense défi qui attend son club en National la saison prochaine et aimerait que le foot dépasse le cadre de sa ville et du département, afin de devenir « un projet de territoire comme à Rodez ».

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Le Puy Foot 43

Entretien réalisé juste avant la 30e et dernière journée de National 2

Photo Le Puy Foot 43

Stéphane Dief mange les « E » et les « L » dans ses phrases (il dit « départ’ment » au lieu de « département » ou « quèque » ou lieu de « quelque »), mais l’explication est simple : il est Auvergnat ! Et l’accent, là-bas, c’est culturel. Et ce ne sont pas ses deux passages dans le midi, lorsqu’il était joueur, à Rodez et surtout à Montpellier, qui ont changé quoi que ce soit à son phrasé.

Évoquer ce particularisme n’est pas anodin : le natif de Riom-ès-Montagne, dans le Cantal, mais qui a grandi à Clermont-Ferrand, est très attaché à ses racines. À son Auvergne. À son « territoire », un mot qu’il emploie souvent et qu’il n’hésite pas à raccrocher au Puy Foot, comme pour mieux appuyer sur ce que doit être, devenir, son club : « Un club de territoire ». Un peu comme Rodez, justement, qu’il cite en exemple, ou Pau.

Photo Le Puy Foot 43

Lundi après midi, la nouvelle est tombée sur les réseaux sociaux : Stéphane Dief a officiellement été reconduit pour deux ans à la tête du Puy Foot 43. L’annonce était tellement évidente que jamais la question de son avenir n’a effleuré notre esprit durant ce long entretien d’une heure, lundi matin. Un entretien que le technicien de 48 ans avait accepté au lendemain de la victoire 6-0 à GOAL FC, qui a permis de valider le ticket pour le National.

L’interview aurait pu durer une ou deux heures de plus, tellement Dief, qui vient d’être admis à la formation au BEPF pour la saison 2025-2026, est un grand communicant. Un trait de caractère chez lui qui se répercute jusqu’à son banc de touche, le soir des matchs, où il est très … démonstratif. Il faut le voir faire les cent pas, gesticuler, parler, râler. Impulsif, Stéphane Dief ? « Oui » reconnaît-il. Mais il se soigne. Et il nous explique comment !

Le coach qui a emmené Le Puy Foot en 1/4 de finale de la coupe de France et à la 2e place du N2 l’an passé, et à la 1re place cette saison, évoque les souvenirs, les bons moments et aussi le plus mauvais : une élimination en 16e de finale de la coupe à Dives en janvier dernier, qu’il n’a vraiment pas digérée.

Interview

« Le modèle du Puy, c’est Rodez ! »

Photo Le Puy Foot 43

Stéphane, commençons par Le Puy Foot : quand Nicolas Pays est parti à Montpellier en janvier, et quand dans le même temps le buteur Marvin Adelaïde s’est rompu le tendon d’Achille, le club a pris un coup derrière la tête : comment avez-vous fait pour vous relever de ça ?
On avait réussi à anticiper le départ de « Nico » Pays, parce qu’on était en lien étroit avec le Montpellier Hérault, avec qui les choses se sont passées de manière très transparentes. Donc on a fait signer Mohamed Ben Fredj, que l’on pouvait utiliser devant ou bien en soutien des attaquants.

Oui mais quand Ben Fredj revient (il avait évolué au Puy en National il y a deux saisons), même si on connaît sa valeur, il est en échec à Dijon, en panne de confiance…
C’est vrai qu’à l’instant T, tout le monde se pose des questions, mais en fait, on ne s’est pas trop arrêté là-dessus. Cela a été une force à la fois du staff et des joueurs, qui ont retourné le scénario à notre avantage. On s’est dit « On est un peu moins nombreux, il va falloir se serrer un peu plus les coudes », et ceux qui étaient un peu moins visibles parce que le groupe était soudain plus large, eh bien ils vont avoir la chance de se montrer. L’idée, c’était de dire aussi que Marvin (Adelaïde) avait fait le taffe, avec 12 buts au 2/3 de la saison, donc aux autres de saisir leur chance. Les joueurs n’ont pas pavoisé. Ils ont entendu ce discours et ont pris le taureau par les cornes. Cela a été plus facile de les convaincre parce qu’il y a toujours eu de la considération pour tout le monde, de ceux qui jouaient le plus à ceux qui jouaient le moins; par exemple, le mercredi, il n’y a jamais l’équipe des titulaires contre celle des remplaçants, avec moi, ça n’existe pas dans ma façon de travailler. Alors, certainement que cela nous a permis d’emmener tout le monde dans cette nouvelle histoire qui s’est créée à partir de ce moment-là.

Et ça a porté ses fruits, on a vu d’autres joueurs marquer, prendre des responsabilités, on pense à Mayela, Wade…
Oui, c’est vrai que l’on avait quelques joueurs dans l’ombre mais dont on attendait plus, encore que pour Davel (Mayela), qui avait dès le départ ce même rôle que Marvin (Adelaïde), c’est juste qu’il a vu que son coéquipier performait, c’était dur, mais il a eu cette forme de lucidité et il a été performant dans son rôle, et à l’arrivée, il a le même apport sur l’ensemble de la saison, quelque soit le temps de jeu.

« On ne s’est jamais renié »

Photo Le Puy Foot 43

Cette saison, est-ce que tu as douté, notamment quand il y a eu une période un peu moins bonne, cet hiver, avec deux défaites à domicile contre Angoulême (0-1 le 6 décembre) et surtout Andrézieux (1-3 le 7 février) ?
Contre Angoulême, le contenu était très bon, c’est juste le scénario ! Cela fait partie du jeu et il faut être en capacité de l’accepter. Au foot, parfois, cela se passe comme ça, mais il n’y avait rien d’autre que de la déception, mais pas de doute. Le coup dur, c’est la défaite contre Andrézieux, mais finalement, c’est ce qui nous remobilise derrière. Parce que là, le contenu n’était pas bon. Cela a permis de faire prendre conscience aux joueurs de ce qu’il fallait faire en plus et en mieux. Derrière, on sort un très bon match à Rumilly. Dans les périodes de doute, notre qualité de jeu a résisté, on n’a pas eu besoin d’être pragmatique, de se dire quand ça va moins bien « On va rester dans les fondamentaux », en défendant plus bas, en prenant moins de risques, en simplifiant, etc. Là non, on a continué de jouer notre jeu, d’aller chercher haut. C’est une belle satisfaction ça. On ne s’est jamais renié, même dans ces moments plus compliqués.

Revenons à la saison passée : avec le recul, tu penses que l’épopée jusqu’en 1/4 de finale de la coupe de France a coûté l’accession en National ?
De manière indirecte, oui. Ce n’est pas la répétition des matchs ou nos performances en coupe qui ont coûté la montée, mais les conséquences de la coupe : très vite, nos joueurs ont été « attaqués », sollicités par les autres clubs. Début mars 2024, certains savaient déjà qu’ils ne seraient plus au Puy la saison d’après. Donc ce supplément d’âme qu’il fallait avoir l’an passé, et que l’on a eu cette année, eh bien malheureusement on ne l’a pas eu et il était dur à aller chercher, parce que l’on ne peut pas avoir la tête à deux objectifs. Pour certains joueurs, cela a été compliqué, parce que l’on a vu leurs performances avant l’élimination en coupe (contre Rennes, à Geoffroy-Guichard) et après la coupe. Dans leurs têtes, ce n’était plus pareil, et peut-être que nous, avec Olivier (Miannay, le manager général du Puy), on leur a un peu trop fait confiance. On n’a pas été assez dur sur les contenus de nos matchs après l’élimination. Même en étant un peu moins bons, on a quand même continué à gagner et c’est pour ça aussi que je suis rarement content, c’est parce que le contenu est tellement important pour moi… Pourtant je sais bien qu’avoir un contenu pendant 90 minutes, c’est impossible.

« Notre 16e de finale, on ne l’a pas kiffé »

Du coup, tu penses que l’élimination, la déception, la désillusion même, à Dives-Cabourg en 16e de finale cette année, fut un mal pour un bien ?
C’est ce qu’on a essayé de se dire à ce moment-là et à l’arrivée, c’est ce qu’on se dira tous. Mais elle a été très très dure à digérer celle-là… Surtout après notre prestation face à Montpellier (qualification 4 à 0 !). Mais l’organisation de ce match à Dives n’était pas à la hauteur d’un 16e de finale de coupe de France. Attention, ce n’est pas un reproche vis-à-vis de Dives-Cabourg. En fait, tout ce que l’on avait fait avant dans cette épopée est parti en fumée. Certes, pour la beauté de la coupe, c’est bien que les petits reçoivent, mais nous, on est un petit, on l’a vu quand on a reçu Montpellier au tour précédent, parce qu’il fallait voir le cahier des charges et tout ce que l’on nous a demandés ! Et là, on s’est retrouvé à des lumières de tout ça quand on est allé à Dives. Notre 16e, on ne l’a pas kiffé.

« Un entraîneur dans la tribune, ça a du sens ! »

Photo Le Puy Foot 43

À Dives, tu as pris 8 matchs de suspension…
Oui, parce que j’ai critiqué l’organisation du match de façon trop véhémente.

Pas trop dur de passer 8 matchs éloigné du banc ?
C’est dur, mais finalement, je m’aperçois que cela ne nous a pas portés préjudice. De là à dire que je ne suis pas utile (rires !). J’étais utile différemment ! En tribune, on a une vision qui est top. Les rugbymen le font. On ne le fait pas au foot, c’est dommage. Je vais me poser la question de rester en tribune jusqu’à la mi-temps ou à l’heure de jeu, parce qu’on perçoit les choses bien plus rapidement que depuis le bord du terrain où l’on a aucune perspective. Quand on fait de la vidéo, on ne filme pas les matchs à ras du sol, hein ? On les filme avec de la hauteur pour les analyser. Un entraîneur dans la tribune, cela a du sens malgré tout. Mais bon, ce n’était pas une initiative personnelle (rires !). À Dives, j’avais pris énormément sur moi. C’est parti d’une discussion avec Olivier (Miannay) après le match et j’avais tellement de choses en moi, des choses que je n’avais pas appréciées, qu’il a fallu que ça ressorte, sauf qu’il y avait des personnes proches de la scène…

« Je suis très exigeant »

Photo Le Puy Foot 43

Sur le banc, tu es speed, impulsif, on te voit faire les cent pas, tu es très actif : c’est quelque chose sur lequel tu travailles ?
Je suis très exigeant, très à cheval sur ce que j’attends du jeu, donc forcément, notamment en première mi-temps, je vais donner beaucoup de consignes assez rapidement. Cela peut parfois être perçu comme un manque de patience ou un excitant. C’est pour ça que je peux être très actif. Peut-être que je le suis trop, mais j’aime bien être derrière mes joueurs, surtout que, il ne faut pas l’oublier, j’ai un groupe jeune.

Le week-end dernier, en N2, il y a eu un événement commun entre les trois poules : est-ce que tu l’as relevé ?
(Un peu dépité) Ouaip, les trois premiers ont perdu, mais ça ne me rassure pas pour autant, parce que le match que l’on a fait (défaite contre Istres, 0-1)… Comme on n’avait plus rien à jouer, j’ai essayé d’être beaucoup moins actif justement, et sur la première mi-temps, je me dis que j’aurais dû l’être beaucoup plus. Et beaucoup plus rapidement. Finalement, on s’est enfoncé dans quelque chose qui ne nous ressemble pas et qu’Istres nous a imposés, ce faux-rythme, et on a été incapable de changer la dimension du match, sauf sur les vingt dernières minutes, quand les entrants ont amené du peps. Donc cela me conforte dans ce que je suis et dans ce que je veux : une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Et cela impose presque que le coach le soit aussi.

Le Puy foot a relevé beaucoup de défis depuis 15 ans, avec une progression, des accessions, un travail de structuration, l’apport de compétences, des campagnes de coupe, etc, mais il n’y a encore jamais eu de maintien en National malgré deux tentatives (en 2019/20 et en 2022/2023) : le nouveau défi, ce sera celui-là ?
Dans l’histoire récente du football auvergnat, pour élargir ta question à l’ex-Auvergne et sortir de la grande Région Auvergne – Rhône – Alpes, il n’y a pas que Le Puy : Moulins y a passé deux fois une saison mais sans s’y maintenir (2006 et 2010) et Yzeure une seule saison (2007). Et Le Puy aussi est monté deux fois sans parvenir à se maintenir. Notre défi dépasse l’aspect local, mais régional. C’est excitant d’arriver à faire quelque chose que personne n’a fait en Auvergne, hormis Clermont Foot (au début des années 2000).

« On ne va pas en National juste pour faire un tour »

Photo Le Puy Foot 43

Tu mesures l’ampleur de la tache ? Le championnat a beaucoup évolué depuis le dernier passage du Puy en National en 2022-2023 et ne parlons pas de 2019-2020…
J’en ai conscience. Après, si le championnat National est devenu comme ça aujourd’hui, avec des Valenciennes, Caen, Sochaux, Le Mans, Dijon, Nancy, Orléans, etc, c’est parce qu’avant il y avait 20 clubs en Ligue 1 et 20 clubs en Ligue 2, et qu’il n’y en a plus que 18 et 18, donc ces clubs qui sont descendus de l’élite, ils sont bien retombés quelque part. C’est pour ça que le National sera relevé comme jamais, avec le club de Kylian Mbappé, le Stade Malherbe de Caen, qui viendra jouer à Massot (rires) ! Je plaisante, mais on va quand même amener ça à Massot. Cela permettra aux gens du territoire de vivre ça, et j’ai même envie d’en appeler aux pouvoirs publics, aux investisseurs privés : on doit devenir un projet de territoire. Il faut que tout le monde se relève les manches, parce qu’avoir un club professionnel à l’aube de la Ligue 3, cela dépasse largement le cadre de la ville du Puy. Ce challenge, on peut le relever, on peut construire quelque chose ici. Maintenant, cela ne peut pas être seulement à notre président (Christophe Gauthier) de tout assumer et aux quelques autres personnes qui l’entourent. Il faut qu’il y ait une volonté de territoire, j’insiste sur ce mot-là. On a vu que l’on pouvait avoir du public, on a eu 2000 personnes lors des deux derniers matchs à domicile. Il faut prendre le sujet à bras-le-corps, parce que l’on n’a pas envie d’aller en National la saison prochaine juste pour faire un tour. On a vu cette saison que des équipes comme Aubagne et Bourg-en-Bresse, avec des moyens limités, ont fait une très bonne saison. Ce sont des exemples à suivre. On doit maîtriser notre budget, ne pas tomber dans certaines dérives, travailler sur des jeunes profils, rester dans notre ligne de conduite. On y arrivera ou pas, mais on y va avec nos convictions, notre façon de faire.

