🖊 Voilà un peu plus d’un an, j’ai lancé, par pure passion, le site 13heuresfoot. Je m’étais dit, « si je suis lu par 500 personnes, c’est gagné » !
Un après, tous les articles ne font pas 5 000 clics, mais ils font beaucoup plus que 500 ! Certains dépassent les 8 000 « lus », d’autres « stagnent » à 3000 ou 4000, parfois, certains 2000… J’aurais dû ouvrir une épicerie !
Il n’y a pas vraiment de règle quant au « succès » d’une publication. Parfois, je pense qu’un sujet va très bien marcher et puis non. Parfois, c’est l’inverse.
Ces chiffres, en constante progression, sont une vraie fierté. Ce qui me rend encore plus fier, ce sont les nombreux messages que je reçois de la part des acteurs du football dont je parle, le foot d’en bas comme je l’appelle.
Sur 13heuresfoot, on présente et met en valeur des clubs, des présidents, des dirigeants, des entraîneurs, des arbitres, on raconte des histoires, bref, on parle des gens qui font le football « semi-professionnel » (l’on sait bien qu’en National, tout le monde ne vit que du foot, un métier, et même parfois en National 3…).
Vous l’avez sans doute aussi noté, les articles ne font pas 10 lignes et il faut un peu plus qu’une ou deux minutes pour les lire. On me le reproche parfois à l’heure où l’info est consommée à la vitesse Grand V. Où l’on scrolle sur son téléphone plus vite que la musique.
Il paraît qu’aujourd’hui, une vidéo, un texte, doit être très court. Et bien j’ai volontairement pris le contre-pied de tout ça : prenez le dernier article consacré au coach de Furiani, en National 2, Patrick Videira (ne pas confondre avec Patrick Vieira, hein !!!) : il faut, d’après LinkedIN, 27 minutes pour le lire. 27 minutes ! Mais comme je le dis souvent, cet article sera lu dans un bus, dans un avion, dans un TGV, dans un hall de gare, à une pause déjeuner, le soir avant de se coucher, à la plage, au café, bref, peu importe la longueur, pourvu que le lecteur s’y retrouve et apprenne des choses !
Ce choix de proposer des articles longs est délibéré : cela permet de se démarquer puisque quasiment personne ne fait ça; cela permet aussi d’aller beaucoup plus en profondeur. La grande particularité de « 13heures », c’est la durée de vie d’un sujet : vous pouvez le lire une semaine, un mois ou même six mois après (rendez-vous sur notre rubrique « articles » pour retrouver des « vieux » articles ), il sera – presque – toujours d’actualité. Parce que, sur « 13heures », les articles sont à 99 % froids. Pour le chaud, rendez-vous sur tous les autres sites, sur tous les autres journaux, qui font ça très bien !
Merci à mes complices présents avec moi dans l’aventure, je pense notamment à Laurent, investi comme personne, et bien sûr Denis, Jean-Michel, Clément, Alex, Emile, Timothée, Olesya, Joël, Romain, Marc-Antoine et Aurélien ! Merci aux photographes qui, régulièrement ou ponctuellement, m’ aident et contribuent à ce succès, Philippe, Bernard, Seb, Eric, Sully, Kevin et les autres ! Merci au parrain du site, Fabien Mercadal ! Et merci à notre partenaire Footamateur ! L’aventure continue, bien entendu ! Merci de votre fidélité !
Anthony B.
Le gardien de 31 ans, qui a quitté le FC Rouen en juillet, s’est engagé pour deux mois dans un club népalais, le Lalitpur City FC, dont le championnat a démarré le week-end dernier.
C’est à Katmandou au Népal, à plus de 10 000 kilomètres de la France, que Jeffrey Baltus a posé ses valises pour une pige de deux mois. Le gardien francilien, qui a quitté le FC Rouen au mois de juillet, et fêtera ses 32 ans le 20 décembre prochain, a signé dans l’une des neuf franchises qui composent la « Nepal Super League » : le Lalitpur City FC.
Pour son premier match, le club de la province de Bagmati a battu Butwal Lumbini FC samedi (2-0). Tous les matchs du championnat se déroulent dans un même stade, le Dasarath Rangasala de Katmandou. Il y a huit matchs de saison régulière, puis des play off qui s’achèveront fin décembre.
Même s’il a dû partir loin de sa famille, Jeffrey Baltus a donc choisi de se ressourcer loin de la France après une fin difficile en Normandie. La carrière du gardien martiniquais formé à l’INF Clairefontaine puis à l’AJ Auxerre n’a jamais été linéaire. Elle a été jalonnée de coups durs, de promesses non-tenues et de plusieurs périodes de chômage.
Mais en explorant parfois les côtés les plus obscurs du foot, il a en tiré une grosse force mentale. « Souvent, ça ne s’est pas joué à grand-chose pour que ça bascule du bon côté pour moi, regrette-t-il. Il m’a manqué ce petit facteur chance, la bonne opportunité au bon moment et la rencontre avec le coach qui me ferait entièrement confiance. Mais je n’ai jamais rien lâché, même lors des périodes où je n’avais pas de club. J’ai du caractère et de l’éducation. Je n’ai jamais renié mes valeurs et mes principes. Quand j’ai dû quitter un club pour ces raisons, je n’ai jamais hésité à le faire. Bien sûr que j’aurais pu mieux réussir. Mais je n’ai pas de regret. Quand j’arrêterai, je serai quand même satisfait de ma petite carrière. Je n’ai pas eu une enfance facile et plus jeune je n’étais pas formaté pour faire une carrière pro. Je n’étais pas prédestiné à signer dans des centres aussi réputés que l’INF ou Auxerre. Quand je fais le bilan, j’ai quand même vécu de belles choses. »
Pour 13heuresfoot, depuis le Népal, il a longuement déroulé le fil de sa carrière commencée en Seine-et-Marne et qui l’a donc mené d’Auxerre en Asie, en passant par la région parisienne (Ivry), la Corse (CA Bastia), la Belgique (RFC Liège), l’Hérault (Agde) et la Normandie (Granville, Rouen).
« A Auxerre, j’ai ma part de responsabilité »
Après des débuts en Seine-et-Marne, à Savigny-le-Temple et Le Mée, il intègre l’INF Clairefontaine. « Honnêtement, j’y suis arrivé par hasard. C’est un éducateur du Mée qui m’a inscrit aux tests. J’ai passé les différentes étapes. Je n’aurais jamais pu imaginer les réussir. J’étais à des années lumières de tout ça. »
Mais l’aventure à Clairefontaine n’a duré qu’un an. Il rebondit en 14 ans Fédéraux à Brétigny (91) où il est en internat. Le club est partenaire de l’AJ Auxerre qui le recrute en U15. « J’ai été tout de suite surclassé. J’ai été sélectionné en équipe de France et j’ai rapidement signé un contrat pro de 5 ans à 17 ans. Tout est allé vite, j’étais indépendant financièrement et tout allait bien. »
Malgré une vingtaine de bancs en Ligue 1 et Ligue 2, une inscription sur la liste du club pour la Ligue des Champions, il n’a jamais disputé le moindre match en équipe première et est toujours resté le numéro 3 dans la hiérarchie des gardiens auxerrois. « Objectivement, j’ai ma part de responsabilité. Peut-être qu’à un moment, je n’ai pas assez travaillé. Mais on ne m’a pas, non plus, toujours fait confiance. Lors de ma dernière saison, quand Olivier Sorin, se blesse, le coach Bernard Casoni a préféré faire venir un autre gardien, Geoffrey Lembet, plutôt que de m’utiliser en doublure de Donovan Leon. Cela m’a vraiment déçu. J’étais dégouté. Je savais que mon histoire avec Auxerre allait s’arrêter surtout que le club redescendait en L2. Les deux-trois derniers mois ont été difficiles à vivre. »
« Quand tu passes d’Auxerre à Ivry, ça fait un choc »
Après avoir participé au stage des chômeurs de l’UNFP, il reste plusieurs mois sans club avant de signer à Ivry, mal en point en National 2, en novembre 2014. « Je n’avais rien. Avec le recul, j’ai compris que c’était logique. J’avais un salaire d’un pro, j’étais un jeune espoir qui n’avait encore rien prouvé. Même pour une place de doublure en National, c’était compliqué. Signer en N2, c’était un défi. Je me suis dit, « soit tu veux rebondir en gagnant ta vie avec ta passion, soit tu décroches et te lance dans le monde actif »… Le N2, c’est quand même assez regardé et ça permettait aussi que mon nom tourne un peu. Après, passer d’Auxerre à Ivry où on s’entrainait le soir, sur un synthé, forcément que ça fait un choc. Mais au final, ça a été une expérience très bénéfique. »
Le gardien dispute 15 matchs mais Ivry est relégué en National 3 à la fin de la saison. « Ça s’est mal fini avec cette descente. Mais sur un plan personnel, ça m’a fait du bien de retrouver le monde amateur. J’ai rencontré des mecs tops. »
« Au CA Bastia, la meilleure saison de ma carrière »
Il monte alors d’un niveau en signant au CA Bastia en National, comme doublure de Mathieu Pichot. Le 30 octobre 2015, l’entraineur Christian Bracconi le titularise à Marseille Consolat (victoire 2-1). « Mon premier match de National. J’étais en feu… Le coach m’a dit qu’à partir de là, il allait me faire jouer. Mais il a été remplacé par Stéphane Rossi qui est redevenu entraineur (il était passé directeur sportif). Il a remis Mathieu (Pichot), qu’il avait recruté. J’avais vraiment les boules car j’avais été performant lors des matchs que j’avais joués. »
A la fin de la saison, il s’apprête à refaire une nouvelle fois ses valises malgré son année de contrat restant. « Vu comment les choses s’étaient passées, je ne voulais pas rester pour être numéro 2. J’avais déjà prévenu le propriétaire de mon appartement que j’allais lui rendre les clés. Mais je l’ai vite rappelé pour lui dire que je restais finalement ! »
Car entre-temps, Mathieu Pichot avait en effet décidé de revenir en Vendée, aux Herbiers. « Stéphane Rossi m’a dit que j’allais débuter la saison comme titulaire. Et je pense avoir réalisé la meilleure saison de ma carrière. » Il dispute 29 matchs et figure en fin de saison parmi les trois gardiens nommés aux trophées du National avec Simon Pontdemé (Chambly, qui sera élu) et Dan Delaunay (QRM). Seul accroc dans cette saison, le 7-1 encaissé à Sedan début mai. « C’était l’un de mes pires matchs. Mais j’étais fatigué mentalement et physiquement. »
Jean-Daniel Padovani, sa doublure et son… entraîneur des gardiens, le remplace pour finir la saison. « Je ne lui en ai pas voulu, c’était logique ». Le CA Bastia qui vit ses dernières heures sous cette appellation avant de fusionner avec le FC Borgo, est relégué en National 2. « J’étais déçu de ne pas avoir maintenu le club. A l’époque, j’avais beaucoup de clubs qui me suivaient parmi les meilleurs de National, Pau, Lyon-Duchère, Boulogne… Mais ça ne s’est pas fait. Je n’étais pas gourmand, j’étais au minimum de la charte au CAB, mais on me disait que j’étais trop cher pour un gardien… Mentalement, ça a été dur à vivre alors que je sortais de ma meilleure saison. »
« Une aventure courte mais magnifique à Liège »
Comme en 2014 après son départ d’Auxerre, il se retrouve au chômage. « Je suis rentré chez moi en région parisienne et j’ai repris le même cheminement : pôle emploi, entraînement en salle et avec un préparateur, plus des séances avec le FC Melun qui était en Régional 1. »
Sans perspective, il rebondit in-extremis au RFC Liège, un club de 4e division belge, le 31 janvier 2018. « Une aventure courte mais magnifique », estime-t-il. Elle a débuté par un coup de fil et seulement trente minutes pour prendre sa décision. « Il était 16 heures. Le mercato fermait à 23 h 30 et j’avais 4 h 30 de route pour aller à Liège. Au départ, je n’étais pas très emballé. Mais ma femme m’a persuadé de tenter le coup. Je suis arrivé à 22 heures au stade. Le coach des gardiens a fait rallumer les lumières. Il m’a dit qu’il voulait me voir. Au bout de 20 minutes, il m’a dit que c’était OK et j’ai signé. Le lendemain, ma femme arrivait avec deux valises ! ».
Lors de son premier match, il stoppe deux pénaltys face à l’Olympique Charleroi. Le début de la « BaltusMania » au stade de Rocourt. « J’ai noué une belle relation avec les gens là-bas. Humainement, c’était le top. Sur les réseaux, quand je poste quelque chose sur le club, je reçois toujours beaucoup de messages et de commentaires même 5 ans après. C’est beau de se dire qu’on a marqué les gens simplement par ce qu’on est alors que je ne suis resté que quatre mois. On est monté, c’était vraiment des beaux moments à vivre. Il y avait plus de 3 000 personnes au stade ».
Malheureusement, il n’a pas pu s’inscrire sur la durée à Liège. « L’offre de prolongation n’est jamais arrivée. Je n’avais pas joué les play off. Le titulaire qui était blessé et que j’avais remplacé est revenu. Il était prévu qu’il soit vendu, ce qui m’aurait permis de prolonger. Mais il est finalement resté. »
« Agde, je n’étais pas très chaud au départ …»
Le gardien francilien se retrouve une nouvelle fois sans club alors que les championnats ont repris. « J’étais monté avec mon club en Belgique, mais c’est comme si personne ne l’avait vu. »
En septembre 2018, il reçoit un appel du directeur sportif d’Agde, un club de National 3. « J’avais posté une annonce sur le site Foot National. Il l’a vu et m’a laissé un message en me disant, « Je ne pense pas que ça va t’intéresser de jouer en N3 mais je tente ma chance quand même »… Je l’ai rappelé et on a discuté. Mais au départ, je n’étais pas très chaud. La N3, je l’avais connu à 16 ans et là, j’en avais 26. Ça m’éloignait encore de la L2 et du National. J’avais peur de me faire encore plus oublier. »
Mais il a quand même relevé le défi. « Avec ma femme, on traversait une période compliquée sur le plan personnel. On avait besoin de changer d’air. Elle m’a dit, « si tu es prêt à faire une saison en N3, on y va et on verra ce que ça donne ». Au final, je ne l’ai pas regretté. J’ai été bien accueilli et on a fait une bonne saison. »
Baltus était même prêt à rempiler dans l’Hérault. « Agde ne pouvait plus faire le même effort que lorsqu’ils m’ont recruté mais on était en négociations. C’est en sortant du bureau que j’ai reçu un appel de Granville. »
« Jouer l’OM avec Granville, une récompense après mes galères »
Avant de signer, le gardien avait posé ses conditions. « Je leur ai dit que j’étais intéressé mais je ne venais pas pour m’asseoir sur le banc. Ils m’ont dit qu’un jeune gardien allait arriver en prêt mais qu’ils avaient besoin d’un gardien d’expérience et qu’il n’y aurait pas de hiérarchie établie. Je suis donc partie dans l’idée de me dire : « bats-toi pour montrer ce que tu vaux »…»
Lors de la première journée de National 2 au FC Mantois, c’est Marvin Galitin, prêté par Caen, qui est titularisé. « Le coach, Johan Gallon, ne nous avait rien dit. Je l’ai appris au dernier moment. Forcément, ça a eu du mal à passer. Mais j’ai accepté son choix. Après, quand on réfléchit bien, on se dit que c’était un peu pipé d’avance vu les liens que Johan Gallon avait avec Caen. C’est son club, sa ville. Il avait toujours voulu y revenir (NDLR: c’est le cas depuis cet été comme manager de l’association). Dans cette logique, c’est compréhensible qu’il privilégie le gardien prêté que Caen. Moi, il m’a laissé la Coupe de France où on a fait un beau parcours. »
Le 17 janvier 2020, en 16e de finale contre l’OM au Stade Michel-d’Ornano devant 20 000 spectateurs, le gardien a sans doute réussi l’un des meilleurs matchs de sa carrière. Pendant 75 minutes, il tient les attaquants de l’OM en échec, se montrant décisif sur des tentatives de Payet, Kamara, Lopez, Strootman ou Benedetto. « Jouer l’OM, c’était une récompense après mes années galères. Je me suis dit « tu n’as rien à perdre, si tu fais un grand match, il y aura forcément quelqu’un au stade ou devant sa TV, qui te remarquera. Et si tu passes à travers, tant pis »… J’ai fait 5 ou 6 arrêts. J’étais en feu. Mais à la 75e minute, on prend un rouge et on craque en encaissant trois buts. S’il n’y a pas le rouge, on peut les emmener en prolongations. Pour moi, ce match a eu des grosses répercussions. Mes agents me disaient qu’il y avait des clubs du dessus qui me sondaient. Moi, je me suis dit, ça y est, c’est reparti… Mais la covid est arrivée. Et là, plus personne n’appelait. Tout ça, c’est un peu le résumé de ma carrière. »
« A Rouen, ils ont créé un loft pour moi »
Mais l’ambitieux FC Rouen (N2) se positionne. Baltus se retrouve face à un dilemme. « Soit je restais à Granville où j’aurais pu avoir plus de temps de jeu, soit j’allais à Rouen qui avait un gros projet mais en prenant le risque de rester sur le banc. »
Au club depuis 2018, Jonathan Monteiro est en effet bien installé dans les buts rouennais. « J’ai finalement choisi de tenter ma chance. C’est le contrat de 2 ans, qui me donnait une stabilité, qui a fait la différence. Depuis Bastia, j’ai déménagé chaque année, connu des périodes sans club. C’était un peu fatiguant. »
Sans surprise, c’est Jonathan Monteiro qui enchaîne les matchs. Baltus doit attendre le 12 février 2022 pour enfin débuter en National 2 face à Châteaubriant. « Un nouvel entraineur était arrivé (Maxime d’Ornano) et je me disais que les cartes seraient peut-être redistribuées. Mais il n’y a pas eu de changement. C’est le foot… J’ai joué deux matchs car l’autre gardien s’est blessé puis il m’a ressorti de l’équipe. »
Un mois après, Jonathan Monteiro est victime d’une rupture du tendon d’Achille. C’est Baltus qui finit la saison. Sur les 10 derniers matchs qu’il dispute, Rouen est invaincu et remonte à la 4e place au classement final. « J’avais fait mon boulot, j’avais été performant », estime le gardien qui se voit offrir une prolongation d’un an avec une année en option en cas de montée et une autre s’il dispute au moins 20 matchs. « Je savais que j’allais débuter la saison, donc je ne pouvais pas refuser ce contrat », reconnaît-il.
Il dispute les 12 premiers matchs jusqu’au choc contre le Racing, le 2 décembre 2022 (2-2). Monteiro reprend sa place et c’est du banc que Baltus participe à la montée de Rouen en National. « J’ai ma part de responsabilité car j’ai été un peu moins performant à un moment. Mais ça arrive à tous les joueurs, même aux plus grands, d’avoir un petit coup de mou… Mais tout n’a pas été très clair. Monteiro avait beaucoup de soutiens en interne et en externe. Je savais que la moindre brèche que j’allais leur laisser, ils allaient s’y engouffrer. Parfois, lui a joué blessé. Mais moi, j’avais cette clause de 20 matchs. Avec la Coupe, j’en étais à 15 quand j’ai été sorti… J’ai serré les dents, je suis retourné sur le banc et j’ai été irréprochable alors que j’aurais pu foutre le bordel. Mais je n’ai pas fait de vagues. Je vais mourir avec mes valeurs et mon éducation. Au final, on est monté. Sur le coup, ça fait plaisir. Je pense y avoir contribué. Mais finalement, contrairement avec celle acquise en Belgique, je ne ressens pas la même émotion. OK, on est monté mais après ? Ce qui s’est passé a tout gâché. »
Le FC Rouen a effet décidé de se séparer de ses trois gardiens. « J’ai accepté leur choix mais il était hors de question que je m’assoie sur l’année de contrat qu’ils me devaient. On a négocié et je n’ai rien voulu lâcher. En faisant ça, je prenais le risque de me retrouver sans club. Ensuite, Rouen a tout fait pour me faire craquer. Ils ont joué avec mon avenir. Ils ont appelé des clubs mais j’étais black-listé. »
Les relations se tendent. « Ils ont créé un loft pour moi. Je n’avais plus le droit d’aller dans les vestiaires ni de croiser mes potes avec qui j’étais monté. Ça a duré 20 jours. L’UNFP s’est inquiété de ma situation. Finalement, on a trouvé un accord avec le président. J’ai obtenu ce que je demandais. »
Le 20 juillet dernier, il est libre. S’il a quelques contacts (Blois, Jura Dolois), la plupart des clubs ont déjà bouclé leur recrutement au poste de gardien. « Je n’étais pas aigri mais j’étais quand même un peu saturé d’avoir vécu tout ça. Le foot devient de plus en plus malsain. Il y a de moins en moins de place pour l’humain et la passion. Quand les championnats ont repris, j’ai totalement coupé et j’en ai profité pour partir loin avec ma femme et mon fils. J’en avais besoin. »
« A Katmandou, je teste ma ma capacité mentale. »
Niveau foot, c’est aussi une aventure exotique qui s’offre à lui. « Je devais signer dans un club de Tanzanie, c’était fait à 80 %. Mais encore une fois, il y a truc qui a capoté au dernier moment. » C’est donc au Népal à Lalitpur City Football club qu’il a atterri début novembre pour un contrat de deux mois. « Dans ma situation, le Nepal, c’était une opportunité à saisir. Mais sur le plan familial, j’ai fait un gros sacrifice en laissant ma femme et mon fils de 4 ans. Je teste ma capacité mentale à encaisser l’éloignement et la séparation. »
Il a découvert un environnement totalement différent. « La Ligue du Népal veut grandir et se développer. Ca va progresser mais ils ont entre 5 et 10 ans de retard. Dans mon équipe, il y a Papa Ibou Kebé, l’ancien attaquant de Colmar qui a longtemps joué au Vietnam. Il m’a prévenu d’entrée : « Oublie ta mentalité européenne et tout ce que tu as connu car ici c’est une autre vision, c’est à nous de nous adapter pour avancer ». Tout se passe bien. On a été très bien accueillis. »
Pour l’instant, Jeffrey Baltus ne se projette pas plus loin que le 31 décembre, date de la fin du championnat. « L’an dernier, mon club a fini 4e. Cette saison, on veut être champions. En tant qu’étranger, je sais que je suis attendu. Je veux montrer ce que je sais faire. Je me concentre sur mes matchs. Pour la suite, on verra après. Mais je ne suis lucide. Je ne suis pas sûr que le championnat du Népal soit regardé par les clubs français (sourire). Mais cette expérience peut m’ouvrir des portes sur le marché asiatique. »
Jeffrey Baltus, du tac au tac
Meilleur souvenir sportif ?
L’Euro U17 2008 en Turquie. Il y avait belle génération avec Clément Grenier, Gaël Kakuta, Yannis Tafer, Enzo Reale, Alexandre Lacazette, Loïc Nego, Thomas Monconduit et tant d’autres. On perd en finale contre l’Espagne (0-4). Il y a aussi le 16e de finale de Coupe de France avec Granville face à l’OM en janvier 2020 (NDLR: il avait multiplié les sauvetages avant de devoir s’incliner en fin de match, 0-3).
Pire souvenir ?
Mon départ d’Auxerre en 2014.
Pourquoi avez-vous choisi le poste de gardien ?
Aucune idée… J’avais d’ailleurs commencé le foot à Savigny-le-Temple (77) en tant qu’attaquant…
Qualités et défauts ?
