Le coach caladois, qui vient de fêter ses 34 ans, se réfugie derrière le travail pour palier une supposée inexpérience, alors qu’il entraîne et « bagarre » depuis tout jeune ! Portrait d’un garçon investi et ambitieux, qui n’a pour l’heure qu’un objectif en tête : conduire son club au maintien.
Par Anthony Boyer / Photos : Philippe Le Brech

Avec Laurent Combarel, les premiers contacts remontent à l’été dernier, quand nous l’avions sollicité pour un entretien. Histoire de présenter l’un des nouveaux visages de ce championnat National, qui révèle tant de joueurs et de coachs.Mais le natif d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, intronisé à la tête du FC Villefranche Beaujolais en juin dernier, alors que son club venait d’être relégué en National 2, avait poliment repoussé. Mais pas décliné. Parce qu’il ne voulait pas s’égarer. Parce qu’il souhaitait consacrer toute son énergie à sa nouvelle équipe, repêchée sur le tard en National, et dont le début de saison fut extrêmement compliquée. Au point qu’elle a dû attendre la 8e journée pour enregistrer sa première victoire, face au FC Rouen (2-1).
Généralement, l’on ne se remet pas d’un tel retard à l’allumage. Mais au FC Villefranche Beaujolais, on n’en a vu d’autres. Le club a grandi, traversé bien des turbulences, connu des périodes plus fastes aussi, il est blindé. Et il a relevé la tête. Manque juste aujourd’hui un peu plus de régularité dans les performances pour aller décrocher ce fameux maintien en National et repartir la saison prochaine pour un 8e exercice de rang.
« J’aime que le travail soit reconnu »

Laurent Combarel ne souhaitait pas non plus prendre toute la lumière des projecteurs, d’autant moins qu’avec ce statut de « plus jeune entraîneur de National » (33 ans en juin dernier, 34 ans depuis le 13 février), il se savait « un peu » attendu.
Et puis, faire de la « com, », parler pour parler, donner des interviews, parler de soi, se voir sur les réseaux sociaux ou y consacrer du temps, ce n’est pas trop son truc. « Il faut maîtriser un peu sa communication. Je ne voulais pas qu’on dise « Lui ça y est, il arrive, il a un article ! », non ! J’aime que le travail soit mis en avant », explique, après coup, celui qui fut déjà adjoint en N2 et en National au FCVB (2017-2019), à Bastia-Borgo (2019-2021) et à nouveau ici. « J’ai des choses à dire, c’est vrai, mais je préfère lire ces choses-là chez les autres coachs plutôt que de me lire moi ! Et je préfère ne pas me voir dessus ! Je pense qu’il faut rester à sa place. »
Toujours au sujet de la com’ : « J’aime bien regarder les conf’ de Benoit Tavenot (entraîneur du SC Bastia). Il n’a pas de stratégie de communication, mais il fait passer des messages. En même temps, on sent que ce n’est pas sa tasse de thé. On sent qu’il parle comme il est dans la vie, c’est ça qui est important. La communication est une étape obligatoire. Là, en National, l’exposition est déjà importante ».
Quatre victoires en cinq matchs

Laurent Combarel, son truc à lui, c’est le foot. C’est l’investissement qu’il met du matin, très tôt, jusqu’au soir, très tard. Un engagement personnel qui ne laisse pas beaucoup de place pour le reste. Un choix de vie en somme. Presque une religion.
Il n’est pas là pour s’entendre dire à longueur de temps qu’il est le plus beau ou le plus fort, ou qu’il est le plus jeune des entraîneurs de National (il rend un an à Jordan Gonzalez, 35 ans, coach du FC Versailles). Il est là pour une mission, celle que lui ont confié les dirigeants du FC Villefranche Beaujolais : le maintien.
Il est là aussi pour progresser, s’enrichir, continuer d’apprendre. Gagner en expérience. Pour, un jour, s’il va plus haut, être encore mieux armé. C’est ce qui ressort de cet entretien de 45 bonnes minutes, trouvées au milieu d’un emploi du temps chargé.
Laurent Combarel est un garçon érudit, focus, ambitieux, mesuré, travailleur, compétiteur, réservé, avec ses certitudes et ses doutes. Tantôt sur la réserve, tantôt bavard. Qui ne se livre pas facilement, même si, au fil de l’entretien, la relation de confiance va s’installer. Que l’on sent préoccupé aussi par le classement de son équipe, même si, après trois succès succès de rang (et quatre succès sur les cinq derniers matchs), ça va beaucoup mieux (le FCVB est 9e sur 17, avec 6 points d’avance sur le premier relégable). Et qui s’était imaginé un jour devenir journaliste sportif ! Mais ça, c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, il est certain d’une chose : il a trouvé sa voie. Reste à prendre le bon chemin !
Interview / « Mes week-ends sont merdiques »

