Le président du récent promu en National se confie longuement et évoque ce rêve qu’il a toujours eu et qu’il est en train de réaliser à la tête de son club. Passé, présent, avenir, argent, critiques, ambitions, joies, peines, les thèmes sont vastes. Et le client est bavard !

Photos Bernard Morvan – FCR

Et le premier nominé est … le FC Rouen ! Depuis samedi et son succès à l’ultime minute à Evreux (2-1), grâce à un but inscrit par un « enfant » du club, Clément Bassin, c’est officiel. Rouen retrouve le National !

Ce but libérateur du capitaine, c’est tout un symbole. Le joueur de 28 ans était déjà là lors du dépôt de bilan en 2013, le troisième en près de 30 ans (après 1995 et 1997), qui avait précipité la chute des Diables rouges de National en Division d’Honneur (Régional 1).

Dix ans après, le FCR est de retour à un rang bien plus conforme à son standing, à son passé, à son stade, à son histoire, à sa ville et à ses supporters.

L’on ne va pas retracer ici la chronologie de tout ce qui s’est passé durant ces dix années extrêmement mouvementées, mais l’arrivée aux commandes du duo De Wailly – Maarek en 2021, après le retrait de l’ancien président Fabrice Tardy, qui leur a vendu ses parts de la SAS créé en 2019 (l’année de l’accession de N3 en N2 avec David Giguel aux commandes), a amené un vent nouveau à Diochon.

Et puis… La suite, c’est Charles Maarek, actionnaire majoritaire et président du FC Rouen – « Nous travaillons actuellement sur une augmentation de capital qui sera effective dans les prochaines semaines, je vais détenir à peu près 75 % des parts » -, qui la raconte : « En mars 2022, il y a eu le décès de Maximilien de Wailly… C’était terrible. C’était un coup dur. Avec Maximilien, on était complémentaire. On était l’eau et le feu. A cette époque, j’étais déjà majoritaire mais je n’avais pas le titre de président. J’aime le pouvoir pour pouvoir, pas pour dominer. J’aime être au coeur de l’action, des décisions. Il y a eu en 2021 un gros clash : les supporters ont demandé et voulu la tête de Fabrice Tardy, qui a démissionné du poste de président, et là, je ne vous dis pas, j’ai vu des inscriptions « La peste ou le choléra », « Maarek on ne veut pas de toi », mais je ne suis pas du style à abandonner les choses, surtout quand je pense que l’on peut réussir. Donc je ne me suis pas mis président ».

A 52 ans, Charles Maarek, investisseur immobilier, vit un rêve avec le FC Rouen. C’est lui-même qui le dit dans cet entretien accordé aux lendemains d’une victoire bien fêtée à Evreux, même si lui assure s’être couché de bonne heure.

INTERVIEW

« J’ai envie de laisser une trace au FC Rouen »

Président, revenons un peu en arrière : fin décembre 2021, vous annoncez l’arrivée de Maxime d’Ornano à la tête de l’équipe en N2…

Quand j’ai changé d’entraîneur, on est 9e ou 10e, et le coach, Maxime d’Ornano, me dit « Y’a beaucoup de travail à faire ». Là, j’ai tout de suite vu un homme apaisé, méthodique, organisé, qui redonne confiance aux joueurs. Pourtant, au début, sur ses cinq premiers matchs, il a connu deux défaites, dont deux à domicile, contre Chartres et Vannes, et je ne vous raconte pas l’ambiance funeste à Diochon, avec des « Direction démission »…

Mais j’ai vu que le travail de Maxime se mettait en place. Je ne dis pas ça aujourd’hui parce que l’on monte : je disais exactement la même chose de lui il y a un an et demi. Vous n’avez cas regarder les articles de presse de l’époque. Je n’écoute pas forcément la pression populaire. Et si demain cela se passe moins bien, je ne changerai pas comme ça, on ne peut pas brûler aujourd’hui ce que l’on a aimé la veille, mais là, ce n’est pas le sujet. J’aime travailler sur la durée. Un mois après son arrivée, la saison passée, on fait un super match à Granville, on fait 0-0, alors qu’on aurait dû gagner, mais ça a servi de déclic. Et puis, à l’issue du match il y a eu une grosse échauffourée entre nos joueurs et nos supporters. J’étais vraiment désolé que ça se passe comme ça avec eux. Bien sûr, je condamne cette violence, mais en même temps, ce fut un acte fondateur. Et après Granville, on termine la saison invaincu ! On était une machine. On finit 4e mais on est 2e sur la phase retour (31 points), derrière Versailles.

De toute façon, quand j’ai pris Maxime d’Ornano, j’ai dit « Avec lui, je peux rapidement me sauver et préparer la saison prochaine ». C’était ça le projet, l’idée. Le coach a eu le temps de façonner son équipe et ça a porté ses fruits. Je pense que cette saison 2022-23, on l’avait vraiment bien préparée. Parce que, rapidement, on a pu recevoir les joueurs, et tous ceux qu’on voulait garder, on les a gardés.

« Je réalise mon rêve »

N’avez-vous pas regretté de ne pas l’avoir enrôlé plus tôt ?

Dès le mois de septembre 2021, Maxime d’Ornano est libre puisque son départ de Saint-Brieuc (National) est acté. Je pense à lui mais j’hésite à le prendre fin septembre… Je me suis promis, à l’avenir, de faire mes choix en mon âme et conscience et de ne pas me laisser polluer par l’extérieur. Finalement, on a changé de staff à la trêve. Il fallait le faire, parce que ça s’effritait au niveau du groupe et parce qu’il y avait une pression populaire.

Maxime d’Ornano, c’est un coach que vous aviez repéré ?

Lui, comme d’autres. Avec lui, je savais que j’allais avoir de la régularité dans la performance, un bloc, de l’homogénéité, du beau jeu aussi, une équipe bien huilée, bref, tout ce qu’il avait déjà mis en place à Saint-Brieuc.

Sur une vidéo, samedi soir, de retour d’Evreux, on vous a vu très ému sur la pelouse de Diochon…

Avec le coach Maxime d’Ornano

Très ému, bah oui, c’est normal. Oui, c’est vrai… J’ai eu une pensée aussi pour Maximilien de Wailly… Son décès a été très violent. On n’était pas encore sauvé en N2 à ce moment-là. Et ça a encore plus resserré les liens. A partir de là, j’ai pris la présidence, vous imaginez… Oui, j’ai eu des mots pour lui, bien sûr. Quand je suis arrivé au club, j’ai dit aux supporters, de manière un peu provocatrice, que ça serait comme dans le film « Bienvenue chez les Ch’tis » : « Vous allez pleurer quand je vais arriver, et vous allez pleurer quand je vais partir. »

C’est aussi un discours emprunt d’une grande confiance en vous, non ?

Je dois prendre ça comme un compliment ? Comme quelque chose que je dois corriger ou pas ?

Euh… attendez, je ne suis pas votre conseiller ! Je ne sais pas, c’est juste une remarque.

Je vais vous dire, ce n’est pas une question de confiance en soi : le FC Rouen, je l’ai dans le sang depuis l’âge de 5 ans. J’ai toujours rêvé d’en être président. En fait, l’histoire actuelle, là, je me la fais dans ma tête depuis que j’ai 15 ans. C’est pas comme si vous me donniez une moto et que vous me demandiez de gagner un Grand Prix de Formule 1 ! Quand je prends la présidence du club, j’ai l’intime conviction que, par ma passion, mon envie, mes compétences, et avec l’équipe qui m’entoure, je vais parvenir à le faire monter. J’ai l’intime conviction que je suis porté par quelque chose. Je dis ça depuis des années. Je ne le dis pas aujourd’hui parce qu’on est monté. Je connais Rouen comme ma poche, je suis arrivé ici de Tunisie à l’âge de 2 ans. Ce club, c’est ma deuxième famille. Si on ne se précipite pas, on peut le remettre à la place où il était. C’est une chance que j’ai de pouvoir réaliser mon rêve.

Vous savez, il y a des gens qui ne réalisent jamais les leurs; je prends l’exemple de Lionel Jospin, qui se rêvait président de la République : il n’y est jamais parvenu. Donc il n’aura jamais connu ça. Moi, j’ai la chance de pouvoir réaliser mon rêve. J’ai eu la chance, avec Maximilien de Wailly, d’accéder à l’actionnariat du club. Puis d’avoir été actionnaire principal puis président. J’insiste, je réalise mon rêve. Dans la vie, il y a des gens qui n’ont pas cette chance. Il y en a sans doute qui sont plus compétents que moi à Rouen, qui pourraient faire quelque chose avec le club, mais qui ne le feront jamais, pour diverses raisons… Après, tout n’est pas qu’une question d’argent, même si ça aide, bien sûr. Mais quand on a un peu d’argent et du savoir faire, cela donne des gens comme Jean-Michel Aulas par exemple. des grands chefs d’entreprise.

Vous vous comparez à Jean-Michel Aulas ? C’est votre modèle ?

Je ne vais pas me comparer à lui ! Il faut des modèles, bien sûr, mais on ne peut jamais les copier, on peut juste arriver à se façonner. J’ai eu l’occasion de le rencontrer récemment au Ballon d’Or France-Footbal. D’ailleurs, vous avez dû me voir au Ballon d’Or, non ?

Oui, on n a vu que vous !

Oui, voilà, ce que je veux dire par là, c’est que je suis plutôt dans ce style-là, dans le style Aulas. J’aime bien bâtir, comme je l’ai fait dans mon travail, sur le long terme. Franchement, j’aurais les moyens de faire comme Versailles cette saison en National, je ne le ferais pas, car je ne suis pas quelqu’un qui va tout mettre sur la table d’un coup.

Les coups d’éclats, ce n’est pas mon truc. Je préfère investir sur 3 à 4 saisons. Je préfère avoir les U19 en Nationaux, les filles en D3, les seniors B en National 3, acheter un terrain pour faire un stade hybride, etc.

Si j’étais millionnaire à 150 ou 200 millions, alors oui, j’aurais mis 2 « barres » dans le club, mais je ne l’aurais pas fait à la manière de Versailles. Bon, je vais arrêter de tirer sur eux, ils m’ont quand même fait le transfert de Mondy Prunier.

Ce que je veux dire, c’est qu’en National, on peut y arriver avec 3,5 millions de budget. Je vous rappelle que Concarneau et Martigues ne les ont pas ces 3,5 millions. Et ils sont en tête du championnat. Nancy, ils n’ont plus Jacques Rousselot pour remettre de l’argent… Là-bas, ils ont des présidents qui sortent d’école de commerce, ils ne savent pas que Napoleon III est passé par Nancy ! Alors qu’à Concarneau, ils ont un super président (Jacques Piriou). Regardez Michel Mallet aussi à QRM, ce sont des hommes du terroir.

En National, il y a beaucoup de présidents mécènes…

Mécène, ça veut dire quoi ? Je n’aime pas ce mot… Forcément, je mets de l’argent personnel mais on a aussi beaucoup de partenaires. Ce que je peux vous dire, c’est que je ne mettrai pas ma famille en danger, ça c’est sûr.

« C’est pas Versailles, ici ! »

Du coup, vous travaillez déjà sur le budget de la saison prochaine ?

Le capitaine Clément Bassin (à droite)

Je pense que c’était beaucoup plus dur cette saison que cela ne le sera la saison prochaine, parce qu’on n’attire pas des mouches avec du vinaigre. On va avoir de nouveaux partenaires, des aides plus importantes de la Fédération. On va avoir davantage de la part des collectivités, de recettes au guichets, mais par contre, les salaires ne vont pas s’envoler, car, comme dirait l’autre, c’est pas Versailles ici ! Voilà. Avec mes actionnaires, qui sont solides, on veut garder la tête sur les épaules. On n’aura pas la folie des grandeurs. On était à 2,2 millions cette année. On aura entre 3,2 et 3,5 millions d’euros. Mais je veux m’inspirer de Concarneau, de Martigues, des clubs qui peuvent nous ressembler, sauf que nous, en National, on aura un gros atout…

Oui, le public !

Exactement ! On est dans l’antichambre du professionnalisme. Les joueurs auront envie de briller et pour briller, rien n’est plus important que le public. On aura une équipe compétitive. Je veux des gens du terroir. Je veux aussi de l’entraide, que l’on donne une bonne image, qu’on soit une famille, et sur le terrain, je veux qu’on donne tout. On va tout faire pour avoir une bonne cohésion, je fais confiance au coach pour ça, même si ça va être très compliqué, on le sait, mais on veut jouer un rôle en National, se maintenir. Regardez le championnat cette saison : quand vous voyez qu’à 3 journées de la fin, il y a encore 7 ou 8 équipes qui peuvent descendre, ça fait peur; ça veut dire qu’une équipe, si elle n’est pas dans les 5 premiers au 15 mai, elle peut descendre. C’est ça la réalité du National aujourd’hui. Je parlerais différemment si on était déjà à la saison d’après, avec non plus 6 descentes, mais 3. On va travailler. Prochainement, je vais m’attacher les services d’une personne pour être à mes côtés. Un coordinateur général du club.

« Je ne suis ni revanchard ni rancunier »

Cette accession en National, n’est-ce pas une forme de revanche pour vous après votre passage mitigé à Oissel et votre projet avorté à Beauvais ?

Je ne suis pas revanchard. Ni rancunier d’ailleurs. A ceux qui le pensent, j’ai envie de leur dire « Apprenez à me connaître au lieu de me juger ». A Oissel (N3), j’ai pris des joueurs, y ‘en a qui ont fini en National ou en Ligue 2, comme Durbant, N’chobi, Benzia ou Ouadah. Cette année-là, c’est Le Mans qui monte quand même, il ne faut pas l’oublier. On a fini 3e. Mais les gens ont passé leur temps à me juger. On a dit que j’étais parti comme un voleur, c’est faux. J’ai laissé les compte propres, sinon, le club ne serait pas passé devant la DNCG où il n’y a pas eu de problème. Idem à Rouen depuis que je suis arrivé en 2019 : on est toujours passé sans souci devant la DNCG, pas besoin d’appel ou de trucs comme ça. Je ne suis pas dans la revanche. Mon père m’a appris que par le travail, on y arrive toujours, même si dans le foot c’est un peu différent car on peut prendre un but à la dernière minute… La reconnaissance, vous l’obtenez par le travail. Il ne faut pas perdre de vue non plus que, dans le foot, on peut descendre aussi vite que l’on est monté; ça va très vite dans un sens comme dans l’autre. C’est pour ça qu’il faut du travail, de la passion et de la grinta.

« Beauvais ? Un grand mal pour un bien… »

Vous dîtes que le FC Rouen, c’est le rêve de votre vie, et pourtant, vous êtes allé à Oissel, à 10km de Rouen, et vous avez voulu prendre la présidence de Beauvais en 2018… Ôtez moi d’un doute : vous n’auriez pas plutôt la passion du foot que celle du FC Rouen ?

Votre question est pertinente. J’étais déjà 2e actionnaire du FC Rouen du temps de Pascal Darmon (président de 2005 à 2012), j’avais alors 28 % du capital et quand il y a eu le dépôt de bilan en 2013 et que le club est tombé en DH (Régional 1), j’ai appelé Fabrice Tardy, qui a repris le club, mais on m’a fermé la porte. Je me suis dit « Est-ce que je vais me morfondre dans mon canapé ? ». Non, ça ne me ressemble pas.

On m’a proposé de reprendre Oissel, je me suis dit, je vais y aller, ça va me permettre d’apprendre plein de choses, c’est un petit club, je ne prenais pas un gros risque. Je vais vous dire : j’ai le FCR qui coule dans mes veines. Quand votre femme vous quitte, vous voulez la reconquérir : sans comparer le club à mon épouse, c’est un peu cette image là avec le FC Rouen. Voilà. Si elle ne veut pas, vous n’allez pas vous morfondre toute votre vie. A Beauvais, la municipalité était pour, mais j’ai été victime d’une cabale. Et finalement, regardez, c’est un grand mal pour un bien !

Après notre victoire à Evreux, j’ai reçu des messages de félicitations de supporters de Beauvais ! Et puis, clin d’oeil du destin, notre dernier match, dans quinze jours, on va le jouer à Beauvais ! Ils risquent d’ailleurs de jouer leur maintien; ça peut être assez drôle ! En tout cas, pour moi, ce match à Beauvais, cela signifiera que la boucle sera bouclée.

Donc vous êtes rancunier…

Non, Je suis un compétiteur. Que les gens comprennent bien la différence.

« L’équilibre de l’équipe, c’est Maxime d’Ornano »

Maxime d’Ornano sera toujours coach l’an prochain ?

Bien sûr ! Vous lui poserez la question mais il n’y a pas l’ombre d’un doute ! Il avait signé pour un an et demi quand il est arrivé en décembre 2021, et je l’avais prolongé de deux saisons en fin de saison 2021-2022, plus une troisième saison en cas de montée. Donc là, on est lié jusqu’en 2025. Il n’a pas été pris au BEPF, je le déplore, mais il peut quand même entraîner en National car il vient de monter avec son club. Maxime, il a de belles années devant lui, j’espère au FC Rouen, et vous verrez qu’il fera parler de lui plus tard. Il ne fait pas de bruit, on a l’impression qu’il ne montre pas ses sentiments mais il faut bien le connaître. Il n’est jamais inquiet. Il est rassurant. Il a les mots justes. L’équilibre de l’équipe actuellement, c’est lui.

Evidemment, le FC Rouen, c’est aussi ses supporters : quelle ferveur ! Mais la ferveur, c’est bien, trop de ferveur, n’est-ce pas un peu too much ?

Avec Christopher Ibayi et Adrien Pianelli

C’est comme dans la vie en général, y’a 95 % des gens qui se tiennent bien et 5% qui se tiennent mal. Malheureusement, on se souvient plus de cette dernière frange. Le truc, c’est qu’il y a beaucoup de supporters au FCR pour un club de ce niveau, or si on était en L1 ou L2, on en parlerait moins, parce que, et c’est déplorable, les débordements sont monnaie courante.

Mais l’image de nos supporters va s’améliorer car au club, on est dans la pédagogie : en fait, je pense qu’il y a eu tellement de tristesse chez eux, de passion, débordante par moments, que, une fois qu’ils vont retrouver le bon niveau, ils vont s’apaiser. Ce qui s’est passé ces dernières saisons, c’était lié à de la défiance vis à vis de tout le monde. Nos supporters avaient l’impression que tout le monde leur en voulait, qu’on les considérait comme des parias.

Avec cette accession en National, ils ont un peu l’impression de renaître. Ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes ailleurs avec les supporters que je vais les accepter dans mon club. Je suis dans le dialogue avec eux. C’était mal barré au départ, mais avant même de monter, j’étais allé à leur contact. J’aime ça le contact. Parfois, on a le nez dans le guidon, on ne voit pas les choses. Je préfère qu’on me dise « merde » en face plutôt que de lire des banderoles hostiles dans les tribunes, parce que ça, c’est trop facile, idem pour les tags. Nos supporters sont loin d’être cons. On s’imagine qu’ils ont un QI en dessous de la moyenne, alors que pas du tout : ce sont des gens intelligents et passionnés. C’est juste que, parfois, ils peuvent péter les plombs.

« Venez voir le club historique ! »

Où en sont vos relations avec votre voisin Quevilly Rouen ?

J’ai de très bonne relation avec le président Michel Mallet. Vous savez, j’ai été vice-président de l’US Quevilly de 1999 à 2002… C’est quelqu’un je respecte. Il fait quand même de très belles choses avec ce club et je le félicite pour ça. Ce que je vois, c’est que les habitants de la métropole rouennaise, qui est la 12e agglo de France, vont pouvoir se régaler en matière de football. C’est ça aussi que je retiens. J’ai envie de rendre les gens heureux, et je leur dis « Venez voir le club historique ». La ferveur est du coté du FCR. Chacun fait son bonhomme de chemin.

J’ai déjeuné avec le directeur de QRM, Arnaud Saint-André, récemment. Je n’ai pas envie d’avoir d’histoires. Il y a des choses plus importantes. On ne fait pas de compétition avec eux : QRM se maintient en Ligue 2 après une belle saison, le FCR monte en National, et moi, je veux de la ferveur, de la joie, en respectant certaines règles. Quevilly Rouen a su surfer sur les problèmes du FC Rouen quand il y a eu le dépôt de bilan en 2013, bravo à eux, ils ne sont pas là par hasard. Maintenant, j’espère que les pouvoirs publics vont nous soutenir davantage parce que le FCR le mérite : quand on voit cette ferveur… Et ça nécessite à mon avis un rééquibrage en termes de subventions. En National, on n’a pas de droit TV, je trouve que ce serait plus logique de donner des aides financières à un club amateur, ce serait plus mérité et cela serait un juste retour des choses.

« Je veux que le FCR ait des actifs »

Pour le FC Rouen, vous êtes-vous l’homme de la situation ?

Je ne me permettrais pas de dire ça. Je sais que je suis critiqué mais quand je serai enterré, je veux qu’on dise que j’ai été compétent. La pire chose qui puisse vous arriver, que vous soyez boulanger ou journaliste, c’est qu’on dise de vous « Il est nul « . Si vous faites du pain dégueulasse ou des articles nuls, on va dire « c’est la honte ». Regardez Jean-Michel Aulas. Lui, c’est la classe. Regardez ce qu’il a construit. Il a des ennemis, mais qu’est ce qu’ils peuvent dire ? Moi, j’ai envie de laisser une trace au FCR. On va investir dans l’immobilier prochainement, pour construire quelque chose. On va acheter des locaux, qui serviront à la fois pour le secteur administratif et pour le sportif, autour du stade, parce que, on veut aussi que le club ait des actifs. C’est comme ça que font les grands présidents comme Aulas.

Soyons fous, imaginons un jour que QRM et le FCR soient ensemble en Ligue 2…

Attendez, on peut déjà se rencontrer en coupe de France, d’ailleurs ça s’est produit l’année de la Covid, à huis clos. QRM – Rouen ? Génial ! Ce serait fabuleux de rendre les gens heureux, comme avec les matchs Rouen – Le Havre, qui est notre rival historique. Quand je vois qu’il y a 8000 spectateurs à Diochon pour QRM – Bordeaux, samedi dernier, ça me rend heureux. Les gens vont voir un spectacle. Au Zénith, ou au rugby, où il y a des beaux matchs en Pro D2 et où mon beau-frère est le président du club : je suis très fier pour lui. Mais je préfère quand même que l’on vienne voir le FCR ! Je pense qu’il y a de la place pour deux clubs de foot à Rouen.

Est-ce qu’on pensait, voilà quelques années, qu’un mec sans étiquette puisse devenir président de la République ? Le monde change tout le temps. Demain, on sera peut-être deux clubs d’une même ville en Ligue 2, et il y aura un public pour les deux. C’est comme dans une rue : si vous mettez un restaurant, puis un second, puis un troisième, à l’arrivée, ça sera une rue pleine de restaurants. Le monde attire le monde.

« Plus on m’attaque, plus je suis fort »

Avec votre franc-parler, vos formules bien choisies, vos avis tranchés, vous comprenez que vous puissiez passer pour un personnage clivant ?

Clivant ? Vous trouvez que je suis clivant ?

Disons qu’on vous aime ou on vous déteste… Et c’est souvent ce que je lis sur vous…

Oui mais là, en ce moment, on m’aime bien ! Les médias m’aiment bien, c’est vrai, parce que je dis les choses comme je le pense. Je peux être énervant, comme tous ces gens qui ont un franc-parler. On n’a qu’une vie. Vous savez, j’ai eu des problèmes de santé, j’ai connu des déboires dans mes affaires, mais je dors bien la nuit. Parce que je me régénère. La journée, en revanche, le cerveau mouline. Le sommeil, c’est la première chose du déséquilibre de l’être humain, et moi, j’ai la chance de bien dormir.

Mes amis savent que ce qui se dit ou s’écrit de mal sur moi, ça glisse comme de l’eau sur un imperméable. Ma femme, qui est aussi mon équilibre, me dit souvent que « plus on m’attaque, plus je suis fort dans l’adversité ». C’est quand même elle qui me connaît le mieux. Je vais vous dire ce que je pense : j’ai connu un dépôt de bilan dans mes affaires et ça m’a causé une sale réputation, mais je me suis refait la cerise depuis. Vous verriez, ce week-end, après l’accession, j’ai reçu des messages de gens qui… mais c’est lunaire ! Je ne réponds même pas ! Il ne faut pas qu’ils m’écrivent eux ! Moi les gens qui ne m’aiment pas, je ne les félicite pas. Ils ont le droit de dire que je ne suis pas l’homme de la situation, mais critiquer gratuitement, sans connaître, c’est dégueulasse.

Cette saison, on aurait pu finir 2e derrière le Racing et on aurait dit « T’as vu, Maarek, il est pas bon », alors que, pourtant, on aurait pris 65 points en championnat. En quoi je n’aurais pas été bon ? Je ne savoure pas plus aujourd’hui les compliments que toutes les méchancetés qu’on a pu dire sur moi. La vie est un éternel recommencement. Si je redescends la saison prochaine, je serai une « merde ». On peut se casser la gueule dans les affaires, mais on peut se refaire. En foot, c’est plus compliqué.

📃🖊  Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06

📷 Photos : Bernard Morvan (et sa fameuse carte SD !) / FCR

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On attendait l’ASNL en haut de tableau mais c’est vers le bas qu’elle regarde. En un an, le club est passé de la Ligue 2 aux portes du National 2. Comment en est-il arrivé là ? Récit d’une longue descente aux enfers.

L’ASNL vit des heures difficiles. Après une saison 2021-2022 cataclysmique en Ligue 2, (dernière place et 27 points seulement), le club lorrain était censé jouer les premiers rôles cette saison au troisième échelon français. Il n’en a rien été, victime de nouveaux acteurs (un fonds d’investissement sino-américain) et de leur gestion hors sol. Hier soir, chez le leader, Martigues, les joueurs de Benoît Pedretti ont arraché un nul (1-1) qui leur permet de sortir de la zone rouge (ils sont 12es et premiers non-relégables, un point devant Bourg-en-Bresse, chez qui ils se déplaceront lors de la dernière journée, le 26 mai). Comment l’ASNL encore en Ligue 1 en 2017, est-elle tombée si bas ? Voici quelques éléments de réponse…

L’échec du rachat de New City Capital

Les derniers moments de bonheur vécus par les supporters de Nancy remontent à la saison 2015/2016, à l’issue de laquelle le club au chardon est sacré champion de France de Ligue 2 et retrouve l’Élite 3 ans après sa descente.

