L’histoire d’un club passé par tous les états depuis 30 ans, qui revient sur le devant de la scène grâce à sa campagne de coupe de France et sa place en haut de tableau en National 2. Et qui n’aspire qu’à une chose : sortir de sa longue traversée du désert et retrouver son lustre d’antan.
Par Anthony BOYER / Photos AS Cannes et Kevin Mesa
La « vieille » tribune Ouest du stade Coubertin.
Cannes qui pleure. Cannes qui rit.
Cannes qui pleure, parce que, quelques instants avant le quart-de-finale de la coupe de France face à Guingamp, mardi soir, et alors que le stade Coubertin était en train de sagement se remplir, dans un calme contrastant avec le vacarme mis par les 200 supporters de « Cannes 1902 » sur le parking des VIP, l’on venait d’apprendre – incroyable destin – le décès de Bernard Brochand, l’ancien maire de Cannes, à l’âge de 86 ans.
Brochand, en plus d’être l’un des instigateurs de la chaîne Canal + en 1984, passé par le PSG (il fut président de l’association), fut aussi cet ancien joueur de l’AS Cannes et amoureux du club avec lequel il avait remporté, en 1955, l’une des deux coupes Gambardella inscrites au palmarès des Dragons (la deuxième date de 1995). La minute d’applaudissements respectée avant le coup d’envoi de cette partie rajouta de l’émotion à une autre émotion, celle de vivre un quart-de-finale à la maison.
La revanche de 2014
Julien Domingues face à Dives-Cabourg
Cannes qui rit, exulte, communie, chante, danse, partage, rêve et profite. Cueille le jour. Fait plaisir à voir.
Cannes qui prend sa revanche sur 2014 et élimine Guingamp de sa route (les deux clubs s’étaient affrontés au même stade de la compétition), à la loyale (3-1), pour se retrouver, trois ans après un autre club de National 2 (Versailles), quatre ans après Rumilly-Vallières, en demi-finale de la coupe de France. En demi-finale ! Un seul club de ce niveau a fait mieux : c’est Calais, le 7 mai 2000, battu en finale à la 90e minute par Nantes (2-1).
Le temps a passé mais l’histoire reste. L’histoire, c’est aussi ce Cannes-Guingamp en coupe de France, il y a 11 ans. Un match « spécial ». Avec d’un côté, des dirigeants azuréens qui en voulaient à la FFF. Et de l’autre, Noël Le Graët, ancien président de la FFF (et ancien maire de Guingamp et ex-président de l’En Avant), coupable selon la famille Fakhri, propriétaire du club azuréen (de 2009 à 2014), d’avoir injustement « rétrogradé » l’AS Cannes de National en CFA trois ans plus tôt, en 2011, au motif que les comptes n’étaient pas abondés au 30 juin. Ils le seront, mais plus tard, en juillet. Trop tard…
De CFA en DHR
Après trois saisons de CFA, un train de vie au-dessus de la moyenne à ce niveau et une campagne de coupe aussi inoubliable que l’actuelle (Troyes, Montpellier et Saint-Etienne ont été éliminés à Coubertin !), la famille Fakhri, amputée du patriarche, Saïd, décédé en février 2014, peu de temps avant ce fameux Cannes-Guingamp, mettait la clé sous la porte et rappelait qu’elle avait dépensé 18 millions d’euros en 5 ans.
Cannes qui pleure, Cannes qui rit : cela pourrait être le titre de l’histoire, tant le club de La Croisette est tombé bas. Tant il est passé tous les états depuis 15 ans. Depuis 30 ans même, si l’on tient compte des 11 années de galère en National, de 2001, année de la descente de Ligue 2, jusqu’en 2011 2 (en Division 1, la dernière saison remonte à l’exercice 1997-1998). Tant les Dragons sont tombés bas, jusqu’en DHR (Régional 2) en 2014 donc, après avoir volé très haut et côtoyé l’Europe (en 1990/91 et en 1994/95).
17 mai 2002, le virage manqué face à Valence
Il suffit de jeter un oeil aux « grandes » dates du club fondé en 1902, vainqueur de la coupe de France en 1932, demi-finaliste pour la dernière fois en 1992 (battu par l’AS Monaco), pour comprendre ce qui lui est arrivé, pour voir tous les sommets qu’il a gravis et toutes les mésaventures qu’il a subies. Comme celle, inoubliable, du 17 mai 2002 : pour beaucoup, c’est « LA » date qui a changé le cours de son histoire. Ce jour-là, si Cannes bat Valence à Coubertin, c’est le retour immédiat en Ligue 2… Mais l’équipe s’incline 2-1, et Valence, avec Steeve Elana dans les cages, monte. Le club azuréen ne s’en remettra jamais.
Cannes et son passé. Cannes et son Histoire. Cannes et sa culture. Cannes et sa marque, façonnée sur la scène mondiale, grâce à son Festival, ses congrès, ses boutiques de luxe, ses plages, son soleil, ses voitures de luxe, sa clientèle, ses touristes, ses casinos, etc.
Cannes et son équipe de football aussi, qui a vu éclore des dizaines et des dizaines de joueurs professionnels, issus de son centre de formation longtemps référence en France. On ne va pas tous les citer, vous les connaissez déjà. Leurs noms reviennent à chaque fois que l’équipe refait parler d’elle. S’il ne faut pas tourner le dos au passé ni vivre avec, il faut simplement le respecter et s’en souvenir, s’en inspirer et prendre ça comme une fierté, pour avancer.
Le plaisir retrouvé des spectateurs
Cheikh Ndoye
Oui, l’AS Cannes fut au sommet de la Division 1 et a vu d’incroyables joueurs porter le célèbre maillot jaune « Maison Phoenix » ou le maillot rouge et blanc, mais aujourd’hui, il est ce de 4e niveau, certes leader – en sursis (1) – de son championnat de National 2, demi-finaliste de la coupe de France (ce qui ne lui était plus arrivé depuis le Cannes-Monaco de 1992), et il n’a encore rien gagné, si ce n’est le coeur et l’amour retrouvé des 9000 spectateurs présents mardi soir à Coubertin face à Guingamp. Des spectateurs qui ont pris un plaisir fou à voir jouer cette équipe qui court partout. Qui se bat de la première à la dernière seconde. Qui attaque à outrance. Qui a une réussite insolente. Qui met une intensité telle qu’elle en surprend ses adversaires, qu’ils soient leaders de Ligue 2 (Lorient), barragiste pour la montée en L1 (Guingamp donc, 5e) ou en milieu de tableau de L2 (Grenoble). Et ça, c’est la marque Damien Ott.
Arrivé sur le banc des Azuréens le 14 octobre, une semaine après l’éviction de Fabien Pujo, l’entraîneur Alsasien – il est domicilié à Colmar – a transformé le visage d’une équipe en panne de confiance, de repères, d’automatismes.
Peu de temps après son éviction, Fabien Pujo, qui a déjà fait grimper Toulon (en 2019) et GOAL (en 2023) de N2 en National, avait eu cette remarque au sujet de l’objectif annoncé : « Je savais qu’on devait monter en National, mais ce que je ne savais pas, c’est que l’on devait être premiers du début à la fin de la saison » avait-il confié au site foot-national en novembre, prenant l’exemple de Toulon, 11e à mi-saison quand il officiait dans le Var (en 2018-2019), avant de terminer en tête.
Julien Domingues affole les compteurs
Damien Ott
Du temps, c’est qu’il a manqué à Pujo, mais pas seulement. Le recrutement l’a montré, des erreurs ont été commises. Des joueurs ne se sont pas adaptés ou n’ont pas répondu aux attentes, ça arrive partout. L’on pense au gardien Arnaud Balijon ou à l’attaquant Florian Raspentino. Il a suffi d’un but, un jour, de Julien Domingues, au club depuis quatre saisons, heureux papa l’été dernier, pour bousculer une hiérarchie d’attaquants pas du tout établie. A tel point que la recrue phare du mois du 1er octobre, le milieu Cheikh Ndoye, arrivé du Red Star avec son passé d’international sénégalais et son CV (Angers, Ligue 1), a dû dépanner au poste de numéro 9.
Et puis, la machine d’un joueur supposé de complément – Julien Domingues – s’est mise en route. Un 2e but, un 3e… Puis ce 22e (11 en championnat, 11 en coupe) contre Guingamp mardi, d’un petit ballon piqué devant le gardien. Efficace. Pas aussi beau que son retourné acrobatique contre Dives-Cabourg au tour précédent qui a tourné en boucle sur les réseaux sociaux ! Pas aussi esthétique que son action de la seconde période dans la surface, un magnifique mouvement en plusieurs temps sans que le ballon ne touche le sol, qui se termina dans les bras du gardien breton. Assurément le but de l’année si cela s’était terminé au fond.
Cannes-Reims en demi-finale le 2 avril à 21h
Cédric Gonçalves
Mais le but de l’année, c’est peut-être le capitaine Cédric Gonçalves qui l’a inscrit, avec ce lob du milieu du terrain ! A moins que cela ne soit cette frappe du gauche soudaine, signé Chafik Abbas : l’ex-joueur de GOAL FC, déjà auteur de 10 buts cette saison, est pourtant surveillé comme le lait sur le feu, sur le pré ou en vidéo, mais visiblement, avec lui, la réalité dépasse le virtuel.
Et puis il y a Fabio Vanni. Le second gardien. Qui ne joue pas en championnat. Parce que les dirigeants ont jeté leur dévolu sur Jérémy Aymes, qui s’est libéré de son contrat à Martigues, en Ligue 2, pour devenir le dernier rempart en National 2. Et quel rempart ! Aymes et son expérience répond présent. Vanni ne devait avoir que les miettes à se partager mais ces miettes se sont transformées en festin. Il a eu l’apéritif, l’entrée, le plat du jour. Reste le dessert, contre le Stade de Reims, le mercredi 2 avril à 21h, en demi-finale, avant, peut-être, de passer au champagne si le club va en finale.
Après tout, d’autres clubs l’ont fait avant Cannes, l’on pense aux Herbiers, club de National, finaliste en 2018, ou encore Quevilly, autre club de National, finaliste en 2012. OK, l’AS Cannes est en National 2, mais tous les observateurs s’accordent à dire que son effectif n’a rien à envier à certains de National. C’est sans doute vrai, mais cela ne garantit rien. En tout cas pas une montée, qu’il faudra aller chercher dans les trois mois qui arrivent et dans ces dix matchs qui se présentent, à commencer par celui d’Anglet (prononcez « Anglette »). Les Basques sont certes relégables mais à l’aller, ils avaient flanqué un 3 à 0 aux Cannois pour ce qui restera le dernier match de l’ère Pujo.
La dernière fois que Cannes et Reims se sont croisés, c’était lors de la saison 2009/2010, en championnat National : à l’aller, les Cannois d’Albert Emon (Bauthéac, Arbaud, Di Bartolomeo, Paulle, Gimenez, Gavanon, Leoni, Milambo, Bertin, Malm, Baldé, pour ne citer que le 11 de départ) avaient fait 0-0 à Coubertin, le 2 octobre 2009 (même score au retour). Les Champenois avaient accédé en Ligue 2 en fin de saison.
19 matchs et plus de 4 mois sans défaite
Pour ce qui est de l’ère Ott, elle n’avait pas non plus forcément bien commencé, avec ce revers – le dernier officiel – à domicile contre Hyères (1-2), le 19 octobre. Comme quoi, le changement de coach n’a pas immédiatement coïncidé avec l’obtention de meilleurs résultats.
Il fallut du reste attendre trois matchs de championnat (une défaite et deux nuls) avant que l’équipe de Damien Ott ne renoue avec le succès (dans le même temps, elle avait franchi ses tours régionaux en coupe de France). « Il a fallu ôter le sac à dos trop lourd à porter sur les épaules et ramener des sourires » expliquait Damien Ott sur le site de la FFF; » « Il y avait de la déception et de la pression. Il a fallu se laver les têtes (sic). Ensuite, il a fallu aussi replacer des joueurs à leurs postes. » Parfois, le foot paraît si simple…
Le Puy, la grosse menace
Lorenzo Vinci
Aujourd’hui, l’AS Cannes affole les compteurs. Elle reste sur dix-neuf matchs sans défaite (15 victoires et 4 nuls), toutes compétitions confondues. Mais si sa qualification pour les demi-finales de la coupe de France est magnifique, sa saison ne l’est pas encore. Elle le sera si et seulement si le National est au bout, quelque soit le résultat de la demi-finale de coupe. L’an passé, beaucoup d’observateurs – les mêmes que tout à l’heure ! – s’accordaient à dire que, si Le Puy n’était pas monté, c’est à cause de son parcours en coupe de France (1/4 de finaliste). Damien Ott n’a pas fait de comparaison mais a mis tout le monde d’accord : « On est là pour jouer, pour faire plaisir aux gens, pour gagner des matchs, on ne calcule pas ». Il n’y aura donc pas d’excuse ni d’effets post-coupe. D’autant moins qu’avant cette demi-finale, trois matchs de championnat se présentent (contre Anglet le 8 mars, à Hyères le 15 mars et contre Angoulême le 22 mars).
Ce n’est donc pas le moment de décompresser, d’autant que la meute des prétendants est là, à commencer par… Le Puy qui, large vainqueur 4 à 0 mercredi face à GOAL FC (4-0) puis trois jours plus tard, dans la douleur cette fois, face à Toulon (1-0), a mis son calendrier à jour et les compteurs à zéro… enfin, pas tout à fait : grâce à ces matchs en retard bien négociés, les joueurs de Stéphane Dief sont de nouveau leaders avec 2 points d’avance sur l’AS Cannes. Pas de place pour le relâchement donc. Le sprint final est lancé !
Naissance : fondé en 1902 Coupe de l’UEFA : deux participations (1991 et 1994) Coupe de France : vainqueur en 1932 Coupe de la la Ligue : demi-finaliste en 1996 Coupe Gambardella : vainqueur en 1955 et en 1995 Division 1 : 23 saisons Division 2 : 41 saisons National : 10 saisons
Quelques dates
1950 à 1987 : en D2 (sauf lors de la saison 1965-66) 1987 : accession en D1 aux barrages contre Sochaux. 1991 : 4e de Division 1 1991 : Cannes – Fenerbahçe en coupe d’Europe (4-0) 1993 : remontée en D1 aux barrages contre Valenciennes. 1998 : rétrogradation de D1 en Division 2 2001 : rétrogradation de Division 2 en National 2001 : inauguration de la nouvelle tribune Est
2002 : Cannes-Valence, dernière journée de National (match de la montée perdu 1-2) 2004 : perte du statut professionnel 2011 : rétrogradation administrative de National en CFA (N2) 2014 : 1/4 de finaliste de la coupe de France (éliminé par l’EA Guingamp 2-0) 2014 : liquidation judiciaire et rétrogradation de CFA (National 2) en DHR 2015 : accession en DH (Régional 1) 2017 : accession en National 3 2023 : accession en National 2 2023 : rachat par le groupe américain Friedkin
Le parcours en coupe de France cette saison
4e tour : élimine Les Angles (R2) 3-0
5e tour : élimine Villefranche-Saint-Jean-Beaulieu (N3) 2-1
6e tour : élimine Six-Fours / Le Brusc (R1) 3-1
7e tour : élimine Le Grau-du-Roi (R1) 2-0
8e tour : élimine Alès (N3) 5-1
32e de finale : élimine Grenoble (Ligue 2) 3-2
16e de finale : élimine Lorient (Ligue 2) 2-1
8e de finale : élimine Dives-Cabourg (N3) 5-3
La série d’invincibilité
3 novembre 2024 (coupe) : Six-Fours / Cannes (1-3)
9 novembre 2024 : Cannes – Fréjus/St-Raphaël (2-2)
16 novembre 2024 (coupe) : Le Grau-du-Roi – Cannes (0-2)
23 novembre 2024 : GOAL FC – Cannes (1-1)
30 novembre 2024 (coupe) : Alès – Cannes (1-5)
7 décembre 2024 : Cannes – Istres (4-1)
14 décembre 2024 : Bergerac – Cannes (1-3)
21 décembre 2024 (coupe) : Cannes – Grenoble (3-2)
4 janvier 2025 : Angoulême – Cannes (0-4)
11 Janvier 2025 : Cannes – Grasse (3-2)
15 janvier 2025 (coupe) : Cannes – Lorient (2-1)
19 janvier 2025 : Rumilly-Vallières – Cannes (1-1)
25 janvier 2025 : Cannes – Le Puy (2-1)
1er février 2025 : Cannes – Toulon (3-0)
5 février 2025 (coupe) : Cannes – Dives-Cabourg (5-3)
9 février 2025 : Jura Sud – Cannes (1-2)
15 février 2025 : Cannes – Marignane (2-2)
21 février 2024 : Saint-Priest – Cannes (1-2)
25 février 2024 (coupe) : Cannes – Guingamp (3-1)
Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos : AS Cannes et Kavin Mesa
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Le coach caladois, qui vient de fêter ses 34 ans, se réfugie derrière le travail pour palier une supposée inexpérience, alors qu’il entraîne et « bagarre » depuis tout jeune ! Portrait d’un garçon investi et ambitieux, qui n’a pour l’heure qu’un objectif en tête : conduire son club au maintien.