Laurent, comment devient-on, à 33 ans, coach en National ?
On s’y met assez tôt, comme d’autres. Et puis on a la chance d’avoir des gens qui vous aident à grandir. On a la chance aussi d’arriver dans des clubs très bien structurés et d’y rester, comme ce fut mon cas à Boulogne-sur-Mer : et à partir de là, je n’ai pas cessé de bosser pour progresser. J’ai tout donné pour évoluer. Il y a une notion de sacrifice qui entre en jeu chez moi, notamment lorsque l’on n’a pas joué à un gros niveau ou que l’on n’a pas été pro. C’est surtout beaucoup de travail et un peu de réussite, et des gens autour avec qui il faut que ça matche et avoir des atomes crochus, car ce sont eux qui vous permettent de grandir; cela a été mon cas tout au long de mon parcours.
Tu as joué jusqu’à quel niveau ?
Jusqu’en DHR, avec Boulogne. Je faisais aussi partie du groupe d’entraînement de la réserve en CFA2 (N3), mais très tôt, à 17 ans, je jouais en seniors chez moi, dans mon village, à Castel-Moissac (Laurent a grandi à Bardigues, un petit village dans le Tarn-et-Garonne, entre Agen et Montauban, et jouait dans ce club qui avait réuni les villages de Moissac et de Castelsarrasin). Puis il a fallu partir pour les études et j’ai mis le foot en stand-by un an. Après le bac, la progression a été cassée. Mais il y avait aussi un plafond de verre logique pour moi. J’ai essayé de continuer de jouer à Boulogne, mais c’était compliqué de faire les deux, la fac et le foot.

Comment es-tu passé du Tarn-et-Garonne au Pas-de-Calais ?
En fait, après le bac, j’ai fait une classe prépa Hypokhâgne à Pau, pour continuer. J’avais des facilités à l’école que je n’exploitais pas beaucoup. Une entrée en classé prépa, en lettres modernes, ça ne peut pas se refuser : c’était une belle Hypokhâgne en plus, en termes de réussite. L’idée, c’était de faire une année puis de basculer vers Sciences Po. Mais avec cette année sans football, j’ai compris qu’il me manquait ce moteur. Et puis je ne bossais pas autant que ce que je bossais dans le foot. L’école, en fait, ce n’était pas forcément ma tasse de thé. Et puis il y avait mes parents : vis à vis d’eux, qui bossaient sans compter, c’était compliqué de ne pas réussir.
Comment as-tu fais pour intégrer Boulogne ?
Ma tante et mon oncle habitaient Boulogne. Mon oncle était un proche de l’ancien président (Jacques Wattez), et je suis rentré au club comme dirigeant et adjoint en U15, et tout est parti de là.
Le Pas-de-Calais, un choc thermique