Depuis, le club lorrain est allé de mal en pis. Nancy ne parvient plus à jouer les premiers rôles en Ligue 2. Le club formateur de Michel Platini ou plus récemment de Clément Lenglet termine avant-dernier en Ligue 1. Même en Ligue 2 les saison suivantes, il ne parvient pas à retrouver son standing (19e en 2018 et maintien de justesse, 17e en 2019, 14e en 2020, 12e en 2021).

En décembre 2020, Jacques Rousselot, président de l’AS Nancy Lorraine, désireux de passer la main depuis longtemps (il a déjà sauvé le club d’une relégation administrative la saison précédente devant la DNCG en remettant la main au portefeuille), cède le club à un fond d’investissement, nouvel acteur incontournable du football mondial, le New City Capital (NCC).

Dirigé par Chien Lee, le NCC, éphémère propriétaire de l’OGC Nice auparavant, détient d’autres clubs comme Barnsley (Angleterre), Thoune (Suisse), Ostende (Belgique) et Esbjerg (Danemark), avec des réussites pour le moins discutables et décevantes.

A l’issue de la saison 2020/2021, Nancy termine 8e et se maintient assez facilement. Après un passage très mitigé à la tête de l’OGC Nice, Gauthier Ganaye est installé à la tête du club au chardon. En fin de contrat, le coach Jean-Louis Garcia n’est pas conservé. NCC, lui, avance ses pions.

Pour le remplacer, les propriétaires jettent leur dévolu sur Daniel Stendel, un entraîneur allemand qui débarque de Heart of Midlothians en Ecosse. Il promeut des idées bien précises, un « gegenpressing », cher à Jürgen Klopp, entraîneur de Liverpool.

Mais le début de saison 2021/22 est cataclysmique : 10 matchs sans victoire ! Nancy démarre sa 5e saison de rang en Ligue 2 de la pire des manières avec aucune victoire en dix rencontres. Daniel Stendel, erreur de casting, est remercié, façon de parler. Le technicien n’a jamais réussi à mettre en place ses idées. Le recrutement de joueurs en manque de temps de jeu n’a pas aidé, et que dire de la data, pourtant si chère à Gauthier Ganaye. Cette sacro-sainte technologie aura mené Nancy à sa perte et fait un gros pied de nez à son jeune président, si présomptueux et si sûr de sa force. Un président à tel point sûr de lui qu’il dirige Nancy… en télétravail ! Ses apparitions se font rares, que ce soit à Nancy ou Ostende, les deux clubs qu’il dirige.

Benoît Pedretti, ancienne gloire du football français, et entraîneur en devenir, assure l’intérim et redonne un semblant d’élan à l’équipe, avant que celle-ci ne s’essouffle de nouveau.

Non-diplômé et conscient de la mission impossible dans laquelle il s’engage, Pedretti renonce au banc de l’ASNL durant la trêve des confiseurs. Il est alors remplacé par Albert Cartier qui récupère Nancy lanterne rouge et en grand danger.

Les Lorrains connaissent une parenthèse enchantée dès la reprise en janvier 2022, avec les 32èmes de finale de la coupe de France. En déplacement à Picot, les Rennais se cassent les dents sur une équipe solidaire qui élimine les pensionnaires de Ligue 1 ! L’aventure s’arrête un tour plus tard, avec une élimination par Amiens au terme d’un non-match, comme souvent cette saison-là.

Quelques jours après, le 1er février, Nancy connaît sa plus grosse humiliation de la saison à Valenciennes, dans un match pourtant capital pour le maintien. Battus 6-1, les hommes d’Albert Cartier montrent l’étendue de leur désintérêt pour le club et le maillot qu’ils défendent. Ils ne parviendront d’ailleurs jamais à décoller de cette dernière place, acquise dès le mois de septembre. Nancy bat des records de médiocrité. La faute à une gestion cataclysmique.

Les supporters, si nombreux dans cette ville et dans cette région, délaissent le stade et marquent leur mécontentement lors du match contre Quevilly-Rouen (35e journée). Dès le premier but encaissé, les Saturday FC balancent des fumigènes sur la pelouse. Le match est arrêté à 0-3 à la 40e minute. QRM, logiquement, remportera le match sur tapis vert. Cette fois, c’est officiel, Nancy est relégué pour la première fois de son histoire en National !

Saison 2022/2023

Aux portes du National 2

Johan Gand, journaliste et commentateur de l’AS Nancy Lorraine pour France Bleu Sud Lorraine, spécialiste du club au chardon, analyse cette descente aux enfers et revient sur une saison 2022-23 pas comme les autres, dans un championnat de National si singulier et particulier.

L’intersaison : Albert Cartier aux manettes

A saison inédite, effectif inédit. Albert Cartier sort d’une expérience en National à Borgo (où il a été remercié en cours de saison). Quand il arrive à l’ASNL, début janvier 2022, il a les mains libres pour réaliser son recrutement, dans un championnat qu’il connaît bien.

Il fait jouer son carnet d’adresses fourni et choisit des joueurs qui ont connu ce championnat. Que ce soit ceux rencontrés lors de son passage à Borgo (Cropanese, Giacomini, Pellegrini), des soldats qui ont participé à la saison de Metz en 2013 lors de leur remontée de National en Ligue 2 (Sakho, Bussmann, Ndoye) ou encore des joueurs prometteurs comme Mouazan ou Aloé.

Forcément, la présence d’anciens Messins ne ravit pas les supporters les plus inconditionnels de Nancy, mais Cartier a fait son mercato avec des joueurs qui peuvent être à même de se sortir du bourbier du National. Bien que premier budget du championnat (plus de 10 millions d’euros), tout a été très rapidement compliqué.

Une histoire de séries

Premier match de la saison 2022-2023. Bourg-en-Bresse, club au statut pro, se présente au stade Marcel Picot avec beaucoup plus de certitudes que l’effectif nancéien totalement remanié. Après un match solide, les Bressans s’imposent 2 buts à 1.
Lors du deuxième match, Nancy ne parvient pas à faire sauter le verrou orléanais malgré un coup-franc sur la barre de Mouazan et un pénalty de Lamine Cissé stoppé (0-0). Puis Dunkerque est venu renverser la table alors qu’ils étaient menés 1-0, en profitant des errements défensifs nancéiens pour s’imposer 2-1.

Au bout de trois matchs, Nancy est lanterne rouge du National (1 point sur 9), ce qui n’inquiète pas forcément Johan Gand : “Le turnover était hyper important donc les premiers matchs ont servi de rodage. On sait que la plupart des saisons de National se jouent dans les dernières journées donc c’est plus important de finir fort que de commencer fort.”

Toujours est-il que Nancy est loin de tenir son rang en ce début de saison. Le déclic vient à Concarneau, le lendemain de l’annonce de la signature du buteur Thomas Robinet, en provenance de Châteauroux. Nancy s’impose à 10 contre 11 sur le pelouse des Bretons et obtient sa première victoire de la saison, pour le plus grand bonheur de tout un club.

C’est le début d’une série positive de cinq matchs sans défaite (3 victoires de rang puis 2 nuls) avec notamment deux succès probants contre Le Mans (2-0) et Borgo (1-0) coup sur coup à domicile. L’engouement revient.

Pourtant, le match nul face à Cholet au stade Marcel-Picot a un goût de défaite. Alors que Nancy maîtrise son match, Milan Robin égalise à la 90’+7 d’une superbe reprise de volée. Le joueur formé à Metz exulte et Nancy replonge dans le doute (1-1) !

A la recherche du second souffle

Après s’être incliné à Châteauroux (J9) et avoir battu le Stade Briochin (J10), qui n’était pas encore sur la dynamique de sa fin de saison actuelle, Nancy est éliminé en coupe de France par une formation de R1 alsacienne, Reipertswiller, au 7e tour (3-2).

Les hommes d’Albert Cartier commencent à s’essouffler. Johan Gand pointe de possibles raisons à cette mauvaise série : « Il y a une équipe qui commence à s’installer et manque de concurrence, malgré des performances qui interrogent.” Or, Nancy cherche un deuxième souffle lors d’un mois de novembre en dents de scie. “Les remplaçants et la concurrence auraient pu apporter cette énergie.”, explique Gand.

Incapables de gagner contre Sedan (J12), alors qu’ils sont à 11 contre 10 pendant une heure (0-0), ils rééditent cette piètre performance au Puy (J17) à 11 contre 9 (1-1) ! “Dans le jeu de Cartier, le secteur défensif est prédominant, or ce n’est pas dont on a besoin en supériorité numérique. Il y avait également un manque de maîtrise par rapport à l’enjeu”, pointe le journaliste de France Bleu.

Le mercato d’hiver ne change rien malgré les arrivées de trois joueurs venus apporter une nouvelle concurrence : Alexis Lefebvre (prêté par Troyes), Lucas Deaux (Dijon), milieu expérimenté, ainsi que Julien Da Costa, latéral droit (prêt de Coventry).

Les supporters s’agacent de la situation, de la gestion de l’effectif et du système de jeu d’Albert Cartier. L’aventure du coach prend fin pour le 20 janvier 2023 après une nouvelle défaite contre Orléans (0-1) qui laisse le club 14e, relégable et bien mal en point.

L’arrivée de Pedretti : un nouvel élan

Benoît Pedretti avait laissé le club à la dernière place de Ligue 2 la saison précédente et avait jeté l’éponge face à l’ampleur de la tâche. Le voilà donc de retour aux affaires avec cette fois une autre mission, celle de maintenir le club en National ! Il en va de la survie du statut professionnel de l’ASNL, tout simplement.

Dès le premier match, en déplacement à Dunkerque, Nancy s’impose 3 buts à 2 en faisant preuve de caractère. La méthode Pedretti prend forme et semble fonctionner. En s’appuyant sur un grand Martin Sourzac dans les cages,les Nancéiens ramènent les trois points du Nord de la France.

Ensuite, c’est le début des ennuis. Des situations « abracadabrantesques ». Programmé le lundi soir, le match contre Concarneau est arrêté à la mi-temps pour un brouillard trop épais. Nancy s’impose ensuite au Mans (1-0) grâce à un arrêt de Sourzac sur un pénalty provoqué par un sauvetage de la main de Mayoro Ndoye sur un ballon qui prenait la direction des filets.

Depuis sa prise de fonction, Nancy connaît une série de cinq matchs sans défaite (3 victoires, 2 nuls), si bien que certains se mettent à croire à la montée ! Pas du tout l’avis de Johan Gand : “On partait de trop loin, on cherchait surtout quelqu’un pour nous garantir le maintien.”

« L’affaire Pellegrini »

Son intuition était la bonne, Nancy connaît des résultats difficiles, en dents de scie et la dynamique se tasse. « L’affaire Pellegrini » va venir entacher tout le travail réalisé sur le terrain avec le retrait d’un point, plus la défaite sur tapis vert face à Concarneau (le défenseur, suspendu, n’aurait pas dû prendre part à ce match). Une terrible bourde et, surtout, des points qui, évidemment, manquent cruellement dans la lutte pour le maintien aujourd’hui.

Dans ses duels avec ses concurrents directs, Nancy obtient un bilan plutôt satisfaisant, mais parfois insuffisant (2 victoires, 3 nuls). Lors de la journée 30, il affronte Paris 13 Atlético un vendredi après midi et à huis-clos ! En effet, le club parisien, qui avait même envisagé de déclarer forfait, s’est retrouvé confronté à un problème de terrain. « Un grave défaillance d’organisation et d’anticipation » a commenté la FFF, qui a infligé une sanction de 10 000 euros au club des Gobelins. Lors de ce match, Nancy mène par deux fois au score mais concède le nul (2-2).

Contre Avranches, devant plus de 16 000 personnes à Picot (entrée gratuite, ce que regrettera et dénoncera le président normand, Gilbert Guérin), Nancy démarre pied au plancher avec un premier but de Robinet, bien servi par Da Costa. Robinet double la mise, après que Bussmann a réalisé le break. Nancy s’impose 3-0 et sort – provisoirement – de la zone rouge.

Des changements majeurs à prévoir

Le 27 avril 2023, le départ de Gauthier Ganaye est acté. Cette date marque la fin d’une gestion catastrophique et exaspérante. Les chantiers seront nombreux pour la saison prochaine et dépendent inévitablement de l’issue de la fin de saison : en National ou en National 2 ?

Johan Gand détaille les axes de travail : “Il faudra trouver le maillon qui manque entre le sportif et le non-sportif, et aussi un vrai président qui fasse le boulot au quotidien. On sort d’un an et demi voire de deux ans de dysfonctionnement et je ne parle pas que du sportif. Il va vraiment falloir remettre les choses en place. Il faudra également s’intéresser à la restructuration du centre de formation, qui a fait les beaux jours du club et qui va être indispensable financièrement. De plus, il faudra prolonger ceux qui arrivent en fin de contrat, et arrêter « d’arroser la terre entière » de joueurs gratos, comme Amine Bassi. Enfin, il va falloir passer devant la DNCG, ce qui n’est pas gagné.”

Une dernière journée décisive ?

D’ici là, la bande à El Aynaoui a trois matchs et trois finales à disputer. Le mot n’est pas galvaudé. Et ça commence dès ce soir chez le leader, à Martigues (en direct sur Canal + Foot à 18h30), sans Thomas Robinet, blessé, puis face au Puy à Marcel-Picot, une équipe déjà condamnée mais qui a montré face à Concarneau vendredi qu’elle n’était pas du tout en vacances (succès 2-1) !

Tout risque de se jouer lors du dernier match à Bourg-en-Bresse, un autre concurrent direct pour la maintien, le 26 mai. Un challenge d’autant plus difficile que, tout au long de la saison, Nancy a également dû se battre contre son statut de club professionnel et surtout un budget à faire pâlir quelques clubs de Ligue 2. Oui, Nancy était et reste l’équipe à battre en National.

Aux joueurs et au staff de l’ASNL de se montrer dignes de ce statut et de l’honorer en allant chercher ce maintien afin de repartir de zéro cet été et espérer des jours meilleurs. Il en va de l’avenir de ce patrimoine du football français. De ce monument en péril.

Le top : les supporters

Depuis Strasbourg et Bastia, le National n’avait pas connu un tel engouement en termes d’affluence et d’importance de club. Avec environ 7000 spectateurs de moyenne, pour sa première saison au troisième échelon français, l’ASNL peut compter sur un soutien sans faille de ses ultras et supporters, les Saturday FC en tête. Les Ultras nancéiens ont offert des ambiances des grands soirs à Marcel Picot, qui n’ont pas manqué d’impressionner les divers commentateurs de FFF TV. Le moment fort de la saison reste ce match gratuit contre Avranches fin avril (3-0) qui a fait renouer Nancy avec des affluences plus vues depuis près de 5 ans. Une chose est sûre, ce public n’est pas à sa place si bas dans la hiérarchie du football national.

Autres tops : Martin Sourzac, Neil El Aynaoui, Benoît Pedretti

La révélation : Prince Mendy

Présenté en février sur notre site ( ), Prince a disputé l’intégralité des matchs cette saison. Véritable roc défensif, serein, calme et efficace, l’ancien joueur de QRM et Laval est la pierre angulaire de la défense nancéienne. Peu importe avec qui il forme la charnière, Pellegrini, Aloé ou encore Bussmann à ses côtés. “Il défend sur l’homme, il est propre dans ses relances et il ne se blesse jamais. Je ne sais vraiment pas ce qu’il fait en National, tant mieux pour nous !”, s’en amuse Johan Gand.

Autres révélations : Gwilhem Tayot, Baptiste Mouazan

Le flop : Lamine Cissé

Exaspérant par moments et pourtant pétri de qualités. L’international U20 français ne marque pas forcément de points cette saison. Hormis lors du match retour contre Villefranche (3-2), durant lequel il a largement montré la voie, et quelques autres sorties, Cissé a un travers : il en fait trop ! Lorsqu’il dribble un adversaire, il veut en dribbler un deuxième et ainsi de suite. Il a également la fâcheuse tendance des ailiers à jouer avec des œillères et ne pas beaucoup lâcher son ballon. L’arrivée de Pedretti lui a redonné confiance; néanmoins il a encore beaucoup de travail à réaliser sur la régularité de la qualité de ses performances.

Autres flops : Albert Cartier, Gauthier Ganaye

A lire aussi : l’article sur Prince Mendy

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-prince-mendy-le-plus-marseillais-des-nanceiens/

Texte : Emile Pawlik / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @EmilePawlik

Photos : AS Nancy Lorraine

A trois journées de la fin, la lutte pour la montée en Ligue 2 est toujours aussi indécise. En bas et en milieu de tableau, de nombreuses équipes sont encore concernées par la descente en National 2. Le pronostic de nos journalistes et l’avis d’un témoin averti, Bruno Luzi, l’ex-coach de Chambly.

C’est évidemment la conséquence de la réforme des championnats et des six relégations automatiques en National 2 – un club sur trois ! – et c’est donc du jamais vu…

A trois journées du terme du National 2022-2023, les enjeux sont extrêmes à tous les étages, et il en va même parfois de la pérennité à court terme de certains clubs.

Quatorze équipes sur dix huit attaquent ce sprint sous haute tension puisque quatre seulement n’ont plus rien à jouer : les trois déjà reléguées (Le Puy, Paris 13 Atletico, FC Borgo) et Versailles, cinquième et décroché de la course à la Ligue 2.
Sixième avec 44 points, Orléans s’est en effet remis en danger (relatif) en s’inclinant mercredi contre Le Mans (0-1), à La Source, en match avancé de la 32e journée, a 11 contre 10 pendant les trois quarts du match… L’USO doit maintenant terminer contre deux cadors (Dunkerque et Concarneau), et un scénario catastrophe reste mathématiquement possible.

Derrière, tout le monde peut aussi tomber ou rester, du Mans (7e, 43 points) à Saint Brieuc (15e, 35 points), via Sedan (43). Châteauroux (41), Cholet (39), Nancy (39), Bourg-en-Bresse (38), Villefranche (37) et Avranches (36), soit dix inquiets pour trois places dans l’ascenseur vers le N2.

Une dernière étape en 2023-24 avant la Ligue 3 ?

Une situation d’angoisse qui exacerbera notamment l’enjeu de plusieurs confrontations directes à venir entre les menacés : Villefranche – Saint-Brieuc, Sedan – Châteauroux, Villefranche – Le Mans, Saint Brieuc – Sedan, Sedan – Villefranche, Avranches – Cholet… Soit par exemple trois matches sur trois pour Sedan contre des compagnons de galère, et la crainte du pire en cas de trois défaites pour le club ardennais, pour l’instant dans la première partie de tableau !

Certains s’attendaient à vivre ces souffrances, d’autres beaucoup moins comme Villefranche (barragiste pour la L2 en 2021 et 2022), Le Mans, mais surtout Châteauroux, qui se réveille avec la gueule de bois après le mariage compliqué avec ses investisseurs saoudiens, et Nancy, qui remporte sans doute la palme de la gestion la plus incohérente de la décennie.
A l’inverse, il est rassurant de voir Concarneau tirer le bénéfice d’un travail exemplaire et d’une compétence à tous les étages sur plusieurs années. Co-leader avec le formidable promu Martigues, indiscutable champion au rapport qualité-prix, le club breton se hissera-t-il enfin en Ligue 2 pour la première fois de son histoire ?

La bataille à quatre (avec Dunkerque et le Red Star), où tout est possible dans une fourchette de seulement 2 points, est redoutable à pronostiquer. Et quand elle sera achevée, il sera temps de basculer vers une saison 2023-2024 qui promet les mêmes émotions, les mêmes espoirs, les mêmes angoisses, avec un peloton de plus en plus imposant de clubs pros (notablement renforcé par ceux tombés de L2), et à nouveaux six relégations en N2. Une dernière étape vers la Ligue 3 ?

Jean-Michel ROUET

La montée

Le Red Star. Photo Philippe Le Brech
Le FC Martigues. Photo Philippe Le Brech
L’USL Dunkerque. Photo Philippe Le Brech
L’US Concarneau. Photo Philippe Le Brech

Classement actuel

1 Martigues 56 points
2 Concarneau 56 points
3 Dunkerque 55 points
4 Red Star 54 points
(en cas d’égalité entre deux équipes, ce n’est pas la différence de buts qui les départage mais le gaol-average direct, c’est à dire les confrontations directes. Idem si trois équipes ou quatre équipes sont ex-aequo).

Goal average
Red Star – Dunkerque 4-2 et Dunkerque – Red Star 1-0
Red Star – Martigues 2-2 et Martigues – Red Star 0-2
Concarneau – Red Star 0-0 et Red Star – Concarneau 1-4
Martigues – Concarneau 2-0 et Concarneau – Martigues 0-0
Dunkerque – Concarneau 0-1 et Concarneau – Dunkerque 0-1
Dunkerque – Martigues 0-1 et Martigues – Dunkerque 1-0

En cas d’égalité entre 4 équipes :

1. Martigues 11 points; 2. Concarneau 8; 3. Red Star 8 et 4. Dunkerque 6 points.

En cas d’égalité entre 3 équipes :
– Martigues – Concarneau – Dunkerque : 1. Martigues et 2. Concarneau

– Martigues – Concarneau – Red Star : Red Star 5, Martigues 5 et Concarneau 5 (tous les 3 à égalité donc goal average ensuite pour départager).

– Concarneau – Dunkerque – Red Star : Concarneau 7; Dunkerque 6 et Red Star 4.

– Martigues – Dunkerque – Red Star : Red Star 7, Martigues 7 et Dunkerque 3.

Calendrier

  • Martigues

15/05 FCM – Nancy
19/05 Borgo – FCM
26/05 FCM – Versailles

  • Concarneau

12/05 : Le Puy – Concarneau
19/05 : Concarneau – Bourg-en-Bresse
26/05 : Orléans – Concarneau

  • Dunkerque

12/05 Bourg-en-Bresse – USLD
19/05 USLD – Orléans
26/05 Le Mans – USLD

  • Red Star

12/05 : Red Star – Cholet
19/05 : Châteauroux – Red Star
26/05 : Red Star – Saint-Brieuc

Nos pronostics

Laurent Pruneta (Journaliste au Parisien) : « Pour moi, vu la force que cette équipe dégage depuis quelques matchs, je pense que le Red Star réussira un sans-faute (victoires contre Cholet, Châteauroux et Saint-Brieuc). Elle va récupérer son capitaine et guide Cheikh Ndoye qui était suspendu lors des trois derniers matchs. Martigues est donc condamné au sans-faute avec un gros obstacle contre Nancy qui joue le maintien. Si Martigues bat Nancy, ils seront pour moi quasiment en Ligue 2 car ils affrontent ensuite Borgo puis Versailles, qui est démobilisé et en proie à des gros soucis internes.
Cette saison, j’ai vraiment été impressionné par le potentiel offensif de Martigues… Tlili, Montiel, Fdaouch, Hemia, Orinel, ça peut marquer à tout moment. Donc je mise sur Martigues. Concarneau va aller au Puy, déjà condamné mais qui ne lâche pas, puis affrontera Bourg-en-Bresse qui joue le maintien, avant d’aller à Orléans. Pas simple… Mais il y a El Khoumisti et Boutrah.

Pour monter, Dunkerque doit faire un sans-faute mais ils ont, pour moi, le calendrier le plus compliqué avec un déplacement à Bourg-en-Bresse, la réception d’Orléans puis un dernier déplacement au Mans qui aura peut-être besoin des trois points. Donc tout dépendra aussi des deux prochaines journées. Mon pronostic, ça serait donc Martigues et le Red Star/ou Concarneau. Dans le Parisien, le 21 avril dernier, soit avant les cinq dernières journées, nous avions interrogé un représentant (entraîneur, joueur ou président) des treize autres clubs de National. Lors de cette consultation, Dunkerque a recueilli 8 suffrages, Martigues 7, Concarneau 6, le Red Star 5 et Versailles aucun… »

Denis Vergos (Le Télégramme) : « Pour la montée en Ligue 2, je voudrais faire une remarque préliminaire : Stéphane Le Mignan avait dit et répété vers la mi-avril qu’il voyait certain(s) concurrent(s) à l’accession gagner la totalité de leurs derniers matchs. Je crois que l’entraîneur concarnois visait en particulier le Red Star que, paradoxalement, son équipe venait de battre (4-1 à Bauer), mais, il faut le rappeler, dans des conditions très particulières : le Red Star avait fini le match à 9. Et il se trouve que les Audoniens restent depuis sur trois victoires consécutives, dont la dernière contre le FC Versailles (0-3) qui a, du coup, été éliminé de la course aux deux accessions.

Reste le « big four » : Martigues (1er, 56 pts), Concarneau (2e, 56 pts), Dunkerque (3e, 55 pts) et le Red Star (54 pts). Ce qui revient à dire, compte-tenu de la dynamique du Red-Star, que les trois premiers n’ont sans doute plus le droit à l’erreur. Stéphane Le Mignan avait également bien repéré que les confrontations directes Martigues – Dunkerque (1-0) et Concarneau – Martigues (1-1) ne pouvaient pas déboucher sur des résultats gagnants – gagnants.

Je crois qu’il faut avoir deux approches pour la suite. L’une particulière, qui concerne la prochaine journée (32e), l’autre globale, par rapport au programme de fin de saison du « big four ». La prochaine journée d’abord : seul Concarneau joue contre une équipe fixée sur son sort (Le Puy) alors que Martigues (Nancy), Dunkerque (Bourg) et le Red Star (Cholet) affrontent des clubs qui luttent encore pour leur maintien. Concarneau et Dunkerque se déplacent alors que Martigues (le lundi 15 mai) et le Red Star reçoivent, ce qui peut avoir beaucoup d’importance compte-tenu du soutien du public dans le « money-time ». Ce qui m’amène à l’approche plus globale sur les trois dernières journées : Martigues et le Red Star joueront deux fois sur trois à domicile alors que Concarneau et Dunkerque évolueront deux fois sur trois à l’extérieur. Après la 32e journée, Martigues aura à son programme deux équipes fixées sur leur sort (Borgo puis Versailles), comme Dunkerque (Orléans puis Le Mans qui sera alors sans doute sauvé), alors que Concarneau (Bourg puis Orléans) et le Red Star (Châteauroux qui sera sans doute sauvé puis Saint-Brieuc) n’en aura qu’une pour adversaire.

Au-delà de l’aspect sportif, il faut aussi prendre en compte la situation financière de l’US Dunkerque qui fait (va faire?) l’objet d’une plainte de la communauté urbaine de Dunkerque pour des « irrégularités comptables »! Et l’on nous parle aussi de gros soucis à venir pour de nombreux clubs de National devant la DNCG… Cela influencera-t-il les montées et les descentes ?

En attendant, après avoir considéré tous ces éléments et en laissant aussi parler un certain chauvinisme concarnois de bon aloi, je vois un certain statu-quo au classement de ce formidable championnat de National qui se terminerait donc par les montées de Martigues (1er) et de Concarneau (2e) en Ligue 2.