Humain et trop professionnel.
La saison ou le club ou vous avez pris le plus de plaisir ?
Avec le CA Bastia en National en 2016-2017.
Le club où vous n’auriez pas dû signer ?
Aucun. Je suis content de tous les club ou je suis passé.
Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
Boca Juniors.
Un stade et un club mythique ?
Santiago Bernabeu et le Real Madrid.
Un public qui vous a marqué en National ou N2 ?
Dans les clubs où j’ai joué, celui de Rouen bien sûr. Comme adversaire, Strasbourg, Grenoble et Sedan.
Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Thomas Monconduit que j’ai connu à Auxerre.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Thiago Alcantara en finale de l’Euro U17 contre l’Espagne.
Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
La génération 91 de l’INF Clairefontaine.
L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Gérald Baticle, Christian Henna, Johan Radet lors de ma formation à Auxerre.
Un président ou un dirigeant marquant ?
Je citerais un dirigeant au CA Bastia, Eric Mura, un ancien joueur de l’OM.
Vos amis dans le foot ?
Il y en a beaucoup : Thomas Monconduit, Nico Burel, Nicolas Barthelemy, Clément Bassin, Valentin Sanson, Jeremy Grain, Antoine Bernasque…
Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Il est à la retraite maintenant : Phillipe Violeau (Auxerre).
Des rituels, des superstitions des manies ?
J’ai un rituel particulier : il faut que mon sac soit prêt le lundi pour le week-end suivant… Donc après le match, toutes les affaires partent immédiatement à la machine et je fais mon sac tout de suite quand tout est prêt.
Que vous a-t-il manqué pour jouer plus haut ?
Le bon coach au bon moment je pense. Un modèle de gardien ?
Iker Casillas et Gianluigi Buffon.
Le match de légende, c’est lequel pour vous ?
Liverpool – AC Milan, finale de la Ligue des Champions 2005.
Votre plus grande fierté ?
Ma famille.
Vos occupations en dehors du foot ?
Le golf, le padel et la vie de famille.
Le milieu du foot, en deux mots ?
Beau et ingrat.
Région parisienne où vous avez grandi, Belgique, Corse ou Normandie où vous avez joué ?
Franchement tous. Chaque ville a son style et son charme.
Texte : Laurent Pruneta
Twitter : @PrunetaLaurent
Photos : Philippe Le Brech, Bernard Morvan et DR / Lalitpur City
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L’entraîneur de l’AS Furiani Agliani (National 2) ne cache rien : il est exigeant, chiant, travailleur, rigoureux et déterminé ! A 46 ans, le Franco-portugais, qui ne doit son salut qu’à une ceinture de sécurité bien attachée dans un avion, a aussi beaucoup de caractère, de personnalité et de principes. Accrochez-vous, c’est parti !
*Entretien réalisé avant le succès 3-0 de l’AS Furiani Agliani samedi 25 novembre à Biesheim (N2, 10e journée).
S’il y avait une heure de plus dans une journée, Patrick Videira, le coach de l’AS Furiani Agliani (National 2)* dirait qu’il vit le football « 25 heures sur 24 » ! Déjà, 24 heures sur 24, c’est beaucoup. Et pas certain que le Franco-Portugais de 46 ans trouve suffisamment de temps pour dormir ou se reposer. Concilier le club, la formation au BEPF 2023-24 à laquelle il a été admis au printemps dernier, la vie de famille et un entretien de plus d’une heure avec 13heuresfoot n’est vraiment pas chose aisée.
Patrick Videira mange football, boit football, vit football et respire football : ça se sent, ça s’entend. Il a ça dans les tripes. Il n’hésite pas à dire : « C’est mon oxygène ». La phrase a d’autant plus de sens que de l’oxygène, lui et ses coéquipiers du Rodez Aveyron Foot en avait manqué ce jour de novembre 2004 lorsque la porte de leur petit avion qui les transportait à Bastia pour affronter la réserve du Sporting avait explosé en plein vol, à 5700 mètres au-dessus de la Méditerranée. Assis au mauvais endroit, devant la porte de l’appareil, Patrick Videira, aspiré dans le vide, n’avait dû son salut qu’à sa ceinture de sécurité qu’il venait d’attacher juste avant…
Cet épisode, incroyable, effroyable, inimaginable, fait partie de sa vie. Et ne fut pas sans conséquence. Il en parle dans cet entretien donné au lendemain d’une qualification pour le 8e tour de la coupe de France, à Noisy-le-Sec, face à une équipe de Régional 2 (2-0).
Le monde à l’envers !
L’on ne sait pas si c’est la lumière de la pièce dans laquelle il est installé pour cet entretien en visio, où si cela ne vient pas tout simplement de lui, mais sur notre écran 17 pouces, le natif de Paris est rayonnant ! Et ne laisse apparaître aucun signe de fatigue. Encore moins de lassitude. Il est même extrêmement bavard. Il choisit et pèse ses mots. Se donne le temps de la réflexion. D’emblée, il impose le tutoiement. Ce sera, du reste, sa seule requête !
« J’ai lu récemment un de tes articles sur David Vignes, le coach de Fleury, où tu disais qu’il était très bavard aussi, que tu n’arrivais pas à l’arrêter » lance-t-il ! « Honnêtement, avec tout le boulot que j’ai cette année, je n’ai pas le temps de lire mais je profite des heures de bus que l’on a pour le faire quand tu m’envoies les liens d’articles ! Bravo pour ce que vous faites, bravo à vous. » Des compliments qui vont droit au coeur et font plaisir. Mais le clou de l’interview, c’est quand le coach bastiais nous remercie à la fin, plusieurs fois, d’avoir pris de notre temps pour lui. Le monde à l’envers !
Interview
« Parfois, ma passion est excessive ! »
Patrick, ton emploi du temps est full : malgré tout, as-tu des hobbies, des passions, le temps de faire autre chose ?
(Rires) A la formation au BEPF, la semaine dernière, à Rennes, où l’on était réuni, on a évoqué les volets « communication » et « conférence de presse ». On m’a posé cette question : « as-tu des hobbies » ? Quand on me demande ça, j’ai un blanc (rires) ! Je mentirais si je disais que j’en avais. Après, j’ai des besoins. J’essaie de m’entretenir. Je vais courir trois fois par semaine, ça m’aère le cerveau, ça me permet de réfléchir. Il y a une dizaine de jours, ma fille Ilona est descendue d’Aix-en-Provence, où elle fait ses études, et j’ai dit « On va au cinéma tous les quatre », avec mon épouse, Laëtitia, et mon fils, Lenny. Cela faisait bien longtemps que l’on n’y était pas allé !
Quel film êtes-vous allés voir ?
(Il demande à son épouse) « 24 heures » ? C’est ça ? Ah non, « trois jours max » !
Le film n’a pas l’air de t’avoir marqué…
Non (rires) ! Mais cela faisait plaisir à tout le monde et après on a fait un resto.
« Il y a plein de choses que je voudrais faire mais… »
La famille, tes parents, c’est très important pour toi…
Oui. Mes parents habitent au Portugal. Ils sont de Chaves tout au nord et on a aussi une maison dans le sud à Portimao. J’ai la double nationalité. J’ai été international militaire portugais parce que j’ai effectué mon service là-bas. Quand j’ai porté les couleurs de Chaves, en D1 portugaise, ça a été une fierté pour mon père. Hier, ma maman m’a fait la surprise de venir me voir à Noisy-le-Sec. Mais c’est dur, parce que je suis dans mon monde. Je ne prends pas assez le temps de les voir. Donc avec mes enfants et mon épouse, on a décidé d’aller les voir à Noël, c’est important.
Tu lis ? Des livres ou des articles sur le foot par exemple ?
Je ne sais lire que des articles sur le foot, mais sincèrement, cette année, je n’ai pas le temps. Il y a plein de choses que je voudrais faire, mais avec la charge de travail, le BEPF et mon club, son organisation, c’est impossible. Lundi de la semaine dernière, je suis parti à Rennes pour le BEPF, on est rentré le vendredi. Le samedi je suis reparti à Noisy pour le match de dimanche en coupe de France, on est rentré le soir à minuit. Je suis arrivé à la maison et là, j’ai dit à mon épouse « Il faut que je travaille ». Elle m’a dit « abuse pas ». Puis je suis allé chercher mon fils à l’aéroport de Bastia, à 2 h du matin, parce qu’il jouait à Colomiers avec le Sporting en U19 Nationaux (entraînés par Cyril Jeunechamp) et il y a eu du retard.
« Je sentais que mes joueurs avaient besoin de moi »
Laisser ton équipe de Furiani une semaine par mois pour aller à ta formation BEPF, est-ce vraiment très difficile ?
Oui. Et là, cela a été encore plus compliqué. J’ai dit d’ailleurs à Rennes, la semaine dernière, que c’était la première fois depuis le début de la session que je venais à reculons… Parce que mon équipe était sur deux matchs sans victoire (une défaite 1-0 à Haguenau et un nul 0-0 contre Feignies-Aulnoye) et je sentais que mes joueurs avaient besoin de moi cette semaine-là, pour des entretiens individuels, pour leur donner beaucoup de confiance, et je n’ai pas pu être là. Cela m’a un peu embêté mais je l’ai fait différemment : j’ai loué une voiture en arrivant à Paris et de Paris à Rennes, comme j’avais 4 heures de route, j’ai pu appeler quelques joueurs et faire ces entretiens. Mais mon staff m’a dit que la semaine dernière avait été très compliquée, et ça, je le savais, je le sentais. Quand on est sur une spirale positive comme on l’était, c’est beaucoup plus facile. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un staff compétent, à qui je fais confiance, et je sais que le travail est très bien fait quand je ne suis pas là.
On aurait pu penser que, justement, le fait de partir en formation une semaine avant un match de coupe de France face à un club de Régional 2, ça tombait plutôt bien, façon de parler…
Non. La coupe de France est importante pour nous. Mon président (Philippe Ferroni) me l’a dit. Son rêve, c’est de faire un parcours. J’aimerais bien lui faire plaisir, j’aimerais faire plaisir au directeur sportif (Louis Casanova) aussi. Ces deux personnes sont très importantes pour moi : on est souvent pas d’accord mais on a une relation de franchise, familiale même. C’est une relation extraordinaire. Voilà pourquoi je n’ai pas pris ce match à Noisy à la légère. J’étais allé les voir quinze jours avant à Champigny en championnat (3-2 pour Champigny). C’est ça l’image que je veux donner à mes joueurs. Je leur ai dit « Ne pensez pas que c’est une équipe de Régional 2 », car en région parisienne, encore plus qu’ailleurs, il y a de très bons joueurs à ce niveau, et ça reste un match piège. On n’avait rien à gagner, on avait tout à perdre, et eux inversement. Tout n’a pas été parfait, mais on avait besoin de repartir sur un nouveau défi, sur une nouvelle spirale, donc c’est bien. Tout le monde était content. L’aventure continue. En début de saison, j’avais fixé comme premier objectif un 32e de finale (l’AS Furiani Agliani est qualifiée pour le 8e tour, et donc à un match des 32es de finale, Ndlr). Cela nous permettait de jouer chaque week-end, au moins jusqu’en décembre-janvier, ce qui était très important dans une saison avec quatre matchs de moins en championnat (les poules de N2 sont passées de 16 à 14 clubs avec la refonte). La compétition, il n’y a pas mieux ! Tu restes dans le rythme, tu enchaînes tous les week-ends, tu concernes tous les joueurs, et puis, on ne va pas le négliger, il y a le côté financier, et pour un petit club comme le nôtre, c’est très important.
Avec la surcharge de travail liée à ta formation au BEPF, c’est vraiment une année compliquée pour toi, non ?
C’est une année charnière pour moi. Le BEPF est important. J’avais déjà candidaté deux fois. Je n’avais pas été bon, ni aux entretiens ni aux séances; parfois on parle d’injustice mais là, non, j’étais juste déçu. La troisième fois a été la bonne. Mon tuteur, c’est Jacky Bonnevay. Il est dans la bienveillance, il te donne de vrais conseils. C’est une formation très professionnelle, avec une charge de travail énorme, mais ça nous apporte tellement de choses; ça a été fierté d’intégrer la formation, moi, Patrick Videira, qui sort de nulle part. J’en connaissais déjà quelques-uns Lilian (Nalis), Didier (Digard) et Fabrice (Abriel) du PSG, Greg (Poirier, le coach de Martigues), contre qui je bataillais en DH, lui avec Arles, moi avec Istres. Il y a beaucoup de solidarité entre nous. On est content de se voir. On a un groupe WhatsApp. On s’encourage, toujours avec cette bienveillance entre nous. Mais je le répète, cumuler le club et la formation, c’est dur.
« Par moments, je me fais mal à la tête tout seul »
On dit que tu es un coach très exigeant. Trop exigeant, au point que cela peut devenir un défaut chez toi…
Je le sais. Même au quotidien, par rapport à ma famille. Par moments, je me fais mal à la tête tout seul. J’en ai parfois marre de moi (rires) ! Je dis souvent à mes joueurs que l’objectif, c’est de tirer le meilleur de chacun. L’exigence te permet de progresser chaque jour, et cette exigence, je me l’impose aussi en permanence. Si on échoue, ce n’est pas grave, du moment que l’on a fait le maximum.
Quels sont, selon toi, tes qualités et tes défauts ?
Je suis chiant par rapport à cette exigence. La relation humaine est très importante. L’échange, le partage. Je suis très compétiteur. Je vis les choses à fond, je fais tout à fond. C’est ce qui me caractérise. Je déteste l’à peu-près et la suffisance. En formation BEPF, on essaie de me faire changer, mais c’est ancré en moi. Je sais bien que, parfois, je dois pouvoir relâcher, mettre des silences, j’essaie, je fais des efforts, mais je suis un tel passionné… Parfois, cette passion est excessive.
Es-tu le même aujourd’hui qu’à tes débuts d’entraîneur ?
Cela fait une dizaine d’années que j’entraîne. Cela n’a rien à voir. Je classe toutes mes séances et quand je regarde celles d’il y a 4 ou 5 ans, mes attitudes sont différentes. Après, on grandit avec l’expérience, avec l’apport de mes joueurs aussi. Je suis complètement différent de mes débuts.
Tu as déjà vu des entraîneurs plus expressifs que toi sur un banc adverse ?
Oui il y en a ! Mais je ne suis pas du genre à m’embrouiller avec le banc adverse. Simplement, j’ai des principes, et je m’y tiens. Par exemple, je peux être excessif s’il communique avec mes joueurs. Je vis les choses. Je ne reste pas assis sur le banc pendant 90 minutes à prendre des notes mais attention, je respecte ceux qui font ça, parce que chacun a sa propre façon de coacher. Il n’y a aucune vérité. Je vis les matchs debout. Je viens de temps en temps voir mon adjoint (Cédrik Ramos) ou mon directeur sportif qui est en relation avec l’analyste vidéo, pour voir s’il y a des choses qui, de la tribune, sont marquantes. J’aime bien me rapprocher d’eux.
« Je veux haïr la défaite »
Après un match nul ou une défaite, tu es comment ?
(Silence). C’est là-dessus qu’il faut que je travaille. Et encore, mon épouse, qui me régule souvent, me dit que je fais des progrès. J’arrive à relativiser un peu plus mais c’est difficile quand on est compétiteur et gagneur. Même joueur, j’étais comme ça. J’avais un laps de temps avant que ça retombe.
Tu ne peux pas gagner tous les matchs : tu dois donc être préparé à ça, non ?
Oui mais moi je joue tous les matchs pour les gagner. Avec Furiani, on était sur une invincibilité de 9 mois et 22 matchs sans défaite, chose incroyable, mais voilà (le club, qui s’est incliné pour la première fois à Haguenau, 2-1, le 4 novembre dernier, pour la 8e journée de N2, n’avait plus perdu en match officiel depuis le 25 février dernier à Wasquehal 4-2)… J’ai mis des choses en place pour que tous les jours, à l’entraînement, mes joueurs soient compétiteurs. Ils ont leur tableau de championnat, leurs points, collectifs ou individuels, avec un challenge : à la fin du mois, les cinq derniers paient les pizzas; il y a une sorte de « magagne », où ils se tirent la bourre, où ils se charrient. Je le dis souvent dans mes causeries, je veux haïr la défaite.
Ton style de jeu ?
J’ai un projet de jeu bien défini, avec beaucoup de rigueur, d’exigence et de détermination. Les joueurs ont des choses à faire bien précises quand on a le ballon et quand on ne l’a pas. C’est très carré.
« L’humain a peur de l’incertitude »
Raconte-nous tes débuts d’entraîneur …
C’est véritablement à Istres que j’ai commencé, en duo avec mon pote Mathias Lozano, un garçon fantastique. Je l’ai eu hier d’ailleurs au téléphone ! Il est aujourd’hui coach d’Arles, en Régional 1. C’était une super aventure. Le club venait d’être rétrogradé de National en DHR (Régional 2), en 2016. J’étais le capitaine de la réserve. Avec Mathias, et on est monté deux fois de suite, en DH (R1) puis en N3, et ensuite, un nouveau président est arrivé, Laurent Thomas, qui, le jour de la montée, nous a virés. Mais je ne lui en veux pas. Parce que cela m’a permis de grandir. Et aujourd’hui, j’ai saisi cette opportunité de venir à Furiani. Mon épouse, elle, lui en a voulu. Quelque part, cela nous a permis de sortir de notre confort. Mon fils était à l’OM. J’étais employé au service des sports de Sausset-les-Pins. Ma fille était au lycée. Mon épouse était professeur des écoles. On était tranquille. Là, ça a tout chamboulé et ça a amené de l’incertitude. Et l’humain a peur de l’incertitude. Il a fallu avancer. La première année, je suis venu seul. L’année suivante, on a eu une discussion : soit j’arrêtais l’aventure à Furiani, soit je continuais, mais nous quatre. Car on est très très proche. Ils sont venus me rejoindre. Depuis, ma fille est partie en IUT à Aix. Mon épouse a monté sa chaîne de formation. On a ce besoin d’être ensemble. C’est pour ça que je dis que je leur fais vivre l’enfer. Mais je suis un optimiste. Je me dis que ce sont des opportunités. Cela nous a permis de connaître la Corse et des gens qui nous ont donné énormément d’amour. Ce sont des choix de vie. C’est ce que je retiens. On s’est construit, on a grandi, et finalement cela a été une très bonne chose, parce qu’aujourd’hui on est très bien à Furiani. L’autre jour, mon épouse me demandait « Est ce que tu regrettes la maison à Sausset ? » Parce que quand j’étais joueur à Martigues (en L2 saison 2001-2002 puis à nouveau entre 2011 et 2014, en National et avec la réserve en DH), j’avais acheté une maison que l’on l’a gardé 20 ans et on l’a vendue quand on est venu vivre ici. On ne regrette pas, on avance.
« Avant d’arriver, je ne connaissais pas l’AS Furiani ! »
En Corse, on connaît surtout le Sporting, l’ACA, le Gazelec, Borgo, et plein d’autres clubs, mais pas Furiani : parle-nous de ton club. Comment as-tu atterri là-bas ?
Je ne vais pas te raconter de bêtise, il y a 6 ans, je ne le connaissais pas non plus, ce club ! Mon arrivée, c’est une coïncidence : Alex Cortes, une connaissance du président, et qui me connaissait de la région marseillaise, lui a parlé de moi. Le président a voulu me rencontrer et et en 24 heures, je me suis retrouvé en Corse, et tout était fait. C’était 3 jours avant le début du championnat de N2 (saison 2018-2019). Le club venait de perdre Jean-André Ottaviani, parti à Bastia Borgo. Quand je suis arrivé ici, le club était très amateur. L’effectif était amoindri. Il venait d’y avoir beaucoup de départs. C’était compliqué. J’ai une anecdote, c’est une phrase de mon adjoint, que j’ai connu ici, et ça m’a marqué : dès le premier entraînement, on a demandé aux joueurs d’effectuer un exercice athlétique très simple, et on a vu qu’ils n’arrivaient pas à faire deux tours de terrain… Là, on s’est dit « Ah Ouaip… » ! Et il m’a dit : « Si on doit partir, c’est maintenant ». Il y avait un véritable chantier. Mais c’est ma mentalité de ne jamais abandonner, de ne jamais rien lâcher. Alors oui, tu me parles d’exigence, et je rajoute le travail, et ça ne me fait pas peur. J’ai connu des gens ici qui m’ont tellement donné envie de pouvoir travailler pour eux, comme le président et le directeur sportif, et il y a un ensemble de personnes au sein de ce club qui m’ont aussi donné cette envie. Alors, j’ai mis les mains dans le cambouis et j’ai dit « On avance, tête basse ». Après, il a fallu faire évoluer le club, essayer de le professionnaliser au maximum. Chaque année, on avance.
Malgré tout, il y a eu cette descente en N3 lors de ta première saison en 2019. Tout aurait pu s’arrêter…
C’est un échec. On est descendu au goal-average, même si c’était quasiment un miracle de faire 33 points. J’ai eu la chance que mes deux patrons me laissent travailler, et je pense que si le club en est là aujourd’hui, c’est grâce à eux. J’ai pu mettre des choses en place. Ils me donnent carte blanche. Souvent on s’engueule, on n’est pas d’accord, mais on est toujours dans le partage et je dis souvent qu’avec trois cerveaux, on n’est plus fort qu’avec un seul. Donc quand je leur ai dit à la fin de la première saison, en 2019, que je n’avais pas atteint les objectifs, merci, au revoir, ils m’ont dit « Non », et donc si c’est non, je vais devoir monter un effectif afin de postuler à la montée en National 2 dans les deux prochaines années. Bon, après, la Covid est arrivé, ça a été compliqué. En 2021, on était premier et la saison s’est arrêtée. Mais j’ai tenu mes joueurs en alerte, on s’entraînait tous les jours en visio : ils ont été extraordinaires pendant cette période ! Je leur avais dit que ça allait leur donner de l’avance par rapport aux autres équipes, et ils ont cru en moi. L’année suivante, on a fait une saison extraordinaire en National 3. Et on est monté.
« La fidélité pour moi est très importante »
Tu le décris comment, ton club ?
C’est un petit club près de Bastia, très familial, qui appartient aussi à la famille Leca, d’ailleurs, Jean-Louis, le gardien du RC Lens, est le président d’honneur. On a peu de moyen mais beaucoup d’ambition. Je ne connaissais pas mon adjoint en arrivant, Cédrik Ramos, et ça a matché entre nous. La fidélité pour moi est très importante. Cela fait 6 ans maintenant que l’on travaille ensemble.
L’AS Furiani Agliani peut-elle envisager de jouer un jour en National ?
C’est mon ambition de mettre le club là. Après, pourquoi pas ? Il y a eu des clubs comme le CA Bastia ou Luzenac, qui y sont arrivés et qui sont même montés en Ligue 2. Bien sûr, il y a des choses à améliorer, mais il y en a tout le temps dans un club. J’ai envie que l’on soit ambitieux, c’est mon discours de tous les jours, tout en gardant notre humilité, qui est l’ADN du club. Mais les équipes adverses ont deux bras et deux jambes comme la nôtre. Certes, je continue à avoir ce discours, on ne doit pas se mettre de frein, mais je n’ai pas cette pression-là, de me dire qu’on a l’obligation de monter, non. De toute façon, la pression, je me la mets tout seul. Parce que c’est mon moteur et ça me permet d’avancer. Si demain on n’y arrive pas, ce n’est pas la fin du monde. Quand j’ai présenté ce projet au président et au directeur sportif, je leur au dit que s’ils voulaient jouer le maintien, cela voulait dire qu’il fallait jouer la montée, car avec la restructuration du championnat et les 6 descentes dans un groupe à 14, ce qui est énorme, il vaut mieux jouer la montée pour ne pas descendre. Surtout qu’on a le plus petit budget du championnat. L’autre jour, on est allé s’entraîner à Rungis, un club de Régional 3, et en discutant avec le président, Tonio, un Portugais (Antonio Cardoso), il me disait « Nous, la mairie ne nous donne pas beaucoup, que 130 000 euros »… Mon président a failli tomber à la renverse car Furiani touche 20 000 euros, alors tu vois… Bien sûr, Furiani est un petit village, collé à Bastia, mais on a quand même 500 licenciés, on fait énormément de choses pour les jeunes, alors si on pouvait être un peu plus aidés, ça serait bien.
