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Depuis près de 30 ans, le photographe, connu comme le loup blanc chez les amateurs et les professionnels, répertorie et classe ses fiches sur les joueurs et les clubs, comme dans un dictionnaire. Ce travail d’orfèvre, il aimerait l’utiliser pour refaire un guide, comme le « DT Foot » dans les années 2000. Portrait d’un homme attachant, passionnant, qui a fait du championnat National son terrain de jeu favori.

Un jour, Philippe Le Brech a sonné à la porte du domicile de Denis Troch, à Saint-Germain-en-Laye. A l’époque, « C’était en 1999 je crois », Philippe remplissait déjà des fiches sur des joueurs et des clubs pour alimenter son « Guide du football ». Surtout, il savait que l’ancien coach adjoint d’Arthur Jorge au PSG (1991-94) et coach principal à Laval (1994-97) et au Havre (1997-89), consultant à la télé, était très féru de statistiques, de chiffres, de données en tout genre. Sans cette rencontre, le dictionnaire du football, le Quidfoot (le nom de la première édition), devenu ensuite le fameux « DT Foot » (DT pour « Denis Troch »), n’aurait pas vu le jour. Les deux hommes ont croisé leurs compétences et allié leur passion pour donner naissance à ce guide, ce dictionnaire, cette encyclopédie, cette bible, n’ayons pas peur des mots, ce livre de chevet indispensable. Une vraie mine d’or ! Au total, il y eut 7 éditions du DT Foot, entre 2000 et 2007. Du jamais vu à l’époque.

« J’ai connu Philippe avant le DT foot, rembobine Denis Troch, reconverti dans la préparation mentale, le coaching et le management, et qui a lancé l’application mobile « Parcours parenthèses » (*). Un jour, il est venu chez moi et il m’a dit « Voilà , je sais que tu es féru de statistiques », et c’est vrai que je faisais beaucoup de statistiques à l’époque, pour Canal, pour TPS, et il m’a présenté sa base de données, son annuaire; ça m’a intéressé et on a collaboré ensemble pour ce qui allait ensuite devenir le « DT foot ». Mais au départ, Philippe avait des données jusqu’en CFA (N2) mais moi, je lui ai dit qu’il fallait aller jusqu’en Division d’Honneur, puisque personne ne le faisait. On est parti sur ce délire. Ce fut un investissement total et un travail considérable de sa part et aussi de la part de mon épouse Odile et de Ludovic Billac, et ça a duré 7 ans. »

Le fameux « DT Foot », le dictionnaire du foot.

Quand on parle de bible, forcément, ça parle au journaliste Arnaud Tulipier, 24 ans de présence à France Football, la « vraie » bible du football, qui s’est intéressé de près au projet « DT Foot ». D’ailleurs, chaque année, il en commandait plusieurs exemplaires pour sa rédaction. « Philippe, je le connais depuis près de 30 ans ! Au départ, je l’ai connu via son associé de l’époque, Ludo Billac. J’étais encore à But! Ensuite, grâce au DT Foot, on s’est croisé sur les terrains, il me rendait visite à France Football, je l’ai trouvé attachant. C’est quelqu’un qui m’a touché. Il est débrouillard, il a un réseau de dingue, il connaît plein de monde. C’est un amateur de foot au sens pure du terme. Il connaît plein de monde. On s’est bien entendu, on avait des atomes crochus, et aujourd’hui, c’est un vrai ami. »

« Je suis perfectionniste »

A Rennes, chez lui, à son bureau, en train de mettre à jour ses fichiers.

Sans le DT Foot, Philippe Le Brech ne serait peut-être pas connu comme le loup blanc… encore que, même pas sûr ! Parce qu’à force de promener partout sa silhouette, toujours vêtu de son fameux chasuble « photographe », l’on s’est habitué à le voir, à lui parler, à l’écouter, à l’entendre s’exprimer, parce que, il faut bien le dire, le Parisien, qui vient de fêter ses 53 ans (le 9 janvier), a du caractère ! L’homme, un peu râleur et entêté – « Je suis perfectionniste, en fait » – cache une personnalité très attachante. Il est touchant, serviable et d’une grande générosité.

« Il a le coeur sur la main » poursuit Arnaud Tulipier, qui a lancé l’application « 90Football » (également disponible sur YouTube) après son départ du groupe Amaury. « Il rouspète si on ne lui demande pas un numéro ou une photo ! Il est comme ça, généreux. J’ai fait des reportages grâce à lui : je me souviens d’une vidéo avec tous les joueurs français finalistes de la dernière coupe du monde, dont les 3/4 sont passés par les équipes de France jeunes : on a pu récupérer toutes les photos d’eux quand ils étaient jeunes entièrement grâce à lui ! Si je n’avais pas eu cette matière première, je n’aurais rien pu faire. »

Et Tulipier de poursuivre : « Il a parfois des obsessions, alors je lui dis « calme toi », mais il est hyper-attachant, je l’aime beaucoup. Son caractère râleur est un petit vernis qui ne tient pas longtemps. Quand j’ai eu des coups de moins bien, il était là. Il est extrêmement généreux, bienveillant. Il n’y a pas beaucoup de gens comme lui. »

Laurent Pruneta, journaliste au Parisien (et collaborateur pour @13heuresfoot), raconte cette anecdote : « Quand ma maman est décédée en 2011, c’est lui qui a organisé une collecte auprès de mes collègues du Parisien qu’il connaissait bien, des patrons du restaurant japonais où on allait tout le temps, pour acheter un bouquet; ça résume l’homme. »

Un globe-trotter

Jérôme Bouchacourt, le rédacteur en chef du site « Footamateur.fr », qui fête ses 10 ans d’existence cette année, connaît bien l’énergumène : ils collaborent ensemble pour le site. « Philippe, il est parfois un peu chiant mais je l’aime beaucoup ! » résume-t-il. « On a appris à se connaître, à force de se rencontrer sur les terrains, parce qu’au début, ce n’était pas ça ! On collabore ensemble depuis le début de l’aventure « Footamateur.fr » ! On s’appelle quasiment tous les jours. Aujourd’hui, 90 % des photos du site Footamateur.fr sont les siennes. Je l’appelle « Le globe-trotteur du foot amateur » ! Il est incroyable, il appelle parfois d’autres acteurs du milieu du foot pour se déplacer avec eux sur un match ! La saison passée, pour le match de coupe de France entre Vire et Caen, il a pris un train pour rejoindre quelqu’un du Nord qu’il ne connaissait pas et qui allait au même match, et ensuite, ils y sont allés ensemble ! C’est un ours attachant, qui a le coeur sur la main. Il connaît tout le monde. Il met en relation des gens. Quand tu as besoin de lui, il est là, mais c’est vrai… quel caractère ! Je me souviens d’une scène à l’aéroport de Nice, en juin 2022, quand je suis allé avec lui à l’assemblée générale de la Fédération, on lui a fait vider tout son sac, il n’était pas content mais au final tout s’est bien passé ! »

Fan du Red Star

C’est vrai que Philippe Le Brech, qui a grandi à Saint-Ouen, fan de la première heure du Red Star, où il a même joué en poussins, pupilles et minimes – « Mais j’ai arrêté car je n’étais pas parmi les meilleurs et les horaires ne collaient pas avec l’école. En plus, je n’ai jamais compris pourquoi je jouais ailier gauche alors que j’étais droitier ! » -, possède un carnet d’adresses long comme le bras. Et il en fait profiter les autres.

Stéphane Delaveau, le directeur de l’agence de presse Lebourg (APL), spécialisée dans la diffusion d’informations à la presse quotidienne régionale, peut en témoigner : « J’ai connu Philippe il y a 25 ans quand le Red Star, à cause d’un problème de délocalisation, a quitté le stade Bauer pour aller jouer à La Courneuve. J’allais voir les matchs, je l’ai croisé, on s’est rencontré, et c’est lui qui m’a mis en contact avec la famille Lebourg, de l’agence de presse Lebourg. Au départ, j’étais pigiste, car j’avais mon travail à côté, et puis j’ai racheté l’agence au décès brutal de Monsieur Lebourg, son fondateur, et aujourd’hui, elle a 35 ans. Philippe, c’est quelqu’un d’entier, avec les qualités et les défauts qui vont avec. Il est parfois excessif, et confond rigueur et rigorisme ! Mais il te donne son amitié et sa confiance entièrement. L’agence APL fait des photos pour la Fédération Française de football sur les matchs des équipes de france jeunes, et c’est Philippe qui en fait une bonne partie. »

« Il a de vraies connaissances sur le football (Arnaud Tulipier). On se fait des quizz de temps en temps, je m’incline souvent ! Bon, il a quand même une mémoire très sélective : parfois, il ne se souvient pas d’un score de Ligue des Champions d’il y a 2 ans mais il va te ressortir des trucs très précis sur des anciens matchs de seconde zone ! Il est vintage ! »

Disquaire et vendeurs de cartes de collection de sports américains

Chez Philippe Le Brech, l’appareil photo n’a pas toujours été son meilleur compagnon. D’ailleurs, rien ne le prédisposait vraiment à s’orienter vers ce métier. Le garçon, qui aime répéter qu’il est né presque en même temps que PSG (lui en 1971, le PSG en 1970), a fait de la comptabilité en lycée professionnel (il a un Bac-Pro secrétariat-comptabilité) et plusieurs « petits » boulots, comme disquaire dans l’ancienne enseigne « Nuggets », vendeur de cartes de collections de sports américains dans un magasin du quartier des Halles, avec comme client le basketteur Joackim Noah, le fils de Yannick Noah, et également Christophe Drouvroy, l’actuel directeur des compétitions nationales à la Fédération !

C’est le « DT Foot » et sa rencontre avec Denis Troch qui a tout changé. « Je m’étais constitué un petit fichier sur le championnat National, c’était lors de la dernière saison à deux poules, en 1996-97, il n’y avait pas de guide pour cette division là, ça s’arrêtait à la Division 2. J’ai rencontré Ludovic Billac sur les terrains de la région parisienne, qui faisait des fiches lui aussi, et ensemble, on a créé une base de données. On a lancé un bouquin l’année suivante, « Le guide du football », par Sportfootball, aux éditions Arcadia. J’ai fait ça par passion. On l’a arrêté en 1999. Ludovic avait des appareils photos argentiques, il m’en a prêté un, et c’est comme ça que j’ai commencé à faire des photos de joueurs en portrait, pour alimenter la base de données. Et vers 2004/2005, je me suis mis au numérique. »

Entre-temps, donc, il y a eu cette rencontre avec Denis Troch : « Je le connaissais un peu car il avait joué au Paris FC et au Red Star, il a été coach adjoint au Matra Racing, et j’allais voir les matchs, j’allais aux entraînements. En fait, quand on a lancé DT Foot, au même moment, Amiens l’a contacté pour entraîner, du coup, c’est Odile, son épouse, qui a pris le relais, même si lui a gardé un oeil dessus. J’avais un CDI. La boîte s’appelait DT Sport International. Cela a duré de 2000 à 2007. Mais c’était compliqué, on ne gagnait pas assez d’argent. C’est dommage, parce qu’on était vraiment fiable, alors que sur Internet, il y a beaucoup de conneries ».

« Sortir un nouveau produit référence »

Ce qui est fou chez Philippe Le Brech, c’est que même si le DT Foot s’est arrêté en 2007, lui continue de remplir ses fiches et de faire ses photos d’équipes et de joueurs en portrait comme si de rien n’était ! Comme si l’activité n’avait jamais cessé ! Parce que, au fond de lui, il nourrit ce rêve : il aimerait que quelqu’un s’intéresse de près à ses précieuses archives et à sa multitude de données, afin, pourquoi pas, de sortir un nouveau produit référence. « Si demain quelqu’un met de l’argent, je dis OK, on pourrait faire un site web, en accès payant; ça me passionnerait de le refaire et en plus, j’ai vraiment de quoi alimenter ! Mais il faut des moyens. J’ai eu des contacts, mais il n’y a rien eu de concret. »

En attendant, il continue d’écumer les stades de football, essentiellement dans toute la partie Nord de la France, que cela soit pour son activité de prestataire ou bien enrichir ses fameuses fiches papiers : « Elles sont mises à jour et classées par club et ça prend un peu plus de place que les photos. J’ai plein d’archives. Et j’ai profité de la Covid pour tout bien trier, ranger, cataloguer, de la Ligue 1 au National 3, puis par Ligue, puis par pays pour le foot étranger, etc. »

Et c’est en cela qu’il peut paraître un peu agaçant pour certains, car il fait fi des codes et des règles « pas toujours utiles » qui ont cours dans le milieu du foot. « Philippe, c’est est un futé ! Il est partout et nulle part, c’est un zébulon, poursuit Denis Troch; Il est plein de bon sens, malin. Il connaît énormément de monde, il est débrouillard et efficace. Il n’est pas envahissant, mais juste présent. »

Un sacré tempérament

C’est pour ça qu’il n’est pas rare de le voir tenir une discussion animée mais toujours dans le respect, avec, par exemple, un responsable com’ d’un club, un officiel ou un agent de sécurité, car avec lui, ce n’est jamais « Halte là, on ne passe pas ! » Philippe a sa version sur le sujet : pour lui, cela dépend des clubs et de la manière dont ils accueillent les gens. « Ya des clubs où certains responsables de la communication ou de la sécurité, à qui on octroie un pouvoir, se prennent pour des rois et t’imposent tout et n’importe quoi sans que tu aies ton mot à dire. On ne peut pas discuter avec eux. Déjà, les personnes qui travaillent à la communication, qui ne répondent pas au téléphone ou qui ne rappellent jamais, ça m’énerve : pourtant c’est leur boulot, ils bossent à la CO-MMU-NI-CATION mais en fait, ils ne communiquent pas ! »

On vous l’a dit, un sacré tempérament ce Le Brech. Et un sacré débrouillard aussi : le système D, il connaît par coeur. Pour se rendre sur un stade, tous les moyens sont bons avec lui, du moment, surtout, qu’il arrive à bon port sans dépenser ce qu’il n’a pas. Et surtout, il a un sens du détail comme personne. Maniaque ? « Il a une démarche presque monacale, renchérit Arnaud Tulipier; il est capable de faire beaucoup de kilomètres juste pour aller faire remplir des fiches à des joueurs, juste pour les mettre à jour ou prendre une photo parce que le joueur a changé de coupe de cheveux ! Je me souviens que Denis (Troch) avait parfois du mal à boucler son « DT foot » et me disait qu’il bossait avec deux malades, son épouse Odile et Philippe, parce qu’il manquait toujours un truc, une photo d’un joueur, et comme Philippe est jusqu’au boutiste, il voulait toujours la dernière photo, la plus récente. C’est ça qui est incroyable avec lui. Il a une exigence du détail et une implication que d’autres, qui ont pourtant plus de moyens financiers, n’ont pas. Pour toutes ces raisons-là, ce qu’il fait est très respectable et estimable. Il est dans ces détails là. Il continue le « DT Foot » alors qu’il n’existe plus, qu’il y a plus de maison d’édition, mais il veut avoir les fiches de tous les joueurs. Philippe, c’est le gars qui a le plus de numéros de téléphone en France dans le foot ! Pour ça, il est précieux. Il a une vision du foot un peu romantique, qui fait du bien, à la fois nostalgique et puriste au sens noble du terme. »

L’art du système D

« Il est exceptionnel et très débrouillard, ajoute Jérôme Bouchacourt ! Quand il se déplace, il prend le train, il prend Blablacar, il fait du stop, c’est le système D poussé à son paroxysme ! »
Ce soir, il sera, comme souvent, au bord d’un terrain, pour le match Red Star – Orléans, à Bauer, en championnat National. Son championnat. Celui qu’il préfère. Il aura son appareil photo, comme d’habitude. Il en profitera peut-être pour mettre d’autres personnes en relation ou pour rendre des services. « Philippe, c’est un gars, il va donner sa chemise pour toi, il va se mettre en quatre toi, conclut Arnaud Tulipier; Une fois, il m’a eu une accréditation au stade de France pour un match de coupe du Racing, alors que je n’avais pas pu l’avoir avec France Football. Il connaît tellement de monde…! »
Ce réseau, il espère l’utiliser aussi pour mieux gagner sa vie. Car il ne le cache pas, ce n’est pas toujours évident financièrement : « C’est dur, lâche-t-il. Je suis prestataire régulier pour la Fédération Française de football, via l’agence APL, et ponctuellement, je fais des piges pour les journaux. C’est pour ça que je minimise les frais au maximum quand je me déplace. Je fais ça par passion, Et bien, je suis ouvert aux propositions ! »

Et, accessoirement, Philippe collabore pour 13heuresfoot ! Alors, merci Philippe !

