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Dans la Ligue des Pays de la Loire, l’US La Chapelle-d’Aligné (D3) et l’AS Le Bailleul/Crosmières (D2) ont disputé un premier tour haut en couleur. Un « clochico » entre villages voisins, entre « meilleurs amis et ennemis ». Entrez dans l’ambiance !

Le stade de France n’est dans aucune tête. Même en rêve. Treize tours les séparent de la finale de la coupe de France.

Ces footballeurs du dimanche 28 août disputent le premier tour, mais avant tout un derby, un « clochico » (le « classico » des campagnes, match opposant deux clochers rivaux).

Ce match, dans le sud-ouest de la Sarthe, on le surnomme même « l’Argancico », en référence à l’Argance, le ruisseau qui traverse les trois communes. Trois villages pour deux clubs : en 2021, la SS Le Bailleul et l’US Crosmières ont fusionné pour former l’AS Le Bailleul-Crosmières, en déplacement aujourd’hui chez les voisins de l’US La Chapelle-d’Aligné.

Le stade de la grange, situé route du Bailleul à La Chapelle-d’Aligné, accueille l’unique « Argancico » de la saison puisque les visiteurs ont terminé, la saison passée, en tête de la poule de D3 dans laquelle évoluaient les deux équipes. La plupart des joueurs se connaissent, ils se sont affrontés à de nombreuses reprises ; plusieurs d’entre eux ont même évolué dans les deux formations, notamment les deux coachs du jour.

« On est les meilleurs amis et les meilleurs ennemis. »

L’US Crosmières, finaliste de la coupe du District de la Sarthe en 2018, s’était retrouvée en grande difficulté à la fin de la saison en 2019. Pour faire face à l’effondrement des effectifs seniors, une demande de fusion avait été adressée au club voisin de La Chapelle-d’Aligné. Finalement, après le refus de l’USCA, la fusion a eu lieu avec l’autre voisin, Le Bailleul, vers qui une partie des effectifs de l’US Crosmières s’était tournée.

Chez les jeunes, les trois anciens clubs avaient formé une entente. En U15 et U18, les deux clubs font désormais partie de l’entente Anjou Sud Sarthe, avec deux autres voisins. Alors, c’est peu dire que tout le monde se connaît bien. « On est les meilleurs amis et les meilleurs ennemis. »

Les dirigeants se réunissent à la buvette avant le match, visiblement heureux de se retrouver et de s’affronter. Des supporters chapellois arrivent et saluent l’ancien président, aujourd’hui de corvée à la buvette. « Salut Nasser ! » Autour d’un café servi sur le bar, on fait le point sur les rencontres locales. « Ils jouent qui aujourd’hui Clermont ? » demande l’un. « Baugé, ça va être costaud cette année. T’as vu le recrutement qu’ils ont fait ?! »

Soudain, l’ancien président de l’USCA se rend compte qu’il y a un problème avec un filet. « Je dois avoir des rislans » répond un dirigeant adverse. Ouf ! « Faudra couper pour que ça ne se voit pas trop » rigole le dirigeant local.

Le filet réparé, on fume des cigarettes en regardant les échauffements des deux équipes sur le terrain qui pourrait servir de nuancier de vert-jaune, mi-sècheresse, mi-arrosage. On en profite pour faire le point sur les effectifs du jour.

Peu d’absents du côté des favoris. « Les gars ont vraiment joué le jeu, Il n’y pas eu besoin de les forcer. J’en avais 32 à l’entraînement vendredi. J’ai dû faire des déçus » commente l’entraîneur de l’ASBC avant d’affronter une équipe dont il a été l’adjoint il y a quelques années.

Du côté chapellois, les effectifs ne sont pas aussi garnis pour ce premier tour. V and B Fest’ (le festival qui se déroule dans la Mayenne voisine), vacances, manque d’entraînement, blessures, expliquent les absences. Le président doit enfiler ses Kaiser 5 pour étoffer le banc. L’entraîneur des jaunes et noirs peut néanmoins compter sur les jeunes recrues, issues pour la plupart des U18 Région du voisin fléchois. Un retour aux sources pour ces jeunes pratiquement tous du cru. « C’est un club particulier, sur 40 seniors, 30 viennent d’ici et les autres sont des copains des gars. » Ce qui explique sûrement le refus de la fusion.

« S’ils ne viennent pas dans 30 secondes, c’est forfait ! »

Sur le papier, les conditions ne sont pas optimales pour l’USCA mais « on va vendre chèrement notre peau » prévient un Chapellois. Le coup d’envoi approche. L’arbitre siffle pour envoyer les deux équipes aux vestiaires. Les maillots noirs de l’ASBC ignorent le signal et continuent leur échauffement. « S’ils ne viennent pas dans 30 secondes, c’est forfait » entend-on au milieu des rires.

Le public se masse tranquillement le long de la main courante. Un public diversifié. Femmes, hommes, familles, jeunes, retraités. Les poignées de mains et les bises s’enchaînent. On raconte son été, ses vacances. Bref, ce premier tour, c’est la sortie du dimanche !

Les deux cent cinquante spectateurs sont en place avec, au milieu, les supporters locaux, entourés de chaque côté par les visiteurs. Les vingt-deux titulaires sont prêts eux aussi, tout comme les bancs et les arbitres bénévoles. L’arbitre central peut siffler le coup d’envoi du premier match de la saison 2022-23. Bienvenue au stade de la grange, pour la fête au village !

Les spectateurs demandent, dès les premières minutes, qui est l’attaquant local ou le milieu. C’est qu’il y a eu du mouvement à l’intersaison ! « Ah ! Mais c’est son fils ?! »

Faute, pas faute ? Quand les règlements font débat

Les visiteurs cherchent à repartir court et les joueurs de D2 dominent cette entame de match. Pourtant, c’est La Chapelle qui obtient un penalty à la demi-heure de jeu. Le numéro 10 local s’élance. Le ballon s’envole au-dessus de la lucarne gauche.

Les réflexions du public fusent, la galerie est en forme. « Pigeon ! », « Il croyait que c’était trois points ! » Des classiques qui amusent les autres supporters. La galerie, c’est ça. Elle commente, elle fait rire, elle chambre, elle amuse, elle cherche aussi à déstabiliser les adversaires et les arbitres. Et elle encourage aussi.

Un chapellois récupère le ballon dans la moitié de terrain adverse. Le public pousse. Il dribble un joueur, le public s’enflamme. Il en dribble un deuxième, WOW ! « Allez boom ! » Le ballon est finalement perdu.
Le public est partagé en deux. Un joueur écope d’un carton. Une partie hue, crie « c’est dégueulasse, il le touche pas » ; l’autre applaudit. Commence un débat, calme, sur les règles. Certains se contredisent et « avoue qu’il fait pas faute ». Un grand-père explique à sa famille qu’« il ne met pas le pied en avant donc il n’y pas carton ».

La mi-temps approche. « Elle dure combien de temps ?? C’est 45 minutes monsieur l’arbitre ! » Dans la dernière minute, un joueur de Le Bailleul-Crosmières élimine et réalise un tir tendu aux abords de la surface. Le gardien est battu ! Mais le cuir rebondit sur la barre. La déception des supporters visiteurs se fait entendre et laisse place au doute car le ballon retombe une deuxième fois sur le montant !

La mi-temps est sifflée, le flux se densifie devant la buvette. Sous le préau, près de la porte, ça bouchonne. Les plus assoiffés ou pressés avait déjà quitté leur emplacement avant la 45e minute. Ballons et bambins profitent de la pause pour investir le rectangle vert et les cages pendant 15 minutes par petits groupes.

« Il veut une mousse, l’arbitre ? »

Derrière la tireuse, Nasser n’a pas rien vu ou presque du match. « Il y a toujours quelqu’un à la buvette ! » C’est le rush. « Sept pressions, s’il te plaît. » On se serre la main, on parle des vacances, du travail, du canton. Mais, par petits groupes, on commente surtout la première période. « Les U18 de La Flèche, ils sont pas mal. Ils vont faire du bien cette année. »

On parle aussi beaucoup du penalty loupé, des règlements. « Il y a des prolongations ou pas cette année ? » Si vous vous posez la question, il n’y en aura qu’en finale.

L’arbitre se présente à la porte du club house. « Il veut une mousse, l’arbitre ? » lance un supporter. La buvette rigole. La foule ressort progressivement, le match va reprendre. La causerie de l’ASBC s’est déroulée dehors, près du banc de touche. Un cri de guerre pour la motivation et c’est reparti pour une mi-temps de folie !

L’AS Le Bailleul-Crosmières ouvre le score quelques minutes après le début de la seconde période. Les favoris sont soulagés. Mais deux minutes plus tard, les locaux obtiennent une touche dans les 20 mètres adverses. « Pas de chichi », entend-on près du banc des Noirs, qui ne parviennent à dégager le ballon de leur côté droit : l’USCA égalise par l’intermédiaire de l’une de ses jeunes recrues. Le stade de la grange exulte. L’entraîneur de l’équipe de D2 est furieux: « Tout le monde se regarde ! » « Oh mais sérieux ! Faut la péter là », lance le remplaçant, en plein échauffement.

Les favoris semblent perdre la maitrise. Le match, plus intéressant, s’enflamme. On tente des frappes des 30 mètres pour se redonner de la confiance. Le ballon passe par-dessus le grillage et sort du stade. Le président de l’USCA se lève du banc pour aller le chercher dans le fossé ! Tout juste revenu, son équipe prend l’avantage sur une action collective. C’est la folie. « Vous voyez quand on fait le tour, ça marche » commente le banc.

L’action est encore partie du même côté. Le coach adverse remplace le latéral droit, rentré 20 minutes plus tôt. Celui-ci enlève son maillot et part en direction des vestiaires. Le match se tend.

Tirage de maillot et coup de coude

Sur le banc chapellois, on tente de calmer les joueurs. « Rentrez pas là-dedans. Soyez plus malins qu’eux. » Le gardien de l’ASBC fait de même. « Les Noirs, répondez sur le terrain, pas comme ça ! » Et l’ASBC répond en égalisant à la 65e : deux partout et on est encore loin du coup de sifflet final.

Le coach local tente de corriger : « Dès qu’on panique, ils le voient. S’il faut allonger, on allonge. » Mais le match bascule dix minutes plus tard. Un Chapellois tire le maillot d’un milieu de terrain adverse qui répond avec un coup de coude. Aucun coup de sifflet. Le Bailleul-Crosmières en profite et contre-attaque. Un joueur offensif fixe les défenseurs dans la surface et décale son coéquipier de l’autre côté, seul face au but. Mais le latéral de 40 ans, « de retour au club pour terminer sa carrière et jouer avec son neveu », le tacle par derrière pour l’empêcher de marquer. Carton rouge logique.

Le Chapellois perd son calme et pousse l’arbitre. « Et la première faute là-bas ? » Personne ne comprend vraiment le déroulement de l’action. Le match se tend davantage, l’arbitre semble avoir perdu le contrôle de son match. L’ailier du Bailleul-Crosmières se présente face au gardien chapellois à la 75e minute. Il transforme le penalty et chambre les adversaires avec une main derrière l’oreille. « Ils m’ont dit que je le mettrai pas. » Il écope d’une biscotte.

Le match a basculé à cet instant précis. « Il reste 20 minutes, je ne vais pas prendre de risques offensifs maintenant » explique l’entraîneur local à son banc. Un retour dans le match de La Chapelle d’Aligné semble mission impossible.

« De toute façon, on boit un coup après ! »

Les adversaires tentent de gagner du temps. Le gardien reste longtemps au sol après un contact. Du côté des supporters chapellois, on comprend. « On ferait la même chose. Il a raison. » L’arbitre est désormais une cible pour la galerie. Toujours vigilant sur les protocoles pour ce premier match de la saison, il s’adresse cette fois-ci au banc chapellois. « Il y a eu un carton rouge et vous êtes toujours autant sur le banc. » Le coach explique à l’arbitre qu’il a mal compté et qu’il s’est trompé. Un supporter s’adresse alors à l’homme en bleu. « Eh, monsieur l’arbitre, il faudrait peut-être être plus attentifs aux fautes qu’au nombre de personnes sur le banc ! » Au moindre carton on entend : « Oh ! Ça mérite rouge monsieur l’arbitre ! »

Le score n’évolue plus. Le jeune club de l’AS Le-Bailleul-Crosmières s’est qualifié pour la première fois de sa jeune histoire pour le deuxième tour de la coupe de France. La foule, toujours partagée, hue ou applaudit selon l’endroit où l’on se place. Les enfants investissent la pelouse. La foule et les joueurs se dirigent vers le complexe sportif.

Devant les vestiaires, après une courte explication avec l’arbitre, les deux coachs se félicitent. « Vous avez une belle équipe. Votre objectif, c’est la montée ?! Il te faut un projet si tu ne veux pas que les joueurs se barrent. » Ils écourtent la conversation. « De toute façon, on boit un coup après. »

Le technicien de l’ASBC invite ses joueurs, certains cigarette au bec, à rentrer dans le vestiaire. Il souligne la prestation de son équipe. « Un derby, ça se gagne et vous l’avez fait. » Joueurs, dirigeants, membres du club forment un cercle et entonnent leur chanson de la victoire, une reprise de Bella ciao à la sauce ASBC.

Des joueurs chapellois ne sont toujours pas rentrés au vestiaire et discutent avec les supporters, bière à la main, parfois accompagnée d’une clope, devant la buvette.

On refait le match aussi dans le club house ou sous le préau, avec une pression servie dans un ecocup USCA. Un jeune avoue qu’il a mal au crâne à force d’avoir fait des têtes pendant le match. « Ça sautait beaucoup les lignes. »

« On va essayer d’aller chercher les maillots au 4e tour »

Les membres des deux clubs se mélangent. Les tournées s’enchaînent. « On est voisins, ce serait con de se dénigrer. » Les anciens coéquipiers se retrouvent. Le numéro 6 de l’ASBC chambre son ancien coéquipier pour le penalty. « T’etais faible, la dernière fois que j’en ai tiré un ici, je l’ai tiré au-dessus du filet de protection ! » Un autre répond : « C’est bien pour ça qu’on l’a rehaussé ! »

On parle de l’évolution du foot, de la situation des deux clubs qui ont formé l’ASBC. « Il y a trois ans, on commençait la saison à 14 en me comptant dedans alors que j’avais 49 ans. Je crois que Le Bailleul n’avait jamais atteint le deuxième tour de la coupe de France, alors c’est une fierté » se satisfait le coach.

On parle entre anciens coéquipiers ou adversaires du football d’il y a dix ou vingt-ans, celui où on pouvait « commencer une saison à 40 et il n’y avait jamais d’absents ou presque. »

On parle des fusions, des recrues. On reparle aussi du match amical de l’été entre les deux clubs, avec un maigre effectif du côté chapellois, qui s’est terminé sur le score de 8-1 et du « chambrage ». Les tensions montent aussi vite qu’elles redescendent. La bonne humeur est au rendez-vous.

Les discussions à la buvette s’éternisent et se prolongent jusqu’au début de soirée entre les meilleurs amis et ennemis. On évoque aussi la suite. « Coach, je ne suis pas là la semaine prochaine, je serai en vacances mais je vais courir. Ne t’inquiète pas » prévient le numéro 10 du jour. « Donc on doit se qualifier pour que tu rejoues en coupe de France » ironise le coach. « On va essayer d’aller chercher les maillots ensemble ».

Car c’est bien de cela dont beaucoup rêvent en août, les maillots. Il faudra se qualifier pour le quatrième tour. Le week-end prochain, l’AS Le Bailleul-Crosmières affrontera Ruaudin, une équipe de Régional 3. Un beau défi mais cette fois-ci, ce ne sera pas un derby et ils ne seront pas favoris. « On veut faire un max de tours mais notre objectif est ailleurs. On jouera la coupe du District à fond. »

Et c’est peut-être lors de cette compétition qu’on pourra assister au deuxième « Argancico » de la saison !

Texte : Gilles Augereau / Mail : gaugereau@13heuresfoot.fr

Photos : Gilles Augereau

Le nouveau coach de GOAL FC (N2) raconte son parcours et se confie. Il explique aussi comment il a pris conscience, à Bergerac, qu’entraîner allait devenir son métier. Portrait d’un « chercheur ».

Photos : GOAL FC – @maxifooto

Un jour, la semaine dernière, la veille de ses 49 ans d’ailleurs, Fabien Pujo a dit : « Si je suis devenu entraîneur de foot, c’est pour vivre des émotions, des sensations, partager des moments, bons ou mauvais. Le foot est unique. Y’a peu de gens qui, dans la vie de tous les jours, peuvent vivre émotionnellement un but à la 93e minute, par exemple, car ce sont des sensations que l’on n’a pas dans la vie normale ».

Cette phrase a pris tout son sens ensuite, avec le scénario du match de sa nouvelle équipe, GOAL FC, face à la réserve d’Angers à Chasselay (2e journée de National 2), samedi.

Pas de but à la 93e, non, mais tout de même : menés 2 à 0 à la mi-temps, ses joueurs ont tout renversé pour s’imposer 3-2 et signer leur deuxième victoire en deux journées ! C’est ça l’émotion du foot ! C’est ça la vie d’un entraîneur.

Fabien Pujo en pleine discussion avec le président Jocelyn Fontanel. Photos : GOAL FC – @maxifooto

Révélé comme pas mal de ses collègues « sans nom » grâce à une belle campagne de coupe de France avec Bergerac lors de la saison 2016-2017 (8e de finale face à Lille après avoir éliminé Lens), et aussi de bons résultats avec le club de Dordogne (4e, 3e et 4e en N2), Fabien Pujo revient sur son parcours, ses joies, ses peines, ses déceptions, ses méthodes, ses ambitions. Un parcours qui l’a vu passer de Mont-de-Marsan comme joueur chez les jeunes au Stade Bordelais puis à Lormont où il a, pour la première fois, endossé la casquette de coach, un peu par hasard. Et aussi à Aurillac, en pleine période de Covid.

La discussion à bâtons rompus avec le coach « chercheur », passionné, ouvert, optimiste, qui se nourrit de rencontres et de discussions, dure quarante-cinq minutes, sans compter le temps additionnel dû aux nombreuses coupures de réseau ! « J’habite à Marcilly-d’Azergues, à la campagne, dans un petit village au Nord de Lyon, près de Chasselay » : ceci explique peut-être cela !

Quand vous commencerez à lire l’entretien, pensez à remplacer le mot « vous » par « tu » : Fabien Pujo a le tutoiement facile ! On appelle cela la convivialité des gens du Sud-ouest. Pardon ? Ah, il est Parisien ?!

Vous évoquez souvent le Sud-ouest et pourtant vous êtes né à Paris…

Oui, mais je n’y ai passé que 2 ans ! Mon père, qui était facteur, est devenu receveur. Du coup, on a déménagé dans les Hautes-Alpes où j’ai passé 12 ans. Ensuite, on s’est installé dans un petit village du Sud-Ouest, à Moustey, dans les Landes, entre Mont-de-Marsan et Bordeaux. J’avais 14 ans. Là, je suis passé du ski au foot ! Encore que j’avais aussi joué au foot dans les Hautes-Alpes !

Dans les Landes, là où le gros incendie a fait des ravages cet été…

Oui, ça m’a beaucoup marqué, j’ai pas mal d’amis qui ont dû être évacués, pas à Moustey même, mais à Belin-Béliet, où ça a été un drame immense.

Sur votre bio, il n’est pas écrit que vous avez joué à Mont-de-Marsan…

En fait, en 6e, je me suis inscrit aux tests d’entrée pour le sports études à Morcenx et j’ai été admis. Parallèlement, je jouais en cadets nationaux au Stade Montois. Et le dimanche, j’allais supporter le club de mon village, à Moustey, où mon père était trésorier, où j’ai commencé à m’occuper d’une équipe de jeunes. Et un jour, vous savez comment c’est, je me suis retrouvé dans le vestiaire à donner des conseils à des adultes, à des amis de mon papa ! C’est comme ça que tout a commencé ! Ensuite, je suis allé à Bordeaux pour mon service militaire puis à la fac. Très vite, j’ai passé tous mes diplômes, BE1, DEF. J’ai joué en amateur à Villenave-d’Ornon, au Stade Bordelais où j’ai bénéficié d’un emploi jeunes, ce qui m’a permis de passer des formations, puis je suis allé à Lormont, où je suis rentré au service des sports et où j’ai signé comme joueur au club. S’est posée à ce moment-là la question de l’insertion professionnelle…

C’est là que vous avez décidé de devenir entraîneur ?

Non. Mais il fallait bien que je me mette à travailler ! En fait, à Lormont, comme cela ne s’est pas très bien passé comme joueur, j’ai très vite basculé entraîneur, à 35 ans. Le président, avec qui je suis toujours en contact, m’a fait confiance, alors que je n’avais pas d’expérience. La première année, je prends l’équipe pour les cinq derniers matchs mais on descend en DSR puis on remonte en DHR avec un projet axé sur les jeunes des quartiers. On a fait coup double car dans la foulée on accède en DH ! Cela a donné une certaine crédibilité du côté de la rive droite de Bordeaux, et cela m’a permis d’être détaché de la ville de Lormont, où j’ai passé 8 ans. On est monté jusqu’en CFA2, un niveau que le club avait déjà connu à l’époque de Lamine Diatta.

« Je me suis construis grâce à Bergerac »

Et là arrive Bergerac…

J’ai été contacté par Christophe Fauvel, le président de Bergerac, qui était un peu l’ogre de la poule en CFA2 à l’époque. Il avait été sensible au côté « identitaire », « quartiers », d’ailleurs, c’est ce qu’ils refont un peu avec Erwan Lannuzel, leur coach. Bergerac, c’était le club qui n’arrivait pas à monter en CFA malgré des beaux CV. La première année, on fait 5e et la suivante, on accède en CFA, avec une vraie identité sud-ouest dans l’équipe. On termine devant Bayonne et le Lège Cap Ferret d’Alex Torres. On s’est ensuite donné 3 ans pour essayer d’écrire une nouvelle page et accéder en National, on n’y est pas arrivé, mais on n’est pas passé loin.

Voilà ce que dit Christophe Fauvel, votre ancien président au BPFC, à votre sujet : « Avec Fabien, on a partagé une belle aventure de 5 ans, on a joué le haut du tableau chaque saison, on a atteint les 8es de finale de la coupe de France. Quand je l’ai pris à Lormont, il était « frais », un peu comme Erwan Lannuzel, on aime bien ce genre d’histoire à Bergerac ! Il est arrivé avec des méthodes nouvelles, il est sans cesse en train de chercher des idées en se servant du haut niveau, il respire et vit football. Mais c’est vrai qu’à la fin, après 5 ans, c’est devenu plus compliqué, notamment sur le plan du management. »

Fabien Pujo : 5 ans, aujourd’hui, ce sont des cycles très longs. J’ai eu des sollicitations à la fin (Canet-en-Roussillon, Bastia-Borgo, Toulon) et sans doute que la direction voulait peut-être aussi changer, ce qui est normal, car on n’avait pas atteint l’objectif. En fait, il y a eu comme une cassure, lors de la 4e saison : en mars 2017, juste après le match de Lille en coupe de France, on va à Cholet, qui est 1er, on fait 0-0, on est à 3 points, et il reste 6 journées. Et là, le lundi, on apprend que l’on a fait jouer deux suspendus… Ce jour-là, on a perdu beaucoup de crédibilité, notamment vis à vis des joueurs qui, eux, avaient fait le job. On termine la saison à 3 points de Cholet qui monte. L’année d’après, il a fallu repartir, embrayer à nouveau. On a changé de groupe, on s’est retrouvé avec les équipes du Sud, ça a amené un peu de nouveauté et remis de l’énergie, mais en fin de saison, chez nous contre Toulon, on perd 2-0 alors qu’on aurait pu basculer en tête du championnat. En fait, à chaque fois on rate l’occasion, et l’épisode de la saison précédente revient; j’avais un discours un peu aigri avec certains de mes joueurs. Monsieur Fauvel a raison, ça ne s’est pas super bien passé à la fin, on était tous décus, on est des compétiteurs, et parfois, quand on est trop dans l’émotionnel, les mots dépassent la pensée. Il était l’heure de bouger.

Donc c’est vraiment à Bergerac que vous naissez au métier d’entraîneur ?

Oui. Christophe Fauvel aurait pu prendre un nom, mais il a pris un inconnu, et je me construis sur la scène du Sud-ouest grâce à ce club, avec évidemment l’apogée en coupe de France, où on écrit la première page de l’histoire – depuis, le club en a écrit d’autres avec un 1/4 de finale en février dernier – , en éliminant le médiatique et historique RC Lens puis en affrontant Lille en 8e en prime time à la télé. J’avais un staff exceptionnel autour de moi, Christophe Hugot, William Levet et mon compère de l’époque, qui me suivait partout, Alexandre Gasparotto. On avait envie de faire des choses différentes, en reproduisant des modèles et des méthodes de travail que l’on voyait à l’étranger, au Portugal. En fait, Bergerac a été un vrai virage. Là-bas, il s’est passé un truc, car avant cela, je n’ai jamais pensé qu’entraîneur de football allait être mon métier. Là, je me suis dit que ma passion pouvait devenir mon métier. A Lormont, c’était juste une histoire de cumul entre mes 35 heures à la collectivité et le foot. J’étais déjà passionné mais pas encore chercheur. J’avais juste l’ambition de vivre un truc avec des gars. C ‘est pour ça que j’ai fait un sport collectif, pour vivre des émotions, des sensations, pour partager des moments. C’était la première fois que je partais véritablement, que je faisais déménager ma famille alors que mon épouse avait une vraie situation. D’un coup, j’avais des vraies responsabilités. A partir de là, j’ai amplifié mes recherches, je me suis plongé dans le travail, car je savais que je n’étais pas prêt, que je n’avais pas toutes les compétences et puis il fallait appréhender aussi un monde où les joueurs étaient payés pour jouer au football, et là, ce n’est plus la même relation avec eux.

« Guardiola ? Bien sûr que c’est une référence ! »

On dit que vous avez innové dans les méthodes de travail…

J’étais un jeune coach, avec de la fraîcheur, j’ai investi dans du matériel et je me suis tourné vers l’image, la vidéo, parce que j’ai très vite compris que c’était quelque chose qui… enfin, vous voyez bien, les joueurs sont tout le temps sur leur téléphone. On avait aussi besoin de mettre en place une notion de plaisir avec eux. Enfin, j’ai planché sur l’identité de jeu, ce que l’on a réussi à obtenir en CFA avec les venues de joueurs du même ADN, comme Victor Fuchs, Evan Chevalier, Clément Badin, tous fans du Barça de Guardiola… comme moi ! Un jour, Jean-Marc Furlan, le coach d’Auxerre, qui a longtemps entraîné dans le Sud-ouest (Libourne-Saint-Seurin), a raconté que ses joueurs l’avaient invité à une soirée et quand il est arrivé, ils avaient tous mis le masque de Pep Guardiola ! Quand il reprend le Barça, Guardiola n’a pas d’expérience lui non plus. C’est un jeune entraîneur.

Guardiola, c’est votre référence ?

Bien sûr que c’est une référence. Quand j’arrive à Bergerac, je m’identifie à lui, à cette situation, à son jeu de position, au pourquoi du comment, et là, avec mon club, on rentre dans une espèce de délire, on se dit « comment, à notre échelle en CFA, et avec humilité, on peut entre guillemets faire la même chose, avec des joueurs investis et à l’écoute de ce que l’on mettait en place, avec du jeu, du jeu et du jeu ? » Bergerac a été notre laboratoire. Après notre épopée en coupe de France, on a les GPS qui sont arrivés : le président est toujours allé dans le sens du staff. Oh, attendez, on a joué trois années de suite contre la réserve de Chelsea, dont une fois à Londres quand même ! Christophe Fauvel aussi avait de grands délires, avec du cancan avant les matchs, etc. ! On est parti à la montagne, on a fait le col du Tourmalet ! Et Il a marché dans le truc ! Aujourd’hui, il n’est pas loin de franchir l’étape qu’il a programmé (le National), et il a le témoin, son fils Paul, omniprésent. Il y a beaucoup d’intelligence à Bergerac dans les étapes de construction; là, ils basculent sur les installations, c’est bien.

Les retrouvailles en championnat, avec GOAL FC, le 3 décembre (journée 12), là-bas, vont être émouvantes…

Pour moi, ça va être très émouvant de me retrouver face à un club que je supporte, de le même manière que cela l’avait déjà été avec Bergerac quand je suis retourné au Stade Bordelais, où j’avais joué 6 ans, et où le président, qui est un ami, m’a offert des invitations supplémentaires pour que mes proches viennent. En fait, quand je pars d’un club, je deviens « socios » ! Quand ils ne sont pas montés en National en mai dernier, ça m’a fait mal. Avec Saint-Malo, même si ça s’est beaucoup moins bien passé en termes de résultats, et bien je suis aussi resté socios !

« Quand tu vis 6000 personnes à Bon Rencontre… »

Après Bergerac, vous avez mis le cap au Sud-est, à Toulon…

Oui, d’autres l’ont fait avant moi, Alain Pochat, et cette année Alex Torres, et on reste très attaché à notre Sud-ouest ! C’est vrai que je suis parti dans le projet le plus inconnu pour moi, avec tout ce coté émotionnel et passionnel… Je n’étais peut-être pas prêt mais au final, y’a eu du bon travail et peut-être aussi un peu de réussite sur la fin de saison 2018-2019, quand on monte en National.

Pourtant, la saison suivante, vous êtes limogé après 10 matchs…

Toulon, c’est un contexte bien particulier, où il y a une génération de supporters qui allaient déjà au stade avec leur père ou leur grand-père dans des moments de grandes histoires du club, ils ont vu jouer des stars, et aujourd’hui ils mangent leur pain noir. Là-bas, quand le sportif ne marche pas, on prend des décisions rapides en pensant que le changement va créer la performance, or je suis persuadé que c’est la continuité qui fera que ce club pourra, à un moment donné, fonctionner. En fait, j’ai commis une erreur à Toulon, due à mon inexpérience qui fait que, à l’intersaison, après la montée en National, je dois partir. Car je sais que ça va être compliqué. La première saison, ce sont mes 2 années de contrat qui me protègent, sinon je pense que je ne la termine pas, parce qu’à un moment donné, on est 11e. Jusqu’en janvier, c’est compliqué. J’avais l’épée de Damoclès au-dessus de la tête, et finalement la réussite a tourné du bon côté et on monte. Mais comme il y a eu ces huit premiers mois qui ont enclenché une relation très conflictuelle avec la direction, avec « les influenceurs » : c’est comme dans un couple, c’est dur de recomposer quand il s’est passé des choses difficiles. A Toulon, chacun a pris le pouvoir sur la montée. Moi, j’ai pensé que j’étais fort, j’ai réclamé une prolongation, un peu comme Furlan avec Auxerre, et je me suis fait ramasser ! Le recruteur du club a pris beaucoup de pouvoir, il s’est octroyé la réussite de la montée en National. Ce n’était pas grâce au coach si Toulon était monté. On a commencé la saison avec un recrutement qui a vite montré par la suite qu il n’était pas top, avec un management invivable. Sur le terrain on n’a pas de réussite. Malgré tout, on pense que ça va le faire. J’ai une statistique qui va vous faire rire : sur les 10 premiers matchs de la saison, on est premier à la mi-temps (on rit !). Vous voyez, ça vous fait rire ! Mais pour nous, ça voulait dire beaucoup, ça voulait dire que ce que l’on proposait était correct mais que sur la constance, sur la durée, on n’était pas prêt. Mais on ne m a pas laissé le temps, et le premier fusible, ça a été moi. On était bien à Toulon, on s’était fait beaucoup d’amis. Et puis, ce National qu’on avait gagné la saison précédente, on voulait le vivre ! Toulon, ça a été très enrichissant, et puis, quant vous avez vécu 6000 personnes à Bon Rencontre pour le match de la montée, quel bizutage, ça m’a donné envie de revivre ces moments. Je suis focus là-dessus aujourd’hui.

Avec GOAL FC ?

Samedi dernier, lors de la victoire 3-2 face à Angers. Photo Sébastien Ricou

Avec GOAL FC, je retrouve un club à la dimension de Bergerac, qui a envie de s’émanciper, avec une ambiance clocher et cette réunion de plusieurs communes*. C’est un club qui jouait le maintien avant l’arrivée de Cris et d’Anthony Réveillère, qui l’ont fait passer dans une autre dimension. Le président Jocelyn Fontanel est là depuis longtemps, et par le biais de ces associations de communes, avec l’apport de nombreux partenaires privés, d’un directeurs sportif et recruteur (Edouard Chabas), s’est découvert de l’ambition. On est dans une progression de club. Je trouve que, depuis que je suis là, le club a été très bon dans la construction de son effectif, même si ça reste un jeune club. On a une belle expérience à vivre. Bien sûr, j’aimerais revivre un sprint final comme avec Toulon. On a recruté des joueurs qui ont connu des accessions, qui ont un vécu. La saison dernière est une lourde fracture pour le club qui a longtemps fait la course en tête. Peut-être devait-il en passer par là pour grandir ? J’ai senti dans le discours des dirigeants à mon arrivée que c’était pesant. Beaucoup de joueurs ont été sollicités et sont partis. En plus, on n’a pas fait une préparation très convaincante en termes de matchs amicaux même si l’état d’esprit était très bon. On veut construire, on a 16 nouveaux joueurs, la plupart avec deux ans de contrat, mais il faut que les signaux de construction soient visibles.

Et votre expérience à Saint-Malo (N2)  la saison passée ? Voilà ce que dit Fabrice Rolland, le directeur général du club, à propos de votre passage en Bretagne, qui fut un échec :  » Fabien a souffert d’une crise de résultats, on était relégable, il a fallu prendre la décision de s’en séparer. Mais il reste un passionné, qui vit son métier à fond. Qui attache beaucoup d’importance aux relations humaines. Toujours dans la réflexion et l’analyse. A sa décharge, il y a eu un grand chambardement dans l’effectif, on a pris beaucoup de jeunes, qui venaient de loin. Ce qui a créé des problèmes d’adaptation, d’identité, de cohésion; ça a été dur de trouver un collectif. On a manqué de maturité et d’expérience. »

Fabien Pujo : C’est vrai, Saint-Malo, c’est une crise de résultats. Quand j’arrive, j’ai de nouvelles fonctions, je deviens manager du club, et je suis chargé à 100 % du recrutement. Je bosse en amont, on cible très tôt des joueurs, en janvier, en février, on s’engage même sur des protocoles. Sauf qu’en avril les autres clubs arrivent sur le marché. Les joueurs qu’on avait ciblés peuvent doubler leur salaire ailleurs. Et on se retrouve à, de nouveau, faire un autre effectif. Je me suis aperçu que recruteur, c’est un vrai métier. Et on a recruté des jeunes, en se disant qu’on aurait du temps, on n’a pas gardé certains joueurs. On s’est noyé. Jamais je n’avais connu ça. Cela n’a pas été simple, d’autant que j’y suis allé sans la famille. Pourtant, j’avais des gens exceptionnels autour de moi, simplement, ça n’a pas marché, ça arrive dans une carrière. Mais j’ai pris du recul par rapport à ça, il ne faut pas rester sur ça.

*GOAL FC (Grand Ouest Association Lyonnaise Football-club) est né en juillet 2020 de la fusion entre le club Monts d’Or Anse Foot avec Tassin FC, Champagne Sport et Futsal Saône Mont d’Or.

Texte : Anthony Boyer / Twitter : BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : GOAL FC – @maxifooto et Sébastien Ricou

Samedi dernier, lors de la victoire 3-2 face à Angers. Photo Sébastien Ricou
Samedi dernier, lors de la victoire 3-2 face à Angers. Photo Sébastien Ricou

 

L’ancien joueur du Milan AC, formé à Toulouse, ouvre une nouvelle page de sa carrière et endosse le costume d’entraîneur. C’est dans son Var natal, à Draguignan, en Régional 2, que le buteur le plus rapide de l’histoire d’une finale de championnat d’Europe U17 effectue ses premières armes !

Il est 19h et le soleil se couche déjà sur le stade Louis-Gilly, à Draguignan (Var). Les joueurs de l’équipe de Régional 2 ne le savent pas encore, mais la séance concoctée par Kevin Constant, le nouvel entraîneur, sera intense, et ils s’en souviendront longtemps !

La saison dernière, le natif de Fréjus, âgé de 35 ans, a mis un termes à sa carrière de joueur après une « pige » de quelques mois à l’AS Estérel, aux Adrets-de-l’Estérel, en Départemental 1. En plein milieu du célèbre massif varois, Kevin s’est amusé aux côtés d’autres anciens joueurs professionnels comme Samir Henaini, Damien Moulin, Nicolas Verdier ou encore Antoine Goulard. Dans la course à l’accession en Régional 2, l’AS Estérel a finalement été devancée par Draguignan, un club qui a lancé quelques carrières, dont celle d’entraîneur de Hervé Renard à la fin des années 90.

Sollicité par le président du Sporting, Julien Sette, dès l’annonce du départ de Rudy Riou, dont l’objectif d’accession a été atteint, Kevin n’est pas venu tout seul. Il a emmené dans ses bagages son jeune frère Bryan, 28 ans, formé à l’OGC Nice (où il a disputé quelques matchs de Ligue 1 et même de Coupe d’Europe à Limassol) avant d’embrasser une carrière amateur (Fréjus, Sedan, Schiltgheim, Sainte-Maxime, Villefranche/Saint-Jean/Beaulieu).

Vêtu de noir et de blanc, les couleurs du Sporting-club de Draguignan, sourire aux lèvres, l’ancien joueur professionnel, détendu, répond aux questions. Les anecdotes fusent. Avec lui, on pourrait parler football toute la nuit !

Ses débuts : « Je voulais jouer tout de suite »

Pétri de talent, Kevin Constant l’était. Indécis et impatient, il l’était aussi. Dès son plus jeune âge le jeune varois d’origine guinéenne s’attirait déjà les convoitises des plus grands clubs et centres de formation français, même s’il hésitait à pratiquer d’autres sports : « J’ai commencé à Fréjus à 8 ans, jusqu’à mes 13 ans. Après, j’ai failli faire de l’athlétisme et de la boxe mais j’ai choisi le foot. A 13 ans, on m’a contacté pour effectuer un essai à Toulouse, puis à Cannes, Monaco, Nice et Strasbourg. J’ai eu des offres un peu partout. J’ai pris la décision d’aller à Toulouse car je m’y suis très bien senti en allant là-bas et des joueurs que je connaissais y allaient aussi. J’y ai passé 7 ans avant d’aller à Châteauroux pour obtenir un peu de temps de jeu en Ligue 2. J’ai fait tous les bancs de touche de Ligue 1 à 17 ans mais j’étais impatient, je voulais jouer tout de suite, je n’avais pas encore cette mentalité de prendre le temps et attendre de saisir ma chance. Surtout, je voyais que les autres jeunes de ma génération de l’équipe de France U17 (championne d’Europe en 2004) jouaient, et moi j’étais tout le temps remplaçant. En allant à Châteauroux, j’ai pu me montrer et ensuite j’ai pu aller au Chievo Verone (Série A italienne) pendant un an. Ensuite, le Milan AC m’appelle et me dit que je serai pris en cas de départ de Seedorf. Seedorf reste encore un an donc j’ai patienté un an de plus (Genoa, Série A italienne) avant de signer là-bas. Après mon passage à Milan, j’ai fait 2 ans en Turquie, en D1, à Trabzonspor, 6 mois à Bologne (série A italienne) puis un an en D1 Suisse, à Sion. »

Son record aux championnats d’Europe U17

Douze secondes. C’est le temps qu’il lui aura fallu pour délivrer l’équipe de France en finale du championnat d’Europe des moins de 17 ans (2-1 face à l’Espagne, à Châteauroux). Car si Kevin est notamment connu pour son passage au Milan AC, il est aussi un enfant de la génération 87. Celle des Samir Nasri (l’autre buteur en finale), Hatem Ben Arfa, Jérémy Menez ou encore Karim Benzema. Et le Fréjusien appartenait à cette génération dorée. Avec émotion, il revient sur son but, le plus rapide de l’histoire de la compétition, face à l’Espagne de Piqué et Cesc Fabregas. « C’est une séquence qu’on avait travaillé à l’entraînement, deux jours avant le match. On fait l’engagement, on envoie le ballon sur le défenseur central, moi j’étais sur le côté droit donc je fais un premier appel pour attirer le défenseur avant de retourner dans la surface. Jérémy Menez prend l’espace pour faire le centre et Ben Arfa, Nasri et moi devions finir l’action dans la surface. C’est moi qui hérite du ballon et qui marque le but au bout de 12 secondes ! C’est clairement le plus beau souvenir sportif de ma jeunesse. On parle d’un titre de Champion d’Europe avec l’Equipe de France, tout de même ! »

Nouvelle aventure, nouveau challenge

Kevin Constant, ici aux côtés de Julien Sette, le président du Sporting-club de Draguignan.

Originaire de Fréjus, Kevin a conscience que le Var n’est pas le terrain de jeu préféré des recruteurs. Raison pour laquelle il décide de créer sa propre académie. De quoi lui donner goût au monde du coaching : « Avoir monté cette académie avec les jeunes, ça m’a beaucoup plu, et avoir entraîné des jeunes de 13, 14 et 15 ans, permettre à certains de jouer à haut-niveau, ça m’a donné goût à ce métier-là même si ça reste deux mondes différents, deux passions différentes, deux pressions différentes. Quand j’étais joueur je n’ai jamais ressenti la pression alors qu’en tant qu’entraîneur, on a la pression du résultat, on est obligé de gagner et de transmettre ce que l’on sait. Je suis déterminé et j’ai vraiment envie de bien faire à ce niveau-là. Je passe le BEF en mars, ce qui ne sera pas facile mais je suis très impliqué, je sais ce que je veux et je vais me donner à fond pour l’obtenir et aller le plus loin possible. Après, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, il faut être patient. J’ai eu d’autres propositions que Draguignan, à des niveaux plus élevés, mais je ne voulais pas aller trop vite, ni griller les étapes. »

Draguignan : « L’objectif, c’est la stabilité »

Depuis le 18 juillet, l’équipe seniors de Draguignan est sur le pont. Le nouvel entraîneur délivre les objectifs : « C’est une année de transition pour le club, que ce soit au niveau des joueurs ou des dirigeants. On a eu des consignes de recrutement avec seulement des joueurs issus du bassin dracénois : ça n’a pas été facile d’attirer du monde mais on y est arrivé. L’objectif, c’est la stabilité. Il faudra faire bonne figure cette saison et se maintenir afin de viser un objectif plus élevé la saison prochaine. »

Rendez-vous dimanche 4 septembre pour la 1ère journée de championnat R2 où les Dragons se déplaceront à La Londe-les-Maures.

Texte : Melvin Brun (avec A. B.)
Mail : mbrun@13heuresfoot.fr
Photos : SCD et DR

Le club de Saône-et-Loire, longtemps une des places fortes du football professionnel, s’appuie depuis sa création, en 1970, sur un formidable ambassadeur : son secrétaire général, une cheville ouvrière de 76 ans qui traverse les époques avec passion. Interview.

Photo LCFC

C’est un homme en or. Une bible, même s’il lui arrive d’oublier les dates. Une légende de 76 ans. Dont 52 passés rien qu’au club de Cuiseaux-Louhans tout d’abord, dès 1970, puis Louhans-Cuiseaux ensuite, lorsqu’en 1989, l’ordre de ces deux petites bourgades de Saône-et-Loire, séparées de seulement 20 kilomètres, a été inversé.

Dans ce bon vieux stade de Bram, René Franquemagne, le monument du club, qui a son petit caractère, une certaine éloquence, un humour fin et le sens de la formule, qui ne manque pas de rappeler que  » les vieux Louhannais ne prononcent pas Brame mais Bran. Bran, c’est un truc de journalistes », a tout vu. Tout connu. Tout entendu.

Cette année, il entame, accrochez-vous bien, sa 53e saison au poste de secrétaire administratif.
Bien sûr qu’il faut être passionné pour tenir aussi longtemps. Et faire des concessions : « Parfois je l’ai fait au détriment, non pas de ma vie de ma famille, car j’ai trois filles qui m’adorent, qui ont une situation, mais… Simplement, je n’ai peut-être pas été le meilleur père ou le meilleur mari car j’ai fait passer ma passion du foot avant des événements familiaux ».

Il faut être ouvert d’esprit aussi, pour traverser toutes ces époques, pour suivre l’évolution d’un jeu qui n’a plus rien à voir avec celui qu’il a connu en 1970, lorsque l’industriel de Cuiseaux, Bernard Morey, avec l’appui du maire de Louhans de l’époque, Gabriel Reynaud, a réuni les deux communes pour ne faire qu’un seul club. Et quel club !

17 saisons en Division 2

Le stade de Bram. (Photo A.B.)

Car Louhans-Cuiseaux, c’est 17 saisons en Division 2 (1971-73, 1981-85, 1986-93, 1995-98, 1999-2000) et 12 en national (1993-95, 1998-99, 2000-04 et 2005-10) ! Un peu à la manière de petites villes comme Guingamp, tout le monde connaît Louhans et sa grande rue, ses arcades et ses jolies façades moyenâgeuses. Et ça, c’est grâce au foot.

52 ans de club, quelle longévité ! Mais tout n’a pas été rose pour René Franquemagne – « Je vais songer à lâcher quelques responsabilités petit à petit » – qui a d’abord vécu les grandes heures avant la période, moins glorieuse, du début des années 2010 avec trois relégations en quatre ans et un retour au niveau régional en 2014.

Aujourd’hui, le LCFC (Louhans-Cuiseaux FC, né de la fusion entre le CSLC 71 et le FC Louhannais en 2013) a retouvé le National 2, un niveau plus en rapport avec son standing. Christian Ragaigne, le président, et Frédéric Jay, le coach de N2, le savent mieux que quiconque : à Louhans, René est aussi précieux qu’incontournable !

René Franquemagne : « Ma fierté, c’est qu’un club campagnard comme le nôtre ait pu exister »

Avec l’entraîneur René Le Lamer. (Photo LHFC)

Un match de légende ?
La venue de Sochaux en 8e de finale de la coupe de France contre Lorient, dans les années 2000, vous retrouverez facilement la date, c’est l’année où Lorient l’a gagnée ! (en février 2022, Lorient était venu s’imposer 2-2 et 6-5 aux tirs au but au stade de Bram).

Un match à oublier ?
C ‘était dans le Sud de la France, je ne dirais pas où, mais ça s’est très mal passé du début à fin. je pensais que c’était un mauvais film, mais c’était bien réel. Après le match, j’ai déposé des réserves – à juste titre -, mais on m’a fait comprendre, en me montrant un « pétard », que c’était malvenu. Je ne sais si l’arme était factice ou non. Il m a dit « Pas de ça chez nous ». Mon président Jacky Duriez m’a demandé d’effacer mes réserves en me disant qu’il fallait que l’on reparte, qu’on n’était pas plus malin que les autres. C’est un moment que j’ai très mal vécu. Ne mettez pas le nom du club, sinon, je vais encore avoir des menaces de bombes comme avaient reçu Duriez aussi ! Le match aussi s’était mal passé, et Monsieur Marc Batta, qui était alors l’arbitre français numéro 1, n’avait rien vu et rien entendu. A vite oublier.

Un déplacement épique ?
Y ‘a quelques années en Coupe de France, on va à Belfort, et on oublie un garçon sur une aire d’autoroute ! Je crois que c’était Thierry Njoh Eboa.

Un arbitre qui vous a marqué ?
Gilles Veissière. Un jour, il vient arbitrer à Louhans. Je suis chargé d’accueillir les officiels et les arbitres, comme aujourd’hui du reste. On devait aller à la collation au stade, comme d’habitude, et quand je lui ai dit ça, il m’a dit « Moi non, je n’ai pas pour habitude de manger au stade, je vais à l’extérieur ». Alors je lui ai donné une adresse, à 100 mètres du stade, celle d’une pizzeria partenaire, en lui disant qu’on avait un compte et qu’il pouvait manger tranquillement. Avec lui, ça a été un peu chaud, et finalement, il est quand même venu avec nous au stade… Après, il a été parfait durant le match, là je n’ai rien à dire, en revanche, son comportement… Le lendemain, j’ai appelé Michel Girard, qui était chargé de la désignation des arbitres, en lui disant que je ne voulais plus revoir cet individu à Louhans.

Un journaliste ?
Michel Sylvain, du Journal de Saône-et-Loire.

– J’ai posé la question exprès, je savais que vous alliez le nommer… Que devient-il ?

– Il a 80 ans. Il vient encore au stade, car il fait des piges pour les journaux des équipes qui viennent de l’extérieur.

Un but marquant ?
En Division III, au stade Marcel-Michelin, à Clermont-Ferrand, il est marquant par ses conséquences : on était 1er, c’était la dernière journée de championnat de D3 et il fallait au moins un match nul pour monter en D2, sinon Clermont nous passait devant. Le stade était bondé. On est mené 1 à 0 et on égalise (but d’Alain Zemb, Ndlr), c’est le but de la délivrance ! Quelle année ? J’ai un gros défaut, j’oublie les années (1986, Ndlr) ! C’est un peu volontaire, je ne veux pas encombrer mon cerveau de chiffres et de statistiques. Quand j’ai besoin d’une date, j’appelle le journaliste Michel Sylvain !

Meilleur souvenir sportif ?
La création du club en juin 1970 quand les deux communes de Cuiseaux et de Louhans ont fusionné. J’avais 24 ans et je travaillais comme employé de banque – je suis resté 39 ans à la banque – où j’étais chargé de clientèle « entreprises ». Et à côté, je faisais le secrétariat d’une équipe de football, c’était de la rigolade, le soir, quand je rentrais ! Quand on a fait appel à moi pour ce poste, j’étais très fier. Dès ma première saison, en 70-71, on est monté en D2. Je pense que si on m’a choisi, c’est parce que j’étais un passionné, on me voyait souvent au stade, et dans une petite ville, on les remarque ceux qui sont passionnés ! Des gens ont dû dire, à mon sujet : « Pourquoi on n’irait pas le chercher ? » J’ai réfléchi, j’ai dit oui, et 52 ans après, je suis toujours là !

Pire souvenir ?
C’est à l’époque d’un certain président dont il n’est pas utile de mentionner le nom. C’était vers 2010. J’ai vécu avec cet individu mafieux mes pires moments au club. Je voulais arrêter. Il me disait : « René, il faut que vous restiez-là, vous vous occupez des relations avec les gens, moi je m’occupe du sportif ». C’était du chantage. Je suis quand même resté, contraint et forcé. Je l’ai fait pour le club. Mais j’ai dû subir des choix cornéliens, je ne m’éclatais plus, je me faisais du mal moralement et physiquement. C’est drôle, parce que lors de notre premier match de championnat en N2 cette saison à Aubagne (samedi 20 août, défaite 3-1, Ndlr), on a parlé de lui avec les dirigeants provençaux, car il est bien connu là-bas, il a sévi dans le sud et je crois que sa dernière adresse connue, c’était Les Baumettes. Je ne sais pas ce qu’il est devenu et je ne veux pas le savoir. Il a causé les pires désagréments et turpitudes au club.

Le président de Louhans qui vous a marqué ?
Il y en a deux. Ce sont deux personnages marquants de l’histoire du club. Il y a le fondateur en 1970, Bernard Morey, un grand monsieur, un grand résistant, un grand chef d’entreprise, un grand visionnaire. Il a fait de ce club corporatif un club professionnel. Il a donné la possibilité à plein de joueurs d’être salarié dans son entreprise et de s’entraîner avec l’équipe, tout en leur proposant un plan de carrière pour certains qui sont devenus cadres dans son entreprise. J’ai vécu des moments inoubliables avec lui. Il sentait les coups. Il a quand même fait venir au club Hugo Bargas, international argentin ! Avec Bernard Morey, rien n’était impossible ! L’autre président, c’est le shérif, Jacky Duriez, que je connaissais car je l’avais comme client à la banque. Il a aujourd’hui 95 ans, il a toujours bon pied bon œil, et à chaque fois que je vais à la Fédération, le président Noël le Graët me demande « Le shérif, il va bien ?! » Il vient aux matchs, et au club house, il reste une heure ou une heure et quart devant un mange debout à parler et à commenter, ça en dit long sur qui il est. Ce surnom, le shérif, ce sont les autres présidents de clubs qui l’ont trouvé ! Ça lui va bien car c’est un battant, un rentre-dedans, un justicier, un défenseur de la veuve et de l’orphelin. Ses copains de l’époque, c’était Gervais Martel, Noël Le Graët, Loulou Nicollin, Carlo Molinari, des hommes comme lui, au franc-parler. Alors quand la bande des cinq mousquetaires partaient en guerre à la Ligue, c’était quelque chose !

Le joueur historique ?
Sans hésitation Hugo Bargas (81 à 84), pour sa classe, sa simplicité, sa faculté d’adaptation; pour venir dans un club comme le notre, il fallait être humble, surtout avec la carrière qu’il a eue ! On a eu son frère (82 à 85), un grand monsieur aussi, très agréable, très poli. Il y a eu aussi Christophe Robert, que je n’oublie pas, mais pour d’autres raisons : il a parfaitement joué son rôle quand on lui a redonné sa chance après l’affaire que vous savez (OM-Valenciennes).

Le coach historique ?
René Le Lamer, qui a entraîné le club de 1985 à 1994, pendant 9 ans. Un très grand professionnel, élevé à la méthode nantaise. Je citerais aussi Alain Michel, qui avait pris sa succession, on le surnommait « Le professeur ».

Un adversaire qui vous a marqué ?
Sochaux. C’est contre eux que l’on a fait le record d’affluence au stade, avec 9500 personnes; ils nous avait « marchés » dessus. On pensait qu’on allait créer l ‘exploit. Aujourd’hui, on a un arrêté officiel d’ouverture au public de 9700 spectateurs mais on ne le refera plus jamais, sauf à recevoir PSG en 32e de coupe de France, et encore, pas sûr que ca se fasse chez nous, vu les mesures de sécurité imposées. A mon avis, ce record restera.

Le plus grand rival ?
Gueugnon, avec qui on s’est tiré la bourre quand nous avions l’un et l’autre les moyens de le faire, en Division 2. Nous avec Morey et plus tard Bigard, eux avec les forges. Même si c’est à 100 km, c’etait un vrai derby à l’époque, pas comme aujourd’hui, où cette notion a disparu car les joueurs ne sont pas concernés par l’entité, par l’histoire du club. Gueugnon, c’était l’adversaire avec lequel on avait des comptes à régler : les journaux faisaient monter la mayonnaise et puis tout allait bien quoi !

Un contrat difficile à faire signer ?
Pas forcément difficile, mais un contrat pour lequel il y a eu beaucoup de discussion, c’est celui de Christophe Robert, parce qu’il était médiatisé. Il a été marquant car c’était une époque sensible mais là encore on a vu la grandeur d’âme du Shérif qui a dit « Mais pourquoi on ne le remet pas en le selle ? Il a payé sa dette, ce n’est pas un paria ».

Un autre secrétaire général ?
Max Marty, qui a longtemps été directeur administratif à Tours. J’ai beaucoup d’affinités et de respect pour cet homme que j’aime beaucoup, dans sa façon de fonctionner, et avec ses compétences. Il est à Grenoble maintenant.

L’équipe « dream team » de Louhans-Cuiseaux ?
C’est en Division 2, au début des années 80, avec un milieu de terrain hors-pair avec Alain Ollier, Malek Chikhi, Daniel Jacquinot, et aussi Ugo Bargas bien sûr, et Alain Zemb, etc. Une équipe de rêve !

Une fierté ?
Elle est global. C’est la fierté qu’un club comme le nôtre ait pu exister, vivre et même marquer le football pendant aussi longtemps, avec nos moyens modestes, au fin fond de la campagne. Je le vois bien quand on se déplace en voyage, les gens connaissent Louhans ! On a marqué notre région. Je suis fier de faire partie de ce club et d’en être une de ses chevilles ouvrières.

Le public qui vous a marqué ?
Celui de l’Olympique Lyonnais, la saison où on a joué contre eux en Division 2, on avait gagné chez eux. Voir que les supporters, ça pouvait être ça, on a été impressionné par le monde dans ce stade et l’ambiance, on était comme dans un rêve, ça changeait de notre stade campagnard.

Le public de Louhans ?
Il est extraordinaire ! On a un noyau de 700 à 800 personnes qui nous a toujours suivis, même quand on est tombé en DH (Régional 1) en 2014. La saison passée, on a fait 1047 spectateurs de moyenne en National 2. On a eu des match à 1600 personnes, contre la réserve de l’OL, dans une ville de 6500 habitants, c’est pas mal. Cette fidélité, malgré les générations qui sont passées, est une grande fierté. A Louhans, les gens transmettent leur passion pour le club de père en fils. C’est un public aussi bon enfant, fair-play. C’est le public rêvé. Je peux vous dire que dans les années de D2, quand Lyon, Marseille ou d’autres, venaient chez nous, ils n’étaient pas à l’aise du tout dans notre petit stade, devant 6000 ou 8000 personnes !

La place de Louhans-Cuiseaux aujourd’hui dans le foot ?
Je pense que c’est là où on est, en National 2; ça fait mal de le dire, mais il est complètement utopique de penser qu’un club comme le nôtre puisse de nouveau avoir sa place en Ligue 2, économiquement ce n’est pas envisageable, d’autant qu’avec les obligations en matière de sécurité et d’équipements, nous ne serions pas prêts. Je suis malheureux de le dire mais quand on voit les équipes qui vont remplir la future Ligue 3, en 2024, on n’a plus notre place. Se maintenir en National 2 et être encore là dans deux ans quand il n’y aura plus que trois groupes de 16 serait déjà une belle performance. Je sais que je vais décevoir des gens en disant cela mais je veux être honnête avec moi-même : c’est juste mon ressenti.

Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Twitter : @BOYERANTHONY06

La fiche technique du match de légende

Clermont – Cuiseaux-Louhans 1-1 (le 10 mai 1986)
Stade Marcel-Michelin, à Clermont-Ferrand. Bon terrain. Recette : 213 351 Francs. 10 686 spectateurs. Arbitre : M. Dezayas.
Buts. – Clermont : Bielicki (49′); – Cuiseaux-Louhans : Zemb (54′)
CLERMONT : Ricart – Fabry, Trefont, Camian, Collado – Bielicki, Chiesa, Grumelion – Cabrai, Affaire, Rodriguez (Gedrzezack 58′). Entr : Vernay
CUISEAUX-LOUHANS : Mattielo – Corian, Moretto, David, Badajoz – JL Jacquinot, D. Jacquinot, Stankovic – Hamimi, Zemb, Tournay. Entraineur ; Le Lamer.

Installé à Tours depuis 2013, où il a un peu tout connu avec le TFC, l’actuel entraîneur de l’équipe de National 3 revendique ses attaches corses, où il s’est ouvert au monde du football, à Sartène puis à Propriano. Portrait.

Il incarne la fidélité, une valeur de plus en plus rare dans le foot moderne. Après avoir évolué puis entrainé en Corse à Sartène puis à Propriano après la fusion des deux clubs, Nourredine El Ouardani (44 ans) a rejoint Tours à l’été 2013. Il y a tout connu, des U17 à la Ligue 2 en passant par les U19, le National 3 et le Régional 1. Après de gros déboires sportifs et financiers, des relégations sur le terrain et administratives, le club a été autorisé à monter en National 3 après un nouveau feuilleton estival. Le Tours FC reprend le championnat demain (dimanche) à Châteauneuf-sur-Loire. L’occasion de retracer le parcours de son entraineur.

« J’ai tout appris du foot corse »

C’est l’auteur de Colomba Prosper Mérimée qui l’a écrit : « Sartène est la plus corse des villes corses ». C’est dans ce village typique d’un peu plus de 3 200 habitants que Nourredine El Ouardani a grandi et a ses racines. « J’ai tout appris du foot corse », reconnait l’entraineur âgé de 44 ans.

Il n’avait que 16 ans quand il a été lancé en Division d’Honneur dans le club de ville natale par Dominique Morabito, ancien joueur de Division 1 et Division 2 à Nice, Dunkerque ou Tours. « Je luis dois beaucoup », estime El Ourdani, qui évoluait au poste de latéral gauche. « A l’époque, la DH Corse était très médiatisée, elle était très suivie par les journaux locaux, ça donnait vraiment des matchs acharnés », se souvient-il. « La Corse, c’est l’esprit méditerranéen. C’est une vraie terre de foot de passion. Il n’y a pas beaucoup de moyens mais on y trouve de vrais valeurs comme la solidarité, la détermination et l’esprit de famille. J’ai gardé tout ça en moi. Je conçois le foot d’abord comme une aventure humaine. J’ai affronté des joueurs corses emblématiques comme Jean-Louis Leca ou Yannick Cahuzac à leurs débuts. »

A côté du terrain, il travaillait dans la grande distribution, chez Casino, l’un des partenaires du club de Sartène. Seule « infidélité » à son club de toujours, une saison en 2004-2005 avec la réserve de l’AC Ajaccio sous la direction d’Olivier Pantaloni. A L’ACA, il a aussi croisé Walid Regragui, qui vient d’être nommé à la tête de la sélection du Maroc. « Le Maroc est aussi très important pour moi. Walid, je suis allé le voir à son hôtel avant un match récemment. Il n’a pas changé, il est resté le même, humble. C’est ce genre de valeurs que j’aime partager. »

Avec Propriano, où il a entamé sa carrière d’entraîneur-joueur.

S’il garde « un magnifique souvenir de cette année à Ajaccio », il était vite revenu sur ses terres sartenaises. Le club a fusionné avec Propriano, une petite ville distante d’une quinzaine de kilomètres. A 28 ans, il devient entraineur-joueur de l’équipe évoluant en Division d’Honneur. Une vocation. « A 18 ans, j’entrainais déjà des poussins. J’ai toujours eu l’âme d’un leader sur le terrain, je parlais beaucoup, je replaçais. »

Deuxième de DH Corse derrière la réserve de l’AC Ajaccio, Propriano réussit l’exploit de monter en CFA 2 en juin 2011. « Une grosse performance pour un petit village de 3 000 habitants », lance El Ouardani qui a stoppé sa carrière de joueur à 33 ans avec cette accession. « C’était compliqué de cumuler les deux en CFA 2. J’ai décidé de me concentrer sur le coaching. »

Mais l’aventure du CA Propriano à l’échelon national ne dure qu’une saison. 13e à 4 points de la réserve de Nice (premier non-relégable), il retrouve la DH Corse.

« Le coup de fil de Jean-Luc Ettori pour aller à Tours »

A l’été 2013, « Nourré », qui a passé ses diplômes d’entraineur, s’apprête à repartir pour une nouvelle saison à la tête du CA Propriano. Mais un coup de téléphone de Jean-Luc Ettori, va bouleverser son existence. L’ancien gardien des Bleus au Mondial 1982 en Espagne vient d’arriver comme président-délégué au Tours FC (L2) repris par l’homme d’affaire corse Jean-Marc Ettori (aucun lien de parenté).

« C’est le hasard des rencontres, explique El Ourdani. Il faut savoir que je collaborais depuis deux ans avec Jean-Luc. Il avait pris sa retraite en Corse et était devenu directeur sportif bénévole de Propriano. Tous les deux, on avait noué une belle relation. Il m’a vraiment beaucoup apporté. Donc, on doit être aux alentours du 15 juillet et il m’appelle pour me proposer le poste d’entraineur des U17 de Tours. Je devais me décider rapidement puisque la saison démarrait 15 jours plus tard. Je savais qu’avec mon BEF, je pouvais avoir des opportunités ailleurs qu’en Corse. C’était un peu brutal, je n’avais jamais quitté mon Île à part pour les vacances, mais je n’ai pas beaucoup hésité et je me suis lancé dans le grand bain. »

Neuf après, il est toujours à Tours. « C’est certes le même club mais j’y ai tout connu : les U17, un intérim en Ligue 2, les U19, la fin du professionnalisme et un poste d’entraineur de l’équipe première en N3 et R1. Au delà du foot, Tours est une ville tranquille où il fait bon vivre. Avec ma famille, on s’y sent bien. »

« Un maintien en L2 puis une finale de Gambardella »

Lors de la saison 2004-2005, avec la réserve de l’AC Ajaccio.

A son arrivée, Tours a l’accent corse avec le président Jean-Marc Ettori, Jean-Luc Ettori mais aussi son ancien entraineur à l’AC Ajaccio, Olivier Pantaloni, qui dirige l’équipe de Ligue 2.

Sur le terrain, il y a aussi Andy Delort, également connu à l’AC Ajaccio et qui terminera co-meilleur buteur de L2 (24 buts) lors de la saison 2013-2014. « Au centre de formation, Gilbert Zoonekynd qui, c’est encore un hasard, avait aussi entrainé Propriano et Cyril Carrière, le frère d’Éric, m’ont beaucoup aidé et appris. »

Mais la situation sportive de Tours se dégrade peu à peu. Jean Luc Ettori s’en va au bout de deux ans. Alexandre Dujeux, Marco Simone et Fabien Mercadal se succèdent sur le banc en L2. Le 17 février 2017, l’équipe est dernière. Le président Jean-Marc Ettori fait alors appel à Nourredine El Ouardani comme entraineur intérimaire à la place de Fabien Mercadal.

Sans l’indispensable BEPF, il est associé à Zoonekynd, officiellement nommé entraineur principal. Mais dans les faits, c’est bien le Corse, entraîneur général, qui est numéro 1. « Au départ, ça devait être un intérim de dix jours. Le premier match, on a perdu 4-2 à Strasbourg. Mais ensuite, les résultats ont été assez bons avec des nuls contre Troyes et au Gazélec Ajaccio. J’ai pu m’appuyer sur des joueurs comme Bouanga, Selemani ou Bennacer. »

Tours enchaine dix matchs sans défaite et sort de la zone rouge. El Ouardani est, lui, nommé meilleur entraineur de L2 du mois de mars 2017 par le site spécialisée Ma Ligue 2. « Quand je suis arrivé, plus grand monde ne croyait au maintien, même dans le club. Est-ce que j’ai eu peur ? Non. Ce que j’ai voulu, c’est me prouver à moi-même que je pouvais mettre en application mes principes à une équipe pro. Ce sont les principes de jeu que j’avais en étant gamin, à base de possession, de jeu court, de bloc très haut », expliquait-il à l’époque.

Après le maintien (16e), il est logiquement conforté à son poste, même s’il n’a pas le diplôme. Mais le début de saison 2017-2018 est catastrophique avec deux points en 11 journées. Le 15 octobre 2017, il est écarté de son poste. Il retourne à la formation chez les U19. Une saison marquée par un drame avec le décès d’un de ses joueurs, Thomas Rodriguez, dans son lit du centre de formation du Tours FC, mais qui s’est achevée par une finale de la Coupe Gambardella au stade de France, une première dans l’histoire du club. Mais Tours s’incline face à Troyes (2-1).

« Il y a eu un acharnement contre Tours et son président »

Après la relégation de L2, Tours enchaîne par une deuxième descente en N2 en 2019. Mais le club est épinglé par la DNCG et rétrogradé administrativement en National 3. « Le président m’a proposé de reprendre l’équipe. J’ai eu des moments de doutes mais ma première réflexion a été de me dire que je devais faire remonter le club. »

Sur le terrain, tout se passe bien. Tours termine 1er de son groupe de N3 en 2019-2020 après l’arrêt des championnats en mars. La DNCG lui refuse la montée pour raisons financières. Le pire est encore à venir. Après une saison écourtée pour cause de coronavirus, la Commission régionale de contrôle des clubs (CRCC) de la Ligue Centre-Val de Loire rétrograde Tours en Régional 1 en juillet 2021. « Moi, j’avais toujours l’espoir que ça reparte. Je suis un homme de club, de projets, et j’avais décliné d’autres propositions pour rester à Tours. Mais avec cette rétrogradation, on a pris un coup derrière la tête, surtout que le club avait fait des efforts sur le plan financier pour redresser la situation. Ça a été difficile à accepter. Mais il fallait déjà reconstruire une équipe. On a réussi à garder des cadres comme Jules Goda, Benjamin Tisson, Antoine Peron ou Manu François qui nous ont fait confiance malgré la déception. »

En Régional 1, Tours fait la course en tête. Mais la saison est rythmée par les procédures et les passages au tribunal de commerce. Représentant des salariés du Tours FC, Nourredine El Ouardani est au cœur des différents épisodes. « Moi, j’ai une carapace, donc j’arrive à gérer tout ça, surtout avec le temps. Mon objectif était de préserver mes joueurs même si ça parlait beaucoup autour de nous. »

Premier, Tours doit monter en National 2. Mais la CRCC refuse encore la montée. « J’ai encore passé des vacances compliquées. Là, ça commençait à faire beaucoup. On avait vraiment l’impression d’un acharnement de la CRCC contre Tours et son président Jean-Marc Ettori. »

Personnage clivant, le PDG de Corsicatours s’est mis beaucoup de personnes à dos. « C’est mon président, j’ai des relations franches avec lui, on a des échanges de président à entraîneur en toute humilité. A un moment, il a peut-être été maladroit dans sa com’. On lui collé une étiquette et son image à été faussée. Mais il s’est toujours accroché pour sauver le club, il y a mis de l’argent et c’est louable. »

Après l’acception du plan de sauvetage présenté par Jean-Marc Ettori devant le tribunal de commerce, la montée sportive a été validée par la commission d’appel de la DNCG le 12 juillet dernier. Un soulagement. « J’aimerais qu’on parle juste de foot maintenant, conclut Nourredine El Ouardani. On est revenu à la case départ comme en 2019. Moi, j’attache beaucoup d’importance aux relations humaines. C’est ma 10e saison à Tours, ma fidélité va dans ce sens : on va l’attaquer avec détermination et ambitions. Le cadre est attractif, il y a un beau stade, des structures qui ne sont pas celles d’un club de N3. Comme je dis souvent: on ne vient pas à Tours pour jouer la montée, on doit jouer la montée. »

Nourredine El Ouardani du tac au tac

Première fois dans un stade ?
Bastia – Monaco à Furiani en 1985.

Meilleur souvenir de joueur ?
La saison 2004/2005 avec la réserve de l’AC Ajaccio. Une équipe devenue un bande d’amis.

Pire souvenir de joueur ?
La relégation avec le CA Propriano en PHA lors de la saison 2002/03.

Première sur un banc de touche ?
J’ai commencé en tant qu’entraîneur-joueur. Du coup, je n’étais pas sur le banc ! Je vais donc dire le premier match en CFA2 avec Propriano contre Chambéry lors de la saison 2011-2012.

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
J’en ai 3 : la montée avec Propriano en CFA 2 lors de la saison 2010-2011, mon premier match sur le banc en Ligue 2 avec Tours à la Meinau contre Strasbourg le 21 février 2017, et la finale de Gambardella avec Tours face à Troyes (défaite 2-1) au Stade de France en mai 2018.

Pire souvenir d’entraîneur ?
Le début de saison 2017/2018 après le maintien en L2 acquis deux mois auparavant. Je me suis retrouvé impuissant face à la difficulté d’avoir des résultats positifs. Mais avec le recul, cette période a été très enrichissante dans ma construction.

Le joueur qui t’a le plus marqué ?
Ismaël Bennacer. J’ai eu la chance de l’avoir sous mes ordres à Tours en 2017. Il était prêté par Arsenal. C’est un gros travaileur au quotidien avec une grande humilité.

Le joueur le plus fort que tu as affronté ?
Teji Savanier.

Ton style de jeu ?
Ma philosophie, c’est plutôt d’avoir le ballon. Enfant, quand on jouait au foot, c’était pour avoir le ballon et j’ai gardé ça en tête ! Tout joueur joue au foot pour avoir le ballon.

Un club ?
Le Milan AC.

Un coach ?
Carlo Ancelotti.

Un stade ?
Furiani à Bastia. Le premier stade où j’ai assisté à un match pro.

Une équipe de légende ?
Le Milan AC de Maldini avec Gullit, Van Basten.

Une ville, un pays ?
Ma ville, Sartène. Comme pays, la Corse, car c’est un pays pour moi. Et le Maroc.

Tes amis dans le milieu du foot ?
Des anciens coéquipiers ou entraîneur comme Dominique Morabito et Olivier Pantaloni. Jean-Luc Ettori, même si on n’est pas de la même génération, est aussi devenu un vrai ami à qui je dois beaucoup.

La différence entre le milieu du foot amateur et le milieu pro ?
Bizarrement, je trouve qu’on se prend plus au sérieux chez les amateurs que chez les pros. Mais je trouve qu’il y a plus de passionnés chez les amateurs.

Activités pratiquées en dehors du foot ?
J’essaye de passer du temps avec mes enfants, vu que le foot me prend beaucoup de temps.

Dimanche 28 août 2022, à 15h, National 3 (J1) : Châteauneuf-sur-Loire – Tours FC

Textes : Laurent PRUNETA / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr

Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Tours FC

A 34 ans, le milieu de terrain de la Berrichonne de Châteauroux, qui clame son attachement pour sa ville et son club, est de retour après un an d’absence. Il découvre, pour la première fois de sa carrière, le National. Avec envie et excitation.

À une époque où les mercenaires sont légion dans le milieu du football, Romain Grange (34 ans) voue un véritable amour pour son club de la Berrichonne de Châteauroux, dans sa ville natale.
Enfant de Gaston Petit, il y a joué son premier match en professionnel en 2009. Si le destin l’a conduit à porter successivement les maillots de Nancy (2012-2015), du Paris FC (2015-2016), de Niort (2016-2018), de Charleroi (2018-2019) et de Grenoble (janv-mai 2019), le milieu de terrain, qui compte 280 matchs au plus haut niveau (L1, L2 et National), est tout naturellement revenu vers le club de son cœur en 2019.
Malgré la descente de Ligue 2 en National à l’issue de la saison 2020-2021, le milieu de terrain castelroussin, l’un des plus gros CV du championnat – Il est aussi passé par la Jupiler League, le championnat belge -, n’a pas voulu quitter le navire. Un choix fort alors que des écuries de Ligue 2 lui faisait des appels du pied.
De retour d’une rupture des ligaments croisés du genou gauche, Romain Grange a déjà fait parler la poudre. En déplacement à Avranches la semaine dernière à l’occasion de la 2e journée, la Berrichonne a décroché les trois points de la victoire grâce à un but de son numéro 15, juste après sa rentrée sur la pelouse à l’heure de jeu !

« Qui est capable de revenir des croisés et de retrouver directement son niveau ? »

Photo La Berrichonne de Châteauroux

A l’issue de ce match à Avranches, Romain avait réagi au micro de France Bleu et sur les réseaux sociaux de son club : « J’ai la chance de rentrer et de marquer ! Je n’ai pas calculé mon coup, non ! (rires) Je vois Youssouf Bendjaloud qui déborde à gauche, j’essaie de rentrer dans la surface, le ballon vient en retrait et comme j’arrive lancé, je peux passer devant les défenseurs et pousser le ballon au fond. Je pense que la défense a cru qu’il n’arriverait pas à centrer car le ballon était à la limite de sortir, mais on y a cru et on est récompensé. J’en suis très content. Je sors d’une saison compliqué et là, au bout de deux matchs j’arrive à être décisif. Pour le moral et la confiance, ça fait beaucoup de bien. J’étais déjà libéré psychologiquement, mais ça va peut-être me permettre de l’être encore. Quand ça fait un an qu’on n’a pas joué, il faut du temps pour retrouver le rythme… Il faut dire aussi que j’ai 34 ans, donc je savais qu’il allait falloir du temps. Aujourd’hui, qui revient des croisés et retrouve directement son niveau ? Seulement très peu de joueurs je pense, seulement des grandes stars du football mais je suis en National donc pas une grande star (rires) ! »

« Si c’est un coaching gagnant ? Non, ça s’appelle de la chance, avait réagi son coach, Mathieu Chabert, au micro de France Bleu. Oui, bien sûr, premier ballon, premier but ! On a vu que Romain, quand il joue haut sur le terrain, il est beaucoup plus intéressant que quand il vient chercher les ballons dans les pieds des défenseurs. Il est encore en phase de reprise, il faudra être patient, qu’il retrouve le rythme, mais ce but va lui faire du bien pour sa confiance ! »
Ce jeudi 25 août, entre un rendez-vous chez le coiffeur et une séance d’entraînement, Romain, buteur en CFA2, CFA, Ligue 2, Ligue 1 et donc National depuis la semaine dernière, a pris le temps de revenir sur sa carrière et sur un exercice 2022-2023 qu’il annonce indécis jusqu’au bout.

« Je n’ai jamais rien lâché »

Victime d’une rupture des ligaments du genou gauche il y a un an, tu as enfin fais ton retour en compétition officielle. Comment te sens-tu ?
Ça va très très bien aujourd’hui. C’était très compliqué pour moi. J’ai beaucoup travaillé, mais je n’ai jamais rien lâché. J’ai repris en même temps que le groupe pour la préparation physique et à l’heure actuelle tout va bien. J’avais déjà eu cette blessure en 2009.  la ligamentoplastie a lâché au bout de douze ans. Elle était sûrement devenue fragile par rapport aux séances, aux matchs, aux terrains parfois que j’ai pu fouler pendant toutes ces années.
 
Comment as-tu vécu cette année en tribune ?
Certains joueurs restent chez eux et regardent les matchs du coin de l’œil. C’était frustrant car je voulais être sur le terrain, mais j’étais à Gaston Petit à chaque match de la Berrichonne. C’était d’ailleurs encore plus dur pour moi à domicile car tu es à un mètre du terrain et tu ne peux rien faire. Faut savoir l’accepter. Mais j’avais en tout cas ce besoin d’être présent. Je suis joueur et supporter de mon club.

« Un championnat avec beaucoup de qualités »

À l’heure où beaucoup de joueurs optent pour un départ au moment d’une relégation, tu as fais le choix de rester à la Berrichonne de Châteauroux lorsque le club a perdu sa place en Ligue 2. Pourquoi ?
J’avais des propositions de Nîmes et Pau. Je pouvais rester en Ligue 2, d’autant que je n’avais plus qu’une année de contrat avec Châteauroux. Les négociations n’ont pas été simples mais ça me tenait à cœur de rester. Ça n’a pas été facile de trouver un accord et hasard ou pas, je resigne à 11h avec le club et à 16h je me fais les croisés à l’entraînement.
 
Tu découvres cette 3e division. Après deux journées, et avant la venue de Martigues ce soir, quel regard tu portes sur le championnat ?
Je n’ai pas encore beaucoup de recul forcément, mais on m’avait parlé de défis physiques, de grands ballons vers l’avant et finalement c’est tout le contraire pour le moment. C’est un championnat avec beaucoup de qualités et surtout des très bons joueurs. Contre Paris 13 – qui est promu – on a été en difficulté face à une très belle équipe. Les promus sont intéressants, produisent du jeu et c’est aussi le cas pour Avranches qui est agréable à voir jouer et qui a juste manqué de réussite face à nous.
 
Le National n’a jamais semblé aussi relevé avec pléthore de candidats à la montée. Comment vois-tu cette saison ?
Avec deux montées et six descentes, il sera incertain et passionnant jusqu’à la dernière journée. Il ne faudra pas beaucoup se tromper tout au long de l’année et les faux pas seront plus que jamais interdits. Versailles, Bourg-en-Bresse, Orléans, Nancy, Avranches, Le Mans, Châteauroux évidement sont des équipes avec de gros effectifs. Tout le monde s’est très bien renforcé avec cette menace des six descentes. Il y a des coachs avec un passé de Ligue 2, des joueurs ayant évolués en Ligue 1. Certaines équipes ont le niveau pour se maintenir en Ligue 2. Pour moi, le National est une Ligue 2 bis.

Romain Grange du tac au tac

Premier match en pro ?
C’était en mars 2009 en Ligue 2 contre Boulogne-sur-Mer. On perd 1-0, mais ce sont mes premières minutes avec la Berrichonne. Un souvenir gravé à vie.
Premier but en pro ?
En septembre 2009. On reçoit Brest et c’est Nolan Roux qui ouvre le score. J’égalise sur coup franc.
Le joueur le plus fort avec qui tu as joué ?
Arnaud Lusamba qui n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir. Il est arrivé dans le groupe pro à Nancy à 17 ans, s’est intégré facilement et il avait des qualités exceptionnelles. Difficile de ne pas citer aussi Clément Lenglet ou encore Axel Disasi que j’ai côtoyé au Paris FC. On a très vite senti qu’il était au-dessus.
Le joueur le plus fort contre qui tu as joué ?
Ibrahimovic sans hésiter. Déjà, il est plus grand que tout le monde. Mais il est impressionnant sur le terrain. Il dégage un charisme, une prestance. Il en impose vraiment. Tu as l’impression d’être un bébé à côté.
Le stade qui t’a procuré la plus grande émotion ?
Gaston Petit forcément. Je suis un gamin de Châteauroux. J’étais au club dès l’âge de 6 ans. C’est ma ville, mon club. J’y ai vécu toutes les émotions possibles en tant que spectateur, supporter, joueur.
Le stade que tu n’aimes pas ?
Aucun. Par contre, j’ai vécu une grande émotion à Furiani en 2012 contre Bastia. C’est le match de la montée pour eux. On arrive comme d’habitude 1h30 avant le coup d’envoi. Je vais sur la pelouse pour la reconnaître, j’ai de la musique dans les oreilles, je suis déjà dans mon match. Néanmoins, je perçois des sifflements lointains. Je lève la tête et là je vois que le stade est déjà quasiment plein. L’ambiance était incroyable. On perd 2-1 mais ça reste un beau souvenir.
Ta plus grande joie ?
Chaque victoire en est une. Mais je me souviens d’un match cher à mon cœur. Je suis depuis toujours supporter de l’OM. J’ai rêvé gamin de jouer au Vélodrome. En février 2013, on se rend là-bas avec Nancy. Un dimanche soir sur Canal. On gagne 1-0 et je marque sur corner direct. Une émotion extraordinaire dans un stade qui l’est tout autant.
Ta plus grande déception ?
Ma première grosse blessure. Je dispute ma première année en pro avec Châteauroux. Je suis à 4 buts, 4 passes décisives. Je fais une belle demi-saison. À l’époque, je suis en contact avec Montpellier. Ça parlait même de moi en équipe de France Espoirs. Et là, en une fraction de seconde, ma carrière connaît un coup d’arrêt. J’ai eu la chance d’avoir un gros soutien de mon épouse – je l’ai rencontrée très jeune et sans elle, je n’aurais sûrement pas fait cette carrière – et de ma famille.
Le match pendant lequel tu t’es senti intouchable ?
À Picot avec Nancy en 2013. On reçoit Lille et j’égalise – pour mon premier but en Ligue 1 – après l’ouverture du score de Nolan Roux. On fait 2-2, mais ce soir là je réussis tout ce que je fais. J’accélérais avec facilité alors que ce n’est pas mon point fort. Toutes les passes arrivaient dans les pieds des attaquants.
C’était une sensation incroyable qui offre beaucoup de confiance pour la suite !

Texte : Julien Leduc / Mail : jleduc@13heuresfoot.fr

Twitter : @JulienLeduc37

Photos : La Berrichonne de Châteauroux

Huit ans après le lancement du site consacré au monde amateur, Jérôme Bouchacourt, le fondateur, et son équipe viennent de lancer un magazine mensuel et un site dédié au championnat National. Le Nantais évoque dans un entretien ses méthodes de travail, ses projets et le succès grandissant de sa marque.

Jérôme Bouchacourt, le fondateur du site FootAmateur

« Ça ne te dérange pas de décaler à demain, stp ? Avec la reprise du N2, je suis un peu « chaud ». » Jérôme Bouchacourt est un homme à l’emploi du temps bien chargé. Il faut dire que le journaliste, qui a fondé le site footamateur.fr en 2014, vient de lancer, avec son nouvel associé Frédéric Sougey, deux nouveaux médias : ADN (Actu du national), un site dédié au championnat du National, et “FootAmateur Le Mag”, dont ils bouclent le 5e numéro.

Le rendez-vous est décalé au lendemain, en visioconférence. Il est 10 h 06. L’entretien “ON” peut commencer. « Je suis disponible jusqu’à midi car je dois appeler un président de club ». Comprendre la méthode de travail et le fonctionnement de footamateur.fr , le site référence qui s’est imposé dans le paysage footballistique amateur sur la toile, voilà ce que l’on va découvrir pendant cette parenthèse d’un peu moins de deux heures. C’est parti ! Entretien.

Trois ans après, FootAmateur vient de relancer ADN Foot, un site dédié au National. Pourquoi ?

Avec la réforme de Ligue 1 et Ligue 2, on aura quatre clubs qui vont descendre de L2 en National et, dans deux ans, on pourra se retrouver avec 12 ou 13 clubs professionnels sur 18. L’information qu’on a eue de la LFP, c’est que le jour où il y aura plus de clubs professionnels que de clubs amateurs en National, il y aura la création d’une Ligue 3. Donc d’ici 2 ans. Le National est un championnat porteur avec des clubs comme Le Mans ou Nancy qui a attiré pratiquement 8 000 spectateurs lors du premier match, Concarneau, c’est 2 000 ou 2 500 à tous les matchs, il y a aussi Saint-Brieuc, Dunkerque, Avranches, etc. On s’est dit qu’on allait anticiper, relancer le site ADN Foot en prévision. On a déjà déposé d’autres noms de domaines. Voilà pourquoi on a enlevé le National de footamateur.fr. Cela va nous permettre de privilégier d’autres niveaux : régionaux ou départementaux.

D’autres projets ?

On va relancer le site PDLFoot (Pays de la Loire Football, Ndlr). J’attends de savoir comment la Ligue veut travailler avec nous. Des annonceurs locaux devraient arriver. Il y a beaucoup de photos et de contenus sur le sujet que l’on n’utilise pas sur footamateur.fr. Je suis par ailleurs correspondant “foot régional” pour Ouest-France dans les Pays de la Loire et plusieurs correspondants y sont bien implantés. On pourrait poster 30 articles par semaine ! Donc est venue l’idée de revenir à la base, sur notre région. Et puis, avec Fred (Frédéric Sougey, Ndlr), un de mes deux associés, qui gère aussi ses sites locaux (metro-sports.fr et monfoot69.fr), l’idée est de créer un autre site pour la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes. Mais on ne fera pas d’autres sites locaux.

L’idée, c’est donc de revenir au régional, au local, comme au début de l’aventure footamateur.fr, quand vous aviez commencé avec quatre Ligues (Atlantique, Maine, Bretagne et Centre-Ouest) ?

Au tout début, en 2011, j’ai créé Atlantique Football club, Maine Football Club et Bretagne Football Club. On a ensuite dû déposer le bilan. La boite avait été reprise par deux personnes qui ne m’ont pas gardé six mois après. C’est là que j’ai lancé Foot Ouest mais j’ai dû changer le nom : le nom de domaine “footamateur.fr” était libre et je me suis lancé. Le développement s’est fait naturellement et simplement. Avec la N2, quand tu couvres Nantes – Les Herbiers, Nantes – Bergerac ou Nantes – Andrézieux, petit à petit, tu crées un réseau moins “local”, tu fais la connaissance d’autres coachs, d’autres dirigeants, d’autres joueurs, etc. Là, tu vois que c’est intéressant d’aller sur du national, ce qu’on a fait un an après.

C’est le même processus qu’au départ, dans les Pays de la Loire, quand tu as commencé en tant que correspondant sportif, dans la région Nantaise ?

Oui. Quand je suis arrivé dans la région en 2002, j’étais correspondant pour Ouest-France à Ancenis et Châteaubriant. Je couvrais tous les sports mais le sport majeur, c’était le foot. Lorsque tu couvres un match de CFA2 du coin, tu rencontres aussi les adversaires donc tu étends ton réseau. C’est tout un cheminement.

Tu es encore correspondant “foot régional” pour Ouest-France. Comment gères-tu ces deux activités ? Y a-t-il une concurrence avec tes sites ?

Pour Ouest-France, je vais plus m’occuper du foot local. C’est sûr qu’avec PDLFoot, il y aura peut-être une petite concurrence mais quand je fais une interview de 45 minutes d’un entraîneur par exemple, ça me permet d’avoir de la matière pour un papier de présentation pour le site, et d’en garder pour un autre papier sur le journal.

« En mars 2020, on a quadruplé la fréquentation d’un coup ! »

En créant, fin 2020, la société Sports media, qui édite tous ces sites et le magazine mensuel, tu t’es associé à Frédéric Sougey : c’était une volonté de ne plus travailler seul ?

Cela faisait un moment qu’on travaillait ensemble, qu’on se filait des photos, des infos. On le faisait aussi avec d’autres, dans d’autres régions. On avait un petit réseau. On s’est dit avec Fred qu’il fallait améliorer la synergie. On s’est aussi rendu compte que footamateur.fr générait pas mal de visites et donc plus d’argent car on a bénéficié de l’effet Covid avec l’arrêt des championnats en mars 2020. On a quadruplé la fréquentation d’un coup. On a eu un mois de folie : on a fait des journées à plus de 100 000 visiteurs uniques et 400 000 pages vues ! Quand on arrive à faire 3 000 ou 3 500 euros par mois, qu’on nous appelle pour devenir partenaire, on se demande forcément ce qu’on fait. On s’est dit qu’on allait monter une société. Le développement de footamateur.fr, c’est grâce à la période covid : ça a permis de lancer la nouvelle structure et de créer la nouvelle SAS Sports media.

L’arrêt des championnats a vraiment été l’élément déclencheur, car vous l’avez annoncé en exclu…

On a été très bons, je pense, car on a eu des infos via des contacts à la Fédération et au Ministère que les autres n’avaient pas, donc on a beaucoup été repris pendant cette période où, d’un autre côté, on s’est fait “allumer” par d’autres médias qui pensaient qu’on racontait n’importe quoi. Un média a même écrit un papier expliquant que le « blog » footamateur.fr n’était pas très sérieux en annonçant ce genre de choses. On m’a aussi dit que je n’étais pas un journaliste.

A contrario, tu as été sollicité par les médias nationaux à propos de la licence d’Emmanuel Macron. Quelle relation entretiens-tu avec les médias plus généralistes ?

Je pense que les médias traditionnels se rendent compte qu’on a des infos, qu’elles sont bonnes et qu’on fait un travail de recherche avec nos dossiers dans lesquels on apporte une vraie plus-value. On ne fait pas que reprendre des infos du Courrier Picard ou de La Voix du Nord ! Quand on a parlé pour la première fois de la réforme des championnats, on a pratiquement été cités par tout le monde, même par L’Équipe.

« Les médias nous prennent beaucoup plus au sérieux maintenant »

Mais footamateur.fr n’est pas toujours cité lorsque vos informations sont reprises…

Non, mais c’est un classique. On a aussi le problème des médias qui se servent de nos photos et de nos infos, sans les sourcer. Mais on commence aussi à avoir un petit réseau dans la presse. Les médias nous prennent beaucoup plus au sérieux qu’avant. C’est ce qui a beaucoup changé depuis deux ans et demi.

Et le monde du football amateur, il vous prend au sérieux ?

C’est marrant parce des mecs m’appellent pour me demander des renseignements. Un coach d’un club de N2 m’a demandé s’il pouvait aligner sa dernière recrue ou encore, au mois de juin, un entraîneur de N3 m’a demandé si la réserve de La Duchère pouvait rester en N3 car la première était en N2. On a même des présidents de District qui demandent des infos ou qui donnent des sujets. Après, le fait d’avoir assisté, avec le photographe Philippe Le Brech, à l’assemblée générale de la Fédération à Nice, en juin, nous a permis de développer le réseau. On a rencontré une vingtaine de présidents de District et Ligue.

N’est-ce pas frustrant de parler du football amateur sans pouvoir se déplacer en dehors de la région Nantaise ?

Non car je ne peux pas partir, je n’ai pas le temps. Mais on a des ambassadeurs comme Philippe Le Brech : lui, c’est 95 % des photos du site. Dans le premier numéro du mag’, il est parti en immersion dans cinq clubs toulousains. Puis il est allé à Limoges, à Brive, à Guéret. On a toujours cet ancrage qui nous permet de connaître les clubs. Et le but, à terme, est d’avoir un correspondant dans chaque Ligue.

Aujourd’hui, quels sont les effectifs de Sports media ?

On est deux journalistes salariés, Frédéric Sougey, qui est très implanté dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, et moi, en Pays de la Loire. On a aussi un journaliste en alternance et des correspondants. On a des régions qu’on couvre moins, comme peut-être les Hauts-de-France même si on a un correspondant là-bas. Mais on doit faire avec nos moyens. On connaît notre budget mensuel pour la correspondance donc on doit faire des choix. Si on n’a pas les moyens de confier un sujet à un correspondant, on le fera nous-même.

Vous avez lancé le site footamateur.fr le 1er mai 2014. Vous en vivez ? Et si oui, depuis quand ?

On en vit depuis la création de Sports media, en décembre 2020. Quelques chiffres pour montrer à quel point le site a décollé en un an : + 80 % en utilisateurs, + 150 % sessions, + 200 % pages vues.

« On tourne à 400 ou 450 000 visiteurs par mois »

Le foot international est-il une piste de développement ?

Franchement, non. Il y a trop à faire aujourd’hui en France. On tourne à 400 000, 450 000 visiteurs par mois. Si on a un correspondant par Ligue, qu’on sort quatre ou cinq fois plus de contenus, avec des papiers sur les championnats régionaux, de district, on va forcément toucher plus de public et augmenter notre fréquentation. On a un levier de développement en France qui est encore hyper important. Avec le mag’, qui a dû dépasser les 200 abonnés, on a là aussi un levier de développement énorme. Demain, on doit monter à 4000 ou 5 000 abonnés, j’en suis persuadé. Il y a plus de deux millions de licenciés en France. Et si on arrive à ces chiffres-là, on va attirer des annonceurs que l’on n’a pas aujourd’hui.

La publicité ?

Ce qui a beaucoup changé, ce sont les partenariats directs. SportEasy est un très gros partenaire avec qui on a lancé la rubrique infos pratiques. Umbro aussi. On a fait six mois avec eux et on va renouveler en octobre pour six mois. On arrive désormais à faire plus de la moitié de notre chiffre d’affaires avec ces partenariats directs et plus la pub display (les affichages). On n’est plus dépendants de cette pub display et pour faire de la qualité, c’est mieux.

Est-ce que vous vous sentez libres avec ces partenariats directs ?

On l’a toujours été, libres.

La vérification des sources est-elle compliquée dans le football amateur ?

Je me suis “pris la tête” avec un club il y a quelques jours. Je connaissais l’identité de leur nouvel entraîneur. J’ai contacté le club plusieurs fois mais sans aucun retour. Un peu énervant car on avait un scoop et on n’a pas pu le sortir. Parfois, on hésite à publier une info même si on en est sûrs.

On vous reproche parfois vos prises de position…

On a une ligne éditoriale qui a toujours été très claire. On fait notre boulot, tout simplement. Mais oui, souvent, on a des prises de position. Comme le dossier qu’on a fait sur la FFF. Certaines personnes n’ont pas du tout apprécié ! Mais tout ce qu’on a écrit dans le papier est vrai.

Les clubs de football “amateurs” sont-ils toujours accessibles ?

Oui et non. En ce moment, en National, il y a un club, qui ne parle plus à personne. Ça doit être l’effet Roi Soleil. Mais concernant la communication des clubs, ils sont souvent contents qu’on les appelle. On a rarement eu de problèmes de ce côté-là.

« Il faut avoir des infos confirmées, vérifier ses sources »

Est-ce facile de s’intéresser à ce qui se passe vraiment à l’intérieur des clubs ?

Ça prend du temps mais on sait que ces sujets vont être lus. Le problème, c’est qu’il faut avoir des informations confirmées. Un journaliste m’avait proposé un papier sur la FFF, mais j’avais besoin d’avoir les sources pour vérifier parce qu’on prend des risques juridiques. Autre exemple, j’ai eu des infos sur un club : on m’a dit des choses que je ne peux actuellement pas vérifier. Si on le sort, c’est une bombe.

Vous abordez aussi le sujet de l’arbitrage, à travers les violences…

Les violences, tout le monde en parle. Parfois, c’est même monté en épingle par des médias nationaux. Avec FootAmateur, on essaie de ne pas se limiter aux violences, en abordant par exemple le nouveau statut sur l’arbitrage. Il y a plein de sujets à faire sur l’arbitrage. On veut d’ailleurs y consacrer une page dans le mensuel.

A quoi ressemble une semaine type de footamateur.fr ?

Déjà, c’est sept jours sur sept. Le dimanche et le lundi, c’est le recap’ du N2 et cette année on va aussi le faire pour le N3. Le mardi, c’est plutôt de l’information pratique donc des sujets globaux qui vont intéresser les clubs de tous niveaux. Le mercredi, on veut parler des jeunes, des U17, des U19, de l’école de foot. Le jeudi et le vendredi, ce sont les annonces des journées de championnats. Le samedi, on va relancer le grand format du samedi matin. On va essayer d’être plus récurrent pour que le lecteur s’y retrouve davantage dans notre programme, tout en traitant l’actualité : le coach viré, l’arbitre agressé, le match interrompu, etc.

Est-ce difficile de se renouveler dans ce milieu ou on a l’impression d’entendre toujours un peu les mêmes discours ?

C’est l’avantage d’être plusieurs maintenant. Philippe Le Brech, par exemple, est plus impliqué dans le contenu qu’avant, même s’il continue la photo. Le but, c’est d’aller chercher des sujets « normaux », pas d’aller chercher les sujets récurrents. Des sujets, on en aura toujours.

Quels types de sujets sélectionnez-vous pour FootAmateur ?

Tout type. Le club de D4 de District. Le joueur qui est plombier et qui va réparer les douches à la mi-temps parce qu’il n’y a pas d’eau. Tous les sujets nous intéressent.

Quand vous réalisez un sujet, qu’est-ce que vous cherchez, qu’est-ce qui vous attire ?
Généralement, c’est l’actualité qui nous guide. Mais j’aime aussi tout ce qui touche à l’aspect règlementaire. Ce sont des sujets qui tournent bien car ils intéressent tous les clubs. Les exploits en Coupe de France, c’est aussi génial à faire car on est toujours bien accueillis par les « petits » clubs étant donné qu’on ne parle pas très souvent d’eux.

Texte : Gilles Augereau – Photos : 13 heures foot

Mail : gaugereau@13heuresfoot.fr

Twitter : @GillesxAugereau

La couverture du n°5 de FootAmateur Le Mag, avec un dossier sur la sécheresse, à paraître prochainement !

Inaugurée en 1968, la grande tribune du stade de Penvillers, à Quimper (Finistère), sera détruite à la fin de cette année. Pour toute une génération de « footeux » qui a suivi les hauts et les bas du Stade Quimpérois, c’est un mythe qui s’effondre. Juste quand le nouveau club, le Quimper Kerfeunteun FC, se reconstruit.

Le stade de Penvillers

J’ai 10 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 10 ans et le stade de Penvillers, à Quimper (29), a été inauguré pour remplacer le vieux stade de Kerhuel et accueillir le Stade Quimpérois, qui joue alors en CFA, en 1968. J’ai 13 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 13 ans et je grimpe en rêvant les marches d’un escalier de béton montant vers la lumière des projecteurs qui viennent d’être installés aux quatre coins du stade de Penvillers pour éclairer les nocturnes du Stade Quimpérois en National (nouvelle Division 2).

Pierre Garcia, Georges Peyroche et la Division 2

J’ai 13 ans et des étoiles plein les yeux. Encore un pallier. Les marches sont aussi hautes que l’impatience est grande. A l’intérieur de la grande tribune, l’escalier tourne et s’ouvre soudain, comme par magie, sur la scène et le spectacle qui brille de mille feux dans la nuit : la pelouse est plus verte, les joueurs plus grands et plus forts, le match plus extraordinaire.

J’ai 18 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 18 ans et je perds 3 à 0 en lever de rideau à Penvillers. C’est la coupe Gambardella. Je joue à l’AS Ergué-Armel, mon club de quartier à Quimper, et on est tombé avec mes copains face au grand stade « Q » des Lachivert, Bosser (Jean-Pierre, dit « Bobosse », qui marquera dix ans plus tard, avec Brest, un but des 60 mètres à Olmeta), Bideau, Reiller, Louarn…

Il y a des milliers de spectateurs au match. Pas pour le nôtre. Pour celui qui suit. Le Stade Quimpérois rejoue en Division 2 et a ses plus belles années devant lui malgré quelques retours en D3. Les entraîneurs se succèdent. Robert Dewilder a remplacé Marcel Mao, Jean Brélivet et Joël Le Bris suivront. Puis Marc Rastoll, Jacky Castellan, Wlodzimierz Lubanski, Pierre Garcia et Georges Peyroche qui sort de 6 saisons de Division 1 au Paris Saint-Germain. Quand même !

La Division 1 en ligne de mire

J’ai 30 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 30 ans et le Stade Quimpérois, où mon pote Michel Clément s’occupe de l’accueil et du bien-être des arbitres, est devenu le Quimper Cornouaille FC après avoir failli déposer le bilan.

Mais la montée en Division 1 est en ligne de mire. J’ai trente ans et Quimper joue un quart de finale de Coupe de France, en match aller et retour, contre Metz (saison 1987-88). Victoire 1-0 (but de Didier Monczuk) à l’aller devant 10 000 spectateurs à Penvillers. J’ai 30 ans et je suis à Saint-Symphorien pour le match retour : défaite 5-0.

Mais le meilleur est pour la fin. Le chant du cygne avant le dépot de bilan. Pierre Garcia est revenu aux affaires et le Quimper Cornouaille va jouer un 16e de finale de la Coupe de France la saison suivante contre le grand Olympique de Marseille de Jean-Pierre Papin et de Karl-Heinz Förster avant d’échouer aux portes de la Division 1 (4e) avec Michel Ettore, Manuel Abreu, Stéphane Gilet, Robert Barraja, Philippe Mahut, Florent Philippe, Jean-Luc Sokal, Jean-Philippe Viala, Jean-Yves Francini, Lucien Goadec, Didier Jaffrès, Jean-Luc Ribar, Zivko Slijepcevic, José Souto, Eugène Ekéké ou Fabrice Picot.

Pascal Laguillier

Pascal Laguillier, l’actuel entraîneur-adjoint de Stéphane Le Mignan à l’US Concarneau (National), faisait aussi partie de l’équipe: « Je n’avais que 20 ans, j’étais le petit jeune dans une équipe où il y avait de vrais bons mecs comme Florent Philippe, Stéphane Gilet, Jean-Philippe Viala, Michel Ettore ou Robert Baraja. C’était vraiment top. » Avant le flop…

Le Penvillers de Riyad Mahrez

Car c’était le début de la fin. J’ai 32 ans et le Quimper Cornouaille FC va repartir en Division 3. Le statut professionnel est condamné à court terme, même si Raymond Kéruzoré redonnera un peu d’espoir dans le nouveau National 1 à deux poules (1993-1997). Un nouveau dépot de bilan suivra et le Stade Quimpérois 2000 (nouvelle appellation) repartira en DSR (Régional 2). Il y aura bien des remontées au niveau national (CFA 2 et CFA) et les débuts, ici à Penvillers, d’un certain Riyad Mahrez, mais le retour en DH (Régional 1) sonne le glas du « Stade Q » qui fusionne en 2011 avec l’Etoile Sportive de Kerfeunteun.
J’ai 53 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 53 ans et le Quimper Kerfeunteun FC est né. Le temps d’un 6e tour de Coupe de France suivi d’un maintien en DH (R1) et le nouveau club quimpérois subit des relégations successives et se retrouve à un niveau équivalent au R3.

Eric Gaillard : « Il y a quelque chose à faire »

Eric Gaillard, le coach actuel

Mais à la question des années 80, « qu’est-ce qui est noir et blanc qui monte et qui descend », le QKFC vient de répondre en reprenant l’ascenseur dans le bon sens: de D1 en R3 pour l’équipe réserve et du R2 au R1 pour la première. « C’est le début d’un challenge réussi. J’espère que le club va continuer à grandir. Quand tu débarques dans une grande ville comme Quimper, avec un tel passé de foot, tu sais qu’il y a du potentiel et qu’il y a quelque chose à faire. Et même si on n’aura pas de U18 cette saison, avec les jeunes aussi, ça se remet en route, certains jouent maintenant en équipe une. A Penvillers, on ne sait pas trop ce que ça va donner avec les travaux, mais pour l’instant, on peut toujours s’entraîner sur le terrain d’honneur en herbe », détaille Eric Gaillard, le coach de la remontée en Régional 1. Un début de renouveau qui va correspondre à la destruction des tribunes de Penvillers à la fin de l’année.

Après avoir vibré aux cris des supporters, la vieille tribune va vibrer sous les coups des engins de démolition : naissance, vie et mort d’un stade. Mon pote Michel Clément l’a précédée la semaine dernière et a été incinéré ce mercredi. Adieu mon ami. J’ai 64 ans. Et je sais que c’est vrai.

Texte : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos /

Mail : dvergos@13heuresfoot.fr

L’équipe du FC Quimper Cornouaille, 1/4 de finaliste de la coupe de France en 1988 face à Metz. Gardiens : Thierry Caby, Richard Ruffier, Alain Wantz, Défenseurs : Manuel Abreu, Stéphane Gilet, Florent Philippe, Jean-Philippe Viala, Alain Garraud, Jean-Luc Sokal, Milieux : Jean-Yves Francini, Lucien Goadec, Didier Jaffres, Philippe Péru, Zivko Slijepcevic; Attaquants : Sadou Do Rego, Eugène Ekeke, Pascal Laguillier, Didier Monczuk, Fabrice Picot

A 44 ans, Alexandre Torres est l’un des nouveaux visages de cette saison sur les bancs de National. Après avoir vécu sa carrière de joueur amateur et d’entraîneur dans sa région bordelaise, celui qui était encore enseignant il y a 5 ans, a choisi de « sortir de sa zone de confort » en rejoignant la Corse et le FC Borgo cet été après avoir validé son BEPF. Entretien-découverte.

« Sept montées avec Lège Cap Ferret et le Stade Bordelais »

Alexandre Torres avait 31 ans quand il a débuté une carrière d’entraîneur à Lège Cap Ferret en 2009. Auparavant, il avait évolué comme milieu de terrain dans des clubs amateurs de la région bordelaise.

« Le plus haut niveau où j’ai joué, c’est en N3 avec la Jeunesse Villenavaise (Villenave-d’Ornon). Le club qui m’a le plus marqué est celui de Lacanau. C’est un club d’une ville que j’adore, où j’ai mes attaches familiales, mes amis et mes repères. Ce fut un plaisir de participer à sa construction et je les suis toujours avec beaucoup de plaisir même si leurs résultats sont aujourd’hui plus difficiles. »

Très vite, il a encadré des jeunes. « J’ai fait des rencontres qui m’ont donné envie de faire ce métier comme Pierrot Stupar qui était mon prof à la fac et André Menaut. Ce sont vraiment les deux premiers qui ont cru en moi, que ce soit au niveau universitaire et théorique, et au niveau pratique et foot. Ils m’ont fait prendre conscience que j’avais des qualités pour ce métier-là et ils m’ont donné envie d’aller dans cette voie-là. »

Avec un Master en communication à l’école de Management de Marseille puis un doctorat en Sciences de l’Education et du Sport à l’université de Bordeaux, il s’est construit un solide bagage universitaire. « J’étais attaché de recherche, je m’étais éloigné du terrain mais j’ai eu envie de passer mes diplômes d’entraineur », explique-t-il.

« Je me nourris de mon parcours différent, il m’apporte d’autres grilles de lecture »

Avec Lège Cap Ferret, il a enchaîné les montées. « J’y suis resté 7 ans, avec 5 montées de la PH au National 3 et trois victoires en Coupe d’Aquitaine ». Parallèlement, Alexandre Torres a été scout de l’AJ Auxerre pour la catégorie 17-21 ans dans le Grand Sud-Ouest entre 2014 et 2016. Il rejoint ensuite en 2016 le Stade Bordelais qu’il fait monter en National 2 lors de sa première saison. « On s’y est maintenu deux ans mais en 2020, on a subi l’arrêt à cause du Covid. On était relégable et on est descendu. »
Après une nouvelle saison stoppée, le Stade Bordelais a terminé 1er de National 3 Nouvelle-Aquitaine en mai dernier.

Alexandre Torres ne vit du métier d’entraineur que depuis 2017. En plus de ses fonctions à Lège Cap Ferret et lors de sa première saison au Stade Bordelais, il était en effet enseignant en management du sport à l’Université de Bordeaux 2 et dans des écoles de commerce (ISEG Bordeaux, ISEFAC Bordeaux). « Ça fait 14 ans que je suis entraîneur mais seulement cinq que je suis entraîneur professionnel. Je considère qu’avoir eu longtemps un métier à côté du foot a constitué une force. Je me nourris de mon parcours différent ou atypique, il m’apporte d’autres grilles de lecture. J’ai un regard frais, je suis en perpétuelle recherche. Ce qui m’intéresse avant tout dans ce métier, c’est la transmission, de mener un projet avec un groupe, que ce soit individuellement et collectivement. On part d’un point, la lettre A, pour arriver à une autre lettre. L’objectif, c’est qu’elle soit la plus éloignée du A…»

« La belle aventure collective du BEPF »

Alexandre Torres avec Josué Escartin, prêté par Brest.

Alexandre Torres a fait partie de la dernière promotion de 2021-2022 du BEPF. Au côté des huit autres stagiaires, Habib Beye, Zoumana Camara, Maxence Flachez, Régis Le Bris, David Le Frapper, Olivier Saragaglia, Benoît Tavenot et Roland Vieira, il était le seul à ne pas avoir de passé dans un club professionnel, ni comme joueur, ni comme entraineur. « Je n’ai jamais perçu ça comme une faiblesse ni comme un complexe d’infériorité, assure-t-il. Cette opportunité de pouvoir passer le BEPF, je l’ai prise comme la reconnaissance du travail que j’avais effectué et la possibilité de pouvoir évoluer dans ma progression. Cette évolution dans ma carrière, ce n’est pas quelque chose que je m’étais interdit. »

Lors de ses entretiens de sélection, il a senti une « volonté d’ouverture » chez la DTN. « Ces derniers années, les profils des coachs acceptés était un peu plus diversifié. On m’a donné ma chance même si j’ai un parcours et un profil différent. »
Cette formation, il l’a vécu comme une « vraie aventure collective ». « On était un groupe soudé qui était toujours dans le partage et l’échange. J’ai beaucoup appris des autres stagiaires, de leur parcours. Mais moi aussi, humblement, je pense avoir apporté quelque chose à cette promotion. On a créé des liens tous ensemble et ils vont perdurer, c’est agréable. On est tous très fier que Régis Le Bris ait été nommé sur le banc de Lorient en L1. »

Cette saison en National, Alexandre Torres va d’ailleurs affronter plusieurs camarades de promotion : Habib Beye (Red Star), Maxence Flachez (adjoint de Mathieu Chabert à Châteauroux), Olivier Saragaglia (Sedan) et Roland Vieira (Le Puy). « On a déjà passé un bon moment avec Roland (Vieira) quand Le Puy est venu à Borgo lors de la 1ère journée. Benoit (Tavenot) qui a quitté Metz (L2) et qui est retourné chez lui en Corse est aussi venu me voir. Il connait bien le club puisqu’il l’a déjà entrainé en National 2. »

« Borgo, une rencontre déterminante avec Antoine Emmanuelli »

A la fin de la saison dernière, Alexandre Torres a donc choisi de quitter le Stade Bordelais pour se lancer un nouveau défi. « Je voulais vivre une autre expérience, sortir de ma zone de confort et prouver que je pouvais réussir ailleurs que dans la région bordelaise. Que ce soit à Lège Cap Ferret ou au Stade Bordelais, je n’étais pas dans les clubs les plus argentés. Mais c’était deux clubs qui voulaient avancer et qu’on a structuré avec les dirigeants. C’était ma 6e saison au Stade Bordelais et j’ai pu partir l’esprit tranquille avec la satisfaction d’avoir laissé une situation sportive satisfaisante avec ce retour en National 2 et un groupe sain. »

Sur le marché, il a eu « des projets en Afrique » et a aussi rencontré plusieurs dirigeants de clubs français. Cela aurait pu se faire avec le Paris 13 Atletico. Mais sa rencontre avec Antoine Emmanuelli, l’emblématique président du FC Borgo (Bastia qui ne donnait plus de subvention a disparu de l’appellation du club), a été déterminante. « Avec Antoine, tout a été fluide d’entée. Humainement, on a tout de suite accroché tous les deux. Il avait une volonté de reconstruire un projet en partant d’une page presque blanche. Ça m’a tout de suite intéressé. »

Il ne connaissait pas beaucoup la Corse. « Je me souviens juste d’avoir fait le GR20 il y a quelques années avec ma compagne mais c’est tout. Depuis que je suis arrivé, je découvre davantage la richesse de l’Ile. Je me rends bien compte que c’est une terre accueillante qui aime le foot. C’est vrai qu’à Borgo, on a moins de pression qu’ailleurs. Mais on a cette volonté de faire les choses aux mieux et d’avancer même si en terme de budget, on restera le Petit Poucet du National. »

« L’objectif est de construire un groupe à la solidarité sans faille »

Quand il a signé, le FC Borgo n’était pas encore repêché. « On avait deux hypothèses, soit on construisait un groupe pour monter de N2, soit pour se maintenir en National. C’est totalement différent. C’est pour ça qu’on s’est montré patient sur le mercato. On a pris notre temps J’ai apporté mes réseaux, les dirigeants les leurs, c’est pour cela qu’on a des joueurs qui viennent de tous les horizons, étranger, clubs pros, National, N3, R1… Cette diversité dans les parcours est aussi enrichissante pour tout le monde. On a aussi des joueurs revanchards. On est encore dans cette construction. On recherche encore au moins trois joueurs. L’objectif est de construire un groupe à la solidarité sans faille qui soit prêt à batailler ensemble. Il ne faut pas oublier que souvent, lors des déplacements, on devra partir pendant trois jours. »

Si l’équipe ne compte pas beaucoup de Corses dans son effectif, le club en avait pourtant contacté certains qui ont décliné… « Si on arrive à avoir une identité corse ce sera important, et j’adore l’engagement que cela suscite, mais il nous faut avant tout trouver une identité de jeu, conclut le coach de Borgo. C’est le socle essentiel à des résultats sportifs pérennes. »

Avec une victoire contre Le Puy (1-0) et un nul à Bourg-en-Bresse (1-1), les premières posées par Alexandre Torres semblent prometteuses.

Alexandre Torres, du tac au tac

Première fois dans un stade ?
Tout petit pour aller voir jouer mon père.

Premier banc de touche ?
A 15/16 ans pour coacher les petits du RC Chambery.

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Il est à venir.

Pire souvenir d’entraîneur ?
Une montée ratée à la dernière journée avec l’US Lège Cap Ferret. Ça a profondément marqué ma façon de travailler.

Le joueur qui t’a le plus marqué ?
Diego Maradona.

Le joueur le plus fort que tu as entrainé ?
Pierre Lees-Melou, lors de sa troisième saison avec nous à Lege Cap Ferret, est celui qui avait le plus d’influence sur le match. Mais avant ce troisième exercice il y a eu du boulot !

Ton style de jeu ?
Je veux que mon équipe soit celle qui prenne des initiatives dans le rapport de force.

Un coach ?
Piero Stupar et André Menaut qui m’ont donné envie d’embrasser la carrière d’entraîneur.

Un stade ?
Le Parc Lescure à Bordeaux.

Une équipe de légende ?
Barca 2009.

– Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent

– Photos : Facebook FC Borgo

Elle est passée comme une lettre à la poste et pourtant elle va faire des dégâts et laisser des clubs sur le carreau. La réforme des championnats amateurs a été imaginée pour « améliorer le niveau sportif ». Personne n’est franchement convaincu.

On a beaucoup parlé de l’anxiété générée par les quatre descentes en Ligue 1 et en Ligue 2, mais ce n’est rien par rapport à ce qui attend les championnats de National, National 2 et National 3, consécutivement à la réforme décidée par la Fédération Française de Football (FFF).

Une réforme qui, de manière assez surprenante, est passée comme une lettre à la poste, sans opposition vraiment déclarée, en tous les cas sans réelle polémique. A se demander même si les clubs de niveau national ont bien mesuré ou compris ce qui les attend, un véritable tsunami…

76, c’est en effet le nombre considérable d’équipes qui seront éjectées du niveau national à échéance de 2025, c’est à dire 26% de l’effectif actuel, soit plus d’une équipe sur quatre. Pour la Ligue 1 et la Ligue 2, le passage de 20 à 18 est immédiat, et il sera répercuté directement en fin de saison sur le National où un tiers du peloton (6 sur 18) passera à la trappe, direction N2.

Conséquence directe : les clubs professionnels seront alors très majoritaires en National, qui pourrait être baptisée Ligue 3 à partir de 2024. Une évolution logique et salutaire sauf que, aux dernières nouvelles, la compétition resterait dans le giron de la FFF car cela permettrait aux clubs de L1 et L2 de ne pas partager leurs droits télés avec la L3. A charge alors pour la FFF de trouver un diffuseur pour la Ligue 3, un diffuseur suffisamment généreux pour amortir le coût d’une relégation de Ligue 2, actuellement considérable.

Le N3, championnat le plus touché

En N2, les coupes sombres seront également terribles dès cette saison, avec cinq descentes par groupe, et même six pour deux des quatre groupes (plus mauvais 11e) avec pour objectif un passage à trois groupes de 16 à l’horizon 2025. Le bouleversement sera donc lissé sur trois saisons via un passage transitoire à quatre poules de 14 en 2023-2024.

Mais le championnat le plus touché sera le National 3 qui perdra 56 clubs !!! Actuellement, chaque ligue a son groupe (12 groupes de 14) sous l’autorité de l’instance régionale, mais la FFF reprendra les rênes de la compétition (comme c’était le cas jusqu’en 2017 sous l’appellation CFA 2) avec seulement huit groupes interrégionaux.

Mais qui dit moins d’équipes, dit moins de matches, moins de joueurs et moins d’arbitres. Et moins de subventions, comme nous l’explique un président de N3 : « En N3, tu reçois une aide fédérale mais aussi des subventions de ta ville, éventuellement de ton département ou de ta région. Si tu descends en Régional 1, la subvention municipale diminue illico et tu n’as plus rien des instances régionales. Et tes sponsors vont te dire : vous n’êtes plus en championnat de France ? Désolé on vous donnera moins. Les autres sports collectifs (rugby, hand, volley, basket) l’ont bien compris. Ils ont à peu près tous augmenté le nombre de championnats et donc de clubs au niveau national dans le but évident de faciliter l’octroi supplémentaire d’argent public que tu n’as pas en championnat régional. Les clubs de foot seront les cocus de l’histoire. »

Cette refonte n’est elle pas une manière pour la FFF de faire des économies imposées par la période post Covid ? Directeur des compétitions nationales, Christophe Drouvroy s’en est défendu lors de l’assemblée fédérale en juin, à Nice : « Il s’agit d’augmenter le niveau sportif » a-t-il assuré.

Il est intéressant de regarder l’organisation des compétitions de niveau 3 et 4 dans les grands pays voisins.

NIVEAU 3

Allemagne : Liga 3, groupe unique professionnel (20 clubs)
Angleterre : League One, groupe unique professionnel (24 clubs)
Espagne : Primera Division RFEF, deux groupes de 20 clubs professionnels.
Italie : Série C, trois groupes de 20 clubs professionnels.
France : National ou Ligue 3, un groupe de 18 clubs

NIVEAU 4

Allemagne : Regionalliga, cinq groupes (3 de 28 clubs, 1 de 19, 1 de 18). Pro ou semi pro.
Angleterre : League Two, groupe unique de 24 clubs professionnels.
Espagne : Segunda Division RFEF, cinq groupes de dix huit clubs pros ou semi pros.
Italie : Série D, neuf poules de 18 clubs pros ou semi pros.
France : National 2, trois groupes de 16 clubs (à partir de 2025)

Si l’on rassemble les trois premiers niveaux de compétition, on arrive donc à 54 clubs en France, 56 en Allemagne, 68 en Angleterre, 82 en Espagne et 100 en Italie.
Question : le football de ces pays est il moins compétitif avec plus de clubs ? On croit connaître la réponse.
Sur les quatre premiers niveaux, on est à 92 clubs en Angleterre, 102 en France, 149 en Allemagne, 172 en Espagne, 262 en Italie.
Un agent dont l’activité se concentre principalement sur le National, le N2 ou le N3, dit craindre le pire en matière d’emplois : « L’UNFP s’est déjà émue des conséquences d’une L1 et d’une L2 a 18, dit-il. Il y aura moins de contrats professionnels, moins de débouchés pour les meilleurs jeunes de nos centres de formation, mais ce n’est rien en rapport de ce qui va se passer en dessous. En N2 et N3, on recase des ex-pros mais surtout des tas de jeunes non conservés dans les centres mais qui peuvent continuer à vivre, même modestement, de leur passion en survivant avec de petits contrats, des indemnités et parfois un petit travail en parallèle. Moins de clubs nationaux ça signifiera moins de boulot pour ces jeunes et souvent direction Pôle Emploi, avec de surcroît toutes les frustrations et le sentiment d’échec que cela va engendrer. »
On n’a pas fini de reparler de la réforme dans les trois ans qui viennent.

Texte : Jean-Michel Rouet / jmrouet@13heuresfoot.fr

Photo : Sebastien Ricou