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À 31 ans, le gardien international burkinabé n’a jamais semblé aussi fort que depuis sa signature en 2020 au Paris 13 Atletico, dont il est l’un des leaders. Arrivé en France en 2010 à Saint-Etienne, il n’a pas forcément réussi la carrière que beaucoup lui prédisaient, même s’il  est fier de son parcours et bien décidé à rattraper le temps perdu.

Par Laurent Pruneta / Photos Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

Avec le Burkina-Faso, il a disputé cinq CAN (Coupe d’Afrique des Nations) et connu une première sélection en A alors qu’il n’avait que 17 ans. Mais quand il est arrivé en France en 2010 au centre de formation de l’AS Saint-Etienne, Germain Sanou n’a pas réussi à évoluer au niveau que beaucoup d’observateurs lui prédisaient.

Au lieu d’évoluer chez les pros en L1, en L2 ou à l’étranger comme la plupart de ses coéquipiers en sélection, le gardien de but, aujourd’hui âgé de 31 ans, a dû se contenter de jouer essentiellement en National 2 et en National 3 avec Drancy, Beauvais et le Paris 13 Atletico. Il a même connu deux saisons blanches après ses départs de Saint-Etienne puis de Beauvais.

Mais depuis sa signature au Paris 13 Atletico en 2020, il a trouvé une nouvelle stabilité et vient certainement de réaliser les meilleures saisons de sa carrière. Avec le club du XIIIe arrondissement, il est monté en National en 2022. Malgré de grosses performances sur le plan individuel, il n’a pas réussi à éviter la redescente immédiate de son équipe qui joue néanmoins les premières rôles dans le groupe B de National 2 cette saison (3e à 4 journées de la fin). Avant un choc contre le leader Libourne, il est longuement revenu sur son parcours pour 13HeuresFoot.

« Venir en Europe n’était pas forcément un objectif pour moi »

Photo Philippe Le Brech

Né à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, Germain se souvient d’avoir toujours joué dans les buts. « Quand on est petit, c’est rare qu’on veuille aller aux buts, rigole-t-il. Mais moi, ça me plaisait bien car j’aimais sauter et me défouler. J’avais 5-6 ans, je jouais dans mon quartier. Vers 12-13 ans, j’ai rejoint le club de Brama Traoré (qui vient d’être nommé sélectionneur des Étalons). »

Après avoir effectué des tests, il intègre l’institut de formation de footballeurs africains (IFFA) de Matourkou, un centre parrainé et financé en partie par l’AS Saint-Etienne depuis 2007. « J’avais 15 ans. C’est là que c’est devenu plus sérieux pour moi. Au début, le foot, ce n’était que du plaisir. Je voyais les anciens internationaux burkinabés, je voulais juste faire comme eux, jouer. Je ne connaissais rien à tout ce qui était lié au foot, les transferts etc… Venir en Europe n’était pas forcément un objectif pour moi. »

Avec l’IFFA, il démontre néanmoins de grosses qualités. Il est sélectionné en équipe nationale U17. Son histoire est en marche. Après deux ans à l’IFFA, Saint-Etienne le fait venir à l’essai. « On était trois de ma promotion mais je suis le seul à être resté et à avoir signé stagiaire. J’avais 17 ans et je suis venu en septembre. En décembre, j’ai dû rentrer au Burkina pour renouveler mon visa. Quand je suis revenu en janvier à Saint-Etienne, le froid, c’était terrible. Je voulais rentrer chez moi. Mais je me suis accroché. »

« À Saint-Etienne, j’ai eu tort de partir au conflit »

Photo Philippe Le Brech

Chez les Verts, il évolue avec les U19 et la réserve. Il n’a que 17 ans quand il est appelé pour la première fois par Paulo Duarte chez les A du Burkina Faso. Le 11 mai 2011, il est titulaire dans les buts de Saint-Etienne lors de la finale de la Coupe Gambardella perdue ( (1-1, 3-4 aux tab) face à Monaco. Sanou s’entraîne également régulièrement avec le groupe pro où il est 4e gardien derrière Stéphane Ruffier, Jérémie Janot et Pape Coulibaly. « J’ai passé trois ans à Saint-Etienne. Je pense avoir fait ce que j’avais à faire, je n’ai pas de regret même si cela s’est mal fini. »

Considéré comme un grand espoir lors de son arrivée dans le Forez, le gardien ne se voit pas proposer de contrat pro en 2012. « Il y a des trucs qui se passent dans les coulisses, je ne peux pas tout raconter. Mais j’ai vécu des choses vraiment pas bien. Certaines personnes ont raconté que je n’étais pas assez fort mentalement, des trucs de ce genre. Je n’en veux pas à Saint-Étienne, mais juste à ces gens. J’ai peut-être eu tort de partir au conflit. Avec le recul et l’âge, j’ai compris que ce n’était pas la bonne solution. »

Photo Philippe Le Brech

Le co-président stéphanois, Roland Romeyer, avait même déclaré en 2013 au journal burkinabé Sidwaya : « On avait beaucoup d’espoir en lui, mais il n’a pas le mental du haut niveau. Ça se passe simplement dans la tête alors qu’il vient d’un milieu modeste et il avait la possibilité de devenir un grand gardien. Il n’a pas la volonté de se battre et pour nous, c’est une grande déception ».

« Roland Romeyer c’est comme mon Père, rétorque Sanou. Ce n’est pas ce qu’il pensait vraiment de moi. C’est un discours pour parler aux médias, téléguidé par le coach (NDLR : Christophe Galtier). Sportivement, j’avais été sérieux et montré quand même un peu de mental pour arriver d’Afrique ».

« J’ai été déçu par certaines personnes »

Photo Philippe Le Brech

Au chômage après sa rupture, Germain reste quand même habiter à Saint-Etienne. « J’ai eu des propositions mais j’ai été déçu par certaines personnes. J’avais 20 ans, de l’envie et des ambitions mais on m’a mis des bâtons dans les roues. Ça m’a un peu dégoûté du foot. »

Même s’il est sans club, il continue à être appelé en sélection nationale : « Ça m’a permis de me reprendre en main. Je me suis dit « tu auras la vie que tu mérites ». À Saint-Etienne, j’allais courir et m’entraîner sur un terrain. Ça ne remplace pas la compétition, mais ça m’a permis de rattraper le temps perdu. »

L’éclaircie arrive en janvier 2014. Après un an et demi sans jouer en club, il signe à la Jeanne d’Arc de Drancy en CFA (National 2), club partenaire de l’AS Saint-Etienne. « C’est Roland Romeyer qui a parlé de moi aux dirigeants. C’est bien la preuve qu’il ne m’a jamais lâché et qu’on était resté en bons termes malgré ce qu’il s’était passé à la fin. »

Avec Drancy, Sanou dispute 9 matchs de championnat. « Ça s’est bien passé. Mais le contexte et le club étaient quand même un peu spéciaux là-bas. » De nouveau sans club, il retourne vivre à Saint-Etienne. C’est là que Kassi Ouedraogo, son coéquipier en sélection du Burkina Faso, l’appelle pour le rejoindre à Beauvais (CFA) qui cherchait un gardien numéro 2.

« Il y a tout pour réussir à Beauvais mais ça manque de stabilité »

Photo Philippe Le Brech

Le gardien va trouver une vraie stabilité dans le club de l’Oise où il reste cinq saisons, deux en CFA et trois en CFA 2. Les deux premières saisons, il était en concurrence avec Xavier Pinoteau (14 matchs puis 9 matchs). A l’été 2016, il avait quitté Beauvais avant d’y revenir en septembre. « Ils n’avaient pas accepté mes exigences financières. Mais en septembre, ils m’ont rappelé car Coulibaly s’était blessé et ils me donnaient ce que je demandais. Xavier (Pinoteau) était, lui, parti à Chambly. J’étais titulaire. »

En trois saisons, il dispute 63 matchs. Même s’il n’évolue qu’en CFA ou CFA 2, il continue à être appelé en équipe nationale, ce qui fait de lui un joueur forcément à part à côté des stars des Étalons comme Pitroipa, Bancé, Traoré ou Kaboré.

Lors de ses deux saisons en CFA (National 2) avec Beauvais, il a même connu deux relégations (2015, 2018) en CFA2 (National 3). « Il y a tout pour réussir à Beauvais, des moyens, des bonnes infrastructures. Mais ce club a connu trop de changements. Ça manque de stabilité et d’un bon encadrement. » Lors de sa dernière saison à l’ASBO, ça ne se passe pas forcement bien avec le coach Sébastien Dailly. « Mais sinon, je suis parti en bons termes avec tout le monde », précise-t-il.

Photo Philippe Le Brech

Germain Sanou va de nouveau connaître une nouvelle saison blanche. « Je suis quand même resté habiter à Beauvais. En cinq ans, j’avais fait ma vie ici. J’aime bien, c’est tranquille. Je m’y suis fait des amis. Même encore maintenant, je vis encore à Beauvais. Je fais la route tous les jours pour venir à l’entrainement, souvent avec le train. Vivre à Paris, cela ne me dit rien. »

Car en juin 2020, le gardien rejoint le Paris 13 Atletico. Il produit un certain effet en venant le jour de sa signature, accompagné par Bertrand Traoré (Chelsea, Lyon, Aston Villa…). « C’est comme un frère. Je le connais depuis Bobo-Dioulasso, on est resté très soudé et très proche. »

« Au Paris 13 Atletico, les gens sont honnêtes »

Photo Philippe Le Brech

Après une première saison stoppée par la Covid en octobre, il va réaliser « LA » saison de sa carrière en 2021-2022. Le Paris 13 Atletico créé une belle sensation en obtenant son billet pour le National. Sanou n’encaisse que 17 buts. Le « Paris 13 » est la meilleure défense des quatre groupes de N2. « On était vraiment très solides. On a réussi un gros championnat. »

En National, le gardien repousse la concurrence de Didier Desprez (ex-Lens, Paris FC), prêté par Charleroi. C’est lui qui est titulaire (30 matchs disputés). Il se montre décisif à de nombreuses reprises. Mais le club redescend en National 2. « Ce n’est pas à moi de dire si j’ai été bon ou pas. J’ai fait ce que je pouvais, tout simplement. On a manqué d’expérience à certains moments. J’étais déçu de descendre. Mais je pense avoir montré à ceux qui doutaient de moi que je pouvais peut-être jouer plus haut. Je ne suis pourtant pas frustré. Le plus important est d’être épanoui et bien où l’on est. »

« On ne va pas se cacher »

Photo Philippe Le Brech

Malgré le retour en National 2, il choisit de rester. « J’ai eu des contacts. Mais ça ne sert à rien de partir pour partir. Je sais déjà ce que j’ai ici. J’aime bien l’ambiance dans ce club. Le président Frédéric Pereira, le directeur général Namori Keita, ici tous les gens sont honnêtes et francs. On se regarde dans les yeux, on se dit les choses. C’est très important pour moi. »

Placé dans le groupe B, le club du XIIIe arrondissement où le coach de la montée Fabien Valéri est revenu sur le banc en janvier (après une belle saison à Chambly et une courte expérience à Virton en Belgique), joue les premières rôles. À quatre journées de la fin, il est 3e à un tout petit point de Libourne et La Roche-sur-Yon. Et ce samedi 20 avril, il reçoit d’ailleurs Libourne pour le choc de la journée !

« On ne va pas se cacher, prévient Sanou. L’objectif est de remonter en National. Par rapport à l’équipe de la montée il y a deux ans, l’équipe a moins de maturité, elle est plus joueuse et a moins de vice. Mais il y a du talent. »

« J’aurais mérité d’être rappelé en sélection »

C’est un paradoxe. Depuis trois ans, Germain Sanou n’a jamais été aussi fort à 31 ans. Mais depuis 2018, il n’a plus jamais été rappelé en sélection. Avec les Étalons du Burkina Faso, son compteur s’est arrêté à 28 sélections et à cinq CAN disputées. « Hervé Koffi , c’est normal que ce soit lui le titulaire, c’est la classe. Je le connais depuis le quartier. Mais derrière lui, je pense que j’aurais mérité d’être appelé. J’espère toujours… Mais je ne me plains pas non plus. J’ai pris ce qu’il y avait à prendre et j’ai quand même réussi de belles choses dans le foot. Je reste fier de mon parcours vu d’où je suis parti. J’ai grandi dans une grande famille, plutôt modeste. Je sais que j’ai quand même rendu fier ma famille et c’est ça le plus important pour moi. Jouer pour son pays, ce n’est pas donné à tout le monde. Je ne vais pas déchirer le livre. »

Germain Sanou, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir ?
La CAN 2013. On a réussi un parcours extraordinaire avec le Burkina Faso alors que personne ne misait sur nous. On est arrivé jusqu’en finale (défaite 1-0 contre le Nigéria). Je n’oublierai jamais le retour au pays, le bain de foule, l’émotion de tout le peuple.

Pire souvenir ?
La CAN 2012. C’est moi qui avait joué les éliminatoires. Mais à la CAN, je n’ai pas disputé un seul match. Le pire, c’est que Saint-Etienne ne voulait pas me laisser y aller. Le gardien numéro 2 était blessé et ils m’ont demandé de rester pour être sur le banc en L1 derrière Ruffier. Mais j’ai quand même décidé de partir. A mon retour à Saint-Etienne, ils m’ont envoyé avec la réserve. Je n’ai pas joué à la CAN, j’ai eu des soucis avec Saint-Etienne ensuite. J’avais tout perdu.

La plus grosse ambiance dans un stade ?
J’ai connu des CAN. Mais je n’oublierai jamais un match de U17 au Rwanda. On était arrivé à l’hôtel la veille. On pensait que ça serait tranquille au niveau de l’ambiance car c’était juste un match de U17. Mais dès 13 heures le samedi, on a vu les rues se remplir de monde et les klaxons résonner dans toute la ville. Tout le monde se dirigeait vers le stade. Il était rempli. Il y avait 30 000 personnes dans une ambiance hostile. On a tremblé mais on a tenu 1-1 et on s’est qualifié.

Photo Philippe Le Brech

Qualités et défauts ?
Je suis bon sur la ligne je pense. Dans un groupe, je suis aussi un leader. C’est quelque chose de naturel pour moi. Comme défaut, je suis assez têtu. Souvent, je n’en fait qu’à ma tête.

Votre plus bel arrêt ?
La saison dernière en National contre Cholet chez nous. Sur une frappe qui tournait, j’étais parti de l’autre côté, mais j’arrive à l’arrêter avec ma main opposée.

Un but gag encaissé ?
Toujours en National la saison dernière. Contre Sedan, j’avais le ballon dans les mains mais je me suis tamponné avec mon défenseur Édouard Daillet. J’ai relâché le ballon et ça a fait but.

Le club ou la saison où vous vous êtes le senti le mieux ?
Celle de la montée en National avec le Paris 13 Atletico (2021-2022). Je n’ai pris que 17 buts et fait 19 clean-scheet. Je me sentais imbattable.

Photo Philippe Le Brech

Les joueurs les plus forts avec qui vous avez joué ?
Dimitri Payet à Saint-Etienne, Jonathan Pitroipa et Bertrand Traoré en sélection du Burkina Faso. Bertrand, c’est comme un frère.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Pierre-Emerick Aubameyang. J’ai aussi joué avec lui à Saint-Etienne. Mais en tant qu’adversaire, il nous a fait mal plusieurs fois lors de matchs Gabon – Burkina Faso.

Vos modèles dans le foot ?
Quand j’étais enfant, le gardien de l’équipe nationale c’était Abdoulaye Soulama. Un très grand gardien qui venait du même quartier que moi. J’ai pu ensuite le retrouver en sélection, l’observer. Malheureusement, il est parti trop tôt (NDLR : il est décédé à l’âge de 37 ans). Paix à son âme. Après, ça a été Iker Casillas et Gianluigi Buffon.

Les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Paulo Duarte. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi. Il m’a sélectionné en équipe nationale du Burkina alors que je n’avais que 17 ans. Ça parlait beaucoup sur moi, mais malgré les polémiques, il a continué à me faire confiance. Il m’a toujours aimé et soutenu. Mais il savait aussi me taper sur les doigts quand il le fallait. À Saint-Etienne, je ne citerais qu’un seul coach : Abdel Bouhazama avec les U19. Et bien sûr Fabien Valéri au Paris 13 Atletico. C’est un top entraîneur, humainement, au niveau des séances et de son analyse du jeu. C’est lui qui m’a redonné goût et envie au football alors que je n’avais pas joué pendant un an après mon départ de Beauvais.

Photo Philippe Le Brech

Les présidents marquants ?
Roland Romeyer à Saint-Etienne. C’est lui qui est venu me chercher en Afrique. Il a toujours pris soin de moi et de ma famille. Ici au Paris 13 Atletico, le président Frédéric Pereira et le directeur général Namori Keita. Ce sont vraiment de bonnes personnes. Ils m’ont toujours mis dans les meilleures conditions. Ce sont des personnes franches avec qui on peut être en confiance. C’est ce que je recherche chez les gens, même si dans le foot, ça devient rare.

Justement, comment définiriez-vous le milieu du foot ?
C’est un super métier. Mais c’est aussi un milieu très spécial où on pense surtout à sa gueule. C’est assez hypocrite, peu de gens disent vraiment les choses. Moi, ce n’est pas vraiment dans mes valeurs et dans mon éducation. Après, c’est comme partout, il y a les bons et les mauvais endroits, les bonnes et les mauvaises personnes, les bons et les mauvais clubs… Une carrière, c’est aussi une part de chance. Il faut tomber au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes personnes.

Vos occupations en dehors du foot ?

Photo Philippe Le Brech

Je suis assez tranquille. Je reste à la maison. Sinon, j’aime bien jouer au tennis de temps en temps. C’est ma deuxième passion après le foot.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Alors ça, bonne question (éclats de rire). Je ne sais pas du tout. Je serais certainement resté en Afrique. J’ai arrêté l’école pour le foot après le Brevet en 3e.

Jusqu’à quand vous voyez vous jouer ?
J’ai encore de belles années devant moi. Je continue à prendre soin de mon corps, je veux faire les choses biens. Après ma carrière, je pense que je rentrerai chez moi au Burkina. J’ai déjà un peu investi car il faut assurer ses arrières (sourire). Mais ma reconversion, je ne la vois pas forcément dans le foot, à part travailler avec les jeunes.

National 2 (23e journée) / samedi 20 avril 2024 : Paris XIII Atlético (3e – 39 pts) – Libourne FC (1er ( 38 pts), à 15h, au stade Boutroux.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech

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Le Basque de 35 ans, quart-de-finaliste de la Coupe de France avec Bergerac (N2) en 2022, a intégré le milieu pro et entraîne désormais la réserve des Girondins de Bordeaux en National 3. Entretien avec un coach exigeant, déterminé, à la personnalité affirmée, qui sait d’où il vient et, surtout, où il veut aller.

Texte : Clément Maillard / Photos : Raccoon’s colors – BPFC24 et Philippe Le Brech

Il y a la fable du lièvre et de la tortue, et puis il y a le récit du chemin de coach d’Erwan Lannuzel, l’entraîneur de la réserve de Bordeaux (N3), qui oscille entre la célérité du premier et la profondeur de réflexion de la seconde.

Ancien gardien de la JA Biarritz, dans sa ville natale, le Basque est devenu entraîneur plus tôt que certains de ses collègues tacticiens. Éducateur chez les jeunes à 18 ans du côté à la JAB, coach de la réserve de ce même club à 22 ans, il a ensuite pris les rênes de Bayonne (R1) à 26 printemps, avant d’être propulsé entraîneur de Bergerac à 32 ans, et aujourd’hui de l’équipe bis des Girondins à 35 ans. Un parcours qu’il a raconté à 13heuresfoot, entre récits d’une vie footballistique déjà bien remplie, notamment avec la Coupe de France et une accession en National manquée à la dernière seconde du championnat en 2022, lorsqu’il coachait le BPFC24, et l’envie de continuer à explorer et donner à ce sport, où il place l’humain avant tout.

Interview

« Hormis cette saison, j’ai toujours coaché des plus vieux »

La première chose qui ressort de votre parcours, c’est ce passage rapide de joueur à entraîneur. Comment y a-t-il eu bascule ?

Photo Girondins de Bordeaux.

C’est quelque chose qui était ancré en moi.Quand j’ai commencé, je coachais des équipes de jeunes de mon club et je jouais en même temps. Éducateur, j’ai dû commencer ça à 17 ans. Derrière, j’ai passé mon brevet d’État sur l’année de mes 18 ans, et ça a été une première opportunité de me professionnaliser. J’ai eu la chance de tomber sur des présidents, messieurs Legaz et Salva, qui ont décidé de m’embaucher et me contractualiser avec un CDI à la sortie de mon diplôme.

Ça a été une opportunité professionnelle intéressante, car ça reste compliqué de travailler dans le football. Cette première expérience avait de l’attrait, dans le monde amateur, dans ma ville de Biarritz. Je vivais de ma passion. Le club s’est ensuite retrouvé en difficulté avec l’entraîneur de la réserve qui arrête, et à ce moment-là le président François-Xavier Legaz m’a proposé la mission de reprendre. Je ne veux pas perdre du temps à continuer à jouer, et j’ai pris la tête de l’équipe II pendant 2 ans; ça s’est plutôt bien passé, avant de monter en équipe première en tant qu’adjoint de Xavier Legaz, coach un peu emblématique du club. On travaille sur deux saisons et on finit par accéder en Régional 1 et à s’y maintenir.

C’est également l’année d’une nouvelle bascule, semble-t-il…

Cette année-là, je passe donc le DES à 25 ans environ. Ça a été une aventure qui m’a donné encore plus envie de découvrir l’univers semi-professionnel. Avec le maintien en DH, dans un club sans trop de moyens, mais avec d’immenses valeurs, et avec le diplôme, l’année a été très formatrice. Nicolas Sahnoun (actuel coach adjoint à Valenciennes), qui vient d’arriver à Bayonne, me propose avec le président Mérin (Emmanuel) de venir à l’Aviron Bayonnais, et j’y suis resté quatre saisons.
Entraîner, en fait, c’est quelque chose qui a été très vite présent en moi. Rapidement, j’ai pris beaucoup de plaisir à créer les séances, à regarder des reportages sur des coaches, à aller observer les séances de Bayonne ou Anglet, en CFA2 à l’époque. Un jour, j’avais aussi envoyé un mail et eu un échange avec Alain Pochat, grand entraîneur du Pays basque (actuel coach de Villefranche en National). On avait parlé du métier d’entraîneur, ce qui m’avait encore plus conforté dans l’idée d’en faire mon métier.

« Je m’attendais à être jugé »

Oswald Tanchot (Sochaux) nous racontait qu’il avait « attendu » avec impatience sa fin de carrière de joueur pour coacher. Chez vous aussi, c’est une vocation ?

Photo Philippe Le Brech

Là où ça s’est vraiment approfondi, c’est que j’ai commencé à prendre du plaisir à entraîner et faire des séances alors que je me faisais ch*** comme joueur. Je me suis dit : « Tu ne peux pas perdre du temps pour quelque chose qui ne te plaît pas ». Le côté philosophique, c’est que je me suis dit : « Où est-ce que tu vas pouvoir essayer de vivre des émotions ? En étant entraîneur et en construisant ta carrière en commençant à 22 ans, avec un chemin qui va être long, est-ce que tu prends ce parti-là ? Ou alors est-ce que tu vas attendre 10 ans, commencer ton chemin avec 10 ans de retard ? ». Car quand on parle, là, maintenant, j’aurais pu tout juste avoir fini ma carrière de joueur amateur et seulement commencer ma carrière d’entraîneur. Entre-temps il s’est passé plein de choses sur ces dix ans.

C’est quand même très spécifique, à 22 ans, de prendre la tête d’une équipe réserve d’ailleurs. Comment avez-vous géré l’âge ?

