L’ex-entraîneur adjoint de Bryan Bergougnoux à Thonon Evian Grand Genève, passé notamment par l’AS Monaco, raconte son parcours marqué par des expériences hyper-enrichissantes dont il s’est imprégné et inspiré, comme en Italie à Bari, où la notion de travail fut omniprésente, mais aussi en Belgique et aux États-Unis.
Par Olesya Arsenieva / Photos : Thonon Evian GG et DR

Pur monégasque, Grégory Campi (48 ans) a été formé à l’AS Monaco, qu’il a rejoint en U11. Malgré un parcours semé d’embûches et freiné par les blessures, il a découvert de nombreux pays (Italie, Belgique, États-Unis) et des styles de jeux différents tout au long de sa carrière, durant laquelle il a évolué à Rouen, au Gazélec Ajaccio, à Lille, à Bari, à l’Impact de Montréal, à La Louvière et à Sanremo.
En 2008, juste après la fin de sa carrière pro, il a créé son premier restaurant « Alden T » (restauration rapide de pâtes) dans son quartier monégasque de Fontvieille. Un jeu de mots qui fait référence aux pâtes « al dente », avec le T pour « mes enfants Théo et Thiago », explique-t-il. Depuis, il a mis son magasin en gérance, football oblige, il a aussi ouvert une autre franchise à Beausoleil en 2022 et s’apprête à en ouvrir une troisième.
Monaco III, Villefranche/St-Jean/Beaulieu
Mais l’ancien milieu offensif ne s’est pas uniquement reconverti comme entrepreneur. Il effectue en parallèle une carrière sur le banc comme entraîneur. Il ambitionne le plus haut niveau et essaye de transmettre son expérience à la nouvelle génération.
Après avoir dirigé l’équipe III de l’AS Monaco (PHB, PHA, DHR et DH) puis l’équipe fanion de la JS Villefranche/Saint-Jean/Beaulieu en National 3, il fut, jusqu’en juin dernier, l’adjoint de Bryan Bergougnoux à Thonon Evian Grand Genève FC, en National 2. Dans l’attente de nouvelles opportunités, il est revenu sur son riche parcours pour 13HeuresFoot.
« Je ne voulais pas être identifié au petit monégasque qui réussit à Monaco »

Quand il est pensionnaire du centre de formation de l’AS Monaco, Grégory Campi prend la décision de partir jeune loin de sa région natale. « Je suis parti parce que je ne voulais pas être identifié au petit monégasque qui réussit à Monaco. Je voulais voir un monde différent à 15-16 ans. Il y avait un entraîneur que j’aimais énormément au centre de formation, Carlos Lopez, qui était à Rouen. Il me voulait vraiment et j’avais eu un flash ! Il fallait que je parte là-bas. C’était une ville pour moi très sombre, très noire à l’époque. T’as 15-16 ans, tu viens de Monaco, de la Côte d’Azur… Mais j’étais tellement affamé et je pense que j’ai fait le bon choix. »
Arrivé au FC Rouen en U19, Greg poursuit sa formation dans le club normand. « J’ai joué en équipe réserve qui était en National 2 à l’époque (CFA). Je signe mon premier contrat pro à Rouen et la troisième année quand je dois intégrer l’effectif pro, avec lequel je faisais déjà des apparitions, le club se casse la gueule et disparaît. Du coup je me retrouve libre. » En effet, en 1994, le club rouennais tombe de Division 2 en National avant de déposer le bilan l’année suivante, en 1995.
« J’allais dans les clubs qui me désiraient »

À partir de ce moment-là, le jeune milieu de terrain effectue ses choix de manière différente : « Je rebondis au Gazelec Ajaccio en National 1. J’allais dans les clubs qui me désiraient. Je ne forçais jamais mon agent à aller taper aux portes. Dès qu’il y avait un club où je sentais que j’étais désiré, j’y allais…. C’est comme ça qu’il y a eu ce choix bizarre de quitter la Série A pour aller en MLS. C’est juste que le club de l’Impact de Montréal me voulait. Ils s’étaient déplacés pour me voir. Après avec ma femme, on a eu les enfants très tôt et on voulait une culture pour eux. Aujourd’hui mes enfants parlent italien et c’est top. »
Après deux ans pleins passés en Corse, Grégory s’en va une première fois au LOSC. « Quand j’arrive du Gazelec à Lille, je sors de deux belles saisons. Le LOSC me fait signer un an avec Jean-Michel Cavalli, adjoint de Jean Fernandez. Je suis à Lille et en tant que jeune joueur, tu ne joues pas au début en pro, ils m’envoient en réserve. Un match se passe très mal et je prends 6 mois de suspension, ma saison est tronquée. Je m’étais très mal comporté. En fin de saison, le club ne m’a pas renouvelé. »
« Bari, mes plus belles années sportives »

