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Opposé à Rennes en 1/4 de finale, le petit poucet de l’édition 2023/2024, 2e de sa poule en National 2 fait preuve d’une étonnante régularité depuis quelques années et confirme ses ambitions, quand bien même il est un peu échaudé par ses deux maintiens manqués en National en 2020 et l’an passé.

Le stade Charles-Massot, au Puy-en-Velay.

« Et oui, c’est Le Puy bébé ! » Loïc Dufau n’est plus là, mais c’est lui, l’ancien capitaine du Puy Foot 43 (de 2017 à 2022), aujourd’hui à GOAL FC, en National, qui a lancé le fameux gimmick, tiré des paroles – « C’est Marseille bébé ! » – de la chanson du groupe Bande Organisé.

Ce cri identitaire, repris en coeur par ses coéquipiers de l’époque, le natif de Marseille l’a lâché des centaines de fois, dans les vestiaires, en voiture, à l’entraînement, à table et, bien sûr, après une victoire. Et qu’est-ce qu’il fut bien choisi ! Pour tout dire, ça colle parfaitement à la peau et à l’actualité d’un club qui fait très fort cette saison : quart-de-finaliste de la coupe de France – contre Rennes, à Saint-Etienne, jeudi soir, à 20h45 – et 2e de sa poule en National 2, à une petite longueur d’Aubagne (les Provençaux se rendront dans la capitale de la lentille le 20 avril).

Ces deux performances en font d’ores et déjà le meilleur club amateur de la saison 2023-2024, sans compter que les féminines de D3, entraînés par Pierre-Yves Thomas, ont elles aussi atteint les quarts-de-finale de cette même coupe (après avoir « sorti » la D1 de Reims), seulement battues par l’ogre PSG (4-0). Un exploit, puisque, hormis les amateurs du Puy Foot 43, seuls l’Olympique Lyonnais et le PSG, deux clubs pros, ont emmené leurs deux équipes masculines et féminines à ce stade de la compétition !

Entre National et National 2

La joie dans les vestiaires après la qualification face à Laval.

Tout comme « Lolo » Dufau, Roland Vieira n’est plus là, lui non plus. Mais c’est lui, l’ancien coach emblématique du club (de 2013 à 2023 !), qui a fait grandir ce club pour en faire une référence aujourd’hui dans le foot amateur. Pour en faire un excellent club de National 2 et, ce n’est pas péjoratif, un « petit » club de National. Un niveau « semi-pro » que les joueurs du président Christophe Gauthier – qui ne manque jamais une occasion de saluer l’héritage de Roland Vieira – ont atteint en 2019 puis en 2022, au terme de leurs deux dernières saisons pleines en National 2, sans pouvoir s’y maintenir.

Et si le National était le plafond de verre des Ponots ? « En National, on lutte contre l’impossible, explique l’ancien président de l’AS Taulhac, un club voisin, à la tête du Puy Foot depuis 2010; c’est un championnat qui, maintenant, demande des budgets de 4 voire 5 millions d’euros, ce qui est bien au-delà du plafond de verre pour nous. C’est pour cette raison que je souhaite élargir le Comité directeur et accueillir de nouvelles forces vives. Tous ceux qui veulent faire grandir le club sont les bienvenus ». Entendez par là, la porte est ouverte à de nouveaux actionnaires, afin de grossir le budget et d’exister dans l’antichambre de la Ligue 2, si jamais Le Puy Foot s’offrait une 3e accession en National en 5 ans, en fin de saison !

Gauthier : « Je n’abandonnerai pas le club »

Le président Christophe Gauthier.

Quant à son envie de passer la main, dont Gauthier s’était fait l’écho dans les médias au printemps dernier, le chef de l’entreprise éponyme ne dit pas autre chose que ceci : « Je n’abandonnerai pas le club ! ». L’inverse serait dommage, car tout ce qu’a accompli celui que tout le monde compare à un « père de famille » relève du métier de bâtisseur.

Bien sûr, Christophe Gauthier n’est pas tout seul dans cette histoire : avec Roland Vieira, ils ont formé un duo indissociable, uni, qui a construit, brique après brique, un club solide, reconnu, sain, et qui a permis de placer cette petite ville enclavée de 19 000 âmes sur la carte de France. Parce que, très sincèrement, pour aller dans la Préfecture de Haute-Loire, il faut vraiment avoir de bonnes raisons : familiales, culturelles, patrimoniales avec la fête médiéval du Roi de l’Oiseau, en septembre, quand tous les habitants sont costumés, religieuses avec le départ du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, culinaires (les bienfaits des lentilles, qui apportent leur lot de fer, sont bien connus). Et depuis que son équipe de foot multiplie les exploits, on vient aussi au Puy-en-Velay pour des raisons sportives.

Lorient, le premier exploit

C’est à l’été 2018 que club franchit un tournant important, quand Vieira pense utile de recruter un directeur sportif. Finalement, Le Puy Foot, installé depuis 3 ans en CFA (N2), et déjà proche d’accrocher la montée en National en 2017 (2e derrière l’ogre grenoblois), s’attache les services d’Olivier Miannay, manager général.
Le Parisien a un gros CV et surtout un gros carnet d’adresses. Dans la foulée, le club accède en National (2019), seulement freiné la saison suivante par la Covid-19 dans la course au maintien, à neuf journées de la fin du championnat, puis de nouveau la saison suivante (2020-21), après un départ prometteur en National 2 (4 victoires, 4 nuls).

Fait incroyable, la FFF décide de tout stopper pour les amateurs au début de l’automne, mais les autorise à poursuivre la compétition… en coupe de France ! Le Puy Foot, qui n’est pas à une incrongruité près – le président Christophe Gauthier ne manque jamais une occasion d’égratigner la 3F – en profite pour signer son premier gros exploit en coupe de France, en éliminant en 16e de finale le Lorient de Christophe Pélissier (Ligue 1) au stade Massot, à huis-clos (1-0). Mais pour le premier 8e de finale de son histoire, il perd pied à Rumilly (N2, 4-0), futur demi-finaliste.

Nouvel exploit face à l’OGC Nice !

L’effectif de la saison 2023-2024.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le Puy Foot, où le staff technique s’est lui aussi étoffé ces dernières années, où des postes administratifs ont été créés, où une restructuration a été opérée chez les jeunes, où la section féminines s’est développée (Division 2 de 2020 à 2023), repart au combat en N2 et décroche, à la dernière seconde du championnat 2021-22, une nouvelle accession en National, grâce à un penalty de « Mamad » N’Diaye, qui pourrait revendiquer une statue à côté de celle de la Vierge, sur le rocher de Notre-Dame-de-France !

La joie dans les vestiaires après la qualification face à Laval.

Mais le retour en National est douloureux. Parce que, en l’espace de trois ans, le niveau a évolué, et les budgets ont grimpé. Les clubs sont, à l’image de leurs stades, d’un autre standing : Le Mans, Nancy, Red Star, Dunkerque, Bourg-en-Bresse, Sedan, Orléans, Châteauroux, pour ne citer qu’eux. Le Puy souffre dans la cour des grands, et malgré quelques exploits retentissants, comme cette qualification en 16e de finale de la coupe de France face à l’OGC Nice s’il vous plaît (1 à 0), ou encore des succès de prestige en championnat sur le terrain du Red Star (3e du championnat), de Nancy ou d’Orléans, ou encore face à Concarneau (futur promu) ou Versailles (5e), ça sent la fin de cycle pour le club, qui termine 16e (sur 18), et pour Roland Vieira qui annonce, à trois journées de la fin, son départ.

2023, la reconstruction avec Stéphane Dief

Cette deuxième relégation en 3 ans met un coup de frein à la politique des jolis CV, finances obligent. Parce que, si pendant 5 ans, le club a permis à certains de rebondir (Bosetti, El Khoumisti, Obiang), à d’autres de se relancer (Oberhauser, Perrot, Ben Fredj, L’Hostis) ou à quelques-uns d’être repérés (Joseph, Jabol, Allevinah), finalement, il n’a pas gagné grand-chose dans l’histoire, si ce n’est un peu de notoriété dans une région sevrée de football de haut niveau (Le Puy a évolué en Division 2 de 1984 à 1989), où Saint-Etienne a toujours fait sa loi et où Clermont s’est découvert de nouvelles ambitions.

C’est l’été 2023, et il faut reconstruire. « On est reparti d’une feuille blanche, raconte Olivier Miannay, qui, malgré les rumeurs de départ, repart pour une sixième saison dans le Velay; cette période a permis de réfléchir à une nouvelle stratégie, et il a d’abord fallu choisir un coach. Il fallait gagner du temps. Avec cinq descentes encore cette saison, cela aurait été risqué de prendre quelqu’un qui ne connaissait pas le National 2. J’ai présenté Stéphane Dief au président. Stéphane, je le connaissais, il est de la région (il est né à Riom-ès-Montagne dans le Cantal), on avait souvent joué contre lui quand il entraînait Moulins-Yzeure, où il a fait un travail exceptionnel. Et le président a validé ce choix. »

« Comme on a su assez tôt que l’on allait descendre, Olivier a pu anticiper la nouvelle saison, poursuit Gauthier; mais c’est vrai que c’était le flou artistique. On a validé le choix de Stéphane Dief, qui était sur le banc de Moulins-Yzeure depuis de nombreuses saisons (7), et ça, c’est quelque chose que je regarde chez un coach. »

Cinq mois d’invincibilité en championnat

Les féminines (D3) 1/4 de finalistes de la coupe.

Alors, comment expliquer que cette fameuse page blanche de l’été dernier se soit si rapidement noircie d’exploits en coupe de France (deux clubs de Ligue 2 éliminés, Dunkerque et Laval et aussi un succès sur le terrain de Lyon Duchère, qui venait d’étriller Bastia 4-1) ? Et comment expliquer cette longue invincibilité en championnat, où les coéquipiers de Mehdi Beneddine n’ont plus perdu depuis 5 mois et une défaite 2-1 le 7 octobre à Massot contre Fréjus/Saint-Raphaël… prochain adversaire dans le Var, samedi 9 mars ?

Les féminines (D3) ont elles aussi atteint les 1/4 de finale de la coupe de France.

« On est parti sur une option différente, renchérit Miannay, qui, 10 ans après, vivra son 2e quart-de-finale après celui de l’AS Cannes, encore face à un club breton (Guingamp en 2014); on a mis de la jeunesse, quelques joueurs du cru, du département ou de la région (Meyer, Fournel, Civet, Maurin, Pays, Mohamed, Royet, Boulamoy). On a ciblé des jeunes de National 2 ou de National 3 mais à fort potentiel (Adinany, Ayessa, Xhemo, Akkal, Diakhabi, Karamoko, Carvalho, Maronne, Diarra, Alexandre, etc.). On y a ajouté un peu d’expérience avec deux joueurs qui avaient besoin de se relancer, Beneddine, qui n’a rien à faire en N2, et Piechocki. Après, nous, on est là pour les accompagner, pour les faire progresser. Au Puy, il y a un climat serein pour ça, le contexte est propice au travail et à l’épanouissement du joueur. »

Miannay : « Un super cru 2023-2024 »

Olivier Miannay.

Il faudrait être aveugle pour voir que, cette saison, ça marche, et même très bien. Au-delà des espérances ? Miannay : « Oui ! Je suis agréablement surpris. Certaines années, ça marche, d’autres années non. Là, il y a un super cru 2023-2024, mais moi, je ne fais que mon travail, et je suis là aussi pour rendre aux dirigeants la confiance qu’ils me témoignent. Quelle que soit l’issue de cette saison, elle est déjà exceptionnelle, avec aussi le parcours des seniors féminines en coupe de France, des 18 ans féminines, en tête de leur championnat, de la réserve des seniors garçons, 2e derrière Montluçon et qui jouent la montée en N3, des 18 ans R1 (2es derrière Andrézieux)… »

« C’est une évidence, je ne m’attendais pas à une aussi bonne saison, reconnaît aussi Christophe Gauthier, qui tient encore à rendre hommage à tout le travail effectué les années précédentes; il ne faut pas balayer le passé. » Sous-entendu, n’oublions pas tout ce que Roland Vieira, avec qui les liens sont très forts, a fait pour le club, et aussi Sylvain Jore, son prédécesseur. Parce que Stéphane Dief – lire l’entretien plus bas – est arrivé dans un club où les fondations sont solides. Un club dont la régularité en championnat et maintenant en coupe de France laisse songeur : lors des sept dernières éditions de Dame coupe, Le Puy Foot était au rendez-vous des 32es de finale à six reprises !

La patte Dief

La Une de L’Equipe après l’exploit face à Lorient (L1) en 2021.

Des résultats au-delà des espérances, donc, et aussi une qualité de jeu reconnue de tous ! Et pour ceux qui ne sont pas convaincus, il suffit de regarder le 8e de finale de coupe, le 7 février dernier, face au 4e de Ligue 2, Laval (2-1), pour s’en persuader. Ce football offensif de qualité, ce jeu au sol et ce goût pour l’attaque, marque de fabrique de Stéphane Dief, font la fierté des Ponots, qui se retrouvent vraiment dans cette équipe. Qui ont envie de la soutenir, de la porter, de l’encourager, même si c’est évidemment moins flagrant en championnat où la tribune du stade Massot n’est pas assez remplie, on l’a encore vu vendredi dernier contre Alès (2-0). Oui, le public choisit ses matchs, mais après tout, c’est humain. L’équipe, elle, ne les choisit pas : après ses exploits à Lyon-Duchère, contre Dunkerque et contre Laval, elle a été capable d’enchaîner en championnat.

« Avec Stéphane Dief, cela fait 25 ans que l’on se connaît, témoigne Patrice Degironde, professeur d’EPS dans un lycée à Yzeure, qui fut son adjoint à Moulins-Yzeure en N2 et qui lui a succédé sur le banc au printemps dernier; c’était un joueur fin techniquement, avec un gros tempérament. Il pouvait vite monter dans les tours ! C’est un passionné. Dans sa vie, tout tourne autour du football. C’est un puriste. Il part du principe que l’on a plus de chance de gagner en jouant. C’est pour ça que, chez lui, il y a cette volonté de bien jouer, de ressortir le ballon proprement. »

Milan, PSG et … Le Puy !

« En National 2, on a un projet de jeu ambitieux, abonde Christophe Gauthier; et puis on n’a pas la contrainte de la défaite, comme en National la saison passée, où on était sans cesse dans l’échafaud. Cette année, c’est évident, les gens s’identifient à cette équipe. Cette jeunesse, cette fougue, ça a apporté du dynamisme. Je suis vraiment ravi d’avoir pu donner de la pérennité au projet de Stéphane (Dief) ».

A Saint-Etienne, jeudi soir, pour ce premier quart-de-finale de l’histoire du club, sur un terrain « ami » – l’ASSE est partenaire du club -, et dans un stade Geoffroy-Guichard qui a vu Le Puy enregistrer son record d’affluence face aux Verts lors de la saison 1985-1986 en D2 (42 000 spectateurs), toute la France du football aura les yeux rivés sur le petit poucet de l’édition 2023-24. Mais le record ne sera pas battu : car si 30 000 personnes environ sont attendues, la jauge, elle, est fixée à 37 500 places.

Après avoir battu le Milan AC (3-2) jeudi en coupe d’Europe, et tenu le PSG en échec (1-1) dimanche au parc des Princes, le Stade Rennais (Ligue 1) tentera d’éliminer Le Puy Foot, 21e club de niveau 4 à atteindre ce stade de la compétition. Ne souriez pas, on est très sérieux en disant cela. Rennes est prévenu, parce que… « C’est Le Puy bébé ! »

Stéphane Dief : « Je tire mon chapeau aux joueurs ! »

Le nouvel entraîneur du Puy Foot (46 ans), chantre du beau jeu, a dit « oui » tout de suite lorsque l’on lui a demandé s’il était OK pour répondre à quelques questions, au coeur d’un emploi du temps extrêmement chargé. Mais il a formulé une requête : celle de ne pas être mis tout seul en avant et de parler du club dans son ensemble, des joueurs, des dirigeants, des partenaires, des éducateurs, des bénévoles. Bref, celle d’être associée à la famille ponote. Requête acceptée !

Stéphane, on vous sent… débordé en ce moment…
Oui ! On est très occupé, on a beaucoup de sollicitations. Là, on prépare le match d’Alès (entretien réalisé jeudi 22 février), les habitudes sont un peu bousculées. Pour moi, Alès, c’est plus important que la coupe (Le Puy Foot s’est imposé 2 à 0 face aux Gardois).

Vous attendiez-vous à vivre une aussi bonne saison ?
Evidemment, non, car il y avait beaucoup d’incertitudes. Ce qui m’a rassuré, c’est le travail accompli avec Olivier (Miannay). On a pu se mettre au travail assez tôt puisque j’étais sans club depuis avril (Stéphane Dief a été remercié de son poste d’entraîneur à Moulins-Yzeure en avril 2023, après 7 saisons sur le banc), donc libre. Le discours des dirigeants a été rassurant, accueillant, et, malgré la saison compliquée en National, j’ai senti un club attaché à certaines valeurs, comme la confiance. Initialement, cette saison a été présentée comme une saison de transition et c’était bien de l’attaquer comme ça compte tenu du nombre de relégations en N3 encore. Envisager autre chose aurait été présomptueux. On s’est donc attaché à se plonger dans le travail et dans la mise en place du projet de jeu. En fait, on s’est jeté à corps perdu dans le boulot, sans trop réfléchir.

Il est comment, ce club du Puy, que vous ne connaissiez que dans la peau de l’adversaire ?
Mon épouse est native du Puy et mes beaux-parents vivent à côté de Saugues, donc je connaissais un peu la ville, la région et aussi le club, mais de loin. J’avais déjà une certaine image tout de même, pour avoir échangé par le passé, lorsque j’étais dans la peau de l’adversaire, avec Roland (Vieira) et Olivier (Miannay), et aussi Bertrand Dupuis, qui était le préparateur physique de Moulins avant d’être celui du Puy Foot. Je savais que c’était un club structuré, qui avait des moyens supérieurs à Moulins-Yzeure. Et même si je sortais d’une saison très difficile, j’envisageais celle-ci avec beaucoup de confiance malgré tout. J’envisageais un bon maintien. J’étais sûr de ce que l’on pouvait faire.

Jouer dans cette poule Sud, cela ne vous a pas refroidi ?
C’est vrai que cette poule est différente. Il y a plus de qualités individuelles parce que les moyens sont supérieurs dans pas mal de clubs, mais je trouve que c’est moins structuré. J’avais déjà connu ce championnat avec des équipes du Sud, en 2019-2020, mais elle était plus faible. Il y avait Annecy, Grasse, GOAL FC, Hyères, Fréjus, et cette saison-là, Toulon et Le Puy étaient en National. Cette poule m’avait plutôt bien réussi mais je trouve que celle de cette année est plus relevée, il y a une profondeur d’effectif plus grande aussi. Je n’avais pas peur d’être dans cette poule, mais je savais aussi que c’était un foot plus engagé, différent. On avait quand même des incertitudes mais on les a levées au fur et à mesure, sans jamais sortir de nos habitudes de jeu, même quand ça marchait moins bien en septembre.

Si le club ne monte pas en National en fin de saison, est-ce que ce sera une déception ?
Ce n’était pas l’ambition de départ mais maintenant, on a envie de vivre pleinement cette saison jusqu’au bout, et si on peut aller chercher quelque chose, on ira. Jusqu’à présent, on ne parlait que de maintien, que l’on estime à 34 points (Le Puy en compte 32 après 17 journées), et c’était une très bonne chose : pour les points qu’il nous manque, on va bien arriver à tirer quelques matches nuls… Mais la première idée, c’était ça : le maintien, et après on voit. Aujourd’hui, je pense que c’est encore un peu tôt de parler d’accession, parce que la coupe de France est arrivée au milieu, et même si pour l’heure on est bien arrivé à « switcher » d’une compétition sur l’autre, qu’en sera-t-il demain ? Et puis il y a une mise en lumière aussi qu’il faut gérer. Je connais trop bien le foot et la difficulté de cette division pour savoir qu’à 9 journées de la fin, on ne peut pas dire qu’on serait déçu de ne pas monter. Maintenant, on verra la situation à 3 ou 4 journées de la fin : si on est dans le coup à ce moment-là et que l’on monte pas, alors dans ce cas là, oui, on sera déçu.

Comment expliquez-vous, justement, que vous parveniez à très bien gérer les deux compétitions ?
On est dans une dynamique favorable, donc les problèmes surgissent moins. On fait un super parcours depuis janvier mais on n’a pas eu non plus de grands noms du football français à affronter, et je dis ça sans manquer de respect à Dunkerque ou Laval. On n’a pas eu non plus à affronter d’équipes de Ligue 1, comme Rennes, qui sera le premier adversaire de renom. Tout ça aide à garder les pieds sur terre. Et puis la Coupe, c’est quelque chose d’éphémère, il faut en profiter et profiter de l’instant mais le quotidien reste le championnat, c’est ce qu’on se dit avec les joueurs. Il y a aussi une forme de sérénité au club, qui fait aussi que les joueurs sont capables de passer d’une compétition à une autre. Et je leur tire mon chapeau pour ça.

Le ville du Puy-en-Velay compte 19 000 habitants. Photo Luc Olivier.

