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Carnet : c’était Gilbert Guérin…

Gilbert Guérin n’avait pas que des amis dans le football. Mais il n’avait pas d’ennemi. Surtout, il ne laissait personne indifférent. Ni un dirigeant, ni un entraîneur, ni un joueur, ni un bénévole, ni un supporter, ni un arbitre, ni un ramasseur, ni un chauffeur de bus, ni un journaliste. Personne.

Sa « grosse voix » et sa manière de dire les choses, souvent sur un ton au débit rapide et assuré qui ne laissait pas toujours place au dialogue, son charisme, son caractère bien trempé, son sens de l’ironie, ont construit sa réputation. Celle d’un homme franc, direct, râleur, exigeant, passionné. Celle d’un dirigeant qui comptait les sous – Il usait beaucoup du système des prêts de joueurs issus de clubs pros – et pesait dans le football amateur, son monde, même s’il a aussi fréquenté le foot « d’en haut », lorsqu’il fut élu membre du comité directeur du Stade Malherbe de Caen en 1988, en Division 1.

« Une fois que j’ai dit les choses, je suis libéré »

Gilbert Guérin était un homme respecté, parfois agaçant, mais toujours serviable et attachant. Il n’avait pas la langue dans sa poche. Ce qui pouvait en exaspérer certains. Il le savait, mais n’en avait cure, comme il l’avait confié dans un long entretien ici même, paru en août 2022 : « J’en suis conscient. Mais une fois que j ai dit les choses, je suis libéré, parce qu’il y a certains présidents de clubs de L1 qui m’exaspèrent. Y’a des types biens, comme Jean-Michel Aulas (Lyon), Marc Keller (Strasbourg) ou Jean-Pierre Caillot (Reims), et puis y’en a d’autres, ceux qui ont été bons à l’école et qui grâce à ça sont devenus présidents d’un club de foot. Moi je pense que cela ne suffit pas d’être bon à l’école pour être président. Il faut un peu de moral, un peu d’éducation même s’ils en ont forcément autant que moi, mais ils n’ont pas ce petit « plus ». Ce sont des directeurs, pas des présidents. Moi, je suis président bénévole. Je ne suis pas persuadé que ces présidents-là auraient réussi à faire ce que j’ai modestement fait à Avranches en 30 ans. »

Gilbert Guérin le répétait souvent : avoir un club dans une ville de 10 000 habitants – Avranches – à un tel niveau, en National (10e saison d’affilée, la 14e au total depuis la création du championnat), quasiment à la 50e place française, c’est une performance. « Noël Le Graët a fait mieux avec Guingamp, car il est monté en Ligue 2 puis en Ligue 1 et a même joué en coupe d’Europe, mais lui, je le mets de côté, il est trop fort, il doit marcher à l’EPO ou au chouchen, je plaisante bien sûr. Mais derrière Guingamp, notre performance est notoire. »

Les jeunes, sa fierté

A l’US Avranches Mont-Saint-Michel, le club qu’il présidait depuis près de 35 ans, Gilbert Guérin laisse une trace indélébile. Si les jeunes étaient sa fierté, son dernier grand fait d’armes fut l’ouverture en 2021 d’un centre d’entraînement « de niveau bas de Ligue 2 », comme il disait. Un centre de 7 hectares avec 5 terrains (4 en herbe, 1 en synthétique), 950m2 de vestiaires, des salles de musculation avec cryothérapie : « On l’a bâti pour l’avenir. On n’a pas construit de stade pour la L2 mais on a construit pour les jeunes. »

Cet ancien chef d’entreprise à la retraite, resté actionnaire d’une (grosse) « boîte » de peinture qu’il a fondée puis revendue (110 salariés tout de même !), aimait bien aussi comparer ses joueurs à son autre passion, les chevaux de course. Cependant sans jamais les traiter de bourrins ! « Je fais souvent un parallèle avec le football, j’en parle même avec les entraîneurs parfois, racontait-il; un cheval, quand il revient de blessure, il fait toujours une première course « sous la fraîcheur » comme on dit, et puis la deuxième est plus moyenne. Dans le foot, c’est pareil. Un garçon qui revient, il est bon au premier match avec l’envie, et au deuxième, il accuse souvent le coup, il n’a pas le rythme. Avec les blessures, c‘est pareil : un cheval blessé pendant 6 mois, il mettra 6 mois à revenir. »

Son dernier combat…

S’il ne rêvait plus trop de Ligue 2, il militait depuis de nombreuses années pour la création d’une nouvelle Ligue 3, afin que les clubs du 3e échelon – dont le sien bien entendu ! – puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux du niveau supérieur. Il l’avait encore clamé haut, fort et longuement dans les colonnes du journal L’Equipe, en juin dernier, allant même jusqu’à lancer « Labrune (le président de la Ligue de football professionnel), il s’en fout des amateurs ! ».

S’il n’aimait pas l’injustice et les décisions arbitrales qui n’allaient pas dans le sens de son équipe, usant même parfois d’un langage fleuri pour dire son mécontentement, il était aussi très investi et très engagé aux côté d’autres présidents tout aussi emblématiques que lui (son grand ami Jacques Piriou, Antoine Emmanuelli, Fulvio Luzi et beaucoup d’autres), toujours pour défendre les clubs du haut de la pyramide fédérale. Ceux du National.

La nuit dernière, à 72 ans, Gilbert Guérin s’en est allé. Son dernier combat, celui de la maladie, fut, finalement, l’un des rares qu’il n’a pas pu gagner.

A sa famille, à ses amis, à ses proches, à l’US Avranches Mont-Saint-Michel, à tous ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin, 13heuresfoot présente ses plus sincères condoléances.

Aux côtés du président Gilbert Guérin, au stade Fenouillère, à Avranches. Photo Ph. Le Brech

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : USAMSM

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