« Je suis dans une machine à laver »
Malgré la formation, tu arrives à rester impliqué à fond pour ton club ?
En ce moment, je suis dans une machine à laver. Par exemple, je n’ai pas le temps d’aller voir jouer les gamins du club le week-end, c’est dur, car ils ont besoin aussi de voir le coach de l’équipe première. Je le faisais avant, mais cette année c’est plus compliqué. En plus, on a deux terrains : l’équipe première est à Erbajolo et les autres sont au Bastio, ça c’est le côté négatif. Si on pouvait avoir tout le monde dans la même enceinte. J’aimerais que le club avance aussi là-dessus.
Votre stade, le Bastio, est à côté du stade Armand-Cesari, où évolue le Sporting…
On est collé au stade, à 800 mètres, mais le Sporting reste le Sporting. Il est au-dessus de tout. On a besoin de lui comme lui a besoin de nous. Et la ligne de conduite à tenir, c’est l’entraide, et encore, on devrait s’aider un peu plus. Il n’y a aucune jalousie. Des gens font 300 kilomètres pour venir le voir. Dès 3 ans, les enfants vont au stade. C’est la sortie du week-end. Le Sporting, c’est une forte identité et c’est beau de voir ces familles entières au stade : ça, on le voit moins sur le continent. Et puis, il y a une certaine sécurité ici.
Le fait qu’il y ait ton ami Régis Brouard aux commandes de l’équipe de Ligue 2 du Sporting-club de Bastia, ça facilite les choses, non ?
C’est surtout l’histoire entre lui et moi. Après, sur plein de choses, nous, le club, on est capable d’aider le Sporting, de faire grandir leurs jeunes, d’avoir des prêts, et en même temps cela nous aiderait aussi, mais je suis un simple entraîneur de l’AS Furiani, je ne décide rien. Je pense, et ce n’est pas une critique, que l’entraide peut être encore meilleure. Pour en revenir à Régis, on a une relation extraordinaire. C’est un peu mon mentor. Il m’a donné cette envie d’entraîner. J’ai pratiquement fait une carrière aussi avec lui, quand on était joueurs ensemble à Cannes… Quand il est parti à Rodez il m’a emmené avec lui. Quand il est parti à Nîmes il m’a emmené avec lui…
« Avec Régis (Brouard), ça fait 20 ans que l’on se connaît »
Et il a failli te ramener aussi au Sporting, l’été 2022, si nos souvenirs sont bons…
Ah ah (silence) ! Il y a toujours une forme de sincérité et d’honnêteté entre nous deux. Et aujourd’hui, comme je l’aime, et que je n’espère que des bonnes choses pour lui, je ne me vois pas dans ce rôle d’adjoint, je prends beaucoup trop de place. Quand on est ami, il faut se dire les choses. Avec Régis, on a vécu l’accident d’avion ensemble avec Rodez, il a vu la naissance de mes enfants, on se connaît depuis plus de 20 ans, je connais toute sa vie, ses joies, ses tristesses, après, même quand on joue des matchs amicaux l’un contre l’autre, ça monte dans les tours hein, je te rassure, on se chambre, on se rentre dedans. Quand je l’ai battu l’an passé (2-0 en amical) on ne s’est pas parlé pendant un mois, tu vois… Cette année il m’a battu (3-2 en amical), j’étais moins content… Voilà, après, je veux toujours être clair, je ne suis pas un carriériste. Bien sûr, j’ai des envies, des ambitions, mais je ne sais pas ce que je ferai demain ou après demain, je n’ai pas de plan et surtout je n’ai aucune malice par rapport à ça, et je ne ferai jamais un enfant dans le dos à qui que ce soit, encore moins à un ami.
Tu as évoqué l’accident d’avion avec Rodez : tu te sens d’en reparler ?
Je prenais l’avion comme tout le monde. Le président de Rodez Joël Pilon avait mis son avion privé à disposition pour aller jouer… à Bastia en plus… C’était un petit coucou de 9 places, qui faisait l’aller-retour. Le pilote était Xavier Bru, qui est le trésorier de l’AS Cannes aujourd’hui, un ancien joueur. Et en plein vol, la porte s’est ouverte, j’ai été aspiré, bon, je passe tous les détails… On a atterri, on a pris feu, mais c’est surtout après que j’ai eu des soucis. Je ne voulais plus reprendre l’avion. Régis (Brouard), qui était là aussi, t’explique très bien que c’est comme un accident de voiture, qu’il faut reprendre l’avion tout de suite après, donc je l’ai repris pour le retour, mais je pense qu’on m’a donné du Myolastan puissance 10 pour être dans le « coaltar ».
« Je prends l’avion parce que je n’ai pas le choix »
Tu as pu reprendre l’avion immédiatement ?
Oui, mais c’est l’année d’après, quand j’avais signé à Nîmes, que ça s’est compliqué : je l’ai repris pour aller au Gazelec Ajaccio, et là, je me retrouve à avoir une paralysie totale, et je dois arrêter ma carrière là-dessus. J’ai dû réapprendre à marcher. Je suis parti en rééducation au CERS à Capbreton pendant 6 mois. Après ça, je n’ai plus pris l’avion pendant 13 ans mais je me suis aperçu que je faisais trop souffrir ma famille sur des trucs qui me rendaient dingues. Quand on allait voir mes parents au Portugal, c’était 17 heures de voiture. Mon épouse aime beaucoup voyager donc c’était des croisières, et un jour, je lui ai dit de prévoir un voyage, tous ensemble. Et que s’il devait nous arriver quelque chose, on serait nous quatre… C’était six mois avant de venir à Furiani. On est parti à l’Île Maurice, un vrai voyage bien long (rires), et moi, j’avais simplement la crainte de me retrouver paralysé. Cela vient de faire 19 ans que cela s’est passé (le 7 novembre 2004). Je ne fais pas de cauchemar. Je ne vais pas te dire que je suis serein dans un avion, y compris hier (dimanche), au retour de Noisy, quand l’avion a commencé à bouger : dans ces cas-là, je ne suis pas la personne la plus sereine. Mais je prends l’avion, parce que je n’ai pas le choix. A l’époque, lors de ma dernière saison de « footeux » en N3 à Gardanne, quand on allait jouer en Corse, je prenais le bateau. Cela fait partie de ma vie. J’avais fait énormément de choses j’ai vu des spécialistes à Milan à Paris, on m’a mis dans des baignoires avec du venin de serpent, on a m’a fait des trucs de fou, mais en fait, c’est dans ton cerveau que ça se passe. C’est un lien aussi qu’on a avec Régis (Brouard). Bon, moi, j’étais face à la porte donc c’était encore plus compliqué. Lui était copilote. Je n’ai pas de problème à en reparler. Mais les gens ne savent pas que c’était moi en face de la porte, même s’ils ont entendu parler de cette histoire, de l’avion de Rodez. Cela a été un traumatisme par rapport à mon fils aussi. Il a un peu peur de l’avion aussi, par rapport à moi. Je ne pense pas que mes joueurs soient au courant. Certains oui. C’était en 2004. Ils étaient très jeunes. Après l’Île Maurice, j’ai repris l’avion seul, six mois après, pour venir ici. A Bastia… Tu as vu comment c’est, l’histoire ? Et quand j’atterris à Bastia, j’y pense, mais je ne suis pas traumatisé. La réalité, c’est que je ne suis pas serein dans l’avion mais à la limite, ça rassure mon président, il est content : parce que lui non plus n’est pas serein mais il se dit « Quand je suis avec Patrick, je suis bien, ça ne va pas lui arriver deux fois ! » Je lui réponds « ne crois pas ça ! » (rires)
Du coup, le lien existe aussi avec Rodez…
Rodez… La ville… Le club avec des gens extraordinaires aussi. Ma fille est née là-bas. Les gens sont sincères, francs, humains. C’est un club très familial. J’ai joué avec Greg Ursule, l’actuel manager général. Je n’ai que des bons souvenirs, à part ce problème d’avion. A la naissance de ma fille, des supporters ont ramené des cadeaux à la maternité, ils ont mis un drapeau, je garde cette image fantastique.
Revenons au football corse : quelles sont les relations avec Borgo, un club qui a goûté au National et même à la Ligue 2 du temps du CAB ?
Elle sont très bonnes. C’est pareil, quand on a besoin de terrains, ils nous en prêtent, c’est super important. Après, on reste des compétiteurs, on veut gagner des matchs : là, récemment, il y a eu ce derby en coupe de France, voilà… (l’AS Furiani a éliminé le FC Borgo 2-1 à Erbajolo au 6e tour, le 28 octobre dernier). Mais les relations entre les deux présidents sont très bonnes. C’est top.
Le CA Bastia (le FC Borgo aujourd’hui), ça peut être un modèle pour vous ?
Chaque club a son histoire mais bien sûr ! C’est un modèle. C’est pour ça que je prends souvent l’exemple du CAB quand on parle de monter. Pourquoi ils l’ont fait et pourquoi ne serions-nous pas capable de le faire ? Il faut garder sa ligne de conduite, savoir où on a envie d’aller et n’avoir aucun regret.
Patrick Videira, du tac au tac
« J’ai envie de rester moi-même ! »
Meilleur souvenir de joueur ?
Mon premier match en Division 1 au Portugal, j’avais 18 ans, c’était à Chaves, devant 45 000 personnes, contre le FC Porto, qui venait de battre Milan. Un super souvenir. C’était aussi mon premier carton jaune, après une faute sur Rui Barros, qui était pour moi une icône. J’avais ramassé les balles lors du match PSG – Juventus (16e de finale de la coupe UEFA en octobre 1989, 0-1, but de … Rui Barros) et il m’avait donné son maillot à la fin.
Pire souvenir de joueur ?
C’était mon accident d’avion avec Rodez.
Le club où tu as pris le plus de plaisir ?
J’en ai pris énormement à Rodez, en CFA, avec le coach Régis Brouard, qui est aujourd’hui entraîneur au Sporting-club de Bastia. On avait un jeu léché, attractif. Et aujourd’hui, je prends énormément de plaisir en tant que coach à l’AS Furiani Agliani.
Une erreur de casting ?
Je ne regrette jamais rien. La vie est faite de décision. Elle sont bonnes ou mauvaises. Mais tout ce que j’ai fait, je l’ai toujours fait à fond.
Le club où tu aurais rêvé de jouer ?
J’ai été formé au PSG*, alors, j’aurais voulu jouer au moins un match en professionnel au PSG. J’y suis resté 11 ans, de 7 à 18 ans. J’étais stagiaire 3. Je n’avais pas de contrat pro, j’ai dû m’exiler au Portugal pour jouer en pro. Mais bon, il y avait une grosse génération de joueurs à ce moment-là : Anelka, Abriel, Paisley, Ducrocq, Belmadi, Leroy. Mais c’est logique, il y avait plus fort que moi. Cela m’a permis de grandir, de revenir 6 ans après en France en Ligue 2, à Martigues.
Ton poste ?
J’ai commencé défenseur central mais je manquais de taille et en grandissant on m’a repositionné latéral droit et en pro je suis passé milieu de terrain défensif.
Un modèle de joueur, une idole ?
Maradona, pour le footballeur hein, même si ce n’était pas mon jeu (rires) !
Ton meilleur souvenir de coach ?
Les meilleurs souvenirs, ce sont souvent les montées, j’ai fait des montées de R2 en R1, de R1 en N3, de N3 en N2.
Le pire souvenir de coach ?
En arrivant ici, en National 2, à Furiani (en 2018), dans un champ de mines, et même si la mission était compliquée, les dirigeants – le président et le directeur sportif – m’ont dit d’emblée « Si on se maintient, c’est comme si tu montais l’Everest en claquettes », mais on est descendu au goal-average.
« Je fais vivre cet enfer à ma famille »
Pourquoi as-tu choisi d’être entraîneur ?
C’était une vocation. J’étais aboyeur sur un terrain, un meneur d’hommes. En fait, je ne sais faire que ça, le football. Je vis 24 heures sur 24 pour ça. C’est ma passion. Je faire vivre cet enfer à ma famille. Mais c’était une suite logique. J’ai passé très jeune mon DES, mon BE1 et mon BE2. C’est ce que je voulais faire. j’ai toujours été dans le partage. Faire des choses ensemble, vivre des émotions ensemble, j’adore ça.
Un modèle d’entraîneur ?
Dans ma carrière de joueur, j’ai pris les côtés positifs de tous mes coachs, ce qui fait que je suis « moi » aujourd’hui, mais je n’ai pas de modèle particulier. J’ai envie de rester moi-même. Alors bien sûr, comme tout le monde, il y a des modèles, Klopp, Guardiola, Ancelotti, tu sais que ce sont des top coachs, mais je ne les idolâtre pas.
Un coach qui t’a marqué ?
Oui, Régis (Brouard).
Un coach que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
Ce n’est pas un coach, mais un président, et cette année, je l’ai un peu moins appelé, cela va te surprendre, c’est Marcel Salerno, que j’ai eu à Cannes. Malgré ce que les gens disaient, c’était quelqu’un qui, humainement, a été fantastique pour moi et ma petite famille, parce que je me suis fait les croisés là-bas, alors que j’étais en fin de contrat. Il a eu des mots forts et des gestes forts. Tu sais quoi ? Dès qu’on va raccrocher, je vais le rappeler !
Un entraîneur que tu n’as pas envie de recroiser ?
Non… Je n’ai pas de haine. Il faut avancer, ne pas vivre avec ça.
Un match référence avec toi sur le banc ?
Sur des bouts de match, des coups de pied arrêtés, oui, mais on ne fait jamais de match parfait, il y a toujours des choses à dire. C’est le côté exigeant qui parle.
Inversement, un match à oublier ?
On a eu des déceptions, des mauvais matchs, mais il y a là aussi toujours des choses positives à ressortir, je pense à un match l’an passé à Haguenau, où on avait été catastrophique, mais il y avait des choses à retenir.
Ta plus grande fierté ?
Ma famille.
L’AS Furiani Agliani, en deux mots ?
Généreux et humain.
En deux mots, le milieu du foot ?
Il y a tellement de gens qui le dénigrent, qui disent que c’est pourri, mais je ne peux pas parler comme ça, car j’adore le foot, c’est mon oxygène, je ne peux pas dire du mal du milieu même si tout n’est pas parfait, et qu’il y a beaucoup de choses à faire.
Si tu n’avais pas été footballeur ?
(rires) J’aurais travaillé dans le sport ou alors, comme mon père, qui est portugais, avait une entreprise de bâtiment pendant 40 ans, j’aurais peut-être travaillé sur les chantiers, je me souviens qu’il m’emmenait avec lui quand j’étais petit. On ne sait pas. j’aurais peut-être repris la boîte !
*Avec 14 points, l’AS Furiani Agliani, qui se déplace samedi 25 novembre à Bisheim (2e, 16 points), est classée 3e de sa poule en N2 (3 victoires, 5 nuls et 1 défaite).
*Patrick Videira a joué au PSG puis à Chaves, Maia, Ermesinde au Portugal, Martigues (L2), cannes (National), Rodez (CFA), Nîmes (National), Avignon (DH), Gardanne (CFA2), Martigues (National et DH), Côte Bleue (DH) et Istres (DHR).
Texte : Anthony BOYER – Mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06
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Photos : Philippe Le Brech, AS Furiani Agliani, Stade Rennais FC
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Le promu isérois s’appuie sur ses infrastructures, son bassin économique, son académie, sa politique de formation axée sur les villages voisins et son état d’esprit guerrier et combattant pour se développer et mener à bien son projet : tirer le club vers le haut, se professionnaliser et goûter un jour au National.
A force, le sud de la France n’aura bientôt plus de secret pour le FC Bourgoin-Jallieu, qui, depuis quelques semaines, a pris l’habitude de passer ses week-ends au soleil ! Promu cette saison en National 2 pour la première fois de son histoire, le club de l’Isère a été « propulsé » dans la poule où près de la moitié des clubs est installé sur les bords de la Méditerranée, ou pas très loin…
Toulon le 23 septembre (défaite 2 à 0), Grasse le 7 octobre (0-0), Cannes le 4 novembre (victoire 1 à 0), re-Cannes samedi dernier au 7e tour de la coupe de France (élimination 2-1)… Et ce n’est pas fini : il faudra aller à Hyères ce samedi pour le compte de la 10e journée de championnat, puis un peu plus tard à Fréjus/Saint-Raphaël… Avec tout ça, ils vont finir par connaître l’autoroute A8 par coeur !
Une découverte brutale
Ces voyages, s’ils forment la jeunesse, comme le dit l’expression consacrée, constituent surtout un gros changement pour le FCBJ, habitué depuis 10 ans à ferrailler en National 3 avec les clubs de la région lyonnaise, savoyarde ou auvergnate. Un changement à la fois géographique, donc, et surtout qualitatif : le National 2, c’est vraiment un autre niveau, et ça, le club du président Djemal Kolver, en poste depuis 2020, l’a bien compris. Il l’avait d’ailleurs anticipé, et même tenté de préparer au mieux ses troupes à l’intersaison, afin d’aborder ce nouveau championnat, plus physique, plus complexe, de la meilleure des manières.
Malheureusement, dès la première journée de championnat, le club a dû se rendre à l’évidence : cela allait être très compliqué. La découverte du N2 a même été brutale. « On m’avait prévenu, raconte le chef d’entreprise de 40 ans – il dirige la société KDC Construction, spécialisée notamment dans la construction, l’énergie et la rénovation d’intérieure -, et j’en ai eu la preuve dès notre premier match de championnat, à Alès, raconte-il; pourtant, Alès, ce n’est pas tout à fait le sud, hein, mais là-bas, on a pris deux cartons rouges, on a eu un but refusé (1-1, score final). Là, je me suis dit « ça commence. Puis à Toulon (5e journée, défaite 2-0), on a pris un rouge à la 35e… Alors, autant au niveau du foot, je m’attendais à ça, en revanche, je n’avais pas mesuré l’impact que l’arbitrage pouvait avoir. On est en train d’encaisser ça. »
Des motifs d’espoir
Si, après neuf journées, et avant de se rendre chez l’un des trois co-leaders, Hyères – Les Varois restent sur trois nuls et une défaite en championnat, et viennent de se faire « sortir » en coupe de France aux tirs au but à Chaponnay contre une R2 -, les Isérois pointent à l’avant-dernière place du classement (13e sur 14), ils sont cependant très loin d’être largués et, surtout, leur récente prestation hormis peut-être celle contre Le Puy, laisse augurer de réels motifs d’espoir. En un mot, le FCBJ est en progrès.
« On n’a pas peur. On apprend. On saura répondre présent… quand on sera onze ! On a pris des rouges bêtement. Là, c’est le moment de l’unité générale. Il faut être solidaire. On n’est pas surclassé. On n’est pas largué au classement (à 3 points du premier non-relégable). Je veille à ce qu’il n’y ait pas de pomme pourrie. Le bas de classement, on est formaté pour. Mais on a plutôt des profils guerriers et gagneurs, et des meneurs aussi, comme Sofiane Atik. Quand ils sont là, je n’ai pas peur. Si on a des pépins, là, ça devient plus compliqué. On verra, on a jusqu’au 31 janvier pour ajuster quoi que ce soit, s’il faut se renforcer ou pas. Mais je suis optimiste, je pense que cela va aller de mieux en mieux. Il nous manque juste un petit quelque chose. Après, pour en revenir à notre début de saison, on a démarré avec beaucoup d’absents, notamment des joueurs majeurs (Nirlo, Niang, Atik). Malgré ça, on arrive à rivaliser, à part face au Puy, lors de la 9e journée, chez nous (2-3). Le Puy a été très bon, j’étais déjà allé les voir jouer à Andrézieux cette saison et je les avais déjà trouvé très bons. Mais Le Puy, ce n’est pas le sud : parce que, pour être franc, je n’ai pas encore vu un beau football là-bas. Et j’ai trouvé aussi que Toulouse était une belle équipe, joueuse, mais naïve. »
Une image jeune et dynamique
Ancien joueur de Bourgoin, où il a évolué chez les jeunes puis en seniors du niveau régional jusqu’en CFA2 (national 3 aujourd’hui) – « Je jouais latéral droit puis j’ai fini dans l’axe parce que je n’avançais plus, d’ailleurs, je n’ai jamais avancé (rires) » – Djemal Kolver possède cette « sensibilité football » que d’autres présidents n’ont pas.
Dans sa mission, il est entouré d’un directeur général, Dylan Rahis, âgé de seulement 27 ans, et déjà au poste depuis 4 ans : de quoi conférer au club une image jeune et dynamique. « C’est un métier passionnant, raconte Dylan; il y a plein de facettes. La partie RH (ressources humaines) est un peu compliquée, mais comme dans tous les métiers, car parfois c’est dur et cruel, il faut faire des choix. Quand on touche à l’humain, c’est toujours compliqué ».
Le projet « clubs partenaires »
Depuis le printemps dernier, Djemal Kolver, dont il est facile de déceler sa passion pour son club tant il est expressif pendant les matchs – « Je les vis à fond, je suis entier, c’est sûr qu’on ne s’ennuie pas quand on est assis à côté de moi en tribune ! » – est seul aux commandes de ce bateau, après une période de coprésidence sur laquelle il ne souhaite pas s’étendre : « J’étais joueur donc, et aussi partenaire historique du club. J’ai même été coach adjoint de l’équipe une ! ».
On comprend mieux pourquoi il n’hésite pas à donner un avis « technique » sur ce qu’il voit chaque samedi sur les terrains de national 2. « Ancien » arbitre, Dylan, lui, a rejoint le club en octobre 2019, en provenance d’un club de village voisin. Et parler de « village voisin » est d’autant plus important et significatif pour le FCBJ qu’il a basé une partie de sa politique sur les clubs des alentours, qui forment les « clubs partenaires ». Ils sont au nombre de 9 : FC Vallée de l’Hien, CS Nivolas, FC Meyrie, FC Balmes Nord Isère, ECBF (Eclose Chateauvillain Badinières Foot), FC Liers, Unifoot (Union nord iséroise de football), Isle d’Abeau FC et US Ruy Montceau.