« Le modèle du Puy, c’est Rodez »

Photo Vile du Puy-en-Velay

Le modèle à suivre, sur le long terme, c’est lequel ?
C’est Rodez. Le modèle du Puy, c’est eux. Ils ont un stade flambant neuf tout mignon, qui est suffisant. Ils ont des structures dignes d’un club professionnel, il leur a fallu quelques années pour y arriver. Rodez, Le Puy, je suis désolé, mais ça se ressemble… J’y ai joué un an, je connais parfaitement la vie locale à Rodez, je connais un peu ce projet, la manière dont il a été mené au départ, je connais Grégory Ursule le manager général, donc si on veut ressembler à eux, il faut que l’on devienne un club de département. Un club de territoire.

Peux-tu nous raconter comment tu as basculé de joueur à entraîneur ?
Je bascule d’une manière un peu particulière. Je voulais une suite après ma carrière de joueur à Yzeure, dans le staff. Et finalement, il font signer Hervé Loubat comme adjoint de Nicolas Dupuis, et là, je me suis dit que, finalement, le choix du club est celui-là, qu’ils ne se projettent pas trop avec moi, donc voilà. Je signe à Vichy comme entraîneur-joueur. C’était compliqué mais cela reste une bonne expérience. On manquait de structure, le président était particulier, ça partait un peu dans tous les sens, et après cinq saisons, je signe au Moulins-Yzeure Foot, où je fais sept saisons.

« J’ai cette capacité à être résilient »

Photo Le Puy Foot 43

Quand tu arrives à Moulins, c’est déjà le MYF (Moulins Yzeure Foot) ?
Oui, je suis le premier entraîneur de la nouvelle entité ! Le contexte est particulier quand j’arrive, c’est très « politique », très compliqué en interne. Je suis arrivé à Moulins-Yzeure par l’intermédiaire de Nicolas Dupuis, directeur sportif, qui m’avait eu comme joueur. La première saison, c’était compliqué, le groupe n’était pas équilibré, je ne l’avais pas construit, et puis, il fallait aussi qu’il y ait une moitié de joueurs d’Yzeure, une autre moitié de joueurs de Moulins, tout ça pour faire plaisir aux politiques, très impliqués à l’époque dans le projet… C’était un truc incongru. On finit 11e, mais c’est une saison où j’ai pris beaucoup sur moi et fait fi de beaucoup de choses. Il y avait beaucoup d’intérêts personnels. Finalement, Nicolas Dupuis est remercié et là, je deviens à fois entraîneur et entraîneur général, sans directeur sportif, et je prends la dimension de ce qu’est la gestion d’un club, en collaboration avec le président.

Durant cette première saison à Moulins-Yzeure, tu ne t’es jamais posé la question « Mais qu’est-ce que je fais là ? »
Non, jamais. J’ai cette capacité à être résilient. J’aime convaincre, y compris dans la durée. Il y a un temps pour tout, et parfois, il y a un temps pour faire le dos rond pour mieux imposer ses idées par la suite.

« Moulins-Yzeure Foot est mal né »

Photo Le Puy Foot 43

Cette fusion entre Moulins et Yzeure, force est de constater que cela n’a pas été une réussite…
Mais il n’y a pas eu de fusion ! C’est un sketch à tous les étages. Au début, c’était la municipalité de Moulins qui subventionnait le club d’Yzeure. On a juste changé le nom, pour mettre un nom « commercial », Moulins-Yzeure Foot, et dans le même temps, les anciens de l’AS Moulins, le club qui avait des déficits importants que la mairie ne voulait plus couvrir, montent un autre club dissident, l’Académie de Moulins ! Tandis qu’à l’AS Yzeure, un club bien géré et sain, mais qui a cependant en baisse tous les ans, des gens acceptent, pour le bien du football local, de passer à autre chose, de modifier les statuts en accord avec les deux municipalités, parce que c’était nécessaire, même si la rivalité entre les deux clubs existait. Mais cela a été très mouvementé, sans compter que la Ville de Moulins a laissé un autre club arriver, avec des personnes qui n’ont pas pris la mesure de la chose. Il fallait aller vers un travail main dans la main entre Moulins et Yzeure, même si je leur concède que le dossier a été très mal mené. En fait, le Moulins-Yzeure Foot est mal né. Avec beaucoup d’erreurs dans sa construction. Au début, on jouait deux matchs à Moulins, deux matchs à Yzeure. Même encore aujourd’hui, ils jouent un an à Moulins, un an à Yzeure… Aujourd’hui encore, l’Académie de Moulins fonctionne en autarcie totale. Mais il n’est jamais trop tard pour que ces gens, qui n’ont rien voulu entendre au début, passent à autre chose. Il y a des compétences, il faut les utiliser de la meilleure des manières, mais certains se sont enfermés dans une forme d’égoïsme je pense. Après, personnellement, je suis content du boulot que j’ai fait au Moulins Yzeure Foot, dans un contexte particulier. J’ai essayé au maximum de rassembler, mais on ne peut pas convaincre tout le monde.

Tu es plutôt Moulins ou plutôt Yzeure ?
Je suis les deux très honnêtement ! Pourtant j’étais Yzeurien, et j’étais joueur au moment où la rivalité entre les deux clubs étaient à son apogée, mais il faut regarder l’intérêt du football pour une agglomération et un département. Je suis, du moins, j’étais Moulino-Yzeurien. J’étais le coach de Moulins Yzeure Foot, pas de l’AS Yzeure.

« Je n’ai de grief envers personne »

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Comment ça s’est passé à la fin ? Tu es viré ou tu n’es pas viré en avril 2023 ?
Lors de ma dernière saison en N2, on a du mal, c’est compliqué sportivement, le budget a baissé, on a perdu 25 % de masse salariale et 8 joueurs, pour 2 arrivées, et en février, je vois mes dirigeants, ils me demandent de trouver des solutions. La première solution que je mets sur la table, c’est de dire que, voilà, le coach fait peut-être partie des solutions. Et puis mon discours, peut-être que… Il y a l’usure du temps aussi. J’apporte quelques éléments de plus, mais mes dirigeants, un peu surpris, ne sont pas dans cette optique là. Un mois et demi après, on perd contre Romorantin, et là, je fais passer le message, par l’intermédiaire d’un de mes dirigeants, que c’est peut-être le moment, qu’il reste 7 matchs, qu’il y a un électrochoc à créer… Parce qu’avec mon président, nos visions s’étaient éloignées, la communication était devenue plus rare… Et puis je ne voyais pas comment je pouvais repartir la saison suivante après ce qui s’était passé, alors qu’il me restait trois mois et un an de contrat. Ils ont entendu mon appel et on s’est séparé d’un commun accord. Dans le respect des intérêts des uns et des autres. Et je n’ai de grief envers personne.

Stéphane Dief, du tac au tac

« On s’attache trop à l’individu, moins au collectif »

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Cela t’a fait quelque chose de jouer et d’éliminer Montpellier, en coupe, cet hiver (4-0) ?
Non, pas spécialement. J’étais content de les rencontrer. J’étais allé voir le staff. Même dans la direction, il y a des gens que je connais, Philippe Delaye, avec qui j’ai joué, Bruno Carotti, le kiné, Ghislain Printant, Jean-Louis Gasset… Ce fut un plaisir de retrouver ces gens-là, parce que ce sont de bonnes personnes. J’étais plus ennuyé de la tournure des événements finalement, même si c’était très valorisant pour nous. Mais je n’avais pas de fierté particulière. J’étais content pour mon équipe mais aussi déçu pour ces personnes que j’ai citées.

Et la saison de Montpellier …
C’est dur, c’est dommage, parce que c’est un club un peu à part pour moi, peut-être aussi qu’il doit se renouveler, adopter une manière de fonctionner un peu différente, chercher d’autres solutions… Quand je regarde les résultats, je regarde toujours ceux de Montpellier.

Un président marquant ?
Je pense que c’est Christophe Gauthier au Puy. Il vaut le détour. C’est un personnage.

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Des rituels, des tocs, des manies de coach avant un match par exemple ?
Avant les matchs, je fais 5 à 6 minutes de cohérence cardiaque, sous forme d’exercice de respiration. Je ne fais pas de sophrologie mais cela peut être une piste à étudier aussi. J’essaie de me tourner vers la préparation mentale, pour avoir les meilleurs ressorts afin d’aborder les matchs le mieux possible, d’activer les meilleurs leviers, d’être connecté de la meilleure des manières à la rencontre, de me préparer aux événements que l’on ne maîtrise pas et que l’on n’attend pas, parce que j’ai besoin de maîtriser mes réactions : joueur, j’étais impulsif, donc forcément, comme entraîneur, ce trait de caractère peut encore ressortir, mais je travaille beaucoup là-dessus. La cohérence cardiaque permet de m’apaiser, de m’ouvrir l’esprit. Je fais ça pendant l’échauffement des joueurs, seul, dans le vestiaire. J’essaie de respirer calmement, j’essaie de visualiser le match, d’imaginer des choses qui peuvent arriver, d’anticiper.

Une devise ?
« Celui qui cesse de vouloir progresser commence déjà à régresser ». Cela me caractérise bien. Tout le monde progresse, tout le monde avance, travaille… Je ne suis jamais trop tranquille, en fait. J’essaie toujours de me projeter, peut-être trop même, mais cela fait partie de ma fonction.

Un style de jeu ?
J’aime avoir la maitrise sur mes matchs, c’est ce que je recherche, je veux une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Mon équipe doit être celle qui impose ses idées, défensivement et aussi avec le ballon. Je ne parle plus trop de possession, on oublie parfois qu’il y a des cages sur un terrain de foot et que l’essentiel c’est de se créer des occasions et d’aller marquer des buts, donc je préfère parler de disponibilité, de joueurs qui prennent leurs responsabilités.

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Et en termes de système de jeu ?
J’adorais le 4-2-3-1 ou le 4-3-3 aussi, j’aime bien jouer avec un joueur sous l’attaquant ou sous les attaquants, mais cette année, au fil de la saison, on a basculé en 3-5-2, c’était nouveau pour moi, mais après découverte et lecture de mon effectif, et aussi après avoir noté que l’on ne se créait pas assez d’occasions, cela m’a poussé à la réflexion, à jouer à deux attaquants. Je trouvais que l’on avait des joueurs qui répondaient bien à la commande derrière, donc, la défense à 3 et l’attaque à 2 se sont révélés judicieux, avec des latéraux qui pouvaient être des pistons. Même quand je jouais à 4 derrière, dans notre recrutement, avec Olive (Olivier Miannay), je privilégiais des latéraux assez offensifs.

Meilleur souvenir sportif ?
Joueur, la victoire en Gambardella avec Montpellier, en 1996 je crois mais il faut vérifier, je suis nul en dates ! C’était contre Nantes. Comme coach, cette saison dans sa globalité.

Pire souvenir ?
Joueur, ce sont mes blessures, je me suis fait trois fois les ligaments croisés avant mes 22 ans, et coach (il réfléchit), l’élimination en 16e de finale de la coupe cette saison à Dives-Cabourg.

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La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Joueur, c’est la montée en National avec l’AS Yzeure (en 2006). Comme coach, ces deux dernières saisons, que je mets à peu près sur le même pied d’égalité, même si cette saison, ça se termine mieux avec l’accession en National. L’an passé on a vécu aussi des belles choses.

Une erreur de casting dans ta carrière ?
Non. Aucune. Dans mes choix de joueur, j’ai fait Clermont, Montpellier Hérault, Rodez et Yzeure, et coach Vichy, Moulins et Le Puy, globalement je suis resté longtemps partout, sauf à Rodez, où je n’ai fait qu’une seule saison, qui n’est pas un bon souvenir malheureusement, parce qu’on était descendu en National 3. Mais ce n’est pas une erreur de casting.

Un modèle de joueur ?
Michel Platini.

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C’est en rapport avec le poste que tu occupais sur le terrain ?
Oui, sans doute, car j’étais milieu de terrain de formation et je suis devenu attaquant sur le tard, et Platini, c’était le lien entre le milieu et l’attaque, avec cette capacité à marquer beaucoup de buts. Certainement, cela ressemble un peu à ce que j’étais en tant que joueur, et aussi finalement en tant qu’entraîneur parce que je suis plutôt porté vers l’animation offensive.

Un modèle d’entraîneur ?
J’ai beaucoup apprécié ce qu’a fait Pascal Gastien à Clermont-Ferrand, et en plus, c’est ma ville, là où j’ai grandi, même si je suis né dans le Cantal. J’aime l’entraîneur et l’homme.

Meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
J’ai joué avec certains, mais pas longtemps, à Montpellier. Il y en a eu tellement, Bruno Martini dans les cages, Franck Sauzée, Xavier Gravelaine, Jose Luis Villareal, qui était milieu de terrain (ex-international argentin), Laurent Robert, des vrais joueurs; je n’étais pas dans le groupe pro mais je m’entraînais souvent avec eux et j’ai fait des matchs amicaux aussi. Et j’ai fait un seul banc en Ligue 1, sous les ordres de Jean-Louis Gasset : je peux dire que j’ai effleuré le très haut niveau. En tout cas, j’ai vu ce que c’était.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Il réfléchit). C’est un joueur pétri de qualités techniques mais qui n’a pas fait carrière, malheureusement, c’est Driss Khalid, que j’ai eu à Moulins-Yzeure, formé à Toulouse. Il est à Colomiers aujourd’hui (N3).

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Joël Bouchoucha. On a joué ensemble à Yzeure. Il jouait à droite et je jouais tantôt en soutien de l’attaquant, tantôt attaquant, et il m’a fait souvent marqué, je l’ai souvent lancé en profondeur aussi.

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Pourquoi as-tu choisi d’être entraîneur ?
J’ai toujours été intéressé par le jeu et les options collectives, et la richesse de ce sport; comparé aux autres disciplines, par exemple, le jeu ne s’arrête jamais, alors qu’il y a beaucoup de sports collectifs où les départs d’actions se font sur des phases arrêtés; au hand, soit on attaque, soit on défend, il y a très peu de jeu de possession, très peu de jeu au milieu, pareil au basket… J’ai toujours aimé la richesse et la complexité du foot avec son côté multi-directionnel, et où il faut, par son style, par une manière de faire, apporter son influence sur le jeu. Quand j’étais joueur, j’avais cette capacité à beaucoup parler aussi sur le terrain, à « diriger » mes joueurs à côté de moi, mon environnement, j’avais une forme de leadership.

Tu étais capitaine dans tes équipes ?
Non. Je l’ai été, mais pas de manière constante, pour la simple et bonne raison que j’étais aussi impulsif, trop dans les émotions. Donc j’étais plutôt vice-capitaine. Après, j’ai toujours eu besoin quand j’étais joueur, à tort ou à raison je ne sais pas, d’être comme ça… Un match qui s’enflammait, moi, ça ne m’a jamais rendu moins bon. J’aimais bien ce côté « adversité », un peu poussée à l’extrême. Cela sollicitait des choses en moins, je pouvais aller chercher des ressources encore plus profond. Comme entraîneur, j’essaie de m’en écarter. Il faut rester connecté, avoir la tête assez froide pour rester dans l’analyse. Et il y a une forme d’exemplarité à avoir, de calme, qui est moins obligatoire comme joueur.

