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Coupe de France : le rêve de Revel

Christophe Pélissier, l’enfant du pays devenu entraîneur pro, Cédric Garcia, le gardien/commercial reconverti directeur sportif, et Jean Boyer, l’avant-centre et bonne pioche du recrutement, évoquent l’US Revel (Régional 1) et ce 32e de finale historique face au PSG, dimanche soir, à Castres.

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

La vidéo a fait le buzz. Et tourné en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit les joueurs de l’US Revel, fraîchement qualifiés pour les 32es de finale de la coupe de France après une série de tirs au but victorieuse face à Blagnac (National 3), « mater » le tirage au sort tous ensemble, après avoir dégusté un bon couscous offert par un partenaire, et ouvert les cadeaux.

Et puis, la magie du père Noël a fait son oeuvre. PSG ! La cerise sur la bûche. La scène de liesse qui a suivi l’évocation du nom de l’adversaire des joueurs de Régional 1 restera comme l’une des images fortes de l’édition 2023-24 de la Coupe de France. Qu’importe le résultat du match dimanche soir au stade Pierre-Fabre (20h45 en direct sur BeIN), sur la pelouse des rugbymen du Castres Olympique, devant 10 000 personnes. Car Revel a déjà gagné. La notoriété, la reconnaissance, le respect, l’amour, le soutien du monde amateur.

PSG, c’est l’Everest

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

Ce match, c’est un peu comme un joueur de tennis de 3e série qui doit affronter Roger Federer au premier tour du tournoi du club de son village. C’est un peu comme passer de quelques longueurs à la brasse dans le lac voisin de Saint-Ferreol, très prisé des locaux, à une traversée à la nage sans aide ni assistance dans la Garonne jusqu’à l’estuaire de la Gironde !

PSG, c’est l’Everest. C’est l’excitation. C’est l’interminable attente. C’est aussi la peur d’être dépassé et, peut-être, d’être ridicule. C’est aussi tout une organisation car on ne reçoit pas l’un des clubs les plus riches du Monde comme on reçoit Luzenac, adversaire en championnat de Régional 1 et ancien club du gardien revélois, Cyril Garcia, du temps d’un certain Christophe Pélissier, fierté locale, parti d’en bas pour arriver jusqu’en Ligue 1 avec Lorient et Amiens.

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

Ce dernier, actuellement entraîneur de l’AJ Auxerre (2e de Ligue 2 à Noël) sera au match. Il l’a confirmé dans l’entretien que vous lirez plus bas. A lire également, l’interview de Cédric Garcia, le frère de Cyril, lui aussi gardien de but et retraité des terrains depuis deux ans. Enfin, retraité, pas vraiment : il a récemment renfilé le maillot pour suppléer son frère, blessé, alors que son emploi du temps est désormais partagé entre sa famille, son métier de commercial à Castres et son nouveau poste de directeur sportif de l’US Revel.

Enfin, le troisième témoin de cette affiche aussi déséquilibrée qu’excitante s’appelle Jean Boyer, un attaquant de 22 ans qui revient de nulle part après trois ans de galère et de blessures… En à peine deux mois – il a signé fin octobre -, le natif de Castelnaudary (Aude), à 20 kilomètres de Revel, a mis tout le monde d’accord en inscrivant 5 buts lors de ses 5 premiers matchs. Et même s’il est resté muet lors des deux matchs qui ont suivi, et même s’il reste encore muet lors du prochain match, son apport s’est vite fait ressentir dans le onze de Nicolas Giné, le coach du club de Haute-Garonne.

Les témoignages de trois hommes – Pelissier-Garcia-Boyer – avant, peut-être, un coup fin ? Tout est permis, même de prolonger le rêve à Revel !

I. Christophe Pélissier : « Je voulais tomber sur Revel ! »

Devinez où l’actuel entraîneur de l’AJ Auxerre a passé les fêtes de Noël ? À Revel ! L’homme qui a fait monter Luzenac, un village de 500 âmes, en Ligue 2 (le club de l’Ariège fut cependant interdit d’accession), Amiens en Ligue 1 à la dernière seconde de son championnat et aussi Lorient en Ligue 1, est né à Revel. A Grandi à Revel. A joué à Revel. A entraîné à Revel. Bref, qui mieux que lui pour évoquer « son » club et ce tirage au sort ? Et vous voulez un scoop ? Le régional de l’étape sera présent à Castres pour ce match face au PSG !