Une ville bien desservie
« En fait, Bourgoin (près de 30 000 habitants) est hyper bien placée géographiquement, bien desservie, entre Lyon, qui est à 30 minutes, et Grenoble, à 45 minutes. On n’est pas loin d’Annecy non plus (1h10) et de Saint-Etienne (1h10). On a un partenariat historique avec l’Olympique Lyonnais et on se sert de ce modèle-là pour l’appliquer aux « petits » clubs qui sont autour de nous. Ces 9 clubs, avec le FCBJ, ça représente 3000 licenciés. On n’a jamais voulu fusionner avec eux, parce que j’ai toujours pensé qu’il nous fallait deux équipes par catégorie mais pas plus. Alors on a opté pour ce projet « clubs partenaires. On ne veut pas « tuer » les clubs alentours, au contraire, on veut les aider. L’idée, c’est de tirer tout le monde vers le haut, de faire évoluer le football Nord Isérois et d’augmenter la performance, la notre et celle des clubs partenaires. Quand j’étais joueur, je me souviens que les clubs des alentours, c’étaient un peu notre équipe réserve. On allait piocher chez eux. Mais depuis quelques années, c’est plus difficile, car leurs équipes fanions ne sont pas au niveau de notre réserve. On ne peut plus le faire. Donc il faut améliorer la performance de tout le monde, et à nous d’être bon derrière. On doit offrir à ces gamins-là une structure d’accueil et la possibilité de s’exprimer au mieux, sans forcément passer par un centre de formation. »
Une politique « locale »
L’idée générale, c’est donc de faire du local : « Même si de temps en temps on peut aller chercher de la performance ailleurs, on ne veut pas avoir trop de gamins qui viennent de toute la France, poursuit Djemal Kolver; j’ai une certaine expérience et je ne veux pas appliquer à mes joueurs ce que j’ai vécu ici : j ai joué en 17 ans Nationaux à Bourgoin et je me souviens qu’il y avait beaucoup de joueurs qui venaient de partout, juste parce qu’ils venaient chercher le niveau, et cela se faisait au détriment des joueurs du cru qui, du coup, n’ont pas progressé, et après ça, on s’est retrouvé après avec un trou de générations. Voilà pourquoi on veut rester « local », et quand on dit « local », on parle d’un rayon de 45 kilomètres, même si on peut aller chercher 2 ou 3 de l’extérieur. Mais certainement pas 10. »
Au FCBJ, l’union devrait faire la force, l’avenir le dira, et l’important vivier de joueurs devrait servir sa cause. Dylan : « Il y a un gros bassin de joueurs de football dans l’Isère et dans le nord-isère, beaucoup plus que pour le rugby, alors que tout le monde pense qu’ici, c’est une terre d’ovalie*. Mais non… Le FCBJ est né en 1936. Il s’est structuré au fil des ans, au fil de ses équipes dirigeants. Puis il a commencé à développer la formation, avec notamment des gens comme Didier Christophe ou Bernard David. Et puis quand Kolver est arrivé, cela a apporté une touche supplémentaire. Le club s’est découvert quelques ambitions. »
Le rugby ? « Il y a du soleil pour tout le monde »
Djemal : « Le club prend une place prépondérante au sein de la ville sur plein d’aspect, sportif, social, au niveau de son académie. Je pense, pour en revenir au rugby, qu’il y a du soleil pour tout le monde. On travaille avec eux, on collabore. Et puis, le bassin économique est de plus en plus vaste ici. »
Tous les signaux semblent tourner au vert, mais Djemal Kolver note tout de même quelques pistes de développement et de progression : « Notamment en matière de formation. Bourgoin a sorti des joueurs professionnels, mais pas assez. Pour ça, il faut donc augmenter la performance des coachs, des encadrants. C’est ce que l’on s’attache à faire depuis que j’ai pris la présidence et ça va payer. Actuellement, on a des joueurs pros qui évoluent à droite à gauche, comme Amine Gouiri à Rennes par exemple ou Malo Gusto (Chelsea), mais ce n’est pas assez. »
Eric Guichard, l’homme de la montée
« Dans notre pole technique, on a une commission technique composée de 5 personnes diplômées, dont Armand Garrido, que l’on ne présente plus (30 ans à l’OL !) et Eric Guichard aussi, le coach de l’équipe de N2, renchérit Dylan Rahis; en revanche, on fonctionne sans directeur sportif. »
Djemal : « Eric Guichard, je le connais depuis longtemps, je jouais contre ses équipes à l’époque. Je savais que c’était quelqu’un de rigoureux et de bosseur. On avait besoin de ça, d’un entraîneur expérimenté, ce choix s’est avéré payant après le départ de Jérémy Clément en 2022. Avec Eric, on est monté en N2. Jérémy était directement passé de joueur à la fin de sa carrière, à entraîneur. Il n’avait pas pris le temps de se poser un peu. La transition a été dure. Il s’est retrouvé à entraîner des joueurs avec lesquels il avait joué, ce n’est pas facile. On a une bonne relation, on est resté proche, c’est quelqu’un de bien. Son fils est au club aussi. Il a vu ensuite que le foot lui manquait et il a repris Andrézieux en cours de saison, avec un maintien au bout, alors que le club était mal embarqué. »
Un club attractif
Et Dylan de poursuivre : « On a toutes nos équipes jeunes en R1 et cette saison, on a l’ambition de faire monter nos U16 R1 en U17 nationaux. Au total, notre académie comprend 28 équipes, avec 650 licenciés, en comptant le pole féminin. En termes de licenciés, on est vraiment le gros club de l’Isère avec Eybins. Le sport-études a été lancé la saison passée, ça attire les gamins et les parents, mais c’est un travail de longue haleine, qui va payer, pas tout de suite, on le sait. Il faut être patient. On sait qu’on est attractif : on a refusé 1100 dossiers dans un périmètre de 45 kilomètres, et je ne parle pas là des seniors ni des U20. c’est le nombre de licenciés que l’on a refusés ! Au total, on a eu plus de 3000 demandes venues de partout ! Chez les féminines (100 licenciées), on a 5 équipes, on est en R2 chez les seniors, on stabilise le projet au niveau quantitatif déjà, avec l’école de foot qui représente 35 % des effectifs. D’ici le mois de juin, on commencera à travailler sur un projet, pour faire comme chez les garçons. Il ne faut pas perdre de vue que l’on est dans un quartier de la ville, que beaucoup de filles ont des qualités intrinsèques au dessus de la moyenne : alors il faut leur offrir un niveau de performance qui soit adapté. On veut créer de la masse aussi. »
Le stade Pierre-Rajon, un bel outil
Des idées, du dynamisme, de l’ambition et aussi des infrastructures : à Bourgoin, le club bénéficie de deux terrains synthétiques, d’un terrain d’honneur et le fameux stade Pierre-Rajon, partagé avec le rugby, d’une capacité maximale de 9000 places. « C’est vraiment un bel outil de travail, se réjouit Djemal; avec le rugby, on communique bien. Là, par exemple, on a joué le vendredi contre Le Puy, et eux le samedi en championnat (Nationale). On a une belle organisation, très pro, d’ailleurs, quand Le Puy est venu, son président (Christophe Gauthier) a été surpris du monde dans les tribunes et de l’organisation. On fait 1500 spectateurs et sans résultat… En plus, on joue le vendredi soir, quand beaucoup d’autres joueurs s’entraînent, ça nous prive de monde… Mais c’est un choix stratégique de notre part. On a fait 4000 pour le match de la montée en N2 la saison passée, et pour l’avant dernier match à domicile en N3, on était 2700. Avec des victoires cette saison, on ferait plus, mais ça va arriver… On sait fédérer nos clubs partenaires autour. J’ai d’ailleurs une anecdote : la mairesse d’une commune d’un de nos clubs partenaires nous a dit « on va y arriver, on y croit ». Voilà, ce sont de vrais supporters. C’est un vrai soutien pour nous. On leur doit d y arriver pour le coup. »
Viser plus haut
Y arriver ? Mais où ? Djemal Kolver : « On a tout pour aller plus haut. On a le stade, le bassin économique, on est très bien placé… Si on continue à bien travailler, on ne peut qu’y arriver. Il faut bien se structurer et être organisé pour, le moment venu, appuyer sur la détente et aller chercher cette place en Ligue 3 ou en National. C’était mon ambition quand je suis arrivé à la présidence il y a 4 ans. Je ne suis pas à ce poste pour végéter. Je suis compétiteur. On a tout pour y arriver. »
Sur le terrain, le FCBJ s’appuie sur son esprit guerrier : « On essaie d’inculquer notre force collective, notre combativité et notre solidarité dans toutes les catégories du club, résume Dylan; c’est ça notre état d’esprit, celui d’un petit village ! Et on prône aussi le beau jeu. Djemal : « On a toujours cet esprit de vouloir jouer, de repartir de derrière, avec des joueurs fins techniquement ».
Un petit budget pour le niveau
Avec son budget budget de 1,3 millions d’euros (pour tout le club), le FCBJ ne peut pas non plus faire de folie : « C’est un petit budget, mais on sait travailler avec, on ne multiplie pas les postes, on ne surpaye pas les joueurs, alors qu’à un moment donné, c’était la mode. Avec la refonte des championnats amateurs, beaucoup de joueurs se sont retrouvés sur le marché, et ça a remis quelques pendules à l’heure en termes de salaires, car certains touchaient des sommes astronomiques, même à notre niveau. Nous, on ne fera pas de folie. C’est pour ça que l’on mise beaucoup sur la formation. On veut des joueurs du cru. Pas forcément de Bourgoin même, mais du bassin. Aujourd’hui, en équipe première, on doit être à peu près à 30 % de joueurs issus du bassin, c’est bien. Après, un joueur qui n’est là que depuis deux ans, par exemple, mais qui est bien dans le moule et parfaitement intégré, pour moi, il est Berjallien. »
De retour samedi dernier à Cannes pour la deuxième fois en quinze jours, pour le compte de la coupe de France cette fois, le FCBJ, pourtant auteur d’un bon match, n’a pas pu rééditer sa performance (l’équipe d’Eric Guichard s’était imposée 1 à 0 à Coubertin le 4 novembre mais s’est cette fois fait battre 2-1) ni faire mieux qu’un 7e tour, son record. « Pour nous, c’était difficile de concilier coupe et championnat, on n’a peut-être pas cette profondeur de banc et l’effectif pour ça même si cette saison, il faut le dire, la coupe nous a servis, parce qu’on a eu beaucoup de suspendus et de blessés ».
*L’historique club de rugby, le CSBJ, ancien pensionnaire de l’élite (dernière saison de top 14 en 2010-2011), finaliste du championnat de France (1997), vainqueur du Challenge européen (1997) et clubs phares des années 90 et 2000, évolue aujourd’hui en Nationale, l’équivalent de la 3e division.
Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : FCBJ
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Après 10 ans sur le continent, plusieurs montées avec Sedan et Annecy et plusieurs saisons avec le brassard de capitaine, Jean-Jacques Rocchi (34 ans) est de retour depuis le mois d’août chez lui, en Corse, au FC Borgo, en National 2. La boucle est bouclée.
Cet été, Jean-Jacques Rocchi était parti pour effectuer une sixième saison avec Annecy, la seconde en Ligue 2 après avoir rejoint le club Haut-Savoyard en National 2 en 2018. Mais le milieu offensif au petit gabarit (1, 65 m) est d’abord un homme de valeurs et de convictions. Après avoir longtemps porté le brassard de capitaine dans le club haut-savoyard, on l’avait prévenu : il risquait d’avoir moins de temps de jeu cette saison.
Alors, malgré un contrat jusqu’en 2024 et un projet de reconversion au club, le Corse n’a pas hésité mi-août à résilier ce contrat. Dix ans après son départ sur le continent et des passages à Sedan, Dunkerque et donc Annecy qu’il aura marqué de son empreinte, Jean-Jacques Rocchi a choisi de rentrer chez lui en signant au FC Borgo (National 2).
Le joueur aux cinq montées dans sa carrière espère participer à la remontée en National du club né de la fusion entre le CA Bastia et le FC Borgo en 2017. Pour 13HeuresFoot, il est longuement revenu sur son riche parcours, où les projets sportifs, les rencontres et l’humain, ont toujours guidé ses choix.
« On a été éduqué avec les valeurs du Sporting et dans la mémoire la catastrophe de Furiani »
Originaire de Venzolasca, un petit village situé à 28 km au sud de Bastia (également le village natal de Frédéric Antonettii), Jean-Jacques Rocchi a débuté le foot à l’AS Casinca, le club de Vescovato. Mais très vite, il a rejoint le Sporting-club de Bastia en U11 où il a gravi tous les échelons jusqu’à signer pro en 2007 à l’âge de 18 ans. « De ma génération, on n’est que 2 ou 3 à avoir signé pro, Pierre-François Sodini, Christophe Gaffory, raconte-t-il. Il y avait aussi Wahbi Khazri, mais il était plus jeune que nous et était surclassé. A l’époque, peu de jeunes signaient pro à Bastia. »
C’est Bernard Casoni qui l’a lancé avec la Ligue 2. D’abord en Coupe de France le 22 novembre 2008 à Luzenac (victoire 2-1). Le milieu offensif est rentré à la place de Frédéric Mendy à la 65e minute. C’est au stade Louis-Dugauguez de Sedan, qui deviendra son jardin quelques années plus tard, qu’il effectue ses débuts en championnat de L2 le 10 avril 2009 (1-1), toujours en remplaçant Frédéric Mendy. Il achève cette saison avec 6 apparitions en L2 dont une titularisation lors de la dernière journée face à Troyes (2-1) où il forme le trio offensif avec Pierre-Yves André et Wahbi Khazri.
« C’est forcément une fierté de débuter à Furiani, devant sa famille, ses proches, quand on est Corse. Depuis tout petit, on était dans les tribunes pour voir jouer le Sporting. On a été éduqué dans les valeurs de ce club et dans la mémoire de la catastrophe de 1992. J’avais 19 ans et c’était mon tour de porter haut ce maillot. »
Lors la saison suivante où trois coachs se succèdent sur le banc, Bernard Casoni, Philippe Anziani et Faruk Hadzibegic, il joue moins, 12 matchs (dont une seule titularisation). Bastia est relégué en National et même rétrogradé en CFA par la DNCG en première instance. « Le club a été réintégré en National mais ces soucis extra-sportifs ont retardé l’homologation de mon contrat. Il y avait un nouveau staff avec Frédéric Hantz qui ne comptait pas forcément sur moi. Le club avait notamment recruté l’avant-centre David Suarez, et à mon poste, Sadio Diallo a explosé cette saison-là. Moi, j’ai surtout évolué en réserve. »
Si Bastia est promu en L2 en mai 2011, Jean-Jacques Rocchi n’a effectué que cinq petites apparitions (57 minutes au total). « C’était bouché pour moi, surtout en montant en L2. Ce qu’on m’a proposé n’était pas à la hauteur de ce que j’espérais. Forcément, on a toujours un peu de regret de devoir quitter le club qui nous a fait rêver depuis tout gamin, mais je devais partir pour montrer que je pouvais réussir ailleurs que dans mon cocon familial. Avec ma femme, on était prêt à aller sur le continent. »
« Quand Calvi n’est pas reparti en CFA, j’ai failli prendre un boulot à la mairie »
Il se heurte alors à la réglementation. « Comme j’étais pro, je devais signer à un certain montant minimum. J’aurais pu aller à Arles-Avignon en L2 mais à mon âge, ce que je voulais, c’était jouer. » Il décide finalement de rester en Corse en signant au FC Calvi en CFA. « C’était mon choix et je ne le regrette pas. J’ai retrouvé Didier Santini que j’avais eu en jeunes à Bastia. On avait vraiment une équipe sympa avec Malik Tchokounté, Dimitri Lesueur, Fouad, le frère de Wahbi Khazri et beaucoup de Corses. »
Calvi termine 6e puis 7e de son groupe en CFA. « C’était deux belles saisons. La première, on n’était pas loin de la montée jusqu’à notre défaite 2-1 face au CA Bastia dans le derby. Au final, c’est le CAB qui est monté en National, puis en L2 dans la foulée. »
Mais à la fin du mois de juillet 2013, c’est le coup de massue. Les co-présidents René Navarro et Didier Bicchieray décident de ne pas repartir en CFA. Il manque 250 000 euros. Le principal partenaire (travaux public) connaît des difficultés et la FFF interdit au club d’utiliser le stade Jacques-Ambroggi de L’Ile-Rousse comme terrain repli. Le FC Calvi aurait dû disputer ses matchs à Bastia. Dans ces conditions, la direction préfère jeter l’éponge et repartir en PH A.
« On était en pleine préparation de la nouvelle saison et on n’a pas senti le coup arriver. Un jour, on arrive à l’entrainement et on nous annonce cette mauvaise nouvelle… C’était un peu la panique. J’avais 24 ans et je me suis posé pour réfléchir. J’avais la possibilité de rester et de prendre un boulot à la mairie de Calvi. Mais ça voulait dire que le foot de haut-niveau, c’était fini pour moi. »
Comme un signe du destin, trois semaines après, il va pourtant recevoir un appel de Sedan en pleine reconstruction suite à sa rétrogradation de National en CFA 2 et du départ du président Pascal Urano. « Sedan nous proposait à Dimitri (Lesueur) et à moi, de participer à leur projet de remontée. J’ai réfléchi, je suis monté à Sedan et ça c’est fait, très vite, en 4-5 jours. Mon premier match en pro en L2, je l’avais disputé à Sedan. J’ai vu ça comme un vrai signe. Partir à Sedan, quitter la Corse, ça me donnait aussi un bon coup fouet. »
« A Sedan, j’ai rencontré des gens vrais »
Entre le soleil de Calvi, ses longues terrasses sur le port, ses bateaux luxueux, sa longue plage et le froid des Ardennes, le changement est en effet radical. « Mais je me suis bien adapté. Je suis tombé amoureux de cette région. A Sedan, il y a beaucoup de souffrance économique, on côtoie une population souvent défavorisée. Mais j’ai rencontré des gens vrais, avec des vraies valeurs humaines et de partage. Humainement et sportivement, Sedan a été une aventure extraordinaire. »
Sur le terrain, le club repris par les frères Gilles et Marc Dubois, dirigé par Farid Fouzari et emmené par plusieurs joueurs qui ont connu le niveau au-dessus comme Romain Armand, régale souvent. Sedan enchaîne deux montées et retrouve le National en 2015. Mais l’ambiance et l’euphorie des débuts a changé. Si le CSSA parvient à se maintenir (12e), Farid Fouzari a été écarté en cours de saison et les premières divergences apparaissent entre les deux frères Dubois. C’est aussi la période de la vraie-fausse arrivée d’un Prince Saoudien. « On est monté deux fois de suite, on a pris beaucoup de plaisir mais le projet a un peu changé en cours de chemin », regrette Jean-Jacques, qui a été élu meilleur joueur de la saison 2015-2016 en National par les supporters de Sedan.
« A Dunkerque, on perd notre place en barrages lors de la dernière journée »
S’il a des touches en Belgique et au Luxembourg, le Corse choisit de rester en National et dans le Nord de la France en signant à Dunkerque. Il y retrouve son ancien entraineur de Calvi, Didier Santini. « C’est lui qui m’a appelé pour que je le rejoigne à Dunkerque. Encore une fois, ça s’est fait vite. Je n’ai eu besoin que 2-3 jours de réflexion. Je savais qu’il me ferait confiance et que ça allait bien se passer. On avait une bonne équipe avec les Araujo, Tchokounté, Banor, les frères Fachan et on a failli monter la 1ère année. »
Mais après un match fou (3-3) lors de la dernière journée de National le 19 mai 2017 face aux voisins de Boulogne, Dunkerque finit 6e et rate les barrages d’un point. « On avait beaucoup parlé de ce match les jours précédents, nos deux présidents se connaissaient bien. Une victoire nous aurait suffi. Mais Boulogne qui n’avait plus rien à jouer s’est donné à fond. C’est le Paris FC qui nous est passé devant et qui a joué les barrages. Il les a perdus (contre Orléans) mais a ensuite été repêché à la place de Bastia. Tout ça m’a laissé vraiment des regrets. Surtout que ma deuxième saison s’est moins bien passée. »
En février 2018, Didier Santini a en effet été remplacé sur le banc. A la fin de la saison, Dunkerque termine 9e. « J’avais encore une année optionnelle, j’étais capitaine mais, la saison n’avait pas été top et on n’a pas trouvé d’accord. Je suis resté trois semaines sans nouvelles du club et j’ai donc décidé de partir. Une fois de plus, à l’aveugle, sans avoir de certitudes derrière. »
« Ce qui me rend le plus fier, c’est d’avoir été présent au départ de la construction d’Annecy »
Si Valenciennes et Faruk Hadzibegic, qu’il avait connu à Bastia, pensent un moment à lui, il préfère décliner. « C’était pour être doublure, je risquais de ne pas jouer. J’allais avoir 30 ans. J’avais envie de me poser, d’être au cœur d’un projet, d’y laisser mon empreinte, quitte à descendre de niveau. J’ai eu une belle rencontre avec les dirigeants d’Annecy. Et j’y ai passé cinq ans magnifiques. »
Comme souvent dans les clubs où il a évolué, Jean-Jacques Rocchi prend le brassard de capitaine à Annecy. Avec le club de Haute-Savoie, il monte en National lors de sa deuxième saison en 2020 puis en L2 en 2022. Douze ans après ses débuts avec Bastia, le Corse retrouve donc ce niveau.
« La région est magnifique, je m’y suis fait des amis, je me voyais rester ici pour l’après-foot et c’est à Annecy que je me suis construit des souvenirs magnifiques. Au-delà des deux montées, de l’aventure en Coupe de France la saison dernière où a été très près de toucher la finale (élimination par Toulouse) après avoir éliminé l’OM au Vélodrome en quarts de finale, ce qui me rend fier, c’est d’avoir été présent au départ de la construction d’un club et d’être parmi ceux qui ont contribué à le faire grandir. Quand je suis arrivé, il n’y avait presque rien, maintenant il y a un vrai complexe, 220 partenaires et on est passé de 1 000 spectateurs à parfois plus de 10 000 ».
En 2022, il avait prolongé son contrat jusqu’en 2024 avec un reconversion derrière. Mais en L2, il a moins joué : 6 titularisations en 26 apparitions.
« Pour cette nouvelle saison, le coach Laurent Guyot comptait encore moins sur moi. Il a été honnête avec moi. Passer une saison sans beaucoup jouer ne m’intéressait pas trop. Débuter ma reconversion au sein du club aurait voulu dire que j’arrêtais ma carrière pour prendre ma retraite. A 34 ans, je me sentais encore l’envie et la forme de continuer le foot. Ça m’a fait mal de devoir partir comme ça. C’était une déception mais comme je l’ai dit, c’est une fierté d’avoir contribué à amener Annecy de N2 en L2. J’ai failli être dans le groupe pour le premier match cette saison contre Guingamp mais cela aurait été trop spécial à vivre. Ce n’est pas plus mal d’être parti sans débuter le championnat de L2. »
« Quand j’arrêterai de jouer, il est prévu que je rentre au club de Borgo »
Après avoir trouvé un accord pour résilier son contrat avec Annecy, Jean-Jacques Rocchi a décidé de rentrer chez lui en Corse, dix ans après son départ de Calvi. Il a rejoint le FC Borgo, relégué de National. « Avec ma femme, on s’est dit qu’à partir du moment où on quittait Annecy, la meilleure solution était de rentrer. C’était bien pour ma fille aussi. Sur le plan personnel, mon grand-père était malade et je me devais d’être proche de lui jusqu’à son départ. Je connaissais déjà beaucoup de personnes au club de Borgo qui m’avait déjà approché et je savais qu’il y avait moyen de faire quelque chose de bien ici. On a pris la décision en une semaine. J’ai été très bien accueilli. Mon objectif est de faire remonter le club en National. Dans ma carrière, j’ai connu plusieurs montées, deux avec Sedan et deux avec Annecy. Le seul petit regret, c’est de pas avoir encore vécu ces moments avec un club corse. Je ne compte pas la montée avec Bastia en Ligue 2 en 2011 car j’ai très peu joué. »
Après neuf journées, le FC Borgo, entrainé par Mickaël d’Amore et qui compte d’autres recrues d’expérience comme Anthony Robic ou Sébastien Da Silva, connaît un départ poussif, avec 2 victoires, 2 nuls et 5 défaites , sanctionné par une 11e place dans le groupe C de National 2. « Il faut nous laisser encore un peu de temps, lance Jean-Jacques Rocchi qui a inscrit pour le moment 2 buts en 9 matchs. Au niveau quantitatif, on manque encore un peu d’effectif. »
Le Corse qui est en 2e année de DUGOS (diplôme de Gestionnaire des organisations sportives) devrait s’inscrire sur la durée avec le FC Borgo.