En janvier 1998, le monégasque s’engage dans le club italien de Bari. Un club où il a évolué pendant 4 saisons en Série A sans forcément avoir du temps de jeu. Cette aventure, il la décrit comme la plus belle de sa vie. « Quand je suis arrivé à Bari, j’étais devenu professionnel. J’ai vraiment commencé mon métier de joueur pro à Bari. C’est là que j’ai compris ce qu’était l’exigence, le travail, le doute, la peur, la pression. Je suis tombé dans le truc où tu commences à avoir 2000 ou 3000 personnes qui viennent voir les entraînements, à sortir du stade après les entraînements et prendre 10 minutes pour signer des autographes et faire des photos, etc. C’est là où je me suis dit « là je suis footballeur ! ».
« La notion de travail en Italie est incommensurable par rapport à d’autres championnats, poursuit-il. Le travail physique à l’époque était incroyable, le travail tactique aussi. En arrivant à Bari, j’ai mis beaucoup de temps à accepter que je ne m’amusais plus. J’arrivais à l’entraînement, je savais que j’allais travailler physiquement et tactiquement. Les jeux Banide de Monaco (Gérard Banide, formateur à l’AS Monaco, Ndlr), c’était presque fini. Par contre, tu avais la chance tous les week-ends de jouer contre les meilleurs joueurs du monde. C’était exceptionnel. Même si je n’ai jamais été un titulaire à Bari, je me comportais toujours de la sorte. Je savais que je n’allais pas jouer mais à l’entraînement, je ne lâchais pour être là quand le coach ferait appel à moi. »

« J’ai peut-être fait une petite erreur en restant autant de temps. J’aurais peut-être dû partir en Série B, jouer, me faire mon nom en Italie. Mais j’étais tellement pris par le fait de vouloir y arriver, de vouloir m’imposer en Série A. Je ne regrette rien mais après 4 ans, il y n’avait pas beaucoup de temps de jeu, juste 300 présences sur le banc, ou sur la feuille de match. En Italie, à l’époque, tu pouvais avoir 20 joueurs, quasiment tout le groupe. Tous les week-ends je vivais des moments de rêve dans les plus beaux stades d’Europe. Mais peut être que si c’était à refaire, j’aurais plus écouté mon père et mon agent qui me disaient « Va te faire de la cerise en Série B, va marquer des buts et tu reviendras à Bari après », mais comme j’étais une tête dure, j’ai voulu m’imposer. Je ne regrette rien. »
« Les Etats-Unis, un cadre de vie exceptionnel »

À la surprise générale, en 2001, Grégory Campi s’engage à l’Impact de Montréal pour évoluer en MLS. « J’ai signé là-bas parce que je n’avais pas beaucoup de temps de jeu à Bari. J’avais tellement envie de jouer que le premier club où j’ai senti qu’on voulait me faire jouer, j’y suis allé, et c’était l’Impact de Montréal. Je suis arrivé blessé là-bas, je suis revenu trop tôt parce qu’on était en galère de résultats. J’ai repris et je n’ai pas fait la saison que je voulais, un peu parce que j’ai eu du mal à revenir, aussi parce que je me disais que je n’avais pas forcément fait le bon choix. Le choc thermique est incroyable. T’arrives de Série A et tu passes d’un des meilleurs entraîneurs italiens à …. pas tout à fait un prof de gym, mais presque… Maintenant, c’est très structuré là-bas. A l’époque dans les années 2000, les entraîneurs, c’était des Américains. Nous, c’était un Canadien. C’était compliqué. Il n’y avait pas la structure professionnelle que je m’attendais à avoir, le niveau technique encore moins. Ils rattrapaient tout ça par les contrats, l’argent et la vie. Le cadre de vie était exceptionnel. »
Malgré deux ans de contrat, Greg demande à être libéré après une saison pour rebondir en Europe.
« Je passe d’un effectif de Série A à jouer à Schiltigheim ! »