En cas d’égalité finale à trois entre Martigues, Concarneau et Dunkerque, l’ordre serait le suivant : Martigues (1er), Concarneau (2e), Dunkerque (3e). Et qu’en cas d’égalité à deux, entre Concarneau et Dunkerque, les Thoniers seraient devant au goal-average général (égalité au particulier). Et s’il faut pronostiquer le nombre de points de chacun, j’en « donne » 65 à Martigues (1er) et à Concarneau (2e), 61 au Red Star (3e) et à Dunkerque (4e). »

1. Martigues 65
2. Concarneau 65
3. Red Star 61
4. Dunkerque 61

Jean-Michel Rouet (ex-journaliste à L’Equipe) : « Je mise sur le statu quo, et donc sur le duo Martigues-Concarneau, tout simplement parce que ce sont les deux meilleures équipes du championnat ! Le promu Martigues est épatant depuis le début de la saison et je ne vois pas les Provençaux craquer maintenant. Idem pour Concarneau qui, poussé par un formidable élan populaire et une qualité de jeu remarquable, va selon moi franchir enfin cette dernière marche après s’être arrêté tout près ces dernières saisons…

Je pense même que les deux équipes gagneront leurs trois derniers matches. Le Red Star fait aussi un très bon championnat mais j’ai peur que les Audoniens regrettent amèrement les points perdus bêtement à Bauer.
En revanche il est à craindre que la formidable remontada de Dunkerque soit stoppée par les évènements extra sportifs (plainte pénale contre le club par la Communauté Urbaine, gros sponsor institutionnel)… »

1. Martigues 65
2. Concarneau 65
3. Red Star 61
4. Dunkerque 57

Anthony Boyer (Nice-matin) : « On peut dire ce que l’on veut, Martigues et Concarneau méritent de monter au moment où l’on se parle ! Sauf qu’il reste trois matchs ! Sauf que Concarneau doit encore se déplacer deux fois, certes contre deux équipes qui ne jouent plus rien (Le Puy ce soir et Orléans), et recevoir Bourg. Je ne sais pas pourquoi, je ne les vois pas faire le plein. Sans doute parce que les Bretons lâchent parfois du lest, perdent des matchs.

En revanche, si Martigues bat Nancy lundi, en match décalé, avec la connaissance des résultats de ce soir, ils auront fait le plus dur dans ce qui sera pour moi leur finale. Mais attention : les Provençaux n’auront plus joué depuis 17 jours, et devront gérer à la fois un manque de rythme – qui sait si cette longue coupure ne va pas leur couper les jambes ? – et un deuxième match quatre jours après… C’est un facteur à prendre en compte.

J’ai vu jouer Martigues plusieurs fois cette saison à Turcan, notamment lors de son premier match à domicile contre Cholet, et aussi contre Le Puy, Concarneau et le Red Star. Cette équipe me fait très forte impression. Je l’avais dit à quelques personnes dès son premier match à domicile : « Attention à eux ! ». D’ailleurs, j’avais consacré un article ici sur 13heuresfoot, et j’avais titré « Attention, Martigues est de retour… ». Un titre prémonitoire ! Martigues est très solide et dégage quelque chose. Et même quand elle est bousculée, moins bien, elle ne perd pas. Tout l’inverse du Red Star, moins régulier, qui a passé son temps à alterner le très bon – ils m’ont impressionné à Martigues – et le mauvais. Concrètement, vous ne pouvez pas prétendre terminer dans les deux premiers si vous perdez trois fois à domicile contre des relégués (Le Puy, Paris 13 et Avranches) et même une quatrième fois contre le premier non-relégable (Bourg). Pour cette raison, et même s’ils viennent d’enchaîner trois succès, et qu’ils peuvent en enchaîner trois autres, je ne vois pas le « Red ». Je vois plutôt Dunkerque, que je suis allé voir jouer récemment contre Avranches (2-0)  ou Concarneau. Et même plutôt Concarneau, à cause du calendrier qui, lui, est très compliqué pour Dunkerque. En fait, je vois bien deux équipes ex-aequo, voire trois… Et je vois un verdict se dessiner dans les dernières minutes de la dernière journée. En fait, je ne vois rien du tout ! Mais je crois que le final sera magnifique ! »

1. Martigues 63
2. Concarneau 63
3. Dunkerque 60 ou 62
4. Red Star 59

La descente

  • Journée 32 (vendredi 12 mai)

Bourg-en-Bresse – Dunkerque
Red Star – Cholet
Sedan – Châteauroux
Villefranche – Saint-Brieuc
Avranches – Borgo
Martigues – Nancy (lundi 15 mai)

  • Journée 33 (vendredi 19 mai)

Concarneau – Bourg-en-Bresse
Nancy – Le Puy
Saint-Brieuc – Sedan
Châteauroux – Red Star
Versailles – Avranches
Villefranche – Le Mans
Cholet – Paris 13 Atletico

  • Journée 34 (dernière journée vendredi 26 mai)

Bourg-en-Bresse – Nancy
Red Star – Saint-Brieuc
Paris 13 Atletico – Châteauroux
Avranches – Cholet
Sedan – Villefranche

Nos pronostics

Laurent Pruneta : « Il y a déjà un premier paramètre important. On entend beaucoup de bruits sur des équipes qui seraient en difficulté. Les présidents s’appellent entre eux. Beaucoup sont persuadés qu’il y aura un ou plusieurs repêchages. Donc, ça va se battre jusqu’au bout pour terminer le plus haut possible. Il va y avoir plusieurs confrontations directes comme le Villefranche – Saint-Brieuc lors de cette journée de vendredi ou le Bourg-en-Bresse – Nancy de la dernière journée qui vont valoir très chers…

En bas, Bourg-en-Bresse a le calendrier le plus compliqué avec deux équipes du Top 3, Dunkerque et Concarneau, avant de recevoir Nancy. Je les vois bien descendre avec Villefranche.

Cholet peut aussi s’écrouler. En revanche, je pense que vu son calendrier, Avranches réussira à se sauver. Pour le travail de Karim Mokeddem, Saint-Brieuc mériterait de se sauver. Il peut compter sur Hicham Benkaid.

Donc en résumé, je dirais Bourg-en-Bresse, Villefranche et un 3e entre Cholet, Saint-Brieuc et Nancy. Mais encore une fois, il y a de fortes chances qu’au moins le 13e soit repêché. »

Denis Vergos : « Pour les trois descentes supplémentaires en N2 (en plus de Borgo, Le Puy et Paris 13), beaucoup va dépendre du Villefranche (13e, 37 pts) – Stade Briochin (15e, 35 pts) de cette 32e journée. Sans oublier les Avranches (14e, 36 pts) – Cholet (10e, 39 pts) et Bourg (12e, 38 pts) – Nancy (11e, 39 pts) de la dernière journée… Mais d’ici là, les positions auront évolué car Avranches devrait s’imposer ce week-end contre Borgo et peut-être aussi Bourg, à domicile, contre Dunkerque… Et l’on reparlera aussi peut-être beaucoup de DNCG pour venir piper les dés !
Donc je laisse passer la 32e journée avant de faire des pronostics que je souhaiterais, vu de Concarneau, favorables au Stade Briochin et à l’US Avranches. »

12. Avranches 43 (maintien) et +4 sur tapis vert ??
13. Villefranche 43 (relégué)
14. Bourg-en-Bresse 42 (relégué)
15. Saint-Brieuc 39 (relégué)

Jean-Michel Rouet : « Chaque point va valoir très très cher dans les trois dernières journées et j’imagine même sept équipes terminer en deux points, entre la 8e et la 14e place. Je suis très inquiet pour Châteauroux humilié à Gaston Petit lors de sa dernière sortie contre Villefranche et perturbé par les rumeurs de vente du club…
La dynamique de Bourg est meilleure mais le calendrier des Bressans (avec deux candidats à la montée, Dunkerque et Concarneau) est compliqué.
Ça va se jouer sur un fil pour Avranches et Cholet (qui s’affronteront le dernier jour) mais je leur donne un tout petit avantage, comme à Nancy et à Villefranche, qui doit profiter surtout de ses deux prochains matches à la maison (Saint Brieuc et Le Mans).
En revanche, j’ai peur qu’il en manque un peu à Saint Brieuc, qui revient pourtant de très loin mais doit composer avec un calendrier difficile. »

10. Cholet 43 (maintien)
11. Nancy 43 (maintien)
12. Avranches 43 (maintien)
13. Bourg-en-Bresse 42 (relégué)
14. Châteauroux 42 (relégué)
15. Saint-Brieuc 40 (relégué)

Anthony Boyer : « Pour tout ce qu’a apporté Karim Mokeddem en l’espace de quelques mois à Saint-Brieuc, et parce que j’aime bien les « petits », les belles histoires, les clubs qui bousculent la hiérarchie, je souhaite aux Griffons de se maintenir, mais pour autant, j’ai peur qu’ils soient partis de trop loin et qu’ils échouent tout près du but. Allez je me lance. Et j’ose. Cholet et Nancy ont vraiment un calendrier difficile, avec deux déplacements en trois matchs, et des confrontations directes (Cholet à Avranches, Nancy à Bourg). Je les verrais bien tomber. Je vois Bourg se maintenir avec 43 points, quand bien même elle affronte deux équipes qui jouent la montée : mais je la pense capable de battre Dunkerque. Je récapitule : Saint-Brieuc 15e (39 pts) serait rélégué. Et ensuite plusieurs équipes ex-aequo à 42 points : Cholet (42), Nancy (42), Avranches (42). Et peut-être Villefranche (40 ou 42). Imaginez, quatre équipes avec le même nombre de points ! Il faudrait alors le goal average pour départager tout ce monde et déterminer les deux derniers relégués ! Et là, entre Avranches, qui peut encore prendre 3 points en battant Cholet (J34), Villefranche, Nancy et Cholet donc, c’est Villefranche qui est gagnant… pour l’heure, devant Cholet et Avranches. Je pense que l’on se dirige vers une 34e et dernière journée complètement dingue… Dire que mes pronostics peuvent être mis à mal dès ce soir !!! »

10. FBBP01 Bourg-en-Bresse 43 (maintien)
11. Avranches 42 (maintien)
12. Villefranche 42 (maintien)
13. Cholet 42 (relégué)
14. Nancy 42 (relégué)
15. Saint-Brieuc 40 (relégué)

Peut-on, à votre avis, avoir encore un changement de coach d’ici la fin de saison ?

Laurent Pruneta : « Avec la réforme, les présidents sont devenus impatients et irrationnels. Mais je ne pense pas qu’il y aura d’autres changements de coachs. Certains l’auraient fait avant, je pense. Le dernier restera donc Cholet, ce qui reste une vraie aberration à 3 journées de la fin. Il y a des présidents qui ne changeront donc jamais… Benjamin Erisoglu est coutumier du fait. Stéphane Rossi qui était revenu une deuxième fois à Cholet a fait les frais de ses méthodes. »

Jean-Michel Rouet : « J’ose espérer que non mais les enjeux sont tels que rien n’est impossible ».

Anthony Boyer : « Pour être honnête, à l’issue de la 31e journée, j’ai envisagé qu’il puisse y avoir encore un changement. Mais je ne pensais pas qu’il concernait Stéphane Rossi à Cholet. J’avais imaginé Gilbert Guérin, le président d’Avranches, limoger son entraîneur, Damien Ott, après un 5e revers d’affilée. Le président normand a énormément d’expérience, il a prôné la continuité, et j’espère pour lui, pour son club, le plus « ancien » à figurer en National (depuis 2014), que le maintien sera au rendez-vous. Maintenant, je ne vois plus aucun mouvement de coachs ! Mais avec ce championnat, on n’est jamais au bout de ses surprises ! »

La DNCG peut-elle entrer en ligne de compte ?
Jean-Michel Rouet : « Les derniers bruits de couloir laissent présager une saison à prolongation devant les instances. Quelques clubs semblent en effet financièrement dans le rouge y compris parmi les futurs relégués de Ligue 2. Le cas de Dunkerque a de quoi notamment inquiéter. C’est pourquoi il sera important – mème pour les relégués – d’obtenir le meilleur classement possible dans l’espoir d’un éventuel repêchage… »

Bruno Luzi :

« Souvenez-vous de Grenoble-Sannois »

L’ancien coach de Chambly, club qu’il a fait monter de District en Ligue 2 en 2019 (demi-finaliste de la coupe de France en 2018) est sans boulot depuis un an. Et espère bien trouver un nouveau projet la saison prochaine. Depuis quelques mois, il anime chaque semaine sur Linkedin une chronique, le « Luzinomètre », où il fait un état des lieux des championnats, aussi bien amateurs (le plus souvent) que professionnel (parfois !). Pour 13heuresfoot, il a accepté de jouer les consultants de service et de donner son avis sur cette fin de saison en National, ce championnat qu’il connaît par coeur !

La descente

Bruno Luzi. Photo Eric Cremois.

Bruno, la descente, tu la vois comment ?

« Franchement, c’est compliqué. Certaines équipes arrivent dans cette zone-là avec un tout petit matelas, d’autres ne sont pas si mal que ça au niveau de la dynamique, comme Saint-Brieuc. Il va y avoir des confrontations directes, et donc des éliminés au coup par coup au fil des trois dernières journées. Ce qui veut dire qu’affronter des équipes qui seront reléguées dans deux journées, ce ne sera pas la même chose… Elles seront en vacances entre guillemets, alors que de les jouer maintenant c’est plus compliqué. Je pense que ça peut se jouer à la dernière journée. Les équipes qui ont du retard, Saint-Brieuc, Avranches et Villefranche, forcément, si elles reperdent du terrain ce soir (vendredi), ça va être compliqué, mais quand on voit les situations de Nancy, Cholet ou Bourg… ces trois équipes n’ont aucune garantie, avec seulement 2 points d’avance sur la charrette. Pour moi, jusqu’au Mans, il faut faire gaffe. »

Cette fin de saison ne te rappelle-t-elle pas la saison 2017-2018, lorsque Les Herbiers, le finaliste de la coupe de France, était descendu à la dernière journée sans jamais avoir été relégable auparavant ?
« Oui, un peu. Cette saison-là, 5 ou 6 équipes se tenaient en quelques points, dont nous d’ailleurs (Chambly), et justement, je me souviens que Sannois-Saint-Gratien, que tout le monde avait condamné avant son dernier déplacement à Grenoble qui, lui, jouait la montée en Ligue 2, s’était imposée 3-2 dans l’Isère à la surprise générale ! Contre toute attente, Sannois avait sauvé sa tête ! Alors que Les Herbiers se sont fait « ramasser ». En fait, jusqu’à la dernière journée, et jusqu’aux derniers instants de la dernière journée, tout peut arriver. Et ça peut être encore ce scénario cette année. »

On peut avoir aussi des 0-0 qui arrangent tout le monde lors de la dernière journée…
« Oui, après, sans parler de match arrangé, mais si à 15 minutes de la fin, le nul arrange les deux équipes, elles ne vont pas prendre de risques, c’est compréhensible. »

Saint-Brieuc, qui est l’équipe de bas de tableau à posséder la meilleure dynamique, tu y crois ?
« C’est vrai que ça va nettement mieux pour eux, maintenant, le gros problème, c’est qu’ils ont accumulé un gros retard, et qu’ils ne gagnent pas non plus sans arrêt, même s’il font un parcours de mieux en mieux, mais ils sont dans les temps, à portée de fusil des adversaires directs, et sont sur une super-dynamique, alors qu’ils étaient quasiment condamnés y’a quelques temps. Et là, ils sont en vie. Tout est encore jouable. »

Tu sens des équipes sereines, d’autres moins sereines ?
« Pas sereines, je dirais celles qui ne sont pas préparées à jouer le maintien, au contraire d’Avranches, par exemple, qui sait en début de saison qu’elle va lutter pour ça. Un peu comme Chambly d’ailleurs quand on y était. Mais le problème d’Avranches, c’est qu’ils ont fait un bon championnat sauf depuis deux mois où ils ont glissé, au mauvais moment, dans la zone rouge. Cholet était 5e à un moment et vient de changer d’entraîneur à 3 journées de la fin et souvent ça marche; mais pour eux, au niveau de la dynamique et de la sérénité, ça peut être compliqué. Nancy est dans le dur depuis le départ et comme c’est un « gros » du championnat, ils ont une pression encore plus forte je pense. Aujourd’hui, pour la descente, j’irais chercher du 15e donc (Saint-Brieuc) jusqu’au 10e, Cholet. Et peut-être même jusqu’au 9e, Châteauroux, même si qu’avec 41 points ils ont fait le travail : attention tout de même, s’ils ne gagnent pas, ils peuvent rentrer dans la zone des concernés aussi… Les confrontations directes seront éliminatoires en cas de défaite, ça va être super intéressant. »

Ton pronostic pour la descente ?
« Je ne me lancerais pas ! Je n’arriverais pas à être suffisamment lucide ! Pour moi, ceux qui ne font pas de série vont descendre, mais Saint-Brieuc est en train d’en faire une… Mais ils sont 15es et ont 3 points de retard, ce n’est pas rien; ce n’est pas impossible pour eux, mais il y a quand même deux équipes intercalés entre eux et la 12e place, il y a des confrontations directes, avec ce Villefranche – Saint-Brieuc ce soir, ça peut être éliminatoire. Et si au dessus de la zone de relégation ça se met à faire un bon parcours, ces 2 ou 3 points, tu ne peux pas les récupérer. Cholet fut proche de prendre le bon wagon et dix journées plus tard ils sont à 2 points de la charrette. S’ils n’arrivent pas à se reprendre, et ils vont au Red Star, donc ça peut être très compliqué d’un coup. Ils peuvent se retrouver « dedans ». Deux points d’avance, c’est rien. Y’a pas d écart. Pour moi, il faut voir les dynamiques. De toute façon, avec ces 6 descentes, il faudra plus de 40 points pour se maintenir. »

Bon, ton pronostic pour la montée alors ?
« Pour l’instant, je lis le classement. Concarneau n’a pas un calendrier très difficile. Martigues reçoit deux fois sur trois. Bon, je pense, avantage aux deux premiers, parce qu’ils viennent de se jouer, donc théoriquement ça doit passer. Maintenant, le moindre match nul peut être tout de suite fatal car il n’y a qu’un point d’écart avec le 3e, Dunkerque. Parfois, c’est très dur de finir aussi, ça peut entrer en ligne de compte, on l’a vu avec Grenoble contre Sannois en 2018. Léger avantage aux deux premiers. Concarneau jouent ce soir au Puy, qui est relégué : j’ai envie de dire, t’as pas le choix, si tu veux monter, il faudra gagner au Puy, et après, ils reçoivent Bourg-en-Bresse et ça, ça peut être le « gros » match, parce qu’ensuite, tu vas à Orléans, qui ne joue plus rien. Pour Orléans face à Concarneau, comment tu peux dire à tes joueurs, qui ne jouent plus rien, de « ne pas jouer » ? Tu ne peux pas. Au contraire, les joueurs qui entreront sur le terrain auront envie de « se taper » le leader, ce n’est pas leur problème que Concarneau monte ou ne monte pas. C’est pour ça que je vois Martigues, qui a un calendrier plus favorable, et qui montre une grande solidité : certes ils ont fait plus de matchs nuls, mais je les vois plus costauds. »

Le match le plus difficile de Martigues, ne sera-t-il pas celui qui arrive, à Turcan, lundi, contre Nancy ?
« C’est ça, oui, exactement. S’ils arrivent à passer ce match, après ils vont à Borgo qui est relégué et reçoivent Versailles qui est en vacances. Martigues, je ne vois pas comment ils feraient moins de 7 points. »

Et le Red Star ? Et Dunkerque ?
« Peut-on leur mettre 9 points de manière certaine ? Pas sûr. Et même 7 points ça ne devrait pas suffire. Franchement, je ne pense pas… Dunkerque va à Bourg-en-Bresse ce soir : ça c’est juste un vrai match, qui peut aussi être la fin de l’USLD. Bourg joue contre le 3e et le 2e : s’ils ne négocient pas bien ces matchs là, ils seront en danger pour le maintien, mais après, ça peut finir sur des matchs nuls. Est-ce qu’un nul sera éliminatoire en haut de tableau ? Je pense que oui pour le Red Star car ils doivent faire 9 points sur 9. Pour Dunkerque, ça peut peut-être passer à 7 points, et après, ça dépendra du goal average particulier. »

Penses-tu que le classement en haut de tableau est conforme à la valeur des équipes ?
« Oui. Dunkerque effectue un bon championnat et depuis qu’ils ont changé de coach, ils ont recollé, malheureusement, ils ont perdu le match qu’il ne fallait pas perdre, à Martigues… Quand tu es dans une course comme ça, en haut de tableau, tu ne dois pas perdre dans les confrontations directes face aux autres équipes de tête, parce que ça peut être éliminatoire. Concarneau a plus besoin de gagner que Martigues à cause du goal average défavorable sur Dunkerque et Martigues. »

Propos recueilli par Anthony BOYER

 

La 32e journée de National est à suivre ce soir en direct sur FFF TV (à partir de 19h15) :

https://ffftv.fff.fr/

Photos : Philippe LE BRECH, Eric CREMOIS et DR

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Le président du FC Fleury 91 (National 2 et D1 Arkema) évoque les projets du club de l’Essonne qu’il dirige depuis 35 ans et qui est aux portes du National après être parti de la 4e division de District ! Surtout, il livre sa vision du football et donne des axes de développement.

L’événement est suffisamment rare pour être signalé. Samedi 29 avril dernier, on joue la 26e journée de National 2, dans la poule B. Dans cinq matchs, la saison sera terminée. Les trois premiers du classement, qui se tiennent dans un mouchoir de poche et passent leur temps à se « chiper » le fauteuil de leader, vont chacun s’incliner ! Epinal à domicile face à la réserve de Reims (0-4). Bobigny (FC 93) à Saint-Maur-Lusitanos (4-1) et le FC Fleury 91 à Besançon (1-0). Une première dans cette saison où l’on attendait également Créteil à la fête mais les « Béliers » ont lâché prise assez tôt. Si bien que la lutte pour l’unique accessit en National se résume à un mano a mano entre Fleury, Bobigny et Epinal.

2 points d’avance à 3 journées de la fin

A trois journées de la fin, ce sont les joueurs de l’Essonne qui sont les mieux placés, avec 2 points d’avance sur le FC 93 (Bobigny-Bagnolet-Gagny) et 3 sur les Vosgiens. Quid du classement final, le 3 juin ? Bien malin qui peut le dire.

Devancés d’un tout petit point la saison passée après un exercice pourtant remarquable (20 victoires, 5 nuls et 5 défaites, 65 points), les joueurs de l’emblématique président Pascal Bovis n’avaient cependant pu empêcher Paris 13 Atletico d’accéder en National (66 points, 20v-6n-4d).

Une fois la déception évacuée, le FC Fleury 91 Essonne s’est remis dans le bain : cette fois, malgré deux défaites au mois d’avril (à Saint-Quentin et à Besançon), les « Rouge et noir » ont toujours leur destin en mains : « Que les trois premiers aient perdu en même temps, cela ne me surprend pas, commente le président, à la tête du club depuis 1987; Les équipes se tiennent. Regardez, dans notre poule, du 6e au 14e , il y a très peu d’écart (5 points). Tous les matchs sont « à la vie à la mort », ce sont comme des matchs de coupe où ça se joue à rien, et ça va être comme ça jusqu’en fin de saison. Il ne reste plus que 3 matchs, ça peut basculer, on le sait. »

« Il doit y avoir un vrai travail de fond »

Après le succès du FC Fleury 91 face au FC 93 Bobigny le mois dernier à Bobin.

Pragmatique, Pascal Bovis ? Plutôt, oui. Et si l’accession venait à nouveau à lui échapper, il prendrait la chose avec philosophie. Son argumentation est béton : « Si on ne monte pas cette saison ? Non, ce ne serait pas une déception, poursuit celui qui est issu du milieu de la natation et plus particulièrement du water-polo; Bon, au départ, quand on prend la présidence d’un club, on est comme tout le monde, on est en quête d’absolu. C’est vrai qu’au début, je voulais gagner, je m’arrachais les cheveux, mais finalement, je crois qu’il ne faut pas chercher cette quête, ni celle du résultat, mais une quête de fond. C’est ce que on « met dedans » qui compte. Si on monte « à l’arrache » comme certains clubs le font, ça ne sert à rien. Il doit y avoir un vrai travail de fond. Il faut bien sûr être des compétiteurs, mais pour moi, la montée en National, c’est juste la cerise sur le gâteau. Elle ne sert à rien si on n’a pas fait le gâteau avant. Il faut avoir des principes. Après, ça viendra tout seul. Et si ça vient pas là, ça viendra à un autre moment. On a un très bon état d’esprit dans l’équipe, y’a un fonds de jeu, y’a une bonne ambiance et une âme dans le club : je préfère avoir une équipe avec une âme en N2 que sans âme à l’étage supérieur avec des mercenaires. On sait qu’à Fleury, on a des valeurs. Ici, les gens prennent du plaisir et sont là pour longtemps. C’est important. Vous savez, en N2, on est déjà à un très haut niveau. Si on le franchit le cap, tant mieux, et ensuite, à nous de nous inscrire dans la durée. Et là, il n’y a pas d’école : regardez cette saison, Martigues a peu recruté et figure en tête en National; d’autres ont recruté et font aussi une belle saison, d’autres non. Il n’y a ni règle, ni vérité. »

Structures, infrastructures et sportif

Le message est clair. Et pondéré. Pascal Bovis n’entend pas accéder en National juste pour y accéder, façon de parler. Le plus important, ce sont les fondations.

Il répète inlassablement le même triptyque : structures, infrastructures et sportif. Les trois volets indissociables d’une éventuelle promotion. « Fleury n’est ni une mégalopole ni une grosse ville, il n’y a que 10 000 habitants. Alors en matière d’infrastructures, on fait avec ce qu’on a. On se débrouille. On y arrive. Et on essaie toujours d’améliorer les choses. Surtout, on n’a jamais mis le toit ni la charpente avant les fondations ou les murs. C’est pour ça qu’on n’est pas pressé de monter. Il faut structurer le club pour que, le jour où on monte en National, on ne redescende pas. Il ne faut pas précipiter les choses. Beaucoup sont montés et redescendus. Il faut être très vigilant là-dessus. »

Le PDG du groupe Bovis, une boîte familiale spécialisée dans les transferts et déménagements industriels ainsi que la manutention lourde, fondée par son papa en 1977, et dont il a pris la succession en 1988, à l’âge de 26 ans seulement (il en a 61 aujourd’hui), fait preuve d’un discours à la fois ambitieux et réaliste.