Le changement de vie a dû être radical…
Oui, surtout quand tu viens du Sud-Ouest comme moi, et que tu as des origines corses, car ma mère est Corse, j’y ai passé du temps aussi. Le Pas-de-Calais, c’est un choc thermique mais j’ai eu la chance d’arriver dans une ville avec des gens merveilleux. J’ai passé tout mon temps au club, même si j’allais à la fac aussi. En tout, j’y suis resté six ans. Tout m’allait bien. L’USBCO, c’est un club exceptionnel, même si, quand je suis arrivé, vers l’âge de 19 ou 20 ans, le club n’était pas dans sa bonne période, car il venait de descendre de Ligue 1. Mais comme école de la vie et pour apprendre le métier, il n’y avait pas mieux.
Alors comme ça, tu aurais aimé être journaliste sportif ?
Oui, ça m’aurait plu, pour aller dans le foot de haut niveau, mais c’était une niche pour moi. J’ai des copains qui ont poursuivi dans cette voie, ça prend un moment, il faut passer par des étapes que je n’aurais peut-être pas forcément apprécié. Et puis, parfois, on est poussé par les parents. Les miens sont agriculteurs et pour eux, c’était la réussite de l’enfant qui comptait. Il fallait se donner à fond. Mais je ne regrette pas un instant mon choix : quand j’étais en STAPS, je n’étais focus que sur le club de Boulogne, et pourtant les profs me disaient tous « si demain tu vas au Capeps, tu valideras », mais pareil, zéro regret, parce que prof’ de sport, ce n’était pas non plus fait pour moi.
Cela a dû te faire quelque chose de retourner au Stade de la Libération, à Boulogne, au match aller, dans la peau du coach de Villefranche…
Malheureusement on a perdu 1 à 0, c’était le dernier match de l’année civile. Pour la petite histoire, quand j’étais adjoint à Bastia-Borgo, en National, le coach Jean-André Ottaviani avait pris une suspension et donc j’avais officié sur le banc … à Boulogne (en septembre 2019, défaite 2 à 1) ! C’est là que l’on voit que c’est un métier difficile parce que je n’ai pas pu prendre le temps… J’ai juste eu le temps de faire une petite marche en solo vers 10h, pour revoir quelques endroits, j’ai serré deux ou trois mains, et voilà… Ce sont des capsules de petits moments de plaisir mais c’est éphémère, car très vite on est plongé dans l’approche du match, on est à l’hôtel.
« Plus on travaille, plus on réduit l’incertitude »
Des moments de plaisir, même éphémères, tu en as tout de même depuis que tu as été nommé à la tête du FC Villefranche Beaujolais ?
Oui, mais pas souvent. Je bagarre pour en avoir. C’est difficile. Cela viendra avec l’expérience, d’autant que j’ai plein de passions, mais je les ai mises un peu de côté. Pourtant, je sais que c’est important de couper, mais le foot prend du temps. Et puis on est un staff très jeune, et on sait que plus on va travailler, plus on va réduire l’incertitude. Pour l’instant, on met toutes nos forces là-dedans, sans regret, parce que c’est une opportunité énorme.
Tu parlais d’autres passions : lesquelles ?
Je lisais beaucoup. Je faisais de la musique, piano, guitare. Je dessinais aussi depuis mon passage à Bastia-Borgo. Mais j’ai moins le temps pour tout ça cette année, c’est normal.
« Travailler à la formation, ça m’a aidé »

Ne pas avoir le diplôme requis pour entraîner en National (son club a obtenu une dérogation due au repêchage tardif en National), est-ce une pression supplémentaire ? Et envisages-tu de t’inscrire pour être sur la liste du BEPF ?
Aujourd’hui, tu me donnes deux enveloppes, l’une avec le maintien du club en National et l’autre avec mon admission au BEPF, je prends celle avec le maintien ! Voilà où j’en suis actuellement. Mon président (Philippe Terrier) me répète aussi de faire mon dossier, sauf que, un peu comme pour les passions, ça arrive après : si j’ai un bout de temps à y consacrer, je m’y mettrai, mais là, on est vraiment focus sur le sportif. Après, pour répondre à la question, ce n’est pas une pression particulière, par contre, peut-être que, par rapport à cette dérogation, j’en fais justement encore plus. Il faut travailler encore plus. Mais le diplôme ne veut pas forcément toujours tout dire, c’est plus par rapport à l’expérience. Et Je n’ai ni l’expérience ni le recul d’un Hervé Della Maggiore par exemple.
Tu as commencé par entraîner chez les jeunes, à Boulogne et au Sporting-club de Bastia notamment : te sens plus formateur ou entraîneur des seniors ?
J’espère être un mélange des deux mais c’est encore un peu tôt pour le dire. Avec les jeunes, c’est important de pouvoir faire passer les messages. Pour les seniors, je n’ai pas une expérience énorme même si j’ai été souvent adjoint, un poste où il fallait être réactif, multi-tâches, capable d’anticiper les besoins du coach principal, donc ça m’a aidé. Dans quelques années, j’aimerais pouvoir dire que tout m’a servi : je prends l’exemple de Laurent Guyot, c’est un coach qui gagne mais c’est aussi un très bon formateur. Travailler à la formation, ça m’a aidé, mais en termes de plaisir, j’ai choisi cet aspect du foot de haut niveau, plus compétitif. Le monde seniors m’a rapidement attiré. C’est ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui.