Ce ne fut pas forcément évident, mais ces amis que j’ai aujourd’hui encore m’ont vu débuter comme entraîneur. Tout au long de ma carrière, à part cette saison à Bordeaux, j’ai toujours coaché des footballeurs plus vieux, ou qui avaient joué à plus haut niveau que moi. Ma légitimité, elle se gagnait à travers ce que j’allais faire. Je m’attendais à être jugé, « Est-ce que j’allais faire jouer mes potes ? », mais mon projet de jeu, mon contenu d’entraînement, mon exigence, tout cela était important pour être performant. J’ai essayé d’asseoir ma légitimité et mon travail en étant carré et le plus exigeant possible avec moi-même, pour qu’on ne puisse jamais me reprocher quoi que ce soit. Jamais.

« La performance, c’est à la fois du sportif et de l’humain »

Une autre chose qui ressort, c’est votre côté humain. Dans votre début de carrière, il y a aussi une étiquette de manager plus globale. Votre travail a été pluriel à vos débuts ?

Photo Philippe Le Brech

J’aime le terme précis de manager, j’aime ce mot. Il peut être un grand fourre-tout, tout et n’importe quoi, mais on peut y mettre des choses bien précises. On doit être capable de manager son staff, soi-même, ses cadres, ses joueurs… Pour moi, les deux chemins pour arriver à la performance sportive, c’est l’aspect technique et l’humain. Si on additionne les deux, on arrive à la performance, et quoi qu’il arrive, il reste les souvenirs humains, d’avoir passé des moments de vie incroyables. Si on peut déjà s’assurer ça, en plus associer à des résultats…

Avec une bonne équipe, on peut avoir des bons résultats, avec un très bon groupe, on peut avoir de très bons résultats. Ce côté humain est primordial, et je l’associe à ce rôle de manager, qui doit être capable de gérer les choses, prendre ses responsabilités, décider aussi, parfois en ne faisant pas plaisir. Mais quand on respecte l’homme, je trouve qu’on arrive à manager intelligemment et à performer. Je pense que cet ADN-là vient aussi de mon club formateur, la JAB, qui est très humain.

Quelle est votre vision du football, plus globalement ?

Le côté humain est au centre de mon projet. On a le droit de ne pas être d’accord, mais il faut respecter l’homme et il faut avoir des convictions quand on fait les choses. Moi ce que j’aime c’est le football, l’entraînement. J’ai un investissement à 110% quand je suis dans un projet, et j’attends que les joueurs et le staff aient un investissement similaire. Quand je suis arrivé à Bergerac par exemple, j’allais aussi voir les entraînements des jeunes, car il peut y avoir des bonnes idées partout. Il n’y a pas qu’une recette, sinon ça se saurait. J’aime aller chercher des choses chez tous les coaches que je rencontre, je trouve que c’est passionnant.

« Bergerac a fait confiance à un jeune coach de 32 ans »

Justement, vous débarquez assez jeune à Bergerac en 2021, où ce fut une sacrée aventure, avec des souvenirs pour la vie…

Extraordinaire ! On a eu la chance, avec Denis Stinat, mon adjoint, de rencontrer Christophe et Paul Fauvel (président et directeur général), qui ont fait confiance à un coach de 32 ans qui n’avait jamais entraîné en National 2. L’année a été difficile, mais extraordinaire. On est tombés sur des joueurs passionnés, exigeants, revanchards, qui ont adhéré et cru dans notre projet de jeu, de vie; ça a matché tout de suite. On a perdu quatre fois en plus de quarante matches en compétition. Une aventure incroyable, avec tout l’aspect humain et chaleureux de la Dordogne, de la ville de Bergerac. Une aventure exceptionnelle.

Votre parcours en Coupe de France fut complètement dingue : pouvez-vous revenir dessus ?

Face au St-Etienne de Pascal Dupraz en coupe. Photo Philippe Le Brech

Ce parcours est marquant car il est réalisé avec un groupe de joueurs exceptionnels, déjà, avec une ferveur autour du club très présente. Le parcours est incroyable. On passe aux penaltys contre Metz, une Ligue 1 (0-0, 5 t.a.b à 4, en 32e de finale), un shoot d’adrénaline fou, mais pas plus violent que contre Créteil au tour suivant (16e). Dans la série de tirs au but, Metz loupe le deuxième penalty je crois, et on commence à y croire, on vit ce moment avec le stress. C’est très paradoxal, on se demande si le destin va bien faire les choses ou pas. Il le fait bien, on se qualifie, c’est exceptionnel, car ça reste la première Ligue 1 battue par Bergerac en 100 ans d’histoire.

Mais le soir, il y a le tirage, et on prend Créteil. On partait en vacances à ce moment de la saison. On se prépare, on joue, on fait un bon match, on fait plus que rivaliser, on retourne aux penaltys. Et là par contre je prends un shoot d’adrénaline extraordinaire. Car Créteil loupe son dernier penalty, et derrière il n’y a plus besoin de tirer. La joie est immense d’un coup, il n’y a plus de calcul à avoir sur la suite de la séance, ça y est, c’est fini. Le shoot est plus violent, il n’y a pas de calcul comme contre Metz. Vous n’avez plus qu’à partager ce moment de bonheur, vous cherchez le regard de votre femme en tribunes, c’est génial. Après, je sors frustré en tant que coach. On aurait pu ne pas passer car moi, je n’ai pas essayé d’aller gagner le match. Cela m’a aidé pour Saint-Etienne en 8e de finale.

Et oui, parce qu’en suite, vous affrontez une nouvelle L1, Saint-Etienne…

Contre l’ASSE, on est à 0-0 à la 60e. Je me suis battu toute l’année pour faire comprendre aux joueurs que les cinq éléments que je fais sortir du banc peuvent faire gagner le match. Après Créteil, je suis un peu déçu de moi car je n’ai pas joué pour aller le gagner. Contre Saint-Etienne, je regarde un banc que j’avais construit pour faire mal à l’adversaire à partir de la 60e. C’est Romain Escarpit qui rentre et qui nous qualifie dans le jeu. Là c’est une fierté d’avoir été capable de se qualifier dans le jeu avec ceux qui rentrent, d’avoir été acteurs de notre match de A à Z, de gagner sur le terrain, ça a été une belle victoire.

« Vous devez toujours travailler sur l’après »

Un esprit très rugby ça, avec les « finisseurs » chers à Fabien Galthié !

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

J’aime beaucoup le terme de finisseurs. Si on prend les statistiques sur notre saison 2021-2022 à Bergerac, il y a 30% des buts qui sont marqués par des finisseurs. Et sur ces 30% de buts-là, 75% sont décisifs ! C’est-à-dire qu’ils ont fait basculer le match de zéro point à un point, de la défaite à la victoire, ou du nul à trois points. Quand vous sortez cette « stat » à des joueurs, que vous appuyez votre message avec ces chiffres, ils sont entre guillemets obligés de vous suivre, car ils comprennent.

Pour revenir à la Coupe de France, il y a malgré tout une cicatrice après « Sainté », c’est la défaite en 1/4 contre Versailles (National, 1-1, 4-5 aux t.a.b). De quoi créer, aussi, des liens pour la vie ?

Il y a quelque chose de commun à tous les groupes avec lesquels j’ai travaillé : j’ai toujours des échanges avec des joueurs et les groupes staff WhatsApp restent plutôt actifs (rires). Mais pas avec coups de téléphone du mois de mai ou de juin pour retrouver un club ! Quand je parle d’une cicatrice à Bergerac, c’est parce que c’est une blessure dans nos corps. Mais je disais aux joueurs que le plus important, c’est le chemin. L’arrivée est un instant T dont on espère qu’il soit beau. L’aventure de la Coupe de France s’arrête sur un penalty contre Versailles, à l’image de toute cette saison, exceptionnelle, mais qui se termine sur un tir au but. Je retiens trois choses de ce match.

La première, c’est le moment du tirage au sort, où j’apprends qu’on joue Versailles à domicile. On s’était réunis avec les joueurs et le staff pour le vivre, avec des pizzas etc, et il y a un retard avec la télévision : je suis avec ma femme au téléphone et elle me dit qu’on prend Versailles à domicile. Je le sais, je suis mitigé, et je vois dans les yeux des joueurs le rêve de se dire, « allez, quel gros on va jouer ? ». Versailles tombe, et c’est du 50/50. Celui qui sera éliminé de ce match-là aura moins de gloire que de sortir contre une Ligue 1.

La deuxième chose, c’est notre égalisation en fin de match d’Axel Tressens (1-1, 89e). Là, vous vous dîtes que les penalties vous ont déjà réussi deux fois. La troisième chose, c’est un des moments forts de notre saison et de la compétition : quand tout s’arrête. On est encore en course pour l’accession en National, le match de Coupe était le mercredi soir, on va jouer à Béziers le samedi. Je rassemble les joueurs au centre du terrain. Forcément il y a des larmes partout. Vous êtes obligé de maintenir le cap. De préparer une équipe à aller défier Béziers à Béziers quelques jours plus tard pour continuer à avancer. Vous êtes obligé d’être un meneur à ce moment-là, d’autoriser les joueurs à être tristes, à pleurer ce soir, mais demain, il faut repartir, car il y a encore une énorme aventure qui nous attend. Quand vous êtes coach, vous ne pouvez pas tanguer. Vous devez créer ce moment. C’était dur. C’était un moment fort.

Ce fut aussi un grand moment, très humain, un instant de vie incroyable ?

Oui. Il est à la même hauteur que l’égalisation de Romain Escarpit contre Saint-Etienne, la joie sur le penalty face à Créteil, ou la prise de conscience de battre une Ligue 1 contre Metz. C’était le symbole du chemin de tout ce qu’on avait vécu ensemble. Ce moment est dur mais les garçons en face sont des éponges. C’est à vous de fixer les autres rendez-vous importants qui arrivent.

« Il faut vivre avec cette cicatrice et construire une nouvelle histoire »

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Votre fin de saison est difficile, également. Lors du dernier match de N2, vous étiez en National à la 95e minute, mais sur un autre terrain, Le Puy Foot marque à la 96e, et vous ne montez pas… Comment vous avez géré cela ?
Le « juste après » est horrible, honnêtement. On était juste vides. Tout s’arrête, après 40 matches, avec des larmes. Vous essayez d’aller chercher du réconfort dans les bras de vos proches, vous avez conscience que c’est fini, et qu’à partir du jour suivant, il va falloir travailler sur la nouvelle saison.

On avait prévu de recevoir les joueurs le lendemain, certains pour les prolonger, d’autres pour les faire partir en vacances, d’autres pour leur dire que l’aventure était terminée, et ça c’était encore plus dur. Car vous ne pouvez pas reprocher à des garçons leur investissement quand vous faites une saison comme cela. Mais vous devez passer à la saison d’après. Et puis vous partez en vacances, il faut digérer, il y a la reprise, et vous ne pouvez pas vivre dans le passé ; il y a un nouveau groupe, une nouvelle saison qui va s’écrire, vous avez cette cicatrice commune, mais il faut vivre avec et essayer de construire une nouvelle histoire. Et c’est notre métier. C’est mon métier.

Un an plus tard, vous quittez Bergerac. Pourquoi ce départ vers la réserve de Bordeaux ?
On loupe encore l’accession et il y a cette sollicitation et cette possibilité de rejoindre les Girondins. Honnêtement, quand on est un garçon qui n’a pas connu cet univers-là, vous êtes obligé d’être attentif à ce genre de proposition. Le train du monde professionnel ne passe pas souvent. Là, il arrive, et je ne veux pas le louper. Bordeaux et le monde professionnel étaient les seules possibilités de me sortir de ma dernière année de contrat.

« Fier du Pays Basque, fier de Biarritz… »

Vous êtes très étiqueté Sud-Ouest, avec un esprit très club…

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Je suis très fier de venir du Pays basque, de la ville de Biarritz, très fier de mes origines, un père breton, une mère basque. Je vote encore à Biarritz, et c’est un endroit où j’aime venir, il y a mes amis, ma famille, il y fait bon vivre, c’est une des plus belles villes de France, voire du monde, même si je ne suis pas très objectif (rires) !

Quel est votre regard sur votre parcours, justement, de Biarritz à Bayonne ?

Il y a un peu de fierté, pas mal placée bien entendu, mais il y en a. D’avoir évolué, d’avoir été capable de vivre ces émotions, d’avoir grandi en tant qu’homme, fait toutes ces rencontres. Je ne regrette rien. Les bons comme les mauvais moments… tout ça a permis de me construire. Je dirais de la fierté, du plaisir, de la passion… C’est le sentiment qui ressort. Mais je pense aussi qu’il faut être capable de prendre de la hauteur, il faut regarder quelle trace vous avez laissé. Ce sont les gens dans les clubs qui en parlent le mieux. Si on m’avait dit que j’allais faire un quart de finale de Coupe de France et coacher la réserve de Bordeaux, même à 50 ans, j’aurais signé des deux mains. Le chemin que j’ai parcouru, c’est un peu tout cela.

« Il faut avoir de l’ambition mais elle se construit »

Il est parfois difficile de parler d’ambition en France. Vous en aviez à vos débuts, vous en avez toujours ?

Face à Versailles (le coach Youssef Chibhi à gauche) en demi-finale de la coupe. Photo Philippe Le Brech.

Je n’ai aucun problème avec ça. Il faut avoir de l’ambition, il faut se lever avec ça, mais en fait, elle se construit. Avec du travail, de l’exigence, des performances, et de l’humilité. Quand vous associez tout cela, le mot « ambition » n’est pas vulgaire. Il l’est si vous êtes assis sur votre canapé toute la journée et vous dîtes « je veux ça » sans rien faire; là, c’est mal placé. L’ambition de bien faire son travail au quotidien est déjà une ambition. Voilà, moi je me construis comme ça, au quotidien, en travaillant. Et le destin m’amène à faire des rencontres ensuite, des choix de carrière, et l’idéal est de toujours essayer d’avancer, d’avoir le choix, avec plus ou moins de réussite. Mes jeunes joueurs à Bordeaux, je les vois tous les jours. Quand ils me parlent d’ambition, je leur demande ce qu’ils sont prêts à faire pour réussir.

Comment travaillez-vous à Bordeaux au quotidien, et plus globalement ?

Je vais peut-être un peu me répéter, mais avec passion. Je pense que c’est ce qui me caractérise. Athlétiquement, tactiquement, on essaie de se rapprocher des matches au maximum. Le projet de jeu tourne autour de ça, celui du match, du week-end. Il y a pas mal de réflexion, de jeu, on met beaucoup d’intensité. Je demande à mon staff à ce qu’on surprenne au maximum les joueurs. On se voit pendant dix mois, il faut être capable de les mettre en éveil, de les surprendre, dans un cadre bien précis qui est le projet de jeu. Mais je veux que les joueurs se demandent ce sur quoi ils vont bosser, et derrière on manipule les consignes; je demande aux joueurs d’être attentifs. Au lieu d’avoir des chasubles sur des exercices de « conserve », on passe avec des plots de couleurs dans les mains, donc sur la prise d’infos ça va plus vite… Ce sont plein de détails au quotidien pour faire progresser les joueurs et les rendre acteurs du projet, de leur projet personnel, de leur saison. Je fais la même chose sur les causeries.

« Le match appartient aux joueurs »

Il y d’ailleurs eu une fameuse causerie avant le derby contre Trélissac avec Bergerac…

Oui. L’idée, c’est de toujours rendre acteurs les joueurs. On jouait le derby et j’ai pris la ville de naissance de chaque joueur et celle de son derby pour les rendre acteurs de notre derby. Le derby de Bergerac ne signifiait pas forcément grand-chose pour beaucoup de joueurs, ça les a ramenés à leur enfance, leurs propres souvenirs, pour le nôtre avec Bergerac.

A côté de ça, vous êtes calme pendant les matches, hors causeries. Une volonté de séréniser ? Vous êtes un coach calme, ou est-ce calculé ?

Photo Philippe Le Brech.

Alors je ne suis pas que comme ça ! Parfois, je suis un peu plus agité, et ça dépend aussi de l’équipe que j’ai. Avec les jeunes à Bordeaux, ils ont besoin d’être plus stimulés, alors qu’avec un groupe mature, vous pouvez redescendre. Moi, en fait, là où je redeviens calme, c’est au moment où j’ai fait la causerie. 90% de mon job a été fait : de l’entraînement, la préparation de l’entraînement, la préparation du match, les après-entraînements, la dernière vidéo, à la causerie, mon travail est là à 90%. Quand il y a le match, il appartient aux joueurs.

Il va falloir que je sois fort sur les changements, pour impacter le match, et les deux-trois petites corrections à apporter aux joueurs, être précis. Pour analyser tous ces moments, il faut être calme, prendre de la hauteur, être capable de visualiser. Les joueurs ont parfois besoin que vous les stimuliez, mais pour prendre ces décisions, ça doit venir d’une analyse. Si les joueurs dorment sur le terrain, je dois être calme pour le voir, et me dire « qu’est-ce que je vais faire pour changer ça ? ». Ça part d’une analyse, un constat, pour mettre une action en place. Des fois les joueurs sont énervés, et si vous êtes énervés au-dessus de ça, ça ne va pas. Dans de petits vestiaires, par exemple, avec une équipe à côté qui peut vous entendre, si vous criez, vous pouvez impacter l’adversaire, qui va se dire : « Ecoutez les gars, ils se font engueuler, donc on va taper fort », et ils vont y croire. Si vous restez calme dans ce cas précis, si vous ne criez pas et que vous avec des mots forts, alors vous impactez votre équipe. Tout ce que j’essaie de faire, j’essaie de le mesurer pour avoir la bonne attitude et aider mes joueurs à performer.

« Mettre les joueurs au centre du projet »

Vous avez des superstitions, apparemment ?

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Il y a des choses qui sont ancrées, qui me sécurisent moi, mais ça n’a pas de sens, ça n’a pas de poids. On n’avait pas de numéro 13 à Bergerac, car lors de mes premières années à Bayonne, mes joueurs avaient compris que le numéro 13 avait très peu de chance de rentrer. Et un jour j’entends un de mes joueurs dire « Pu**** je suis rentré alors que j’avais le 13 ! ». Je lui ai demandé pourquoi il disait ça, et il avait répondu « Bah on a compris coach, que celui qui a le 13 a très peu de chances de rentrer ! »

J’envoie aussi toujours un message à ma femme un quart d’heure avant les matches, et je ne regarde jamais la réponse, mais alors jamais ! À Bergerac, je me garais toujours sur la même place de parking, et un jour j’ai fait sortir la voiture du commercial… Ne le dite pas à Paul (Fauvel), il ne doit pas le savoir !!! Ce sont des trucs qui me sécurisent. Je faisais mes causeries et mes rectifications de la mi-temps sur des bouts de papier. Si on perdait, je jetais le stylo. Ça n’a pas de sens !

Vous avez passé une journée avec Christophe Urios, alors manager de l’UBB, ou échangé avec Yannick Bru, du côté de l’Aviron Bayonnais. Vous êtes fan de ballon ovale ?

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

J’adore le rugby et aller à Chaban-Delmas pour voir l’UBB jouer. Avec Yannick Bru, ça s’est fait car on était dans la même ville et le même club, l’Aviron Bayonnais. Quand on a fait notre bon parcours avec l’Aviron en Coupe de France (jusqu’en 32e de finale), il était venu nous dire un mot avant le match. J’entendais parler de son travail et j’avais des infos sur ce qu’il faisait grâce au responsable de la com’ de Bayonne, Yann, qui est devenu un ami; il me voyait travailler au quotidien et on échangeait beaucoup sur les deux sports. Grâce à ma compagne, qui connaît Cameron Woki, j’ai aussi pu rencontrer Christophe Urios, un coach incroyable. J’ai pu passer une journée en immersion avec lui. Je me demande toujours quelles idées je peux prendre au rugby.

Pour en revenir au foot, on dit que vous faites beaucoup confiance à vos joueurs. C’est vrai ?

C’est donnant-donnant pour moi. C’est peut-être moins vrai en réserve à Bordeaux avec des jeunes, mais par moments, je n’ai pas peur de le dire, ce sont les joueurs qui ont fait grandir notre projet de jeu. Ils doivent être acteurs, ils voient des choses que je ne vois pas sur le terrain, ils vous font grandir. Avec cette base de réflexion, les temps d’échanges vont être importants. C’est pour cela que je suis proche de mes joueurs. Ils doivent être au cœur du projet, comme Damien Fachan à Bergerac, mon capitaine, avec qui on avait des échanges, et en un regard ou un mot, il savait ce qu’on devait faire faire à l’équipe. Il était un relai, il faisait passer des choses. Vous devez convaincre les joueurs de tout cela; ça ne marche pas s’ils n’y croient pas. Vous devez les mettre au centre du projet.

Erwan Lannuzel du tac au tac

Avant le derby retour à Trélissac l’an passé (ici Hervé Loubat, le coach de Trélissac). Photo A. B.

Votre meilleur souvenir ?
La qualification pour le 1/4 de finale de Coupe de France contre Saint Étienne.

Votre pire souvenir ?
Le but du Puy à la 97e à la dernière journée qui nous enlève la montée en National avec Bergerac. Le travail d’une saison s’écroule en une seconde.

Des inspirations, des modèles ?
J’aime bien me nourrir de plusieurs coaches. J’aime prendre des idées des coaches et me les approprier.

Des mentors ?
Stéphane Adamietz (ex-conseiller technique fédéral à la Ligue de Nouvelle Aquitaine et conseiller technique départemental du District des Pyrénées-Atlantiques), qui m’a fait prendre conscience de plein de choses durant mon année DES, il y a 10 ans. Mais je suis « brouillé » avec lui, pour une connerie, comme bien souvent.

Un match référence ou un gros coup tactique ?
Le match contre Saint Étienne évidement ou on gagne dans le jeu en étant acteur de notre match sur 90 minutes. Et il y a aussi un match avec Bayonne contre Bordeaux B (2017-2018). On gagne 1-0 et j’ai le sentiment en fin de match de voir mon équipe s’être imprégnée du projet de jeu complètement.

Un match à oublier ?
Chamalières-Bergerac la saison dernière. Une défaite 5-2. J’ai tout loupé sur cette journée.

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Votre philosophie/style de jeu ?
Je veux avoir une équipe active et hybride, capable de tout faire dans le match, capable de s’adapter à tous les scénarios, de prendre le ballon, de tenir la possession, de faire mal à l’adversaire, de l’user pour ensuite attaquer finir les actions, ou par moments d’être très vertical et d’attaquer en deux ou trois passes, ou aussi décider de ne plus avoir le ballon par instants, et de rendre les joueurs autonomes pour qu’ils puissent lire tous les scénarios et les imposer à l’adversaire. On essaie de travailler tous les scénarios pour que l’équipe soit la plus hybride possible dans le système 4-3-3 qui est le nôtre.

Un président marquant ?
Tous, car ils m’ont tous fait confiance.

Un joueur entraîné qui vous a impressionné ?
Damien Fachan, aussi bien l’homme que le joueur, et Denis Stinat. Mais il n’a joué que 45 minutes donc je ne sais pas s’il n’avait pas tout donné sur ce match !!! Je pense que Denis est meilleur adjoint quand même !

Une anecdote de vestiaire ?
La saison dernière, à Bergerac, on gagne à domicile. La semaine d’après est une semaine sans match. Les cadres me demandent évidemment des jours de repos. J’accepte, à une seule condition, c’est de voir tous les joueurs au Moka (bar-boîte de la ville). Le vestiaire était plus heureux que d’avoir des jours off ! Le président, le directeur général, les joueurs et le staff ont suivi Victor Elissalt, Lucas Dumaî et « Flo » Heguiabéhéré, des fidèles du lieu. La soirée ensuite fut très arrosée !

Photo Racoon’s Colors / BPFC24

Chaque club en quelques mots/phrases ?
Biarritz : Famille.
Bayonne : Ambition.
Poitiers : Covid.
Bergerac : Humain.
Bordeaux : Professionnel.

Aviron Bayonnais rugby ou Biarritz Olympique ?
Biarritz Olympique à 100 % même s’ils sont dans une période difficile.

Des hobbies en dehors du football ?
Ma femme, les amis, les voyages. Et le padel avec certains staffs, car d’autres n’ont pas été au niveau, ils se reconnaîtront peut être !