Face à Laval, la qualité de jeu a vraiment surpris. Le jeu, c’est votre credo ?
C’est vrai, l’équipe fait plaisir à voir et donne envie aux gens de l’aimer. Elle ressemble à ce que l’on a envie de voir. Mon premier objectif, avant de parler de résultat, parce qu’on veut tous gagner, bien sûr, c’est cet aspect-là, c’est ce que l’on produit sur le terrain. Je veux que les spectateurs le ressentent. On doit emmener la tribune avec nous, transmette des valeurs de travail de générosité, de qualité dans le jeu, parce que le jeu reste le maître-mot. Les joueurs ont réussi à transmettre ça et c’était notre première ambition en début de saison. Même en septembre, quand on avait des résultats moyens, la qualité de jeu et l’engagement étaient là, du coup, personne ne s’est inquiété. On savait qu’on avait réussi à créer une base sur laquelle s’appuyer et après, en rectifiant les petits détails, comme la concentration, la rigueur dans les bonne zones, les résultats sont arrivés. Les joueurs ont réussi à transmettre ce que l’on souhaitait, de l’énergie, de l’enthousiasme. Ils ont envie d’attaquer en premier, d’ailleurs, on fait souvent de bonnes entames de match, parce que ils ont envie de jouer au foot.

Le jeu, c’est votre truc…
Je suis passionné par ce qu’il faut essayer de mettre en place pour déséquilibrer l’adversaire, ça me plaît, parce que, finalement, défendre, il y a juste quelques façons de le faire, alors qu’attaquer, il y a des centaines voire des milliers de façon de le faire. J’aime transmettre ça aux joueurs. Mais pour ça, il faut avoir l’effectif pour, donc il faut accepter le déséquilibre, il faut accepter de prendre des risques, parce qu’on a recruté des garçons qui ont de la vitesse, de la taille. Et il faut tirer un coup de chapeau à Olivier (Miannay), le grand artisan du recrutement; il a ressenti ce que je voulais et vers quelle direction je voulais aller. On a trouvé les bons profils par rapport à ce que je voulais mettre en place.

Jeudi 29 février 2024 – 1/4 de finale de la coupe de France : Le Puy Foot 43 Auvergne (N2) – Stade Rennais (L1), à 20h45 au stade Geoffroy-Guichard (Saint-Etienne)

Texte : Anthony BOYER

Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter :  @BOYERANTHONY06

Photos : Le Puy Foot 43 / Sébastien Ricou (sauf mentions spéciales)

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Révélé aux Minguettes et à La Duchère, l’entraîneur de 50 ans jouit d’une très belle réputation en National, un championnat qu’il connaît sur le bout des doigts. Malgré tout, c’est encore insuffisant pour toucher la Ligue 2 ou la Ligue 1, son ambition majeure. Une question d’image, peut-être…

Karim Mokeddem, avant Orléans-Rouen, le 12 février dernier. Photo Bernard Morvan.

Karim Mokeddem et le National, c’est une histoire qui dure depuis longtemps ! À tel point que le Lyonnais de 50 ans semble faire partie du décor. Huit ans, déjà, que l’ancien coach de Ménival et des Minguettes s’est fait connaître dans l’antichambre du monde pro avec Lyon-La Duchère, une équipe qui, sous sa direction, avait déjà réussi l’exploit de terminer en tête de son groupe de CFA devant Grenoble (en 2016) et qui, ensuite, n’était pas passée loin d’accéder en Ligue 2 (7e en 2017, 6e en 2018 et 5e en 2019).

Mais c’est véritablement avec l’AS Vénissieux Minguettes (aujourd’hui FC Vénissieux), lors de la saison 2012-2013, que le titulaire du BEPF – major de sa promotion en 2019 ! – a commencé à faire parler de lui. Son équipe, pensionnaire de CFA2 à l’époque, élimina Le Poiré-sur-Vie (National) en 16e de finale de la coupe de France aux tirs au but avant de s’incliner contre un club de l’élite, Nancy, en 8e, 2-0 après prolongation. Typiquement le genre d’épopée qui suscite l’intérêt. Comme celui de « La Duch », donc, qu’il rejoignit en fin de saison.

Un nom qui revient souvent

Avec Lyon-Duchère. Photo Philippe Le Brech.

Karim Mokeddem et le National, c’est une telle évidence que l’on a parfois l’impression qu’il pourrait coacher dans les 18 clubs du championnat ! C’est évidemment impossible mais ce qui est sûr, c’est que son nom est souvent cité en période de mercato ou de … limogeage. Ce fut le cas ces deux dernières saisons, d’abord lorsqu’il fut appelé au chevet de Saint-Brieuc, début octobre 2022, pour succéder à Didier Santini. Ensuite début novembre 2023, pour prendre la suite de Bernard Casoni à l’US Orléans.
Dans les Côtes-d’Armor, il ne fut pas loin de réussir l’opération maintien : à son arrivée, les Griffons ne comptaient que 4 points en 8 journées. Sous l’ère Mokeddem, ils ont glané 34 points en 26 journées (1,30 point de moyenne par match), soit le parcours d’une équipe de milieu de tableau.

Et depuis son arrivée à Orléans, le coach rhodanien a déjà signé un exploit : une qualification en 16e de finale de la coupe de France après des succès sur le terrain de l’AC Ajaccio (Ligue 2) au 8e tour et face à Nîmes (National) en 32e. Un parcours récompensé par un match de gala au stade de La Source face au PSG (élimination 4-1). Et en championnat, l’équipe, 11e à son arrivée (15 points en 12 matchs), a redressé la barre (4 victoires, 2 nuls et 2 défaites). Un effet Mokeddem ? Possible… L’USO compte désormais 29 points (en 20 matchs) et a amélioré sa position de 3 places (8e). Et elle aura encore l’occasion de s’éloigner de la zone rouge ce vendredi, face à Avranches, dans un match qui vaudra cher pour le maintien.

Pierre Sage : « Son image a évolué »

Avec Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.

Karim Mokeddem et le National, c’est donc une histoire d’amour mais l’intéressé a une ambition claire : il veut coacher plus haut. En prenant les rênes du FBBP01 (Bourg-en-Bresse/Péronnas) en 2019, un club au statut pro (mais relégué en National un an plus tôt), puis en rejoignant Châteauroux, il s’en est rapproché. Mais voilà : pour toucher la Ligue 2, il faut soit monter avec son club, soit attendre le coup de fil d’un président, et là…

Mais, à l’instar de plein d’autres coachs de National, voire de N2 et de N3, il peut désormais s’appuyer sur la jurisprudence Pierre Sage, l’ambassadeur du foot d’en-bas propulsé fin novembre tout en haut ! L’actuel entraîneur de l’OL en Ligue 1 est d’autant mieux placé pour parler de Mokeddem qu’il fut son adjoint à La Duchère en 2018-2019 : « Karim est déterminé à entraîner en professionnel, témoigne Pierre Sage. Il est persévérant. Par exemple, il a postulé plusieurs fois au BEPF avant d’être admis. Il veut vivre du foot et il sait où il veut aller, c’est-à-dire le plus haut possible; à La Duchère, il avait gardé son job de comptable dans une association. Parce qu’il savait que ce n’était pas pérenne. »

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

Toujours au sujet de Karim Mokeddem, Pierre Sage ne tarit pas d’éloges : « Karim se définit toujours comme un entraîneur qui vient du find fond du foot amateur. Il a une super réputation. Pourquoi il n’entraîne pas plus haut ? Je ne sais pas s’il le dira, mais il est catalogué comme l’entraîneur de quartier, qui a entraîné aux Minguettes et à La Duchère… Il en a conscience et a cassé cette image en allant à Bourg, à Orléans, à Châteauroux ou en Bretagne. Son image a évolué. On n’a passé qu’une seule saison ensemble, mais on est vraiment amis. Quand il est parti à Bourg, il m’a proposé de le suivre, mais je ne voulais pas retourner dans mon ancien club. Karim, c’est quelqu’un de très proche des joueurs. Il fait tout pour les mettre dans de bonnes conditions. Il prend soin d’eux, de leurs familles, de leurs enfants. Il a un charisme basé sur le respect et la proximité. Il ne met pas de barrières « de fou ». C’est un coach courageux, qui a une ambition de jeu : dernièrement, j’ai regardé son match en coupe face au PSG, j’ai reconnu sa patte. Son équipe a poussé le PSG dans ses retranchements. Karim, comme il dit, c’est « Tu le jettes dans le désert, il rentre chez lui à pied ! », il a plein de punchlines comme ça. Et un jour, on retravaillera ensemble, d’une manière ou d’une autre. »

Aït-Ouarab : « Pour aller au-dessus, il lui manque juste la confiance d’un président »

Avec Lyon-Duchère. Photo Philippe Le Brech.

Ahmed Aït-Ouarab, ex-footballeur pro (et ex-coach adjoint de la sélection de Mauritanie, du Puy-en-Velay et coach principal à Vaulx-en-Velin jusqu’à Noël dernier) fut lui aussi son adjoint à La Duchère, en CFA puis en National : « Karim est dans l’affect avec ses joueurs, il est très proche d’eux, il a une gestion pro-active avec eux et sait tirer le meilleur de son groupe, confirme-t-il. Il sait sur qui il peut s’appuyer et sur qui il faut rester attentif. Il est humain et prend soin des joueurs : il connaît tout de leur vie. Il sait gérer son groupe, qu’il surveille comme du lait sur le feu, car il voit tout, il est très observateur. C’est une de ses plus grosses forces. Au niveau du management, il est dans l’orgueil, il aime piquer ses joueurs, il les pousse à aller chercher le meilleur d’eux-mêmes. Après, il peut être dur et exigeant, parce qu’il est avec lui-même. Du coup, il ne peut pas en attendre moins de la part des autres. C’est aussi un fin tacticien, qui analyse, qui observe, qui est dans sa bulle pendant le match. Il ne lui manque rien pour aller au-dessus, juste la confiance d’un président. »

Mercredi 14 février dernier, deux ans jour pour jour après son « limogeage » du FBBP 01, « le jour de la Saint-Valentin, ça ne s’oublie pas ! », Karim Mokeddem est revenu sur son parcours, ses expériences, ses ambitions, ses relations avec les joueurs, sa philosophie de coach et, bien sûr, sur cette question qui nous taraude : pourquoi n’entraîne-t-il pas plus haut ?

Karim Mokeddem :
« Il faut persévérer pour réussir »

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Le meilleur souvenir de ta carrière de coach à ce jour ?
La victoire au tirs au but avec les Minguettes face au Poiré-sur-Vie, en 16e de finale de la coupe de France, en 2013. Il n’y a pas de mots, et il y a même des larmes… Et après on se fait sortir par Nancy (L1) en prolongation (0-2). Pour la petite histoire, c’est Benjamin Moukandjo qui marque le premier but pour Nancy et c’est ce même Moukandjo qui a tiré au sort le PSG pour Orléans en coupe de France le mois dernier !

Et le pire souvenir ?
Avec Lyon – La Duchère, contre Martigues, en CFA (en 2014) : deux joueurs de mon équipe se télescopent, et on a vraiment cru que l’un des deux allaient y passer… C’était Jean-Martial Kipré qui se replace et Yacine Hima qui tacle : en fait, le genou de Martial heurte la tête de Yacine. On pleurait, on ne savait pas quoi faire, Yacine avait une plaie ouverte au genou, il titubait, il convulsait au sol. Mon pire souvenir.

« J’ai appris les codes du football d’en-haut »

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan.

Sportivement, ma dernière année à La Duchère (2018-2019), on jouait très bien au foot, certains joueurs étaient là depuis 3 ans, on se trouvait les yeux fermés. On pouvait aller très loin dans les aspects tactiques. On démarrait les matches avec un onze et trois systèmes, et avec le même onze, on était capable de « switcher » sur trois systèmes différents dans le même match. J’avais aussi un staff de qualité, avec Rémy Kalèche, Pierre Sage, Maxence Pieulhet et Dalin Anrifani. C’est aussi l’année où je passe mon diplôme (BEPF).

D’ailleurs, en parlant de diplôme, tu es sorti major de ta promotion : est-ce que ça a créé des liens entre vous tous ?
Alors pour moi, pour 90 % d’entre-eux, je suis encore en contact assez régulièrement. Après, c’est comme partout, on se rapproche plus de certains que d’autres, par exemple, j’ai plus souvent Laurent Peyrelade, Jerôme Arpinon, Stéphane Jobard ou Fabien Lefèvre, d’ailleurs, ce dernier doit venir passer quelques jours avec moi à Orléans.

Avec Mathieu Chabert, à Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.

Les 10 % qui restent, c’est Mathieu Chabert ?
Non ! Avec Mathieu, après l’épisode de Châteauroux, on a eu une discussion d’hommes et tout est rentré dans l’ordre; je l’ai au téléphone, je l’ai vu il y a un mois Paris, on a regardé un match ensemble.

Une erreur de casting dans ton parcours ?
Je ne regrette rien. Tout ce qui s ‘est passé, et même les erreurs que j’ai pu faire à un moment donné, m’ont servi pour grandir. J’ai appris les codes du football d’en haut, pour quelqu’un comme moi qui vient du fin fond du football amateur comme je le dis souvent, car il y avait certaines choses que je n’avais pas appréhendé. J’avais une certaine ligne de conduite, basée sur une phrase simple : « la parole fait l’homme », or dans ce milieu, il faut apprendre que la parole, elle ne vaut pas grand-chose.

Le club que tu rêverais d’entraîner, dans tes rêves les plus fous ?
Ce serait plutôt une sélection : l’Algérie.

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

Tes modèles de coach ?
Sur les principes du football total et global, ce sont souvent les mêmes noms que je cite, comme l’Argentin Ricardo La Volpe, pour les sorties recherchées, raffinées. Bielsa aussi, parce que j’aime bien jouer à 3 et il a fait des grandes choses comme ça. Au niveau français, Coco Suaudeau et Reynald Denoueix ont été de grandes sources d’inspiration. D’autres coachs sortent du lot aussi en France, où on a de la qualité, je pense à Franck Haise, qui est un chercheur, qui essaie d’améliorer constamment ses idées, son projets de jeu, sa relation avec ses joueurs.

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Après, c’est aussi en fonction des différents aspects : la gestion humaine avec Carlo Ancelotti, la communication et la tactique de José Mourinho, la recherche de la perfection de Pep Guardiola… Il y en a d’autres comme Roberto De Zerbi, qui n’a pas peur de s’exporter, Luis Erique, un bon technicien. J’essaie de puiser un peu partout mais je ne fais pas de copier-coller car c’est impossible, ce ne sont jamais les mêmes joueurs, jamais le même contexte, pas la même qualité, pas la même direction… Il y a plein de paramètres qui dffèrent. José Mourinho, même s’il a été critiqué, là où il a été très fort, c’est qu’il a su inculquer à des joueurs de ne pas jouer à leur poste pour le bien de l ‘équipe, c’est une force chez lui, c’est un grand coach, qui a su se réinventer pour s’offrir une deuxième jeunesse et puis il na pas été joueur pro, donc ce sont des petites choses comme ça qui me parlent. Il faut persévérer, s’accrocher, pour réussir.

« J’ai envie d’y arriver, d’aller en haut »

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Et s’il fallait ne retenir qu’un seul coach ?
Pep (Guardiola).

Pas Pierre Sage ?
Non, Pep, c’est référence.

C’était une boutade, hein… : ça te fait quoi de voir Pierre Sage sur le banc de l’OL, ton club de coeur en plus ?
Déjà, ça me fait plaisir ! Avec Pierre, on a bossé ensemble, on se connait depuis 20 ans, on a un peu le même parcours : lui aussi vient du fin fond du foot amateur ! Je suis content de sa réussite. Tu sais, moi, je suis entier : souvent, en France, l’entraîneur est content quand son collègue réussit, du moment qu’il ne réussit pas mieux que lui… Ce sont peut-être mes origines lointaines qui font que je suis content pour lui, tout simplement, et que je ne lui souhaite que du bien. Au delà du fait de connaître sa femme, son beau-fils, sa famille, etc., quand tu connais Pierre, tu ne peux pas lui souhaiter du mal, c’est impossible.

Avec Lyon-Duchère. Photo Philippe Le Brech.

Quand tu me demandais quelle était la plus belle saison que j’ai vécue, je t’ai dit la dernière à Lyon – La Duchère, parce qu’on était sur un certain niveau de jeu, et aussi parce mon staff, c’était de la bombe atomique, et Pierre était dedans, avec Rémy Kalèche et Max Pieulhet. Pour la première de Pierre en Ligue 1 à Lens, je n’imagine pas un seul instant ne pas être en tribune à Bollaert : je pars d’Orléans avec ma voiture, j’appelle « Alé » (Alaeddine Yahia) qui bosse à Lens et me trouve une place, et je l’en remercie, et là, sur la pelouse, y’a Julien Sokol (team manager de l’OL) qui me voit, il est surpris, et il dit à Pierre, « Y’a Karim », et là, Pierre me voit, il est un peu tendu, c’est normal, et il se déride, et juste ça, ça a a suffi à mon bonheur, juste le fait qu’il se retourne, qu’il me voit, et d’ailleurs, y’a une photo de Pierre qui a fait le tour quand un article sort sur lui, quand il me sourit.. Bien sûr, personne ne sait que c’est ce moment-là, mais moi, ça m’a suffi : « t’es mon pote, je suis là, je suis venu te soutenir ». Après, le quotidien reprend son cours, mais je suis content pour lui.

« En L1 et en L2, il y a très peu d’entraîneurs issus de la diversité »

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

Est-ce que tu l’envies ?
Ce n’est pas que je l’envie, c’est juste que j’ai envie d’y arriver, d’aller en haut, ça oui. Sinon, je ne l’envie pas lui en particulier. Ce que je veux, c’est pouvoir accéder à ça à un moment donné mais dans nos carrières, il y a une réalité; ce sont des accidents de parcours. Pierre, il est au bon endroit au bon moment et il n’y a pas de hasard : c’est la récompense de tout le travail qu’il a fait avant. L’année dernière, il part du Red Star et décide de revenir à Lyon, il prend le poste de directeur du centre, c’était écrit, ça devait arriver. Donc à moi aussi de faire en sorte que l’histoire s’écrive de façon à ce que je puisse accéder à ce championnat professionnel à un moment donné.

Avec l’arbitre Jacques Salze. Photo Philippe Le Brech.

Tu jouis d’une excellente réputation dans le milieu : pourquoi quelqu’un comme toi n’entraîne-t-il pas au moins en Ligue 2 ?
Je sais où tu veux en venir (rires) et je suis obligé d’en parler ! Tu la connais la réponse ! Peut-être que Saïd Chabane, un jour, me donnera ma chance, s’il est encore président d’Angers (rires) ! Elle est là la réponse ! Je n’en ai jamais parlé avant mais si tu remarques bien, mes anciens présidents s’appellent Ddjoudi Boumaza à Menival, Ahmed Zouak aux Minguettes ou Mohamed Tria à Lyon – La Duchère, et tous les trois ont un dénominateur commun, Djoudi, Ahmed, Mohamed… Mais je dois remercier aussi les autres présidents qui m’ont fait confiance, Gilles Garnier et Patrick Martellucci à Bourg, Guillaume Allanou au Stade Briochin, et aujourd’hui Philippe Boutron à Orléans, et cette confiance qu’ils placent en moi, j’essaie de leur rendre au maximum. Mais aujourd’hui, tu as une triste réalité : il y a très peu d’entraîneurs issus de la diversité qui sont représentés en Ligue 1 et en Ligue 2. Il y a Pat Vieira et Omar Daf. Tu te rends compte ? ça ne fait vraiment pas lourd. C’est comme ça et comme dit Bob Marley, il faut que l’on soit acteur de notre destin. Donc c’est à moi de décider de mon choix et de me battre pour mes droits !

« Tous les jours, quand je me lève, je pars au combat »

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

On a l’impression aussi que si tu ne montes pas avec ton club, cela va être compliqué d’y arriver …
C’est un peu l’objectif et c’est pour ça que je suis content d’être à Orléans, parce que je pense qu’on a un bon effectif et que si on l’améliore, que l’on s’inscrit dans une certaine forme de continuité, on pourra, la saison prochaine, se mêler à lutte, mais d’abord, il faut bien finir cette saison et surtout se maintenir, ce qui reste la priorité avec encore six descentes. Par contre, on sait que le club traverse actuellement une zone de turbulences, donc on attache nos ceintures et je fais confiance à mon président pour trouver la bonne porte de sortie, afin que l’on soit compétitif encore toute la fin de cette saison et l’année prochaine. Et puis si ce n’est pas le cas, il faudra encore repartir au combat ! De toute façon, tous les jours, quand je me lève, je pars au combat ! C’est pour ça, quand j’entends parler de pression dans le foot… Mais moi, depuis que je suis né, j’ai la pression. Déjà, ma maman m’a mis la pression pour réussir dans les études ! Aujourd’hui, dans mon métier, dans ce milieu très fermé, tu sais que tu dois te battre chaque jour.

Avec Philippe Boutron, le président de l’US Orléans. Photo USO.