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Philippe Le Brech, du tac au tac

Il paraît que tu as déjà entraîné ?
Oui (rires) ! J’ai coaché l’équipe du Parisien dans deux tournois de « Five », et on a gagné les deux tournois, dont la première fois contre Canal +, coaché par Pierre Menès.

Comment es-tu devenu photographe ?
Par hasard et par nécessité. C’est devenu passionnant grâce au numérique, qui facilite pas mal de choses.

On dit que tu es une référence dans le foot amateur, d’ailleurs la paire Emmanuel Moine – Vincent Magniez le répète souvent lors des retransmissions des matchs de National sur FFF TV (vidéo)…
Référence, c’est un bien grand mot, car je n’ai pas la reconnaissance financière qui devrait normalement en découler. Mais je fais mon travail avec passion et application. Oui, ils disent que je suis une légende du National.

Vidéo : le soir où la paire Magniez-Moine a dit de Philippe qu’il était une légende !

Pourquoi préfères-tu le foot amateur au foot pro ?
Parce que, jusqu’au National, c’est du foot, après, pour moi, c’est du business, même si ça commence aussi à le devenir en National, par la force des choses, car il y a de plus en plus de clubs pros qui descendent à cause de la nouvelle réforme. Mais en National, il y a encore l’amateurisme du championnat.

Avec Didier Deschamps et Hervé Renard.

Meilleur souvenir de photographe ?
Le match Reims – Amiens, à la dernière journée en Ligue 2 (le 20 mai 2017), quand Emmanuel Bourgaud a marqué à la 96e et envoyé les Picards pour la première fois de la saison en Ligue 1. J’ai eu des frissons comme rarement, alors que, pourtant, je n’ai pas plus d’affinité que ça avec Amiens, mais c’est toute la situation qui a fait que… Tous les matchs étaient terminés, Lens pensait qu’ils étaient barragistes, c’était la dernière journée, la dernière seconde… C’est tout un contexte. Je ressens encore des trucs rien qu’en en parlant. C’était un scénario improbable. On ne le vit qu’une fois. C’était irréel. J’avais l’impression d’être déconnecté, d’être dans un monde parallèle. En plus, j’avais fait la photo de l’équipe d’Amiens avant le coup d’envoi et celui qui a marqué, Bourgaud, n’est pas dessus, car il était remplaçant !

Sa photo préférée : l’île Louet, au large de Carantec, en baix de Morlaix.

La photo dont tu es le plus fier ?
Ce n’est pas une photo de foot, c’est celle que j’ai en couverture sur ma page Facebook et encadrée dans mon salon.

Une photo de foot marquante ?
Le 26 février 2014, Nice gagne 7 à 2 à Roudourou face à Guingamp. Ce soir-là, l’Azuréen Carlos Eduardo met un quintuplé. Voir autant de buts d’un seul joueur n’était plus arrivé depuis Tony Kurbos avec Metz en avril 1984 (il avait marqué 6 buts lors du succès 7-3 face à Nîmes) ; le lendemain du match Guingamp-Nice et les jours suivants, j’ai les photos d’Eduardo dans tous les quotidiens et hebdomadaires sportifs. Il y a même eu des photos dans la presse Brésilienne ! La plupart des photographes étaient en face, côté Guingamp. J’étais au bon endroit au bon moment.

Pire souvenir ?

L’année où Les Herbiers va en finale de la coupe de France, je suis au match Auxerre – Les Herbiers (8e de finale, en février 2018), sous la neige, et mon boîtier tombe en panne au bout de 10 minutes… Je suis resté quand même car après je devais rentrer en covoiturage à Paris. J’ai passé presque tout le match à faire les photos avec mes yeux ! Quelle frustration ! Mon téléphone, lui, n’était pas assez bien pour faire des photos utilisables. ! Depuis ce match, j’ai toujours au moins un autre appareil dans le sac. J’ai un autre souvenir : c’est lors d’un match Angers – Caen en L2 (septembre 2017), quand Billy Ketkeophomphone se blesse gravement, juste devant moi, j’ai la photo… qui passe le lendemain en pleine page de l’équipe.

Zoom ou téléobjectif ?
Les deux ! J’utilise le 80-200 et aussi le 70-200, le 24-70, le zoom, le télé, tout dépend de mes besoins en fait.

Couleur ou noir et blanc ?
Couleur !

Argentique ou numérique ?
Numérique, forcément ! On voit tout de suite le travail que l’on a fait.

On te parle encore du DT Foot ?
Oui, ça arrive régulièrement, et j’aimerais bien que ça reprenne.

Premier souvenir de match avec le Red Star ?
C’était quand le Red Star jouait en Division 4, saison 1980-81, contre Raismes je crois. C’est le premier match qui me viens à l’esprit.

Premiers souvenirs de football ?
Ce sont les multiplex à la radio, lors des soirées de championnat fin 70 début 80, la Coupe du Monde Argentina 1978, les matchs de Coupe d’Europe de Bordeaux, Saint-Etienne, Nantes… et aussi les matchs de Division 2 du Stade Français avec, la même saison, ceux du Red Star, à Bauer en D3, car les deux clubs se partageaient le stade cette saison-là.

Le stade où tu aimes bien travailler ?
Dans des stades lumineux. Mais je préfère travailler en diurne, et dans des stades où je suis bien accueilli.

Le stade où tu n’aimes pas travailler ?
Dans les stades où la lumière est pourrie ! Et où l’accueil n’est pas top : aujourd’hui, ça devient un peu n’importe quoi, on ne peut plus rien faire ! En 2019, j’étais en vacances en Irlande avec ma femme Joëlle et il y avait la phase finale de l’euro U17. Je me suis dit « tiens, pourquoi ne pas aller sur un match de l’équipe de France, faire des photos pour la FFF ? ». L’organisation a été super sympa, j’ai obtenu une accréditation sans aucun problème, l’accueil était top, tout était dans la bienveillance. En France, c’est tout l’inverse, on n’est que dans le négatif, dans la répression, c’est fatiguant et usant. On a pas mal de leçons à apprendre des autres pays.

Les stades « compliqués » ?
Dans les clubs où certains responsables communication ou responsables de la sécurité à qui on octroie un pouvoir se prennent pour des rois, t’imposent tout et n’importe quoi sans que tu aies ton mot à dire. On ne peut pas discuter avec eux. Les gens de la communication qui ne répondent pas ou qui ne rappellent jamais, ça aussi, ça m’énerve : ils bossent à la CO-MMU-NI-CATION mais ne communiquent pas et pensent tout connaître !

Combien de photos par semaine ? Par an ?
Par an, entre 100 000 et 130 000, je fais une bonne centaine de matchs, ça va vite.

Combien de photos par match ?
Ça dépend, ça peut monter jusqu’à 1500 ou 1600, mais ça peut être aussi 600 ou 700.

Combien de kilomètres par an ?
Là aussi, ça dépend, mais j’en fais beaucoup moins qu’avant. Une année, j’ai pris une voiture de location pour la période estivale, j’ai fait 20 000 kilomètres, j’étais allé partout !

Le meilleur accueil ?
On est souvent mieux accueilli chez les amateurs que chez les pros où, couramment, ils délèguent au syndic de presse et là, c’est « tu te démerdes ! » En plus, certains syndics n’ont pas forcément les aptitudes pour gérer les médias.

Entraîneurs préférés ?
Y’en a plein, ceux avec qui je discute, qui sont contents de me voir, certains qui étaient joueurs avant. Ceux qui ont vraiment la même passion du football et qui pourraient passer des heures à débattre sur ce sujet.

Une idole de jeunesse ?
Je n’idolâtre personne mais j’aimais bien Pelé, que j’ai rencontré deux fois et qui m’a fait une dédicace personnalisée.

Un président ?
J’aimais bien Loulou (Louis Nicollin, président de Montpellier), il n’avait pas sa langue dans sa poche, c’était un personnage.

Avec la coupe de France

Des amis ?
Arnaud Tulipier, Christophe Pollet (le papa de Valère Pollet, ancien joueur de Calais, Lille B, QRM, Red Star, actuellement à Furiani en N2), Fred Cochez, qui a été recruteur à Sochaux et qui est recruteur Grand Nord pour Montpellier maintenant, je l’ai connu lorsqu’il entraînait au Red Star. Et aussi Benoît Datin, dont je vous conseille le site web http://www.deux-zero.com c’est une mine d’info, notre est un peu dû au hasard mais elle devait se faire.

En dehors du foot, tu fais quoi ?
J’aime bien sortir avec ma femme, cuisiner, aller au cinéma (principalement pour voir des films français dont l’emblématique « Coup de Tête » qui est ma madeleine de Proust »). Les block-busters américains où il y de la violence pendant 1h30 ne m’intéressent pas. La saga « Star Wars », elle, est à part. J’aime bien regarder des séries : dernièrement j’ai découvert « Astrid et Raphaëlle » qui met en lumière l’autisme, et « l’Art du Crime », une série policière décalée. Ted Lasso, une série atypique sur le foot. J’aime écouter de la musique (années 70-80, Pop-Rock Disco et variété francophone). J’aime aussi faire des quiz (avec Arnaud Tulipier par exemple !), me détendre en profitant du soleil breton qui est bien plus souvent là que la pluie comme la mauvaise croyance populaire le prétend !

Le milieu de la photo ?
Dans l’ensemble, ça va, c’est juste que les anciens, t’as l’impression que tu vas leur bouffer leur pain, ils ne sont pas très ouverts mais il y en a de moins en moins et je commence à en faire partie (sic) alors j’essaie de ne pas être comme cela et d’avoir de la bienveillance et de l’écoute envers mes confrères et surtout mes consœurs qui ne sont pas toujours bien appréciées car le foot en général reste un milieu très macho. Un exemple ? Il y a près de 5 ans, lors d’un quart de Finale de Coupe de France, il y avait au moins 20 ou 30 photographes et j’ai été le seul à parler avec une jeune femme qui débutait dans la photo de foot, mais qui avait déjà une longue expérience dans un autre sport. Depuis, avec le temps, on est devenu amis (c’est un peu « ma fille de photo ») et elle collabore parfois avec moi.

Le milieu du foot ?
Y’a le milieu amateur et le business à partir de la Ligue 2.

Ton championnat préféré ?
Le National, c’est celui que je connais le mieux, je le couvre depuis des années, et c’est le plus indécis.

Rennes ou Saint-Ouen ?
Rennes, pour la qualité de vie. Saint-Ouen pour le stade jusqu’à maintenant mais qui prochainement suite à la reconstruction totale ne sera plus le mythique Stade Bauer.

Tes clubs préférés ?
1. Le Red Star. 2. Le Racing. A l’étranger, Liverpool, le Flamengo de Rio, des clubs pour lesquels j’ai une affection particulière. Dans d’autres sports, il y a les Los Angeles Lakers au basket et les San Francisco 49ers au foot américain.

Une rencontre ?
Oui, Il y en a pleins mais surtout celles qui m’enrichissent humainement. Hors football, c’est bien sûr celle avec ma femme, Joëlle, que j’ai rencontré il y à déjà 13 ans. On habite à Rennes… quand je ne suis pas aux quatre coins de l’Hexagone !

Une info insolite ?
Je suis présent à l’image dans un film sur le football ( »United Passions: La Légende du Football », qui raconte l’histoire de la FIFA) aux côtés de Gérard Depardieu (Jules Rimet), Tim Roth (Sepp Blatter) et Sam Neil (Joao Havelange) !

Vous le reconnaissez ? Il est à gauche de la coupe.

Pour finir, des anecdotes ?
Là aussi j’en ai plein dont certaines avant d’être acteur du milieu ! Une fois, j’ai demandé à Guy Roux si je pouvais monter dans le bus de l’AJ Auxerre avec eux, pour aller au Parc des Princes, c’était pour un match face au Matra-Racing. J’étais abonné. Eric Cantona était assis juste devant moi et au fond du bus les frères Boli mettaient l’ambiance. J’étais allé à leur hôtel à Neuilly-sur-Seine. Une autre fois, j’ai fait chauffeur avec ma petite Saxo (qui n’était pas jaune !) pour Stéphanie Frappart ! En fait, je l’ai vu à un arrêt de bus, je l’ai emmené à Argenteuil. Elle venait d’arbitrer un match à Fleury-Mérogis où j’avais fait des photos. Il m’est aussi arrivé quelque chose de rare sur un match de Ligue 2, lors de la saison 2017-2018 ; j’étais le seul photographe au Mans, pour le match Quevilly-Rouen / Bourg-en-Bresse/Péronnas : à ce niveau-là, ça ne m’était jamais arrivé !

J’ai aussi le souvenir d’une soirée en boîte de nuit avec l’équipe corpo de Montpellier, j’avais même ramené des joueurs dans ma Fiat Panda au petit matin après une nuit bien animée, Castro, Fontaine… Et puis, à Toulouse, en 1994-1995, j’étais le seul supporter du Red Star au Stadium : placé au-dessus du kop toulousain j’étais l’unique spectateur à crier ma joie au moment du but victorieux du Red Star ! Ce jour-là, il n’y avait eu aucun déplacement organisé ! Je me souviens aussi avoir rempli la feuille de match pour un amical entre Clermont et l’UNFP, dans les années 2000 ! J’ai aussi pris le bus avec les supporters de l’AJ Auxerre, pour un match de Ligue des Champions à Madrid, face au Real de Mourinho et Cristiano Ronaldo : je pigeais pour Le Parisien à ce moment-là, et avec un rédacteur, on faisait un reportage « inside ».

Et il y en a une qui, avec le recul, est assez incroyable : ça s’est passé après la finale de la Coupe de France entre le Racing Paris 1 et Montpellier (2 juin 1990). Je me suis retrouvé dans les entrailles du Parc des Princes à errer et visiter les lieux. Au détour d’un couloir, j’ai croisé Loulou Nicollin se promenant avec la Coupe de France qu’il ne lâchait pas d’un pouce même pour une photo, et je suis rentré dans le vestiaire parisien et là, seul et suspendu au porte-manteau, se trouvait l’un des nœuds-papillon rose que les coéquipiers de Pascal Olmeta avaient porté pour rentrer sur le terrain à l’instar des rugbymen victorieux du bouclier de Brénus au même endroit une semaine plutôt. Sur le moment, je n’ai pas évalué l’ampleur de ce que je récupérais mais par la suite j’ai compris que c’était un objet collector de la Coupe de France. Une des plus belles pièces de ma collection, car assez insolite. D’ailleurs, quand je peux avoir un maillot, je préfère celui d’un club en Coupe de France à celui d’un ténor du foot en Champions League. Si certains ont des maillots ou d’autres objets liés à cette iconique compétition, je serai enchanté de les recevoir !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Remerciements à Pauline Carré, Clotilde Briand, Lisa Paquereau, Blanche Voisin, Amandine Noël, Bernard Morvan, Ombeline Eppe, Clémence Hesdin.