Un ami dans le monde du football perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Si c’est un ami, je ne l’ai pas perdu de vue, donc personne.

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : Raccoon’s colors / BPFC24 (et Girondins de Bordeaux) et Philippe Le Brech

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À 42 ans, le coach azuréen, licencié depuis 33 ans dans « son » club, modèle de grinta et de fidélité, dispute sa 11e saison sur le banc des seniors. Il n’éprouve aucune lassitude et conserve intactes ses ambitions. Il rêve même de voir le Racing, souvent bien placé, un jour en National.

Par Anthony Boyer – Photos RC Pays de Grasse

Si Loïc Chabas n’avait pas été entraîneur de foot, il serait peut-être… journaliste sportif ! C’est l’intéressé lui-même qui a nous a confié sa passion pour ce métier, entre deux cafés, dans son bureau, au stade de La Paoute, situé dans la plaine de Grasse.

Ce métier, il l’a d’ailleurs touché du bout des doigts, du bout du crayon même, quand il était correspondant sportif pour le quotidien Nice-Matin ! C’était il y a un peu plus de 10 ans et le natif de Grasse n’était pas encore installé sur le banc de l’équipe fanion seniors de « son » club de toujours : le Racing-club de Grasse (devenu en juillet 2022 le RC Pays de Grasse).

Finalement, il a persévéré dans le foot et choisi un autre métier-passion. Il a sans doute bien fait vu ce que le club lui a apporté et ce qu’il a apporté à son club depuis toutes ces années. Mais au fait, combien d’années exactement ? Là, Loïc est obligé de réfléchir. De compter. « J’ai 42 ans (il est né le 2 septembre 1981 à Grasse) et j’ai pris ma première licence en 1991, donc j’avais 10 ans ! »

33 ans de fidélité

Loïc Chabas, c’est donc 33 ans de licence au Racing-club Pays de Grasse. 33 ans de fidélité. Et 11 ans d’affilée passés sur le banc de coach de l’équipe première, d’abord en Division d’Honneur, en 2013, lorsqu’il fut intronisé par le tandem Roustan-Henry (François Roustan, ancien président, aujourd’hui adjoint aux sports, et Romain Henry, actuel directeur sportif), puis en CFA2 après une première accession (en 2016) et enfin en CFA (National 2) après une deuxième accession consécutive, en 2017 ! De quoi légitimer les débuts de ce nouvel entraîneur en chef, à l’époque promu alors qu’il n’avait, finalement, que peu de références, moins en tout cas comme joueur que comme entraîneur chez les jeunes : « J’ai joué au club mais jamais en équipe première. J’étais capitaine de la réserve mais j’ai arrêté tôt, car je prenais plus de plaisir à entraîner qu’à jouer. J’étais latéral droit, mais bon, je n’étais pas… »

Loïc ne termine pas sa phrase. Ce sera la seule fois, du reste, car ensuite, il répondra aux questions sans jamais tirer la couverture des excellents résultats du RCPG à lui. Il consent aussi ne pas savoir s’il restera un an, trois ans, dix ans ou toute sa vie au Racing : « Je ne sais pas, on n’en sait rien ». Son caractère, son ambition, sa vision du foot, son club, à quelques heures d’un nouveau rendez-vous à La Paoute face à une équipe de haut de tableau (Le Puy, 2e), il passe un peu en revue tous les sujets, n’oubliant jamais de rendre hommage à ses dirigeants, à ceux qui lui ont fait et lui font confiance, et surtout à son staff.

Interview

« Le positif amène le positif »

Ton meilleur souvenir sportif de coach à ce jour ?
Les deux accessions, de DH en CFA2 et de CFA2 en CFA (N2). S’il fallait en choisir une, je dirais la deuxième montée, alors qu’on est tout juste promu en CFA2. En plus, il y a le contexte qui va avec, on gagne à l’extérieur, lors du dernier match de la saison, à Toulon, face à la réserve. En fait, j’ai vraiment trois souvenirs marquants sur les dix saisons (onze saisons en réalité, Ndlr), donc ces deux accessions, et aussi le match de coupe de France, l’an passé, contre Rodez, avec ces trois poteaux pour nous et cette élimination aux tirs au but.

Pire souvenir ?
C’était samedi, contre Aubagne (1-1), parce que c’est frais (entretien réalisé avant le déplacement suivant à Cannes). Après, il y a eu aussi la saison arrêtée à cause de la Covid, la première (2019-20), parce que cette fois-là, on s’est dit, « c’est pour nous » (l’accession en National). On avait fait tout ce qu’il fallait, on avait un calendrier favorable, on avait battu les gros chez eux, donc la pire nouvelle, c’est quand on nous a appris que l’on ne reprendrait pas alors qu’on espérait pendant longtemps que ça puisse reprendre.

« J’aime la grinta de Diego Simeone »

Avec Nicolas Soumah son adjoint.

Le club que tu rêverais d’entraîner, dans tes rêves les plus fous ?
Petit, j’ai été bercé par l’OM… Après, je suis Azuréen, donc je dirais l’OGC Nice !

Le club où tu as failli signer ?
Non, il n’y en a pas. Honnêtement il n y a jamais rien eu de poussé.

Tes modèles de coach ?
Celui qui m’inspire, c’est Diego Simeone (Atlético Madrid). Je me retrouve en lui. J’aime la grinta qu’il apporte à son équipe.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Rire) C’est une question piège ! Si je veux m’assurer une fin de saison tranquille, je suis obligé de répondre Nicolas Medjian (son capitaine) ! Plus sérieusement, j’en ai eu des bons, c’est vrai, ces dernières années. J’en ai vu passer, des Mafouta, des Boussaïd, des Gueye… On a eu la chance d’avoir de très-très bons joueurs ces dernières saisons.

Pourquoi es-tu devenu entraîneur ?
Cela s’est fait de fil en aiguille. J’ai commencé à entraîner quand j’avais 18 ans, je m’occupais des touts-petits, bénévolement, puis très vite, parce qu’il y a eu un entraîneur qui est parti, j ‘ai pris une équipe de foot à 11 alors que je n’avais que 19 ou 20 ans. C’était des U13. Ce n’était pas évident parce qu’il n’y avait que 6 ou 7 ans d’écart avec eux. Ce fut un démarrage très rapide mais ça s’est bien passé et ensuite j’ai eu des U15 avec qui on est monté au plus haut niveau régional. Après, j’ai enchaîné avec les U19, et là, pareil, on monte en DH : cette même saison-là, l’équipe seniors tombe de CFA2 en DH. Et c’est là que l’on me propose de reprendre les seniors I, après la descente et une saison compliquée, où beaucoup de joueurs n’étaient pas des locaux, donc des joueurs pas forcément concernés. Et là, je pars avec Romain (Henry, directeur sportif) sur un projet basé sur l’identité, et on se lance dans le truc. On ne garde que cinq joueurs (Kevin Raccosta, Jonathan Minasi, Anthony Calatayud, Vincent Bardaji, Salim Chaffar) et on lance les jeunes du coin. En fait, mon arrivée à la tête de l’équipe fanion s’est faite sans calculer, mais naturellement.

Si tu n’avais pas été entraîneur ?
J’avais plusieurs projets, dont celui de devenir journaliste sportif. D’ailleurs j’ai été pigiste à Nice-matin ! J’étais partie dans la branche du tourisme aussi, mais le sport a toujours été ma passion.

Ton parcours de joueur ?
J’ai joué dans toutes les catégories mais jamais en équipe première. J’étais capitaine de la réserve mais j’ai arrêté tôt, parce que je prenais plus de plaisir à entraîner qu’à jouer. J’étais latéral droit, mais bon, je n’étais pas…

Un joueur perdu de vue que tu aimerais revoir ?
En fait, il n’y en a pas vraiment, parce que je reste en contact avec beaucoup de joueurs. J’ai eu plusieurs générations, avec des cycles de 3 ou 4 ans, il n’y a pas eu beaucoup de départs de joueurs au bout d’un an. Il y a eu la génération Minasi, après la génération Camus-Medjian, et là, par la force des choses, ça a un peu changé.

« Je cogite énormément »

Des moments de doute ?
Oui. Je suis assez impulsif et souvent, après une contre-performance, je me dis « mais qu’est-ce que je fais là ? » ou « pourquoi je fais ça ? ». Souvent, à chaud, je me pose ces questions. Alors, ma deuxième saison à la tête des seniors (en 2014-2015), celle où on a failli descendre de DH en DHR, je me suis dit que je n’étais peut-être pas fait pour les seniors, que j’étais juste bon à entraîner des jeunes… De toute manière, des doutes, j’en ai tout le temps. Depuis samedi, par exemple, je cogite énormément bien que l’on ait fait match nul contre le leader, Aubagne… Cela fait partie de ma personnalité. C’est très rare que l’on encaisse un but à la fin, que cela soit à domicile ou à l’extérieur. Et là… (Ndlr, la semaine suivante, le RC Pays de Grasse a de nouveau encaissé un but à la fin du match, à Cannes, 1-1).

Samedi dernier, lors du derby, à Cannes (1-1).

Des manies, des rituels ?
Disons que c’est compliqué de me parler avant un match. Je suis « dedans ». Parfois, j’essaie de sortir un peu de tout ça, de parler d’autre chose, mais je reste quand même très focus sur le match, donc je suis très fermé. Le matin du match, quand je pars de la maison, je suis déjà presque dans mon match. Quand on joue à domicile, j’aime bien venir très tôt au stade si le fiston ne joue pas aux alentours. Je me gare toujours à la même place ! Je me pose dans mon bureau. Je peaufine les derniers réglages. J’essaie de réfléchir à tous les scénarios possibles. Avec le staff et avec Valentin, l’analyste vidéo, on finaliste la présentation, les coups de pied arrêtés. En fait, on met un dernier coup de collier et moi ça m’aide à rentrer dans le match. Peut-être que, parfois, c’est trop, mais moi, j’en ai besoin. J’ai besoin que cette journée ne soit focalisée que sur le match. Après, il y a toujours cette dernière heure avant le coup d’envoi qui est un peu longue pour moi, après la causerie : de 17h10 à 18h, c’est interminable !

« Une perpétuelle remise en questions »

Une devise ?
J’ai une phrase que je répète souvent : le positif amène le positif. Parce que j’ai tendance à ne voir que le négatif en premier, et que cela soit ma famille, ma direction on mon staff, on me l’a souvent répété, donc je progresse là-dessus. Quand j’ai envie de dire que ceci ou cela ne va pas… Non ! Allez, je me reprends, et je me dis que le positif amène le positif.

Nicolas Medjian, le capitaine.

Penses-tu être un meilleur coach aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?
J’espère (rire) ! Ce métier, c’est une perpétuelle remise en questions. J’ai la chance d’avoir un staff avec lequel on communique beaucoup et on se dit les vérités, Karim (Adsa), Nico (Soumah), Emiliano (Ippoliti) et Valentin (Oberkugler). On se dit les choses, même si parfois ça crie. C’est ce qui permet d’évoluer dans plein de domaines. Evidemment que, dans l’approche des matchs et dans l’analyse de la rencontre, il y a l’expérience qui entre en jeu et permet de progresser sur ce plan-là. Idem pour les séances d’entraînement, qu’on essaie d’améliorer et de rendre toujours plus cohérentes, de mettre en adéquation avec les demandes des joueurs, et ça, ça prend du temps. Parfois, nous, on n’est pas assez à l’écoute des joueurs parce que, toute la semaine, on est focus sur le match, alors qu’ils ont des besoins : parfois ils veulent un peu plus de jeu, parfois ils veulent un peu plus de tactique, ou du physique, donc cela passe par beaucoup de communication avec les cadres. On a besoin d’avoir leur ressenti. On ne doit pas rester fermés. Et pour ça, on va sentir l’ambiance en salle de muscu aussi. Là-dessus, je pense avoir beaucoup progressé : je suis capable, avant une séance d’entraînement, de dire comment elle va se passer, en fonction de plein de choses, de l’ambiance dans la salle de muscu, dans le vestiaire, en fonction des regards, des discussions, et là, vite, je m’adapte. Peut-être qu’il faut les rassurer sur un point, ou alors peut-être qu’il faut un peu plus de jeu parce qu’ils ont envie de s’éclater, ou alors ils ont des doutes et on va faire plus de travail tactique, en situation. Le feeling que l’on a, la relation staff – joueurs, ce sont des choses vraiment importantes et c’est ce qui fait notre force sur les dernières années, je pense.

« Je suis un coach à l’écoute »

Un style de jeu ?
Là aussi, sur ce plan, on a évolué. Pendant des années, on a joué en 4-4-2 losange, dans lequel on aimait bien avoir une vraie possession. Et puis après, on est passé à trois défenseurs, cinq milieux et deux attaquants : quand on a changé ça, on s’est aussi adapté, on a mis du temps. On aime bien aller chercher haut défensivement l’adversaire, presser, récupérer, harceler, mettre beaucoup d’intensité sur des séquences. Offensivement, on aime bien travailler sur les transitions. Après, on bosse beaucoup sur les attaques placées, un domaine dans lequel on doit s’améliorer, car on a pas mal de déchets cette année.

Tu es un coach plutôt comment ?
(Il réfléchit longuement). Je dirais que je suis un coach à l’écoute. J’essaie de prendre le maximum d’infos, que cela vienne des joueurs, du staff, de la direction, afin d’analyser dans un second temps. Parfois, cela prend du temps. Après, quand j’ai les infos, je prends du recul, et j’essaie d’évaluer tout ça, de prendre des décisions s’il le faut, de faire des choix.

Un match référence avec toi sur le banc ?
Le match référence, j’en ai parlé, c’est celui en coupe de France contre Rodez la saison passée parce que je pense qu’avec le staff, on avait vraiment fait le travail qu’il fallait. On n’a pas eu peur d’affronter cette équipe. Malheureusement, il y a eu ces trois poteaux qui font que l’on n’a pas pu gagner ce match, mais pour nous, ce fut vraiment un match abouti de A à Z.

Le pire match ?
Cela dépend comment tu le vois… Le match où je me suis demandé ce que je faisais là, c’est le match aller cette saison à Aubagne (3-0), mais on avait beaucoup d’absents, on est parti avec un nouveau système. Sans se cacher derrière ça, on prend deux buts coups sur coups, on sentait que ce n’était pas notre jour. Mais celui où, véritablement, j’ai eu un peu de mal à digérer, c’est la défaite à Bourgoin-Jallieu le mois dernier (2-1) : on mène 1 à 0, on sent qu’on est très bien dans le match, l’adversaire se retrouve à 10, mais au final, ce n’est pas un bien pour nous, et puis on fait deux erreurs de jeunesse, on provoque deux penalties, et on se dit « C’est pas possible »… Et on perd ce match 2-1… C’est la pire défaite celle-là.

« Une fierté de faire jouer des jeunes du coin »

Ton match de légende de l’Histoire du foot ?
France – Brésil 1998 par rapport aux émotions, et OM – Milan aussi en 1993 mais j’étais jeune…

Une idole de jeunesse ?
Jean-Pierre Papin. C’est là où j’ai vraiment commencé à regarder le foot.

Plus grande fierté au niveau foot ?
C’est d’avoir réussi à avancer avec le club de mon coeur.

Et dans la vie de tous les jours ?
Ma famille, mes enfants… J’ai un garçon, Marlon, qui a 10 ans. Il joue au club, il est « fondu » de foot. Il est gardien en U11. Et j’ai Léna, qui a un peu plus d’un an. Et on aussi trois autres garçons du côté de mon épouse. Donc ça fait cinq enfants à la maison, c’est du sport ! Mais tout le monde aime le foot !

Que te manque-t-il pour entraîner plus haut ?
Ce qui me manque, c’est de monter en National avec le RC Pays de Grasse ! Ce serait mon rêve de le faire avec mon club, mais il manque quelques points (rire). Même si cela ne fait pas forcément partie des objectifs chaque année, encore moins cette année avec les départs de nombreux titulaires l’été dernier, quand on se retrouve toute la saison sur le podium, on a quand même ça dans un coin de la tête et on a toujours l’espérance de pouvoir monter. Pour le faire avec Grasse, ce sont des petits détails que l’on doit gommer chaque année et améliorer. Après, quand tu vois l’âge moyen de notre équipe… On a quand même fait jouer cinq joueurs nés en 2003, deux nés en 2004 et un né en 2005, ce sont presque les âges des réserves pros ! Et récemment, à domicile, contre Toulon (2-1), on a fini avec trois joueurs dans l’axe nés en 2002, 2002 et 2003. Et on a tenu ! C’est une fierté, ça aussi, de faire jouer les jeunes du coin, de les faire évoluer, progresser et de les voir partir dans des clubs pros comme Sahmkou Camara parti jouer en D1 Suisse à Lausanne après être passé par le Cavigal. Cette année, on va encore en avoir un ou deux qui auront la possibilité de signer dans le monde pro.

« Tout entraîneur a envie d’aller plus haut »

La saison passée, en coupe de France, face à Rodez.

Donc entraîner plus haut, tu en as envie ?
Tout entraîneur, je pense, a envie d’aller plus haut. Mais pour moi, déjà, entraîneur, ce n’était pas programmé, ça s’est fait naturellement, parce que, au départ, quand tu entraînes en Division d’Honneur, tu ne t’imagines pas que cela puisse devenir ton métier dans dix ans. Et c’est pourtant ce qui s’est passé pour moi, donc ça, déjà, c’est merveilleux. J’ai conscience d’avoir une chance énorme de pouvoir vivre cette expérience. Après, bien sûr que j’ai envie d’aller plus haut : l’objectif, c’est de le faire avec le club de mon coeur. Ce serait ce qu’il y a de plus beau. Après, peut-être que cela se fera différemment.

Depuis l’accession de Grasse en N2 en 2017, le club a souvent fini sur le podium : des résultats qui ont dû susciter des convoitises, non ?
(Sourire) Alors y’a eu une année, on n’est pas terrible, sinon, c’est vrai qu’on est souvent sur le podium. Des sollicitations ? Non, pas plus que ça. Pour être honnête, je pense que la réussite d’un club, ce n’est pas que la réussite d’un coach. Déjà, au début, tout est parti de François Roustan (l’ancien président) et de Romain Henry (le directeur sportif) : avec eux, d’entrée, ce fut carré, on est parti sur des bases solides. On a travaillé dans la sérénité, par exemple, sans se sentir menacé à la moindre défaite. Après, il y a eu l’ère Cheton, avec Jean-Philippe Cheton, le président, et Thomas Dersy, le directeur. Avec eux, c’est pareil. Ils m’ont mis dans un cadre sécuritaire. Ils m’ont présenté un projet basé sur des joueurs locaux et un staff local. Ils m’ont dit que c’était avec mon staff et moi qu’ils avaient envie d’avancer. C’est pour ça que je vous dis que ces bons classements, 2e, 3e, c’est un tout : ça reflète la gestion d’un club qui ne fait pas de folie, qui recrute avec de la réflexion et du temps. C’est aussi une organisation et un staff solide. Tout est mis en oeuvre pour que l’on travaille bien. Après, pour en revenir au classement, on est conscient que, quand même, on est bien placé, et cela fait plusieurs années que l’on est en haut de tableau, on le sait, et parfois cela permet de relativiser les choses après une défaite, parce qu’on sait qu’il y a des clubs avec des gros budgets qui aimeraient être à notre place et qui galèrent même pour se maintenir. Ces résultats stables, c’est une vraie fierté aussi.

« Chaque saison on repart de zéro »

On a l’impression que le club a atteint son plafond de verre, qu’il ne parvient pas à passer le cap… Comment Grasse va-t-il pouvoir continuer à exister et performer les prochaines saisons ?
Déjà, la première des choses et le plus simple serait de pouvoir garder les joueurs qui font de grosses saisons chez nous, mais ça, c’est compliqué, parce que, économiquement, on ne fait pas partie des plus gros clubs. Et sportivement, on ne peut pas empêcher un joueur d’aller jouer plus haut. C’est sûr que, quand on n’est pas passé loin de monter en National, ce fut un frein et ça nous a fait défaut les saisons suivantes. La vérité, c’est que chaque saison, on repart à zéro. Il faut continuer à avoir un temps d’avance sur le recrutement. En fait, ce que l’on fait, c’est qu’on imagine toujours qui sont les joueurs que l’on va perdre et il faut très vite imaginer par qui on va les remplacer, et ça c’est un travail qui est déjà bien commencé : on a déjà des idées pour la saison prochaine.

Après, c’est vrai, parfois, on est tout près de monter, et on perd des joueurs, on les remplace par des jeunes, et il faut qu’on ait une analyse très fine de leurs compétences. Ces jeunes, il va falloir qu’ils soient au niveau, qu’ils correspondent à l’ADN – la gnac, la grinta – de l’équipe, qu’ils s’intègrent vite dans le groupe, pour continuer à jouer le haut de tableau.

Après, là où je ne suis pas d’accord, c’est que je trouve qu’on est bien organisé et bien structuré au niveau du club. Donc si on venait à monter d’un cran, on serait prêt. Ce qui manque, cette saison, c’est peut-être une ou deux individualités supplémentaires pour faire la différence. Je n’oublie pas qu’on a perdu des joueurs importants sur blessures, d’autres ont été suspendus, notamment après le match de coupe de France face à Fréjus/Saint-Raphaël où je pense que l’on a été plutôt victimes que coupables.

Ces péripéties font que l’on se retrouve à 7 ou 8 points du leader, ce qui est beaucoup et peu à la fois. Il faut continuer à travailler sereinement comme on le fait, et que l’on réussisse à gagner ce genre de match clé comme celui d’Aubagne récemment (1-1, égalisation d’Aubagne à la 94e). L’an passé, on avait fait 0 à 0 contre le leader Marignane, qui était juste devant nous, à 4 points, et on était resté à 4 points. Il manque aussi de l’expérience dans ces moments-là, même si on en a un peu avec Nico (Medjian), Kevin (Châtelain), Herman (Ako) et aussi Amaury (Roperti). Peut-être qu’il en faudrait un ou deux supplémentaires… Cette expérience là pourrait nous aider à franchir des paliers.

« Rien de plus beau que de réussir dans son club »

On te sent extrêmement investi dans ton club : malgré ça, vas-tu rester toute ta vie à Grasse ?
Je ne sais pas. On n’en sait rien. Il n y a rien de plus beau que de réussir dans son club. On est déjà monté deux fois, et si on arrive à monter une troisième fois, ce serait le summum. Je me donne cet objectif suprême. Après, on ne sait pas comment les choses vont se passer : peut-être que dans deux ou trois ans le club prendra une autre direction, on ne peut pas savoir, et peut-être que, à ce moment-là, j’aurai des possibilités pour aller voir ailleurs.

Loïc Chabas, tout sauf un mercenaire, donc ?
Je ne le cache pas, la stabilité et le fait d’être prêt de ma famille sont des facteurs importants. Si un jour je venais à partir, et même si on ne peux jamais en avoir l’assurance, ce serait pour un projet à long terme ou à moyen terme. Personnellement, je ne me vois pas aller faire un « one shot » dans un club. On le voit bien dans la poule Sud : tu sais que tu peux faire six mois dans un club et puis « merci au revoir » et là, ce serait compliqué, et ce serait un frein pour moi, parce que je me dis que pour bien travailler, pour avoir le temps de mettre en place tes idées, ta manière de voir le travail, ça prend du temps, or du temps, il n’ y en a pas. Parce que les clubs cherchent à avoir des résultats immédiatement.

Alors, Aubagne ou Le Puy en National la saison prochaine ?
Déjà, même si on reste ambitieux, c’est dommage que l’on n’ait pas pu faire partie de ce duel, pour que la lutte à l’accession ne se résume pas à ces deux clubs et devienne une lutte à trois, un trio de tête… Pour ça, il a manqué de l ‘expérience sur les moments clés. Le Puy ? Je vois une équipe talentueuse et très complète de A à Z. Aubagne ? Il y a des joueurs d’expérience, qui connaissent parfaitement bien le championnat et la poule, et cette équipe a la réussite du champion !