Orléans traverse une zone de turbulences : est-ce que cela peut être un frein à tes ambitions et à celle de ton équipe ?
J’ai déjà vécu une vente en cours de saison, à Bourg, et ça a été catastrophique… D’ailleurs, je n’y ai pas survécu, parce que je n’avais pas encore tous les codes… Généralement, je fais toujours ce que je dis et je dis ce que je pense., mais dans notre métier, il ne faut pas toujours dire ce que l’on pense. J’ai grandi par rapport à ça. Là où je trouve que Philippe Boutron gère bien la situation à Orléans, c’est qu’il fait tout pour que cette vente soit différée à l’intersaison. C’est intelligent de sa part, parce que je peux vous dire qu’une vente en cours de saison, c’est catastrophique en termes de gestion : on se retrouve à faire des entretiens individuels en pleine saison, c’est compliqué, cela engendre de l’instabilité. Aujourd’hui, j’ai zéro garantie. La seule garantie que j’ai, c’est que mes joueurs et moi sommes là, et qu’on est payé en temps et en heure. Je dois juste rester concentré sur le terrain, sur le football. Je ne dois pas m’éparpiller.

Faire progresser tes joueurs, c’est aussi une de tes missions ?
Toujours ! C’est un objectif fort chez moi ! Je ne peux pas concevoir de prendre des joueurs en début de saison et que 7 ou 8 mois plus tard, ils aient le même niveau; je ne l’accepte pas. C’est comme quand je passe quelque part, il faut que je laisse deux ou trois petites choses, qui ont fait progresser le club ou les joueurs, c ‘est vraiment important.

« Chérie, je me suis fait virer ! »

Avec Vincent Magniez (FFF TV). Photo Philippe Le Brech.

Tu répètes souvent que tu as appris de tes erreurs, comme à Bourg, peux-tu préciser ?
J’ai beaucoup appris sur moi-même. Je suis passé par des clubs « populaires », où il faut avoir du tempérament, et moi j’ai un tempérament où j’essaie de forcer le respect par mon travail. Je le répétais souvent aux joueurs : on pouvait me reprocher plein de choses, mais pas mon investissement et mon travail. A Bourg, c’était la première fois que je quittais Lyon même si je restais en Rhône-Alpes, sauf que cette fois, j’intégrais un club professionnel, avec des joueurs qui avaient cotôyé le monde pro. J’avais déjà entrainé des joueurs du monde pro, mais qui étaient mentalement entrés dans l’état d’esprit « Duchère » ou « Minguettes » à l’époque, et là, à Bourg, c’est moi qui devait aussi, en gardant mon identité, prendre en considération les codes des coups bas, parce qu’il y en a beaucoup plus qu’en amateur, et même parfois de la part des joueurs, qui peuvent être un peu complotistes. Donc j’ai appris ça.

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Et puis il y a la question du rachat : je pense que quand un club est racheté, si on ne te prolonge pas d’un an ferme ou de deux ans ferme tout de suite, ça veut dire ce que ça veut dire, c est un signal. Donc soit on t’inscrit dans le projet, et c’est ce qu’on m’avait vendu à Bourg, où il me restait un an et demi de contrat quand le club a été racheté, soit… Ils auraient pu me dire « tiens on se donne deux ans » pour monter, sans compter la fin de saison en cours. On m’a dit « C’est avec toi qu’on va le faire », mais rien n’a jamais été écrit ou signé, donc on n’a jamais prolongé. Et puis, il y a l’aspect « ingérence », quand des gens veulent faire l’équipe : j’aurais dû dire, « On se met autour de la table et on trouve une porte de sortie », parce que, faire l’équipe à ma place, avec moi, ça ne marche pas. J’échange avec Bruno Genesio ou Stéphane Jobard, qui était l’adjoint de Rudy Garcia… Garcia, il est très fort là-dessus : tout en maintenant ses idées, il est capable de « donner à manger » à tout le monde, aux dirigeants, aux joueurs, c’est une qualité. J’ai appris un peu peu- là dessus aussi, sur les relations humaines, sur la gestion avec la direction, la gestion quand tu te fais virer.

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Tu vois, c’est la Saint-Valentin aujourd’hui, et bien je me suis fait virer le 14 février (rires), le jour de la Saint-Valentin (grand éclat de rires) !! Je suis arrivé avec mes fleurs à la maison, j’ai dit à ma femme, « Chérie, je me suis fait virer ! » mais elle était déjà au courant car le club avait communiqué sur les réseaux sociaux, ça aussi, ce sont des petits trucs moyens… Je ne suis pas rancunier, mais je n’oublie pas. Après, il n’y a pas de bons moyens de se faire virer : la finalité est la même. J’ai appris à faire ce travail sur moi-même, parce que dans les formations, on n’aborde jamais ça, la relation entraîneur-directeur sportif et la gestion du licenciement. Quand tu te retrouves tout seul chez toi, que tu prends tes baskets, que tu vas courir, t’es bien, y’a du soleil, et puis au bout de 20 minutes de footing, t’as envie d’étrangler tout le monde, tu rentres à la maison, et tu fais le yoyo toute la journée. Il ne se passe plus rien, alors que dans ma vie, ça bouge ! Ton téléphone, qui sonnait tous les jours de 8h du matin à 8h du soir, d’un coup, c’est le néant… Et là tu vois aussi tes vrais amis du football, ceux qui ne t’oublient pas, ceux qui te font le petit texto, qui passent un coup de fil, ça fait plaisir. Tous les entraîneurs qui se sont fait virer, quelle que soit la raison, ils ne le prennent jamais bien.

On sent que l’épisode Bourg t’a marqué…
C’est fou parce qu’à Bourg, j’ai eu une meilleure relation aujourd’hui avec ceux qui ont racheté le club, après m’être fait virer ! Je les ai de temps en temps au téléphone. Et quelque part, on a peut-être des regrets… J’ai beaucoup appris dans cette période sur les relations humaines, avec la direction notamment, mais c’est compliqué, parce qu’en National, les joueurs sont semi-pros. C’est un championnat semi-batard ! Il faut vraiment que ce championnat devienne pro, avec un cahier des charges à remplir, notamment pour les équipes de National 2 qui montent, où il faudrait un centre d’entraînement, un terrain de match d’aplomb, parce que des fois, quand je vois certaines équipes qui montent… Et j’ai du respect pour elles parce que je suis monté de N2 en National avec La Duchère, alors qu’on n’avait rien, mais on a essayé d’améliorer notre terrain de match, on a créé un petit centre de d’entraînement qui valait ce qu’il valait, et finalement, pour avoir fait pas mal de clubs depuis, je peux dire que l’on n’était pas à plaindre à La Duchère.

« Je vais retrouver Oswald (Tanchot), 11 ans après ! »

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Peu de gens savent que, quand tu coachais La Duchère en National, tu travaillais à côté…
Oui, je bossais le matin à La Duchère et à 14 heures, je filais au bureau jusqu’à 19 heures ! Je travaillais au centre social de Champvert à Lyon 9e. Champvert, c’est 3 millions de chiffres d’affaires et 70 salariés. Je m’occupais de la comptabilité, des projets ville-état-région avec les jeunes, c’était bien, et si j’ai de bonnes relations avec mes joueurs sur l’aspect social, je sais d’où ça vient, on ne se réinvente pas. J’ai arrêté de travailler à côté du foot il y a 5 ans, quand je suis parti à Bourg.

Pourquoi as tu chois d’être entraîneur ?
Cela fait pas loin de 20 ans que j’entraîne maintenant, j’ai commencé à 30 ans. Je jouais à Ménival, on est monté de 2e division de District jusqu’en Ligue (PHR) et il fallait un diplôme « animateur seniors » pour entraîner à ce niveau-là. J’ai rapidement passé les diplômes « initiateur 1 », « initiateur 2 » et « animateur seniors ». En passant les diplômes, j’ai côtoyé des entraîneurs, des formateurs, et j’ai vu que j’aimais l’analyse du foot, que je me sentais bien au milieu de tous ces gens, alors que je n’avais jamais joué en CFA ni même en DH, mais j’étais à l’aise. Je me suis ensuite dit « pourquoi ne pas aller au Brevet d’état ? », alors je fais les sélections, je suis pris, et là, je côtoie d’autres personnes, d’autres formateurs, comme Jean-Yves Ogier (OL), tous de très bons pédagogues. Et puis je divorce : là, je me dis que je vais arrêter pour m’occuper de mon fils de 5 ans et demi à l’époque. Patrice Ouazar part entraîner aux Minguettes en CFA2 et cherche un adjoint : ça tombe à un moment où je voulais faire une formation de préparateur physique, histoire de rester en contact avec le sport. « Pat » me propose d’être son adjoint, je dis oui. Quand j’ai découvert le CFA2, je me suis dit « Mais c’est là que j’ai envie d’être, c’est ce que je veux faire » !

Avec Lyon-Duchère. Photo Philippe Le Brech.

Patrice Ouazar, c’est une rencontre très importante : il a été dans le partage avec moi. J’étais plus que son adjoint, il m’a donné une liberté. A la fin de la saison, il a dû partir pour raisons personnelles et là, Alain Reale, le président d’honneur (le papa d’Enzo Reale), et Ahmed Zouak, le président, me disent « C’est toi qui va prendre l’équipe » ! Je n’avais pas le diplôme. Ils m’ont dit « ce n’est pas notre problème, c’est ton problème ! Tu trouves quelqu’un qui va te couvrir et après son se débrouille, tu iras au diplôme » ! Quand je te parlais des « paroles d’hommes »… C’est pour ça que tu ne peux pas me décevoir sur une parole. Je suis attaché à ça. Tout est parti de là ! On fait des belles saisons aux Minguettes et puis il y a ce parcours en coupe de France en 2012-2013, où je croise Oswald Tanchot avec Le Poiré-sur-Vie; ça va être rigolo, car on va jouer l’un contre l’autre mardi (Orléans-Sochaux, mardi 27 février, à 19h30), et la dernière fois qu’on s’est affronté, c’est sur ce match de coupe, en 2013 ! On va se retrouver 11 ans plus tard !

Avec Thomas Hernu (communication du Red Star et ancien de La Duchère). Photo Philippe Le Brech.

Cette relation avec Patrice Ouazar aux Minguettes, elle t’a servi ensuite avec tes adjoints ?
Oui, tu es obligé, après, la différence, c’est la vision footballistique : entre mes débuts avec « Pat » et aujourd’hui, elle a fortement évolué, parce que j’ai bossé, je fais des recherches, je me forme, je travaille mon projet de jeu qui faisait 10 pages au début et qui en fait 120 maintenant. J’essaie d’améliorer les choses. Alors bien sûr, aux joueurs, je ne leur présente pas un projet de 120 pages, mais une vidéo de 3 minutes offensivement et 3 minutes défensivement; 6 minutes, c’est largement suffisant. Mais ce sont 6 minutes avec beaucoup de réflexion en amont. Je ne supporte pas quand un joueur me pose une question et que j’arrive pas à lui trouver la réponse. Pendant ma formation au BEPF, j’ai évolué là-dessus, dans les relations avec les joueurs et le staff, grâce à la richesse des échanges que j’ai eus avec Stéphane Jobard, qui était adjoint de Rudy Garcia à Marseille, et Fabien Lefèvre, qui était adjoint de Thierry Laurey à Strasbourg; ils m’ont raconté comment ça se passait et je me suis enrichi de leurs expériences. On a beaucoup échangé, partagé… Dans mon carnet d’adresses, j’ai la chance d’avoir des directeurs sportifs, avec qui j’échange aussi sur la gestion de conflit : les lofs, pas les lofts, les joueurs mis de côté, etc. Après je fais les choses à ma sauce.

« Je suis un entraîneur qui entraîne »

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

Tu es un coach plutôt…
Travailleur. Je suis un entraîneur qui entraîne. J’ai besoin de réfléchir aux séances, de les diriger, de poser les problèmes de jeu, de créer des nouveaux exercices régulièrement. Il ne faut pas que cela soit morose et monotone. Je suis plutôt un entraîneur exigeant avec le staff, parce que je suis exigeant avec moi-même déjà, mais j’accompagne, je fais confiance, parce qu’en en National, on trouve des staffs avec de la compétence, comme à Orléans, et j’ai envie d’aider les gens à réussir aussi, parce que je n oublie pas d’où je viens.

On dit que tu es proche des joueurs, bienveillant, protecteur…
Il faut s’inspirer des grands. Mon idée c’est « Gagne le coeur et l’esprit de tes joueurs avant de les emmener à la guerre avec toi », c’est un peu la marque de Carlo Ancelotti. Je pense que si tu as le coeur des hommes avec toi et que derrière tu rajoutes la tactique, tu auras plus de chance de gagner des matchs. Après, il faut qu’il y ait un peu de qualité bien sûr. C’est vrai, j’essaie de bien connaître mes joueurs : j’ai un questionnaire pour eux, qui fait 5 pages, que je leur distribue en début de saison et qu’ils doivent remplir. Il regroupe énormément d’informations générales, leur adresse, l’adresse des parents, si le joueur a des frères et soeurs, si les parents sont mariés ou divorcés, s’il y a eu des décès dans sa famille; ça permet d’éviter de faire des impairs si un jour tu veux activer certains leviers émotionnels. Avec ces questions, j’arrive à profiler le joueur.

Avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech.

Mais le joueur peut mentir sur le questionnaire…
Bien sûr, il peut mettre ce qu’il veut ! Hier (lundi 13 février), j’ai repris un joueur de volée devant le staff… Cela fait 20 ans que j’entraîne, j’ai brassé des centaines de joueurs, donc tu penses bien que j’arrive à déceler certaines choses depuis le temps ! ça permet de leur remettre les pieds sur terre parfois. Parfois je garde les choses pour moi, pour ne pas froisser les joueurs, mais si on vient me poser la question, alors il faut être prêt à entendre les choses, parce que je vais répondre honnêtement. Si tu es droit et honnête avec eux, il ne faut pas faire de promesses. Je sais qu’il existe des coachs qui font des promesses : « je te fais jouer la semaine prochaine, là tu te reposes cette semaine » mais si tu gagnes 5-0, tu fais quoi la semaine d’après ? Ou bien le joueur que tu voulais faire souffler le week-end d’après et qui fait le match de sa vie, qui met triplé : tu fais quoi la semaine d’après ? Quand on est coach, il y a des choses que l’on peut dire et d’autres non. Pour en revenir aux fiches, des joueurs ont répondu à côté, bien sûr ! Quand je leur demande leurs qualités et leurs défauts d’homme, et leurs qualités et leurs défauts de joueur… Quand un garçon me met sur la feuille « très à l’aise techniquement pied droit et pied gauche » et qu’au bout d’une semaine ou d’un jour, je lui dis « Non mais tu ne peux pas marquer ça sur la feuille, tu n’as pas de pied gauche, et le pied droit, bah, c’est pas toujours lui qui décide où va le ballon ! »

« Quand je retourne à Ménival, ça met une piqûre de rappel »

Un président marquant ?
Je vais les vexer, donc tous et surtout le président de mon club de coeur, Djoudi Boumaza : il a donné sa vie à Menival, du lundi matin au dimanche soir. Il passe sa vie au club. Il sacrifie son temps pour le club et il est toujours là ! Il a construit des choses, il a bâti une section féminines, il a fait remonter les seniors en Ligue, un terrain en synthétique a été fait, des choses sont faites pour les jeunes, ce club, c’est un vecteur social fort de la ville. C’est là où j’ai mes amis, dont certains avec qui on a fait les 400 coups ! J’y suis retourné cet hiver voir jouer l’équipe 1 en Régional 3, je suis passé voir les copains, et puis ça met une piqûre de rappel.

Une devise ?
Une seule ? C’est dur ! Celle que je ressors souvent, ça vient de « L’art de la guerre » de Sun Tzu : il faut faire attention aux initiatives individuelles qui nuisent au collectif. C’est tellement vrai dans le foot : parfois, un joueur prend une initiative individuelle, un drible, une passe, et derrière, ça se transforme en but contre toi.

Tu as déjà pris un carton rouge ?
J’étais sur le banc de La Duchère, il y avait Cyril Garcia, mon entraîneur des gardiens, avec moi, et Cyril a « terminé » l’arbitre; ce dernier vient vers moi et me met le rouge ! Cyril se tourne de l’autre côté et baisse la tête comme un enfant ! J’avais pris deux matchs de suspension mais l’arbitre s’est rendu compte après que ce n’était pas moi le fautif ! Quand j’étais à Saint-Brieuc, j’ai rencontré l’ancien arbitre, Stephane Bré, on avait une relation amicale : il m’a dit : « L’arbitre, qu’il soit bon au mauvais, il va terminer le match, alors que toi, ce n’est pas sûr ». Donc maintenant, quand je m’énerve sur le banc, je repense à Stephane Bré !

Ton match référence sur le banc ?
Avec Lyon – La Duchère, à Chambly, en National (en 2019) : et pourtant, on ne gagne pas, on fait 1 à 1. J’avais convaincu mes joueurs qu’on allait jouer en 3-4-3 losange, sans latéraux, sans piston, et qu’on allait prendre Chambly à la gorge, qu’on allait les étouffer. A J-2 du match, Mamadou Camara, Youssoupha N’Diaye et Jérémy Romany, mes trois centraux, je ne les sens pas convaincus; je leur dis « on va aller les chercher haut, on va jouer un 7 contre 7 dans leur camp et un 3 contre 3 dans notre camp, et vous, les trois costauds de derrière, vous avez peur des trois attaquants de Chambly ? » En fait, je les ai fait « switcher » ! A la fin du match, tout le stade nous a applaudis.

Et ton pire match sur le banc ?
C’est la saison de mon retour à La Duchère avec Bourg, on en prend 5… Toi, tu reviens dans le club ou tu as passé 6 ans, et t’en prends 5, devant tes amis, ta famille… Après, il faut assumer, mais là… Rien ne marchait ce jour-là; ça fait mal, mais ça fait grandir !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales).

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Intronisé le 21 décembre dernier, l’entrepreneur se décrit comme un président-supporter. Ce passionné fourmille d’idées et déborde d’ambition pour Marignane-Gignac-Côte Bleue (National), où le vaste chantier ne lui fait pas peur, et où il se voit rester longtemps.

Aliaume Gonthier, aux côtés de Christophe Celdran, l’un des vice-présidents, et de Vincent Montagnac, directeur général. Photo Maritima.

C’est le plus jeune président du National. Mais pas le moins expérimenté en matière de business et de gestion d’entreprise. Et parce que le football se gère comme une société, et parce que le ballon a toujours été sa passion, Aliaume Gonthier a craqué. Juste avant Noël, il s’est offert un joli cadeau. Un club de football. Pas le plus glamour. Mais pas le moins inintéressant non plus : parce qu’au MGCB – Marignane Gignac Côte Bleue -, il y a (presque) tout à faire. Tout à construire. Et c’est bien connu, « il est beaucoup plus facile de détruire que de construire », comme il le répète.

A 34 ans, le natif de Beauvais, dans l’Oise, fils de commerçants, s’est découvert une passion pour ce club niché sur les bords de l’étang de Berre, en face de Martigues et d’Istres, à quelques centaines de mètres de l’aéroport éponyme : ça tombe bien, le supporter du FC Sochaux (où il est toujours actionnaire), et aussi du RC Lens et du Stade de Reims, entend faire décoller son club, d’abord en parvenant à le maintenir en National, puis en le faisant évoluer, tant sportivement que structurellement. Un pari osé, cher, dans un coin de France où le foot n’est une religion qu’à l’OM; où Martigues, distant d’à peine plus de 15 kilomètres, truste le haut de tableau du tableau en National depuis sa remontée au 3e niveau de la hiérarchie française en 2022; et où l’on ne se bouscule pas pour aller voir des matchs amateurs… Tout ça, Aliaume Gonthier le sait bien, mais il veut faire bouger les choses.

Actionnaire au FC Sochaux

Maxence Renoud, arrivé au mercato de janvier 2024, en prêt de Lausanne, aux côtés du coach Brahim Hemdani et d’Aliaume Gonthier.

Quand il a officiellement repris le club, le 21 décembre dernier, les finances étaient plus que dans le rouge. Avec un trou de 600 000 pour boucler la saison actuelle, le MGCB était au bord du dépôt de bilan. En coulisses, les dirigeants s’employaient pour trouver un repreneur, afin, dans un premier temps, de terminer l’exercice 2023-24.

Et ce repreneur, c’est lui, Aliaume Gonthier, actionnaire du FC Sochaux-Montbéliard (via les Sociosochaux), dont la volonté première, après avoir contribué au sauvetage du club l’été dernier (260 000 euros d’investissement), était d’entrer au Conseil d’administration du club du Doubs. Mais comme les dirigeants Sochaliens n’ont pas voulu de lui, il a donc jeté son dévolu sur Marignane !

Mais qui est Aliaume Gonthier, ce jeune président que l’on a vu crier et chanter en tribune au stade Saint-Exupéry avec les supporters du MGCB contre Avranches (4-1), le mois dernier, au point de le confondre avec un supporter lambda ? Un président qui a beaucoup pris la lumière – à son insu – depuis sa prise de fonction, au point parfois d’en oublier qu’il y avait une équipe de National derrière, coaché par un garçon au CV de joueur long comme le bras, Brahim Hemdani, en difficulté dans son championnat. En difficulté, mais loin d’être larguée.

À 13 journées du baisser de rideau, les Provençaux sont, avec 20 points en 21 matchs, toujours dans la zone rouge, à 5 points du premier non-relégable. Les deux récentes victoires contre Martigues, avant Noël (1-0) et surtout la démonstration face à Avranches, le mois dernier (4-1), ont démontré que cette équipe avait les moyens de se sauver, malgré deux derniers revers en déplacement, à Châteauroux et à Nancy, entrecoupés d’un nul à domicile.