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À près de 26 ans (il les fêtera le 11 janvier), Valentin Liénard n’est pas qu’un simple joueur amateur. Sa notoriété dépasse le cadre des terrains. En parallèle de sa carrière – il évolue à Thonon Evian Grand Genève en N2 -, le défenseur s’est fait un nom sur les réseaux avec ses vidéos, dont sa série QDF (Que du foot) sur YouTube. Aujourd’hui, le créateur de contenu cumule plus d’un million d’abonnés.

Photo Thonon Evian GG FC

Originaire du sud de la France, Valentin Lienard a rapidement été repéré par le club professionnel de sa ville, l’OGC Nice. L’exigence et l’acharnement au travail, il l’a connu dès le plus jeune âge avec le confort d’avoir sa famille à ses côtés. « Ça change, tu sors d’un club de village, où t’es le meilleur de ton équipe et surclassé. D’un coup, tu te retrouves entouré de joueurs qui sont tous comme toi voire meilleurs. J’ai eu une année d’adaptation où je n’étais pas bon, je ne me retrouvais pas. Mais on s’habitue à cette exigence et c’est ça qui fait réellement progresser. Heureusement que j’étais proche de ma famille. »

Après les Aiglons, il parcourt la région. Chez les jeunes, il évolue au niveau national, à l’AS Monaco et au FC Istres, puis il rejoint Le Cannet-Rocheville, à côté de Cannes, en National 3. « Je me suis éloigné de ma famille par étapes, ça s’est fait progressivement. » Depuis, le jeune footballeur a – quasiment – changé chaque saison de club (Louhans-Cuiseaux B, Agde, Limoges, Saint-Priest B, Villefranche/Saint-Jean/Beaulieu et Jura Dolois), excepté la saison du Covid (à Alès, de 2019 à 2021).

12 clubs à 25 ans

Avec le coach Bryan Bergougnoux et le directeur sportif Olivier Chavanon. Photo Thonon Evian GG FC.

« Je n’ai pas spécialement choisi de changer de club à chaque fois. Il y avait plein de paramètres différents. Istres et Limoges ont tous les deux déposé le bilan, Limoges s’est retrouvé en D1. Istres a fermé son centre de formation et a perdu son statut pro. Tu n’as pas d’autre choix que de partir. Villefranche / Saint-Jean / Beaulieu (à côté de Nice) est descendu en Régional 1 et ce ne sont pas mes ambitions. J’ai rejoint Saint Priest ou le TEGG (Thonon Evian Grand Genève) pour avoir l’opportunité de jouer plus haut. Il y a eu aussi certaines réalités de la vie. Je suis parti d’Agde car ils me donnaient 650 euros, et aussi d’Alès car j’avais l’opportunité de me rapprocher de ma famille. Ce sont des paramètres différents mais qui s’expliquent un minimum. »

Visuel Thonon Evian GG FC.

Cette réalité est souvent connue des jeunes footballeurs qui errent en National 3 à cause de la différence de professionnalisme et de structures dans les clubs. « Dans l’idée, j’avais souvent envie de rester. Si j’avais pu faire plein d’années à Istres et monter avec le club, je l’aurais fait. Si à Saint-Priest, ça c’était bien passé, je serais resté. Si j’arrive à trouver un club où je peux me stabiliser ça sera parfait. »

Désormais en National 2 à Thonon Evian Grand Genève, Valentin, qui fêtera ses 26 ans vendredi 11 janvier, progresse doucement dans sa carrière footballistique. « L’entraîneur du TEGG, Bryan Bergougnoux, cherchait un latéral. Greg’ Campi, son adjoint, que j’ai connu à Villefranche-sur-Mer, nous a présenté et ça a matché. J’ai eu un premier mois compliqué. Je ne me retrouvais pas, je n’étais pas assez bon. Là, l’adaptation se passe de mieux en mieux. On voit la différence de niveau chez les joueurs, dans l’effectif, aux entraînements. C’est cool parce que t’as l’impression d’avancer quand t’es entouré de joueurs comme ça et ça devient de plus en plus facile. »

Un million de followers

Photo LAB

C’est à 20 ans que Valentin Liénard a créé sa chaîne YouTube. Qu’il paraît loin le temps où le Niçois faisait ses vidéos de 5/6 minutes, tout seul, depuis sa chambre ! Désormais, « Val » possède sa série, le QDF, et des professionnels qui travaillent pour lui. « Avec un de mes meilleurs pote de collège, Nicolas Irr, on cherchait une idée. Et on s’est dit, « c’est fou, il n’y a pas un seul gars sur YouTube qui joue à un niveau correct en National et qui montre un peu comment il a intégré un centre de formation, comment il s’est retrouvé dans un club, qui montre son quotidien ». » Son ami d’enfance lui suggère donc l’idée d’une chaîne Youtube. « Je lui ai dit « c’est mort je ne vais jamais mettre ma tête sur YouTube ». »

« Finalement, je me suis dit « c’est quand même une idée pas dégueu’ donc je le fais, et voilà, on est parti de là. » A 20 ans, il réalise une saison complète en National 3, à Agde. C’est là que celui qui mène une double vie – footballeur / youtubeur et instagrameur – décide de documenter son quotidien de footballeur : il commence à produire du contenu accessible à tous. « On s’est toujours dit, avec Nico, « dès qu’on arrive à gagner un peu de sous, au lieu de le garder pour nous, on va réinvestir ». Si on gagnait 2000 euros, au lieu de les garder, on voulait progresser, donc on préférait payer quelqu’un pour qu’il travaille avec nous. Si on gagne 4000 euros on va reprendre une autre personne. »

Une vidéo de QDF (« Que du foot »), la chaîne YouTube de Valentin Liénard

Aujourd’hui, deux personnes le suivent au quotidien, cadreur et monteur, et deux autres personnes « montent » le contenu à distance, depuis Nice. De temps en temps, Nico et Val emploient des auto-entrepreneurs s’ils ont besoin d’une main d’œuvre supplémentaire, nécessaire sur certains contenus.

« Le foot n’est pas toujours bien aimé et n’a pas toujours une bonne image. Si j’arrive à donner une image positive du foot, tant mieux, c’est ce que j’essaie de faire. Montrer le côté sérieux et pro qu’on a dans nos divisions et en même temps que les gens kiffent et qu’ils aient un bon divertissement, voilà ce que je veux. »

« Si un club me dit « tu ne peux pas faire de contenu », je n’y vais pas » »

Vous le reconnaissez, en bas à droite ? Valentin (accroupi, au centre) a évolué chez les jeunes avec Kylian Mbappé à l’AS Monaco. Photo DR

Après avoir beaucoup « vagabondé » en National 3 au cours de sa carrière, Valentin nourrit des objectifs footballistiques en parallèle de ses projets. Il reste cependant réaliste sur la dure réalité du football semi-professionnel. « Quand tu commences le foot, t’as envie de finir pro mais la réalité te montre que ce n’est pas si simple. Je veux aller le plus haut possible. Déjà, j’aimerais arriver à m’imposer dans un club comme le TEGG en National 2 puis avoir la chance de continuer cette ascension avec le club, ou bien arriver à jouer plus haut. Le sportif prime avant tout mais je suis obligé d’être un peu réaliste. Il y a pas mal de gens qui bossent avec moi, donc je ne peux pas être égoïste. Si un club me dit « tu viens chez nous mais tu ne peux pas faire de contenu » je réponds non. »

Rien que la chaîne YouTube « QDF » regroupe près de 400 000 abonnés.

A Thonon Evian, le YouTubeur se retrouve. Le club lui laisse l’opportunité de continuer sa série et ses créations de contenu. « Cette saison, je veux gratter le plus de minutes en N2 possibles et arriver à monter avec le club. »
Valentin Liénard souhaite également élargir son travail de vidéaste. « Je veux continuer à faire progresser le QDF mais aussi faire d’autres projets. On va développer les formats courts et lancer une chaîne Twitch. Je veux tenter d’autre choses. Sur la chaîne Twitch on va recevoir des abonnés une fois par semaine et essayer de résoudre leurs problématiques en rapport avec le foot. »

C’est donc avec plein d’ambition que Valentin entame cette année 2024 !

Valentin Liénard du tac au tac

Photo Thonon Evian GG FC.

Ton meilleur souvenir sportif ?
Le Mondial de Montaigu avec les U17 de l’AS Monaco en 2015. C’était le premier tournoi où je me suis dit « ça commence à être sérieux ».

Ton pire souvenir sportif ?
La descente avec le VSJB (Villefranche / Saint-Jean / Beaulieu) de National 3 à Régional 1 en 2022. Ça a été difficile parce que je me projetais sur du long terme là-bas, il y avait un contexte que j’aimais bien mais à cause de la descente j’ai dû changer de club.

T’as marqué combien de buts dans ta carrière ?
Trois en seniors. Je suis latéral (rires) ! C’était deux en réserve en plus !

Ton plus beau but ?
C’était chez les jeunes à Istres en demi-finale de la coupe régionale et on pouvait jouer l’OM en finale. J’ai marqué le but de la qualification. Je n’en ai pas mis beaucoup donc je m’en souviens facilement (rires).

Ton poste préféré sur le terrain ?
Latéral droit, c’est là où je suis le meilleur.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Depuis petit, mon frère y jouait ça m’a influencé, je ne voulais faire que ça.

Ton geste technique préféré ?
Je ne suis pas le joueur le plus exotique du monde… mais la feinte de frappe !

Sous le maillot de Jura Dolois, la saison passée, en National 3. Photo Jura Dolois.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités : la hargne, la détermination, l’endurance. Défauts : je ne vais pas être le joueur le plus technique qui va faire des passements de jambes ou des roulettes.

L’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
La saison dernière (2022-2023) avec Jura Dolois. Une très belle saison en National 3. On finit 3e, je joue presque tout les matchs. On ne monte pas mais bête de groupe, bête d’équipe.

Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le FC Barcelone.

Un match qui t’a marqué ?
On perd en prolongation mais j’étais en National 3 à Limoges : on fait 8e tour de Coupe de France. On joue Villefranche-en-Beaujolais (National) et je fais un gros match : après ce match, Villefranche me met une semaine à l’essai (sous la direction d’Alain Pochat). C’est là que tu te dis « Ok, je peux vraiment me rapprocher du monde pro »; ça a été un déclic.

Un coéquipier qui t’a marqué ?
Mon pote Jordan (Aidoud). Dans le foot, c’est rare d’avoir des amis qui durent et lui c’est vraiment devenu un frérot. J’ai joué avec lui à Alès (2021-22) et à Jura Dolois (2022-23).

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Kylian Mbappé, même si ça a été un coéquipier aussi à Monaco.

Avec son coach Grégory Campi au VSJB (Saint-Jean-Cap-Ferrat / Villefranche-sur-Mer / Beaulieu-sur-Mer), à côté de Nice, en N3. Photo DR

Un coach que t’aimerais revoir ?
C’est fait, je l’ai retrouvé cette saison : c’était Greg Campi (adjoint à Thonon Evian GG).

Une causerie de coach marquante ?
Celles de Greg Campi : il arrivait toujours à trouver un truc nouveau pour arriver à motiver le groupe.

Une consigne de coach  jamais comprise ?
La saison dernière, j’avais un coach qui n’aimait pas que les latéraux repiquent dans l’axe pour centrer. Ce centre côté pied intérieur, il n’aimait pas. Quand il s’est rendu compte qu’on mettait pas mal de buts comme ça, il a changé d’avis.

Une anecdote de vestiaire ?
Greg Campi qui en pleine causerie jette son téléphone de colère.

Photo LAB

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
J’ai le père de Kylian Mbappé mais ce n’est pas un joueur. Je dirais Malang Sarr.

Une devise un dicton ?
Fluctuat Nec Mergitur (« Il est battu par les flots, mais ne sombre pas », la devise de la Ville de Paris).

Tu es un joueur plutôt…
Efficace.

Un modèle de joueur ?
Philippe Lahm.

Une idole de jeunesse ?
Messi.

Photo LAB.

Un plat, une boisson ?
Pizza coca.

Tes loisirs ?
La création de contenus, le sport automobile.

Un film culte ?
Rocky.

Dernier match que tu as vu à la TV ?
OM-OL (le 6 décembre 2023).

Thonon Evian Grand Genève en deux mots ?
Un club ambitieux et professionnel.

Le monde du football en deux mots ?
Extraordinaire et horrible, il peut te faire vivre les meilleurs comme les pires moments.

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : LAB, Thonon Evian Grand Genève FC et DR

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L’entraîneur du promu costarmoricain en National 2, adversaire de Reims en 32e de finale de la coupe de France dimanche, évoque le projet participatif et collectif de son équipe, basé sur une nouvelle culture de la gagne. Un passage obligé, selon lui, pour exister à ce niveau.

Photo Philippe Le Brech.

L’exploit a fait le buzz au printemps dernier. Ce n’était pas en coupe de France. Non. Pour ça, le Dinan-Léhon Football-club attend dimanche soir et la venue du Stade de Reims pour, peut-être, signer le plus bel exploit de son histoire, même si tout le monde sait au stade de Clos Gastel que ce sera extrêmement difficile.

L’exploit, ce n’est pas non plus le fait d’avoir résisté à 10 contre 11 pendant 70 minutes contre une autre équipe de Ligue 1, le Stade Brestois, il y a tout juste deux ans, à ce même stade des 32es de finale de la coupe, sur la pelouse de Saint-Malo. La séance de tirs au but qui avait départagé les deux équipes était alors entrée dans les annales, avec de nombreux rebondissements (et de nombreuses balles de match pour Dinan), mais finalement, les pros avaient tenu et gagné leur qualification (13 à 12 !).

Photo Philippe Le Brech.

Cet exploit dont on parle, c’est du niveau … national ! La saison passée, Dinan-Léhon fut l’équipe restée le plus longtemps invaincue dans les cinq premières divisions, de la Ligue 1 au national 3. Finalement, après 18 rencontres (12 victoires et 6 nuls), les joueurs de Stéphane Lamant ont subi leur premier – et unique – revers fin mars, à la 19e journée, à Saint-Pierre Milizac, chez le dauphin. Et encore, il a fallu attendre la 90’+7 pour voir les Costarmoricains chuter (2-1). Un exploit récompensé par une accession en National 2 après un exercice mené tambour-battant (16 victoires, 9 nuls et 1 défaite, 52 buts marqués, 21 encaissés et 11 points d’avance sur le 2e !).

A la tête de cette formation qui ne cesse d’étonner, un homme, Stéphane Lamant (43 ans). Né au Plessis-Trévise, dans le Val-de-Marne, en région parisienne, ce cadre au Crédit Agricole est arrivé à Dinan en 2016, après deux expériences d’entraîneur-joueur à Dinard et à Saint-Malo, en réserve. Joueur, il n’a jamais franchi le cap amateur/pro, malgré des passages aux centres de formation de Lens et de Sedan. Dans ce long entretien, Stéphane Lamant raconte son parcours et évoque sa vocation : celle de devenir entraîneur. Car très tôt, il a su que son avenir dans le football s’inscrirait sur un banc de touche. Il décortique également sa méthode et le projet du club. Un projet partagé, comme il aime à le rappeler, où toutes les composantes sont concernées. Passionnant.

Interview :

« Honnêtement, la coupe, c’est tous les week-ends ! »

Photo Philippe Le Brech.