Par Anthony Boyer / Photos : Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech.
Avec Laurent Combarel, les premiers contacts remontent à l’été dernier, quand nous l’avions sollicité pour un entretien. Histoire de présenter l’un des nouveaux visages de ce championnat National, qui révèle tant de joueurs et de coachs.Mais le natif d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, intronisé à la tête du FC Villefranche Beaujolais en juin dernier, alors que son club venait d’être relégué en National 2, avait poliment repoussé. Mais pas décliné. Parce qu’il ne voulait pas s’égarer. Parce qu’il souhaitait consacrer toute son énergie à sa nouvelle équipe, repêchée sur le tard en National, et dont le début de saison fut extrêmement compliquée. Au point qu’elle a dû attendre la 8e journée pour enregistrer sa première victoire, face au FC Rouen (2-1).
Généralement, l’on ne se remet pas d’un tel retard à l’allumage. Mais au FC Villefranche Beaujolais, on n’en a vu d’autres. Le club a grandi, traversé bien des turbulences, connu des périodes plus fastes aussi, il est blindé. Et il a relevé la tête. Manque juste aujourd’hui un peu plus de régularité dans les performances pour aller décrocher ce fameux maintien en National et repartir la saison prochaine pour un 8e exercice de rang.
« J’aime que le travail soit reconnu »
Photo Philippe Le Brech.
Laurent Combarel ne souhaitait pas non plus prendre toute la lumière des projecteurs, d’autant moins qu’avec ce statut de « plus jeune entraîneur de National » (33 ans en juin dernier, 34 ans depuis le 13 février), il se savait « un peu » attendu.
Et puis, faire de la « com, », parler pour parler, donner des interviews, parler de soi, se voir sur les réseaux sociaux ou y consacrer du temps, ce n’est pas trop son truc. « Il faut maîtriser un peu sa communication. Je ne voulais pas qu’on dise « Lui ça y est, il arrive, il a un article ! », non ! J’aime que le travail soit mis en avant », explique, après coup, celui qui fut déjà adjoint en N2 et en National au FCVB (2017-2019), à Bastia-Borgo (2019-2021) et à nouveau ici. « J’ai des choses à dire, c’est vrai, mais je préfère lire ces choses-là chez les autres coachs plutôt que de me lire moi ! Et je préfère ne pas me voir dessus ! Je pense qu’il faut rester à sa place. »
Toujours au sujet de la com’ : « J’aime bien regarder les conf’ de Benoit Tavenot (entraîneur du SC Bastia). Il n’a pas de stratégie de communication, mais il fait passer des messages. En même temps, on sent que ce n’est pas sa tasse de thé. On sent qu’il parle comme il est dans la vie, c’est ça qui est important. La communication est une étape obligatoire. Là, en National, l’exposition est déjà importante ».
Quatre victoires en cinq matchs
Photo Philippe Le Brech.
Laurent Combarel, son truc à lui, c’est le foot. C’est l’investissement qu’il met du matin, très tôt, jusqu’au soir, très tard. Un engagement personnel qui ne laisse pas beaucoup de place pour le reste. Un choix de vie en somme. Presque une religion.
Il n’est pas là pour s’entendre dire à longueur de temps qu’il est le plus beau ou le plus fort, ou qu’il est le plus jeune des entraîneurs de National (il rend un an à Jordan Gonzalez, 35 ans, coach du FC Versailles). Il est là pour une mission, celle que lui ont confié les dirigeants du FC Villefranche Beaujolais : le maintien.
Il est là aussi pour progresser, s’enrichir, continuer d’apprendre. Gagner en expérience. Pour, un jour, s’il va plus haut, être encore mieux armé. C’est ce qui ressort de cet entretien de 45 bonnes minutes, trouvées au milieu d’un emploi du temps chargé.
Laurent Combarel est un garçon érudit, focus, ambitieux, mesuré, travailleur, compétiteur, réservé, avec ses certitudes et ses doutes. Tantôt sur la réserve, tantôt bavard. Qui ne se livre pas facilement, même si, au fil de l’entretien, la relation de confiance va s’installer. Que l’on sent préoccupé aussi par le classement de son équipe, même si, après trois succès succès de rang (et quatre succès sur les cinq derniers matchs), ça va beaucoup mieux (le FCVB est 9e sur 17, avec 6 points d’avance sur le premier relégable). Et qui s’était imaginé un jour devenir journaliste sportif ! Mais ça, c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, il est certain d’une chose : il a trouvé sa voie. Reste à prendre le bon chemin !
Interview / « Mes week-ends sont merdiques »
Photo Philippe Le Brech.
Laurent, comment devient-on, à 33 ans, coach en National ?
On s’y met assez tôt, comme d’autres. Et puis on a la chance d’avoir des gens qui vous aident à grandir. On a la chance aussi d’arriver dans des clubs très bien structurés et d’y rester, comme ce fut mon cas à Boulogne-sur-Mer : et à partir de là, je n’ai pas cessé de bosser pour progresser. J’ai tout donné pour évoluer. Il y a une notion de sacrifice qui entre en jeu chez moi, notamment lorsque l’on n’a pas joué à un gros niveau ou que l’on n’a pas été pro. C’est surtout beaucoup de travail et un peu de réussite, et des gens autour avec qui il faut que ça matche et avoir des atomes crochus, car ce sont eux qui vous permettent de grandir; cela a été mon cas tout au long de mon parcours.
Tu as joué jusqu’à quel niveau ?
Jusqu’en DHR, avec Boulogne. Je faisais aussi partie du groupe d’entraînement de la réserve en CFA2 (N3), mais très tôt, à 17 ans, je jouais en seniors chez moi, dans mon village, à Castel-Moissac (Laurent a grandi à Bardigues, un petit village dans le Tarn-et-Garonne, entre Agen et Montauban, et jouait dans ce club qui avait réuni les villages de Moissac et de Castelsarrasin). Puis il a fallu partir pour les études et j’ai mis le foot en stand-by un an. Après le bac, la progression a été cassée. Mais il y avait aussi un plafond de verre logique pour moi. J’ai essayé de continuer de jouer à Boulogne, mais c’était compliqué de faire les deux, la fac et le foot.
Photo Philippe Le Brech.
Comment es-tu passé du Tarn-et-Garonne au Pas-de-Calais ?
En fait, après le bac, j’ai fait une classe prépa Hypokhâgne à Pau, pour continuer. J’avais des facilités à l’école que je n’exploitais pas beaucoup. Une entrée en classé prépa, en lettres modernes, ça ne peut pas se refuser : c’était une belle Hypokhâgne en plus, en termes de réussite. L’idée, c’était de faire une année puis de basculer vers Sciences Po. Mais avec cette année sans football, j’ai compris qu’il me manquait ce moteur. Et puis je ne bossais pas autant que ce que je bossais dans le foot. L’école, en fait, ce n’était pas forcément ma tasse de thé. Et puis il y avait mes parents : vis à vis d’eux, qui bossaient sans compter, c’était compliqué de ne pas réussir.
Comment as-tu fais pour intégrer Boulogne ?
Ma tante et mon oncle habitaient Boulogne. Mon oncle était un proche de l’ancien président (Jacques Wattez), et je suis rentré au club comme dirigeant et adjoint en U15, et tout est parti de là.
Le Pas-de-Calais, un choc thermique
Photo Philippe Le Brech.
Le changement de vie a dû être radical…
Oui, surtout quand tu viens du Sud-Ouest comme moi, et que tu as des origines corses, car ma mère est Corse, j’y ai passé du temps aussi. Le Pas-de-Calais, c’est un choc thermique mais j’ai eu la chance d’arriver dans une ville avec des gens merveilleux. J’ai passé tout mon temps au club, même si j’allais à la fac aussi. En tout, j’y suis resté six ans. Tout m’allait bien. L’USBCO, c’est un club exceptionnel, même si, quand je suis arrivé, vers l’âge de 19 ou 20 ans, le club n’était pas dans sa bonne période, car il venait de descendre de Ligue 1. Mais comme école de la vie et pour apprendre le métier, il n’y avait pas mieux.
Alors comme ça, tu aurais aimé être journaliste sportif ?
Oui, ça m’aurait plu, pour aller dans le foot de haut niveau, mais c’était une niche pour moi. J’ai des copains qui ont poursuivi dans cette voie, ça prend un moment, il faut passer par des étapes que je n’aurais peut-être pas forcément apprécié. Et puis, parfois, on est poussé par les parents. Les miens sont agriculteurs et pour eux, c’était la réussite de l’enfant qui comptait. Il fallait se donner à fond. Mais je ne regrette pas un instant mon choix : quand j’étais en STAPS, je n’étais focus que sur le club de Boulogne, et pourtant les profs me disaient tous « si demain tu vas au Capeps, tu valideras », mais pareil, zéro regret, parce que prof’ de sport, ce n’était pas non plus fait pour moi.
Cela a dû te faire quelque chose de retourner au Stade de la Libération, à Boulogne, au match aller, dans la peau du coach de Villefranche…
Malheureusement on a perdu 1 à 0, c’était le dernier match de l’année civile. Pour la petite histoire, quand j’étais adjoint à Bastia-Borgo, en National, le coach Jean-André Ottaviani avait pris une suspension et donc j’avais officié sur le banc … à Boulogne (en septembre 2019, défaite 2 à 1) ! C’est là que l’on voit que c’est un métier difficile parce que je n’ai pas pu prendre le temps… J’ai juste eu le temps de faire une petite marche en solo vers 10h, pour revoir quelques endroits, j’ai serré deux ou trois mains, et voilà… Ce sont des capsules de petits moments de plaisir mais c’est éphémère, car très vite on est plongé dans l’approche du match, on est à l’hôtel.
« Plus on travaille, plus on réduit l’incertitude »
Des moments de plaisir, même éphémères, tu en as tout de même depuis que tu as été nommé à la tête du FC Villefranche Beaujolais ?
Oui, mais pas souvent. Je bagarre pour en avoir. C’est difficile. Cela viendra avec l’expérience, d’autant que j’ai plein de passions, mais je les ai mises un peu de côté. Pourtant, je sais que c’est important de couper, mais le foot prend du temps. Et puis on est un staff très jeune, et on sait que plus on va travailler, plus on va réduire l’incertitude. Pour l’instant, on met toutes nos forces là-dedans, sans regret, parce que c’est une opportunité énorme.
Tu parlais d’autres passions : lesquelles ?
Je lisais beaucoup. Je faisais de la musique, piano, guitare. Je dessinais aussi depuis mon passage à Bastia-Borgo. Mais j’ai moins le temps pour tout ça cette année, c’est normal.
« Travailler à la formation, ça m’a aidé »
Photo Philippe Le Brech.
Ne pas avoir le diplôme requis pour entraîner en National (son club a obtenu une dérogation due au repêchage tardif en National), est-ce une pression supplémentaire ? Et envisages-tu de t’inscrire pour être sur la liste du BEPF ?
Aujourd’hui, tu me donnes deux enveloppes, l’une avec le maintien du club en National et l’autre avec mon admission au BEPF, je prends celle avec le maintien ! Voilà où j’en suis actuellement. Mon président (Philippe Terrier) me répète aussi de faire mon dossier, sauf que, un peu comme pour les passions, ça arrive après : si j’ai un bout de temps à y consacrer, je m’y mettrai, mais là, on est vraiment focus sur le sportif. Après, pour répondre à la question, ce n’est pas une pression particulière, par contre, peut-être que, par rapport à cette dérogation, j’en fais justement encore plus. Il faut travailler encore plus. Mais le diplôme ne veut pas forcément toujours tout dire, c’est plus par rapport à l’expérience. Et Je n’ai ni l’expérience ni le recul d’un Hervé Della Maggiore par exemple.
Tu as commencé par entraîner chez les jeunes, à Boulogne et au Sporting-club de Bastia notamment : te sens plus formateur ou entraîneur des seniors ?
J’espère être un mélange des deux mais c’est encore un peu tôt pour le dire. Avec les jeunes, c’est important de pouvoir faire passer les messages. Pour les seniors, je n’ai pas une expérience énorme même si j’ai été souvent adjoint, un poste où il fallait être réactif, multi-tâches, capable d’anticiper les besoins du coach principal, donc ça m’a aidé. Dans quelques années, j’aimerais pouvoir dire que tout m’a servi : je prends l’exemple de Laurent Guyot, c’est un coach qui gagne mais c’est aussi un très bon formateur. Travailler à la formation, ça m’a aidé, mais en termes de plaisir, j’ai choisi cet aspect du foot de haut niveau, plus compétitif. Le monde seniors m’a rapidement attiré. C’est ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui.
Photo Philippe Le Brech.
Tu parles de Laurent Guyot, un modèle ?
Je l’ai connu à Boulogne et on s’est croisé à Annecy où j’ai mon meilleur ami, Alexis Loreille, qui est son adjoint en Ligue 2. Même si je ne le connais pas assez, ce qui ressort chez lui, c’est sa personnalité, qui est la même sur le banc et en dehors, calme, posé, lucide. Il analyse. Laurent Guyot, c’est la classe. Un exemple pour moi.
Tu as croisé beaucoup d’autres coachs… Certains t-ont-ils plus marqué que d’autres ?
Ils m’ont tous marqué d’une certaine manière. Après, c’est sûr qu’un entraîneur comme Hervé Della Maggiore (entraîneur d’Orléans, en National), qui m’a appelé à Villefranche après Bastia-Borgo, qui m’a poussé aussi pour le DES (Diplôme d’état supérieur), qui a mis son crédit en avant pour moi, et je ne le remercie jamais assez pour ça. Parce que le DES, tout le monde le sait, c’est une étape, et c’est compliqué pour rentrer. Hervé, il a toujours bien fait jouer ses équipes, il donne beaucoup de conseils. Il y a aussi Alain (Pochat, entraîneur de Bayonne en N3) qui m’a lancé en N2 : il a posé les bonnes bases à Villefranche, un club qu’il a construit, qu’il a fait grandir. Et il y a Jean-André Ottaviani, à Bastia-Borgo, qui m’a laissé beaucoup m’exprimer, m’a conseillé, je lui dois beaucoup aussi. Idem avec Albert Cartier (Bastia-Borgo), qui a ce côté rigoureux. Ces rencontres m’aident à gérer mon quotidien.
« Ce championnat a explosé »
Photo Philippe Le Brech.
Tu as connu ce rôle d’adjoint avant : est-ce que tu essaies de reproduire ce schéma avec ton staff, notamment en déléguant beaucoup ?