Le nouveau président est catégorique : « On va se maintenir ». Mais avec une nuance tout de même : « Si on descend, on remontera la saison d’après ». Bien sûr, cela peut passer pour de la prétention. Il faut surtout y voir de l’ambition. Et Aliaume Gonthier en a beaucoup pour son club. Et il a aussi beaucoup d’idées de développement.

Un président multi-fonctions

Installé à Bordeaux, où il passe une demi-journée par semaine au Lil’Home, un restaurant gastronomique sur les bords de la Garonne et dont il a la gérance, celui qui se définit comme un entrepreneur assure travailler 80 heures par semaine – dont une cinquantaine est consacrée au MGCB – et ne pas beaucoup dormir.

Le jour de cet entretien (réalisé jeudi 1er février), il est d’ailleurs accaparé par l’organisation du déplacement de son équipe à Châteauroux, le lendemain. Un déplacement contrarié par le mouvement des agriculteurs, et qui l’oblige à revoir la feuille de route. Les mini-bus, l’hôtel, la logistique, c’est lui qui s’en charge, en cas d’urgence ! « Je le fais moi-même, oui, un peu dans l’urgence. On est une association sportive. Je ne peux pas exiger trop de choses de la part des bénévoles. Et puis ça ne me pose pas de problème de faire ça. »
Et Gonthier de préciser : « J’ai décalé ma semaine de vacances au Mexique pour aller au match à Châteauroux ! ». Le stade Gaston-Petit plutôt que les Cenotes et Cancun, il fallait oser !

Aliaume Gonthier : « J’ai un plan A et un plan B »

Aliaume, en quelques phrases, présentez-vous ?
Je suis né à Beauvais dans l’Oise mais je me sens Rémois car j’ai fait toute ma jeunesse à Reims. Mes parents sont commerçants, ils ont d’abord tenus une supérette de quartier, à Glageon, dans le Nord, avant de prendre des entreprises de plus en plus grosses. Après le lycée à Reims, j’ai hésité à entrer en classe préparatoire, où j’ai été admis, mais comme j’avais une copine à l’époque, et que je marche avec le coeur, je suis resté à Reims où j’ai fait Neoma, une école de commerce, pendant 4 ans, dont 2 à l’étranger, en Irlande. En fait, je ne voulais surtout pas faire commerçant car je voyais l’investissement de mes parents, et puis les grosses multinationales, ce n’est pas mon truc. J’ai besoin d’humain et de méritocratie absolue, même si le réseau est important; cependant, je ne cautionne pas le « pistonnage ». Je juge les gens sur les résultats et je veux qu’on me juge sur les miens. La politique au travail ? Très peu pour moi.

Elle ressemblait à quoi, votre vie d’étudiant ?
Quand mes parents ont repris une petite affaire, je me suis pris au jeu, en marge de l’école, et j’ai géré un magasin, sans véritable contrat officiel, aux Mesneux, juste à côté Reims. Je n’ai jamais été un fêtard, j’ai toujours voulu mettre de l’argent de côté pour réaliser mes rêves. J’ai même habité chez mes parents jusqu’à mes 26 ans ! Avec mon frère, mon cadet de 2 ans, on a joué au foot, lui en centre de formation, mais on s’est fait les croisés. À cette époque, j’étais 4 jours en Irlande et 12 jours en France pour gérer l’entreprise familiale dont j’avais en quelque sorte un peu hérité. Et je ne m’étais pas fait opérer, je n’avais pas les moyens, ça coutait 20 000 euros en Irlande !

C’était quoi, vos rêves ?
Être entrepreneur, ne pas être verrouillé dans mes décisions et investir dans le sport, particulièrement dans le football. Quand j’étais jeune, je jouais à FIFA et à Football Manager ! Je joue encore un peu et j’ai promis aux joueurs de Marignane de jouer avec eux; à Football Manager, je prenais Sochaux, jusqu’à ce que le club ne disparaisse de la circulation, mais aujourd’hui, c’est plutôt le RC Lens ! J’ai longtemps été abonné à Bollaert, ce stade… ça donne des poils…

Sochaux et Lens, vos deux clubs de coeur ?
Oui. Pourtant, quand j’étais petit, mon grand-père m’emmenait à Bonal voir Sochaux. Ado, j’allais aussi à Delaune, à Reims, avec mon frère.

« Je n’ai jamais cherché à m’imposer quelque part »

Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre arrivée au MGCB ?
Quand je suis parti de Sochaux, j’ai regardé ce qui se passait, j’ai pris des renseignements sur chaque club. Je prends l’exemple d’Avranches : même si je ne connaissais pas son président, Gilbert Guérin, ce qu’il a fait pour son club, c’est ce que tout président devrait faire. Pour Marignane, je suis d’abord passé par les réseaux sociaux, parce que ça avait marché à Sochaux, avec les « Sociochaux », j’ai tenté de contacter Marc Vicendone, Baptiste Giabiconi (deux des quatre présidents du MGCB), bref, ça n’a rien donné. Julien Cordonnier, le directeur sportif de Sochaux, m’a donné les coordonnées de Michel Flos, l’adjoint de Brahim Hemdani, et tout est parti de là. Julien, je l’apprécie beaucoup et je le remercie encore de m’avoir fait découvrir son boulot et renseigné sur les aspects sportifs, D’ailleurs, si je pouvais renforcer ma structure avec lui, je le ferais avec plaisir, en plus, je suis né à Beauvais et il a joué à Beauvais ! C’est peut-être un signe ! Pour en revenir à ma venue, je n’ai jamais cherché à m’imposer quelque part. Moi, ce que je veux, c’est m’inscrire dans un club, aider, vivre mon rêve et faire vivre le rêve d’un club. C’est gagnant-gagnant. J’ai les pieds sur terre, ça ne m’apporte rien, je n’ai pas d’ego.

Cela ne vous a pas fait peur de reprendre Marignane, où cela ne respirait pas la sérénité ces derniers mois, avec des dissensions entre dirigeants ?
J’ai mis tout le monde d’accord. On est en train de resserrer les liens de la famille, car je vois le club comme une famille. Ceux qui ont l’amour du club sont toujours là. Christophe Celdran (l’un des quatre coprésidents l’an passé), qui avait été écarté par François Dussol (éphémère président fin 2023), est revenu. Comme dans une famille, il peut y avoir des dissensions. Là, ce sont des liens non pas du sang mais du club. Tu peux t’engueuler mais tu te rabibocheras toujours. Si l’intérêt reste l’institution, alors il n’y a pas de problème. Je crois en ça. L’avantage aujourd’hui au club, c’est qu’il n’y a plus qu’une seule tête, ce qui simplifie les choses. Je conserverai toujours 51 % du capital du club. Toujours. On m’avait alerté sur le microcosme marseillais : je ne serais peut-être pas venu à Marignane si cela avait été des personnes différentes. Ici, j’ai trouvé des personnes qui s’investissaient au quotidien et qui avaient envie de rester dans la structure.

« J’aime les gens »

Vous vouliez entrer au comité d’administration du FC Sochaux et vous voilà à Marignane… Le changement est brutal, non ?
Aujourd’hui, Marignane est un club organisé comme un club de Regional 1. Je connais quelques clubs de N2 et N3, j’ai rencontré récemment le président de Bischeim, et celui du Bassin d’Arcachon, je discute, j’échange. Avec tout le monde. C’est d’ailleurs ce qui n’a plus plus aux gros actionnaires à Sochaux, parce qu’ils ont vu cela d’un mauvais oeil, ils ne souhaitaient pas que je me mélange mais moi, je suis comme ça justement, j’aime les gens. De toute façon, c’est plus facile de détruire que de construire. Et je trouve que c’est plus sympa de construire : à Marignane, on démarre de zéro alors qu’à Sochaux, il faut tout déconstruire, et c’est plus compliqué, surtout humainement et matériellement, avec des charges fixes. À Sochaux, il y a 170 personnes en tout, et il manque 3 millions d’euros ! T’en enlèves 10 pour préparer le budget de la saison prochaine, mais est-ce que c’est suffisant ? Là-bas, il y a encore 3 comptables… À Marignane, la « compta », c’est moi et une personne bénévole ! Sincèrement, j’espère de tout coeur que Sochaux va monter, mais si ce n’est pas le cas, c’est retour à la case départ, et là, c’est dur de mettre 100 personnes sur le carreau.

Vous avez tourné la page « Sochaux » ?
Oui, et je suis très bien à Marignane. Je n’ai pas pu entrer au conseil d’administration du FCSM, ils ne veulent pas me rendre mes fonds, donc je regarde quand même ce qui se passe, mais je suis actionnaire donc je ne veux pas qu’il se passe n’importe quoi. Sochaux est organisé comme un club de L1. Le directeur général et le président sont actionnaires et ont un salaire, vous vous rendez-compte ? Je suis en désaccord avec ça, je l’ai dit à Pierre Wantiez (directeur général), je ne fais pas de politique. Pour moi, le foot, c’est une société : si tu es président mais non actionnaire, OK. Si tu es actionnaire et président, et si le club vit bien, alors OK, tu prends s’il y a quelque chose à prendre, mais à Sochaux, il n y a pas d’argent à prendre.

« On a déjà fait pas mal de belles choses »

Le classement de Marignane en National, relégable depuis le début de saison, ça ne vous a pas fait peur non plus ?
J’avais regardé les matchs, c’était très correct, et le premier jour où j’ai jeté un oeil sur les bilans du club, on a gagné face à Martigues 1 à 0 (le 15 décembre), donc j’ai pris ça comme un symbole fort ! Les joueurs ont envie, le coach est très sérieux, donc go ! Même si je suis conscient qu’il faut un grain de folie, je n’ai pas peur. J’ai dû tout analyser, la situation du club, en trois jours ! Trois jours sans dormir, à regarder les bilans, à éplucher les comptes. Il manque chaque année 400 000 euros, qu’un mécène fournit, donc je vais apporter ces fonds grâce à une économie.

Pas mal de choses ont déjà changé depuis votre arrivée…
On fait des événements autour du match, on a déjà doublé les recettes, et ce qui n’avait pas été fait pour les partenaires, comme des bâches par exemple, ou une visibilité sur le site, on l’a fait. En un mois et demi, on a déjà fait beaucoup, ça rassure les partenaires, les mécènes et les futurs actionnaires. Je remercie les personnes qui ont rejoint le projet. On a professionnalisé la communication, on a un un deuxième compte Instagram pour l’académie, afin de mettre en avant les jeunes, on a créée un compte Twitter (compte X), une page LinkedIn, une deuxième page Facebook, on a un nouveau site web, une billetterie en ligne et bientôt on aura une boutique en ligne ! On a mis en place un événement d’avant match, un événement de « challenge » à la mi-temps, ce qui n’existait pas, et on a aussi crée le club 1924 (club des partenaires). C’est fou, parce que jusqu’à présent, chaque partenaire qui mettait un euro dans le club le faisait juste avec le coeur, sans espérer de retombées. Là, il y aura un retour sur investissement : je promets au minimum 1,01 euros de retombées pour 1 euro d’investissement. Alors, on n’est pas arrivé au bout du truc, mais déjà, de belles choses ont été faites, et ça donne la ligne de conduite. Autre chose : les joueurs de National vont avoir obligation d’aller voir les matchs de jeunes, car pour recevoir, il faut donner; un planning sera établi.

« Je ne crois pas au hasard »

A Bordeaux, vous êtes chef d’entreprise associé avec votre cousin, au restaurant le Lill’Home ?
Aujourd’hui, je ne suis plus associé avec lui. Je suis futur seul associé ! Mon cousin (Lilian Douchet, vu dans Top Chef) n’est plus à la gérance. Ce sont ses employés qui l’ont mis dehors. Lil’Home est un restaurant gastronomique, où on a monté une équipe solide, où mon chef de cuisine, Louis Bécan, et mon chef de salle, Valentin Marchal, ont des objectifs précis; ça me prend une demi-journée par semaine, le mercredi, pour parler stratégie. Il y a aussi les petits problèmes du quotidien à gérer.

Par le passé, votre famille et vous avez eu maille à partir avec la justice : vous avez notamment été attaqué pour des faits de harcèlement moral en 2016 dans un de vos supermarchés, à Château-Thierry (Aisne). Où en est-on de votre procès ?
Le jugement est tombé : j’ai été relaxé des fins de la poursuite. Je peux fournir à qui le souhaite mon jugement de relaxe, il est très clair… et parfois il n’y a pas besoin qu’on me le demande, au moindre bruit de couloir, je le dégaine ! Mais cette histoire a « bouffé » 4 ans de ma vie et c’est aussi une explication à ma venue en toute transparence dans le foot, et à Marignane-Gignac-Côte Bleue : j’avais envie de côtoyer beaucoup de monde et de reprendre confiance en l’humain, parce que je me suis dit que la vie fournissait son lot de soucis. Donc il fallait se faire plaisir.

Gérer un club de foot, c’est différent d’une entreprise ?
Il y a beaucoup de points communs, comme la gestion des équipes. Les joueurs de foot, c’est comme un staff dans restaurant : ils font un bon service ou ils ratent un service, et dans ce cas-là, on discute, on essaie de comprendre ce qui s’est passé, pour s’améliorer; c’est vraiment similaire, avec ce petit coté frissonnant en plus au foot, même s’il y a des frissons aussi au resto, comme quand le client repart content. Récemment, une « mamie » est venue déjeuner au restaurant (le Lil’Home à Bordeaux) avec son petit fils : elle venait de perdre son mari la veille, et elle m’a remercié du fond du coeur car, le temps d’un repas, le temps d’un moment, elle a oublié ça. Et puis il y a le résultat du match aussi, qui conditionne le reste de la semaine; au resto aussi, si tu plantes ton service du samedi soir, le lundi c’est « réunion », « comment on fait pour rattraper le coup », etc. J’ai une boîte de spiritueux aussi : demain, le client qui doit passer une commande annule : comment on fait pour rattraper ? La seule chose qui diffère, c’est qu’au foot, on est plus dans le passionnel, on peut s’enflammer vite, dans le bon ou le mauvais sens.

Ce qui diffère aussi, c’est cette irrationalité au foot, avec un but encaissé par exemple à la 91e minute alors que vous avez archi-dominé pendant 90…
Tu sais bien que tu peux prendre un but à tout moment. Moi, le hasard, je n’y crois pas, et même au foot, il y a toujours une explication : si le ballon est rentré au fond des cages, c’est qu’il y a une raison.

« Je suis là pour 10 ans minimum »

Vous découvrez un peu le National, vous le trouvez comment ce championnat ?
Je ne regarde plus que le National ! Je trouve que le niveau est bon. J’avais effectué le déplacement à Martigues et Versailles avec Sochaux. Il y a des matchs qui peuvent être plats, par exemple, quand certains clubs décident de faire 0 à 0 à l’extérieur, notamment. Tout le monde peut battre tout le monde aussi, c’est ce qui la beauté de ce championnat. C’est pour ça qu’en Ligue 1, je trouve ça moins intéressant.

Avec les U16 du MGCB pour célébrer la victoire !

Votre engagement sera-t-il remis en cause si l’équipe redescend en N2 ?
Une descente ne remettrait pas en question mon engagement. Je suis un entrepreneur : j’ai un plan A et j’ai un plan B. Si on descendait, mais je n y crois pas, ça ne remettrait pas en cause le projet, il n’y a pas de sujet là-dessus. Je suis là pour 10 ans minimum. Et si on descend, on remontera l’année prochaine. On aura juste perdu un an. Et Marignane sera un jour en Ligue 2.

Peut-être, mais sans doute pas au stade St-Exupéry. Il y a aussi le souci des installations, non ?
Le stade, c’est un vrai sujet. J’ai envoyé quelqu’un à la Fédération Française de football à ce sujet, et à ce jour, je ne peux pas répondre à cette question, car je n’ai pas les compétences techniques… même si je ne pense pas que cela sera au stade Saint-Exupéry. Maintenant, le maire de Marignane (Eric Le Dissès) avait un projet au complexe du Bolmon; bon, ben voilà, c’est toujours d’actualité. On trouvera collectivement les solutions.

La Ligue 2… Vous êtes sérieux ?

Le coach Brahim Hemdani (à gauche) et son adjoint Michel Flos. Photo Bernard Morvan.

La Ligue 2, c’est la finalité. Cela permettrait de créer une synergie avec l’OM. Déjà là, en National, c’est intéressant de nouer un partenariat, mais en Ligue 2, la synergie serait formidable ! Vous imaginez, un club de L1 et un club de L2 voisins ! Les joueurs prêtés par exemple n’auraient pas besoin de déménager. L’OM peut nous apporter mais nous aussi, on peut leur apporter. On a une base de licenciés qui est la plus grosse de PACA et ça, c’est super important. Je vais voir nos matchs de jeunes aussi, ça me fait autant vibrer que de regarder des pros. Avec l’OM, j’ai eu un premier rendez-vous de rencontre. On aura un deuxième rendez-vous fin mars pour parler de la saison prochaine.

« Je suis un meneur d’hommes »

La proximité de Martigues peut-elle être un frein à vos ambitions ?
Non, ça ne peut pas être un frein à notre développement. On n’a pas la même histoire. On construira encore plus la notre. Chacun ses forces, chacun ses faiblesses. Mais je suis content d’avoir un voisin aussi solide : j’ai rencontré le directeur du FC Martigues, Arnaud, avec qui on maintient les liens.

Quel type de président voulez-vous être ?
Je veux vraiment laisser la chance à chacun de jouer son rôle, notamment dans la partie business/société. Je veux bien déléguer mais je veux être informé. C’est comme ça que je manage. Je veux construire une identité forte, que Marignane soit une marque. Je veux être proche des jeunes. Je suis proche de l’équipe Une, déjà, et j’ai mon petit discours d’avant match pour eux dans les vestiaires, c’est quelque chose qui me tient à coeur. Je suis un meneur d’hommes. Il ne faut pas confondre ma gentillesse avec ma faiblesse. Et je suis quelqu’un qui a un miroir réfléchissant, je n’arrive pas à être autrement, je suis un président-supporter. En fait, j’ai eu un coup de foudre avec ce club, donc avec tous les membres de sa famille !

Avez-vous des modèles de présidents, de clubs ?
Oui mais pour qu’ils m’inspirent, il faut que je connaisse la personne, et pas que je lise des choses sur eux dans la presse. Des clubs comme Concarneau, Pau, sont des modèles de clubs, et j’aurai plaisir a échanger avec leur président. D’ailleurs, avant un match, je passe un coup de fil à mes homologues, pour échanger, pour voir si on peut se rencontrer : récemment, j’ai été bien reçu par le président du FC Rouen, Charles Maarek, j’ai aussi échangé avec Benjamin Guffet, le nouveau président de Châteauroux. Quand on a joué contre Avranches, le nouveau président (Nicolas Leroux) n’a pas effectué le déplacement mais j’ai pu discuter avec Xavier Gravelaine, le directeur sportif.

Vous diriez que, du fait de la présence de votre maman et de votre frère dans l’actionnariat, c’est un projet familial ?
Oui. Mon frère Kevin a mis de l’argent, ma maman Fabienne également, et je les remercie ! Et je remercie ma compagne Manon qui, depuis 10 ans, supporte mes passions entrepreneuriales. Je suis beaucoup en télétravail, j’ai des relais. Le club de Marignane, ça me prend 50 heures par semaine environ, et mes autres sociétés une trentaine d’heures. Je suis habitué, c’est comme ça depuis gamin !

« Je veux ouvrir le capital aux supporters »

Le club de Marignane va-t-il passer en société ?
Oui. Ce sera une SAS (Société par actions simplifiée) avec certainement une SCIC (société coopérative) à l’intérieur, et il y aura plusieurs tours. La SAS sera ouverte d’ici la fin du mois de février. Je vais mettre une somme importante au capital et tout de suite, je vais revendre 15 % des parts au 1er tour, à des futurs actionnaires à qui je fais faire des présentations dans les semaines qui viennent, d’ailleurs je vous annonce déjà l’arrivée de Cyril Haulet, qui est actionnaire au FC Sochaux; et aussi aux socios, car je veux ouvrir le capital aux supporters : pour moi, c’est ça le foot, je ne le conçois pas autrement. La SCIC, elle, sera plus longue à mettre en oeuvre; il y aura donc un premier tour d’ouverture à 15 % pour les actionnaires et 10 % pour le reste, donc 25 % que je céderai, et je conserverai 75 % du capital. On fera comme sur les modèles de Bastia, Sochaux, Rouen. À Sochaux, par exemple, je suis « sociochaux » encore; il doit y avoir une partie du capital aux supporters, pour éviter les conflits, et par souci de transparence. Cela permet aux supporters d’avoir des infos et ça fonctionne comme une AG : ils posent leurs questions, ils ont leur réponse, et voilà. Idem dans les entreprises : si les gens n’ont pas toutes les infos, comment prendre les bonnes décisions ? On espère passer notre budget de 2,2 à 2,6 millions. Sachant qu’à Sochaux, par exemple, le budget est de 12 millions, c’est pour ça, je vous dis, qu’est-ce que ça coûte de laisser une partie aux actionnaires ? C’est mieux pour eux, comme ça ils ont le sentiment d’appartenance. Dans ma logique, tous les licenciés du club de Marignane-Gignac-Côte Bleue pourraient être propriétaires du club, et ce serait merveilleux, non ? Que rêver de mieux ? Les gens se diraient « Je joue dans MON club ». Ce serait beau.