Après une quatrième opération au même genou, le monégasque s’engage tout de même avec le LOSC. « Je reviens à Lille après Montréal. Il n’y avait plus un seul dirigeant de l’époque (rires). Je suis revenu avec Claude Puel et Laurent Roussey. J’ai passé une très très belle année mais pareil, ce fut difficile de m’imposer. Sur le moment, je le vis super mal mais je ne lâche rien et si je dois citer une de mes plus belles saisons, c’est celle-là. C’est une saison incroyable. A chaque fois que le coach m’envoyait en réserve, j’y allais bien que quelque temps avant, j’étais dans un effectif de Série A. Là, je me retrouvais à aller jouer à Schiltigheim, à Fleury, etc. Je marque une vingtaine de buts en CFA malgré tout. Claude Puel me fait jouer 4-5 matchs mais je ne lâche rien jusqu’au dernier jour. Ça a été une grande fierté pour moi de me dire « Putain, le coach il t’a fait voir le diable mais toi, t’as jamais rien lâché ». Je m’étais fait opérer pour la quatrième fois du même genou entre Montréal et Lille donc c’est vrai que Lille avait tenté un coup et je pense qu’ils étaient restés sur ça aussi. Sur le fait que j’étais un joueur un peu handicapé. Mais je ne voulais pas entendre parler de ça. C’était l’époque où Lille avait des joueurs de fou (Cheyrou, Bodmer, Moussilou), c’était compliqué mais pas de regrets. »
« A la Louvière, une équipe de mercenaires »
Finalement, c’est en Belgique, à 29 ans, que Greg Campi retrouve du temps de jeu à haut niveau. En 2004, il s’engage à La Louvière en première division Belge (Jupiter Pro League). Il compte 11 titularisations en championnat lors d’une saison riche en émotions. « Je retrouve beaucoup de temps de jeu, avec un coach, Albert Cartier, qui me correspondait, très agressif, qui ne lâchait rien, et des entraînements durs. Forcément, tu joues comme tu t’entraînes et à l’entraînement, c’était des combats. Le coach avait voulu faire une équipe de mercenaires, des joueurs de qualité mais qui avaient galéré comme moi, Gunter Van Handenhoven, Mario Espartero, Wagneau Eloi, Silvio Proto. À Noël, on est premier, on va en demi-finale de la coupe de Belgique, on vit une saison incroyable. »
« Monaco c’est 2 km² »

Sa carrière de joueur pleine de rebondissements Greg, il l’achève à Sanremo, en Italie, à 25 kilomètres de Monaco. « J’ai fini là-bas, en Série C, parce que j’avais un kiffe : c’était de jouer à côté de chez moi. C’est à 20 minutes de Monaco, et ce kiffe de partir de chez moi le matin, aller faire mon métier et revenir le soir tout en faisant ma passion et mon métier, il fallait que je le fasse. »
Grégory Campi peut également se considérer comme international. Il compte 4 sélections avec l’équipe de la principauté. « Il y a la sélection nationale monégasque. On ne joue jamais rien parce que ce ne sont pas des footballeurs, ce sont des mecs qui bossent. Par exemple il y a un championnat à Andorre. Monaco, non, c’est 2 km². La sélection nationale existe toujours. Ils m’avaient invité à jouer. Ce ne sont que des amis, on se connait tous. Ça a été une super expérience. On avait joué contre le Vatican mais je peux dire que je suis international (rires). C’est sympa de te retrouver avec tes copains avec qui tu as grandi sur un match international. »
« En France, c’est « Oui mais… » »
Après tous ses voyages, il peut désormais avoir du recul sur le football pratiqué dans les différents pays. « Les mentalités changent complètement selon les pays. L’Italie, c’est vraiment un football malin, vicieux, physique. La Belgique, c’est le don de soi, c’est à l’anglaise, « kick and rush » pendant 95 minutes, ça court, ça défend, ça attaque. La MLS, c’est plus fantaisiste, technique. Là où je me retrouve le moins c’est en France. La France, c’est le « Oui mais ». Le coach dit un truc, le français dit « oui mais ». Je suis comme ça en tant qu’entraîneur : si je te dis que c’est bleu, c’est bleu. Je suis ton référent. Si j’ai un référent et qu’il me dit que c’est bleu, je dois lui faire confiance, il n’y a pas de « Oui mais ». Encore aujourd’hui tu ne retrouves pas ça. Il n’y a pas ce cadre en France. Alors que dans les autres pays où j’ai joué, il y a un cadre, un respect des consignes. »
« Ces années d’amateurisme vont m’aider au plus haut »