J’ai la chance d’avoir un adjoint (Romaric Bultel, qui est né le même jour, un 13 février, mais un an plus tôt que Laurent !) qui, à la base, a plus d’expérience que moi sur un banc en seniors : il était à Evreux, il est monté en National 2, et sans les problèmes de ce club, il y serait peut-être encore, d’autant que c’est un enfant du club là-bas. Mais c’est différent avec lui, c’est plus une relation de binôme. Dans la prise de décisions, je m’appuie beaucoup sur lui. Et puis il avait une posture de numéro 1. Il n’anime pas toutes les séances en semaine, on se répartit un peu les tâches, mais il est très important dans le vestiaire et pour moi. Il y a aussi Baptiste Chappelon (29 ans), qui a aussi un rôle d’adjoint : il entraîne les gardiens, il a lui aussi déjà un peu d’expérience, que cela soit la saison passée ici ou avant à Andrézieux. On est dans l’échange permanent pour la prise de décisions, donc cela va même au-delà de ce que moi j’ai pu connaître quand j’étais adjoint. J’ai besoin d’eux.
Tu connais le National depuis 2018 et ta présence sur le banc aux côtés d’Alain Pochat, à Villefranche : comment trouves-tu l’évolution de ce championnat ?
Je peux même remonter encore plus loin puisque quand j’étais à Boulogne, j’allais déjà voir tous les matchs en National. Cela n’a rien à voir. Nous, on fait figure de petit Poucet, on fait de la résistance, même si on n’est pas les seuls dans ce cas. Aujourd’hui, ce championnat National a explosé. Récemment, je me demandais si, dans les autres pays, il y avait autant de clubs « historiques », des anciens de première division, qui évoluaient au troisième échelon. Peut-être en Angleterre, mais là bas, ce n’est pas comparable. C’est dommage que cet essor ne se voit pas sur les à-côtés, qui ont beaucoup évolué, parce que je ne sais pas si on aura encore autant de saisons avec autant de clubs « historiques ». Avant, en National, il y avait moins de moyens, les staffs étaient moins étoffés, il y avait beaucoup plus de clubs amateurs, donc plus de possibilités pour eux d’avoir une chance de passer en pro; cette année, on le voit aussi, il y a des clubs amateurs qui performent, ils ont tous un point commun, soit une dynamique de montée, soit un passé pro à l’image de Boulogne. Ce championnat est super-intéressant, exceptionnel et aussi un peu à l’image du foot français, à deux vitesses, parce qu’il est inégalitaire.
« On est parti d’une page blanche »
Avec le directeur sportif du FCVB, Edouard Chabas. Photo Philippe Le Brech
Changeons de sujet : le FCVB, avec son directeur sportif Edouard Chabas, s’est montré ultra-actif lors du mercato hivernal, avec huit recrues (*). Peut-on dire que c’est un nouveau championnat qui vient de commencer ?
C’est du jamais vu ! Normalement, en hiver, on fait des réajustements, pas des mercatos ! On a des cartouches différentes, c’est vrai, mais il faut les intégrer, il faut que ça prenne. Là, on n’en est qu’au début. De toute façon, pour moi, la deuxième partie de saison, c’est toujours un deuxième championnat, que l’on ait les mêmes joueurs ou pas. Pour le FCVB, c’était un besoin et si on a cette chance de pouvoir amener des nouveaux joueurs et de faire ce mercato-là, c’est aussi parce que le club avait toujours bien géré son budget, en bon père de famille. Après, on a perdu des joueurs aussi, il faut le dire, donc on n’a pas fait non plus un « +8 joueurs », mais plutôt un +4 (quatre départs) ou un +3 (en comptant un blessé longue durée); ça va nous faire du bien, ils nous amènent déjà un petit truc, ils ont boosté un peu le groupe. Ils ont déjà été nombreux à être alignés. Ce n’est jamais facile d’arriver et de prendre la place de certains sur le onze de départ. Il faut avoir un super-état d’esprit mais les joueurs qui étaient déjà là ne sont ni bêtes ni dupes : ils avaient conscience qu’en termes de quantité, de concurrence, on n’était pas très bien armés, surtout après quelques départs. On a la chance d’avoir de superbes personnes dans ce groupe, et je le pense vraiment, ils collent bien avec le club. J’ai aimé la manière avec laquelle ils ont intégré les nouveaux. c’est un super signal.
On a quand même l’impression que, depuis un an, voire deux, un cycle nouveau s’écrit à Villefranche…
Les années où ça performait, il y avait des automatismes, on parlait souvent de ce fameux milieu de terrain où les joueurs se connaissaient par coeur, mais toute l’équipe était de qualité. Après, certains ont pris de l’âge, mais ça, cela ne nous a jamais vraiment fait peur ici. La vérité, c’est que, même s’il y avait déjà eu des changements à l’été 2023, la quasi-totalité des joueurs est cette fois partie à l’été 2024, car ils ne voulaient pas attendre de savoir dans quelle division le club allait repartir, en N2 ou en National, et c’est normal. Cela nous a obligé à faire 95 % de recrutement. On a eu le bonheur d’en garder quelques-uns comme Sullivan (Péan, le gardien), Idrissa (Ba) ou Théo (Emmanuelli). C’est malheureux, mais c’est comme ça, parce qu’on aimerait tous avoir une identité, garder un fil conducteur, avec cette même qualité de jeu que l’on a pu connaître notamment avec Hervé (Della Maggiore), même avec Alain (Pochat), mais forcément, elle s’est un peu envolée avec les départs des Nicolas Flégeau, Maxime Blanc, Timothée Taufflieb, Rémi Sergio, etc., et aussi des bons attaquants, qui ont souvent été des prêts. On avait une grosse ossature. Pour un staff, c’était un gain de temps énorme. Là, on est parti d’une page blanche, et on repart encore comme ça. Il faut que l’on se bagarre pour vivre une inter-saison un peu plus calme, plus classique, et travailler dans les meilleures conditions possibles, ce qui n’est pas arrivé au club depuis un moment, entre les deux barrages perdus en 2021 et 2022, la non-montée en Ligue 2, le maintien à l’arrachée l’année d’après où s’en sort à la dernière journée en 2023… Tout en sachant aussi que l’on ne jouera pas la dernière journée (le FCVB sera exempt).
« On va y arriver ! »
Sur le banc de Bastia-Borgo, en National, à Boulogne, lors d’un intérim. Photo Philippe Le Brech
Justement, être exempt à la dernière journée, qu’est-ce que ça change ?
J’espère qu’on suivra cette dernière journée de manière sereine. Notre objectif, c’est d’être tranquille chez nous pour la regarder ou d’être tous ensemble au club. Il faut qu’on le fasse. Qu’on aille chercher ça. Cela met une petite pression, parce que ça veut dire qu’il faut prendre les points une journée avant la fin, ce qui n’est pas impossible du tout. Mais qu’il y ait deux descentes ou huit, ce championnat est d’une telle densité qu’il y a toujours, jusqu’à la fin, des choses qui sont réalisables. Mais on va y arriver.
Jouer à 17 clubs au lieu de 18, avec un exempt à chaque journée, ce n’est pas une chose normale : est-ce que cela fausse pas le championnat ?
Je ne sais pas si ça fausse le championnat, c’est juste dommage, vu le prestige et l’ADN du National cette saison, mais bon, on est 17, on nous a donnés cet objectif de se maintenir (le 17e et le 16e sont relégués), on est bien placé pour savoir que nous, on travaille avec les moyens que l’on a, dans un club bien géré et bien structuré, et cet équilibre, on ne le retrouve pas partout, et je ne vise personne en disant cela. Mais cet équilibre, il est précaire. Et c’est pour ça que l’on se retrouve à 17. Nous, on se fixe des limites, en termes structurelles, de recrutement, de moyens, et on fait avec. C’est dommage que certains clubs n’aient pas pu profiter d’un repêchage.
« Il n’y a que les résultats qui comptent »
Aux côtés d’Antoine Emmanuelli, le président de Bastia-Borgo, en National. Photo Philippe Le Brech
En janvier dernier, une rumeur a circulé : on a lu que Fabien Pujo, qui n’est plus à GOAL FC, allait peut-être s’installer sur le banc du FCVB. Comment as-tu vécu cela ?
J’ai eu l’info. C’est marrant, parce qu’au départ, c’est le capitaine de Valenciennes, Rémy Boissier, qui me l’a dit. Rémy, il a joué à Castel-Moissac, comme moi. On a gardé des liens. Je n’ai pas eu besoin de cet article pour savoir qu’il fallait qu’on gagne des matchs. On sait bien que dans le foot, il n’y a que les résultats qui comptent. Evidemment, je ne suis pas né de la dernière pluie, on était dans une spirale très compliquée à ce moment-là, on l’est toujours d’ailleurs, avec une remise en questions permanente. Après, ça ne fait jamais plaisir de lire ça, mais c’est plus vis à vis des joueurs que c’est embêtant. Si les joueurs ne sont plus avec le coach, cela peut aider, et dans ce cas-là, il faut faire les choses proprement. Mais si les joueurs sont aussi surpris que le coach ou le staff, ce qui fut le cas, cela devient problématique parce que ça peut les fragiliser. Mais on a des joueurs qui sont dans le projet, donc on a bien rebondi par rapport à ça; après, savoir qu’il y a des coachs beaucoup plus expérimentés que moi… Je ne le découvre pas. C’est toujours facile de se dire que je suis jeune, que je n’ai pas d’expérience de ces maintiens, qu’on va tenter un électrochoc, alors que j’ai vécu des maintiens avec les coachs dont j’étais adjoint.
Avec tes dirigeants, comment la situation a-t-elle été gérée ?
On a discuté. Ils ont fait ce qu’il fallait. La situation a vite été éclaircie et c’est très vite rentré dans l’ordre. C’est juste que… Voilà, c’est normal, il y a un coach qui a fait ses preuves, qui est juste à côté de Villefranche, qui vient de quitter son club, qui vient voir des matchs à Armand-Chouffet, comme d’autres. Mais je sais que dans ce club, quand cela arrivera un jour, parce que cela arrivera un jour, ce sera fait dans les règles, à la hauteur de l’investissement que j’aurai mis, c’est à dire en ne comptant pas les heures, en doublant ou triplant les missions. Je sais que les dirigeants s’en souviendront.
« J’aime bien le 4-3-3 »
Tu as remarqué, je ne t’ai pas posé de question sur ton âge… Parler de ça sans cesse, avoir à te justifier, ça te « saoule » à force ?
Non. Les seules personnes que je dois convaincre aujourd’hui, c’est mon vestiaire et son groupe de joueurs, le staff et les dirigeants. Ce ne sont pas les les gens dans les tribunes et tout ce qui se dit autour. Les joueurs voient qu’on bosse, qu’on en fait beaucoup. Après, si ça se passe mal, il y aura peut-être des doutes. Mais le reste… Je suis assez humble par rapport à tout ça : à 34 ans, c’est impossible d’avoir les mêmes armes qu’Hervé (Della Maggiore) ou Romain Revelli par exemple, mais ce n’est pas autant qu’on ne peut pas réussir. Cela fait des années que je sacrifie tout pour ça. J’ai des choses à faire valoir aussi, sinon je ne serais pas là. J’ai 34 ans, le plus âgé, c’est Romaric, l’adjoint, qui a 35 ans, mais tous les autres sont plus jeunes.
Les joueurs t’appellent « coach » ou « Romain » ? Ça varie, souvent c’est « coach ». On a le plus jeune effectif du National en termes de moyenne d’âge. Le plus âgé, c’est Idrissa (Ba, 34 ans). Certains m’appellent aussi par mon prénom, je ne fais pas le vieux sage, tant qu’il y a ce respect-là. C’est un détail.
Un système de jeu préférentiel ?
J’ai beaucoup entraîné en 3-5-2 parce qu’Alain (Pochat) a ramené ce système à Villefranche, que l’on a transposé chez les jeunes, à Bastia-Borgo aussi. Mais j’aime bien le 4-3-3.
« Cette saison, on suit beaucoup Versailles »
Avec Jean-André Ottaviani, sur le banc de Bastia-Borgo, en National. Photo Philippe Le Brech
Un modèle de coach ?
Ce serait un entraîneur hybride, qui n’existe pas, qui serait un mélange de tous les entraîneurs que j’ai croisés, avec un mix de toutes leurs qualités. Ce serait forcément quelqu’un qui se lève avant les autres et qui se couche après, et qui a les valeurs de la terre. Dans ce métier, tu pioches beaucoup. Il faut être ouvert et curieux, surtout quand on est jeune. J’ai la chance d avoir été élevé comme ça : quand on ne sait pas faire quelque chose ou quand on a un doute, on demande, on regarde, même si cette année, je le fais moins. Tout le temps que j’ai passé sur les terrains m’a servi à emmagasiner ça. Il faut faire sa propre expérience mais ça prend du temps. Bien sûr que je m’appuie sur tout ce que j’ai pu voir, et j’apporte ma patte personnelle. Peut-être que, dans quelques années, on pourra dire « C’est comme ça que je bosse », « Il joue de telle façon » ou « C’est sa patte, c’est comme ça qu’il travaille », etc. » Mais pour l’instant, je ressemble à un mélange de beaucoup de personnes.
Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Elvin Kalaja, mon entraîneur à Castel-Moissac. C’était un très bon joueur de foot, international albanais, qui était un sacré bon coach ! Avec peu de moyens, il nous a amenés à un tel niveau… Je l’ai de temps en temps mais j’aimerais pouvoir discuter plus avec lui.
Le Tarn-et-Garonne, plutôt une terre de rugby… Tu ne t’es jamais intéressé au monde de l’ovalie ?
J’ai un paquet d’amis qui sont « matrixés » par la SUA (SU Agen), j’ai même de la famille qui a joué à un bon niveau. J’aime bien le rugby et je trouve que ses valeurs correspondent un peu à ce que je suis, même si ce sport est en train de se « normaliser ». Je regarde rarement les matchs, parce que mon temps d’écran est tellement occupé par nos propres matchs, ça ne laisse malheureusement pas beaucoup de place pour autre chose.
Et les matchs de National, tu les regardes tous en replay ?
Non ! J’ai le staff aussi pour ça. On en regarde bien sûr, notamment l’adversaire. En fait, on suit une équipe en particulier chaque saison. Par exemple, quand j’étais à Bastia-Borgo, je suivais l’équipe d’Avranches de Frédéric Reculeau, un régal : son projet de jeu était tellement particulier. Là, cette saison, on suit beaucoup Versailles. J’aime bien la Ligue 2 aussi, je regarde. C’est un championnat qui m’intéresse presque plus que la Ligue des Champions, même si je regarde aussi. Parce qu’en regardant la Ligue 2, on se dit aussi que, peut-être, un jour, ça sera notre tour. On se bagarre pour ça.
« J’aime écouter des chants corses »
Photo Philippe Le Brech
Des amis dans le foot ?
Oui, notamment mon ami, Alexis Loreille (entraîneur adjoint au FC Annecy).
Meilleur souvenir sur un banc ?
Le match de la montée en National avec Villefranche, contre Schiltigheim, en 2018 (4-1), avec tous les Caladois, la belle fête après le match. Une belle émotion.
Des rituels, des tocs, avant un match ? Ça peut arriver mais ils sont fluctuants. J’aime bien écouter des chants corses, j’ai ma playlist qui tourne en boucle. Il faut que j’ai un temps calme aussi pour avoir les idées claires. Je laisse toujours l’échauffement à tout mon staff, c’est important que ce soit eux qui le prennent.
Une devise ?
J’aime bien utiliser des citations, mais je n’en ai pas une en particulier.
« Comme on fait son lit, on se couche »
Le club de Villefranche ?