Te souviens-tu de la première fois que tu as entraîné en seniors ?
Non parce que j’étais entraîneur-joueur à Vichy, donc je n’ai pas commencé sur le banc.

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Un entraîneur qui t’a marqué ?
Alain Ollier, qui m’a fait jouer en National 2 au Clermont Foot quand j’avais 17 ans, avant que je parte à Montpellier 5 ans, qui était vraiment un bon entraîneur; après, il s’est occupé du pole espoirs à Vichy. Et aussi, dans un style radicalement opposé, Mama Ouattara, mon formateur à Montpellier : il était extrêmement dur sur le terrain. Même psychologiquement, avec lui, il fallait s’accrocher. En revanche, sur l’aspect tactique, on travaillait énormément, il m’a éveillé à cette culture du collectif. Or je trouve que cette culture est devenue trop rare aujourd’hui dans les centres de formation, où l’on s’attache trop à l’individu. Nous, à Montpellier, la culture collective et « LE » match étaient importants. Et Jean-Louis Gasset aussi. Une éloquence, un charisme.

Tu étais un joueur plutôt comment ?
Technique, finisseur et pénible.

Tu es un coach plutôt … en trois adjectifs ?
Rigoureux, bienveillant et juste.

Ton match référence avec toi sur le banc ?
J’ai du mal à en sortir un, parce qu’il y a toujours des moments dans un match qui ne me conviennent pas.

Et ton pire match avec toi sur le banc ?
Ah il y en a ! Je dirais en coupe de France, avec Moulins-Yzeure, quand on est éliminé à Cournon-d’Auvergne, un match catastrophique… On mène rapidement 1 à 0 à la 5e, ils égalisent à la 88e ou 89e, mais entre la 5e et la 89e, c’est indigent.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Le Puy Foot 43 Auvergne
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Cinq ans après avoir injustement été privé d’accession en National 2 avec Hauts Lyonnais, le coach de 42 ans a finalement réussi avec le FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier, un autre club du Rhône, qu’il quitte pourtant dès la fin de saison.

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C’était quelques jours avant l’officialisation de la montée en National 2 de son équipe, le FC Limonest-Saint-Didier. C’était aussi quelques jours avant l’annonce faite par son club : « Le FCLSD annonce le départ de son entraîneur principal, Romain Reynaud… »

Quand nous avons rencontré Romain à Lyon, la montée n’était certes qu’une question de jours… Son départ, en revanche, n’était pas dans les tuyaux : « On avait discuté d’une éventuelle prolongation (…), voilà, je ne suis plus en adéquation avec le club (…) C’est la fin d’une histoire exceptionnelle. On attendait des équipes comme Bourgoin, Mâcon, Thonon-Evian ou Lyon-Duchère, et finalement, c’est nous qui montons, c’est magnifique », expliquait en début de semaine, sans rentrer dans les détails, Romain Reynaud, désormais sur le marché.

Formé à « Sainté »

Né le 2 mars 1983 à Saint-Étienne, Romain Reynaud (42 ans) aurait pu vivre le rêve de tout footballeur : passer professionnel au sein de son club formateur, l’AS Saint-Etienne, et jouer dans le mythique « Chaudron ». Sauf que rien ne se passe comme prévu : une grave blessure va stopper son élan et le contraindre à prendre un autre virage.

Défenseur central, c’est ensuite au SC Schiltigheim, à l’AS Yzeure, au Vannes OC, à Arles Avignon, à La Berrichonne de Châteauroux et au KV Courtrai qu’il va construire son parcours de joueur. Jusqu’à connaître la Ligue 1… sans vraiment pouvoir y prendre goût.

Au bord du rectangle vert qu’il aura quitté en 2018 après une dernière expérience à Andrézieux, Romain Reynaud vit un début de reconversion plutôt réussi. A Hauts Lyonnais, regroupement de cinq communes (environ 8000 habitants), il fait monter le club de Régional 1 en National 3 avant d’être « injustement » stoppé dans son élan par la Covid-19, victime d’un règlement fédéral pondu pour l’occasion (quand les championnats se sont arrêtés, Hauts Lyonnais était en tête de sa poule au bénéfice de la meilleure attaque devant Rumilly-Vallières, qui avait le même nombre de points, mais la FFF a finalement favorisé l’équipe ayant disputé le plus de matchs à l’extérieur).

Des déceptions certes, mais des « joies » aussi comme il le mentionne souvent. A Limonest, « RR », arrivé en janvier 2023, a repris un groupe fragile, au bord de la descente il y a deux ans et demi. Depuis, le FC Limonest Saint Didier, club situé dans les Monts d’Or, a bien redressé la barre au point de décrocher sa montée en National 2, un « National bis » comme il le décrit.
Pendant près d’une heure, Romain a déroulé le fil de sa carrière de joueur et évoqué celle qu’il a commencée il y a 7 ans, sur un banc, à Hauts-Lyonnais.

Interview :

« On a un truc en plus quand on vient du monde amateur »

Visuel FCLDSD

Romain, nous sommes en 2018, tu effectues tes débuts d’entraîneur…
Je suis revenu en 2017 en France pour finir ma carrière à Andrézieux (N2). Il n’y avait pas que ça puisque c’était Romain Revelli l’entraîneur, qui m’avait lui-même fait passer mes diplômes. Romain me dit « viens finir » et tu me suis sur le banc; ça me permettait de me former encore. La première année s’est bien passée en tant que joueur. Ça s’est bien passé pour moi, moins pour lui avec la direction. Il a fini par partir et le club a changé d’entraîneur. J’arrivais au bout de mon parcours, je prenais moins de plaisir à venir à l’entraînement et je me suis toujours dit que si je venais à l’entraînement à reculons, ça « puait » la fin.

C’est là qu’arrive l’opportunité Hauts Lyonnais !
Effectivement, la vie fait que le club arrête avec leur entraîneur, et le président, Bruno Lacand, m’appelle. Mon frère, Florent, qui est équipementier (SportAvenue), travaille d’ailleurs avec lui. Du coup, c’était un vendredi et il m’explique qu’il veut que je coache le club. Je lui réponds que je n’ai pas d’expérience. Il me dit « Ce n’est pas grave, mais il me faut ta réponse avant dimanche ». J’étais encore joueur et quand j’ai raccroché, je savais que j’allais dire oui. Je lui réponds que je viens voir le match de dimanche à Pomeys contre Côte Chaude et je prendrai ma décision ensuite. Je vais voir le match et je lui ai dit « allez, j’y vais ».

Avais-tu posé une réflexion sur tes débuts en tant qu’entraîneur ?
En fait, je ne me suis rien dit. C’est cette opportunité qui a fait que. Partout où je suis passé, j’ai essayé de donner un p’tit coup de main car mon fils a commencé à jouer. Mon père aussi m’a beaucoup accompagné. Par contre, je ne pense pas que j’aurais pu être éducateur chez les jeunes. Je n’ai jamais pensé au cursus U14, U16… J’ai juste saisi cette opportunité.

La cohabitation avec les Lyonnais s’est donc faite naturellement ?
Hauts Lyonnais, c’est vraiment à la limite avec la Loire, donc il y a quasiment autant de Stéphanois que de Lyonnais. Après, moi, je n’ai pas de problème avec ça. J’aime la ville de Lyon, ma femme est d’ici, je n’ai jamais pensé à ça surtout quand on est entouré de gars intelligents, compréhensifs. Je n’ai jamais montré de signe de supporter « pur stéphanois », que je ne suis pas d’ailleurs ! Après, il y a du « chambrage » mais c’est dans la rigolade. Par exemple, Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest, venait aux entrainements avec un maillot de l’OL. J’ai demandé au président de lui donner des équipements du club (sourires). À Limonest, la deuxième couleur du gardien, c’est le vert, et ils ont un peu du mal avec ça… Mais je suis contre ces « guéguerres ». La différence sociale entre les deux villes existe mais c’est du sport, on est là pour kiffer quoi. Si Lyon va en Ligue des Champions, je serai pour eux !

« Cette montée en N2 avec Hauts Lyonnais, on nous l’a volée »

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Tu as vécu des bons moments à Hauts Lyonnais avec une montée en N3 puis des moins bons avec cette « non accession » en N2 à l’époque du Covid. Est-ce que la plaie est refermée pour le club, pour toi ?
Pour le club je ne sais pas. Pour le président Bruno Lacand qui s’investit énormément, avec ses moyens persos, je pense que ça a été plus compliqué. Moi, j’ai eu du mal mais je me devais de la refermer rapidement. Il faut penser à la saison d’après et je suis un peu la tête de gondole du truc. Si je vis dans la revanche, ce n’est pas bon. Par contre, intérieurement, je l’ai mal vécu, vraiment. Le travail qu’on fait au quotidien, personne ne le voit. Entraîneur, c’est un super-métier. Le temps de travail effectif n’est pas ouf mais c’est 365 jours dans l’année, 24 heures sur 24. J’aimerais arriver à déconnecter mais je n’y arrive pas et j’ai vécu cet épisode comme une trahison. J’ai connu le monde pro, je sais qu’il y a des conflits d’intérêt mais je ne pensais pas en amateur. Et cette montée, on nous l’a volée. Certes la saison n’est pas arrivée à son terme, on s’est arrêté avant parce qu’il y a eu la Covid. Mais à l’instant T, c’est nous qui méritions de monter. Inventer une règle pour favoriser un club (GFA Rumilly Vallières) qui a un intérêt particulier avec les instances, je trouve ça moche… J’ai des joueurs qui ont arrêté sur ça.

Quelles sont les conséquences pour un club qui fait avec ses « moyens » ?
Pour être honnête, c’était trop tôt pour qu’on monte en National 2. On n’avait pas le stade et on aurait dû être délocalisé sur Tassin. Je pense que ça n’aurait pas été cool pour les supporters de jouer à 40 minutes du stade par exemple. C’était un mal pour un bien même si je pense que mon président ne l’aurait pas entendu de cette oreille. On a vécu avec et vite switché sur autre chose.

« J’aime la cohésion, la force collective »

Malgré cet événement, quelle philosophie avais-tu mis en place au niveau du jeu ?
Quand j’ai réuni pour la première fois mes joueurs, je me suis dit que j’allais « faire avec ». Je n’avais pas de plan précis, de schéma… Je me suis toujours dit que j’allais prendre de chaque entraîneur que j’ai eu, de mon expérience personnelle aussi. Ce que j’ai inculqué, c’est la proximité avec mes joueurs, la confiance et l’amour que je peux leur donner ; j’adore le PSG de cette année, pas celui de l’année dernière. C’est onze mecs qui vont dans le même sens. Le côté cohésion, la force collective.

Et aujourd’hui, à Limonest ?
À Limonest, j’ai pu mettre en place un groupe avec mes convictions, avec des joueurs que je voulais, qui me ressemblent. L’objectif que je leur ai donné en début de saison, ce n’est pas de finir premier, c’est d’avoir la meilleure défense. Et comment on fait pour y arriver ? On ne se met pas tous devant la cage, mais on défend tous ensemble, du numéro 9 au latéral droit. Et on attaque tous ensemble. J’aime le foot, quand c’est beaucoup. Mais si on n’était là que pour frapper au but… C’est une chance d’avoir des joueurs qui savent dribbler, il faut en profiter. J’essaye de laisser à mon groupe un maximum de liberté offensivement mais défensivement, non, il n’y aucune liberté. Le rôle de l’entraîneur sera toujours d’essayer de faciliter le truc à ses joueurs… à condition qu’ils aient envie de jouer !

Quel regard poses-tu sur la région Rhône Alpes, où plusieurs clubs travaillent très bien avec un niveau relevé ?
Ils ont nivelé par le bas en enlevant des poules. Je n’ai pas d’exemple en particulier, ni l’image d’un club en tête… Je suis très curieux de tout. J’ai mes convictions à moi, pas ma vérité parce que dans le foot, il n’y en a pas. Par contre, quand on voit l’image qu’ont donné Espaly et Bourgoin-Jallieu cette saison en Coupe de France, c’est génial pour notre poule Auvergne-Rhône Alpes. Mais c’est aussi des contextes différents. Il n’y a qu’à regarder chez nous. On est la seule équipe du Top 6 à s’entraîner quatre fois par semaine le soir, pendant que les autres s’entraînent le matin. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! J’ai un groupe de 24 joueurs, dont 6 jeunes.

« A Limonest, j’ai construit une équipe de moches ! »

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Tu découvres finalement un environnement structuré. Est-ce que ça facilite ton travail ?
C’est pour ça que je suis venu au FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier. Hauts-Lyonnais, c’est un club jeune qui bosse super bien, on a touché du doigt l’accession à un niveau historique mais je voulais aller dans un club qui était prêt à monter, que ce soit au niveau des infrastructures, des moyens humains aussi. Je pense qu’ils font le travail d’anticipation de la montée en N2 en coulisses… comme on a pu le faire à Hauts-Lyonnais. Dans le foot, on voit beaucoup de coachs qui sont managers généraux, directeurs techniques. Je suis incapable de faire ce qu’a fait l’ancien coach de Limonest chez les jeunes. Je laisse faire ceux qui ont les compétences pour faire ces choses-là et je me focalise sur mon groupe. Je suis arrivé il y a deux saisons et demi pour sauver le club tout en apprenant à le découvrir, avec ses spécificités. J’ai construit une équipe à mon image, une équipe de « moches » (sourires) comme je l’avais imaginé. Des « lâche-rien », des mecs qui ont envie de se battre… même s’il y en a qui ne sont pas contents parce qu’ils se trouvent beaux (rires).

Le club peut perdurer en National 2 ?
Oui, je pense qu’il peut. Il faut qu’il se donne les moyens de le faire. Il y a tout pour en tout cas !

Personnellement, comment tu anticipes les choses ?
Je suis resté focalisé sur la montée. Je ne me fixe pas de limites en tant qu’entraîneur. Bien sûr que j’ai envie d’entraîner plus haut. Entraîner en National 2, peut-être repartir en N3 avec un gros projet… Je ne suis pas carriériste, j’ai fait plein de choix dans ma carrière de joueur, juste parce que je pensais que c’étaient les bons. J’ai envie de prendre du plaisir comme celui que je prends cette année avec mes joueurs. Parce que ce sont mes joueurs pendant un an. Depuis le début de saison, le fil rouge de ma causerie, c’est de trouver un titre pour chaque match, comme on fait pour des chapitres différents. Ce que je retiens à 42 ans, ce sont les aventures humaines. Il n’y a que le sport qui fait ça. Je kiffe mes joueurs parce qu’on a créé quelque chose.

Comment tu imagines la suite ?
J’ai le projet de finir de passer mes diplômes. Il ne m’en manque plus qu’un (le BEPF, qui permet d’entraîner en National, L2 et L1) et je veux le passer. Par contre, ma position dans un staff, je ne la définis pas encore. Je pense que j’aurais un peu plus de mal à être adjoint par exemple. Mes qualités iraient avec un adjoint de Ligue 1, je pense que ça pourrait le faire. Je me vois plus dans un rôle de numéro 1.