Stéphane, peux-tu retracer ton parcours ?
J’ai habité en région parisienne jusqu’à 16 ans puis j’ai intégré le centre de formation du RC Lens pendant un an, avant de revenir à Pontault-Combault (Seine-et-Marne) à 18 ans où là, j’ai été repéré par Sedan. Je suis parti 3 ans au CSSA, dans les Ardennes, à l’époque où le club était en Ligue 1. J’étais capitaine de la réserve. J’ai fait une année avec le groupe pro, quand Alex Dupont était là : je m’entraînais avec les pros, mais je ne jouais pas. C’était la belle époque de Sedan, le club avait fini 5e de L1 et avait disputé la coupe d’Europe. J’ai juste participé à des matchs amicaux et quand Henri Stambouli est arrivé, je sui parti à la GSI Pontivy, en N2 : le club jouait la montée en National mais on avait fini 2e, avec le coach Michel Jarnigon. On avait une belle équipe mais cette saison-là, c’est le Libourne de Jean-Marc Furlan qui est monté. Ensuite, à je suis parti à Saint-Malo, où j’ai passé mes diplômes d’entraîneur, et à 24 ans, j’ai tout arrêté.

Photo Philippe Le Brech.

C’est là que tu es devenu entraîneur…
Oui, mais d’abord entraîneur-joueur pendant 4 ans à Dinard, sur la côte. J’avais carte blanche sur tout, avec des dirigeants en or (Paul Herbel et Jacques Houtteville). Puis je suis revenu à Saint-Malo pour entraîner l’équipe réserve : là encore, j’étais joueur aussi, cela a duré 6 ans. Donc pendant 10 ans, de 24 à 34 ans, j’ai cumulé les deux. Et là, depuis 8 ans, je suis entraîneur à Dinan.

Joueur, tu évoluais à quel poste ?
A Lens et à Sedan, je jouais milieu offensif, excentré ou axial, puis quand je suis passé entraîneur-joueur, j’ai fait un peu tous les postes, même défenseur central et numéro 9 ! Et jusqu’à mes 13 ou 14 ans, j’étais gardien de but ! J’ai vraiment une culture poussée de tous les postes !

« J’ai toujours voulu être entraîneur »

Photo Philippe Le Brech.

Que t’a-t-il manqué, selon toi, pour franchir le cap, pour passer pro ?
J’entraînais déjà des gamins quand j’avais 16 ans à Pontault-Combault, des U8-U9. J’ai toujours voulu être entraîneur, c’était plutôt ça, ma motivation, et je pense que cela se ressentait. Il me manquait le mental et ce supplément d’âme pour aller chercher ce petit truc, ce contrat pro, parce que, au fond de moi, j’avais un autre projet : celui d’entraîner rapidement. Cela m’a bloqué sur certains aspects. J’avais une réflexion sur le foot. Je prenais du recul. J’aurais dû, à un moment donné, me poser moins de questions et croquer dans ce que j’avais, mais moi, je faisais déjà des plans sur la comète et je pensais à autre chose que le simple fait d’être joueur. Mentalement, je n’étais pas câblé pour passer pro.

Photo Philippe Le Brech.

Comment fais-tu pour cumuler ton travail et ton rôle au club de Dinan-Léhon ?
C’est vrai que j’ai deux vies et même trois avec ma famille; je suis cadre au Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine, où je travaille depuis 16 ans. J’ai toujours poursuivi mes études en parallèle, jusqu’à décrocher un master (bac + 5). J’y suis rentré par le biais du foot, quand j’étais à Dinard. Les deux sont liés. Au Crédit Agricole, j’ai été adjoint puis directeur d’agence pendant 7 ans avec 14 personnes sous ma responsabilité, répartis sur 2 sites, à Dol-de-Bretagne et Pleine-Fougères, près du Mont-Saint-Michel. Mais depuis octobre 2023, j’ai changé de mission : depuis octobre, je m’occupe du marché de la santé en Ille-et-Vilaine.

Entraîneur, on peut donc dire que c’est ta vocation ?
Je n’ai pas de prédisposition. Je dirais qu’avec mon papa, ce qui nous reliait, c’était le foot. Il jouait au niveau régional, on avait cette passion de regarder les matchs ensemble le soir, et on passait du temps à les analyser. Inconsciemment, c’est venu comme ça. A l’époque, on était en région parisienne, on souffrait avec le PSG de Valdo, Ginola, Weah et Kombouaré, dont la fameuse tête victorieuse face au Real Madrid fut un souvenir qui restera gravé à jamais. Je pense que ça vient de là. J’habitais à côté d’une cité, et l’activité principale, c’était le foot. Je suis tombé dedans.

« Quand on passe par Lens, c’est difficile d’oublier »

Photo Philippe Le Brech.

PSG, c’est ton club de coeur ?
Mon équipe favorite, c’est le PSG, mais mon coeur balance avec Lens : je me retrouve peut-être davantage dans les valeurs du RC Lens, en plus mes deux parents y sont nés, c’est pour ça que ça me tenait à coeur d’y jouer. Lens, quand on y passe, en tant que joueur, c’est difficile d’oublier. Et puis j’ai quelques liens avec Franck Haise, même si je ne l’ai jamais rencontré : j’échange de temps en temps avec lui, et pourtant, je ne l’ai jamais vu physiquement. Quand je lui demande quelque chose, je n’attends jamais 24 heures pour avoir une réponse : c’est cet état d’esprit là que j’aime. On en revient à ce que l’on disait tout à l’heure : quand j’étais dans le groupe Ligue 1 avec Sedan, je ne me retrouvais pas dans l’état d’esprit des uns et des autres. Moi, j’arrivais de CFA2, où je jouais avec un groupe de joueurs issus de la région parisienne, où la cohésion était magnifique, et là, à Sedan, je me suis retrouvé dans un monde de requins, avec des gens qui vous disent bonjour, mais à peine… Je n’avais pas aimé ce monde-là. Mais j’avais adoré le club de Sedan. Franck Haise m’a redonné le goût du RC Lens et puis il y a eu cette saison 2022-2023 en termes de foot, de valeurs humaines, que j’ai trouvée exceptionnelle. J’ai adoré leur courage, leur abnégation, leur intensité, j’ai vraiment accroché. J’ai d’ailleurs montré à mes joueurs à la reprise au mois de juillet, le reportage consacré au RC Lens de Prime Amazon, qui retrace leur année. C’est magique.

Photo Philippe Le Brech.

Cette histoire avec Franck Haise est surprenante : vous échangez, mais vous ne vous connaissez pas…
Non, je ne l’ai jamais rencontré. Humainement, Franck Haise, c’est du « plus plus ». Il y a 2 ans, quand on a affronté Brest en 32e de finale de la coupe de France après avoir éliminé Caen (L2) aux tirs au but, et aussi éliminé Saint-Malo, Avec Franck Haise, on avait commencé à échangé à ce moment-là, par l’intermédiaire de Kevin Beauverger, mon capitaine à Dinan, qui fut aussi son capitaine à Lorient chez les jeunes. Je l’avais eu pour préparer ce match face à Brest, que l’on avait perdu après une séance aux tirs au but mémorable (13-12), alors que l’on avait joué à 10 pendant une heure (0-0). Je ne suis rien pour lui et pourtant il a ce respect du foot amateur, cette solidarité qui fait qu’il se passe quelque chose entre coachs. Je me souviens avoir échangé aussi avec Philippe Hinschberger, entraîneur d’Amiens à l’époque, avant notre match face à Caen : je pensais que ce serait compliqué de l’avoir et finalement on était resté longtemps au téléphone. Il est d’une gentillesse incroyable. Tout cela, c’est inspirant pour moi. J’espère donner cette image-là à mon niveau, à toutes les composantes du club à Dinan. J’espère être accessible. De la même manière, j’essaie de faire en sorte que mes joueurs soient bien élevés et bien éduqués, notamment auprès des jeunes et de leurs parents : je veux qu’on dise bonjour à tout le monde. Ce sont des choses qui me tiennent à coeur et qui font que Dinan-Léhon est ce qu’il est aujourd’hui : un club familial.

« Collectivement, il se passe quelque chose chez nous »

Photo Philippe Le Brech.

Tu parlais de Saint-Malo il y a 2 ans et là, tu viens de regagner chez eux en championnat …
Oui, on a joué deux fois en trois ans contre eux, et là, juste avant Noël, on vient de gagner (2-1) encore chez eux en championnat, alors qu’on était mené et dominé : c’est la 8e ou 9e fois qu’on est mené cette année et qu’on revient, c’est incroyable. Saint-Malo peut plier le match en début de 2e mi temps et sur une transition, on les punit, puis on tient, mais cela a été compliqué, parce que Saint-Malo est deux crans au-dessus, individuellement notamment. Toutes les équipes que l’on rencontre depuis le début de la saison le disent, et à force, on va commencer à le croire : il se passe quelque chose collectivement chez nous à Dinan , avec des valeurs qui nous unissent, de courage, de solidarité, de détermination, qui font que l’on a réussi à renverser la vapeur dans ces matches-là.

Photo Philippe Le Brech.

La saison passée, quand Dinan caracolait en tête de la N3, tu avais fait naître des doutes quant à une future accession en N2, avec la perspective d’une saison compliquée à tout point de vue. Après 5 moins de compétition, tes doutes ont-ils été levé ?
L’an passé, c’est ma responsabilité de cadre d’entreprise qui m’a fait prendre de la hauteur sur la situation, en me disant « Attention, où on va ? », parce qu’au lieu de 16 équipes, il n’y en a plus que 14 avec toujours 5 ou 6 descentes : c’était ça ma seule préoccupation. Il ne restait que le gratin de la saison passée, et on allait arriver là-dedans comme un cheveu sur la soupe avec notre petit budget. Ma principale inquiétude était de me dire « Si on monte il faut que, un an après, en juin 2024, on soit plus fort que la saison précédente, qui fut extraordinaire en N3 (seule équipe en Europe à être restée invaincue aussi longtemps avec une première défaite en championnat fin mars contre Milizac); on pouvait penser que le N2, ce ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau, que cela pourrait devenir dramatique d’un point de vue des résultats et que l’on se retrouverait dans le rouge financièrement à la fin de la saison, avec une équipe à reconstruire. Parce que l’on aurait perdu certains joueurs qui étaient venus pour jouer en N2, d’autres qui n’auraient pas beaucoup joué parce que le niveau est au-dessus, d’autres qui jouaient avant mais qui ont laissé leur place à ceux qui sont arrivés et qui, du coup, seraient aussi repartis… Non, la condition pour monter, c’était que le club puisse être prêt d’un point de vue administratif (organisation, logistique), et que d’un point de vue sportif, on privilégie les joueurs du cru, qu’on reste sur les mêmes valeurs de travail : 100 % ont un boulot à côté du foot, staff et joueurs compris. L’idée était de ne pas s’embourgeoiser, mais de capitaliser pour apprendre et se structurer.

« Sportivement, on est dans les clous »

Photo Philippe Le Brech.

Qu’est qui a changé cette saison par rapport à l’an passé ?
On s’est « staffé ». Le président a changé – en juin dernier, Laurent Dartois, chef d’entreprise de 46 ans, a succédé à Serge Lefort, qui a fait un gros travail – et il s’appuie sur un autre chef d’entreprise, Fabrice Caro, pour mener à bien sa mission. Au niveau administratif, on a Christiane Soquet, une personne qui nous aide beaucoup et qui est à la retraite. Elle vient d’arriver pour soutenir Cécile Quenouault et Roselyne Prigent, qui étaient déjà actives administrativement. Quant à l’effectif, on a gardé 16 joueurs sur 22 de la saison passée, et j’ai recruté 6 joueurs venus principalement de N3, des garçons en situation d’échec ou qui sortaient de blessure, qui n’ont pas beaucoup joué. Ce sont des paris. Ces choix se révèlent payants car les 6 jouent ! On a aussi amélioré certaines choses : on a désormais une petite salle d’échauffement, des vélos, des tapis, un poste à plein temps sur la vidéo et la préparation physique, grâce à un contrat aidé par l’État. On na pas fait de folie, de manière à ce que la stabilité financière et logistique du club soit assurée si jamais on venait à redescendre.

Photo Philippe Le Brech.

Pour l’heure, Dinan est plutôt bien parti pour se maintenir (5e avec 5 victoires, 4 nuls et 3 défaites)…
La première partie de saison nous fait dire que, sportivement, pour l’instant, on est dans les clous. On a aussi cette humilité, cette conviction de dire que, plus le temps va avancer, plus cela va être difficile pour nous. On a un groupe de 20 joueurs de champ et 3 gardiens, et je vois bien que ça a déjà été difficile d’aller au bout de l’année 2023 : là, par exemple, au moment où on se parle (entretien réalisé jeudi 21 décembre), je n’ai que 13 joueurs à disposition ce soir pour le dernier entraînement de l’année : ça montre bien qu’on a beaucoup donné, qu’on a besoin de se ressourcer. Heureusement qu’il y aura quelques trous dans le calendrier en deuxième partie de saison, parce que depuis juillet, on n’a pas eu un seul week-end de libre, sauf le week-end de Noël. Il va falloir être costaud dans nos têtes et costauds physiquement car ça risque d’être interminable.

En regardant ton effectif, on voit que très peu de joueurs ont évolué plus haut que le N3…
Trois joueurs seulement : Kevin Beauverger, qui a joué à Saint-Malo, à Lorient avec Franck Haise en réserve et aussi à Rennes en réserve; Kevin Simon (Saint-Brieuc) et Sofian Valla (Saint-Malo, Bordeaux B, Bergerac).

« Les joueurs m’ont fait progresser »

Photo Philippe Le Brech.

En N3, l’an passé, tu disais que techniquement, vous n’aviez pas survolé le championnat. As-tu le sentiment d’avoir progressé sur ce plan-là cette saison, et sur le plan général ?
Cela fait 18 ans que j’entraîne, ma plus mauvaise place c’est 7e; avec Dinan-Léhon, j’ai fait 7 fois top 5, et c’est vrai que l’an passé, je l’ai avoué, c’est peut-être la saison où j’ai pris le moins de plaisir dans le jeu. Par contre, on a appris à gagner. Les autres années, l’animation était beaucoup basée sur le jeu mais dès qu’on était mené, c’était difficile de jouer face à des équipes blocs bas, etc. L’an passé, un peu par hasard (on a eu des problèmes d’effectif avant de reprendre le championnat), j’ai changé d’organisation : on s’est retrouvé dans un 3-5-2 avec un numéro 10 et deux attaquants, un système que je n’avais pas beaucoup utilisé avant parce que je le trouvais difficile à animer dans la maîtrise collective; c’était pour moi un système basé sur la verticalité et les phases de transition. On a commencé comme ça, et on a gagné tous les matches ! On était devenu une équipe de transition. On avait du mal à animer le jeu, parce qu’on n’avait pas de joueurs extérieur-couloir. On était dans la densité axiale. J’avais dit aux joueurs que je n’aimais pas ce système mais ils m’ont répondu qu’ils avaient envie de continuer comme ça, qu’ils se sentaient forts comme ça, tant que ça marche. Du coup, on a appris à jouer différemment, à aimer la culture de la gagne : peut-être que c’est quelque chose qui me manquait, parce que j’ai toujours été un adepte du foot. Je pense que, la saison passée, les joueurs m’ont beaucoup fait progresser là-dessus, on s’est mis en mode compet’, où seul le résultat compte. Ils m’ont appris ça et cette saison, ça nous sert beaucoup parce qu’on a une opposition plus joueuse. On a besoin de la la culture du résultat parce qu’on n’a pas le choix : très honnêtement, la coupe de France, pour nous c’est tous les week-ends. C’est comme ça. Individuellement, on est en dessous de toutes les équipes que l’on a rencontrées, il n’y a pas de sujet là-dessus, mais on a une force collective, une force tactique, une organisation… J’en parle avec des coachs, on fait des petites innovations tactiques qui font parfois la différence : sur les douze matchs de N2 cette saison, on a dû être menés huit fois, on a marqué 8 buts dans les dernières minutes, et la saison dernière, on a marqué 75 % de nos buts dans le dernier quart-d’heure, ce qui est énorme. Ce sont des valeurs que l’on essaie de conserver, on en joue, dans les causeries, à la mi-temps, et je pense que nos adversaires le savent et nous craignent par rapport à ça. On a progressé collectivement, les joueurs et moi, sur la dimension « jeu » : je m’éclate plus cette année, avec des problèmes récurrents qu’il faut résoudre. J’adore changer de système en cours de match, je peux le faire deux ou trois fois. En fait, mon management est basé sur la compréhension tactique, j’adore ça. Mes joueurs, eux, m’apportent cette culture du résultat et font un « mix » entre ce qu’ils sont capables de faire et ce que je leur propose. Il y a un juste équilibre. En fait, c’est çà le projet : ce n’est pas mon projet, ce n’est pas celui du club, c’est un projet collectif : rarement j’impose des choses. La décision de partir sur un aspect tactique, la rigueur et les options de jeu sont partagées collectivement avec le groupe. Je suis exigeant avec mes joueurs, mais je pense qu’ils en ont besoin. Quand je baisse un peu d’intensité, ils sont demandeurs, et c’est ça qui me plaît, j’ai l’impression d’être utile pour eux.