Familial. Bien ancré dans son territoire. Avec de grosses valeurs. Volontaire. En construction, mais pas dans le sens péjoratif. C’est un club qui a encore besoin de grandir, et comme moi aussi, ça tombe bien, j’espère qu’on grandira encore ensemble. Il a besoin de se structurer aussi, mais quand je vois le travail de notre manager général, Gaëtan Mazzola, qui a réussi à fédérer 600 entreprises autour du club, c’est exceptionnel.
Le milieu du foot ?
Il est tellement décrié mais il apporte aussi tellement… Il est à l’image de l’éducation d’aujourd’hui, donc ça n’inspire pas que du positif, mais c’est comme toute chose : aux gens et aux acteurs du foot, si cela ne leur plaît pas, de changer les choses, et il y a des choses à changer car il est moins noble qu’avant. Comme on fait son lit, on se couche. Mais il faut qu’il garde ses côtés « éducation et « valeurs », parce que c’est comme ça qu’il est devenu populaire. C’est pour ça que nous, à Villefranche, on fait beaucoup de choses à côté, on a une section handisport, on a du foot féminin qui est dans l’inclusion, on a une démarche RSO (Responsabilité sociétale des organisations), il faut mettre en avant tout ça, parce que ça coûte; dernière l’équipe Une, qui a un budget limité, il y a toute une association à faire tourner. On est à belle école ici. Le foot et les valeurs ne sont pas morts : il faut juste bien ouvrir les yeux. Maintenant, on sait aussi que plus on monte, plus on est dans une lessiveuse.
Tu es un entraîneur plutôt …
Investi, passionné et ouvert.
« Le plus intéressant, c’est le terrain. Pas moi. »
Photo Philippe Le Brech
Parfois, n’as-tu pas l’impression d’être, comment dire, un peu différent de pas mal de tes collègues entraîneurs ?
C’est sur que de me voir là, de par mon parcours scolaire déjà, c’est un peu détonnant. Peut-être que c’est ce parcours qui fait que, justement, j’adore mon quotidien, parce quand on n’a pas connu que ça, quand s’est posée la question de vivre sans le foot, ça m’a fait réfléchir. Mais je n’ai pas la prétention d’être aux antipodes, sauf peut-être sur quelques aspects. Il y a plein de coachs comme moi, sauf qu’il n’y a pas toujours des personnes comme toi pour les interroger, je pense surtout aux coachs de haut niveau, pour parler d’autres choses que du foot, du jeu, même si on en a parlé un peu. Il n’y a pas beaucoup de médias qui demandent aux coachs ce qu’ils font à côté, c’est très bien aussi, mais c’est tellement un métier compliqué, les coachs connus sont tellement épiés… Avoir un parcours différent et d’autres passions, je ne suis pas le seul dans ce cas, c’est sûr. Pour moi, c’est ça qui fait la richesse.
On sent que tu n’aimes pas trop parler de toi, on se trompe ?
Le plus intéressant, c’est le terrain. Je ne mélange pas ma vie personnelle. Le reste, à côté, je préfère le garder un peu pour moi. Mais je ne m’ennuie jamais !
« Tout me plaît dans ce métier »
Pourquoi tu es dans le football ? Pourquoi tu entraînes ?
Parce que c’est toute ma vie. J’adore me lever le matin, tout me plaît dans le métier, le relationnel, j’aime transmettre, même s’il y a des choses plus dures cette année; j’étais plus proche l’an passé avec mes joueurs par exemple. Et puis j’aime le challenge, je suis un compétiteur, même si ça génère des émotions plus compliquées, surtout quand on débute comme moi à ce niveau-là. Mes week-ends, ils sont merdiques. Avant, je faisais du sport, je courais, et pour l’instant, j’ai mis ça de côté. Malgré tout, j’adore ça, l’adrénaline avant les matchs, se frotter à des équipes mieux armées avec des coachs plus expérimentés, mais on se bagarre. J’adore ce que ça procure comme émotions.
Tes week-ends ne sont pas tous merdiques, quand tu bats Nancy 2-0 par exemple, avec un coach ultra expérimenté en face, ou quand tu gagnes à QRM à la dernière minute, ou quand tu marques deux buts à la fin à Aubagne…
Il faut se bagarrer pour que ça se passe comme ça, mais il n’y a jamais d’euphorie ni de dépression; je pense que plus on va prendre de l’âge, plus on sera capable de rester entre les deux. Les gens doivent se rendre compte que le foot change nos vies, nos semaines, nos discussions avec nos proches. On a tellement à coeur de bien faire, de prouver… On vit la même chose que les joueurs et on est à fond derrière eux. Ce ne sont pas les joueurs qui ont perdu ou moi qui ai gagné. C’est toujours « tous ensemble ».
Pour terminer, tu aurais une question à me poser ?
Oui ! Comment t’es venue cette vocation de journaliste ? C’est quoi qui te motive ?
Entretien réalisé avant la rencontre FCVB – US Orléans (2-0) de vendredi 21 février 2025.
(*) Le FCVB a été très actif pendant le mercato hivernal avec 8 arrivées : Lucas Calodat, Patrice Kissling, Christopher Rocchia, Abou Ba, Raouf Mroivili, Achille Anani, Nazim Babaï et Kenny Mixtur.
Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos : Philippe LE BRECH
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Malgré la douleur de la perte de son papa, le nouvel entraîneur provençal (52 ans) ne s’est pas opposé à la publication de cet entretien, accordé mercredi midi, juste avant d’apprendre la terrible nouvelle…
Texte : Anthony BOYER / Photos : 13HF et FC Martigues
Photo FCM
Hakim Malek a eu la douleur de perdre son papa. C’était mercredi. Il a appris la terrible nouvelle entouré de son staff. Juste avant la séance d’entraînement programmée à 15h30. Il venait de saluer ses joueurs. Et dire qu’à midi, ce même jour, il était en ligne avec nous au téléphone pour un entretien d’une quarantaine de minutes.
Lorsque nous lui avions demandé de raconter la genèse de son arrivée sur les bords de la Venise provençale, mi-janvier, il avait évoqué son papa : « Je suis parti le jeudi en Algérie voir mon père qui est malade, racontait-il, et le vendredi, il y a eu une approche via mon agent. Les discussions se sont poursuivies durant le week-end, et ça s’est accéléré le dimanche. Je suis venu sur place le lundi et voilà, ça s’est fait assez rapidement. »
Hier soir, au stade Bauer, face au Red Star de Grégory Poirier – l’homme qui a propulsé Martigues de National 2 en Ligue 2 en trois saisons -, Hakim Malek n’était pas sur le banc. C’est son adjoint, Ibrahim Rachidi, qui a officié (défaite 1 à 0, but de Benali à la 46e). Le Marseillais, qui a notamment joué au Gazelec Ajaccio en National et en Ligue 2 (et aussi à l’OM, Marignane, Endoume, Consolat, Uzès et Cassis-Carnoux), avait déjà assuré l’intérim (1 victoire au Paris FC et 2 défaites face à Clermont et Grenoble) après l’éviction, le 16 décembre de Thierry Laurey.
Dans de telles circonstances, et par respect pour Hakim Malek et sa famille, s’est posée la question de la publication de cet entretien. Mais l’ancien coach d’Alès (52 ans) a été clair par texto : « Tu peux publier sans souci (…) Ces épreuves nous rappellent l’importance de profiter de nos proches et de vivre. Car tout peut s’arrêter ».
Objectif barragiste … ou mieux
Photo FCM
Intronisé lundi 20 janvier à la tête des Sang et or, Hakim Malek a une mission, difficile et passionnante, d’un peu moins de 5 mois : maintenir le promu en Ligue 2 BKT. Une mission qui semblait irréalisable voilà un peu plus d’un mois. Mais ça, c’était avant que les coéquipiers de Oualid Orinel ne remportent trois de leurs six derniers matchs, dont deux sur la pelouse du Paris FC (2e) et Dunkerque (4e), excusez du peu !
Et puis, il y a eu aussi cette première victoire à la maison, au stade Francis-Turcan – que l’équipe a enfin retrouvé après avoir évolué au Vélodrome et à Gueugnon en attendant les travaux de mises au normes ! – face à Amiens (3-0), le 24 janvier, pour la première du nouveau coach.
Vendredi dernier, devant les partenaires, après la défaite face à Troyes (1-2), Pierre Wantiez, le nouveau président du FCM, arrivé l’été dernier, a confirmé que, depuis quelques semaines, l’image du club avait changé : « Avant, on entendait dire que la présence de Martigues en Ligue 2 ne servait à rien… Je peux vous dire qu’aujourd’hui, de par nos derniers résultats et le travail accompli par tous, le discours et l’image ont changé chez nos adversaires. »
L’ex-dirigeant de Sochaux, Le Havre, Grenoble ou encore Valenciennes, a raison. Martigues ne prend plus de fessée. Est redevenue une équipe solide et compacte, qui ne prend pas beaucoup de buts (5 buts encaissés lors des six derniers matchs, après l’ère Laurey, et 6 buts marqués) et qui grappille des points. Bien sûr, les places de 16e (barragiste) ou, mieux, 15e, sont encore loin, mais il suffit de regarder où en était le club après la défaite à Troyes, le 13 décembre (4-0), au stade de l’Aube, pour comprendre le chemin parcouru (17e sur 18).
Mais ce n’est pas en quelques jours que Malek a pu tout chambouler. Dans cet entretien, il explique la manière dont il met en place certaines choses et évoque sa vision du football. Il parle aussi des étiquettes, parce qu’il faut bien l’avouer, sa nomination a été une surprise. Se justifier, Hakim Malek n’en a pas vraiment besoin. Son expérience, même si elle n’est pas trop (re)connue chez les dirigeants de clubs professionnels français, parle pour lui.
Interview
« Peut-être que Martigues avait besoin de sérénité… »
Photo FCM
Hakim, il y avait déjà eu des contacts l’été dernier entre le FC Martigues et toi, quand Grégory Poirier est parti. N’as-tu pas été déçu de ne pas avoir été choisi ?
C’est sur que quand tu as la possibilité d’aller dans un club que tu connais, et en plus en Ligue 2, il y a toujours une déception, ça fait partie du jeu. En fait, il y avait juste eu des approches, des premières discussions, c’est tout. Mais ensuite, il y a pas mal de remue-ménage au club. J’avais discuté avec l’ancienne direction et quand la nouvelle direction est arrivée, elle a pris une autre option, elle avait d’autres choix, d’autres priorités, ce qui est compréhensible.
Beaucoup de noms plus connus que le tien avaient circulé l’été dernier, comme celui de Pascal Dupraz par exemple. Idem après l’éviction de Thierry Laurey en décembre : as-tu l’impression de ne pas être un premier choix ?
Non, je n’ai aucune gêne par rapport à ça. Dans le football, il y a des statuts, de l’expérience… Après, si tu considères que Pascal Dupraz, par exemple, a plus d’expérience que moi dans le monde professionnel, je peux le comprendre, mais je ne me formalise pas là-dessus. Je n’ai pas d’ego par rapport à ça. Il y a des gens qui décident, qui ont des critères. Est-ce que j’étais le 12e choix sur la liste ou bien le 1er mais dont personne n’a parlé ? Ça, personne ne le sait (rires).
« C’est quoi un entraîneur de Ligue 1 ? »
Avec son adjoint Ibrahim Rachidi. Photo FCM
Oui mais dans le foot, il y a des noms, des statuts, c’est comme ça…
Il y a des gens qui ne le savent pas, mais j’ai entraîné en Ligue 1 à l’étranger (1), j’ai joué la Ligue des Champions africaine. C’est quoi un entraîneur de Ligue 1 ? C’est quelqu’un qui a entraîné Toulouse et Evian ou quelqu’un qui a joué deux fois la Ligue des Champions africaines ? Après, c’est toujours pareil, c’est une question d’échelle des valeurs. Moi, je ne suis pas exposé en France, c’est un fait. Parce qu’avant, je n’avais pas le diplôme non plus (il est titulaire du BEPF aujourd’hui). Ce statut, j’en ai souffert, parce que souvent, en France, pour faire une carrière, il faut une certaine étiquette, il faut être identifié « entraîneur de Ligue 2 » pendant des années ou « entraîneur de Ligue 1 ». Il faut changer cette vision d’esprit.
Dieu merci, aujourd’hui, des entraîneurs arrivent de nulle part comme Will Still, Francesco Farioli, donc ça fait réfléchir les dirigeants qui se disent « Il y a de nouvelles formes de compétences ». Il y a aussi des coachs comme Eric Roy, qui n’ont pas exercé pendant longtemps dans le championnat français, qui démontrent qu’ils peuvent y arriver. Je pense que tu peux avoir travaillé à l’étranger ou dans d’autres divisions en France, et avoir d’autres compétences. Regarde Pierre Sage, et d’autres, comme Karim Mokeddem, un super-coach, c’est pareil.
Ce mode de réflexion est réducteur par rapport aux compétences de certains, ce qui ne veut pas dire que ceux qui bénéficient de ces étiquettes L1/L2 ne sont pas compétents, bien au contraire. Simplement, par choix, en France, on s’est orienté vers ces coachs-là, qui ont cette expérience de la Ligue 1 ou de la Ligue 2. Par exemple, moi, en Afrique, je suis identifié « Ligue 1 », parce que j’ai déjà exercé dans ces championnats-là, et très souvent, les décisionnaires vont vers ce qu’ils connaissent.
Mais en France, on ne s’intéresse pas aux championnats africains, où il y a pourtant de super-coachs, comme Sébastien Desabre (sélectionneur de la République démocratique du Congo), Patrice Beaumelle (Mouloudia clud d’Alger), Alexandre Jurain (TP Mazembé en RD du Congo), Julien Mette (Rayon Sports FC au Rwanda), Amir Abdou (ex-sélectionneur de la Mauritanie), on parle de garçons qui entraînent des internationaux tout de même. Il y a Eric Chelle aussi : quand tu es comme lui à la tête d’une sélection nationale comme le Nigeria, tu as des joueurs qui jouent en Premier League, en Bundesliga… Il faut des compétences pour driver ces gars-là.
Entraîner en Ligue 2, est-ce un aboutissement pour toi ?
Non (rires). Beaucoup de gens peuvent penser que, comme je suis un nouveau visage qui arrive en Ligue 2, je suis censé être comme le jeune qui arrive, mais cela fait 21 ans que j’entraîne. Et j’ai entrainé à d’autres niveau que Martigues. Quand je suis au Mouloundia (Alger), j’ai 8 ou 9 internationaux dans l’équipe, je joue 5 compétitions sur 3 continents, on a un match tous les trois jours, on fait 68 matchs par saison…
« Evoluer en N3 ou en N2, c’est une richesse de mon parcours »
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As-tu l’impression de devoir constamment te justifier par rapport à ça ?
Non, c’est le fonctionnement du football français qui fait que je ne suis pas connu dans l’Hexagone, donc j’accepte le fait que l’on me présente comme un « jeune entraîneur », par rapport au niveau. Mais le temps passe et les gens oublient : en 2014, j’étais déjà en Ligue 2 (adjoint de José Pasqualetti, à Nîmes). Mais je le comprends. Il y a aussi le pouvoir de la presse et l’effet du temps sur les choses qui jouent. On peut considérer que je n’ai pas beaucoup d’expérience en France, mais avoir à me justifier, je n’en ai pas besoin, j’ai mon expérience, qui est ce qu’elle est, j’ai mes compétences, et puis voilà.
Pourquoi les dirigeants du FC Martigues t-ont ils choisi, selon toi ?
J’ai eu quelques explications, mais il faut savoir que quand j’ai été choisi, j’ai quand même eu d’abord un très gros entretien, et à la fin, ce n’était pas du tout sûr que cela soit moi. Les dirigeants cherchaient un garçon en capacité de coller avec cette équipe de Ligue 2 qui s’est construite très rapidement, avec des garçons pour la plupart des Sudistes. Ils avaient besoin de quelqu’un qui connaissait le contexte et le club, qui avait géré des joueurs pros. C’est sûr que c’était des éléments qui jouaient en ma faveur. Sans rien enlever aux autres entraîneurs, je ne suis pas certain que tous connaissent Martigues et le Sud comme moi je les connais (Hakim Malek est originaire de Rognac et habite Vitrolles, sur l’étange de Berre).