National 2 (22e journée) – Samedi 13 avril 2024, à 18h : RC Pays de Grasse – le Puy Foot 43, à 18h, au stade de La Paoute.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : RCPG

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Le promu haut-rhinois place l’humain au centre de tout. Emmené depuis deux saisons par Vincent Rychen, il fait beaucoup mieux que de la figuration dans son championnat, au point d’enquiquiner les « cadors » de la poule en haut de tableau et de se mêler à la lutte pour la montée en National.

Par Anthony Boyer – Photos Jorge de Carvalho

La joie du buteur Alain Reppert.

C’est un peu le tube de l’année en National 2. Depuis juin 2022 et l’arrivée sur le banc de Vincent Rychen, l’ASC Biesheim – prononcez « Bissaïme » – ne cesse d’étonner. Après avoir survolé sa poule en National 3 la saison passée (16 victoires, 7 nuls et seulement 3 défaites), le promu alsacien poursuit sur sa lancée à l’étage supérieur, où, de manière totalement inattendue il faut l’avouer, il est venu se mêler à la lutte pour l’accession en National, quand bien même son dernier revers, samedi, face à Saint-Quentin (2-3), l’a un petit peu éloigné de la première place.

Pourtant, à cinq journées de la fin, l’association sportive et culturelle de Biesheim ne pointe qu’à quatre longueurs de l’actuel leader, Bourg-en-Bresse/Péronnas, et à trois longueurs du dauphin, l’AS Furiani Agliani. Et peut donc, toujours, légitimement rêver de tutoyer les sommets. Mais où s’arrêtera-t-il ? Et si Biesheim coiffait Bourg, Furiani, Fleury ou Bobigny sur le poteau ? Vous avez dit utopie ?

La réussite de Saint-Louis / Neuweg

Le coach de Biesheim, Vincent Rychen (qui salue ici le coach de Fleury, David Vignes).

Ces questions, forcément, nous les avons posé à deux des principaux intéressés. Le coach donc, Vincent Rychen, 48 ans, originaire de Saint-Louis, dans le Haut-Rhin, où il a d’ailleurs quasiment effectué toute sa carrière footballistique, à la fois comme joueur et entraîneur.

C’est là-bas, dans le triangle des trois frontières, comme on dit dans le coin (Saint-Louis jouxte à la fois la frontière suisse et la frontière allemande), qu’il est resté assis le plus longtemps sur un banc, d’abord dans le rôle d’adjoint, ensuite dans celui d’entraîneur principal, avec une certaine réussite puisqu’il a conduit Saint-Louis / Neuweg en CFA (N2) en 2015, à l’issue de sa troisième saison.

Mais c’est aussi dans ce même club qu’il a connus deux évictions : en effet, Vincent Rychen, éducateur sportif à la ville de Saint-Louis dans la vie civile, où il réside encore (à Saint-Louis La Chaussée), y a effectué deux passages. « Mais la première fois, en 2017, c’est plutôt moi qui ai démissionné » rectifie-t-il.

Le National, sujet tabou ?

Vincent Schmitt, le président.

On a aussi posé « la question qui tue » – « L’accession en National, sujet tabou ? » – au président Vincent Schmitt, à la tête de l’ASC Biesheim depuis 5 ans, et présent à l’ASCB depuis 7 ans, quand il siégeait aux côtés de l’ancien président (de 2010 à 2019), Marc Nagor, aujourd’hui président du club voisin et distant de 15 kilomètres, Colmar, adversaire en championnat !

« Le National ? Vous me lancez la patate chaude là » répond avec humour le chef d’entreprise – il est gérant de la société de transport SAFE -, et ancien coéquipier de Vincent Rychen du temps de leur jeunesse, à Colmar. Déjà, cette saison, on s’attendait à souffrir davantage. Après, franchement, il reste 5 matchs, et cette fin de saison appartient aux joueurs, à l’entraîneur et au staff ».

Le capitaine Mouhameth Sané (à droite).

Schmitt, dont l’une des particularités est d’avoir participé l’été dernier au sauvetage du FC Sochaux, dont il est l’unique alsacien parmi les 40 actionnaires, ne s’avance pas trop. Mais consent toutefois : « C’est vrai que, depuis quelques semaines, on m’en parle un peu (du National). Maintenant, je vais vous dire, on a anticipé deux budgets : l’un pour le National 2 (il est actuellement de 1,1 million d’euros, dont 70 % dont consacrés à l’équipe première masculine) et l’autre pour le National si jamais on était amené à monter. Mais il est évident qu’en cas d’accession, on ne pourra pas fonctionner avec le budget actuel. Il faut être réaliste et lucide. Il faudra avoir des idées et trouver de l’argent, mais on n’aura pas 2 millions non plus. »

Le président n’est pas un rêveur mais est bien obligé de prévoir. Surtout, il met avant ce qui fait, selon lui, la force de son club : « Chez nous, l’humain est au centre de tout. L’ASC Biesheim est un club convivial, familial, avec une vraie identité locale. Il y a beaucoup d’Alsaciens en équipe première et seulement trois ou quatre de l’extérieur. »

Rychen : « On va se jauger »

Le coach Vincent Rychen.

Et le coach, il en dit quoi ? Là, on a droit à une réponse de Normand. Pour un Alsacien, ça la fout vraiment mal ! « Il faut continuer. On a des matchs intéressants à jouer qui arrivent, à Furiani (samedi 13 avril), qui nous avait largement dominés chez nous à l’aller (0-3) et contre Bourg à domicile (samedi 20 avril). On va se jauger. On verra si on peut rivaliser et en tout cas être meilleurs que sur les deux confrontations qu’on a eues à l’aller. Et après ça, il y aura le derby à Colmar. »

Bon. Et la montée en National alors ? Vincent Rychen, gêné, n’en parle pas. Du moins pas devant nous, pas à micro ouvert. Mais il laisse apparaître un léger rictus, qui trahit une envie d’aller plus haut, et, surtout, une âme de compétiteur. Une envie de jouer le coup à fond.

Maintenant, ne nous faites pas écrire ce que nous n’avons pas écrit ! « Vincent, le National, vous y pensez ? » « Notre credo a toujours été d’être focus sur le maintien. Bon, mathématiquement, 34 points c’est bien mais derrière ça gagne aussi (Biesheim compte 10 points d’avance sur le 9e, la réserve d’Auxerre, Ndlr). Après, on est des compétiteurs, on a aussi cette ambition de bien faire, de rivaliser avec les équipes qui sont avec nous. Récemment, on a gagné à Auxerre B (1-0), face à leur réserve, mais c’était un match très serré, ils méritaient d’ouvrir le score en première mi-temps, on voit bien que les matchs ne se jouent à pas grand-chose ».

A Biesheim, comme ailleurs, chacun est dans son rôle. L’entraîneur entraîne. Tire le meilleur de son groupe. Insuffle son esprit compétiteur. Et ne parle pas à tort et à travers. Le président, lui, préside, anticipe. Gère. Les problèmes. Les crises. Comme celle, récente de l’automne dernier, lorsqu’il avait présenté sa démission après une sombre affaire de propos racistes tenus par deux de ses dirigeants. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Schmitt a été réélu. Rychen-Schmitt. Les deux hommes sont liés. Font preuve d’humilité. Ne se lancent pas dans de grands discours. Rien ne les empêche cependant de rêver. Après tout, et même si le National semble encore loin, pourquoi se priver d’aller encore plus haut quand on tutoie les sommets d’aussi prêt ?

Interview

Vincent Rychen : « J’aime l’école nantaise »

Vincent, on ne savait pas trop comment prononcer Biesheim… On doit souvent vous poser la question, non ?
On me le demande souvent, oui. Nos adversaires aussi nous le demandent parfois ! Biesheim est une petite ville de 2600 habitants, on est proche de Colmar (15 kilomètres environ), proche du Rhin, proche de Fribourg en Allemagne (35 kilomètres environ)…

Avec Colmar, y-a-t-il une rivalité ?
Une rivalité saine. C’est le genre de match qui attire du monde.

Avec Colmar, aucun rapprochement en vue non plus ?
Non, mais ça, c’est plutôt au président de répondre. Vincent Schmitt : « Non, ce n’est ni dans les cartons, ni dans les tuyaux. »

Le club référence, pour vous, c’est Strasbourg ?
Oui. Ici, on aime le Racing-club de Strasbourg ! On est à moins d’une heure, ça reste notre référence, même en Sud-Alsace, alors que, pourtant, on n’est qu’à une heure de Sochaux aussi, mais le Racing, c’est culturel.

Des tribunes bien remplies pour le derby aller face au voisin Colmar.

Votre parcours de joueur ?
Il est loin d’être linéaire, un peu cabossé (rire) ! J’ai commencé à Saint-Louis, où j’ai grandi à côté d’une cité. J’ai appris le foot dans la rue. J’adorais ça ! On jouait tous les jours, et vers l’âge de 15 ans, j’ai pris ma première licence à Saint-Louis. Je ne suis pas passé par une école de foot : ma préformation, je l’ai effectuée dans la rue. Après ma saison en U16 (juniors première année), j’ai intégré les seniors 1 de Saint-Louis, en Excellence, l’équivalent du Régional 2 aujourd’hui. Ensuite, j’ai joué à Colmar en CFA2 et à Schiltigheim (CFA2), où on a manqué plusieurs fois la montée en CFA. Parallèlement, je faisais des études à Strasbourg.

A quel poste étiez-vous ?
Je jouais essentiellement latéral mais j’ai fait plusieurs postes, notamment sur mes dernières années, où je jouais plus central ou milieu défensif.

Alexandre Valbon.

Comment avez-vous basculé de joueur à entraîneur ?
Très tôt, j’ai bien aimé ce côté éducateur. Quand je suis arrivé dans le foot, sur le tard, j’ai tout de suite été encadré par des anciens pros, des anciens du FC Mulhouse, qui avaient un vécu, comme Serge Duvernois, (ex-Mulhouse et ex-entraîneur/joueur de Saint-Louis-Neuweg), Philippe Tschiember (ex-Mulhouse) et ils ont su me transmettre ça. Damien Ott (ex-coach de Colmar, Bourg, Troyes et Avranches, passé aussi par Saint-Louis) et Nicolas Frischherz m’ont aussi accompagné dans mes débuts.

Je voulais savoir comment gagner des matchs et ce qu’il fallait faire pour y parvenir. En fait, c’est un cheminement. Et puis j’aime beaucoup la compétition. J’ai commencé par coacher des jeunes, des débutants jusqu’aux U19, et ensuite j’ai été adjoint de 2008 à 2012 de Cédric Decker, en CFA (N2) à Saint-Louis (Decker entraîne aujourd’hui l’ASL Koetzingue en Régional 2), alors que je jouais encore, et c’est là que j’ai pris vraiment conscience que je voulais devenir entraîneur.

En 2012, j’ai pris la succession de Cédric, qui est un ami et avec qui j’ai grandi. Ensemble, on a fait de belles années à Saint-Louis. J’ai fait 3 ans en CFA2 (N3) et 2 ans et demi en CFA (N2) sur le banc de Saint-Louis puis ça n’allait plus trop et en février 2018, avec le club, on s’est séparé. Là, j’ai entraîné un autre club, Hegenheim, en Régional 1, à côté de Saint-Louis. Il y a eu la Covid, cela a été compliqué. Ensuite, Saint-Louis m’a recontacté. Ce n’était plus les mêmes dirigeants. J’avais envie de revenir mais l’expérience n’a pas duré. Il y a eu beaucoup de changement. Et il faut du temps pour réussir, or là, on n’en a pas eu beaucoup pour atteindre nos objectifs.

Foday Camara et le gardien Bastien Rempp, face au Mâcon de Timothée Taufflieb.

En fait, vous avez été viré deux fois du même club ?
Oui, enfin, la première fois, je suis parti de moi-même, je n’étais plus en phase avec la direction de l’époque, j’ai préféré m’arrêter. La deuxième fois, l’idée, en revenant, c’était d’aider la nouvelle équipe dirigeante, mais il y avait eu 17 ou 18 départs pour autant d’arrivées, ça fait beaucoup, ce fut assez compliqué. Cela n’a pas fonctionné, c’est comme ça… Mais ce sont des épreuves qui forgent le caractère, qui sont tout de même enrichissantes.

Votre arrivée à Biesheim en 2022?
Le président, Vincent Schmitt, avec qui j’ai joué à Colmar, m’a contacté. J’avais envie de continuer à coacher, repartir sur un autre projet. Les contacts ont commencé vers février ou mars 2022. Cela faisait neuf ans que Biesheim était en N3 (depuis 2013). L’objectif, en venant, était de maintenir le club à ce niveau et puis on a fait une saison au delà-de nos espérances : on est monté en N2 !

Les résultats de Biesheim depuis votre arrivée sont-ils en quelque sorte une revanche personnelle ?
Une revanche ? Non. Mais une fierté, ça c’est sur. Dans le foot, vous savez, parfois on fait des bons choix et parfois des mauvais choix… Je suis quelqu’un d’entier : quand je m’engage quelque part, c’est à 200 %. Mais si je vois que certaines choses ne me conviennent pas, alors cela devient compliqué.

Parlez-nous de votre club, que l’on connaît très peu…
Je ne le connaissais pas plus que ça avant d’arriver ici, si ce n’est comme adversaire. J’ai découvert un club de près de 400 licenciés, familial, avec des gens simples, des valeurs de bon sens et je m’y retrouve. Le président a joué ici, il est très investi et il veut pérenniser le club en N2, c’est le premier objectif.

Le joueur Alain Reppert (à droite).

Comment se déroule une semaine-type ?
On s’entraîne 4 fois par semaine en début de soirée, du mardi au vendredi, et le lundi, les joueurs ont un programme de musculation et d’entretien à suivre. On s’entraîne sur un terrain en herbe. Le club dispose de trois terrains en herbe. On a de bonnes infrastructures même si on galère un peu en hiver à cause du froid ou du gel, ce qui nous oblige à trouver un terrain en synthétique, mais la commune soutient bien le club, d’ailleurs, son maire (Gérard Hug) vient régulièrement au match. On a beaucoup de contrats fédéraux mais ce sont des contrats à mi-temps, car beaucoup de joueurs travaillent à côté. Pour ma part, je suis éducateur sportif à la Ville de Saint-Louis, où je dispense des cours d’EPS dans les écoles. Je suis à temps partiel cette année : 60 % à la ville et à 40 % au club.

Votre effectif est peu expérimenté également…
C’est vrai, même si on a beaucoup de joueurs qui ont été formés au RC Strasbourg. On a beaucoup de Haut-Rhinois ou de joueurs de la région mulhousienne, de la banlieue de Strasbourg, et seulement deux ou trois de l’extérieur. Anthony Lamonge, notre deuxième gardien, a été pro à Lorient (ex-Avranches, Vannes), Mouhameth Sané, notre capitaine, a été formé à Dijon et Auxerre et a connu la Ligue 2. Reda Bellahcene a aussi un vécu, en première division algérienne, avant de revenir à Schiltigheim.

Ces bons résultats, comment les expliquez-vous ?
(Il sourit). Honnêtement, même nous on est un peu surpris (entretien réalisé avant la défaite face à Saint-Quentin, Ndlr). On voulait absolument ce maintien parce qu’avec cette réforme fédérale… J’ai un groupe travailleur et réceptif, qui a envie de progresser ensemble…

L’équipe de National 2 de l’ASC Biesheim.

Oui mais tous les coachs disent ça, qu’ils ont un groupe travailleur, réceptif… Il doit bien y a avoir autre chose, non ?
(Rire) Oui, je pense que les relations que mes joueurs ont entre eux sont fortes : c’est une des raisons de cette réussite. Mais c’est vrai que j’ai été élevé comme ça, avec des valeurs de travail, et là, on récolte les fruits de notre travail. On a beaucoup de joueurs formés à Strasbourg, Mulhouse, Dijon ou Auxerre, qui n’ont pas passé le cap pour devenir pro, qui ont envie de montrer qu’ils ont un certain niveau et qu’ils sont aussi devenus plus matures. J’ai un groupe qui sait se remettre en cause et a envie de progresser ensemble. J’ai un super staff aussi, c’est important : on a plaisir à se retrouver avec Guillaume Muller (adjoint), Maxime Gelardin (préparateur athlétique), Michel Wurker (entraîneur des gardiens), Quentin Fichter-Zoelle (analyste vidéo) et Yvan Giroir (logistique). Les relations avec le président sont bonnes aussi, pour moi c’est vraiment important, on est sur la même longueur d’onde. Tout ça fait que cela se passe bien.

Face à Saint-Quentin, samedi dernier.

Peut-on parler d’identité de jeu à Biesheim ?
Bien sûr, on veut avoir une identité de jeu, qu’on essaie de développer, on travaille ça à l’entraînement, mais on a aussi pris des claques aussi cette saison, à Bobigny, contre Furiani chez nous à l’aller, à Feignies où on a fait un non match. On essaie toujours de jouer au foot.

Votre ligne directrice ?
On aime bien avoir la possession et jouer aussi dans les transitions. Pour moi, une équipe performante doit être capable de faire les deux, de s’adapter, parce que c’est comme cela aujourd’hui dans le foot moderne. C’est un rapport de force : si l’adversaire nous prive de ballons, il faut être capable de bien défendre et de se projeter vite. Si on a le ballon, à nous de poser des problèmes à l’adversaire, de le déséquilibrer avec des principes de jeu bien clairs.

Vos modèles de coach ?
J’aime l’école nantaise de Jean-Claude Suaudeau et Reynald Denoueix, des précurseurs. J’aime bien m’inspirer d’eux. J’aime Lens aussi et le travail qu’effectue Franck Haise : je me retrouve dans sa façon de voir le foot.

Dix points d’avance sur le maintien, c’est bon ?
Il faut continuer. On a des matchs intéressants à jouer qui arrivent. On va se jauger car on avait perdu en décembre contre Furiani et Bourg, on verra si on peut rivaliser et en tout cas être meilleurs que sur les deux confrontations qu’on a déjà eues.

Vous aviez déjà entraîné en N2 par le passé avec Saint-Louis/Neuweg : le championnat a-t-il changé ?
Peut-être que les équipes étaient un peu plus joueuses avant, or là, comme il y a beaucoup de descentes, chaque match est un véritable combat. Il n’y a pas de ventre mou : soit on est en haut, soit on est en bas. Donc les adversaires se livrent un peu moins mais il y en a quand même qui jouent au foot.

Le club pourrait-il supporter une accession en National ?
(Embêté) Le président ne mettrait pas de frein… Dans son esprit, il doit anticiper un plan A et un plan B.

Et au niveau du public, vous êtes comment ?
On a un peu plus de monde cette saison, ça aussi, c’est une fierté. Quand Colmar est à l’extérieur, les gens viennent à Biesheim. On est 300 spectateurs en général sauf en cas de derby, où peut monter à 1000 ou 1500, comme ça va être le cas contre Colmar. Il y a même encore plus de monde quand on joue contre Haguenau. Mais contre Wasquehal, récemment, on était 300.

Allez, pour terminer, on remet une couche : le National, vous y pensez ?
On a envie d’aller le plus loin possible, avec nos moyens. Je ne peux pas freiner ça, mais il y a des gros matchs à venir, à Furiani, contre Bourg et à Colmar. Après, si une fenêtre de tir se présente, bien sûr !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Jorge de Carvalho

Photos : Jorge de Carvalho

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L’information est tombée ce dimanche matin : Alain Nersessian n’est plus le président du Football-club de Martigues, actuellement 2e du championnat National. Il n’occupe plus aucune fonction officielle au sein du club, qui n’a pas, au moment où nous écrivons ces lignes, encore communiqué. Alain Nersessian, qui était à la tête du club martégal depuis 2019, aurait été débarqué par les nouveaux propriétaires américains. « Je n’entrerai pas dans la polémique même si je suis forcément déçu et surpris, a-t-il expliqué au quotidien La Provence. Le coach, le staff, les joueurs et tous ceux qui ont adhéré au projet sous mes ordres ne méritent pas cela. Je préfère parler de mon bilan pour appuyer mon étonnement. Maintenant, je ne ferai pas de commentaires pour ne pas déstabiliser l’équipe première et l’équipe réserve dans leurs objectifs. »

En août 2022, il s’était longuement confié à @13heuresfoot :

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-attentionmartigues-est-de-retour/

Photo FCM

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Sensible, posé, réfléchi et d’apparence calme, le coach provençal cache en réalité une forte personnalité, des principes et des convictions. Portrait à coeur ouvert d’un garçon qui a réveillé Martigues et qui ambitionne de goûter au monde professionnel sur un banc.

Par Laurent PRUNETA – Photos Philippe Le Brech

À 41 ans, Grégory Poirier est un entraîneur qui monte. Pour la deuxième saison d’affilée, il joue les premiers rôles en National avec Martigues, une équipe à laquelle il a insufflé une vraie philosophie de jeu depuis son arrivée en 2021, en National 2. Une « patte Poirier » souvent saluée par ses adversaires. Après avoir vu sa carrière interrompue par plusieurs opérations, l’ancien milieu défensif continue de gravir les échelons après des expériences à Arles (jeunes et R2), Endoume Marseille (de R1 en N2), Saint-Malo (N2) et Sedan (N2). Il est aussi membre de la promotion 2023-2024 du BEPF. Pour 13heuresfoot, il est longuement revenu sur son parcours et décrit sa méthode, basée sur le plaisir du jeu et les valeurs humaines.