Est-ce que le parcours d’un coach comme Christophe Pélissier t’inspire ?
Beaucoup, oui ! Il a vécu la même injustice avec Luzenac. Quand je me suis blessé à Saint-Etienne, je le répète, c’est quelque chose qui m’a servi. Pour découvrir le milieu amateur notamment. Quand on a fait une carrière pro et qu’on a connu le monde amateur, c’est une force. Tous les détails, l’organisation, etc. Je veux le professionnaliser à 100%. Le mercredi, je fais des pots. Les joueurs me demandaient s’ils pouvaient ramener une bière… bien sûr qu’ils peuvent. Je trouve qu’on a un truc en plus quand on vient du monde amateur. Le côté pro, c’est bien, mais le milieu amateur, c’est bien aussi.

Romain Reynaud, du tac au tac

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Meilleur souvenir sportif ?
Je pense que c’est la montée en Ligue 1 avec Arles Avignon même si je garde aussi en tête celle avec Vannes (de National en Ligue 2). Vannes, c’était plus le côté humain, l’ambiance qu’on avait au sein du groupe, quelque chose que je retrouve aujourd’hui avec mes joueurs en tant qu’entraîneur. Les deux montées, c’était quelque chose de marquant.

Pire souvenir sportif ?
Ma grave blessure à Saint-Etienne alors que je devais signer professionnel. On ne savait pas ce que j’avais, on m’a dit que c’était fini pour le haut niveau. Souvent, on me dit « tu n’as pas eu de chance à Sainté » mais finalement, c’est aussi une chance parce que cette blessure m’a construit. Elle a fait qui je suis. Je ne pense pas que j’aurais fait cette carrière sinon. Sur le moment, ça a été dur. Par contre, le souvenir le plus délicat, c’est quand Vannes a voulu arrêter avec moi alors que j’avais fait une grosse saison quand on est monté en Ligue 2. J’avais été élu meilleur joueur de National, on avait un groupe tellement génial.

As-tu marqué des buts décisifs ?
En tant que défenseur, ce n’était pas ma qualité première mais dans les années importantes, j’en ai mis quelques-uns, oui ! 4 à Arles, 3 à Vannes, 3 en Belgique aussi. Je crois que j’en ai mis une vingtaine en tout ! (sourires).

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Le poste de défenseur, c’était par rapport à mes qualités. Pourtant à mes débuts, j’ai commencé attaquant. Puis j’ai reculé, reculé (sourires). Je n’ai jamais voulu être footballeur, pro en tout cas ! J’ai suivi mon frère, mon père dans leur cursus footballistique. Je me suis pris au jeu. Saint-Etienne m’a appelé. Mon père a beaucoup hésité parce qu’il travaillait à l’usine. Les semaines où il travaillait l’après-midi, il ne pouvait pas m’amener. Et puis, au fur et à mesure, j’ai gravi les échelons. Après l’ASSE, je suis reparti en National 2 avec Schiltigheim et je n’avais pas de plan de carrière. J’ai toujours pris ça comme un plaisir, un kiffe, et mes parents étaient vachement détachés de ça.

Premier match professionnel ?
Mon premier match pro avec l’étiquette professionnelle, c’est sous les couleurs de Libourne en National. Mais pour moi, mon premier match pro, c’est sous les couleurs d’Arles-Avignon au premier tour de Coupe de la Ligue. On va à Laval et on en prend 5 (25 juillet 2009, élimination 5 à 0). Par la suite, tout le monde était persuadé qu’on allait passer une année galère en Ligue 2 mais finalement on a réussi à faire taire les détracteurs. D’ailleurs, j’ai encore le maillot qu’on avait porté ce jour-là avec le trophée de la Coupe de la Ligue sur l’épaule.

« La technique, ce n’est pas le dribble »

Un geste technique préféré ?
Pour moi, la technique, ce n’est pas le dribble. C’est la technique de passe. J’avais un très bon jeu long et pour moi, c’est ça le plus beau geste technique. Je prends énormément de plaisir à être à deux et faire des passes. Même aujourd’hui, j’emmerde beaucoup mes joueurs avec ça car il y a une différence entre une bonne passe et une très bonne passe.

Combien de cartons rouges ?
J’en ai pris 4. Le premier, je m’en souviens très bien parce que c’était avec Schiltigheim et c’est Clément Turpin, qui commençait, qui me l’avait mis; on jouait contre la réserve de l’OL sur le terrain numéro 10. A la fin, il vient me voir et me dit « Je suis obligé de vous le mettre, vous êtes dernier défenseur ». Il avait raison.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas… Je pense que j’aurais travaillé dans le social. Je suis quelqu’un qui aime les gens, l’humain. Des fois, je suis un peu outré par ce qu’il se passe dans le monde. J’ai envie d’aider.

Photo FCLDSD

Sur le terrain, joueur, tes qualités et tes défauts ?
Sur le terrain, je pense que ma qualité première, c’est que j’étais le « coéquipier idéal », je pouvais aller à la guerre pour les autres, je ne lâchais jamais rien. Mon défaut, c’était la vitesse, je n’allais pas vite mais ça m’a permis de développer d’autres choses, comme ma faculté à anticiper, à prendre l’info.

Qualités et défauts dans la vie ?
Je suis quelqu’un de gentil. Mes défauts, je suis quelqu’un de gentil aussi (sourires). Malgré le milieu dans lequel j’évolue depuis des années, je n’ai pas envie de changer. Et pourtant, j’ai vécu beaucoup de peines et de joies. Je prends à cœur les choses.
La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
A Vannes, surtout que cela coïncide avec l’arrivée de mon fils en fin de saison. On monte longtemps avant la fin du championnat, on était une bande de potes, ça se voyait sur le terrain. Souvent je l’ai dit, je souhaite à tout le monde de vivre une saison comme ça.

As-tu fait une erreur de casting dans tes choix ?
Un jour, mon meilleur ami m’a dit, quand j’avais plusieurs choix de clubs, qu’il y en avait toujours un, tu ne sais pas pourquoi, au fond de ton cœur, c’est celui-là que tu dois choisir. Donc je n’ai pas de regrets au niveau de mes choix car je n’ai jamais raisonné en termes d’argent. Le seul regret, c’est de ne pas avoir joué en Ligue 1 ici en France et de ne pas avoir accepté l’offre d’un an à Arles-Avignon. Car je pense que j’aurais joué.

« Saint-Etienne, c’est mon ADN »

Photo 13HF

Est-ce que tu as rêvé d’un club ?
A un moment donné, j’étais à un doigt de signer à Lens. Tout avait été fait, le contrat était en passe d’être signé mais c’est un changement d’entraîneur qui a fait que ça n’a pas pu se faire. Après, mon club de cœur, c’est Saint-Etienne ! J’aurais aimé jouer dans ce stade donc je ne me ferme pas à l’idée d’un jour coacher dans ce stade. Ce n’est pas un manque d’humilité, c’est ma ville, il y a quelque chose qui se dégage dans ce stade. C’est moi, mon ADN.

Un stade, un club mythique ?
Geoffrey Guichard, évidemment. Mais il y avait Manchester United et Cantona. Le Barça de la grande époque aussi.

Un coéquipier marquant ?
J’en ai plusieurs qui m’ont marqué. Il y a Kaba Diawara quand on était à Arles, il y avait une grosse différence d’âge et il m’a marqué par son investissement, l’apport qu’il nous a amené en faisant le lien entre les cultures, les différentes générations. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui. Au niveau footballistique, j’ai eu la chance de jouer en Belgique avec Leandro Trossard (Arsenal) et niveau footballistique, c’était quelque chose.

Un joueur adverse qui t’a impressionné ?
Mishy Batshuayi quand il était au Standard, il était dans un état de grâce ce jour-là et j’ai eu un peu de mal. J’ai eu de la chance de souvent jouer contre Olivier Giroud quand il était à Istres puis à Tours… et il est casse-couilles (sourires).

Un coéquipier perdu de vue ?
Il y en a plein ! J’ai souvent en appel, par messages, mes anciens coéquipiers. J’aurais bien aimé revoir Christopher Maboulou, mais il est décédé depuis… C’est un gamin que j’ai vu évoluer à Châteauroux. Il a fait ses premiers matchs en pro avec nous. C’était un jeune et il devrait être encore là.

Un dirigeant qui t’a marqué ?
Président ou directeur sportif non. J’ai toujours une relation particulière avec les bénévoles, un grand respect pour ces gens-là. Ils sont là avant nous, après nous, ils lavent notre linge. Et leur seul salaire, c’est notre sourire le jour du match. J’ai une relation encore plus particulière avec mon président de Hauts Lyonnais.

Une causerie de coach ?
Les causeries les plus exceptionnelles, c’est celles que j’ai vécues avec Michel Estevan à Arles. Je peux dire que j’ai eu la chance de le connaître. Il est différent. Tactiquement, on peut penser ce qu’on veut. Mais ses causeries, le personnage… Il allait sur des trucs… Je ne me suis jamais embêté en l’écoutant. Je ne m’attendais jamais à une causerie classique avec Michel Estevan parce qu’il était toujours là à nous surprendre. Il nous a certainement menti mais il ne « cachait » pas. Le lundi, il nous disait qu’il allait à la chasse ou jouer à la pétanque… Il allait voir les courses camarguaises aussi pendant les férias… alors qu’on était en Ligue 2 ! Aujourd’hui, tu fais ça, tu te fais scalper (rires). Je suis persuadé que l’accent du sud donne un truc en plus. Je regarde souvent les causeries de Christophe Urios, le coach de Clermont en rugby. Mais Michel Estevan, c’était fou. Il nous amenait, il nous prenait là et il nous faisait gagner 20% de notre performance dans ce qu’il nous disait. Il est inégalable à ce niveau.

Une consigne de coach jamais comprise ?
Il y a un coach en Belgique, Jacky Mathijssen, avec qui je ne me suis jamais entendu, et pourtant j’étais capitaine. Il était Flamand, il avait un côté identitaire à la Belgique, il n’aimait pas les Français et je n’ai vraiment pas passé une bonne année.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
(Rires). J’en ai plein mais j’en ai une à Arles oui. Il y a prescription mais c’est du Estevan (rires). La veille de notre dernier match en L2, qui était une finale puisqu’on était 3es, Clermont 4e et Metz 5e, il voulait « dédramatiser » l’enjeu… et il a fait venir une stripteaseuse la veille à l’hôtel (sourires). Il nous connaissait, il n y a rien eu, elle nous a juste fait un show qui n’a pas fini à poil d’ailleurs ! Mais dans ma tête, je me suis dit « Il est fou, c’est le match de la montée en Ligue 1 », là, tu te dis « Mais s’il se plante ? ». C’était « couillu » quand même (rires). Je pense qu’Estevan n’avait pas peur de se tromper et ce jour-là, il n’a pas eu peur.

Le plus connu de ton répertoire ?
Je suis en relation avec Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest et qui anime les spécifiques attaquants. Il y a Kaba (Diawara), Andre Ayew aussi…

Un stade qui t’a procuré une émotion particulière ?
J’en ai deux. Au Standard de Liège avec Courtrai. Il y a une grosse grosse ambiance. En plus, sur le premier duel, je tacle un peu leur attaquant et après ils me prennent un peu en grippe. Donc quand même, ambiance un peu particulière. La plus belle ambiance en tant que joueur, je dirais que c’est à Lens en Ligue 2. Pour la petite anecdote, à la mi-temps, ils chantent les Corons. On est rentré un peu avant et moi comme un con, je chantais (rires). Il y avait des jardiniers qui regardaient mes coéquipiers en se disant « mais il est fou votre pote ? ». Je kiffais mon moment, le stade était plein parce qu’ils avaient fait une opération place gratuite.

Des rituels, tocs, manies ?
J’en avais plein oui ! En tant que joueur, j’avais ma paire de chaussettes qui était coupée donc je mettais mon protège tibia avec le strap que j’enroulais avec mon maillot le temps de l’échauffement. Je le mettais toujours au même endroit, sous mon siège. J’ai joué longtemps pas avec le même caleçon ! (sourires)

Une devise, un dicton ?
Sur ma manière de manager, je dirais « une main de fer dans un gant de velours » parce que j’ai toujours voulu être comme ça. Dans la vie de tous les jours, je dirais « kiffe » !

Des passions en dehors du foot ?
Ouais ! On joue au padel un petit peu. Je suis un bon vivant, j’aime bien manger, les plaisirs de la vie. Mes enfants aussi, ceux de ma femme aussi. La famille.

Une couleur ?
J’aime bien le vert (sourires) !

Un animal ?
J’aime bien les chevaux. Je ne suis pas très animal de compagnie mais le cheval, je le trouve classe.

Un chiffre ?
Le 6. Il m’a toujours suivi, j’ai toujours aimé ce numéro en tant que joueur et mon premier fils est né le 6.

Une chanson ?
J’ai eu la chance de connaitre Renaud à Arles donc j’aime bien ses chansons. Actuellement, je passe beaucoup du Grand Corps Malade à mes joueurs et notamment la chanson « Ensemble », parce que c’est des valeurs que je veux leur inculquer.

Un film ?
La ligne verte.

Une ville, un pays ?
En France, on a un super pays. Grâce au foot, j’ai pu vivre dans beaucoup de régions en France. Depuis que j’ai rencontré ma femme, elle m’a fait découvrir le Portugal. Le village où on va très souvent est un des seuls endroits où j’arrive à me déconnecter complètement. Pourtant, il n’y a rien, c’est tout petit mais on s’y sent bien. Je ne pense à rien d’autre.

Un endroit ? Lyon, Saint-Etienne ?
Mon village natal, à Saint-Cyr-les-Vignes ! C’est mon village, là où j’ai grandi, je me sens bien là-bas parce que c’est la campagne. Là-bas, j’ai toujours été le petit Romain. Il y a un endroit aussi à Saint-Didier où on voit tout Lyon, c’est agréable aussi.

Tu étais un joueur plutôt…
Efficace.

Un modèle de joueur ?
J’ai adoré Puyol à Barcelone, Ramos aussi, Cannavaro… ces trois joueurs, à ce poste, je pense que ce sont les trois meilleurs. Au-delà de leurs qualités de joueurs, c’est leur caractère.

Une idole de jeunesse ?
Cantona.

Match de légende ?
Il y a la Remontada de Barcelone contre Paris et Liverpool contre Milan en finale de la Ligue des Champions. En tant que français, la première finale de Coupe du monde en 98. Je me souviens où j’étais, avec qui j’ai regardé ce match… j’avais eu la chance de voir Marseille en finale de Ligue des champions en 1993.