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Et puis, évoluer en National 2, en National 3, c’est aussi une richesse de mon parcours. Dans cette équipe du FC Martigues, il y a des garçons qui ont joué en N2, d’autres en National, d’autres en Ligue 2 déjà, d’autres sont étrangers ou d’origine étrangère, Algérienne ou Marocaine, voilà… Mon parcours est un avantage je pense par rapport à tout ça, parce que j’ai déjà évolué dans tous ces microcosmes. Je suis certes un jeune entraîneur de Ligue 2 Française mais sans prétention, je pense avoir beaucoup d’autres atouts que certains autres entraîneurs, par rapport à tout ce dont je viens de parler, par rapport à la pluralité de ce que représente un groupe.
C’est quoi la différence entre coacher Alès en N3 et coacher Martigues en L2 ?
La plus grosse différence, c’est la capacité à gérer l’enchaînement des matchs et les déplacements. Là, par exemple, on va au Red Star, la semaine est courte, il faut être bon au niveau de la récupération et de la planification. il faut être plus pointu. En N3, les déplacements ne sont jamais très longs. Sinon, sur le contenu, sur les idées, sur le travail, il n’y a pas de différences : le football, ça reste le football. Regarde ce que fait Damien Ott depuis qu’il est à Cannes, c’est exceptionnel. C’est un entraîneur de gros calibre qui entraîne en N2. Je ne pense pas qu’il a changé sa façon de voir le football ou sa personnalité. Pierre Sage pareil : il s’est adapté aux exigences du niveau, je ne pense pas qu’il a changé sa personnalité.
« Je ne suis pas arrivé en jetant un gros pavé ! »
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As-tu déjà réussi à changer quelque chose depuis ton arrivée ?
Le discours est peut-être différent de celui de Thierry Laurey, je ne sais pas s’il est meilleur ou moins bon… Encore une fois, chacun a sa façon d’entraîner, de voir les choses, loin de moi d’avoir un mot disgracieux à l’encontre de quelqu’un qui m’a précédé. Simplement, je pense que l’approche est différente dans le sens ou j’ai pu côtoyer différentes cultures. Je suis très calme, très tranquille. Peut-être que le groupe martégal avait besoin de ça, de sérénité. Je suis assez sûr de mes idées. La première des choses, cela a été de dispenser ça. Après, doucement, je mets des choses en place. J’ai la malchance de ne pas avoir beaucoup de temps donc j’y vais avec parcimonie. Chaque semaine, on touche un sujet important pour moi dans ma façon de jouer. Il est certain que je n’arriverai pas à ce que j’ai en tête, parce que je n’ai ni la trêve hivernale ni la préparation estivale derrière moi sur lesquelles m’appuyer et pouvoir construire quelque chose. Mais chaque semaine, je mets un truc en place. Je ne suis pas arrivé en jetant un gros pavé, ni en disant « Les gars, voilà, j’aime jouer comme ça, on va jouer comme ça », non. Dans un litre, on ne fait rentrer qu’un litre, pas un litre et demi.
Un exemple de quelque chose que tu as eu le temps de mettre en place ?
Notre façon de défendre. Aujourd’hui, c’est différent de ce que l’équipe faisait avant. J’aime défendre des espaces. Je n’aime pas défendre sur des hommes; ça, c’est la première chose. J’aime défendre en avançant. On l’a vu sur les trois premiers matchs, sauf sur la première mi-temps contre Troyes. C’est un élément important. Sinon, on a vu que l’on était en capacité à se procurer des occasions. J’aime construire, j’aime le jeu. Sur ces aspects-là, on a progressé en trois semaines je pense. Il faut entretenir ça et surtout le bonifier.
« Le foot est un sport humain »
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Depuis quelques semaines, on retrouve l’ossature de l’équipe qui est montée de National en L2 la saison passée…
Bien sûr, ça joue… Après, quand je suis arrivé, Ibrahim Rachidi (son adjoint, qui a assuré l’intérim après l’éviction de Laurey) les avait déjà remis en place, pour certains, et derrière, je suis resté dans cette continuité. Et puis, je connaissais déjà cette équipe, je l’avais affrontée avec Alès en coupe de France l’an passé à Turcan, je savais qu’il y avait beaucoup de complémentarité entre les joueurs et quand tu es dans l’urgence, tu dois gagner du temps. Donc cela ne veut pas dire que les autres joueurs sont condamnés, ni que les choix sont effectués en fonction de « ceux qui étaient là avant et ceux qui ont été recrutés », non, surtout pas. Mais pour gagner du temps dans une organisation d’équipe, il faut trouver des complémentarités, et là, elles existaient déjà, donc ça, on n’a pas à le refaire. Par contre, on peut le bonifier plus rapidement. La base est là. Après, il y a quand même une réalité : ceux qui étaient là avant, ils ont une forme d’identité et d’appartenance au club qui est plus forte. On peut penser qu’ils auront encore plus envie de défendre ça que d’autres. Mais c’est juste une option que je pose, qui peut me faire gagner du temps et donner un peu d’allant. Là, sur les trois matchs, on l’a retrouvé, je pense.
Hakim, on dit que tu es quelqu’un de sympa, gentil… mais au foot, parfois, il faut être ferme, se faire respecter…
Je n’aime pas me comparer à lui, parce que c’est impossible, mais est-ce que Carlo Ancelotti, qui est le « must du must », jugé extrêmement gentil par ses joueurs, extrêmement respectueux et agréable, te donne le sentiment de ne pas pouvoir être ferme par moments ? Je suis gentil dans la vie, et même au quotidien avec mes joueurs, parce que je sais poser les limites et qu’elles sont claires. Si tu vas au delà de ces limites, je suis en capacité à être une autre personne. Le foot est un sport humain. Il faut avoir un relationnel cohérent avec les joueurs. Sinon ça ne peut pas fonctionner. Attention, cohérent, cela ne veut pas dire « être le bon copain ». Cela veut dire que dans les rapports de base, il y a un rapport de respectabilité entre mes joueurs et moi. Je suis quelqu’un d’empathique, d’agréable, ok, mais j’ai des limites, celles que ma fonction m’autorise ou que l’humain autorise. Et si tu les dépasses, on va rentrer dans une zone de conflit ou une zone de non-satisfaction où là, la casquette, elle prévaut sur le côté amical. Là-dessus, j’ai une capacité à jongler.
« L’équipe a besoin d’assurances et de certitudes »
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Tu as tout résumé. On dirait que tes qualités de coach, c’est ce qui faisait défaut à Martigues en première partie de saison…
Encore une fois, je ne veux pas parler de Thierry Laurey, je ne le connais pas. Peut-être que Martigues avait besoin de sérénité ? Je suis quelqu’un de très confiant. Parce que j’ai toujours travaillé dans ma vie. Et le travail est toujours récompensé. Je suis sûr de mes compétences. Attention, je ne suis pas un phénomène, mais ce que je t’avance, je le maîtrise. C’est important de le dégager. Je pense que contre Troyes, on a vu deux mi-temps. À la pause, je ne me suis pas énervé, mais j’ai été très clair dans ce que j’ai dit, parce qu’il y a des responsabilités. Je dis « les gars, il faut oublier cette mi-temps, on va rééquilibrer les choses », mais je n’ai pas les glandes à cet instant-là, comme il peut m’arriver d’en avoir. Je pense qu’actuellement, envoyer des gueulantes, ce n’est pas le meilleur chemin. Tu peux aussi être ferme sans agresser les joueurs ou sans les faire sentir incompétents. Cette équipe de Martigues a besoin de certitudes, d’assurance, de croire en ses qualités. Pas de recevoir des coups de marteau sur la tête.
Questions de supporters. Commençons par celle de Jean-Marc, alias « Le Marchito », supporter du FCM. Il te demande « Comment vois-tu la fin de saison avec l’interdiction de recrutement ? Vois-tu ton avenir au FCM en cas de maintien ou descente en National ? Où en sont Steve Shamal et Bevic Moussiti-Oko ? Un mot sur la venue de Rayan Hassad (OM) ?
La fin de saison, je la vois de la même manière que depuis que je suis arrivé (rires), puisque je sais que l’on est interdit de recrutement. Donc il n’y a rien qui change dans la difficulté de la tâche. On ne peut pas recruter, voilà. J’essaie de tirer le maximum de cet effectif. On doit être en capacité, le staff et moi, d’extraire 110, 115 ou 120 % de ce que peut donner cet effectif. Ne pas pouvoir recruter n’a pas d’impact sur ma façon de penser, de travailler, ou sur ma motivation. Ensuite, tout le monde sait que j’ai signé jusqu’en fin de saison, pour 5 mois. J’ai pris tous les risques. Ce n’est pas dans mes mains. Mais bien sûr, j’aimerais bien rester, que cela soit en cas de maintien ou de relégation, afin d’enclencher un cycle réel qui me corresponde complètement, afin de poser une vraie préparation et un vrai projet de jeu qui colle à mes idées. Maintenant, on verra.
Steve Shamal revient de blessure. Avec Bevic (Moussiti-Oko) et Simon (Falette), ce sont les garçons qui ont la plus grosse expérience de ce niveau. Là, ça fait trois semaines que je les découvre. Steve revient bien. Il est dans des bons standards aux entraînements. Et avec Bevic, s’ils retrouvent leur état de forme, ils auront de vraies cartes à jouer et seront de vrais apports pour nous. Ils savent qu’ils étaient peut-être en dessous des attentes, je ne sais pas, je n’étais pas là en première partie de saison, et là, aujourd’hui, ils savent ce que j’attends d’eux. Ils ont un CV, ils ont de l’expérience, ils doivent reprendre leur place par rapport à des performances. Pour ça, ils doivent « bagarrer » à l’entraînement et bouger ceux qui jouent aujourd’hui. Là, ça fait trois matches que l’équipe donne satisfaction, donc dans ces cas-là, souvent, il n’y a pas lieu de bouger. Après, c’est aux entraînements qu’ils doivent montrer qu’ils sont au-dessus de ceux qui jouent, et ça, ça leur appartient. Ils savent que je compte sur eux.
Quant à Rayan, il s’est entraîné avec moi cette semaine, je l’ai vu, je vais continuer à le voir, il est prévu pour la réserve et il faut rester mesuré car entre le Régional 1 et la Ligue 2, il y a quand même un gros écart. Même si on pense qu’il a du talent et même s’il peut survoler la R1, il y a trois divisions quand même entre les deux niveaux.
« J’ai pris tous les risques »
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Laurent, supporter d’Alès, me pose cette question : « Hakim, est-ce que tu as des regrets sur ta période alésienne ? »
Laurent, je le connais très bien. Des regrets ? J’ai des regrets sur la deuxième saison (2023-2024), après le maintien en National 2 en 2023. Si j’ai un regret, il est sportif. Parce que, dans mon diagnostic, entre les deux saisons, j’aurais dû être plus lucide. Dans cette analyse d’intersaison, j’aurais dû faire preuve de plus d’objectivité et de moins d’émotion par rapport à ce que l’on avait accompli, et là, j’aurais choisi une autre orientation. C’est toujours facile de le dire après, mais il faut aussi savoir faire son auto-critique. Peut-être que l’on s’est laissé griser par ce que l’on venait de faire et du coup on a été moins lucide. On aurait dû se concentrer davantage sur l’analyse de nos forces et sur notre recrutement. C’est ça qui me dérange. Après, humainement, je n’ai pas de regret. J’ai rencontré des gens formidables. Alès, c’est un club qui pue le football. C’est une ville qui pue le football. J’ai vécu des relations humaines très fortes. Je me suis impliqué à 200 % dans le projet. J’y croyais et j’y crois encore parce que je vais le suivre.
Paul, supporter de l’OAC, qui fait des kilomètres chaque samedi pour suivre Alès, te demande : « Que réponds-tu à ceux qui disent que tu as lâché Alès ? »
(Il marque un temps d’arrêt). Il y a des choses que je ne peux pas dire… Même si je trouve que ce n’est pas totalement juste, je les comprends. Ceux qui disent ça sont certainement ceux qui avaient beaucoup d’attente envers moi, et ça me peine qu’ils pensent ça. On m’a donné beaucoup de crédit, beaucoup de force et d’amour dans ce club. Il y avait des attentes autour de moi. Mais quand une opportunité comme celle-ci se présente, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que c’est très compliqué de la refuser. Quand tu es en N3, que tu vas dans un club de Ligue 2… ça n’existe pas ! Parce que le fonctionnement du football est ainsi. Je veux leur dire que, pendant deux saisons, j’ai refusé des clubs en National et en D1 en Algérie, j’ai refusé un club saoudien, ce n’est pas rien, où les émoluments étaient supérieurs à ce que je touchais à Alès et à ce que je touche à Martigues. J’ai refusé parce que j’avais un engagement moral et sportif. J’ai estimé à ce moment-là qu’il n’y avait pas d’intérêt à y aller. On peut aussi se dire que dans le football, il y a des cycles et des challenges que tu ne peux pas refuser. Alors je trouve que ce n’est pas totalement juste, mais je les comprends.
Paul te demande aussi quelle est ta part de responsabilité dans la descente d’Alès de N2 en N3 la saison passée ?
Elle y est ma part de responsabilité, bien sûr, par rapport à cette inter-saison. J’en ai parlé. On sait ce qui s’est passé à l’intérieur du vestiaire, entre les anciens et les nouveaux, la guerre des egos et tout ça, cela a été très compliqué, mais encore une fois, cette descente, si on est honnête, elle intervient dans un championnat avec cinq descentes (du 10e au 14e, Alès ayant terminé 10e). Sur une saison normale, on doit être en N2 encore, et on a vu l’intersaison. On s’est battu jusqu’au bout, et si il n’y a pas l’affaire de Bordeaux, celle de Niort, on est en N2. Une semaine avant le début de saison, on ne savait pas encore si on repartait en N3 ou en N2. Mais pour répondre clairement à la question : j’ai ma part de responsabilité dans l’intersaison, mais pas dans le reste de la saison, parce que je finis 10e. J’ai donné le maximum.
(1). Hakim Malek a notamment entraîné : Alès (N2, N3), Hyères (N2), Paradou AC (D1 Algérienne), Mouloudia Alger (D1 Algérienne), Al-Khor (adjoint de Bernard Casoni, Qatar), Nîmes (L2, adjoint de José Pasqualetti), Le Pontet (N2), Marseille-Consolat (N2), El Eulma (D1 algériene).
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À 28 ans, le milieu de terrain et capitaine de l’actuel leader de la poule C se voit nulle part ailleurs qu’au FC 93, où il se sent comme chez lui. Il faut dire qu’il habite à Bobigny et se rend à pied au stade ! Un attachement indéfectible et une fidélité rare à ce niveau.
Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech
La scène se passe dans la soirée le 22 décembre dernier, après un match. Une heure avant, dans une grosse ambiance, le FC 93 s’est incliné face à Angers (0-1) sur un but d’Esteban Le Paul (qui a lancé sa série avant de beaucoup marquer en L1) en 32e de finale de la Coupe de France. Crampons à la main, Reda Kaddouri, le capitaine (28 ans) rentre tranquillement chez lui à pied. Sur son chemin, il est interpellé par quelques jeunes. À Bobigny, où il habite à quelques minutes du stade Auguste-Delaune, il est chez lui. « Je ressens beaucoup de fierté de jouer dans le club de ma ville », reconnaît-il.