Il sait la difficulté de ce championnat National. « Il est très dur et l’année prochaine, il sera encore plus dur, ce sera quasiment une Ligue 2 bis… Quand vous voyez que Nancy lutte pour ne pas descendre avec un budget énorme comparé à d’autres clubs… Il faut avoir conscience de ça. Récemment, je suis allé voir Orléans contre Bourg-en-Bresse, je suis allé voir Paris 13 Atlético aussi, parce que c’est important de se rendre compte des niveaux de structures et d’infrastructures, du niveau sportif. Mais bon, pour l’instant, on est en National 2… Il faut déjà que l’on monte. »

« Une réforme intéressante si le National passe pro »

L’équipe féminine du FC Fleury 91 évolue au plus haut niveau, en D1 Arkema.

S’il qualifie le National et le National 2 de « durs », ce n’est pas seulement en raison du niveau sportif. C’est aussi pour la nouvelle réforme qui fait tant parler. Et sur le sujet, il a un avis tranché : « Cette réforme est assez nécessaire en National 3 parce qu’il ne fallait pas que ce championnat devienne une super DH. En revanche, elle est assez sévère pour le N2. Que l’on resserre l’élite, pourquoi pas à partir du moment où les clubs y trouvent des intérêts économiques et sportifs, et à partir du moment où le National passe pro et devient rattaché à la LFP. J’attends de voir. Mais si ce n’est pas le cas, alors ce serait mieux d’avoir une pyramide avec 8 poules de N3, 4 poules de N2 et deux poules de National : le 8-4-2, ça me paraît plus équilibré. Parce que cette réforme va faire des malheureux. Il y a quand même 1300 contrats fédéraux et avec les staffs ça fait entre 1500 et 1800 emplois directs… Il ne faut pas que cette restructuration limite les emplois directs, idem pour les arbitres, il y aura des matchs en moins à arbitrer. Je le répète, la réforme peut être intéressante à condition que le National passe pro, sinon je n’y vois pas un grand intérêt. »

Et quand on lui rétorque que le 8-4-2 existait déjà il y a 30 ans au début du National et que la création de la Ligue 3 est loin d’être acquise, voilà sa réponse : « Pour la Ligue 3, comptez sur moi pour revenir à la charge si le National ne passe pas pro ! Quant au 8-4-2, parfois, certaines choses étaient mieux avant (rires) : ce que faisaient les anciens n’étaient pas dénués de bons sens, dans le sport comme dans d’autres domaines, comme la construction. Mais bon, cette évolution des championnats nationaux, c’est fait c’est fait ! »

« Tout est prêt en cas d’accession »

Pascal Bovis et Fabrice Abriel, l’entraîneur de la D1 Arkema et promu directeur du football en février.

Pour le chef d’entreprise et mécène du club, tout est prêt en cas d’accession. Mais il refuse toujours de mettre la charrue avant les boeufs. De s’enflammer. « Le club est bien armé si jamais on monte. Tout est carré, que ce soit les structures, les infrastructures et le sportif, on est prêt. On a deux stades homologués pour le National (le complexe Gentelet et le stade Bobin à Bondoufle). Le National, ce serait un beau challenge, mais ça l’est déjà en National 2. On verra ce qui se passe. Bien sûr que c’est excitant d’aller jouer dans des beaux stades, au Mans, à Châteauroux, à Orléans, à Sedan, sur des pelouses impeccables, dans une compétition beaucoup plus intense, beaucoup plus intéressante. On va essayer d y aller, on verra. »

S’il se veut prudent, c’est aussi parce qu’il a encore en mémoire l’exercice précédent, bien sûr, et parce qu’il mesure le chemin parcouru de son club, depuis qu’il en a pris la présidence, il y a 35 ans. Et c’est vrai que le club, fondé en 1970, devenu le FC Fleury 91 en 2015 (en remplacement de US Fleury-Mérogis), est passé de la 4e division de District au National 2, et de 5 à 50 équipes ! Et grâce à son équipe féminine de Division 1 Arkema, il a su placer Fleury sur la carte de France et faire (presque) oublier sa célèbre prison !

Mieux encore, l’équipe entraînée par Fabrice Abriel, l’ancien joueur du PSG, de l’OM et de Nice – notamment – s’est rapprochée des deux ogres que sont PSG et Lyon, avec une 4e place au classement (3e la semaine dernière avant la défaite face à Montpellier) et, peut-être, une participation à la Ligue des Champions à venir…

Un dirigeant très engagé

Fabrice Abriel (à droite) et Christophe Horta, le nouveau directeur technique.

Surtout, ce sont les grands projets et les grandes idées qui animent ce dirigeant, également porte-parole des clubs de D1 et D2 à la commission du football féminin, présidée par Jean-Michel Aulas, et représentant des clubs nationaux à la Ligue de Paris/Ile de France : « En ce qui concerne mon rôle à La Ligue de Paris IDF… J’ai droit à un joker ? Je ne suis plus vraiment invité aux réunions depuis que j’ai dit ce que je pensais au président… Mais ce n’est pas un souci. Je travaille comme représentant des clubs nationaux avec la FFF, mais au niveau de la Ligue, non, je n’ai pas d impact. En revanche, à la commission du football féminin, mon engagement est concret. Il y a 10 membres. Je représente les clubs « dits » amateurs mais en fait, on travaille tous ensemble, on essaie de faire avancer le foot féminin. Mais là, au moins, je peux m’exprimer clairement et directement. Je pense c’est nécessaire. Plus généralement, il faut qu’il y ait des présidents de clubs dans les instances du football, parce qu’aujourd’hui, les instances sont très institutionnalisées, avec des représentants de « ceci » ou de « cela ». Il y a beaucoup de gens mais peut-être pas assez de personnes qui sont confrontées à la réalité du terrain, à la réalité de la vie d’un club au quotidien, or ça me semble important, car on amène des idées et on soulève les problèmes concrets. Il faut que la Fédération Française de football soit connectée au terrain et pour ça, il n’y a rien de mieux que les présidents qui vivent ça au quotidien. Attention, je dis ça, mais à la commission du football féminin, on est écouté, c’est un vrai travail d’équipe. Elle a une grande expérience et puis Jean-Michel Aulas, son président, nous fait aussi bénéficier de la sienne. Depuis 5 ou 6 ans, on a fait un pas de géant, il y a eu de grosses avancées, il faut continuer. »

« Il faut travailler les uns pour les autres »

Les féminines après leur succès à Charléty face au Paris FC. Photo Philippe Le Brech

Titulaire d’une maîtrise d’anthropologie (étude de l’être humain sur tous les aspects), Pascal Bovis, très attaché à l’océan indien et à « son » île, Madagascar, a pris une décision importante le mois dernier : il a élargi les fonctions de Fabrice Abriel, promu « directeur du football », et a confié la direction technique du club à Christophe Horta, ancien manager général des équipes de France militaires. « Je pense que Fabrice (Abriel) peut nous apporter encore plus que ce qu’il nous apporte déjà, explique  Pascal Bovis; c’est pour ça qu’on l’a nommé à ce poste-là. C’est un travail de tous les jours, tourné à 80 ou 90 % vers les féminines, mais on a le projet de centre de formation, donc avec lui, on va gagner du temps, parce que je pense qu’il sait bien ce que c’est. Il sait ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Fabrice a aussi une activité support-conseil au niveau du National car là on a des gens qui n’ont pas encore une grande expérience. Par exemple, je suis très content de ce que fait l’entraîneur, Habib Boumezoued, ça fait longtemps qu’il est au club, il a déjà entraîné les jeunes, les filles, et il a une marge de progression… On a tous une marge de progression. Il faut travailler les uns pour les autres. »

Formation oui, vedettariat non

Habib Boumezoued, le coach du National 2.

En évoquant le centre de formation, Pascal Bovis pose là l’un des axes de développement des prochaines années de son club, dont il a une vision bien précise : « Si j’avais un modèle de club a suivre, ce serait un club qui se sert de son centre de formation et où il n’y a pas de vedettes. Ce serait un club où c’est d’abord le sportif qui prime avant l’économie, même si cette dernière reste importante. Ce que je veux dire, c’est que cela ne m’intéresse pas de prendre un joueur qui va vous faire vendre des maillots. Moi, je préfère le foot-spectacle, avec des joueurs qui nous apportent quelque chose au niveau de la mentalité et du jeu. Le sport, ça doit être notre moteur. L’économie doit être notre gouvernail, mais pas la finalité, juste un outil, même s’il ne faut pas faire n’importe quoi. Or il y a beaucoup de clubs qui font l’inverse et ça dénature le sport. Le foot, c’est avoir la meilleure équipe possible et les meilleurs résultats sportifs possibles, avec la contrainte budgétaire que vous avez, faire vibrer les spectateurs. C’est un spectacle. On n’est pas là pour faire du business même si on doit avoir des compte fiables, solides. On n’est pas là pour acheter un joueur et faire notre plus-value, même si à un moment donné cela peut arriver, mais ce n’est pas du tout le but de départ. » Et d’avouer : « Jaime beaucoup Auxerre ».

La vision du football de ce fan de l’OGC Nice se décline d’ailleurs dans son projet club. « Oui, j’aime bien Nice, ce n’est pas loin de la région de ma famille, à Châteauneuf-de-Grasse ! D’ailleurs, quand j’ai pris la présidence de Fleury, on jouait un peu dans les couleurs du FC Rouen, hauts rouges avec shorts blancs et chaussettes rouges, j’ai fait évoluer les couleurs, on est passé en Rouge et noir, comme Nice, même si on joue plutôt en blanc. »

« Il ne peut pas y avoir deux familles et un seul monde »

Ce projet-club, il le détaille : « Fédérer beaucoup plus le département de l’Essonne autour de deux locomotives, la D1F et le N2M. Il faut créer notre centre de formation mixte. Ensuite, travailler, franchir encore un cap sportivement, que cela soit avec les filles ou avec les garçons et travailler avec la FFF afin que la formation effectuée par les clubs amateurs soit reconnue et valorisée au niveau national alors qu’elle est reconnue à l’international, et ça, ce n’est pas normal. Les droits à la formation (de 12 à 23 ans) n’ont pas été revus depuis 1984. C’est un souci. Parce que 5000 euros, c’est rien. Les gamins ne se forment pas tout seul… Pendant que des millions d’euros sont brassés à côté, nous, les amateurs, on ne touche presque rien alors qu on a formé les minots, que du travail a été effectué en amont. La formation, c’est le poumon des clubs. Si on veut continuer à effectuer ce travail, il faut qu’on incite les clubs à améliorer leur formation, car c’est bon tout le monde : c’est bon pour la sélection nationale, pour les clubs pros et ça sera bon pour les clubs amateurs à condition que l’argent soit mieux réparti. Il ne peut pas y avoir deux familles et un seul monde. On a l’impression, sur ces thèmes de fond, qu’on ne prend pas suffisamment conscience de tout cela. D’ailleurs, en National 2, comme en National, on est sur la même ligne de fracture entre le monde amateur et le monde pro. »

« Je suis là pour donner un sens, une direction »

Autre axe de développement : la dépendance financière. Pascal Bovis est un mécène mais aussi un passionné, « Heureusement, sinon… mais ce n’est pas facile ! On connaît bien les championnats de District pour y avoir joué, les championnats régionaux, on a des gens qui sont là depuis très longtemps au club, on essaie de faire en sorte que le club soit moi dépendant par rapport à cela… cela fait aussi partie des objectifs du club. »

Passionné, donc, et très occupé, forcément aussi. Gérer une entreprise de 1400 salariés et diriger un des plus grands clubs français en termes de licenciés ne sont pas des choses simples : « Avoir des journées chargées comme les miennes, c’est la seule solution pour avancer ! Après, que ce soit dans mon entreprise ou dans le club, on est bien structuré. Je n’ai pas besoin d’être tous les jours au club même si j’ai des contacts au quotidien, même si je prends des décisions chaque jour. Le but, c’est que ces structures ne dépendent pas que d’un homme. Moi, je suis là pour donner un sens. Une direction. Mais c’est un travail commun. »

Lire aussi l’article de 13heuresfoot sur Valentin Lavigne :

https://13heuresfoot.fr/actualites/valentin-lavigne-fleury-je-prends-autant-de-plaisir-en-n2-quen-en-l1/

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06

Photos : FC Fleury 91

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Prêté au Puy en National par Auxerre (L1), l’attaquant de 23 ans passé par l’OM a franchi un cap cette saison malgré la redescente de son club. Auteur de 12 buts toutes compétitions confondues, le Varois est suivi par la sélection Tunisienne.

Entretien réalisé juste avant son nouveau doublé inscrit vendredi 12 mai face à Concarneau (succès 2 à 1)

Dans moins d’un mois, Mohamed Ben Fredj quittera Le Puy (National) pour retourner à Auxerre (L1), qui l’avait prêté. Avec le regret de voir son club redescendre en National 2 même si, lui, a pu montrer ses qualités de buteurs (8 réalisations en championnat, 4 en Coupe de France). C’est lui qui marqué le but de la qualification lors de l’exploit contre Nice (1-0) début janvier en 32e de finale de la Coupe de France.

Cette saison en Auvergne va certainement compter pour la suite de la carrière du natif de Toulon (Var), qui va revenir dans l’Yonne avec davantage de bagages. Le nom de l’attaquant de 23 ans, buteur dans l’âme et généreux sur le terrain, est aussi revenu dans les radars de la Fédération de Football Tunisienne, qui l’avait déjà appelé en 2019. Mohamed Ben Fredj ne semble plus très loin d’une sélection s’il confirme sa progression dans les mois à venir. Pour 13HeuresFoot, il est longuement revenu sur son parcours pas toujours linéaire de son Var natal (La Seyne, Toulon, Sanary, La Valette) à Auxerre en passant par l’aventure inachevée à l’OM, son club de cœur.

« J’aimerais rendre fier mon père avec la sélection tunisienne »

Avec le maillot de l’AJ Auxerre. photo DR

Lors de la dernière trêve internationale fin mars durant laquelle la Tunisie s’est qualifiée pour la prochaine CAN en battant la Libye (3-0 et 1-0), son nom s’est invité dans les médias, les débats télévisés ou les Space animés sur Twitter.
Depuis longtemps, les Aigles de Carthage recherchent en effet un vrai buteur. Un profil qui a manqué à la Tunisie durant la dernière Coupe du monde au Qatar. Pour beaucoup de Tunisiens, l’avenir pourrait s’appeler Mohamed Ben Fredj, qui fêtera ses 23 ans demain (le 9 mai). « Moi je n’y prêtais pas trop attention, mais on m’a rapporté tout ça. On a parlé d’un attaquant qui joue au Puy, ça fait plaisir. Mais moi, ce qui m’importe, c’est le concret et des choses officielles. Pas ce que les gens peuvent dire à droite et à gauche. »

En 2019, il a déjà participé à un stage avec l’équipe de Tunisie. « Au départ, j’étais appelé avec les Espoirs. Mais il y avait beaucoup de joueurs locaux qui n’avaient pas pu se libérer pour les A, et au final, je n’ai pas joué. Mais c’était une super expérience de me retrouver avec de tels joueurs alors que je n’avais que 19 ans et que je jouais alors en N2 avec la réserve de l’OM. »

Dans sa famille, les liens sont forts avec la Tunisie. Son père vient de Bizerte, dans le nord du pays. « On y va chaque année. J’y suis très attaché. Je suis né et j’ai grandi en France mais jouer pour la Tunisie, ce serait top. C’est le choix du cœur. Si ça arrive, ce serait très spécial pour mon père. J’aimerais tant le rendre fier. Mais le chemin est encore long. »

« Signer à l’OM, c’était un rêve »

Avec le maillot de l’AJ Auxerre. photo DR

Tout a commencé pour lui, cité Berthe, l’un des grands quartiers de La Seyne-sur-Mer (Var). Il évolue à l’AJS La Seyne quand il est repéré dans un tournoi par Victorio Grasso, un éducateur de la région (aujourd’hui adjoint de Julien Faubert à Fréjus/St-Raphaël en N2). « J’avais 9 ans, il a convaincu mes parents de me faire signer au SC Toulon. Je l’ai ensuite suivi en U14 à Sanary puis en U17 à La Valette. »

Lors de la saison 2016-2017, il inscrit 35 buts avec la Valette en U17 nationaux. Il n’a alors que l’embarras du choix. Nice, Saint-Etienne, le SC Bastia, l’AC Ajaccio et l’OM lui proposent des essais. « Je suis un enfant de la région, je suis supporter de l’OM, ma famille, mes proches et mes amis sont supporters de l’OM. Le choix a donc été vite fait…»

Lors de son essai avec Marseille, Ben Fredj a rapidement convaincu. « Je me souviens que j’avais dû rater mon bac blanc de français pour faire le test. Je devais rester trois jours. En une mi-temps, j’ai mis trois buts. Pancho Abardonado a dit qu’il en avait assez vu… J’ai signé mon contrat d’aspirant. C’était comme dans un rêve. »

Lors de sa signature à l’OM. Photo DR

Sur le terrain, le franco-tunisien prolonge le rêve lors de ses premières semaines marseillaises. Avec les U19, il enfile les buts. « J’avais mis triplé contre Nîmes, doublé contre l’AC Ajaccio et un but contre Castelnau-le-Lez », se souvient-il.
Le 30 septembre 2017, David Le Frapper, alors entraineur de la réserve de l’OM le titularise pour la première fois en N2 lors d’un match à Sète (0-0). Il n’a que 17 ans. « La semaine d’après avec les U19, j’ai marqué un but de 50 m. J’allais m’entraîner avec l’équipe pro. Tout allait trop bien. Mais parfois dans la vie, c’est quand tout va trop bien, quand tu es en haut, que tu retombes brutalement encore plus bas. J’ai eu une blessure aux ligaments de la cheville qui a été mal gérée. J’ai été arrêté trois mois. »

Lors de cette première saison à l’OM, il dispute 7 matchs pour un but en National 2. « J’ai eu du mal à revenir. Avec la N2, je n’étais pas assez performant, je réfléchissais trop. Ensuite avec le bac, je n’ai pu avoir qu’une semaine de vacances. Mentalement, j’étais usé. Mon début de saison suivant a été très difficile. Même en U19 Nationaux, j’avais du mal à trouver le déclic. »

« Un choc quand l’OM ne m’a pas conservé »

Il traverse la première partie de saison sans réussir à trouver le chemin des filets en N2. Le 22 décembre 2018, l’OM affronte Endoume pour un derby marseillais. Rentré à la 79e minute, l’attaquant rate une grosse occasion d’égaliser. « Ma frappe manquait de tranchant. Ce qui s’est passé ensuite, je m’en souviendrai toute ma vie…»

Dans les vestiaires, l’entraineur David Le Frapper, ne le ménage pas. « Il m’a dit, « Imagines que tu rates cette occasion en L1 devant 60 000 personnes au Vélodrome ? Tu vas te faire lyncher… Tu n’y mets pas assez de conviction ». Ses mots étaient très durs. Mais ils m’ont marqué. J’ai compris qu’il voulait me faire passer un message, que c’était pour mon bien. Il m’a brusqué pour me faire réagir. Ce passage a été important dans mon parcours. Coach Le Frapper a toujours tout fait pour que je me sente bien. Après ce match, j’avais passé de très mauvaises vacances de Noël. Mais j’ai aussi beaucoup bossé, pris du recul et beaucoup discuté avec mes proches. Jean-Claude Grasso (le père de Victorio) m’a aussi rassuré. Et ça a payé. »

Sur la phase retour, il a inscrit 8 buts lors des dix derniers matchs. « J’étais l’attaquant numéro 1 de la réserve, j’allais m’entraîner avec Rudi Garcia en L1. Tout allait mieux. »

Il va pourtant déchanter lors sa 3e saison avec l’OM. C’est Maxence Flachez et Philippe Anziani qui ont repris l’équipe réserve de l’OM. « Il y a eu un changement d’organigramme, toutes les équipes du centre de formation ont changé de coach. Ce n’était plus la même philosophie. »

Avant l’arrêt de la saison en mars 2020 à cause du confinement, il a inscrit 6 buts en N2. Mais l’OM lui annonce qu’il ne sera pas conservé. Un véritable coup de poignard. « Ça a été un vrai choc. J’étais aux portes de la L1, près de la maison et de ma famille. Ça a été la première grosse épreuve de ma carrière. Après l’OM, c’est comme le PSG. Il faut vraiment être au-dessus pour sortir. En réserve, j’ai joué avec Perrin, Lihadji, Nkounkou ou Chabrolle qui sont aujourd’hui en L1 ou L2. Ils sont tous partis aussi. »

« A Auxerre, j’ai beaucoup appris »

A l’été 2020, la France tourne encore au ralenti. Mais ses agents se démènent pour lui trouver un projet afin de rebondir. Il signe finalement un contrat amateur pour la réserve avec Auxerre. Proche de sa famille, le dépaysement est total à 670 km de chez lui dans le Var. « Mais j’étais déjà content de trouver une structure pro, surtout comme Auxerre. Ça s’est bien passé. J’ai mis 2 buts en 9 matchs en National 2. »

Mais les championnats amateurs s’arrêtent rapidement, au mois d’octobre. La réserve d’Auxerre peut néanmoins disputer des matchs amicaux contre d’autres centres de formation, eu égard à leur statut pro. Mohamed Ben Fredj s’entraîne également avec la Ligue 2. « La première semaine d’avril, on doit jouer contre Le Havre le samedi. Axel Ngando se blesse. Je pars de l’entraînement mais un coéquipier m’appelle et me demande « Tu es où ? » Je lui réponds que j’étais rentré chez moi. Il me dit, « Tu es fou, on t’attends, tu es convoqué dans le groupe et tu dois venir au repas d’avant-match… » C’était énorme ! A partir de là, je n’ai plus quitté le groupe L2 tout en jouant aussi parfois avec la réserve. »

Le 20 avril 2021, il effectue ses grands débuts en Ligue 2 en rentrant à la 87e minute à Pau juste avant de parapher son premier contrat pro. La saison suivante, celle de montée, il effectue sept apparitions. « Il y avait Gaëtan Charbonnier à mon poste qui a fait une grosse saison. Mais j’ai beaucoup appris. En Coupe de France, j’ai mis un triplé contre Limonest puis un doublé contre Chambéry; ça a un peu changé la donne pour moi. »

Le 2 avril 2022, son but de la tête à la 90e minute à Furiani est capital. Il permet à Auxerre de rapporter un point précieux de Bastia. « C’était un but important pour la montée », sourit-il. Après avoir inscrit un triplé avec la réserve en N2 face à l’Entente Sannois/Saint-Gratien, il vit, depuis le banc, à la montée d’Auxerre en L1 lors des barrages face à Sochaux puis Saint-Etienne.

Avec Auxerre, il entame la préparation de la nouvelle saison avec le groupe de Jean-Marc Furlan. « Lors des deux premiers matchs amicaux, j’ai marqué contre Grenoble puis Amiens. Je me suis dit, « ça peut changer les plans du coach ». Mais ensuite, il ne m’a plus fait jouer. On a évoqué un prêt. J’ai compris que ce serait la meilleure solution pour moi. Je ne voulais pas vivre une saison galère en restant en L1 sans jouer. »

« Humainement, j’ai passé une très bonne saison au Puy »

C’est le Puy, promu en National, qui obtient son prêt. En Haute-Loire, Ben Fredj passe un cap et affiche des « stats » plutôt intéressantes : 8 buts et 3 passes décisives en National. En Coupe de France, il a inscrit 4 buts. Mais le plus important restera forcément celui de la qualification en 32e de finale contre Nice (1-0) dès la 3e minute après une belle action personnelle. « C’était un sacré exploit ! C’est après ce but qu’on a commencé à parler de plus en plus de moi en Tunisie. »

Pourtant, en ce début mai, il tire un bilan mitigé de son aventure au Puy Foot 43 Auvergne. Son club va en effet retrouver le National 2. « Individuellement et collectivement, cela aurait pu être beaucoup mieux. J’aurais espéré marquer plus de buts et qu’on se maintienne. Malgré tout, j’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé grâce au coach Roland Vieira. J’ai engrangé aussi davantage de confiance, ça fait du bien de se sentir important dans un club. Humainement, j’ai passé une très bonne année ici. »

Sous contrat jusqu’en 2024, il va retourner à Auxerre, du moins dans un premier temps. « Le président et le directeur sportif d’Auxerre ont continué à me suivre au Puy. On a échangé. Ils m’ont envoyé des messages pour me féliciter après mes buts. Il me reste un an de contrat à l’AJA. On va prendre le temps de bien faire le point et on verra bien ce qui se passera pour moi pour la suite. »

Quand il se retourne sur son parcours, Mohamed Ben Fredj se dit « fier ». « Ça n’a pas toujours été facile pour moi mais je me suis toujours battu. A Marseille, j’étais dans mon cocon. J’avais ma famille avec moi. On se voyait tout le temps. Mais être passé d’une grande ville comme Marseille à Auxerre où j’ai dû me gérer tout seul, ça m’a fait grandir en tant qu’homme. Je suis arrivé sur le tard dans le monde pro en U19 à l’OM et finalement, ce n’était pas plus mal. Cela m’a permis d’avoir une enfance puis une adolescence normales et correctes. J’ai pu aussi continuer mes études. J’en vu tellement de joueurs plus talentueux que moi exploser en plein vol car ils étaient partis trop tôt en centre de formation…»

Mohamed Ben Fredj, du tac au tac

Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en L1 avec Auxerre après les tirs aux buts à Saint-Etienne. Un truc de fou.

Pire souvenir de joueur ?
Quand l’OM ne m’a pas gardé en 2020.

Une manie, une superstition ?
Je rentre sur le terrain et je prie.

Le geste technique préféré ?
Moi, je suis surtout dans l’efficacité et la simplicité. Déjà, cadrer…

Qualités et défauts sur un terrain ?
La finition. Mais je reste perfectible dans l’impact physique.

Votre plus beau but ?
Je les trouve tous beaux, je n’ai pas de préférés. Après, forcément, le plus important est celui qui a eu le plus d’impact, c’est celui contre Nice en Coupe de France cette année.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Renato Sanches lors d’un 32e de finale de Coupe de France contre Lille avec Auxerre (18 décembre 2021). J’étais titulaire. On avait perdu 3-1. Sur ce match, il m’avait vraiment impressionné. Il était partout sur le terrain.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Même si c’était juste à l’entraînement avec l’OM, je dirais Dimitri Payet, pour sa technique.