Tu parles de Laurent Guyot, un modèle ?
Je l’ai connu à Boulogne et on s’est croisé à Annecy où j’ai mon meilleur ami, Alexis Loreille, qui est son adjoint en Ligue 2. Même si je ne le connais pas assez, ce qui ressort chez lui, c’est sa personnalité, qui est la même sur le banc et en dehors, calme, posé, lucide. Il analyse. Laurent Guyot, c’est la classe. Un exemple pour moi.
Tu as croisé beaucoup d’autres coachs… Certains t-ont-ils plus marqué que d’autres ?
Ils m’ont tous marqué d’une certaine manière. Après, c’est sûr qu’un entraîneur comme Hervé Della Maggiore (entraîneur d’Orléans, en National), qui m’a appelé à Villefranche après Bastia-Borgo, qui m’a poussé aussi pour le DES (Diplôme d’état supérieur), qui a mis son crédit en avant pour moi, et je ne le remercie jamais assez pour ça. Parce que le DES, tout le monde le sait, c’est une étape, et c’est compliqué pour rentrer. Hervé, il a toujours bien fait jouer ses équipes, il donne beaucoup de conseils. Il y a aussi Alain (Pochat, entraîneur de Bayonne en N3) qui m’a lancé en N2 : il a posé les bonnes bases à Villefranche, un club qu’il a construit, qu’il a fait grandir. Et il y a Jean-André Ottaviani, à Bastia-Borgo, qui m’a laissé beaucoup m’exprimer, m’a conseillé, je lui dois beaucoup aussi. Idem avec Albert Cartier (Bastia-Borgo), qui a ce côté rigoureux. Ces rencontres m’aident à gérer mon quotidien.
« Ce championnat a explosé »

Tu as connu ce rôle d’adjoint avant : est-ce que tu essaies de reproduire ce schéma avec ton staff, notamment en déléguant beaucoup ?
J’ai la chance d’avoir un adjoint (Romaric Bultel, qui est né le même jour, un 13 février, mais un an plus tôt que Laurent !) qui, à la base, a plus d’expérience que moi sur un banc en seniors : il était à Evreux, il est monté en National 2, et sans les problèmes de ce club, il y serait peut-être encore, d’autant que c’est un enfant du club là-bas. Mais c’est différent avec lui, c’est plus une relation de binôme. Dans la prise de décisions, je m’appuie beaucoup sur lui. Et puis il avait une posture de numéro 1. Il n’anime pas toutes les séances en semaine, on se répartit un peu les tâches, mais il est très important dans le vestiaire et pour moi. Il y a aussi Baptiste Chappelon (29 ans), qui a aussi un rôle d’adjoint : il entraîne les gardiens, il a lui aussi déjà un peu d’expérience, que cela soit la saison passée ici ou avant à Andrézieux. On est dans l’échange permanent pour la prise de décisions, donc cela va même au-delà de ce que moi j’ai pu connaître quand j’étais adjoint. J’ai besoin d’eux.
Tu connais le National depuis 2018 et ta présence sur le banc aux côtés d’Alain Pochat, à Villefranche : comment trouves-tu l’évolution de ce championnat ?
Je peux même remonter encore plus loin puisque quand j’étais à Boulogne, j’allais déjà voir tous les matchs en National. Cela n’a rien à voir. Nous, on fait figure de petit Poucet, on fait de la résistance, même si on n’est pas les seuls dans ce cas. Aujourd’hui, ce championnat National a explosé. Récemment, je me demandais si, dans les autres pays, il y avait autant de clubs « historiques », des anciens de première division, qui évoluaient au troisième échelon. Peut-être en Angleterre, mais là bas, ce n’est pas comparable. C’est dommage que cet essor ne se voit pas sur les à-côtés, qui ont beaucoup évolué, parce que je ne sais pas si on aura encore autant de saisons avec autant de clubs « historiques ». Avant, en National, il y avait moins de moyens, les staffs étaient moins étoffés, il y avait beaucoup plus de clubs amateurs, donc plus de possibilités pour eux d’avoir une chance de passer en pro; cette année, on le voit aussi, il y a des clubs amateurs qui performent, ils ont tous un point commun, soit une dynamique de montée, soit un passé pro à l’image de Boulogne. Ce championnat est super-intéressant, exceptionnel et aussi un peu à l’image du foot français, à deux vitesses, parce qu’il est inégalitaire.
« On est parti d’une page blanche »