« Quand j’arrêterai de jouer, il est prévu que je rentre au club dans un poste proche de l’équipe, gérer le recrutement et la partie sportive par exemple. »
Quand il rencontrera des recrues potentielles, les valeurs et l’humain seront certainement au cœur des discussions. « Moi, j’ai toujours fonctionné comme ça. J’ai toujours placé le projet et l’échange comme premiers critères. J’avais besoin d’abord de ressentir les choses, d’être en phase avec le président ou le directeur sportif pour signer dans un club. Je marche beaucoup à la confiance et à la discussion. J’ai fait toute ma carrière sans avoir d’agent. Je voulais avoir ce rapport direct avec les gens, sans intermédiaire entre nous. Dès que je n’ai plus partagé la vision des choses de mes dirigeants, je suis parti. Il n’y a jamais eu un club qui n’a pas voulu me conserver, à chaque fois j’aurais pu rester. Mais je suis toujours parti de moi-même, même si je n’avais pas forcément toujours un nouveau point de chute d’assuré. Au final, je n’ai pas de regret sur ma carrière et mes choix. J’ai su sortir de ma zone de confort en quittant la Corse. »
Jean-Jacques Rocchi, du tac au tac
Première fois dans un stade comme spectateur ?
Furiani bien sûr pour voir un match du SC Bastia avec mon papa. Je devais avoir 5 ou 6 ans. Mon père a joué jusqu’en 3e division à Bastia. A l’époque, j’allais voir jouer Eric Durand ou Bruno Valencony. J’ai une anecdote assez drôle à son sujet. Avec mon club chez les jeunes, l’AS Casinca, j’avais reçu un prix à un tournoi débutant à Folelli. C’est Bruno Valencony qui me l’a remis. J’ai toujours la photo. Il y avait sa fille aussi dessus. Plus tard, c’est devenu ma femme et Bruno donc mon beau-père. On se connait donc depuis longtemps avec ma femme.
Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en L2 avec Annecy. On gagne 2-0 contre Sedan à la dernière journée (13 mai 2022). L’ambiance dans le stade était extraordinaire. Ma femme était enceinte et a accouché le lendemain. Il y a eu beaucoup d’émotions qui se sont mélangées. Car ce match, c’est aussi l’un des pires souvenirs de ma carrière.
Vous nous étonnez là… Pour quelles raisons ?
Cette montée en L2 était un peu l’aboutissement de ma carrière. J’étais plus près de la fin que du début. J’étais capitaine mais à la causerie, j’ai appris que j’allais être sur le banc. J’ai rarement été autant énervé. Je suis rentré à la 74e minute comme arrière gauche. Je courrais partout, je voulais prouver comme un gamin de 20 ans.
Le geste technique préféré ?
Je joue assez simple, moi. Crochet court, passe, c’est la base…
Qualités et défauts sur un terrain ?
Le don de soi. Je me bats pour l’équipe sans penser à mes « stats ». Mais parfois, je suis peut-être trop collectif. Je suis aussi parfois trop sanguin. J’ai pris 4 ou 5 rouges, par frustration.
Combien de buts marqués ?
Moi, je suis davantage passeur que buteur. Je ne sais pas combien j’en ai marqué au total (NDLR : plus d’une trentaine en réalité).
Votre plus beau but ?
Peut-être contre Luçon en National avec Sedan (saison 2015/2016) : une frappe des 30 mètres sous la barre.
Voir le but de Jean-Jacques Rocchi (avancez jusqu’à la 35e seconde !)
Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Il y en a beaucoup. Je vais citer Wahbi Khazri, Pierre-Yves André, un gaucher, mon idole, Alexandre Licata, Chaouki Ben Saada à Bastia. Alexandre Song aussi. A Sedan, Albert Banning. Et à Dunkerque, Alexis Araujo et Mehdi Chahiri.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Alexis Sanchez, la saison dernière face à l’OM en quarts de finale de Coupe de France avec Annecy. Même s’il n’était pas dans son meilleur soir, dans ces déplacements, ses prises de balles, on voit que c’est la classe.
L’entraîneur ou les entraîneurs qui vont ont marqué ?
Déjà, Bernard Casoni, car c’est le premier qui m’a lancé en pro à Bastia. Il y a aussi Didier Santini que j’ai eu à Calvi puis à Dunkerque, Philippe Anziani et Frédéric Hantz à Bastia, Farid Fouzari à Sedan, Michel Poinsignon et Laurent Guyot à Annecy. Donc presque tous en fait ! Je suis resté en contact avec beaucoup d’entre eux.
Un coach que vous n’avez pas forcément envie de revoir ?
Aucun car je ne me suis jamais pris la tête avec un coach.
Le président qui vous a marqué ?
La direction d’Annecy. J’étais très proche d’eux. Quand j’ai signé en N2 avec eux, j’étais considéré entre guillemets comme « le gros joueur ». J’étais très impliqué dans le club. J’ai toujours été au cœur de leur projet.
Une causerie marquante d’un coach ?
Celles de Bernard Casoni. C’était un vrai meneur d’hommes. Moi, j’étais jeune, je débutais, donc ses causeries m’ont marqué. C’était des causeries d’hommes, pour aller chercher les choses au fond de nous et pour partir à la guerre… Je ne les ai pas oubliées. Quand je prenais la parole dans les vestiaires, je m’en suis servi.
Vos meilleurs amis dans le foot ?
Ludovic Genest que j’ai connu à Bastia. On ne s’est jamais lâché et on est toujours restés proches. Il est arbitre maintenant et il revenu vivre en Corse. Il y a aussi Malik Tchokounté. On a joué ensemble à Calvi et à Dunkerque.
Un ou des joueurs avec qui vous avez eu le meilleur feeling sur le terrain ?
Alexis Araujo à Dunkerque. C’est un petit gabarit comme moi, on allait à 2 000 à l’heure. Cette saison, on s’entend déjà pas mal à Borgo avec Anthony Robic et Sébastien Da Silva, des anciens comme moi.
Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y a en plein… Alexis Allart qui était avec moi à Dunkerque ou Dimitri Lesueur que j’ai connu à Calvi et avec qui je suis ensuite parti à Sedan.
Le club où vous vous êtes senti le mieux, où vous pris le plus de plaisir ?
Annecy. Tout me correspondait là-bas, c’était le summum. Les années Sedan, c’était bien aussi.
Le club où vous avez failli signer et que vous regrettez ?
Aucun club. Je suis content de mes choix de carrière.
Vos joueurs ou vos joueurs préférés ? Un modèle ?
Pierre-Yves André que j’ai connu à Bastia. J’ai toujours essayé de m’imprégner de lui, de ce qu’il faisait, sur le terrain et dans son discours. Sinon, plus loin de nous, Ronaldinho. Il était à part. Il faisait un autre métier.
Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Mon beau-père, Bruno Valencony.
Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis très famille et assez casanier. Après, je suis un vrai corse: je suis chasseur, pêcheur et j’aime aller aux champignons. Je me souviens qu’à Sedan, on m’invitait souvent aux chasses parce que j’étais un joueur pro de l’équipe. Mais moi, ça me gênait un peu. J’avais ma casquette, mon bonnet, je ne voulais pas être reconnu et mis en avant. Mais souvent, il fallait faire un petit discours pour se présenter, dire qui on était. Ça ne me plaisait pas beaucoup, car j’étais avec eux, il n’y avait pas de différence à faire.
Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je suis un amoureux du foot. Donc j’aurais très bien pu continuer à jouer en DH à Calvi tout en ayant un job à côté. Maintenant, pour ma reconversion, c’est prévu que je continue à travailler dans le foot, dans le recrutement par exemple. Sinon, j’ai aussi un projet de monter une entreprise de recyclage de verres.
Le milieu du foot en quelques mots ?
J’ai beaucoup de respect pour le foot amateur. C’est un monde où je me m’identifie le plus. Les pros, c’est différent.
La Corse, les Ardennes, le Nord ou la Haute-Savoie ?
La Corse, bien sûr. J’y suis toujours resté attaché. Avec ma famille, on s’est réinstallé à Bastia.
Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)
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L’ancien gardien aux 115 matchs de L1 et 147 de Ligue 2 à Nantes, Caen, Brest, Paris FC et Bastia, a raccroché les gants cet été à 38 ans, après une dernière expérience à Thonon Evian Grand Genève, club avec lequel il est passé de Régional 2 à National 2 et où il a préparé sa reconversion. Après une expérience de coach des gardiens à la PSG Academy à Thonon, il est aujourd’hui en quête de nouveaux projets. Portrait.
C’est en Vendée, dans sa ville natale, aux Sables d’Olonne, qu’Alexis Thébaux enfile ses premiers crampons à l’âge de 6 ans. « Je jouais dans le jardin avec mon père et je me mettais dans les buts. J’adorais sauter dans l’herbe mouillée ! Je voulais moins courir et plus sauter, plonger, faire des parades. J’étais inspiré par Gaëtan Huard. Je le regardais j’étais émerveillé. C’est un peu grâce à lui que j’ai voulu être dans les buts. »
A l’âge de 12 ans, il est repéré par le FC Nantes, le grand club de sa région. « J’ai fait un essai avec Jean-Louis Garcia qui était entraineur des gardiens, ensuite j’avais fait deux tournois avec les U13-U14 et ça s’est super bien passé. Ils m’ont proposé d’intégrer le centre de préformation. »
« J’ai eu de la chance d’être au FC Nantes dans les meilleures années »
C’est donc au début des années 2000 qu’il intègre un des meilleurs centres de formation de l’époque : la Jonelière. « J’ai eu de la chance d’être au FC Nantes dans les meilleures années. C’était un club hyper reconnu pour sa formation. On parle toujours de « formation à la nantaise ». Il était assez loin devant les autres. En tant que gardien, j’ai énormément développé mon jeu au pied : l’aspect cognitif, voir avant les autres, savoir où sont situés mes partenaires. Pour la suite de ma carrière, ça m’a énormément aidé. »
En parallèle de sa formation, Alexis perfectionne ses gammes en équipes de France jeunes. Il connaît presque toutes les sélections de U16 à Espoirs. Le 21 mai 2005, à 20 ans, il dispute son premier match de Ligue 1 à Sochaux (défaite 1-0). Malheureusement c’est la même année que le gardien découvre la cruauté du milieu footballistique.
« Qu’est ce que je fous là, à Cherbourg ? »
« En 2005, je suis prêté à Cherbourg en National parce que je voulais partir du FC Nantes. A cette époque-là, je n’avais pas spécialement d’agent, je m’en foutais, je savais que j’étais bon et que les choses allaient venir naturellement et en fait non. J’ai joué mon premier match en Ligue 1 avec Nantes en mai 2005 mais au mois de février j’avais demandé au club de me prêter. Dans l’idéal c’était en Ligue 2, ça me permettait d’être dans un club cohérent avec un minimum d’infrastructures, de progresser, d’avoir du temps de jeu. »
Malgré des contacts avec Clermont, le club auvergnat privilégie un gardien en prêt de l’Olympique de Marseille et Alexis se retrouve ainsi en National. « J’ai atterri à Cherbourg. J’ai dit oui sans réfléchir, sans aller voir. Je suis arrivé là-bas et ça m’a mis une grosse claque. Quand tu passes de la Jonelière, où t’as la famille à côté, où t’es un jeune garçon équilibré, à Cherbourg où t’es à 400 ou 500km de ta famille, où il n’y a pas d’infrastructures, dans un club amateur, où tu ne connais personne, où il ne fait que pleuvoir tous les jours, tu te dis « qu’est-ce que je fous là ? ». »
Après avoir disputé seulement 18 matchs, le jeune gardien se retrouve dans une situation compliquée. « Au final, ça m’a énormément aidé pour la suite de ma carrière. J’arrivais à la fin de mon contrat espoirs de 5 ans avec le FC Nantes et je n’ai pas été malin, je n’avais pas signé pro avant mon prêt. Je reviens et ils me disent qu’au vu de mon temps de jeu à Cherbourg, ils ne me gardent pas. »
« Je me suis dit « putain, si ça se trouve c’est fini » »
A l’issue de la saison 2005-2006, Alexis se retrouve au chômage, sans aucun contrat dans un club. « Je suis au chômage pendant 7 mois. Je me dis « Putain, si ça se trouve c’est fini. » »
Sollicité par des clubs de National 2 comme Quevilly, le Vendéen refuse et continue de croire au monde pro. « J’allais m’entraîner tous les jours tout seul. En août, j’avais fait un essai incroyable à Créteil en Ligue 2, j’étais bien physiquement, sauf que Créteil n’avait pas de budget. Ils m’avaient proposé un truc pourri et je me suis dit qu’à Paris je ne pourrais pas vivre comme ça. C’est dommage parce que je pense que j’aurais pu lancer un peu plus vite ma carrière. »
Jusqu’en décembre, Alexis s’entraîne de son côté, tous les jours. « Je suis allé faire un essai à Dijon en décembre. J’étais bien et Rudi Garcia m’a proposé de venir dès le mois de janvier. J’étais 2e/3e gardien, je jouais en réserve en National 3 et j’ai fait quelques bancs en Ligue 2. »
« Quand j’arrive à Caen, je suis un crève la dalle »
« Je voulais rester pour m’imposer en Ligue 2 mais Rudi Garcia est parti au Mans donc je n’avais pas de réponse. J’ai contacté le président qui repoussait. On se met plus ou moins d’accord mais, une heure après, le Stade Malherbe de Caen, qui montait en Ligue 1, m’appelle : ils cherchent un 3e gardien. Du coup je fais le choix d’aller en Ligue 1. » C’est ainsi qu’Alexis débute sa deuxième aventure normande en tant que numéro 3. « Je suis arrivé là-bas, j’étais un crève la dalle. Chaque entraînement, je le considérais comme le dernier de ma vie. Je ne me donnais pas à 70 ou 90 %, mais à 200 % ! Quand on allait faire un footing, j’étais devant même si c’était dur. »
Numéro 3 derrière Benoît Costil et Vincent Planté, le portier retrouve le très haut niveau en 2007. « Je me disais que j’avais deux machines devant moi, que si j’étais pas une machine aussi, je n’aurais aucune chance. Chaque entraînement, chaque footing, chaque séance de muscu, chaque petit truc qui pour toi est anodin, pour moi ça ne l’était pas. »
C’est grâce à cette détermination qu’il progresse rapidement. Son statut de numéro 3 lui permet d’avoir du temps de jeu en réserve (N2). « A chaque fois que je « descendais », je me disais il fallait que je sois au-dessus des autres et que ça soit flagrant. Chose que Benoît Costil ne faisait pas. Du coup, je me suis imposé, chaque match j’étais déterminé, j’avais la bave qui coulait. »
Lancé par Franck Dumas
Un concours de circonstances propulse Alexis sur le devant de la scène. Benoît Costil se blesse en décembre 2007 et le voilà qui se retrouve sur le banc contre Sedan en Coupe de France. Vincent Planté est titularisé mais il se blesse lors de ce match pour une durée de 4 semaines. « On reprend les entraînements début janvier et on joue contre Nancy à domicile. Ça se passe super bien, je fais un bon match et Benoît revient la semaine d’après. On va à Toulouse et Frank Dumas dit « C’est Alex qui joue ». Benoît, il tirait une gueule de fou. En plus, j’ai fait un super match. »
Cette saison-là, ces deux matchs resteront ses seuls matchs en Ligue 1. « On reçoit Auxerre je me prépare pour jouer mais Frank (Dumas) vient me voir avant le match et me dit que Benoît va jouer parce qu’ils veulent le prêter pour que je passe numéro 2. »
La saison d’après, Benoît Costil est donc prêté à Vannes en Ligue 2 et Alexis grimpe d’une place dans la hiérarchie. « Je joue les matchs de Coupe de la Ligue, Coupe de France, ça se passe très bien. Je joue au Mans en Ligue 1 et à l’OGC Nice au mois d’avril. » C’est la saison de la descente pour le SM Caen, de retour en Ligue 2. Vincent Planté quitte le club en direction de l’AS Saint-Etienne, et le club se sépare de Benoît Costil. « Ils me choisissent en tant que numéro 1 et cette saison-là on remonte en Ligue 1 et là c’est parti. »
Le Paris FC, Bastia puis de nouveau le chômage
Après 77 matchs en Ligue 1 sous les couleurs du SM Caen, Alexis s’engage au Stade Brestois en 2012 où il dispute 36 matchs en Ligue 1 et 73 en Ligue 2. En 2015 il quitte la Bretagne pour la région parisienne. « Je suis parti au Paris FC plus pour raisons personnelles, pour que ma femme puisse reprendre ses études et avoir une vie plus citadine. »
La relégation du club parisien de Ligue 2 en National en 2016 précipite son départ. « Je devais signer à Bastia l’été d’avant mais je ne voulais pas parce que je ne sentais pas le truc. Au mois de janvier, Bastia me recontacte, il fallait que je redonne un coup de fouet à ma carrière mais je ne voulais pas y aller. »
En Corse, il ne joue qu’un match de L1, soldé par une débâcle collective à Guingamp (5-0). Relégué en L2, le SC Bastia dépose le bilan au mois d’août et repart en National 3. C’est un nouveau coup dur dans la carrière du joueur qui se retrouve à nouveau au chômage. « Je me dis « J’arrête », j’avais 32 ans. Je me dis que si je trouve un club de Ligue 2 j’y vais mais si je ne trouve pas j’arrête. J’ai eu des opportunités au mois de décembre comme à Tours mais je ne voulais pas retourner dans une galère. »
Il n’a pas, non plus, voulu approfondir certaines pistes en Grèce ou a Chypre. Il a même effectué un essai à Crystal Palace, en Angleterre. Mais après une saison blanche, il choisit de signer à Thonon Evian Grand Genève, alors en Régional 2.
« Patrick Trotignon, que j’avais connu au Paris FC, était président du club. Il voulait que je le rejoigne dans son projet et que je commence à passer mes diplômes. C’était un projet différent, axé sur l’humain. Le foot de haut niveau, ça m’avait gavé et ça me permettait de préparer l’après carrière. »
« En France, on est hyper fermés sur plein de choses »
Thonon Evian Grand Genève gravit les marches chaque saison jusqu’en National 2. Alexis, lui, finit par raccrocher les crampons à l’issue de la saison 2022-2023. Il a désormais un regard d’entraîneur sur l’évolution du poste. « Je trouve que le poste de gardien de but a beaucoup évolué au niveau du jeu au pied. Si tu veux jouer à haut niveau, il faut avoir un très bon jeu au pied. Aujourd’hui, tu ne vois pas en Ligue 1 un gardien qui n’est pas bon au pied. A mon époque, il y avait Stéphane Ruffier, c’était une machine mais il n’était pas très bon au pied. Il y a également une évolution au niveau de la taille. T’as pas un gardien qui joue en Ligue 1 qui fait moins d’1m85. »
Frontalier, il entraîne des gardiens suisses et constate les différences et les points d’amélioration. « Je trouve qu’on est hyper fermés en France sur plein de choses. Notamment sur le fait de faire le geste technique de la croix. En Suisse et en Allemagne, ils le font énormément. A la FFF, ils ne veulent pas en entendre parler, ils sont hyper fermés et je trouve ça dommage parce que je trouve qu’il y a des choses à aller chercher ailleurs. Si demain j’entraîne des pros, j’essayerai de m’inspirer de ce qui se fait de meilleur au monde. Les gardiens suisses et allemands font la croix super bien, depuis petit, ils maîtrisent le geste et l’espace. En France on a tendance à attendre le ballon, à ne pas réagir en fonction de la situation. Je trouve ça bien qu’on ait des gardiens étrangers, comme celui de Strasbourg (Matz Sells), ça fait du bien au championnat. La formation des gardiens en France est très bonne mais je pense qu’on peut s’améliorer. »
Alexis Thébaux, du tac au tac
Meilleur souvenir sportif ?
La dernière de Beckham en mai 2013 au Parc lors de PSG- Brest.
Pire souvenir sportif ?
La descente en L2 avec Caen en 2012.
Combien de clean sheets ?
Je n’ai pas compté.
Ta plus belle boulette ?
Avec Caen, en Ligue 2 à Ajaccio. On jouait sur un terrain hyper bosselé, et sur un centre anodin, j’avais déjà projeté de relancer vite mais sur un faux rebond, je prends le ballon entre les jambes.
Ton plus bel arrêt ?
Je dirais plus un match. On jouait à Montpellier en Ligue 1 avec Caen (mars 2012). On avait perdu 3-0 mais j’avais fait un match incroyable, j’avais fait une quinzaine d’arrêts.
Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Je n’ai pas choisi d’être footballeur, j’ai choisi d’être gardien de but.
Ton geste technique préféré ?
Le contrôle.
Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Je suis hyper déterminé mais casse couille avec mes partenaires.
La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Ma dernière saison à Caen (2012). C’est là où j’ai le plus performé, j’avais 27-28 ans, j’étais à un âge de maturité.
Un club où tu aurais rêvé de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid.
Un match qui t’a marqué ?
Le match de Montpellier (avec Caen en mars 2012) et le match contre le PSG à Brest (défaite 3-0)
Un coéquipier qui t’a marqué ?
Steve Savidan (Caen), un gros fêtard, il sortait même le jeudi soir ! Par contre le samedi, c’était une machine de guerre !
Le joueur adverse qui t’a le plus marqué ?
Zlatan Ibrahimovic et David Beckham (PSG contre Stade Brestois en 2013)
Un coéquipier avec qui tu aimerais rejouer ?
Benjamin Nivet (SM Caen), la vista, la simplicité du joueur et de l’homme.
Un coach que tu aimerais revoir ?
Franck Dumas, mon coach à Caen, il m’a lancé à haut niveau, j’avais eu de ses nouvelles il y a quelques mois, j’avais trouvé ça sympa.
Une causerie de coach marquante ?
Les causeries de Franck Dumas. Il était à contre-courant total de tous les coachs qu’on avait pu avoir. Il avait son café dans la main, il finissait sa clope et nous parlait derrière, c’était trop marrant !
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Grégory Coupet.
Une devise, un dicton ?
Never give up !
Tu es un gardien plutôt….
Technique.
Un modèle de joueur ?
Grégory Coupet et aujourd’hui des mecs du style Neuer, j’aime beaucoup les gardiens avec un bon jeu au pied.
Une idole de jeunesse ?
Jean-Pierre Papin.
Un plat une boisson ?
Pizza, eau pétillante.
Tes loisirs en dehors du foot ?
J’aime beaucoup jouer au padel, je dessine, je peins, je joue du piano.
Un film culte ?
Gladiator.
Dernier match que tu as vu à la TV ?
Le match de rugby France – Afrique du Sud, je regarde très très peu le foot !
Le milieu du foot en deux mots ?
Spécial et intransigeant.
Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO
Photos : Philippe Le Bech
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Arrivé en N2 dans les bagages de Mourad Boudjellal, le nouveau président du club varois (58 ans) s’est construit tout au long d’une carrière professionnelle couronnée de succès mais aussi d’échecs. Ce chef d’entreprise, Aveyronnais d’origine, au franc-parler et au caractère bien trempé, a déjà remué le stade Perruc. Ce n’est sans doute pas fini !
C’est sans doute parce que nul n’est prophète en son pays que Nicolas Garrigues, le nouveau président du Hyères 83 FC – depuis avril dernier – n’est pas à la tête du Rodez Aveyron Foot. Le chef d’entreprise a beau être né dans la préfecture de l’Aveyron, y avoir forgé sa réputation et dégusté le meilleur aligot du pays, y avoir connu la réussite tôt mais aussi l’échec, lorsque ‘il a voulu prendre en mains le club (à deux reprises), il a, à chaque, fois été refoulé. « La première fois, c’était il y a 28 ans, le club était en National 1, raconte cet ancien handballeur; j’étais ailier-droit, parfois arrière-droit ou même demi-centre. J’ai joué de benjamins jusqu’en seniors N1 à Rodez avant de présider le club pendant 2 ans. J’ai aussi joué à Montpellier en D2. Mais j’ai toujours rêvé d’être président d’un club de foot. Certainement à cause des références que j’ai eues, comme Bernard Tapie, que j’ai rencontré une fois… Le mélange avec le foot plaît à toutes personne qui aiment le business, les affaires, l’entrepreneuriat. Mais j’ai reçu une fin de non recevoir à Rodez. J’étais amer. J’ai tenté de recontacter le club en 2019, mais je n’ai pas non plus été reçu. C’est comme ça. Depuis, j’ai échangé avec le président Pierre-Olivier Murat, j’essaie d’entretenir les bonnes relations. Il faut le reconnaître, ce qu’il fait au RAF, c’est fabuleux. C’est une vraie réussite. S’ils sont en Ligue 2 de manière pérenne, c’est bien qu’il y a de bons dirigeants. J’avais aussi rencontré Grégory Ursule (manager général du RAF), je lui avais dit que je trouvais anormal qu’un Aveyronnais, certes un peu clivant, ne soit pas reçu. C’est vrai, clivant je le suis, je le serai et je le resterai, et si ça ne plaît pas, tant pis. »
« Quand je suis parti à Montpellier, j’étais un peu le paysan… »
Le business. Les affaires. L’entrepreneuriat. Le sport. Voilà le nouveau monde de Nicolas Garrigues qui connaît très rapidement le succès avec sa première boîte spécialisée dans la formation et le recrutement, des notions de « service » assez éloignées des valeurs ruthénoises : « Je suis petit-fils de paysan et fier de l’être. C’est de là que viennent mes valeurs de travail. Les Aveyronnais sont de toute façon très travailleurs et chez eux, le mot « vacances » ne fait pas trop partie de leur vocabulaire ! »
Nicolas Garrigues grandit à Rodez où son père, qui disparaît au même âge que le sien aujourd’hui (58 ans), est chef d’entreprise. Il baigne dans ce monde à la fois rural et entrepreneurial : « J’étais fier et aussi j’avais un peu ce complexe, parce que, quand je suis parti faire mes études à Montpellier, j’étais le paysan, au sens péjoratif du terme. Cela a été une force pour moi car je ne me sentais pas plus con qu’un autre. En revanche, c’est vrai qu’à Rodez, on est moins branché fringues, on est moins bling-bling, et c’est peut-être pour ça que j’ai voulu travailler dans des secteurs d’activités très éloignés de ce que l’on pouvait trouver en Aveyron. »
La réussite puis l’échec
Très tôt, la réussite arrive. Il a 24 ans. Très tôt, l’échec le rattrape. Il a 30 ans. « J’ai eu un incident de parcours. J’ai déposé le bilan. Quand ce genre de chose vous arrive en France, on vous dit que vous avez le sida, la peste et le choléra (sic), et après pour rebondir, se refaire un réseau, c’est compliqué, parce qu’on est estampillé « loser ». Ce n’est pas parce qu’un chef d’entreprise dépose le bilan une fois dans sa vie qu’il est un salaud. C’est parce qu’il y a eu des mauvais choix. A 24 ou 25 ans, tout me réussissait et d’un coup, je suis devenu un voyou, un « sulfureux » ou je ne sais quoi. On ne parle jamais de la manière dont un chef d’entreprise doit digérer un échec, parce qu’il n’a aucune défense, aucune protection, il est caution de tout, et encore, il ne sait pas toujours ce que ça veut dire que d’être caution. Il n’est pas préparé à ça. Cette expérience a été très difficile, j’ai même pensé au pire. »
« Je suis blindé à mort »
Dire que cet épisode l’a marqué est un euphémisme. Il est même encore un peu à vif quand il en parle aujourd’hui. D’ailleurs, il a songé à écrire un bouquin sur ce thème.*
« Si j’avais la plume, j’écrirais un livre parce que le taux de suicide chez les chefs d’entreprise est l’un des plus élevés. Ils se retrouvent d’abord dans la lumière, puis ils deviennent des pestiférés. Il faut un sacré mental. Près de 30 ans après, on m’en parle encore… Après, voilà, je me suis aussi reconstruit grâce à ça, j’ai pris des coups, je suis blindé à mort. »
Cette première expérience lui sert pour la suite de son parcours professionnel, non plus en France, mais en Espagne, à Valence, où il réside toujours. « J’ai fait des erreurs, des mauvais choix stratégiques, mais je n’avais peur de rien puisque tout ce que je faisais, ça marchait, et on me le disait sans cesse ! J’avais un melon « comme ça ». Un jour on me disait « Pourquoi tu ne fais pas de la politique ? » Un autre jour « Pourquoi tu ne reprends pas le club de foot de Rodez ? »… Ensuite, les mauvaises langues sont allées dire que je suis parti vivre à Valencia pour me cacher alors que j’y suis allé parce qu’un de mes amis pouvait m’héberger et parce que j’étais ruiné, au fond du trou. Voilà la vérité. On m’a tellement reproché d’être un chef d’entreprise bling-bling que je ne veux pas reproduire la même chose aujourd’hui. C’est pour ça que j’aime bien la mentalité des Etats-Unis, de l’Espagne, de ces pays où les chefs d’entreprise sont respectés, pas comme en France où, après un échec, vous êtes un loser. J’ai eu la chance d’en parler avec d’autres chefs d’entreprise, dont une fois avec Bernard Tapie. Vous savez, beaucoup ont connu des échecs, mais ne le crie pas sur tous les toits. Idem pour moi, même si, maintenant, cela remonte, je m’en fiche un peu, j’ai 58 ans, je n’ai tué personne ».
Aujourd’hui, Rodez est derrière lui. Sauf le club, bien calé devant, dans la première moitié de tableau en Ligue 2. Et si cela pouvait servir de modèle pour le Hyères 83 FC ? « Je rêverais de les affronter en coupe de France ! Je le dis, je n’ai aucune amertume vis-à-vis d’eux. Cela fait maintenant 28 ans que je suis parti de Rodez ».
Le tennis pour rebondir
Pour rebondir, Nicolas Garrigues s’est appuyé sur ce qu’il connaît le mieux : l’entreprise et le monde sportif. « J’ai donné plus de 16 000 heures de cours de communication et de vente dans des entreprises, donc j’avais un certain savoir-faire : des entreprises ont fait appel à moi, ça m’a permis de continuer à vivre, de rebondir. Je suis intervenu auprès de forces commerciales, pour leur apprendre à vendre et à avoir un mental à toute épreuve en cas d’échec. Je me suis toujours appuyé sur le monde sportif, parce que j’aime ça. Je crois beaucoup aux relations publiques, au marketing. C’est pour ça que le Hyères 83 FC est axé là-dessus et que j’en suis fier. Partenaire, ça ne veut pas dire juste faire un chèque, sinon ça ne sert à rien; ça veut dire animer, travailler derrière. Ce qui est important, c’est le retour sur investissement. Je râlais souvent à cause de mes partenariats au rugby à Aurillac ou à Albi, ou au handball à Montpellier, où je pestais contre les cacahuètes ou le Perrier chaud, alors que c’était cher : finalement, mon entourage m’a dit, « tu nous gonfles, si tu n’est pas content, tu n’as cas le faire ! ».
Et Nicolas Garrigues l’a fait. Il a créé Arena Events, une boîte d’événementiel pour les entreprises. Tout est parti de plusieurs rencontres. Dont une avec le tennisman Henri Leconte, avec lequel il organise des matchs exhibitions. « Et c’est reparti comme ça ! Cela m’a beaucoup apporté. J’ai vu, dans des lieux de prestige comme Roland-Garros ou Monte-Carlo, que ce n’était pas que l’argent qui faisait faire des choses intelligentes. Je ne suis pas un grand créatif, mais j’aime bien piocher des idées et les bonifier. »
« J’ai mis 20 ans pour me refaire la cerise »
A Arena Events, l’activité repose sur la création d’événements sportifs et de conventions pour les entreprises dans le monde entier : « Elles font appel à nos services afin d’aller sur des événements, pour faire de la relation publique (RP) et du business avec leurs clients. On travaille par exemple avec le Real Madrid, Liverpool et le Bayern de Munich. On apporte notre savoir faire d’organisateurs. » Elle repose aussi sur les déplacements sportifs d’équipes professionnelles, comme avec Montpellier Hérault en rugby : « On va bientôt travailler avec l’USAM Nîmes au handball également ».
A mesure que Nicolas Garrigues se reconstruit – « J’ai mis 20 ans pour me refaire la cerise » -, son envie de « reprendre » un club grandit. En 2019, une opportunité se présente. C’est à Istres, un club de National 3 qui a longtemps connu la Ligue 2 et même la Ligue 1. « Cela s’est fait par l’intermédiaire de Manu Amoros, qui est consultant dans mon entreprise. A Istres, j’ai été reçu par tout le monde, mais quelque chose m’a frappé : là-bas, on n’a eu cesse de me parler des mauvaises expériences des autres repreneurs. J’ai senti qu’ils étaient intéressés par mon profil, mais en y allant par étape. En fait, au départ, ils voulaient que je sois une sorte de directeur commercial mais à 54 ans, j’avais autre chose à faire. Mais j’ai appris des choses. J’ai compris pendant l’audit la difficulté d’un club de foot hors norme. J’ai vu une montagne en face de moi, avec notamment tout le secteur sportif, les agents… Waouh ! J’avais fait trois rendez-vous à Istres et mon téléphone ne faisait que de sonner, on me proposait tel ou tel joueur ! Là, je me suis dit « C’est quoi cette histoire ? » Pour tout dire, je ne me suis pas senti d’y aller seul, en compétence, intellectuellement et financièrement. J’ai lâché l’affaire, ce qui est assez rare chez moi. »
« Avec Mourad Boudjellal, ça a matché »
Pour le foot, ce n’est que partie remise. Son désir de rencontrer des personnages atypiques, lui, est toujours aussi… brûlant. Et ça tombe bien, il croise la route d’un patron tout aussi brûlant ! « Mourad Boudjellal faisait partie des personnages emblématiques pour moi, un exemple de réussite et de parcours atypique, un personnage clivant donc j’adore, mais je ne le voyais que par les médias. J’avais lu son bouquin, bref, j’avais envie de le rencontrer. Et par le fruit du hasard, cela a pu être possible, par l’intermédiaire d’un avocat, ancien directeur général d’un club de rugby. On s’est vu lors d’un dîner, en septembre ou octobre 2019. Mourad était en train de vendre le RC Toulon. Je lui ai parlé de mon parcours, et ça a matché entre nous. »
« L’attelage Boudjellal-Garrigues peut faire flipper »
Evidemment, celui qui se considère comme un homme hyperactif et s’ennuie rapidement en vacances parle football avec l’ancien homme fort du Rugby-club Toulonnais. « Mourad Boudjellal m’a dit qu’il voulait prendre le club de foot de Toulon, où le président, Claude Joye, ne voulait pas vendre ou alors à un prix qui faisait que… Puis, on s’est intéressé à l’Atlético Marseille, pas longtemps, hein… Et aussi à l’AS Cannes. On a rencontré le maire de Cannes, David Lisnard, la présidente, Anny Courtade : on a été, je dois dire, très bien reçu. Cannes, cela avait une vraie cohérence avec mon activité dans l’événementiel. Mais ça ne s’est pas fait. Après, je peux comprendre que l’attelage Boudjellal-Garrigues puisse être flippant, car on est hyper clivants tous les deux, et ça peut faire flipper une municipalité. Mais là encore, j’ai beaucoup appris avec madame Courtade. Le truc, c’est qu’elle voulait rester au club, sans vraiment rester, je me serais encore retrouvé super-directeur-commercial avec Mourad en directeur délégué, bref, quand la possibilité de reprendre le club de Hyères, un club bon enfant, avec une gestion de père de famille, s’est présentée en 2021, là, ça ne me posait plus aucun problème d’être le numéro 2 avec Mourad en numéro 1. C’est même un deal que j’ai accepté : Mourad pour s’occuper de l’aspect sportif et institutionnel, moi pour la partie développement et commerciale. »
153 partenaires à Hyères
Création d’une société commerciale pour gérer l’équipe fanion de National 2, nouvelle appellation, le club de la cité des palmiers change de dimension. Et, surtout, il est scruté de près. Sur le plan sportif, ce n’est pas terrible. L’équipe est loin de ses ambitions d’accession en National et lutte pour le maintien. En revanche, sur le plan « commercial », c’est une vraie réussite, avec 153 partenaires. « J’ai été en formation accélérée, avec un « monstre » comme Mourad, dans le bon sens du terme ! Et puis, toutes les « conneries » qu’on a faites au début, on les a faites ensemble. Moi, je dirai toujours « on ». Mais on a vachement construit. Ces deux premières saisons m’ont permis de découvrir le monde du foot, et j’en ai certainement encore beaucoup à apprendre. Sur un plan marketing et commercial, on a multiplié par 14 le chiffre d’affaire du sponsoring, on a repeint le stade, on a fait des tentes, on fait du VIP, etc. Je n’ai pas peur de le dire, on a un réceptif niveau Ligue 2. Le plus beau compliment que j’ai reçu, c’est quand le maire, Jean-Pierre Giran, a dit, en me voyant, « Voilà celui grâce à qui il faut être à 18 heures au stade le samedi » !
Attirer plus de spectateurs
Si le volet « business » fonctionne bien au Hyères 83 FC, avec entre 180 et 300 personnes en VIP, qui restent après le match, le club doit maintenant s’attacher au volet « populaire » et à l’autre tribune, en face, pour attirer plus de spectateurs. Parce qu’à Hyères, la culture foot n’est pas énorme. « Avec une politique tarifaire incitative que l’on a mise en place, on progresse, avec déjà 700 à 800 personnes par match. On est parti de pas grand-chose et là, on fait déjà 300 ou 350 entrées payantes, c’est pas mal. On fait venir les jeunes des alentours au stade, gratuitement, avec leurs parents, et après, si ça peut leur donner le goût de revenir, d’acheter des places, c’est gagné ! On a entre 120 et 180 enfants qui viennent à tous les matchs. Après, on sait aussi que c’est lié aux résultats sportifs. Quand a joué contre Andrézieux ou Alès, y avait 800 personnes dans le stade, donc c’est pas mal. Je n’ai pas peur de le dire, c’est grâce à mon travail et au travail que l’on a mis en place que l’on a 153 partenaires en 4e division, que l’on fait quasiment un million d’euros de chiffres d’affaires en partenariat, alors que la moyenne en National 2 c’est 245 000 euros. Si on y arrive, c’est que l’on doit être meilleur que les autres. En revanche, on n’a pas le droit à l’échec sportif. Parce que des partenaires s’usent, et nous aussi, on s’use. »
2021-2023 : un échec sportif
En juin 2021, quand Mourad Boudjellal est arrivé à la tête du club varois, distant de Toulon de 10 kilomètres, tous les projecteurs se sont tournés vers lui : un homme d’une telle influence, avec une telle réputation et une telle aura médiatique, sûr que ça n’allait pas passer inaperçu !
La venue de l’ancien homme fort du RCT s’est accompagnée d’une grande ambition et de grands moyens, du moins, des moyens plus importants que la moyenne en National 2. Ce qui, évidemment, n’a pas manqué de susciter jalousie, curiosité et … convoitise. La signature, par exemple, de l’ancien international Marvin Martin, qui sortait de deux saisons quasi blanches en Ligue 2 à Chambly (10 matchs au total dans l’Oise), a fait jaser. Son salaire aussi. « Pour moi, Marvin Martin n’a pas été embauché comme joueur, mais comme un outil de marketing, rétorque Nicolas Garrigues; même s’il avait un salaire plus élevé que la moyenne, c’était notre tête de gondole. Malheureusement, sportivement, cela a été un échec cuisant. Dans son esprit, Mourad voulait refaire le coup de Wilkinson avec le RCT… Mais il y a eu plein d’échecs aussi avec des joueurs pas connus, je pense à Doucouré ou Célestine, des mecs qu’on a surpayés pour les faire venir de l’étage au-dessus. Mourad a pensé que Mollo et eux allaient nous faire monter, mais ça ne marche pas comme ça. A la fin de notre première saison, j’ai été à l’origine de la non-reconduction du coach Hakim Malek, pour plein de raisons. Pourtant, tout le monde me disait « C’est super, il nous a maintenus en N2″… Tu parles, oui, il nous a maintenus avec un budget de malade, et en recrutant 4 ou 5 joueurs en janvier, tout ça pour finir 7e ! »
Avril 2023. Nouveau coup de tonnerre. Mourad Boudjellal se retire, avant même la fin de « sa » deuxième saison au club. Il cède la présidence à Nicolas Garrigues mais reste actionnaire (tous deux détiennent 45 % du club). « On a réfléchi aux raisons qui ont fait que l’on n’a pas réussi lors de nos deux premières saisons, poursuit Garrigues; l’une des mes exigences, c’était que Mourad reste à mes côtés, car il est d’un super conseil, d’une grande élégance : il faut voir la manière dont il m’a passé le pouvoir. Le problème, c’est que son discours avec le monde de la 4e division du foot, cela ne passait pas. Les joueurs s’en fichaient de lui, ils ne pensaient qu’aux salaires. Je le voyais, mais je n’étais pas le patron. Quand on arrivait quelque part, les gens disaient « C’est le club de Boudjellal »… Et à partir du moment où il s’est mis en retrait, fin avril, j’ai décidé de tout. Maintenant, si ça marche, ça sera grâce à l’entraîneur et aux joueurs, et si ça ne marche pas, je le prendrai pour moi. Aujourd’hui, Mourad continue de venir aux matchs, il est beaucoup plus détendu. Nous avons un lien d’associé, un lien d’amitié. On a le même projet. Il me laisse travailler. Pour l’instant, les résultats sont là, même si je sais que c’est fragile : on est qualifié pour le 7e tour de la coupe de France, on a des chances d’être au 8e tour où l’on pourrait retrouver Le Puy (N2) chez nous pour une place en 32e de finale, et en championnat, on est 1er ex-aequo avec Cannes et Le Puy (après 9 journées). »
« Alès, je l’ai en travers de la gorge »
Voilà maintenant près de 2 ans et demi que Nicolas Garrigues est au Hyères 83 FC. Il a eu tout le loisir de découvrir un nouveau milieu et ce championnat de National 2. Voilà ce qui en ressort : « C’est vachement physique. C’est un monde semi-pro, qui se rapproche beaucoup plus du milieu pro que du milieu amateur, pour la plupart des clubs. Ce qui est fatigant, c’est que le meilleur ne gagne pas tout le temps. Du coup, j’ai des taux de frustration bien plus élevé que des taux de plaisir. Tout à l’heure, on parlait de mon parcours professionnel : un dirigeant un peu fébrile mentalement, qui n’a pas fait du sport un peu de haut niveau et qui ne comprend pas un vestiaire, ce sera difficile pour lui… Et puis, au foot, il n’y a pas de logique : ce n’est pas parce qu’on affronte les trois derniers (Chamalières, Toulouse, Bourgoin-Jallieu) que l’on va prendre 7 ou 9 points – l’entretien a été réalisé avant la venue de Chamalières (1-1) et le déplacement à Toulouse (1-1) – cela ne marche pas comme ça. L’an passé, on est les seuls à avoir perdu à Sète. Quand je vois qu’on va gagner 6 à 0 à Thonon Evian cette saison, que Thonon gagne facilement à Alès, et que nous, on perd à domicile contre Alès… Alès, je l’ai en travers de la gorge, et puis, en face, c’était l’entraîneur que je n’ai pas conservé (Hakim Malek)… Quand on est dirigeant, ce qui est fou aussi, c’est qu’on a l’impression qu’on joue notre vie sur un poteau, sur un penalty non sifflé. Là, il y a vraiment un truc qui me dépasse : en N2, il y a des enjeux financiers, des clubs pour la plupart présidés par des chefs d’entreprise, et voilà qu’on se retrouve avec un arbitre de 23 ans qui n’a pas la VAR et des arbitres de touche qui n’osent surtout pas prendre d’initiative de peur de faire basculer un match, et nous, dirigeants, on se retrouve chaque samedi en terreur (sic) sur une erreur… Le pire, c’est que je ne les trouve pas mauvais les arbitres, mais ils font des erreurs « de confort », parce que c’est flippant. A Hyères on est gentil, le public est sympa, bon voilà… »
« Ce serait une déception de ne pas monter en National »
Sortir du National 2. Telle est la prochaine étape sportive. « Le National ? Oui ce serait une grosse déception de ne pas monter. Après, il ne faut surtout pas le dire (ironique) mais oui, on veut être dans les 2 ou 3 premiers, susciter la curiosité du public et des partenaires, prendre du plaisir. Je sais bien que la moitié des clubs veulent monter, mais bon, il faut monter cette année parce qu’en National, il n y aura plus que 3 descentes l’an prochain. J’ai peur que, si on ne monte pas, il y ait un risque d’usure de la direction aussi, on ne sait pas. Maintenant, je pense qu’on a le groupe pour monter, on verra fin novembre où on en est, mais fin novembre, je risque de dire on verra fin décembre ! Il faut prendre des points face aux équipes de bas de tableau, pour rester dans les premiers. Grasse, par exemple, ça fait quatre ans qu’ils veulent monter, et ils échouent pour un point, pour trois points : nous, on a un avantage, on a échoué pour beaucoup ! On n’a pas eu cette frustration de dire « pour un point » ou « pour trois points ». Les regrets, on ne connaît pas ! Les penalties, on ne connaît pas ! Quant à l’équilibre de l’arbitrage dont j’entends parler depuis que je suis dans le foot, et bien je ne l’ai toujours pas vu !!! Et si jamais on va en 64e de finale de coupe contre Le Puy à la maison, ou bien lors du dernier match de championnat pour Noël, le 16 décembre, j’offrirai un spectacle gratuit d’équilibre au stade, comme ça après on ne me parlera plus d’équilibre ! Je ferai venir le funambule Nathan Paulin, champion du monde de Slackline, je l’ai déjà fait, à Béziers à Caen. Ce qu’il fait, marcher sur un fil de 2 centimètres… Waouh… à côté, footballeur, c’est rien. A Arena Events, d’ailleurs, le slogan de la boîte, c’est « Des séminaires équilibrés » !