« Une fierté d’avoir été pro car je partais de loin »

Sa carrière de joueur l’a mené de La Rochelle (N3), sa ville natale, à Amiens (L2) en passant par Vergèze (N3), Arles (N3 à National) et Nîmes (L2). « C’est une fierté d’avoir été pro car je partais de loin. Mais ça a été au prix d’un gros mental et d’exigences car j’ai dû changer dans mon quotidien pour basculer dans le monde pro. » Quand il évoluait encore en N3 et N2, Grégory Poirier effectuait des études de management du sport à Montpellier. « Au final, j’ai eu une modeste carrière pro qui n’a duré que cinq ans (14 matchs de L2, 88 de National). Mais j’ai pu voir les deux mondes et les deux milieux. D’abord les amateurs puis les pros. Ça me sert aujourd’hui dans ma carrière d’entraîneur. »

S’il a participé à trois montées avec Arles, du N3 (CFA à l’époque) à la L2, il n’est pas conservé au moment où le club rejoint le monde professionnel en 2009 et devient Arles-Avignon. Son premier contrat pro, le milieu défensif le signe à Nîmes, avant de rejoindre Amiens pendant trois saisons. Mais en 2013, il doit stopper sa carrière à 30 ans. « J’aurais préféré continuer mais j’ai eu une double fracture déplacée tibia-péroné. Au total, j’ai eu quatre opérations de la jambe. J’ai eu une mauvaise consolidation. Quand on monte en Ligue 2 avec Amiens, je joue sous infiltration. Ils m’ont mis un clou de 30 cm dans le genou avec des vis. Je fais de l’arthrose. Le docteur Rolland me dit : « C’est la nature qui n’a pas pris à 100 %, il faut recasser l’os. » J’ai donc recassé. À chaque fois, il y a eu aussi une ablation de matériel ou un ajout. »

Les éloges de Giroud

Mais à son retour, il se rend bien compte qu’il n’est plus le même joueur. « Je n’ai jamais été un milieu très rapide. Mais j’avais perdu dans certains aspects athlétiques, au niveau de la vivacité, de la gestuelle. Avant ma double opération, je gagnais beaucoup de duels ariens. Je me souviens que lors d’un match de Coupe de la Ligue en 2011 contre Montpellier, Olivier Giroud m’avait dit « J’ai rarement vu un adversaire aussi bon de la tête. » Mais quand je suis revenu, je ne gagnais plus un duel… »

La décision d’arrêter s’impose donc à lui. « La médecine du travail m’a mis en inaptitude. J’avais mal même en montant l’escalier. Le médecin m’a dit « si vous continuez, un jour vous ne pourrez même plus jouer avec vos enfants dans le jardin… » Aujourd’hui, j’ai encore des séquelles et des douleurs. Je suis souvent blessé alors que je suis addict au sport et que j’adore jouer au Padel. »

« J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner »

S’il est cruel, l’arrêt de sa carrière sonne pourtant comme un soulagement. « J’ai toujours dit qu’après la naissance de mes enfants, les plus beaux jours de ma vie, c’était quand j’ai signé mon premier contrat pro à Nîmes et quand j’ai accepté d’arrêter de jouer. Ça a été une libération. J’ai accepté ma blessure car je savais que j’allais maintenant faire ce qui serait le mieux pour moi. »

Très tôt, Grégory Poirier avait en effet senti une vocation pour entraîner. « Ça va faire sourire car ça fait très Will Still (l’entraîneur de Reims, Ndlr)… Mais moi aussi, je m’enfermais dans le noir pour jouer à Foot Manager. J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner. Je n’avais pas de qualités fortes pour jouer en L1. Mais je savais les optimiser et faire jouer les autres. Plus jeune, j’ai toujours été sensibilisé à l’aspect tactique, comment occuper les zones, décrypter le jeu de l’adversaire. »

Retour à Arles pour la reconversion

C’est dans l’un de ses anciens clubs, à Arles, qu’il a débuté sa reconversion. « Je pense que je méritais d’avoir un contrat pro à Arles. Mais quand on est monté en Ligue 2, les nouveaux dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne me conserveraient pas. Le président historique du club, Patrick Chauvin, n’était pas d’accord avec cette décision. Il m’a dit, « Si un jour tu veux revenir, il y aura toujours une place pour toi ». »

À Arles, il est d’abord adjoint en U17 Nationaux. « Ça m’a permis de gérer ma jambe. J’ai fait un choix fort en enlevant le matériel qu’il y avait à l’intérieur. J’ai ensuite passé mes diplômes rapidement. »

Après avoir été entraîneur principal des U17, il est nommé – en 2016 – entraîneur de l’équipe première de l’AC Arles, qui est repartie en Régional 2 après la faillite d’Arles-Avignon. Son équipe fait la course en tête devant Istres, un club également passé par la Ligue 2 et en reconstruction. Mais au mois de mars, il décide de quitter le club. « Je n’avais pas de contrat et ça devenait trop difficile à gérer financièrement pour ma famille. Les dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne pourraient pas me faire le contrat qu’ils m’avaient promis. Le club d’Endoume Marseille, en Régional 1, me proposait, lui, un contrat. J’avais bien sûr des regrets de ne pas valider la montée avec Arles. Mais on avait 18 victoires, 10 points d’avance quand je suis parti. On serait monté. »

« En toute humilité, je suis monté deux fois en un an »

Quand il arrive dans le club des quartiers ouest de Marseille, l’équipe est 6e. « Je faisais la route Nîmes – Marseille (240 km aller-retour) tous les jours. On m’avait dit, « C’est un club historique, tu n’es pas de la région, ça risque d’être difficile pour toi… » Mais en trois mois, on gagne 8 matchs sur 10 et on termine 2e derrière Cannes. On est promu en National 3. En toute humilité, je suis donc monté deux fois en un an. »

Avec Endoume, il connaît ensuite deux magnifiques saisons. « Quand on monte en N3, on joue le maintien. Je sais que ça va être compliqué. Humainement ça a été difficile, mais j’ai choisi de renouveler l’effectif pour pouvoir répondre à ce challenge. » Mais en fin de saison, Endoume termine premier de son groupe devant le SC Bastia, à peine tombé de Ligue 1 et liquidé l’année précédente. « On termine devant des équipes qui avaient beaucoup plus de moyens que nous comme Bastia, Cannes ou Aubagne. C’était exceptionnel, car vraiment inattendu. C’est aussi une fierté d’avoir pu révéler des joueurs à ce niveau. »

En National 2, Endoume termine ensuite 4e (saison 2018-19). « À la trêve, on s’était même pris à rêver à une 3e montée… Mais c’est Toulon qui monte. On a pu ramener des belles équipes comme Toulon ou Fréjus dans notre stade. J’ai vraiment passé deux saisons et demie magnifiques à Endoume, et avec des supers résultats. »

« Saint-Malo, une année moyenne, qui m’a beaucoup servi »

En juillet 2019, il met le cap sur la Bretagne avec un contrat de deux ans à Saint-Malo (N2). « Honnêtement, je m’attendais à avoir davantage de propositions. Il y a eu quelques approches mais pas tant que ça au final. Mais j’étais content d’arriver à Saint-Malo qui est un bon club à ce niveau. C’était une nouvelle expérience à tenter. »

Quand la saison s’arrête à cause du Covid, Saint-Malo est classé avec 8e avec un bilan équilibré (6 V, 6 N, 6 D). « L’année précédente, ils avaient terminé 11e. Il y avait moins de moyens pour la N2 car il y avait une équipe féminine en D2. Au final, ça a été une année moyenne qui m’a beaucoup servi pour la suite. J’ai toujours été dans l’auto-analyse. Je me suis demandé ce que j’aurais pu faire de mieux. Mais cette saison m’a permis de me réinventer et de me remettre en question. J’ai évolué dans ma philosophie de jeu. J’étais dans une région qui prônait avant tout le jeu. Cela m’a donc permis de peaufiner mon projet de jeu. »

« Une erreur de partir à Sedan »

Malgré l’année de contrat qui lui restait, Poirier choisit de répondre favorablement à la proposition de Sedan qui venait de rater la montée en National au profit du SC Bastia. « Ma famille était très bien à Saint-Malo et j’étais dans un club très sain. Avec le recul ça a été une erreur de partir à Sedan. Mais cette erreur, tout le monde l’aurait certainement fait… J’ai toujours été dans l’idée d’être ambitieux, de faire monter mes équipes et j’ai bien vu que ce serait compliqué avec Saint-Malo. Quand on a une proposition de trois ans de contrat dans un club historique comme Sedan avec des moyens pour monter, c’est difficile de refuser. C’est humain, on a tous envie de grandir. Mais ça m’a servi de leçon. Aujourd’hui, même avec une proposition comme ça, j’y réfléchirais à deux fois, notamment par rapport au cadre qui te permet de bien travailler. »

« À Sedan, j’ai été sali »

À Sedan, il a été écarté après sept matchs (1 V, 5 N, 1 D) alors que les championnats s’étaient de nouveau arrêtés. « Quand je suis arrivé, j’ai senti un club encore sous le choc d’avoir raté la montée après avoir été 1er presque toute l’année. Il y a beaucoup de supporters. Je sentais cette passion mais aussi une forme d’impatience. Je remplaçais aussi un entraîneur ardennais, ce n’est jamais évident. Sur les matchs, ça ne s’est pas joué à grand-chose, on a eu des poteaux. Après, j’étais en désaccord avec une personne décisionnaire au club. »

Grégory Poirier, qui passera au tribunal dans les prochaines semaines pour régler son litige avec Sedan – il a été licencié pour faute grave -, ne peut pas entrer dans les détails. Mais il est encore meurtri. « Je n’en veux pas au club de Sedan où j’étais bien. J’ai travaillé, j’ai tout donné mais certaines personnes ont choisi de me salir. Derrière leur décision, il y avait des enjeux familiaux et financiers pour moi. Bien sûr, on peut toujours faire mieux. Mais humainement, moi, je suis resté droit dans mes bottes et je peux me regarder dans un miroir. Je suis resté fidèle à mes valeurs. Je veux continuer à l’être dans ce métier, qui est très difficile et où on doit faire des choix. Je veux bien assumer mes responsabilités mais je n’accepte pas d’être sali en tant qu’homme. »

Accession en National avec Martigues

Après six mois de chômage, il est choisi pour succéder à Éric Chelle, parti à Boulogne-sur-Mer (National), sur le banc de Martigues (N2). Il ne signe que pour un an. « Djamal Mohamed, le directeur sportif, me connaissait par rapport à mes parcours avec Arles et Endoume. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir choisi ainsi que le président Alain Nersessian, malgré les bons profils qui se sont présentés car Martigues est un club attractif. Prendre un jeune entraîneur qui sortait d’une expérience difficile à Sedan, cela aurait pourtant pu les refroidir. »

Si le début de saison est poussif avec beaucoup de matchs nuls, le FC Martigues réalise une grosse deuxième partie de saison et est promu en National. « À un moment, on avait 11 points de retard sur GOAL FC mais on leur est passé devant. » Une nouvelle montée pour Grégory Poirier. « La saison suivante, en National, on s’attendait à un championnat difficile. Avec six descentes, on jouait le maintien. Mais on s’est positionné, 4e, 5e, et on a pris confiance. » À tel point qu’à trois journées de la fin, Martigues est en position de monter en Ligue 2. Mais il est rejoint par Nancy dans les dernières minutes à Turcan (1-1) puis s’incline contre toute attente chez le dernier, Borgo (3-0). La victoire lors de la dernière journée contre Versailles est juste un baroud d’honneur, Martigues termine 4e, à 2 points du tandem Concarneau-Dunkerque, promu en L2.

« A Borgo, c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête »

« On est un peu isolé géographiquement et les déplacements ont vraiment été énergivores. On n’avait pas un effectif très large. En plus, sur la 2e partie de saison, on a beaucoup joué le lundi sur Canal +. Ce qui fait qu’on a souvent enchaîné le lundi et le vendredi. Pour un club amateur, ce fut compliqué à gérer. On avait joué Dunkerque et Concarneau en prenant 4 points sur 6. Ensuite, on est resté 18 jours sans jouer. C’est là qu’on perd la montée. On avait 3 points à prendre contre Nancy et Borgo mais on n’en prend qu’un seul… »

La défaite à Borgo a suscité de nombreuses rumeurs. « Les gens disent n’importe quoi. On a respecté cette équipe de Borgo et joué pour gagner. On n’avait pas pu travailler l’approche physique. Dans l’approche mentale, il y a aussi un truc qui n’a pas fonctionné. »
Ce soir-là, le coach de Martigues est tombé de très haut. « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Le lendemain de Borgo, j’étais à Clairefontaine pour les trophées du National où j’étais nommé parmi les trois meilleurs entraîneurs. Le lundi, je commençais le BEPF. Je me souviens être allé marcher seul dans la forêt à Clairefontaine. Je savais qu’on avait perdu la montée. Je ne voulais plus manger, je voulais tout arrêter… Mais je me suis vite repris. Aller au BEPF était une forme d’aboutissement pour moi. Je me devais de rester digne. Il restait le match de Versailles. Je me devais aussi de rester pro vis-à-vis de mon groupe, de mon club et d’y croire jusqu’au bout. »

« L’expérience de la saison dernière peut nous servir »

Un mois après cette terrible déception, la reprise de l’entraînement est entourée d’interrogations. « Je me demandais si on allait rebondir, comment le groupe, le staff, le club allait réagir ? Les gens me disaient « Tu as raté un truc exceptionnel, si tu arrives à te maintenir, ça serait déjà bien ». Mais on avait quand même réussi à garder 3/4 des joueurs. Le 1er juillet lors de la reprise, j’ai vu qu’on était tous contents de se retrouver. Cette journée m’a réconforté. J’ai senti qu’on était tous prêt à repartir, à se battre et à reprendre du plaisir. Je mets le jeu au centre de tout. Dans ces conditions, c’est forcément plus facile pour le coach et les joueurs de repartir. »

En coulisses, Martigues qui était fortement subventionné par la mairie, est passé sous pavillon américain en juin avec la création d’une SAS portée par le fonds d’investissement dirigé par Rob Roskopp et son épouse Lepa Galeb-Roskopp, représentés au quotidien par Columbus Morfaw, fondateur de Soccerlytics, société spécialisée dans l’analyse de données sportives. « Ce n’est pas ma partie mais on sent que le club est en mutation avec l’arrivée des Américains. Ça donne de la force et de la sérénité, on se sent moins exposé à une dangerosité. »
Malgré tout, le début de saison a été mitigé. « On avait créé des attentes. Il nous a manqué des joueurs, on n’arrivait plus à beaucoup marquer. Il a fallu trouver d’autres leviers, progresser défensivement. Et on est revenu. »

À 7 journées de la fin, Martigues, 3e, est toujours en course pour la Ligue 2, à 3 points seulement du 2e, Niort (entretien réalisé avant le succès du FCM face à Villefranche et la défaite de Niort au Red Star, Ndlr). « On espère être toujours là pour le sprint final des cinq dernières journées. Niort est devant, ils ont de l’avance et ils peuvent s’appuyer sur une grosse armada offensive. Nous, on a notre force collective et la connaissance du championnat. L’expérience de la saison dernière peut nous servir. »

« C’est une fierté que notre collectif soit réputé et remarqué »

Au-delà des bons résultats avec Martigues, Grégory Poirier s’est aussi fait remarquer par la qualité du jeu pratiqué par son équipe, qui fait l’unanimité chez les adversaires et observateurs du National. « C’est une fierté que ce collectif soit réputé et remarqué. À Arles et Endoume, j’avais construit mes équipes dans l’intensité et le résultat. Depuis Saint-Malo, j’ai changé de philosophie. Il faut prendre du plaisir à jouer, créer un collectif à travers des valeurs et du jeu. On est dans un football nouvelle génération avec un nouveau management. Avec mon staff, on essaye de se réinventer et de se renouveler. Avec les joueurs, on construit une relation exigeante en termes de performances mais en leur offrant un cadre de travail, un cadre humain où ils se sentent bien. Ils sentent les moyens à mettre dans le jeu et en même temps, ils apprécient notre compréhension sur le plan humain. Moi, j’essaye de mettre mes joueurs dans les meilleures conditions mentales. »

Sous contrat jusqu’en 2025 avec Martigues, Poirier, qui avec son BEPF pourra prétendre entraîner en L1 et L2, ne cache pas ses ambitions. « J’ai un profil d’avenir, je sais que je vais entraîner au plus haut niveau. Je suis plus fort depuis mes expériences à Sedan et à Saint-Malo. Mais je ne veux pas faire n’importe quoi comme quand j’ai quitté Saint-Malo. Ce que j’ai fait avec Martigues me réconforte dans ce que je mets en place. Je n’ai jamais changé. Bien sûr que je me remets en question. Je connais mes valeurs, je donne un sens à ce que je fais. Il y a la compétition que j’adore, mais aussi la relation avec le groupe, les gens avec qui tu travailles. Au quotidien, c’est extraordinaire. C’est de l’humain. Comme beaucoup d’entraîneurs, j’y mets des valeurs. La pire chose qui puisse t’arriver, c’est qu’on te salisse humainement, alors que tu a mis des valeurs dans ton management, que tu as tout donné. Mais ça t’apprend sur le monde du foot. Je préfère rester comme je suis car je sais que sur 10 fois, ça va marcher 8 ou 9 fois. Mais au moins je suis fidèle à ce que je veux mettre comme valeurs. »

Grégory Poirier, du tac au tac

« J’ai su me réinventer »

Meilleur souvenir ?
Mes montées. Celle avec mes U17 à Arles où on a gagné 23 matchs sur 24. Ensuite, celle de N3 à N2 avec Endoume Marseille après avoir été au coude à coude avec le SC Bastia. Et le parcours sur la durée avec Martigues.

Pire souvenir ?
En tant que joueur, mes nombreuses blessures. Comme coach, forcément la journée où on m’annonce que c’est terminé à Sedan. Tu rentres à la maison et ton fils de 8 ans te dit « Papa, tu n’es plus entraîneur de Sedan ? ». Forcément, tu fonds en larmes. Tu culpabilises car tu as fait déplacer ta famille, fait changer plusieurs fois d’école tes enfants… Bien sûr, c’est le métier qui veut ça. Mais à ce moment, je me dis « moi, je ne veux pas ça, je veux d’abord construire une famille » …

Un match référence ou un gros coup tactique ?
Plutôt que de sortir un match en particulier, je retiens d’abord que j’ai su me réinventer. Ça, j’en suis fier. Provoquer l’erreur de l’adversaire plutôt que d’attendre son erreur, ce n’est pas la même approche. J’ai eu des évolutions tactiques. À Endoume, je mettais un système en place par rapport à celui de l’adversaire. C’est pour ça que j’alternais entre le 3-5-2 et le 4-3-3. Aujourd’hui, ce que je retiens de mes expériences, c’est que je mets en place des choses pour qu’il y ait de la continuité et des repères. Mon projet de jeu culturel est plus fort que tout. Bien sûr que je vais essayer de savoir comment l’adversaire fonctionne, je vais essayer d’anticiper ses forces et faiblesses. Mais je veux aussi m’appuyer sur des valeurs refuges. Et le système, il l’est. Depuis 3-4 ans, j’ai une philosophie de jeu beaucoup plus joueuse qu’avant. J’ai aussi un projet de jeu très détaillé; mes adjoints, je sais les positionner sur des missions très claires dans le détail de ce projet de jeu. C’est une marque que je veux créer. Sans me prendre pour un autre, je veux créer une marque Poirier où l’équipe joue d’une certaine façon et avec des résultats.

Des modèles d’entraîneurs ?
J’essaye d’être le coach que j’aurais voulu avoir quand j’étais joueur, notamment sur le plan humain. J’ai essayé de prendre chez tous les coachs que j’ai connus. Je peux notamment ressortir Jean-Michel Cavalli à Nîmes, Francis de Taddeo et Ludovic Batelli à Amiens, et Michel Estevan à Arles. J’ai aussi eu Patrice Neveu chez les jeunes. Jean-Louis Saez, qui est actuellement directeur sportif de Montpellier, m’a, lui, sensibilisé sur les connexions dans le jeu.

Le joueur le plus fort que vous avez entraîné ?
Ismaël Bennacer, que j’ai eu avec les U17 à Arles. Il est aujourd’hui à l’AC Milan. Mais je ne vais pas tirer la couverture à moi. On était juste dans l’accompagnement avec lui. Il avait le mental et il aurait réussi avec n’importe quel coach. J’ai aussi entrainé Gaël Danic à Saint-Malo et j’entraîne Foued Kadir à Martigues, qui ont eu une belle carrière.

Quels joueurs avez-vous fait le plus progresser ?
On est toujours fier de sortir des joueurs et les voir au-dessus aujourd’hui. Je peux citer Oualid Orinel (Martigues) et Achille Anani (Red Star) que je vais chercher en R2 à Arles et en N3 à Aubagne où il ne jouait pas trop, quand j’étais à Endoume. ll y a aussi Yasser Balde que je relance en N2 avec Endoume et qui joue aujourd’hui en L2 avec Laval. J’ai aussi relancé Anthony Ribelin à Endoume. Zakaria Fdaouch, on va le chercher en N2 avec Martigues. Avec Dijon, il est maintenant devenu l’un des meilleurs joueurs de National et il jouera certainement en L2 la saison prochaine.

Avec le président du FC Martigues, Alain Nersessian.

Un président marquant ?
Pour moi, il est important qu’il y ait un triangle de confiance entre le président, le directeur sportif et le coach. Mais je ne suis pas naïf, non plus… Je sais que cette confiance peut s’étioler avec les résultats. Malgré ma mauvaise expérience à Sedan, j’ai toujours veillé à bien faire fonctionner notre trio. Si je ne devais ressortir qu’un président, je dirais forcément Patrick Chauvin à Arles. Il m’a changé en tant qu’homme. Je jouais en CFA2, je faisais mes études et je ne pensais pas arriver jusqu’aux pros et devenir entraîneur. Ensuite, je n’oublierais jamais qu’il m’a rappelé pour devenir éducateur à Arles quand j’ai été obligé de stopper ma carrière. J’ai beaucoup d’affection pour lui. Il a marqué tous ceux qui l’ont connu à Arles. Il disait toujours « je recrute des hommes avant de recruter des joueurs ». Il mettait les relations humaines au-dessus de tout, en plus de connaître le foot. C’est juste exceptionnel…

Vos amis dans le foot ?
J’en ai beaucoup. J’ai gardé beaucoup de relations avec mes anciens joueurs aussi, que ce soit d’Arles, Endoume, Saint-Malo et Sedan, même ceux qui ont arrêté le foot depuis. En National, je revois aussi beaucoup d’anciens sedanais. Chez les entraineurs, je suis proche de Fabien Pujo. On s’est croisé, affronté et chamaillé (sourire) lors des matchs Toulon – Endoume. Ensuite, « Fabio » m’a succédé à Saint-Malo. Et là, on passe le BEPF ensemble et on s’affronte en National. Globalement, il y a vraiment une super ambiance entre nous dans la promotion de cette année. Fabien, il est différent intrinsèquement de moi. Mais on arrive à beaucoup échanger et on s’enrichit mutuellement. Chez les coachs de National, j’apprécie également Karim Mokeddem, Habib Beye et Maxime d’Ornano que j’ai connu quand il était à Saint-Brieuc et moi à Saint-Malo. Il a des idées et une grande humilité. Il a fait un parcours extraordinaire en Coupe et en championnat.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je passe beaucoup de temps avec mes enfants. Je ne peux pas remplir toutes les tâches du quotidien, surtout cette année avec le diplôme, mais l’éducation de mes enfants, je ne veux pas passer à côté. Ils m’ont suivi partout. On est une famille très soudée. Après, j’aime faire du sport, courir, taper la balle au padel… Mais quand mon corps me le permet. Sinon, je suis plutôt nature, j’aime bien me balader, à la mer ou à la montagne.

La Rochelle où vous avez grandi, le Sud où vous avez beaucoup joué et entraîné, le Nord ou la Bretagne ?
J’adore le soleil et le cadre de vie du sud. J’aime aussi l’humour du sud. Mais je ne me considère pas comme un vrai sudiste. J’ai des attaches partout en France. Je sais aussi m’adapter partout. J’ai aimé la mentalité à Saint-Malo et à Sedan ou Amiens quand je jouais. En tant qu’entraîneur, c’est vrai que j’ai eu des résultats et des montées avec des clubs du sud mais je veux aussi prouver plus tard que je peux aussi réussir dans d’autres régions.

Les réseaux sociaux où vous êtes bien présent sur Instagram, c’est important pour vous ?
À la base, je n’étais pas très réseaux. Mais ils font partie du monde d’aujourd’hui. J’ai appris à travailler avec eux. Il y a des gens qui nous suivent mais on n’a pas toujours le temps d’échanger. Il faut savoir partager des émotions. Quand je suis parti en stage à l’AC Milan en décembre, j’ai fait des photos et des selfies que j’ai partagés. Je ne le ferai pas tout le temps. Mais c’était pour fixer des souvenirs car je ne partirai pas 50 fois en stage dans un aussi grand club que l’AC Milan. Après, moi, je reste surtout concentré sur le terrain. Mes réseaux, c’est surtout ma femme qui s’en occupe.

Texte : Laurent PRUNETA / Twitter : @PrunetaLaurent

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech 

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Rappelé sur le banc en décembre, le coach nordiste évoque la demi-finale historique de coupe de France à Lyon, un rayon de soleil dans une saison très compliquée en Ligue 2. Éternel optimiste, le Franco-marocain parle aussi de son attachement au club, de son équipe aux deux visages et de la formation valenciennoise.

Photo Philippe Le Brech

La coupe de France comme exutoire. L’épreuve reine du football français, celle qui fait tant rêver les amateurs mais aussi bien sûr les professionnels, rappelle que l’on peut être dernier de sa classe dans son championnat mais performer sur des matches couperets, au point de s’inviter à la table des très grands et de se hisser jusqu’en demi-finale, aux côtés du PSG, de Lyon et de Rennes, excusez du peu. Belle moralité.

Le dernier invité, un peu surprise il faut le reconnaître, c’est donc Valenciennes, troisième club historique du Nord après Lens et Lille – qui s’affrontaient d’ailleurs samedi dans un derby remporté par les Dogues (2-1) – et 40e club au classement français actuel, si l’on se réfère à sa 20e place en Ligue 2. Une place qui, à 8 journées de la fin de saison, ne condamne pas le VAFC au National. Du moins pas encore.