« Le but, c’est de partager »

Le stade de Clos Gastel. Photo Dinan Agglomération.

Ce projet collectif, comment se matérialise-t-il ?
Par exemple, j’aime bien finir les entraînements du mercredi soir par des petites oppositions, avec des mi-temps de 15 minutes, et proposer deux choses complètement différentes sur les deux mi-temps. Après, on se pose, les joueurs me donnent leurs points d’attention et des bons de commande. Et le vendredi, à la mise en place, j’en tiens compte. Tout ce qui est organisationnel et logistique est aussi partagé avec eux sous forme de sondage : si on doit partir plus tôt, si on mange chez nous ou sur la route, etc. Je prends rarement des décisions tout seul car sont les joueurs qui sont sur le terrain. Ils partagent les options tactiques, les choix, les différentes options que l’on peut avoir avec des plans A et des plans B en match, j’adore les systèmes avec et sans ballon. C’est ça, le vrai projet collectif. Notre groupe WhatsApp fume ! Je leur envoie plein de vidéos, des retours de match, je leur demande ce qu’ils en pensent. Le but, c’est de partager. Après, il y a certainement des choses que l’on ne fait pas bien, mais le but est que les joueurs soient épanouis dans un projet collectif et qu’ils progressent sur le plan de l’état d’esprit et de la culture foot.

As-tu des coachs qui t-inspirent ?
Je me nourris de tout le monde, je regarde beaucoup de matchs, surtout le championnat de France, dont je suis fan. J’aimais beaucoup l’animation de Franck Haise à Lens l’an passé, notamment à Bollaert : c’était l’exemple type de ce que j’aime comme football, et c’est ce que j’ai retrouvé à Reims pendant 20 minutes face au Havre, avant que les Normands ne terminent à 10 (dès la 21e minute), ce football total, avec beaucoup de phases de transitions mélangées à des temps de préparation, d’intensité dans les duels, un pressing haut. J’aime ce foot où ne laisse pas trop respirer l’adversaire, et nous, on est un peu comme ça, à défendre en marche avant, parce qu’à Dinan, on n’a pas les qualités pour défendre bas, on rend 10 centimètres à toutes les équipes sur le plan athlétique, et en termes de vitesse, les autres vont plus vite que nous. Notre leitmotiv, c’est « pas de regret ». Il n y a pas de vérité dans le foot : j ai parfois critiqué des équipes qui se contentaient du minimum, qui jouaient bloc bas, mais je me suis aperçu que, en fait, si ces équipes là sont convaincues que c’est comme ça qu’elles devaient jouer, alors il fallait qu’elles jouent comme ça, qu’elles aillent au bout de leur idées. Je ne critiquerai plus ça. Il faut jouer avec ses convictions.

« Le foot, chez moi, ça se vit en famille »

En National 2, tu goûtes au professionnalisme : le football peut-il devenir ton métier plus tard ?

Stéphane Lamant sous le maillot du CS Sedan Ardennes, en CFA2, saison 2000-2001. Photo Philippe Le Brech.

D’abord, je précise que la plus importante de mes trois vies, c’est la vie familiale. Ma famille est pleinement impliquée dans ma vie sportive. Mon fils Noah (17 ans) est féru de coaching, de management : d’ailleurs, il entraîne déjà ! Mon épouse et ma fille viennent à tous les matchs à domicile. Le foot, ça se vit en famille, ce ne serait pas possible autrement. J’ai eu des sollicitations mais le facteur limitant, c’est d’être à plein temps. Si je n’ai pas basculé jusqu’à présent, c’est pour deux raisons : 1. mon diplôme ne me permet pas d’aller au dessus du N2, donc je ne vais pas m’inventer une vie ailleurs, en faisant déménager toute ma famille, pour être au même niveau; 2. Le club de Dinan-Léhon : ici, je suis avec des gens vrais, humains. Je me retrouve complètement dans ce club-là et je suis épanoui au Crédit Agricole, un groupe de 1800 personnes, où je connais les 3/4, je prends du plaisir. Je « switche » de l’un à l’autre. C’est un équilibre, et peut-être que j’en ai besoin. Alors, peut-être que dans un monde parallèle j’aurais rêvé d’en faire mon métier, mais voilà, aujourd’hui, ma famille a tellement d’importance que je gagnerais peut-être en termes de football, mais je perdrais d’un point de vue familial, parce que je sais que ce sont des vies complètement différentes quand vous allez à un niveau au-dessus. Mon épouse Céline est épanouie dans son métier – elle est responsable communication dans une grosse entreprise (le groupe Roullier) et aussi professeur de danse -, mes enfants, Noah et Lycia (14 ans) vont avoir besoin de moi dans leurs études et le soutien que je peux leur apporter, ne serait-ce que financier, je ne veux pas louper ces étapes là. On partage cette vie à 100 à l’heure. On adore se retrouver, partir en vacances ensemble. Je ne dis pas que je le ferai jamais, on ne peut pas fermer la porte, mais peut-être que l’opportunité dont je rêvais n’est pas encore arrivée; et si elle se présente, il faudra qu’elle coche toutes les cases que j’ai évoquées. Je suis heureux dans ma vie aujourd’hui, je prends du plaisir à mon niveau, je n’ai pas envie de tout bouleverser.

« Ce n’est que du bonheur »

La ville de Dinan.

Parle-nous de Dinan, la ville, le club…
C’est extraordinaire comme ville ! Elle est située à 20 km de Saint-Malo, dans les terres, avec un château fort. C’est touristique. Elle a des rues piétonnes à pavés. Le club, lui, est un club populaire, avec des vrais gens du cru, qui vivent pour leur club, et des partenaires financiers fidèles, qui sont à notre image, qui sont dans tous les secteurs d’activités (comme le monde agricole, le bâtiment, l’hôtellerie-restauration), avec des valeurs importantes de travail, de fidélité et de courage. Le club est à cette image. On a beaucoup de personnes qui bossent 40h par semaine et dont le bonheur est de venir au stade le week-end, où 800 personnes sont régulièrement là cette année, sur 8000 habitants (11 000 avec Léhon). Le club a beaucoup d’humilité, il essaie de se structurer avec ses moyens, et progresse à son rythme. Aujourd’hui, on est 5e en National 2 et qualifié en 32e de finale de coupe de France : j’espère que les gens réalisent que ce que l’on est en train de faire est exceptionnel. Après, certainement que l’on a eu beaucoup de réussite sur cette première partie de saison, on en est conscient, on sait qu’on va souffrir en 2e partie de saison, mais égoïstement, on a envie de profiter de tout ça, parce qu’il y a 4 mois en arrière, aucun des 23 joueurs n’auraient misé sur ça, ni le staff d’ailleurs. Ce n’est que du bonheur.

Le stade de Clos Gastel. Photo Dinan Agglomération.

Dimanche, ce sera la première fois qu’une Ligue 1 (Reims) viendra jouer chez vous, à Clos Gastel…
Sportivement, on est content de jouer chez nous, où on n’a plus perdu depuis mai 2022 ! Cela fait 18 mois qu’on est invaincu à Clos Gastel, c’est exceptionnel ! Mais il y a des contraintes : les capacités d’accueil ne sont pas énormes, notamment avec le cahier des charges de la FFF. On va se retrouver avec 400 places assises et le reste en pourtour (la rencontre se disputera devant 2700 spectateurs, à guichets fermés). Tout le monde voulait que l’on joue au Clos Gastel, c’est le premier 32e de finale ici, alors qu’il y en a eu deux avant, dont celui contre Brest, mais c’était à Saint-Brieuc. Cette fois, on aura la saveur du match à domicile, même si on avait pensé un temps jouer à Guingamp ou à Rennes. Mais on n’a vu que ce n’était pas possible et pas rentable un dimanche soir (coup d’envoi à 17h30). Le coté raisonnable a pris le dessus chez le président.

Qu’as-tu retenu de cette élimination aux tirs au but face à Brest (L1) il y a 2 ans, en 32e de finale ?
L’aventure humaine. On avait passé deux mois ensemble. On avait éliminé Caen (L2) aux tirs au but, c’était déjà exceptionnel, et aussi Saint-Malo le jour de mon anniversaire, dans un derby, le 27 novembre. Contre Brest, ce fut l’apothéose. On a été héroïque à 10 contre 11. Lors de la séance de tirs au but, qui est resté dans les annales, on a pensé à chaque fois qu’on allait se qualifier parce qu’on tirait en premier et Brest devait marquer : ils ont eu un mental d’acier pour le faire à chaque fois. Ce qui est beau aussi, c’est qu’on avait emmené tout le club derrière nous. Il y avait une union. Malgré l’élimination, on avait ce sentiment valorisant d’avoir tenu tête à un club de Ligue 1. On avait eu beaucoup de reconnaissance. Là, avec Reims, je pense que le curseur est un cran au-dessus si l’on compare la situation de Brest au moment où on les avait joués. Malgré tout, on va mettre en place un projet de jeu pour les embêter même si je dois dire que Reims, que j’ai regardé jouer récemment – entre autres – contre Le Havre (1-0), m’a impressionné dans le pressing et dans l’intensité. Déjà, affronter une Ligue 1, c’est dur, mais là, en plus, une Ligue 1 qui est en marche avant, qui veut gagner tous ses duels, difficile de faire beaucoup plus compliqué. Quand je vois leur coach, Will Still, qui est sans cesse derrière eux, sa façon de pousser ses joueurs, je me dis qu’avec lui, impossible qu’il nous prenne à la légère. Il va vouloir tout de suite mettre en place une équipe pour le mois de janvier, par rapport aux absents de son effectif partis à la Coupe d’Afrique des Nations et le coupe d’Asie. Notre chance est infime mais on a la naïveté de croire qu’elle existe, alors… let’s go !

Dimanche 7 janvier 2024 – coupe de France (32e) : Dinan-Léhon FC (N2) – Stade de Reims (Ligue 1), à 17h30, stade de Clos Gastel, à Dinan.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales).

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Christophe Pélissier, l’enfant du pays devenu entraîneur pro, Cédric Garcia, le gardien/commercial reconverti directeur sportif, et Jean Boyer, l’avant-centre et bonne pioche du recrutement, évoquent l’US Revel (Régional 1) et ce 32e de finale historique face au PSG, dimanche soir, à Castres.

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

La vidéo a fait le buzz. Et tourné en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit les joueurs de l’US Revel, fraîchement qualifiés pour les 32es de finale de la coupe de France après une série de tirs au but victorieuse face à Blagnac (National 3), « mater » le tirage au sort tous ensemble, après avoir dégusté un bon couscous offert par un partenaire, et ouvert les cadeaux.

Et puis, la magie du père Noël a fait son oeuvre. PSG ! La cerise sur la bûche. La scène de liesse qui a suivi l’évocation du nom de l’adversaire des joueurs de Régional 1 restera comme l’une des images fortes de l’édition 2023-24 de la Coupe de France. Qu’importe le résultat du match dimanche soir au stade Pierre-Fabre (20h45 en direct sur BeIN), sur la pelouse des rugbymen du Castres Olympique, devant 10 000 personnes. Car Revel a déjà gagné. La notoriété, la reconnaissance, le respect, l’amour, le soutien du monde amateur.

PSG, c’est l’Everest

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

Ce match, c’est un peu comme un joueur de tennis de 3e série qui doit affronter Roger Federer au premier tour du tournoi du club de son village. C’est un peu comme passer de quelques longueurs à la brasse dans le lac voisin de Saint-Ferreol, très prisé des locaux, à une traversée à la nage sans aide ni assistance dans la Garonne jusqu’à l’estuaire de la Gironde !

PSG, c’est l’Everest. C’est l’excitation. C’est l’interminable attente. C’est aussi la peur d’être dépassé et, peut-être, d’être ridicule. C’est aussi tout une organisation car on ne reçoit pas l’un des clubs les plus riches du Monde comme on reçoit Luzenac, adversaire en championnat de Régional 1 et ancien club du gardien revélois, Cyril Garcia, du temps d’un certain Christophe Pélissier, fierté locale, parti d’en bas pour arriver jusqu’en Ligue 1 avec Lorient et Amiens.

Après la qualification face à Blagnac. Photo Idriss Imelhaine.

Ce dernier, actuellement entraîneur de l’AJ Auxerre (2e de Ligue 2 à Noël) sera au match. Il l’a confirmé dans l’entretien que vous lirez plus bas. A lire également, l’interview de Cédric Garcia, le frère de Cyril, lui aussi gardien de but et retraité des terrains depuis deux ans. Enfin, retraité, pas vraiment : il a récemment renfilé le maillot pour suppléer son frère, blessé, alors que son emploi du temps est désormais partagé entre sa famille, son métier de commercial à Castres et son nouveau poste de directeur sportif de l’US Revel.

Enfin, le troisième témoin de cette affiche aussi déséquilibrée qu’excitante s’appelle Jean Boyer, un attaquant de 22 ans qui revient de nulle part après trois ans de galère et de blessures… En à peine deux mois – il a signé fin octobre -, le natif de Castelnaudary (Aude), à 20 kilomètres de Revel, a mis tout le monde d’accord en inscrivant 5 buts lors de ses 5 premiers matchs. Et même s’il est resté muet lors des deux matchs qui ont suivi, et même s’il reste encore muet lors du prochain match, son apport s’est vite fait ressentir dans le onze de Nicolas Giné, le coach du club de Haute-Garonne.

Les témoignages de trois hommes – Pelissier-Garcia-Boyer – avant, peut-être, un coup fin ? Tout est permis, même de prolonger le rêve à Revel !

I. Christophe Pélissier : « Je voulais tomber sur Revel ! »

Devinez où l’actuel entraîneur de l’AJ Auxerre a passé les fêtes de Noël ? À Revel ! L’homme qui a fait monter Luzenac, un village de 500 âmes, en Ligue 2 (le club de l’Ariège fut cependant interdit d’accession), Amiens en Ligue 1 à la dernière seconde de son championnat et aussi Lorient en Ligue 1, est né à Revel. A Grandi à Revel. A joué à Revel. A entraîné à Revel. Bref, qui mieux que lui pour évoquer « son » club et ce tirage au sort ? Et vous voulez un scoop ? Le régional de l’étape sera présent à Castres pour ce match face au PSG !