La saison passée, Grégory Campi fut entraîneur adjoint de l’équipe de National 2 à Thonon Evian Grand Genève, aux côtés du coach Bryan Bergougnoux.
« Quand j’ai commencé à comprendre qu’une équipe pouvait me ressembler, j’ai compris que je voulais être coach. J’ai compris ça quand j’ai commencé à entraîner. Quand je jouais, je ne voulais pas devenir entraîneur. Ma première expérience, je l’ai eue à l’AS Monaco, avec l’équipe 3 du club. On a fait 3 montées et on a gagné deux coupes de la Côte d’Azur. C’est l’équipe Une de l’Association ASMFC. On est montés jusqu’en Régional 1. La première année, le président de l’association me demande de récupérer l’équipe qui était à l’époque en PHB. J’ai fait appel à mes amis anciens pros, comme Stéphane Porato ou Jan Koller pour venir m’aider et prendre encore du plaisir. Et après, sont venus se greffer Gaël Givet, Ludovic Giuly, etc. Une sacrée équipe ! On est monté et là j’ai passé mes diplômes. Je veux aller le plus haut où je peux aller, en faisant les choses proprement, en ne brûlant pas les étapes. Je suis très fier de ça. J’ai commencé en 2011 et chaque année je fais un « step » plus haut. C’est une fierté parce que je pense que si j’ai la chance d’aller au haut niveau, toutes ces années d’amateurisme vont m’aider dans la gestion humaine. »
« Les jeunes pensent plus à leur téléphone qu’à gagner des matchs »

Désormais, à 48 ans, il observe avec recul l’évolution dans le football. « Les générations de jeunes ont évolué. Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas conscience de ce que c’est que de perdre un match. Quand je perdais un match, à l’époque, j’avais honte de regarder ma femme et mes enfants dans les yeux. Je l’ai encore aujourd’hui. Mais les jeunes d’aujourd’hui, eux, ce n’est pas leur faute… C’est les nouvelles générations : ils pensent plus à leur téléphone qu’à être sur le terrain pour gagner des matchs. Une descente pour un club, c’est un drame et les jeunes n’en ont pas conscience. Comme ils n’ont pas conscience qu’un titre pour un club, gagner quelque chose, à n’importe quel niveau, c’est exceptionnel. Techniquement, l’aspect physique a également évolué. Nous on était des sportifs de haut niveau mais aujourd’hui c’est des athlètes les mecs. A l’époque, tu jouais contre Ronaldo ou Thierry Henry, ils allaient vite mais t’en avais qu’un ou deux qui allaient vite. Aujourd’hui ils vont tous vite ! Dans une équipe de 10 joueurs, même le gardien va vite. A l’époque nos gardiens, c’était 1m80-85 maximum. Tous les gardiens avec qui j’ai joué, pas un ne dépassait 1m90 et aujourd’hui ils font tous plus d’1m90. »
Grégory Campi, du tac au tac
Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon premier match en Série A Naples – Bari (2-2), le 16 mai 1998. Je rentre à la mi-temps c’était incroyable.