Parce que même si le coach Ahmed Kantari, rappelé au chevet de l’équipe le 7 décembre dernier en remplacement du Portugais Jorge Maciel, huit mois après avoir déjà remplacé, avec bonheur, Nicolas Rabuel (maintien assuré), conserve un discours résolument optimiste. Après tout, l’ancien défenseur de Brest et de Lens est dans son rôle. Mais on ne voit pas comment les joueurs du Hainaut pourraient éviter la descente avec un tel retard (18 points d’écart avec le premier non-relégable). Quand bien même il reste 24 points à distribuer…

1000 supporters de VAFC à Lyon

Photo Philippe Le Brech

Pourtant, sur le pré, les joueurs et le staff font le taff. En mars, ils ont tout de même tenu tête aux deux premiers du classement, Auxerre et Angers (0-0), ce qui signifie bien qu’ils ne n’ont pas résigné et, surtout, qu’il y a de la qualité dans cette formation. Cela signifie aussi qu’ils ne lâchent pas, malgré leur dernier revers samedi face à un Saint-Etienne lancé dans la course aux deux premières places (0-2). Ahmed Kantari, qui s’était déjà assis sur le banc du VAFC en Ligue 2 dans le rôle d’adjoint de Réginald Ray (janv à juin 2020) puis d’Olivier Guégan (2020-21), avant de rejoindre Sabri Lamouchi à Nottingham Forest (2021-2022), y veille en tout cas.

Qualifiés depuis bientôt cinq semaines pile poil pour les demi-finales de la coupe de France – le 1/4 de finale à Rouen s’est déroulé le mercredi 27 février -, les Valenciennois ont donc eu tout le loisir de bien préparer ce match « historique » au Groupama Stadium, à Lyon. Un match dont ils ne partiront bien évidemment pas favoris, et ça, ce sera tout nouveau pour les coéquipiers du capitaine de Joffrey Cuffaut, qui ont jusqu’à présent toujours affrontés des équipes de niveau inférieur, sauf en 16e de finale face au Paris FC (Ligue 2, qualification 2-1 au stade du Hainaut).

VAFC pas respecté par les amateurs ?

Photo Philippe Le Brech

On peut en tout cas être certain que le coach rhodanien, Pierre Sage, mettra en garde ses joueurs et leur demandera de bien respecter leur adversaire et de ne surtout pas le prendre de haut, au prétexte qu’il est lanterne rouge de Ligue 2. Écrire cela n’est pas anodin : à l’issue de la qualification aux tirs au but à Rouen, Ahmed Kantari avait fustigé l’attitude de certains clubs amateurs lors des précédents tours, assurant que son équipe, n’avait pas été respectée. Des propos sur lesquels il a accepté de revenir avant ce match-événement face à l’OL.

Le natif de Blois dans le Loir-et-Cher (38 ans) évoque la demi-finale, la première depuis 1970 (Valenciennes avait également disputé une demi-finale de coupe de France en 1964 et une finale en 1951); il revient aussi sur le déroulement de la saison, sur sa mission de formateur, sur la jeunesse de l’effectif (3e plus jeune en L2 selon le site transfertmarkt avec 24,4 de moyenne, derrière Troyes 23,6 et Rodez 23,8) et son attachement à VAFC. Soldat sur le terrain lorsque le Franco-Marocain était joueur (15 sélections avec les Lions de l’Atlas), il demeure le même une fois enfilée la tunique d’entraîneur. On appelle cela de la fidélité. Et une certaine conception du football…

« Il y a des choses positives aussi cette saison »

Photo Philippe Le Brech

Ahmed, votre réaction quand VAFC a tiré Lyon en demi-finale de la coupe ?
Content ! Content de jouer une grande et grosse équipe de Ligue 1, d’affronter un club qui a une grosse histoire, qui a remporté beaucoup de titres dans les années 2000. Découvrir le Groupama Stadium pour mes joueurs, ça va être une expérience extraordinaire.

Pas trop déçu de ne pas jouer au Hainaut ?
Oui, forcément, mais on est surtout déçu pour nos supporters, parce qu’on aurait bien aimé leur offrir cette demi-finale chez nous. On aurait aimé qu’ils puissent partager cette fête avec nous, même si on voit qu’il y aura quand même mille supporters qui vont se déplacer jusqu’à Lyon en semaine. C’est vrai que si on avait joué au Hainaut, on aurait fait 25 000 spectateurs au stade, mais voilà… On est quand même en demi-finale de la coupe de France et le premier sentiment qui me vient à l’esprit, c’est la joie.

« Des clubs étaient déçus de tomber contre nous… »

Photo Philippe Le Brech

Vos déclarations à l’issue de la qualification à Rouen ont surpris, vous avez parlé de manque de respect chez vos adversaires…
Je ne parlais pas de Rouen en particulier, mais c’est vrai qu’en allant à Sarreguemines par exemple… Vous savez, les « petits » clubs, voilà… Disons qu’on n’a pas senti chez nos adversaires la crainte de nous recevoir, bien au contraire, il étaient contents de nous « tirer », et il y a même des clubs qui étaient déçus de nous « tirer ». Mais ça, c’est dû à notre classement en championnat.

Est-ce que cela a été un levier de motivation supplémentaire ?
Non, je ne me suis pas servi de ça. Je me suis concentré sur mon équipe et sur le contenu qu’elle allait proposer. Parce que je pense que c’est ça qui est important même si il y a des aspects extérieurs qui peuvent devenir des motivations mais notre réelle motivation, elle n’est pas celle-là. Nous, c’est « Qu’est qu’on va mettre en place techniquement, tactiquement et physiquement pour pouvoir impacter l’adversaire et pouvoir gagner des matchs ? ».

Photo Philippe Le Brech

Votre équipe est une des plus jeunes de Ligue 2, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je n’ai pas les statistiques en tête mais c’est vrai que VAFC est une équipe très jeune. Au-delà de l’aspect jeune en termes d’âge, j’ai une équipe jeune pour ce qui est du vécu. On est sûrement l’équipe qui aligne les joueurs ayant le moins de vécu en Ligue 2.

Le positif de la saison, c’est cette jeunesse ?
On a encore fait de la place à beaucoup de jeunes, on le voit avec des joueurs de 17 ans, 18 ans, 19 ans, cela permet aussi de mettre en avant la formation Valenciennoise, parce qu’on a un centre qui travaille bien, on a des éducateurs qui bossent bien. C’est un socle solide sur lequel le club s’appuie. La formation, ça fait partie de l’ADN du club qui a cette envie d’accompagner ces jeunes joueurs, de les faire progresser, de les faire jouer dès qu’ils sont prêts : on le voit cette année avce des Joachim Kayi-Sanda, Ilyes Hamache, Manga Foe Ondoa, des joueurs passés par la formation valenciennoise et qui aujourd’hui porte l’équipe première.

« En mode coupe de France »

Photo Philippe Le Brech

Comment expliquer que VAFC soit autant passé à côté de sa saison en Ligue 2 ?
(Silence). Il y a beaucoup de raisons. En décembre, j’ai hérité d’un groupe qui était touché mentalement, qui n’avait gagné qu’un seul match de championnat en six mois (1-0 à Rodez, 4e journée, le 26 août 2023), et on sait à quel point la confiance est importante pour les joueurs.

En championnat, les joueurs ont ce fardeau à porter sur les épaules, ce fardeau des six premiers mois compliqués à gérer, et ça a eu des répercussions sur le terrain, sur leurs prises de risques, sur leur envie de se projeter ou d’aller vers l’avant. Donc on s’est retrouvé avec des joueurs qui se mettaient en sécurité, chose que l’on n’a pas du tout retrouvé en coupe de France, peut-être parce que c’est une compétition différente : là, les joueurs sont arrivés à se mettre dans un mode « coupe » avec beaucoup d’envie, beaucoup d’abnégation, beaucoup de jeu vers l’avant, les pieds beaucoup moins serrés dans les chaussures que ce qu’on peut voir en championnat.

Photo Philippe Le Brech

En même temps, en coupe, VAFC a tout le temps été favori « hiérarchiquement » sur le papier, non ?
Oui, on a toujours eu des tirages « favorables ». Hormis le Paris FC (L2), que l’on a affronté en 16e de finale, on a toujours affronté des équipes de niveau inférieur. Et on a toujours été obligé de se déplacer, sauf face au Paris FC, et on sait que ce qui fait la magie de la coupe de France, ce n’est pas une question de niveau, mais une question d’environnement, et les joueurs ont bien gérer ce paramètre.

Mental et confiance

Mathématiquement, évidemment, le maintien est toujours possible, mais y croyez-vous vraiment ?
(Catégorique) On n’a pas du tout abdiqué. On est dans le travail. Il reste 9 matchs, 27 points (entretien réalisé avant la réception de Saint-Etienne), et on les joue tous pour les gagner. C’est vraiment ça l’état d’esprit qui nous anime. On a pu le voir récemment, on a affronté les deux premiers du championnat, Auxerre et Angers, et on a fait deux matchs nuls sans encaisser de but (0-0 deux fois). Cela montre notre investissement et à quel point les joueurs sont toujours concernés.

Sous le maillot du VAFC. Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que ces deux bons résultats montrent aussi qu’il y a de la qualité à VAFC…
Il y a de la qualité et les joueurs sont encore mobilisés, voilà ce que cela montre. Bien sûr, on sait que l’aspect mental est important dans le football et il faut que les joueurs aient cette confiance en eux et en leurs qualités pour pouvoir performer en championnat, et c’est ce qu’ils arrivent à faire en coupe de France.

Pourquoi avoir à nouveau accepté ce retour sur le banc ?
Je vais vous dire, ce club m’a tellement donné, m’a tellement apporté en tant que joueur, j’y ai terminé ma carrière, j’y ai entamé ma reconversion, que je suis redevable envers le club. Je suis un soldat du club. Je suis à sa disposition. On sait que joueurs ou entraîneurs, on est tous de passage, mais je pense qu’il faut aussi avoir de la reconnaissance envers ces clubs-là, où on passe, et c’est pour ça que je suis toujours disponible et motivé pour rendre à VAFC ce qu’il m’a donné.

Sous le maillot du RC Lens. Photo Philippe Le Brech

Mais vous saviez en décembre que la mission, à défaut d’être impossible, allait être extrêmement compliqué…
Oui (catégorique). Mais c’est dans mon tempérament. J’aime les challenges. J’aime foncer, aller de l’allant. Je ne suis ni peureux, ni réticent, ni sur mes gardes. Quand on me présente ce challenge, j’ai envie d’aller à la bagarre et j’aime ça.

« Il faut construire un club fort »

Pourtant, vous savez comment cela fonctionne, les résultats sont épiés : ça pourrait mettre en péril votre carrière, non ?
Je ne pense pas à ça, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas de plan de carrière. Je prends les choses comme elles viennent. La saison passée, il y a eu ce maintien miraculeux. Cette année, on est en demi-finale de la coupe de France. Je veux dire par là qu’il y a aussi des choses positives qui sont arrivées et qui arrivent encore. A chaque fois que j’ai été appelé aussi en équipe première, la saison passée et cette saison, j’ai laissé l’équipe réserve à la première place de son classement en National 3, donc il y a eu des résultats très positifs aussi avec le club.

Sous le maillot du RC Strasbourg. Photo Philippe Le Brech

Question piège : la dernière fois que VAFC a joué en National, c’était quand ?
C’était après la montée de Daniel Leclerc, de National en L2, il me semble que c’est en 2004/2005 ?

Oui c’est ça. Vous connaissez bien l’histoire de votre club !
(Rires) Oui !

Au fond de vous, voir un club comme VAFC peut-être tomber en National, c’est un crève coeur ?
Forcément, parce que la place de Valenciennes pour moi, est en Ligue 1. Ce club fait partie des trois plus importants du Nord avec Lens et Lille, de par ses infrastructures, son stade, son histoire, son engouement, ses supporters. Valenciennes, c’est un de nos beaux clubs français, maintenant, il y a une réalité sportive… On a vu d’autres clubs avant qui ont dû passer par le National pour pouvoir rebondir et se reconstruire de manière plus forte. Il ne faut pas oublier que VAFC a été racheté il y a six mois seulement (1) et il y a des choses qui sont mises en place par les nouveaux propriétaires, et ces choses-là mettent du temps. Malheureusement, dans le football, on n’a pas le temps, on n’a pas ce recul ni cette patience-là, mais cela fait partie du processus.

Sous le maillot du Stade Brestois. Photo Philippe Le Brech

(1) Le VAFC a été racheté en juillet 2023 par le fond d’investissement Sport Republic, créé par le milliardaire serbe Dragan Solak, déjà propriétaire des clubs de Southampton en Angleterre (à 80 %) et du club turc du Göztepe.

En National, le club pourrait-il se relever ? Quand on voit des clubs comme Dijon, Sochaux, Nancy, Le Mans, Orléans, Châteauroux ou Nîmes qui ne s’en sortent pas…
En National, le niveau s’élève, on le voit avec des clubs « importants », comme vous dites, qui ont du mal à remonter. Mais il y a aussi des contre-exemples comme Niort, qui est en haut de tableau et qui va peut-être remonter immédiatement. Maintenant, je pense que, quelle que soit la division dans laquelle on va être, il faut construire un club fort : ça passera bien sûr par des résultats, mais il faut que tout le monde travaille la main dans la main, afin de récréer une dynamique positive.

« Sans les joueurs, on n’est rien »

Vous êtes un entraîneur plutôt comment ?

Sous le maillot du RC Lens. Photo Philippe Le Brech

Je suis un entraîneur simple (rires), exigeant, mais c’était déjà le cas quand j’étais joueur, j’ai gardé ce côté-là. J’ai eu la chance de connaître le foot de haut niveau et je sais que cela se joue à des détails, qu’il ne faut rien négliger, et qu’il faut beaucoup de travail. Après, j’ai aussi beaucoup de proximité avec mon groupe. Je pars toujours du principe que, sans les joueurs, on n’est rien, car ce sont toujours eux les acteurs qui décident, finalement, du projet de jeu, du projet de vie. C’est pour cela que je pense qu’il faut être proche d’eux, tout en gardant cette autorité et cette exigence du haut niveau. J’accorde beaucoup d’importance au groupe et aux joueurs.

Qui sont vos modèles d’entraîneur ?
Je puise chez tout le monde, forcément, et notamment parmi les coachs que j’ai connus quand j’étais joueur, mais chacun avait sa manière de manager et d’entraîner, et je pense qu’il faut se créer sa propre personnalité d’entraîneur. Moi je suis quelqu’un qui aime beaucoup la verticalité dans le jeu. J’aime avoir des joueurs rapides qui puisse faire du jeu vers l’avant, parce qu’on est dans une région où on doit s’adapter à la culture et ce public nordiste, ces gens, aiment que les joueurs aient cette projection rapide vers l’avant et développent un football qui réclame beaucoup d’engagement et de don de soi. Ce n’est pas un public latin ou espagnol qui aime voir son équipe avoir la possession, ronronner. C’est important de s’adapter à l’environnement dans lequel on évolue.

Arrivez-vous à vous projeter déjà vers la saison prochaine ?
Écoutez, je suis un jeune entraîneur mais j’ai un peu d’expérience pour avoir été joueur (rires) donc je ne me projette que sur le match qui arrive !

Coupe de France (demi-finale) – mardi 2 avril 2024 : Olympique Lyonnais (L1) – VAFC, à 20h45 au Parc OL (Groupama Stadium).

Le parcours de VAFC en coupe de France

  • 7e tour (18 novembre 2023) : Haguenau (N2) – VAFC 0-2
  • 8e tour (10 décembre 2023) : FC Mulhouse (R1) – VAFC 1-1 (4-5 tab)
  • 32e de finale (5 janvier 2024) : Sarreguemines (R1) – VAFC 0-2
  • 16e de finale (20 janvier 2024) : VAFC – Paris FC (Ligue 2) 2-1
  • 8e de finale (7 février 2024) : Saint-Priest (N3) – VAFC 1-2
  • 1/4 de finale : (28 février 2024) : FC Rouen (National) – VAFC 1-1 (2-4 tab)

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech

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Le parcours du meneur de jeu, champion de D2 Belge avec le Cercle Bruges en 2018, cadre de Louvain en Jupiler Pro League et aujourd’hui à Molenbeek, en banlieue de Bruxelles, raconte un autre football. L’histoire d’un garçon qui n’a jamais cessé de croire en son rêve. Même si le chemin pour devenir pro ne fut pas de tout repos.

Photo RWD Molenbeek

Il aurait pu tout arrêter il y a quelques années déjà. Ne pas passer le cap du monde pro, au fil d’interrogations sur la finalité et la récompense de ses efforts, d’une formation à Nîmes et Montpellier aux terrains écumés en CFA2 à Lesquin, du côté de Beauvais en CFA, ou encore en National, à Boulogne-sur-Mer.

Si Xavier Mercier, 34 ans, compte aujourd’hui près de 400 matches disputés dans le monde du football, son arrivée au plus haut niveau et son épanouissement ont été le fruit d’un travail acharné. Une carrière que le Cévenol (il est né à Alès, dans le Gard), aujourd’hui au Racing White Daring de Molenbeek, relate dans un entretien pour 13heuresfoot, où il évoque le long chemin qui l’a mené de la 5e division française à la Ligue 2 avec Guingamp (7 matchs) jusqu’à une aventure hongroise teintée d’Europe. Une linéarité bien différente de celle de bon nombre de footballeurs pour ce numéro 10 à l’ancienne décidément déroutant, sur les terrains comme en-dehors. Entretien.

« Je voulais juste m’amuser »

Photo RWD Molenbeek

Comment peux-tu nous raconter tes débuts ?
Je suis préformé à Nîmes, et je suis parti au centre de formation de Montpellier de mes 14 à mes 20 ans. J’ai fait tout mon cursus là-bas, ça s’est plutôt bien passé, jusqu’à mes deux dernières années stagiaire, où ça a été un peu plus compliqué pour différentes raisons. Et notamment, parce que derrière moi, il y avait la génération 90, avec Rémy Cabella, Younes Belhanda, Benjamin Stambouli, qui a gagné la Coupe Gambardella. Ces joueurs-là m’ont un peu relégué en CFA. J’avais beaucoup moins de temps de jeu, et on va dire que j’ai plus profité de la vie que de jouer au foot quoi !

Numéro 10 à l’ancienne

Photo RWD Molenbeek

Qu’est-ce qui t’a manqué, à tes débuts, pour passer ce cap en France ? Après le centre, tu as joué en CFA 2, à Lesquin…
Mon parcours en France est également dû au fait, je pense, que j’étais dans la génération où il y avait beaucoup de joueurs de grande taille et peu de petite taille, comme la mienne. L’effet Valbuena a un peu changé ça, mais on cherchait beaucoup de joueurs avec des qualités physiques élevées, des grands gabarits. Je ne rentrais pas dans ces cases-là, j’étais petit, je n’avais pas un gros coffre, avec un style de numéro 10 à l’ancienne. Je ne suis pas tombé dans la bonne période, je pense.

Quand tu as démarré, à Nîmes et au MHSC, tu te voyais réussir ?
Non, je ne me projetais pas forcément. Pour moi, le niveau professionnel, c’était tellement loin… Quand on allait voir les matchs pros de Montpellier à domicile, je ne me prenais jamais à rêver d’être sur le terrain, je prenais les choses petit à petit, sans pression, je voulais juste m’amuser.

Un des derniers romantiques

Photo RWD Molenbeek

Ton profil, c’est justement cela, aussi ; un joueur qui prend du plaisir. Tu es peut-être un des derniers romantiques du football moderne. Quelle est ton approche du football ?
Le football a beaucoup changé. Maintenant, on est beaucoup dans les data, les stats physiques, l’intensité, et moi je ne rentre pas forcément dans ces cases-là. Un certain nombre d’entraîneurs se basent peut-être plus sur tout cela que sur la technique.

En Belgique, le foot est peut-être plus « pur », plus à l’ancienne, justement. Cela peut expliquer ton arrivée et ta réussite là-bas ?
Quand je suis arrivé là-bas à 27 ans, je ne connaissais pas le championnat pour tout dire. J’y suis allé car je voulais tenter un dernier coup de poker pour enfin réussir une carrière professionnelle. Maintenant, pourquoi j’y ai réussi, c’est parce que je suis tombé sur des entraîneurs qui m’ont fait confiance, qui ont d’abord compris l’homme que j’étais et qui ont su me mettre en situation sur le terrain, me donner les clefs du jeu. C’est ce qui m’a manqué en début de carrière, et c’est peut-être ce qui me manque encore parfois en fin de carrière (rires) !

Sous le maillot de Guingamp en 2012. Photo DR

Pour revenir en arrière, tu t’es quand même éclaté, pendant deux saisons, à chaque fois à Beauvais (2012-2014 en CFA ) puis Boulogne (2014-2016 en National) ?
Oui, les deux saisons à Beauvais, je me suis vraiment amusé par exemple. On avait une vraie bande de potes, et 10 ans après ce sont toujours mes amis. On a créé des liens forts. On se retrouvait toujours après les matches à la maison, on était tous un peu dans une galère et on se serrait les coudes. Après, à Boulogne, je suis monté d’un cran, ça s’est bien passé, j’ai fait une grosse saison et demie en termes de niveau. Mais les clubs en France ne venaient pas me chercher, c’était compliqué. J’avais envie de connaître le monde pro, mais ce n’était pas facile. On avait pris une décision avec ma femme, à ce moment-là, de disputer encore une saison puis d’arrêter le foot si ça ne marchait pas. Je ne gagnais pas assez d’argent pour faire vivre ma famille en National, et puis il y a les déplacements, on vit loin des siens, tu fais des voyages de 10 heures de bus… Je ne voyais pas l’intérêt de continuer à ce niveau-là juste pour dire « Je jouer au foot ». Mais Courtrai est arrivé à cette période.

« En Belgique, on m’a fait confiance »

Photo RWD Molenbeek

Par la suite, tu as trouvé un équilibre en Belgique. Tu peux un peu nous raconter cette arrivée au plat pays et cette seconde partie de carrière ?
Je suis devenu le joueur que j’aurais pu ou dû être en Belgique. On m’a fait un peu plus confiance, il faut dire aussi ce qui est, c’est que je gagnais déjà un peu plus d’argent, cela me permettait de faire des activités à côté, des vacances, on vivait mieux. La chose principale, c’est qu’on m’a fait confiance, et à partir de ce moment-là, je me suis mis dans le foot à fond.

Jusqu’au titre en deuxième division avec le Cercle de Bruges, après une saison et demie à Courtrai…
La Belgique, ça n’a pas été de tout repos non plus. On ne voulait plus de moi à Courtrai. Mais je suis tombé dans un groupe exceptionnel au Cercle, qui me fait penser à Beauvais, où on a vraiment créé des liens forts. On a réussi à être champions à la dernière minute, un moment exceptionnel ! Cela a été un petit peu… Après ça, cela m’a apaisé, tous les sacrifices faits avant ont été balayés d’un coup, je me suis dit « je n’ai pas fait tout ça pour rien ».

« J’aurais peut-être pu faire mieux »

Photo RWD Molenbeek

Ces sacrifices, cette carrière en deux temps… Quel est ton regard sur ça, avec le recul ?
Déjà, je suis fier de ce que j’ai fait. Quand j’avais 20 ans, j’étais en CF2, et je finis à 33 ans en Ligue Europa. Le chemin a été long, dur, mais je n’ai jamais rien lâché. Je n’avais pas d’objectif précis, je voulais juste prendre du plaisir, et ce le plus haut possible. J’aurais peut-être pu faire mieux avec le talent que j’avais, mais je ne regrette rien.

Pour parler de ton talent, revenons sur une de tes plus belles saisons : en 2020-2021, tu marques 10 buts et délivres 16 passes décisives avec l’OHL. Là encore, tu as dû kiffer ?
C’est l’apothéose de ma carrière, là où je me sentais le plus fort, où j’avais le plus de responsabilités dans l’équipe. On s’entendait très bien, c’était facile avec Thomas Henry devant, on se trouvait les yeux fermés, c’était un sentiment incroyable.