L’ entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Victorio Grasso, qui est dans le staff de Fréjus-Saint-Raphaël (N2) aujourd’hui. Lui et son père Jean-Claude ont beaucoup compté pour moi. Victorio, c’est un peu comme mon grand frère. Sans lui, je ne serais peut-être pas devenu pro. Il m’a repéré à 9 ans à l’AJS La Seyne, puis il a convaincu mes parents de signer au SC Toulon. Je l’ai ensuite suivi à Sanary et à La Valette. A l’OM, il y a eu aussi Noël Sciortino et David Le Frapper. A Auxerre, David Carré, l’entraîneur de la réserve, a cru en moi. Bien sûr, il y a aussi Jean-Marc Furlan. Enfin, cette saison au Puy, Roland Vieira m’a fait confiance et il m’a fait progresser.

Une causerie marquante d’un coach ?
Pas une en particulier mais toutes celles de Jean-Marc Furlan. Il savait vraiment nous transcender. Il est capable de rentrer dans notre tête. Tous ces discours, pendant et après le match, avaient un vrai contenu. Ils étaient toujours pensés. Furlan est très fort dans le management. Il arrive à tenir en éveil tout son groupe, même ceux qui jouaient moins, ce qui était mon cas.

Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Auxerre. Quand je suis arrivé de l’OM, je n’étais pas très bien mais quand j’ai vu les installations du centre de formation d’Auxerre, j’ai vraiment pris une claque dans le bon sens. La différence avec l’OM était énorme… A Auxerre, on avait tout. On s’aperçoit que ce n’est pas pour rien que ce club a sorti autant de grands joueurs de sa formation. On a vraiment des outils très performants à notre disposition.

Le club qui vous fait rêver ?
Le Barça.

Vos joueurs ou joueurs préférés ? Un modèle ?
Leo Messi. Quand j’étais plus jeune, je regardais des vidéos de Robin Van Persie. Il y avait aussi Benzema et Suarez.

Un stade mythique ?
Le Vélodrome à Marseille. En tant que spectateur, j’aimerais bien aller voir un match à la Bombonera, le stade de Boca Juniors en Argentine. C’est la folie cette ambiance…

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Bafétimbi Gomis. On vient tous les deux de la même ville, La Seyne-sur-Mer, et on a les mêmes agents. Il m’envoie souvent des messages et me donne beaucoup de conseils. C’est quelqu’un de simple et de disponible.

Vos occupations en dehors du foot ?
Un peu de jeux vidéo et voir ma famille. Je suis plutôt casanier, j’aime bien rester tranquille à la maison. Auxerre et Le Puy sont des petites villes, tranquilles. Forcément, Marseille, c’était différent. Mais même là-bas, je ne sortais pas beaucoup. Je suis vraiment de nature casanière

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
J’ai un bac S. A la base, je voulais être kiné. De toutes les façons, j’aurais cherché un métier en relation avec le sport comme prof d’EPS ou préparateur physique.

Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent et @13heuresfoot

Photos : Le Puy Foot 43 – Sébastien Ricou et DR

Sur le banc depuis 10 ans, l’entraîneur formé à l’OL officialise son départ. Une décision prise d’un commun accord avec ses dirigeants. La fin d’une longue et belle histoire d’amour avec le club auvergnat, qui a grandi et s’est développé avec lui, mais qui va retrouver le National 2 la saison prochaine.

Non, Roland Vieira n’est pas le 12e entraîneur à se faire limoger cette saison en championnat National (le chiffre, impressionnant, ne tient pas compte des intérims) ! Le coach du « Puy Foot 43 Auvergne » sera bien sur le banc pour les trois dernières journées de championnat, contre Concarneau le 12 mai, à Nancy le 19 et aussi contre Borgo pour le baisser de rideau, le 26.

C’est important de préciser cela car cet exercice 2022-2023 fut d’une telle « violence » parfois pour les techniciens en poste – on l’a encore vu en début de semaine avec le limogeage de Stéphane Rossi à Cholet -, que d’aucuns auraient pu penser que la série noire n’était pas terminée.

Si le natif de Mâcon (43 ans), arrivé au Puy pour y terminer sa carrière d’avant-centre en 2012, finira bien la saison, en revanche, et là c’est nouveau, il ne commencera pas la suivante. C’est Vieira lui-même qui a annoncé la nouvelle, d’abord à son président, Christophe Gauthier, mercredi soir, puis à son staff hier matin.

Une page qui se tourne

Christophe Gauthier, le président du Puy Foot 43.

Roland Vieira et Le Puy, c’est donc (bientôt) terminé. Ce n’est pas une page qui se tourne, mais bien des centaines de pages noircies de moments forts, de moments plus difficiles aussi puisque c’est le lot de tous les clubs, de moments de vie surtout.

Parce qu’en onze ans passés dans la préfecture de Haute-Loire, dont dix comme entraîneur, l’ancien pensionnaire du centre de formation de l’Olympique Lyonnais a marqué le club de son empreinte, le conduisant tout d’abord de CFA2 en CFA (N2) puis en National en 2019, puis à nouveau en National en 2022, après deux saisons tronquées et vécues comme une terrible injustice en raison de la crise de la Covid-19 et une relégation sur tapis vert en 2020.

Titulaire du diplôme d’entraîneur professionnel (BEPF) depuis l’année dernière, il a aussi beaucoup oeuvré en coulisses pour le développement et la structuration de son club. Avec lui, Le Puy Foot a grandi, même si la belle aventure s’achève sur une descente en National 2, officielle depuis la 31e journée.

Cette décision, c’est bien Roland Vieira lui-même qui l’a prise. De la même manière qu’il l’avait déjà prise en octobre 2019, après une défaire horrible 3 à 0 à Quevilly Rouen en National : ce soir-là, il avait présenté sa démission à son président, lequel lui avait opposé une fin de non recevoir. C’est dire les liens forts qui unissent les deux hommes.

D’ailleurs, la suite allait donner raison à Christophe Gauthier puisque Le Puy Foot remonta la pente de manière impressionnante, ne voyant son élan stopper que par la FFF, à neuf journées de la fin, alors que le maintien s’était rapproché à un petit point seulement. Un coup dur pour Le Puy Foot.

L’élimination de Nice, plus bel exploit du club

Des coups durs, Vieira en a connu d’autres, comme cette saison 2021-2022 durant laquelle son équipe ne disputa que huit matchs de championnat (4 victoires et 4 nuls) alors qu’elle semblait partie pour batailler avec Béziers pour la montée. Une déception de plus, atténuée par l’élimination de Lorient (Ligue 1) au stade Massot, 1 à 0, en 16e de finale de la coupe.

Mais c’est cette saison, paradoxe suprême, et alors que son équipe était dans le dur en championnat, que Le Puy Foot a signé le plus bel exploit de son histoire en éliminant l’OGC Nice en 32e de finale de la coupe (1 à 0). Une joie là encore éphémère, atténuée quelques semaines plus tard par une élimination aux tirs au but en 16e de finale, contre Vierzon (N2).

De la régularité, de la constance, voilà ce qui a manqué cette saison aux Ponots pour éviter l’une des six dernières places, mais pas seulement, comme le confiera Roland Vieira dans l’entretien qu’il nous a accordés en exclusivité.

Petite ville rurale, enclavée dans son territoire de Haute-Loire et riche en monuments, Le Puy va perdre un autre de ses monuments : son coach. Un homme accessible qui s’est donné onze année durant pour son club, qu’il a contribué à faire grandir, et que tout le monde connaît et salue dans la rue. Un homme proche des gens qui a passé autant de temps au pays de la lentille qu’au pays de la quenelle, à l’Olympique Lyonnais, son autre club de coeur.

Après son dernier match face à Borgo, quand l’émotion sera au-dessus de tout, il rendra son impressionnant trousseau de clés à son président, pour le temps des au-revoir. Car on ne dit jamais adieu à sa famille.

Roland Vieira : « Frustré de partir sur un échec »

Roland, vous avez vu vos dirigeants mercredi soir : que leur avez-vous dit ?
J’ai rencontré mon président, Christophe Gauthier, en compagnie du directeur financier, Philippe Thiebault, afin de leur faire part de mon envie d’arrêter l’aventure avec Le Puy Foot 43, qui dure depuis 11 ans, pour prendre une autre direction. Je leur ai dit aussi que je voulais me servir de cette expérience et de tout ce que j’ai appris ici, pendant cette longue période, pour prendre un autre envol.

Quelle a été leur réaction ?
De leur côté, ils avaient aussi envie de tourner la page, de passer à autre chose. Je pense que tout le monde en avait besoin, eux comme moi. Eux, pour le projet du club, pour préparer la suite, gérer l’inter-saison et la descente. Et moi, parce que onze années au club, dont dix comme coach, c’est « très très » long. Et cette saison est éprouvante. Je pense sincèrement que c’est la bonne décision pour tout le monde.

Contractuellement, vous auriez eu une année supplémentaire en cas de maintien en National, c’est bien ça ?
Oui, mon contrat aurait automatiquement été renouvelé mais c’est l’occasion de dire que ma décision de stopper aurait été absolument identique si on s’était maintenu en National.

Pourquoi ce timing ?
Il y a des nouveaux projets à construire. Le but, c’est que tout le monde puisse le construire, chacun de son coté. Je pense que c’était le bon moment. Je ne suis pas capable de vivre avec des non dits ou des messes basses, donc je souhaitais informer tout le monde, le plus tôt possible, afin de permettre à chacun de gérer son projet. cela va bien au-delà d’une simple discussion entre le président et moi.

« On aurait déjà dû se quitter la saison passée… »

Avec Olivier Miannay, le manager général.

Cette décision n’est pas intervenue sur un coup de tête : vous l’aviez déjà prise depuis un certain temps. Quand ?
Non, bien sûr, ce n’est pas un coup de tête. Je l’avais même déjà envisagé la saison dernière, après notre montée en National. Mais en fait, à ce moment-là, je pense que j’ai été happé par l’euphorie de l’accession. L’envie de faire la saison de National a pris le dessus. Pourtant, j’ai eu le sentiment, déjà, que l’on aurait dû se quitter à ce moment-là. Je savais que le moment était venu pour moi de prendre une autre direction. De retrouver un autre projet, avec d’autres ambitions, mais voilà… Et la saison qui a suivi, cette saison, a été très compliquée pour moi.

On imagine qu’elle a été prise en famille aussi ?
Aujourd’hui, ma famille, c’est mon socle. Cette décision a été mûrie avec elle. On l’a prise ensemble. Toute ma famille, mon épouse Sophie la première, est au service de ma carrière, ça a été flagrant la saison passée quand je passais mes diplômes du BEPF et que j’ai souvent dû m’absenter, qu’il a fallu aussi « gérer » la naissance d’un quatrième enfant. Ma famille aussi a envie de bouger.

Au Puy, vous étiez plus qu’un coach : vous étiez très impliqué, au point d’être un ambassadeur du club, qui était votre deuxième maison…
C’est vrai qu’avec les dirigeants, on a participé à sa construction. J’étais impliqué dans toutes les discussions, dans tous les projets, et avant l’arrivée d’Olivier (Miannay) en 2018, j’ai aussi un peu occupé ce rôle de manager général, qu’il occupe aujourd’hui. Je gérais l’organigramme des éducateurs, je m’occupais de l’équipe une, des plannings, etc. On a mis de l’exigence aussi. On est passé à des entraînements en journée au lieu du soir, on a privatisé le terrain d’honneur du complexe Massot pour l’équipe fanion, on a refait le stade, la tribune, les locaux administratifs, les vestiaires, et tout cela a été un réel plaisir, parce que ça me ressemble. Je me suis impliqué à fond dans ce projet, où les valeurs humaines étaient au centre, même j’ai pris beaucoup de temps sur ma vie familiale.

« Rodez et Bourg, les modèles à suivre »

De quel autre club avez-vous suivi le modèle ou auriez-vous voulu ressembler ?
J’ai toujours suivi l’évolution de Rodez et de Bourg-en-Bresse, des clubs qui, à un moment donné, sont allés chercher la Ligue 2, et je pense qu’on était un club à construire de la même manière qu’eux. Mais là, le club est arrivé à un moment charnière, où son avenir doit reposer sur une rencontre avec un mécène, ou sur une collectivité, une région, je ne sais pas, mais quelque chose qui aide à avoir un club de haut niveau, or à un moment, on n’a pas pu évoluer, alors que Bourg et Rodez, par exemple, ont construit des actifs. J’ai lu l’interview de Gregory Ursule, le manager général de Rodez, dans vos colonnes : Le Puy a les mêmes valeurs que son club, dont le projet est construit autour de valeurs humaines. Aujourd’hui, c’est aussi ça la clé de la réussite : on a besoin de se faire confiance, on a besoin de se parler, de travailler tous ensemble main dans la main. On a aussi besoin de passer par des moments difficiles car c’est ça qui vous fait avancer. Au Puy, on a construit des montées après des saisons compliquées. On a su où aller, avec qui y aller et comment y aller.

Il devait y avoir de l’émotion avec les dirigeants, non ?
Forcément, oui, après, là, elle est un peu entachée par la descente, ce qui fait que la situation était particulière. Mais les jours et les semaines à venir vont être chargées en émotion, c’est sûr. Après, je ne fais pas de faux discours, ni à mes dirigeants, ni à mes joueurs. C’est pour ça que j’aime travailler longtemps avec les joueurs, parce que je pense que de cette facon-là, on peut franchir des paliers, en bossant 2 ou 3 ans ensemble, mais à un moment ou à un autre, notre métier fait que l’on se sépare. Je ne peux pas ne pas appliquer à moi-même ce que j’ai dit à mes joueurs pendant ces dix ans. Les arrêts sont toujours un déchirement ou peuvent être sources de conflit, parce que parfois, ce ne sont pas des décisions partagées, mais voilà, toutes les fins sont particulières. Pour moi, pour le club, celle-là est peut-être un mal pour un bien pour tout le monde.

« La dernière marche a été plus compliquée »

Dix ans sur le même banc, dans le football moderne, et à ce niveau, c’est très rare : n’aviez-vous pas l’impression d’être un cas à part ?
C’est ce qu’on s’est dit avec les dirigeants : on a passé 11 ans ensemble, dont 10 avec moi à la tête de l’équipe fanion, et on a connu 9 ans de réussite, il ne faut pas l’oublier, même si cette 10e saison se termine sur un échec, avec cette descente en N2. Ce qui a fait le force du club, c’est cette longévité justement. On a vraiment connu de belles réussites pendant ces 9 saisons, avec une montée en CFA, deux montées en National sur deux exercices complets en 2019 et en 2022, car il ne faut pas oublier non plus que les deux saisons 2019/20 et 2020/21 ne sont pas allées à leurs termes. Moi, je considère que les deux saisons où on est monté, c’est comme si elles s’étaient suivies. Et monter deux fois en National d’affilée comme on l’a fait, c’est rare. Et vous savez comme c’est difficile à réaliser.

Partir sur un échec, n’est-ce pas un peu « dévalorisant » ?
C’est surtout une grande frustration. Bien sûr que j’aurais préféré arrêter et partir sur un maintien, laisser le club en National, et je le répète, je serais parti quand même. J’ai dépensé beaucoup d’énergie cette saison. J’ai énormément donné de ma personne. J’aurais aimé que l’on se quitte sur une nouvelle note positive, malheureusement, la saison se termine avec un goût amer, mais on doit faire un constat individuel et un constat « club » : ce qu’on a fait pendant 10 ans, il ne faut pas le mettre de côté, on a construit le club, on l’a fait évoluer, jusqu’en National, deux fois, mais cette marche-là, la dernière, a été plus compliquée pour tout le monde.

« Cette saison, le mental a été défaillant »

Florent Balmont, l’ami, l’adjoint.

La marche était-elle trop haute cette saison pour Le Puy Foot ?
Je pense qu’aujourd’hui, pour tous les clubs qui nous ressemblent, la marche devient vraiment très compliquée, car ce championnat National tend de plus en plus vers une Ligue 3 professionnelle, avec des stades et des adversaires qui pour certains ont connu la Ligue 2 voire la Ligue 1, et d’ailleurs, on voit de moins en moins de clubs « estampillés National » comme on l’avait connu il y a 3 ans lors de notre première saison. Trouver notre place dans ce championnat a été compliqué, même si on a pris beaucoup de plaisir à aller jouer dans des stades magnifiques.

Le Puy Foot avait connu deux grosses désillusions en 2020 et en 2021 en raison de la Covid-19, et avait été freiné dans sa progression : pourtant, vous étiez parvenu à relancer la machine, à vous remettre dedans..
Oui, chaque année, on a avait réussi à maintenir cette dynamique collective, même lors de la saison blanche en National 2, en 2020/2021 (8 matchs de championnat disputés seulement), où l’on a réussi à éliminer un club de Ligue 1 en coupe de France (Lorient), chose que l’on n’avait jamais réussi à faire avant. On a maintenu cette flamme, on a réussi à monter deux fois de suite de N2 en National, honnêtement, tout ça, ça sera difficile de faire mieux. C’est pour ça que c’est le moment de se quitter. Il faut savoir tourner la page. On a fait des choses extraordinaires tous ensemble. On finit sur une descente, ok, mais mais on a battu une nouvelle équipe de Ligue 1 en janvier en coupe de France (Nice). Seulement voilà, on a aussi eu des difficultés tout au long de la saison, ça a été compliqué de les surmonter.

Le stade Massot.

Qu’a t-il manqué au Puy Foot, que l’on a longtemps cru en mesure de jouer le maintien jusqu’à la dernière journée ?
C’est vrai que la construction de notre saison était intéressante et l’histoire que l’on racontait, celle d’une équipe qui devait être présente lors des cinq dernières journées de championnat pour le sprint final, l’était aussi. Et nos prestations étaient intéressantes je pense, notre projet de jeu aussi, on l’a bien vu, puisque l’on a titillé toutes les équipes du haut de tableau, même Dunkerque vendredi dernier. Mais je pense que le mental a été défaillant. Les émotions et les exigences dans ce domaine ont eu raison de nous. Et puis, il y a ce match de Martigues à Massot il y a un mois : on mène 2-1 face au leader, et on encaisse un but dans le temps additionnel. Cela nous a fait très mal dans la tête, et derrière, toutes les problématiques d’une équipe qui jouent le maintien ont rejailli. Et à ce moment là, les ressorts, les leviers, ont été compliqués pour nous. On n’a pas su redonner de la force mentalement aux joueurs.

« Après Martigues, on a perdu notre détermination »

C’est vrai que ce 2-2 face à Martigues et surtout ce scénario a été ressenti comme un énorme coup d’arrêt, comme une défaite même…
En fait, je ne l’ai pas ressenti tout de suite ni dans les jours suivants, mais sur le match d’après, contre Le Mans. Là, on avait perdu notre force collective et notre détermination, on n’y était plus, alors que l’on faisait souvent des fins de match de folie, que l’on avait du dynamisme. Il y a eu comme une forme de résignation. Malgré tout, on a retrouvé notre équipe lors de la dernière journée, à Dunkerque, et même dans la défaite (1-0), on a montré une belle image et on a eu une belle vie de groupe. En fait, on a eu ce trou d’air (Martigues, Le Mans, Bourg) qui nous a fait mal, en ne prenant qu’un point sur neuf.

En National 2, vous étiez resté invaincus toute la saison passée à domicile, et c’est là que vous avez péché cette saison : comment expliquer cela, indépendamment du fait que le niveau des adversaires n’est pas le même ?
Ce sont les débuts de saison qui s’écrivent d’une façon ou d’une autre : quand on gagne, cela devient vite une force et à l’inverse quand on est fébrile, cela donne une force à l’adversaire, c’est un engrenage. Après, on doit faire aussi le constat de notre pelouse, cela nous a porté préjudice mais attention, ce n’est pas une excuse. Je vois qu’à Dunkerque, par exemple, ou sur des beaux terrains, on a fait des prestations que l’on n’aurait eu plus de mal à reproduire à domicile. Encore une fois, je le répète, si on veut se maintenir, il faut avoir la force mentale de passer au dessus de tout ça, et ne pas prendre ça comme une faiblesse, comme on avait su le faire la saison passée en National 2.

« Avec Flo (Balmont), on veut recréer notre binôme »

Que retenir de positif de cette saison ?
Que l’on apprend dans la difficulté. Personnellement, j’ai énormément appris. J’ai aussi pris du plaisir dans ce championnat, j’ai vu notre capacité technique et tactique à exister. Notre position, dans les six derniers, était dure à vivre toute la saison, mais j’ai appris beaucoup de choses dans la gestion des relations humaines, avec les joueurs, le staff. On a bien travaillé je pense, y’a quand même des points positifs. Et avec Flo (Florent Balmont, son adjoint), on a su créer un binome. D’ailleurs, nous souhaitons repartir ensemble, tous les deux, et reforme ce binôme, ailleurs.

Votre carrière de coach a commencé par un très long bail alors que, joueur, vous avez sans cesse changé de club…
C’est vrai que 11 ans au Puy, c’est tout l’inverse de ma carrière, mais j’aurais rêvé de jouer dans un seul club, parce que je suis fidèle et investi. Mais voilà, j’étais avant-centre… Donc certaines saisons, quand ça marchait bien, j’étais demandé. Inversement, quand ça ne marchait pas, on me mettait dehors ! C’est ce qui explique ma carrière de joueur en dents de scie, avec beaucoup de mouvements. J’ai été pro, puis j’ai fait le choix de repartir en amateur pour préparer ma reconversion et passer mes diplômes. La réalité, c’est que je suis un homme de projet et de valeur. J’aime la stabilité et travailler dans la durée. J’aurais aimé, joueur, le faire. Ma fidélité reste la même, que ce soit avec l’Olympique Lyonnais, où j’ai une véritable histoire de coeur avec ce club, tout comme avec Le Puy; dans tous les clubs où je suis passé, même si parfois cela n’a pas duré longtemps, j’ai aussi une histoire. Je suis resté en contact avec beaucoup de dirigeants que j’ai rencontrés.

« On n’est absolument pas en roue libre »

Quelles images, quels souvenirs garderez-vous en premier ?
Il y en a beaucoup ! Les montées, forcément, car ce sont des émotions folles ! La capacité à monter une fois et à remonter une seconde fois en National. On a fait de belles choses ! Nos parcours en coupe de France, avec deux clubs de L1 éliminés. On a fait connaître Le Puy ! Je me souviens quand je suis parti de Lyon pour aller au Puy, les Lyonnais me disaient « mais tu vas où ? » Aujourd’hui, il n’y a pas un Lyonnais qui ne connaît pas le club, et même jusqu’à Paris, on a réussi à place le club, la ville et le territoire sur la carte de France, même si parfois on nous confond avec Le Puy du Fou ! Mais je suis très fier d’avoir participé à la construction et à l’évolution du club, à sa participation en National, dans un championnat qui pour moi est professionnel, et je lui souhaite de retrouver ce niveau le plus vite possible.

On parle comme si la saison était finie, or il reste trois matchs, dont deux, face à Concarneau et Nancy, où votre rôle d’arbitre pour la montée et la descente sera scruté… Pourtant, tout le monde voit Concarneau s’imposer chez vous…
Tout le monde pensait que Dunkerque aurait un match facile contre nous la semaine dernière et tout le monde a vu que cela n’a pas été le cas du tout. On n’est absolument pas en roue libre. On sait très bien qu’il peut se passer des choses pendant l’intersaison, donc on veut aller chercher la meilleure place possible. Imaginez qu’il y ait des repêchages… En tout cas, même si Le Puy Foot était repêché, je ne serai pas son entraîneur l’an prochain. Donc notre volonté est de se bagarrer jusqu’au bout.

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Texte : Anthony BOYER / Mails : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06

Photos : Le Puy Foot 43 / Sébastien Ricou

 

Le manager général du RAF (Ligue 2) passe en revue les grandes lignes d’une saison 2022-23 marquée par les travaux du stade, le changement de coach et la course au maintien, bien engagée. Il évoque aussi l’avenir de son club, très ancré dans son territoire, et l’esprit qui y règne.

Grégory Ursule, manager général du RAF.

L’on ne sait pas si c’est l’effet de la « pub » (« Un Mars et ça repart ! ») ou l’arrivée des beaux jours, mais si la Ligue 2 avait ouvert le 1er mars 2023, et bien c’est l’équipe de Rodez qui serait, aujourd’hui, en tête du championnat !

C’est très sérieux : depuis la 26e journée, le RAF est sur un rythme de champion, devant Metz, Bordeaux et Le Havre (19 points engrangés en 8 matchs, contre respectivement 18, 17 et 16).

Voilà qui donne une idée du niveau actuel des Ruthénois, eux qui n’en menaient pourtant pas large après deux mois de janvier et février où la maigre récolte (4 points en 8 matchs) a fait dégringoler le club du président Pierre-Olivier Murat jusqu’à la dernière place, occupée de la journée 23 à la journée 25. Paradoxalement, durant cette période, le RAF a trouvé le moyen de se hisser en 1/4 de finale de la coupe de France, après des qualifications notamment à Saint-Etienne (L2), à Monaco (L1) et à Auxerre (L1). C’est donc bien qu’il y avait de la qualité.

Depuis cette journée 25, quelle remontada ! En huit journées de championnat, le RAF a, accrochez-vous, repris 16 points sur Laval, 15 sur Niort, 14 sur Annecy, 13 sur Valenciennes et aussi 10 sur Nîmes, bref, sur tous ses concurrents directs ! C’est énorme ! Au point qu’à cinq matchs de la fin de saison, les joueurs de Didier Santini, appelé sur le banc le 8 novembre dernier en remplacement de Laurent Peyrelade, juste avant un déplacement à Saint-Etienne (J15) – qui s’est d’ailleurs soldé par un succès 2 à 0 -, sont (presque) assurés de se maintenir.

Vers une 5e saison de suite en L2

Contre Saint-Etienne (2-2), le 30 avril dernier.

Avec 41 points et 7 longueurs d’avance sur le premier relégable, Laval, ainsi qu’un goal-average intéressant (-4), on voit mal en effet comment les Aveyronnais pourraient laisser échapper leur billet pour une 5e saison de suite en Ligue 2, record du club !

Record car dans son histoire, Rodez a certes évolué pendant 4 ans en Division 2 dans les années 80 et 90, mais dans une période entrecoupée d’une descente en D3 (saison 1988-89 puis de 1990 à 1993).

Ces années « vintage », Grégory Ursule les a connues. Il avait 14 ans lorsque, durant la saison 1990-91, le Stade Ruthénois (le club est devenu le RAF en 1993) a affronté l’Olympique de Marseille en demi-finale de la coupe de France, au Vélodrome (élimination 4-1) après des qualifications contre Metz (D1) et Sochaux (D1). Il était d’ailleurs dans les tribunes !

Il avait 14 ans, donc, et était sur le point de signer sa licence au club de la « grande ville » voisine, après des débuts à Onet-le-Château, la commune limitrophe. C’est dire si celui que l’on appelle « Greg » a les couleurs « sang et or » dans les veines.