Ton pire souvenir sportif ?
C’était la demi-finale de la Coupe de Belgique. Je jouais à La Louvière contre le FC Bruges. Elle m’a fait mal parce que dans toute ma carrière, je n’avais jamais joué de finale et là, en Belgique, j’étais en fin de carrière. Je la voulais tellement cette finale. Quand t’arrives en demi, il ne te reste qu’un match, tu joues le FC Bruges à la maison qui eux jouaient le titre en championnat. Ils n’avaient pas mis une équipe type. J’étais capitaine sur ce match là et on perd (1-0). Je m’étais projeté avant le match au stade du Roi Baudouin pour la finale mais trop se projeter ce n’est pas bon. La chute est terrible.
Tu as marqué combien de buts dans ta carrière ?
Je n’en ai pas mis beaucoup. J’en ai mis beaucoup en National à l’époque au Gazelec d’Ajaccio de 18 à 20 ans. Quand je suis monté en pro, j’ai marqué avec Bari en Coupe d’Italie contre Parme, jamais en championnat. En Coupe de France avec Lille. A La Louvière j’en ai mis deux en championnat.

Ton plus beau but ?
Je l’ai marqué en réserve avec Lille, c’était un coup-franc pleine lucarne de 35 mètres.
Ton poste préféré sur le terrain ?
Milieu offensif.
Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Je n’ai pas choisi, je n’avais pas d’autre option, j’allais être footballeur. J’étais tellement passionné, je ne me suis jamais projeté pour faire autre chose que du foot.
Ton geste technique préféré ?
Le tacle.
Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Le défaut de mes qualités : l’agressivité.
L’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
Bari en Série A, avec des joueurs champions du monde en 2006 ; Cassano, Zambrotta, Perrotta. Il y avait des champions du monde allemands comme Thomas Doll. Klas Ingesson aussi. Il n’y avait que des gentlemen. Quatre ans à Bari, ça a été les plus belles années de ma vie.
Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
A l’époque, la Juventus de Turin.

Un match qui t’a marqué ?
Une grosse bagarre générale à Mezzavia en National avec le Gazelec d’Ajaccio contre Lyon – la Duchère, en 1995. Je débarquais du centre de formation de Rouen et j’arrivais au Gazelec. Je suis tout jeune. Je vois ce match à Mezzavia qu’il fallait qu’on gagne et les Corses, à l’époque, quand il fallait gagner un match… J’avais été impressionné par ce qu’ils avaient mis en œuvre pour gagner le match. A l’époque on pouvait se permettre des choses qu’on ne peut plus maintenant avec les caméras et les micros.
Un coéquipier qui t’a marqué ?
Benoît Cheyrou au LOSC. Il m’a marqué par sa gentillesse et en terme football le mec savait tout faire. Tu ne restes pas 7 ou 8 ans à l’OM titulaire si tu ne sais pas tout faire et Benoît, que cela soit pied droit pied gauche, offensif, défensif…

Footballistiquement, il m’avait impressionné. C’est plus un joueur de l’ombre. Phil Masinga à Bari m’a marqué en terme de prestance. C’était l’attaquant Sud-Africain. Quand il arrivait dans le vestiaire ou sur le terrain, t’avais presque envie de le vouvoyer. Il m’avait pris sous son aile et pendant 4 ans on a vécu de très belles choses.
Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Ronaldo (le Brésilien). Quand il était à l’Inter. Le deuxième qui m’a impressionné est très loin derrière, il n’y a pas photo. J’ai joué 4 ans contre l’Inter, je n’ai pas eu la chance de faire ne serait-ce qu’une minute mais du banc je bavais. Le mec incroyable, un joueur aussi fort, je ne savais pas que ça pouvait exister. D’être déjà sur la même feuille de match que lui pour moi c’était un truc de fou. Après t’avais Zidane, on avait échangé le maillot c’était top, mais R9 c’était au-dessus largement.

Un coach que tu aimerais revoir ?
Eugenio Fascetti, l’entraîneur de Bari. Il m’a fait démarrer au très haut niveau. Il était déjà âgé à l’époque, il est resté 7 ans à Bari il a fait monter le club et l’a maintenu en Serie A pendant des années. Il a sorti des joueurs comme Cassano, Zambrotta. Aujourd’hui, on s’envoie de temps en temps des messages mais ça serait un plaisir d’aller parler avec lui. A l’époque c’était la Bible du football italien.
Une causerie de coach marquante ?
J’aimais bien les réunions d’avant match de Claude Puel (LOSC). C’était carré. On savait de A à Z ce qu’on devait faire ; pas de fioritures, pas de mots superflus. Que des mots pesés. Ça ne durait pas longtemps mais en termes de motivation, il est pas mal. Laurent Roussey était son adjoint, c’était une doublette incroyable par rapport à ça.
Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
De ne pas prendre de cartons. Je n’ai jamais compris et je ne dirai jamais à un joueur à moi de ne pas prendre de carton. Je prenais beaucoup de cartons mais je ne comprenais pas pourquoi on me disait ça. Si tu me dis de ne pas en prendre, je ne vais pas jouer avec mes qualités. C’est comme si je dis à un dribbleur de ne pas dribbler.

