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Uniquement au stade Bauer, et nulle part ailleurs !

En immersion avec les supporters du Red Star, dans un stade mythique et en chantier ! Une expérience unique en National, que nous avons vécue en « live » lors de la venue de Dunkerque. Récit.

On ne va pas à un match du Red Star comme si on allait faire ses courses au supermarché du coin.

On ne va pas à Bauer comme si on allait boire un café sur les Champs Elysées à Paris ou sur le cours Saleya à Nice.

On ne va pas non plus supporter l’Etoile Rouge comme on irait supporter Paris FC, Créteil, Versailles ou Paris 13 Atletico.

On ne va pas voir l’équipe de Habib Beye, entraîneur la semaine et consultant le week-end, comme si elle jouait vraiment en National. Elle joue en National, vraiment ? En tout cas, dans les tribunes, côté supporters, ça joue niveau Ligue 2 voire Ligue 1.

A Bauer, plus de souci pendant deux heures !

Au fond, la fameuse « Planète Z », du nom du HLM qui surplombe Bauer.

Bauer, on y va pour le spectacle. Pour vivre le match. Pour une expérience unique et inoubliable. Ne riez pas, c’est vrai ! Car quand vous êtes au milieu des supporters, debout, pendant 90 minutes, comme nous lundi dernier contre Dunkerque, ça marque. C’est comme dans la chanson des années 80, « Vacances, j’oublie tout », sauf que là, c’est « Red Star, j’oublie tout » ! Plus de souci pendant deux heures, on est à Bauer, et nulle part ailleurs !

A Bauer, on y va comme on va au cinéma pour un film à grand spectacle, ou comme on va à un concert d’un grand groupe de rock. Pour admirer une oeuvre artistique et créative, un peu comme les photos flashys, décalées et innovantes signées du « Red Star Lab » au travers de son projet original, fou et moderne, qui inonde ses réseaux sociaux.

Sauf qu’à Bauer, rien n’est virtuel. On est dans la réalité vraie. Bauer, c’est la vie ! Non mais quelle ambiance ! Non mais quel pied ! Non mais quel stade !

Tout le monde debout !

Pourtant, depuis mon dernier passage en 2019 (Red Star – Le Puy, en National déjà !), beaucoup de choses ont changé dans cette enceinte des plus vétustes mais qui ne vieillit pas. Beaucoup de choses ont changé, sauf un truc : les supporters.

Se fondre au milieu d’eux nécessite un peu d’exercice : l’historique tribune Ouest, vieille de 113 ans (elle date de la construction du stade, en 1909) n’offre aucun confort. Dans l’espace réservé aux supporters, il n’y a pas de siège, tout le monde est debout, c’est une volonté ! Peu importe, ses murs en brique, son toit en tôle et sa charpente en métal lui confèrent un charme fou, une odeur particulière et un aspect unique.

A Bauer, ça résonne, c’est sombre, c’est rustique, ça ne sent pas très bon. Forcément, il y a des drapeaux, des fumigènes, de la bière et des chants. Beaucoup de bières et beaucoup de chants. Et si par bonheur, l’équipe marque un but sur sa nouvelle pelouse hybride, il suffit de lever les yeux au ciel et d’ouvrir la bouche pour avaler gratos les litres de bières que la foule en liesse s’est amusée à balancer devant, derrière, à gauche, à droite. En guise de célébration.

Un conseil : si vous n’aimez pas la bière, du moins, si vous n’aimez pas en recevoir sur la tête et sur les vêtements, choisissez le dernier rang, c’est à dire le premier lorsque vous arrivez dans la tribune, tout en haut !

Un autre conseil, choisissez un match de merde, sans but : aucun risque d’être aspergé. Manque de bol, Red Star – Dunkerque, l’affiche vedette de cette 11e journée de championnat National, a accouché de 6 buts, dont 4 pour les joueurs de l’Etoile Rouge. Garçons, vous reprendrez bien une tournée !

« C’est la fierté de nos couleurs »

Le nombre de litres de bière déversés est inversement proportionnel au nombre de quolibets habituellement entendus dans un stade : mais là, le public sait se tenir. Dire que l’on n’a quasiment pas entendu un seul nom d’oiseau voler est la stricte vérité.

A Bauer, les supporters encouragent leur équipe, chantent tous les tubes de leur répertoire, dont les fameux « C’est la fierté de nos couleurs » et « Il n’y a que Bauer », qui sont un peu ce que « Bohemian Rhapsody » et « We are the champions » sont au groupe Queen.