Ce sentiment d’appartenance a tendance à se perdre, même au niveau amateur. Même si son club du FC 93 (qui réunit les communes de (Bobigny, Bagnolet et Gagny en Seine-Saint-Denis) est en pleine croissance, le milieu de terrain veut continuer à véhiculer ces valeurs. Ses performances auraient pourtant pu lui permettre de jouer plus haut. « À chaque intersaison, il y a des clubs de niveau supérieur qui le contactent mais il préfère rester chez nous pour jouer avec ses potes dans un endroit où il se sent bien. Les codes du milieu pro, ce n’est pas pour lui », explique Siné Danioko, le directeur sportif et technique du FC 93 Bobigny qui est à la lutte avec Fleury pour monter en National. Le FC 93, vainqueur à Épinal (1-0) samedi est leader du groupe C de National 2 avec 4 points d’avance sur le club Essonnien qui compte deux matchs en moins. Le duel risque d’être serré jusqu’au bout. Entretien-découverte avec un footballeur atypique.
Interview
« Partir pour quelques euros de plus ne m’intéresse pas »
Photo Philippe Le Brech
Vous exprimez et vous revendiquez une certaine conception du foot qui a tendance à disparaître…
Reda Kaddouri : Oui, j’ai une personnalité un peu atypique dans le milieu actuel du foot. J’ai une mentalité à l’ancienne, Jouer pour le club de ma ville, de mon quartier, presque devant chez moi, comme avant, ça représente beaucoup à mes yeux. Cette notion de représenter un territoire ou un quartier comme on le voit par exemple en Angleterre à Londres, c’est très important pour moi. Mais c’est vrai que cela devient de plus en plus rare, même en amateurs. Mais moi, ça ne m’intéresse pas de faire le vagabond ou le mercenaire en partant ailleurs pour quelques euros de plus. Je privilégie mon épanouissement personnel. J’ai besoin de me sentir à l’aise dans mon environnement pour performer et prendre du plaisir pour tout donner et exceller. Ici à Bobigny, j’ai tout ça.
Revenons à vos débuts. Au Paris FC vous avez côtoyé du beau monde…
Je suis du XXe arrondissement de Paris et je suis donc allé au Paris FC. J’étais surclassé et dans mon équipe U13, il y avait des joueurs comme Seko Fofana, Olivier Ntcham, Wilan Cyprien, Tafsir Cherif… Eux, ils sont allés loin. Moi, je n’avais cette mentalité de réussir à tout prix. Au Paris FC, l’entraîneur de cette génération, c’était Reda Bekhti. Un super formateur. Je l’ai retrouvé à Bobigny où il est responsable de la préformation. Après le Paris FC, j’ai arrêté le foot pendant deux ans. J’ai fait du tennis. Puis j’ai repris à l’OFC Couronnes, un club du XXe arrondissement. C’était juste pour le plaisir. En U17, j’ai joué en D3 district, soit quasiment le plus bas niveau. On est monté deux fois, j’ai joué en 1ère division de District en U19 puis je suis parti à Joinville.
C’était pour quel niveau ?
C’était en U19 DHR. Donc encore très loin du haut niveau. Mais Joinville est un club réputé chez les jeunes en région parisienne. J’ai beaucoup progressé. Ensuite, j’ai signé à Montreuil, d’abord pour les U19 puis j’ai débuté en DH seniors à 19 ans. Il y avait un beau groupe d’anciens et un super coach Renaud Miherre. J’ai beaucoup appris grâce à eux. L’ambiance était top.
« Stéphane Boulila a beaucoup compté pour moi »
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C’est là que Bobigny est donc venu vous chercher en 2016, il y a donc neuf ans ?
J’avais aussi reçu une proposition de Versailles qui était également en DH à l’époque. Je venais justement de déménager à Bobigny donc j’ai fait le choix de la proximité. Mais Bobigny recrutait aussi des bons joueurs de DH, et surtout, j’avais beaucoup apprécié le discours du coach Stéphane Boulila. En région parisienne, c’est quelqu’un qui compte. Il est du 93, il a commencé à Noisy-le-Sec puis il est parti en Ligue 1, il a eu une grave blessure mais il s’est relevé. À 37 ans, il a marqué 28 buts sur une saison avec Aubervilliers en CFA (ex-N2). C’est un exemple pour de nombreux joueurs. Il a beaucoup compté pour moi. On est resté en contacts, on s’appelle souvent. Après, pour être honnête, je pense que la mentalité de Bobigny me convenait mieux que celle de Versailles (sourire).
Avec Bobigny vous êtes montés deux fois de suite de DH en N2 et c’est à cette période que vous avez commencé à vous faire remarquer ?
C’étaient des belles saisons. Des clubs ont commencé à s’intéresser à moi. Lors de l’année de N3, des clubs pros m’ont proposé de venir effectuer des essais avec leur réserve à la trêve. Mais Stéphane Boulila m’a conseillé d’attendre la fin de saison en me disant que j’aurais mieux. Il avait raison. Le Red Star qui était en Ligue 2 m’a appelé et j’ai signé un contrat pro de trois ans. Le club de mon département, près de chez moi, c’était parfait.
Le monde pro au Red Star
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Au Red Star, vous avez pourtant déchanté. Au total, vous n’avez disputé qu’un seul match en équipe première, en septembre 2019 face à Villefranche en National. Avez-vous des regrets ?
Non. Déjà, je remercie le Red Star de m’avoir donné cette chance et de m’avoir permis de voir ce qu’était le haut niveau. Mais ça a été compliqué au niveau du rythme de passer de la N3 à la Ligue 2, les charges d’entraînement étaient plus lourdes et j’avais des déficiences physiques. Le fossé était quand même grand. J’ai connu quelques blessures, des tendinites. En plus, pour être bien dans ma tête, j’ai voulu continuer mes études, car ça me tenait vraiment à cœur. J’étais en Master 1 à la faculté de Nanterre et forcément ça m’a freiné.
Durant le temps de votre contrat au Red Star, vous avez choisi d’être prêté deux fois… à Bobigny. N’aviez-vous pas envie de tenter votre chance ailleurs ?
J’ai privilégié le temps de jeu, le plaisir, la proximité avec ma famille et mes études. J’avais des opportunités en National. Mais ça ne m’a pas attiré. J’ai préféré rentrer chez moi dans mon club et continuer mes études. Chez nous, on est très famille. Je suis d’origine Marocaine, ma grand-mère est du côté d’Oujda. Mes parents étaient soulagés que je reste et que je ne parte pas en province.
« Je ne vois pas l’intérêt de partir »
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Quel regard portez-vous sur votre brève expérience chez les pros ?
Sincèrement, j’ai ressenti un certain décalage en côtoyant le milieu pro. Par rapport au monde amateur, il y a des choses flagrantes qui m’ont choqué. Il y a beaucoup d’égoïsme. Ça parle à droite à gauche, derrière le dos. C’est contraire à mes valeurs. Je ne m’y suis pas retrouvé. Maintenant, je prends tellement de plaisir que je ne vois pas l’intérêt de partir ailleurs, à l’aventure, même pour un meilleur salaire.
Cette expérience compliquée au Red Star a-t-elle changé votre regard sur le foot ?
Non. J’étais et je reste un fou de foot. Je regarde tout à la télé et chaque week-end, je vais voir notre réserve à Bobigny, mon ancienne équipe de Montreuil ou des matchs de R1 et R2 en région parisienne. Cela me permet de voir des potes ou des anciens coéquipiers. J’aime bien découvrir aussi des joueurs. Le partage, la convivialité, c’est comme ça que je conçois le foot. Après, j’ai aussi besoin de faire d’autres activités à côté du foot. C’est pour ça que j’ai continué mes études assez longtemps. J’ai une licence de Mathématiques et Statistiques et un Master 2 en Ingénierie Statistiques et économiques de la finance.
« Les matchs, j’ai toujours baigné dedans ! »
Photo Philippe Le Brech
Votre père était professeur de maths. C’est lui qui vous a donné la vocation ?
Quand on était jeune, il était vraiment à cheval sur les études. Les maths, j’ai toujours baigné dedans. Je voyais ses copies et ça m’intéressait vraiment. Quand je vois mon père, aujourd’hui à 67 ans, je me dis qu’il a bien réussi dans la vie. Et je serai content d’être comme lui… Je prends beaucoup de plaisir à enseigner et à partager.
Vous enseignez à quel niveau ?
Je donne des cours particuliers à des élèves de différents niveaux. À la rentrée de septembre 2025, je devrai normalement intégrer une structure privée comme professeur de mathématiques.
En attendant, je suis animateur à l’école élémentaire 236 de Belleville, dans le XXe arrondissement de Paris. J’organise des petits jeux pour les enfants du CP au CM2. Le responsable de cette école, c’est mon ancien animateur. C’est important de transmettre à mon tour. J’ai été à la place des enfants dont je m’occupe maintenant.
« Le club gravit les échelons et est en constante progression »
Photo Philippe Le Brech
Revenons au foot, Bobigny a pas mal grandi depuis que vous êtes arrivé il y a 9 ans…
Je vois mon club beaucoup évoluer depuis que je suis arrivé en DH (R1). On est en constante progression tout en gardant nos valeurs et notre ADN. Le club gravi des échelons chaque année. Les infrastructures s’améliorent, les vestiaires se modernisent, un nouveau bâtiment avec des salles a été construit. On est dans un club en mouvement. Il y a beaucoup de personnalités de tous les horizons qui sont venus participer à son développement comme Seyfu ou Odsonne Edouard (l’attaquant de Leceister est devenu actionnaire du club). Quand on voit des anciens pros comme Younousse Sankharé ou Bakary Sako nous rejoindre pour participer à notre projet, ça donne encore plus de crédibilité au club. Et pour un joueur, ça donne encore plus envie de s’y investir.
Vu votre attachement à votre club, cela doit être encore plus fort pour vous ?
Bien sûr. Quand en plus, on habite dans cette ville, ça procure de la fierté de participer à ce beau projet et donner une image positive de Bobigny et du département du 93 qui est souvent décrié. Après bien sûr, si on monte un jour en National, il faudra que je m’organise par rapport à ma future activité de prof de maths.
« Chez nous, le foot, ce n’est pas que l’argent »
Photo Philippe Le Brech
Ça pourrait être dès la saison prochaine…
On n’a pas les mêmes moyens que Fleury ou Créteil. Mais chaque année, on joue les premiers rôles et on progresse grâce notamment à l’arrivée de renforts qui ont connu le niveau supérieur. On n’a pas de pression particulière même si on est conscient de ce qu’on est capable de faire. On est allé gagner à Fleury (2-0 le 11 janvier) mais la saison est encore longue. Si on a moyen de gratter quelque chose de mieux, on ne s’en privera pas. Et si l’on monte en National, bien sûr qu’on sera parmi les plus petits budgets mais on sera prêt. Je sais que beaucoup de gens sont prêts à nous suivre et à investir. Mais à Bobigny, on montre que le foot, ce n’est pas que l’argent.
Forcément, vous, vous allez finir votre carrière à Bobigny…
Pour tout ce que j’ai expliqué et tant que le club continue de grandir jour après jour, effectivement, je ne vois pas ce que j’irais chercher ailleurs, même pour un meilleur salaire. Ici, j’ai tout. Mais Bobigny, ça dépasse le cadre du foot. Chaque année, on organise des voyages et même les anciens y participent. Ces grandes rencontres ont solidifié nos liens. Au mois de décembre, on est parti à La Mecque à une dizaine. Il y avait six joueurs de l’équipe actuelle. On a vraiment créé quelque chose en dehors du foot. C’est comme ça que je conçois le sport. C’est une vie que j’aime.
Reda Kaddouri, du tac au tac
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Vos meilleurs souvenirs ?
Mon premier match sénior en DH à 19 ans alors que j’arrivais des U19 DHR de Montreuil. J’étais la depuis deux semaines et j’ai été titularisé pour un match à Versailles car le titulaire était parti en prison. Je n’avais jamais vu un terrain comme celui de Versailles, il était tondu façon PE6 en cercle. Avec Bobigny, notre montée en National 2 en 2018 puis le match du maintien à Haguenau lors de la dernière journée de N2 en 2019. L’équipe qui gagnait se maintenait. On a gagné 2-0.
Vos pires souvenirs ?
Les 15/15 avec Mambi Keita, l’ancien entraîneur adjoint de Bobigny, avant de commencer les entraînements… Je rigole mais je n’en vois pas d’autres. Il y a eu les blessures, comme celles que j’ai eues au Red Star, mais elles font partie de la vie et de l’apprentissage. Je me souviens aussi d’un match contre Épinal, l’avant-dernière journée de la saison 2022-2023 chez nous contre Épinal. Si on gagnait, on passait devant eux. Mais on a perdu 3-2 après avoir eu une balle de 3-1. Au final, c’est Épinal qui est monté en National. Mais ce n’était qu’une déception sportive. Il y a plus grave que le foot dans la vie. On passe vite à autre chose.
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Des regrets sur votre parcours ?
Aucun mais au contraire une grande fierté. Je suis passé de la 3e division district U17 à un contrat pro à 22 ans au Red Star.
Les clubs où vous vous êtes senti le plus à l’aise ?
À Montreuil et à Bobigny. Montreuil c’était une équipe de trentenaires, j’avais 18/19ans et c’était compliqué de jouer en DH pour un jeune. C’était la bagarre tous les week-ends, malgré ça, j’ai joué tous les matchs et les anciens m’ont super bien accueilli. Sans eux, je n’aurais jamais eu ce parcours. Et à Bobigny, c’est la famille, des valeurs qui me ressemblent, que ce soit des intendants en passant par la direction, les joueurs et les éducateurs. La fraternité du vestiaire comme à Bobigny on, la retrouve rarement ailleurs.
Vous avez évolué en défense centrale et maintenant vous êtes davantage milieu. Quel est votre poste préféré ?
Le milieu. J’étais un défenseur central qui prenait beaucoup de risques. Je préfère être au milieu, on fait des passes, on touche davantage le ballon, on ressent plus d’adrénaline alors qu’en défense centrale, on est parfois dans son petit fauteuil. En ce moment, je joue plutôt relayeur. Normalement, quand on avance en âge, on recule sur le terrain. Moi, c’est le contraire (rires)…
Combien de buts inscrits dans votre carrière en séniors ? Le plus beau ?
Une vingtaine, au moins deux chaque année. Le plus beau, c’était un coup franc avec Montreuil contre Bobigny en DH.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Farid Beziouen à Fleury et aux Lusitanos Saint-Maur. Mais on a la chance qu’il soit maintenant chez nous, donc je l’affronte à l’entraînement désormais et c’est beaucoup mieux comme ça.
Les coéquipiers les plus forts avec qui vous avez joué ?
Farid Beziouen. Mais aussi l’incompris Karim Regragui et Issa Niakaté le joueur de l’ombre qui embellit les joueurs autour de lui !
Les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Renaud Miherre à Montreuil et Stéphane Boulila à Bobigny. La très grande classe !
Photo Philippe Le Brech
Un président, un dirigeant marquant ?
Le président de Bobigny, Mamadou Niakaté, pour sa générosité, ses valeurs humaines et son respect. Avoir commencé sa présidence à 24 ans et avoir mené le club avec les dirigeants actuels jusqu’aux portes du monde pro, c’est juste incroyable. Philippe Donin, l’ancien kiné au Red Star pour son travail et sa bienveillance. C’est une personne qui nous fait oublier qu’on est blessé. Il préfère exercer dans son cabinet situé en plein milieu de la cité autour d’habitants au niveau de vie précaire plutôt qu’ailleurs et gagner plus d’argent au vu de son expérience et ses compétences. Un exemple à suivre.
Une causerie marquante d’un coach ?
Himed Hamma à Bobigny. C’était la semaine d’un match contre Belfort et certains joueurs prenaient l’habitude d’arriver en retard à l’entraînement, ce qui agaçait Himed. Malheureusement pour eux, cela s’est reproduit le jour du match. Himed entre dans le vestiaire calmement et nous dit qu’il n’y aura pas de causerie aujourd’hui à cause des retards et repart. Heureusement pour nous, on l’a gagné ce match… On a couru comme des lapins.