Une anecdote de vestiaire ?
À Bari, Antonio Cassano était dans le groupe, il commençait un peu à éclore. On avait aussi Phil Masinga avec nous. C’étaient les deux attaquants. On avait la salle de soin séparée d’un mur de la salle de sport. En Italie, tu ne t’échauffes pas sur le terrain mais en salle. En haut du mur, il y avait des vitres. Phil était en train de se faire masser. C’était l’avant dernier match on jouait Parme à la maison, il fallait absolument une victoire pour se sauver (1999-2000). Notre force, c’était Phil, meilleur buteur. Antonio s’échauffe en salle avec le ballon, il met une grosse frappe et le ballon part sur la vitre en haut, elle se casse. De l’autre côté il y avait Phil qui se faisait masser, les bouts de verre lui rentrent dans les jambes, il ne peut pas jouer. On perd le match mais on gagne notre maintien le week-end d’après contre l’AC Milan.
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Jérôme Rothen.
Une devise un dicton ?
Tu ne peux pas forcer les gens à t’aimer mais tu peux les forcer à te craindre.
Tu étais un joueur plutôt…

…agressif.
Un modèle de joueur ?
Claude Puel.
Une idole de jeunesse ?
Maradona.
Un plat une boisson ?
Pâtes sauce tomate basilic et un verre d’eau.
Tes loisirs ?
Golf, surf, et je joue de batterie.
Un film culte ?
Rocky.
Le monde du football en deux mots ?
Une pourriture mais addictif.
Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO
Photos : Thonon Evian Grand Genève et DR
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Humilité, lucidité, humanité. Ce sont les mots qui résument le mieux Cédric Hengbart. Celui qui est aujourd’hui entraîneur de Blois, en National 2, a pourtant arpenté de nombreux terrains de Ligue 1, Ligue 2, et quelques-unes des plus célèbres pelouses européennes en Ligue des Champions.
France Universitaire m’a fait connaître aux yeux du Stade Malherbe de Caen. C’était une très belle période, et je suis content de l’avoir vécue. Aujourd’hui, on en demande beaucoup aux jeunes dans le monde pro, on ne les laisse pas vivre leur vie à côté. Moi, j’ai pu faire les deux, mener ma vie d’étudiant, avec tous les bons et mauvais côtés de l’étudiant (sourire), de jeune, les partiels, les cours, et puis les entraînements, ce qui a développé ce que je suis aussi aujourd’hui. On doit arrêter de mettre les joueurs dans des cases de footballeurs comme on le fait actuellement, de dire ce qu’il faut faire et ne pas faire. Je pense qu’on peut faire autrement, j’en suis un exemple.
C’est une belle partie de ma vie, Caen. J’ai toujours aimé ce club, je m’y suis toujours senti bien. J’ai toujours joué, assez performant, en donnant sans tricher, comme lors toute ma carrière. J’ai tout connu avec Malherbe : deux montées, une descente, une finale de Coupe de la Ligue, des moments importants et des groupes extraordinaires. J’essaie aussi de m’appuyer là-dessus en tant qu’entraîneur maintenant. C’est-à-dire que j’ai connu des groupes où on allait manger ensemble le mercredi, le samedi après le match, où les joueurs, les familles, les épouses, les parents, tout le monde venait, et dans ces moments, il y avait autre chose que le football, on avait créé une famille. Quand on se retrouve aujourd’hui, c’est comme si on ne s’était pas quittés. On n’était peut-être pas la meilleure équipe techniquement, mais en termes de solidarité, je pense qu’on était l’une des meilleures.