Ce côté supporter, c’est votre truc : on vous a vu dans les tribunes du stade Saint-Exupéry avec eux, ce n’est pas un peu « bizarre » pour un président ?
J’aime cette proximité, cette convivialité. J’ai ce côté passionné, limite supporter, je l’assume. Contre Avranches, c’est vrai, je chantais avec le kop ! Je veux une base de supporters au stade et je veux montrer l’exemple, c’est naturel pour moi. J’aime le foot pour ça, pour les émotions. Je ne trouve ça nulle part ailleurs que dans le kop. Pour le prochain match (Villefranche, la semaine dernière), j’ai engagé une fanfare. Ce qui me plaît, c’est l’aspect inter-générationnel. Je parle de football avec mon grand-père de 90 ans ou mon neveu de 5 ans, c’est pareil. Le foot regroupe les générations et j’aime ce côté populaire, dans le bons sens du terme : au stade, on discute aussi bien avec des ouvriers, des chômeurs ou des cadres. Je prends autant de plaisir à aller en loges ou en kop. Par exemple, je ne suis jamais allé au Stade Vélodrome : j’ai dit OK, une fois en loges, une fois avec les Ultras.

  • Lire aussi – Christophe Celdran (Marignane-Gignac CB) : « On sait où on veut aller »

https://13heuresfoot.fr/actualites/christophe-celdran-marignane-gignac-cb-on-sait-ou-on-veut-aller/

 

Texte : Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : MGCB, DR et Bernard Morvan

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Un premier contrat pro à 27 ans, un premier match en Ligue 1 à 35 ans, une première sélection internationale à 36 ans… Le défenseur central, sûr de sa force, a percé sur le tard. Au point de pousser sa carrière jusqu’à presque 40 ans, avec Thonon Evian (N2), où, après avoir raccroché la saison passée, il coache les U18 !

Avec le Racing en 2007-2008 ! Photo Philippe Le Brech

Un joueur charismatique, rigoureux, au leadership naturel, doté d’un jeu de tête redoutable… Le défenseur central Hervé Lybohy a marqué de son empreinte tous les clubs où il est passé. Sa carrière l’a emmené jusqu’à presque 40 ans avec un dernier match disputé le 3 juin dernier lors de la dernière journée de National 2 avec Thonon Evian Grand Genève face à Marignane (2-1).

De Sarcelles à la Haute-Savoie, en passant par Saint-Quentin, l’Entente Sannois-Saint-Gratien, le Racing Club de France, Compiègne, Amiens, Fréjus-Saint-Raphaël, re-Amiens, Paris FC, Nîmes, Nancy, Orléans, le Val-d’Oisien aura disputé près de 400 matchs du National 3 à la Ligue 1 (dont 204 en National, 118 en Ligue 2 avec Amiens, Paris FC et Nancy, et 17 en Ligue 1 avec le Nîmes Olympique).

Avec un premier contrat pro à 27 ans, un premier match de Ligue 1 à 35 ans et une sélection en équipe nationale du Niger à 36 ans, Hervé Lybohy a connu un parcours atypique et une éclosion tardive. Ouvert, tourné vers les autres, souvent capitaine dans ses clubs, c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers le coaching pour commencer sa reconversion. Depuis cette saison, il entraîne les U18 Régional 1 de Thonon Evian Grand Genève. Pour 13HeuresFoot, il est revenu sur sa riche carrière et ses idées de jeu dans son nouveau métier.

Supporter du PSG

Avec Saint-Quentin en 2006-2007. Photo Philippe Le Brech

Né à Bouaké en Côte d’Ivoire, c’est dans le département du Val d’Oise que Hervé Lybohy a grandi avec sa famille. Fervent supporter du Paris Saint-Germain, il baigne dans le monde du football depuis petit. Il intègre vite le club de Sarcelles pour pouvoir jouer avec ses amis. Ce qui différencie son parcours de celui des footballeurs de sa génération, c’est que le sien n’a jamais fait de halte dans un centre de formation.

« Dans ma jeunesse, j’ai toujours voulu devenir joueur de foot pro mais je n’ai pas eu énormément d’opportunités d’intégrer un centre. Bien que j’ai joué à Sarcelles, où il y a un gros vivier de joueurs, je n’ai pas cherché plus que ça à faire des essais. J’étais bien chez moi. C’était ma passion. Je jouais au foot avec mes potes et en même temps j’allais à l’école. Mon père était vraiment à fond derrière nous sur l’école. Chez moi, le foot, ça ne restait qu’une passion. Le plus important pour mes parents, c’était les études. »

La découverte du National à Fréjus

Avec Fréjus/St-Raphaël en 2009-2010. Photo Philippe Le Brech

Après son Baccalauréat, Hervé Lybohy obtient un DUT (BAC +2) en Ile de France. « Après ça, je devais faire une école de commerce mais j’ai arrêté parce que je commençais à avoir des contacts dans le milieu du foot. » A l’obtention de son diplôme, il décide de quitter la région parisienne et l’Entente Sannois-Saint-Gratien, où il évoluait avec la réserve, pour signer à l’Olympique Saint Quentin (N2) en 2007 pour une saison. « Je suis parti là-bas grâce à un grand de mon quartier qui est devenu agent aujourd’hui. C’est l’agent de Benjamin Pavard. Il nous a emmené là-bas. J’avais cette envie de sortir de la région parisienne et de voir autre chose. »

Mais après une année à Saint-Quentin, retour à Paris ! Il rejoint le Racing Club de France (N2) où il effectue une saison solide puis repart à Compiègne (N2). Après ces trois saisons en National 2, il monte d’un cran et découvre le National avec Fréjus-Saint-Raphaël en 2009-2010 où il s’impose en défense (30 matchs), dans une équipe de haut de tableau.

Premier contrat pro à Amiens à 27 ans

Avec Amiens, en 2010-2011. Photo Philippe Le Brech

Sa carrière peut enfin décoller ! Il signe un premier contrat pro à 27 ans avec l’Amiens SC. « Même si ce contrat pro, je le signe tard, dans ma manière d’être et mon approche du foot, je me comportais déjà comme un pro dans ma tête. Pour moi, quand le contrat est arrivé, ça ne m’a pas surpris. Je savais que ça allait arriver donc je ne me prenais pas la tête plus que ça. J’étais content mais je ne voulais pas m’arrêter là. Je savais qu’il y allait avoir encore mieux. »

Pendant quatre saisons à Amiens, il est titulaire indiscutable en défense centrale. « Dans ma tête j’étais déterminé. J’avais confiance en moi et j’attendais juste qu’on me donne ma chance pour pouvoir montrer ce que je savais faire. Il y a des coachs qui ont cru en moi, en mes qualités, et ensuite j’ai fait ma carrière tranquillement. »

Avec Amiens, Hervé connait une montée en Ligue 2 en 2011 et continue de grandir footballistiquement avec une première saison dans l’antichambre de la Ligue 1 (33 matchs). Mais Amiens redescend l’année suivante en National. « Il y a une différence entre le monde pro et le monde amateur. Autour de toi tu as des joueurs et des terrains de meilleure qualité, c’est plus médiatisé mais ça ne reste que du foot. Une fois que tu te prépares bien physiquement, tactiquement et mentalement, tu es un joueur comme un autre. »

Un mois en Thaïlande et puis s’en va !

Avec Amiens en 2012-2013. Photo Philippe Le Brech

Malgré ses rêves d’étranger, Hervé aura effectué toute sa carrière en France. A 31 ans, il revient en région parisienne en signant au Paris FC, en National. « Mon rêve, c’était d’aller jouer en Angleterre. Le championnat anglais, je ne ratais pas un match. Malheureusement, je n’ai pas eu d’opportunités à cause de mon âge. Il y a beaucoup de clubs anglais qui se sont renseignés mais mon âge était un frein pour eux. Ils pensaient à la revente, aux bénéfices. Avant de signer au Paris FC, j’avais effectué une escapade en Thaïlande. J’avais déjà signé un contrat à Bec Tero, club basé à Bangkok, depuis mars/avril (aujourd’hui, Bec Tero s’appelle Police Tero FC). J’avais un bon contrat là-bas, du net d’impôt, ça ne se refuse pas. Il y avait d’autres français et des bonnes conditions. Mais pour régler des problèmes administratifs, j’ai dû revenir en France pour faire des papiers. Il y a eu des soucis pour me qualifier. C’est là que Christophe Taine, l’entraineur du Paris FC, qui m’avait déjà contacté, m’a appelé pour que je signe chez eux. Au lieu de faire un an et demi en Thaïlande, je n’ai fait qu’un mois et je suis rentré à Paris ! S’il n’y avait pas eu les soucis administratifs je pense que je serais resté là-bas. »

Dès son arrivée au Paris FC, Hervé Lybohy prend, comme à Amiens, le brassard de capitaine. Pendant quatre saisons, il s’impose comme le taulier du club parisien et devient une valeur sûre des championnats de Ligue 2 et National. Il connait une montée en Ligue 2 dès sa première saison en 2015, une redescente immédiate, une remontée la saison suivante en 2016 grâce à un repêchage (le PFC profite du dépôt de bilan du SC Bastia, relégué sportivement en Ligue 2 et administrativement en National 3) et une belle dernière année en L2 (7e) sous la conduite de Fabien Mercadal avec une équipe au départ construite pour le National.

Premier match en Ligue 1 à 35 ans

Avec le Paris FC en 2016-2017. Photo Philippe Le Brech

En fin de saison, il ne parvient pas à se mettre d’accord en avec le Paris FC pour prolonger son contrat. Le Nîmes Olympique, promu en Ligue 1, vient le chercher. Il signe un an dans le Gard et découvre la Ligue 1 à 35 ans. Une trajectoire plutôt rare ! « Sur cette saison-là, mon objectif était de faire le maximum de matchs, de kiffer ! Je suis allé là-bas sans appréhension. La majorité des joueurs qui étaient dans cette équipe étaient comme moi, en Ligue 2 la saison d’avant. On s’est rencontrés quand je jouais au Paris FC, ils nous ont battu pour la montée dans un match serré. Cette saison là, à Nîmes, en Ligue 1, on avait une très bonne équipe, on termine dans la première partie du tableau, c’était magnifique. Mon vrai objectif, c’était de faire un maximum de matchs et d’apporter à l’équipe et au groupe. »

Cette saison là Hervé dispute 17 matchs et marque 2 buts en Ligue 1, mais il n’est pas prolongé. « Avec le retour de Pablo Martinez de Strasbourg, un défenseur central gaucher formé au club et plus jeune, ils ne pouvaient pas garder deux profils similaires ». Nîmes a misé sur la jeunesse et c’est donc un retour en Ligue 2 à Nancy pour le francilien.

« Coacher, c’est un vrai métier que j’ai découvert. »

Avec le Paris FC en 2016-2017. Photo Philippe Le Brech

A Nancy, il devient même international avec le Niger. Il a alors 36 ans. « Mon pays, c’est la Côte-d’Ivoire mais il y avait une génération dorée, celle des Yaya Touré… C’était donc bouché pour moi. J’ai eu l’opportunité de jouer pour le Niger et je l’ai saisie. »

Au total, il compilera 14 sélections. Après une saison à Nancy en L2 puis une autre à Orléans en National, Hervé Lybohy signe à Thonon Evian Grand Genève, alors en National 3, en 2021, pour y achever sa carrière.

Diplômé du BEF, il devient également coach principal de l’équipe U18 Régional 1 du club. « J’ai dit à certains de mes anciens coachs que je ne savais pas quoi faire après ma carrière. Nombreux d’entre eux m’ont dit « Hervé, je te vois bien comme coach ». C’est comme ça que l’idée m’est venue en tête. Quand je suis arrivé ici, Bryan Bergougnoux (coach du N2) et Sofyane Cherfa (coach des U19 et responsable du centre de formation) m’ont aidé, ils m’ont formé au métier tranquillement. Je remercie le club et Bryan pour ça. C’est un vrai métier que j’ai découvert. On ne s’en rend pas compte, nous les joueurs, quand on arrive sur le terrain tout est déjà installé, on vient avec nos crampons mais il y a un vrai travail en amont. J’ai commencé ma première année à donner des petits coups de mains. La saison dernière, j’ai eu l’opportunité de passer le BEF. Cette année avec cette équipe de U18 R1 je prends énormément de plaisir. Il me reste le DES à passer. Je veux bien me former pour pouvoir être compétent et apporter ce que je peux faire. »

Avec un public jeune, Hervé peut progresser dans la formation, son rôle de père dans la vie lui permet d’avoir une approche différente avec les jeunes. « Je n’ai pas encore eu d’équipes seniors. Avec les jeunes, on est un peu comme des éducateurs. Il y a le foot mais on est là pour leur transmettre des valeurs. Je les prends comme mes enfants et je leur donne beaucoup de conseils sur le métier de footballeur. Je fais passer le message que ce n’est pas facile de devenir pro et qu’il faut se donner les moyens. »

« Je veux aller jusqu’au plus haut en tant comme coach. »

Avec le Paris FC en 2017-2018. Photo Philippe Le Brech

Dans son système préférentiel en le 4-3-3, il préfère que son équipe joue avec un 6 et deux 8, et veut des joueurs offensifs rapides. « Mon idée globale, quand je n’ai pas le ballon, je veux que mon équipe soit difficile à manier, je veux avoir un bloc compact qui bouge en fonction du ballon. Quand j’ai le ballon, je demande à mes joueurs de bien occuper tout le terrain, j’aime que le jeu reparte propre de derrière, attirer l’adversaire pour jouer dans son dos. Je veux beaucoup de vitesse devant et derrière je veux des guerriers. »

Avec Philippe Le Brech !

Avec du recul il analyse l’évolution du football depuis 20 ans. « Le foot a énormément évolué depuis que j’ai commencé. Aujourd’hui, on te parle de jeu de position. Avant il n’y avait pas tout ça. Le foot est toujours en train d’évoluer, c’est pour ça qu’il faut se former et être à l’écoute. Quand j’ai commencé, il y avait un libero et un défenseur, le 4, qui suivait l’attaquant. Aujourd’hui t’as une défense à 4 parfois à 3, les schémas ont évolué, t’as des coachs qui arrivent avec leurs idées. Un coach comme Guardiola révolutionne le foot, De Zerbi vient avec ses idées, Xabi Alonso aussi. Ça contribue à l’évolution du football. »

Des rêves pleins la tête, Hervé Lybohy a désormais de nouvelles ambitions. « Je veux aller jusqu’au plus haut en tant que coach. Après avoir vécu ma carrière de joueur et pu comprendre que tout est possible dans le foot, je ne me ferme aucune porte. Je vais me donner les moyens d’aller le plus haut possible comme ça je n’aurai aucun regret. Une chose est sûre je vais y arriver. »

Hervé Lybohy, du tac au tac

Avec Nîmes en 2018-2019. Photo Philippe Le Brech

Ton meilleur souvenir sportif ?
Ma signature en Ligue 1 à Nîmes en 2018.

Ton pire souvenir sportif ?
Ma première saison en Ligue 2 avec le Paris FC (2015-2016) avec la descente en National.

Tu as marqué combien de buts dans ta carrière ?
Je n’ai pas compté ! J’ai réussi à marquer quelques buts (NDLR: plus de 20 en réalité, dont 2 en L1, 5 en L2 et 8 en National) . Plus jeune je jouais devant, peu de personnes le savent, mais c’est pourtant là que j’ai commencé ! J’ai dépanné un jour au poste de défenseur et je n’ai plus bougé.

Ton plus beau but ?
Il y a une talonnade que je mets contre Lorient avec Nancy sur un corner, à peu près le même geste que Zlatan mais moi c’est Hervé Lybohy donc il n’a pas fait le tour du monde (rires) ! Et un deuxième but que j’ai mis avec Nîmes contre Strasbourg aux Costières, sur un centre de Savanier. Je reprends le ballon de volée en lucarne.

Avec Orléans en 2020-2021. Photo Philippe Le Brech

Ton poste préféré ?
Je dirais mon poste préféré c’est l’attaquant de pointe mais je n’ai pas forcément les qualités pour, donc défenseur central gaucher. J’aurais aimé jouer attaquant pour mettre des buts et faire kiffer tout le mondeC’est une passion que mon père nous a donné depuis que je suis tout petit. J’ai baigné dans le monde du foot notamment avec les journaux sportifs, L’Equipe et France Football. Mon frère aimait Marseille mais moi c’est Paris. Chaque dimanche, c’était Téléfoot ! On regardait les matchs le week-end. Mes potes me trouvaient bon alors ils m’ont inscrit en club avec eux. J’avais envie de devenir joueur pro dans un coin de ma tête mais je n’y pensais pas plus que ça.

Ton geste technique préféré ?
La diagonale, quand je réussis à prendre toute l’équipe adverse de travers.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Mes qualités c’est le leadership, j’aime sentir que mes coéquipiers sont derrière moi et les emmener avec moi. Techniquement ça va j’ai un bon pied gauche et l’anticipation. Mes défauts : le manque de vitesse mais ça reste dans la moyenne et je suis un mauvais perdant.

L’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
Ça serait difficile d’en sortir une. Dans tous les clubs où je suis passé j’ai pris énormément de plaisir. Après, le Paris FC, ça reste particulier, c’est ma région, il y a toute ma famille, tous mes amis. J’ai vécu beaucoup plus de beaux moments au PFC que dans d’autres clubs tous ont une place importante dans mon cœur.

Avec Orléans en 2020-2021. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu aurais rêver de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Paris Saint-Germain.

Un match qui t’a marqué ?
Mon premier match en Ligue 1 avec le Nîmes Olympique à Bordeaux (succès 2-1 de Nîmes !).

Un coéquipier qui t’a marqué ?
Teji Savanier m’a marqué par ses qualités de joueur, je l’avais rencontré plusieurs fois mais je ne pensais pas qu’il était aussi fort.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Forcément, je te dirais Mbappé et Neymar. C’est des joueurs que je voyais à la TV et quand je les ai vu sur le terrain ils m’ont vraiment impressionnés.

Un coach que t’aimerais revoir ?
C’est une question difficile ! Je dirais Fabien Mercadal. Il était adjoint à Amiens et après je l’ai eu en coach principal au Paris FC. C’est un coach qui connaissait mes qualités et mes défauts. Il me mettait en valeur et j’ai disputé ma meilleure saison en Ligue 2 avec lui (2017-2018).

Avec Nîmes en 2018-2019. Photo Philippe Le Brech

Une causerie de coach marquante ?
J’ai eu un coach à Amiens, Francis de Taddeo, qui avait des causeries marquantes. Il nous donnait envie d’aller sur le terrain pour se battre. C’est un coach attachant qui peut être dur mais en même temps super-marrant, détendu.

Une anecdote de vestiaire ?
Il y a une saison à Amiens, on prépare le match contre Guingamp. J’ai un coéquipier qui arrive de Guingamp (Hervé Basile) et on est montés avec eux en Ligue 2 cette saison-là. Les matchs étaient disputés entre nous. On rencontre Guingamp, et Basile sait qu’il y a un joueur de chez eux que je n’aime pas. Il arrive en début de semaine et me dit « tu sais quoi, le joueur a mis un mannequin et tous les jours il essaye des nouveaux dribbles sur toi ». Quand il m’a dit ça j’étais énervé toute la semaine. Le soir du match je serre la main au joueur fort, je le regarde mal. On joue et au bout de 15-20 minutes, il y a un long ballon sur lui. On arrive en même temps, je prends le ballon la tête et tout. Il tombe par terre et sort sur civière. A la fin du match Basile vient me voir « je rigolais il n’a jamais fait ça ».

Avec Orléans en 2020-2021. Photo Philippe Le Brech

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Serge Aurier.

Une devise un dicton ?
Quand la vie vous refuse quelque chose, c’est parce qu’elle vous prépare quelque chose de mieux.

Tu étais un joueur plutôt…
Agressif.

Un modèle de joueur ?
Thiago Silva.

Une idole de jeunesse ?
Georges Weah.

Avec le Paris FC. Photo Philippe Le Brech

Un plat, une boisson ?
Aloco poisson, de l’eau avec de la grenadine.

Tes loisirs ?
J’aime voyager mais ma vie tourne autour du foot. J’aime regarder des matchs dans les grands stades, regarder d’autres sports, les activités sportives. Le sport en général.

Un film culte ?
Spartiates.

Le monde du football en deux mots ?
Passionnant et ingrat.

 

Texte : Olesya Arsenieva – Twitter : @ArseneviaO

Photos : Philippe Le Brech

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Professionnel au Luxembourg et buteur en finale de la Coupe la saison dernière, remportée avec Differdange 03, Laurent Pomponi (27 ans) a fait le choix de revenir chez lui, en Corse, pour participer à la reconstruction du GFCA, en Régional 2. Et il a déjà inscrit 19 buts en 12 matchs de championnat !

Le 25 mai dernier, devant 8 385 spectateurs, Laurent Pomponi remportait la Coupe du Luxembourg avec le FC Differdange 03 face à FC Marisca Mersch (4-2). L’attaquant de 27 ans avait inscrit le dernier but. Mais plutôt que de rester au Luxembourg et disputer le tour préliminaire de la Ligue Europa Conférence ou d’explorer les pistes qu’il avait dans d’autres pays, le Corse a choisi  » surprenant » de rentrer chez lui et de signer au Gazélec Ajaccio en Régional 2. « On m’a traité de fou d’aller en R2 », sourit-il. Mais Laurent Pomponi a d’abord écouté son cœur pour participer à la reconstruction du Gaz, « un club mythique ».