Photo Philippe Le Brech
Vos amis dans le foot ?
J’ai rencontré des grands frères à Montreuil avec qui je suis toujours en contact et qui viennent toujours à Bobigny nous voir jouer. À Bobigny, des frères qui sont toujours au club ou qui sont partis mais avec qui on voyage ensemble chaque année. Ce sont des personnes entières et aux valeurs humaines incroyables. Ce qui fait notre force, c’est cette fraternité dans notre vestiaire.
Le club de vos rêves ?
Voir le FC93 en Ligue 1
Votre stade préféré ?
Anfield ! J’aimerais bien y aller un jour ou bien qu’on nous ramène Anfield à Delaune !
Vos modèles dans le foot ?
Zizou !
Photo Philippe Le Brech
Si vous n’aviez pas été footballeur ?
Je serais sûrement prof de maths à plein temps ou j’aurais travaillé dans le milieu associatif.
Vos occupations en dehors du foot ?
La plupart du temps au stade, dans un stade de la région parisienne ou à la maison en famille… sinon au travail dans l’école de mon ancien animateur quand j’étais petit qui est devenu responsable de cette école.
Le milieu du foot en quelques mots ?
Le milieu du football amateur est magnifique, familial, il procure plein de plaisir sûr et en dehors du terrain avec beaucoup de valeurs humaines et d’entraide comparé au football business et égoïste d’aujourd’hui. En tout cas, c’est comme ça que ça se passe chez nous à Bobigny.
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En renversant Nice (Ligue 1) au terme d’un final absolument époustouflant, le Stade Briochin (N2) a réalisé un incroyable exploit qui semblait impossible à cinq minutes de la fin (2-1), et atteint les 1/4 de finale pour la première fois. Complètement dingue !
Par Anthony BOYER / Photos : Coralie Houeix et 13HF
Il a fallu un but. Celui de l’égalisation briochine, à la 88e minute, quand tout semblait perdu, pour réveiller un stade qui jusqu’alors s’était trop bien tenu. Les Bretons aiment le foot, tout le monde le sait. Tout le monde le dit. Jusqu’à en oublier parfois de faire énormément de bruit. De pousser. De hurler. De s’égosiller la voix.
Peut-être aurait-il fallu que cette équipe de National 2, entraînée par un président qui met de l’argent dans le club et fait le recrutement, frappe dix ou quinze fois au but pour soulever ce public parfois trop respectueux, plus spectateur que supporter. Comme s’il était résigné. Comme s’il savait d’avance que l’aventure allait inéluctablement s’achever face au 5e de Ligue 1.
Il a fallu ce but, à la 88e, sur une frappe de Boubacar Diakhaby – qui venait de rentrer – déviée par Hugo Boudin, pour transformer le stade Fred-Aubert en chaudron incandescent. « Quand on a vu que c’était « Bouba » qui frappait du droit, on s’est dit que le ballon allait finir en l’air, plaisantait encore le gardien Francl L’Hostis ! D’habitude, il ne frappe jamais du droit ! »
Il a fallu cette égalisation que l’on n’attendait plus et venue de nulle part pour vivre une folle ambiance et voir ces 4700 personnes présentes se lâcher, eux qui n’osaient plus y croire, contrairement aux onze acteurs aux maillots bleus floqués du logo au griffon et qui n’ont jamais lâché ni cessé d’y croire.
Et puisque l’on n’était pas au bout de nos surprises, il a fallu ce deuxième but, après un corner niçois, au bout du bout du temps additionnel, sur un contre de 80 mètres emmené par l’entrant Julien Benhaim, signé Hugo Boudin, pour rappeler ce qu’est la coupe de France : une épreuve unique et indécise, une épreuve qui rassemble et unit, une épreuve qui vous prend les tripes, fait pleurer et procure des émotions indescriptibles comme rien d’autre au monde, si ce n’est la naissance d’un enfant, n’est capable d’offrir.
Mais que faisait Hugo Boudin, le défenseur, à la conclusion de ce rush de la dernière chance, à la dernière seconde, alors que Nice venait de jouer un corner et de voir une frappe repoussée ? Mais que faisait Hugo Boudin au 2e poteau, à l’affût d’un centre ou d’une erreur – un ballon relâché par Maxime Dupé sur une frappe d’Artur Zakharyan -, lui que le coach avait failli sortir peu de temps auparavant. Personne ne sait. L’intéressé non plus, ne le sait pas. Mais il était là. Ils étaient d’abord 3 contre 2, puis 4, puis 5 on ne sait plus très bien, mais ils étaient nombreux et encore plein d’énergie à avoir couru jusque dans la surface sur cette dernière action pour faire mal et piquer tel les matadors.
Jamais une défaite n’avait rendu Franck Haise, le coach de l’OGC Nice, aussi abattu, hagard et désemparé cette saison, presque au bord des larmes. Jamais une victoire n’avait rendu Franck Allanou, l’entraîneur qui fait tout dans le club mais pas tout seul, aussi heureux : « C’est le plus grand moment de ma vie sportive » a-t-il confié devant les micros, après la qualification pour les 1/4 de finale (mercredi 26 février). Comme on le comprend ! Le premier essai avait eu lieu en 1966, quand l’Angleterre régnait sur le toit du monde du ballon rond, mais l’aventure s’était arrêtée en 8e, dans une épreuve à la formule alors différente. Le deuxième essai a été le bon, et ça valait le coup d’attendre 59 ans !
La coupe c’est ça : de l’abnégation, du dépassement de soi, de l’entraide, de la souffrance et puis cette magie qui vous propulse dans une autre dimension. Comme si vous franchissiez le mur du son. Le Stade Briochin n’avait pas cadré un tir avant d’égaliser. Comme quoi… Mais il avait tout de même montré de belles choses et rééquilibré un peu les débats depuis l’ouverture du score azuréenne à la 55e, sur un but un peu casquette de Tom Louchet, qui ressembla d’ailleurs à celui du 1-1.
Avant cela, l’équipe bretonne, où les entrants ont fait plus qu’apporter leur pierre à l’édifice, avait fait le dos et confirmé qu’elle était bien cette équipe difficile et « chiante » à jouer, la preuve, l’OGC Nice ne parvenait pas à trouver la faille (0-0 à la pause). Ce but niçois eut le don de réveiller les Griffons, soudain désinhibés, soudain décomplexés. Nice avait imposé sa domination sans rien laisser à son adversaire… jusqu’à l’égalisation. Mais se reposer sur ses lauriers était s’exposer à un tel scénario, et c’est ce qui s’est produit. Et c’est ce qui a permis ce final exceptionnel. On appelle ça la magie de la coupe !
Guillaume Allanou (entraîneur et président du Stade Briochin) : « Ma plus grosse émotion sportive ! »
« En termes d’émotion, c’était très fort. Il fallait que l’on soit vigilant et concentré. On ne leur a pas donné grand-chose. On a rivalisé sur l’aspect défensif, ce qui était la priorité. On a pris ce but en début de deuxième période sur une action que l’on a mal gérée car je pense que l’on doit être capable de la sortir, et puis, je l’avais vu contre Toulouse, quand Nice était en maîtrise à 1-0 et largement au-dessus, avant, au final, de se faire rattraper au lieu de plier le match. Ce scénario s’est répété. Et nous, on a ce supplément d’âme : contre Annecy, au tour précédent, on était mené, à Saint-Malo, chez le leader du championnat, il y a quinze jours, on était mené aussi (victoire 2-1), c’était déjà un exploit. Après le but de Nice en début de deuxième période, le match s’est rééquilibré même si on n’a pas eu d’occasions franches. On n’a pas paniqué et nos changements ont apporté du dynamisme. En fait, leur but nous a permis de nous réveiller et de nous lâcher, parce que certains étaient un peu inhibés. Après, le scénario, cette dernière action, est extraordinaire ! Même dans les rêves les plus fous, on n’imagine pas ça. Quand j’ai vu ce dernier contre, où on a mis de l’énergie, j’ai pensé que l’on pouvait marquer, oui, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit Hugo (Boudin) qui le fasse, la surprise elle est là (rires) ! Ce soir, on est passé un peu par tous les états : au début, on espère, après, on se dit que c’est dur, puis que c’est foutu, après on revient… Ce sont ces émotions-là que les gens aiment. Que les journalistes aiment. J’avais dit aux joueurs que l’on avait 4,34 % de chance de se qualifier, et on les a joués à fond. C’est ma plus grosse émotion sportive de ma vie. J’ai bien dit « sportive », parce que j’ai des enfants, et ils restent ma priorité. »
Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Près de 60 ans après, Saint-Brieuc (N2) va vivre un 8e de finale de coupe de France, face à l’OGC Nice (L1). Le gardien, arrivé de National il y a un an et demi, apporte son expérience et sa « positive attitude », mais il n’est pas le seul dans un groupe ultra-expérimenté. Présentation !
Par Anthony BOYER / Photos : Stade Briochin Nicolas Créach / Clément 4K (sauf mentions spéciales)
Ce n’est pas la revanche du grand blond. Ni sa résurrection. Loin de là. Ce n’est pas non plus un couronnement, une consécration ni même un crépuscule. Juste une récompense, un cadeau, qui tombe comme ça, mais pas forcément du ciel.
À bientôt 35 ans (il les fêtera le 3 avril), Franck L’Hostis, qui n’avait jamais dépassé les 32es de finale de coupe de France malgré son CV riche de quelques jolis clubs, en National et en Ligue 2 (Martigues, Amiens, Clermont, Le Puy, Orléans, Bourg-en-Bresse/Péronnas), va vivre son premier 8e de finale face à l’OGC Nice, un adversaire qu’il avait plutôt l’habitude de croiser dans ses jeunes années passées au centre de formation de l’AS Monaco (2008-2012), à 18 kilomètres de la capitale azuréenne !
Et c’est avec le Stade Briochin, où il a signé à l’été 2023, en National 2, que « Francky », ou plutôt « Déloss », ce surnom donné par un de ses coéquipiers à Monaco, Fred Bulot, qui avait l’habitude de mettre des « Dé » avant chaque nom de famille, que le gardien va vivre ce bel événement. Tout simplement. Sans se prendre la tête. Juste en donnant tout, comme d’habitude. C’est comme cela que le gardien (1,86m et 77kg) né à Nîmes, qui a grandi juste à côté, à Manduel, passé par Beaucaire notamment, fonctionne.
Ce match, c’est un événement, bien sûr, mais « pas une finalité » : « Nice ? Tout est faisable, prévient-il. On a réussi à faire en sorte de jouer chez nous, dans notre petit stade Fred-Aubert (2999 spectateurs attendus, jauge maximale), on va jouer sur ça aussi. Contre Corte, en 32e, Nice a joué à Furiani, dans un stade qui a connu la Ligue 1, ce n’était pas comme si c’était un traquenard. Chez nous, ça fera un peu plus comme une ambiance à l’anglaise. L’idée c’était encore de jouer chez nous, pas à Guingamp. » Les Azuréens, bien que d’un autre calibre qu’Annecy (L2) ou Le Havre (L1), les deux dernières équipes tombées lors des deux précédents tours dans les Côtes d’Armor, sont prévenus.
À quelques heures d’un match en retard disputé à Avranches (1-1), vendredi dernier, Franck L’Hostis s’est confié. Dans la Manche, son équipe, bien calée dans le premier tiers du classement en National 2 (5e avec un match en retard), a été rattrapée au score (1-1) mais elle n’a plus connu la défaite depuis le 2 novembre (contre Poitiers, 1-2, journée 9).
L’ancien international U19 et U21 évoque son club, retrace quelques instants mémorables de sa carrière, parle de la coupe, de ses joies, de ses douleurs, des moments forts, des moments difficiles. Sans jamais se lamenter. Toujours avec cette « positive attitude » qui le caractérise et le suit. Toujours avec ce respect et cet amour des gens, ce goût du dialogue. Ce goût des autres.
Interview : « Je n’ai aucun doute sur notre mentalité »
En ville, à Saint-Brieuc, ça parle un peu de la coupe ? Les gens parlent beaucoup de nous en ville, en plus, la Bretagne, c’est une vraie terre de foot. Ici, les gens sont passionnés mais n’ont pas forcément le réflexe d’aller au stade tous les quinze jours. Mais ils suivent, ils s’intéressent. Maintenant, c’est vrai que la coupe a mis un énorme coup de boost, je le vois bien, quand j’amène mon petit, Gabriel (3 ans et demi), à l’école, les parents et la maîtresse m’en parlent ! Les deux dernières qualifications, contre des clubs pros, ça a dynamisé le truc.
C’est comment, le Stade Briochin ?
Un club familial, sain, ambitieux. Parce que c’est possible d’être familial et ambitieux : on sait tous comment c’est, parfois, en pro, l’ambition peut faire que tu oublies ce côté humain, ce côté associatif; chez nous, il y a beaucoup d’entraide, de dépassement de fonction, je repense au match de coupe contre Annecy, il a fallu déplacer les panneaux LED; des bénévoles, des salariés, des joueurs du club, des sympathisants, tous sont venus aider toute la journée, et on a tous mangé ensemble le midi ! Ce sont des choses toutes simples, mais c’est important. Et pour moi, tout est lié : tu ne peux pas faire un parcours de coupe, avoir des bons résultats depuis plusieurs mois, si chacun joue sa carte personnelle.
Photo Philippe Le Brech
La particularité du club, c’est les casquettes multiples de Guillaume Allanou, président, coach, directeur sportif, partenaire…
C’est clair que je n’avais jamais connu ça avant ! Quand j’ai signé au club, il était juste le président et m’a dit, direct, « bon moi, c’est Guillaume, tu m’appelles Guillaume », d’ailleurs, tout le monde l’appelle Guillaume, donc tout de suite, il y a ce côté proximité, familial, qui ressort. Et puis, il y a un an, quand le coach Roland Vieira est parti, Guillaume a pris l’équipe en main. J’ai trouvé ça bizarre au début mais en fait, non, parce que le club fonctionne comme ça, avec des dépassements de fonction, où chacun met la main à la pâte. C’était juste la suite logique. En plus, Guillaume avait fait le recrutement avec Roland (Vieira), donc il s’est retrouvé avec des joueurs dont il a validé la venue. C’est ce qu’on s’est dit avec les joueurs; ça a permis d’éviter qu’un nouveau coach arrive et dise « Lui je n’en veux pas, Lui ceci, lui cela », et ça a fonctionné. En plus, il était déjà coach de la réserve en N3, donc il y a eu une continuité, que l’on a retrouvé avec certains jeunes qui ont grimpé dans le groupe N2. Il n’y a pas eu de chamboulement.
Il est meilleur coach ou il est meilleur président ?
(Rires !) Je sais une chose, c’est que quand j’ai signé, il a été franc et honnête, les négociations se sont bien passées, il m’a dit « ça c’est possible, ça ce n’est pas possible », c’était clair, net et précis, et quand tu es joueur, c’est parfait, tu n’as pas de mauvaises surprises. Les six premiers mois, quand il a pris la suite de Roland (Vieira), on finit 2e en N2 sur la partie retour, et là, cette année, on n’est pas trop mal classé, on est en 8e de finale de coupe, les résultats sont là !
Après la qualif’ face à Annecy !
Les points forts et les points faibles du Stade Briochin ?