« J’ai effectué mes débuts à l’Eveil Sportif des quatre saisons, du nom du quartier d’Onet, où j’ai grandi. Je suis parti à 15 ans à Rodez, où j’ai un peu tout vécu, tout connu. Ce club a marqué mon adolescence : j’ai vu la Division 2, j’étais au match en demi-finale de coupe de France en 1991 contre l’OM, puis j’ai vécu la descente aux enfer alors que j’étais encore licencié, le centre de formation a été déclassé. J’ai grandi dans ce club en crise, mais cela ne m’a pas empêché de prendre du plaisir, et cela m’a permis de « sortir » aussi, comme d’autres, Sylvain N’Diaye notamment. »

Avec Rodez, en 15 ans Nationaux, ses coéquipiers s’appellent Sylvain N’diaye et Olivier Monterrubio. Le début d’un joli parcours qui le conduira ensuite aux centre de formation des Girondins de Bordeaux à l’âge de 18 ans, puis au Stade Rennais (une saison), à l’AC Ajaccio (Ligue 2), Gueugnon (Ligue 2) avant de boucler la boucle, comme il dit, en 2005, à Rodez, en CFA (National 2).

Football et études en parallèle

Il n’a que 28 ans à son retour chez lui, en Aveyron (il est né à Rodez), mais ses blessures à répétition l’ont freiné et, surtout, il sait que son cursus universitaire peut l’aider dans sa reconversion, lui qui a toujours poursuivi des études en parallèle. « Poursuivre les études parallèlement avec le foot, c’était une volonté de mes parents, de ne jamais lâcher les deux. Il y a toujours eu ce double projet, foot et études, c’est pour ça que j’avais choisi Bordeaux au départ, parce que le club était organisé pour mener les deux projets à la fois. J’ai d’abord fait un cursus STAPS à Bordeaux puis à Rennes. Ensuite, j’ai fait un Master – ça s’appelait « maîtrise » à l’époque – et quand je suis rentré à Rodez, à 2005, j’ai fait un Master 2 à l’IAE de Toulouse (l’IAE est devenu le « Toulouse school of management ») en « Ingénierie et management des organisations sportives ». Enfin, j’ai passé un DU (diplôme universitaire) de manager général à l’université de Limoges. »

Le stade Paul-Lignon fait peau neuve.

Limoges, où, il fait connaissance d’un certain Zinedine Zidane, étudiant comme lui ! On ne va pas refaire l’histoire ! Tout le monde la connaît déjà ! Véronique, l’épouse de Zizou, est originaire … d’Onet-le-Château, comme Gregory ! Puis le ballon d’Or 1998 devient actionnaire du RAF en 2012, quand le club était en CFA, et le fils, Enzo, portera plus tard le maillot du club en Ligue 2, saison 2021-2022.

Dans un emploi du temps hyper-chargé – « Le football est très chronophage » -, où il essaie de garder des moments en famille, « Mais ce n’est jamais assez, dit-il, heureusement, ils sont compréhensifs », Grégory (46 ans aujourd’hui) a tout de même trouvé le temps de nous consacrer un entretien. Presque un double exploit quand on sait que l’intéressé, discret mais aussi réfléchi, posé et un brin réservé, n’aime pas se mettre en avant : « Donner des interviews, ce n’est pas mon rôle, explique-t-il; le président est là pour ça, le coach est là pour parler de la partie technique. » Et ce matin, à l’heure du café plutôt qu’à l’heure du « 13 heures », Grégory est là pour parler de la partie « structuration » du RAF !

Interview : « A Rodez, on n’est jamais tranquille ! »

Avec 7 points d’avance sur le premier relégable le club est enfin plus tranquille aujourd’hui ?
On n’est jamais tranquille à Rodez, et c’est ce qui fait la beauté de ce projet. On a vécu des années tellement compliquées vers 2010, suite à notre descente en CFA (National 2). On a remonté un projet. Les gens se sont investis à fond. On a gardé notre identité. On est très attentifs aux gens qui sont venus partager cette aventure avec nous. On sait que cela deviendra de plus en plus compliqué, mais ce qu’il faudra, c’est laisser un héritage, quoi qu’il arrive, pour que ce passage en Ligue 2 puisse bénéficier au club dans les années futures.

En évoluant en Ligue 2, Rodez a-t-il atteint son plafond de verre ?
On est conscient de notre position de club. C’est pour ça que l’on arrive à s’en sortir justement. Car à Rodez, on a l’humilité de savoir qui on est, et c’est ce qui nous fait progresser. Maintenant, si on se maintient cette saison, et pour cela je pense qu’il nous faut encore 3 points, on sera dans un championnat de L2 encore plus difficile l’an prochain (avec les quatre descentes de Ligue 1 notamment). Ce sera comme une Ligue 1 bis. Sans être trop péjoratif, pour l’instant, je nous considère comme un club de National qui évolue en Ligue 2, et on joue contre des clubs de Ligue 1 : c’est pour cela qu’il faut relativiser certaines choses et rappeler aux gens de notre territoire, rappeler à nos supporters, à nos joueurs aussi, quelle est notre place. Il faut continuer à bosser.

Quid des travaux du stade Paul-Lignon ?
Il y aura quatre tribunes fin 2024 ! On est en train de faire un véritable petit stade à l’anglaise, qui ressemblera beaucoup à ce que sont les Aveyronnais, avec de la proximité, de l’humilité et un confort supérieur à notre ancien stade des années 80 ! La première phase, avec les trois tribunes, s’achève en juin 2024 et pour la quatrième tribune, celle derrière les buts, la terminaison est prévue fin 2024 : ça arrive vite ! On est actuellement à une jauge de 3263 places, en capacité : contre Saint-Etienne, samedi dernier, on était à guichets fermés ! C’est juste dommage que l’on n’ait pas pu placer les caméras dans l’autre sens, face à la tribune, mais ça, c’est à cause du chantier, et ce n’était pas possible. C’est quand même une fierté de pouvoir amener des équipes comme celles-ci, comme Saint-Etienne dans notre région, et des publics comme le leur aussi : on a pu voir la ferveur des supporters des Verts, tout le peuple vert et sa dimension.

Avec 7 points d’avance, le maintien en L2 est quasiment acquis, non ?
On s’est fixé une barre de 43 points à aller chercher, on en a 41. On a donc encore quelques points, sans doute 3, à prendre. Maintenant, c’est certain qu’on est mieux là qu’il y a quelques journées, mais on reste « très très » vigilant sur notre situation. Surtout que l’on doit encore se déplacer chez les deux premiers, au Havre (samedi) et aussi à Bordeaux.

Qu’est ce qui fait que Rodez a su remonter la pente en mars et en avril et inverser la tendance ?
Deux choses : tout d’abord, on a pris conscience de la difficulté dans laquelle on était. Ensuite, on a, malheureusement, une certaine expérience de jouer dans ce type de situation, de jouer le maintien, de lutter : ça nous a un peu aidé. Et Didier (Santini) le coach, malgré son inexpérience de la Ligue 2, a amené toute sa fraîcheur. Les joueurs ont adhéré et ont été récompensés finalement, même si la saison n’est pas terminée. Depuis qu’on est en Ligue 2, on fait de tout, on fait des départs canons et des arrivées faméliques, on fait des départs compliqués et des finaux « de fou » comme l’an passé … Cette saison, on aurait aimé vivre une saison plus tranquille, pour notre stratégie de club, mais cela n’a pas été possible.

Le coach Didier Santini.

A propos de Didier Santini, le choix de l’enrôler pour remplacer Laurent Peyrelade a pu surprendre, mais finalement, c’est une réussite…
Le pari sera réussi en cas de maintien. Ce choix a étonné le monde du football, peut-être, mais on cherchait un entraîneur avec de la fraîcheur et de l’envie, et Didier en avait, malgré son inexpérience du niveau Ligue 2. On sortait d’une très belle aventure avec Laurent (Peyrelade) qui reste un très grand technicien et un très grand entraîneur, et à qui on doit beaucoup, mais il arrivait à la fin d’un cycle et n’avait pas forcément l’énergie nécessaire pour cette saison. On s’est d’ailleurs longuement posé la question à la mi-saison… En fait, s’il n’y avait pas eu cette trêve internationale en novembre, on n’aurait pas fait ce changement, mais ce calendrier nous a permis de changer quelque chose. Peut-être qu’on aurait réussi avec Laurent, mais il fallait prendre une décision, et on l’a prise juste avant la trêve, d’ailleurs. J’espère qu’on réussira avec Didier.

Se séparer de Laurent Peyrelade a dû être un crève-coeur…
Oui, quand tu as vécu 7 ans avec quelqu’un, et passé autant de bons moments, humainement, on s’attache. Je lui souhaite de retrouver un beau projet, il a en tout cas toutes les qualités pour entraîneur au haut niveau, il le mérite. Mais au bout d’un moment, une certaine lassitude s’est installée au niveau du groupe, le discours passait plus ou moins bien, et quand tu es dans la difficulté, tu n’as pas forcément l’énergie nécessaire pour le faire passer. On a choisi de changer et cela a été extrêmement douloureux comme décision, contrairement à l’impression que cela a donné de l’extérieur, et après ça, il a fallu vite se remobiliser, et on y est parvenu.

Comment décrirais-tu le RAF de l’extérieur ?
C’est un club atypique, avec des valeurs humaines au centre du projet. Tous les gens qui sont passés par notre club, qui l’ont côtoyé, ont senti cette humanité chez nous, à l’image de notre territoire. A Rodez, on est des laborieux, on a une grande passion pour le travail, et c’est grâce à ce travail que, du coup, on est récompensés.

Et sur un plan personnel, qu’est-ce qui te plaît au RAF ?
A Rodez, on n’a jamais trop su où se situer, on est enclavé, on se bat toujours pour savoir si on est au nord de l’Occitanie ou au sud du massif central. Ces deux dernières saisons ont permis de situer Rodez et l’Aveyron sur la carte de France ! On est un club territorial et on a une grande fierté à défendre ce territoire, c’est notre force au quotidien.

L’avenir du club, c’est de l’installer en Ligue 2 ou, pourquoi, de rêver un jour à la Ligue 1 ?
La Ligue 1, c’est mon président qui en rêve tous les jours, et j’ai beau être un doux rêveur, je suis aussi un cartésien. S’il y a la Ligue 1 un jour, cela passera forcément par le travail. Là, pour l’instant, on va avoir un bel outil, qui va nous aider dans notre développement. Et on a aussi d’autres chantiers, comme le centre d’entraînement et de formation : pour l’heure, on est dans la phase du foncier. Ce projet est en genèse. On voit bien que l’on n’est pas encore au bout du projet. Notre passage en Ligue 2 nous donne quelques années d’avance sur notre plan de marche, et j’espère que l’on en tirera un plein usage. Après, pour la Ligue 1, rien n’est impossible dans le football. Le modèle de Guingamp et d’Auxerre l’ont prouvé. C’est pour ça que dans un coin de notre tête, on peut toujours y penser.

Tu es manager du club depuis 2011 : qu’est-ce qui te plaît dans cette fonction ?
C’est le management de projet, en l’occurrence celui d’un projet territorial, où on touche à tout, pas seulement au domaine sportif. Souvent, on m’appelle « directeur sportif » plutôt que « manager », surtout depuis que l’on joue en pro, mais ma construction de carrière est quand même celle d’un   manager général. Il y a beaucoup de travail administratif et de développement de club, des projets, de la gestion des ressources humaines, c’est passionnant. Cela demande beaucoup d’énergie, et j’en ai encore beaucoup à revendre, mais parfois, c’est compliqué comme job !

Sur ton CV, on constate que tu as aussi été entraîneur de Rodez…
Oui ! J’ai mon DES, je peux entraîner jusqu’en N2. J’ai fait deux fois le pompier de service à Rodez, en CFA, pour le bien du club ! D’ailleurs, j’ai un bilan plutôt flatteur (11 matchs, 6 victoires, 2 nuls et 3 défaites) (rires) ! C’était après Franck (Plenecassagne, aujourd’hui directeur du football du RAF) je crois et après Rui Pataca.

Entraîner est donc une corde de plus à ton arc : cela ne te convient pas , ce job ?
J’ai toujours aimé l’entraînement, la compétition, le management de la compétition, c’est super intéressant. Je regarde beaucoup les entraîneurs de haut niveau, leur comportement, leur attitudes, ça me plaît énormément. J’aime les entraîneurs précis et distants. J’aime quand, dans leur discours, y’a jamais d’euphorie ou de panique. J’aime ces entraîneurs qui restent « stables », j’aime aussi ceux qui sont chauds sur le bord du terrain, qui sont passionnés. J’écoute aussi leurs conférences de presse et j’aime cette vision qu’ils ont de rester très cartésiens quant à la possibilité de gagner ou de perdre un match. J’aime quand ils ont du recul, en fait. Quant à moi, après ma carrière de joueur, je ne voulais pas reprendre mon baluchon, et l’aspect terrain au quotidien ne m’a pas attiré.

Gregory Ursule, du tac au tac

Sous le maillot de l’AC Ajaccio, en Ligue 2.

Ton meilleur souvenir sportif de joueur ?

J’en ai deux : la montée en Ligue 1 avec l’AC Ajaccio et le 8e de finale de coupe de France, remporté face au PSG, en 2009.

Meilleur souvenir de dirigeant ?

Le match de la montée en Ligue 2 avec Rodez contre Boulogne-sur-Mer, c’était l’aboutissement d’un projet. C’était incroyable. Surtout qu’au début de saison, on ne pensait pas en arriver là !

Pire souvenir de joueur ?

Joueur, c’est l’année où j’arrête ma carrière, en 2011, on descend de National en CFA. C’était une saison compliquée, avec un championnat à 21 équipes, on a sombré.

Pire souvenir de dirigeant ?

Notre descente sportive en CFA en 2015, on perd à Marignane à l’avant-dernière journée, et derrière, il y avait une autre journée, mais on était exempt… Mais on s’est maintenu administrativement car on a été repêché.

As-tu déjà marqué des buts ?

Très peu ! Mais j’en ai mis un notamment avec Rodez contre Fréjus, on me le ressort à chaque fois que c’est mon anniversaire (rires) ! Je pense que c’est mon plus beau but !

Ci-dessous, le but de Grégory Ursule contre Fréjus.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?

Petit, à l’école, j’avais répondu « footballeur » à la question « quel métier voulez-vous exercer ? » et l’institutrice m’a dit que ce n’était pas un métier, qu’il fallait que je mette autre chose, alors j’ai copié sur mon voisin qui a mis « polytechnicien », je ne savais pas ce que ça voulait dire, alors bon… J’ai toujours voulu être footballeur, c’était ma passion, et j’ai rencontré à Font-Romeu Jean Tigana, en 1986 je crois, lors d’un stage de préparation au Mondial de l’équipe de France. Tigana m’avait touché les cheveux, je ne me les suis pas lavés pendant 15 jours ! J’ai porté le numéro 14 ensuite, dès que j’ai pu, pendant ma carrière.

Ton geste technique préféré ?

Une transversale à une touche. J’aimais bien casser les lignes, jouer à une touche. Comme je n’avais pas de qualité athlétique ou d’explosivité, il fallait que je vois plus vite que les autres.

Qualités et défauts selon toi sur un terrain ?

Mes qualités, c’était mon volume de jeu, je récupérais beaucoup de ballons, j’étais un leader, dans l’engagement notamment. Mes défauts, techniquement, je n’ai jamais été un as, je n’étais pas très rapide non plus, je manquais d’explosivité.

La saison sportive durant laquelle tu as pris le plus de plaisir ?

C’était pendant ma formation aux Girondins de Bordeaux, c’était des années d’insouciance, on avait gagné la coupe d’Aquitaine et on avait eu le privilège de partir à La Réunion et à l’Île Maurice. Il y avait des joueurs comme Bruno Da Rocha, Kaba Diawara, Kodjo Afanou, Cédric Ancelin, Sylvain Ndiaye, avec moi.

Sur ton CV, figurent deux saisons comme joueur à Gueugnon en Ligue 2…

Oui, j’ai été prêté deux fois à Gueugnon, par Ajaccio, je revenais de blessure à chaque fois. A Gueugnon, j’ai vécu des aventures humaines incroyables. Je ne savais pas si je pourrais rejouer au foot à l’époque. J’ai eu Albert Cartier la première année, il y avait aussi avec Xavier Becas et Fabrice Levrat avec moi, nous venions d’Ajaccio. La 2e année, c’était Thierry Froger le coach. On a rempli deux fois le défi de se sauver ! Quand je regarde mon parcours, je ne suis pas étonné d’être passé dans ce club, familial, qui ressemble à ce qu’est Rodez aujourd’hui, enclavé dans la campagne, dans un milieu rural, avec des gens qui tiennent le club à bout de bras. Gueugnon, c’était exceptionnel. J’y ai retrouvé le football dans lequel j’avais grandi. Je me retrouvais énormément dans ce club.

Une erreur de casting dans ta carrière ?

Sous le maillot du Stade Rennais.

Bien malgré moi, quand je suis parti au Stade Rennais en 1998-99 : ce club m’aurait correspondu s’il était resté ce qu’il était à mon arrivée, à une époque où il faisait souvent l’ascenseur entre la D1 et la D2, sauf que j’ai été recruté avant que François Pinault ne rachète le club qui a pris tout de site une autre dimension avec un gros recrutement international, dont Shabani Nonda, y’avait des super-joueurs. Je suis arrivé dans un club où je n’étais pas forcément désiré, mais je ne leur en veux absolument pas. Du coup, je n’ai pas joué. Seulement en réserve. J’ai quand même passé une super année, et j’ai mêlée cette saison avec mes études, que j’ai pu poursuivre.

Le club où tu aurais rêvé de jouer dans tes rêves les plus fous ?

Le Bayern de Munich, de par ma formation, car j’étais germanophone dans mes études. J’adorais partir en Allemagne. J’adore la culture de ce pays, et celle du Bayern.

Du coup, cette culture allemande, tu t’en sers au quotidien au RAF ?

Je m’en sers, oui, car je suis un besogneux, un laborieux, et j’ai la culture du travail. Quand tu n’as pas de talent, tu es obligé de compenser par le travail, et c’est justement ce qui correspond à l’ADN du club.

Grégory Ursule, à 21 ans, au Stade Rennais.

Une idole de jeunesse ?

Jeannot Tigana. Même type de poste, même type de profil physiologique… J’adorais son jeu et puis il y a le afit aussi qu’il soit métissé : son époque était celle de l’arrivée de joueurs de couleur dans le football. Je me suis beaucoup identifié à lui.

Un coéquipier marquant ?

A l’AC Ajaccio, Samba Ndiaye. Il faisait des gestes en compétition que je n’aurais jamais imaginé que l’on puisse faire ! Il avait des qualités au-dessus des autres. Sinon, j’ai eu la chance pendant mon passage à Bordeaux de côtoyer des grands joueurs, Dugarry, Zizou, Lizarazu, avec parcimonie.

Le coéquipier avec qui tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?

Cyril Granon à Ajaccio. Je m’entendais bien également avec « Toto » Squillaci, mais là c’était plus sur les coups de pied arrêtés. Dans ma 2e vie de footballeur, puisque c’est comme ça que j’appelle ma carrière à mon retour Rodez, je m’entendais bien avec Freddy Castanier.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?

David Jaureguiberry, à Ajaccio.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?

Gernot Rohr (Bordeaux).

Un président qui t’a marqué ?

Michel Moretti à l’AC Ajaccio.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?

Aucun en particulier. Ils m’ont tous appris quelque chose. Même dans l’échec. Par exemple, je pourrais avoir de l’amertume envers Paul Le Guen et Yves Colleu, à Rennes, car je n’ai pas joué, mais avec le recul, je me dis que si je n’ai pas joué, justement, c’est parce que je n’avais pas le niveau. Je n’ai joué qu’en réserve cette saison-là.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?

Geoffroy-Guichard à Saint-Etienne.

Des rituels, des tocs ?

Oui, j aimais bien faire un échauffement particulier avant les matchs. Je m’échauffais seul. Je faisais mes longueurs, j’aimais bien prendre le pouls du stade, le volume, l’environnement, et je mettais aussi des « sous-shorts » fétiches.

Une devise ?

Carpe diem.

Ce qui t’a manqué pour jouer en Ligue 1 ?

Un peu de talent, et moins de blessures. J’ai été beaucoup freiné par les blessures, j’ai eu deux fois les croisés, une double fracture tibia-péroné, une rupture du talon d’Achille… J’aurais pu faire une carrière en Ligue 1 dans des clubs de milieux de tableau si j’avais été épargné, j’avais quand même ce côté leadership sur le terrain.

Un match de légende selon toi ?

Bayen-Manchester, en finale de la Ligue des Champions en 1999 (2-1), avec les deux buts dans le temps additionnel de Manchester, dont celui de Solskjaer à la dernière minute !

Tu étais un joueur plutôt…

Rugueux.

Tu es un dirigeant plutôt…

Cartésien.

Le milieu du foot en deux mots ?

Passionnant et chronophage.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : Rodez Aveyron Football – Cédric Méravilles

Après plus de 500 matchs en pros, l’ancien milieu de terrain de Rennes, Saint-Etienne et Lorient ne se sentait pas prêt à stopper sa carrière. Il n’a pas hésité à passer de la L1 au National avec le FC Versailles qui affronte le Red Star mardi 2 mai lors de la 31e journée.

Alexandra, l’attachée de presse du FC Versailles, nous avait accordé une vingtaine de minutes pour l’interview. Mais Fabien Lemoine a, de lui-même, largement bouleversé ce timing. Ses réponses sont souvent riches et toujours argumentées.

A 35 ans, après plus de 500 matchs en pros avec Rennes, Saint-Etienne et Lorient, le milieu de terrain s’est offert une dernière danse en National avec Versailles, ambitieux promu qui vise la montée en Ligue 2. En toute simplicité et en toute humilité malgré un quotidien très loin des standards du monde professionnel qu’il a connus lors de sa longue carrière.
Ce dernier mois de championnat pourrait être aussi son dernier comme joueur.

En attendant, Versailles, qui n’a plus le droit à l’erreur s’il veut rester jusqu’au bout dans la course à la montée, va disputer un derby décisif contre le Red Star, ce mardi 2 mai (18 h 30 en direct sur Canal + Foot) au stade Michel Hidalgo de Saint-Gratien, le stade de l’Entente Sannois SG.

« Dans ma tête, je n’étais pas prêt à arrêter »

Fabien Lemoine n’est pas prêt d’oublier son dernier été. « J’ai vécu plusieurs semaines compliquées. C’était tempête dans ma tête », se souvient-il. A 35 ans et après une saison tronquée par une blessure à un mollet avec Lorient (21 matches de L1, 13 titularisations), le milieu de terrain à la chevelure grisonnante espérait prolonger le plaisir en L1 dans un rôle différent de « complément ».

Mais quand il revient de vacances, le nouvel entraineur lorientais, Régis Le Bris, lui annonce, quand il le reçoit le 6 juillet 2022, qu’il ne compterait pas sur lui. « Comme ma priorité était de rester à Lorient, je n’ai pas voulu jouer sur plusieurs tableaux. Au lieu du mois de juin, mon mercato a commencé le 14 juillet. On était proche de la reprise de Ligue 2. Beaucoup d’effectifs étaient déjà complets. »

S’il a discuté avec Guingamp (L2), c’est Warren Tchimbembé, prêté par Metz, qui a été recruté plutôt que lui. « On était en ballottage et au final c’est lui qui a été choisi. On était déjà en juillet. Je me suis donc demandé : on arrête sur Lorient ou pas ? Mais mentalement, je n’ai pas réussi à switcher. Je n’étais pas heureux. J’avais le sentiment de ne pas avoir encore fini ce que j’avais démarré il y a une petite vingtaine d’années. Il y a eu discussions collégiales avec ma femme et mes enfants. Mais égoïstement, j’ai tranché. Dans ma tête, je n’étais pas prêt à arrêter. J’ai aussi été en contact avec Nancy mais j’ai choisi Versailles. Les dirigeants m’ont tenu un discours très dynamique. La proximité avec la Bretagne était aussi un paramètre personnel très important. »

« J’ai fui les problèmes quotidiens pour finir ma petite aventure à Versailles »

Pour s’engager le 12 septembre 2022 avec l’ambitieux promu yvelinois, il a néanmoins dû effectuer des concessions sur le plan familial. Il s’est installé seul à Versailles, laissant sa famille en Bretagne. « J’ai fui les problèmes quotidiens pour finir ma petite aventure ici, à Versailles. Il y a le téléphone, mais avec trois enfants de 7 à 13 ans, la gestion du quotidien n’est pas toujours facile. Ce n’est jamais simple de vivre comme ça, surtout qu’on n’y était pas habitué. J’ai la chance que ma femme me laisse la possibilité d’essayer ce mode de vie pour me permettre d’être comme je pense être le mieux possible mentalement. C’est un sacrifice. Je rentre tous les week-ends, c’est pour ça que quand nos matchs sont programmés le lundi, comme souvent ces derniers temps, ça me fait vraiment ch… »

En signant en National, le milieu aux plus de 500 matchs pros a changé de monde. Mais même s’entrainer sur un terrain qui n’est pas vraiment un billard et où l’on entend les scolaires joyeusement chahuter à peine à quelques mètres de la séance dirigée par le coach brésilien Cris, ne le dérange pas.