Sur les terrains parfois cabossés et bucoliques de la Régional 2 corse, il affole les compteurs cette saison avec 19 buts en 12 matchs de championnat et 3 en deux matchs de Coupe (Coupe de Corse et Challenge Stra).

« J’ai fait des sacrifices financiers mais ce n’est pas le plus important »

Leader de la R2 Corse, le Gazélec Ajaccio, toujours en redressement judiciaire après sa liquidation l’année dernière, est bien parti pour retrouver la Régional 1 la saison prochaine. Epanoui, Laurent Pomponi est revenu pour 13HeuresFoot sur son parcours, jalonné d’allers-retours entre la Corse et le Luxembourg.

L’été dernier, Laurent Pomponi avait plusieurs opportunités au Luxembourg, en Belgique et en Suisse. Mais le natif d’Ajaccio, originaire de Cuttoli a donc décider de rentrer chez lui. « A bientôt 28 ans, j’avais besoin de me stabiliser. Je suis venu au Gazélec pour m’inscrire sur le long terme. C’est le projet parfait, chez moi, dans ma ville et proche de ma famille. Je ne serais pas revenu pour signer dans un club de N2 ou de N3 corse. Le Gaz, c’est différent… C’est un challenge excitant de relever ce club emblématique en Corse. »

Le grand frère

Dans une équipe très jeune, il joue les grands frères avec le gardien Cyril Fogacci, qui était pro lorsque le GFCA évoluait en L2. « C’est mon ami d’enfance. La possibilité de le retrouver m’a aussi conforté dans mon choix. J’apprécie beaucoup aussi le coach Jean-Marie Ferri sur le plan humain. Je l’avais connu quand j’étais à Bastia-Borgo car il entrainait la réserve. Il connaît parfaitement les différents championnats corses. C’est une figure du football sur l’île. Avec lui et le président Louis Poggi, on a deux bastiais emblématiques à Ajaccio… Louis (Poggi) a fait un travail énorme pour sauver le club. Il a joué quelques matchs avec nous au début de saison. »

Par rapport au Luxembourg, l’attaquant a également changé de mode de vie avec un retour au monde amateur et ses entrainements en soirée. « Chez nous, tout le monde travaille ou est étudiant. Moi, je n’ai pas de contrat. Au Luxembourg, j’avais un statut de semi-pro. Je gagnais bien ma vie, j’avais des primes, une voiture de fonction. Pour venir au Gazélec, j’ai fait des sacrifices financiers mais ce n’est pas le plus important… J’ai perdu de l’argent car en plus je n’ai pas droit au chômage en venant de l’étranger. Mais je me débrouille, je vis avec ce que j’ai mis de côté auparavant. Comme on s’entraine le soir, je m’entretiens la journée, je vais à la salle de sport. J’ai gardé la même hygiène de vie que lorsque j’étais pro. »

« Les buts, il faut les mettre, même en R2…»

Avec 19 buts en 12 matchs, Laurent Pomponi est parti sur des bases très élevées qui pourraient lui permettre de se rapprocher de la barre des 40 en fin de saison s’il poursuit sur le même rythme. « Je ne sais pas si en France, beaucoup d’attaquants ont le même ratio que moi, sourit-il. Mais je ne me fixe pas de chiffre à atteindre. Le plus important, c’est le projet du club, de le faire remonter. Moi, j’apporte juste ma contribution. »

Certaines mauvaises langues pourraient pourtant faire la fine bouche en mettant en avant le fait qu’il marque en Régional 2… « Ça, je l’ai entendu. Certains minimisent ce que j’ai fait en parlant du niveau. Mais les buts, il faut les mettre, même en R2. Il faut aussi remettre les choses dans leur contexte. On est le Gazélec, on est attendu, on est l’équipe à battre. Chaque week-end, les équipes jouent le match de leur saison face à nous. Ils viennent à Mezzavia, un stade qui a connu la L1 et la L2… Pour un joueur amateur corse, ce sont des choses qui comptent. On n’a jamais eu de match facile et on n’a pas, non plus, une grosse marge sur nos adversaires. On doit se dépouiller à chaque match. Moi, forcément, je suis toujours marqué de très près par les défenseurs. Il faut savoir être intelligent dans les déplacements. Certes, j’ai mis des doublés ou des triplés. Mais je n’ai jamais eu 7 ou 8 occasions dans un match. Souvent, c’est juste 2 ou 3. »

« Je suis un vagabond du foot »

La carrière de Laurent Pomponi a donc été marquée par de fréquents allers-retours entre la Corse et le Luxembourg. Au Grand-Duché, il a évolué dans quatre clubs : US Hostert (janvier 2017-janvier 2018), F91 Dudelange (juillet 2019-janvier 2020), FC Progrès Niederkorn (janvier 2022-juin 2022) et FC Differdange 03 (juillet 2022-juin 2023).

Tout a débuté par un échange avec un agent sur les réseaux sociaux. « J’avais 20 ans et il m’a proposé de venir au Luxembourg. Pour moi qui n’avais jamais quitté la Corse, ça a été un dépaysement total. Je reste toujours attaché à ma terre de Corse mais je suis aussi quelqu’un qui aime bien l’aventure et découvrir des choses nouvelles. Je jouais en N3 à Ile-Rousse, c’était une chance pour moi de lancer ma carrière et essayer d’obtenir un contrat pro. Je suis devenu un vagabond du foot. »

Il atterrit à Hostert, un club de D2. « Je suis arrivé en janvier, j’ai mis 16 buts et on est monté en BGL Ligue (la 1ère division) aux barrages. C’était un club familial et un club tremplin très regardé par les autres clubs du pays. »

En BGL Ligue, il marque 5 buts lors de la première partie de saison. « Mais j’ai eu le mal du pays et j’ai préféré revenir à Ile-Rousse avec Fanfan Felix. » Un an et demi après, il revient au Luxembourg au F91 Dudelange. « J’ai retrouvé le coach que j’avais eu à Hostert. Mais il a été limogé. Je n’ai pas beaucoup joué et je suis encore revenu à Ile-Rousse en janvier 2020. »

« Le football luxembourgeois a beaucoup progressé »

Il repart au Luxembourg en janvier 2022 au Progrès Niederkorn qui le prête la saison suivante au FC Differdange. « J’étais avec la réserve de l’AC Ajaccio, j’avais un contrat fédéral et je jouais les grands frères avec les jeunes du club. Mais repartir au Luxembourg était une belle opportunité. Au Progrès, je suis arrivé dans une équipe qui tournait bien. Je n’ai marqué qu’un seul but en 11 matchs. D’un commun accord, on a décidé que je sois prêté. A Differdange, j’avais un staff de portugais, vraiment passionné. La saison a été correcte, je marque 6 buts, on termine 5e en championnat et on finit en beauté avec la victoire en Coupe du Luxembourg. Mon plus grand souvenir. »

Avec le recul, Laurent Pomponi ne regrette pas ses différentes expériences au Luxembourg. « Ce pays m’a permis de vivre un joli morceau de carrière. Je m’y suis enrichi sur le plan humain et j’ai progressé au niveau football. Jouer des tours préliminaires de Coupe d’Europe, c’est beau quand même…Bien sûr que quand on regarde le ciel et la température, ça fait un choc par rapport à la Corse. Mais c’est un pays ou le cadre de vie est quand même top. C’est un peu comme Monaco, un pays riche où les gens ne s’intéressent pas trop au foot. Mais pour les gros matchs, il y avait quand même du monde au stade. Moi, j’habitais en France, à Thionville (Moselle), près de la frontière. Le football luxembourgeois a beaucoup progressé. Il n’y a qu’à voir la sélection qui va disputer les barrages pour se qualifier pour l’Euro. Il y a aussi des très bons joueurs. Au Progrès Niederkorn, j’ai joué avec Florian Bohnert, qui est international et qui joue à Bastia (L2) maintenant. J’ai affronté aussi Kévin Van Den Kerkhof qui est passé par Bastia et qui joue en L1 à Metz maintenant. »

« Bayonne, mon grand regret »

Après l’arrêt des championnats en mars 2020, Laurent Pomponi avait signé à Bayonne (N3) l’été suivant en compagnie de son grand ami Cyril Fogacci. « Le cadre de vie me faisait penser à la Corse. Tout était top là-bas. Il y avait Cyril avec moi, on avait une belle équipe, on aurait pu monter en N2. Mais tout s’est encore arrêté à cause du covid. »

Après des bons débuts où il marque 2 buts en 3 matchs, il doit de nouveau rentrer en Corse après le nouvel arrêt des championnats. « J’ai passé le deuxième confinement en Corse. Puis on est revenu à Bayonne en janvier car la Fédération avait décidé de reprendre la Coupe de France. Il y avait deux tableaux, les amateurs et les pros. » Mais après avoir éliminé La Rochelle (5-2) puis Bilière (1-0), Bayonne s’incline face à Lège Cap-Ferret (1-0) le 14 février 2021. « Là, c’était fini. On a été éliminé et le club a stoppé ses entrainements. Il nous a demandé de rentrer. Bayonne, c’est mon plus grand regret. Il y avait vraiment des belles choses à faire mais le Covid nous a tués ! »

« J’ai eu un parcours atypique mais je suis fier de moi »

Bocagnano, le SC Bastia, l’AC Ajaccio où il a effectué sa formation entre 2010 et 2016, l’Ile-Rousse (devenu le FC Balagne) à trois reprises, le FC Bastia-Borgo en N2 (2018-2019) et la réserve de l’AC Ajaccio. Avant de signer cet été au Gazélec Ajaccio, Laurent Pomponi avait déjà effectué un mini tour de Corse. Sans réussir à s’installer dans la durée avec un club.

« A l’AC Ajaccio, j’ai joué en U17, U19 nationaux et en réserve. Mais je n’ai pas eu de contrat pro. Peut-être qu’il me manquait quelque chose à l’époque. Mais je n’ai pas de regrets. J’ai beaucoup appris avec mon coach David Faderne et j’ai gardé de beaux contacts avec tout le monde. Les années entre 15 et 18 ans resteront marquantes. »

En 2018-2019, il avait participé à la montée du FC Bastia-Borgo en National avec Jean-André Ottaviani sur le banc. Mais en attaque, le duo Cédric Odzoumo (16 buts) – Gwen Foulon (18 buts) a flambé. Laurent Pomponi a donc dû se contenter de jouer les jokers (22 matchs, 1 but). « Si j’étais resté à Bastia-Borgo, j’aurais peut-être pu découvrir le National. Mais encore une fois, je n’ai pas de regrets. J’ai eu une nouvelle opportunité de repartir au Luxembourg et je l’ai prise. Maintenant, je suis revenu en Corse et ça me tient à cœur de réussir avec la Gazélec Ajaccio. Quand on voit l’engouement autour de ce club, ce qu’il représente pour les anciens et sur notre île, on est presque en mission pour lui. J’ai encore des belles années devant moi. J’ai eu un parcours atypique mais je suis fier de moi. J’ai vécu de beaux moments. Je remercie ma famille et ma compagne qui m’ont toujours soutenu dans mes choix. »

Laurent pomponi, du tac au tac

« On a l’impression qu’à Mezzavia, les murs parlent »

Meilleur souvenir sportif ?
Le plus beau et le plus mémorable, c’est la victoire en Coupe du Luxembourg avec FC Differdange 03 contre FC Marisca Mersch en mai dernier. Je rentre à la 89e minute et je mets le but du 4-2 à la 90e +2.

Pire souvenir ?
La période covid qui a stoppé les championnats. On n’y pouvait rien mais le Covid nous a fait beaucoup de mal à nous les joueurs amateurs. On a été privés de notre passion qui est d’être sur le terrain. Sur un plan personnel, je vivais une super expérience à Bayonne (N3) mais tout a été gâché.

Combien de buts marqués ?
Je pense entre 60 et 70 en seniors. Je me fais des notes sur chaque saison mais je ne comptabilise pas forcément. Quand j’aurai fini ma carrière, je ferai un gros récapitulatif.

Votre plus beau but ?
J’en retiens un, pas sur l’aspect technique mais sur le plan sentimental. Celui marqué en finale de la Coupe du Luxembourg. Sur une passe dans l’axe, je marque du gauche dans le petit filet. Le plus beau moment de ma carrière devant 9 000 spectateurs.

Votre meilleur match ?
Je vais ressortir davantage une atmosphère qu’une performance individuelle. Mes meilleurs matchs, ce sont mes trois disputés au Tour Préliminaire de la Ligue des Champions (Valletta FC, Malte), de l’Europa Ligue (Shkendija Tetovo, Macédoine) et de la Ligue Europa Conférence (NK Olimpija Ljubljana, Slovénie). La Coupe d’Europe, ce sont des matchs différents à tous les niveaux.

Votre pire match ?
Une rouste en U17 nationaux avec l’AC Ajaccio à Saint-Etienne. On avait pris 7-1. Ça pique… A Saint-Etienne, il y avait Allan Saint-Maximin. Il nous avait fait très mal.

Qualités et défauts ?
Les appels de balle et la finition. En défaut, le timing dans le jeu aérien. Après, je suis assez mauvais perdant dans la vie. Ça peut devenir un défaut.

Des rituels, des superstitions, des manies ?
Sur mes deux protèges tibias, il y a des choses qui me tiennent à cœur et qui représentent qui je suis. Sur celui de gauche, il y a ma famille et ma compagne. Sur celui de droite, la tête de Maure, l’emblème de la Corse.

La saison ou le club ou vous avez pris le plus de plaisir ?
Ma première saison au Luxembourg à Hostert. J’avais 20 ans, je quittais la Corse pour la première fois et je découvrais un autre contexte. Sur le plan sportif, j’ai mis une quinzaine de buts en une demi-saison et on est monté en D1 aux barrages.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Vincent Marchetti en jeunes à l’AC Ajaccio. Il a eu un beau parcours. Il vient de signer au Paris FC. Après, 2-3 joueurs au Luxembourg qui ont signé en D2 Allemande ou Belge. Ils ne sont pas connus ici donc leurs noms ne vous diront rien.

Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Ça n’a pas duré longtemps car la saison s’est arrêtée à cause du covid mais je dirais Vincent Laban à Bayonne. C’était un Français qui est devenu international chypriote. Il avait une vraie vista et une vraie patte gauche. Dommage que je n’aie pas pu profiter de ses qualités de passe, car grâce à lui, j’aurais pu marquer beaucoup de buts…

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
En U17 nationaux lors d’un AC Ajaccio – Monaco, j’ai joué contre Mbappé. Il était surclassé, il avait deux ans de moins que nous. On perd 4-2 et il nous met un doublé. On voyait déjà qu’il avait quelque chose. En jeunes, j’ai aussi affronté Ousmane Dembélé. C’était pareil.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Tous m’ont marqué et appris quelque chose que ce soit humainement, tactiquement ou sur le spécifique attaquant. C’est dur d’en ressortir, je ne veux vexer personne ! Je dirais néanmoins Alexandre Richard chez les jeunes, car c’est un âge où on se construit et pour les attaquants, David Faderne à l’ACA et Fanfan Félix à Ile-Rousse.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Plutôt une anecdote. Je ne dirais pas qui c’est. Mais après un match important pour le maintien où j’avais marqué, un président est venu me voir sur le parking du stade. Il m’a tendu trois gros billets verts…

Vos amis dans le foot ?
Je pense être assez avenant donc j’ai beaucoup d’amis. J’ai gardé beaucoup de contacts au Luxembourg. Mais mon meilleur ami, c’est Cyril Fogacci, le gardien du Gazélec. On se connait depuis l’âge de 4 ans, on était ensemble à la maternelle. Il y aussi Alexandre Cropanese (FC Balagne).

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Rémy Cabella qui est d’Ajaccio.

Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
J’ai grandi avec le Manchester United de 2007, avec Cristiano Ronaldo, Giggs, Rooney. C’est mon club préféré même si en ce moment, c’est un peu plus compliqué.

Une idole de jeunesse ?
Petit, j’ai adoré Cristiano Ronaldo ou Thierry Henry. Maintenant, c’est Haaland pour ses appels de balle et son adresse devant le but. Toute proportion gardée, j’essaye de m’en inspirer. Je regarde beaucoup de matchs à la télé, presque tout en fait…

Que vous a-t-il manqué pour jouer plus haut ?
J’ai toujours eu une mentalité irréprochable, je n’ai jamais triché. Après, dans une carrière de footballeur, il faut aussi une part de chance. Il faut être au bon endroit au bon moment. J’ai un parcours atypique, de vagabond mais je n’ai pas de regret.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je vais à la salle de musculation, je joue au tennis. Je suis aussi très famille. J’aime passer du temps avec ma compagne et ma famille. On est de Cuttolli, un village à une vingtaine de kilomètres d’Ajaccio.

Si vous n’aviez pas été footballeur ?
Depuis que j’ai 6-7 ans, j’ai toujours voulu être footballeur. Depuis mes 17 ans, j’ai la chance d’avoir toujours vécu du foot et ne pas avoir à travailler à côté. Si ça n’avait pas marché dans le foot, j’aurais peut-être essayé un autre sport comme le tennis.

Le milieu du foot en deux mots ?
Magnifique et cruel à la fois avec de l’émotion mais aussi des injustices parfois incompréhensibles.

Le Gazélec en quelques mots ?
C’est un club familial, un club historique du football corse où les gens et les supporters sont passionnés, J’ai entendu dernièrement quelqu’un qui a dit « on a l’impression qu’à Mezzavia les murs parlent » C’est l’impression que donne ce stade tant il a vécu d’événements marquants.

Lire aussi : Louis Poggi : « C’est le passé qui fait que le Gazelec continue de vivre »

https://13heuresfoot.fr/actualites/louis-poggi-cest-le-passe-qui-fait-que-le-gazelec-continue-de-vivre/

Texte : Laurent Pruneta – Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : DR

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Le petit poucet de la coupe de France, qui affronte Valenciennes en 8e, est entraîné par un garçon travailleur qui a fait de l’insertion, de l’éducation et de la formation sa ligne de conduite. Propulsé sur le banc des seniors en avril 2023, il ne cache pas ses ambitions mais sait que le chemin sera très long. Portrait.

Michaël Napoletano, avant le coup d’envoi face à Romorantin en 16e de finale de coupe. Photo 13HF

Michaël Napoletano cumule trois boulots. Le premier, à la Métropole de Lyon, au service propreté. Le second, à l’association « Sport dans la ville », où il s’occupe de jeunes en difficulté, les aide à s’insérer, les accompagne sur des programmes quand ils sont « décrochés ». Le troisième, à l’AS Saint-Priest, où il entraîne les seniors National 3. Cela fait beaucoup pour un seul homme. Et encore, si l’on y ajoute que, depuis le mois d’octobre 2022, le natif de Lyon est papa d’une petite Kiara, cela fait quatre casquettes !
Autant dire que ses journées – et ses nuits ! – sont bien remplies et, fataliste, il se dit que si un jour il est viré de son club, il lui restera toujours au moins deux jobs !

Bon, ce n’est pas du tout dans ses plans, d’autant moins depuis qu’il s’est pris au jeu de la compétition avec les seniors du club sang et or, dont il a la responsabilité depuis la fin de saison passée, en N2, quand il a fallu, à six journées de la fin du championnat, remplacer Lionel Bah, remercié, pour une opération maintien. « Mais même si on avait gagné nos six matchs, on serait quand même descendu, assure ce grand gaillard de bientôt 41 ans (le 16 février), au physique imposant : « L’idée, en fait, était de préparer la saison suivante, en National 3″‘.

Une double mission

Le président de l’ASSP, Patrick Gonzalez. Photo 13HF

Lorsque Patrick Gonzalez, l’emblématique président de l’ASSP, l’a promu à ce poste, en avril 2023, Michaël Napoletano caracolait en tête de son championnat avec les 18 ans R1 : « Pour moi, il n’était pas question de lâcher les jeunes. On était leaders de la poule et en course pour l’accession en U19 Nationaux, un niveau que l’ASSP avait quitté en 2011. En fait, c’était une double mission. Du coup, ça a été une année vraiment très-très-très chargée, surtout que je passais mon diplôme. Et puis, passer d’un discours de maintien en National 2 le samedi à un discours de montée le dimanche avec les U18… Bon, on a fini premiers, malheureusement on a perdu la montée aux barrages contre Montferrand. C’est dommage. »

Photo Julien Bouard / ASSP

Avant d’endosser sa casquette de coach, Michaël a pas mal bourlingué quand il était joueur amateur. Tellement même, qu’il est obligé de réfléchir et de s’y reprendre à deux fois pour lister les clubs où il est passé. Dans l’ordre … ou dans le désordre : « J’ai commencé le foot aux Minguettes à Vénissieux puis j’ai rejoint l’Olympique Lyonnais en U13 et après, je suis rentré au centre de formation de Montpellier, jusqu’à 16 ans, et puis j’ai joué en 17 ans Nationaux au FC Martigues, où j’ai touché à la réserve et même un peu au groupe pro, à l’époque en Ligue 2. Puis Martigues est tombé en National, et je suis reparti à Lyon à 19 ans, pour jouer en CFA2 aux Minguettes. C’est vrai que j’ai fait pas mal de clubs, et souvent je n’y suis resté qu’une saison. »

Photo Julien Bouard / ASSP

L’ancien milieu de terrain défensif / défenseur central déroule son CV : « J’ai aussi joué à Beaucaire, à Béziers en CFA2, à Fréjus en CFA, juste avant la fusion avec Saint-Raphaël, l’année de la montée en National, et aussi au Canet-en-Roussilon. A mon retour à Lyon, j’ai pris une licence à Vaulx-en-Velin afin de m’entraîner et j’ai terminé ma carrière amateur à Saint-Priest, en 2010. Depuis, je n’ai plus bougé ! »

Durant son parcours, notamment chez les jeunes, il a côtoyé quelques joueurs devenus pros, comme Valéry Mezague, Jean-Mathieu Descamps, Mansour Assoumani, Habib Bamogo, Geoffrey Doumeng ou encore Stéphane Biakolo, ainsi que Rod Fanni et Eric Chelle à Martigues.