A Caen, on descend en L2 en 2005. Mon but était de faire remonter le club en L1, de le stabiliser, ce qu’on a réussi. J’ai pu partir sereinement, en plus dans une période où j’étais au club depuis longtemps, où j’avais besoin de partir pour me rebooster, d’aller tenter. Comme j’avais laissé le club en Ligue 1, je me disais que je pouvais partir. On me propose Auxerre, je me suis dit que ça me correspondait bien, un club familial, avec un super passé, même s’ils n’étaient pas au top en championnat. Jean Fernandez, l’entraîneur, m’appelle, tout se fait assez rapidement. Je signe et j’enchaîne sur cinq saisons dont deux-trois très belles, jusqu’à, malheureusement, une nouvelle descente. Mais là encore, aucun regret dans ce choix, car j’ai connu mes plus beaux moments de footballeur. J’ai évolué au plus haut niveau où je pouvais jouer, en Ligue des champions. Huit ans avant, j’étais étudiant en STAPS et je jouais en DH (R1) !
Ouais, c’est ça. Après, quand on parle de notre équipe maintenant, on dit qu’il y avait des grands joueurs car on a fait de belles carrières, mais à l’époque on était beaucoup de joueurs « de Ligue 1 », sans dénigrer. Hormis Benoît Pedretti, le reste, moi-même, Olivier Sorin, Stéphane Grichting et Jean-Pascal Mignot derrière, Coulibaly, Niculae devant, qui venait de Roumanie, Valter Birsa au milieu… Des joueurs avec un bon niveau en L1, mais pas non plus des grandes stars. Et qui allaient faire face à des stars. C’est la première fois qu’on partait l’avant-veille du match d’ailleurs. On visitait la ville la veille, on prenait nos repères, on découvrait un peu d’autres cultures. On ne le faisait jamais avant. Quand on est joueur, on ne voit rien des autres villes, on arrive le jour du match, on va au stade, et on joue. Là, on avait deux jours pour voir, bon, pas grand-chose, mais quand même ! C’était fantastique, de voir l’Amsterdam Arena, San Siro, le Bernabeu, on pouvait ressentir les choses en arpentant ces stades en prenant nos marques. On a pu savourer les deux facettes, le match et les villes, les stades.
Déjà, c’est une fierté. Après tout ce qu’on a dit, d’où je suis parti, où je suis arrivé, je trouve que ça montre que le travail paie, mais également la réussite, car il y a une part de chance, d’être là au bon moment. Il y a ce côté régularité aussi, car je n’étais peut-être pas un des meilleurs joueurs, je n’avais pas de grosses qualités, mais pas de gros défauts non plus. Par contre j’arrivais à performer dans l’environnement où j’étais. Je suis sûr que si j’avais pu m’entraîner avec le Real Madrid, j’aurais pu me débrouiller. Alors, ne pas être un joueur extraordinaire, pareil, mais j’aurais réussi à me fondre dans le moule. Quand on regarde mon nombre de matches, où je suis arrivé, je pense que je m’en suis bien sorti. Quand j’ai eu une présélection en équipe de France, tout le monde me disait « Tu mérites d’avoir une sélection ». Mais moi, je ne trouvais pas. Les latéraux à ma place étaient meilleurs que moi. Ce n’est pas me dévaluer, je le pense vraiment. Rod Fanni était meilleur, Mathieu Debuchy a fait une belle carrière, et il y avait bien sûr Bacary Sagna. Mathieu Chalmé était aussi au-dessus avec son expérience. Être présélectionné mais pas sélectionné, je trouvais ça normal, c’était déjà une fierté d’avoir ça. Et puis je crois que les gens s’identifiaient à moi à un moment où la Ligue 1 commençait vraiment à se stariser, entre guillemets, et j’étais le joueur qui mouillait le maillot, sans le côté starlette, les gens se référençaient à nous, joueurs d’Auxerre.
C’est ça. J’avais la même approche avant d’y aller. On voit des trucs à la télé, la misère, on se dit « Mince, qu’est-ce que c’est comme vie là-bas ? ». Sur place, il y a des gens très riches et d’autres très pauvres, tout le monde est mélangé, il n’y a pas de trottoirs, avec beaucoup de poussière, de saleté. Mais à côté de ça, il y a des gens qui sont extraordinaires, prêts à te donner plein de choses alors qu’ils n’ont rien. Il y a une simplicité qui est plus marquée que par chez nous. C’est ce que je disais à mon fils de 17 ans à l’époque : « Viens voir ce que c’est que d’avoir des vrais problèmes ». On a un recul sur la vie qui est plus important en allant là-bas, quand on voit comment ils vivent. Tout ça est un peu un choc, mais c’est autant enrichissant que déboussolant, c’est à vif, on ne reste pas indifférent à l’homme. Tout se bouscule : les sentiments où on pense « J’ai envie de rentrer » et les jours où on se dit que le pays est génial. Ce n’est que ça, en alternance, mais au moins il y a quelque chose qui se crée. Et en revenant en France, le sentiment qui prédomine c’est qu’on a vécu des choses incroyables qu’on ne vivra pas ailleurs.