« C’est forcément différent de ce que j’ai connu, sourit-il. Mais ça fait presque huit mois que je suis là, et aussi bien sportivement que humainement, je n’ai jamais regretté mon choix de venir à Versailles. Je suis en National pour l’amour du foot, l’adrénaline et les émotions qu’il provoque. »

La 3e division, ce sont aussi des terrains pas toujours au top, des petits stades et des affluences souvent réduites. A Jean-Bouin, l’enceinte des rugbymen du Stade Français, Versailles joue ainsi devant à peine quelques centaines de spectateurs. Lemoine a dû s’accommoder à ce contexte. « Je n’ai jamais fait du foot pour la médiatisation et ses à-côtés. Bien sûr que quand tu es un joueur de L1, tu profites du système contractuellement et au niveau relationnel. On ne va pas se cacher que la vie est belle et simple. Mais moi, ce que je kiffe, c’est avant tout le terrain et la vie de groupe. Le National est un Championnat intéressant avec des bonnes équipes et des bons joueurs. Mais dans ma zone, j’étais plus tranquille en Ligue 1 qu’en National. En L1, on prend le temps d’élaborer le jeu, il y a davantage d’espaces. En National, il n’y a pas de phase calme. Il y a beaucoup de transitions, de volume de courses, un pressing quasiment tout terrain. Il a fallu d’adapter. Mais le foot, c’est de l’adaptation. »

« Quand tu n’es pas un joueur « bankable », il faut se battre en permanence »

Depuis ses débuts à Rennes, puis à Saint-Etienne et Lorient, Fabien Lemoine a toujours véhiculé l’image d’un joueur d’abord axé sur le collectif. Sur le terrain, il n’a jamais rien lâché. « C’est ça qui me rend le plus fier. J’ai réussi à durer en optimisant mes qualités intrinsèques de base qui n’étaient pas fantastiques. Ce n’est pas que je me dénigre. Mais j’ai compris rapidement qu’il fallait que je donne toujours plus pour pouvoir jouer. Je n’ai jamais été le joueur à avoir des notes de 8 ou des 9 dans les journaux. Mais des 2 ou 3, non plus. J’étais fiable, régulier et j’ai toujours réussi à m’intégrer dans un collectif. Des joueurs comme moi, il en faut deux ou trois dans une équipe. »

Sa force de caractère lui a aussi permis d’enchainer les saisons souvent pleines en Ligue 1. En novembre, il a dépassé la barre symbolique des 500 matchs pros. « Versailles m’a fait un joli cadeau avec un maillot portant ce chiffre 500. Je me suis toujours remis en question. Même si je sortais d’une saison à 40-45 matchs, je savais que je devais être au top dès la préparation. Quand tu n’es pas un joueur phare de l’équipe, pas « bankable », il faut se battre en permanence car une recrue pour qui le club a réalisé un gros investissement aura forcément toujours plus de crédit. J’ai donc toujours dû aller chercher des choses en plus pour que personne ne me passe devant. Sur mes plus de 500 matchs en pros maintenant, j’ai un gros pourcentage de titularisations, avec des saisons à 45 ou 50 matchs. J’ai tout vécu pleinement car j’ai toujours été un acteur majeur. »

« J’ai montré qu’on pouvait vivre avec et jouer à haut-niveau avec un seul rein »

Sa carrière aurait pu néanmoins pu brutalement s’arrêter en août 2010. Lors d’un match Nancy – Rennes, il est victime d’un gros choc qui lui a causé l’ablation du rein droit. Cet accident revient inévitablement lorsqu’on évoque son nom.

« Sur 90 % de mes interview, ce sujet est évoqué. Mais ça ne me dérange pas car j’en parle facilement. J’ai 16 ans de carrière et seulement 10 buts marqués. On ne va pas se souvenir d’une de mes frappes (rires)… Donc même si ce n’est pas du football, c’est déjà bien qu’il y ait un truc pour lequel les gens retiennent mon nom. J’ai un seul rein mais je montre qu’on peut vivre avec et poursuivre une carrière de sportif de haut-niveau. »

Quatre mois et demi après cette grave blessure qui aurait pu avoir des conséquences vitales encore plus dramatiques pour lui, il était de retour en L1. Encore grâce à son fort caractère et une grosse détermination.

« Mon naturel est vite revenu. Je suis passé à côté d’un gros malheur. Au début, j’étais cramé en faisant 10 minutes de vélo. Quand je reviens en Ligue 1, je fais une passe décisive contre Valenciennes. Là, je me suis dit, c’est bon, c’est reparti. Et le match suivant, l’entraîneur Frédéric Antonetti me laisse sur le banc à Caen. Je me mets en colère. Antonetti me dit, « Comment tu peux te mettre dans un état pareil ? Tu as vu d’où tu reviens et tu fais la gueule parce que je te mets sur le banc « ? Le coach pensait que je n’étais pas revenu à 100 % alors que moi je pensais le contraire. Sur mon lit d’hôpital, j’étais capable de relativiser mais en retrouvant les terrains, je n’étais plus lucide, je croyais retrouver ma place comme ça… Il m’a fallu quelques semaines pour comprendre que ça n’allait pas se passer comme ça ! »

« Je ne me considère pas comme un vieux con »

A Versailles, qui conserve encore une infime chance de monter en L2, Fabien Lemoine s’était engagé pour un an. Il n’a pas encore décidé pour la suite. « Je pense déjà à finir le mieux possible individuellement et collectivement cette saison. Je prends beaucoup de plaisir et je suis très épanoui dans ce que je fais. Mais je devrai tenir compte des attentes du club, de la direction à mon égard, de ma situation personnelle. J’ai fait un an séparé, loin de ma famille. Est-ce qu’on est prêt à repartir dans ces conditions ? »

Qu’il continue ou pas un an supplémentaire sa carrière, il devrait retourner au FC Lorient lorsqu’il prendra sa retraite. Mais ça sera plutôt dans les bureaux que dans un staff d’entraineur. « Le sportif pur sur le terrain ne m’intéresse pas forcément. Je me vois plus dans un rôle autour de l’équipe, comme coordinateur sportif. Mais les places sont chères… Moi, je ne me considère pas comme un vieux con. Mais quand j’avais 18 ou 20 ans, il y avait une barrière avec les anciens. Un ancien, tu ne pouvais pas le « checker » comme ça… Certes, je ne suis pas dans leurs délires à l’extérieur. Mais j’aime bien venir discuter avec les plus jeunes. Comme ça, je reste moderne et quand je dois discuter avec eux, c’est plus naturel et plus fluide dans le cadre qui est le nôtre. Ce n’est pas moi qui vais leur apprendre à jouer au foot mais si je peux trouver le levier qui les fera progresser… Je suis fier quand 5 ou 10 ans après, je recroise un joueur avec qui j’ai évolué et qu’il me dise « Merci Fab »…»

Fabien Lemoine, du tac au tac

Votre meilleur souvenir ?
La victoire en Coupe de la Ligue avec Saint-Etienne en 2013 face à Rennes en finale. 1-0 but de Brandão.

Votre pire souvenir ?
La défaite (2-1) en Coupe de France avec Rennes en 2009 face à Guingamp qui était en Ligue 2.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Mickaël Pagis à Rennes.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Neymar. Je ressortirais aussi le milieu du PSG Thiago Motta-Verratti-Matuidi. Très très fort.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
Je me suis bien entendu avec tous. Quand tu es dans le haut de la pile, c’est magnifique, tout roule. Mais quand tu es dans le bas de la pile et même parfois sous le bureau, c’est un peu plus compliqué… Si je devais en ressortir un, je dirais Christophe Galtier à Saint-Etienne. C’est lui qui m’a fait le plus progresser, changer de niveau.

Le président qui vous a le plus marqué ?
J’ai toujours eu des bonnes relations avec mes présidents. Celui, que j’ai le plus connu, c’est Roland Romeyer à Saint-Etienne. Celui avec qui j’ai le plus échangé, y compris contractuellement, c’est Loïc Féry à Lorient.

Le club où vous auriez pu signer et que vous regrettez ?
J’aurais déjà pu signer à Lorient en 2016. Mais Saint-Etienne m’avait dit non. Et y’a cette dernière année qui s’est moyennement passée pour moi à Saint-Etienne. J’ai eu des regrets mais j’étais sous contrat, donc pas décideur.

Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Dans tous les clubs que j’ai fait, il n’y en pas un où je ne me suis pas senti bien, que ce soit sur le plan professionnel que personnel. Rennes, c’était mes débuts, c’était mon club, celui de ma ville car je viens de Fougères. Tout était simple. A Saint-Etienne, j’ai adoré le club, le stade, les gens… J’ai adoré la mentalité du Forez. Et Lorient, c’est le must au niveau du cadre de vie. J’ai adoré le cadre. J’ai posé mes valises là-bas. C’est là que je vais vivre.

Vos amis dans le foot ?
Romain Hamouma que j’ai connu à Saint-Etienne, qui est un très bon ami. Paul Baysse, aussi. A Lorient, je suis en contact régulier avec Vincent Le Goff. On avait une super bande avec Julien Laporte, Umut Bozok, Jérôme Hergault, Paul Nardi, Pierre-Yves Hamel, Laurent Abergel… C’était notre team Lorient. On a passé beaucoup de temps ensemble. A Saint-Etienne, j’ai côtoyé beaucoup de bons mecs comme Loïc Perrin, Renaud Cohade, François Clerc, Jérémie Clement, Benjamin Corgnet, Jessy Moulin… La chance que j’ai eu, c’est d’avoir été dans des groupes où il avait beaucoup d’affects. Quand tu restes 5-6 ans dans un club, c’est facile à créer. On est toujours ensemble en matchs, en déplacement et durant la semaine, quand tu organises un truc, les femmes et les enfants viennent. Ça devient limite ta petite famille.

Le milieu du foot en deux mots ?
Deux mots, c’est court… Je vais développer un peu (sourire). Ok, le foot c’est un business, une industrie où il y a de l’argent. Mais c’est aussi beaucoup de passion et d’adrénaline. Chaque semaine, ton club, tes joueurs changent de gap. On peut aussi changer de stratégie en cours de saison. Dans le foot, tu es toujours sur le qui-vive. L’adrénaline est toujours liée au résultat. Dans le foot, les hommes changent d’une semaine à l’autre en fonction de ta locomotive qui est l’équipe pro. Tu prends 4-0 le samedi, tu arrives le lundi, tout le monde est dépressif… Nous, en tant que joueur, on a le meilleur rôle. On est acteur, on est toujours proche du sportif. Quand tu es joueur, tu te remets en question, tu te demandes juste « Est-ce que le week-end prochain, je serai titulaire ou non ? » C’est tout. Pour un entraîneur ou un salarié du club, c’est plus compliqué. Un salarié va dépendre de nos résultats. Lui, il n’est pas acteur, il peut juste espérer que les joueurs feront leur travail sur le terrain. Emotionnellement et humainement parlant, je trouve que c’est énorme.

Championnat National – mardi 2 mai 2023 : 31e journée / FC Versailles (5e, 51 points) – Red Star (4e, 51 points), à 18h30, au stade Michel Hidalgo, à Saint-Gratien. En direct sur Canal + Foot.

Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech et FC Versailles

 

Le président du Stade Briochin, qui cumule la fonction avec celles de directeur sportif et entraîneur de la réserve (N3), regarde devant : son équipe est revenue dans la course au maintien en National. Une situation qui semblait encore impossible voilà encore un mois !

Ne vous fiez pas au classement. Encore moins aux apparences. A trois journées de la fin du championnat (l’entretien a été réalisé après le 0-0 contre Nancy,et avant le match au Mans, à quatre journées de la fin, Ndlr), le Stade Briochin (National) est toujours debout. Et son président, Guillaume Allanou, aussi, mais pas pour les mêmes raisons ! Celui qui cumule plusieurs casquettes au club (il est également directeur sportif et entraîneur de la réserve en National 3) a une vilaine hernie discale. C’est pour cette raison qu’il évite de s’asseoir durant cet entretien, accordé quelques heures après le 0-0 au stade Fred-Aubert face à Nancy, en match en retard.

Et c’est justement ce 0 à 0, puis ce 2-2 au Mans, qui permettent aux Griffons d’être plus que jamais debout, eux qui ne sont plus qu’à trois longueurs de la 12e place, synonyme de maintien en National.

Une série de 3 victoires et 2 nuls

Guillaume Allanou : des faux airs de Dugarry un peu, non ?

Saint-Brieuc plus que jamais dans le coup pour le maintien à trois journées de la fin, qui l’eut cru ? Pas grand monde, assurément. Après avoir accusé durant toute la première partie de saison un retard de 7 à 8 points sur la 12e place, synonyme de maintien, les Griffons comptaient toujours ce même handicap de 7 longueurs à l’issue de la 25e journée, après une 10e défaite, chez la bête noire, Concarneau (1-0). Depuis, ils viennent d’enchaîner une série de trois victoires et trois nuls, ce qui leur a permis de recoller. Inespéré. Et pourtant…

Flash back. 6e journée de championnat. Le Stade Briochin mène 3 à 2 à Bourg-en-Bresse et va enfin décrocher son premier succès après 2 nuls et 3 défaites inaugurales. Malheureusement, c’est partie remise : le Burgien Malick Lopy égalise à la 90’+5 (3-3). Le sort du coach, Didier Santini, lui, est scellé.

Ce qui suite est unique dans les annales : Guillaume Allanou, qui est déjà président (depuis juin 2021) et entraîneur de la réserve (il a aussi entraîné l’équipe 1 en N2), assure l’intérim. Inutile de dire que la nouvelle fait le buzz. Deux matchs et un point plus tard, Karim Mokeddem arrive. Les Griffons n’ont que 4 points (en 8 matchs) et doivent même attendre la 12e journée avant de signer leur premier succès, sur le terrain du 2e, Versailles !

Son intérim, sa décision d’enrôler l’ex-coach de Lyon-Duchère et de Bourg, et aussi l’avenir et le club dans sa globalité, Guillaume Allanou, 46 ans, promoteur immobilier dans la vie civile et bénévole au club, évoque tout cela avec beaucoup d’éloquence dans ses réponses. Il avait dit « OK » pour une demi-heure, l’entretien a duré 45 minutes ! L’on sait beaucoup d’autres choses sur lui à présent. Outre ses dictons qu’il affectionne et qu’il aime retweeter sur son compte – « J’aime bien redonner un peu de sens aux choses, et puis parfois, une petite phrase vaut mieux qu’un long discours » -, il est également passionné, travailleur, optimiste et … très bavard ! « Quand on aime le football, on a plein de choses à dire » a-t-il conclu !

« Regarder derrière ne changera rien »

Président, quel sentiment prédomine après ce 0-0 face à Nancy ?
Il y avait de la déception chez les joueurs, parce qu’on a eu la possession, beaucoup de corners, des situations aussi, plus que Nancy, même s’ils ont eu un penalty (sur le poteau). La frustration de ne pas avoir pris les 3 points a vite été atténué par le fait d’avoir « gratté » une place au classement : aujourd’hui, on est passé devant Villefranche et on n’a jamais été aussi près de la 12e place. On s’est tout de suite projeté vers le match au Mans (l’entretien a été réalisé après le 0-à contre Nancy). Il faudra faire un résultat, sachant que dans le même temps, les deux équipes devant nous s’affrontent : Nancy accueille Avranches. Je vais pouvoir aller au Mans car je n’ai pas de match en N3 ce week-end, même si je suis aussi focus sur la réception de Fougères avec mon équipe le 6 mai.

Une descente en N2 serait-elle une catastrophe industrielle ?
Non. Mais ce serait brutal, et il faudrait pouvoir l’amortir et l’absorber. Ce serait un coup dur mais en même temps, on y est préparé. Attention, on n’est pas résigné. Mais avec l’avant-dernier budget de la division et en sachant qu’un tiers des équipes du championnat va descendre, idem la saison prochaine, on savait qu’on allait être dans la bagarre. Après, on ne pensait peut-être pas être autant en difficulté. C’est ça le souci : pendant une dizaine d’années, on a toujours vécu dans le confort, avec des bons résultats, des bons maintiens, des accessions, et aussi une 10e puis une 7e place en National pour nos deux premières saisons à cette échelon (en 2021 et en 2022). Il y avait une forme de normalité qui s’était installée. On s’était habitué à « surperformé ». Je sais que c’est mal perçu quand je dis ça mais c’est un miracle que l’on existe à ce niveau-là, en National, avec nos infrastructures obsolètes et nos moyens limités. La saison dernière, à un moment donné, des gens se sont même imaginés qu’on allait monter en Ligue 2, sauf que mon rôle est de remettre les choses à leur juste place. On est déjà au-dessus de ce que l’on est capable de faire, parce que l’on cultive d’autre chose. Et c’est ça qui est passionnant, de se dire qu’il n’y a pas de résignation. Si on part du principe que les six plus petits budgets vont descendre, et bien alors à ce moment-là on doit descendre, sauf que l’on essaie de combattre cette fatalité-là.

« On va se battre jusqu’au bout »

Quels sont vos motifs d’espoir pour cette fin de saison ?
Ce qui me donne de l’espoir, c’est qu’il reste 4 journées et que l’on n’est qu’à deux points de la ligne de flottaison, qui n’a jamais été aussi proche. On va se battre jusqu’au bout. Maintenant, si on descend, ça ne sera ni une catastrophe ni un drame et j’essaie justement de faire en sorte de dissocier le développement et la structuration du club d’un côté, et les aléas sportifs de l’autre. Le dépôt de bilan du club, en 1997, a été traumatisant, et je me refuse à ce que le club revive ça un jour. L’avantage de cette fin de saison, c’est qu’à partir du 6e, tout le monde est concerné par le maintien ! Et ça fait beaucoup de monde ! Donc personne ne va brader les matchs, tout le monde va jouer le jeu, c’est ça qui est bien.

Ce exercice très compliqué, vous ne l’aviez pas senti venir… ?
On savait que ça allait être dur, car on a perdu beaucoup de joueurs à l’inter-saison, une dizaine, pour des raisons de projet, de choix de carrière individuelle, et souvent en raison de salaires supérieurs ailleurs, et là, on n’a pas pu lutter. On a renouvelé quasiment 50 % de l’effectif donc forcément dans ces cas-là on a besoin d’un temps d’acclimatation. Il n’ y a pas que des bons recrutements aussi, même si quand on recrute, on aimerait que ce soit du 100 % positif, mais ce n’est pas possible. Et puis, avec autant de descentes (6 sur 18 équipes) et tout le retard que l’on a accumulé au début… On n’a gagné notre premier match qu’à la 12e journée, à Versailles. Après, on voit bien que depuis novembre, on est sur un rythme cohérent d’une équipe qui se maintient. On savait que ce serait difficile même si on espérait surfer sur la bonne fin de saison passée.

Depuis que Karim Mokeddem est arrivé à Saint-Brieuc, l’équipe a le 7e meilleur bilan du National.

Justement, depuis l’arrivée de Karim Mokeddem, connaissez-vous les « stats » de votre équipe ?
On doit être à 1,40 points par match (exact). J’avais pris 1 point en 2 matchs, Didier Santini en avait pris 3 en 6 matchs, on en a 34 aujourd’hui, donc Karim en a pris 30 en 22 matchs (exact) ! (Chiffres mis à jour après la journée 30).

Et si le championnat avait commencé avec Karim, quel classement occuperait Saint-Brieuc après la J30 ?
On serait 10e, c’est ça ?

Non, vous seriez 7e…
C’est ça qui me rassure ! On est dans le coup. Pour moi, on n’a été surclassé que deux fois, face à Concarneau et Dunkerque chez nous. Hormis ces deux-matchs là, on n’a jamais souffert de la comparaison avec aucun autre adversaire, on a même mis en difficulté Versailles, Martigues, même Dunkerque chez eux. On est au niveau, ça c’est certain, mais on a accumulé du retard. Il a fallu gérer des crises, notre gardien s’est blessé au bout de trois matchs… Il reste quatre journées pour rattraper les points qu’il nous manque.

« Karim Mokeddem colle avec ce que je suis »

C’est vrai que Concarneau vous a battu trois fois cette saison, avec la coupe…
Ce n’est pas une équipe qui nous réussit, et c’est la plus régulière sur les trois dernières saisons, ils sont solides, ils ont des repères, une force offensive. J’espère qu’ils vont aller au bout. On s’entend bien avec ce club, que cela soit avec le président Jacques Piriou et les dirigeants. Ce serait une juste récompense pour eux de monter en Ligue 2.

Avez-vous des regrets sur certains matchs, cette saison ?
Oui, mais regarder en arrière ne changera rien. Si par malheur, en fin de saison, il nous manque un ou deux points, on pourra les trouver partout ! Bien sûr que j’ai des matchs en tête, comme celui de Martigues chez nous, Avranches chez nous aussi, à Bourg, dernier match de Didier Santini, lorsqu’on se fait égaliser à la dernière minute… Idem contre le Red Star. Des exemples, j’en ai plein. On dit que ça s’équilibre sur une saison, c’est possible, parce que, bien sûr, parfois on a des pris des points que l’on n’aurait peut-être pas mérité de prendre. De toute façon, on peut refaire la saison, cela ne change rien. Ce qui compte, ce sont les 4 matchs qui restent.

Quoi qu’il arrive dans 4 journées, Karim Mokeddem, ça restera la bionne pioche…
Oui. Karim a apporté sa rigueur, son travail, c’est ce que je voulais : un travailleur, qui colle avec ce que je suis. Je pense être besogneux et travailleur. Il a apporté sa connaissance du championnat. Il connaît tous les joueurs de la division, les ingrédients qu’il faut mettre. C’est un très bon tacticien. Son arrivée a élevé le curseur en termes d’exigence sur l’ensemble du club. Quoiqu’il arrive, sa venue chez nous restera un bon choix, et j’espère qu’on va aller au bout et se maintenir !

« Je suis un entraîneur qui préside »

Le stade Fred-Aubert a accueilli 3300 spectateurs lundi contre Nancy.

Quand vous avez pris l’équipe en mains après l’éviction de Didier Santini, de l’extérieur, beaucoup ont pu se dire « Mais c’est quoi ce club ? Mais c’est quoi ce président ? » Pouvez-vous revenir sur cette épisode ?
C’est atypique, je le sais, et je suis atypique : ça donne l’impression d’un président omniprésent, omnipotent, ce que je n’espère pas être. J’ai juste raisonné à l’instant T pour le club, même si la vision extérieure laisse penser que je suis le gars qui veut tout faire, qui se prend pour ce qu’il n’est pas, qui estime, peut-être à tort, avoir certaines compétences comme entraîneur. Je ne dis pas que je suis le meilleur mais j’ai passé mes diplômes pour. C’est ce qui m’anime. J’adore entraîner. Je dis souvent que je suis un entraîneur qui préside plutôt qu’un président qui entraîne. La moins pire des solutions à ce moment-là, pour ne pas dire la meilleure, ça semblait être moi, mais encore une fois, je n’ai pas fait ça pour attirer la lumière, je m’en fous de la lumière. Les joueurs me l’ont bien rendu.

C’est pour ça qu’il y a une différence avec ce que les gens peuvent percevoir de l’extérieur, ce que j’entends très bien, parce que c’est très français : ici, on ne doit être bon que dans une case. Soit vous êtes un bon président, soit vous êtes un bon entraîneur, soit vous êtes un bon directeur sportif, mais vous ne pouvez pas tout faire ou bien alors celui qui fait tout, il devient suspect… C’est ça c’est notre culture !

Chez les anglo-saxons, il n’y a pas ça : du moment que vous faites le job, que vous avez certaines compétences, on s’en fout en fait… Je sais bien que je ne peux pas changer ça, mais j’ai juste cherché la meilleure solution et cela a permis d’amorcer la dynamique, de préparer le terrain pour celui qui allait arriver, c’est à dire Karim (Mokeddem), puisque je savais que je n’allais pas continuer toute la saison.

« Je bosse 6 jours et demi sur 7 ! »

Président, directeurs sportif, entraîneur de la réserve, chef d’entreprise : vous faites comment pour travailler autant ?
C’est sûr que je ne dors pas beaucoup, que le temps manque, et que tout cela est au détriment de la famille, car je bosse six jours sur sept et même six jours et demi… J’essaie de m’octroyer le dimanche après midi quand même ! Mais j’aime ça, je suis habité par la passion et l’envie de faire progresser ce club. Il y a toujours plus travailleur que soi, mais je n’ai pas de talent, donc le seul moyen de compenser ça, c’est par le travail. Je suis curieux, j’essaie de m’améliorer dans tous les domaines, comme dirigeant, comme entraîneur, comme chef d’entreprise. C’est ça qui m’anime, même si c’est éreintant, même si l’on a des périodes de moins bien… Parce que, parfois, on se demande si cela vaut la peine de faire tout ça, car c’est beaucoup d’énergie. Et c’est cette énergie que j’essaie de transmettre.

Là, vous êtes également plongé dans la préparation de votre match de National 3 contre Fougères (le 7 mai).
Oui, et il faut le gagner celui-là ! Il faut tous les gagner, parce qu’avec l’équipe II, on est aussi en mode commando. La réserve, c’est aussi mon dada et c’est mon équipe. Je sais que les gens sont focus sur l’équipe de National, et c’est normal, alors ils oublient un peu l’équipe de N3, où dans notre championnat, cette saison, on a 14 équipes et 5 descentes ! Soit plus d’un tiers qui descend ! C’est pire qu’en National !

Dans une conjoncture normale, avec trois descentes, on serait déjà sauvé. Là, ce n’est pas le cas. On n’a pas de marge (son équipe est 9e sur 14 et compte 2 points d’avance sur le premier relégable). En N3, j’ai fait un choix, avec ma casquette de directeur sportif, puisque je cumule les fonctions, de privilégier les jeunes et leur éclosion. En leur offrant l’opportunité d’évoluer en N3, un peu comme les réserves pros.

Lors du dernier match à Locminé (défaite 1 à 0), j’avais des joueurs de 17 ou 18. Alors face à des trentenaires, on paie cette jeunesse, on a pris un carton rouge par naïveté, mais c’est enrichissant. Cela m’oblige à trouver des solutions. Le danger, c’est qu’en effet, on n’a pas de marge. On est 1er non relégable, et on a une fin de parcours avec des matchs face à des adversaires directs. Vous voyez bien que la saison est particulière : en National, vous êtes 6e, vous regardez derrière… c’est hallucinant ! Et en N3, c’est pire, tout le monde regarde derrière quasiment !

« Avec la N3, ça fait deux challenges à relever »

Président, directeur sportif et … entraîneur de l’équipe de réserve en National 3 ! Guillaume Allanou est muli-fonctions.

Gérer deux équipes de National et de National 3, n’est-ce pas trop difficile ?
Orléans, Châteauroux, qui ont le statut pro, et Avranches, aussi, ont leur réserve en N3, mais ce sont des clubs beaucoup plus structurés que le nôtre. J’essaie de cultiver une politique de formation, j’investis dans l’encadrement de nos éducateurs. Le revers de la médaille, c’est que nos meilleurs jeunes signent dans des clubs pros, et entre guillemets, c’est le second rang qui alimente nos équipes de jeunes jusqu’à la réserve. Donc ce n’est pas simple. Mais c’est un challenge. Je voulais que l’on donne une chance aux jeunes. J’aurais pu faire un autre choix. Là, ils vont s aguerrir. L’intérêt premier, c’est l’évolution du joueur qui va gagner du temps sur plein d’aspects, athlétique, mental, gestion, émotion, etc. C’est ça la motivation d’un éducateur.

Du coup, Karim Mokeddem a un regard sur votre équipe B ?
Bien sûr ! On échange beaucoup. Le fait d’avoir un effectif de National avec des blessés et des suspendus fait qu’il vient régulièrement piocher dans le mien pour ses séances d’entraînement. Ce qui lui permet d’avoir une vision globale sur les joueurs du club aussi. D’ailleurs, il y a des joueurs de mon groupe qui ont basculé dans le groupe National. Karim voit tous les matchs de N3, « physiquement » ou en vidéo, puisqu’on les filme tous. C’est ce qui m’intéresse dans cette relation président-coach ou pour le coup, là, coach-coach, c’est qu’on puisse échanger et savoir qui on peut faire évoluer, dans l’intérêt du club. On a deux challenges à gérer, donc on échange sur les meilleures possibilités, les redescentes du banc, pour essayer de maintenir les deux équipes.