Avec ton expérience, comment te comportes-tu désormais dans tes clubs ? Est-ce que la transmission est quelque chose qui t’habite ?
Je l’avais déjà un peu quand j’étais au Cercle. Le problème aujourd’hui, c’est que les jeunes et les générations ont changé, c’est plus compliqué de leur donner des avis ou de les aider, car ils entendent moins que ce que nous on pouvait écouter, mais c’est quelque chose que j’aime bien faire.

« J’ai envie de rester dans le foot »

Photo RWD Molenbeek

Dans ta fin de carrière, il y a aussi la Ligue Europa comme tu disais, à 33 ans… Tu as disputé les qualifications avec Ferencvàros, un club hongrois. Incroyable, non ?
J’y suis allé spécialement pour ça, pour découvrir la Coupe d’Europe. Après, ça ne s’est pas passé comme je l’aurais souhaité, mais j’ai découvert l’exigence d’une équipe européenne, qui joue tous les trois jours, avec des stades et des supers ambiances, je suis content d’avoir vécu cela. Ça reste positif, étant compétiteur ça me faisait ch*** de ne pas jouer autant que j’aurais voulu, mais avec le recul ça reste exceptionnel.

Cette saison, tu es revenu en Belgique, à Molenbeek. Un exercice compliqué, car vous jouez le maintien, et où tu as encore un rôle d’ancien et de leader de vestiaire…
Je suis venu ici car je voulais revenir en Belgique. Je ne m’attendais pas à ce que la saison allait être difficile, personnellement ou collectivement, mais il nous reste six matches pour éviter que le club ne descende.

Pour finir, est-ce que tu t’attendais à ce qu’un gars du sud réussisse dans le nord, de Lesquin à Boulogne et en Belgique ? Quoi de prévu pour ton après-carrière ?
En fait, à la base, je suis monté à Lesquin pour rejoindre ma femme, pas pour jouer au foot. On a trouvé le club de Lesquin dans l’espoir que je fasse quelque chose là-haut. Et puis tout s’est enchaîné. Je suis reparti à Guingamp, avant de revenir dans le nord. Ma carrière, plusieurs fois, n’a pas tenu à grand-chose, finalement. On verra les opportunités. J’ai envie de rester et de travailler dans le football.

Xavier Mercier, du tac au tac

« Never give up »

Photo RWD Molenbeek

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
Le titre en deuxième division belge avec le Cercle Brugge.

Le pire souvenir ?
Pour le moment, je n’en ai pas forcément, mais j’espère ne pas le connaître cette saison avec la descente.

Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
Victor Valdes, quand il jouait pour le Standard de Liège.

Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Samuel Gigot (il a évolué avec lui à Courtrai en 2016-2017). C’est une machine.

As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Mon joueur de légende c’est bien évidemment Zinedine Zidane.

Instagram @Xavier_Mercier

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
Il y en a beaucoup, mais je vais dire Anthony Knockaert, qui joue actuellement à Valenciennes.

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Elohim Rolland avec qui j’ai joué à Courtrai.

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
La saison où j’ai pris le plus de plaisir au niveau football c’est en 2020-2021 avec Louvain.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Honnêtement, j’ai toujours été dans le foot, donc je n’ai jamais réfléchi à autre chose.

L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore racontée, mais que tu vas raconter ici ?
L’anecdote la marquante ? Un jour, j’étais en réunion, et d’un coup un coéquipier s’est mis à flatuler. C’était « incroyable » (rires). Mais bien sûr je tairais son nom.

Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
J’ai eu trois coachs qui m’ont vraiment fait passer des caps, et avec qui j’ai été très performant. C’est Frank Vercauteren (au Cercle Brugge), Vincent Euvrard (Bruges puis Louvain) et Marc Brys (Louvain).

Photo RWD Molenbeek

Un président marquant ?
Je vais dire Noël Le Graët à Guingamp. Il avait énormément de charisme.

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade de Ferencvàros était vraiment impressionnant les soirs de Coupe d’Europe.

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
La France en 2018. C’était incroyable.

Un match où tu t’es senti intouchable ?
Un 8eme de finale de coupe de France contre Sarre-Union avec Boulogne où je marque 4 buts dans le match.

Sous le maillot de Bruges. Photo Cercle Brugge KSV

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le RC Lens. Ca a failli se faire en 2016, mais au dernier moment ça ne s’est pas fait et je suis allé à Courtrai.

Une causerie de coach marquante ?
Avant la finale de D1B avec Louvain où le coach nous a montré des vidéos de soutien de nos familles.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Samuel Gigot, je pense.

Pour finir, une devise, un dicton ?
« Never give up. »

Xavier Mercier en dates

Sous le maillot de Boulogne.

2006-2009 : Montpellier B (CFA)

2009-2010 : US Lesquin (CFA2)

2010-2012 : EA Guingamp (National, Ligue 2)

2012-2014 : AS Beauvais Oise (CFA)

2014- Janv. 2016 : US Boulogne Côte d’Opale (National)

Janv. 2016-2017 : KV Courtrai (D1 Belge)

2017-2019 : Cercle Bruges KSV (champion de D2 en 2018 puis D1 Belge)

2019-2022 : OH Louvain (D2 Belge puis D1 Belge)

2022-2023 : Ferencváros TC (D1 Hongrie)

Depuis 2023 : Racing White Daring de Molenbeek (D1 Belge)

 

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : RWD Molenbeek

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L’ancien milieu de terrain, 11e joueur le plus « capé » de l’histoire en Ligue 1 (513 matchs !) a entamé une nouvelle carrière de coach. Après deux saisons chez les jeunes et une saison au Puy en National, il est actuellement adjoint de Roland Vieira dans le club d’Alain Griezmann, où il termine son apprentissage, et ne cache pas son envie de voler un jour de ses propres ailes !

En quatre ans, Florent Balmont a déjà porté la casquette d’entraîneur de presque autant de clubs que tout au long de sa carrière de joueur qui l’a vu disputer, en 19 saisons, 513 matches de Ligue 1 (11e meilleur score de l’histoire !).

N’y voyez pas aucun côté « mercenaire ». Le natif de Sainte-Foy-lès-Lyon, en périphérie de Lyon, est tout le contraire. Il l’a prouvé lorsqu’il était ce milieu de terrain défensif accrocheur dans les cinq clubs professionnels qu’ils a connus (Lyon, Toulouse, Nice, Lille et Dijon).

Après avoir porté les couleurs de l’OL, son club formateur, puis celles de Toulouse pendant une saison (il fut prêté), sa fidélité et son engagement n’ont ensuite jamais été remis en cause, que cela soit à Nice (4 saisons de 2005 à 2009), à Lille (Lille 7 saisons de 2009 à 2016) et enfin à Dijon (4 saisons de 2016 à 2020), où il a achevé sa carrière à l’âge de… 40 ans !
Si l’ancien milieu de terrain défensif, qui s’est dans la foulée lancé dans une nouvelle carrière de coach, vit actuellement sa quatrième saison sur un quatrième banc, c’est uniquement en raison des circonstances.

Début de coach à Limonest

Avec le joueur Zaïd Amir prêté par Le Mans et le coach Roland Vieira.

Et il est probable que, s’il continue dans cette voie, lui qui veut se représenter en 2025 à la session du BEPF (il est titulaire du BEF et du DES, et peut donc entraîneur jusqu’en National 2) risque de changer encore plusieurs fois de crèmerie, puisque le football contemporain en va ainsi et que les carrières à la Guy Roux n’existent quasiment plus. « Je sais que je suis parti pour une carrière de coach ! Je me suis présenté au BEPF l’an passé, mais pas cette année. Je me représenterai l’année prochaine ».

Sa phase d’apprentissage, commencée en 2020 avec les U20 de Limonest, poursuivie avec les U17 Nationaux de l’Olympique Lyonnais dans le rôle d’adjoint en 2021 (aux côtés d’Amaury Barlet, aujourd’hui entraîneur des U19) puis avec Roland Vieira lors de l’exercice 2022-2023 pour une première expérience chez les seniors, en National, avec Le Puy Foot 43, « Flo » estime qu’elle arrive à sa fin : « Pour moi, cette phase, il fallait la faire, elle était nécessaire. Mais elle se termine. J’ai énormément appris à Limonest et à Lyon, mais j’ai surtout beaucoup appris avec Roland. C’est un entraîneur qui m’a beaucoup apporté, dans le management, dans les séances. Maintenant, il le sait, et je lui ai dit, j’ai aussi envie de goûter au poste de numéro 1 un jour ».

Objectif maintien pour l’UF Mâcon

Avec Roland Vieira.

Pour l’heure à Mâcon, la hiérarchie est toujours bien établie : « Bien sûr ! Roland est 1, je suis 2, c’est important, on est un binôme, on se trouve et on se comprend les yeux fermés. Roland me fait énormément participer à ses choix, parce que c’est lui qui prend les décisions et je n’ai vraiment aucune frustration car il me donne un gros rôle. On est pote aussi, ça aide, c’est important, il sait qu’il peut s’appuyer sur moi, il m’apprend beaucoup, j’essaie de lui apporter ce que je peux, ça se passe bien. »

Pour l’heure, il n’y a, en fait, que les résultats qui sont compliqués. Promu en National 2, l’UF Mâcon, malgré un bon départ, souffre dans ce championnat et lutte pour son maintien. Après trois bons résultats, l’équipe vient de rechuter lourdement chez le nouveau leader, Bourg-en-Bresse/Péronnas (3-0).

Naissance d’un tandem

Avec Roland Vieira.

Depuis l’arrivée du nouveau tandem, le club de la préfecture de Saône-et-Loire, actuellement 11e sur 14, a enregistré deux victoires, trois nuls et deux défaites. Il faudra en faire un peu plus pour décrocher le maintien. « Oui, c’est vrai, mais on est arrivé en cours de saison donc ce n’est jamais facile. On travaille. On a mis en place beaucoup de choses. Mâcon est monté rapidement, avec deux accessions en deux ans, de DH (R1) en National 2. Alain (Griezmann, le président), je ne le connaissais pas, je l’apprécie, il a envie que le club progresse. Il est ambitieux. Mais il y a des choses à mettre en place. Roland (Vieira) a l’habitude. Il l’a fait au Puy. Quand je parle de travail, je pense toujours à cette phrase : « On joue comme on s’entraîne », et je trouve que l’état d’esprit a changé. On travaille beaucoup à l’entraînement afin de répéter les efforts en match. On est très exigeant au quotidien. »

Vieira-Balmont. Les deux hommes se connaissent depuis près de 30 ans : en 1997, le premier, attaquant, natif de … Mâcon, permettait à l’OL de remporter la coupe Gambardella en se distinguant dans le rôle du gardien lors de la séance de tirs au but (le gardien titulaire avait été expulsé) tandis que le second était entré en cours de jeu. « J’ai presque un an de moins que Roland, raconte Florent; On s’est connu à l’OL pendant nos années de formation. On a gagné la Gambardella ensemble. On avait toujours gardé le contact. On ne s’appelait pas tous les jours mais on se voyait l’été, en vacances. Nos familles s’apprécient. Un soir, il a eu l’idée de me proposer ce rôle d’adjoint, au Puy. La première fois, je n’ai pas pu accepter car je m’étais engagé avec les U17 de Lyon, mais l’idée était restée dans un coin de ma tête. Finalement, il m’a à nouveau proposé ce rôle en été 2022, après l’accession du Puy en National. » Voilà comment le tandem s’est formé.

« A l’OL, je n’avais pas de perspective »

Et si cela peut surprendre aujourd’hui de ne plus voir le nom de Balmont dans l’organigramme de la Groupama OL Academy, l’ex-pro a son explication : « Déjà, ce n’est pas un regret si je n’y figure plus, parce que c’est mon choix. C’est moi qui suis parti en 2022, après la saison en U17. Mais si je suis parti, c’est aussi parce que je n’avais pas non plus de projection quant à mon avenir à l’OL. Je n’avais pas de perspective. Et puis, j’ai eu cette opportunité du Puy avec Roland (Vieira). »

Sportivement, la saison au Puy-en-Velay fut compliquée, mais « ce fut un super apprentissage ». Longtemps dans la course au maintien dans un championnat National à 18 clubs mais à 6 descentes, Le Puy, malgré des gros coups d’éclat (élimination de l’OGC Nice en coupe de France, succès en championnat au Red Star, à Nancy, à Orléans, contre Concarneau ou encore Sedan), a finalement cédé dans les ultimes journées. « C’est frustrant d’être descendu, parce qu’on n’était pas très loin, même si c’était compliqué pour nous par rapport au budget, mais à un moment donné, on a perdu un ou deux joueurs au mauvais moment, et d’autres ne connaissaient pas trop ce niveau National. Et puis il y a eu des matchs où on a laissé filer des points, je pense à celui de Martigues chez nous, au match retour, quand on mène 2 à 1, et qu’ils égalisent dans le temps additionnel… Si on avait gagné contre Martigues, qui était leader à ce moment-là, ça nous aurait donnés une force supplémentaire pour les six ou sept derniers matchs qu’il restait. Mais ce nul (2-2), alors que l’on revenait bien, nous a fait mal. »

« On se canalise de plus en plus »

Photo Le Puy Foot 43

Sur le banc, les deux hommes ont aussi, parfois, montré qu’ils avaient le sang chaud. Mais Balmont l’assure, cette saison au Puy lui a servi : « C’est vrai qu’on était « trop chauds », mais c’est aussi parce qu’on a ce côté gagneur, et puis il y avait cette pression du résultat, même si la pression, à n’importe quel niveau, elle fait avancer. On a pris des cartons parce qu’on s’est énervé, mais je trouve que cette saison, on se canalise de plus en plus. En tout cas, moi, j’essaie de ne pas trop lui amener ce côté fou-fou et sanguin que j’avais trop au départ. »

Quelques semaines avant la fin de la saison passée, Roland Vieira annonçait son départ du Puy, où il venait de passer 11 ans, mais clamait son envie de retravailler avec Florent Balmont. Si cela n’a pas pu se réaliser à Saint-Brieuc, en National 2, étape suivante de Vieira, le départ surprise de ce dernier à la trêve de Noël pour Mâcon a permis aux deux hommes, qui s’apprécient, de reformer le duo dans le club d’Alain Griezmann, en National 2. « Pendant que Roland était à Saint-Brieuc, j’ai travaillé un peu dans l’immobilier, c’est un milieu qui me plaît aussi, mais très vite, au fil des mois, j’ai vu que le foot me manquait. »

« Le National, c’est pro ! »

Dans le vestiaire après la victoire à Saint-Quentin.

Du coup, après avoir découvert le National en Auvergne, Florent découvre le National 2 en Bourgogne, pas très loin de chez lui. « C’est sûr que quand je suis arrivé en National au Puy, l’an passé, je ne connaissais pas trop de championnat et pas beaucoup de joueurs non plus. Il a fallu que je bosse. C’est passé par beaucoup de vidéos, d’analyses de matchs. J’ai pu observer beaucoup de joueurs et j’ai pu apprivoiser le National que je ne regardais pas quand je jouais en Ligue 1. Le National, c’est pro. J’ai été agréablement surpris par le niveau et les structures, on a quand même affronté des clubs comme le Red Star, Le Mans, Nancy, Sedan, qui ont un passé et où il y a des joueurs de bon niveau. Pour des joueurs qui n’ont pas de temps de jeu en Ligue 1, un passage en National, pour eux, c’est un bon tremplin pour rebondir. »

Jamais avare de compliments quand il s’agit évoquer le travail et les compétences de son ami Vieira, « Flo » sait aussi qu’un jour, peut-être, il le croisera … sur le banc adverse ! « Ce serait bien ! Roland mérite d’être encore plus haut, il a tout pour réussir au plus haut niveau, il a les qualités pour ça. Il fait du bon boulot partout où il passe, et là, à Mâcon, où on vient d’arriver, l’objectif est d’abord de se maintenir. Et ensuite, le club pourra viser plus haut. »

Le National ? C’est évidemment beaucoup trop tôt pour en parler à l’UF Mâcon, qui évoluait encore en Régional 1 en mai 2022, mais le club sait au moins une chose : Vieira a la recette, car il y est parvenu deux fois en trois ans avec Le Puy, en 2019 et en 2022 !

Florent Balmont, du tac au tac

Content de succéder à Foued Kadir dans cette rubrique ?
(Surpris) Oui ! On s’est souvent affronté, c’est un milieu de terrain, un bon joueur !

Meilleur souvenir sportif ?
Il y en a beaucoup ! Je vais dire le doublé coupe-championnat avec Lille en 2011.

Pire souvenir sportif ?
C’est la finale de la coupe de la Ligue perdue avec l’OGC Nice contre Nancy, en 2006, on était quand même les favoris. C’est un regret car la coupe de la Ligue manque à mon palmarès.

Combien de buts marqués ?
Je n’en ai pas mis beaucoup, une dizaine peut-être !

Combien de cartons rouges ?
Je n’en ai pas pris beaucoup, je pense que c’est 3 ou 4 ! J’avais une réputation, OK, mais c’est surtout des cartons jaunes, et là, ce n’est pas pareil ! En fait, des cartons rouges, je n’en ai pas pris beaucoup compte tenu du nombre de matchs que j’ai disputés. Je savais m’arrêter au bon moment !

Ton plus beau but ?
Celui de Lille contre Nice, quand je fais contrôle de la poitrine et reprise de volée, je pense que c’est le plus sympa dans la gestuelle.

Voir le but : https://fb.watch/r1ueBCWHpX/

Ton match référence ?
J’ai eu des matchs où je me sentais bien et c’est vrai que ce match contre Nice quand je marque, me revient en mémoire, même si on fait 4 à 4 au final.

Ton pire match ?
Un match de Ligue des champions à Munich, face au Bayern, on perdait 4 à 0 au bout d’une demi-heure… Là je me dis « ça ne sert à rien de continuer, on rentre aux vestiaires », je crois que c’est la seule fois où j’ai pensé ça, où j’ai eu cette sensation; ça allait trop vite.

Ton geste technique préféré ?
Ce n’était pas un geste technique. Plutôt une action. J’aimais bien partir sur le côté droit et chercher des passes en profondeur. J’essayais de jouer le plus simplement possible.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités : l’agressivité dans le bon sens du terme. Ma force, c’était de gratter des ballons, d’avoir envie de les récupérer et de les donner proprement. J’ai évolué dans mon jeu, dans mon football et c’est ce qui fait qu’à Lille on m’a plus considéré comme un bon joueur alors qu’à Nice on n’a plus retenu ce côté « agressivité ». J’avais, je pense, cette qualité de faire les deux. Pour les défauts, c’était ce côté râleur, parce que je déteste perde, et j’avais parfois du mal à me canaliser, ce qui fait que je perdais beaucoup d’énergie. J’ai réussi à gommer ça au fil du temps, à Lille, même si c’était ancré en moi.

Dans la vie de tous les jours, qualités et défauts ?
Je fais tout pour les gens que j’aime, pour ma famille. J’aime donner, c’est ma qualité. Défaut, on en revient au côté râleur (rires), ce n’est pas que sur le terrain ! Impatient aussi. Mais mon épouse me supporte depuis une vingtaine d’années, c’est que je ne dois pas être si chiant que ça !

Cette saison, l’UF Mâcon (Matar Diagne en bleu) vise le maintien en N2.

Que t’a-t-il manqué pour être international ?
C’est une fierté d’avoir fait 513 matchs en ligue 1, et de n’avoir connu que ce niveau, après, pour être international… Je pense que j’ai été à deux doigts de l’être, j’ai reçu les pré-sélections, maintenant, peut-être que mon profil ne rentrait pas dans le cadre, mes deux potes à Lille (Rio Mavuba et Yohan Cabaye) qui jouaient avec moi au milieu de terrain étaient en équipe de France; ensemble, on faisait des bonnes saisons. C’est une question de stéréotype peut-être. Et puis il y avait du monde, et trois Lillois en équipe de France, cela faisait peut-être trop aussi.

Pourquoi as-tu fait du foot ?
C’est mon père qui m’a donné envie de jouer, il entraînait, je le suivais, et il m’a inculqué cette passion ! Je n’arrêtais pas de taper dans un ballon, partout, dès mes 2 ans, chez moi, dans la maison, je cassais quelques trucs ! J’ai commencé attaquant dans mon club de village à Saint-Symphorien-d’Ozon, et après, quand j’ai signé à Oullins, au CASCOL, à l’âge de 13 ans, j’ai reculé au milieu et je n’ai plus bougé. Ensuite, à 16 ans, j’ai intégré le centre de formation de l’OL.

Tu as gardé des contacts avec Oullins et Saint-Symhorien-d’Ozon ?
Non. C’est dommage. Mes parents sont encore à Saint-Symphorien… J’ai toujours dit que je trouvais dommage que le club ne fasse pas appel à moi parce que j’avais envie de donner. J’ai donné un ou deux coups d’envoi mais c’est tout. Les gens, là-bas, voilà… Il n’y a pas eu trop de retour. Même pour mes parents, qui sont de Saint-Symphorien. Il y a eu d’autres dirigeants, peut-être que cela ne les intéressait pas.

Sous le maillot du Puy Foot, la saison passée. Photo Le Puy Foot 43

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Honnêtement, même quand je jouais le maintien, j’ai pris du plaisir, partout, mais ce que je retiens, ce que j’ai aimé, c’est cet esprit de groupe. L’aspect collectif. C’est ça qui m’a fait aimer le foot.

Un coéquipier marquant ?
Eden Hazard. Pour moi, c’est le meilleur joueur avec lequel j’ai évolué. Je l’ai vu commencer. Hugo Lloris aussi, pareil, que j’ai vu commencer à Nice : il était 3e gardien, et je me souviens lui avoir dit, après deux ou trois entraînements, « Toi, tu vas faire une grosse carrière », je ne me suis pas trompé, mais c’était évident, il avait déjà le niveau et la maturité au-dessus.

Le coéquipier avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
A Lille, avec Rio Mavuba. Il avait cette intelligence et cette facilité, il jouait simple, et moi derrière, j allais plus « chercher », il y avait un certain équilibre entre nous. En plus on est ami, nos familles s’entendent bien.

Combien d’amis véritables dans le foot ?
Moins de 10. Mais il y’en a. On ne s’appelle pas tout de temps mais il y a beaucoup d’affinités.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
Fernando Torres à Liverpool, Zanetti à l’Inter Milan, des joueurs de classe mondiale. Et aussi Verratti, un joueur que j’aimais beaucoup. On l’a sous-estimé à Paris. J’adorais ce qu’il faisait, c’était un chien sur le terrain, qui ne lâchait jamais.

Une idole de jeunesse ?
Zidane.

Un modèle ?
Verratti, oui, Pep Guardiola aussi. Gaizka Mendieta à Valence, contre qui j’avais joué. Des profils intéressants, pour moi, qui était aussi milieu de terrain.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Hugo (Lloris).

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
René Girard. J’ai bien aimé. C’est la première fois que je suis allé voir un entraîneur à son départ, pour lui dire que j’avais kiffé les deux saisons avec lui, à Lille, pourtant, quand il est arrivé, je me suis dit, avec son caractère sanguin, « ouh la »… Je ne savais pas ce que ça allait donner.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Tous les coachs m’ont apporté, après, c’est vrai qu’avec Frédéric Antonetti, cela a été tendu parfois, mais j’ai beaucoup de respect pour lui, il a connu une période très compliquée, mais comme entraîneur, il ne m’a pas marqué.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Benj’ Pavard.

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’embrassais mon alliance en entrant sur le terrain. J’ai oublié une fois de le faire et je me suis blessé.

Une devise, un dicton ?
On joue comme on s’entraîne. Cela a toujours été ma devise tout au long de ma carrière et je le répète aujourd’hui en tant qu’entraîneur. Sinon, on ne peut pas être performant en match.

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu étais un joueur plutôt …
Rugueux. Combatif. Je me souviens que les supporters disaient qu’ils valaient mieux m’avoir dans leur équipe que dans l’équipe en face.

Une appli mobile ?
LEquipe.fr

Le milieu du foot, en deux mots ?
C’est un milieu où il y a du lobbying, pas tout le temps franc.