Christophe, si je vous dis Revel…

Christophe Pélissier, la saison passée, à Nice, avec Auxerre. Photo AJ Auxerre

Bien sûr que ça me parle ! D’ailleurs, j’y suis en ce moment (entretien réalisé jeudi 21 décembre). J’ai gardé ma maison ici. Je suis né ici. J’ai commencé le foot ici et j’ai passé 25 ans au club comme joueur et entraîneur. J’y ai ma famille et des amis.

Du coup, vous revenez souvent ?

C’est dur de revenir souvent à cause du métier. J’y passe une partie des vacances d’été et d’hiver, comme là. En général je viens deux fois dans l’année. Cette année, je suis aussi venu pendant une trêve internationale.

Oui, vous étiez en tribune en début de saison en championnat…

Je suis venu voir un match, le premier de la saison. J’avais des choses à faire à Revel, j’en ai profité. J’avais trouvé l’équipe très cohérente.

« On sent un groupe, une équipe de copains »

C’est comment, Revel, comme ville ?

C’est une petite bourgade de 10 000 habitants entre Toulouse et Carcassonne, très agréable à vivre, surtout l’été, avec un lac très prisé des Toulousains et aussi des touristes, le lac de Saint-Férreol.

Vous diriez que Revel est plutôt une terre de foot ou de rugby ?

Photo AJ Auxerre

Une terre de foot quand même. Quand mon père jouait dans les années 60/65, le club était en CFA (équivalent de la D3 à l’époque), le plus haut niveau amateur. L’US Revel a toujours été un bon club de niveau régional. La ville a aussi eu son club de rugby en 2e division. Après, contrairement à Castres, où le foot a du mal à émerger, où il y a le Castres Olympique (rugby) que tout le monde connaît, ici c’est vraiment égalité entre le rugby et le foot. Chacun a son histoire.

Vous avez porté le maillot de Muret, Carcassonne, mais c’est à Revel que tout a commencé, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai tout le temps joué à Revel, depuis tout petit, et j’ai commencé en seniors DH à 16 ans avant de partir à l’âge de 24 ans à Muret, en National. J’ai entraîné l’école de foot, des débutants aux minimes, j’ai pris en mains les seniors de Revel quand je suis revenu après 4 ans à Muret et 1 an à Carcassonne. Je pense que j’ai dû entraîner toutes les équipes. J’étais aussi éducateur sportif à la ville de Revel, où je m’occupais du sport dans les écoles et d’une classe foot 6e et 5e.

Vous connaissez encore des personnes à l’US Revel ?

Oui, beaucoup de gens sont encore là. Je connais les anciens dirigeants bien sûr, et aussi les nouveaux. En revanche, c’est vrai, je connais moins l’équipe de Régional 1, mais je connais quand même Cyril (Garcia), le gardien, que j’avais à Luzenac, Josuah, le frère de Ande Dona Ndoh, et quelques joueurs d’ici, mais c’est tout. Je suis parti il y a longtemps déjà (en 2006) !

Y-a-t-il une identité, un style, qui se dégagent ?

Photo AJ Auxerre

Non, il n’y a pas un en particulier; à ce niveau, en Régional 1, c’est difficile de parler de style, mais le club est familial. Les gens qui jouent à Revel sont de Castres ou Toulouse. Il y a une très bonne unité de groupe, et cela a souvent été le cas à Revel : à notre époque, c’était déjà comme ça. On était une équipe de Revélois, on jouait entre copains. Là, on sent aussi qu’il y a une équipe de copains, un groupe.

Vous serez au match dimanche soir, à Castres ?

Oui. Samedi, la veille, avec l’AJ Auxerre, nous jouons en coupe de France à Nice et dimanche, je pense que je ferai les 7 heures de route entre Auxerre et Castres pour venir. D’autant que notre match de championnat contre Bordeaux a été décalé au lundi de la semaine suivante.

« Je dois tout à Revel »

Revel, c’est l’endroit où vous vous installerez à la retraite ?

Oui, je pense. Mes filles sont à Paris et Bordeaux. Revel, c’est l’endroit où tout le monde se retrouve, la famille, les amis d’enfance. C’est là où sont nos racines.