Ta plus grande fierté ?
Mes enfants forcément. Dans le foot, c’est d’avoir relancé et fait évoluer des joueurs, de les avoir pris à un niveau et de les avoir accompagner psychologiquement et mentalement, de voir où ils en sont aujourd’hui. Quand on a la chance de prendre un joueur et de voir qu’on lui a permis d’en arriver « là »…

  • Texte : Joël PENET
  • Photos : 13heuresfoot et FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier
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Des trois clubs promus en National, seul le FC Fleury 91 n’a jamais connu cet échelon, qui sera amené à être remplacé par une Ligue 3 en 2026. Pour Le Puy Foot et le Stade Briochin, descendus ensemble en N2 en 2023, victimes de la réforme, ce retour s’accompagne de belles promesses.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Photos 13HF (sauf mentions spéciales)

C’est comme si les trois clubs s’étaient donné le mot. Comme s’ils avaient décidé de la date et de l’heure de la célébration. Celle de l’accession en National. Rendez-vous samedi 3 mai à 20 heures ! Pour le FC Fleury 91, la montée était tout de même un peu plus attendue que pour Le Puy Foot 43 et le Stade Briochin, les trois heureux élus pour le National 2025-2026. Avec 9 points d’avance sur son dauphin, le FC 93 Bobigny, et encore 9 points à distribuer, il ne fallait pas être un grand mathématicien pour comprendre que ça allait le faire pour les joueurs de David Vignes, impressionnants de régularité tout au long de la saison. On fait le point sur les trois promus en National !

Fleury au paradis !

Samedi soir, à Fleury, dans le petit stade Walter-Felder, champêtre et convivial, un peu plus d’un millier de supporters s’étaient rassemblés, dans la tribune et autour de la main courante, pour assister au sacre tant attendu des joueurs de Pascal Bovis, l’emblématique président du club.

À défaut de gâteau (le spectacle et la victoire), ils ont eu la cerise (l’accession) ! Les coéquipiers de Clément Badin sont passés au travers de leur match, perdu 2-1 face à Feignies-Aulnoye, mais le résultat est ailleurs : la défaite de Bobigny à Beauvais (3-2) a suffi au bonheur de tout un peuple rouge et noir, les couleurs préférés du président, fan du Milan AC et de l’OGC Nice.

David Vignes, 7 ans après !

David Vignes, le coach, va retrouver le National, qu’il avait quitté à Pau en 2018. Photo FCF91

Après une poignée de main un peu tendue avec Krzysztof Ziecik, son homologue de Feignies, David Vignes, le coach de Fleury, a ensuite fait comme tout le monde : il est resté debout, devant son banc de touche, encore un peu agacé par la défaite. Et puis il a suivi l’évolution du score à Beauvais. « Ils ne vont quand même pas marquer deux buts à la 96e et la 98e » a lancé un supporter au sujet de Bobigny, qui venait juste de réduire la marque à la 90e (3-2).

Et puis, la nouvelle est tombée. Beauvais a battu « Boboche ». Et David Vignes a étreint son staff, enlacé ses joueurs et son président. Il a savouré son bonheur. Et mesuré le chemin parcouru. Automatiquement reconduit en cas de montée, Vignes le Bayonnais (c’est sans doute pour cela que l’on a eu droit à l’hymne de l’Aviron Bayonnais pendant l’échauffement avant le match !), mais Palois d’adoption, va donc retrouver ce championnat National qu’il avait déjà connu deux fois avec son club de coeur, le Pau FC, à la fin des années 2000 et dans les années 2010.

Son dernier passage à ce niveau, lors de la saison 2017-2018, deux ans après avoir fait remonter le club, reste un souvenir douloureux. A l’époque, malgré l’assurance de son président, Bernard Laporte-Frey, de repartir pour un tour, ce dernier avait finalement changé d’avis. Et décidé de ne pas conserver l’enfant du club. Une cicatrice jamais vraiment refermée même si le temps a fait son oeuvre, et que d’autres clubs ont depuis garni son CV, Bergerac (N2), Bruges (D1 Belge, adjoint) et Mandel United (N1 Belge). Rien n’a jamais été simple pour ce tacticien qui entend croquer à fond dans le National l’an prochain, le dernier sous son format actuel avant le lancement de la Ligue 3 en 2026.

Bovis : « Je préfère le scénario de cette saison ! »

Pascal Bovis, un président discret et heureux.

Croquer dans la pomme, Pascal Bovis, le président, entend lui aussi le faire, mais pas seulement : « On ne monte pas pour redescendre dans un an, prévient-il. » Pour ce chef d’entreprise passionné, respecté et écouté, l’attente a également pu sembler longue – l’accession est passée sous le nez lors des trois dernières saisons – mais elle n’est rien à côté des 36 années de présidence au club : « On n’est pas monté l’an passé mais en même temps, c’est peut-être mieux de ne pas arriver comme ça, en National… Je préfère sincèrement le scénario de cette saison. »

Casquette visée sur le crâne et t-shirt à l’effigie du club, Pascal Bovis est resté un long moment sur la pelouse, un peu en retrait, au milieu de la foule, comme pour mieux savourer cet instant magique. L’homme, discret, n’est pas du genre à se mettre en avant. Puis il a été sommé par le speaker de monter sur le podium pour rejoindre les joueurs et le staff, alors il s’est exécuté.

Aujourd’hui, le patron du groupe éponyme, une boîte familiale fondée par son père en 1977, spécialisée dans les transferts et déménagements industriels ainsi que la manutention lourde, mesure le chemin parcouru. Son club entre dans le grand monde : « Quand je suis arrivé, le club était au plus bas niveau. En 4e division de District. Et à l’époque, il y avait aussi la Promotion de 3e division, puis la 3e division de District, puis le Promotion de 2e division, etc ! Cela doit faire 15 montées je crois ! On a une histoire qui ressemble un peu à celle de Chambly ». Elle lui ressemble tellement d’ailleurs que même le petit stade Felder, au complexe sportif Auguste-Gentelet, ressemble à l’ancien stade des Marais du FCCO (en un peu mieux !), celui qui a laissé place au nouveau (et très envié) stade Walter-Luzi.

Au stade Bobin, à Bondoufle, l’an prochain ?

Le Stade Walter-Felder était bien rempli pour le match de la montée.

Bien sûr, il reste encore deux journées de championnat (à Bobigny le 10 mai et contre Haguenau le 17 mai) pour décrocher le titre de champion de N2, mais les dirigeants peuvent déjà se pencher sur le prochain exercice qui n’aura rien à voir tant le fossé est énorme entre le National (10 clubs professionnels sur 17 cette saison) et le National 2.

Et les chantiers sont nombreux, on pense au budget – « On aura le plus petit budget de National » et au stade : « Les dirigeants résonnent dans le temps long, les joueurs, eux, sont dans le présent, et c’est normal, poursuit Bovis, qui avoue n’avoir jamais douté cette saison, « hormis aujourd’hui (samedi face à Feignies). Même quand on a perdu contre Bobigny chez nous en janvier, je n’étais pas inquiet, parce que ce match-là, on méritait de le gagner. Bobigny, c’est costaud aussi, mais on avait un effectif peut-être plus important, et peut-être plus de sérénité aussi. On a été très réguliers ».

La mascotte du FC Fleury 91.

Quid du stade Felder ? Bovis : « Là, en National, on rentre dans la cour des grands, ça n’a plus rien à voir. On va affronter des clubs qui, pour certains, ont des stades de Ligue 1 ou de Ligue 2, avec un public, une organisation autour, une structure, des infrastructures… Donc il faut aller vite, il faut qu’on s’y mette aussi ! Le challenge sera compliqué, mais la finalité, pour nous, c’est d’être en Ligue 3 dans un an. Pour le stade, on va discuter, rien n’est défini. Normalement, la saison prochaine, on jouera au stade Bobin, à Bondoufle, comme les filles (D1 Arkema), dans une enceinte de 17 00 places. Quand on affronte Sochaux ou d’autres équipes de ce standing, je pense qu’il est préférable de les recevoir dans ce type de stade. Et puis je n’ai pas envie que l’on soit trimballé à gauche et à droite. Ici, à Felder, c’est très familial, très convivial, mais ce n’est pas du niveau du National d’aujourd’hui, et ça, tout le monde en a bien conscience, le maire en premier lieu. On est un peu comme Chambly à l’époque, sauf que pour eux, le nouveau stade est arrivé trop tard. Fleury est un club bien organisé, structuré, avec des féminines en D1 Arkema, donc on a déjà une certaine expérience du haut niveau. Simplement, maintenant, il faut regarder les infrastructures. »

« Grand Paris Sports », nouvelle appellation ?

Dans les vestiaires, avec les joueurs, le président et le coach.

Autre sujet à l’étude, le nom du club, qui pourrait changer. « Il va falloir en discuter. Soit on va vers le Département et à terme, on devient le « Grand Paris Sports », soit la ville met les moyens… Mon idée, c’est de pérenniser le club au delà de ma simple personne. Pour perdurer, il lui faut de l’immobilier, c’est la base, il faut que l’on travaille là-dessus sur les trois prochaines années, cela va au-delà du sportif. Il faut un hôtel à côté du stade par exemple. Et puis, je n’oublie pas que l’on a beaucoup de jeunes qui sortent de chez nous : contre Feignies, c’est Kyliane Dong (Troyes), un jeune de chez nous, qui a donné le coup d’envoi : il va partir au FC Augsbourg en Bundesliga et on n’a même pas touché 5000 euros pour ce gamin, ce n’est pas normal. »

« Avant, on était les Prisonniers »

Pascal Bovis ne boude pas non plus son plaisir de voir l’image de son club transformée : « Il faut garder notre esprit de famille. On a quand même réussi un sacré tour de force, parce que je n’oublie pas que quand on jouait dans les petites divisions, on était « les prisonniers » (en référence à la prison de Fleuy-Mérogis). On a « changé » le nom de la ville et là, on lui a donné une image et une connotation positives, ainsi qu’à l’agglo, et ça, ça vaut cher quand même. Ici, c’est avec la sueur que tout a été fait. Tout a été construit à la force du poignet, à l’image des locaux derrière le stade Felder (il nous montre le club house et les bureaux administratifs, à côté du terrain d’entraînement des féminines). On n’est pas un club de vedettes, contrairement à ce que l’on pense. » Pourtant, le FC Fleury 91 traîne aussi cette image de club « qui a les moyens » : « On met les moyens comme il faut, il ne faut pas oublier qu’on a les filles en D1, rectifie Bovis ».

Salah Madjoub : « C’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer »

Sur le plan sportif, le FC Fleury a fait preuve d’une grande régularité tout au long de la saison : aucune défaite jusqu’à la trêve de Noël, une seule défaite en déplacement, à Feignies-Aulnoye, bête noire des Floriacumois (défaite à l’aller et au retour), une solidité reconnue, notamment en défense, que même les 4 buts encaissés lors des deux derniers matchs ne peuvent effacer (3e meilleure défense des trois poules), un bilan de 59 points en 28 matchs (meilleur total des trois poules avec Le Puy Foot), bref, c’était, de l’avis de tous, l’année ou jamais pour Fleury !

Salah Madjoub, le conseiller auprès du président, et Enzo Bovis, l’un des joueurs du FC Fleury.

Pour Salah Madjoub, arrivé l’été dernier comme « conseiller auprès du président », passé par … Chambly, la montée en National est « un aboutissement » : « Je suis vraiment content pour Pascal Bovis. Cela fait tellement longtemps que le président se bat pour atteindre le troisième niveau national… C’est important pour lui et pour le club qui continue de grandir, de se construire, témoigne celui qui avait déjà passé 6 ans au club entre 2011 et 2017 – « J’étais entraîneur adjoint, on avait notamment fait la montée de N3 en N2 avec le coach Bernard Bouger » – et qui connaissait forcément très bien le contexte. « Le staff et les joueurs ont fait un boulot extraordinaire. Maintenant, c’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer (sourire) ! Voilà, on sait que le National, ce n’est pas la même chose : à nous de nous mettre au niveau et de faire en sorte que ça marche. On sera prêt, surtout quand on a un capitaine d’industrie comme on a avec Pascal Bovis, je n’ai pas de doute. »

L’expérience du Stade Briochin

Visuel Stade Briochin

Pour le Stade Briochin, l’accession était moins attendue : l’US Saint-Malo avait caracolé en tête de son championnat jusqu’à Noël avant que les Girondins de Bordeaux ne montrent les crocs en début d’année. Et puis… Les Griffons, revenus de nulle part, enfin, pas tout à fait quand même, ont su surfer sur leur campagne de coupe de France (éliminés en 1/4 de finale face au PSG), dans un stade Fred-Aubert à moitié rénové mais sur une pelouse en mauvais état. Ils ont aligné 11 succès de rang (mieux que Le Puy Foot et ses 10 succès de rang !), série en cours. Qui pouvait suivre ce rythme infernal ? Tout simplement personne. « On a performé en première partie de saison, il faudra sur-performer lors de la deuxième partie » avait prédit ici même, à Noël, Gwen Corbin, le coach de Saint-Malo.

Fleury, un exemple pour Saint-Malo

Guilaume Allanou va rempiler sur le banc du Stade Briochin. Photo Stade Briochin

Mais c’est Saint-Brieuc, avec son président – entraîneur – directeur sportif – partenaire – chef d’entreprise (et accessoirement père de famille !), Guillaume Allanou, et son équipe sereine, très expérimentée, notamment derrière (L’Hostis, Angoua, Kerbrat, Le Marer, Diakhité, Boudin), qui a sur-performé et profité d’une fragilité soudaine et, peut-être, d’une inexpérience côté malouin. Et aussi de la chute vertigineuse des Girondins où, il faut le reconnaître, il fallait être sacrément costauds pour supporter la pression et faire fi de tous les soucis extras-sportifs.

Bien sûr, Les Herbiers, La Roche-sur-Yon et Bourges ont animé cette deuxième partie de saison mais ils partaient de trop loin. Après avoir annoncé en cours de saison son retrait, Guillaume Allanou, récemment admis au BEPF pour l’année 2025-2026, va finalement rempiler. Ce qui ne sera pas le cas de Christophe Kerbrat (38 ans), absent depuis le match de coupe face au PSG (hernie discale) : l’emblématique défenseur met un terme à sa riche carrière.

Aujourd’hui, on se met à la place de l’US Saint-Malo : en Ile-et-Vilaine, la déception doit être à la hauteur des immenses espoirs de montée suscités par cette première partie de saison parfaite. Mais l’USSM peut s’inspirer de l’exemple de Fleury, 1er ex aequo en 2024 (mais devancé au goal average direct pour la montée par Paris 13 Atlético), 1er ex aequo en 2023 (devancé au goal average direct par Epinal) et 2e en 2022. Tout vient donc à point…

Le Puy éteint Cannes

La joie des Ponots après leur victoire à GOAL FC samedi dernier, qui les propulse en National. Photo Sébastien Ricou / LPF 43

Pour Le Puy Foot, alors là… Chapeau ! Sans doute plombé la saison passée par leur campagne de coupe de France (1/4 de finaliste face à Rennes) et finalement devancé sur le fil par Aubagne dans la course à la montée, le club du président Christophe Gauthier, quand bien même il a dû repartir d’une page au 3/4 blanche durant l’été, avec un effectif très rajeuni, est resté fidèle à ses principes de jeu – et là il faut saluer le travail du coach Stéphane Dief – et sur ses idées de recrutement. Et là, en matière de recrutement, le mérite en revient à Olivier Miannay, dont l’énorme réseau en National, en N2 et même en N3, a encore servi les intérêts du club.

Stéphane Dief – Olivier Miannay, les artisans

Stéphane Dief. Photo Sébastien Ricou / LPF43

Le chef étoilé, qui a déjà vécu deux accessions en National avec Le Puy sous l’ère Roland Vieira (2019 et 2022), connaît la recette. Les ingrédients ? Un peu d’expérience (Lebeau, Ben Fredj), du flair, le tout agrémenté de joueurs dénichés à l’étage du dessous – Adinany (Raon-l’Etape) l’an passé, Ghemo (Agde), Sakho (réserve de Montpellier) cette saison – ou dans des clubs un peu moins « réputés » de N2, venus se faire un nom en Haute-Loire (Adelaïde de Jura Sud), Diebold de Haguenau, Soualhia d’Avoine, Bouleghcha de Wasquehal, etc.).

Et c’est au plus fort de la tempête, quand il y a eu ce nom-match en 16e de finale de la coupe de France à Dives-Cabourg (élimination 1 à 0), cette grave blessure de l’avant-centre Marvin Adelaïde (compensé en partie par le retour de Mohamed Ben Fredj) et le départ à Montpellier de Nicolas Pays, que les Ponots se sont recentrés sur l’essentiel : le groupe, l’objectif et le jeu. Onze victoires (dont dix d’affilée) et un nul ont fini de mettre tout le monde d’accord, même l’AS Cannes, son plus gros concurrent, dont le creux du mois de mars (deux défaites consécutives à Hyères et contre Angoulême) a été fatal.
Les Cannois, partis d’un peu loin cette saison, auront de plus grandes ambitions encore la saison prochaine mais risquent de ne pas être les seuls si les rumeurs de l’arrivée des Girondins de Bordeaux dans leur poule se confirme, sous réserve bien sûr du passage devant la DNCG. L’été pourrait bien réserver quelques quelques surprises.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
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Le président du DFCO – depuis juillet 2024 – est un personnage atypique, qui entend faire passer ses idées, atteindre ses objectifs économiques et sportifs, et réaliser ses rêves. Il veut aussi que le stade Gaston-Gérard soit un lieu de cohésion sociale où l’on vient vivre des émotions.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)

Pierre-Henri DEBALLON

Deux heures trente. C’est le temps passé par Pierre-Henri Deballon, le président de Dijon, dans l’émission du Dijon show, le médias des supporters du DFCO, la veille au soir de notre interview en visio ! Parfait pour peaufiner nos questions !

Tout l’enjeu de cet entretien chez nous avec le chef d’entreprise de 42 ans (il les a fêtés le 15 avril), propriétaire du club depuis le 2 juillet dernier, était donc de ne pas lui faire redire la même chose !

Volontairement, nous ne sommes pas allés sur des terrains que « PHDB » a cent fois évoqués : le plan d’austérité avec le licenciement économique de 50 % du personnel administratif, le rachat du centre de formation (par Dijon Métropole) et son avenir, les féminines, les finances (18 millions d’euros de dettes à son arrivée et une perte sèche de 7 millions par saison), la vente de Cyriaque Irié (Troyes) et Rayane Messi l’été dernier (Strasbourg) pour 5 millions s’il vous plaît, la baisse de la masse salariale (de 2 millions à 1,3), tout ça a déjà été dit et écrit. Nous avons préféré l’emmener sur d’autres terrains. Comme ceux de handball par exemple. Le sport qu’il a pratiqué (au poste de gardien), jusqu’en Pro Ligue (D2) à Villepinte.

Encore en course pour les barrages

Pierre-Henri DEBALLON

Pour sa première année de présidence à Dijon, le cofondateur de Weezevent, une start-up internationale lancée en avril 2008 (avec Sébastien Tonglet) – Weezevent est spécialisée dans la billetterie informatisée et destinée aux organisateurs d’événements – , a été gâté.

À vrai dire, c’est même lui qui, parfois, au détour d’une réponse, s’est aventuré sur ces chemins plus tortueux, avec, toujours en toile de fond, les finances et la réalité économique. Car le but était avant tout de faire découvrir un nouveau personnage central de ce championnat National où les têtes pensantes passent, mais où les problématiques restent.

Pendant près d’une heure, quatre jours après la qualification historique des jeunes dijonnais en finale de  la coupe Gambardella, Pierre Henri Deballon, souriant, décontracté, bavard et ouvert, s’est livré.

Le lendemain, le DFCO a remporté le derby à Sochaux (2-1). Une victoire qui, à trois journées de la fin, permet à Dijon de revenir à 6 longueurs de la 3e place, celle de barragiste pour l’accession en Ligue 2, occupée par l’US Boulogne Côte d’Opale.

L’espoir de disputer une confrontation aller-retour contre le 18e de Ligue 2 BKT (Martigues ou Clermont) est bien réel. Mais cette éventualité ne sera possible que si les joueurs de Baptiste Ridira s’imposent chez la lanterne rouge, Châteauroux, ce vendredi, et, surtout, s’ils battent Boulogne à Gaston-Gérard le 9 mai, avant, pourquoi pas, de disputer une « finale » à distance lors de la dernière journée, à Bourg-en-Bresse, le 16 mai !

Ce scénario fou fait rêver, bien sûr. Ça tombe bien, le rêve et les émotions, c’est vraiment ce qui anime Pierre-Henre Deballon.

Interview : « C’est ma madeleine de Proust ! »

Paul FAUVEL (DG), Baptiste RIDIRA (entraîneur de l’équipe de National) et Pierre-Henri DEBALLON lors du match Le Mans – DFCO

C’est rare qu’un président se livre autant, pendant 2h30, avec autant de franchise et de transparence, comme vous l’avez fait dans Le Dijon Show… C’était un besoin, une volonté, une nécessité d’éclaircir certaines choses ?
Il y a de tout cela. C’est mon caractère d’être très honnête. J’aime dire les choses. Et ça m’a fait du bien de le dire. C’est aussi une chance qu’on vous donne du temps pour vous exprimer et quand c’est le cas, généralement, je ne fais pas de langue de bois. La transparence permet de comprendre d’où je pars dans ma réflexion, où je veux aller et comment je veux faire les choses.

Avec Weezevent, j’ai la même approche : quand j’étais interviewé, je donnais mes chiffres, et les gens me disaient, « Mais pourquoi tu dévoiles tout ? ». Pareil quand quelqu’un a une idée, il n’ose pas me le dire, parce qu’il a peur que je lui pique, mais j’ai envie de lui dire, « Attendez, je ne vais rien vous piquer, je suis suffisamment occuper comme ça ! ». Et quand bien même je lui piquerais l’idée, ce n’est pas ça qui est important mais sa mise en oeuvre.

Pendant l’émission du Dijon show, j’ai fait des constats de situations : je serai jugé sur ma capacité à les résoudre et à en faire des forces. Alors oui, il y avait une partie de thérapie un peu, parce que ça m’a permis de dire que je ne trouvais pas juste certains jugements, comme sur les féminines. Certains sont toujours dans le négativisme. Parfois c’est dur. Il y a même des commentaires qui sont de nature complotistes, mais pas complotistes comme on l’entend. Tout le monde a son avis. J’aimerais que les gens prennent un peu de hauteur.

« On est un beau club formateur »

La joie d’Alexandre PARSEMAIN lors de DFCO-Villefranche en National.

Votre meilleur souvenir depuis que vous êtes à la tête du club, c’est lequel ?
La qualification en finale de la Gambardella de nos jeunes (le 20 avril dernier).

C’est vrai que c’est une vitrine exceptionnelle pour le DFCO, une belle mise en valeur du travail de formation…
Complètement. On voit tout le boulot qui a été fait par tous les éducateurs avant mon arrivée et depuis mon arrivée. Moi, je surfe sur ce qui a été fait; ça envoie beaucoup de positivité dans le club et ça montre qu’on est un beau club formateur : d’ailleurs, beaucoup de joueurs en sont sortis récemment, je pense à Cyriaque Irié qui va signer en Allemagne (à Fribourg), Jules Stawiecki, parti à Monaco, qui est un gardien extrêmement prometteur, Rayane Messi à Strasbourg, c’est une excellente pub pour notre formation dijonnaise.

La joie après DFCO Villefranche

Il faut dire aussi qu’on a un outil de travail assez extraordinaire, avec sans doute un des plus beaux centre d’entraînement en France en termes d’équipements, d’infrastructures, de qualités des prestations; tout ça, ce sont des investissements lourds, qui pèsent encore beaucoup aujourd’hui sur les comptes du club mais on en voit les résultats, ça paie.

Être en finale de la coupe Gambardella, cela veut dire quelque chose. C’est une catégorie particulière parce que c’est le « mix » de deux équipes. Et puis j’ai noté une belle entente entre nos formateurs : on a promu un entraîneur adjoint (Mario Savarino, habituel adjoint de Sébastien Perrin en U19 Nationaux) à la tête de cette Gambardella, pour cette campagne exceptionnelle, et j’ai vu contre Nantes en demi-finale un vrai potentiel, avec des joueurs suivis par d’autres clubs. Pour certains, on travaille avec eux sur des projets sportifs, qui peuvent déboucher sur des réussites économiques, en connexion avec l’équipe première, dont on attendra beaucoup l’an prochain, parce qu’on a un enjeu économique pour monter.

Cette demi-finale de Gambardella, vous avez bien failli la perdre…
Oui, j’ai cru ça, parce que Nantes a eu le penalty de la qualification au bout du pied, et puis c’est la magie du football, il rate son tir, on marque le nôtre et on fait un arrêt… C’était un moment émouvant parce que ça fait un an, un an et demi même, que je bosse énormément sur le projet DFCO, déjà avant le rachat, et je le fais pour me créer des émotions et pour en créer aux autres. Là, on a eu les émotions les plus fortes. C’était un petit pincement de bonheur au coeur !

« Mais qu’est-ce que je fous là ? »

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Vous avez parlé d’émotion : c’est vraiment votre plus belle depuis votre arrivée ?
Oui, c’était un moment fort, parce qu’il y a eu beaucoup de moments difficiles. Je le répète souvent, mais quand je suis arrivé au DFCO, le président du Mans, Thierry Gomez, m’a dit « Bienvenue chez les fous ! », il ne s’est pas trompé. Un président est exposé. Tout ce qu’il fait est jugé. C’est ça qui est difficile aussi. Alors que les gens n’ont pas forcément les tenants et les aboutissants. On fait de gros sacrifices personnels, vie de famille, copains, l’argent investi…

J’aurais pu acheter une villa secondaire pour profiter de la Corse ou de la beauté de Nice (sourires), alors quand en plus de ça, vous recevez des critiques acerbes, dont certaines sont parfois justifiées, parce que des choix n’ont pas été bons, eh bien par moments, on se pose la question, « Mais qu’est-ce que je fous là ? ». Et puis, il y a des moments comme ça, où ça gagne, comme là, en Gambardella.

On a aussi besoin d’envoyer des signaux aux partenaires. Nos filles se sont qualifiées pour les play-off de la D1 Arkema, c’est formidable. Alors, bien sûr, cela aurait été parfait si on avait vraiment été dans le wagon de la montée avec l’équipe de National, on l’est quand même encore un tout petit peu, on va jouer notre chance crânement, mais on sait que ce sera complexe.

« Mon avis de footix est le suivant… »

Vous qui avez joué au handball, l’émotion était-elle différente ?
J’ai joué en Pro Ligue (Division 2), à Villepinte. Ma semaine était rythmée par les entraînements avec cette adrénaline qui monte crescendo jusqu’au match…

Très honnêtement, d’avoir retrouvé un vestiaire, même si je ne suis pas joueur mais un tout petit acteur, d’écouter les discours du coach, de voir les joueurs se préparer, d’être dans cette ambiance, c’est ma madeleine de Proust que je suis venu m’acheter. C’est un plaisir que je trouve agréable, j’ai le sentiment de faire partie d’un collectif.

On dit que les gardiens sont … différents, fous, originaux, qu’ils ont ce côté kamikaze. Vous confirmez ?
Il y a un vrai lien. Il y a une congrégation des gardiens de buts au handball. On a du respect entre nous. Effectivement, on est un peu à part et on se considère comme tel. Je fais souvent ce parallèle avec l’entreprise : le chef d’entreprise et le gardien de but, c’est un peu pareil, parce que vous êtes dans un collectif, vous êtes un maillon essentiel, vous ne pouvez pas vous cacher et en même temps, vous êtes très seul. Le chef d’entreprise a beaucoup de responsabilités. Quand vos équipes ont envie de faire la fête, vous n’êtes pas invité et c’est bien normal, donc il y a cette forme d’isolement, parce que vous ne pouvez pas non plus être leur copain. Vous êtes un élément à part.

Le gardien de but, c’est pareil. Il y a cette notion de courage, d’exposition. Vous ne pouvez pas vous cacher, et au handball encore moins parce que vous avez des tirs toutes les deux minutes. Le jour où vous n’êtes pas en forme, c’est plus dur que pour un joueur de champ qui va peut-être faire moins d’efforts, moins tirer, moins prendre de risques, jouer plus la sécurité. Pour la petite histoire, Baptiste Ridira, notre coach de National, est un ancien gardien de but, et Paul Fauvel, notre directeur général, est aussi un ancien gardien de but. Ce trident que l’on a constitué à Dijon est uni par ça aussi, même si eux, c’était le foot. On dit souvent du gardien qu’il est fou, mais au fond, je pense que l’on se fait moins mal en étant gardien de but de handball que joueur de rugby dans certaines situations. D’ailleurs si vous mettez un joueur de rugby dans une cage de hand, il aura une peur bleue, et inversement si vous me mettez sur un terrain de rugby, j’aurai une peur bleue.

Du coup, vous avez un avis sur le poste de gardien au foot ? D’ailleurs, donnez-vous votre avis sur l’équipe, au coach par exemple ?
Le poste de gardien de but est un poste que j’affectionne particulièrement, alors oui, je me permets d’avoir des avis dessus. J’ai aussi des avis sur tous les autres postes, mais je le dis tout le temps en disant « Mon avis de « footix » est le suivant »… Parce que je n’ai aucune prétention sur mes connaissance footballistiques, ni l’expertise suffisante pour juger de la technicité du gardien de foot.

En revanche, il y a quelques chose d’assez commun avec le gardien de hand, c’est sa psychologie, ce qu’il dégage. Récemment, on parlait de notre gardien de la Gambardella, Ilan Marie-Rose, avec Franck Raviot, l’entraîneur des gardiens des équipes de France de foot : il trouvait qu’il dégageait quelque chose, qu’il apportait dans le jeu. Il était assez élogieux sur la « présence » qu’avait eu Ilan pour l’équipe. Bien sûr, dit comme ça, cela veut tout dire et rien dire, mais quand on est gardien, on sait ce que cela veut dire. Ce côté kamikaze, d’aller au devant du danger, on le retrouve aussi au foot.