Christophe, si je vous dis Revel…

Christophe Pélissier, la saison passée, à Nice, avec Auxerre. Photo AJ Auxerre

Bien sûr que ça me parle ! D’ailleurs, j’y suis en ce moment (entretien réalisé jeudi 21 décembre). J’ai gardé ma maison ici. Je suis né ici. J’ai commencé le foot ici et j’ai passé 25 ans au club comme joueur et entraîneur. J’y ai ma famille et des amis.

Du coup, vous revenez souvent ?

C’est dur de revenir souvent à cause du métier. J’y passe une partie des vacances d’été et d’hiver, comme là. En général je viens deux fois dans l’année. Cette année, je suis aussi venu pendant une trêve internationale.

Oui, vous étiez en tribune en début de saison en championnat…

Je suis venu voir un match, le premier de la saison. J’avais des choses à faire à Revel, j’en ai profité. J’avais trouvé l’équipe très cohérente.

« On sent un groupe, une équipe de copains »

C’est comment, Revel, comme ville ?

C’est une petite bourgade de 10 000 habitants entre Toulouse et Carcassonne, très agréable à vivre, surtout l’été, avec un lac très prisé des Toulousains et aussi des touristes, le lac de Saint-Férreol.

Vous diriez que Revel est plutôt une terre de foot ou de rugby ?

Photo AJ Auxerre

Une terre de foot quand même. Quand mon père jouait dans les années 60/65, le club était en CFA (équivalent de la D3 à l’époque), le plus haut niveau amateur. L’US Revel a toujours été un bon club de niveau régional. La ville a aussi eu son club de rugby en 2e division. Après, contrairement à Castres, où le foot a du mal à émerger, où il y a le Castres Olympique (rugby) que tout le monde connaît, ici c’est vraiment égalité entre le rugby et le foot. Chacun a son histoire.

Vous avez porté le maillot de Muret, Carcassonne, mais c’est à Revel que tout a commencé, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai tout le temps joué à Revel, depuis tout petit, et j’ai commencé en seniors DH à 16 ans avant de partir à l’âge de 24 ans à Muret, en National. J’ai entraîné l’école de foot, des débutants aux minimes, j’ai pris en mains les seniors de Revel quand je suis revenu après 4 ans à Muret et 1 an à Carcassonne. Je pense que j’ai dû entraîner toutes les équipes. J’étais aussi éducateur sportif à la ville de Revel, où je m’occupais du sport dans les écoles et d’une classe foot 6e et 5e.

Vous connaissez encore des personnes à l’US Revel ?

Oui, beaucoup de gens sont encore là. Je connais les anciens dirigeants bien sûr, et aussi les nouveaux. En revanche, c’est vrai, je connais moins l’équipe de Régional 1, mais je connais quand même Cyril (Garcia), le gardien, que j’avais à Luzenac, Josuah, le frère de Ande Dona Ndoh, et quelques joueurs d’ici, mais c’est tout. Je suis parti il y a longtemps déjà (en 2006) !

Y-a-t-il une identité, un style, qui se dégagent ?

Photo AJ Auxerre

Non, il n’y a pas un en particulier; à ce niveau, en Régional 1, c’est difficile de parler de style, mais le club est familial. Les gens qui jouent à Revel sont de Castres ou Toulouse. Il y a une très bonne unité de groupe, et cela a souvent été le cas à Revel : à notre époque, c’était déjà comme ça. On était une équipe de Revélois, on jouait entre copains. Là, on sent aussi qu’il y a une équipe de copains, un groupe.

Vous serez au match dimanche soir, à Castres ?

Oui. Samedi, la veille, avec l’AJ Auxerre, nous jouons en coupe de France à Nice et dimanche, je pense que je ferai les 7 heures de route entre Auxerre et Castres pour venir. D’autant que notre match de championnat contre Bordeaux a été décalé au lundi de la semaine suivante.

« Je dois tout à Revel »

Revel, c’est l’endroit où vous vous installerez à la retraite ?

Oui, je pense. Mes filles sont à Paris et Bordeaux. Revel, c’est l’endroit où tout le monde se retrouve, la famille, les amis d’enfance. C’est là où sont nos racines.

En fait, vous devez tout à Revel ?

L’équipe de l’US Revel.

Oui, c’est là que tout a commencé ! A 5 ans, j’ai signé ma première licence ! Je me sers de ce que j’ai connu ici, les entraîneurs, les éducateurs que j’ai eus, les dirigeants, tous ceux m’ont transmis les valeurs.

Avez-vous suivi le tirage au sort des 32es ? Comment avez-vous réagi à l’annonce du match Revel-PSG ?

D’abord, le matin du tirage, j’étais déçu de voir qu’Auxerre et Revel n’étaient pas dans le même groupe et ne pouvaient donc pas s’affronter, parce que je voulais tomber sur Revel ! C’était mon voeu le plus cher, de revenir ici. J’avais échangé avec le président le matin… Ensuite, non, le soir, je n’ai pas suivi le tirage au sort, mais j’ai vu après que j’avais énormément de messages sur mon portable. En fait, j’avais juste deux messages de mon président à l’AJ Auxerre et de l’intendant, pour me dire qu’on jouait à Nice. Mais tout le reste, c’était des dizaines de messages pour m’annoncer que Revel était tombé sur le PSG ! C’est incroyable ! Comme quoi, l’histoire… Parce que mon premier match sur le banc d’un club de Ligue 1, avec Amiens, je l’avais joué au Parc des princes contre PSG ! Là, même si je n’y participerai qu’en tant que spectateur, ce sera aussi particulier pour moi.

« Il y a de très bon coachs chez les amateurs »

On vous connaît pour vos parcours avec Luzenac, Amiens, Lorient, et toutes ces accessions, mais peu de gens savent aussi que vous êtes descendus deux fois sur le banc avec Revel…

Alors on est monté deux fois en CFA2 aussi ! Mais on est descendu deux fois, c’est vrai… C’était déjà difficile pour un club comme Revel de tenir en CFA2 (N3) à l’époque, ce n’était pas évident d’exister à ce niveau-là compte tenu de l’organisation du club, des joueurs, dont certains faisaient leurs études à Toulouse.

Vous répétez souvent que vous savez d’où vous venez… et vous venez de Revel !
Oui, je sais d’où je viens. Le foot amateur m’a permis d’être là ou je suis aujourd’hui. J’ai fait du National pendant 5 ans et je connais bien ce championnat, je connais surtout ses difficultés, et je peux vous dire qu’il y a beaucoup de qualité chez les coachs amateurs. Je ne dis pas que c’est plus facile, attention, mais parfois, c’est plus facile de travailler dans des structures professionnelles que dans des structures amateurs, même s’il y a des problématiques différentes à gérer. Récemment, je suis allé voir la réserve de l’AJ Auxerre contre l’AS Furiani en National 2, j’ai vu des choses pensées, structurées. Je sais que certains ont été surpris que je reparte en Ligue 2 cette saison, mais moi, je suis entraîneur professionnel de foot, pas entraîneur de Ligue 1 ou de Ligue 2, et je sais d’où je viens. C’est pour ça, avec la magnifique réforme du football (ironique), il y aura encore quatre staffs en moins en L1 et en L2, donc aujourd’hui, c’est compliqué, surtout que beaucoup d’entraîneurs sont étrangers en L1, et on commence à en voir de plus en plus en L2, ce qui fait qu’il va rester une vingtaine de places pour un entraîneur français dans les deux divisions, c’est tout.

II. Cédric Garcia : « On a déjà tout gagné ! »

Cédric Garcia avec le coach Nicolas Giné. Photo Idriss Imelhaine

Il a l’accent chantant du midi et ça tombe bien, il est midi pile ! Le rendez-vous est fixé depuis quelques jours. Depuis le tirage au sort des 32es de finale, le téléphone de Cédric Garcia fume. Du coup, l’homme aux trois casquettes – commercial, gardien de but sorti de sa retraite et directeur sportif du club – filtre les appels et rajoute des rendez-vous à son agenda déjà très chargé; le nôtre est honoré mais le timing est serré : le frère de l’actuel gardien de l’US Revel, titulaire le temps d’un match cette saison, alors même qu’il avait raccroché les crampons depuis deux ans, a encore des obligations après nous : il doit se rendre dans l’école de sa fille pour une intervention avec quelques joueurs de son équipe.

Cédric Garcia. Photo Pamisire.

A 39 ans, Cédric Garcia a – presque – tout connu à l’US Revel, où il a débarqué à l’âge de 20 ans, et où il a joué pendant 18 ans, dans les cages, avec le brassard de capitaine autour du bras.

En 2022, il a passé le relais à son frère Cédric, avant de reprendre du service, une première fois, quand sa belle soeur a accouché, puis une seconde fois cette saison donc, quand l’ancien joueur de Luzenac, en National, s’est blessé : « C’était juste avant notre 7e tour de coupe contre Montpellier-La Paillade. J’ai joué contre Clermont-L’Hérault, on a gagné, c’est cool ! J’en ai encore un peu sous le pied ! ».

Le Castrais, qui figure toujours sur la feuille de match en coupe depuis le 5e tour, et qui, dans sa jeunesse, a évolué en cadets nationaux à Castres, s’est surtout forgé une réputation en corpo (entreprises), avec les célèbres laboratoires Pierre Fabre, ce qui lui a permis d’être sélectionné en équipe de France corpo, d’avoir un peu de visibilité dans sa région et de se constituer un réseau. « J’avais effectué quelques essais avec des clubs pros du coin mais cela n’a pas abouti. Et puis Christophe Pélissier, alors coach de Revel, m’a appelé. Je ne pensais faire qu’une saison pour mieux rebondir. Finalement, j’ai pris racine ici, je me suis attaché à ce club, j’ai refusé quelques sollicitations et j’y suis resté 18 ans ! »

Cédric, présentez-nous l’US Revel, en quelques mots…

Nicolas Giné le coach. Photo Idriss Imelhaine

C’est un club de 400 licenciés situé en Haute-Garonne, à 45 minutes de Toulouse, à proximité du Tarn aussi. L’éloignement du bassin toulousain peut aussi être un problème en termes de joueurs et de recrutement dans la mesure ou ça fait tout de même un peu de trajet pour venir. On est un club familial, qui vit bien, avec une bonne passerelle entre les seniors et l’école de football : j’attache beaucoup d’importance à ça. Le club est très structuré, sain financièrement, bien géré, ce qui permet d’envisager sereinement l’avenir, encore plus aujourd’hui avec ce qui nous arrive.

« Clairement, la place du club est en R1 »

Vous avez connu la DHR (Régional 2), la DH (Régional 1) et même le CFA2 (National 3) : vous diriez que, pour Revel, le Régional 1 est son véritable niveau ?

Quand je suis arrivé, on était en DH et l’équipe 2 était en DHR, donc ça faisait deux groupes qui pouvait « switcher » facilement. En 2010, alors que l’on n’avait pas la meilleure équipe, on est monté en CFA2 (National 3) avec une bande de copains, malheureusement on est descendu pour un point la saison suivante. Clairement, la place du club, c’est en R1. J’ai aussi vécu deux descentes en R2, mais à chaque fois, on est tout de suite remonté en R1 : ça montre bien que l’on n’a peut-être pas les capacité pour évoluer au-dessus, mais pas non plus en dessous. On est à notre place. Et cette saison, on est 1ers avec un match en retard et encore qualifié en coupe de France.

Du coup, si vous montez en N3, cela voudra dire que le club ne sera pas à sa place ?

Cyril Garcia, le gardien de l’US Revel et frère du directeur sportif, Cédric. Photo Idriss Imelhaine

Comme je l’explique souvent, il faut y aller étape par étape. Il y a 2 ans, on n’avait pas de directeur sportif, il n’y avait pas trop de stratégies sportives bien définies. L’équipe 1 prenait ses décisions dans son coin, l’équipe 2 le faisait aussi de son côté. Ce n’était pas clair. Alors j’ai défini un cadre, des logiques sportives. Pour l’instant, ça se passe bien, on est remonté en Régional 1 cette saison et on a construit un groupe avec des joueurs qui puissent répondre aux attentes du niveau, tout en visant un objectif de moitié de tableau et un maintien rapide. On a recruté six joueurs et les six sont titulaires indiscutables. Ils ont apporté une vraie plus value au groupe déjà présent, ils l’ont redynamisé, parce que certains se laissaient un peu vivre à cause du peu de concurrence. Là, on est premiers, on a un 32e de finale de coupe de France à disputer qui n’était pas prévu, entre guillemets, avec le PSG qui arrive ! Je peux vous dire que je suis content d’avoir engrangé un maximum de points avant ce match parce qu’on sait très bien qu’après PSG, il risque d’y avoir une grosse période de décompression. La chute risque même d’être costaude.

Comment vous situez-vous chez les jeunes ?

Le président Didier Roques. Photo Idriss Imelhaine

On essaie de se structurer, progressivement, ce n’est pas facile de mettre en place des choses. Là, on a instauré une commission sportive chapeautée par trois personnes : Franck Angelini, ancien joueur de Revel (et vice-président), référent foot à 8 jusqu’en U14, le président, Didier Roques (prononcez « Roc »), avec lequel on se voit chaque semaine pour prendre les décisions nécessaires, et moi-même, référent du football à 11. À Revel, on a un bon vivier de jeunes, une belle école de foot. On veut faire monter nos U14 au niveau régional pour créer une dynamique et tirer les autres équipes derrière : le problème, c’est que nos équipes de jeunes évoluent encore au niveau District, donc souvent nos meilleurs jeunes partent dans les équipes voisines pour alimenter les clubs de Ligue et reviennent après chez nous. En fait, on voudrait éviter ce passage-là. Par exemple, Castres, en seniors, ne jouent qu’en Régional 3, mais ils ont quasiment toutes leurs équipes de jeunes au niveau Ligue et automatiquement nos meilleurs éléments sont convoités, sans oublier les clubs de la région toulousaine, Balma, Saint-Orens, Castanet, qui brassent aussi beaucoup de jeunes.

Vous faites du monde en Régional 1 au stade ?

Pour un match « normal », on a entre 50 et 100 personnes. Bon, avec la coupe, on est monté jusqu’à près de 1500 contre Blagnac au 8e tour. C’est énorme. Et à Castres, au stade Pierre-Fabre, face au PSG, on a une capacité de 10 000 places : on perd les 1600 places de pesages qui sont interdites. J’espère que l’on va jouer à guichets fermés. On donne d’abord la priorité à nos licenciés et à nos partenaires. Mais on sent un engouement dans la ville et aussi dans les clubs voisins.

L’équipe est authentique, simple, à l’image du club

Elle est comment, cette équipe de Revel ?

Habib Ouhafsa. Photo Idriss Imelhaine

Elle est authentique, simple, à l’image du club. C’est un mélange de jeunes et de quelques joueurs expérimentés. Je sens que les mecs sont bien. Ils sont sur un nuage depuis le tirage. Mais je le répète, on prépare la chute, on verra comment on va réagir après la coupe. Mon frère a joué à Luzenac et en National 3 à Castanet, et avec son réseau, on a réussi à faire signer d’autres joueurs de ce niveau comme Pierre Ritter et Jonathan Vieu, qui jouaient aussi en N3 à Castanet et qui amènent une vraie plus-value au groupe et apportent leur expérience. Il y a longtemps que l’on n’avait pas senti autant de sérénité dans le groupe, dans le jeu, dans la maîtrise. Avant, on était toujours en train de bricoler, on avait quelques individualités qui sortaient du lot. Là, on a un collectif. On a aussi le défenseur Maecky Lubrano, qui a joué à Pau en National et qui a fréquenté les équipes de jeunes de l’Athletic Bilbao, où il a côtoyé Aymeric Laporte. Il y a aussi Maxence N’guessan, un défenseur central formé au LOSC, qui a joué à Wasquehal, et le frère de Ande Dona Ndoh, l’ancien buteur de Luzenac et de Niort, Joshua Mbuluba Ndoh, qui a un parcours atypique. Tous ces joueurs n’ont pas eu l’opportunité de jouer plus haut.