En fait, vous devez tout à Revel ?

L’équipe de l’US Revel.

Oui, c’est là que tout a commencé ! A 5 ans, j’ai signé ma première licence ! Je me sers de ce que j’ai connu ici, les entraîneurs, les éducateurs que j’ai eus, les dirigeants, tous ceux m’ont transmis les valeurs.

Avez-vous suivi le tirage au sort des 32es ? Comment avez-vous réagi à l’annonce du match Revel-PSG ?

D’abord, le matin du tirage, j’étais déçu de voir qu’Auxerre et Revel n’étaient pas dans le même groupe et ne pouvaient donc pas s’affronter, parce que je voulais tomber sur Revel ! C’était mon voeu le plus cher, de revenir ici. J’avais échangé avec le président le matin… Ensuite, non, le soir, je n’ai pas suivi le tirage au sort, mais j’ai vu après que j’avais énormément de messages sur mon portable. En fait, j’avais juste deux messages de mon président à l’AJ Auxerre et de l’intendant, pour me dire qu’on jouait à Nice. Mais tout le reste, c’était des dizaines de messages pour m’annoncer que Revel était tombé sur le PSG ! C’est incroyable ! Comme quoi, l’histoire… Parce que mon premier match sur le banc d’un club de Ligue 1, avec Amiens, je l’avais joué au Parc des princes contre PSG ! Là, même si je n’y participerai qu’en tant que spectateur, ce sera aussi particulier pour moi.

« Il y a de très bon coachs chez les amateurs »

On vous connaît pour vos parcours avec Luzenac, Amiens, Lorient, et toutes ces accessions, mais peu de gens savent aussi que vous êtes descendus deux fois sur le banc avec Revel…

Alors on est monté deux fois en CFA2 aussi ! Mais on est descendu deux fois, c’est vrai… C’était déjà difficile pour un club comme Revel de tenir en CFA2 (N3) à l’époque, ce n’était pas évident d’exister à ce niveau-là compte tenu de l’organisation du club, des joueurs, dont certains faisaient leurs études à Toulouse.

Vous répétez souvent que vous savez d’où vous venez… et vous venez de Revel !
Oui, je sais d’où je viens. Le foot amateur m’a permis d’être là ou je suis aujourd’hui. J’ai fait du National pendant 5 ans et je connais bien ce championnat, je connais surtout ses difficultés, et je peux vous dire qu’il y a beaucoup de qualité chez les coachs amateurs. Je ne dis pas que c’est plus facile, attention, mais parfois, c’est plus facile de travailler dans des structures professionnelles que dans des structures amateurs, même s’il y a des problématiques différentes à gérer. Récemment, je suis allé voir la réserve de l’AJ Auxerre contre l’AS Furiani en National 2, j’ai vu des choses pensées, structurées. Je sais que certains ont été surpris que je reparte en Ligue 2 cette saison, mais moi, je suis entraîneur professionnel de foot, pas entraîneur de Ligue 1 ou de Ligue 2, et je sais d’où je viens. C’est pour ça, avec la magnifique réforme du football (ironique), il y aura encore quatre staffs en moins en L1 et en L2, donc aujourd’hui, c’est compliqué, surtout que beaucoup d’entraîneurs sont étrangers en L1, et on commence à en voir de plus en plus en L2, ce qui fait qu’il va rester une vingtaine de places pour un entraîneur français dans les deux divisions, c’est tout.

II. Cédric Garcia : « On a déjà tout gagné ! »

Cédric Garcia avec le coach Nicolas Giné. Photo Idriss Imelhaine

Il a l’accent chantant du midi et ça tombe bien, il est midi pile ! Le rendez-vous est fixé depuis quelques jours. Depuis le tirage au sort des 32es de finale, le téléphone de Cédric Garcia fume. Du coup, l’homme aux trois casquettes – commercial, gardien de but sorti de sa retraite et directeur sportif du club – filtre les appels et rajoute des rendez-vous à son agenda déjà très chargé; le nôtre est honoré mais le timing est serré : le frère de l’actuel gardien de l’US Revel, titulaire le temps d’un match cette saison, alors même qu’il avait raccroché les crampons depuis deux ans, a encore des obligations après nous : il doit se rendre dans l’école de sa fille pour une intervention avec quelques joueurs de son équipe.