Changeons de sujet : le FCVB, avec son directeur sportif Edouard Chabas, s’est montré ultra-actif lors du mercato hivernal, avec huit recrues (*). Peut-on dire que c’est un nouveau championnat qui vient de commencer ?
C’est du jamais vu ! Normalement, en hiver, on fait des réajustements, pas des mercatos ! On a des cartouches différentes, c’est vrai, mais il faut les intégrer, il faut que ça prenne. Là, on n’en est qu’au début. De toute façon, pour moi, la deuxième partie de saison, c’est toujours un deuxième championnat, que l’on ait les mêmes joueurs ou pas. Pour le FCVB, c’était un besoin et si on a cette chance de pouvoir amener des nouveaux joueurs et de faire ce mercato-là, c’est aussi parce que le club avait toujours bien géré son budget, en bon père de famille. Après, on a perdu des joueurs aussi, il faut le dire, donc on n’a pas fait non plus un « +8 joueurs », mais plutôt un +4 (quatre départs) ou un +3 (en comptant un blessé longue durée); ça va nous faire du bien, ils nous amènent déjà un petit truc, ils ont boosté un peu le groupe. Ils ont déjà été nombreux à être alignés. Ce n’est jamais facile d’arriver et de prendre la place de certains sur le onze de départ. Il faut avoir un super-état d’esprit mais les joueurs qui étaient déjà là ne sont ni bêtes ni dupes : ils avaient conscience qu’en termes de quantité, de concurrence, on n’était pas très bien armés, surtout après quelques départs. On a la chance d’avoir de superbes personnes dans ce groupe, et je le pense vraiment, ils collent bien avec le club. J’ai aimé la manière avec laquelle ils ont intégré les nouveaux. c’est un super signal.
On a quand même l’impression que, depuis un an, voire deux, un cycle nouveau s’écrit à Villefranche…
Les années où ça performait, il y avait des automatismes, on parlait souvent de ce fameux milieu de terrain où les joueurs se connaissaient par coeur, mais toute l’équipe était de qualité. Après, certains ont pris de l’âge, mais ça, cela ne nous a jamais vraiment fait peur ici. La vérité, c’est que, même s’il y avait déjà eu des changements à l’été 2023, la quasi-totalité des joueurs est cette fois partie à l’été 2024, car ils ne voulaient pas attendre de savoir dans quelle division le club allait repartir, en N2 ou en National, et c’est normal. Cela nous a obligé à faire 95 % de recrutement. On a eu le bonheur d’en garder quelques-uns comme Sullivan (Péan, le gardien), Idrissa (Ba) ou Théo (Emmanuelli). C’est malheureux, mais c’est comme ça, parce qu’on aimerait tous avoir une identité, garder un fil conducteur, avec cette même qualité de jeu que l’on a pu connaître notamment avec Hervé (Della Maggiore), même avec Alain (Pochat), mais forcément, elle s’est un peu envolée avec les départs des Nicolas Flégeau, Maxime Blanc, Timothée Taufflieb, Rémi Sergio, etc., et aussi des bons attaquants, qui ont souvent été des prêts. On avait une grosse ossature. Pour un staff, c’était un gain de temps énorme. Là, on est parti d’une page blanche, et on repart encore comme ça. Il faut que l’on se bagarre pour vivre une inter-saison un peu plus calme, plus classique, et travailler dans les meilleures conditions possibles, ce qui n’est pas arrivé au club depuis un moment, entre les deux barrages perdus en 2021 et 2022, la non-montée en Ligue 2, le maintien à l’arrachée l’année d’après où s’en sort à la dernière journée en 2023… Tout en sachant aussi que l’on ne jouera pas la dernière journée (le FCVB sera exempt).
« On va y arriver ! »

Justement, être exempt à la dernière journée, qu’est-ce que ça change ?
J’espère qu’on suivra cette dernière journée de manière sereine. Notre objectif, c’est d’être tranquille chez nous pour la regarder ou d’être tous ensemble au club. Il faut qu’on le fasse. Qu’on aille chercher ça. Cela met une petite pression, parce que ça veut dire qu’il faut prendre les points une journée avant la fin, ce qui n’est pas impossible du tout. Mais qu’il y ait deux descentes ou huit, ce championnat est d’une telle densité qu’il y a toujours, jusqu’à la fin, des choses qui sont réalisables. Mais on va y arriver.
Jouer à 17 clubs au lieu de 18, avec un exempt à chaque journée, ce n’est pas une chose normale : est-ce que cela fausse pas le championnat ?
Je ne sais pas si ça fausse le championnat, c’est juste dommage, vu le prestige et l’ADN du National cette saison, mais bon, on est 17, on nous a donnés cet objectif de se maintenir (le 17e et le 16e sont relégués), on est bien placé pour savoir que nous, on travaille avec les moyens que l’on a, dans un club bien géré et bien structuré, et cet équilibre, on ne le retrouve pas partout, et je ne vise personne en disant cela. Mais cet équilibre, il est précaire. Et c’est pour ça que l’on se retrouve à 17. Nous, on se fixe des limites, en termes structurelles, de recrutement, de moyens, et on fait avec. C’est dommage que certains clubs n’aient pas pu profiter d’un repêchage.
« Il n’y a que les résultats qui comptent »