Un jour, Wilfrid, l’un des supporters emblématiques du Red Star, a eu cette phrase mythique pour son équipe : « Quand vous marquez un but, on chante, et quand vous encaissez un but, on chante encore plus fort ». Difficile de mieux résumer le comportement de ce millier de fans qui a fait de cette tribune, de sa tribune, un lieu respectueux, cosmopolite, tolérant et antiraciste, où tous les gens et tous les genres se mélangent, sans discrimination sociale ni raciale donc. Une tribune libre, en quelque sorte, que l’on s’est même parfois amusé à trouver un brin … bobo ! Y aurait-il une nouvelle population de supporters à Bauer ? A l’évidence, oui.

« Le football, c’est le week-end ! »

Ces valeurs de tolérance, de respect, ce sont celles que prônaient Rino Della Negra, ancien joueur du Red Star en 1942-43, résistant pendant la Seconde guerre, condamné à mort puis fusillé au fort du Mont-Valérien, le 21 février 1944.

C’est ce même Rino Della Negra qui a donné son nom à la tribune où sont parqués les « Ultras », ou plutôt les « fans » du Red Star, regroupés au sein du « Collectif Red Star Bauer ». Une tribune animée par Vincent, le président du Collectif, et où tout le monde connaît les paroles par coeur. Effectivement, la phrase de Wilfrid se vérifie : à 1-0 et 2-1 pour Dunkerque, la tribune ne s’est jamais arrêtée d’encourager, de chanter, de sauter, d’applaudir, de pousser, de donner ce supplément d’âme au deuxième plus ancien club de l’Hexagone, fondé en 1897 par Jules Rimet, l’homme qui a créé la Coupe du monde.

De là à dire que le spectacle était dans les tribunes, ce serait très osé, surtout après un match remporté 4 à 2 qui fut des plus plaisants et qui a servi la promotion du championnat National, quand bien même il fut disputé un lundi soir à 21h, diffusion télé sur Canal + sport oblige. C’est, du reste, l’une des revendications du « Collectif Red Star Bauer » qui a encore fait passer son message – « Le football, c’est le week-end » – et réclamé au passage la démission de Patrice Haddad, toujours président même si, en mai dernier, celui-ci a vendu le club au fonds d’investissement 777 Partners, déjà propriétaire du Genoa et du Standard de Liège.

Et comme pour mieux montrer sa désapprobation quant à la programmation TV, un supporter habillé en tortue ninja n’a eu de cesse de perturber la retransmission en pointant la caméra centrale à l’aide d’un laser vert ! Ce qui a eu le don d’irriter le duo de commentateurs.

La révolution est en marche !

Voilà à quoi ressemblera le stade Bauer en 2024. Photo DR

Dans ce stade Bauer unique de par son emplacement, en plein centre ville de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, la magie a une fois encore opéré. Mais il faut bien l’avouer, on a été décontenancé par l’immense chantier et les travaux de démolition de la « grande » tribune tribune Nord, derrière les cages, côté rue du Docteur Bauer. Celle-là même qui abritait un véritable musée, avec ses murs étroits et ses photos d’époque jaunies, ses bureaux où trônaient les trophées sur les étagères et les aussi les vestiaires. Celle-là même qui sera remplacée par la future tribune Rino Della Negra.

En face de la tribune Ouest, c’est le grand chantier aussi : la tribune Sud, fermée de longue date, n’existe plus et a laissé place, là encore, à un vaste amas de gravats. Idem au pied de Planète Z, ovni architectural posé derrière les buts, célèbre pour sa forme pyramidale, indissociable du décor et véritable carte postale du site.

Là encore, au pied du HLM, les pelleteuses ont fait leur oeuvre. La rénovation, engagée par le promoteur « Réalités », qui a racheté le stade à la commune, a commencé. La révolution est en marche ! Bauer pourra accueillir 9 700 personnes dans un stade flambant neuf à l’horizon 2024. Ce projet sera accompagné de la construction, d’ici 2026, d’une « Bauer Box », immense projet immobilier de huit étages et 30 000 m2 accolé au stade, avec des restaurants et commerces, un rooftop, des espaces de coliving, des bureaux, une école, des activités de loisirs et des bâtiments végétalisés. Coût total de l’opération : 250 millions d’Euros, dont 45 rien que pour le stade.

A Bauer, on ne fait pas les choses comme ailleurs. Il est 21h30. Le Red Star s’est imposé 4 à 2 face au dauphin du leader, Dunkerque. Les lumières s’éteignent. Les joueurs viennent communier devant le kop. Dans le noir.

A Bauer, les équipes passent, le stade évolue mais l’âme demeure.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : AB