Cédric Garcia. Photo Pamisire.

A 39 ans, Cédric Garcia a – presque – tout connu à l’US Revel, où il a débarqué à l’âge de 20 ans, et où il a joué pendant 18 ans, dans les cages, avec le brassard de capitaine autour du bras.

En 2022, il a passé le relais à son frère Cédric, avant de reprendre du service, une première fois, quand sa belle soeur a accouché, puis une seconde fois cette saison donc, quand l’ancien joueur de Luzenac, en National, s’est blessé : « C’était juste avant notre 7e tour de coupe contre Montpellier-La Paillade. J’ai joué contre Clermont-L’Hérault, on a gagné, c’est cool ! J’en ai encore un peu sous le pied ! ».

Le Castrais, qui figure toujours sur la feuille de match en coupe depuis le 5e tour, et qui, dans sa jeunesse, a évolué en cadets nationaux à Castres, s’est surtout forgé une réputation en corpo (entreprises), avec les célèbres laboratoires Pierre Fabre, ce qui lui a permis d’être sélectionné en équipe de France corpo, d’avoir un peu de visibilité dans sa région et de se constituer un réseau. « J’avais effectué quelques essais avec des clubs pros du coin mais cela n’a pas abouti. Et puis Christophe Pélissier, alors coach de Revel, m’a appelé. Je ne pensais faire qu’une saison pour mieux rebondir. Finalement, j’ai pris racine ici, je me suis attaché à ce club, j’ai refusé quelques sollicitations et j’y suis resté 18 ans ! »

Cédric, présentez-nous l’US Revel, en quelques mots…

Nicolas Giné le coach. Photo Idriss Imelhaine

C’est un club de 400 licenciés situé en Haute-Garonne, à 45 minutes de Toulouse, à proximité du Tarn aussi. L’éloignement du bassin toulousain peut aussi être un problème en termes de joueurs et de recrutement dans la mesure ou ça fait tout de même un peu de trajet pour venir. On est un club familial, qui vit bien, avec une bonne passerelle entre les seniors et l’école de football : j’attache beaucoup d’importance à ça. Le club est très structuré, sain financièrement, bien géré, ce qui permet d’envisager sereinement l’avenir, encore plus aujourd’hui avec ce qui nous arrive.

« Clairement, la place du club est en R1 »

Vous avez connu la DHR (Régional 2), la DH (Régional 1) et même le CFA2 (National 3) : vous diriez que, pour Revel, le Régional 1 est son véritable niveau ?

Quand je suis arrivé, on était en DH et l’équipe 2 était en DHR, donc ça faisait deux groupes qui pouvait « switcher » facilement. En 2010, alors que l’on n’avait pas la meilleure équipe, on est monté en CFA2 (National 3) avec une bande de copains, malheureusement on est descendu pour un point la saison suivante. Clairement, la place du club, c’est en R1. J’ai aussi vécu deux descentes en R2, mais à chaque fois, on est tout de suite remonté en R1 : ça montre bien que l’on n’a peut-être pas les capacité pour évoluer au-dessus, mais pas non plus en dessous. On est à notre place. Et cette saison, on est 1ers avec un match en retard et encore qualifié en coupe de France.

Du coup, si vous montez en N3, cela voudra dire que le club ne sera pas à sa place ?

Cyril Garcia, le gardien de l’US Revel et frère du directeur sportif, Cédric. Photo Idriss Imelhaine

Comme je l’explique souvent, il faut y aller étape par étape. Il y a 2 ans, on n’avait pas de directeur sportif, il n’y avait pas trop de stratégies sportives bien définies. L’équipe 1 prenait ses décisions dans son coin, l’équipe 2 le faisait aussi de son côté. Ce n’était pas clair. Alors j’ai défini un cadre, des logiques sportives. Pour l’instant, ça se passe bien, on est remonté en Régional 1 cette saison et on a construit un groupe avec des joueurs qui puissent répondre aux attentes du niveau, tout en visant un objectif de moitié de tableau et un maintien rapide. On a recruté six joueurs et les six sont titulaires indiscutables. Ils ont apporté une vraie plus value au groupe déjà présent, ils l’ont redynamisé, parce que certains se laissaient un peu vivre à cause du peu de concurrence. Là, on est premiers, on a un 32e de finale de coupe de France à disputer qui n’était pas prévu, entre guillemets, avec le PSG qui arrive ! Je peux vous dire que je suis content d’avoir engrangé un maximum de points avant ce match parce qu’on sait très bien qu’après PSG, il risque d’y avoir une grosse période de décompression. La chute risque même d’être costaude.