En janvier dernier, une rumeur a circulé : on a lu que Fabien Pujo, qui n’est plus à GOAL FC, allait peut-être s’installer sur le banc du FCVB. Comment as-tu vécu cela ?
J’ai eu l’info. C’est marrant, parce qu’au départ, c’est le capitaine de Valenciennes, Rémy Boissier, qui me l’a dit. Rémy, il a joué à Castel-Moissac, comme moi. On a gardé des liens. Je n’ai pas eu besoin de cet article pour savoir qu’il fallait qu’on gagne des matchs. On sait bien que dans le foot, il n’y a que les résultats qui comptent. Evidemment, je ne suis pas né de la dernière pluie, on était dans une spirale très compliquée à ce moment-là, on l’est toujours d’ailleurs, avec une remise en questions permanente. Après, ça ne fait jamais plaisir de lire ça, mais c’est plus vis à vis des joueurs que c’est embêtant. Si les joueurs ne sont plus avec le coach, cela peut aider, et dans ce cas-là, il faut faire les choses proprement. Mais si les joueurs sont aussi surpris que le coach ou le staff, ce qui fut le cas, cela devient problématique parce que ça peut les fragiliser. Mais on a des joueurs qui sont dans le projet, donc on a bien rebondi par rapport à ça; après, savoir qu’il y a des coachs beaucoup plus expérimentés que moi… Je ne le découvre pas. C’est toujours facile de se dire que je suis jeune, que je n’ai pas d’expérience de ces maintiens, qu’on va tenter un électrochoc, alors que j’ai vécu des maintiens avec les coachs dont j’étais adjoint.
Avec tes dirigeants, comment la situation a-t-elle été gérée ?
On a discuté. Ils ont fait ce qu’il fallait. La situation a vite été éclaircie et c’est très vite rentré dans l’ordre. C’est juste que… Voilà, c’est normal, il y a un coach qui a fait ses preuves, qui est juste à côté de Villefranche, qui vient de quitter son club, qui vient voir des matchs à Armand-Chouffet, comme d’autres. Mais je sais que dans ce club, quand cela arrivera un jour, parce que cela arrivera un jour, ce sera fait dans les règles, à la hauteur de l’investissement que j’aurai mis, c’est à dire en ne comptant pas les heures, en doublant ou triplant les missions. Je sais que les dirigeants s’en souviendront.
« J’aime bien le 4-3-3 »
Tu as remarqué, je ne t’ai pas posé de question sur ton âge… Parler de ça sans cesse, avoir à te justifier, ça te « saoule » à force ?
Non. Les seules personnes que je dois convaincre aujourd’hui, c’est mon vestiaire et son groupe de joueurs, le staff et les dirigeants. Ce ne sont pas les les gens dans les tribunes et tout ce qui se dit autour. Les joueurs voient qu’on bosse, qu’on en fait beaucoup. Après, si ça se passe mal, il y aura peut-être des doutes. Mais le reste… Je suis assez humble par rapport à tout ça : à 34 ans, c’est impossible d’avoir les mêmes armes qu’Hervé (Della Maggiore) ou Romain Revelli par exemple, mais ce n’est pas autant qu’on ne peut pas réussir. Cela fait des années que je sacrifie tout pour ça. J’ai des choses à faire valoir aussi, sinon je ne serais pas là. J’ai 34 ans, le plus âgé, c’est Romaric, l’adjoint, qui a 35 ans, mais tous les autres sont plus jeunes.
Les joueurs t’appellent « coach » ou « Romain » ?
Ça varie, souvent c’est « coach ». On a le plus jeune effectif du National en termes de moyenne d’âge. Le plus âgé, c’est Idrissa (Ba, 34 ans). Certains m’appellent aussi par mon prénom, je ne fais pas le vieux sage, tant qu’il y a ce respect-là. C’est un détail.
Un système de jeu préférentiel ?
J’ai beaucoup entraîné en 3-5-2 parce qu’Alain (Pochat) a ramené ce système à Villefranche, que l’on a transposé chez les jeunes, à Bastia-Borgo aussi. Mais j’aime bien le 4-3-3.
« Cette saison, on suit beaucoup Versailles »