« J’ai un regard plus pertinent sur les gardiens »

Existe-t-il un parallèle « technique » entre gardien de but au hand et au foot ?
Un petit peu. Sur les parades de près surtout. Au foot, on fait beaucoup d’arrêts avec les mains, et sur les parades de près, un peu plus avec les jambes, en utilisant l’extension, la souplesse, en comblant les angles, comme au hand. Des gardiens de foot pourraient faire de bons gardiens de hand, et inversement. J’ai fait un peu d' »urban », avec des cages de hand, donc c’est plus facile, mais j’avais les réflexes, la capacité à me concentrer, à deviner les trajectoires, à anticiper, à boucher l’angle, à aller au devant du ballon, on retrouve les mêmes bases.

Baptiste RIDIRA lors de Rouen DFCO

Quand vous regardez du foot, en particulier les matchs du DFCO, votre attention est-elle plus focalisée sur le gardien que sur les dix autres joueurs ?
Je regarde les 11 mais effectivement j’ai un regard plus pertinent sur les gardiens. Par exemple, récemment, on a reçu Villefranche (2-0), et en National, on n’a rarement un deuxième gardien sur le banc. Là, le gardien adverse se blesse sur une action. Il boîte bas. J’ai dit après coup aux joueurs, « Quand c’est comme ça, faites des tirs de loin ». J’ai en tête ce but encaissé par Hugo Lloris en finale de l’Euro contre le Portugal, eh bien juste avant, il se blesse. Il n’a pas les mêmes appuis. Et peut-être que cette frappe, même si elle est bien cadrée, même si elle part fort, avec un Lloris dans de meilleures conditions, elle ne passe jamais.

J’ai été étonné qu’on ne teste pas plus la frappe de loin contre Villefranche, de la même manière que je suis étonné qu’on ne la teste pas plus en début de match, parce que regardez bien la toute première prise de balle du gardien, que cela soit au pied ou à la main, elle le rassure, et petit à petit, son niveau de confiance va monter au fil du match. Mais tant qu’il n’y a pas eu cette première prise, il ne sait pas s’il est dans un grand jour ou un mauvais jour. Il faut profiter de ça. Ce sont des petites astuces. Pareil sur un penalty : là, vous avez zéro pression, sauf si c’est un penalty qui vous fait perdre la finale de la Gambardella ! Mais sinon, vous avez zéro pression. C’est très psychologique. Au handball, ça l’est peut-être encore plus, car il y a beaucoup de tirs. L’emprise peut se faire encore plus. Ilan (Marie-Rose), en demi-finale, fait deux arrêts sur sa ligne, et puis il y a un de ses coéquipiers qui vient enlever un ballon sur sa ligne, là, dans ma tête, je me suis dit « Tiens, Nantes a raté le coche, c’est un signe ».

Vous regardiez vos statistiques quand vous étiez gardien de handball ?
Bien sûr ! J’étais un obsédé de statistiques. Mais il y en avait moins à l’époque, c’était plutôt moi qui me faisais mes propres « stats ». Après les matchs, je faisais des fiches sur les joueurs adverses pour me souvenir de la manière dont ils tiraient, leurs courses, comment ils se positionnaient, l’endroit où ils tiraient leur penaltys, etc. Parfois, j’étais content de ma prestation alors que mon équipe avait perdu, ce qui n’est pas toujours très sain, et à l’inverse, on pouvait avoir gagné un match et être déçu de sa prestation individuelle.

Une séance de tirs au but au foot, pour vous, ce n’est donc absolument pas de la loterie…
C’est beaucoup de psychologie.

« Je passais pour le grand méchant loup »

Avec Laurent WEBER, entraineur des gardiens de la Gambardella.

Pire souvenir depuis votre prise de présidence ?
Quand j’ai donné un interview dans Les Échos et que j’ai évoqué la situation du club. Ce qu’il en est ressorti, c’est « Le président veut arrêter l’équipe féminine », j’ai trouvé ça dur. J’avais eu l’honnêteté d’évoquer toutes les pistes, celles-là en était une, mais elle était infinitésimale, parce que ce n’est pas du tout le scénario vers lequel je m’oriente. C’est la dernière des solutions. C’est comme quand un médecin a essayé tous les traitements et décide d’amputer. Non. Cela avait été désagréable.

Il y avait aussi le sujet de la formation…
Oui, se posait la question aussi de la formation, il y avait une grosse pression politique. La Métropole venait de racheter les bâtiments du centre de formation et se disait « Non mais attendez, on a racheté le bâtiment, et ils veulent arrêter la formation, ils vont arrêter les féminines… », et comme je venais de faire des licenciements économiques, je passais pour le grand méchant loup. Ce que je faisais, ce n’était pas rigolo, mais je suis convaincu encore aujourd’hui que c’était la seule et unique voie de salut pour permettre au club de retrouver une forme de sérénité économique, essentielle pour bien travailler et se projeter dans l’avenir.

« J’ai envie de regarder les matchs debout ! »

Quel autre club que le DFCO rêveriez-vous de présider ?
(Rires) Les clubs que j’aime, ce sont ceux qui ont des communautés de supporters extraordinaires. L’OM, Lens, le Red Star, Liverpool, on sent que cela va au-delà du sport, que c’est une religion. C’est pour ça que je souhaite créer au DFCO un supportérisme actif.

C’est vrai que, pour être venu à Dijon cette saison, j’avais trouvé le public…
Vous étiez là pour quel match ?

Dijon-Bourg-en-Bresse, premier match à domicile !
(Rires) Ah oui ! On avait mal commencé (0-1) ! Allez, au bout de quinze minutes de présidence, carton rouge !

Photo 13HF

Le stade est magnifique, à taille humaine, mais le public un peu … « plan-plan », l’ambiance feutrée, bon enfant…
Très plan-plan. On le sait. On est d’accord. Ça ne pue pas encore le foot. Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. Le foot n’a pas été le premier sport à Dijon, où c’est plutôt le handball et le basket. Il faut arriver à créer ça et c’est tout l’enjeu, mais cela ne se décrète pas, on n’achète pas une grosse ambiance. Mais on veut la constituer.

L’an prochain, pour faire venir de jeunes supporters, on mettra en place une tribune « famille ». J’essaie d’être dans un dialogue le plus souvent possible avec nos groupes d’Ultras, parce que ce sont eux qui mettent l’ambiance, la passion et la ferveur, parfois, il faut aussi les recadrer car ils font des choses que je n’aime pas. Et je leur dis. Je me souviens que, pour ma première victoire de président, contre Paris 13 Atlético (journée 4), on menait 2 à 0, il restait 5 minutes à jouer, normalement, là, c’est gagné. J’ai couru, je suis descendu de la tribune, tout seul, pour rejoindre les Ultras et fêter ça ensemble. J’avais envie d’être avec eux, au coeur du truc. C’est ça qui me plaît, ces émotions. Je fais un projet dans lequel je veux embarquer les gens. Pour ça, je ne me mets pas dans une loge vitrée, fermée, en buvant du champagne.

J’ai envie de regarder les matchs debout. La pire de mes tortures, c’est quand je suis à l’extérieur, et que très gentiment, le président adverse m’invite à m’asseoir à côté de lui pour regarder le match, comme je l’ai fait au Mans avec Thierry (Gomez), que j’aime beaucoup en plus ! J’ai envie d’être debout, de pouvoir râler, de faire des bonds, de marcher, parce que je suis stressé ! Mais je fais peu de déplacements !

Pour en revenir au stade, il vaut mieux être dans une petite boîte de nuit où vous ne pouvez pas marcher, où tout le monde est serré, que dans un grand hangar où tout le monde se regarde, où il n’y a pas d’ambiance. Ce sont des choses comme ça qu’on n’a pas eu le temps de faire l’été dernier, parce que les abonnements étaient déjà lancés. La saison prochaine, je veux être acteur du sujet. Je prendrai peut-être des positions qui vont étonner. Je serai un peu extrémiste là-dessus : je préfère être contraint de rouvrir petit à petit nos tribunes plutôt que d’avoir un énorme complexe rempli au tiers, avec des gens éparpillés un peu partout. Le fait d’être beaucoup plus proche, beaucoup resserré, comme on l’a vu en Gambardella avec cette tribune pleine, a amené cette chaleur, cet impression d’avoir participé à quelque chose de collectif, alors que si vous êtes seul sur votre siège avec personnes à dix sièges à la ronde, vous êtes dans un projet individuel.

« Courageux, ambitieux, pragmatique »

Pierre-Henri DEBALLON

Le but qui vous a fait vibrer ?
Celui que l’on a marqué contre Châteauroux (4-0) en janvier, après 9 ou 10 touches de balle.

Un match qui vous a fait vibrer ?
Le match aller à Boulogne (2-2), que j’ai suivi dans des conditions particulières puisque j’avais un week-end entre copains. Du coup, on était en voiture, j’avais mis FFF TV, et il y avait un léger décalage; un copain avait mis une alerte sur son téléphone et il me disait dix secondes avant « Ouh la la, il se passe quelques chose », et moi je me demandais si on avait marqué ou si on avait pris un but ! C’était assez rigolo. Mais celui qui m’a fait le plus vibrer quand même, c’est la demi-finale de la Gambardella.

Une équipe qui vous a impressionné ?
Orléans au match aller et Le Mans sur la phase retour. Chez nous, contre Le Mans, à la 29e minute, on perdait 5 à 0. Ils sont sur une dynamique intéressante. Je pense qu’ils ont trouvé la bonne recette.

En trois adjectifs, vous êtes un président plutôt…
Courageux, ambitieux et réaliste. Pragmatique plutôt que réaliste même.

« Rêvons encore plus grand »

Des moments forts de l’histoire du club ornent les couloirs, dont la photo de l’équipe qui est montée une première fois en L1 en 2011.

Êtes-vous un rêveur, un idéaliste ou plutôt quelqu’un de terre à terre ?
Je suis pragmatique par rapport à des constats, des choix, mais par contre, je suis un rêveur, parce que si vous n’êtes pas un rêveur, vous ne reprenez jamais un club comme Dijon. Si je n’ai pas le doux rêve de ramener ce club à haut niveau, de refaire vibrer ce stade…

Je dis souvent en rigolant que j’ai gagné la Ligue des Champions avec Football manager, et que j’aimerais bien la gagner avec le DFCO, je sais que c’est quasiment impossible. Souvent, on me dit « Mais il ne faut pas dire ça », mais c’est la réalité. La devise du PSG, c’est « Rêvons plus grand », alors je dis en rigolant « Rêvons encore plus grand ! » (rires).

Pierre-Henri Deballon a remis le premier chèque de la Taxe Tobin à l’association Stella portée par la famille Jobard.

Quand vous évoquer la Ligue des Champions, c’est sur le ton de la boutade, mais un autre président de National en a parlé cette saison, et c’était très sérieux…
Oui, c’était Iwan Postel de Rouen, mais je crois que c’était aussi sur le ton de la boutade. J’ai le sentiment qu’il voulait faire bouger les lignes, et que sa communication en faisait partie. Il s’est dit « Mais qu’est-ce qui m’interdit de dire ça ? Rien, allez, je le dis, et puis « j’emm… » ceux qui ne sont pas d’accord avec ça » ! Moi, quand je dis ça, je n’y crois pas au moment où je le dis, mais c’est un objectif et c’est ce qui fait avancer. Quand on réalise ses rêves, derrière, on n’a plus rien… Mais ce rêve-là, il peut me tenir pendant 20 ans !

J’aimais bien Iwan Postel, je lui trouvais une forme de courage, de jusqu’au boutisme, comme quand il arrivait au stade avec sa veste rouge aux couleurs de Rouen, avec les bons et les mauvais côtés de ces personnages hors-norme : quand on a battu Rouen 1 à 0 à Dijon, alors qu’un but leur a été injustement refusé à la fin et qu’il aurait dû y avoir 1-1, il s’est séparé dans la foulée de son entraîneur dans les vestiaires (Maxime d’Ornano), je n’avais pas trouvé ça d’une grande classe, et à l’inverse, il me faisait marrer quand il parlait de construire un stade de 70 000 places à Rouen.

Sur notre groupe WhatsApp de présidents, quand il a annoncé son départ, je lui ai dit « Tu fais chier Iwan, je voulais jouer dans ton stade de 70 000 places ! », il a rigolé. Je n’ai pas compris son départ. Il m’a expliqué. Il m’a dit « Je vais prendre des vacances ». Je comprends, parce qu’un président prend des mauvais coups, et ça rend la fonction difficile. Moi, quand j’arrive au DFCO, c’est pour prendre du plaisir et en donner. Et en plus je prends des coups. Pour en revenir à Iwan (Postel), j’aime bien les gens qui font bouger les lignes et dont on se rappelle, qui font réfléchir, qui apportent quelque chose. Personnellement, il m’a fait réfléchir, par exemple, je me suis demandé si je n’étais pas un peu trop conformiste.

« Ancrer ce rôle social au DFCO »

Pierre-Henri DEBALLON et Paul FAUVEL lors du match au Mans.

Quels sont vos rapports avec les présidents de National ? Y en a-t-il un avec lequel vous êtes le plus proche ?
On a donc ce groupe WhatsApp, initié et animé par Thierry (Gomez), qui est le plus actif et le plus bienveillant. Il ouvre ses portes, il donne des conseils, il est très investi sur le sujet de la Ligue 3. J’espère pour lui qu’il va aller en Ligue 2 avec Le Mans.

Après, j’ai peut-être une connivence particulière avec des présidents de mon âge, je pense à Alexandre (Mulliez, Versailles), on a un peu cette culture « univers start-up », on a envie de chambouler les choses. Mais ça dépend des moments. Quand on reçoit, on a des moments privilégiés avant le match pour discuter, échanger sur nos problématiques, montrer nos infrastructures, et puis quelques jours après, on a des petits échanges, au sujet de ceci ou de cela, on demande des infos sur le coût d’une tribune par exemple. On est tous dans la même galère. La plupart sont des présidents actionnaires, qui mettent leur propre argent. Cela n’enlève rien au mérite des autres présidents qui sont là pour le compte d’un actionnaire ou d’un investisseur, mais ce n’est pas la même chose quand même : là, c’est vous qui allez devant la DNCG pour apporter votre propre garantie bancaire, qui engagez des fonds personnels.

Pierre-Henri DEBALLON

Après, c’est un arbitrage entre des dépenses que vous pourriez faire pour d’autres choses et le club. Quand j’ai dit à ma mère que je voulais reprendre le DFCO, elle m’a dit « Pourquoi tu ne donnes pas autant d’argent à des gens qui en ont vraiment besoin ? » ou bien « Pourquoi tu n’aides pas des athlètes qui ont fait les Jeux Olympiques et qui ne gagnent même pas le Smic ? », ça m’a ramené sur terre. Je lui ai expliqué qu’il y avait des abus dans le foot, que je me battais contre, mais c’est aussi quelque chose de puissant socialement. Pour certains, c’est leur sortie de la semaine. C’est ça qui me plaît.