Comment vous situez-vous chez les jeunes ?

Le président Didier Roques. Photo Idriss Imelhaine

On essaie de se structurer, progressivement, ce n’est pas facile de mettre en place des choses. Là, on a instauré une commission sportive chapeautée par trois personnes : Franck Angelini, ancien joueur de Revel (et vice-président), référent foot à 8 jusqu’en U14, le président, Didier Roques (prononcez « Roc »), avec lequel on se voit chaque semaine pour prendre les décisions nécessaires, et moi-même, référent du football à 11. À Revel, on a un bon vivier de jeunes, une belle école de foot. On veut faire monter nos U14 au niveau régional pour créer une dynamique et tirer les autres équipes derrière : le problème, c’est que nos équipes de jeunes évoluent encore au niveau District, donc souvent nos meilleurs jeunes partent dans les équipes voisines pour alimenter les clubs de Ligue et reviennent après chez nous. En fait, on voudrait éviter ce passage-là. Par exemple, Castres, en seniors, ne jouent qu’en Régional 3, mais ils ont quasiment toutes leurs équipes de jeunes au niveau Ligue et automatiquement nos meilleurs éléments sont convoités, sans oublier les clubs de la région toulousaine, Balma, Saint-Orens, Castanet, qui brassent aussi beaucoup de jeunes.

Vous faites du monde en Régional 1 au stade ?

Pour un match « normal », on a entre 50 et 100 personnes. Bon, avec la coupe, on est monté jusqu’à près de 1500 contre Blagnac au 8e tour. C’est énorme. Et à Castres, au stade Pierre-Fabre, face au PSG, on a une capacité de 10 000 places : on perd les 1600 places de pesages qui sont interdites. J’espère que l’on va jouer à guichets fermés. On donne d’abord la priorité à nos licenciés et à nos partenaires. Mais on sent un engouement dans la ville et aussi dans les clubs voisins.

L’équipe est authentique, simple, à l’image du club

Elle est comment, cette équipe de Revel ?

Habib Ouhafsa. Photo Idriss Imelhaine

Elle est authentique, simple, à l’image du club. C’est un mélange de jeunes et de quelques joueurs expérimentés. Je sens que les mecs sont bien. Ils sont sur un nuage depuis le tirage. Mais je le répète, on prépare la chute, on verra comment on va réagir après la coupe. Mon frère a joué à Luzenac et en National 3 à Castanet, et avec son réseau, on a réussi à faire signer d’autres joueurs de ce niveau comme Pierre Ritter et Jonathan Vieu, qui jouaient aussi en N3 à Castanet et qui amènent une vraie plus-value au groupe et apportent leur expérience. Il y a longtemps que l’on n’avait pas senti autant de sérénité dans le groupe, dans le jeu, dans la maîtrise. Avant, on était toujours en train de bricoler, on avait quelques individualités qui sortaient du lot. Là, on a un collectif. On a aussi le défenseur Maecky Lubrano, qui a joué à Pau en National et qui a fréquenté les équipes de jeunes de l’Athletic Bilbao, où il a côtoyé Aymeric Laporte. Il y a aussi Maxence N’guessan, un défenseur central formé au LOSC, qui a joué à Wasquehal, et le frère de Ande Dona Ndoh, l’ancien buteur de Luzenac et de Niort, Joshua Mbuluba Ndoh, qui a un parcours atypique. Tous ces joueurs n’ont pas eu l’opportunité de jouer plus haut.

« On ne vit ça qu’une fois »

Comment se passe l’organisation de ce 32e de finale ?