Après l’Inde, je n’ai pas voulu arrêter totalement pour garder le rythme, comme je vieillissais. Je ne connaissais pas Malte, son football, l’île, ce pays… Donc voilà, j’y vais. Arrivé sur place, j’admets que je pensais que ça serait plus professionnel que ça. J’ai débarqué à l’entraînement en jean, m’attendant à ce que des affaires me soient fournies, mais non ! Bon, ils en ont quand même trouvé (sourire). Les entraînements étaient le soir, à 18h, car la majorité des joueurs, amateurs, travaillaient. Ils arrivaient en tenue de travail, se changeaient vite, direction l’entraînement, puis ils repartaient sans se doucher car ils avaient une vie de famille, bossaient le lendemain à 7 heures… C’était différent, je revenais un peu dans le monde amateur. Mais pareil, j’en garde ce côté humain, j’ai connu des gens, visité l’île, qui ne fait que 30km, sur le peu de temps où je suis resté. On a maintenu le club en première division, et j’ai fini ma carrière là-dessus. Je ne suis finalement pas reparti en Inde, car ils me proposaient dix mois et je ne me voyais pas repartir aussi longtemps, cela n’allait pas très bien dans mon couple. J’ai donc choisi d’arrêter ma carrière comme ça.
Quand j’étais à Caen et que je passais mon diplôme, j’allais voir d’autres adjoints, j’apprenais, mais au bout d’un moment, j’ai senti que je devais en repasser par la base. J’ai donc postulé dans des clubs de N2 et N3. Le but, c’était de partir d’en bas, de trouver un temps plein, de travailler sur du long terme. Le président François Jacob m’a donné cette opportunité à Blois, avec un championnat qui allait se durcir, des descentes plus nombreuses. On a maintenu le club la saison passée, sur une base de travail où je fais comme si on était en pro. J’ai beaucoup de joueurs qui veulent peut-être un jour revenir dans le monde pro, qui sont passés par les centres de formation. C’est à moi de les emmener dans mon projet, et je crois que je ne m’en tire pas trop mal. On avance avec des valeurs de travail et aujourd’hui on s’en sort grâce à ça.
Je veux des hommes qui soient bien dans un groupe, pour commencer. Je m’appuie sur mon expérience, il faut de l’humain, un groupe de copains, pour aller loin. Derrière ça, le foot doit rester simple pour moi, on le complique trop souvent. Johan Cruyff disait que le plus dur dans le football, c’est de le rendre simple. C’est ce que je demande à mes joueurs : contrôle, passe, des déplacements, de l’intelligence, du positionnement, de jouer un football simple, mais efficace. Je reste aussi quelqu’un de simple, même en dehors du terrain, il ne faut pas se prendre pour d’autres, je remets mes joueurs à leur place si ce n’est pas le cas et qu’ils se prennent pour des stars. Ce que j’essaie également de leur faire comprendre, c’est qu’il y a plus grave que le football. Que si on perd, il faut comprendre pourquoi on a perdu ce match, travailler, que oui le foot est important, mais que ce n’est pas la fin du monde, il y a d’autres choses à côté.
J en ai tellement ! Difficile d’en sortir un. Je dirais le dernier match contre Sochaux (saison 2009/10) et donc la qualification en Ligue des champions avec en plus deux buts de ma part (dont le second à la 90e !). Comme quoi dans le foot tout est possible !



