« On ne vit ça qu’une fois »

Comment se passe l’organisation de ce 32e de finale ?

Pierre Ritter, une des recrues venues de Castanet en N3. Photo Idriss Imelhaine

Honnêtement, les premiers jours, on était noyé. En fait, les jours qui ont suivi le tirage au sort, ça n’a pas arrêté, notamment les sollicitations médiatiques. Le soir du tirage, les joueurs ont regardé la cérémonie ensemble, pendant que mon président et l’intendant se sont rendus sur place. Et puis, PSG est tombé ! Sur le plan émotionnel, ce qui s’est passé, c’était extraordinaire. On ne vit ça qu’une seule fois. Le soir, tu rentres à la maison, il est minuit, tu ne dors pas, tu pleures. Le lendemain matin, je suis allé au boulot, à Castres, j’étais serein, mais j’ai commencé à sentir un peu d effervescence dans l’agence où je travaille, un peu d’engouement, et une heure après, mon téléphone a commencé à sonner, et là, ça n’a plus arrêté. Le soir du tirage, j’ai eu 253 textos ! 253 ! Non lus ! J’ai mis dix jours pour répondre à presque tout le monde !

Cédric Garcia. Photo Pamisire.

On a mis la vidéo du tirage avec la joie des joueurs sur nos réseaux sociaux, elle a été relayée partout ! La secrétaire du club a été prise d’assaut le lendemain, par les médias notamment. Il y a vraiment eu deux ou trois jours avec énormément de sollicitations, et puis, c’est redescendu d’un coup. Après, il a fallu rentrer dans le dur et répondre à la question principale : où va-t-on jouer ? On a pensé à Toulouse avec le Stadium ou Ernest Wallon, mais on avait, il faut bien le dire, une préférence pour le stade Pierre Fabre, le stade de rugby du « CO » : pas mal de nos joueurs sont natifs de Castres, et puis ce n’est qu’à 35 minutes de Revel. C’est un petit chaudron. Le Castres Olympique et la Ville de Castres ont été très réceptifs. Après, il a fallu s’occuper de la billetterie, de la partie sportive et de la partie médias. Pour les médias, on a décidé de mettre tout le monde en lumière, mais pas toujours les mêmes. Je vois bien les appels que j’ai : « Avec les frères Garcia, on tient la belle histoire ». OK. Mais pas question que mon frère et moi focalisions toute la lumière. On veut que ce soit le club dans son ensemble qui soit mis en lumière. On veut montrer la meilleure image possible de tout le club, des plus petits jusqu’aux vétérans.

Jouer à Castres, c’est aussi faire des déçus : vous auriez pu accueillir beaucoup plus de monde à Toulouse…

Le stade Pierre-Fabre, à Castres, accueillera ce 32e de finale entre Revel et PSG.

On va faire des déçus, bien sûr, car on ne pourra pas accueillir tout le monde, mais bon… Il faut voir le côté positif des choses. On est un petit club. On a déjà tout gagné, une image, le respect, la notoriété, et on va gagner une manne financière. Il faut retenir ça. Pas le fait que l’on aurait pu jouer devant 25 000 personnes à Toulouse. Nos gamins sont allés disputer des plateaux dans les clubs extérieurs, tout le monde ne parlait que du match.

Revel, c’est plutôt rugby ou foot ?

Hormis le « Tèf » (Téfécé), qui sort un peu du lot niveau football, on est dans une région « rugbystique », notamment le coin de Castres, avec le CO à côté, club phare du top 14. Après, il y a quand même beaucoup de footballeurs. Pour ma part, je suis natif de Castres, ma société est partenaire du Castres Olympique, je vais régulièrement voir les matchs, d’ailleurs, j’y étais le 31 décembre pour le match contre Perpignan. Et dire que, dans quelques jours, je serai dans ce même stade, et sur le banc ! C’est top !

« C’est la fête du football »

Que représente la coupe de France pour vous ?

Jonathan Vieu. Photo Idriss Imelhaine

La magie. C’est ça le foot amateur ! Aujourd’hui, tous les clubs amateurs de la région s’identifient à l’US Revel. On voit bien que c’est la fête du football. Malheureusement, on est limité en nombre de places. tout le monde ne pourra pas venir. L’essentiel, c’est que nos gamins, nos licenciés, nos partenaires, la ville, les familles, les bénévoles, soient là. On a beaucoup d’enfants de l’école de foot qui sont dans les écoles de la ville, qui ne quittent plus le maillot du club.

Vous aurez quelles couleurs face au PSG ?

On devrait jouer en rouge, short noir, le gardien en jaune, et PSG sera en blanc. D’après nos informations, la délégation du PSG aura 45 minutes après le match pour quitter le stade, ça fait court : parce que j’aimerais bien obtenir un petit moment d’échange dans les vestiaires avec eux et nos joueurs, on verra. Je ne suis pas certain que cela soit réalisable. Ce qui est dingue, c’est que je reçois énormément de gens qui me demandent si c’est possible de voir les joueurs du PSG, y’en a même qui sont prêts à me payer pour passer du temps avec Mbappé !

Le club doit être très sollicité médiatiquement : comment allez-vous faire pour gérer ça à l’approche du match ?

C’est simple, à partir de jeudi soir à 19h, trois jours avant le match, je veux que nos joueurs rentrent dans une bulle : à partir de ce moment-là, c’est STOP ! Plus d’interview, plus rien. On se met en mode match !

III. Jean Boyer revit à Revel

L’attaquant Jean Boyer. Photo Idriss Imelhaine

Pour l’avant-centre de l’US Revel, c’est peut-être – enfin – la fin de la galère ! A 22 ans, le natif de Castelnaudary, à 30 kilomètres de Revel, sort de trois saisons de galères, perturbées comme de nombreux footballeurs amateurs par la Covid-19 mais surtout par une vilaine blessure. Mais tout ça, c’est de l’histoire ancienne.

Aujourd’hui, le solide gaillard (1,83m. et 79 kg) revit à Revel et savoure l’instant. Enfin débarrassé de ses pépins physiques, il rejoue… et surtout, il marque ! « J’avais contracté une blessure à la rotule, un syndrome femoro-patellaire, en août 2020, quand j’étais à Velay (le club de Polignac, à côté du Puy-en-Velay), ça a traîné, ça a tardé à être diagnostiqué, j’ai multiplié les visites chez les spécialistes… Cette saison, ça va ! J’ai pris mon temps cet été pour bien me remettre en forme. Là, je n’ai plus mal du tout. »

Jean entend aussi se servir de cette nouvelle expérience en Régional 1 pour rebondir et retrouver au moins le National 3, comme à Velay FC (2020-2021) et Onet-le-Château, à côté de Rodez (2022-23) où il a finalement très peu joué.

« Je devais signer à Châteaubriant »

S’il a posé ses valises de globe-trotter à Revel (il a aussi joué à Espaly, toujours à côté du Puy, en 2021-2022 et au Puy, en U19 Nationaux, juste avant), c’est un peu par hasard. Sans club après un transfert avorté à Châteaubriant, son ami depuis les classes jeunes à Castelnaudary, Pierre-Antoine Palacios, milieu de terrain de l’US Revel, joue les intermédiaires entre le staff et lui : en octobre, Jean débarque au club pour s’entretenir et s’entraîner. Et ça matche ! « A Châteaubriant, ça ne s’est pas fait au dernier moment, raconte-t-il; j’avais besoin de temps de jeu. Je connaissais Pierre-Antoine (Palacios), avec qui j’avais joué aussi l’an passé à Onet-le-Château, on jouait déjà ensemble à Castelnaudary. »

« La première fois que je l’ai reçu, je l’ai trouvé très timide et réservé, raconte Cédric Garcia, le directeur sportif de Revel. Je me suis dit « comment je vais faire pour l’intégrer ? » et en fait, il passe super bien dans le groupe. Jean, j’apprends à le connaître. Il est très sérieux, très pro. On a eu un « couac » avec un attaquant cet automne, Jean est arrivé à ce moment-là pour s’entraîner, il est resté trois semaines et finalement, on l’a gardé. C’est la belle histoire. Ce type de joueurs, ce sont des bonnes pioches, parce qu’ici, on ne vend pas du rêve. On essaie juste d’avoir du nez, après, il faut que le joueur se sente à l’aise, qu’il soit pris en considération, parce qu’on a quand même de quoi bosser. La R1, ça demande un peu d’exigence. Je prends aussi l’exemple de Pierre-Antoine (Palacios), qui a eu du mal à Onet : or chez nous, clairement, il sort du lot. Je pense que si le joueur est bien, derrière, il te le rend. Pierre-Antoine, on l’a pris en BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), il fait ses études en parallèle, ses parents ne sont pas loin, donc il y a un équilibre qui se fait. Jean, c’est pareil. »

A 45 minutes de chez lui

Mais si Jean Boyer s’est rapproché à 45 minutes de Bram, dans l’Aude, un petit village où vivent ses parents, ce n’est que pur hasard : « Honnêtement, je connaissais Revel de nom, c’est tout ! C’est vraiment le hasard si je suis là, chez mes parents. Cela faisait six ans que j’étais parti de la région. J’ai joué à Bram jusqu’en U13 avant de partir à Castelnaudary en U15 et en U17, puis au Puy-en-Velay, où j’ai joué en U19 Nationaux. »

S’il est réservé, calme et timide en dehors des terrains, sur le pré, Jean est plus expressif et surtout plus prolifique : lors de ses 5 premiers matchs avec Revel, il a marqué 5 fois ! Comme début, difficile de faire mieux. Et même s’il n’a pas marqué lors des deux matchs suivants, en championnat face à Pibrac (0-0) et en coupe face à Blagnac (1-1), il a déjà gagné le respect de son staff et de ses coéquipiers. « J’ai signé ici le 23 octobre et quelques jours après, j’ai enchaîné directement par un match en coupe contre Montpellier – La Paillade (R1). Je suis rentré à l’heure de jeu et je marque à la dernière minute, le but de la qualification, 1 à 0, chez nous, ça m’a permis d’enchaîner les matchs derrière. »

« J’aime bien la pression »

Aujourd’hui, son nouveau club est leader en Régional 1 avec un match en moins, et qualifié face au PSG en 32e de finale de la coupe de France. Tout roule. Ou presque. Seule ombre au tableau, Jean a manqué son tir au but dans la fameuse séance au 8e tour face à Blagnac (N3) : « Mais il ne faut pas le dire, plaisante-t-il ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas loupé un « peno », pourtant, je n’avais aucune pression, on a avait deux tirs au but d’avance, il restait deux tireurs de chaque côté, mais le gardien l’a arrêté ! Bon, ça va que derrière, mon coéquipier (Joshua Ndoh) a fait le travail ! En fin de compte, tant mieux si j’ai loupé, comme ça, j’ai remis les compteurs à jour, et puis moi, j’aime bien la pression ! Ce match contre Blagnac, joué devant 1000 ou 1500 personnes, était équilibré, mais franchement, on n’a pas volé la qualif ! On a une équipe plutôt expérimentée, avec pas mal de joueurs autour de la trentaine, et deux ou trois joueurs de mon âge, dont Pierre-Antoine. Notre gardien, Cyril Garcia, a connu les belles années de Luzenac en National, il est très bon ! On a quelques joueurs qui ont joué en N3 et aussi Maecky Lubrano, défenseur central ou latéral, qui a connu le National à Bayonne et Pau. Après, dans le jeu, on est capable d’avoir de bonnes phases avec le ballon et on est capable aussi de faire mal sur les longs ballons. »

« Je vais demander les crampons de Mbappé ! »

Photo Idriss Imelhaine

Evidemment, depuis ce fameux lundi soir du tirage au sort, sa vie, comme celles de ses coéquipiers, comme celle du club dans son ensemble, a changé : « Tous les joueurs ne pensent qu’à ça ! Les deux nuits qui ont suivi le tirage, j’ai eu du mal à dormir, mais là, ça y est, c’est passé. Maintenant, on ne pense qu’à la préparation du match. On a 0,5 % de chance de passer, on sait très bien qu’on peut en prendre 10, mais on va s’accrocher. On n’est pas nombreux à y croire, c’est sûr. Je vais acheter des places, pour en faire profiter les collègues et mes parents. J’ai même des amis du Puy-en-Velay qui veulent venir. Beaucoup de mes coéquipiers vont demander le maillot de Mbappé, moi, je vais demander ses crampons, ça vaut cher (rires !). L’an passé, apparemment, en 32e de finale, Pays de Cassel, qui avait joué contre eux, avait été sondé à l’avance pour savoir quels maillots ils voulaient; par exemple, s’il y avait 20 demandes pour Mbappé, le club préparait 20 maillots de MBappé ! »

Dimanche 7 janvier 2024 – coupe de France (32e) : US Revel (R1) – PSG (Ligue 1), à 20h45, à Castres, stade Pierre-Fabre. En direct sur BeIN Sports.

Le match se disputera à guichets fermés (plus aucune réservation possible). Une fan zone est organisée à la salle Nougaro, à Revel, à 20h, dimanche soir (650 places maximum), sans réservation.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Idriss Imelhaine, Pamisire, US Revel, AJ Auxerre et DR.

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Pendant que son frère jumeau Bradley, avec lequel il a longtemps évolué chez les jeunes, brille avec Brest en Ligue 1, l’ailier tente de faire décoller sa carrière chez les amateurs. Avec son club, pensionnaire de National 2, le joueur de 21 ans va affronter Strasbourg en 32e de finale de la Coupe de France.

Avec son frère jumeau Bradley (à droite), lors de leur signature à Lorient en 2019. Photo DR

En cette veille de Noël, samedi 23 décembre, une certaine effervescence régnait au Palais des Sports de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Les deux frères jumeaux, Bryan et Bradley Locko organisaient la MPA Cup, un tournoi en salle réservé aux 15-18 ans. Un moment de partage important pour les deux garçons. « Vitry, c’est ma ville, je reviens souvent voir des matchs, il y a des bons petits joueurs », sourit Bryan, 21 ans.

En 2019, les deux jumeaux avaient rejoint le centre de formation de Lorient. Si Bradley a éclaté au plus haut-niveau ces derniers mois en disputant l’intégralité des 17 matchs de Brest, équipe surprise de cette première partie de saison en Ligue 1, et en étant appelé par Thierry Henry en équipe de France Espoirs, Bryan, lui, évolue dans un certain anonymat à l’AOCC (Avoine Olympique Chinon Cinais, actuellement 9e de National 2).

Avec Avoine-Chinon, lors de la défaite 3-1 au Paris XIII Atlético, le 16 décembre dernier, en N2 (J12). Photo Philippe Le Brech

Mais chez le joueur offensif de couloir, il n’y a aucune trace d’amertume. Juste une profonde détermination à gravir les échelons, sous les encouragements toujours bienveillants de Bradley.

Les 32es de finale de la Coupe de France vont offrir à Bryan une part de lumière. Samedi 6 janvier, à 18 heures, l’Avoine Olympique Chinon-Cinais va en effet recevoir Strasbourg, club de Ligue 1, au stade de la Vallée du Cher à Tours.

« C’est une bonne opportunité pour mon frère jumeau, estime Bradley. On va dire que ça peut être le match de sa vie qui peut rebooster sa carrière. Il a le niveau. S’il reste concentré et focus, il n’y a pas de raison pour qu’il ne me rejoigne pas un jour en haut…»
Pour 13HeuresFoot, Bryan Locko est revenu sur son parcours.