Pierre Ritter, une des recrues venues de Castanet en N3. Photo Idriss Imelhaine

Honnêtement, les premiers jours, on était noyé. En fait, les jours qui ont suivi le tirage au sort, ça n’a pas arrêté, notamment les sollicitations médiatiques. Le soir du tirage, les joueurs ont regardé la cérémonie ensemble, pendant que mon président et l’intendant se sont rendus sur place. Et puis, PSG est tombé ! Sur le plan émotionnel, ce qui s’est passé, c’était extraordinaire. On ne vit ça qu’une seule fois. Le soir, tu rentres à la maison, il est minuit, tu ne dors pas, tu pleures. Le lendemain matin, je suis allé au boulot, à Castres, j’étais serein, mais j’ai commencé à sentir un peu d effervescence dans l’agence où je travaille, un peu d’engouement, et une heure après, mon téléphone a commencé à sonner, et là, ça n’a plus arrêté. Le soir du tirage, j’ai eu 253 textos ! 253 ! Non lus ! J’ai mis dix jours pour répondre à presque tout le monde !

Cédric Garcia. Photo Pamisire.

On a mis la vidéo du tirage avec la joie des joueurs sur nos réseaux sociaux, elle a été relayée partout ! La secrétaire du club a été prise d’assaut le lendemain, par les médias notamment. Il y a vraiment eu deux ou trois jours avec énormément de sollicitations, et puis, c’est redescendu d’un coup. Après, il a fallu rentrer dans le dur et répondre à la question principale : où va-t-on jouer ? On a pensé à Toulouse avec le Stadium ou Ernest Wallon, mais on avait, il faut bien le dire, une préférence pour le stade Pierre Fabre, le stade de rugby du « CO » : pas mal de nos joueurs sont natifs de Castres, et puis ce n’est qu’à 35 minutes de Revel. C’est un petit chaudron. Le Castres Olympique et la Ville de Castres ont été très réceptifs. Après, il a fallu s’occuper de la billetterie, de la partie sportive et de la partie médias. Pour les médias, on a décidé de mettre tout le monde en lumière, mais pas toujours les mêmes. Je vois bien les appels que j’ai : « Avec les frères Garcia, on tient la belle histoire ». OK. Mais pas question que mon frère et moi focalisions toute la lumière. On veut que ce soit le club dans son ensemble qui soit mis en lumière. On veut montrer la meilleure image possible de tout le club, des plus petits jusqu’aux vétérans.

Jouer à Castres, c’est aussi faire des déçus : vous auriez pu accueillir beaucoup plus de monde à Toulouse…

Le stade Pierre-Fabre, à Castres, accueillera ce 32e de finale entre Revel et PSG.

On va faire des déçus, bien sûr, car on ne pourra pas accueillir tout le monde, mais bon… Il faut voir le côté positif des choses. On est un petit club. On a déjà tout gagné, une image, le respect, la notoriété, et on va gagner une manne financière. Il faut retenir ça. Pas le fait que l’on aurait pu jouer devant 25 000 personnes à Toulouse. Nos gamins sont allés disputer des plateaux dans les clubs extérieurs, tout le monde ne parlait que du match.

Revel, c’est plutôt rugby ou foot ?

Hormis le « Tèf » (Téfécé), qui sort un peu du lot niveau football, on est dans une région « rugbystique », notamment le coin de Castres, avec le CO à côté, club phare du top 14. Après, il y a quand même beaucoup de footballeurs. Pour ma part, je suis natif de Castres, ma société est partenaire du Castres Olympique, je vais régulièrement voir les matchs, d’ailleurs, j’y étais le 31 décembre pour le match contre Perpignan. Et dire que, dans quelques jours, je serai dans ce même stade, et sur le banc ! C’est top !

« C’est la fête du football »

Que représente la coupe de France pour vous ?

Jonathan Vieu. Photo Idriss Imelhaine

La magie. C’est ça le foot amateur ! Aujourd’hui, tous les clubs amateurs de la région s’identifient à l’US Revel. On voit bien que c’est la fête du football. Malheureusement, on est limité en nombre de places. tout le monde ne pourra pas venir. L’essentiel, c’est que nos gamins, nos licenciés, nos partenaires, la ville, les familles, les bénévoles, soient là. On a beaucoup d’enfants de l’école de foot qui sont dans les écoles de la ville, qui ne quittent plus le maillot du club.

Vous aurez quelles couleurs face au PSG ?

On devrait jouer en rouge, short noir, le gardien en jaune, et PSG sera en blanc. D’après nos informations, la délégation du PSG aura 45 minutes après le match pour quitter le stade, ça fait court : parce que j’aimerais bien obtenir un petit moment d’échange dans les vestiaires avec eux et nos joueurs, on verra. Je ne suis pas certain que cela soit réalisable. Ce qui est dingue, c’est que je reçois énormément de gens qui me demandent si c’est possible de voir les joueurs du PSG, y’en a même qui sont prêts à me payer pour passer du temps avec Mbappé !