Daniel Zorzetto, le déclic

Le stade Joly a fait le plein en coupe. Photo Julien Bouard / ASSP

Sa vocation d’entraîneur, elle, est venue sur le tard. Pourtant, très tôt, dans les clubs où il a joué, il s’est occupé d’équipes de jeunes : « Honnêtement, au départ, je ne savais pas que j’allais devenir entraîneur même si j’encadrais des petits, des U7, U8, U9; ça me plaisait, mais la vocation est venue plus tard, quand j’ai rencontré certains coachs, notamment aux Minguettes. Là, j’ai croisé la route de Daniel Zorzetto. Lui, il m’a donné la fibre. Je l’ai beaucoup apprécié et il m’a donné envie de faire ce métier. J’aimais son leadership, son management. C’était un peu « à l’ancienne » dans les séances mais sa proximité, son discours, ça m’a parlé. Il arrivait à motiver les joueurs avant les matchs. Malheureusement, je ne suis plus en contact avec lui, j’aimerais bien lui reparler. J’ai eu la chance de connaître beaucoup de coachs, comme Mahmed Guendouz et Christian Caminiti à Martigues, au Canet-en-Roussilon j’ai eu Hervé Alicarte, l’ancien joueur pro de Bordeaux et Montpellier. »

Photo Julien Bouard / ASSP

Saint-Priest était donc l’endroit idéal pour définitivement poser ses valises. « J’avais cherché à me rapprocher de la maison pour préparer aussi ma reconversion et retrouver ma famille et mes proches, parce que j’avais tout le temps été éloigné. J’ai eu l’opportunité de rentrer à la Métropole de Lyon tout en continuant de jouer au foot en amateur ici. Maintenant, cela fait 14 ans que je suis à l’AS Saint-Priest, où j’ai eu la responsabilité des U12, des U13, de l’équipe III seniors en Régional 3, de la réserve pendant 3 ans et donc des U18 l’an passé avec la N2 en même temps en fin de saison, après le départ de Lionel Bah ».

Un coeur qui s’emballe

Ce qui a également poussé Michaël Napoletano à enfiler le survêtement, c’est un problème de santé. Un jour, alors qu’il conduisait sur l’autoroute, son coeur s’est emballé. Il a fait un malaise. Il a perdu connaissance. Il a perdu l’équilibre. Il aurait pu y rester. « On m’a découvert un problème cardiaque. Une malformation. J’avais une hypertrophie. Je suis allé consulter un médecin. Il m’a dit que je ne pourrais plus faire de sport à haut niveau, à haute intensité. J’ai dû arrêter net. C’était un truc de dingue. Quand je rentrais chez moi, j’avais des malaises… Je faisais de la tachycardie. Je suis obligé de faire attention à ce que je fais. C’est pour ça aussi que je me suis lancé à fond dans le diplôme d’entraîneur, le BEF d’abord, puis le DES (diplôme d’état supérieur) deux ans après, pour coacher jusqu’en National 2. »

Formation et éducation, façon ASSP

La remise ! Photo 13HF

Du coup, la montée d’adrénaline sur le banc, le stress, la nervosité, la tension, tout cela est-il compatible avec ses ennuis au coeur ? « Ce n’est pas très dangereux, m’a certifié le médecin. Mais il ne faut pas trop s’énerver non plus, hein ! J’ai appris à vivre avec ça. Au début, j’ai gardé un appareil pendant trois ans sous la poitrine qui enregistrait les mouvements du coeur et envoyait des alertes si ça s’emballait trop. Et si je sentais quelque chose, j’avais un bouton aussi pour donner l’alerte. Mais je n’ai plus fait de malaise, sauf une fois, il y a longtemps, en faisant un foot avec les collègues, c’est tout. »

Photo 13HF

Le garçon, sensible et parfois dans l’émotion sur un banc, mais de plus en plus calme et serein, semble parfaitement coller à la peau de l’AS Saint-Priest. De coller avec les valeurs de ce club très respecté du bassin lyonnais, dont la réputation n’est plus à faire, que cela soit en matière de formation et d’éducation. « C’est vrai que le club est très respecté. Sain. Très bien structuré. Ici, il n’y a pas de problème financier. C’est bien géré, avec des dirigeants qui anticipent les choses. Et quand on discute avec les parents quand il s’agit de recruter, c’est quelque chose sur lequel on appuie. L’ASSP, c’est une entreprise bien huilée. Quand je vois que certains clubs pros n’ont même pas de minibus pour emmener leurs gamins, laissés pour compte, c’est aberrant. Chez nous, cela n’existe pas, ça. Les valeurs, le dévouement, le respect, font partie de notre ADN. C’est aussi le message que veut faire passer notre président, Patrick Gonzalez. Les petits, quand il arrivent au club, ils retirent leurs casquettes et leurs bonnets. Ils saluent tout le monde. Porter l’écusson, c’est important. Quand j’entraînais les U18, j’avais présenté aux joueurs toutes les personnes du club qu’ils allaient croiser et à qui il fallait dire bonjour. Il n’y a pas de souci de comportement, et s’il y en a, c’est la sanction directe. On veut les éduquer de cette manière, parce que vous le savez bien, on éduque d’abord des hommes avant d’éduquer des footballeurs. Moi, je pars du principe que si les jeunes veulent être respectés, il faut d abord qu’ils respectent les autres. »

Qualité de jeu

L’équipe de l’AS Saint-Priest. Photo Julien Bouard / ASSP

En seniors, c’est un peu pareil : depuis le début de la saison, les joueurs cultivent une certaine image, qui fait que les gens ont envie de venir les voir, de les connaître. Le coach essaie de faire passer les même messages. « C’est important de cultiver l’esprit du vivre ensemble, l’esprit familial. »

Bien sûr, c’était l’effet coupe de France, mais face à Romorantin, en 16e de finale de la coupe de France, le 21 janvier dernier, le stade était plein comme un oeuf. « Je n’avais jamais vu autant de monde ! » assure Napoletano. Ce succès populaire – 3000 personnes dans le petit stade Jacques-Joly, blotti au milieu des immeubles -, c’est une belle surprise.

Photo Julien Bouard / ASSP

L’autre surprise, pour qui n’avait pas encore vu jouer l’ASSP cette saison, c’est la qualité de jeu. Ces deux critères ont surpris les joueurs du Loir-et-Cher, dépassés à la fois par l’événement et par le football pratiqué par les Sang et or, vêtus de rouge ce soir-là. « J’étais convaincu que l’on était capable de réaliser ce genre de match, avec cette qualité de jeu-là, poursuit Michaël; après, contre une Ligue 2 (Valenciennes ce mercredi soir en 8e de finale, à 20h30), je ne sais pas si on pourra reproduire ça, parce que ça sera le niveau au-dessus. Mais on avait fait beaucoup de matchs amicaux pendant la préparation estivale pour bien ancrer les principes de jeu dans la tête des joueurs, pour bien travailler sur l’aspect collectif, sur la cohésion, sur les automatismes, sur les relations entre les joueurs. On a aussi beaucoup bossé la qualité de jeu. On est capable de faire de belles choses, avec des joueurs rapides, véloces et techniques sur les côtés, de jouer vite en transition et aussi capable d’avoir la maîtrise du ballon, avait cette mixité entre la possession et les contre-attaques. Il fallait aussi apprendre l’efficacité dans les deux surfaces : je voulais que mon équipe soit difficile à bouger. Joueur, j’étais rugueux… Quand j’ai trouvé ma base défensive, on a continué à bosser offensivement. Nos résultats sont le fruit du travail à l’entraînement et de l’entente dans le vestiaire et dans la vie de tous les joueurs entre les joueurs. Je leur ai appris à se régaler, à travailler et faire les efforts les uns pour les autres. A défendre ensemble. Quand je regarde mon équipe jouer, je prends du plaisir. Ce match de Romorantin en coupe, honnêtement, si on en met 5 ou 6, c’est pareil. C’est ça qui plaît aux gens. On est solide, dur à bouger. On a une attaque de folie. Cela veut dire que l’on est dans le vrai et que ce qu’on met en place fonctionne. »

Sera-ce suffisant pour franchir l’obstacle Valenciennes et s’offrir un ticket pour les 1/4 de finale ? Ce qui est sûr, c’est que le stade Pierre-Rajon, à Bourgoin-Jallieu, antre du rugby et de l’équipe du FCBJ en National 2, fera le plein : 6000 personnes sont attendues. « Les gens qui ont vu notre match contre Romorantin, que cela soit au stade ou devant leur télé, se sont dit « Waouh ! » Il y avait de l’envie, de la débauche d’énergie, et ils ont envie de nous voir jouer et, surtout, de nous soutenir ».

6000 personnes attendues face à Valenciennes

Photo Julien Bouard / ASSP

Face à lanterne rouge de la Ligue 2, le coach le sait : il ne pourra pas récompenser tout le monde. « On a quasiment l’effectif au complet, c’est un casse-tête, surtout quand je vois les joueurs répondre présent comme ils le font, les titulaires comme les remplaçants, qui envoient les bons signaux. Il faudra faire aussi des choix en fonction de l’adversaire, des profils, mais ça ne changera pas les idées de jeu. En fait, c’est la gestion des joueurs qu’il faut gérer. Notamment ceux qui ne jouent pas ou moins. Pour préparer ce match, j’ai aussi pu compter sur deux jeunes qui s’occupent de la vidéo. Au tour précédent, on avait réussi à récupérer 7 ou 8 matchs de Romorantin. Là, avec Valenciennes, c’est plus facile, les matchs sont télévisés ! »

Photo Julien Bouard / ASSP
Photo Julien Bouard / ASSP

Et en championnat, comme ça se passe ? A priori pas trop mal. Une semaine après sa qualification historique pour les 8es de finale – l’ASSP n’avait jamais fait mieux qu’un 16e de finale, perdu en 2002 face à Nancy (L2) -, les Sang et or se sont imposés 2 à 0 à Hauts-Lyonnais, avant de concéder un nul à domicile dans les tout derniers instants du match, contre Limonest, vendredi dernier (2-2). Au classement, les Rhodaniens sont plus que dans le coup pour une remontée en National 2, mais ils ne sont pas seuls : Lyon-Duchère, lui aussi relégué de N2, est en tête avec 3 points d’avance (mais un match de plus).

Dans le coup en championnat

Photo Julien Bouard / ASSP

« En championnat, on a déjà réalisé ce type de performances comme face à Romorantin même si, pour moi, ce 16e de finale est vraiment un match référence, abouti, en termes de contenu, de concentration, de rigueur défensive… En National 3, on arrive a rééditer ce genre de perfs mais on est peut-être moins rigoureux. A Hauts-Lyonnais, juste après le match de Romorantin, ça a été difficile, on aurait pu se faire cueillir à froid, on a manqué de concentration même si on a gagné (2-0). On ne peut pas reproduire tout le temps ce genre de performance. En coupe, il y a ce truc en plus, il y a du monde, ça décuple tout, la motivation, la concentration. »

Photo Julien Bouard / ASSP

Déjà dans les annales, cette saison s’achèverait en apothéose si le club allait encore plus haut. Ne pas remonter en N2 serait-il une déception ? « En début de saison, j’avais dit au président « On va y aller mollo », parce qu’avec 18 départs et 17 arrivées, il y avait un groupe à reconstruire en totalité. D’abord, il s’agissait de se situer et ensuite de voir où en était après 7 ou 8 journées, et on s’est rendu compte de la qualité de notre équipe, on a pris des points. Mon discours a été de tempérer les choses au début, de rester discret, humble dans le travail. Maintenant, c’est sûr, il faut continuer de jouer les premiers rôles. Là, on est à la lutte avec Lyon – La Duchère (seule équipe à avoir battu l’ASSP cette saison). On a peut-être une carte à jouer, mais il y a Chambéry aussi qui nous talonne, et d’autres encore. Pour moi, le championnat va se jouer ce mois-ci et le mois prochain. Déjà, on a un programme chargé qui arrive avec Valenciennes, un match en retard à Espaly, on va à l’OL puis on reçoit La Duchère. C’est très costaud. »

Le BEPF, son Graal

Photo Julien Bouard / ASSP

Michaël Napoletano ne cache rien de ses ambitions. Collectives tout d’abord, avec une saison extraordinaire à terminer. Individuelles ensuite. Viser plus haut est un objectif. Et il sait que la coupe de France révèle souvent de nouveaux coachs : « Cette saison est seulement ma première véritable expérience. Je gère tout, le recrutement, le management, les séances (il n’a pas d’adjoint). Aller chercher le monde pro est un objectif. Evidemment, n°1, c’est complètement utopique quand on voit tous les coachs expérimentés qui n’ont pas de clubs, mais ça peut être dans un staff. On voit depuis quelques années qu’il y a une évolution, avec de plus en plus d’entraîneurs jeunes qui arrivent et à qui on commence à faire confiance. Pouvoir accéder un jour au BEPF, ce serait le Graal, et ça me permettait d’avoir toutes les cartes en poche pour intégrer un staff pro ou entraîner en National. C’est mon ambition, je ne le cache pas, j’adore manager, même si je suis totalement capable d’être n°2, d’ailleurs, c’est un peu ce qui était prévu ici avec Lionel Bah, mais… Je ne sais pas, il n’a pas voulu, il a peut-être eu peur que je lui prenne sa place, que je lui savonne la planche, mais je ne suis pas du tout comme ça : je ne vais pas faire à quelqu’un ce que je n’aimerais pas que l’on me fasse. Quand j’avais la R2, on échangeait, mais c’était difficile, ça se passait bien au début, moins bien sur la fin, il jouait le maintien, il avait cette pression que moi je n’ai pas, car j’ai mon métier à côté. Lui, c’est son métier à temps plein. Il vient du milieu pro, je pense que je pouvais lui apporter quelques paramètres du monde amateur, c’est dommage, parce que c’est un super entraîneur. »

Le président du club entouré de l’ancien joueur emblématique du club, Laurent Scheiwe, aujourd’hui adjoint aux sports, et du maire Gilles Gascon. Photo 13HF

Quand GOAL FC, promu en National cette saison, a joué au stade Jacques-Joly en début de saison, Michaël est allé voir ce qui se faisait à cet échelon : « Cela m’a permis de prendre des idées. J’ai vu par exemple le match GOAL – Red Star (3-1). Le Red Star dominait mais GOAL a marqué trois fois sur coups de pied arrêtés, donc après j’ai insisté sur cet aspect-là. »

D’autres entraîneurs l’ont-ils marqué ? A-t-il des modèles ? La réponse n’a rien d’originale : « Mes deux modèles sont Ancelotti, pour le management, la proximité, et Klopp, pour les idées de jeu. Je m’inspire d’eux. Je sais que je suis le capitaine du bateau mais les joueurs peuvent s’autogérer : contre Romorantin, mes deux milieux m’ont dit « On est en danger là, on inverse », du coup, on est passé d’un 6 et deux 10 à deux 6 et un 10. Ils ont pris cette responsabilité là. Ils sont capables d’analyser, et c’est ça que j’adore, cette relation avec eux, tout en ayant la main ferme quand il faut. Une main de fer dans un gant de velours ! »

8e de finale de la coupe de France – mercredi 7 février 2024 : AS Saint-Priest (N3) – Valenciennes FC (L2), à 20h30, au stade Pierre-Rajon, à Bourgoin-Jallieu. En direct sur BeIN Sports 7 max

Texte : Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : AS Saint-Priest / Julien Bouard

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Après une coupure d’un an, mise à profit pour retravailler dans la vie active, l’ancien attaquant professionnel des années 80-90 a repris du service sur un banc, à Septèmes-Consolat, en PHA, un niveau qu’il avait découvert à 17 ans avant d’exploser à Istres chez les amateurs. Et il reprend du plaisir !

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

« Pri – You », « Pri – You »… Le stade Pierre de Coubertin à Cannes – la Bocca résonne encore des chants et des cris de ses supporters. C’était quand Franck Priou tutoyait les sommets avec le club azuréen, 6e à l’issue de la saison 1993-1994 en première division. C’était quand le tandem Priou-Madar martyrisait les défenses de l’élite hexagonale (18 buts en 32 matchs pour le premier, 10 buts en 27 matchs pour le second), un an après avoir déjà martyrisé celles de Division 2 (21 buts en 32 matchs pour Priou et 17 buts en 27 matchs pour Madar lors de la saison 1992-1993, achevée par un retour en élite après les barrages). C’était un autre temps. Une autre époque.

Quand le natif de Marignane, à côté de Marseille, a débarqué sur La Croisette, il avait déjà 28 ans ans, un CV long comme le bras, une ribambelle de buts à son actif et toujours son sacré… caractère ! Il était, en quelque sorte, à l’apogée de sa carrière qui l’avait vu démarrer chez les amateurs en même temps que son club, Istres, en D4, à l’âge de 20 ans, puis en D3 et enfin en D2, sous l’ère Georges Korac.

Istres, le club tremplin

A Istres.

Des carrières à la Priou, il n’en existe pas beaucoup ! A 16 ans, quand il arrête l’école, il travaille chez Point P à Port-de-Bouc. A 17 ans, il joue en PHA à Gignac, puis à Marignane en DH avant de partir à l’armée à Auxerre à 19 ans. Et quand il revient, à 20 ans, c’est Istres, club avec lequel les attaches sont et resteront très fortes, qui lui sert de tremplin. C’était le temps des copains et de l’insouciance pour celui qui avait démarré chez les minots dans le club voisin, au FC Martigues, toujours sur les bords de l’étange de Berre, à 13 ans, en minimes, là où il habite depuis près de 30 ans maintenant.

Aujourd’hui, à 60 ans, après avoir beaucoup bourlingué, que cela soit comme joueur en D2 et en D1 (Istres puis Lyon, Mulhouse, Sochaux, Cannes, Saint-Etienne, Caen, Martigues), même en National en fin de carrière à Istres (1999-2000), et comme entraîneur (réserve d’Istres, Consolat, Gap, Martigues, Fréjus/St-Raphaël, Marignane, re-Martigues, Mulhouse, Istres, Endoume et Atlético Marseille), « Francky » a posé ses valises à Septèmes-Consolat, pas très loin du stade de La Martine, où feu Marseille-Consolat vécut ses belles heures en National, après un break loin des bancs de touche.

L’équipe de PHA de Septèmes/Consolat, cette saison. Photo Septèmes-Consolat.

Et s’il n’avait pas recroisé la route de Jean-Luc Mingallon, emblématique président de Marseille-Consolat, aujourd’hui président de Berre (Régional 2), et celle de Salah Nasri, président du nouveau « FC Septèmes-Consolat », peut-être qu’il serait toujours en train de travailler au Décathlon de Bouc-Bel-Air et de préparer les commandes, comme il le faisait l’an passé… « J’ai travaillé trois mois à Décathlon, oui, et ça ne me dérange pas, j’avais déjà travaillé à DistriMag, filiale de Maisons du monde, pendant un an et demi, et quand j’avais 16 ans aussi, à Point P, à Port-de-Bouc… Tu sais, j’ai toujours su, même quand j’étais joueur, que j’allais retravailler après le foot, pour cotiser pour la retraite. C’est bien de sortir du foot, de se vider la tête, et puis on voit des gens de la vie de tous les jours. Même si le football me rattrape toujours, avoir travaillé avec des gens de plein de nationalités différentes, j’aime ça, ce mélange, c’est enrichissant. »

2e du championnat

Quand il faisait la Une de France Football, avec Mulhouse !

La rencontre avec l’ancien tandem fort de Marseille-Consolat fut finalement la raison de ce retour sur un banc, un an après la liquidation de l’Atlético Marseille, dans un club de Départemental 1, l’équivalent de la PHA. « Après l’histoire de l’Atlético, je suis resté un an loin du foot, j’ai bossé, et puis près avoir discuté avec Jean-Luc et Salah, j’ai accepté, même si certaines personnes m’ont dit « Mais pourquoi tu vas à un niveau si bas ? », alors que moi, ça ne me dérange pas du tout, pour une bonne raison : je viens moi aussi de ce niveau-là ! Le foot amateur, on s’y fait, et je suis agréablement surpris par le championnat. Je m’attendais à des matchs très engagés, des bagarres, mais pas du tout, je touche du bois, ça se passe très bien sur les terrains, les joueurs se connaissent entre eux et puis le District de Provence veille et ne plaisante pas : un écart et c’est vite 8 ou 10 matchs de suspension ! En fait, c’est difficile au niveau de l’arbitrage, mais en même temps, quand je vois en Ligue 1 que, même avec le Var, on n’y arrive pas… Après, à Aix, au même niveau que nous, il y a Sébastien Perez et Didier Samoun (ex-champion d’Europe et du monde de beach soccer) aussi, ils sont là pour prendre du plaisir, comme moi. Finalement, peu importe le niveau. En fait, le seul truc que l’on peut reprocher à cette division, c’est l’assiduité aux entraînements. Les joueurs travaillent, alors, s’ils viennent, ils viennent, s’ils ne viennent pas, ils ne viennent pas. Qu’est-ce que tu veux leur dire ? »

Le duo Mingallon-Nasri. Photo Septèmes-Consolat.