Un modèle de coach ?
Ce serait un entraîneur hybride, qui n’existe pas, qui serait un mélange de tous les entraîneurs que j’ai croisés, avec un mix de toutes leurs qualités. Ce serait forcément quelqu’un qui se lève avant les autres et qui se couche après, et qui a les valeurs de la terre. Dans ce métier, tu pioches beaucoup. Il faut être ouvert et curieux, surtout quand on est jeune. J’ai la chance d avoir été élevé comme ça : quand on ne sait pas faire quelque chose ou quand on a un doute, on demande, on regarde, même si cette année, je le fais moins. Tout le temps que j’ai passé sur les terrains m’a servi à emmagasiner ça. Il faut faire sa propre expérience mais ça prend du temps. Bien sûr que je m’appuie sur tout ce que j’ai pu voir, et j’apporte ma patte personnelle. Peut-être que, dans quelques années, on pourra dire « C’est comme ça que je bosse », « Il joue de telle façon » ou « C’est sa patte, c’est comme ça qu’il travaille », etc. » Mais pour l’instant, je ressemble à un mélange de beaucoup de personnes.
Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Elvin Kalaja, mon entraîneur à Castel-Moissac. C’était un très bon joueur de foot, international albanais, qui était un sacré bon coach ! Avec peu de moyens, il nous a amenés à un tel niveau… Je l’ai de temps en temps mais j’aimerais pouvoir discuter plus avec lui.
Le Tarn-et-Garonne, plutôt une terre de rugby… Tu ne t’es jamais intéressé au monde de l’ovalie ?
J’ai un paquet d’amis qui sont « matrixés » par la SUA (SU Agen), j’ai même de la famille qui a joué à un bon niveau. J’aime bien le rugby et je trouve que ses valeurs correspondent un peu à ce que je suis, même si ce sport est en train de se « normaliser ». Je regarde rarement les matchs, parce que mon temps d’écran est tellement occupé par nos propres matchs, ça ne laisse malheureusement pas beaucoup de place pour autre chose.
Et les matchs de National, tu les regardes tous en replay ?
Non ! J’ai le staff aussi pour ça. On en regarde bien sûr, notamment l’adversaire. En fait, on suit une équipe en particulier chaque saison. Par exemple, quand j’étais à Bastia-Borgo, je suivais l’équipe d’Avranches de Frédéric Reculeau, un régal : son projet de jeu était tellement particulier. Là, cette saison, on suit beaucoup Versailles. J’aime bien la Ligue 2 aussi, je regarde. C’est un championnat qui m’intéresse presque plus que la Ligue des Champions, même si je regarde aussi. Parce qu’en regardant la Ligue 2, on se dit aussi que, peut-être, un jour, ça sera notre tour. On se bagarre pour ça.
« J’aime écouter des chants corses »

Des amis dans le foot ?
Oui, notamment mon ami, Alexis Loreille (entraîneur adjoint au FC Annecy).
Meilleur souvenir sur un banc ?
Le match de la montée en National avec Villefranche, contre Schiltigheim, en 2018 (4-1), avec tous les Caladois, la belle fête après le match. Une belle émotion.
Des rituels, des tocs, avant un match ?
Ça peut arriver mais ils sont fluctuants. J’aime bien écouter des chants corses, j’ai ma playlist qui tourne en boucle. Il faut que j’ai un temps calme aussi pour avoir les idées claires. Je laisse toujours l’échauffement à tout mon staff, c’est important que ce soit eux qui le prennent.
Une devise ?
J’aime bien utiliser des citations, mais je n’en ai pas une en particulier.
« Comme on fait son lit, on se couche »
Le club de Villefranche ?
Familial. Bien ancré dans son territoire. Avec de grosses valeurs. Volontaire. En construction, mais pas dans le sens péjoratif. C’est un club qui a encore besoin de grandir, et comme moi aussi, ça tombe bien, j’espère qu’on grandira encore ensemble. Il a besoin de se structurer aussi, mais quand je vois le travail de notre manager général, Gaëtan Mazzola, qui a réussi à fédérer 600 entreprises autour du club, c’est exceptionnel.
Le milieu du foot ?
Il est tellement décrié mais il apporte aussi tellement… Il est à l’image de l’éducation d’aujourd’hui, donc ça n’inspire pas que du positif, mais c’est comme toute chose : aux gens et aux acteurs du foot, si cela ne leur plaît pas, de changer les choses, et il y a des choses à changer car il est moins noble qu’avant. Comme on fait son lit, on se couche. Mais il faut qu’il garde ses côtés « éducation et « valeurs », parce que c’est comme ça qu’il est devenu populaire. C’est pour ça que nous, à Villefranche, on fait beaucoup de choses à côté, on a une section handisport, on a du foot féminin qui est dans l’inclusion, on a une démarche RSO (Responsabilité sociétale des organisations), il faut mettre en avant tout ça, parce que ça coûte; dernière l’équipe Une, qui a un budget limité, il y a toute une association à faire tourner. On est à belle école ici. Le foot et les valeurs ne sont pas morts : il faut juste bien ouvrir les yeux. Maintenant, on sait aussi que plus on monte, plus on est dans une lessiveuse.
Tu es un entraîneur plutôt …
Investi, passionné et ouvert.
« Le plus intéressant, c’est le terrain. Pas moi. »