Inversement, vous avez un droit de regard, forcément, sur l’équipe de National… Est-ce que vous interférez ?
J’espère que non, il faudrait lui demander. J’essaie plutôt d’être un support. S’il veut échanger, s’il a besoin, je suis là. Je veux le mettre dans les meilleures conditions. Je ne voudrais pas faire à un autre ce que je n’aimerais pas que l’on me fasse. Je vais rarement aux séances, je veux le laisser bosser tranquillement. J’essaie juste d’instaurer un climat de confiance. Je suis là aussi pour lui apporter du soutien, parce qu’on a des problèmes de logistique, de terrains, on essaie d’améliorer des choses.

Quid du partenariat avec le Stade Rennais ?
On est en cours de discussion pour le prolonger. Après, c’est toujours pareil, il y a les écrits et ceux qui font vivre le partenariat au quotidien. Un partenariat, ça s’entretient, mais on est tous pris, chacun a des contraintes et des obligations. Mais on est en cours de finalisation.

« Le dépôt de bilan du club en 1997 fut un traumatisme »

Ce club, Saint-Brieuc, vous l’avez dans les tripes, n’est-ce pas ?
On a tous un club de coeur ! On a tous un club auquel on s’apparente. Pour moi, c’est Saint-Brieuc. C’est tombé un peu par hasard. J’avais 15 ou 16 ans quand j’y suis arrivé, pour évoluer en 17 ans Nationaux, et puis j’ai gravi tous les échelons jusqu’en Division 2, où j’ai fait quelques matchs avant que le club ne dépose le bilan la même saison, en 1996-1997. Ce fut un véritable traumatisme. C’est aussi ce qui a fait que je suis devenu dirigeant. Cela fait partie d’une histoire et d’un parcours de vie.

Avant d’être entraîneur et président (et aussi directeur sportif), vous avez également été joueur donc : racontez-nous vos débuts.
Je jouais défenseur central. J’ai commencé à Binic, près de Saint-Brieuc, puis j’ai fait mes gammes dans un petit club de Saint-Brieuc, à l’AS Ginglin-Cesson, réputé pour sa formation, avant d’arriver dans le club phare du coin. Les meilleurs jeunes allaient au Stade Briochin, et aujourd’hui encore, c’est ce que l’on essaie de faire, c’est à dire être le meilleur club de jeunes du territoire (Guillaume Allanou a disputé 5 matchs en D2 avec Saint-Brieuc, où il a ensuite joué en CFA et CFA2, il a aussi évolué à Lamballe en CFA2 et à Lannion en DH).

Cette période « Saint-Brieuc en Division 2 », cela vous semple loin ?
Oui, parce que c’était il y a plus de 25 ans et que le foot a bien changé depuis. Même si on était pro, on avait un fonctionnement « amateur », mais c’est ce qui faisait notre force, et c’est ce que j’essaie de cultiver aussi aujourd’hui. Alors bien sûr, il faut se professionnaliser, il faut tendre vers l’excellence, mais aussi garder cet état d’esprit et ne jamais perdre de vue que ça ne reste que du football. Le partage de valeurs, la solidarité, l’état d’esprit de ne jamais se laisser abattre, tout ça est hyper important et c’est ce qui fait que l’on a performé ces dernières années. On a réussi à cultiver ça, malgré nos contraintes financières, nos infrastructures et tout le retard accumulé ces dernières années. On a grimpé les échelons très vite, donc forcément, tout ce qui relève du domaine structurel n’est pas allé aussi vite.

Vous avez donc connu Yannick Le Saux, l’ancien buteur, qui monte aujourd’hui sur les planches !
Oui, bien sûr, j’ai même joué avec lui ! On est toujours en contact. Il est venu faire un spectacle l’an passé à Saint-Brieuc. Aujourd’hui, il a coupé avec le foot, même s’il travaille en régie le soit de match de foot professionnel. A Saint-Brieuc, on a eu aussi Patrice Carteron, qui est originaire de la région, Christophe Legrix, Loïc Druon. Robert Malm est aussi passé par le club !

« Il y a toujours eu un potentiel public »

Aujourd’hui, reste-t-il d’anciens pros de cette époque au club ? D’anciens dirigeants ou bénévoles ?
Des anciens de l’époque pro, non. Des dirigeants, oui, comme l’ancien président, Daniel Morgan, qui est toujours là, parmi nos bénévoles. Vous savez comment c’est, un club comme le nôtre repose beaucoup sur le bénévolat, à l’image du match d’hier (lundi) face à Nancy, qui a mobilisé une centaine de personnes. On a des gens fidèles. C’est ce qui fait notre force. Tous ont un ADN club, un amour pour le club.

En National aujourd’hui, êtes-vous mieux structuré que lorsque le club évoluait en D2 en 1996-97 ?
Oui, parce que, les staffs sont plus étoffés, la data est entrée en ligne de compte et on est obligé de se mettre au diapason. Le foot a évolué. Les joueurs aussi. Comme sur l’aspect athlétique qui est beaucoup plus poussé et pointu. Les joueurs sont de véritables athlètes, même si l’on ne peut pas dire qu’ils ne l’étaient pas il y a 25 ans. C’est comme tout. La société évolue. Pas que le foot.

Du temps de la Division 2, combien y avait-il de spectateurs le soir des matchs ?
A l’époque, on faisait 5000 à 6000 spectateurs. Il y a toujours eu un potentiel public à Saint-Brieuc. La Bretagne est une terre de foot et il y a beaucoup de gens qui suivent, qui vont voir des matchs. Contre Nancy, on a fait 3 300 spectateurs. Sinon, on tourne en moyenne aux alentours de 2000 ce qui est une bonne affluence en National.

En 2024, le club fêtera ses 120 ans, serez-vous là ? Et où souhaiteriez-vous que votre équipe soit ?
En 2024, oui, il y a des chances que je sois là (rires) ! On a prévu de faire une fête. J’espère qu’on sera en National et en N3. Au-delà de ça, l’objectif est de se demander « Que peut-on faire pour continuer à développer le club ? », parce que, même s’il y a cette vision court-termiste de résultat, ce qui est normal, diriger c’est aussi prévoir. Il faut prendre de la hauteur et se demander où on veut être dans 4 ou 5 ans, en termes d’évolutions de nos infrastructures. Un club de foot, c’est une PME : où veut-on placer Saint-Brieuc sur le territoire ? C’est à cela que l’on doit réfléchir, aux stratégies de développement, aux autres ressources, aux autres activités, afin de stabiliser le club à un niveau qui sera ce qu’il sera, National ou N2, parce que l’on ne se rend pas compte que le N2 à trois poules sera hyper relevé. Ce sera quasiment du professionnalisme.

« Nos infrastructures, c’est le bas qui blesse »

Le club est-il soutenu par les collectivités ?
Elles nous soutiennent, même si, forcément, on en veut toujours plus, mais on part de très loin car peu de choses ont été faites depuis 20 ou 30 ans. J’ai bien conscience de leur contrainte. Avec elles, l’idée est d’être constructif. Le problème, c’est que ce sont souvent les résultats sportifs qui entraînent une évolution ou un investissement sur les infrastructures. Cela va souvent de paire. Anticiper, c’est mieux, mais cela n’arrive pas souvent.

Notre stade, c’est le bas qui blesse. C’est vrai que, de l’extérieur, il est pas mal, avec son côté vintage, à l’anglaise, qui fait que, quand c’est rempli, comme face à Nancy, l’ambiance est particulière. C’est aussi une force. Il y a des projets en cours. Les vestiaires sont d’un autre temps, le terrain d’Honneur est « fatigué », même si les services de la ville l’ont amélioré cet hiver; le synthétique pour les entraînements est « rincé », les conditions de fonctionnement ne sont pas dignes d’un club de National. C’est usant, pour le staff, pour les joueurs, pour moi. On ne demande pas du grand luxe mais le terrain, c’est l’outil de travail : là, c’est l’entraîneur qui parle, c’est essentiel. Comment voulez-vous avoir une philosophie basée sur du jeu au sol, du jeu de possession fait de passes courtes, sans terrains de qualité ?

Je sais bien que les collectivités ne peuvent pas résoudre, juste en claquant des doigts, des problèmes récurrents depuis 25 ou 20 ans. Mais ça avance. Pas aussi vite que je le voudrais. C’est beaucoup d’énergie. Je ne veux pas passer pour la « pleureuse de service » mais on est obligé de délocaliser les entraînements à droite et à gauche. On essaie de trouver des solutions. On va avoir une nouvelle tribune d’ici 2 ans, ça avance, c’est important. Il vont raser la tribune d’Honneur à l’intersaison; elle n’a d’Honneur que le nom car elle est vétuste et désuète. On n’aura plus qu’une seule tribune pendant 18 mois, mais ce sera un mal pour un bien. On pourra apporter du confort à nos joueurs avec de nouveaux vestiaires et à nos spectateurs. Ce sont des choses positives. Le temps administratif et le temps privé ne sont pas les mêmes, sans parler du temps sportif, qui lui n’attend pas, sans cesse rattrapé par la compétition. Le principal c’est que ce soit dans les tuyaux.

Texte : Anthony BOYER / Mails : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : Stade Briochin et Philippe Le Brech

L’ancien joueur professionnel d’Amiens, Troyes et Strasbourg, qui a vécu ses plus belles émotions avec Luzenac, a entamé une carrière d’entraîneur. Après cinq saisons dans le staff du Paris FC et du FC Lorient, il aspire à s’asseoir de nouveau sur un banc, pour accompagner un staff ou, pourquoi pas, se lancer en solo !

Joueur, Julien Outrebon préférait tuer le temps pendant les déplacements en bus ou en avion avec un bon bouquin plutôt que de regarder une série, comme le font la plupart des joueurs d’aujourd’hui. Pas n’importe quel type de bouquin : en général, le sujet concernait le management sportif ou la préparation mentale chez le sportif de haut niveau. Des thèmes à la mode, qui l’ont toujours intéressé. « Oui, je lis beaucoup de biographie de coachs, qui parlent de leur expérience, raconte le natif d’Epernay (Marne). C’est vrai que la préparation mentale est quelque chose de très important dans le foot. Je m’y intéresse beaucoup. C’est même primordial. Je pense que c’est une des facettes du métier d’entraîneur aujourd’hui, et que c’est indispensable d’avoir quelques « billes », de se former sur ce sujet. J’ai encore des progrès à faire dans ce domaine, comme sur le domaine du management. C’est important d’avoir le ressenti des joueurs, de les comprendre. »

Formation à l’Amiens SC, des poussins à la Ligue 2 !

Le bientôt quadra – il fêtera ses 40 ans en juin – a stoppé sa carrière pro voilà 6 ans maintenant. Elle avait commencé à l’ASPTT d’Amiens en débutants et surtout à l’Amiens SC, des poussins jusqu’en Ligue 2, pour s’achever à Luzenac.
Depuis, il s’est lancé dans une autre carrière, pas trop éloignée : celle de coach ! Avec, déjà, deux expériences extrêmement enrichissantes, dans des clubs professionnels, au Paris FC et au FC Lorient, où il a occupé le rôle d’adjoint.

Deux expériences hyper enrichissantes. « J’ai su assez tôt que je voulais devenir entraîneur, raconte celui qui a aussi porté les maillots de Troyes et Strasbourg (il compte près de 300 matchs en National et une cinquantaine en Ligue 2). D’ailleurs, à 28 ans, quand j’étais à Troyes, en Ligue 2, je passais déjà mes diplômes en parallèle. Je me suis dit que je n’allais pas attendre la fin de ma carrière de joueur pour le faire. Pour moi, aujourd’hui, entraîner, c’est vraiment une suite logique. Comme une évidence. J’ai validé mon DES (diplôme d’entraîneur supérieur de football) à Troyes, ce qui me permet de coacher jusqu’en National 2. Avant, le DES permettait d’entraîner en National. »

Luzenac, quelle histoire !

Avec Christophe Pélissier, dont il fut l’adjoint à Lorient pendant 3 saisons.

Sa carrière de joueur a pris fin en 2017, après une dernière saison couronnée d’une accession en National 3 avec Luzenac, le club où, comme il le raconte dans l’interview « Tac au tac » un peu plus loin, il a vécu ses plus belles émotions, en 2013-14.

Il faut dire que, cette saison-là, le club de ce village de 500 habitants a déjoué tous les pronostics en National en accédant – sur le terrain – en Ligue 2 ! Un exploit retentissant qui, malheureusement, n’a pas eu de suite, ou plutôt si, mais juridico-administrative : faute de stade, l’équipe entraînée alors par un certain Christophe Pélissier – dont il sera l’adjoint durant trois ans à Lorient – fut recalée à l’examen de passage et rétrogradée en Division d’Honneur Régionale (Régional 2).

« Luzenac, ce fut une fabuleuse aventure ! Quand j’y suis retourné deux ans après, en DH, il restait quelques anciens, comme le coach Sébastien Mignotte, qui était joueur l’année de la montée en L2, et d’autres. Pour moi, c’était une façon de boucler la boucle. Cette saison historique a crée des liens forts entre nous. On est resté en contact. D’ailleurs, on a toujours un groupe sur Whatsapp, on communique régulièrement, on se fête nos anniversaires, on commente ce qui se passe dans le foot, c’est cool ! »

La montée en National 3, qui sera bel et bien effective cette fois, est le moment choisi par Julien pour ranger les crampons et enfiler le survêtement, à 33 ans. Il part relever le difficile challenge du maintien en N3 avec l’équipe réserve du Paris FC, la casquette de coach sur la tête, avant, au bout de trois mois, de basculer chez les pros, en Ligue 2, dans le staff, aux côtés de Fabien Mercadal. La deuxième saison au PFC, il la passe à la tête des U17, histoire d’ajouter une nouvelle corde à son arc.

« Quand je suis arrivé au PFC, le club cherchait un coach pour la réserve, ils avaient du mal à trouver. Mais en 2017, ce n’était pas encore le Paris FC d’aujourd’hui. Il n’y avait pas encore les nouvelles installations. Je suis arrivé sans expérience et sur le tard, c’était un chantier, mais je voulais mettre un pied dedans, je ne le regrette pas, même s’il a fallu que j’apprenne le métier rapidement, appris sur le tas. Ensuite j’ai eu des circonstances favorables puisque l’adjoint en Ligue 2 était en arrêt de travail, du coup j’ai jonglé entre la réserve et la Une pendant un certain temps, j’ai fait des semaines à 90 heures, je ne voyais pas beaucoup ma famille, je faisais 1h30 de route pour aller bosser ! Cette période m’a fait gagner en confiance et en autonomie. »

En observation à Guingamp et à Auxerre

Après Paris FC, direction Lorient, où il retrouve celui qui l’avait coaché à Luzenac puis à Amiens en National, la saison suivante, Christophe Pélissier : « Avec Christophe, on n’a jamais coupé le lien. On est toujours resté en contact. Même encore aujourd’hui. Je suis allé en stage d’observation récemment à Auxerre, où il est entraîneur depuis quelques mois, en Ligue 1. Et aussi à Guingamp. »

A Lorient, les résultats sont exceptionnels : la première saison, les Merlus accèdent en Ligue 1 avant d’obtenir deux maintiens consécutivement. « Au FC Lorient, j’étais second adjoint, en charge de l’animation et de l’organisation des séances, des CPA (coups de pied arrêtés), de la vidéo, du marquage, ce que je faisais déjà au PFC. »

Une fois le deuxième maintien en Ligue 1 assuré, au terme d’une saison 2021-2022 éprouvante, durant laquelle le FC Lorient a sans cesse regardé vers le bas, le staff n’a pas été reconduit. Du coup, Julien s’est retrouvé au chômage. Pas bien longtemps. Depuis le mois de décembre dernier, il est devenu adjoint de la sélection de Mauritanie, dans un staff où Amir Abdou, le sélectionneur, a pour mission de qualifier son pays pour la prochaine coupe d’Afrique des Nations.

Fin mars, en matchs éliminatoires de la CAN (groupe I), la Mauritanie s’est inclinée 3-1 sur le terrain la République démocratique du Congo avant de faire match nul (1-1) cinq jours plus tard à domicile. La course pour la 2e place de la poule, synonyme de qualification, occupée aujourd’hui par le Gabon, est ouverte ! « On est 3e, à 1 point du 2e. On a encore deux matchs, l’un au Soudan (12 juin) et l’autre à domicile contre le Gabon (4 septembre). Tout est possible. Après, en termes de travail, d’investissement, c’était chargé aussi, hyper-condensé. En très peu de temps, on a dû bosser sur les séances, la vidéo, préparer les séquences tactiques, parler aux joueurs, y’a vraiment beaucoup de choses à faire, dans un laps de temps court puisqu’on a eu deux matchs en dix jours. »

« Il faut bosser dur »

S »il apprécie ce nouveau travail en sélection, différent, Julien, qui a aussi joué à Cherbourg, Sannois-Saint-Gratien, Fréjus et Créteil en National, aspire cependant à retrouver une vie de club au quotidien et, pourquoi pas, se lancer comme numéro 1 : « C’est vrai que j’envisage de prendre une équipe, cela va faire 6 ans maintenant que je suis dans un staff, d’ailleurs, j’envisage de passer mon BEPF même si je sais qu’il y a beaucoup de postulants et peu d’élus. Après, pourquoi ne pas aussi réintégrer un staff technique dans un club professionnel, en Ligue 1 ou en Ligue 2 ? En fait, c’est ça l’idée, être adjoint ou prendre une équipe, un club de National 2 par exemple, ce serait idéal, histoire de mettre les deux pieds dedans ! »

Là encore, les places sont chères. Très chères. D’abord parce que les présidents de club sont parfois réticents à donner leur chance à de « jeunes » entraîneurs qui n’ont pas encore entraîné « seul », quand bien même ils possèdent une grande expérience du milieu professionnel. Et aussi parce que, et c’est mathématique, avec la réforme des championnats et la diminution du nombre de clubs de la Ligue 1 au National 3, les bancs seront moins nombreux.

Mais Julien croit en une chose : le travail ! « Il faut bosser dur ! Il faut aimer ce que l’on fait, être passionné. Entraîner, c’est beaucoup d’investissement, c’est aussi beaucoup d’émotion aussi, et ça, ça manque : par exemple, la montée en Ligue 2 avec Lorient était un grand moment sur le plan émotionnel; le maintien en Ligue 1 aussi ! On fait ce métier aussi pour vivre de tels moments. Passer de joueur à entraîneur, c’est très différent : ce n’est pas du tout la même chose ! Le volume de travail est bien plus conséquent, on passe la journée au stade, à réfléchir, à étudier les adversaires, à préparer des choses. Bien sûr, les joueurs d’aujourd’hui « bossent » plus qu’à mon époque quand même, mais quand tu es joueur, tu restes essentiellement focalisé sur ta préparation. »

Julien Outrebon, du tac au tac

Face au FC Rouen entre Burel, Louiron et Dragon. Photo Bernard Morvan

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en Ligue 2 avec Luzenac. Même si ça c’est mal terminé. Ce fut l’accomplissement d’une saison. La montée fut logique. Luzenac, 500 habitants, qui monte en Ligue 2, c’est un truc de fou ! Les émotions qui ont suivi, c’était vraiment énorme. Malgré les problèmes extrasportifs qui ont suivi, ça reste inoubliable. Et c’est là que j’ai connu Christophe (Pélissier).

Pire souvenir sportif ?
Le dépôt de bilan avec Strasbourg, en 2010-11, on finit 4e du championnat, on avait une belle équipe. On avait effectué une remontada et échoué de peu pour la montée. Je jouais avec mon meilleur ami, Yohan Betsch, et je retrouve le même coach, Laurent Fournier, que j’avais eu à Créteil la saison précédente. C’est dommage, je m’y sentais bien, et puis c’est Strasbourg quoi !

Combien de buts marqués ?
Je crois que j’en ai marqué 12 !

Le plus beau ?
Quand je suis prêté en National à Cherbourg par Amiens (2004-05), on perd 1 à 0 chez nous contre le FC Rouen, et j’égalise sur coup franc de 25 mètres, une barre rentrante au-dessus du mur ! On avait gagné 4-1.

Avec Créteil. Photo Bernard Morvan.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Gamin, j’aimais me dépenser, courir, marquer des buts aussi parce que j’étais attaquant au départ ! J’ai toujours été très compétiteur aussi, et donc c’est ça qui a fait que j’ai joué au foot. C’était une évidence. J’ai fait du judo aussi jusqu’à l’âge de 15 ans. J’étais ceinture bleue.

Tu as été attaquant ?
Oui, jusqu’en moins de 13 ans et après je suis passé excentré en moins de 15 puis défenseur central en moins de 17 ans.

Ton geste technique préféré ?
L’amorti-poitrine ! J’ai toujours adoré faire ça sur les longs ballons. Comme j’étais beaucoup dans l’anticipation, sur les dégagements des gardiens adverses, je faisais ce geste !

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualité, l’anticipation : vu mon profil athlétique, j’ai dû développer d’autres qualités parce que je n’étais pas très costaud. Sinon, pour les défauts, je râlais beaucoup auprès des arbitres, je m’énervais, donc il fallait gérer ça !

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?!
Luzenac. Mais aussi Strasbourg car on a fait une saison exceptionnelle.

L’erreur de casting ?
Il faut prendre le meilleur de chaque expérience, même quand cela se passe moins bien. Donc aucune.

Le club où tu as failli signer ?
Quand j’étais à Sannois, je jouais latéral, y’avait un scout de la Fiorentina qui était venu me voir ! Il n ‘y a pas eu de suite mais c’était sympa !

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid, ça fait rêver ! C’est une institution.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Santiago Bernabeu. J’y suis allé une fois, y’a trois ans. Ils refont le stade, ça va être extraordinaire.

Un public qui t’a marqué ?
Lens. Plus particulièrement, pour y avoir joué, et aussi y être allé en spectateur, pour les adieux d’Eric Sikora sur le terrain, un souvenir extraordinaire, j’avais les poils qui se dressaient. Quelle ferveur ! Quel respect !

Un coéquipier marquant ?
Stéphane Pichot, avec qui j’ai joué à Strasbourg, et qui est devenu un ami proche. Lui, c’était la rigueur, le travail, l’efficacité. Ce n’était pas un joueur super-côté en Ligue 1 mais il était toujours présent, jamais blessé. C’était un exemple pour moi. Un mec en or. Une belle rencontre.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Avec Milovan Sikimic à Strasbourg. On avait deux profils différents. Lui était plus grand et costaud, il était plus dans les duels, on avait une velle complémentarité. J’ai adoré jouer avec lui.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Alexandre Licata, quand il jouait à Louhans-Cuiseaux. J’avais joué contre lui quand j’étais à Sannois. Je l’avais trouvé monstrueux à l’époque. Il n’a pas fait la carrière qu’on lui prédisait, mais il avait des grosses qualités.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Et bien Milovan Sikimic justement ! Je l’ai de temps en temps par message mais très rarement. Il est reparti vivre en Serbie donc forcément c’est compliqué.

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
C’est le coach des U13 à l’Amiens SC, claude Caux, il m’a marqué. Il m’a fait progresser. Mais il est décédé. Après il y a Manu Pires aussi, que j’ai eu en U17 à Amiens.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Je ne le citerai pas !

Un président ou un dirigeant marquant ?
Le président d’Amiens Pascal Pouillot, il était très charismatique. C’était à mes débuts, à Amiens. Il avait de la prestance.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Euh…. Joker !

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Mon ami et coéquipier Yohan Betsch faisait la pieuvre dans les vestiaires, et il nous suivait partout comme ça ! Il faisait beaucoup de conneries (rires) !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Stéphane Pichot, ou Nicolas Dieuze peut-être.

L’entraîneur le pus connu de ton répertoire ?
C’est Christophe Pélissier (rires) !

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’en avais plein, c’était ça le problème ! Toute la préparation de mes matchs avec la musique, la tenue… J’étais maniaque.

Une devise, un dicton ?
Le travail paie.

Tes passions dans la vie ?
L’immobilier.

Un plat, une boisson.
Eau pétillante et lasagnes.

Musique, ciné ?
J’écoute de tout, du rap, de la variété française, et pour le ciné, comme film culte, j’aime beaucoup « L’enfer du dimanche » avec Al Pacino, sur le football américain.

Que t-a-t-il manqué pour jouer en Ligue 1 ?
De la puissance athlétique et de la vitesse. Si j’avais été pus grand et plus costaud…

Termine la phrase en un mot : tu étais un joueur plutôt …
Correct !

Un modèle de défenseur ?
Laurent Blanc et Paolo Maldini, la classe. J’aimais relancer, donc je regardais beaucoup leur façon de faire. J’aimais leur côté leader. Ils étaient capable de bien défendre, ils étaient aussi dans l’anticipation. J’ai essayé de m’inspirer d’eux.

Un match de légende pour toi ?
PSG – Real (4-1, 1993) avec la fameuse tête d’Antoine Kombouaré.

Une idole de jeunesse ?
Zidane. Quand la France a gagné en 1998, j’avais 15 ans.

Plus grande fierté ?
Vivre de ma passion. Se lever, aller faire ce que tu aimes, c’est extraordinaire, c’est une chance, que je veux retrouver, ça me manque.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Pour moi, le foot, ce sont les émotions et aussi la méfiance, je pense aux promesses non tenues, aux gens qui veulent prendre votre place.

Meilleur souvenir sportif de coach ?
Le maintien de Lorient en Ligue 1 à la dernière journée, à Strasbourg.

Pire souvenir sportif ?
Les séries de défaite, ce n’est pas facile. On cherche toujours des solutions. C’est dur à vivre pour un staff.

Plus belle Saison ?
Celle où on est monté en Ligue 1 avec Lorient, parce qu’on gagne beaucoup de matchs, les semaines sont plus faciles à vivre, forcément, pour le staff et pour les joueurs.

Un modèle de coach ?
Je me nourris de mes expériences de joueurs, et donc des coachs avec qui j’ai travaillé; sinon, dans les coachs connus, je dirais Klopp et Zidane. Je pioche.

Meilleur coach côtoyé ?
Christophe Pélissier.

Meilleurs joueurs entraînés ?
Fabien Lemoine à Lorient : il était très important pour nous, pour sa qualité technique, pour son exemplarité, pour son volume de jeu, pour son professionnalisme, dans sa gestion des matchs, sa vision du jeu. Et il avait 34 ou 35 ans !

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : FC Lorient / Bruno Perrel et DR