Afin d’utiliser le stade de La Martine, le FC Septèmes, qui reste basé au complexe du Grand Pavois, a adossé « Consolat » à son nom, alors, forcément, cela réveille quelques consciences et suscite de la curiosité. « On parle quand même plus de Septèmes que de Consolat mais en montant les échelons, j’espère qu’on entendra parler aussi de Consolat compte tenu de ce que ce club a fait ces dernières années. D’ailleurs, Jean-Luc Mingallon garde un oeil sur Septèmes-Consolat même si c’est Salah Nasri, l’oncle de Samir, qui est là au quotidien. On joue en championnat et on s’entraîne à La Martine. Pour l’instant, en championnat, ça se passe bien. On est 2e derrière La Cayolle, avec 5 points d’avance sur le 3e, Rousset B. Ce sont les deux premiers qui montent. On a fait, récemment, un faux pas à domicile, contre Saint-Antoine, c’est dommage. Mais on veut remettre le club à un niveau acceptable. Parce que tout ce qui a été fait avant à Consolat a été détruit par des personnes qui n’en avaient rien à faire du club et ne pensaient qu’à leur intérêt; c’est toujours plus facile de détruire que de construire. Si on arrive à faire monter les seniors en Régional 2, cela permettra aux jeunes d’intégrer l’équipe une. Pour l’instant, je n’ai pas pris de U18 avec moi parce que je trouve que ce n’est pas forcément mieux pour eux de jouer en PHA, leur championnat est intéressant. On a une bonne image, beaucoup de joueurs aimeraient nous rejoindre, on attire, même si le niveau est un peu compliqué, c’est pour ça, il faut monter ! Dans mon équipe, il y a le gardien Nicolas Zacharelli qui a joué à Marignane en N2 et National, et aussi Enzo Sauvage, notre attaquant, qui est passé par Wolverhampton chez les jeunes et qui devait partir renforcer la réserve de l’OM à l’intersaison; il a fait 15 jours d’essai avec eux et ils avaient l’air d’être satisfaits. On l’aurait laissé partir pour un contrat, on aurait été content pour lui même si c’est notre meilleur buteur mais du jour au lendemain, l’OM n’a plus donné de nouvelles… C’est l’OM dans toute sa splendeur, ce n’est pas très classe, sans compter qu’il ne nous ont pas avertis non plus. »

Franck Priou du tac au tac

« Mon idole, c’était Jean-Pierre Orts ! »

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Meilleur souvenir sportif de joueur ?
Il y en a beaucoup ! Il vaut mieux ! S’il n’y en avait qu’un seul, ce serait dramatique (rires !). La montée en D1 avec Mulhouse mais la plus belle, quand même, je pense que c’est avec Istres, quand j’étais amateur, en Division 3, on est monté en Division 2, je n’étais pas destiné à devenir joueur pro, et à 19/20 ans, je monte de D4 en D2 avec Istres, c’est le plus beau, parce que c’était inattendu. Je termine meilleur buteur de D4 puis de D3 (22 buts), et je fais une saison honorable en D2 avec Istres (30 matchs, 14 buts), où on était amateur, mais c’est ce qui me permet de lancer ma carrière. Mes plus belles années, c’étaient celles-là, parce que je découvrais tout. Je découvrais la vie. Je sortais de l’armée à Auxerre à 19 ans, je n’avais jamais rien fait, j’avais quitté l’école à 16 ans, je travaillais à Point P. J’avais été sollicité mais le fait de monter avec Istres en D2 ça me donnait l’occasion de savoir ce dont j’étais capable. Il fallait que je me prouve à moi-même d’abord, il fallait que je sache si, déjà, je pouvais jouer en D2 avec mon club, avant d’espérer viser mieux. C’est ce que je reproche au football d’aujourd’hui : un jeune, on le met sur un piédestal alors qu’il n’a pas prouvé grand-chose, pour certains, qui n’ont jamais fait un match en pro.

Meilleur souvenir de coach ?
La montée en National avec Gap en 2010. Mais partout où je suis passé, j’ai vécu de grands moments. A Gap, j’y ai passé deux ans, le club était au bord du gouffre, et on fait une saison, la première, où on se maintient en CFA (N2) avec très peu de moyens, et la saison suivante, c’est tout le contraire, sans avoir beaucoup plus de moyens, mais on fait un super recrutement.

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Pourquoi n’es-tu pas resté à Gap après la montée en 2010 ?
Parce que je pense qu’ on a fait le tour de la question, on monte en National, et compte tenu de la région et des structures, je pense que l’on ne peut pas faire mieux, et j ai cette proposition de Martigues qui arrive… Cela faisait deux ans que je faisais des allers retours pour rejoindre ma famille à Martigues, où j’habite depuis 1997, et puis Martigues avait ce projet de remonter en Ligue 2, c’était logique que j’aille là-bas, pour essayer de faire quelque chose de plus grand, mais je serais resté à Gap s’il n’y avait pas eu cette proposition. Aujourd’hui Gap est en PHA, c’est dramatique, et il y a beaucoup de clubs comme ça qui ont disparu.

Le club où tu as pris le plus de plaisir comme joueur ?
Cannes. On avait un groupe et entraîneur fantastiques, sauf ma première année (1991-1992), quand il y a eu les stars, les Asanovic, Omam-Biyik et les autres, c’était du grand n’importe quoi ! Ils étaient grassement payés, et ils n’en foutaient pas une. Le vestiaire était scindé en deux. On est descendu en D2 mais c’était prévisible. Mais après, avec Luis (Fernandez), quand il a repris l’équipe, en D2… Avec lui, on partait se mettre au vert à Saint-Vallier (sur les hauteurs de Grasse), c’était fantastique, on était heureux d’être ensemble, on a passé des moments mémorables, et si on est remonté en D1 aux barrages en fin de saison, et que l’on a fait la saison que l’on a faite après (6e en 1993-1994), ce n’est pas pour rien ! Luis (Fernandez) pouvait nous faire grimper aux arbres. On était un un groupe.

Aucun regret de ne jamais avoir entraîné l’AS Cannes ?
Pas forcément… Oui et non… Je vois par où le club est passé… Aujourd’hui il a l’air mieux structuré même si je pense qu’il ne montera pas en National, parce que je connais bien le N2, et je pense que cette équipe n’est pas prête pour ce niveau, je la trouve tendre, comparé à des équipes comme Aubagne par exemple, où c’est physique, où « ça rentre ». Quand j’entraînais en N3, à l’Atlético, il y a 2 ans, je la trouvais déjà tendre. En revanche, je trouve que l’AS Cannes a plus une équipe cette saison pour figurer au niveau au-dessus qu’en N2. Après, honnêtement, oui, j’aurais aimé, et c’est vrai qu’avec mon épouse, on s’est toujours dit que si on devait habiter quelque part, ailleurs, ce serait Cannes, où on s’est marié, ou dans les alentours de Cannes. Quand je jouais à l’AS Cannes, on habitait à La Roquette-sur-Siagne. Et c’est à Cannes que mes deux premières filles sont nées : Samantha et Tiffany. Samantha joue en D1 au handball à Plan-de-Cuques, Tiffany travaille dans un journal régional comme commerciale. Ma troisième fille, Jade, est née à Martigues, et travaille dans un club de tennis. Et depuis 7 mois, je suis grand-père d’une petite Raphaëlle ! Je suis devenu gaga !

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Sur ton CV, on voit que tu as parfois entraîné dans des clubs où tu avais joué auparavant, comme Mulhouse…
Mulhouse, c’était un souhait de ma part et aussi du président de l’époque, Alain Dreyfus, mais ça ne s’est pas du tout passé comme prévu. C’est à Mulhouse que j’ai connu mon épouse, Isabelle. C’est aussi à Mulhouse que j’ai découvert la Division 1, mais quand je suis arrivé comme entraîneur, le club était en difficultés et le président a été obligé de le vendre en décembre. Et quand l’Américain (Gary Allen) a racheté le club, il a mis son équipe en place, et c’est tout naturellement que je suis parti. On a vu ce qu’ils ont fait derrière… Humainement, cela a tout de même été une bonne expérience. J’ai retrouvé des personnes que j’avais perdu de vue, malheureusement, sportivement non, cela n’a pas été une réussite.

La saison où tu as pris le moins de plaisir comme joueur ?
A Sochaux.

La saison où tu as pris le moins de plaisir comme entraîneur ?
L’année de Consolat (en 2021-22), en N3. Non pas que je ne me sentais pas bien, mais parce que le club a déposé le bilan en cours de saison. Le seul truc qui nous a tenus, c’est la Coupe de Provence, que l’on a remportée. C’est une fierté, parce que… Allez entraîner des joueurs qui ne sont plus payés depuis 6 mois, vous … ! Ils ont joué le jeu jusqu’au bout. Cette coupe de Provence, c’est tout ce qu’il reste aujourd’hui de ce club. En championnat, on jouait sans vraiment jouer, plutôt pour ne pas se blesser. On attendait que ça se passe mais on ne voulait pas être forfait général, par respect pour les autres équipes, comme l’AS Furiani, le club corse, qui était premier, et qui est monté en N2.

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Une erreur de casting dans ta carrière de joueur ?
Je n’ai pas de regret. Partout où je suis passé, ça m’a endurci et fait apprendre certaines choses. Quand je suis parti d’Istres pour passer pro à Lyon, en D2, on m’a dit « Mais pourquoi tu vas à Lyon ? », parce que là-bas, la première saison, j’étais remplaçant pendant un an, mais en fait, j’avais besoin de ça, j’avais besoin d’apprendre. Je venais du monde amateur à Istres, et pour moi, Lyon, je n’en ai tiré que des bonnes choses puisque ça m’a permis de faire une super saison après à Mulhouse. Je ne peux pas avoir de regrets. Ma carrière, ce n’est que du bonheur, même si cela n’a pas toujours été simple dans certains clubs, mais c’est comme ça, ça fait partie de la vie d’un joueur de foot.

Une erreur de casting comme entraîneur ?
Quand j’étais entraîneur de Marignane (en CFA, en 2013-2014), je n’aurais pas dû partir en fin de saison. J’étais arrivé mi-décembre pour jouer les pompiers, on s’était sauvé, mais ensuite, je suis retourné à Martigues où le président de l’époque (Vincent Caserta) ne me voulait absolument pas mais comme c’est le maire (Gaby Charroux) qui me l’a demandé… Il y a eu une forte pression pour que j’y retourne mais franchement… J’avais vécu de grands moments à Marignane.

Tu vas voir des matchs encore à Martigues en National ?
Jamais ! Je ne supporte plus ce club. Attention, je n’ai absolument rien contre Greg (Poirier, le coach de l’équipe de national), je parle du club, où des gens n’ont pas été honnêtes et se sont servis de moi … J’y suis quand même allé en coupe de France en décembre parce que j’avais des amis dans l’équipe d’en face, Alès. Sinon, non. Et puis j’ai un peu coupé aussi avec le foot pro. Déjà, je joue le dimanche, et le samedi, aller voir des matchs amateurs… non merci.

Un modèle d’attaquant ?
Quand je suis allé à Lyon, il y avait Jean-Pierre Orts : c’est lui mon idole. C’est une personne que j’aime beaucoup. On est toujours en contact. Il a effectué la majeure partie de sa carrière en Division 2 mais il aurait largement eu sa place en D1 car c’était un buteur hors pair et un personnage hors pair aussi.

Qui de vous deux a le plus marqué en D2 ?
C’est lui ! Moi, je sais que j’ai marqué 106 ou 107 buts en D2… (Jean-Pierre Orts a inscrit 182 buts en D2, c’est le recordman, et Franck Priou a inscrit 105 buts en D2).

Des modèles de coach ?
Je me suis inspiré des coachs que j’ai eus, j’ai pris un peu de tout le monde. De Luis (Fernandez), la convivialité, la grinta, l’envie, la façon de fédérer un groupe pour des missions de sauvetage; de Silvester Takac, lui, c’était la méthode allemande, avec beaucoup de discipline, de physique, j’ai pris aussi de Didier Notheaux, de Pierre Mankowski, de Robert Nouzaret, après, je n’invente rien, je refais ce que l’on m’a fait faire. Entraîner, ce n’est pas compliqué, ce qu’il faut, c’est fédérer, faire en sorte que les joueurs bataillent ensemble, qu’ils s’entendent bien sur le terrain pour faire les efforts ensemble, et ça, ça me procure des émotions, ça fait plaisir à voir.

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Ton club de coeur ?
Saint-Etienne ! J’avais 13 ans quand j’ai découvert les Verts à la télé ! Alors quand j’ai signé là-bas (en janvier 1995), j’ai réalisé mon rêve. Je me souviens m’être retrouvé dans les salons du club après un match avec les Curkovic, Piazza, Lopez, les frères Revelli, Sarramagna, et ils venaient me saluer en me disant « Monsieur Priou »… Mais de quoi « Monsieur Priou » ? « C’est vous, le Monsieur » ! Christian Lopez, c’était une idole pour moi. Il est adorable. Et de le voir, là… Malheureusement, je suis allé à Saint-Etienne au moment mauvais, c’était après l’histoire de la caisse noire, le club a dû dégraisser, et je suis parti en fin de saison.

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Je l’ai toujours dit, c’est Mickaël Madar, un garçon capable de marquer et de faire marquer, ce qui n’est pas mon cas, j’étais plus un buteur. Il avait une technique et un jeu de tête incroyables. On était complices sur et en dehors du terrain.

Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué ?
Zidane.

Le défenseur que tu n’aimais pas affronter ?
C’est peut-être surprenant mais c’est Olivier Dall’Oglio ! Quand j’étais à Lyon, je l’ai affronté pour la première fois quand il jouait à Alès, il était latéral droit et moi je jouais côté gauche. J’avais des difficultés avec lui, je ne m’en sortais pas, il n’était pas grand mais vif, explosif, et ça me gênait, parce que moi, je préférais affronter les Prunier, Boli, parce que je savais qu’avec eux, on allait à la « guerre », ça « rentrait », c’était un rapport de force, et ça me plaisait, parce que je partais du principe que, pour me faire respecter, il fallait que je sois le premier à « rentrer dedans ». Dall’Oglio, lui, il me cassait les c… !

Le coach marquant ?
Luis (Fernandez).

Un coach que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
J’ai revu Robert Nouzaret et je l’ai de temps en temps au téléphone, il a lancé ma carrière; Luis, je l’ai de temps en temps… Il n’y a que Takac dont je n’ai pas de nouvelles, c’est une bonne personne, un bon entraîneur, même si je ne garde pas un bon souvenir de mon passage à Sochaux. Mais ça faisait partie de mon apprentissage.

Le coach que tu n’as pas envie de revoir ?
Patrick Parizon. Je l’ai eu à Martigues.

Un président marquant ?
A Mulhouse, André Goerig, qui était proche de ses joueurs, et Francis Borelli à Cannes, un personnage hors du commun. Dans l’ensemble, je n’ai eu que des bons rapports avec les présidents, sauf à Martigues, quand j’étais entraîneur, où le président m’a dit, alors qu’on est monté en National (en 2011), « Si tu n’es pas content, tu pars », et c’est pour ça que je suis parti à Fréjus en National.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Micoud, Fernandez, Orts, Madar… Zidane ? Non, je n’ai pas son téléphone, mais je l’ai croisé à l’Atlético Marseille parce que, il y a deux ans, j’ai eu son neveu dans mon équipe, c’est un très bon joueur, et il venait de temps en temps au stade de La Martine. On s’est revu avec plaisir, on a vécu de bons moments à Cannes : à l’époque, on voyait qu’il était au dessus de tout le monde et il a cette humilité qui le caractérise bien, il est discret, il est resté le même.

Le joueur le plus fort que tu as entraîné ?
A l’échelle du National et du National 2, je dirais Driss Bouyarmani, un milieu de terrain que j’ai eu à Gap puis à Fréjus, il me fascinait, et aussi le défenseur Nordine Assami, un joueur formé à Strasbourg, mon poulain, qui m’a suivi partout ! Aujourd’hui, « Nono » est coach à Rousset en National 3.

Tu es un entraîneur plutôt…
Exigeant ! Mais je suis devenu plus cool parce qu’avec les nouvelles générations, il faut composer. Je suis cool mais exigeant, tu es obligé de l’être si tu veux des résultats.

Tu étais un joueur plutôt…
J’étais « casse-c… » sur le terrain avec mes partenaires et avec mes adversaires, parce que je voulais gagner. Comme disait souvent Luis (Fernandez), que j’estime beaucoup, je mettais la tête là où certains ne mettaient pas le pied ! Luis, c’est simple, on avait envie de se battre pour lui, et ça, ça n’existe plus aujourd’hui, car le foot est devenu égoïste. Un joueur qui va se mettre minable pour un entraîneur, ça ne se voit plus.

Ta philosophie de jeu ?
A Septèmes-Consolat, on joue en 3-5-2, avec deux latéraux qui vont assez vite, qui prennent les couloirs, deux attaquants, et deux relayeurs capables d’aller de l’avant.

Ton plus beau but ? Cannes-Nantes, un ciseau retourné (saison 1903-1994).

Le but en vidéo :

Le match de légende du foot français ?
Beaucoup disent que c’est le France-Brésil de 1986, d’ailleurs Luis (Fernandez) en parlait souvent, depuis il y a eu aussi la finale de la France en 1998 (3-0 contre le Brésil), mais moi, j’ai vraiment un match qui me vient en mémoire, c’est le Marseille – Milan de 1991, en demi-finale de la Ligue des Champions, deux ans avant la finale face au même Milan AC.

Le joueur de foot de légende ?
Chacun sa génération, mais pour moi, Maradona, c’était peut-être le plus fort, parce qu’en plus, il prenait beaucoup de coups, alors qu’aujourd’hui, les joueurs sont beaucoup plus protégés. Sur un terrain, il était phénoménal. J’ai beaucoup aimé le documentaire d’Emir Kusturika, ça m’a donné des frissons.

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Pourquoi n’as tu jamais entraîné plus haut qu’en National ?
Déjà, je n’ai pas passé les diplômes pour. Et aujourd’hui, le BEF ne suffit plus même en National, il faut le BEPF, et je n’ai jamais eu l’occasion de le passer, même si à un moment donné, quand j’étais à Fréjus, en National, il était question que je le passe si le club accédait en L2, mais vu que je ne suis resté là-bas que quelques mois… Et puis il aurait fallu que j’anticipe les choses car à 36 ans, à la fin de ma carrière de joueur, à Istres, en National, je suis devenu directeur sportif du club et je le suis resté pendant 10 ans, avec deux montées jusqu’en Ligue 1. J’aurais dû enchaîner après mon BEF pour me présenter au BEPF. Et après ça, à 44 ans, quand je pars entraîner en National 3 à Consolat (en 2007), il aurait fallu que je paye mon diplôme 30 ou 40 000 euros, mais si je paye pour m’entendre dire à la fin que je ne l’ai pas, je crois que je pète un plomb (rires), alors, ça ne s’est pas présenté, et après, c’était trop tard. Je suis resté dans le foot amateur, je savais que je pouvais entraîner jusqu’en National.

Avec l’AS Cannes. Photo Serge Haouzi.

Compte tenu de ton expérience, tu n’aurais pas aimé apporter quelque chose au monde pro ?
Je ne sais pas parce que quand j’étais joueur, je disais toujours « Je ne serai jamais entraîneur » ! Gérer 25 mecs, je crois que je péterais les plombs avec certains, j’aurais vrillé, je n’aurais pas été patient. Je n’étais pas parti pour faire entraîneur, c’est juste que j’ai eu un opportunité à 44 ans de le faire, à Consolat. Mais entraîneur, je ne l’ai pas préparé. Et en pro, je ne sais pas si j’en aurais été capable. Quelque part, c’était logique que je reste en amateur. J’ai commencé avec la réserve d’Istres pendant un an, et à Consolat, j’ai gagné du temps : quand je suis arrivé là-bas, il n’y avait que des caractériels dans le vestiaire mais les joueurs étaient intelligents et me respectaient, et on s’est sauvé. C’était la meilleure école possible pour moi. Il y avait déjà Jean-Luc Mingallon, le président emblématique de Marseille-Consolat.

Le milieu du foot ?
Ah… J’ai 60 ans aujourd’hui… Je ne m’y retrouve plus. Le foot a perdu ses valeurs mais je ne veux pas cracher dans la soupe car j’ai bien gagné ma vie sauf qu’aujourd’hui, c’est devenu indécent; je ne comprends pas pourquoi les clubs dépensent des milliards… L’argent tue le foot et le sport en général. Il n’y a plus de bénévoles non plus. Ils veulent tous quelque chose. Pour gagner ce que je j’ai gagné, il a fallu que je prouve pendant 5 ou 6 ans en pro avant pour mériter. Aujourd’hui, un club donne d’abord de l’argent à un jeune joueur avant que celui-ci n’ait prouvé quoi que ce soit, des salaires à 20 ou 30 000 euros par mois, où est-ce que tu as déjà vu ça ? Autre chose, il n’y a plus de respect non plus.

Texte : Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Serge Haouzi et Septèmes-Consolat

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