« Protecteur, passionné, travailleur »
S’il se définit comme un président plutôt « protecteur de mon groupe, passionné, travailleur », Nicolas Garrigues avoue ne pas avoir de modèle : « On a chacun notre style, même si je pense que tout président qui est chef d’entreprise essaie de reproduire un peu ce modèle, basé sur la confiance, la protection des salariés. Si je vois une défaillance sur la confiance, le ressort est cassé. Je prends plaisir à voir mon groupe, je tiens mes engagements. Avec moi c’est « Il dit, il fait » ! Je vais voir tous les matchs, à l’extérieur ou à la maison, et aussi en coupe, ça me rassure d’y être et j’espère que ça apporte une petite pression positive supplémentaire aux joueurs. Et puis au moins comme ça on ne me raconte pas de conneries, puisque j’y étais ! Et comme je pense avoir un minium de capacité de compréhension, je me fais ma propre analyse. Quand je débriefe avec le coach, Karim Masmoudi, le lendemain, j’ai vu ce qu’il s’est passé, donc c’est plus facile. »
Depuis le début de saison de ce nouvel exercice 2023-2024, il n’a raté qu’un seul match, contre … Martigues, en amical ! « On avait perdu ! » Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il se régale, et il espère que ses joueurs aussi ! Surtout, il a opéré un profond bouleversement par rapport à l’an passé : « J’ai considérablement réduit le groupe. C’est la plus grande décision que j’ai prise. Elle n’a pas été facile à prendre, notamment pour le coach : car on se sent plus à l’aise quand on a plus de joueurs à disposition. Là, je me suis basé sur mon vécu de handballeur : quand on fait trop de déçus, ce n’est pas possible, sauf à s’appeler Kurzawa à Paris par exemple. Mais quand tu prends 1500 euros par mois, que tu ne joues pas, que tu ne vas pas rester, ça pose problème dans l’esprit du joueur. C’est une stratégie qui est bonne si on n’a pas de suspendus ou de blessures. »
La fin de saison dira si tous ces changements ont porté leurs fruits. « Il y a une solidarité encore meilleure qui peut s’instaurer, afin d’aller, tous ensemble, chercher quelque chose. L’idée, c’est d’aller chercher une récompense commune ». En disant cela, il ne pense pas qu’à l’accession. Il pense aussi à la prime de fin de saison : « Je ne pense pas que l’on court plus vite parce qu’on a une prime et j’ose espérer que ce n’est pas ça qui fait gagner des matchs. Je pense plutôt que la prime doit être la récompense du travail bien fait ».
Recueilli par Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Hyères 83 FC / Houssam Seghir et Sabrina Del Castillo
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Après avoir connu la Ligue 2 (de 2008 à 2011) et le Stade de France, le VOC est retombé en N3. La faute à un dépôt de bilan en 2014 et le départ de son ex-président et généreux mécène, qui avait aidé à installer les Morbihannais en National 2. Le club repart encore de zéro, avec l’envie d’une reconstruction pérenne, à base d’identité locale.
Souvenez-vous il y a quatorze ans, en 2009, le Vannes Olympique Club, pensionnaire de Ligue 2, s’offrait une folle épopée en coupe de la Ligue. Après avoir passé cinq tours et écarté deux équipes de L1 (Valenciennes et Auxerre), les joueurs de Stéphane Le Mignan s’en allaient composter leur billet pour le stade de France sur la pelouse du Stade du Ray, en éliminant un troisième club de l’élite, l’OGC Nice, en demi-finale (1-1, 4-3 tab).
Mais, avec trois buts encaissés dans les 15 premières minutes (défaite 4-0), la finale face au Bordeaux de Gourcuff, Chamakh et consorts a été aussi brutale que le parcours fut remarquable.
Les temps ont changé
Bien sûr, cette soirée du 25 avril 2009 n’est pas le seul vestige de l’âge d’or connu par le Voc dans la première décennie des années 2000. « En tant qu’amoureux du Voc, mais aussi de l’OM, le grand souvenir que je garde de cette époque c’est la confrontation au Vélodrome, pour les 1/4 de finale de la coupe de France 2007 », rembobine le Maire de Vannes, David Robo; « J’étais en présidentielle, et j’avais même eu la chance de toucher la coupe aux Grandes Oreilles. Je conserve l’émotion d’il y a 15 saisons, aller au stade de France, jouer en Ligue 2, pour une ville comme la notre c’est extraordinaire. »« Tout cela a participé à écrire la plus belle page de l’histoire du club », en convient l’actuel président, Daniel Boraud.
Depuis, les temps ont bien changé et le Voc a dû écrire plusieurs nouveaux chapitres. Dans l’actuel, l’ex-deuxième club phare du Morbihan après le FC Lorient se retrouve désormais au même niveau que ses voisins de la GSI Pontivy, du Stade Pontivyen ou encore de Locminé, en National 3. « Et attention, il y en a cinq dans la charrette ! », fait noter le Maire. « Malgré notre récente victoire face au leader (1 à 0 face à l’AS Vitré, aujourd’hui 3e), on est toujours dans la zone rouge. Il ne faudra pas se louper, même si je sais que le club continuerait à vivre en R1 (le VOC est classé 12e sur 14 après 7 journées mais compte un match en retard, la rencontre à Pontivy face au GSI ayant été reportée). »
Lui entretient un rapport particulier avec le sport : « Je suis un grand fan, depuis tout gamin. Plutôt dans mon canapé que sur le terrain… Mais oui, je suis accro au sport ».
Une décennie en montagnes russes
Même si Vannes est loin d’y être, ce ne serait qu’un « bas », comme a déjà connu le club morbihannais au cours des dix dernières années traversées comme des montagnes russes, le faisant ainsi chuter dans la hiérarchie nationale.
Emmené par Stéphane Le Mignan, désormais sur le banc du voisin de l’US Concarneau en Ligue 2, le Voc était monté en National en 2005, puis en Ligue 2 en 2008 avant d’y rester jusqu’en 2011. Après trois nouvelles saisons en National (2011 à 2014), une dette de 500 000 euros avait obligé le club à déposer le bilan.
C’est donc de la DSE, la 7e division, qu’est reparti le Voc, né de la fusion entre le Véloce Vannetais et le Vannes FC en 1998. Touchés mais pas coulés, les Bretons sont remontés de trois divisions pour atteindre le National 2 en 2018. Un redressement sportif accompagné, une saison plus tard, d’un coup de pouce financier, « entre 50 000 et 150 000 euros par an » de la part de leur nouveau président, Maxime Ray, Lorientais d’origine, qui oeuvrait dans la finance. Son arrivée en 2019 avec un projet de National puis de Ligue 2 « en quatre ans », et la venue de joueurs chevronnés du championnat, semblaient montrer que le Voc était relancé. Des promesses pas forcément tenues en championnat où les Vannetais naviguaient souvent dans le ventre mou. Il y eut bien un coup d’éclat, en coupe de France, pas plus tard qu’en 2022, lorsque le PSG et Mbappé (auteur d’un triplé) étaient venus à la Rabine (0-4).
Le départ brutal d’un généreux président
Et puis patatra. Le président Maxime Ray, généreux mécène, annonce son départ en avril 2022, sur fond de désaccords avec la mairie. La goutte d’eau étant l’impossibilité d’organiser un match de gala entre équipes professionnelles à La Rabine. « Il y a eu une incompréhension sur ce match amical. C’est une erreur technique et administrative de mes services », assume le Maire David Robo. « Je ne préfère pas revenir sur cette période pas forcément agréable pour le club. C’est une décision personnelle de Maxime Ray qu’il faut respecter, même si c’est dommage pour le club et ses ambitions », commente le président Daniel Boraud. Et pour cause : « Il est bien évidement que le départ de Maxime Ray, qui était un mécène très généreux, a amené à revoir le budget. Personnellement, je n’ai pas les moyens de financer dans la même mesure. »
Arrivé à dans le coin en 1975, puis progressivement installé comme « petit partenaire » du Vannes OC, le natif d’Orléans Daniel Boraud est devenu vice-président du club en 2002 : « C’était pour prêter un coup de main au niveau des finances, rembobine-t-il. J’aime bien le foot, j’ai aussi un fils qui y jouer. En plus de mon rôle de partenaire, ce sont ces trois éléments conjugués qui ont fait que je me suis investi au Vannes OC. »
Parti en 2006 pour raisons professionnelles, il a été recontacté en 2019 pour revenir. Avant de se voir propulsé président du club, une fois le départ de Maxime Ray acté.
C’est avec cet oeil d’ancien chef d’entreprise qu’il a géré les difficultés financières connues par le club. « Personnellement, je n’ai pas les moyens de financer le club dans la même mesure. A partir du moment où le budget passe de 1,3 millions d’Euros à 950 000 Euros, et que vous avez des joueurs de N2 voire du niveau au-dessus, vous ne pouvez pas vous permettre de continuer à les rémunérer. Vous ne pouvez pas non plus avoir les mêmes dépenses générales pour le club », détaille le président. « On a pris des décisions financières drastiques qui n’ont font pas plaisir à tout le monde. Mais il a fallu les prendre. »
Un souhait de sérénité et de pérennité
C’est ainsi que la saison 2022-2023, en National 2, a démarré pour le Voc, sans ses leaders techniques et en pleine modification interne. Des éléments trop déstabilisants pour éviter la descente au club vannetais, 14e la saison passée (sur 16) avec 16 défaites en 30 matchs.
Reparti sur un nouveau cycle pour cette nouvelle saison, en National 3, l’objectif n’est pas que sportif. « Repartir de zéro ? Oui, c’est la bonne formule. On doit remettre des fondations sur des budgets que l’on connaît, développer nos partenariats au maximum. Vannes est une belle ville, avec un beau stade, des infrastructures de qualité et des partenaires fidèles. Il faut développer tout ça. On veut rebâtir des fondations pérennes », clame Daniel Boraud. « Et ce n’est qu’après cette construction qu’on pourra retrouver le niveau hiérarchique supérieur. »
David Robo va dans son sens : « Je souhaite avant tout un futur serein. J’ai le sentiment qu’à Vannes et en Morbihan, on a de quoi construire avec l’identité locale, en formant ou en récupérant des jeunes qui ne sont pas pris dans les clubs professionnels du coin. Certes, le sport, c’est avant tout des résultats sportifs. Mais avoir des jeunes attachés au maillot, fiers de leur identité, ça me procure aussi des émotions ».
Le Voc n’est pour l’instant que 12e de sa poule, mais il est porteur de promesses, symbolisées par l’attaquant Junior Burban. Lui est né à Vannes, a débuté dans un des clubs de la ville, avant de rejoindre le FC Lorient à ses 12 ans. Dix ans plus tard, pas conservé par les Merlus, l’attaquant est revenu « chez lui ». Et il marche sur l’eau en ce début de saison, avec déjà 5 buts inscrits en 6 journées. Tristan Boubaya, 34 ans, est lui aussi revenu sur ses terres bretonnes. Capitaine de l’équipe, il est venu ajouter une sacré touche d’expérience à l’équipe d’Hervé Brouard. Le milieu de terrain a connu la réserve du FC Lorient, ou les Herbiers. Plus récemment, il a disputé deux saisons chez le voisin de l’US Concarneau, en National. L’année dernière, il évoluait encore au Mans, dans un troisième niveau national où, au total, il a disputé près de 140 matchs. Un leader d’âme, incontestablement, dont aura besoin le Vannes OC dans sa reconstruction.
Texte : Alexandre Le Bris / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @lebrisfutAlex
Photos : Philippe Le Brech et VOC.
Photo de couverture : VOC.
Le président emblématique du FC Sochaux-Montbéliard (1999-2008) est revenu à la barre l’été dernier aux côtés de son bras droit Pierre Wantiez. Il évoque les souvenirs des années 2000, raconte les premiers mois de son retour, marqué par le sauvetage du club, rétrogradé en National, et évoque l’avenir.
À Montbéliard, il est sans doute plus connu que Marie-Noëlle Biguinet, la maire en place. Au stade Bonal et dans les alentours, c’est une idole. Une légende. Homme de poigne, Jean-Claude Plessis (79 ans) a tenu le FC Sochaux-Montbéliard de 1999 à 2008. Président charismatique, il a surtout emmené le club doubiste en coupe d’Europe plusieurs saisons et au stade de France à trois reprises. Derrière son passage, un titre de champion de D2 en 2001, une coupe de la Ligue en 2004 et une coupe de France en 2007. Un palmarès qui ne dit pas tout de la trace qu’il a laissée dans les cœurs. Elle est immense. Avec lui, le FCSM a connu ses dernières années fastes et quelques joueurs frissons. De classe, aussi, comme Mickaël Pagis ou Teddy Richert. Si les supporters ne l’ont jamais oublié depuis son départ, ils n’avaient plus forcément de nouvelles de lui ces dernières années.
Alors il est revenu dans le paysage. Sans vraiment le vouloir et encore moins le prévoir. Par la force des choses, par le sens de l’histoire. Plombé par un déficit colossal, l’institution FC Sochaux est passée proche de disparaître et l’équipe de couler en National 3.
Mais Jean-Claude Plessis n’a pas laissé faire. Alors il a observé, tendu l’oreille et s’est laissé prendre par l’émotion. La détresse du peuple franc-comtois l’a rappelé à son devoir. Accompagné de Pierre Wantiez, son bras droit des grandes années sochaliennes devenu directeur général, il est revenu poser ses valises près des usines Peugeot pour tenter de sauver le monument. Non sans mal mais avec succès. Le 17 août, la DNCG autorisait Sochaux à repartir en National et ses supporters à retrouver goût au football.
Après 12 journées, l’équipe entraînée par Oswald Tanchot, 8e, compte 16 points et affine gentiment son fond de jeu. Mais le club n’est pas encore totalement sorti d’affaire et l’ex-président revenu aux manettes le sait.
Il y a quelques jours, Jean-Claude Plessis nous a ouvert son bureau du stade Bonal pour se livrer sur les derniers mois intenses et ceux qui arrivent. Il s’est aussi replongé dans les souvenirs d’époque, celle où Sochaux valorisait le football français. Lui se souvient de tout. Les supporters aussi.
Interview
« Le club n’est pas encore sauvé »
Comment vous sentez-vous après cet été dense ?
Ça continue. Il ne faut pas croire, le club n’est pas encore sauvé. On a trouvé des repreneurs, on a pu faire ça au dernier moment. On ne sait même pas encore comment on a pu y arriver ! Maintenant il faut serrer la vis. Les installations, le stade, ce n’est pas gratuit tout ça. On a un train de vie qui est plus celui de Ligue 2 que de National. Voire de Ligue 1 avec le centre de formation. C’est un coût important mais c’est un choix qu’on a fait. Le centre, c’est notre ADN. On est obligé de réduire les coûts, faire attention. On essaie de ne pas perturber l’équipe de foot. On fait tout ce qu’il faut.
Comment on s’y prend, on fait une croix sur certains services ?
On essaie de réduire, notamment le personnel. Mais ça, chacun le savait. C’était tout ou rien. On est en train de faire les budgets et c’est surtout au niveau du personnel administratif. Il est certain qu’on a moins de travail quand on est en National qu’en Ligue 1. Mais quand il y a un match, il faut des stadiers et à peu près les mêmes choses, ça ne change pas. C’est difficile mais on se bat et on espère y arriver.
« Si je n avais pas d’énergie, je ne serais pas là »
Vous êtes revenu à Sochaux plein d’énergie !
Bien sûr. Si je n’avais pas d’énergie, je ne serais pas là. A la limite, on n’était pas venu Pierre (Wantiez) et moi pour rester. On pensait que sur place on aurait trouvé (un repreneur). Mais ça ne s’avère pas vrai pour l’instant. Il n’y a pas assez de candidats mais trop à la fois. On reste pour calmer le jeu et on verra dans quelques mois ce qu’il en est. Je n’ai pas vocation à rester là plusieurs années.
C’est dur de trouver le bon profil parmi les candidats ?
Tout le monde a envie de diriger un club de foot, mais on va remettre les choses à leur place et après on verra.
Quel était votre quotidien avant de revenir ?
J’ai une épouse plus jeune que moi, on a un appartement dans Brest. On allait aux spectacles, au cinéma, je faisais du vélo au bord de la mer. Mes journées étaient toujours pleines. Je suis un mec assez solitaire, je peux rester tout seul pendant un moment, m’asseoir au bord de la mer et la regarder pendant deux heures, ce qui énerve ma femme. Et puis j’ai une maison au Sénégal, j’y allais beaucoup à l’époque. Mon petit club (l’AS Brestoise) me prenait aussi un peu de temps. C’est du boulot ! […] Je dois remonter pour l’assemblée générale, s’ils veulent trouver un autre président on verra ça mais je crois qu’ils veulent me garder. C’est gentil de leur part (sourire).
« Ce qu’on fait est complètement hors-norme. «
Quand vous êtes revenu, la situation pouvait ressembler à un bourbier. Il y a eu plusieurs étapes dans votre raisonnement ?
On ne pense pas à ça, on se demande ce qu’on peut faire. On ne se pose des questions que 24 heures et quand le club est au bord du dépôt de bilan, on intervient. J’appelle Pierre, on se dit qu’on y va et le lendemain matin on est sur le téléphone et on appelle tous les sponsors et administrateurs. On essaie, on avance. La chance qu’on a, c’est qu’il y a deux-trois gars qui nous disent oui tout de suite. On a aussi un investisseur parisien qui nous dit oui pour une grosse somme, mais au dernier moment il nous lâche. Ça a été compliqué. Mais la plupart des autres actionnaires n’étaient pas chauds pour qu’on ait un investisseur intéressé par la revente. Ceux qui font ça le font par amour, ce sont des gens d’ici, qui ont joué au club, qui connaissent son importance pour la région. Des passionnés, des amoureux du foot. Ils pensent bien qu’ils ne récupéreront pas forcément leurs deniers, mais ils veulent sauver le club. C’est ça le leitmotiv. C’est possible, mais ce sera difficile.
C’est possible parce qu’on parle du FC Sochaux, un club marquant ?
Oui. Mais le football d’aujourd’hui n’est pas tout à fait axé sur ce qu’on fait nous. Ce qu’on fait est complètement hors-norme puisqu’on va monter une Scic (Société coopérative d’intérêt collectif), ce qui intègre les actionnaires, les pouvoirs publics, les supporters… Ce n’est pas si facile que ça. Bastia l’a fait mais dans des conditions moindres. Nous on y va plein pot. Les pouvoirs publics veulent savoir ce qu’il se passe, les actionnaires aussi. Surtout que dans une Scic, une personne égale une voix. Ce n’est pas le plus riche qui dirige. Mais on a la chance d’avoir les Sociochaux (Socios qui ont participé au sauvetage), ils vont avoir un siège et comprennent très bien l’action. Ça va se faire, mais la mise en place n’est pas facile.
Où situeriez-vous l’avancée ?
On arrive au bout. On a eu une réunion, on a 42 actionnaires. Ça fait beaucoup. Être actionnaire du FC Sochaux, ce n’est tellement pas rationnel… Le foot, c’est un monde à part.
« Sans Pierre (Wantiez), je n’aurais pas pu y arriver »
On a beaucoup parlé du retour de l’ancien président, mais vous formez un duo avec Pierre Wantiez qui faisait la force de cette reprise…
C’est habituel. Il connaît mieux les lois que moi parce que j’ai été éloigné du football professionnel pendant quinze ans. Il a toujours été dedans avec plusieurs clubs et a toujours fait partie des instances dirigeantes. Sans lui, je n’aurais pas pu y arriver.
Vous avez retrouvé vos réflexes facilement ?
Oui. On ne s’est jamais perdu de vue, il travaillait au Havre où était mon fils. On ne pensait pas retravailler ensemble mais on se connaît bien, on sait quelles sont nos limites de territoires. Moi je suis plus orienté sur l’équipe, le management. Lui est plus orienté sur tout ce qui est administration, Dieu sait qu’on a besoin de lui avec la Scic. Mais ça se passe bien. De toute façon, si ça se passait mal on ne resterait pas là.
La vie de vestiaire vous avait manqué ?
J’avais déjà un groupe, j’ai 550 licenciés à Brest. ça a été un très gros club, champion de France amateur à l’époque. J’avais déjà été président de ce club il y a une quarantaine d’années. Quand je l’avais quitté on était en 3e division. On avait joué la montée pour la 2e. Mais ça m’avait bien arrangé parce qu’il y avait déjà le Stade Brestois et la Ville, qui donnait de l’argent, ne voulait pas un deuxième club en professionnel. Mais ça reste un club formateur que j’ai repris à la demande d’anciens joueurs devenus dirigeants, ils sont venus me chercher pour que je reprenne la présidence. Je l’ai fait avec plaisir.
Vous aviez donc encore les deux pieds sur le terrain…
Oui. Et puis je sais faire ça. A Sochaux, j’ai la chance de tomber sur une bonne équipe dirigeante, avec un entraîneur tout à fait au-dessus de mes espérances. C’est un gars qui me va très bien.
« Oswald Tanchot pense comme nous. J’aime beaucoup ce type. «
Justement, le coach Oswald Tanchot semble bien coller à l’identité locale alors qu’il n’est pas de la région…
Moi non plus je ne suis pas d’ici (rire). Ils ont l’habitude, ces gars-là. Ils voyagent pas mal. Il s’est trouvé là au bon moment. Il n’est peut-être pas en Ligue 2 mais je pense que ça doit être un révélateur plus important. Il est adulé par les spectateurs, ce qui nous arrange bien en ce moment. Il est tout ce qu’on veut : on est toujours un club formateur, je ne l’oublie pas. Contre Melisey (le 15 octobre en Coupe de France, qualification 4-0), il y avait huit ou neuf joueurs qui sortaient du centre de formation. J’ai été obligé de lui dire chapeau. Il pense comme moi, il pense comme nous. J’aime beaucoup ce type. Il est travailleur, je le vois faire. Je suis allé au match de la réserve, il était là. Il s’intéresse à tout. Le directeur sportif, Julien Cordonnier, aussi. Les kinés et le service médical je les connais, ils étaient déjà là.
Comme Freddy Vandekerkhove, l’intendant historique !
(Il soupire en souriant) Freddy, c’est moi qui l’ai embauché, alors… Quelle erreur j’ai faite (rire) ! Il jouait au foot avec mes fils à l’époque.
« Bonal, c’est la tour Eiffel, c’est l’ADN du club ! »
On a le sentiment que cette période compliquée a permis de faire ressortir encore plus l’identité locale et l’amour des gens pour le club.
Ça continue. Je ne peux pas faire deux mètres sans faire une photo. On a eu des bons souvenirs, on a fait des belles choses ensemble il y a quinze ans. Pour moi c’était fini, je suis revenu pour eux. Dieu sait si ma vie est bouleversée ! (rire) Je ne suis plus tout jeune, mais ça m’a donné un regain d’énergie. Je suis en forme, tout va bien. On fait face à tous les soucis qui tombent régulièrement. Ces gens-là ont failli perdre leur âme. Bonal, c’est la tour Eiffel. C’est les arènes de Nîmes. Les Nimois ne vont pas toujours aux arènes, mais si vous les cassez… Bonal, c’est l’ADN du club avec le centre de formation. C’est aussi pour ça qu’on s’est battu pour sauver le centre. Ceux qui jouaient le côté National 3 avec un dépôt de bilan, c’était la perte du centre de formation. Quand il y a des matchs en professionnel, les équipes viennent, prennent un hôtel, vous savez comment ça se passe. Comme les matchs en National se jouent à 19h, les gens vont manger au restaurant après. On a sauvé une partie de l’économie de ce pays, c’est pour ça que les pouvoirs publics nous ont aidés. Donc oui, il y a un engouement parce que c’est une identité. On a refusé l’argent qui vient pour nous déstabiliser. Aujourd’hui, il y a sans doute des actionnaires qui voudraient rentrer mais pourquoi faire ?