Parfois, n’as-tu pas l’impression d’être, comment dire, un peu différent de pas mal de tes collègues entraîneurs ?
C’est sur que de me voir là, de par mon parcours scolaire déjà, c’est un peu détonnant. Peut-être que c’est ce parcours qui fait que, justement, j’adore mon quotidien, parce quand on n’a pas connu que ça, quand s’est posée la question de vivre sans le foot, ça m’a fait réfléchir. Mais je n’ai pas la prétention d’être aux antipodes, sauf peut-être sur quelques aspects. Il y a plein de coachs comme moi, sauf qu’il n’y a pas toujours des personnes comme toi pour les interroger, je pense surtout aux coachs de haut niveau, pour parler d’autres choses que du foot, du jeu, même si on en a parlé un peu. Il n’y a pas beaucoup de médias qui demandent aux coachs ce qu’ils font à côté, c’est très bien aussi, mais c’est tellement un métier compliqué, les coachs connus sont tellement épiés… Avoir un parcours différent et d’autres passions, je ne suis pas le seul dans ce cas, c’est sûr. Pour moi, c’est ça qui fait la richesse.
On sent que tu n’aimes pas trop parler de toi, on se trompe ?
Le plus intéressant, c’est le terrain. Je ne mélange pas ma vie personnelle. Le reste, à côté, je préfère le garder un peu pour moi. Mais je ne m’ennuie jamais !
« Tout me plaît dans ce métier »
Pourquoi tu es dans le football ? Pourquoi tu entraînes ?
Parce que c’est toute ma vie. J’adore me lever le matin, tout me plaît dans le métier, le relationnel, j’aime transmettre, même s’il y a des choses plus dures cette année; j’étais plus proche l’an passé avec mes joueurs par exemple. Et puis j’aime le challenge, je suis un compétiteur, même si ça génère des émotions plus compliquées, surtout quand on débute comme moi à ce niveau-là. Mes week-ends, ils sont merdiques. Avant, je faisais du sport, je courais, et pour l’instant, j’ai mis ça de côté. Malgré tout, j’adore ça, l’adrénaline avant les matchs, se frotter à des équipes mieux armées avec des coachs plus expérimentés, mais on se bagarre. J’adore ce que ça procure comme émotions.
Tes week-ends ne sont pas tous merdiques, quand tu bats Nancy 2-0 par exemple, avec un coach ultra expérimenté en face, ou quand tu gagnes à QRM à la dernière minute, ou quand tu marques deux buts à la fin à Aubagne…
Il faut se bagarrer pour que ça se passe comme ça, mais il n’y a jamais d’euphorie ni de dépression; je pense que plus on va prendre de l’âge, plus on sera capable de rester entre les deux. Les gens doivent se rendre compte que le foot change nos vies, nos semaines, nos discussions avec nos proches. On a tellement à coeur de bien faire, de prouver… On vit la même chose que les joueurs et on est à fond derrière eux. Ce ne sont pas les joueurs qui ont perdu ou moi qui ai gagné. C’est toujours « tous ensemble ».
Pour terminer, tu aurais une question à me poser ?
Oui ! Comment t’es venue cette vocation de journaliste ? C’est quoi qui te motive ?
Entretien réalisé avant la rencontre FCVB – US Orléans (2-0) de vendredi 21 février 2025.
(*) Le FCVB a été très actif pendant le mercato hivernal avec 8 arrivées : Lucas Calodat, Patrice Kissling, Christopher Rocchia, Abou Ba, Raouf Mroivili, Achille Anani, Nazim Babaï et Kenny Mixtur.
- Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
- Photos : Philippe LE BRECH
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