Le club doit être très sollicité médiatiquement : comment allez-vous faire pour gérer ça à l’approche du match ?

C’est simple, à partir de jeudi soir à 19h, trois jours avant le match, je veux que nos joueurs rentrent dans une bulle : à partir de ce moment-là, c’est STOP ! Plus d’interview, plus rien. On se met en mode match !

III. Jean Boyer revit à Revel

L’attaquant Jean Boyer. Photo Idriss Imelhaine

Pour l’avant-centre de l’US Revel, c’est peut-être – enfin – la fin de la galère ! A 22 ans, le natif de Castelnaudary, à 30 kilomètres de Revel, sort de trois saisons de galères, perturbées comme de nombreux footballeurs amateurs par la Covid-19 mais surtout par une vilaine blessure. Mais tout ça, c’est de l’histoire ancienne.

Aujourd’hui, le solide gaillard (1,83m. et 79 kg) revit à Revel et savoure l’instant. Enfin débarrassé de ses pépins physiques, il rejoue… et surtout, il marque ! « J’avais contracté une blessure à la rotule, un syndrome femoro-patellaire, en août 2020, quand j’étais à Velay (le club de Polignac, à côté du Puy-en-Velay), ça a traîné, ça a tardé à être diagnostiqué, j’ai multiplié les visites chez les spécialistes… Cette saison, ça va ! J’ai pris mon temps cet été pour bien me remettre en forme. Là, je n’ai plus mal du tout. »

Jean entend aussi se servir de cette nouvelle expérience en Régional 1 pour rebondir et retrouver au moins le National 3, comme à Velay FC (2020-2021) et Onet-le-Château, à côté de Rodez (2022-23) où il a finalement très peu joué.

« Je devais signer à Châteaubriant »

S’il a posé ses valises de globe-trotter à Revel (il a aussi joué à Espaly, toujours à côté du Puy, en 2021-2022 et au Puy, en U19 Nationaux, juste avant), c’est un peu par hasard. Sans club après un transfert avorté à Châteaubriant, son ami depuis les classes jeunes à Castelnaudary, Pierre-Antoine Palacios, milieu de terrain de l’US Revel, joue les intermédiaires entre le staff et lui : en octobre, Jean débarque au club pour s’entretenir et s’entraîner. Et ça matche ! « A Châteaubriant, ça ne s’est pas fait au dernier moment, raconte-t-il; j’avais besoin de temps de jeu. Je connaissais Pierre-Antoine (Palacios), avec qui j’avais joué aussi l’an passé à Onet-le-Château, on jouait déjà ensemble à Castelnaudary. »

« La première fois que je l’ai reçu, je l’ai trouvé très timide et réservé, raconte Cédric Garcia, le directeur sportif de Revel. Je me suis dit « comment je vais faire pour l’intégrer ? » et en fait, il passe super bien dans le groupe. Jean, j’apprends à le connaître. Il est très sérieux, très pro. On a eu un « couac » avec un attaquant cet automne, Jean est arrivé à ce moment-là pour s’entraîner, il est resté trois semaines et finalement, on l’a gardé. C’est la belle histoire. Ce type de joueurs, ce sont des bonnes pioches, parce qu’ici, on ne vend pas du rêve. On essaie juste d’avoir du nez, après, il faut que le joueur se sente à l’aise, qu’il soit pris en considération, parce qu’on a quand même de quoi bosser. La R1, ça demande un peu d’exigence. Je prends aussi l’exemple de Pierre-Antoine (Palacios), qui a eu du mal à Onet : or chez nous, clairement, il sort du lot. Je pense que si le joueur est bien, derrière, il te le rend. Pierre-Antoine, on l’a pris en BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), il fait ses études en parallèle, ses parents ne sont pas loin, donc il y a un équilibre qui se fait. Jean, c’est pareil. »