Le point faible, je pense qu’on l’a gommé aujourd’hui. En début de saison, on savait qu’on avait une bonne équipe, avec de la qualité, une bonne mentalité, mais à certains moments, on en mettait un peu moins sur le terrain, on se disait que ça allait passer quand même, parce qu’on pensait qu’il y aurait toujours le copain à côté pour faire la différence, vu qu’on est une bonne équipe. Et puis il y a eu ce match qui a servi de déclic, quand on a perdu 3-2 à Granville (le 21 septembre, journée 6), alors que l’on menait 2 à 0 à la pause; ça nous a remis les idées en place. À 2-0, on s’est dit « c’est bon, c’est fait », et en fait, on était à 95 %, or si on n’est pas à 100 % on ne peut rien espérer. Notre gros défaut était d’avoir un peu de suffisance, le mot est un peut-être un peu fort. De tomber dans la facilité, inconsciemment. On l’a rapidement gommé. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on est hyper-rigoureux, solide et solidaire. On est remonté au classement et en coupe on fait ce parcours. Mais on le sait très bien, si on se relâche, on ne peut rien espérer. Jusqu’à présent, on est arrivé à garder cette rigueur, cette concentration, cette mobilisation. Et ce point faible est devenu notre point fort : on est hyper-dur à jouer, on est hyper-compact, solide. Nos temps faibles, on les gère mieux, on fait mieux le dos rond, et dans les temps forts, même si on doit progresser dans ce domaine, on arrive quand même à faire mal à nos adversaires. Aujourd’hui, franchement, on est dans un état d’esprit top, même si on a perdu aussi contre Poitiers (le 2 novembre), mais l’état d’esprit avait été bon ce jour-là. Avec Saint-Brieuc, je n’ai aucun doute sur la mentalité avec ce groupe !
Le stade Fred-Aubert (avec sa nouvelle tribune en face) pourra accueillir 2999 spectateurs contre Nice. Photo 13HF
Meilleur souvenir sportif ?
Le tournoi international Espoirs de Toulon, où j’avais été élu meilleur gardien (défaite en finale contre la Colombie aux tirs au but). Et aussi le parcours cette saison en coupe de France avec Saint-Brieuc. Vivre ces moments-là, avec ce groupe-là, c’est cool, parce qu’on est soudé, on joue les uns pour les autres, y’a un « plus » chez nous. Le Stade Briochin, c’est un club familial. Cette épopée, ça va rester. Jusqu’à présent, je n’avais pas fait mieux que 32e de finale avec Le Puy, on avait été éliminés à Limonest (en 2020), alors qu’on était en National et eux en N3, on avait joué pendant 40 minutes à 11 contre 9 pour nous… L’année d’avant, toujours avec Le Puy aussi, en 32e, on avait perdu 1-0 contre Nancy (L2) dans l’anonymat, alors qu’on avait fait jeu égal. Jusqu’à présent, je n’avais jamais eu trop de chance ni trop de réussite en coupe, et cette fois, ça me sourit !
Pire souvenir sportif ?
Mes deux fractures du doigt à Clermont, espacées d’un an quasiment jour pour jour. Elles m’ont fait très mal au mental. La première m’a fait perdre ma place en Ligue 2 et la seconde… j’étais à la cave. Il y a aussi la descente en N2 avec Bourg (en 2023). Là, ton ego de compétiteur est touché. Cette descente m’a fait mal. Individuellement, je n’avais pas fait une bonne saison. Cela ne fait jamais plaisir.
Avec Cheick N’Diaye, l’entraîneur des gardiens du Stade Briochin.
Si tu n’avais pas été footballeur ?
C’est une bonne question. Déjà, je sais une chose, je ne peux pas rester assis dans un bureau. Il faut que ça bouge. J’aurais fait quelque chose en lien avec les gens, un truc où il y a de la relation humaine, comme commercial, mais j’aurais travaillé dehors, et toujours en mouvement ! Parler avec les gens, échanger, ça me plaît. Peut-être journaliste (rires) ?
Ton plus bel arrêt ?
Au tournoi espoirs de Toulon, en demi-finale, contre l’Italie, je fais une sortie à 2000 à l’heure sur Paloschi (ex-Milan, Genoa, Chievo Vérone, Atalanta, etc.). Chaque saison, tu as toujours 2 ou 3 arrêts qui te restent en tête, mais celui-là, avec l’équipe de France, à 5 minutes de la fin, il était important. Sinon, cette année, je dirais le penalty arrêté contre Saint-Malo en coupe de France, même s’il n’est pas magnifique, mais il nous qualifie, et pareil, le penalty arrêté contre Annecy au tour précédent, même s’il n’est pas « ouf », mais c’est surtout son importance, à ce moment-là. Maintenant, comme je l’ai déjà dit, les séances de tirs au but, pour moi, c’est très simple, parce que je ne les prépare plus (rires) !
Avec l’AS Monaco, où il a signé son premier contrat pro. Photo ASM-FC
Que t-a t-il manqué pour jouer en Ligue 1 ?
Cela ne se joue pas à grand-chose mais si je n’ai pas réussi à passer le cap, ni réussi à m’imposer en Ligue 2, c’est que j’avais des manques. Je n’ai pas répondu présent quand il le fallait. En 2014, à Clermont (L2), j’ai aussi été mis de côté par la coach Corinne Diacre, ce n’était vraiment pas facile parce que j’avais le sentiment de ne pas avoir de seconde chance, et c’est pour ça que cette blessure au doigt, qui est survenue en septembre 2014, a tout changé, parce qu’à ce moment-là je jouais, malheureusement, trois mois après, je ne suis pas très bien revenu, du coup, c’est devenu délicat pour moi de jouer. Les deux saisons suivantes, toujours à Clermont, j’étais plutôt bien, mais je n’ai pas eu ma chance et elle m’a mis au placard. Il faut se relever de ça à 27 ans et j’ai pris la décision de repartir dans un club deux divisions plus bas (Le Puy, en N2 puis en National). Avec Orléans (2020-2022), ensuite, en National, cela aurait été bien de monter en Ligue 2, on n’est pas passé loin la première année, en mars/avril on était en course, et avec Amiens aussi (2012-2014), en National, on n’est pas monté. Voilà, ce sont des petits regrets comme ça, de ne pas avoir saisi ces opportunités qui, déjà, m’auraient à nouveau ouvert les portes de la Ligue 2 et après, on ne sait jamais ce qui aurait pu arriver. Mais je ne me prends pas la tête avec ça. Je n’ai aucun regret. Je n’ai jamais triché, j’ai toujours tout donné. Et je continue de le faire à Saint-Brieuc. Ce sont juste les aléas du foot.
La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Il y en a beaucoup. J’associe souvent le terrain avec l’aventure humaine. Même à Clermont, quand je ne jouais pas ou bien quand je jouais en réserve, du moins quand j’avais le droit de jouer en réserve, malgré ce quotidien qui n’était pas facile, je ne l’ai pas si mal vécu que ça parce qu’on avait un bon groupe, des bons gars, qui soutenaient les joueurs qui étaient à la cave. J’ai aussi beaucoup apprécié mes années au Puy où il y avait un super état d’esprit dans ce club, on a fait une montée en National. J’ai aimé aussi mes deux années à Orléans. Prendre du plaisir sur le terrain, il faut que ça coïncide avec la vie de groupe, et c’est ce qui se passe actuellement à Saint-Brieuc, c’est pour ça que je m’éclate. On est soudé, on a un groupe de bosseurs. Parce que je peux te dire qu’il faut y aller, le matin, quand il fait froid, quand il pleut, quand il y a du vent comme en ce moment… Mais on a plaisir à être ensemble, à se retrouver, et ça fait la différence. On puise cette force dans le groupe, « allez les gars, c’est parti, on y va, tous ensemble ». Il ne faut pas oublier que c’est du foot, alors même s’il ne fait pas beau, même s’il fait froid, c’est du plaisir ». C’est pour ça, je pense, que l’on est sur une bonne dynamique en championnat et en coupe de France.
Avec la réserve de l’AS Monaco, en CFA. Photo ASM-FC
Pour la montée en National, ça va être difficile d’aller chercher Saint-Malo et Bordeaux devant…
On est dans ce mode de se dire « On ne se prend pas la tête, on prend match par match », en plus en ce moment il y a les matchs de coupe au milieu, donc ce qui nous importe, c’est de prendre des points, de gagner des matchs, d’être bons, de faire plaisir au club, aux supporters, aux gens qui nous soutiennent, mais l’idée, c’est quand même d’accrocher un beau top 5. On a l’équipe pour. La saison va se jouer en mars/avril. On est dans une belle poule. Après, si on est dans le top 3 en mars/avril, on verra si on peut jouer quelque chose de mieux encore mais sincèrement, on ne parle pas du tout de ça, on n’y pense pas. Là, on a un match de gala contre Nice, qui pour nous n’est pas une finalité. On a fait ce qu’il fallait avant, contre des équipes de N3, R1, de R2, de R3, qui nous ont posés des problèmes, mais on a toujours répondu présent, parce qu’on a une bonne mentalité. Moi, ce que j’aimerais, c’est que les gens viennent encore nous voir jouer après Nice, qu’ils viennent voir une équipe qui mouille le maillot et qu’ils prennent du plaisir, même si les affiches sont moins belles « sur le papier ».
Une erreur de casting dans ta carrière ?
Je n’ai jamais regretté mes choix de clubs. J’ai toujours mûrement réfléchi mes décisions, jamais fait de choix hâtifs, maintenant, je pense que j’aurais dû rester à Monaco, où Guy Lacombe m’a fait signer pro, au lieu d’être prêté à Martigues en National (2011-2012), parce que je pense que j’aurais eu ma chance cette saison-là, en étant numéro 2 en Ligue 2. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Le coach Laurent Banide a préféré une autre doublure, Johann Carrasso, qui n’a pas été bon, et c’est Martin Sourzac (actuel gardien du leader de National, Nancy), qui était numéro 3, qui a joué un peu, avant que n’arrive Subasic. Je voulais absolument rester. Le club voulait me prêter. J’ai compris que je devais partir, donc à partir de ce moment-là, j’ai fait le choix de Martigues à 100 %, sans aucun regret.
Face à Nice, les Celtic Griffons devront donner de la voix !
Un président ou un dirigeant marquant ?
Christophe Gauthier au Puy… Incroyable… Et je vois beaucoup de similitudes entre le Stade Briochin et Le Puy Foot. Christophe, il est là pour ses joueurs et il prend du plaisir à être avec eux; à Saint-Brieuc, j’ai retrouvé cette proximité avec Guillaume (Allanou), ce sont des personnes que tu ne rencontres pas tous les jours dans le foot. J’ai aussi beaucoup apprécié Philippe Boutron à Orléans, avec qui ça s’est très bien et pour qui j’ai beaucoup de respect. Il y a des gens comme ça, qui vous marquent. Je me souviens aussi du dirigeant en moins de 18 ans qui nous accompagnait au Stade Beaucairois, Christian Pages, des gens qui donnaient de leur temps, de leur personne.
Un coéquipier marquant ?
J’ai joué avec de très bons joueurs, je pourrais en sortir plusieurs dans chaque club, mais si je dois en sortir un seul, et c’est plus qu’un ami, c’est Kevin Diogo, que j’ai rencontré lors de mon passage à Clermont. Je suis le parrain de son fils. Kevin, c’est comme un frère. C’est LA rencontre que j’ai faite dans le foot, en plus de toutes celles que j’ai faites, notamment au Puy : il suffit de regarder les photos de mon mariage, il y avait beaucoup de joueurs du Puy. Kevin a arrêté le foot mais c’était un putain de joueur, il n’a pas eu de réussite, il avait le talent pour faire 350 matchs en pro. Il était techniquement au-dessus ! C’était une machine à laver. Mais pareil, Corinne Diacre n’aimait pas trop son profil, elle préférait les joueurs « box to box », plus physiques.
Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ? Je vois encore certains avec qui je jouais gamin, chez moi, d’ailleurs, il y en même un, Loïc (Alvarez), qui vient contre Nice. Il vit à Paris. On a joué ensemble à Beaucaire quand on avait 10 ans. Il est avocat en droit du sport. Quand je joue dans la region parisienne, il vient toujours me voir. Lui aussi, c’est comme un frère. Sinon, et là c’est de ma faute, parce que je suis pris dans mon quotidien, c’est Thomas Mangani (AC Ajaccio, ex-Angers et Nancy), qui m’a pris sous son aile quand je suis monté en pro à Monaco. La vie faisant, tu bouges à droite à gauche, tu ne prends pas le temps d’envoyer un message. Tiens, dès qu’on a fini l’interview, je lui envoie un message !
Ta charnière centrale ?
C’est dur de trancher. Celle d’Orléans, c’était costaud, mes deux années à Amiens aussi, celle du Puy. Et puis celle de Saint-Brieuc aussi cette année, avec James (Le Marer) 33 ans, Madigoundo (Diakhité) 30 ans, Hugo (Boudin) 32 ans, Chris (Kerbrat) 38 ans, Benjamin (Angoua) 38 ans et moi 35 ans bientôt (le 3 avril), tous les joueurs du secteur défensif ont plus de 30 ans ! Je te laisse calculer la moyenne d’âge ! Là, en National 2, il n’y a pas beaucoup expérimenté. Et cette expérience, on la ressent beaucoup au quotidien et aussi dans les matchs : quand il y a un temps faible, on garde notre calme, personne ne panique.
Un éducateur qui t’a marqué ? On en a parlé justement avec Cheick N’Diaye, l’entraîneur des gardiens du Stade Briochin, qui a été pro à rennes, c’est « Dédé » Amitrano, mon entraîneur des gardiens à Monaco. J’ai adoré son management. Il a parfaitement su me cerner, humainement, physiquement, mentalement. Il m’a énormément appris, et Christophe Almeiras aussi, mon formateur à Monaco, que je revois quand je descends dans le sud. « Dédé » avait pris le relais en pro, avec une méthode à l’ancienne mais qui te fait réfléchir au poste, qui te fait bosser. J’ai adoré. Et avec Cheick, on se dit parfois « Dédé » faisait ceci ou cela à l’entraînement… Je n’ai pas son contact. Là encore, c’est de ma faute. Je pourrais récupérer son téléphone.
Ton prochain voyage ?
Soit la Turquie soit le Portugal, avec du soleil, de la plage ! J’ai envie de voir Istanbul, de découvrir la Capadocce, j’ai vu ça à la télé et je me suis dit « Waouh, il faut que le le vois de mes propres yeux », parce que c’est ça que j’aime bien dans les voyages, c’est découvrir par soi-même.
Des tocs, des manies ?
J’avais des manies quand j’étais jeune, je cherchais des trucs pour me rassurer mais au fil des années, tu t’aperçois que « ce n’est pas ça qui fait que », mais c’est la mentalité et le travail que tu mets la semaine à l’entraînement qui font que tu vas être performant. Je cherche plutôt du confort : par exemple, je me change complètement après l’échauffement, pour être au sec. Sinon j’ai le même caleçon, mais si demain je dois en en mettre un autre, cela ne me déstabilisera pas. Et puis j’aime bien avoir un message de Valentina, mon épouse, avant le match.
Tu penses à ton papa aussi, qui est malheureusement décédé, quand tu entres sur le terrain ? C’est quelqu’un qui a joué un rôle important…
Oui, toujours… on était très proche. On se comprenait en un coup d’oeil. On avait la même façon de penser. Sur le terrain ou dans la vie de tous les jours, dès que quelque chose ne va pas, un moment difficile, je pense à lui, et ça me redonne un coup de fouet. Son image me rebooste. Par exemple, lors de la séance des tirs au but contre Annecy en 16e de finale, quand c’était à nous de tirer, j’étais sur le côté, je fermais les yeux quelques secondes et je cherchais des images positives, et là, j’en avais trois qui arrivaient, mon fils, ma femme et mon père. J’ai fait ça sur les cinq tirs au but, avant d’aller me placer dans la cage, afin d’être positif.
Mercredi 5 février 2025, 8e de finale de la coupe de France : Stade Briochin (N2) – OGC Nice (L1), au stade Fred-Aubert, à Saint-Brieuc. En direct sur BeIN 1 et 2.
Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr