Pour sa deuxième expérience de coach après Amnéville, l’ex-joueur de Metz, passé aussi par Le Havre, Grenoble, Tours et le Gazelec Ajaccio, a conduit l’USTL du Régional 2 au National 2 en seulement trois saisons. Avec une recette simple : ambition, adaptation, exigence, rigueur et professionnalisme.

Par Augustin Thiéfaine / Photo Paul Collinet

Quelques heures avant de fêter l’accession historique en National 2 de son équipe et le titre de champion du groupe I de National 3 contre la réserve du Stade de Reims, Julien François, l’entraîneur de l’US Thionville Lusitanos, est revenu sur sa fabuleuse épopée avec l’entité mosellane.

De son antre de Guentrange (le nom du stade de Thionville) à deux pas du Luxembourg jusqu’aux confins de la Nouvelle-Calédonie en Coupe de France, en passant par un face-à-face historique avec l’Olympique de Marseille 0-1 en 32e de finale, le 7 janvier dernier), le jeune coach (44 ans) s’est confié sur les clés qui ont mené l’USTL à un niveau jamais atteint auparavant. Une réussite accomplie en seulement trois petites années, 36 mois après la fusion des deux clubs de la cité thionvilloise (le Thionville Football Club et l’AS Portugais Saint-François) alors en Régional 2.

FC Metz, GFC Ajaccio…

Julien François, c’est plus de 300 matchs de Ligue 2 comme joueur, des montées en Ligue 1 avec le FC Metz, son club formateur (il y a évolué dans toutes les catégories jeunes) et aussi le Gazélec Ajaccio, son club de coeur. Une riche et passionnante histoire d’amour entre lui et le ballon rond, des années au plus haut niveau et surtout une personnalité humble mais pas moins ambitieuse qui ne voue un culte qu’à la victoire.

Mosellan de naissance et fils d’un ancien conseiller technique du département, il a tapé dans ses premiers ballons à 5 ans. Il n’a ensuite jamais perdu cette petite flamme intérieure qui le lie au football, un sport dans lequel il le dit lui-même il a « toujours baigné ».

Une carrière de joueur réussie

Aujourd’hui, s’il a rangé les crampons, il ne s’est pour autant pas mis en retrait des terrains : désormais, c’est sur le banc que cet ancien rugueux milieu défensif officie. C’est d’ailleurs dans ses contrées originelles que le « jeune » entraîneur a fait ses gammes : à Amnéville, en National 3 déjà, entre décembre 2019 et avril 2021, puis 15 kilomètres plus au nord, dans la sous-préfecture mosellane, à Thionville, où il vient d’achever sa troisième saison. Trois années qui l’ont propulsé son équipe et lui du Régional 2 au National 2, un niveau qu’il (re)découvrira dans quelques semaines.

Du Régional 2 aux sommets du National 3, son groupe n’a finalement que très peu changé, avec à la baguette de joueurs du cru, régionaux, et dévoués au souhait de la Ville et de son maire, Pierre Cuny, de voir performer une équipe thionvilloise dans le petit monde du ballon rond français. A tel point que les entités locales ont été poussées à la fusion en 2021. Le FC Thionville et l’AS Portugais Saint-François donnèrent naissance à l’US Thionville Lusitanos, dont les rênes ont été confiées d’entrée à Julien François.

« Le seule chose qui compte, c’est de gagner des matchs »

Fort de son expérience, de sa connaissance et de la rigueur du plus haut niveau, le coach, passé aussi par Tours, Grenoble et Le Havre durant sa carrière de joueur, auparavant adjoint de Jean-Luc Vanucchi ou d’Albert Cartier notamment au Gazélec d’Ajaccio, voulait voir plus grand en arborant la casquette d’entraîneur principal.

« Mon envie d’entraîner est arrivée de manière plutôt naturelle. Quand j’étais sur mes dernières années de joueur, je ne m’étais pas trop posé de questions. J’ai été capitaine pratiquement dans tous les clubs dans lesquels je suis passé. J’ai le tempérament pour coacher, ce leadership que j’ai envie de communiquer, d’imprégner à mes joueurs. Quand vous êtes sur le terrain, on ne vous donne jamais le brassard par hasard. Donc quand vous êtes entraîneur et que vous choisissez votre capitaine, c’est que vous voyez en lui un relais, une personne de confiance capable de passer des messages en interne et de diffuser une énergie, une force sur la pelouse. Être entraîneur c’est aussi ça, c’est être entraînant. Au plus haut niveau, c’est être un manager et on nous forme aussi à ça. C’est un métier où il faut être curieux et passionné. Je le suis. Il faut aussi lire, écouter. Il faut regarder, changer et savoir se remettre en cause. Il y a toujours une différence entre avoir des certitudes et être trop sûr de soi. Les garçons attendent que vous soyez juste avec eux, qu’ils aient 18 ou 33 ans. Dans tous les cas, il faut donner un cadre, des aspects et des tactiques dans lesquels croire et dans lesquels on sent les joueurs capables de restituer le meilleur chaque semaine. Se présenter comme un apôtre du beau jeu, oui pourquoi pas… mais aujourd’hui, la seule chose qui compte c’est de gagner des matchs et ça reste l’essence de notre projet. »

« Mon ambition est de retrouver le plus haut niveau »

« Au départ, sur les deux premières années, on était un peu surdimensionné : la première année, en R2, on termine avec 18 points d’avance, on marque 100 buts, on n’en concède même pas 15. L’année suivante en R1, on monte encore avec 15 points d’avance. Cette année, en N3, c’était peut-être moins évident, mais au final on a été leader de la première à la dernière journée et on a fait un parcours en Coupe de France assez énergivore qui a été autant un tremplin que des difficultés supplémentaires à gérer. »

En point d’orgue, ce périlleux déplacement au 7e tour, à 16 000 kilomètres, en Nouvelle-Calédonie, couronné de succès face à Hienghène Sport (4-0). Ce souvenir est à jamais gravé dans les esprits thionvillois.

Les Mosellans seront ensuite renversants à domicile où ils se hissent en 32e de finale en éliminant le demi-finaliste de l’édition précédente, le FC Annecy (Ligue 2). Leur parcours s’achèvera face à l’Olympique de Marseille, contre qui ils auront fait plus que résister (élimination 1-0). Ces embûches et ces états de forme ou de fraîcheur (allant jusqu’au décalage horaire !) auront poussé Julien François hors de sa zone de confort pour trouver les bonnes formules et ainsi préserver les Thionvillois vers leur véritable objectif : la montée en National 2.

« Finalement ce ne sont pas trois ans de perdu tant le club grandit, même si d’un point de vue plus personnel, j’en ai perdu deux dans les échelons régionaux par rapport à mes pré-requis pour le BEPF (brevet d’entraîneur professionnel), ce qui reste aujourd’hui mon objectif personnel ultime. »

Car s’il a côtoyé le milieu du football professionnel pendant près de deux décennies, Julien ne songe qu’à une chose : pouvoir le retrouver. « Je vais le dire sans prétention, mais mon ambition est de pouvoir retrouver le plus haut niveau. Atteindre le National 2, c’est déjà très bien, c’est la dernière étape avec le diplôme que j’ai actuellement. »

« On joue pour la gagne »

« Compte tenu de l’effectif à ma disposition pendant les deux premières saisons – une équipe dotée d’une supériorité technique et physique, joueuse, qui aime avoir le ballon, qui a toujours beaucoup marqué -, c’était forcément plus simple. Cette année en National 3 on termine 2e meilleure attaque (53 réalisations derrière le Stade de Reims II et ses 64 buts) et meilleure défense (28 buts encaissés). J’ai toujours plaidé pour un jeu de possession efficace en étant bon dans les transitions. Aujourd’hui, le football moderne se joue beaucoup sur ces axes, avec du pressing et du contre-pressing notamment mais à la fin les qualités individuelles des joueurs font la différence. Quand on a des bons joueurs sans avoir trop de principes de jeu, vous arrivez quand même à vous en sortir. En l’occurrence, à Thionville Lusitanos, on a les deux. On ne concède pas qu’un seul but à l’Olympique de Marseille sans ça ! Contre Annecy c’est pareil, on était mené 1 à 0 et on est revenu avant de passer devant. Aujourd’hui je n’ai aucune prétention à dire qu’on joue comme ci ou comme ça. On joue pour la gagne. »

« On mérite ce qu’il nous arrive »

C’est aussi pour cela que la réussite est totale : à l’USTL, et même si tout va très vite, il y a de véritables ambitions de succès à court terme. « On joue dans un projet dans lequel on est attendu où en terme de résultats on doit répondre de manière rapide. Tout s’est passé très vite mais pour autant nous n’avons rien volé. Forcément, cette montée va s’accompagner avec des niveaux d’exigences et de performances encore plus élevés. J’ai un staff restreint mais j’ai la chance d’avoir avec moi mon adjoint, Stéphane Borbiconi qui est aussi un ancien professionnel (FC Metz) et qui connaît aussi très bien les rouages du foot. On est un peu en décalage avec le monde amateur et avec le niveau de discipline que l’on voudrait insuffler à tout le groupe. Enfin, c’est surtout valable pour moi ! Mais je crois que c’était l’un des souhaits du président (François Ventrici) lorsqu’il nous a incorporés au projet : de vouloir faire les choses de façon très carré, avec une certaine rigueur. Il ne faut quand même pas oublier qu’on entraîne des joueurs amateurs : c’est difficile de demander à des mecs qui arrivent à 19h30 à l’entraînement, qui ont eu une journée de travail avant, d’être aussi performants que ce que l’on aimerait. Finalement, on ne s’en est pas si mal sorti et chacun a donné le meilleur de soi pour réussir. Je me souviens, à mon arrivée à Amnéville, on jouait en 4-3-3 avec un bloc bas pour pouvoir contrer parce qu’on n’était pas dominants et que devant, on avait des joueurs plutôt rapides. Le changement de stratégie s’est très vite opéré dans ce nouveau projet à Thionville où à l’inverse, il fallait prendre notre destin en mains et rentrer dans un rapport de force où on devait être dominateurs. Donc même si on était promu et qu’on arrivait avec plein d’humilité, on avait une belle pancarte dans le dos vu les moyens utilisés. Après le parcours en Coupe de France, on ne pouvait plus se cacher. On a assumé. On perd contre Marseille puis à Reims et Troyes. On a redressé la tête et on a renoué avec une nouvelle série de victoires et plus de régularité. On mérite ce qu’il nous arrive. »

Continuité et compréhension

Évidemment, pour s’extirper de sa poule de National 3, Julien François n’a pas pu compter que sur 11 joueurs toute l’année. Il a du trouver les bons équilibres, les bons ajustements pour réussir ce qui peut presque s’apparenter à un exploit tant le cinquième échelon hexagonal est piégeux. Parce que terminer en tête dès la première saison dans un groupe comptant cinq réserves professionnelles (Troyes, Reims, Strasbourg, Nancy et Metz) et des gros morceaux comme Reims Sainte-Anne et Belfort, est un sacré tour de force ! « C’est plus du management mais ça fait partie du métier. Il faut construire en fonction des uns et des autres, s’adapter sans cesse mais la façon dont on cadre notre groupe est forcément la même pour chaque joueur. Ils acceptent de rentrer dans ce moule et doivent faire avec, malgré les impondérables de leurs vies personnelles. C’est pas mal d’organisation. Par contre, pour la semaine en Nouvelle-Calédonie, tout le monde était assez motivé pour se libérer de son travail ! »

Une partie de son groupe a aussi une vie en-dehors du cuir et de l’USTL. « Dans l’effectif, on a un kiné, un professeur de sport, un chauffagiste ou des garçons qui travaillent dans les bureaux, il faut composer avec. C’est le lot quotidien de pas mal d’équipes et quand on est entraîneur, ça demande des capacités d’adaptation et de compréhension afin de faire les bons choix en fonction de ce que l’on voit et de ce que l’on ressent. Il a fallu constituer et forger ce groupe, étudier les complémentarités. On a 24 joueurs avec 3 gardiens et des postes doublés. Avec certains, on travaille ensemble depuis 4 ans et demie (pour ceux qui étaient déjà à Amnéville avec lui), ils connaissent mon fonctionnement. Un tiers de l’effectif de cette année est là depuis la R2, deux tiers depuis la R1, donc ça permet une certaine forme de continuité. Ce sont des joueurs qui se connaissent depuis longtemps, qui sont de la région et qui ont beaucoup d’affinités; ça a aidé à la qualité de ce qu’on a mis en place, c’est un accélérateur de réussite. On surfait sur une dynamique de victoires avant de perdre contre Marseille. On était invaincu depuis la pré-saison. On s’est mis en tête cette exigence et ce principe de gagne. Tous nos attaquants marquent des buts et on n’est dépendant de personne, c’est le collectif qui est mis en avant.»

Le Gazélec Ajaccio : amour et désillusion

Si tout le rattache à la Moselle, Julien François s’est trouvé une patrie d’adoption : la Corse. Où il fut joueur au Gazélec Ajaccio entre 2000 et 2002 (il était prêté par Metz) puis de 2013 à 2015. Il y a, dans les faits, commencé et terminé sa carrière de joueur. C’est aussi chez les Gaziers qu’il a débuté en tant qu’adjoint. « J’ai eu une grande chance, celle d’avoir commencé mes carrières de joueur et d’entraîneur dans un club comme ça. Le Gazélec d’Ajaccio, c’est une leçon de vie, une leçon d’humilité et une leçon du tout est possible, dans le bon comme dans le moins bon. C’est un club qui a forgé mes valeurs, qui m’a appris sur moi et sur les autres, qui m’a montré ce que j’aurais pu ou dû faire à certains moments. La descente à l’issue des barrages de Ligue 2 contre Le Mans en 2019 est et restera une cicatrice qui ne se refermera jamais (ndlr : les Corses s’étaient inclinés 2-0 à domicile alors qu’ils avaient remporté le match aller 2-1, avant d’être finalement relégués en National). Quand je rentre tous les étés en Corse, chez moi, j’avoue que 5 ans après, j’ai du mal à relever la tête quand je me balade en ville. Pour moi, ce club est une référence dans le sens où avec peu de moyens, on peut faire des choses extraordinaires. Je me souviens quand j’y suis retournée comme joueur en National là-bas (2013-2014), on était le plus petit budget et on est monté en Ligue 2 ! On n’avait pas de terrain d’entraînement. Une fois que vous êtes passé là-bas, vous ne vous plaignez de pas grand chose. Si vous avez bien compris l’état d’esprit de ce club, vous êtes armés pour tout ce qui « valeurs dans la combativité ». J’avais déjà ce tempérament là et il s’est encore plus affirmé. C’est une expérience qui me sert parce-que je suis très exigeant avec mes joueurs, comme je le suis d’ailleurs avec moi. Je crois que notre réussite actuelle à Thionville, au-delà des qualités du groupe, est aussi dû à ces valeurs là qui sont la base de nos succès. »

Entre élan populaire et nouveau défi

« Je suis un entraîneur qui laisse toujours assez de distance avec les joueurs. Je ne suis pas l’entraîneur copain. Je suis rigoureux et exigeant mais j’ai besoin de cette complémentarité avec mon adjoint. Lui est justement plus dans l’humain. L’autre clé, c’est de pouvoir repérer des joueurs qui nous correspondent. Je vais prendre l’exemple d’un Chafik Gourichy que j’ai connu il y a quatre ans à Amnéville qui est un joueur sur lequel j’avais insisté auprès du club pour qu’on le recrute car je connaissais son énorme potentiel. Quand on fait le tour de la région, le tour des matchs, le tour des adversaires, on peut vite cerner les capacités des uns et des autres. Finalement, on a réussi à créer un lien avec les joueurs et les nouveaux se mettent vite au diapason. Ils sont encouragés dans le vestiaire grâce à des relais comme mon adjoint ou mon capitaine. »

La découverte du National 2

C’est un échelon où il n’a pas encore évolué en tant qu’entraîneur. Un championnat réputé pour son exigence et sa difficulté. Le quatrième échelon hexagonal est un peu l’antichambre du monde professionnel, un tremplin pour certains, une seconde chance pour d’autres. Dans tous les cas, pour un bon nombre d’acteurs du National 2, cette division peut être un accélérateur de carrière. Alors que le championnat National se professionnalise de plus en plus, la N2 s’apparente comme le dernier palier avant d’être un peu plus en vue dans le monde du football français. « La réalité c’est qu’on ne connaît pas trop la N2. C’est un championnat dans lequel j’ai joué il y a 25 ans, donc ça a forcément dû évoluer depuis. On ira sans se prendre la tête et avec la conviction que derrière on va avoir une ville, car cette année on était à plus de 1 000 spectateurs de moyenne à Guentrange. Ça veut dire que le projet a pris et que les gens sont derrière nous. Il y a un élan populaire. »

« On tend vers une forme de professionnalisation »

« J’entraîne à temps-plein et je voulais un groupe de qualité en capacité de répondre à ces exigences même si on ne s’entraînait que jusqu’à trois fois par semaine jusqu’à l’année dernière. Les niveaux d’entraînement et d’exigence ont progressé année après année. On abordera le N2 de la même manière que les précédentes promotions. Globalement, il y aura un petit tiers de départs et un petit tiers d’arrivées. A ceci près que, comme dit, on va basculer dans un fonctionnement plus « professionnel » avec des entraînements tous les jours, tous les matins. Je sais que cela va condamner certains joueurs qui travaillent mais pour eux, il y aura une ouverture avec l’équipe réserve, même si ce n’est vraiment pas de gaieté de coeur que je vais me séparer d’eux. Ils ont porté le club et mériteraient de continuer. C’est par exemple le cas de mon capitaine, Adrien Ferino, mais c’est quelque chose que j’assume. J’estime qu’on rentre dans un niveau assez supérieur à ce qu’on a pu connaître. La pyramide s’affine et c’est de plus en plus compétitif. On n’a pas de garanties qu’en faisant cela ça va forcément bien se passer, mais on tend vers une forme de professionnalisation. Comme les joueurs, je me suis battu pour qu’on arrive à ce niveau. Désormais, on y est ! Il faut tout mettre en oeuvre à tous les niveaux du club pour être plus compétitif. Cette fois, on sera plutôt sur une moitié de changement plutôt qu’un tiers. »

Julien François, du tac au tac

Une devise ?

Je vais reprendre la devise du club que j’avais d’ailleurs utilisé lors de mon passage au DES (Diplôme d’Etat Supérieur) : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». C’est très bateau, mais ça veut aussi dire beaucoup. Sur le long terme, le collectif reste toujours le plus fort. Notre réussite est collective.

Un sportif admiré ?

J’aime bien la course à pied, je cours beaucoup aussi. Il n’y a pas un coureur en particulier que j’admire mais j’aime tout ce qui a trait à l’endurance, la résilience. Ils ont cette capacité à tomber mais à savoir se relever et c’est ce que j’admire chez ce genre de sportifs.

Un match de légende ?

Je fais un peu partie de la génération 98, donc la première coupe du monde était marquante. Je suis de 1979, on avait 18-19 ans, donc le France-Brésil renvoie à tout ça.

En tant que joueur ?

Globalement les bons moments sont les années où on monte. Je suis monté avec Metz, je suis monté deux fois avec le GFC Ajaccio. Mais le match plus marquant, c’est Gazélec – Red Star de 2014, qui nous permet de monter de National en Ligue 2.

Et avec Thionville ?

Pour le coup j’en vois deux ! Il y a le déplacement en Coupe de France cette année en Nouvelle-Calédonie. C’était des conditions de fou, avec un hôtel de malade. On était parti une semaine avant le match. C’était une semaine hors du temps. En plus on a fait un super match (victoire 4-0) contre une équipe qui peut paraître plus petite, mais je n’avais surtout pas envie qu’on aille se faire « rétamer ». J’ai déjà vu des clubs de N2 ou de N3 partir en Martinique ou à La Réunion et revenir avec des souvenirs dans les valises mais sans la qualification. Je retiens la liesse des joueurs à la fin du match. On avait l’impression d’avoir gagné une grande compétition ! Le second, c’est le tour suivant contre Annecy (L2) où cette fois on est chez nous et ce jour-là on fait un match énorme. A la fin on avait l’impression de ne pas avoir fait un exploit tellement les joueurs ont été bons. Beaucoup parleraient du match de Marseille avec le folklore autour, mais en terme de performance sportive, c’était dix fois mieux contre Annecy.

Un joueur marquant que vous avez côtoyé ?

Miralem Pjanic à Metz. Il est rentré dans le groupe pro à 17 ans, on était en train de galérer en Ligue 1 dans une saison horrible où on termine avec 24 points. Quand il jouait avec nous, c’était quand même hallucinant de voir la maturité et la qualité qu’il avait. A l’époque je devais avoir 27 ans, donc 10 ans de plus et on se retrouve assez bête quand on joue à côté d’un joueur, d’un gamin comme ça. C’est un joueur dont je n’ai pas forcément de nouvelles aujourd’hui, mais c’était assez intéressant à observer et quand on voit la carrière qu’il a eue… C’est vraiment quelqu’un qui m’a marqué dans sa qualité d’homme et de joueur.

Même question, mais à Thionville ?

Avec son staff, Stéphane Borbiconi (à droite) et Tanel Touir (à gauche), qui a prolongé l’aventure après l’accession en N2.

J’ai une affection particulière pour Chafik (Gourichy), ce n’est sans doute pas à moi de le dire, je préférerais que ce soit lui, mais quand je l’avais dans mon groupe il y a quatre ans à Amnéville, on était en N3 et il devait avoir 18-19 ans et je me vois un jour lui dire : « soit tu prends un jour conscience de tes qualités et dans 2 ans t’es en Ligue 2, soit tu ne le fais pas et dans deux ans t’es en Régional 2 à Woippy avec tes potes. » Quatre ans plus tard, il signe en Division 3 allemande à Sarrebruck. J’espère que c’est une étape pour lui et qu’il continuera d’évoluer et prouver qu’il a les qualités nécessaires. Dans notre rôle d’entraîneur, il y a aussi une casquette d’éducateur, surtout à ce niveau. C’est important d’accompagner et de pouvoir révéler des jeunes. C’est valorisant. Chafik est un « petit jeune » bien entouré; s’il continue comme ça, il peut aller loin.

Des passions en dehors du football ?

Comme je l’ai dit, j’aime beaucoup la course à pied. Mais en dehors du sport, je suis aussi papa d’une grande fille et d’un petit garçon et c’est aussi une passion. Passer du temps avec ses enfants c’est quelque chose d’équilibrant. Sinon avec, mon adjoint, Stéphane Borbiconi (un ancien joueur du FC Metz également), on pêche, c’est un plaisir simple mais efficace pour décompresser et prendre des temps calmes.

Choisissez un stade : Saint-Symphorien, Ange-Casanova, Guentrange ou Jules-Deschaseaux ?

On va rester dans la lignée de tout ce qui a été dit précédemment et de ce match contre le Red Star, donc Ange-Casanova à Ajaccio ! C’est très identitaire comme club donc c’est un stade très particulier avec forcément une atmosphère très particulière. C’est pas un grand stade, c’est pas un stade moderne, mais j’adorais les échauffements avec la musique corse ; c’était quelque chose de très porteur pour moi. Les Corses sont un peuple qui défendent leurs idées, leurs valeurs, comme les Bretons ou les Basques. C’est un environnement particulier, c’est sûr que parfois ça déborde un peu et il n’y a pas que des bons exemples. On ne peut pas le cacher. Quand on va là-bas, on s’invente un peu une vie. J’ai vu des joueurs très gentils sur le continent devenir un peu plus agressifs à Ajaccio. J’ai toujours été un peu comme ça aussi (rires). Pour être honnête, j’ai même le regret de ne pas avoir essayé de jouer en deuxième ou troisième division anglaise pour être dans ce tempérament, dans ce type de football là, à l’étranger.

Complétez la phrase suivante : l’US Thionville est un club…

En devenir. C’est un club en pleine croissance, il faut faire attention à ne pas grandir trop vite non plus mais c’est un club moderne, humble, ambitieux et qui donne la part belle aux jeunes comme aux seniors. A nous de développer tout ça.

Avez-vous des qualités dans vos défauts ?

Je suis de nature plutôt impatiente mais j’ai fait un choix dans ma carrière il y a trois ans et cela peut être un bon apprentissage pour moi dans le sens où en reculant un peu, en prenant le temps, on arrive à bâtir des choses. C’est sûr que je suis plus épanoui et à ma place en tant que numéro 1. Quand vous êtes joueur, vous pouvez faire deux bons matchs et votre carrière change du tout au tout. Être entraîneur, c’est différent. Aujourd’hui, on vit des bons moments, et peut-être, sûrement même, qu’il faudra en absorber des plus compliqués. Être entraîneur c’est un métier de passion et de patience et le projet thionvillois m’a fait du bien aussi.

Le milieu du football en deux mots ?

Ma vie.

 

Texte : Augustin Thiéfaine / Twitter : @gus_tfn

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L’entraîneur évincé d’Avranches en mars dernier se livre à coeur ouvert. Il espère rebondir dans le monde pro ou, à défaut, en National. Pour séduire son futur employeur, il mise sur sa singularité, son authenticité et son énergie débordante. Et beaucoup d’autres choses encore !

Par Anthony BOYER / Photos Bernard MORVAN (sauf mentions spéciales)

Photo Bernard Morvan

Ce qui frappe quand on creuse un peu dans la personnalité de Damien Ott, c’est ce décalage entre son âge, 58 ans, et son désir toujours intact d’apprendre et de se nourrir des autres. Son discours transpire la soif de progresser alors même que le natif de Bale – « Mais je ne suis pas Suisse, rectifie-t-il d’emblée ! » – entraîne depuis bientôt 25 ans !

Son CV (il a entraîné à tous les échelons de DH à Ligue 1) et son expérience (11 saisons en National tout de même…) pourraient être un moyen facile de se reposer sur ses lauriers mais le Haut-Rhinois, qui revendique la fibre alsacienne, a toujours envie d’aller plus haut, et rêve même, secrètement, de s’asseoir sur un banc de Ligue 2 dans un rôle de numéro 1 (il était adjoint en L2 et L1). « Malgré mon expérience, je veux encore progresser ».

A 58 ans, Damien Ott parle football comme quelqu’un de 38 ans, même s’il est conscient que la concurrence est féroce avec une nouvelle génération de jeunes coachs qui émerge sur le marché. Une génération qu’il qualifie de « très bonne, talentueuse et respectueuse ».

Un coach identitaire

A 58 ans, donc, l’ancien professeur d’éducation physique et sportive – sa mise en disponibilité a pris fin cette année et il a démissionné de l’Education nationale – est encore frais. Physiquement aussi, il fait bien plus jeune que son âge – ça doit être le vélo ! – mais sait qu’il doit se battre contre ce qui pourrait apparaître comme un frein, même s’il y a de sacrés contre-exemples : « Eric Roy fait des trucs incroyables avec Brest, tout comme Didier (Santini) à Rodez ».

Photo Bernard Morvan

Pourtant, pour la première fois depuis qu’il entraîne, le téléphone sonne moins chez lui à Colmar, là où il est retourné après son éviction d’Avranches, en mars dernier, un épisode douloureux sur lequel il revient dans cet entretien. « Il faut qu’un président mise sur l’authenticité et la singularité. J’ai confiance en la méritocratie. Je ne me mets aucune barrière, au contraire, j’ai envie de découvrir d’autres façon de fonctionner. »

Pendant 45 bonnes minutes, Damien Ott, qui s’était notamment révélé sur le banc avec les Sports Réunis de Colmar à la fin des années 2000 et au début des années 2010, en CFA puis en National, revient sur sa personnalité « singulière » et sur des notions qui lui sont chères, qui le caractérisent, le poursuivent et, osons l’écrire, l’habitent : transmission (un de ses mots préférés), énergie, valeurs, vibration, émotion, travail, rigueur, fidélité, humilité, authenticité, générosité, résilience, et, bien entendu, passion. Cela fait beaucoup de mots pour un seul homme. Un homme complexe, qui a pu, à un moment donné dans sa carrière, être complexé, mais qui se sent libéré aujourd’hui. Un homme envoûtant qui, un peu malgré lui, a fait de ses causeries sa marque de fabrique. Cette image qui lui colle à la peau, réductrice selon lui, le coach, qui se définit comme identitaire, explique également comment il est parvenu à s’en défaire, après avoir enrichi sa palette tactique.

Interview

« Transmettre ma passion et mon énergie »

Damien, revenons sur tes débuts de joueur tout d’abord…

Avec Maxime d’Ornano, le coach du FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Après mes études de STAPS à Nancy, j’ai été muté à Péronne dans la Somme pour enseigner, et comme il y avait Saint-Quentin pas loin, j’y suis allé, je me suis entraîné avec eux et j’ai signé en Division 3 ! C’était vraiment une autre époque ! Le club venait de descendre de D2. Mais je n’ai jamais réussi à franchir ce palier, à jouer en pro. Pour moi, le franchir dans le rôle d’entraîneur, c’est un défi. C’est pour cela que je ne lâche rien. Il me manque ce statut d’entraîneur principal en Ligue 2, même si j’ai connu ce niveau, et aussi la L1, mais comme adjoint (de Laurent Batlles à Troyes). Mais cela n’a pas la même valeur. Quand tu es adjoint, tu accompagnes un projet, tu n’as pas les mêmes émotions.

A quel poste jouais-tu ?
J’étais meneur de jeu, milieu relayeur, mais il m’a manqué de l’agressivité, de la hargne, des choses que, paradoxalement, j’ai en tant qu’entraîneur. En fait, comme entraîneur, je suis exactement l’inverse de ce que j’étais joueur !

D’où vient cette envie d’être entraîneur de foot ?
C’est ma fibre, c’est ma passion des gens, des joueurs, c’est l’amour de transmettre. Mes défis, c’est ça : c’est réussir en misant sur le collectif, en associant des gens, une équipe, et mettre du ciment dans les briques que constituent l’effectif.

« Mon parcours, c’est ma richesse »

Comment as-tu basculé de professeur d’EPS à entraîneur de foot ?

Photo Bernard Morvan

D’abord, le sport, c’est ma passion. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, je voulais rester dans ce milieu, parce que j’étais passionné par le foot. J’avais des facultés à pouvoir transmettre. J’ai toujours voulu transmettre ma passion et mon énergie.

Tu n’avais pas encore de plan de carrière ?
Aucun ! Même si entraîner était ma passion et même si j’avais cette fibre de transmettre, je ne savais pas où ça allait me mener. C’est pour ça que j’ai commencé avec des jeunes à Mulhouse, puis avec la réserve, puis avec la Une, puis je suis passé par une équipe de District, et ensuite il y a eu Colmar… J’ai touché un peu à toutes les catégories, 17 ans Nationaux, DH, N3, N2, National, mon parcours, c’est d’une richesse incroyable. J’y suis allé progressivement.

« Aller chercher des ressources insoupçonnées »

Tu es un entraîneur plutôt…
Je suis un entraîneur de transmission d’énergie, de valeurs. C’est ça qui me caractérise avant tout, au-delà de l’aspect purement tactique. J’arrive à faire que les joueurs se dépassent. J’aime vibrer. On est là aussi pour transmettre des émotions, c’est pour ça que ma référence, c’est Klopp : quelle énergie ! Je veux que mes équipes transpirent cette générosité, cette passion, cette hargne. C’est ça qui me motive. Je suis un coach qui ne lâche rien. Ce qui me caractérise aussi, c’est la résilience.

Justement, toute cette énergie, parviens-tu à la canaliser ? Toutes ces émotions, parviens-tu à les gérer, à ne pas te laisser déborder ?
Sur le terrain, je pense que je me canalise bien, je n’ai jamais été suspendu, j’ai toujours été respectueux. Après, ce qui me passionne, ce sont les causeries d’avant match : c’est là où je vais emmener les joueurs avec moi, où je vais les faire se dépasser, où je vais transmettre quelque chose. Je veux qu’ils aillent là où ils ne pensaient pas pouvoir aller. J’ai envie de ce football généreux, énergique. Je suis dans l’émotion. On apprend mieux dans l’émotion, on s’en sert pour aller chercher des ressources insoupçonnées. Pour moi, c’est ça le rôle de l’entraîneur.

« Je suis un entraîneur beaucoup plus complet aujourd’hui »

Mais on ne peut pas te résumer à un entraîneur uniquement bon en causeries ?

Photo Bernard Morvan

J’ai pris conscience que c’était ma force au début et c’est devenu parfois une faiblesse parce que les générations ont évolué et ont besoin de découvrir d’autres choses. C’est pour ça que la découverte de la Ligue 2 et de la Ligue 1 avec Laurent (Batlles) à Troyes m’a beaucoup apporté dans l’approche tactique notamment, qui certainement m’a manqué dans la première partie de ma carrière.

Maintenant, je pense être un entraîneur beaucoup plus complet. Parfois, j’ai l’impression que je dois me battre contre ça. Effectivement, c’est un souci, mais j’ai réussi à passer cette étape-là depuis mon passage à Troyes et aussi mon dernier passage à Avranches, parce que, peu de gens en parlent, mais la saison précédente, si on ne perd pas des points sur tapis vert, on est 6e… 6e ! Avec les moyens que l’on avait, avec le projet de jeu que l’on avait ficelé. Non, sincèrement, j’ai réussi à passer cette étape là.

« Je souffrais toujours du syndrome de l’imposteur »

Photo USAMSM

Est-ce que cela signifie qu’avant, tu faisais un complexe ?
Oui. J’ai dû aller chercher ma légitimité et je l’ai obtenue grâce au BEPF et à cette aventure avec Laurent en L2 et en L1, parce que je souffrais toujours du syndrome de l’imposteur. J’étais le mec qui venait de nulle part. Je faisais des complexes. Je souffrais d’un manque de confiance en moi. C’est hyper paradoxal parce que de la confiance, j’en donnais aux autres. C’est sans doute pour ça que j’ai des difficultés à retrouver quelque chose, parce que ce côté singulier fait réfléchir les dirigeants.

Puisque l’on parle de « causeries », celle avec Avranches face au PSG en coupe (2017, 1/4 de finale) a tourné en boucle : as-tu conscience que beaucoup t’ont jugé là-dessus ?
Tout le monde parle de cette causerie parce qu’elle était filmée mais ce n’était pas la plus impactante. C’était une causerie parmi tant d’autres, sauf que là, on affrontait le PSG, donc elle a été médiatisée, et on a vu que je véhiculais des émotions. Au tour précédent, contre Strasbourg, j’étais complètement habité, la préparation du match avait été beaucoup plus intense et importante.

« Mon CV et ma singularité parlent pour moi »

Y a-t-il eu une erreur de casting dans ta carrière de coach ?

A ses débuts en National, avec Colmar. Photo Bernard Morvan

Pas une erreur mais une grosse déception : ma période à Bourg-en-Bresse, un club magnifique. J’aurais bien voulu m’y installer mais cela n’a duré qu’un an. J’ai mal évalué la difficulté d’un club qui descend de Ligue 2 en National. Je pensais que ça serait facile de remonter et cela ne l’a pas été. Sans avoir eu de véritables problèmes avec qui ce soit au club, je me suis rendu compte que je n’étais pas à ma place là-bas. Je suis déçu de ne pas y avoir réussi.

Le club où tu as failli signer ?
Aucun. Je n’ai jamais eu affaire à des agents jusqu’à présent, parce que j’ai toujours eu un coup de téléphone qui a fait que j’ai pu rebondir, et ça fait 20 ans maintenant… Bon, j’ai un agent, mais… On n’en parle pas (rires) ! Mais en moment, le téléphone ne sonne pas : ça ne m’affole pas, non, mais ça m’inquiète. Je suis conscient que la niche de clubs potentiels qui peuvent me correspondre n’est pas énorme. Mon CV et ma singularité parlent pour moi, par contre, pas ma communication parce que je me mets rarement en valeur, je ne suis pas quelqu’un qui va sur les réseaux sociaux ou qui entretient mon image, et peut-être que ça me joue des tours.

« Tout ce que j’ai vécu, c’est d’une richesse incroyable »

Photo USAMSM

Ton meilleur souvenir sportif ?
J’en ai beaucoup ! Mon quart de finale contre le PSG en coupe de France (2017) et aussi le fait d’avoir éliminé le RC Strasbourg au tour précédent, parce que c’était particulier pour moi, c’était quelque chose de grandiose, il y avait une certaine émotion. Il y a eu aussi toute mon aventure aux SR Colmar, avec cette accession en National (en 2010) et ces cinq saisons qui ont suivi (2010 à 2015) : je suis un entraîneur très identitaire et je me suis retrouvé dans cet esprit colmarien, alsacien. J’étais très imprégné de ce club là. Dans les bons souvenirs, il y a aussi l’obtention de mon BEPF, pour moi qui venait de nulle part. J’ai toujours franchi des étapes, progressé, à force de travail, alors, être accepté à ce diplôme, ne pas avoir lâché, c’est sans doute ma plus belle fierté. Tout ce que j’ai vécu, c’est d’une richesse incroyable. En fait, mes meilleurs souvenirs, c’est tout ce que j’ai vécu.

Ton pire souvenir sportif ?
Le limogeage de Colmar. Pour être un bon entraîneur, dit-on, il faut avoir été viré une fois. Effectivement, cela a été la fin du monde au début mais finalement, ce fut un mal pour un bien puisque j’ai découvert d’autres horizons, d’autres méthodes de travail, et j’ai enrichi mon CV, je me suis enrichi de plein d ‘expériences, Avranches, Bourg, Troyes… Là aussi, je me dis que ce n’est pas la fin de la route, il va forcément se passer quelque chose, même si je me rends compte que c’est difficile de rebondir.

Colmar, c’était ton premier limogeage ?
Oui, au bout de sept saisons, ça s’est mal terminé sur la fin. Finalement, j’ai trouvé un parallèle avec Avranches où il y a eu une longue période aussi dans ce club, et il y a eu ce mois de mars, comme à Colmar… Deux clubs ont paniqué, et voilà. C’est cruel, tout de même, en fin de saison, comme ça, surtout que je n’ai toujours pas les explications.

« On ne peut jamais bien digérer un limogeage »

Photo Bernard Morvan

Le départ d’Avranches, en mars dernier, c’est digéré ?
Non. On ne peut jamais bien digérer un limogeage comme ça. Il y a deux sentiments : l’ego en prend un coup et je dois forcément faire un constat d’échec, car des choses n’ont pas fonctionné. Et il y a aussi un sentiment de soulagement, celui d’être sorti de cette atmosphère de travail négative et de cette relation toxique que j’avais avec le directeur sportif (Xavier Gravelaine, Ndlr).

Et Colmar ?
Colmar, ce sont mes racines, c’est ancré en moi, j’avais du sang vert qui coulait dans mes veines, pas seulement parce que le club jouait en vert, mais parce que j’avais cette fibre alsacienne. J’agis beaucoup sur le développement d’une énergie, d’une âme, sur ce sentiment d’appartenance, et Colmar, c’était ça, c’était moi et je m’y retrouvais. La cicatrice ne s’est jamais refermée, alors qu’avec Avranches, je vais passer à autre chose. Ce que j’appréciais beaucoup à Avranches, c’était ma relation avec mon président Gilbert Guérin (décédé en octobre dernier), cette amitié profonde qui dépassait le cadre sportif.

Voir Colmar qui redescend en National 3, même s’il peut y avoir un repêchage, ça te fait quoi ?
j’ai encore quelques relations là-bas, mais les amis que j’ y avais n’y sont plus. C’est un club alsacien mais je ne suis plus du tout concerné par leur projet.

« La fidélité a disparu à Avranches »

Pourquoi est-ce que Mulhouse n’y arrive pas ?

A ses débuts en National avec Colmar. Photo Bernard Morvan

C’est un problème d’hommes. Il n’y a jamais eu les bonnes personnes. Les projets n’ont jamais été bien portés. Le club n’a pas été bien géré. Et j’ai l’impression aussi que le sport à Mulhouse n’est pas considéré par la municipalité : tous les sports de haut niveau y ont disparu. Quand j’y étais, j’avais une relation paternelle avec Joseph Klifa, le président. La situation de Mulhouse m’attriste. Ce club a toujours vécu dans le passé et a été géré par des hommes du passé, qui ne donnait pas trop la confiance à des jeunes.

C’est quoi les valeurs de l’Alsace dont tu parlais ?
Ce sont des valeurs de travail, de rigueur, de fidélité, des valeurs que parfois on oublie comme l’humilité. Des valeurs de résilience qui me correspondent. Mon projet de jeu est basé sur ça, sur ces valeurs essentielles d’authenticité, de générosité, d’humilité, d’unité. Sans ça, je ne peux pas fonctionner. Colmar était un vrai bon club, identitaire, on jouait comme on pensait. Je n’ai pas pu le faire autant à Avranches, parce que je n’étais pas de là-bas, même si Gilbert (Guérin) avait ces valeurs-là, notamment de fidélité. Malheureusement, la fidélité a disparu avec la nouvelle direction.

Tu veux dire que Gilbert Guérin ne t’aurait pas limogé ?
On ne sait pas, mais en tout cas, cela ne se serait jamais passé comme ça. Je ne veux pas en rajouter.

« Après Avranches, j’ai reçu des messages magnifiques »

Photo Bernard Morvan

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Toutes les saisons où on s’est maintenu. J’ai toujours entraîné des clubs programmés pour jouer le maintien, à petits budgets, donc ce sont mes 11 saisons de maintien.

Serais-tu prêt à aller en N2, un championnat qui va prendre une grosse dimension sportive ?
Je m’accorde une saison. Je préfère attendre un coup de fil pour la reprise, sinon on verra s’il y a des clubs en difficulté. Si je n’ai rien, j’attendrai un an et à ce moment là, je serai à l’écoute aussi des clubs de N2 et N3. Mais pas pour le moment.

Comment juges-tu l’évolution du National par rapport à tes débuts en 2010 ?
Avant, le jeu de transition et la maîtrise d’un jeu de contre efficace suffisaient, mais aujourd’hui, il faut maîtriser le jeu de possession, le jeu placé, les sorties de balles, etc. J’essaie de faire ce « mix » entre les deux. Le foot est influencé par les années Guardiola et il n’y a pratiquement plus que ça; quand tu discutes avec les joueurs, ils te disent qu’ils savent faire beaucoup de choses quand ils ont la balle, mais pas quand ils ne l’ont pas. Donc pour faire des efforts, quand ils n’ont pas le ballon, ça devient beaucoup plus difficile.

Photo USAMSM

Le meilleur joueur entraîné ?
Sur le plan de la carrière c’est Jonathan Clauss, sinon, ce sont surtout des joueurs créatifs, comme Mehdi Boussaïd récemment à Avranches, Cédric Faivre que j’ai eu à Colmar, Jéremy Grimm, des joueurs qui me correspondaient, Salem Mezriche à Colmar, Victor Daguin à Avranches, et aussi Formose Mendy, un leader.

Des amis dans le foot ?
J’ai beaucoup de relations très très amicales avec de nombreux entraîneurs. Je me suis rarement embrouillé avec un coach. Suite à mon éviction d’Avranches, j’ai reçu des messages qui m’ont magnifiquement surpris, même de la part de coachs que je ne connais pas très bien, ça m’a fait chaud au coeur. Et puis il y a mes collègues du BEPF avec lesquels on a crée des liens incroyables, on a un groupe WhatsApp; récemment, j’étais avec l’un d’eux à Pau, avec Nico (Usai), qui était dans la même promotion. Tous, on s’entendait à merveille.

« Affronter Strasbourg a toujours été un défi »

Photo USAMSM

Tes idoles de jeunesse ?
Les Verts de 76 m’ont marqué. Rocheteau, c’était mon idole absolu. Et puis il y a eu le RC Strasbourg de 1979 (champion de France) qui a définitivement acté ma passion pour le foot.

Tu es plutôt Strasbourg, Nancy ou Sochaux ?
Strasbourg ! J’ai la fibre alsacienne. J’aime bien Nancy parce que j’y ai fait mes études, et Sochaux parce géographiquement, c’était plus proche de Saint-Louis, où j’habitais. Mais c’est le Racing qui m’a fait vivre mes plus belles émotions.

Cela a dû te faire quelque chose à chaque fois que tu as affronté le RC Strasbourg…
Oui, quand on les élimine en coupe avec Avranches, et aussi, j’ai un souvenir avec Colmar, en National, quand on gagne à La Meinau, alors que l’on perdait 1 à 0 à la pause. J’avais pété une durite, j’avais changé 3 joueurs et on avait gagné 2-1 ! Quel souvenir ! En fait, affronter Strasbourg, ça a toujours été un défi pour moi; je voulais leur montrer que j’existais.

« J’ai une inspiration débordante »

Tes passions en dehors du foot et de la famille ?
Le vélo, ça permet d’évacuer, de réfléchir. C’est une source d’inspiration exceptionnelle, un échappatoire, on a en besoin quand on est entraîneur. Toutes mes causeries viennent du vélo, elles sont préparées mais aussi intuitives. Il faut que ça vienne du coeur, de mes tripes. Le vélo m’aère, me stimule. J’ai une inspiration débordante. Quand j’en fait, je suis libéré. Je roule tous les jours au moins une heure et je fais une grosse sortie une fois par semaine. C’est chronophage mais j’en ai besoin pour mon équilibre professionnel et familial.

Pourrais-tu de nouveau occuper ce rôle d’adjoint, comme à Troyes ?
J’avais accepté ce poste parce qu’à l’époque je devais apprendre encore beaucoup de choses. Je l’ai fait dans un souci d’apprentissage, de progression. Là, maintenant, même s’il ne faut jamais dire jamais, ce n’est plus mon objectif. Je pense que j’ai plus à donner en tant que numéro 1. Mais à Troyes, j’ai trouvé ma place, j’ai appris des choses avec Laurent (Batlles), il y avait une relation de confiance et d’échanges, on a passé des supers moments, il me donnait des responsabilités, j’existais, j’avais l’impression de lui apporter quelque chose également. J’ai apprécié travailler avec lui et le reste du staff, on était devenu une vraie famille.

« Ce sont les relations humaines qui me guident »

Sur ton CV, il est indiqué que tu as entraîné à Village-Neuf (2002-2004) …
(Large sourire) C’est mon village, à côté de Saint-Louis ! Quand Mulhouse ne m’a pas conservé, je me suis demandé pourquoi ils ne me faisaient plus confiance alors je me suis lancé un défi. J’ai décidé d’aller dans le club de mon village, en District, pour essayer de transmettre ce que je savais, en essayant d’adapter mon discours à des joueurs de division 7 ou 8, dont le football n’était pas leur métier. C’était mon défi. On avait vécu une aventure humaine exceptionnelle. Les joueurs avaient adhéré. J’ai encore des contacts avec des joueurs de l’époque, d’ailleurs, l’un d’eux m’a invité récemment à manger chez lui ! Je suis resté deux ans à Village-Neuf et Mulhouse est revenu me rechercher en me disant « Viens nous aider »… « Donc maintenant, je viens vous aider, alors qu’avant j’étais un moins que rien ? » J’ai accepté, c’était une fierté qu’ils me rappellent, « Ah tiens enfin un peu de reconnaissance »… Le club était descendu entre-temps, je me suis mis un challenge personnel et on est monté de N3 en N2, là encore en adaptant mon discours. Ensuite, j’ai fait la même chose à Colmar, en passant de National 2 en National, avec ce défi de toujours faire progresser les joueurs et moi-même aussi. Village-Neuf, c’est de là que tout est parti en fait. Ma maman y habite encore. Les relations humaines y étaient incroyables, ce sont elles qui me guident.

Peut-on coacher en Ligue 1 ou Ligue 2 comme en National ?
Il y a des tas de codes et des principes à respecter en L1 et L2, mais sinon, c’est pareil. Il ne faut pas traiter le joueur en fonction de son statut; ce qui ma toujours guidé, c’est la méritocratie. En L1/L2, peut-être que, parfois, c’est moins évident. Ce qui est sûr, c’est que le binôme coach-président-directeur sportif doit fonctionner.

Un dicton ?
Oui, il y a en a un qui m’a toujours aidé orienté, c’est : « On ne transmet pas ce que l’on sait, on transmet ce que l’on est ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’entraîneur qui avait permis à Bourg-en-Bresse/Péronnas de découvrir la Ligue 2 en 2015, et qui vient à nouveau de conduire son club en National, se livre à une introspection. Il évoque sa personnalité et son image, loin des codes du milieu actuel, et regrette de ne pas être jugé sur ses résultats.

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Photo Benjamin Prudhomme

L’image. La communication. Les réseaux. Autant de critères dont tient compte aujourd’hui la plupart des dirigeants au moment de choisir un entraîneur.

L’image, la communication, les réseaux, ce n’est pas vraiment la tasse de thé d’Hervé Della Maggiore.

Le natif de Rillieux-la-Pape, près de Lyon, préfère ou préférerait qu’on le choisisse pour ses qualités d’entraîneur, celles qui lui ont permis de conduire Bourg-Péronnas (devenu ensuite le FBBP 01) du CFA2 à la Ligue 2 ! Celles qui lui ont permis, aussi, d’accéder en National voilà quinze jours, toujours à la tête du FBBP01, dont il a repris les rênes en février dernier après le départ de Jordan Gonzalez pour l’OL Academy, plus de cinq ans et demi après son dernier match sur le banc du club burgien, un barrage perdu face à Grenoble.

Avec Villefranche, en 2021. Philippe LE BRECH

Pour le coach de 51 ans, qui cumule la fonction de manager général au FBBP 01, ne pas être « dans le moule » ou « funky » est un problème aujourd’hui. Et ce n’est pas le seul écueil. Si la simple évocation du nom « Della Maggiore » devrait obligatoirement faire penser à l’épopée de Bourg-en-Bresse, où il a passé dix saisons consécutives de 2008 à 2018 avec les succès que l’on sait, la réalité est parfois différente. Et cruelle. Parce qu’elle vous rattrape. Et cette réalité, ce sont ces quatre barrages perdus : avec Bourg donc (2018), le Gazelec Ajaccio (2019) et Villefranche deux fois (2021 et 2022). Facile, donc, de le réduire à ça. Trop facile selon lui. Injuste même. « Je ne suis pas un homme de barrages, mais je suis un homme de derbys ! »  en plaisante-t-il aujourd’hui, même si la cicatrice n’est pas refermée.

Son image, sa carrière, les fameux barrages donc, Hervé Della Maggiore parle de tout ça avec une franchise et une lucidité déconcertante. Il parle aussi de ce qui l’anime : vivre des émotions, même s’il ne les montre pas toujours. Partager des aventures humaines. Et retrouver le monde professionnel : s’il y parvient, c’est que celui qui l’aura choisi ne se sera pas fié aux apparences et aura cherché à briser la glace. C’est ça que Della Maggiore, sur le marché compte tenu de l’avenir incertain du FBBP01, demande. Qu’on le prenne pour ses qualités. Qu’on le comprenne.

Interview / « J’ai un sentiment inachevé »

Photo Philippe Le Brech

Hervé, quand vous avez repris le FBBP 01, début février, vous avez perdu 4-0 à domicile contre Fleury… Comme départ, on a connu mieux…
Forcément, on ne s’y attendait pas trop, même si les derniers matchs avant mon arrivée et avant le départ du coach (Jordan Gonzalez) avaient été un peu plus compliqués, dans le contenu et dans les résultats. Mais là, en prendre 4…. On se dit « merde », ça fait un peu tâche, surtout qu’on était quand même régulier.

En fait, les joueurs étaient très affectés pour moi. Ils avaient fait du lobbying pour que cela soit moi qui prenne la suite de Jordan, parce que ce n’était pas forcément l’idée de départ ni ma volonté.

Avec le FBBP 01 en 2017. Photo Philippe Le Brech

Vous ne vouliez pas retrouver le banc ?
Ce n’est pas tant que je ne voulais pas, mais c’était surtout par rapport à mon planning déjà chargé (il occupe le poste de manager général depuis juillet 2023). Après, le 0-4, cela ne m’a pas affecté plus que cela. Je savais très bien que c’était un accident. On était tombé sur une très belle équipe de Fleury ce jour-là, d’ailleurs, leur coach, David Vignes, m’avait dit qu’il venait de faire leur meilleur match de la saison. On avait payé cash nos erreurs. Mais je n’avais pas été catastrophé. Je savais que les joueurs allaient repartir de l’avant.

« Je me suis construit tout seul »

A vos débuts d’entraîneur de l’équipe première à Bourg, en CFA2, en 2008, vous aviez aussi enchaîner quelques défaites…
Oui, mais on ne peut pas comparer avec mes débuts, c’est une autre histoire, un autre contexte.

Revenons justement à vos débuts : le premier club que vous avez entraîné, c’est Saint-Maurice-de-Gourdans ?
Oui, en 3e division de district. Dans le club de mon village, près de Meximieux, dans l’Ain. Je m’étais engagé là-bas sans penser que j’en ferais mon métier. Ensuite j’ai entraîné en Promotion d’Excellence (2e échelon départemental) au FC Luénaz, un regroupement de plusieurs communes (La Boisse, Montluel, Niévroz, Thil), parce que j’avais des collègues qui jouaient là-bas. D’ailleurs, c’est fou, parce que certains joueurs de l’époque me suivent encore et viennent voir des matchs à Bourg. Pour certains, ce sont encore mes amis. En fait, moi, je me suis formé et construit par moi-même. Je n’étais pas destiné à rester dans le foot mais à reprendre l’entreprise de mon père, ce que j’ai fait par la suite.

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Comment êtes-vous ensuite arrivé à Bourg-Péronnas ?
Le club cherchait un coach pour la réserve en DHR; à l’époque, il se reconstruisait. Le problème, c’est que je devais gérer mon entreprise en parallèle même s’il y avait encore mon père pour s’en occuper un peu (Della Maggiore Déco Passion) et j’étais aussi à 40 km. Mais j’avais envie de vivre une aventure humaine, et ça s’est bien passé : on a fini 1ers et on est monté en DH. Puis le coach de l’équipe Une (Pierre Mauron) a démissionné. Le président Gilles Garnier s’est mis à la recherche d’un nouveau coach. Là, j’ai été plébiscité par les joueurs, en l’occurrence Boris Berraud. Ils voulaient que ce soit moi. Dans un premier temps, j’ai refusé, j’ai hésité. Il fallait que je passe les diplômes, ce qui allait me prendre du temps, et puis j’ai accepté. On a perdu les 3 ou 4 premiers matchs je crois et après ça, j’ai dit au président, « Ce n’est pas pour moi ». Là encore, les joueurs ont fait du lobbying et le président m’a dit de ne pas lâcher. Derrière, on a enchaîné les victoires, et on est monté en CFA. Trois ans plus tard, en National. Et trois ans plus tard en Ligue 2. En parallèle, j’ai passé mes diplômes, même si j’avais forcément une dérogation pour entraîner quand je faisais monter l’équipe. J’ai vendu l’entreprise familiale quand on est montée en L2, lors de la 3e année en National, en 2015, et on est resté 3 ans à ce niveau.

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Vous parliez de Boris Berraud, joueur emblématique du club dans les années 90-2000 : il est un de vos adjoints cette saison ?
Oui. C’est un fidèle. Même à l’époque, c’était déjà le cas : car tous les clubs pros lui tournaient autour, mais il n’a jamais voulu partir. Il est encore passé au bureau ce matin pour prendre les dernières nouvelles. Même si le club jouait en 3e division de district, il serait là… C’est un amoureux du club, il sera toujours là.

C’était donc déjà Gilles Garnier le président à vos débuts en 2008 ?
Oui, je crois qu’il était président depuis un an ou deux, mais il était déjà partenaire du club et membre du bureau avant. Avec Gilles, on a une relation qui dépasse le cadre du football : et si je suis revenu au club en début de saison dernière, c’est aussi pour lui. Il a insisté. Je voulais l’aider sur le projet de reprise (Gilles Garnier est revenu à la tête du club l’été dernier, cinq ans après avoir démissionné du poste de président).

Revenons à votre retour sur le banc cet hiver : après Fleury, vous avez enchaîné les bons résultats…
Oui, la suite a été bien plus glorieuse. On a fait 7 victoires et 2 nuls avant de s’incliner une deuxième fois à Auxerre, à l’avant-dernière journée.

« Le foot a pas mal dégusté à Bourg »

Photo Mathieu Sixdennier

Cette accession en National, c’est une revanche, une fierté ?
Il n’y a pas de revanche. Mais de la fierté. Celle d’avoir remis le club sur les rails, sportivement du moins. Parce que c’est vrai qu’ici, à Bourg, le football a pas mal « dégusté » ces dernières saisons. On a retrouvé des valeurs identitaires, des valeurs d’humilité, celles qui nous avaient déjà permis à l’époque d’accéder jusqu’en Ligue 2. Mais de là à dire qu’on allait monter… Ce n’était vraiment pas programmé. On a bâti le staff et l’effectif en une quinzaine de jours avec le président, mais tout le monde a bien appréhendé le contexte. On a eu un groupe exceptionnel, qui sait aujourd’hui la difficulté dans laquelle on est. On ne leur a jamais caché les choses. Le club, on l’a repris alors qu’il était en difficulté. On ne savait pas si financièrement on allait pouvoir le relever, mais grâce à ces valeurs, on a obtenu des résultats sportifs.

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Pas de sentiment de revanche, vraiment ?
Non. Si l’on regarde mes saisons précédentes, à Villefranche, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir : quand j’arrive là-bas, on est 14e, et on est arrivé à faire les barrages d’accession en Ligue 2 en fin de saison. La deuxième saison, tout le monde pensait que l’on n’arriverait pas à digérer les barrages perdus (contre Niort, qu’on aurait dû mal à se maintenir, et en fin de compte on refait les barrages (contre QRM), ce qui était exceptionnel. La troisième saison a été plus compliquée, surtout au début, mais on a fini en trombe et terminé 6e après avoir fini deux fois 3e.

« On ne cache rien : le trou est de 600 000 euros »

Avant Villefranche, il y a eu le Gazelec Ajaccio…
Le Gazelec, ça a été une aventure qui m’a beaucoup fait progresser : je me suis aperçu là-bas de ce qu’était le monde professionnel. Je sortais de Bourg où j’étais avec des amis plus qu’avec des collègues de travail. Même si on a fait 3 saisons de Ligue 2 avec Bourg, c’était un contexte familial, alors qu’au Gazelec, je suis passé d’un monde où « tout le monde est beau, tout le monde est gentil » à un football plus professionnel et ça m’a fait mûrir. A Villefranche, le contexte était un peu similaire à ce que j’avais vécu à Bourg-en-Bresse. Aujourd’hui, je me retrouve à Bourg, à l’instant T, dans une situation difficile, même si sportivement on a fait tout ce qu’il fallait pour remettre le club sur les rails.

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Vous parliez des difficultés actuelles du FBBP01 : dans les médias, l’on parle d’un dépôt de bilan…
On a ce problème d’actifs qui nous plombe : en fait, on a appris le jour de notre dernier match de la saison (contre Saint-Quentin, victoire 5-3) que le bail emphytéotique qui liait l’agglomération avec le centre d’entraînement de Péronnas, était arrivé à son terme. Et que donc, le centre n’appartient plus au club. Donc on sort de nos actifs et voilà… Ce n’est même pas une histoire d’argent, je peux vous le dire, parce qu’on a été dans l’économie cette saison, où certains joueurs ne touchaient pas grand-chose. On a réussi à équilibrer les comptes en fin de saison, ce que nous a demandé la DNCG, et ce malgré les moratoires que l’on rembourse tous les mois, par rapport aux dettes antérieures.

Par contre, la perte de cet actif plombe notre bilan. On ne cache rien : le trou est de 600 000 euros. Pour un club de National, ce n’est pas non plus une somme rocambolesque, ce qui explique que l’on soit très sollicité par des investisseurs, mais le foot est un milieu de spéculation, donc on reste très attentif à ça, on ne veut pas que le club perde son identité et ses valeurs qui lui ont permis par le passé et encore cette saison de gravir des échelons. Avec des anciens, on est revenu au club l’an passé pour réincarner ça, et on s’aperçoit que ça marche à nouveau. On n’a pas fait tout ça pour tout casser. On essaie de trouver des solutions en interne, de mobiliser, mais ce n’est pas simple.

« J’ai du mal à comprendre certains choix de clubs »

En 2017, en discussion avec Rafik Boujedra, un de ses anciens joueurs au FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Hervé, revenons aux barrages : ça vous affecte que votre nom soit lié à ces quatre barrages perdus en cinq ans ?
Pfff… Voilà, dans ma carrière, j’ai été sollicité, j’ai fait des entretiens avec des clubs quand j’étais dans des périodes sans travail, ou quand j’étais en fin de contrat, ou même encore un, là, tout récemment, il y a trois semaines : aujourd’hui, j’ai du mal à comprendre certains choix de clubs. Je ne vous cache pas que je me demande si les clubs regardent les parcours, les CV, s’il essaient de connaître le coach qu’ils ont en face d’eux. Ils couchent des noms sur des listes, sans trop étudier la personne. Il y a sans doute du lobbying, je ne sais pas trop comment cela se passe, mais je suis assez surpris de la manière dont les choses se passent et des choix qui sont faits. J’ai du mal à me faire à ça, car je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de reconnaissance du travail. Il y a beaucoup de recherche de médiatisation, c’est pour ça que ça me fait plaisir quand je vois des garçons comme Pierre Sage, qui a été mon adjoint à Bourg, qui vient de nulle part, être capable de faire ce qu’il fait à l’OL. Un profil comme lui qui émerge, ça fait du bien à la profession, sinon personne n’ouvrirait les yeux. Pour en revenir aux barrages… Je les aurais gagnés, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui…

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Racontez-nous ces barrages…
Le premier, en 2018, c’est avec Bourg (contre Grenoble) : bon, celui-là, ça ne m’a pas surpris, on était au bout d’une histoire, on sortait d’une saison très difficile, à un moment donné on était même relégable et on est arrivé à accrocher la place de barragiste, ce qui était déjà un exploit. Je jouais avec le 3e ou le 4e gardien, en défense j’avais des milieux offensifs, on a fini sur les rotules… C’était une déception parce qu’on quittait la Ligue 2 mais pas forcément une surprise. Après ça, je me suis retrouvé au chômage. J’ai eu quelques sollicitations, d’ailleurs j’en avais déjà eues avant, mais je n’avais jamais voulu partir de Bourg, parce que j’étais dans le confort, et sans doute que je ne voulais pas me mettre en danger. J’aurais peut-être dû partir… C’est peut-être un de mes regrets. Une erreur sans doute même.

« Ce scénario, je ne le souhaite à personne »

Au Mans, avec l’ex-entraîneur du Mans FC, Richard Déziré. Photo Philippe Le Brech

Et puis il y a eu le Gazelec Ajaccio…
Oui, j’ai l’équipe en cours de saison, en Ligue 2. Quand on ne choisit pas le groupe avec lequel on travaille, c’est un peu plus délicat pour mettre les choses en place, malgré tout, il fallait « se serrer les fesses » pour se maintenir en Ligue 2 et ensuite j’aurais eu carte blanche pour construire mon groupe, mais ça ne s’est pas passé comme ça et on a subi un coup du sort, auquel je ne m’attendais pas du tout, car on s’est retrouvé barragiste à l’issue de la dernière journée de championnat alors que l’on n’avait jamais été dans cette position, ni même jamais relégable. On a a loupé 4 penalties sur les 5 dernières journées… On en aurait marqué un ou deux, on aurait eu un ou deux points de plus…

Ce scénario des barrages avec le Gazelec (face au Mans), qui s’est joué à la dernière seconde, je ne le souhaite à personne. Un scénario fou. Un scénario catastrophe (Le Mans avait marqué à la dernière seconde par Soro, auteur d’un ciseau acrobatique, alors que sur l’action précédente, le Gazelec avait manqué un penalty). Il ne peut pas vous arriver pire. On fait ce qu’il faut en gagnant le match aller au Mans (2-1), et bon, vous connaissez le foot, à ce moment-là, tout le monde se dit, pour le match retour, que d’aller gagner au Gazelec… Bon, la cote du Mans devait être très élevée. Et on a vécu un scénario à la Hitchcock, et c’est le pire moment de votre carrière, de très très loin, qui arrive. Quel coach a vécu ça ? Aucun.

Sur le banc de Villefranche, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Ensuite, le troisième barrage, avec Villefranche, c’est différent, et puis c’est dans l’autre sens, c’est pour une accession cette fois. Malgré le succès 3 à 1 à l’aller face à Niort, ça ne passe pas : le club a manqué d’expérience, on s’est peut-être enflammé trop vite, je ne le sentais pas bien pour le match retour.

Et pour le 4e barrage, toujours avec Villefranche, face à Quevilly Rouen, là, il n’y a pas discussion, pas photo, on sent l’adversaire beaucoup plus armé que nous. Donc moins de regret. Alors je ne suis peut-être pas un homme des barrages, mais je suis un homme des derbys ! Avec le Gazelec, on a gagné à l’aller et au retour contre l’AC Ajaccio, chose qu’ils n’avaient réalisé; à Villefranche ou avec Bourg, j’ai toujours remporté les derbys. Quand j’ai su que les barrages allaient être supprimés avec la refonte, là au moins je me suis dit, je n’aurai plus ça (rires) ! Après, ce n’est pas tant le fait de perdre ces barrages, c’est de se dire que l’on est proche de la Ligue 2 à chaque fois et qu’aujourd’hui, je suis à Bourg et j’entraîne en National 2, ça se joue à peu de choses… J’en reviens à ce que je vous disais : les clubs font des entretiens, puis font des choix, c’est usant, parce que la reconnaissance du travail n’est pas là.

Oui mais vous savez aussi comment c’est de nos jours : il faut aussi être vu, faire parler de soi, se montrer sur les réseaux, faire de la « com »…

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Exactement. Mais tant mieux pour ceux qui savent faire ça. Moi, ce n’est pas ma nature. J’ai envie que l’on me choisisse par rapport au travail que je fais. Quand j’ai des entretiens, que je vois les entraîneurs avec lesquels je suis en concurrence, que je regarde leur parcours, et quand je vois que je ne suis pas choisi, j’ai un peu de mal, mais ce sont sans doute eux qui ont raison, puisqu’ils sont choisis, avec moins de résultats que moi. J’ai été impliqué dans plusieurs projets, des clubs pros qui veulent remonter en L2, des clubs de N2 qui végètent et veulent monter rapidement, des choses que j’ai déjà réalisées, mais je ne sais pas…

« Je suis souvent dans des short-lits, mais… »

Pourquoi n’êtes-vous pas choisi à votre avis ?
Je n’ai pas joué en pro, je n’ai pas créée de réseau avec les gens du milieu… Je suis réservé dans la vie, assez introverti. Je n’aime pas me mettre en avant… Par exemple, vous ne me verrez jamais poser en photo avec mes joueurs en train de lever les bras, je ne suis pas très expressif ou démonstratif. C’est vrai que je ne suis pas expansif, pas avenant. Même dans la vie de tous les jours, on me le dit. Je suis réservé, je ne suis pas trop « média », pas trop souriant, donc forcément, ça me joue des tours. Pourtant, j’ai de la personnalité. Mais attention, je « tiens » les entretiens normalement, là c’est différent, en général ça se passe bien, mais à l’arrivée, je ne suis pas pris. En, trois ans, j’ai fait énormément d’entretiens d’embauche. De toute manière, à chaque fois qu’il y a un coach qui part, même en Ligue 2, je suis souvent sur des short lists. Maintenant, je préviens les clubs, je leur dis de me juger sur le travail, sur les performances, sur ce que je peux amener. L’an passé j’ai fait 4 entretiens, j’ai eu de bons échos et à l’arrivée, j’ai pris une gifle. Je n’ai peut-être pas tout bien fait par rapport au fait de me mettre en avant, par rapport au lobbying, alors que c’est important dans ce métier, et c’est certainement quelque chose qui m’a manqué et qui me manque.

Ne souffrez-vous pas d’un manque de notoriété tout simplement ?

Avec Réginald Ray, un autre ex-coach du Mans. Photo Philippe Le Brech

Peut-être que je suis peu connu. A Villefranche, l’an passé, quand j’y étais, je devais être l’un des seuls à avoir 4 saisons de Ligue 2 pour moi, il n’y avait qu’un seul coach je crois qui avait déjà entraîné en Ligue 2, malgré tout, mon nom sort rarement dans les médias. Parfois, je suis dans des short lists, j’ai des entretiens, et pourtant, dans les journaux, sur les réseaux, mon nom n’apparaît pas. Peut-être que les journalistes ne me connaissent pas, alors qu’en National, j’ai peut-être l’un des plus gros parcours de coach, j’ai mes résultats pour moi, comme avec Villefranche, deux fois 3e, une fois 6e, mais mon nom ressort très peu, c’est comme ça.

Vous parliez de votre parcours, qui n’a pas été celui d’un joueur pro : justement, c’était quoi le vôtre ?
J’ai commencé à Montluel puis je suis parti à 12 ans à l’OL, j ai suivi un sports études, jusqu’à 18 ans, où je n’ai pas franchi le palier, et je n’avais pas été conservé. Ensuite je suis parti dans l’ancienne Division 3 à Lyon-Duchère, où j’ai passé 5 ans : on était même monté en Division 2 en 1990- 91 mais l’accession avait été refusée. Puis j’ai passé 5 ans à Saint-Priest, entre CFA et National, et au même moment, je suis rentré dans l’entreprise en bâtiment de mon père, ce qui me permettait de m’entraîner le soir. J’avais fait des études pour être conducteur de travaux. J’ai repris l’entreprise de mon père, j ai eu jusqu’à 10 salariés. A Saint-Priest, la plupart des joueurs était de Lyon, c’est ça qui faisait le charme. Ensuite, j’ai joué un an à Ain Sud foot et deux ans pour terminer à Plastics Vallée, le club d’Oyonnax, en DH. J’étais milieu de terrain polyvalent, puis j’ai fini latéral droit.

« Un sentiment d’inachevé »

Avec le FBBP 01, en 2017. Photo Philippe Le Brech

Votre aventure avec Bourg-Péronnas, c’est votre meilleur souvenir ?
Forcément, avec cette montée en Ligue 2 en 2015, qui est l’aboutissement d’un rêve. Surtout que la plupart des joueurs, à l’époque, n’avait jamais été professionnel. Un joueur comme le capitaine Yannick Goyon a même signé pro pour la première fois grâce à cette montée, à 34 ans !

J’aime les aventures humaines. C’est ce qui m’anime. C’est pour ça que je suis revenu dans ce club-là, à Bourg, l’été dernier. Mais chaque saison, j’ai vécu quelque chose, dans le monde amateur aussi, à mes débuts, ça a été aussi marquant qu’une saison en Ligue 2, même si ce n’est pas le même plaisir et les contraintes sont différentes.

Aujourd’hui, c’est quoi votre ambition ?
Ma volonté, c’est de retrouver la Ligue 2. Je suis persuadé que j’ai le niveau. J’aimerais bien revivre ça, parce que pour moi, c’est un sentiment inachevé.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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À 32 ans, l’attaquant vient de boucler sa 3e saison d’affilée en Ligue 2, chez lui, au Sporting. Le chasseur de buts, amoureux de chasse, de pêche et de nature, retrace son parcours, fait de hauts et de bas.

Par Anthony Boyer – photos : SC Bastia

Un jour, quelqu’un a dit, « Si Chambly était en Corse, j’y aurais fait toute ma carrière de footballeur ! » Mais Chambly n’est pas en Corse, cette île que Benjamin Santelli, l’attaquant du Sporting-club de Bastia, chérit plus que tout. Cette île qu’il ne quitte que pour effectuer les déplacements sur le continent avec son club, le Sporting-club de Bastia, avec lequel il entretient une relation fusionnelle.

Pourtant, avec le Sporting, LE club de la Corse, l’histoire n’a pas toujours été simple : un passage en jeunes au centre de formation, un départ à 16 ans car non retenu, un retour en National 3 quelques années plus tard, un nouveau départ, le premier sur le continent, un retour en National… Avec celui que tout le monde surnomment « Benji », c’est un peu « Le guide du routard » !

Et comme dans « routard », il y a « tard », c’est sur le tard, à 27 ans, après dix ans passés entre la Division d’Honneur (Régional 1 aujourd’hui) et le National, que le natif de Bastia a découvert la Ligue 2. Non pas qu’au CA Bastia, ce ne fut pas « pro », mais à l’époque, le club voisin sortait à peine d’une saison en Ligue 2 (2013-2014), ce qui lui avait permis de conserver le statut en National.

Et puis, comme il le confie dans l’entretien qu’il nous a accordés avant la 38e et dernière journée de Ligue 2 BKT face au Paris FC à Furiani (1-1), il n’a pas toujours pris le foot au sérieux, du moins pas suffisamment pour en faire son métier plus jeune, sans doute parce qu’il considérait le ballon comme une passion, un plaisir, celui de jouer avec ses amis. Il n’en tire aucun regret, seulement un constat. C’est tout simplement son histoire. Celle d’un attaquant qui allait très vite chez les jeunes sur son côté gauche, qui ne ménageait pas ses efforts, et qui est devenu le numéro 9 du Sporting-club de Bastia en National mais surtout en Ligue 2, après la remontée dans l’antichambre professionnelle du peuple bleu en 2021 (101 matchs de L2 avec le Sporting, 23 buts en championnat). L’histoire de Benjamin Santelli, c’est celle d’un passionné de chasse, de pêche, de nature et de football. C’est celle d’un chasseur de buts ! Cette histoire, il nous la raconte.

Interview / « J’ai eu des moments difficiles »

Meilleur souvenir sportif ?
Il y en a deux. Ce sont deux épopées en coupe de France avec L’Île Rousse et avec le Sporting-club de Bastia. Les deux clubs étaient en National 3 à ce moment-là. Avec Bastia, on avait été éliminés en 8e de finale contre Caen qui était en Ligue 1, j’avais égalisé (élimination aux tirs au but), ça reste un très bon souvenir. Et avec l’Île Rousse, on avait également atteint les 8es de finale après avoir éliminé Bordeaux, en 2014. On avait perdu contre Guingamp (0-2) sur le terrain d’Ajaccio (François-Coty).

Pire souvenir sportif ?
Quand je me suis fait les croisés, à Beauvais (en novembre 2019, au 7e tour de la coupe de France), avec Chambly, alors que je faisais un bon début de saison en Ligue 2, pour mon retour; et ça m’a un peu « tué ».

Combien de buts marqués ?
Franchement, je ne sais pas… Si je compte les années pros, avec le National ? (Il réfléchit) Non, je ne sais pas du tout. Vous le savez, vous ?

C’était pour savoir si tu les comptais ?
Si, si, je les compte, mais en pros, depuis quelques années, depuis que je suis à Bastia, mais dans le monde amateur, je ne sais pas, ce n’était pas forcément comptabilisé au début.

Ton plus beau but ?
Ma tête contre Caen, en 8e de finale de la coupe de France, avec le Sporting. C’est le but qui m’a fait le plus vibrer. Mais y’en a d’autres aussi qui sont pas mal !

Pourquoi pratiques-tu le football ?
Tout petit, avec mes amis, on jouait au foot, dans la rue, dans le jardin, dans les champs, au village, et ma famille est passionnée de foot aussi, donc voilà… Tout ça m’a poussé à jouer au foot. Je viens d’un petit village, Isolaccio-di-Fiumorbo, c’est toujours en Haute-Corse mais plus dans les terres, à 1h15 de Bastia, où je suis né.

Tu n’as pas toujours joué attaquant, n’est-ce pas ? Comment as-tu basculé de piston à numéro 9 ?
J’avais déjà joué piston gauche avant les années à Chambly, c’était au CA Bastia, avec Stéphane Rossi, parce que j’avais déjà cette polyvalence; le coach me faisait jouer un peu piston, un peu attaquant. Piston, c’est un poste que j’aime bien aussi même si ce n’est pas du tout le même registre que numéro 9, mais je m’adapte, ça ne m’a jamais dérangé.

Mais comment s’est fait la bascule ?
Jeune, je jouais numéro 9, et c’est après que j’ai joué piston, parce j’ai un gros volume, je suis un joueur qui court beaucoup, et je suis un attaquant qui défend beaucoup aussi, j’avais des bases pour défendre : Stéphane Rossi avait apprécié ça je pense, et j’avais commencé piston gauche au CA Bastia. Et en cours de saison, je suis passé attaquant. Il s’est passé la même chose à Chambly, où le coach Bruno Luzi, avec qui j’avais une belle relation aussi, m’a d’abord fait jouer piston gauche, et puis avant que je ne me fasse les croisés, j’avais joué attaquant les derniers matchs.

Cette polyvalence ne t’a jamais dérangé ?
Non, ça ne me dérange pas, même si mon poste de prédilection, c’est numéro 9. Mais je peux jouer côté, je peux dépanner, même si ne n’ai plus 20 ans et que je ne peux plus enchaîner les matchs pour jouer sur le côté, comme en étant ailier par exemple, encore que, cette année, j’ai beaucoup joué sur le côté. Piston ou ailier, c’est différent, même si beaucoup pensent que c’est pareil. Piston, offensivement, tu apportes, mais tu défends beaucoup plus. Ma polyvalence, c’est un avantage, mais cela peut aussi être un inconvénient dans une carrière.

Tu penses que cette polyvalence t’a freiné ? T’a desservi ?
Sincèrement, avec le recul que j’ai aujourd’hui, je pense que oui, mais je ne regrette rien, cela fait partie du foot, de mon histoire. Peut-être que, à un moment donné, dans ma tête, si je m’étais dit « voilà, aujourd’hui, je joue piston, ou bien voilà, je joue attaquant », il aurait fallu alors choisir. Mais je suis content de ce que j’ai vécu jusqu’à présent, je ne regrette rien, c’est comme ça, c’est le foot.

Ton geste technique préféré ?
Avant, c’était le grand pont (rires), quand j’étais devant, je faisais quasiment tout le temps ça, mais aujourd’hui, je n’ai pas un geste technique particulier, je ne suis pas un joueur technique, ce n’est pas mon point fort.

Tes qualités et tes défauts sur un terrain ?
Je ne renie pas les efforts, je suis toujours à 200 %, je cours beaucoup, même trop parfois, ce qui fait que je peux perdre en lucidité devant le but. J’aime les duels. Je suis un attaquant qui aime bien garder le ballon, qui essaie de caler le ballon, j’ai un bon pied gauche. Mes défauts ? J’ai un pied droit très faible, qui ne sert pas à grand-chose, je ne vais pas très très vite, même si je ne suis pas lent non plus. Le truc, c’est que dans le foot d’aujourd’hui, la vitesse est importante. Donc c’est sur que par rapport aux attaquants modernes, qui vont vite, qui sont puissants… Je ne suis pas ce profil-là. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, pas sûr que les clubs chercheraient un profil comme le mien, je pense. Mais des attaquants costauds, comme moi, j’espère que ça existera encore.

Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis un mec cool, ouvert, bon vivant, j’ai toujours le sourire, mais je ronchonne un peu pour rien. Mais sans prétention, je rigole tout le temps, je fais souvent des blagues.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Récemment, sur le plan individuel, c’était lors ma première saison en Ligue 2, à Bastia (2021-22), où j’ai souvent été décisif. Sur le plan collectif et émotionnel, c’est la saison passée avec Bastia, quand on a fini 4e de Ligue 2, on avait un super-groupe. En amateur, j’ai eu de belles saisons aussi, je pense à celle en National 3 avec le Sporting (en 2018-2019), quand on est monté en National 2. Là aussi, sur le plan personnel, j’avais fait une bonne saison, j’avais mis une trentaine de buts, coupe et championnat confondus, mais ce n’était que de la N3, je suis lucide aussi, je n’ai pas mis 30 buts en Ligue 2 ! Dans l’équipe, il y avait beaucoup de Corses, beaucoup d’amis et de joueurs que je connaissais depuis des années. On s’est régalé.

Une erreur de casting dans ta carrière ?
Sincèrement, je n’ai pas de regret. Je n’ai pas non plus fait beaucoup de clubs non plus. Je suis parti deux fois à Chambly où je me suis fait deux grosses blessures mais de quitter la Corse et le cocon familial, ça m’a fait découvrir beaucoup de choses. J’ai appris et ça m’a fait grandir sur certains aspects. Et puis, à Chambly, j’ai connu de bonnes personnes. Et aujourd’hui, ce sont des personnes avec lesquelles je suis encore en contact. Donc aucun regret.

Tu avais besoin de quitter la Corse ?
C’est grâce à mon départ de la Corse que j’ai pu goûter au monde professionnel, même si avant, à 22 ans, j’avais déjà signé pro au CA Bastia, mais c’était en National, quand le club venait juste de tomber de Ligue 2. Là, à Chambly, je découvrais la Ligue 2 sur le continent. C’était un « plus » pour moi. C’était une belle expérience. Après, je ne vous cache pas que l’on est mieux chez nous, en Corse, mais bon (rires)… Je pense que ça m’a aidé, même s’il y a eu ces deux blessures.

Il paraît que, dans une interview en Picardie, tu as dit que si Chambly avait été en Corse, tu y aurais passé toute ta carrière, c’est vrai ?
Oui, c’est vrai, c’est vrai ! J’avais dit ça dans un article ! Nous, on est très famille, après, je ne sais pas trop comment ça se passe ailleurs, car hormis Chambly, je n’ai pas beaucoup bougé de l’île, et là-bas, quand je suis arrivé, je m’y suis tout de suite retrouvé, car c’est familial. Le club était en construction. J’ai kiffé la mentalité là-bas, même si au niveau du cadre de vie, on est à l’opposé de la Corse. J’ai aimé la mentalité des gens là-haut, et je suis encore en contact avec beaucoup de personnes.

En fait, tu as besoin de sentir un esprit « famille » ?
Aujourd’hui, le foot, c’est mon métier, et je suis très content de pouvoir vivre de ma passion. Mais à la base, c’est une passion. J’aime le foot pour ces moments-là, le côté familial, amical, on est heureux d’aller à l’entraînement, de voir ses potes, et quand tu arrives dans le monde pro, il y a beaucoup d’enjeu. Et même si, personnellement, je n’ai jamais eu de pression de ma vie, là, en pro, il y a une pression générale que l’on ressent, qui fait qu’il faut des résultats, par rapport au club, à ses objectifs. Mentalement, il faut être fort. C’est différent du monde amateur.

Le Sporting-club de Bastia parvient à garder cet esprit familial, même en Ligue 2 ?
Oui, on reste toujours un club famille car on connaît beaucoup de monde ici, on côtoie beaucoup de gens, tous les jours, mais c’est sur que c’est plus professionnel, c’est logique, sinon, on n’y arrive pas, on n’avance pas. Bien sûr, ce n’est pas la même chose que lorsque je jouais en amateur ou même à Chambly, qui venait de gravir les échelons, et qui découvrait le monde pro. C’est ça la grande différence avec le Sporting : je ne vais pas vous le dire, mais Bastia, c’est un club historique. Il faut que ça soit professionnel et avec un esprit un peu famille.

Un club où tu aurais rêvé de jouer ?
Je rêvais de jouer au Sporting-club de Bastia ! Sinon, je suis fan du Milan AC, c’est ça le rêve fou que j’avais quand j’étais petit. Et j’aime le Real Madrid aussi. Mais j’ai été formé au Sporting. Je suis très fier de porter les couleurs du Sporting et de faire partie de l’histoire du club.

Avec le Sporting, tu as une histoire singulière : tu y as été formé, tu en es parti, tu es revenu, puis reparti…
Oui, j’ai un parcours très atypique, je sais. J’ai commencé dans mon club de village, puis j’ai fait 3 ans en jeunes à Bastia, en 14 ans et 16 ans Nationaux, mais ça ne passait pas : quand j’avais 15 ans, le club ne m’a pas gardé. J’ai rebondi pendant un an en 16 ans Nationaux, au Gazelec Ajaccio, parce que je voulais encore jouer à ce niveau. Puis je suis retourné chez moi, à Ghisonaccia. Et là, à 18 ans, j’ai commencé à jouer en amateur, à l’Ile Rousse, en DH puis en CFA2, puis au CA Bastia en National… Tous les ans, j’ai un peu évolué, je suis parti à Chambly en National, et puis je suis revenu en Corse quand je me suis blessé la première fois là-bas (pubalgie). Avec le Sporting, on fait une super saison en N3 et je repars à Chambly, qui me rappelle, en Ligue 2 ! Le tremplin était important : j’avais 28 ans et je passais du National 3 à la Ligue 2, et là, je me fais les croisés… Je ne vous cache pas que j’ai eu des moments difficiles… Partir, revenir, partir, ça a été dur, mais je ne regrette rien. Je n’avais jamais joué en pro en Ligue 2, j’avais juste été pro au CA Bastia mais en National. Je ne pouvais pas refuser ! Ma carrière, c’est les montagnes russes.

Tu as eu des moments de découragement ?
Après les croisés, mentalement, c’était dur, j’avais 28 ans. Aujourd’hui, je suis bien physiquement et, je vais vous dire, sincèrement, je pense que je suis mieux aujourd’hui physiquement qu’à 28 ans. Par contre, à 28 ans, je me demandais comment j’allais revenir de cette grosse blessure, je n’avais jamais connu ça. Mentalement, c’était dur. Et c’est vrai que le fait de revenir en Corse, en N3, la première fois, après ma pubalgie, et d’être dans ce projet de faire remonter le club, ça m’a aidé.

Un coéquipier marquant ?
Quand je suis arrivé au CA Bastia, il y avait Julien Toudic… Il était impressionnant à l’époque. Devant le but, c’était une gâchette, ça m’avait marqué. J’arrivais du monde amateur. Chaouki Ben Saada aussi, dont je suis proche, même s’il était en fin de carrière à Bastia : je voyais vraiment la différence. Après, en sélection corse aussi, la « Squadra Corsa », quand je l’ai intégrée, à 20 ou 21 ans, j’ai côtoyé des sacrés joueurs, qui évoluaient en Ligue 1.

Un coéquipier avec lequel tu pouvais jouer les yeux fermés ?
Il y en a quelques-uns ! Dernièrement, je dirais Sébastien Salles-Lamonge (parti au Mexique l’été dernier) : pendant 2 ans, j’ai joué avec lui, et pour un attaquant, avoir un numéro 10 comme ça… C’est le joueur qui m’a fait le plus de passes décisives je pense. Quand je faisais un appel, je savais que j’allais recevoir le ballon dans de bonnes conditions, dans les pieds. Chaouki Ben Saada aussi, même s’il a moins joué.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Aucun en particulier, parce que je suis quasiment en contact avec tout le monde. Et puis on est en Corse, c’est petit ici, tout le monde se connaît, ici, et on sait où sont les uns et les autres. La plupart de mes coéquipiers en amateur ont presque tous arrêté le foot; déjà ils ont tous mon âge ou sont un peu plus vieux !

Un entraîneur perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Je n’ai pas eu beaucoup de coachs, mais je sais où ils sont, comme Stéphane Rossi, qui est à Bourges, Bruno Luzi, avec qui j’ai eu une très bonne relation à Chambly, et qui a démissionné de Compiègne, j’ai eu Benoît Tavenot aussi pendant 6 mois à Bastia-Borgo. Récemment, j’ai revu Christian Graziani, l’ex-coach de l’Ile Rousse, ça reste un ami, je l’ai connu grâce au foot.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
J’ai toujours été bien avec les coachs. Sincèrement.

Un président marquant ?
Antoine Emmanuelli au CA Bastia, qui m’a appris beaucoup de choses. Je l’apprécie beaucoup, c’est lui qui m’a lancé on peut dire, lui avec le coach Stéphane Rossi aussi. Et sur le plan affectif, le président de Chambly, Fulvio Luzi. Et puis Claude Ferrandi bien sûr, le président du Sporting, je l’apprécie énormément : je suis parti, je suis revenu, il a toujours été correct avec moi. En choisir un ? Mon président actuel alors.

Une causerie d’un coach ?
La causerie de Stéphane Rossi avant Caen, en coupe de France.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Rémy Cabella.

Une appli mobile ?
Insta.

Des rituels, des tocs ?
Oui, j’en ai quelques-uns, mais rien de fou… Je suis superstitieux, c’est vrai…

Une devise, un dicton ?
« One life ». Je dis toujours ça à mes amis. On n’a qu’une seule vie.

Que t-a t-il manqué pour jouer en L1 ?
Être un peu plus sérieux, plus professionnel, même quand je jouais en amateur. Plus jeune, je jouais au foot pour m’amuser, même si je voulais réussir et être pro, mais je ne mettais pas de pression. Je me disais que si je ne réussissais pas, j’irais travailler. Je me disais que ce n’était pas grave. En fait, j’aurais dû me donner plus les moyens à cette époque, et peut-être que j’aurais signé pro plus tôt. J’aurais peut-être dû partir sur le continent plus tôt. Mais j’aimais trop la Corse, je n’avais pas envie de partir. Si j’étais parti plus tôt, ma carrière aurait peut-être été différente.

Tu es un attaquant plutôt…
C’est dur comme question ! Combatif.

Combien de cartons rouges ?
Je crois que j’en ai pris 3 ou 4. 3 il me semble.

Passions ?
J’aime la chasse, la pêche… ma famille, mes familles, au village, pratiquent ces activités. Je suis né là-dedans. J’aime bien la montagne. Je suis proche de la nature. Les balades, les randonnées… On a l’impression d’être libre, d’être seul au monde. On a la montagne et la mer dix minutes après ici, donc c’est cool, mais je préfère la montagne.

Un surnom ?
« Benji ». D’ailleurs, les gens pensent que je m’appelle « Benji », ça me suit depuis très longtemps !

Le milieu du foot ?
Spécial, difficile, mais ça reste un super-milieu, parce que quand même, on côtoie beaucoup de monde, on fait des rencontres.

Le Sporting-club de Bastia ?
Historique, mythique. c’est LE club toute de la Corse.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Sporting-club de Bastia

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En mai 2018, le milieu de terrain était le capitaine des Herbiers, finaliste de la Coupe de France contre le PSG. Six ans plus tard, sous les mêmes couleurs (rouge et noir), il a été l’un des acteurs majeurs de la remontée de Boulogne-sur-Mer, en National.

Par Jean-Michel Rouet / Photos Philippe Le Brech

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Personne n’a oublié la scène et cette photo entrée dans la légende de la Coupe de France : nous sommes le 8 mai 2018, et, dans la corbeille du Stade de France, Sébastien Flochon, capitaine du Vendée Herbiers Football, brandit le trophée en même temps que Thiago Silva, capitaine du PSG, qui rend ainsi hommage à l’héroïque résistance du club de National (2-0 pour le PSG).

Dans L’Equipe, il hérite même de la meilleure note de sa formation (7/10) pour sa prestation au milieu du terrain face aux Adrien Rabiot ou Thiago Motta. Au terme d’un parcours incroyable (éliminations d’Auxerre, Lens, Chambly), Les Herbiers renvoient une image magnifique du troisième échelon du football français. Un troisième échelon que vient juste de retrouver l’US Boulogne-Côte d’Opale, un autre club en rouge et noir, champion du groupe C de N2, dont l’un des leaders s’appelle … Sébastien Flochon, 31 ans désormais et le plus expérimenté de la bande (37 matches de Ligue 2, 116 matches de National).

Pourtant, le milieu relayeur n’est ni vendéen, ni nordiste, mais un Lyonnais pur jus (d’ascendance sarde par sa mère) qui a toujours l’OL dans le sang. Récit d’un battant à la trajectoire parfois en dents de scie, mais avec heureusement beaucoup plus de joies que de peines.

Douze ans à l’Olympique Lyonnais

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Sébastien Flochon a tapé ses premiers ballons à l’âge de 6 ans, au FC Ménival, club de quartier du 5e arrondissement de Lyon. Le club aussi de Karim Mokeddem, l’actuel entraîneur d’Orléans. « J’ai toujours des liens là-bas, j’y retourne dès que je rends visite à ma famille, explique Flochon. Le FC Ménival, c’est aussi un peu ma famille, avec un président formidable. C’est un club qui fait honneur au football ».

Au FC Ménival, Flochon joue en débutants avec son ami d’enfance, le futur champion du monde Samuel Umtiti. Ce sont les surdoués u club et, en poussins, tous les deux sont recrutés par l’Olympique Lyonnais. « C’était le grand OL, rappelle Flochon, celui multi champion de France, demi finaliste de la Ligue des Champions, l’OL de Juninho qui faisait rêver tous les gamins de Lyon. Mon père m’emmenait à tous les matches à Gerland. C’était magnifique. »

Sébastien Flochon restera 12 ans à l’Olympique Lyonnais, des poussins à l’équipe réserve en CFA (N2 aujourd’hui). Il est de la génération 1993, celle des Nabil Fekir, Alassane Plea et Samuel Umtiti, donc. Mais il jouera aussi avec ses jeunes aînés, Alexandre Lacazette ou Anthony Lopes. « J’ai fait toutes les catégories jusqu’aux seniors, souvent avec le brassard de capitaine, et on a notamment gagné en 2011 le championnat de France des réserves qui existait encore. »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Il dispose alors d’un contrat stagiaire. Mais il ne signera jamais pro à Lyon. Il raconte : « Ce fut un traumatisme, j’étais l’enfant du club, j’étais tout près, mais je suis resté à la porte. Je pense qu’on aurait pu me faire signer un an, pour voir… J’avais même eu des assurances, mais ça ne s’est pas fait, et il y avait énormément de très bons joueurs avec moi. Aujourd’hui, je ne retiens que le positif : pendant 12 ans, j’ai porté le maillot de l’Olympique Lyonnais et c’est un très grand privilège. »

« J’ai choisi Le Havre mais ce fut une erreur »

En 2013, Sébastien passe quand même professionnel : il signe un contrat de trois ans, mais au Havre AC (Ligue 2). « J’avais deux offres de Ligue 2, Le Havre et l’AJ Auxerre, dit-il. J’ai choisi Le Havre car le contrat était plus intéressant. Ce fut une erreur majeure. Auxerre me voulait plus. Sportivement j’aurais dû y aller. »

Au début, les choses ne se passent pas trop mal au Havre. Il joue cinq matches de Ligue 2, dont le tout premier avec pour coéquipier Riyad Mahrez. « Et puis je me suis retrouvé à la cave, sans explication, dit-il. Ça se passait mal avec le coach (Erick Mombaerts). J’avais 20 ans, c’était brutal. J’ai résilié ma troisième année de contrat pour avoir du temps de jeu en National. »

Au CA Bastia, il retrouve la joie de jouer

En 2015, libre, il se retrouve pourtant en National, au CA Bastia (devenu Borgo FC). « Quand tu sors de l’OL et du Havre, le CA Bastia, c’est un virage à 180 degrés, sourit-il. Pourtant, c’est là que j’ai retrouvé le plaisir du foot. Le club descendait de Ligue 2 et avait donc encore le statut pro. C’était un club bien organisé avec un président génial, Antoine Emmanuelli, qui a beaucoup compté pour moi. Une très belle personne comme on n’en rencontre pas beaucoup dans le milieu du foot. J’ai eu deux bons coaches, Christian Bracconi et Stéphane Rossi, on jouait bien… Mes coéquipiers corses m’avaient adopté, peut être à cause de mon sang sarde (par sa mère), car les corses et les sardes c’est presque pareil…. (Rire). »

L’ascenseur émotionnel aux Herbiers

Sébastien se plaît en Corse mais, à 23 ans, son ambition reste de retrouver la Ligue 2. Il pense y arriver au Tours FC, mais le club est dans la tourmente : il ne signe finalement pas et pour quelques semaines, le voila chômeur, jusqu’au coup de fil d’André Gaborit, le recruteur des Herbiers (National), fin 2016 : « ça s’est fait vite avec Frédéric Reculeau, le coach, et Stéphane Masala, son adjoint, avec qui le courant est tout de suite passé. Et j’y ai aussi retrouvé mon ami Matthieu Pichot, le gardien avec qui je jouais à Bastia. J’ai tout de suite trouvé ma place dans le football de possession prôné par le staff. Ça me rappelait l’OL »

Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.

Sa deuxième saison en Vendée (2017-18) restera inoubliable. Sur le banc, Stéphane Masala a succédé à Frédéric Reculeau en janvier. En Coupe de France, le VHF élimine Auxerre à l’Abbé Deschamps (3-0), puis Lens (tirs au but) et Chambly (2-0) en demi-finale à Nantes, dans une Beaujoire à guichets fermés. Contre Lens, Sébastien inscrit même le tir au but de la qualification.

Direction donc le Stade de France, une finale épique contre le PSG (0-2), 80 000 spectateurs, la Une des journaux… Et trois jours plus tard, la catastrophe, la relégation en N2. « Un ascenseur émotionnel extrêmement violent et en même temps un fort sentiment d’inéquité sportive, dit-il aujourd’hui. On a disputé la finale le mardi à 21h et le vendredi 18h on jouait le maintien à Béziers qui lui jouait la montée en Ligue 2… On aurait au moins pu nous accorder 24 heures supplémentaires, surtout qu’on ne voyageait pas comme une équipe de Ligue 1. On a passé une demi journée dans le train entre Paris et Béziers, et on était vidés, physiquement et mentalement… On a pris 4-1, mais il fallait quand même une conjonction improbable de résultats pour qu’on descende… et le pire scénario s’est produit. »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

« Ce fut terrible ! Quand je vois qu’aujourd’hui on reporte les matches du PSG et de l’OM pour les aider… On a été la vitrine du foot amateur pendant plusieurs semaines, on nous encensait partout, mais personne ne nous a tendu la main pour qu’on puisse au moins jouer notre maintien dans des conditions équitables. Mais ce n’est pas à cause de la Coupe de France qu’on a été relégués, on a simplement payé notre mauvais début de saison… Après quoi, on est revenus fort au classement, en marge de la Coupe, mais il a manqué un point… Résultat, tout le monde est parti, ou presque, alors que nous avions un groupe de grande qualité qui aurait fait mal la saison suivante en National, j’en suis certain. »
Six ans plus tard, Les Herbiers est toujours en National 2.

« En famille dans une autre famille, à Chambly »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

La page « Les Herbiers » se tourne donc dans la douleur. « Mais je préfère ne garder que les très bons souvenirs de ce très beau club à qui je dois l’essentiel de ma petite notoriété » dit le joueur, qui se retrouve ainsi à nouveau sur le marché : « Avec l’exposition de la Coupe et mes matches réussis contre des équipes pros, je pensais aller en Ligue 2. J’ai eu plusieurs approches qui n’ont pas abouti. Chambly (National) s’était tout de suite manifesté avec une proposition concrète. Quelqu’un a beaucoup compté dans mon choix, il se reconnaîtra (sourire). Et puis à Chambly, je retrouvais une âme italienne avec Fulvio et Bruno Luzi (président et entraîneur), ça me plaisait. Des hommes et des bâtisseurs incroyables ! Il y avait un très beau projet, sérieux et structuré, et en plus Chambly a recruté plusieurs de mes coéquipiers des Herbiers (Eickmayer, Dequaire, David, D. Fofana). Je suis resté en famille dans une autre famille ».

Dans l’Oise, Flochon va traverser trois saisons riches et intenses : une accession de National en Ligue 2 pour commencer, en 2019, un bon maintien en L2 la première saison (10e) et malheureusement une relégation actée à cinq minutes de la fin du dernier match avec une défaite au Paris FC (0-3), en jouant de surcroît ses matches « à domicile » à Beauvais où Charléty (faute de stade aux normes) et la plupart à huis clos en pleine période Covid.

Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.

Il soupire : « L’accession en Ligue 2 et ses festivités, je n’en avais pas vraiment profité hélas car à deux mois de la fin de saison, contre Cholet, j’ai subi une double fracture de la cheville à la suite d’un violent tacle par derrière. Vraiment une sale blessure. J’ai énormément souffert. Je me suis battu comme un fou pour revenir avec notamment deux mois de rééducation à Clairefontaine. En octobre, je rejouais avec Chambly en Ligue 2 contre Sochaux ! On avait un super groupe avec un staff au top, et l’atmosphère très familiale compensait les infrastructures modestes. Le championnat a été arrêté en mars par le Covid, à dix journées de la fin, alors qu’on venait de gagner à Lorient, chez le leader (2-1), pour être classé finalement dans la première partie du tableau (10e) devant Auxerre, Nancy, Caen, Sochaux, le Paris FC… Énorme pour Chambly. Malheureusement la deuxième saison a été plus compliquée. On n’avait toujours pas de stade à nous, c’était un gros handicap, Concarneau s’en est aperçu cette saison. Mais on a lutté jusqu’à la dernière seconde et Caen s’est sauvé à nos dépens d’extrême justesse. Le groupe s’est disloqué avec la relégation, comme aux Herbiers, c’était la fin d’un cycle. »

« J’ai toujours cru au projet de Boulogne »

Sous le maillot du FC Chambly. Photo Philippe Le Brech.

De Chambly à Boulogne-sur-Mer, le chemin est direct via l’Autoroute A16. A l’été 2021, Sébastien Flochon va pourtant faire un petit et rapide détour par l’Île de France et Créteil (National). Ce ne sera pas le meilleur souvenir de sa vie, c’est un euphémisme : « Ce n’était pas un club pour moi », résume-t-il.

Direction le Pas-de-Calais. Flochon arrive en cours de saison et l’USBCO, toujours en National, a changé d’entraîneur (Stéphane Jobard à la place d’Eric Chelle) sans parvenir à échapper à la relégation en National 2. Un nouveau coach débarque, Christophe Raymond, et la spirale négative s’amplifie. À mi-saison, Boulogne a un pied et demi en National 3 …. avant d’opérer un rétablissement extraordinaire, pour se sauver au dernier match et poursuivre sur sa lancée avec le même groupe de joueurs pour finalement dominer de bout en bout son groupe de National 2 cette saison et retrouver le National !

Sous le maillot de Chambly Photo Philippe Le Brech.

L’explication ? « La réponse est facile : le coach, c’est une évidence, sourit Flochon. En pleine tempête, les dirigeants ont eu le bon sens de nommer un homme du cru, Fabien Dagneaux, qui connaissait parfaitement le club pour avoir dirigé les jeunes et la réserve. Et ils l’ont associé à Anthony Lecointe, une légende à Boulogne, unanimement connu sous le surnom de « Ti Mousse », présente dans l’équipe de Boulogne qui est montée en Ligue 1 à l’issue de la saison 2009-2010. Ils ont tout de suite été adoptés, par le vestiaire, par le public… Ils ont été pragmatiques et ont remis au goût du jour les valeurs de Boulogne. Le club a retrouvé soudainement son identité. A Boulogne, on respire le foot. C’est une vraie ville de foot, le club a une âme, des installations (stade de la Libération, centre d’entraînement de la Waroquerie) dignes d’un club pro. »
Alléchés par un parcours quasi sans faute, les supporters sont revenus en masse et l’USBCO affiche la plus forte affluence de National 2, tous groupes confondus, et de loin (2628 spectateurs de moyenne).

Sur la Côte d’Opale, le Lyonnais est chez lui. « J’adore Boulogne, la ville, les gens, le club… J’ai acheté une maison, ma femme et mes deux petits garçons y sont heureux, ça compte aussi beaucoup bien sur. C’est pour ça que je n’ai pas donné suite l’été dernier à quelques approches, dont un club de National. J’ai toujours cru au projet de Boulogne. »

Sébastien Flochon, du tac au tac

« Pourquoi pas retrouver la L2 avec Boulogne ? »

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.

Ton meilleur souvenir ?
Le Stade de France, bien sûr ! Jouer une finale de Coupe de France devant 80 000 personnes, contre le PSG, devant ta famille, tes amis, avec le brassard de capitaine et le Président de la République sur la pelouse avant le match… Pfff… Incroyable !

Le plus mauvais ?
Le 28 mars 2019, à Chambly, contre Cholet. Un tacle par derrière, double fracture de la cheville… Ma carrière aurait pu s’arrêter là.

Le meilleur joueur avec qui tu as joué ?
J’en citerais deux : Samuel Umtiti et Nabil Fekir a l’OL. Mais j’ai aussi joué mon premier match pro au Havre avec Riyad Mahrez.

L’entraîneur qui t’a le plus marqué ?
Stéphane Masala, aux Herbiers. Son leadership et son managérat.

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.

Un président plus qu’un autre ?
Antoine Emmanuelli au CA Bastia.

Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
Aucun. Même les mauvaises expériences m’ont servi à avancer.

Tes meilleurs amis dans le foot ?
Samuel Umtiti et Matthieu Pichot, mon ancien coéquipier (gardien de but) à Bastia et aux Herbiers, qui est aujourd’hui dans la Gendarmerie.

Ta vie hors du foot ?
Ma famille. Je fais en sorte de consacrer beaucoup de temps à ma femme et mes enfants. Et puis le sport en général… Je lis L’Equipe tous les jours.

Un sport plus qu’un autre ?
La boxe ! J’ai toujours été un passionné. Avec Chambly, en Ligue 2, Bruno Luzi et son staff nous avaient emmené faire une séance de boxe au club de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise. J’ai adoré. Je me suis lié d’amitié avec l’entraîneur du club, Giovanni Boggia (encore un italien !) et Yvan Mendy, le champion d’Europe.

Sous le maillot de l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

J’y suis ensuite retourné seul pour m’entraîner, mettre les gants. Et en décembre 2022, ils m’ont emmené avec eux au Tottenham Hotspur Stadium, à Londres, ou Yvan Mendy a défendu son titre européen devant 80 000 spectateurs en encadrement d’un championnat du monde de Tyson Fury. J’étais dans le coin de Mendy, incroyable ! J’ai même pu échanger quelques mots avec le poids lourd ukrainien Olexsandr Usyk, qui va faire le championnat du monde contre Tyson Fury, ce samedi 18 mai. J’étais comme un gosse ! Quel souvenir !

Des projets de reconversion ?
J’aimerais rester dans le foot. Grâce à mon club de Boulogne et via l’UNFP, je prépare le DUGOS (Diplôme Universitaire de Gestion des Organisations Sportives), un diplôme qui peut m’ouvrir des perspectives intéressantes; j’y consacre pas mal de temps en ce moment. Mais j’espère encore jouer un bon moment. Et pourquoi pas retrouver la Ligue 2 avec Boulogne ?

National 2 / Samedi 18 mai 2024 – 26e et dernière journée : US Boulogne Côte d’Opale – FC Lorient B, à 18h, au stade de la Libération.

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018, avec Stéphane Masala. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot du FC Chambly. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.
Avec Les Herbiers. Photo Philippe Le Brech.
Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Texte : Jean-Michel Rouet

Photos Philippe Le Brech

 

À bientôt 50 ans, Nassim Akrour court encore mais pas après les records. Il marque toujours. Surtout, il savoure, puisque la fin de carrière, qui l’a mené en L1 et en L2, à Grenoble, Istres et Troyes, approche. Le Parisien, qui avait découvert le National avec Noisy-le-Sec en 1997, évoque ses choix, sa longévité, et parle aussi de la violence, des mentalités, de l’évolution du milieu et, surtout, de sa passion pour le jeu.

Par Joël Penet / Photos Philippe Le Brech et Chambéry SF – Mathilde Landot

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Vous avez forcément entendu son nom quelque part… Meilleur buteur de l’histoire du Grenoble Foot 38 (110 buts), du FC Istres (73 buts) ou encore du FC Annecy (38 buts), Nassim Akrour vit, à 49 ans (il aura 50 ans le 10 juillet prochain), une histoire peu commune avec le football. En d’autres termes, c’est un homme de « record », un mot qu’il affectionne peu : « Ce sont surtout les journalistes qui en parlent » lâche t-il pour poser les bases de notre rencontre.

Après la Ligue 1, la L2, le National, le National 2 ou même le Régional 1 du côté de Tours, l’ancien international algérien (18 sélections entre 2001 et 2004), qui a connu un temps l’Angleterre à ses débuts, court toujours en National 3, marque et brille par son exemplarité, lui qui n’a jamais reçu de cartons rouges en 20 ans !

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Mais rien n’est plus pareil depuis 2013 et la fin de sa carrière professionnelle durant laquelle il aura fait trembler les filets plus de 200 fois.

En 2016, c’est la région savoyarde qui l’a accueilli, au FC Annecy puis à Chambéry Savoie Football en 2019, pour continuer d’écrire son histoire… dans les championnats nationaux amateurs.
Cette saison, le natif de Courbevoie (Hauts-de-Seine) est même devenu le footballeur le plus âgé à évoluer dans un championnat national mais aussi le plus vieux joueur à disputer un 32e de finale de Coupe de France (défaite 3-0 contre Toulouse) début janvier. Encore décisif avec une quinzaine de buts au compteur sous la tunique jaune et noire depuis son arrivée en 2019, Nassim Akrour savoure. Car s’il continue de repousser les limites de son sport, c’est aussi et surtout pour continuer à « prendre du plaisir ».

Interview

« Quand les gens auront compris que le football est un jeu… »

Avec Annecy en N2 en 2017-18. Photo Philippe Le Brech

Nassim, quelles sont tes impressions sur cette saison avec Chambéry (3e) ?
Elle est plus que correcte puisqu’on était descendu en R1 et repêché suite à la rétrogradation de certains clubs. La majorité des joueurs sont partis ainsi que l’entraîneur donc nous étions en reconstruction. On a fait un super parcours cette saison même si on a pu penser qu’on allait être en dessous dans cette poule. Je dirais qu’on a même été durs à battre.

L’écart n’est finalement pas si abyssal avec le duo de tête Saint-Priest / Lyon La Duchère…
On n’était pas très loin des premières places, surtout qu’on a joué Saint-Priest (promu en N2) là-bas et il suffisait de gagner pour aller chercher quelque chose en fin de saison… Sauf qu’on a perdu. C’est comme ça, c’est le foot ! Je retiens qu’on les a accrochés jusqu’au bout. Récemment, on reste sur deux matchs nuls et une victoire, et il nous reste un match pour essayer de finir le mieux possible (entretien réalisé avant la venue de Lyon La Duchère, 2e du groupe, samedi 18 mai à 18h ).

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

La Coupe de France a encore marqué le début de saison avec un 32e contre un club de L1, le TFC. C’est aussi ça, la réussite d’un club amateur ?
C’est une compétition qui commence avec les clubs amateurs et quand une équipe professionnelle se présente, c’est soi-disant la hiérarchie qui doit l’emporter, sauf que ça ne se passe pas toujours de cette manière, on le voit chaque année !

Tu es le plus vieux joueur à avoir évolué à ce stade de la compétition, en 32e. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
S’il n’y avait pas les journalistes, je pense que je ne me rendrais pas compte de certaines choses (sourires) mais oui, pour la petite anecdote, c’est vrai que je peux me dire que j’ai joué plus de 20 ans la Coupe de France. C’est sympa et agréable à lire, à entendre.

Tu as été très sollicité l’année dernière par les médias, notamment au moment d’affronter l’OL en 16e de finale avec Chambéry (0-3) : la communication est indispensable dans ce genre de cas ?
Dans le monde professionnel, c’est notamment par ce biais que les joueurs sont reconnus. Après, les médias sont là pour mettre en valeur l’équipe, le groupe, le joueur, l’entraîneur, les bénévoles aussi. Les sollicitations que j’ai eues, c’était pour parler de moi mais pour parler aussi de Chambéry. C’est important.

Avec Istres en 2011-12 en Ligue 2. Photo Philippe Le Brech

La moyenne d’âge de ton équipe est plutôt jeune. Quel regard as-tu aujourd’hui sur ton environnement ?
Entre le monde amateur et le monde professionnel, il y a un gouffre en termes d’exemplarité, de travail… La plupart des jeunes joueurs sont étudiants, d’autres travaillent. C’est difficile de venir à l’entraînement le soir pour être « concentré » sur les consignes d’un entraîneur. Il faut être d’attaque tout de suite mais je leur tire mon coup de chapeau parce qu’ils ont fait preuve de concentration à des moments importants. On ne peut pas leur demander la même chose qu’à des professionnels qui s’entraînent le matin, le soir et quasiment tous les jours. Quand t’es pro, c’est ton travail. Aujourd’hui, on peut vivre du football jusqu’en National 2.

A l’inverse, est-ce que tu sens une forme d’admiration autour de toi ?
Les plus jeunes aujourd’hui sont forcément au courant de ma carrière. Ils ont regardé les vidéos, revu certains matchs (sourires) mais bon, quand tu fais une saison, puis deux, puis trois, tu l’intègres. Après, c’est « nature peinture » et tout va pour le mieux (sourires). Il y a toujours du respect, que ce soit chez les plus jeunes ou chez les anciens… et c’est pareil pour moi. C’est réciproque.

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Quelle est la clé de cette longévité ?
Si on veut durer dans le football, il faut travailler et être constant, écouter les consignes de l’entraîneur, ne pas se focaliser sur l’extérieur et se concentrer sur soi-même. Savoir ce qu’on a envie de faire est primordial parce que le football est assez aléatoire finalement. Tu dois travailler tes faiblesses pour atteindre ce que tu n’as pas atteint avant. Je trouve qu’il y a trop de rigolade dans le monde amateur, ça parle beaucoup à l’entraînement… Comme quand on ne s’est pas vu pendant deux jours, il y a toujours des choses à raconter (sourires) ! Mais c’est comme ça ! Au début ça m’a surpris, je me disais « non, ce n’est pas possible », mais finalement tu l’acceptes. Dans certains clubs, le staff est très restreint, et parfois, tu n’as même pas de préparateur physique donc chacun avec son expérience essaye de cadrer, d’aider.

A bientôt 50 ans, tu te vois encore durer ?
Je suis venu à Chambéry parce que Jean-Louis Saint-Bonnet, dirigeant et vice-président du club, est un ami. Je connaissais aussi Cédric Rullier, l’entraîneur de l’époque et j’avais envie de rendre un petit service. Le plaisir est toujours là et puis, sans parler de ça, quand tu vas courir tout seul une fois, deux fois… Si tu fais ça toute l’année… (sourires). Je préfère être dans un groupe et justement, ce sont les gens qui te font aussi tenir. En tout cas, tant que tu as la santé, l’envie, le cœur, la passion, tu peux continuer, même s’il faudra penser à s’arrêter un jour (rires).

Avec Istres en 2011-12 en Ligue 2. Photo Philippe Le Brech

Tu n’imagines donc pas la suite…
En 2013, j’ai dit stop à ma carrière professionnelle et j’ai commencé à jouer en amateur parce que certains copains entraîneurs me l’ont demandé. En 2023-24, je suis toujours là et il reste encore un match de championnat. On verra plus tard pour la suite (sourires) que ce soit dans le football ou pas. Quand j’étais à Annecy, j’étais entraîneur-adjoint du groupe U16, ça s’est très bien passé et ensuite, il y a eu la Covid. Je suis passé à autre chose ! Aujourd’hui, on a eu des discussions avec mon président, j’habite à côté de Grenoble, tout se passe très bien. On verra déjà ce qu’on va faire samedi (rires) !

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Il faut dire que tu ne t’es jamais posé de questions, comme quand tu pars en Angleterre à tes débuts ?
Quand je suis parti là-bas, j’avais fini mes études et j’alternais entre le service militaire, où j’avais quelques libertés, et les entraînements avec Noisy-le-Sec. J’avais fini la saison en National et je n’avais pas envie de reprendre avec eux. J’ai fait un break et comme j’avais de la famille en Angleterre, je me suis dit « pourquoi pas » ?

Tu ne restes que deux petites saisons mais tu marques une trentaine de buts. Ce n’est que du positif avant ton retour dans l’Hexagone…
J’ai appris une langue, je me suis entraîné avec Sutton United la première saison puis avec Woking FC la deuxième. C’était bien et on apprend de tout le monde, de chaque pays où on passe. J’étais un peu frêle au début de ma carrière et j’ai évolué au niveau de la rigueur sur le terrain, de l’utilisation du ballon dos au jeu. En 1997, le football en Angleterre n’avait rien à voir avec ce qu’on peut voir aujourd’hui. Il y a presque 20 ans d’écart ! C’était du « kick and rush » et je m’en sortais notamment grâce à ma technique… Même si je me souviens que l’entraîneur a beaucoup insisté sur les phases dos au jeu !

Avec le GF38 en CFA en 2014-15. Photo Philippe Le Brech

L’ambiance autour des terrains est-elle différente de ce que tu avais connu en France ?
C’est sûr que ça n’a rien à voir, c’est convivial… Là-bas, ils vont au match en famille, c’est dans l’âme. Ils supportent l’équipe du village mais ce n’est pas qu’en Angleterre : par exemple, j’ai des amis qui vivent près de Metz ou Strasbourg et quand ils vont voir des matchs de foot à la frontière avec l’Allemagne, c’est pareil. On a des choses à apprendre en France.

A ton retour, c’est le National puis la Ligue 2. Que retiens-tu de cette période ?
A l’époque, en 1997, avec Noisy-le-Sec, il y avait deux poules en National et il fallait finir dans les sept premiers. C’était dur et aujourd’hui, il n’y a qu’un championnat, des déplacements qui sont longs, peu de matchs à la télévision mis à part sur Canal +. Déjà, à l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas donc c’était compliqué de le médiatiser. C’est un peu plus simple avec internet aujourd’hui mais concernant le niveau, je ne peux pas en dire grand-chose de plus car j’y ai très peu évolué finalement. Quand je rentre d’Angleterre, en 2000, on est directement monté de National en Ligue 2 avec Istres.

Avec le GF38 en CFA en 2014-15. Photo Philippe Le Brech

Une époque peu médiatisée où tu vas porter le maillot de la sélection algérienne (18 sélections) entre 2001 et 2004. On imagine que ce fut beaucoup de fierté ?
Beaucoup de bonheur oui, de plaisir… Tu savoures, honnêtement. Tu rentres dans un autre standing, peu importe ta sélection même si tu as forcément une autre exposition quand tu joues parmi les « grosses » nations. Par contre, quand tu te déplaces partout, en Afrique ou ailleurs, tu représentes ton pays, donc c’est forcément particulier et très bénéfique, enrichissant. Tout était à reconstruire, sportivement ou médiatiquement, et je pense que c’est aussi en regardant ce qui se faisait de bien ailleurs qu’on a évolué. La preuve, aujourd’hui ça se passe très bien, donc tant mieux.

Istres, que tu évoques, est retombé au niveau amateur avec un gros projet pour retrouver le monde professionnel. Y es-tu sensible ?
Ils sont premiers en N3 et remontent en N2. J’ai un ami qui joue là-bas aujourd’hui. C’est super pour eux et je suis très content parce qu’ils partent de loin. C’est un petit village mais et y a beaucoup de belles installations, et le stade Parsemain à Fos aussi. Petit à petit, ils se reconstruisent et pour les enfants, c’est très bien. Derrière, il y a Martigues, Aubagne aussi… des clubs qui vivent dans l’ombre de l’Olympique de Marseille, donc je suis très content pour eux.

Avec Istres en 2011-12 en Ligue 2. Photo Philippe Le Brech

Comme à Istres, tu fais deux passages à Grenoble, deux clubs qui te sont chers…
J’y vis encore, j’ai encore des amis au club, des gens qui y travaillent que je connais très bien aussi comme Brice Maubleu, le gardien de but. J’ai fait énormément de choses au GF38, les gens m’ont beaucoup donné aussi. C’est comme à Istres, au Havre, à Troyes ou à Chambéry où je suis aujourd’hui, un club famille. L’attache que j’ai à Grenoble n’est pas la même partout évidemment. Je n’ai aucune attache avec Laval par exemple (rires).

Vas-tu au stade des Alpes de temps en temps ?
Quand j’ai le temps oui, le lundi par exemple avec des copains. J’ai un regard différent aujourd’hui, je ne suis pas « supporter ». Quand je jouais, c’était mon travail mais bien sûr que quand je vais voir Grenoble, j’ai forcément envie qu’ils gagnent… Sauf que j’assiste au match avec un œil plus tactique, technique aussi. Et c’est pareil si je vais à Troyes, Istres, ou encore au Havre par exemple !

C’est le regard d’un passionné finalement !
C’est surtout que, quand je regarde des matchs de foot en Ligue 2 par exemple, je ne comprends pas comment tu peux évoluer au niveau professionnel et ne pas produire de jeu. Bien sûr qu’il y a le besoin de points, des objectifs de maintien ou la peur de descendre, mais tu peux aussi prendre des points en jouant…

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Le projet de jeu de Brest, ça te parle ?
L’entraîneur donne un projet qui convient aux joueurs qu’ils ont recruté. Grégory Lorenzi, le directeur sportif et ancien joueur professionnel, a mis ça en place et ça marche très bien cette saison. Tu ne peux pas ramener quatre bouchers au milieu de terrain et des attaquants qui jouent que des longs ballons et espérer que ça passe à chaque fois…

Tu prends du plaisir devant la Ligue 1 ?
Oui sur certains matchs car c’est moins fermé, il y a plus de buts qu’avant. Après, quand tu vois certains 0-0, c’est enivrant mais encore une fois, je comprends certains clubs qui jouent pour aller chercher des points avec l’objectif de se maintenir…

Avec le GF38 en Ligue 2 en 2007-08. Photo Philippe Le Brech

Cette « peur de descendre » va-t-elle tuer le foot ?
On aurait pu garder 20 équipes par championnat mais j’ai compris l’idée… Ils veulent réduire les places pour avoir « deux gros championnats » qui seraient comme des élites. Quand on regarde la Ligue 2 aujourd’hui, il y a au moins 10 équipes qui étaient en Ligue 1 récemment et ça va être de plus en plus difficile de monter.

Par contre, je pense que ça va se réguler au fil des années, les clubs amateurs vont un peu plus se professionnaliser même si c’était déjà le cas. En N2 par exemple, les joueurs s’entraînent tous les jours, c’est leur métier. Il va y avoir de plus en plus de contrats fédéraux et une ouverture peut-être encore plus grande sur la Ligue 3. On peut prendre l’Angleterre comme exemple même s’ils ont une manne financière plus importante.

Aujourd’hui, tes anciens clubs évoluent à des échelons différents. C’est forcément compliqué d’évoquer un club qui t’a marqué plus que d’autres…
Partout où je suis passé, en professionnel ou en amateur, ça a été magnifique pour moi. J’ai rencontré de très belles personnes dans le monde footballistique, présidents, joueurs, staffs et même en dehors avec les bénévoles, le tissu associatif notamment.

Avec le GF38 en CFA en 2014-15. Photo Philippe Le Brech

Annecy, aussi, qui évolue en Ligue 2, est un club au statut amateur par exemple !
L’équipe seniors est pro en L2 mais la structure est en plein développement. J’ai quitté le club alors qu’il était en National 2 en 2019 : je ne sais pas ce qu’il s’y passe à l’intérieur, je n’ai plus aucun lien. On a contribué à le structurer quand j’y étais. Ils sont montés ensuite et le club a grandi. Ils sont allés chercher leur maintien (sourires).

Le foot évolue aujourd’hui, est beaucoup plus médiatisé… et on en voit forcément les mauvais côtés, notamment en termes de violences. C’est quelque chose qui a toujours existé selon toi ?
Avec ce que je sais, à l’époque, ce n’était pas comme ça. Il n’y avait pas autant de violences. Déjà, moi, sur le terrain, je n’ai jamais pris de carton rouge mais quand il pouvait y avoir une altercation, ça allait jusqu’à se coller les têtes et puis basta ! On n’en parlait pas autant… Quand je vois aujourd’hui des gens qui rentrent sur le terrain pour faire mal à l’autre… Aujourd’hui, dans tous les stades, on entend quelque chose ! Si on parle de « groupes de supporters » qui se donnent rendez-vous sur des aires de repos, en dehors et loin des stades, ça a toujours existé ! Ce n’est pas vraiment ça qui me choque même si c’est de la débilité ! A la limite, eux, qu’ils aillent s’inscrire à l’UFC (Ultimate Fighting Championship), au moins ils se taperont dessus avec du grillage autour… (sourires).

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

On a l’impression que c’est pour un oui ou pour un non…
Ce qui me choque le plus, c’est de voir que des familles viennent tranquillement dans un stade pour voir un match, avec l’ambiance qu’il peut y avoir autour, et puis tu as deux imbéciles qui s’insultent ou se tapent dessus parce que l’autre a un maillot de foot d’un club qu’il n’aime pas. En Angleterre par exemple, je n’ai jamais vu ça. C’est d’une tristesse… mais ce sont les mentalités, l’éducation… les parents aussi ont un rôle. En tout cas les miens ne m’ont jamais inculqué ce genre de valeurs !

En amateur, on le voit aussi !
C’est l’effet de masse qui fait que… Le cerveau est très compliqué et quand on est en groupe… Et ça part de chez les plus jeunes ! Dernièrement, j’étais à un tournoi et quand tu vois les parents, ça m’attriste à un point ! Ils haranguent leur gamin comme pas possible alors qu’il y a un éducateur. Il faut le laisser jouer ! Pourquoi tu l’appelles ? Pourquoi tu l’encourages ? Laisse-le faire ! Quand tu lui as appris à marcher, tu lui disais « va marcher » ? Ben là c’est pareil ! J’ai l’impression que les gamins, on en a fait une source de retraite et on oublie ce qu’est le foot amateur, le plaisir de jouer avec les copains d’en bas. On occulte aussi la valeur première de l’amateur, le plaisir avant tout. C’est ce que tous mes entraineurs m’ont dit, même au niveau pro. Quand les gens auront compris que c’est un jeu…

La conséquence aujourd’hui, c’est de fermer les entraînements au public…
Ils devraient faire comme à l’école ! Dépose ton gamin et tu n’as pas besoin d’assister au cours… Ben c’est pareil au foot, tu n’as pas besoin de venir. Si tu viens pour regarder, y a aucun problème. Moi je m’en fiche que les parents regardent la séance, comment ça fonctionne mais à côté, faut se taire ! A l’époque, nos parents ne venaient pas nous voir à l’entraînement donc je peux comparer : je dirais que la violence est partout aujourd’hui et comparé à mon époque, les médias jouent un rôle dans la diffusion de cette information !

Nassim Akrour du Tac au Tac

Ton appli mobile préférée ?
Linkedin et Whatsapp parce qu’on a forcément plusieurs groupes de discussions…

Plat, boisson ?
De l’eau et un bon filet de bœuf avec frites/légumes.

Dernier film au ciné ?
Oulà, ça doit remonter à avant le Covid mais alors pour m’en souvenir… (rires)

Dernier livre que tu as lu ?
C’est rare que je lise un livre, je suis plus type magazines ou quotidiens sur des sujets en tout genre !

Un sport autre que le foot ?
Le tennis.

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Une ville, un pays ?
Les Etats-Unis.

Le meilleur souvenir de vacances ?
Les Etats-Unis.

Tes hobbies ?
Les séries, films, le tennis, les voyages.

Une couleur ?
Le bleu.

Un chiffre ?
17.

Avec le GF38 en CFA en 2014-15. Photo Philippe Le Brech

La chose que tu détestes le plus chez les autres ?
La jalousie et l’irrespect.

Une idole de jeunesse ?
Marco Van Basten.

Ton plus beau but ?
Pour un Parisien, marquer au Parc des Princes avec Grenoble c’est forcément particulier…

Le but le plus important ?
Il y en a quelques-uns mais je ne pourrais pas en ressortir un comme ça (sourires).

Un but tout fait que tu as raté ?
C’est arrivé mais je ne m’en rappelle pas (rires) !

Un défenseur qui t’a le plus posé de problèmes ?
Gaby Heinze.

Avec Istres en Ligue 2 en 2011-12. Photo Philippe Le Brech

Un match référence ?
Le match au Parc des Princes avec Grenoble.

Ton pire match ?
Il y a dû en avoir (sourires)…

Un coéquipier marquant ?
Benjamin Nivet à Troyes, Laurent Batlles aussi…

Le meilleur joueur avec qui tu as joué ?
Il était très très jeune mais je dirais Mamadou Niang à Troyes. Après y’en a eu plein ! Rafik Saifi, Danijel Ljuboja, Romao, Karim Ziani aussi…

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise…
Y en a eu des fois (rires) mais c’est différent avec les entraîneurs étrangers… j’ai eu Faruk Hadzibegic à Troyes où je n’ai peut-être pas compris toutes ses consignes (sourires). On jouait le maintien, on a repris en L2, c’étaient des phases de jeu plus défensives et des fois, quand il expliquait quelque chose, je ne comprenais pas trop. Peut-être parce que je suis un amoureux du jeu (sourires). Par contre, Faruk, en dehors, c’était quelqu’un d’exceptionnel, que j’appréciais beaucoup.

Une prime de match ?
Aujourd’hui on parle d’argent, avant on s’en foutait (sourires) !

Photo Chambéry SF – Mathilde Landot

Un déplacement qui s’est mal passé ?
On était parti en stage à Clairefontaine avec Troyes à l’époque quand on évoluait en Ligue 1, après la trêve. Et là, grosse tempête de neige alors qu’on était en bus, on est resté coincé sur la route en attendant les déneigeuses, dans le froid… c’était horrible (rires)

Une devise, un dicton ?
« Chaque problème a une solution » ou « les faibles trouvent des excuses, les forts des solutions »

Si tu n’avais pas été footballeur…
Avant de partir en Angleterre, j’entamais des études pour faire de l’aéronautique. J’avais un penchant pour l’électronique donc si je n’avais pas été footballeur…

Pour finir, le milieu du foot c’est un milieu…
Très, très dur mentalement, vicieux à la fois, et pour finir sur la meilleure note le plus beau métier du monde.

Texte : Joël PENET / Twitter : @PenetJoel

Photos : Philippe Le Brech et Chambéry Savoie Football /

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L’attaquant provençal (34 ans), qui s’était fait remarquer à Agde en CFA avant de signer à Nantes, revient sur son début de saison compliqué avec GOAL FC et sur les résultats en dent de scie de son club, encore en course pour le maintien en National. Proche d’un départ en janvier, il s’est accroché, a empilé les buts, au point d’être redevenu incontournable.

Entretien réalisé avant la victoire à Versailles.

Texte : Anthony Boyer – photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales) / photo de couverture : Siane Gonnachon.

Photo Philippe Le Brech

Vous en connaissez beaucoup, vous, des joueurs pros qui restent une heure dans leur voiture à répondre aux questions d’un journaliste ? Surtout que, quand il était à l’OM, Nantes, Bastia, Brest ou Caen, pour ne citer que ces clubs-là, Florian Raspentino devait être soumis aux « règles » en vigueur dans ce milieu où la paranoïa est de mise, où la communication est souvent verrouillée.

Mais le natif de Marignane est ce joueur spontané et naturel, qui parle sans filtre, passé de Nantes et Marseille à Borgo et GOAL FC. Depuis près de deux ans maintenant, Florian est redevenu un joueur « lambda » (ceci dit sans péjoration !) dans le club des monts d’or, entre Lyon et Villefranche. Un club qui détonne vraiment en National où trouver des Carquefou, Luzenac, Pacy, Le Poiré, Plabennec ou Luçon devient de plus en plus rare tant la professionnalisation est passée par là. Tant les budgets ont gonflé. Tant le cahier des charges se rapproche de celui de la Ligue 2.

« Quand je suis arrivé devant le stade Giuly… »

Photo Siane Gonnachon

Et ce qu’il y a de bien avec GOAL FC, justement, c’est que le club a gardé son âme et son esprit amateur, même si, forcément, sur le long terme, cela peut freiner sa progression et nuire à ses ambitions, on le voit bien cette saison où le « gap » avec le National 2 est énorme. GOAL FC, c’est donc ce club où un de ses joueurs majeurs peut accorder une interview en visio au volant de sa voiture ! Et pendant près d’une heure ! Bien sûr, c’est un détail, mais tellement révélateur d’un état d’esprit.

Jeudi 2 mai. Fin de matinée. Dans un peu plus de 24 heures, Florian Raspentino et ses coéquipiers vont recevoir Nîmes au stade Giuly, pour un match ô combien important en vue du maintien (entretien réalisé jeudi 2 mai). « Je dois aller manger avec un collègue, mais en attendant, je me suis garé là, pour vous répondre, je suis bien, pas de souci ! »

Photo Philippe Le Brech

Sur l’écran, on voit Florian au volant de sa voiture, ceinture de sécurité bien attachée. On l’imagine aussi dans cette même voiture, au premier jour de sa venue au stade Giuly, à Chasselay, pour rencontrer ses nouveaux dirigeants, à l’été 2022… Le choc ! « Oh là là, je m’en souviens, ouep, ouep… Je quitte Bastia en bateau, j’arrive à Marseille, je prends la voiture jusqu’à Lyon puis Chasselay et j’arrive devant le stade. Et là, je me dis « Non, ce n’est pas possible ! » Attention ! Je n’oublie pas d’où je viens, mais quand, pendant 11 ans, t’as joué dans des stades de Ligue 1, de Ligue 2 et même de National, et que tu arrives là… Franchement, ça m’a freiné. J’avais envie de faire demi-tour. Bon, j’abuse un peu (rires), mais c’est vrai qu’au début, ça m’a fait bizarre. »

Quand on vous parlait des charmes du monde amateur ! Sûr que les bus de Sochaux, Nancy ou Dijon ont dû trouver l’entrée du stade pour le moins étroite, et le lieu champêtre !

« Je ne connaissais pas GOAL FC »

Photo Philippe Le Brech

Finalement, cette campagne, ces champs, ces petits stades, ces conditions spartiates, loin du confort qu’il a connu dans les centres d’entraînement pros, Florian s’y est fait. Du moins, il s’y est refait, car il le répète souvent, il n’oublie pas d’où il vient : il n’a jamais fréquenté les centres de formation et a connu le milieu amateur, en CFA (national 2), à Marignane et Agde, avant d’effectuer le grand saut à Nantes, en Ligue 2, en 2011 (30 matchs, 7 buts). Mettre les mains dans le cambouis, il sait faire. Travailler aussi : en parallèle du foot, à Marignane, il bossait un peu en intérim. Finalement, « Raspench », comme on l’appelle chez lui, est resté le même.

Sa signature en National 2, en 2022, après la découverte du National à Borgo (2021-22), a quelque peu surpris. Mais l’attaquant ne croulait pas sous les propositions, et même s’il espérait – légitimement – un peu mieux (rester en National par exemple), eu égard à son CV, il a dit « oui » au projet de GOAL FC, quand bien même il a failli faire demi-tour avec sa voiture !

« Tout est parti d’Enzo Reale » rembobine-t-il; « Je le connaissais un peu, on avait joué l’un contre l’autre quand on était en CFA, lui à l’OL et moi à Marignane, et on était resté en contact, mais sans plus. On discutait sur les réseaux. Il a su que j’étais sans club après Borgo, que j’étais dans l’attente. Je lui ai demandé, comme ça, au détour d’une conversation, si son club, GOAL FC, cherchait un joueur dans le secteur offensif. Enzo m’a dit qu’il allait en parler à l’ancien directeur sportif. Et de fil en aiguille, les premières discussions ont commencé. Je ne connaissais pas GOAL FC, mais j’avais suivi leur saison précédente, quand le club était en N2, dans la poule de Marignane et de Martigues. »

13 but pour sa première saison

Photo Philippe Le Brech

Finalement, les discussions aboutissent. Et voilà comment Florian, passé par l’OM, Nantes, Brest, Caen, Bastia, Grenoble, Valenciennes, signe à GOAL et retrouve, 11 ans après, les terrains amateurs de N2. « Quand tu as eu la chance de connaître la Ligue 1, la Ligue 2, le National aussi, c’est sur que de redescendre encore d’un niveau, parce que j’ai galéré pour aller en haut, ce n’était pas évident, surtout que j’étais bien physiquement, à 33 ans (il va fêter ses 35 ans le 6 juin prochain). Quand tu redescends, comme ça, tu tu te demandes comment tu vas faire pour remonter, tu penses que c’est fini. Et après, quand tu as la proposition sous les yeux, tu te poses, tu étudies tout ça; moi, à ce moment-là, je n’avais pas grand-chose. Il fallait attendre mais pas trop non plus et puis il y a eu cette discussion incroyable au téléphone avec Fabien Pujo, le coach; il m’a vraiment convaincu. J’ai senti qu’il y avait vraiment un intérêt de sa part et de celle du club. Du coup, ça a fait pencher la balance. Et je ne le regrette pas, ça a marché ! »

Il le regrette d’autant moins que, dès sa première saison, Florian participe à l’accession en National, décrochée à a dernière journée face au Stade Bordelais, juste après un succès 3-1 chez le leader, Les Herbiers, à une journée de la fin !
Un an après avoir quitté Borgo et l’antichambre de la Ligue 2, le voilà donc de retour ! « On fait une super-saison l’an passé en N2, je mets 13 buts, je suis décisif, on monte, c’est incroyable pour le club et pour moi ».

« J’ai été mis un peu à la cave »

Photo Philippe Le Brech

La suite est plus compliquée. La saison actuelle de GOAL FC en National est un peu à l’image de celle de Florian, faite de hauts et de bas. « En ouverture, on va à Orléans, on fait un gros match, mais on perd sur une boulette défensive. Et puis le coach change tout et là, on commence à gagner. Quand l’équipe devient performante, je ne suis pas dans ce wagon-là. Donc voilà, je fais des rentrées par-ci par là, je rejoue un ou deux matchs, et puis, il y a ce tournant, avec l’histoire du penalty à Avranches (J8, le 29 septembre) : on mène 1 à 0, je rentre en jeu, j’ai ce peno pour le 2 à 0, et je le rate… Je tente une panenka mais elle est arrêtée par Anthony Beuve, et à l’arrivée, on fait 1-1 et en plus, c’est Beuve, leur gardien, qui égalise de la tête à la fin… Et derrière, c’est devenu compliqué pour moi. Je sais qu’on m’en a voulu. J’ai été mis un peu à la cave. Je n’ai plus trop joué, je suis allé en réserve en R1. J’ai joué le jeu. Je pense que j’ai eu le bon état d’esprit. En janvier, il a même été question de mon départ. J’ai eu quelques appels de clubs de National 2, mais franchement, ça ne m’intéressait pas. Là, j’ai dit au coach et à ma direction que j’allais rester au club, que j’allais me battre, que le foot ça allait vite. Je suis revenu dans le groupe en février, et comme par hasard, contre Avranches, au match retour, début mars, le coach me met titulaire et je mets un doublé… Comme quoi… Et depuis, j’enchaîne les buts à domicile. »

L’épisode Marignane

Au Red Star, avec GOAL FC. Photo Philippe Le Brech

Et puis, il y a eu aussi l’épisode de Marignane, au match (J14, 1-1, le 24 novembre). Florent se fait une joie de revenir dans sa ville, de rejouer au stade Saint-Exupéry, devant ses amis et sa famille : « A Vitrolles, juste à côté de Marignane, j’ai toute ma famille, mon épouse a la sienne à Marignane, à chaque fois que je descends, je revois tout le monde ! »

Les coups de fil pleuvent. c’est la course aux places. Il lui en faut une vingtaine. Son neveu, licencié au MGCB, est même prévu pour lui donner la main à l’entrée des joueurs sur la pelouse ! Et puis… « Je ne suis pas dans le groupe. J’avais prévu de rester là-bas le week-end; ça m’a fait mal. Mais je suis quand même allé au match, aux vestiaires, j’ai joué mon rôle de coéquipier, j’ai fait la part des choses, mes coéquipiers n’y étaient pour rien. Mais cet épisode aussi a été compliqué. Il y avait un match avec la réserve le dimanche mais finalement, grâce au club, j’ai pu rester dans le Sud le week-end. C’est le foot. C’est comme ça. Attaquant, ça va vite, peut-être même encore plus vite que pour n’importe quel autre poste. C’est une question de confiance, dans mes gestes, dans mes passes, je le sens, et même mes collègues autour de moi le ressentent, et ont aussi retrouvé de la confiance ».

Depuis mars, il enfile les buts

Photo just.une.comm

Il n’y a aucune amertume dans les propos de l’attaquant, qui dresse juste un constat, analyse une situation qui, à un moment donné, lui était défavorable. Son retour en forme, son retour en grâce même, a contribué au maintien en vie de son équipe qui, à deux journées de la fin, lutte toujours pour son maintien. Car depuis quelques semaines, « Raspench » enfile les buts, notamment à la maison. Au total, il en a inscrits 9 en 13 titularisations. Un excellent ratio.

S’il sera difficile d’aller chercher la 12e place (5 points de retard), en revanche, la 13e, convoitée par tous les relégables car susceptible de permettre un repêchage, est dans la ligne de mire (un point de retard). Mais pour cela, il faudra sans doute faire le plein de points. D’autant que la concurrence est rude avec Villefranche, Marignane, Epinal et Avranches, qui se tiennent en 2 points, et qui ont tous en tête le même objectif.

« Décrocher le maintien, ce serait incroyable »

Sous le maillot de Borgo. Photo Philippe Le Brech

« La saison est éprouvante, analyse Florian; à chaque fois, on est « borderline », il manque ce succès à l’extérieur qui permettrait d’être au-dessus de la ligne de flottaison. Il ne manque pas grand chose. Mais en déplacement, on a eu du mal ces derniers temps, heureusement qu’on a eu des résultats à domicile, sinon on serait déjà mort. Expliquer comment on en est arrivé là, c’est difficile : ce n’est pas une excuse, mais cette saison, on a beaucoup de blessés, des joueurs majeurs, comme Loic (Dufau), Enzo (Reale), Malick (Assef). Et on a perdu des points bêtement, comme contre Cholet le mois dernier chez nous, on mène 1-0, 2-1, et on perd 4-3, sans compter tous les autres points perdus à droite et à gauche, là où on aurait dû prendre même un point, par-ci, par-là. Pourtant, à l’extérieur, on a une deuxième mi-temps référence à Nancy : on perdait 2 à 0 à la pause, le coach fait quatre changements et on revient à 2-2, on peut même gagner à la fin, mais à Dijon, la semaine dernière (3-0, le 26 avril), on est complètement passé à côté… Ce n’est pas évident. A Sochaux, on mène 2 à 0, on a le penalty pour le 3 à 0, je le laisse… On le rate… On m’en a voulu pour ça aussi… On aurait peut-être 2 points de plus là encore… Maintenant, j’espère encore décrocher le maintien, ça serait incroyable ! »

Florian Raspentino, du tac au tac

Sous le maillot de Bastia. Photo Philippe Le Brech

Tes débuts au foot ?
J’ai commencé en poussins au FC Repos Vitrolles, un petit club de Vitrolles, où j’ai grandi, puis j’ai passé 2 ans à Septèmes-les-Vallons, à Marseille, là où Zizou (Zidane) a joué, et ensuite à Gignac, en benjamins, moins de 13 ans, moins de 15 ans et moins de 18 ans… Et pour ma première saison en seniors, je suis allé à Marignane où j’ai effectué mes débuts en CFA avec Christian Dalger, qui est malheureusement décédé, puis avec Léon Galli. J’ai aussi passé un an à l’ES Vitrolles, en moins de 15 ans. Et après Marignane, j’ai joué à Agde en CFA (15 buts en 33 matchs).

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur et pourquoi attaquant ?
Depuis tout petit, je n’ai toujours fait que ça, jouer au foot, même si j’avais commencé par faire du judo comme beaucoup d’enfants. Apparemment, je n’étais pas trop turbulent d’après ma mère, moins en tout cas que mon fils, qui a 6 ans, et qui lui fait du judo par exemple. Après, le foot, c’était un rêve d’en faire un métier, mais je savais qu’il y avait un monde entre rêver et réaliser son rêve. J’ai persisté. Je me souviens, quand j’arrivais à 16, 17 ou 18 ans, ma mère me demandait, « Mais tu vas faire quoi ? », parce qu’à cet âge-là, je n’ai fréquenté aucun centre de formation. Mais je n’avais que le foot en tête. Et si je joue attaquant, c’est parce que j’ai toujours aimé être décisif, marquer des buts, même si je jouais plutôt sur le côté quand j’étais jeune, à droite ou à gauche, mais toujours dans un rôle offensif. En 15 ans, je me souviens que mon entraîneur m’avait testé en milieu de terrain, numéro 6, numéro 8, mais non…

Sous le maillot de Bastia, après la montée en L2. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
J’en ai plusieurs… Ma signature à l’OM.

Pire souvenir sportif ?
Je n’ai pas eu de grosses blessures mais, quand j’étais à Bastia, lors de mon premier passage, j’ai eu un accident de voiture. C’est arrivé à un moment où je jouais, avec Ghislain Printant comme entraîneur, et ça m’a coupé dans mon élan, et d’ailleurs, cet accident a eu des répercussions ensuite parce qu’il a engendré d’autres blessures. J’ai eu des séquelles. Je me suis ensuite blessé au droit fémoral (muscle de la cuisse). Et après ça, ma saison s’est mal terminée, et la saison d’après, je n’ai plus joué.

Combien de buts marqués depuis que tu joues en seniors ?
Franchement, je ne sais pas, je ne saurais pas dire le chiffre exact. Je sais juste à peu près combien j’en ai marqué, club par club, depuis mes débuts en CFA à Marignane et Agde. Mais non, je ne les compte pas.

Plus beau but ?
J’en ai deux en tête, le premier avec Nantes en championnat contre Guingamp à domicile, je suis côté gauche, je rentre sur mon pied droit et je place une frappe qui va en lucarne ! Et avec Brest, en Ligue 1, à Montpellier, corner pour Montpellier, on dégage de la tête et je traverse tout le terrain avec le ballon, je frappe, et je marque !

Vidéo : quelques-uns des plus beaux buts de Florian sous le maillot de Nantes :

Ton plus beau loupé ?
(Embêté) Sur penalty, quand j’ai tenté une panenka contre Avranches, cette saison, le gardien (Anthony Beuve) était resté au milieu, donc pour moi, c’est mon pire loupé… En plus de cela, on menait 1 à 0 et Avranches a égalisé à la fin sur un but de Beuve… Double sanction. Et c’est ce qui m’a coûté un peu mon début de saison que j’ai eu avec GOAL FC…

Sous le maillot de Bastia. Photo Philippe Le Brech

Ton but le plus important ?
Dans le derby, avec Bastia, contre Ajaccio, qui est quasiment en Ligue 2, on est mené 1 à 0, j’égalise puis on gagne, et Ajaccio descend mathématiquement en Ligue 2…

Combien de cartons rouges ?
Je n’en ai pris qu’un seul, avec Valenciennes, à Clermont, d’ailleurs, ça m’a fait bizarre, c’était sur un retour défensif, je presse le joueur, je fais un tacle, le joueur crie, je prends rouge direct, le joueur n’avait pas grand-chose, il continue de jouer, et quand j’ai regagné les vestiaires, la sention fut incroyable, tu es tout seul, et tes coéquipiers sont encore en train de jouer… Mais on a gagné ce match quand même.

Une anecdote ?
Oui, alors, quand j’ai pris ce carton rouge avec Valenciennes, je suis monté à Paris avec quelqu’un du club pour passer devant la commission de discipline. Je ne connaissais pas tout ça, moi. C’était la première fois. Je rentre dans une salle, il y a un grand écran, il y a plein de personnes, on dirait des juges, et ils te montrent l’action sur laquelle je me suis fait expulser, ils me demandent « pourquoi tu as fait ci, pourquoi tu as fait ça? », et moi, je suis là, j’explique l’action, « Voilà, je fais un retour défensif, le coach me l’avait demandé, il n’y avait aucune intention de faire mal… » et là, un membre de la commission me dit : « C’est vrai que c’est étonnant Monsieur Raspentino, parce que c’est votre premier carton rouge de votre carrière, alors que vous avez quand même joué à Bastia, en Corse… » J’avais pris 1 + 1, donc le match automatique et il ne fallait pas que je reprenne de carton jaune trop vite, et le plus incroyable, c’est que je suis suspendu donc à Nancy, et le match d’après, je reviens, on joue contre Brest, mon ancien club, je marque, je célèbre, et je mets juste le maillot sur la tête, mais je n’enlève pas le maillot, et je ne savais pas qu’on n’avait pas non plus le droit de faire ça ! Et je prends jaune (rires) ! Et je suis suspendu à nouveau le match d’après ! C’est incroyable.

Sous le maillot de Bastia. Photo Philippe Le Brech

Ton geste technique préféré ?
Je suis plus focalisé sur la technique pure, les bons contrôles, les bonnes passes. Mon geste, c’est une situation de but, une frappe enroulée par exemple, pour marquer.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Mes qualités, mon sens du but, mon déplacement, ma technique pure, contrôle, passe. Et à l’époque, c’était ma vitesse, mais avec l’âge, j’ai perdu ça bien sûr. Les défauts, mon pied gauche, mais parfois, je dis, « Il vaut mieux avoir un bon pied que deux pieds moyens ». Plus jeune, je n’étais pas top de la tête mais j’ai beaucoup progressé dans ce domaine-là. Et peut-être un peu dans les duels.

Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis quelqu’un de tranquille, peut-être trop tranquille parfois. J’ai ma petit routine à la maison. Je suis posé. C’est plutôt mon épouse qui est « après » les enfants, pas moi, donc les enfants en profitent un peu avec moi (rires). Je suis simple, généreux. Mais c’est dur de parler de soi ! Je suis Gémeaux, alors mon épouse me dit que, parfois je suis bien, ça va, un coup je ne suis pas bien, ça ne va pas. Je suis un peu râleur.

Sous le maillot de Bastia. Photo Philippe Le Brech

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Il n’y en a pas qu’une ! J’ai beaucoup bougé ! J’ai dû faire au moins 10 ou 11 clubs différents (15 clubs différents en seniors, dont trois fois Bastia, Ndlr). Ma première saison en pro, à Nantes, en Ligue 2, je n’étais pas programmé pour jouer, et ça s’est passé autrement pour moi, et j’ai tout fait pour y arriver, j’ai fait 30 matchs cette saison-là, ce fut vraiment incroyable. Cette saison m’a permis de commencer à me faire connaître, entre guillemets, et de pouvoir signer à l’OM. Ensuite, il y a ma première saison à Bastia, en Ligue 1, j’étais prêté par l’OM, avec Hantz comme entraîneur. Il y avait Squillaci, Modesto, Landreau, une saison incroyable ! Et aussi ma saison à Valenciennes en Ligue 2, je mets 11 buts, on s’était maintenu alors que l’on était pas très bien classé. Je n’oublie pas non plus la saison dernière avec GOAL en N2 avec la montée en National au bout.

Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
Je sais qu’on m’a souvent parlé de l’OM, on m’a souvent demandé si je regrettais mon passage là-bas, mais pas du tout. Mon regret, c’est quand je quitte l’OM, je signe à Caen en Ligue 1, je fais les premiers premiers mois puis je joue moins, je m’accroche un peu avec l’entraîneur (Patrice Garande), et en janvier, je pars en prêt à Dijon en Ligue 2, grâce à Sébastien Perez, le directeur sportif, qui m’avait déjà fait venir à Nantes. Dijon jouait la montée, mais on ne monte pas, et Caen, qui était relégable quand je suis parti en prêt, se maintient. Et je suis revenu à Caen, de retour de prêt, où les dirigeants n’avaient pas trop apprécié que je parte… Donc là… J’aurais pu rester à Caen, qui est un super club.

Avec Borgo, en 2021-22, en National. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu as failli signer ?
Quand j’étais à Nantes, en 2011-2012, j’avais eu des contacts avec Eric Roy, qui était à l’époque à Nice : il était venu me rencontrer à Nantes, je me souviens qu’il m’avait présenté les plans du nouveau stade. Bien sûr, j’étais tout content. Mais l’OM s’est présenté…

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Evidemment, depuis tout petit, je suis supporter de l’OM depuis tout petit, à l’image de Lolo (Dufau, son coéquipier à GOAL), j’ai été abonné, donc le Vélodrome, on a envie d’y jouer, et j’ai réalisé ce rêve. Mais dans mes rêves les plus fous, c’est le Real Madrid ! Mais bon, là… C’est juste un rêve !

Avec Bastia. Photo Philippe Le Brech

Un stade et un club mythique ?
Je sais, on va dire que j’abuse, mais pour moi, c’est Marseille, c’est le Vélodrome.

Un public qui t’a marqué ?
Bastia, c’est un public incroyable. Il y a une ferveur de fou. Saint-Etienne, où j’ai joué avec Caen, Bastia, ou ça résonne, et aussi Lens. On le voit encore aujourd’hui. Il y a Fenerbahçe, à l’étranger, où j’étais allé avec l’OM, c’était impressionnant.

Un coéquipier qui t’a impressionné ?
Gignac. Sa façon de jouer, de marquer, son adresse devant le but. Valbuena aussi. Les deux étaient incroyables à l’OM, quand je suis arrivé. J’ai aussi connu N’Golo Kanté à Caen : il n’était pas encore le N’Golo Kanté de Chelsea, mais on voyait ses qualités.

Avec Bastia, pour la montée en Ligue 2. Photo Philippe Le Brech

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
A Bastia, avec Ryan Boudebouz et Wahbi Khazri, ils pouvaient me servir à tout moment, c’était des passeurs incroyables, et à Valenciennes, en Ligue 2, Tony Mauricio, un super joueur, avec un super pied gauche, il a malheureusement arrêté sa carrière il n’y a pas longtemps, c’est dommage. Il régalait.

L’équipe qui t’a le plus impressionné ?
(Rires) Alors ça me « ch » de le dire… Parce que c’est le PSG, en plus, c’était l’époque d’Ibra… J’étais sur le banc avec l’OM, avec Brest j’ai joué, c’était le dernier match de Beckham au Parc, on sentait qu’on ne pouvait rien faire, on ne faisait que défendre… On prenait la foudre. Il y avait des sacrés joueurs.

Ton match référence ?
A Nantes, contre Monaco, je mets un doublé, et aussi avec Valenciennes, contre le Red Star, je fais doublé et je mets une passe décisive.

Sous le maillot de Borgo. Photo Philippe Le Brech

Ton pire match ?
Y’en a, y’en a ! Pfffou… Lequel ? Je ne saurais pas dire.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
La plupart des coéquipiers avec lesquels j’ai joué, je sais où ils sont, et pour certains, j’ai des nouvelles d’eux, mais il n’y en a pas un en particulier.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Landry Chauvin, qui m’a lancé en pro à Nantes. Je l’avais revu après Nantes, mais ça fait un petit moment déjà.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
(Rires) Je m’entends généralement bien avec tout le monde, même si certains m’ont fait moins jouer que d’autres… C’est vrai qu’avec Garande, à Caen, ça avait bien commencé puis ça a mal fini, mais si je le rencontre demain, j’irai le saluer, c’est juste que cela ne s’est pas très bien passé cette saison-là, c’est tout.

Sous le maillot de Borgo. Photo Philippe Le Brech

Un président ou un dirigeant marquant ?
Waldemar Kita. Par rapport à son charisme, au personnage.

Un président qui ne t’a pas marqué ?
Le président de Valenciennes, Eddy Zdziech, il n’y est plus. Il était très sympa, mais il ne m’a pas marqué plus que ça.

Une causerie de coach marquante ?
J’ai eu des coachs qui étaient vraiment pas mal en causerie, comme Frédéric Hantz. Fabien Pujo aussi, il est incroyable en causerie.

Même quand il laisse la causerie à ses joueurs ?
(Rires) Franchement, une causerie de Fabien Pujo qui m’a marqué, c’est l’an passé, avant le match des Herbiers, décisif pour la montée en National, c’était incroyable, il a donné un rôle à chaque joueur, je n’avais jamais vu ça. Cette causerie, elle est devant les autres.

Photo Sport Action 69

Que t’a-t-il manqué pour être un top joueur de Ligue 1 ?
Beaucoup de choses, de la régularité, d’être bon à tous les matchs, d’être décisif.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Gignac je pense.

Des rituels, des tocs, des manies ?
(Rires). Oui ! En plus, nous, les attaquants, quand ça marche bien, on essaie de refaire les mêmes choses, de se raccrocher aux même trucs… Je mets toujours le même caleçon pour les matchs. En ce moment, on a un petit rituel avec Loïc (Dufau), ça fonctionne malheureusement pour lui depuis qu’il est blessé, je vais le chercher le jour du match, on va au stade ensemble… Et aussi, je ne sors jamais sur la pelouse avant le match. Je sais que les joueurs sortent beaucoup, font la reconnaissance, etc., mais pas moi. Au début, je sortais un peu, mais maintenant, je préfère aller directement au vestiaire et y rester, j’ai mes petits rituels, je me prépare, je m’échauffe, je vois le kiné. Parfois, j’ai des collègues qui m’envoient un message et qui me disent « Où tu es ? Tu ne sors pas ? », comme récemment à Dijon, ou contre Marignane à domicile, dans ce cas, je leur réponds, « Non, non, on se voit après le match. »

Un surnom ?
J’en ai plusieurs ! On m’appelle « Raspench » (prononcez « Raspentche »), à Vitrolles, c’est d’ailleurs mon nom sur mon profil Instagram, et y’a eu « Patatino » quand Lous Nicollin m’a appelé comme ça.

Tu es un attaquant plutôt ?
Malin.

Un attaquant de légende ?
Quand j’étais plus jeune, c’était El Nino, Ferdando Torres, quand il était à Liverpool.

Ton idole de jeunesse ?
Zizou, même si ce n’était pas le même poste que le mien. Ronaldo aussi, le « vrai » (le Brésilien).

Ta plus grande fierté ?
Au foot, c’est d’avoir réussi à signer pro, surtout par rapport à mon parcours. Et bien sûr mon épouse Amélia et mes enfants, Mila (10 ans) et Eden (6 ans). Je suis avec mon épouse depuis 18 ans, C’était bien avant que je ne sois pro. Elle m’a toujours suivi, dans tous les clubs où je suis allé. Cela n’a pas été facile pour elle.

Photo maxifooto

Une appli mobile ?
Snapchat et WhatsApp. WhatsApp peut-être, on y est tout le temps avec le groupe de GOAL.

Une ville, un pays ?
La France. Marseille. Désolé, je reste bloqué là-dessus (rires) !

Meilleur souvenir de vacances ?
Mon premier voyage que j’ai fait, à Miami, avec mon épouse. C’était en 2012, après ma première saison en pro à Nantes. Mon coéquipier Vincent Bessat était avec nous. On n’était pas encore parents.

Une couleur ?
Le bleu. J’aime bien le rouge aussi.

Un chiffre ?
6. Je suis né le 6 juin.

Un don de la nature que tu aimerais bien avoir ?
Etre immortel.

Un animal ?
On a un petit chien, depuis 14 ans, et puis, je n’aimais pas les chats, j’étais un peu craintif, et mon épouse a ramené un bébé chat à la maison, et c’est incroyable, je kiffe le chat !

Sous le maillot de Bastia. Photo Philippe Le Brech

Un plat ? Une boisson ?
J’aime bien les lasagnes. De l’eau aussi, même si, de temps en temps, un petit Coca, ça ne fait pas de mal !

Un dessert ?
Le tiramisu, celui de Lolo (Dufau)… quand il le réussit ! Son tiramisu est très très bon !

Loisirs ?
Quand j’étais plus jeune, dès que je ne jouais pas au foot, je jouais au tennis, et maintenant, c’est le padel. Je suis à fond ! J’ai une licence, je fais des tournois. Pendant la saison, on joue moins, surtout quand arrive la fin de saison comme ça, où je veux garder de l’énergie.

Un film culte ?
Les collègues. J’ai dû le voir une quinzaine de fois !

Musique ?
J’écoute un peu de tout, notamment du rap.

Le milieu du foot, en trois mots ?
Passion, Plaisir et … vice … Parfois, il faut être un peu malin, vicieux, surtout en pro, parce qu’en amateur, c’est différent, c’est plus familial.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas… C’est pour ça, quand je vous disais que ma mère me disait toujours, « mais tu vas faire quoi ? »… Je travaillais un peu en intérim quand j’étais à Marignane en CFA (N2), pour gagner deux-trois sous. Et c’est vrai que, parfois, avec mon épouse, on parle de ça, je lui dis « Mais tu te rends compte, si je n’avais pas eu le foot, j’aurais fait quoi ? ». Après, on ne sait pas… Mais comme j’étais à fond dans le foot, je ne me posais pas la question. Bon, je pense que j’aurais trouvé quelque chose.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

Photo de couverture : Siane Gonnachon

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Lire aussi : Fabien Pujo « Quand je quitte un club, après je deviens socios! »

https://13heuresfoot.fr/actualites/fabien-pujo-quand-je-quitte-un-club-apres-je-deviens-socios/

Lire aussi / GOAL FC, un village d’irréductibles en.National :

https://13heuresfoot.fr/actualites/goal-fc-un-village-dirreductibles-en-national/

Longtemps cantonné à un rôle de doublure dans ses différents clubs, le gardien formé à Monaco a eu du mal à assumer le statut de grand espoir après avoir éclos très jeune. Il est enfin devenu, à 32 ans, un taulier de l’AS Nancy Lorraine. Le parcours d’un homme qui a pris son mal en patience, et qui n’a jamais lâché.

Par Emile Pawlik / Photos : Philippe Le Brech

Martin Sourzac est un garçon simple et disponible. Il n’a pas hésité à nous accorder un entretien de près de 2 heures pour évoquer sa carrière sous le soleil de la place Stanislas, à Nancy. L’occasion de revenir, sans langue de bois, sur un parcours fait de hauts de bas, jalonné d’anecdotes.

Une enfance au gré des déménagements

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Né le 25 mars 1992 à Vendôme (Loir-et-Cher), le jeune Martin vit au gré des mutations professionnelles de son père et sillonne la France. Il découvre le foot tardivement à Dijon, à l’âge de 8 ans, avant de déménager à Rouen, juste en face du stade Robert-Diochon. Comme un symbole : « J’ai commencé joueur de champ, mais j’étais « cata » (rires). Au challenge Pierre-Vas (tournoi benjamins réputé à Rouen), mon entraîneur m’a mis dans les buts et j’y suis resté. »

Après le petit club de Mesnil-Esnard, en banlieue de Rouen, il intègre l’US Quevilly : « J’avais aussi une proposition du FC Rouen mais sur le coup je sentais plus de feeling avec l’USQ. Leur projet sportif me convenait bien et le courant est bien passé avec le président Michel Mallet ». Le partenariat entre Quevilly et Le Havre permet à Martin de participer à des détections pour intégrer le centre de formation du HAC, mais la concurrence est rude : « Les deux joueurs de ma génération à l’avoir intégré sont Edouard Mendy et Brice Samba ! ». Excusez du peu !

Un formidable coup du destin

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Martin est repéré par Troyes après de bonnes performances en Gambardella. « Mais les dirigeants du centre de formation de l’Estac ne ressentent pas une confiance de la part de mes parents, qui ne connaissaient pas du tout ce milieu et qui étaient inquiets que je laisse tomber les études. Au final, leur refus m’a permis sur le finish d’intégrer un centre de formation encore plus prestigieux. »

Il déménage de nouveau, à Sens (Yonne) cette fois-ci. Il rejoint le FC Sens où l’entraîneur des U15 DH, faute de place, l’invite à aller faire un essai dans l’équipe 2 des moins de 18 ans. Le jeune portier donne satisfaction et se voit surclassé avec des coéquipiers plus vieux que lui. Grâce à de bonnes performances en Gambardella notamment, il est recruté par l’AS Monaco sur un formidable coup du destin. Yannick Renou, le recruteur qui l’avait repéré à l’ESTAC, intègre le club de la Principauté et rappelle Martin pour intégrer le centre de formation monégasque : « Yannick ne m’a pas oublié ! C’est une personne importante dans ma carrière. »

Mais il arrive un an après les joueurs de sa génération, ce qui complique son intégration : « Les premières semaines, je veux repartir parce que c’est la première fois que je quitte la maison. Mes parents me disent de rester et au fur et à mesure, ça va mieux, je joue de plus en plus et je signe un contrat aspirant à l’ASM. »

La victoire en Gambardella avec Monaco (2011)

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Avec la Gambardella, la belle histoire du portier continue en 2011 avec l’AS Monaco. « Ça a été un moment exceptionnel et une joie indescriptible. On était au stade de France avant la finale Lille-PSG et ça commençait à se remplir au moment des tirs au but. »

L’équipe composée, entre autres, de Layvin Kurzawa, Jessy Pi ou encore Dennis Appiah l’emporte après la terrible séance de tirs au but face aux Stéphanois. Un accélérateur de carrière qui n’a pas forcément été salutaire. « On a été lancé rapidement, mais on n’était pas tous prêts. En tout cas, moi, je ne l’étais pas. »

Son éclosion supersonique a en effet été ralentie par une intégration difficile dans le monde professionnel.
Il vit la descente de l’ASM en Ligue 2 en 2012, puis la remontée avec Danijel Subasic dans le rôle du gardien titulaire lors de la deuxième saison dans l’antichambre de la Ligue 1, en 2014.

Entre 2011 et 2013, il joue 18 matchs, principalement dans les coupes nationales. « Lorsque je joue, j’alterne le bon et le mauvais. Je n’étais pas prêt psychologiquement. Je n’étais pas du tout équilibré dans ma vie privée et je ne supportais pas la pression. » Le club du Rocher décide alors de l’envoyer en prêt afin de bénéficier de plus de temps de jeu.

Une première saison pleine à Bruxelles (2013-14)

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Prêté un an au RWDM Bruxelles (D2 belge) lors de la saison 2013-2014, il découvre le rôle de gardien titulaire et réalise une saison pleine (33 matchs disputés). Une saison étrange en raison de la situation financière et administrative du club. « Mon prêt devait entrer dans un processus de rachat du club par Monaco, mais voyant les dettes, Monaco s’est tourné vers le Cercle Bruges. En plus, avec les soucis financiers, les joueurs ne sont plus payés. Moi, j’avais la chance d’être payé par Monaco et on est relégué en fin de saison. »

L’occasion aussi de découvrir Bruxelles, « une ville où j’aimerais bien revivre un jour avec mon épouse ». Le plein de confiance, il rentre à Monaco avec la conviction qu’il peut assumer un rôle de titulaire. Mais lors de son retour au pied du Rocher, il n’en sera rien. Le club fait venir Paul Nardi de Nancy : Martin Sourzac comprend que sa chance est passée.

À Niort, en février dernier. Photo Philippe Le Brech

« C’est légitime parce que je n’ai pas été assez régulier malgré mon jeune âge. Le football n’attend pas et Monaco n’a pas le temps non plus. » Poussé vers la sortie, il part en essai de trois semaines au Club Bruges. Cette opportunité ne se concrétise pas, faute d’accord entre les Monégasques qui demandaient une indemnité et les Belges qui voulaient recruter le joueur libre.

A son retour, il n’est pas dans les plans du club et joue en réserve. « J’avais un très beau contrat et des opportunités ailleurs. Mais à Monaco, tu perds un peu la notion du salaire. Partir me demandait un énorme sacrifice que je ne voulais pas faire à l’époque. »

Au cours de cette saison, il se fracture un os du pied et ne joue pas de la saison. Pour sa dernière année de contrat, en 2015-2016, il joue avec Monaco en réserve (N2) et alterne les postes de 3e et 4e gardien de l’équipe première.

L’imbroglio de son arrivée avortée à Quevilly Rouen

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

En 2016, quand son aventure monégasque prend fin, il signe à Nîmes, qui évolue en Ligue 2. Gauthier Gallon, le gardien, se blesse et Yann Marillat, « un excellent gardien », est lancé. Martin occupe une fois de plus un rôle de doublure.

À la fin de la saison, il a l’opportunité de revenir sur ses terres normandes, mais le destin en aura voulu autrement. À l’été 2017, grâce aux contacts de son agent, il a la possibilité de signer à Quevilly Rouen Métropole, qui vient de monter en Ligue 2. Mais l’affaire ne s’est jamais faite. Il n’était jamais revenu sur cet épisode, et a souhaité expliquer la situation, 7 ans après . « Je faisais un gros effort financier, mais je me dis qu’il faut que je joue. En plus, j’ai la chance de revenir dans mon ancien club (l’US Quevilly est devenu QRM en 2015), avec le même président que lorsque j’étais jeune, dans la ville où j’ai tous mes amis. »

Lorsqu’il reçoit le contrat, les montants ne sont pas bons; il décide de se rendre sur place pour tout vérifier et le signer. « Je passe ma visite médicale, tout se passe bien. Mais personne ne m’appelle pour signer. » Emmanuel Da Costa, l’entraîneur de l’époque, lui assure qu’il jouera numéro 1 devant Dan Delaunay, le gardien qui a connu la montée lors de la saison précédente.

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Et puis, c’est le tournant dans cette affaire : Martin apprend par un ami journaliste à Paris Normandie que le club va faire venir Joan Hartock en provenance de Brest. Et si Hartock vient, ce ne sera pas pour goûter le cidre normand !

Martin sent l’entourloupe. Dans le même temps, Nîmes le rappelle pour lui proposer un contrat. « Je vais chez un ami dans l’arrière-pays normand pour réfléchir. Après une bonne soirée, le lendemain, je comprends que Nîmes me veut. Je prends mes affaires en ne le disant à personne, sur les conseils de mon agent et à la demande du Nîmes olympique, afin de ne pas divulguer l’information. »

Martin, classe, règle son hôtel à Rouen, prépayé par QRM. « Je file à Nîmes et le lendemain on me voit avec l’écharpe de Nîmes où je signe mon contrat. » Son agent a géré la situation et lui « laisse couler ».

Entre temps, le club rouennais avait communiqué sur l’arrivée de Sourzac et Hartock… Quelques jours plus tard, il signe un nouveau contrat à Nîmes. Une situation ubuesque comme seul le football peut en produire. « Aujourd’hui, je ferais autrement. Avec les réseaux sociaux, je me serais justifié car mes parents m’ont appris à être respectueux. J’aurais peut-être aussi plus assumé en allant voir le président pour lui annoncer que je partais, mais j’avais trop peur que le deal capote avec Nîmes. »

À Nîmes (2017-19), « Je prends une grosse claque »

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

De retour dans le Gard, il est lancé en Ligue 2 après la blessure aux ligaments croisés de Yann Marillat, sans grande conviction du côté du staff. « Je sens qu’il n’y a pas une grande confiance et ils recrutent Baptiste Valette au cas où il y ait un souci. Avant la blessure de Yann, le club décide de recruter un autre gardien (Baptiste Valette) pour compléter l’effectif. La hiérarchie est claire : Yann numéro 1, moi numéro 2 et Baptiste numéro 3. « Je suis lancé suite à la blessure malheureuse de Yann et les trois premiers matchs se passent bien. Je suis performant. On gagne. Mais après un lourd revers face à Niort à la maison (1-5, le 22 septembre 2017), où je fais un match correct, mais je ne suis pas décisif, je suis convoqué dans le bureau de l’entraîneur Bernard Blaquart qui m’annonce qu’il veut lancer Baptiste (Valette). Parce qu’il a un profil différent du mien et qu’il souhaite un gardien plus relanceur, qui prend plus de risque, dans son jeu. Je prends une grosse claque. »

« Après cet épisode, je me pose beaucoup de questions. Je me dis que ça se répète, même si je trouve cela injuste et immérité de sortir sur un match. Je donne sûrement l’impression aux différents staffs que je n’ai pas les épaules assez large pour être numéro 1. Et à partir de ce moment j’essaie de changer les choses. »

Après la montée en Ligue 1 de Nîmes en 2018, les « Crocos » recrutent Paul Bernardoni et de doublure, il passe numéro 3 avec encore une année de contrat à honorer. Il cherche une porte de sortie mais n’en trouve pas. Il fait des « super matchs » toute l’année avec l’équipe réserve en N2, ce qui lui permet de se maintenir en forme.

Son arrivée à Nancy : le déclic (2019-21)

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Après Nîmes, Martin Sourzac rencontre le club parfait, même si l’histoire n’est pas forcément idyllique au début. Il est transféré à l’ASNL, sur les conseils de Vincent Muratori (joueur à Nancy de 2012 à 2020), qu’il a connu à Monaco. « J’ai toujours eu envie de venir jouer à Nancy, ça avait l’air génial. »

La nomination de Jean-Louis Garcia à la tête du club au chardon joue enfin en faveur du gardien. Le technicien, qui a des accointances avec les agents du portier, le voulait déjà à Troyes. Après la signature de Baptiste Valette en numéro 1, l’entraîneur nancéien pousse pour que Martin Sourzac soit la doublure. « Je lui serai éternellement reconnaissant pour ça. » D’autant que Valette et Sourzac se connaissent bien puisqu’ils ont déjà travaillé ensemble pendant deux ans à Nîmes.

Durant la saison, il bosse et se cantonne à son rôle de doublure, qu’il assume. « Je commence à me faire à l’idée que je vais être doublure toute ma carrière. Je me dis que j’ai déjà de la chance de pouvoir vivre ma passion. »

La saison 2018-2019 passe avec seulement trois petits matchs au compteur. La saison suivante, les résultats des Lorrains ne sont pas bons. Garcia décide de le lancer à la 22e journée contre le Paris FC (1-1) : « Je me dis que c’est mon moment, qu’il temps pour moi de jouer car j’en suis capable, je l’ai prouvé dans un contexte de match de maintien extrêmement difficile, et que enfin mon heure arrive. Je suis prêt. »  Son travail avec un préparateur mental lui permet aussi de se rendre compte qu’il a vraiment le niveau pour être, enfin, numéro 1.

Chambly : “Je me suis demandé si je devais continuer” (2021-22)

À Niort, en février dernier. Photo Philippe Le Brech

Malgré une grosse envie de prolonger, cela ne se concrétise pas “pour différentes raisons”. La famille Sourzac quitte Nancy la mort dans l’âme avec la crainte de ne jamais revenir. Martin prend la direction de Chambly en National « avec le frein à main ». « Les discussions commencent très tôt avec le coach des gardiens qui me veut absolument. On m’explique que les deux gardiens titulaires en Ligue 2 vont partir, qu’un cycle s’ouvre avec moi. Cependant, quand j’arrive, je vois encore un gardien présent (Xavier Pinoteau) et je sens un réel malentendu. J’apprendrai par la suite, en fin de saison, qu’on ne lui avait pas du tout tenu le même discours au niveau de la hiérarchie. Puis vient le début de saison. »

Finalement, Sourzac commence la saison, mais dès la première rencontre face à Boulogne-sur-Mer, il est victime d’une commotion cérébrale. A son retour, trois semaines plus tard, il retombe mal et se blesse au ligament interne du genou : sans doute sa reprise a-t-elle été trop hâtive après sa commotion. « Tu perds tes repères dans l’espace donc tu augmentes tes chances de mal retomber ou de perdre l’équilibre ».

Le jour de ses 30 ans (le 25 mars), il subit un grave choc aux cervicales contre Créteil : nouvelle commotion. Il est très bien entouré par le personnel du club, des gens « exceptionnels » dans un club humain. « Je n’oublierai jamais le soutien du coach Bruno Luzi, du Président Fulvio Luzi, des salariés (Maxime et Marius) mais surtout de Vincent Planté, même si avec lui tout ne s’est pas parfaitement bien passé à Chambly au niveau de la communication et de la compréhension de certaines choses qui resteront entre nous. Vincent a été présent dans les moments difficiles et j’ai compris que c’était quelqu’un de très bien humainement. Par la suite, j’ai eu des séquelles pendant un an. Je me suis demandé si je devais continuer. Parce que quand ta femme te regarde à la télé, qu’elle te voit sortir sur civière et qu’elle n’a pas de nouvelles, ça laisse des traces. Après, j’aime tellement ce que je fais que je me suis remis en selle et j’ai pu revenir à Nancy. »

Retour à Nancy en 2022 : enfin un tournant positif !

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

De retour à l’ASNL grâce à la volonté d’Albert Cartier et de Gennaro Bracigliano, l’entraîneur des gardiens nancéien, Martin est mis en concurrence avec Abdoulaye Diallo, numéro 1 programmé. Il sent une hésitation du coach quant à la hiérarchie et joue crânement sa chance.

Malgré une bonne préparation du portier formé à Monaco, c’est Diallo qui commence. Mais ce dernier se blesse dès le premier match contre Bourg-en-Bresse. « C’est un autre tournant dans ma carrière, positif cette fois. Malheureusement pour lui et heureusement pour moi, j’entre en jeu et après je n’ai plus bougé de cette place de titulaire ».

Martin rassure une équipe nancéienne friable. Il conquiert rapidement le public exigeant de Marcel-Picot. Après une saison en dents de scie marquée notamment par le limogeage d’Albert Cartier et le retour au poste d’entraîneur de Benoît Pedretti en février, l’ASNL joue son maintien à Bourg-en-Bresse, lors de la dernière journée. Sans Martin, blessé, à son grand désarroi : « Je me suis fait mal contre Martigues (J32) et je force un peu contre Le Puy (J33, défaite 1-2), un match qui me marquera à vie. On avait tout pour fêter le maintien et l’adversaire a dit non. À Bourg, je le vis depuis la tribune parce que le staff accepte que je vienne avec Lucas Deaux, qui était suspendu. Dans tous les cas, je serais venu en supporter. Devant mon écran, ça n’aurait pas été possible. On essayait d’aider l’équipe. D’ailleurs, ce n’était pas un cadeau pour Diallo, en manque de rythme, de jouer le dernier match. Malgré le match nul (3-3, synonyme de 13e place et de relégation), j’avais l’intime conviction qu’on allait se faire repêcher, qu’on allait éviter la mort de cette institution du football.”

Un été 2023 mouvementé

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

Malgré des propositions, Martin reste fidèle à Nancy et décide de ne pas laisser tomber son club. Sedan est exclu des championnats nationaux par la DNCG, ce qui fait les affaires de l’AS Nancy Lorraine, repêchée après avoir été dans un premier temps rétrogradée en National 3 à titre conservatoire (Nancy a été repêché en deuxième instance à la DNCG). Une période qu’il a très mal vécue. « Je suis parti en vacances avec mon épouse et mon petit, mais j’étais très stressé, je ne dormais pas. Mon téléphone sonnait toutes les cinq secondes. On avait un groupe avec les joueurs, on échangeait constamment. Je ne me suis pas reposé. Ce ne sont pas des bons souvenirs. J’essaie à mon humble niveau d’aider à la survie du club; ça me prenait tout mon temps et mon énergie. »

À la reprise, il se blesse au mollet et passe proche de la rupture du tendon d’Achille. « Avec le recul, j’étais arrivé trop dispersé et pas prêt à faire une saison. Ça m’a permis de me reposer, de prendre du recul et de voir Marco (Giagnorio) performer et de revenir fin septembre. »

Une saison 2023-2024 en montagnes russes

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Après un début de saison compliqué, Benoît Pedretti est limogé alors que Nancy s’enfonce à la 17e place du classement. Homme emblématique de la cité ducale, Pablo Correa reprend l’équipe en main le 18 novembre, avec des effets salvateurs. Par ses qualités de management, il redresse, avec son staff, une équipe en manque de confiance. « On gagne 1-0 contre Rouen et ils nous demandent de leur faire confiance et d’être persuadé qu’on ne va pas jouer le maintien jusqu’au bout. Il a ajusté tactiquement quelques modifications qui se sont relevées importante, notamment dans la volonté de jouer vers l’avant pour marquer des but. »

Si, tactiquement, il ne change pas forcément l’équipe titulaire mise en place par son prédécesseur, le génie uruguayen métamorphose son équipe physiquement. « Qu’il neige, qu’il pleuve, on allait sur le terrain pour bosser avec une intensité physique énorme. »

L’équipe entame une folle remontée et une série historique de six victoires d’affilée lors de l’arrivée du coach qui leur sort la tête de l’eau. Depuis l’arrivée de Pablo Correa, les Nancéiens sont tout simplement la meilleure équipe sur le plan comptable, mais ce n’est pas suffisant et le sort s’acharne. Le peuple nancéien a la douleur de perdre Nicolas Holveck, son président, qui se battait contre un cancer depuis trois ans. Le soir même, l’ASNL joue à Sochaux mais le coeur n’y est tout simplement pas. « On prépare le match et on y pense beaucoup. Je me dis que c’est quitte ou double. C’est soit on les explose, soit on se fait exploser. On s’est fait exploser (défaite 4-1). Il y avait rien. Que ce soit l’arbitre ou nos joueurs, on n’a pas été bons. Ça n’a pas été facile. »

« Je reste serein pour cet été »

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Alors qu’il reste quatre matchs de championnat et que Nancy est encore dans le coup mathématiquement pour la montée en Ligue 2, Le Mans vient s’imposer 6 à 3 (J31) à Picot… Les espoirs s’envolent. Dans le même temps, les actionnaires tirent la sonnette d’alarme et annoncent une possible fermeture du centre de formation, ce qui n’inquiète pas outre mesure Martin : « Je reste serein. Les actionnaires ont de l’ambition pour la saison prochaine. On est en contact avec Krishen Sud (l’un des actionnaires) pour évoquer tout ça. Je suis persuadé que si Pablo Correa (qui a prolongé jusqu’en 2026) et Mickaël Chrétien représentent à eux deux les garants du projet et l’avenir du club. Avec eux, ça va bien se passer. Pour le centre de formation, c’est différent : les actionnaires feront leur choix mais j’espère que les jeunes et les éducateurs du club qui sont d’une grande qualité pourront toujours fièrement représenter Nancy la saison prochaine. »

Avant de partir en vacances dans sa maison de famille en Vendée, Martin Sourzac et ses coéquipiers souhaitent finir en beauté avec la réception de Châteauroux vendredi et un dernier déplacement à Villefranche pour clôturer la saison et finir le plus haut possible. Une promesse pour l’emblématique portier nancéien : revenir un an plus tard sur la place Stanislas, comme cet après-midi ensoleillé, afin de fêter une montée en Ligue 2 et permettre aux Nancéiens de crier leur joie une bonne fois pour toute, eux qui ne demandent que ça !

Martin Sourzac, du tac au tac

« Picot, c’est mythique ! »

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
La victoire en Gambardella avec Monaco et la montée avec Monaco (2012-2013) et Nîmes (2017-2018) en Ligue 1, et quand on a concrétisé notre maintien cette saison aussi, avec Nancy, ça a été un réel soulagement. On ne voulait pas revivre la même chose que la saison dernière, ça avait été un vrai traumatisme.

Pire souvenir sportif ?
La saison passée, deux matchs à domicile, le premier contre Le Puy (alors qu’elle jouait le maintien, l’ASNL s’était inclinée 2-1 devant un stade plein et avait manqué deux pénaltys !) et le second contre Bourg-en-Bresse (1-2). C’était « cata »… Un vrai traumatisme.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Je viens d’une famille où mes oncles et tantes sont dans le domaine de la médecine et cela m’aurait plu d’en faire mon métier. Cependant, j’ai plus un profil économique que scientifique et pour la PACES (première année commune aux études de santé, Ndlr) cela aurait était compliqué.

Au Red Star, en mars dernier. Photo Philippe Le Brech

Ta principale qualité et ton principal défaut ?
Dans la vie de tous les jours et même sur le terrain, je suis quelqu’un de calme qui essaie de dégager un maximum de sérénité. Mais parfois, selon les fins de matchs ou les situations, cela m’arrive d’être impulsif. Mes qualités : je pense être quelqu’un de juste et à l’écoute en dehors ou sur le terrain en règle générale je souhaite que le match se déroule dans le meilleur état d’esprit possible et que le meilleur gagne.

Que t’a-t-il manqué pour vraiment t’installer en Ligue 1 selon toi ?
A l’époque, quand je suis lancé à Monaco à 19 ans, je pense sincèrement que je n’étais pas prêt mentalement. Je n’avais pas d’équilibre au niveau vie privée. Sportivement, techniquement, j’avais les qualités, mais il me manquait encore ce coté « joueur » et prise de risque notamment au niveau de mon jeu au pied. Aujourd’hui, j’ai beaucoup évolué dans ce domaine et je suis un tout autre gardien.

À Niort, en février dernier. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
J’aurais aimé jouer à Nantes parce que c’est pas loin de la Vendée et Dortmund aussi. Je regarderai leur match en Ligue des champions, mais je serai pour Paris (rires).

Le meilleur match de ta carrière ?
Quand on est allé au Red Star l’année dernière, je fais au moins dix arrêts (Nancy s’incline 1-0). D’ailleurs, à chaque fois que je vais à Bauer avec Nancy, je fais des gros matchs !

Le pire match de ta carrière ?
Mon entame de match contre Valenciennes en 16e de Coupe de la Ligue avec Monaco (26 septembre 2012) a été compliquée. Je me souviens avoir repoussé un ballon sur mon défenseur et il y a eu but… Mais par la suite je sors plusieurs arrêts décisifs et on finit par se qualifier (4-2 après prolongation). Quoi qu’il en soit, ce match résume bien mon début de carrière, sans doute de l’immaturité et de l’irrégularité mais à la fois je n’avais que 18 ans. Le club croyait beaucoup en moi mais mes performances étaient trop irrégulières pour m’imposer dans un club comme Monaco.

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

T’aimes le foot en général ? Regarder des matchs, la Ligue des champions, suivre l’actualité des autres clubs…
J’aime bien couper. Je regarde beaucoup la Ligue 2, moins la Ligue 1 parce que je trouve que c’est très fermé. Je regarde la Ligue des Champions aussi, l’Euro et la Coupe du Monde, mais pas les phases de poules, ça m’énerve ! Je commence à regarder quand il y a de l’enjeu.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Je n’y suis jamais allé mais les stades de Dortmund et du Real pour ce qu’ils représentent. Et pour moi, Marcel-Picot est mythique : ça fait pas mal d’années que je suis au club, et chaque fois que je rentre dans ce stade, je me dis “quelle chance j’ai d’y jouer !”

Un public qui t’a marqué ?
Le Public de Marcel Picot à Nancy chantent souvent « Qu’importent la division, ils seront présents » et c’est vrai, faire 10 000 spectateurs en moyenne en National cette saison, c’est exceptionnel ! Je les respecte beaucoup pour ça et notamment lors des déplacements où ils prennent du temps sur leur vie privée. Je garde aussi en mémoire le magnifique public des Costières, à Nîmes, où l’ambiance était exceptionnelle.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Renaud Ripart, Alexandre Cropanese, Lucas Pellegrini et Baptiste Aloé. Mais tous sont différents.

À Avranches, vendredi 3 mai dernier. Photo Philippe Le Brech

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière, contre lequel tu t’es dit « ce soir, ça va être compliqué » ?
En National, ça ne m’est pas trop arrivé, sans aucune prétention. Par contre, lors de la finale de Gambardella, il y avait un jour, Idriss Saadi, à « Sainté »… Je savais qu’il jouait déjà en pro et que ça allait être difficile (Saadi évolue aujourd’hui à Andrézieux, en N2).

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’aimerais vraiment revoir Danijel Subasic (ex-gardien de l’ASM, Ndlr), je pense qu’on se rappellerait de bons souvenirs.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’aimerais bien revoir Bernard Blaquart. Je ne lui en veux pas du tout par rapport à mon passage à Nîmes. Après mon premier match avec Nancy, il m’avait envoyé un super message en disant qu’il regrettait un peu ce qu’il avait fait et qu’il était content pour moi. J’aimerais bien revoir ce monsieur car c’était une belle personne. Et aussi Monsieur Ranieri, « Le Mister » comme on devait l’appeler : j’ai énormément aimé l’homme avant tout.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Parfois, dans un stade bruyant, quand le banc me fait des gestes (il mime des grands gestes avec ses bras), je ne comprends pas tout !

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Kylian Mbappé ou Radamel Falcao. Kylian, je l’ai connu en réserve quand je suis à la cave à Monaco, il était U19. Il ne se souvient pas de moi, je pense.

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’envoie toujours un message à mon épouse, 1h30 avant le match. Je suis quelqu’un d’assez croyant donc je prie pour que les joueurs adverses comme les nôtres ne se blessent pas.

Tes passions dans la vie ?
La famille, c’est hyper important pour moi. J’aime aussi beaucoup tout ce qui touche aux montres, leur valeur, etc. J’aime beaucoup le tennis, je suis plutôt fan de « Djoko » (Djokovic). J’aime bien l’univers de la mer, des bateaux.

Qu’est-ce que t’aimes faire quand t’es chez toi ?
Je suis un bon vivant ! Je ne peux pas toujours le faire, mais me poser en terrasse, prendre un verre, j’aime bien. J’aime bien les jeux-vidéos rétros, j’y jouais quand j’étais petit. Je joue sur des vieux PC, mais seulement aux anciennes versions, je n’aime pas les nouvelles.

Ton endroit préféré à Nancy ?
La Place Stanislas, évidemment ! Le parc de la Pépinière et la vieille ville de Nancy.

À Orléans, en octobre 2023. Photo Philippe Le Brech

L’application mobile que t’utilises le plus ?
Instagram.

Un modèle de gardien ?
Keylor Navas, même s’il n’est pas dans le critère des gardiens grands et athlétiques, mais j’aime la sérénité qu’il dégage. Il sait beaucoup mieux utiliser ses qualités que les autres gardiens.

Une idole de jeunesse ?
Mickaël Landreau, un Nantais, un mec qui vient de la région vendéenne donc ça me touchait pas mal.

Ta plus grande fierté ?
Je suis fier de mon parcours qui a été semé d’embûches, fait de hauts et de bas. Je suis fier d’avoir su garder mes objectifs en tête, même si ça a été compliqué, et d’être arrivé là où je suis aujourd’hui.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Surprenant et déroutant.

Après le foot, t’envisages de faire quoi ?
J’ai comme modèle de réussite et de professionnalisme notre ancien Président Monsieur Holveck. Sa carrière est exceptionnel et inspirante. En toute humilité, je me suis beaucoup renseigné sur son parcours. Depuis 2016, je me forme dans le domaine de la finance et gestion des entreprises, j’aimerais, pourquoi pas, rester dans un club pour gérer cette partie là. En tout cas, cela me passionne, notamment la partie structurelle et administrative d’un club de football. Cela me permettrait de garder un lien avec ma passion. Mais avant tout vivons, l’instant présent, le sportif est ma priorité. Je sais qu’il me reste de belles et longues saisons devant moi.

À Nancy ?
Ce serait bien !

Texte : Emile Pawlik – Twitter: @EmilePawlik

Photos : Philippe Le Brech

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Deuxième buteur de National à trois journées de la fin, l’attaquant éclate cette saison à 29 ans avec Marignane Gignac Côte Bleue. Arrivé en France en 2010, le Malien, qui avait disputé son premier match de National à 17 ans avec le Paris FC, a dû surmonter de nombreuses embûches pour en arriver là.

Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech et Benoît Ciantar – MGCB

Actuel deuxième buteur de National (14 réalisations) derrière Alan Kérouédan (Avranches, 15 buts) et élu meilleur joueur du championnat en mars, Diawoye Diarra est en train de réaliser la meilleure saison de sa carrière. Mais à 29 ans, l’attaquant malien de Marignane Gignac Côte Bleue n’est plus une révélation. Son premier match de National, il l’avait en effet disputé… en septembre 2012 avec le Paris FC, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans. « Après, j’ai un peu traîné en route », avoue Diarra, qui a essentiellement évolué en National 2 (Entente Sannois Saint-Gratien, Montceau-les-Mines, Martigues, Louhans-Cuiseaux) avant donc d’éclater cette saison. « Je n’ai pas eu un parcours très facile », poursuit-il, toujours très réservé et pudique. « Quand vous m’avez connu au Paris FC, j’étais vraiment timide. Je ne parlais pas beaucoup. Je me méfiais. Mais à l’époque, je ne comprenais pas et je ne parlais pas encore bien le français. Au Mali, je n’étais pas allé à l’école. Mais maintenant, je suis plus à l’aise. »

Dans tous les clubs où il est passé, il a fait l’unanimité par sa gentillesse et sa simplicité. Il a toujours mis en avant le collectif et n’a jamais joué pour ses « stats ». Installé à Martigues avec sa femme, qu’il a connue en région parisienne, et leur fille de 8 ans, Diawoye Diarra est aujourd’hui pleinement épanoui et se sent prêt à rattraper le temps perdu. « Il reste trois matchs de championnat, ça sera trois finales. J’ai un double objectif : le maintien en National avec mon club et aller cherche le titre de meilleur buteur. »

À quelques heures d’un derby décisif à double titre (montée d’un côté, maintien de l’autre) à Martigues, l’un de ses anciens clubs, il s’est longuement confié à @13heuresFoot.

Les rues de Bamako, l’Ajax d’Amsterdam, un foyer d’aide à l’enfance

Photo Benoît Ciantar – MGCB

Issu d’une fratrie de 10 enfants, Diawoye Diarra jouait surtout au foot dans les rues de Bamako. « Je n’étais pas dans un vrai club mais dans un club de quartiers », explique-t-il. C’est là qu’un recruteur l’a remarqué quand il avait 15 ans. « Il m’a aidé à avoir un visa et je suis parti en test à l’Ajax Amsterdam avec quatre autres camarades. Mais ça n’a pas marché et je suis donc arrivé en France à Paris, seul. » C’était en décembre 2010.

Mineur isolé, il est pris en charge par des associations puis l’Aide Sociale à l’Enfance qui lui a permis d’intégrer un foyer des Apprentis d’Auteuil à Sannois (Val-d’Oise). Il suivait une formation d’ébéniste. « Ce n’était pas facile », soupire-t-il.
Malgré ce quotidien très précaire, il a toujours gardé en lui ses rêves de réussir dans le foot. Avec les U17 de l’UJ Alfortville, il a empilé les buts en 2010-2011. « Quand je suis arrivé, on m’a parlé d’un attaquant qui avait énormément marqué avec les U17, je l’ai donc intégré en CFA. C’est un garçon très attachant, mais qui était un peu livré à lui-même. C’était compliqué pour lui car il devait rendre des comptes au foyer qui l’hébergeait », expliquait son entraîneur Christophe Taine dans les colonnes du Parisien.
Le soir, Diarra mettait plus d’1 h 30 en RER pour rentrer dans son foyer. Pour sa première saison en CFA à 17 ans, il dispute 13 matchs (1 but) avec l’UJA.

Un premier match en National à 17 ans avec le Paris FC

Photo Benoît Ciantar – MGCB

À l’été 2012, il rejoint le Paris FC. « C’est Manu (Souloy, ancien coach de la réserve) qui m’a dit de venir. Mais au départ, c’était pour jouer avec les U19 et la réserve en CFA2 ».
Mais le Paris FC, qui a noué un partenariat avec les Académies de Jean-Marc Guillou, rate totalement son départ en National. Diarra s’entraîne rapidement avec l’équipe première. Le 7 septembre 2012, il débute en rentrant à la mi-temps face à Bourg-Péronnas (2-1) avant d’inscrire son premier but face à Vannes (2-2) le 22 novembre.
Convaincu par son potentiel, le Paris FC lui fait signer un contrat fédéral de deux ans qui lui permet d’ouvrir son premier compte en banque et de tourner le dos à la précarité.

Relégué sportivement en CFA, le Paris FC est repêché en National le 14 juillet 2013. Diarra retrouve le coach qui l’avait lancé en CFA avec l’UJA, Christophe Taine, qui vient de s’engager avec le club parisien. Mais l’attaquant malien rate tout le début de saison à cause d’une longue suspension – il avait reçu un carton rouge lors de la demi-finale de la Coupe Gambardella entre le Paris FC et Bordeaux (0-1) au mois de mai précédent à Gap.
Il réalise néanmoins un deuxième exercice en National plein de promesses (16 matchs, 3 buts). Attirés par ses qualités de percussion et de dribble, de nombreux clubs de Ligue 2 viennent le superviser dans le petit stade Déjerine de la Porte de Montreuil (Paris XXe) où le Paris FC avait décidé de retourner cette saison-là.

Essai à Laval, rupture avec le Paris FC, refuge à l’Entente SSG

Photo Philippe Le Brech

En mai 2014, il part effectuer un essai à Laval (L2). « Ça s’est bien passé. Mais il y a eu des soucis avec le Paris FC. Le directeur sportif Alexandre Monier (désormais retiré du foot) m’avait donné son accord pour partir faire ce test. Mais quand je suis revenu, il a dit le contraire. Après, il a raconté plein de choses mauvaises sur moi… L’entraîneur du Paris FC (Christophe Taine) voulait me garder. Mais Alexandre Monier ne voulait plus que je reste. Les clubs qui étaient intéressés par moi ne l’étaient plus. La saison a commencé et je n’avais rien. Ça m’a cassé le moral. À un moment, je voulais arrêter le foot pour aller travailler. »

Séparé de son agent, Diawoye a vaincu sa timidité pour appeler lui-même plusieurs entraîneurs de clubs de la région parisienne. Vincent Bordot, alors à l’Entente Sannois Saint-Gratien en CFA, a flairé le bon coup. Le club Val-d’Oisien fait l’effort financier en lui proposant un contrat fédéral. Hasard du destin, le Malien connaissait déjà bien Sannois. À son arrivée en France en 2010, il avait en effet vécu au foyer des apprentis d’Auteuil, situé dans cette commune du Val-d’Oise. « J’étais motivé. Je me disais que je reculais pour mieux sauter. Franchement, ça s’est bien passé même si on peut toujours mieux faire. Mais j’ai passé deux bonnes saisons avec l’Entente. »
Sur le plan statistique, il a inscrit 8 buts en 45 matchs. Pas suffisant pour retrouver le niveau au-dessus…

De Montceau à Louhans-Cuiseaux en passant par Rodez et Martigues

Photo Philippe Le Brech

À l’été 2016, il signe à Montceau-les-Mines, toujours en CFA. « Avec tout ce qui s’était passé, ça m’a fait du bien de m’éloigner de la région parisienne. Montceau, c’était plus calme et plus anonyme que Paris. Mais je m’y suis bien senti. Ça m’a fait évoluer. J’ai vraiment passé une super saison à Montceau. »

Il marque 12 buts (dont 9 en championnat), distribue 5 passes décisives et contribue au maintien du club de Saône-et-Loire en CFA. Mais il regarde toujours au-dessus. En fin de saison, il participe à un match de détection avec Rodez, tout juste promu en National. Retenu, il est ensuite mis à l’essai avec le groupe lors de la reprise de l’entraînement puis dispute un match de préparation face à Toulouse (Ligue 1) qui achève de convaincre le coach, Laurent Peyrelade, de le faire signer. « J’étais content car je retrouvais le niveau National, ce qui était mon objectif ».

Mais il joue peu (8 matchs dont 4 titularisations). En janvier 2018, il résilie son contrat fédéral pour signer à Martigues (N2). « Rodez comptait sur moi plus pour le long terme et voulait me garder. Mais moi, je n’étais pas heureux, je voulais du temps de jeu. Quand Martigues m’a appelé, j’ai décidé d’y aller même si c’était pour retrouver le N2. »

Photo Philippe Le Brech

C’est à Martigues que Diarra est resté le plus longtemps dans un club : trois saisons et demie (les deux dernières abrégées par la Covid) avec des stats convenables (16 buts, 9 passes décisives). « C’est un club où je me suis senti bien. Il y avait vraiment une excellente ambiance entre nous. J’y ai fait des belles rencontres comme le coach Éric Chelle. J’ai aussi adoré le cadre de ma vie. »

Mais à l’été 2021, il choisit de retourner en Saône-et-Loire, à Louhans-Cuiseaux (N2). « Ils m’ont fait une proposition intéressante. J’ai passé une super saison là-bas. » Sur le terrain, il se met surtout au service du collectif (1 but, 4 passes décisives). « Moi, je peux jouer partout : en pointe, derrière l’attaquant, sur les côtés ou au milieu. Je n’ai jamais pensé qu’à moi. J’ai toujours voulu me mettre au service de l’équipe, faire des différences et faire des bonnes passes. »

La plénitude et les buts à Marignane

Photo Benoît Ciantar – MGCB

Après cette parenthèse à Louhans-Cuiseaux, il retrouve la région marseillaise, à Marignane. « Le Sud, le soleil me manquaient trop, sourit-il. Je suis arrivé dans un très bon groupe avec un très bon coach. Je me suis senti vraiment à l’aise. »
Avec 4 buts et 5 passes décisives, il est l’un des acteurs majeurs de la montée en National. Avant, donc, de réaliser sa saison la plus prolifique depuis ses débuts en 2012. « Il n’y a pas eu de déclic particulier. J’ai toujours marqué des buts mais à la base, j’étais plus passeur. Ça me plaisait de jouer pour les autres. Mais on a eu une discussion avec le coach Brahim Hemdani sur mon utilisation offensive. On s’est dit que je serais plus utile en pointe. Il m’a fait confiance et donné des responsabilités. En National, il y a plus d’espaces qu’en National 2 et je peux davantage jouer avec ma vitesse. J’ai commencé à marquer et tout s’est enchaîné. J’étais vraiment content d’être élu meilleur joueur de National du mois de mars après avoir déjà été nommé (décembre-janvier). Bien sûr que je veux terminer meilleur buteur de National. Mais il faut que mes buts permettent à Marignane de se maintenir, c’est ça le plus important. »

Enfin un contrat pro à 29 ans ?

Photo Benoît Ciantar – MGCB

Une fois sa mission accomplie, Diawoye Diarra va peut-être, pour une fois, penser un peu plus à lui. Il sait qu’à 29 ans et après une telle saison, c’est peut-être sa dernière chance d’attraper le bon wagon pour décrocher un contrat pro. Des clubs de L2, National et étrangers (Arabie saoudite, Danemark, Belgique) le suivent déjà.

« J’ai des contacts mais je suis bien ici à Marignane donc on verra à la fin du championnat. J’ai aussi réussi des grosses saisons en National 2 mais comme c’est moins suivi que le National et que je n’avais pas des grosses « stats », on parlait moins de moi. Mon parcours a été compliqué, j’ai connu la galère, surtout à mon arrivée en France. Après, parfois, j’ai signé des contrats parce qu’on me proposait un peu plus… Mais quand je vois ce que je suis devenu, je suis quand même fier de ce que j’ai réussi. À la base, j’étais dans un foyer, un peu perdu, personne ne me connaissait en France et j’ai quand même réussi à vivre du foot. Je remercie ma femme qui m’a toujours soutenu et tous ceux qui m’ont aussi aidé dans les clubs où je suis passé. »

Diawoye Diarra, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech

Votre meilleur souvenir ?
La montée en National avec Marignane la saison dernière.

Votre pire souvenir ?
De ne pas avoir pu signer à Laval en 2014. J’avais 19 ans et on ne sait pas aujourd’hui où j’en serais si j’avais joué en Ligue 2. C’est ça qui a fait basculer ma carrière. J’ai pris un gros coup au moral à l’époque.

Votre plus beau but ?
C’était en CFA avec l’Entente Sannois-Saint-Gratien. J’ai enchaîné une aile de pigeon et une tête ensuite. Avec Marignane, j’en ai aussi mis deux beaux cette saison : contre Avranches (il se retourne avant d’enchaîner par une grosse frappe en lucarne) et à Nancy (« une Madjer »).

Photo Philippe Le Brech

Vos qualités et vos défauts ?
La vision du jeu, la vitesse et le dribble. Le sens du collectif, aussi. Je pense être un bon coéquipier pour les autres. Comme défaut, à mes débuts, c’était le placement. Mais à Rodez, j’ai beaucoup progressé dans ce domaine.

Le joueur qui vous a marqué plus jeune ?
Le Guinéen Pascal Feindouno. Un phénomène avec le ballon.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Christophe Jallet. Il était descendu jouer avec la réserve de Lyon quand j’étais à Montceau en N2. C’est lui qui me marquait sur mon côté.

Photo Benoît Ciantar – MGCB

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Mon compatriote malien Hamari Traoré. C’est celui qui a fait la plus belle carrière : Lierse en Belgique, Reims, Rennes et maintenant la Real Sociedad. Il est capitaine de la sélection, aussi. Je l’ai connu en 2012-2013 au Paris FC en National. Il arrivait de l’Académie Guillou de Bamako. Déjà, il ne lâchait rien même si la saison a été difficile.

Vos amis dans le foot ?
Le gardien Melvin Adrien (Evian-Thonon). On a joué ensemble à Martigues et Louhans-Cuiseaux. Il est blessé en ce moment (rupture de la rotule). Bon courage à lui !

Les entraîneurs qui ont compté pour vous ?
Éric Chelle à Martigues et Brahim Hemdani à Marignane. Ils ont un peu le même fonctionnement. Avec eux, c’est « sérieux et travail ». Mais ils te donnent beaucoup de détermination et de confiance.

Photo Benoît Ciantar – MGCB

Un président marquant ?
Claude Menotti à Montceau. Un Monsieur vraiment super humainement.

Le club ou la saison où vous vous êtes senti le mieux ?
Depuis que je suis à Marignane. On m’a mis dans les meilleures conditions et on m’a vraiment fait confiance.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je ne sors pas beaucoup. Je m’occupe déjà de ma femme et ma fille. Je fais aussi des entraînements individuels, de la musculation. Je me concentre à fond sur le foot.

Si vous n’aviez pas été footballeur ?
J’aurais été ébéniste. Depuis tout petit, j’ai toujours aimé le bois, fabriquer des choses. Au Mali, mon père était menuisier. J’allais travailler avec lui. Après, en France, j’ai fait une formation d’ébéniste quand j’étais aux Apprentis d’Auteuil. Ça me plaisait. J’ai préparé quelques tables. Mais le foot, c’était mon rêve depuis tout petit.

Photo Philippe Le Brech

La région parisienne, la Bourgogne ou le Sud ?
Je préfère le sud pour le soleil. J’habite à Martigues, ça me plaît beaucoup. Quand je jouais à Louhans-Cuiseaux, c’était un peu plus compliqué. Il y avait souvent du brouillard et pas grand-chose à faire. C’était calme, les grandes villes comme Chalon ou Lons-le-Saunier, étaient loin…

Votre plus grand regret ?
De ne pas avoir pu revoir ma famille au Mali. C’est dur d’être loin d’eux. En 2020, je devais y retourner mais il y a eu la Covid et les frontières sont restées longtemps fermées.

 

Championnat National (32e journée) – Vendredi 3 mai 2024 : FC Martigues (2e, 53 points) – Marignane Gignac Côte Bleue (16e, 34 points), à 21h.

 

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : MGCB FC et Philippe Le Brech

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