A 45 minutes de chez lui

Mais si Jean Boyer s’est rapproché à 45 minutes de Bram, dans l’Aude, un petit village où vivent ses parents, ce n’est que pur hasard : « Honnêtement, je connaissais Revel de nom, c’est tout ! C’est vraiment le hasard si je suis là, chez mes parents. Cela faisait six ans que j’étais parti de la région. J’ai joué à Bram jusqu’en U13 avant de partir à Castelnaudary en U15 et en U17, puis au Puy-en-Velay, où j’ai joué en U19 Nationaux. »

S’il est réservé, calme et timide en dehors des terrains, sur le pré, Jean est plus expressif et surtout plus prolifique : lors de ses 5 premiers matchs avec Revel, il a marqué 5 fois ! Comme début, difficile de faire mieux. Et même s’il n’a pas marqué lors des deux matchs suivants, en championnat face à Pibrac (0-0) et en coupe face à Blagnac (1-1), il a déjà gagné le respect de son staff et de ses coéquipiers. « J’ai signé ici le 23 octobre et quelques jours après, j’ai enchaîné directement par un match en coupe contre Montpellier – La Paillade (R1). Je suis rentré à l’heure de jeu et je marque à la dernière minute, le but de la qualification, 1 à 0, chez nous, ça m’a permis d’enchaîner les matchs derrière. »

« J’aime bien la pression »

Aujourd’hui, son nouveau club est leader en Régional 1 avec un match en moins, et qualifié face au PSG en 32e de finale de la coupe de France. Tout roule. Ou presque. Seule ombre au tableau, Jean a manqué son tir au but dans la fameuse séance au 8e tour face à Blagnac (N3) : « Mais il ne faut pas le dire, plaisante-t-il ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas loupé un « peno », pourtant, je n’avais aucune pression, on a avait deux tirs au but d’avance, il restait deux tireurs de chaque côté, mais le gardien l’a arrêté ! Bon, ça va que derrière, mon coéquipier (Joshua Ndoh) a fait le travail ! En fin de compte, tant mieux si j’ai loupé, comme ça, j’ai remis les compteurs à jour, et puis moi, j’aime bien la pression ! Ce match contre Blagnac, joué devant 1000 ou 1500 personnes, était équilibré, mais franchement, on n’a pas volé la qualif ! On a une équipe plutôt expérimentée, avec pas mal de joueurs autour de la trentaine, et deux ou trois joueurs de mon âge, dont Pierre-Antoine. Notre gardien, Cyril Garcia, a connu les belles années de Luzenac en National, il est très bon ! On a quelques joueurs qui ont joué en N3 et aussi Maecky Lubrano, défenseur central ou latéral, qui a connu le National à Bayonne et Pau. Après, dans le jeu, on est capable d’avoir de bonnes phases avec le ballon et on est capable aussi de faire mal sur les longs ballons. »

« Je vais demander les crampons de Mbappé ! »

Photo Idriss Imelhaine

Evidemment, depuis ce fameux lundi soir du tirage au sort, sa vie, comme celles de ses coéquipiers, comme celle du club dans son ensemble, a changé : « Tous les joueurs ne pensent qu’à ça ! Les deux nuits qui ont suivi le tirage, j’ai eu du mal à dormir, mais là, ça y est, c’est passé. Maintenant, on ne pense qu’à la préparation du match. On a 0,5 % de chance de passer, on sait très bien qu’on peut en prendre 10, mais on va s’accrocher. On n’est pas nombreux à y croire, c’est sûr. Je vais acheter des places, pour en faire profiter les collègues et mes parents. J’ai même des amis du Puy-en-Velay qui veulent venir. Beaucoup de mes coéquipiers vont demander le maillot de Mbappé, moi, je vais demander ses crampons, ça vaut cher (rires !). L’an passé, apparemment, en 32e de finale, Pays de Cassel, qui avait joué contre eux, avait été sondé à l’avance pour savoir quels maillots ils voulaient; par exemple, s’il y avait 20 demandes pour Mbappé, le club préparait 20 maillots de MBappé ! »

Dimanche 7 janvier 2024 – coupe de France (32e) : US Revel (R1) – PSG (Ligue 1), à 20h45, à Castres, stade Pierre-Fabre. En direct sur BeIN Sports.

Le match se disputera à guichets fermés (plus aucune réservation possible). Une fan zone est organisée à la salle Nougaro, à Revel, à 20h, dimanche soir (650 places maximum), sans réservation.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Idriss Imelhaine, Pamisire, US Revel, AJ Auxerre et DR.

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