C’est la question à laquelle il n’est pas évident de répondre ?
Oh si, on sait quoi faire ! Moi, je suis obligé de respecter les quatre ou cinq qui ont permis de boucler le budget DNCG en trois jours. Les autres, je ne les méprise pas, mais ils sont arrivés après. On était au mois d’août, certains étaient en vacances. Mais les premiers, ce sont les grosses sommes et ils ont répondu présents au premier coup de téléphone. C’est ce qui a fait le noyau dur. Aujourd’hui, on a un beau tour de table mais on en est au stade où il faut pérenniser le club. Vous l’avez bien compris : je ne suis pas venu ici pour passer mon centenaire !
Il y a des régions plus ensoleillées pour ça…
Je m’en fous de ça. Je suis tellement heureux. Quand je vais à la sortie du stade et que je vois le plaisir que les gens peuvent avoir, qu’ils viennent te remercier. On a fait un truc dont tout le monde se souviendra très longtemps, surtout ici.
Qu’est-ce qui vous lie précisément à ce club, qui fait que c’est si fort en vous ?
C’est une période de ma vie exceptionnelle. Je n’étais pas destiné dans ma vie à présider un club de football de Ligue 1. En plus, ça a bien marché. Bien sûr que j’ai eu des problèmes, j’ai vu des « Plessis démission » dans les tribunes. Même quand ça marchait très bien. Le public est comme ça, il faut l’accepter, ça fait partie du jeu. Le football c’est comme une entreprise… sauf que ce n’est pas tout à fait une entreprise. Tous les samedis, tu as le résultat de ton travail. Et même si tu travailles bien, tout peut arriver. Aujourd’hui, j’ai le collier d’immunité mais je ne suis pas destiné à rester là très très longtemps.
« Le club a été martyrisé depuis 10 ans «
Il s’agit du plus gros défi de votre vie ?
Oui. C’est plus qu’un défi, c’est une espèce de mission divine alors que je ne suis pas très croyant. Il y avait des obstacles, avec Pierre on devait les surmonter. On allait se coucher chacun dans son hôtel, on se disait que c’était foutu. Quand on a payé le club on avait encore 2,5 millions de dettes. On a pris des risques. Et puis, surtout, ce qui était dangereux et que je craignais le plus, c’est que quand les gens ont vu que je m’impliquais, ils ne se sont pas posés de question : c’était fini, on avait gagné. Quand on est arrivé, on a passé des nuits à regarder les comptes. Mais pour eux c’était fini, ils nous ont embrassé.
Il fallait rester lucide et froid !
Il fallait surtout leur dire que ce n’était pas gagné. Et tu te dis que si ça ne marche pas, non seulement tu vas foirer mais en plus tu leur as donné de l’espoir. Bon, ça a marché (sourire) !
Vous avez retrouvé le club que vous aviez connu ?
Oh oui. Parfois j’oublie les salons, j’ai du mal à les retrouver. Mais je retrouve la même chose, les anciens partenaires, les anciens supporters, les commerçants, les hôtels… Ce qui a sans doute changé, ce sont les choses qui sont plutôt de l’ordre des instances. Tout le monde voulait que Sochaux s’en sorte, mais tu ne pouvais pas ne pas respecter les instances. Il y a une grosse merde qui avait été faite ici quand même.
Il fallait rattraper une situation bien mal embarquée ?
(Il soupire) Et ce n’est pas fini ! 25 millions de pertes, c’est quand même quelque chose d’extraordinaire. Tout le monde ne s’est pas méfié parce qu’à chaque fois qu’il y avait une perte, Nenking payait. Mais cette fois, ils n’ont pas payé… On sait très bien que ça ne va pas très bien dans l’immobilier en Chine. Le club a été martyrisé depuis 10 ans. Il a tout eu : entre Li qui vendait des LEDS alors qu’on n’a jamais vendu une LED ici, les Basques qui sont venus, ensuite Nenking avec une direction un peu fantaisiste et un gars un peu… (Il s’interrompt et ne cite pas le nom de Samuel Laurent, ex Directeur général) Enfin, on ne va pas dire plus de mal de lui, tout le monde le sait. Il y a eu des choses qu’on n’explique pas, qu’on ne comprend pas. Les agents se sont aussi engraissés sur le club.
Une nouveauté ?
Ça, ça a changé. Les agents que je rencontre aujourd’hui n’ont rien à voir avec ceux que j’ai connus de mon temps. C’étaient des gars avec qui on travaillait en confiance, on gérait ensemble la carrière des joueurs. Aujourd’hui, la préoccupation c’est de faire de l’argent tout de suite. Et les familles s’en mêlent.
« A l’époque, on était à la limite de la Ligue des Champions »
Président de Ligue 1 et de National, c’est le même métier ?
Pour l’instant, c’est la même chose. Sauf que tu te sens un peu comme un parent pauvre du football, quand même. Ton club a brillé, tu as fait des coupes d’Europe, tu as gagné la coupe de France, la coupe de la Ligue… Quand j’ai été champion de France de Ligue 2 avec Sochaux, j’ai pensé que c’était la dernière fois que j’étais champion de France. Maintenant, on va essayer d’être champions de National (rire).
Vous n’êtes pas seulement un ancien président, mais celui des dernières années fastes…
Oui. Notre titre de gloire, quand même, c’est d’avoir gagné le même jour au même endroit la coupe Gambardella et la coupe de France, on a fait la totale (en 2007, face à Auxerre et Marseille) ! L’année d’après, je suis parti parce que j’avais l’âge, je ne voulais pas faire l’année de trop. On ne pouvait pas faire mieux. On était allé perdre à Panionios (Grèce). J’avais invité les joueurs devant l’Acropole, c’était magnifique mais j’avais du mal à encaisser l’élimination. C’est là que j’ai décidé que c’était le moment. Je voulais d’abord changer d’entraîneur parce qu’il ne convenait pas au club, c’était (Frédéric) Hantz. Je pense qu’il a prouvé après qu’il était sans doute un peu surfait. Mais, oui, c’était une belle période. J’ai toujours plaisir à voir mes anciens joueurs, certains étaient extraordinaires. On aurait même pu faire beaucoup mieux. On était à la limite de la Ligue des Champions à chaque fois mais ça m’allait bien. Je ne voulais pas qu’on fasse la Ligue des Champions, les gens tombent sur la tête après. Lens l’a payé presque de sa vie, ça… Quand je suis parti, j’ai dit aux gens « Vous ne vous rendez pas compte ! » A Sochaux, si on réussit, c’est parce qu’on a une formation, qu’on achète et vend des joueurs… C’est formidable ce qu’on vit, mais les gens ne sont pas toujours contents. Je disais aux supporters « Vous vivez peut-être la meilleure période de votre vie, profitez-en les gars ! » On était craint partout, on a passé une saison sans perdre un match chez nous (saison 2002-2003). Je n’étais pas fier, j’étais heureux.
« J’ai toujours respecté ma parole »
Les joueurs de cette époque ont marqué les supporters…
Bien sûr ! Je me fais insulter parce que je vends (Pierre-Alain) Frau et (Benoît) Pedretti la même année, mais je les vends parce que c’était un deal qu’on avait ensemble. Les gars, à 23-24 ans, ils veulent aller voir ailleurs. J’ai toujours respecté ma parole, aucun joueur ne peut dire le contraire. A ce moment-là, c’est à moi de les vendre le mieux possible. Mais avant de partir, ils ont apporté des titres. Ce sont des idoles ici ! Et puis on a trouvé des remplaçants. On a eu Ilan, c’était pas mal. Je rappelle qu’un de mes entraîneurs n’a pas voulu garder Miranda, qui était le capitaine de l’équipe du Brésil…
C’est souvent le nom qui revient avec celui d’Ivan Perisic, dans les grands joueurs passés par Sochaux sans s’y installer !
Perisic, c’est un scandale ! Avec Pierre, on était allé le chercher en Croatie, on avait donné un peu d’argent à son père pour son élevage de poules, on l’avait ramené… (Marvin) Martin l’a un peu bloqué, oui. Mais on l’a donné. D’ailleurs, on se fout de ma gueule avec ça dans toute ma famille, surtout mes fils qui sont très foot. Quand je le voyais après ça me faisait mal, je l’avais connu gamin, j’avais ramené sa mère… Il faut se battre. Autre exemple de l’époque : quand tu vas en Italie, tu as beau t’appeler Plessis ça ne dit rien à personne. Mais quand tu es avec (Bernard) Genghini, les anciens discutent, s’embrassent, se souviennent des matchs qu’ils ont joués… Et après on parle business. On avait fait un match en coupe d’Europe contre l’Inter Milan : Zanetti avait blessé Pedretti et était suspendu. Le club nous avait demandé de faire un rapport comme quoi c’était un accident. On l’avait fait. Quand on a voulu récupérer (Jérémie) Bréchet, le président a dit « Vous avez été correct avec moi, il est pour vous ! » On avait de très bonnes relations avec l’ensemble des autres dirigeants.
La formation était déjà l’ADN…
Je me rappelle toujours, (Jean) Fernandez était entraîneur et appelle (Jean-Luc) Ruty (directeur du centre de formation) en lui disant « Écoute, j’ai besoin d’un milieu de terrain pour un match amical, envoie-moi le plus méritant. » Ruty l’a envoyé, il est rentré, il n’a jamais quitté l’équipe et il est devenu capitaine : c’était Pedretti. C’est un gars que j’ai toujours bien aimé. Quand je vois où il en est aujourd’hui comme entraîneur (à Nancy), je trouve que c’est dur parce que je suis sûr que ce sera un très bon entraîneur. J’avais aussi ramené (Teddy) Richert, un gardien exceptionnel. Il aurait dû jouer en Équipe de France. Franchement, par rapport à (Mickaël) Landreau… Bon, passons, pas de jugement (sourire).
Vous parliez de Perisic. Quand on va chercher un joueur en Croatie, l’étiquette FC Sochaux ne doit pas suffire…
Si ! Miranda, il vient quand ? Et Ilan ? Quand l’équipe était en Ligue 1, ça pouvait être un bon tremplin pour eux. Miranda était tout jeune. C’était un problème de défense à trois, chez nous il était paumé. (Guy) Lacombe, notre entraîneur à l’époque, n’était pas enthousiaste. Ça arrive.
« Si on descend, on est mort »
Revenons à la période actuelle, les supporters doivent être patients ou ambitieux ?
Patients. Les objectifs sont simples : ne pas descendre cette saison. Devant on marque des buts, mais on a une équipe très jeune. C’est vrai que les quelques anciens qu’on a pris ne répondent pas forcément présents. ça peut arriver. Il faut qu’on ait des résultats. Je ne pense pas qu’on va descendre, mais il faut peut-être compléter avec trois-quatre éléments plus âgés pour pouvoir monter.
Compléter cet hiver ?
Non, enfin peut-être un cet hiver si on a l’opportunité mais ce n’est pas l’objectif. On veut avoir le maintien avec ce groupe-là, que la DNCG nous libère peut-être du recrutement onéreux. Il nous faut sans doute quelqu’un derrière et un type devant, un peu comme un (Gaëtan) Charbonnier, qui fait jouer les autres.
Elle vous plaît cette équipe ?
Il y a quelque chose, des garçons comme (Alex) Daho qui vont exploser. J’en suis persuadé. Je suis allé voir la réserve, ça joue de la même façon. ça joue presque trop bien ! Il faut franchir le palier de l’efficacité, on ne l’a pas encore donc il faut s’accrocher. Le problème est simple : si on descend on est mort. Cette équipe a été faite de bric et de broc mais je trouve que les choix ont été bons. Il y a un très bon état d’esprit, des gars bien, polis. ça, ça me fait plaisir.
Ce qui n’est pas toujours le cas avec les sommes assez folles parfois évoquées dans le football ?
Ici, le salaire moyen est à moins de 7000 euros quand même. C’est bien pour le National mais on a bien diminué. A l’époque, des joueurs nous ont coûté plusieurs millions pour avoir joué trois matchs.
Parmi les bons profils, il y a le local Kévin Hoggas, originaire de Besançon…
Oui. A mon époque, il y avait quatre ou cinq joueurs dont le père travaillait à l’usine. (Benoît) Pedretti, (Camel) Meriem, (Pierre-Alain) Frau, peut-être (Jérémy) Mathieu… ça donne du liant à l’équipe. C’est plus difficile maintenant. Le foot professionnel devient trop dur pour nos amis autochtones.
Jean-Claude Plessis, du tac au tac
« Foutre une branlée au Borussia Dortmund, c’était une histoire ! »
Le meilleur souvenir de président ?
(Il réfléchit) Je garde tout, mais la victoire en coupe de France et en coupe Gambardella le même jour (2007)… C’est un truc qu’on ne peut pas imaginer. Je ne sais même pas si ça m’avait fait plaisir, ça m’a grillé. Mes neurones étaient épuisés le soir. J’avais envie d’être seul. Je suis allé voir plein de finales de coupe de France mais je n’étais pas descendu sur le terrain avec le président (rire). C’est le moment le plus fort. Toutes ces finales à Paris, avec 30 000 Franc-Comtois qui venaient à chaque fois. Quand on se fait battre en finale de la coupe de la Ligue contre Monaco (2003), il y a un mauvais climat dans l’équipe et je leur dis « On a appris, on est venu au Stade de France pour la première fois, on y retournera et on la gagnera. » C’est un truc que j’ai dit comme ça, mais à chaque tour qu’on passait, Pedretti disait « On va y aller. » On y est allé et on a gagné (contre Nantes, en 2004, victoire en coupe de la Ligue, 1-1, 5-4 tab.).
La plus grande déception de président ?
(Direct) Panionios ! J’avais de très bons rapports avec le président et son épouse. On avait été reçu chez eux, c’était un héritier des colonels de l’époque. Sa propriété, c’était Versailles ! On le reçoit ici, tout se passe bien. On se fait battre (0-2) et on gagne chez eux (1-0) mais on est éliminé. ça m’a fichu un choc : je me suis rendu compte qu’il fallait que je vire mon entraîneur (Frédéric Hantz). On venait de gagner la coupe de France et on avait quatorze points à la trêve en championnat. On s’en était sorti relativement facilement après, ça veut dire qu’on avait les joueurs…
La plus grande fierté de président ?
Quand je revois les joueurs, ils ont toujours un très bon souvenir de moi. Ils me disent que j’étais juste, que je ne me laissais pas faire et que je ne leur ai jamais menti. Je ne suis pas un champion du téléphone, je ne les appelle pas tous les jours mais je sais qu’à chaque fois qu’on se rencontre c’est un sentiment fort. Avec les (Mickaël) Pagis, (Jérémie) Bréchet, (Maxence) Flachez… Plein de gens peuvent dire du mal de moi, mais les joueurs, en général, disent des choses gentilles. C’est important. Je pense que j’ai été un bon président, que j’ai réussi. J’ai fait avec un style qui fait que je peux me regarder dans la glace. Je passais beaucoup dans les médias et je parlais toujours de Sochaux et de la Franche-Comté. Je me rappelle, Cécile de Ménibus, que je ne connaissais pas, avait charrié Sochaux un jour. Je l’avais rencontrée à Paris, elle était devenue supportrice et ne parlait que de Sochaux. Je crois qu’elle a participé aux Sociochaux. Et puis, on faisait des fêtes terribles ici, après les matchs !
» Je suis plutôt généreux, même ma femme le dit «
Une qualité et un défaut dans la vie courante ?
Il faudrait que je demande à ma femme, elle a une liste ! Je suis un peu colérique, mais moins dans le travail que dans la vie. Pour la qualité, je suis plutôt généreux. Même ma femme le dit !
Vous êtes un président plutôt… ?
Les journalistes me qualifient de président à l’ancienne. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Si l’ancienneté c’est d’avoir été proche d’Aulas, de Martel, de Rousselot… A notre époque, on avait des réunions parfois épiques à la Ligue, on s’engueulait fort, mais quand la réunion était terminée c’était « On mange où ? » J’ai toujours gardé des contacts avec Jean-Michel Aulas et ces gars-là, même pendant ma retraite. Je parlais tout à l’heure de la radio, mais j’ai arrêté parce que je ne voulais pas être le radoteur. Même pour mes fils, j’étais déjà Toutânkhamon.
Un modèle de président ?
Je ne sais pas qui en est à la tête, mais pour moi, le modèle de club c’est le Bayern Munich. Au Bayern, c’est le club qui compte. Le club que je trouvais bien structuré, c’était Lyon. Aujourd’hui, je ne suis pas en admiration devant le grand club parisien et le grand club marseillais…
Un ami président ?
Jean-Michel Aulas et Gervais Martel. Avec Jean-Michel, on se voyait beaucoup. Ma femme était amie avec sa femme. Je le vois moins aujourd’hui, mais j’ai toujours trouvé que c’était le meilleur président. (Alain) Cayzac, à Paris, était un ami aussi. Un exemple de personne bien élevée.
Le président que vous n’avez pas forcément envie de croiser ?
Il n’y en a pas. Je ne connais pas les actuels, mais je suis surpris d’en voir certains (en poste). Quand je vois Longoria à Marseille, ça m’étonne toujours…
» J’ai une faiblesse intense pour le Racing club de Lens «
Un club, autre que Sochaux ?
Ce serait Lyon. Si c’est en général, c’est l’AS Brestoise ! (Quelques instants plus tard) Ah, non, j’ai oublié. J’ai une faiblesse intense pour le Racing club de Lens. J’aime son public, l’ambiance, quand ça chante les Corons j’ai la chair de poule… Quand tu traverses la ville en bus, tu les vois tous habillés pour Lens et ils vont au stade comme d’autres vont à la messe. C’est une équipe qui m’a toujours bouleversé.
Le stade qui vous a procuré le plus d’émotions, autre que Bonal ?
Le Stade de France, quand même. Quand tu y vas trois fois en quelques années, tu es chez toi.
Combien d’amis dans le foot ?
Oh, j’en ai plein. Je suis pote avec (Alain) Giresse, je suis pote avec (Michel) Platini, je suis pote avec Bernard Lacombe, avec d’anciens brestois… Je pense que les gens m’aimaient bien en général.
Un coach perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Jean Fernandez, peut-être. Mais je le vois parce qu’il vient discrètement. Guy Lacombe, j’aimerais le revoir. (Alain) Perrin, aussi. (Christophe) Galtier, je l’ai vu il n’y a pas longtemps, je suis admiratif de ce qu’il faisait (ex-entraîneur adjoint d’Alain Perrin à Sochaux).
Un coach que vous n’avez pas forcément envie de revoir ?
(Il réfléchit) Non, je ne le dirai pas (sourire).
» On a tapé le contrat de Meriem pour Bordeaux après une soirée en boite, à 2 h du mat’
La décision de président la plus difficile à prendre ?
De laisser partir Pagis, qui ne s’entendait pas du tout avec Guy Lacombe. J’ai beaucoup aimé Guy Lacombe, mais ils avaient un problème d’hommes. Pagis, c’était un type que j’aimais footballistiquement. Un des plus beaux joueurs que j’ai jamais vu. Sinon, un gars avec qui j’ai de bons souvenirs, c’est (Stéphane) Dalmat. Il fait partie des plus beaux joueurs que j’ai vu jouer ici et c’était un type adorable.
Une négociation difficile ?
Toutes (rire). Le plus drôle qui soit arrivé, c’est le transfert de (Camel) Meriem à Bordeaux. On n’arrivait pas à se mettre d’accord avec les agents, ça durait, ça durait… Il y avait trois agents, le temps tournait. Au moment où on trouve un accord, il est 22h. On veut signer le contrat tout de suite parce qu’on sait qu’on va se fâcher le lendemain. Mais on n’avait personne pour le taper. A l’époque on n’avait pas les outils qu’on a maintenant… On est coincé, on n’a pas de secrétaire, on ne sait pas la joindre. Et vers minuit on trouve la solution : Pierre Wantiez se souvient que son ancienne secrétaire, quand il était à la Ligue de Franche-Comté, fait des extras dans une boite de nuit pas très loin. On l’appelle, elle est d’accord pour venir taper le contrat mais elle ne sera pas libre avant 2 ou 3 heures du matin, à sa sortie. On va donc boire un coup dans la boîte. Mais quand tu vas dans une boite à nos âges, ce n’est pas pour draguer. On y va pour picoler, donc on picole sec. Et à 2 heures du matin, la secrétaire finit par sortir et on tape le contrat. Vers 3 heures il est signé et Meriem part à Bordeaux. On n’a pas lâché !
Une consigne de coach que vous n’avez jamais comprise ?
Je dirais plutôt la plus difficile à prendre pour un coach : quand Perrin n’a pas pris (Michaël) Isabey pour la finale de la coupe de France (2007). On a gagné quand même mais le gamin a été meurtri, c’était très dur pour lui. C’était un type que j’aimais beaucoup, Isabey.
Une anecdote de vestiaire jamais racontée ?
Non, je ne veux pas la raconter. (Il marque une pause) Oh, puis je m’en fous ! Une fois, on avait perdu plusieurs matchs de suite, toujours à cause de conneries. Mes joueurs africains m’ont fait croire qu’on avait été marabouté. Donc ils ont insisté pour qu’on fasse venir un marabout pour nous démarabouter (rire). Genghini, qui était superstitieux, m’a dit « Président, il faut le faire ! » J’ai dit « Ok mais je ne veux pas voir ça et surtout c’est un secret, on va avoir l’air de quoi si ça sort ? » Il y en a un qui est venu, il a démarabouté le vestiaire et on a gagné le match d’après. C’est une histoire de fou. Le gars il avait mis le paquet : la fumée, le gri-gri…
« La mort de Stéphane paille m’a bouleversé »
Une devise ?
Oh non, j’en n’ai pas.
Des rituels avant un match ?
Non. Ce que j’ai souvent, c’est la liste des partenaires à aller voir mais je n’ai pas de superstitions. ça me rassurerait si j’en avais.
Le joueur de légende de Sochaux ?
C’est difficile à dire. Stéphane Paille, c’est un type que j’ai adoré au-delà du football. Sa mort m’a bouleversé (en 2017). Il a rencontré des démons. J’ai trouvé que c’était un des plus beaux joueurs, comme Henri Michel dans sa jeunesse.
Le match de légende de Sochaux ?
(Il réfléchit) Oh si, Borussia Dortmund (coupe de l’UEFA 2003)! Leur foutre une branlée là-bas et une deuxième ici, c’était quand même une histoire (2-2 en Allemagne alors que Sochaux menait 2-0, succès 4-0 au retour à Bonal). ça restera ! Il y avait une belle équipe en face.
Le milieu du foot ?
J’ai aimé le milieu du foot du côté des présidents et des instances à l’époque. Aujourd’hui je connais moins les présidents, mais il y a toujours un accueil sympa. Ce que je regrette, c’est les règlements qui favorisent les transferts des jeunes joueurs. 20 ou 21 ans, ça me semble pas mal. Aujourd’hui à 16 ans, ils sont déjà surveillés par des gars qui passent, qui sont agents ou non…
Le FC Sochaux ?
C’est un vieux club qui a toujours brillé par sa jeunesse. C’est toujours sa jeunesse qui l’a fait briller et je pense que c’est comme ça qu’il survivra.
Le championnat de National ?
Je suis très surpris par la qualité. Il y a des équipes qui jouent bien, je vois des bons matchs, on ne s’ennuie pas. Mais il faudrait que ça devienne la troisième division.
Texte : Vivien Seiller / Twitter : @VSeiller
Photos : V. S. et FCSM
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