Tes passions ?
Le padel. J’adore. Je me s’y suis mis quand j’étais à Lille. Le tennis, c’était bien, mais maintenant, c’est le padel.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : UF Mâcon

Photos : UF Mâcon (sauf mentions spéciales)

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L’ex-international algérien, revenu sur ses terres provençales en 2018 après une belle carrière, d’abord en amateur puis chez les pros (Amiens, Valenciennes, Marseille, Rennes, Séville, Getafe), a toujours dû gagner sa place, partout où il est passé. À 40 ans, il allie aujourd’hui le plaisir avec les résultats.

Photo Philippe Le Brech

Foued Kadir n’était pas au courant qu’il était, à 40 ans, le joueur le plus âgé du championnat National. Mais il s’en doutait un petit peu. « Je pensais qu’il y aurait peut-être un gardien dans un club, plus âgé que moi. »
C’est en accordant un entretien au site de la Fédération (FFF) qu’il a appris cette nouvelle. Mais cela n’a pas changé pas sa vie ! En tout cas, ce statut de « doyen » du National ne lui confère pas plus de responsabilités qu’il n’en a déjà, lui qui est le capitaine du FC Martigues depuis l’arrêt en 2022 de son coéquipier Nadjim Abdou : « Je ne me prends pas la tête avec ça ! Pour moi, l’essentiel est de prendre du plaisir avec mes coéquipiers. J’essaie des les aider à gagner des matchs. »

C’est dimanche, un jour sacré, où le footballeur profite en général d’un peu de repos pour vaquer à d’autres occupation et couper avec le ballon rond. Mais Foued Kadir, lui, est là, face à nous, en visio, pour cet entretien « long format », pour parler football. Noa, sa petite dernière (1 mois) fait la sieste.

Moins de 48 heures auparavant, il était rentré à la pause en remplacement de Milan Robin sur la pelouse du stade Marie-Marvingt, face au Mans. Un match soldé par une défaite 2 à 0 qui a de nouveau relégué son équipe (3e) à 4 points de Niort (2e).

« Titulaire ou remplaçant, je réponds présent »

Photo Philippe Le Brech

Depuis cette saison, Foued n’est plus forcément titulaire à chaque match. Un nouveau statut pour l’ancien professionnel de Valenciennes, Rennes, Marseille ou encore du Betis Séville, pour ne citer que ces clubs, qui demeure un cadre de son équipe, même si son coach, Grégory Poirier, ne l’aligne plus systématiquement dans le 11 de départ. « Déjà, j’ai eu un petit plus de soucis physiques cette saison, contrairement à la saison passée, où je jouais tout le temps. Maintenant, c’est vrai, je ne vais pas mentir, j’ai un peu mal vécu au début le fait que je sois remplaçant, surtout que c’est arrivé au moment où j’ai fêté mes 40 ans, début décembre dernier (il est né le 5 décembre 1983). Je ne sais pas si c’est une coïncidence mais c’est arrivé à moment-là. Je me suis dit que, peut-être, c’était dû à mon âge, peut-être qu’on a pensé que j’étais « fini » parce que j’avais 40 ans! J’ai eu une discussion à ce sujet avec le coach, Grégory Poirier, et le directeur sportif, Djamal Mohamed, mais ils m’ont rassuré et m’ont dit que cela n’avait rien à voir, que c’était des choix en fonction de la forme du moment, qu’il y avait d’autres joueurs qui étaient en forme, que l’équipe tournait bien, du coup, maintenant, tout est clair. Et je réponds présent, que cela soit comme titulaire ou comme remplaçant. »

Le débat est clos. D’ailleurs, il n’y a pas de débat. Sur le terrain, le Franco-algérien le prouve. Sa technique est toujours léchée, sa vision du jeu intacte, et il fait toujours autant jouer ses partenaires, dans une position de numéro 6, devant la défense, où il est amené à toucher beaucoup de ballons. Un poste qu’il a appris à « apprivoiser » au fil du temps, lui qui a construit sa carrière dans un rôle de meneur de jeu : « Mon poste de prédilection, c’est vrai, c’est en 10, mais au fil du temps, j’ai reculé, d’abord, en 8, lors de mes deux dernières saisons en D2 espagnole. C’est le coach, Julio Velasquez, que j’avais déjà eu au Betis Séville, qui m’a fait revenir à Alcorcon, qui m’a d’abord placé comme relayeur dans un milieu à trois, avec un 6 et deux 8. Ce poste de 8, je l’avais aussi occupé parfois avec Philippe Montanier à Valenciennes en Ligue 1, parce qu’il jouait dans le même système. »

N°10, puis n°8 et maintenant n°6 !

Photo Philippe Le Brech

Et depuis son retour au FC Martigues, en 2018, où il est venu boucler la boucle, « chez lui », Foued occupe ce poste de 6. Très attaché à sa ville, l’ancien international algérien (25 matchs, 2 buts et une coupe du monde disputée en 2010) espère participer au retour de son club dans le monde professionnel, qu’il a connu dans les années 90 lorsqu’il était un jeune joueur, avant de partir à l’âge de 17 ans, sans jamais jouer avec les seniors. « Tout a commencé grâce à mon père, Lahcen C’était un fou de foot. Je commençais à peine à marcher qu’il m’avait déjà mis un ballon dans les pieds pour jouer avec lui ! Le foot, c’est vraiment une transmission de père en fils et j’essaie de transmettre ça aussi à mes grands enfants (il est aussi papa de deux autres garçons, Ilhan, 10 ans, et Eden, 7 ans). J’ai commencé à Martigues, chez moi, dans ma ville. Le FCM, c’est mon club. Je suis 100 % Martégal. »

Oui mais voilà. A 17 ans, c’est le départ. Un crève coeur. « Cela a été une déception de quitter Martigues, où j’avais joué de l’âge de 6 ans jusqu’à mes 17 ans, où ça se passait super bien, où j’avais tous mes copains, mais finalement, je m’en suis relevé. » A l’époque, Foued évolue en moins de 18 ans. Il est « 2e année ». Et il lui reste une « 3e année » à disputer à ce niveau. Sauf que le club veut l’intégrer en équipe III seniors, en amateurs : « Moi, je voulais vraiment faire ma dernière année en jeunes. Je trouvais que c’était compliqué, à 17 ans, d’aller jouer en seniors, surtout que j’étais « gringalet » à l’époque ! J’ai eu l’opportunité d’aller à Gignac, à côté de chez moi, pour faire cette troisième année en moins de 18 ans. Pour m’amuser. Et d’ailleurs, j’ai pris beaucoup de plaisir cette saison-là. En fait, c’est simple, je ne me voyais pas encore aller en seniors chez les amateurs, je trouvais que je n’étais pas prêt physiquement. »

Gignac, Beaucaire, Troyes, Cannes…

Photo Philippe Le Brech

Après sa dernière année chez les jeunes à Gignac, Foued signe à Beaucaire. Le club est en National cette saison-là – pas une réussite ! – et il joue en réserve, en Division d’Honneur (Régional 1). « C’est grâce à mon père que je suis allé là-bas. Il avait un ami qui jouait à Beaucaire, il lui a demandé si le coach pouvait me prendre à l’essai pour la réserve. J’ai fait quelques entraînements, ça s’est super bien passé, et je me suis retrouvé en DH seniors (R1). La même année, je passais le bac, je faisais les aller-retour avec mon père, qui a toujours été là pour moi. Et puis, j’ai commencé à faire quelques entraînements avec le groupe National, entraîné par Jean-Jacques Eydelie, mais sans jamais disputer de match officiel. C’était exceptionnel pour moi ! Je me souviens que, pour aller aux entraînements de la « National », je ratais parfois le lycée, parce que j’aimais le foot plus que tout ! ça m’a permis de voir ce que c’était que de s’entraîner tous les jours et j’ai pu toucher au monde professionnel, entre guillemets. »

Photo Philippe Le Brech

Après Beaucaire, c’est le grand saut. Direction Troyes, dans l’Aube. « Là encore, c’est grâce à mon père (sourire) ! Il avait un ami qui connaissait bien le papa de Karim Ziani, à l’époque joueur à l’ESTAC. Grâce à cet ami, je fais un essai en réserve avec la CFA, je m’en souviens bien, car on termine la semaine par un match amical et il y a Karim (Ziani), de même que Rafik Saïfi, qui sont là, parce qu’ils sont en instance de départ. Du jour au lendemain, me voilà qui joue avec deux internationaux Algériens ! Pour moi qui suis Algérien, tu imagines… »

Le match se passe bien. Le coach Carlos Lopez lui propose alors de signer en CFA. A l’issue de sa première saison, le club tombe en CFA2. La saison suivante, Foued dispute les six premiers mois, avant qu’une nouvelle opportunité ne s’offre à lui : « Je marque 6 ou 7 buts et puis j’ai l’opportunité d’aller à Cannes en National. Comme je vois que ça ne bouge pas trop pour moi à Troyes, même si je goûte aux entraînements des pros avec Jean-Marc Furlan, je me dis que Cannes, en National, c’est une belle évolution sportive. Et en plus, je reviens près de ma famille aussi, dans le Sud. »

Là encore, c’est son papa qui est à l’origine de tout : « L’ami de mon père, qui avait un énorme réseau, entend dire que Cannes cherche un milieu offensif. Et c’est comme ça que je signe là-bas en janvier. C’est marrant parce que juste avant de signer, je dispute un match amical contre l’OM avec Cannes, et je marque un but à Fabien Barthez ! On gagne 1 à 0 ! C’était les débuts de Nasri ! »

« J’avais toujours tout à prouver »

Le FC Martigues 2023-2024. Photo Philippe Le Brech

A Cannes, Foued arrive sur la pointe des pieds et va, petit à petit, se faire sa place, jusqu’à s’imposer : « Je fais six premiers mois intéressants et puis le club me prolonge de 2 ans. En fait, c’est mon histoire ça ! Mon parcours, c’est ma force ! A chaque fois que je suis arrivé dans un club, j’étais celui qui arrivait d’en bas, sur la pointe des pieds, sans faire de bruit, souvent avec un statut de remplaçant, et partout je me suis fait ma place. J’avais toujours tout à prouver et surtout, je n’avais rien à perdre. J’ai bossé, bossé, c’est ce qui a fait aussi ma force, et j’ai gagné ma place quasiment dans tous les clubs où je suis passé. »

La suite de sa carrière le conduit chez les grands, d’abord en Ligue 2, à Amiens, qu’il découvre à l’âge de 23 ans, et à Valenciennes, en Ligue 1, à 25 ans. Puis c’est L’OM, Rennes, l’Espagne et la Liga, la coupe du monde avec l’Algérie… Quel parcours !

Avec le président Alain Nersessian. Photo Philippe Le Brech

En 2018, à 35 ans, Foued met un terme à sa carrière pro et revient à Martigues. Le club végète alors en National 2 et joue devant 300 personnes. « Et encore, la moitié des gens, c’était nos familles ! Mais j’avais toujours eu ça dans un coin de ma tête : revenir à Martigues et aider le club à retrouver le haut niveau. Malheureusement, on a perdu 2 ans avec la Covid, et 2 ans, dans une carrière, c’est beaucoup. Je suis revenu en même temps que notre ancien capitaine, Nadjim Abdou (qui a stoppé sa carrière en 2022), qui a eu un peu le même parcours que moi, qui a été pro à Martigues il y a plus de 20 ans et qui a dû s’exiler en Angleterre. On a passé un premier cap avec l’accession en National en 2022. J’aimerais bien qu’on en passe un second en accédant en Ligue 2. Ce serait l’occasion de finir en apothéose et pourquoi pas de faire une dernière saison à ce niveau avec mon club formateur, mon club de coeur. Ce serait la cerise sur le gâteau. C’est dommage d’avoir manqué le coche la saison dernière. »

« Les gens bloquent sur Borgo, mais… »

Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que, la saison passée, le FC Martigues a vraiment laissé passer une occasion unique quand, à deux journées de la fin, et alors que le club du président Alain Nersessian occupait la place de leader, s’était lourdement incliné 3 à 0 sur la pelouse de la lanterne rouge, Borgo. Un résultat qui avait suscité l’incompréhension. « Tout le monde « bloque » sur ce match, parce que Borgo était dernier et déjà relégué en N2, mais pour moi, la montée ne s’est pas perdue là. Il y a d’autres matchs avant celui-là où on a pris des buts dans les dernières minutes, je pense à celui de Nancy à Francis-Turcan, juste avant d’aller à Borgo, quand on se fait égaliser à la fin (1-1). Si on avait tenu le score à 1-0, on aurait jouer la montée en Ligue 2 chez nous à la dernière journée contre Versailles. Je peux comprendre que tout le monde nous parle de ce match-là, à Borgo, mais en face, les gars voulaient se montrer, sortir un gros match, ils n’avaient rien à perdre… Dans le foot, ce n’est pas parce que tu es premier que tu vas gagner 5 à 0 chez le dernier. »

Photo Philippe Le Brech

Que cela soit en Ligue 2 ou National la saison prochaine, Foued a, évidemment, envie de continuer encore une saison. Au moins. « Oui, parce que je me sens bien physiquement ! Je me sens prêt à jouer encore une saison, mais ça dépend aussi de mes dirigeants, de ce qu’ils veulent faire, mais moi, je me sens encore au niveau, j’ai encore les jambes et l’envie, franchement, j’aime tellement le foot ! Le jour où j’irai à l’entraînement à reculons, là, ok, je dirai « stop », mais ce n’est pas du tout le cas actuellement. Je ne me prends pas la tête, parce que je sais que la fin est plus proche que le début ! »

Et l’après football ? « On verra ! Je compte jouer le plus longtemps possible, tant que mon corps me le permet et tant que j’en ai envie. Bien sûr, je pense à ma reconversion, on en parle d’ailleurs avec les dirigeants du FCM; ça peut être dans le staff, en tant qu’adjoint ou entraîneur des attaquants, je ne sais pas, mais là, je veux jouer le plus longtemps possible, même en N2 ou en N3. Après, en dessous de N3, je ne suis pas certain que le plaisir, la seule notion qui compte, soit le même… Une chose est sure, après ma carrière, je ne me vois pas coach principal : gérer 25 mecs, c’est trop compliqué. Parce que le foot, c’est du management aujourd’hui. »

Foued Kadir, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech

Es-tu content de succéder à Thomas Vincensini dans cette rubrique ?
(Surpris) Bien sûr (rires), mais… je ne le connais pas !

Meilleur souvenir sportif ?
La Coupe du monde 2010 avec l’Algérie. J’ai disputé les trois matchs de poule, malheureusement, on ne s’est pas qualifié. C’est quand même le meilleur souvenir de ma carrière.

Pire souvenir sportif ?
C’est encore lié à la Coupe du monde et à l’Algérie : en 2014, j’ai participé à toute la campagne de qualification au Mondial, je suis dans la liste des 30 puis au dernier moment, le sélectionneur m’a enlevé de la liste des 23. J’ai eu énormément de mal à le digérer et à passer à autre chose.

Combien de buts marqués ?
Aucune idée (rires) ! Je ne compte pas. Marquer n’a jamais été une finalité chez moi. J’ai toujours pris beaucoup plus de plaisir à faire une passe décisive. J’ai toujours eu ça dans l’âme. Je préfère régaler mes coéquipiers mais attention, je ne vais pas mentir, marquer procure aussi énormément de plaisir !

Photo Philippe Le Brech

Ton plus beau but ?
Avec Amiens contre Nantes, en Ligue 2 : un enroulé pied gauche en pleine lucarne !

6, 8 ou 10 ?
Sincèrement, je préfère jouer en 10, le poste que j’occupais quand j’avais les jambes ! Je n’ai plus trop les jambes pour aller de l’avant, me retourner vite, c’est pour ça qu’avec le temps, j’ai reculé; je vais finir gardien bientôt peut-être (rires) ! C’est en 10 que j’ai pris le plus de plaisir aussi dans ma carrière, à régaler mes coéquipiers, à faire des passes décisives. Après, avec l’expérience et l’âge, on joue différemment. On va moins vite que les jeunes certes mais on anticipe plus vite, voir avant de recevoir, voir avant les autres… Après, la technique, ça ne sert perd pas, ça a toujours été une de mes plus grosses qualités.

Ton geste technique préféré ?
Le contrôle orienté.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités : technique, vision du jeu, capacité à faire jouer mes partenaires et à leur donner de bons ballons au bon moment, capacité à répéter les efforts même si, avec l’âge, un peu moins aujourd’hui, mais avant, j’étais pas mal physiquement. Pour mes défauts, le jeu de tête et l’impact physique, qui n’a jamais été mon fort même si je n’ai pas peur d’aller au duel.

Et dans la vie de tous les jours ?
Je pense être généreux, gentil, parfois trop gentil… Pas facile comme question même si je me connais bien. Pour les défauts, je suis mauvais perdant.

Photo Philippe Le Brech

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Sans hésitation, avec Valenciennes, en Ligue 1, on avait une équipe qui ne payait pas de mine mais qu’est-ce qu’on était solidaire sur le terrain ! On était bons tous ensemble. J’ai pris un pied énorme. Le stade était plein, on arrivait à taper de grosses équipes, on faisait des gros matchs. J’avais Philippe Montanier comme coach, c’est quelqu’un qui a compté pour moi. C’est marrant, parce que Grégory Poirier, mon coach actuellement à Martigues, était en formation avec lui la semaine dernière dans le cadre de son BEPF, et Philippe Montanier lui a parlé de moi. « Il t’apprécie » m’a dit Grégory Poirier en parlant de lui. C’est réciproque, je garde un très bon souvenir de Montanier, il m’a fait énormément progresser. Je voudrais associer aussi son adjoint Michel Troin, lui aussi m’a fait progresser, que cela soit à Cannes ou ensuite à Valenciennes, et quand Philippe Montanier est parti en Espagne, il y a eu avec Daniel Sanchez avec qui c’était sympa aussi et avec qui ça s’est super bien passé.

Le club où tu as failli signer ?
A l’époque, j’ai le choix entre l’OM et Monchengladbach (Allemagne), avec Lucien Favre. Deux propositions concrètes. Je suis tiraillé entre les deux. L’OM, c’est l’OM… Je suis de Martigues, je suis supporter depuis tout petit, ça ne se refuse pas ! Lucien Favre, lui, voulait me fait jouer à mon poste, derrière l’attaquant, à l’époque, ils sont dans les 3 ou 4 premiers en Bundesliga, qualifiés en 8e de finale de la Ligue Europa, un championnat tourné vers l’offensive, pour moi c’est parfait. Mais j’ai fait le choix du coeur. Je vais à l’OM. Je ne regrette pas mon choix. C’est comme ça.

Photo Philippe Le Brech

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Plus jeune, j’étais fou de Zidane et Del Piero. J’aimais beaucoup la Juventus de Turin. A la play station, je prenais toujours la Juve ! Donc, la Juve !

Un stade et un club mythique pour toi ?
Le Vélodrome ! C’est le stade où mon père m’emmenait tout petit. J’y ai d’abord joué contre l’OM puis ensuite en portant le maillot de l’OM. Le Vélodrome, c’est le Vélodrome.

Un public qui t’a marqué ?
Je ne vais pas redire le Vélodrome… Celui de Lens m’a marqué, en plus j’ai disputé les derbys du Nord, avec Valenciennes, et aussi Geoffroy-Guichard (Saint-Etienne). Mais le Betis, c’est vraiment pas mal, et les derbys avec le FC Séville, c’est chaud !

Un coéquipier marquant ?
Riyad Mahrez.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, sur le terrain ?
J’ai beaucoup aimé la relation que j’ai eu pendant une saison à Rennes avec Jean II Makoun, qui jouait derrière moi en 6. Il se retournait et me trouvait directement, je savais comment me placer avec lui.

Combien d’amis dans le foot ?
Très peu.

Le FC Martigues 2023-2024. Photo Philippe Le Brech

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
J’ai eu la chance de jouer contre Cristiano (Ronaldo) et Messi, donc…

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Rabah Sadaâne, qui m’a sélectionné pour la première fois en équipe nationale d’Algérie. Je n’ai pas eu l’occasion de le revoir depuis. Il a été comme un deuxième papa pour moi.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
L’actuel coach de Getafe, où il est revenu d’ailleurs, Jose Bordalas : j’avais signé à Getafe, il est arrivé et avec lui je suis devenu tricard, sans aucune raison. Bon, il aime les guerriers, les combattants, la grinta, il n’aimait pas trop les joueurs de ballon ! Du coup, je ne rentrais pas dans ses plans.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Marcel Salerno à Cannes. Il était dévoué, un peu fou-fou, mais je sentais que c’était une bonne personne, attachant.

Tu as été un excellent joueur mais qu’est-ce qu’il t’a manqué pour être un top joueur ?
Le parcours. Je ne suis pas passé par un centre de formation. J’ai connu tous les championnats amateurs avant de signer mon premier contrat pro à Amiens en Ligue 2 à 23 ans. Si j’avais eu un parcours classique, peut-être que ma progression aurait été différente. Peut-être que je n’aurais pas fait la même carrière. Ce qu’il m’a manqué, c’est d’avoir ma chance plus jeune, de signer pro plus jeune, de jouer des matchs de haut niveau plus jeune. Et là, peut-être que j’aurais été un très-très bon joueur. Mais je ne regrette pas mon parcours, je suis fier de ce que j’ai réalisé, partir d’en bas pour arriver en Ligue 1 et en coupe du Monde, c’est exceptionnel.

Philippe Le Brech

Une anecdote de vestiaire ?
On joue contre la Libye avec l’Algérie, au Maroc. C’est Vahid Halilhodžić notre coach. Pendant tout le match, on se fait insulter et cracher dessus par les joueurs adverses, et ça part « en live » en fin de match, bagarre, bref, on rentre aux vestiaires et le président de la Fédération, Mohamed Raouraoua, furieux, nous hurle dessus, il nous dit « Vous êtes une honte, vous faites honte au pays, c’est quoi ces histoires ? En venir en mains sur un terrain c’est catastrophique… », nous, on était tous la tête baissée, un peu honteux, et puis, là, Vahid Halilhodžić entre dans la pièce, chemise blanche déchirée, cheveux en pétard, et il hurle « C’est ça ! ça c’est équipe, ça c’est solidarité » (il imite l’accent), et là, on se regarde entre nous et on se met tous à rire, et le président sort du vestiaire !!!

Une ville, un pays ?
Séville, en Espagne.

Une appli mobile ?
L’Equipe.

Avec le journaliste de La Provence, Eric Stella.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Raïs M’Bolhi, c’est un de mes amis, c’est le gardien de la sélection algérienne.

Es-tu maniaque ?
Au foot non. Dans la vie de tous les jours, un peu. Je n’aime pas laisser traîner mes affaires. J’aime bien que ce soit propre et bien rangé.

Une devise, un dicton ?
Travail et humilité, c’est ce que je dis à mes enfants.

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu es un joueur plutôt …
Technique.

Dernier match vu à la télé ?
En Ligue des Champions, Atlético-Inter. Un super match !

Dernier match vu en tant que spectateur ?
J’ai amené mes deux grands enfants, qui habitent dans le Nord, voir Lens – Strasbourg, je voulais leur montrer l’ambiance de Bollaert.

Ta plus grande fierté ?
Avoir joué la coupe du monde sur le plan du foot, et dans la vie de tous les jours, ma famille.

Le club de Martigues ?
Un club qui a des ambitions et qui aurait sa place en Ligue 2.

La force de votre équipe ?
La solidarité, le collectif. On n’a pas de joueur qui sort du lot ou qui drible tout le monde. L’aspect tactique aussi, la façon qu’on a d’attaquer et de défendre tous ensemble. On a la meilleure défense du National, ça en dit long sur notre mentalité.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Je ne veux pas être trop négatif… Ce n’est pas un milieu qui me plaît trop… C’est malheureux, parce que c’est du business avant tout.

Qui aimerais-tu voir te succéder dans cette rubrique ?
Andrés Iniesta !

Championnat National – Vendredi 22 mars 2024 (Journée 26) : FC Martigues – US Avranches Mont-Saint-Michel, à 19h 30, au stade Francis-Turcan. En direct sur Dazn1

 

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech

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