C’est pour ça qu’au DFCO, je veux ancrer ce rôle social au maximum, on a mis en place la première taxe Tobin sur les transferts : chaque année, il y aura un pourcentage sur les transferts qui seront reversés à des associations locales. Regardez quand on a vendu Irié pour 3 millions, un garçon que l’on est allé chercher au Gabon, on a entendu dire « c’est du foot business », « ça pue l’argent ». OK, ça c’est la première lecture. La deuxième lecture, c’est que le DFCO perd 7 millions d’euros et que ces 3 millions viennent commencer à combler ce déficit. Ce n’est pas du sport business, c’est juste que l’on essaie de survivre. Et si derrière on redonne localement à notre communauté, pour une action qui a du sens, alors on redonne au foot ce qu’il doit être, c’est-à-dire un vecteur de cohésion social et non pas un vecteur de haine.

C’est ce que je dis aux supporters du DFCO : si on veut se battre, alors il faut aller dans un club de boxe. Pareil si on vient au stade pour lancer des fumigènes… J’adore les fumigènes, mais c’est interdit et cela nous créé des problèmes. On ne peut pas le faire et c’est comme ça. Je serai le premier à défendre le sujet devant la Ligue et lui dire qu’il faut changer ses textes de loi, mais il y a des lois. Il faut créer un climat où l’ambiance est chaleureuse, où il y a des supporters qui se donnent corps et âme, pour pas que l’on dise « Il y a des cinglés » et qu’à la moindre étincelle, cela parte en vrille.

Avec les présidents de National, avez-vous les mêmes problématiques ?
Globalement oui. Comme de dealer avec les joueurs, des problématiques sur les contrats des joueurs, des transferts, de développement de stade, etc. Après, on n’échange pas chaque jour non plus.

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris quand vous êtes arrivé dans le foot et qui vous surprend encore aujourd’hui ?
Le rôle des agents. Je ne mesurais pas à quel point ils étaient présents dans le choix des joueurs. Je pensais que les joueurs avaient des convictions sur leurs propres carrières et demandaient que celles-ci soient mises en oeuvre et sécurisées par des agents qui géraient la négociation et encadraient le cadre juridique, un peu comme un avocat, de la même manière que si je veux racheter une boîte, je cible la boîte, je discute avec son dirigeant et je délègue la partie technique à un avocat; là, au foot, c’est comme si un avocat venait me voir et me disait « C’est cette boîte qu’il faut racheter, voilà ce qu’il faut faire, quant aux autres boîtes, je leur ai dit qu’on ne voulait pas y aller », eh bien ça me paraît complètement fou.

Et puis, le côté « très pognon » de ces gens-là me gêne. Parfois, ils nous demandent des commissions et on est presque obligés de leur donner leur petit pourboire, c’est insupportable, cela n’a aucune justification. Parfois, c’est la famille aussi qui s’en même : on a eu le cas avec un joueur, tout était calé, et là, on te dit, « Si je n’ai pas 200 000 euros, on ne transfert pas notre gamin… » C’est hallucinant. Cela n’a aucun cadre légal. Les gamins sont pris en otage. On a tenu bon, ils ont finalement accepté…Je ne comprends pas non plus que, parfois, les joueurs n’aient pas leur propre libre-arbitre. J’ai un joueur qui m’a dit « Je n’arrive pas à avoir mon agent ». « Non mais change d’agent alors ! » J’ai le sentiment que les choix ne sont pas toujours faits dans l’intérêt du joueur. C’est assez perturbant.

« Un club de valeurs, malin et ambitieux »

Photo 13HF

Le DFCO en trois adjectifs…
Je veux que ce soir un club de valeurs, un club malin parce qu’on n’aura pas d’autre choix que de l’être plus que les autres, et un club ambitieux.

Le milieu du foot ?
(Rires) Pas très sain, passionnant.

Deux questions pièges. la première : si je vous dis 1998, vous me répondez quoi ?
La création du club, avec la fusion du Cercle Dijon et du Dijon FC.

Bien. La deuxième : vous êtes né à Chenôve, près de Dijon, tout comme un ancien attaquant des années 90 et 2000… Mais qui ?
Stéphane Mangione.

Bien. Vous avez joué au ballon au hand, vous êtes dans un club de ballon… Rien que de très normal pour quelqu’un qui s’appelle « Deballon » …
(Rires) C’était écrit ! Il y a eu deux ou trois blagues comme ça quand j’ai repris le club, qui disaient que j’étais prédestiné. Ce qui est drôle, parfois, c’est quand je regarde des matchs de foot et qu’il y a des ramasseurs qui renvoient un ballon sur le terrain: là, le commentateur dit « Ah, il y a deux ballons sur le terrain ! (rires) » Mais c’est vrai que j’ai toujours été plus passionné par les sports collectifs. J’ai toujours trouvé incroyable cette alchimie entre des individus et un collectif. On voit souvent que le collectif est plus fort que les individualités.

Votre première fois dans un stade de football pro ?
Il ne faut pas le dire, les supporters ne vont pas être contents (rires). J’étais allé voir Auxerre, c’était l’année de son titre (en 1998), et Djibril Cissé avait marqué, je crois que c’était contre Lens (1-0).

Le match historique du DFCO ?
Celui que j’ai en tête, c’est quand le DFCO a battu le PSG en coupe de la Ligue (3-2, en 2011), c’était exceptionnel, et aussi le match de la montée en Ligue 1.

C’est quoi la place logique du DFCO sur l’échiquier du foot français ?
C’est obligatoirement au-dessus du National, donc en Ligue 2 ou Ligue 1. A court terme, la Ligue 2, et ensuite, la Ligue 1. Mais je préfère être solide et stable en Ligue 2 qu’une étoile filante en Ligue 1. Qu’on ait le temps de construire sur des bases saines, pour qu’au moment où l’on monte, cela soit maîtrisé et préparé.

Une autre équipe que vous supportez ?
J’aime bien le Red Star parce que j’habite pas loin, à Clichy. J’ai une affection aussi pour l’AS Cannes : il y a deux ou trois ans, on m’a proposé le dossier, je m’étais plongé dedans, j’aime bien les clubs historiques. Des clubs où il y a une ferveur positive.

« Vivre à crédit, ça ne marche pas »

L’équipe féminine après sa victoire contre Nantes.

Votre première prime de président ?
Ah ! Les primes… J’ai eu cette discussion avec les joueurs : j’avais vu une vidéo du président Nicollin à Montpellier qui disait, avec sa gouaille, « je vais doubler » ou « je vais tripler », il y avait ce côté Pagnolesque que j’adorais, et je m’étais dit, le jour où j’aurai un club de foot, il faut que je le fasse.

Donc, après une victoire, un jour, je décide de doubler la prime. Déjà, je me suis trouvé très mauvais dans le discours. Ensuite, quand vous sortez du vestiaire, vous vous dîtes « Putain, je viens de claquer X milliers d’euros, c’est complètement débile », et ensuite, surtout, après ça, dès que vous rentrez dans le vestiaire, vous devenez une cible. Les joueurs crient « Président, président »…

Et puis, il y a eu ce match du Mans, chez nous, quand on prend 5 à 0. J’ai pris la parole. J’ai dit aux joueurs que, à chaque fois que j’étais dans ce vestiaire, mes moments de joie étaient gâchés parce que soit je vous donne une prime et je tire une balle dans le pied du club, soit je ne vous la donne pas et je passe pour un radin. Du coup, je leur ai dit que je ne voulais plus jamais qu’ils me demandent une prime. Quand j’en aurai envie, je vous le dirai. Je ne voulais plus avoir à subir cette dictature de la prime, et ça m’a fait un bien fou, maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise dans le vestiaire; l’autre fois je leur ai laissé les maillots parce qu’ils avaient fait un super match, ils étaient super-contents. Pour ça, je ne suis peut-être pas trop « foot à l’ancienne », mais je trouve que l’on ne doit pas être là que pour l’argent : il y a un contexte global dont il faut tenir compte.

C’est un peu caricatural ce scénario. D’autres présidents de Dijon m’ont dit que les plus belles saisons avaient été réalisées quand le club avait le moins de moyens. Et cette saison, on a baissé la masse salariale de l’ordre de 30 à 35 %. J’appelle d’ailleurs de mes voeux que tous les clubs baissent en termes de rémunération parce que ce n’est pas possible d’être dans une industrie où tout le monde perd de l’argent. Normalement, l’exception, c’est quand une boîte d’électricité sur dix ne gagne pas d’argent; là, nous, on est dix clubs de foot pro, et il n’y en a pas une qui gagne de l’argent, ça ne peut pas tenir. Vivre à crédit, ça ne marche pas, ou alors, on cède le club à des investisseurs extérieurs dans le cadre de multi-propriété, mais ce football-là n’a pas de saveur pour moi.

Avez-vous déjà piqué des crises de colère au DFCO ?
Non. Même celle contre Le Mans, c’était une colère feinte. J’étais groggy. J’avais le sentiment que rien n’avait fonctionné. On ne sentait pas une équipe qui lâche. C’est juste que c’était un jour sans. J’ai eu des moments en revanche où je me suis dit, « là, on me prend pour un con » : un joueur voulait être transféré, il a simulé une blessure, je l’ai reçu, je lui ai dit « Tant que tu fais semblant d’être blessé, il n’y aura aucune discussion », et deux heures après, il courait sur le terrain, et deux jours après, on le transférait à Bastia. On est entre adultes tout de même. On n’a pas de temps à perdre avec des faux semblant.

Vous êtes toujours en rapport avec Olivier Delcourt, votre prédécesseur ?
Oui, on s’envoie des messages régulièrement. Après, je suis quelqu’un qui aime bien faire ses propres erreurs. Ce n’est pas très intelligent, je pourrais peut-être les éviter en échangeant plus souvent avec lui, mais j’aime bien les choses à ma manière, prendre le lead, sans cracher sur le passé, parce que ce qui a été fait est important et le club a été structuré grâce à lui aussi. On a de bonnes relations.

« Je suis Dijonnais ! »

La joie du public avec les jeunes de la Gambardella, qualifiés pour la finale.

En écoutant votre interview sur Le Dijon Show, on a appris que le club était à vendre depuis 3 ans quand vous l’avez repris : mais alors, pourquoi ne pas l’avoir acheté 3 ans plus tôt ?
Parce qu’il y a 3 ans, j’étais beaucoup plus pris qu’aujourd’hui par Weezevent, parce qu’il fallait beaucoup de moyens et qu’à cette époque, j’avais une opération que je n’avais pas encore réalisée et qui était de céder une partie du capital, donc une fois que cela a été fait, j’ai été en capacité d’acheter le club de façon plus sereine.

C’est aussi pour ça que je n’avais pas plus avancé avec l’AS Cannes à l’époque, où je n’avais pas non plus d’accroches locales, ce qui n’avait aucun sens. En 2023, j’ai été appelé par un membre du DFCO qui m’a dit que le club était en discussion avec des Américains, mais qu’il ne sentait pas le truc, il m’a dit que ce serait mieux que cela soit un Dijonnais qui rachète, bref, il m’a demandé si cela m’intéresserait. Là, j’ai commencé à regarder le sujet, je me suis pris dans le projet j’ai lancé l’aventure.

Dijon, cela a un réel sens pour vous ?
Ah oui ! Je suis né à Dijon. J’y suis resté jusqu’à la fin de mes études, mes parents, mon frère, mes grands-parents sont enterrés à Dijon, mes cousins habitent Dijon, mes copains aussi ! Je suis Dijonnais. Quand j’ai fait mon premier entretien d’embauche avant de créer Weezevent, la première question était « Présentez-vous », donc j’ai dit que j’étais Dijonnais, et là, on m’arrête, et on me demande « C’est important pour vous ? » J’ai répondu que oui, que c’était important de savoir d’où l’on venait. C’est une ville que j’ai ancrée au coeur. Ce n’est pas un investissement financier, d’ailleurs, s’il y avait eu un club à reprendre d’un point de vue économique, le plus mauvais choix, c’était de reprendre Dijon, il y avait des clubs plus intéressants, avec des potentiels plus élevés, avec des besoins financiers moins forts et un endettement nul. Donc je l’ai par amour.

Avez-vous peur de l’échec ?
Oui. La peur que j’ai, c’est la suivante : il y a une probabilité très forte que je sois le président de toute l’histoire du DFCO qui aura mis le plus d’argent. Les anciens présidents ont réussi à développer un résultat d’exploitation suffisant, sans apporter de l’argent personnel, or moi, là, actuellement, je suis en train de combler un déficit d’exploitation, donc j’ai peur de ça, et j’ai peur d’être celui qui, un jour, sera obligé de dire « Stop » et d’arrêter le club, et de passer alors injustement pour le méchant, alors que je serai celui qui aura le plus donné économiquement. Mais ça fait du bien de le dire, parce qu’une fois qu’on est au fond de la piscine, on ne peut que remonter.

Ma mère m’a dit quelque chose de très vrai : parfois, j’ai eu des moments difficiles depuis que je suis arrivé au club, je me demandais comment on allait y arriver, je réfléchissais à tout, je dormais mal alors que je suis un bon dormeur, et elle m’a dit : « Il n’y a pas mort d’hommes ». Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit. On est de passage. Cela ne dure qu’un temps. Alors oui, j’ai peur, mais en même temps, il y a plus grave dans la vie.

  • Le point en National à trois journées de la fin

Journée 30 (vendredi 2 mai 2025, 19h30) : La Berrichonne de Châteauroux – Dijon FCO (4e, 46 points); US Boulogne CO (3e, 52 points) – Sochaux et Le Mans FC (2e, 54 points) – FC Rouen.

Journée 31 (vendredi 9 mais 2025 à 19h30) : Dijon FCO – US Boulogne CO et US Concarneau – Le Mans FC.

32e et dernière journée (vendredi 16 mai à 19h30) : FBBP01 – Dijon FCO ; US Boulogne CO – La Berrichonne de Châteauroux ; Le Mans FC – FC Versailles.

Les matchs sont diffusés en direct sur FFF TV : https://ffftv.fff.fr/63-national.html

  • Les confrontations directes (en cas d’égalité au classement) : Le Mans – DFCO 0-0 et DFCO – Le Mans 0-5; Boulogne – Le Mans 3-2 et Le Mans – Boulogne 2-0; Boulogne – DFCO 2-2 / DFCO – Boulogne (match le 9 mai).
  • Le calendrier des barrages Ligue 2 BKT / National : mardi 20 mai 2025 : 3e de National – 16e de Ligue 2 BKT ; dimanche 25 mai 2025 : 16e de Ligue 2 BKT – 3e de National
PH Deballon : « Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. » (Photo 13HF)
  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)
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