« Dans notre famille, on a tous joué au foot sauf ma petite sœur »

Avec Avoine-Chinon, lors de la défaite 3-1 au Paris XIII Atlético, le 16 décembre dernier, en N2 (J12). Photo Philippe Le Brech

Avec deux parents qui ont joué au foot dont la mère Hermancia en Division 2 au Congo et qui a élevé seule ses enfants, le destin des frères Locko était tout tracé. « On a tous joué sauf ma petite sœur », explique Bryan qui a longtemps lié ses pas à son frère jumeau Bradley, né le 6 mai 2002 comme lui.

Après des débuts dans leur ville de Vitry-sur-Seine, ils rejoignent Ivry en U11 puis le CFF Paris (Centre de formation de football Paris), un club basé à Orly (Val-de-Marne). « Le CFF Paris a sorti beaucoup de joueurs, sa formation était réputée en région parisienne. Après, le Paris FC a construit son centre sur ses installations. »

En Avril 2019, avec les U17 Nationaux de Montrouge. Facile de reconnaître les deux frères Locko, non ? Photo Philippe Le Brech

Après le CFF Paris, les frères Locko ont plusieurs propositions en région parisienne pour évoluer en U17 nationaux. Leur choix final s’effectue entre le Paris 13 Atletico et Montrouge. « On a choisi Montrouge et on ne l’a pas regretté, sourit Bryan. On a vraiment réussi une sacrée saison sur le plan collectif et individuel. »

Le club des Hauts-de-Seine réussit en effet un exploit historique en étant le premier club amateur à se qualifier pour les demi-finale du championnat U17. La belle aventure s’achève à Béziers le 26 mai 2019 face au FC Nantes (4-0) de Quentin Merlin ou Lohan Doucet (prêté par Nantes au Paris FC).

Avec Avoine-Chinon, lors de la défaite 3-1 au Paris XIII Atlético, le 16 décembre dernier, en N2 (J12). Photo Philippe Le Brech

Mais les jeunes de Montrouge se sont fait remarquer. Dix joueurs de l’effectif signent pour des centres de formation. Les frères Locko croulent sous les propositions. Ils choisissent tous les deux de rejoindre Lorient avec un contrat d’aspirant d’un an (plus deux en option). « On a décidé de rester ensemble comme depuis nos début, explique Bryan. On voulait continuer dans la même équipe car on était ensemble presque 24 heures sur 24 depuis qu’on était petits, vivre du foot ensemble et partager ces moments. Lui avait des propositions seul, moi aussi. Mais on a privilégié un choix familial. Amiens et Dijon nous voulaient aussi tous les deux. On a choisi Lorient. »

« On savait bien qu’on ne ferait pas toute notre carrière ensemble »

Avec Avoine-Chinon. Photo Philippe Le Brech

Mais en Bretagne, les choses ne tournent pas forcément bien pour les deux frères. C’est aussi le moment où leur maman tombe malade. A la fin de la saison, ils quittent Lorient. Pour la première fois de leur vie, leurs chemins doivent se séparer. En juin 2020, Bradley signe un contrat pro de trois ans avec Reims. Bryan se retrouve, lui sans club.

« J’étais content pour Bradley. On a aussi compris que c’était le moment de voler chacun de nos propres ailes. On savait bien qu’on ne ferait pas toute notre carrière ensemble. Quand on a signé à Lorient, on n’avait pas la maturité pour comprendre qu’il valait peut-être mieux travailler et réussir seul, chacun de notre côté. Maintenant, lui est heureux seul et moi je suis heureux seul. Le plus important est qu’on soit tous les deux heureux. »

Malgré leur séparation géographique, les deux jumeaux sont restés très proches. « On se parle et on s’envoie des messages tous les jours et on se voit dès qu’on peut. Je suis très fier de le voir aujourd’hui en haut. Dans une carrière, il y a toujours une part de choix et de chance. Bradley a certainement eu le déclic avant moi, il a davantage bossé que moi. Moi, je me suis mis au travail pour essayer d’atteindre aussi le haut niveau. J’ai compris qu’il n’y avait que le travail qui te faisait réussir, pas seulement les qualités. Mon frère Bradley me pousse vers le haut. »

« Ça m’a fait du bien de changer de cadre et de partir de Paris »

Avec les U17 Nationaux de Montrouge (2017-18). Photo Philippe Le Brech

Après Lorient, Bryan reconnaît avoir bien « galéré ». « Je devais signer à Troyes mais il y a eu le covid et je me suis un peu blessé. »

Après une saison blanche, il rejoint le FC 93 Bobigny (N2) par l’intermédiaire de Thomas Berlette, son ancien coach des U17 à Montrouge qui avait signé dans le club du 93 avant de le quitter quelques semaines plus tard pour Reims. S’il effectue la préparation avec l’équipe première, il joue surtout avec les U20. L’équipe de Bobigny joue les premiers rôles en N2 et lui manque de régularité selon ses coachs. Bryan n’effectue qu’une seule apparition en N2, en entrant lors du temps additionnel le 19 février 2022 lors d’un match à Belfort (victoire 2-1).

Avec les U17 Nationaux de Montrouge (2017-18). Photo Philippe Le Brech

A l’été 2022, il quitte la région parisienne pour le club de Châteauneuf-sur-Loire, une petite ville du Loiret, qui évolue en N3 : « ça m’a fait du bien de changer de cadre et de partir de Paris. Je me suis retrouvé seul à devoir me gérer, j’avais mon appartement. Ça m’a vraiment fait gagner en maturité. J’ai grandi dans ma tête. Châteauneuf-sur-Loire, c’est un bon petit club, on m’a fait confiance et j’ai marqué pas mal. »

Avec 14 buts et 3 passes décisives, il réussit une belle saison. Au mois de juin, il a plusieurs propositions. Il choisit Avoine-Chinon, une équipe qui a terminé championne du groupe de N3 où évoluait Châteauneuf-sur-Loire, devant le Tours FC, et qui est donc promue en N2.

Avec les U17 Nationaux de Montrouge (2017-18). Photo Philippe Le Brech

Sa première partie de saison a été délicate avec 8 matchs joués et pas encore de buts marqués. Des débuts mitigés. « Les « stats », c’est important dans le foot maintenant. Je ne regrette pas mon choix d’avoir signé à Avoine-Chinon. C’est un club familial, je m’y sens bien. Je prends mes marques. J’espère bien finir la saison et m’imposer. C’est une nouvelle étape dans ma carrière pour continuer ma progression. »

Il espère maintenant briller contre Strasbourg en Coupe de France. « C’est un match pour se montrer et se faire remarquer. Il ne faut pas avoir peur de le jouer. Le foot, ça peut aller vite. Des portes peuvent s’ouvrir. »

Bryan Locko, du tac au tac

Avec les U17 Nationaux de Montrouge (2018-2019). Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir ?
Ma signature au centre de formation de Lorient en 2019. Il y avait tout pour bien travailler avec des belles structures. Ça m’a fait murir physiquement.

Pire souvenir ?
La défaite en demi-finale des championnats de France U17 face à Nantes en 2019. On avait pris un vrai score, en plus (4-0). Après, forcément, mon départ de Lorient en 2020. J’aurais pu et dû faire mieux.

Avec Avoine-Chinon cette saison en N2. Photo DR

Ton geste préféré ?
Le un contre un. J’adore faire des crochets, j’ai une facilité à dribbler.

Qualités et défauts ?
La vitesse, le dribble. Je suis solide sur mes appuis, j’arrive à me retourner et tenir sur mes jambes. Après, je dois travailler la finition ainsi que mon physique pour mieux défendre.

Plus beau but ?
La saison dernière en N3 avec Châteauneuf-sur-Loire contre la réserve de Chartres. Le ballon est parti en l’air, je l’ai repris et ça a fini en lucarne.

Photo DR

Le joueur le plus fort avec qui tu as joué ?
Mon frère Bradley, bien sûr ! A Montrouge, on avait une grosse équipe avec notamment Check Oumar Diakité qui a joué ensuite en L2 au Paris FC. Il est Turquie maintenant (Adanaspor). Au CFF Paris, il y avait aussi Brandon Soppy (Torino) et Ahmed Sidibé (Saint-Etienne).

Le joueur le plus fort contre qui tu as joué ?
Tidjany Touré, en jeunes, dans la région parisienne. Il était au Paris FC puis au PSG. Il était trop fort ! Comme il était de petite taille, tout le monde l’appelait Messi. Il est à l’étranger maintenant (Gil Vicente, prêté par le Feyenoord Rotterdam).

Avec les U17 Nationaux de Montrouge. Photo Philippe Le Brech

L’entraîneur ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Thomas Berlette à Montrouge. C’est un super coach, humain, proche des joueurs qui envoie beaucoup de messages pour prendre des nouvelles. Il nous a tous fait progresser en nous tirant vers le haut. Cette saison à Montrouge, avec lui, ça a changé beaucoup de choses pour moi. Grâce à lui, j’ai eu un déclic. J’ai bien apprécié Joan Mély la saison dernière à Châteauneuf-sur-Loire

La saison ou le club ou tu as pris le plus de plaisir ?
Je me suis vraiment éclaté à Montrouge en U17 Nationaux et Châteauneuf-sur-Loire la saison dernière. C’était ma première saison complète à ce niveau, je m’y suis fait ma place.

Lors de sa signature à Châteauneuf-sur-Loire.

Modèles ou joueurs préférés ?
Des dribbleurs comme Ousmane Dembelé ou Neymar. Mais celui qui m’a fait rêver plus jeune, c’est Robin van Persie. La classe…

Ton équipe préférée ?
Arsenal de l’époque. Il y avait van Persie, c’était le beau jeu.

Stade préféré ?
Je n’en ai pas visité beaucoup… Je dirais ceux de Reims et de Brest quand je suis allé voir jouer mon frère.

Tes occupations en dehors du foot ?
Je prépare un BPJEPS pour être éducateur sportif ou coach chez les jeunes. Ça m’occupe beaucoup. Je regarde aussi beaucoup de matchs à la télé. La L1, les championnats étrangers, à part l’Italie que j’aime un peu moins au niveau du jeu.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Le foot, il n’y a toujours eu que ça pour moi. J’ai essayé d’autres sports comme le basket mais non… L’école, ce n’était pas trop ça, non plus. A Lorient, on avait commencé un CAP plomberie. Mais je veux persévérer dans le foot.

Le milieu du foot en deux mots ?
Argent et business. Maintenant, on recherche les talents de plus en plus jeunes. En région parisienne, il y en a beaucoup et partout. Le foot, c’est aussi de la construction.

Coupe de France (32e), samedi 6 janvier, à 18h, à Tours, au stade de la vallée du Cher : Avoine Chinon (National 2) – RC Strasbourg (Ligue 1).

Texte : Laurent Pruneta – Twitter : @PrunetaLaurent

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

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D’Ivry au Zürich City SC en Suisse en passant par les Etats-Unis, Chambly et Montargis, le gardien franco-camerounais de 28 ans formé au RC Strasbourg a connu un parcours compliqué. Il a notamment vécu de grosses mésaventures à Chypre et au Danemark. De quoi nourrir quelques regrets sur ses choix de carrière.

Avec le Zurich City FC.

Agents véreux, dirigeants mafieux… À 28 ans, Geraldo Bina a été touché de plein fouet par les côtés les plus sombres du foot. Quand il évoluait en réserve à Chambly (National 3) et à Montargis (N3), le gardien franco-camerounais rêvait d’une place dans la liste du Cameroun pour la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Alors, pour que le rêve se concrétise, il a tenté sa chance à l’étranger, à Chypre et au Danemark. Malheureusement, il y a connu de grosses désillusions, sans jamais y signer de contrat professionnel . « À Chypre, je suis tombé sur une bande organisée, ils m’ont fait perdre deux mois et ils m’ont mis dans la merde. »
Aujourd’hui, le joueur issu de la région parisienne a retrouvé une stabilité au Zurich City SC, qui évolue en « 2. Liga FVRZ « , le 6e échelon du championnat suisse. Même s’il s’est éloigné du haut-niveau, il n’a pas renoncé à ses rêves.

Repéré en jeunes à Ivry par Strasbourg

Avec le Zurich City FC.

« J’ai choisi d’être gardien parce que je n’étais pas fort dans le champ et on m’a mis derrière », raconte-t-il. Comme beaucoup de jeunes débutant à ce poste, Géraldo est devenu gardien dans le club de sa ville, l’US Ivry (Val-de-Marne). « J’y ai pris goût ».
En U13 DH, il tape dans l’œil des recruteurs du RC Strasbourg et de l’AS Monaco. « Ils étaient venus à mon match contre Evry, je m’en souviens comme-ci c’était hier. J’ai vu le recruteur de Strasbourg mais je ne savais pas que c’était lui. Pendant le match, je sentais un regard insistant. À la fin, il est venu me parler. Puis il a envoyé une lettre au club, il est venu chez moi rencontrer mes parents. Ma mère était réticente au début mais elle m’a laissé partir à l’essai. Au départ ça ce n’était pas fait; ça s’est fait 3-4 ans après. »
Après avoir effectué sa formation au RC Strasbourg, il était présent dans le groupe alsacien qui a connu la montée de National en Ligue 2 en 2016. Mais pour trouver davantage de temps de jeu, il rejoint Chambly en National, comme troisième gardien, en juillet 2017.

Un échec aux États-Unis

Avec le Zurich City FC.

Mais après seulement quelques mois passés entre le groupe National et la réserve en National 3, le Francilien s’envole de l’autre côté de l’Atlantique, au Spring Hill College. « J’ai eu l’opportunité de pouvoir partir aux États-Unis, étudier et continuer mon parcours sportif. J’ai vu la MLS, les États-Unis, le rêve américain… Donc pour moi, c’était inimaginable de rater une telle opportunité. »
Ce nouveau choix de carrière, Geraldo y repense de temps en temps avec quelques regrets. « Le premier gardien de Chambly s’était blessé, il n’y avait plus de gardiens, ils ont dû recruter. J’aurais automatiquement progressé dans la hiérarchie, j’aurais pu avoir du temps de jeu et avoir ma chance en National très tôt. Mais une carrière, c’est fait de choix… »

Aux États-Unis, il n’est pas allé au bout de son cursus scolaire (Bachelor). « Ce cursus- là n’est pas fait pour des joueurs qui ont joué en U17-19 Nationaux et qui peuvent prétendre à autre chose. Le cursus des États-Unis, selon moi, c’est pour des gens qui ont joué en DHR-PH. Eux peuvent se dire « j’y vais me donner une chance ». Mais pour ceux qui jouent en N2-N3 ça ne sert à rien. La différence entre le foot européen et américain est technique et tactique. Eux, ils sont plus athlétiques mais au niveau de la tactique, c’est compliqué. Leur jeu est axé sur le physique. On est vraiment plus forts en Europe. »

Une fois sur place, son rêve américain est confronté à la dure réalité. « Il y a un nombre de places extra-communautaires limitées. Ils préfèrent payer des Zlatan, Messi, Beckham pour ces places-là et prendre plus d’américains. A la fin de ton cursus, t’es obligé soit de rentrer, soit de te tourner vers la 2e ou 3e division et c’est vraiment autre chose. »

« Si je n’étais pas parti de Chambly, j’aurais eu ma chance »

Avec Chambly. Photo Eric Crémois.

De retour à Chambly, il dispute plusieurs matchs avec la réserve en N3 et décide de signer à l’USM Montargis (N3 désormais en R1) en juillet 2020. « Mon statut a changé à Montargis. Je suis passé de gardien remplaçant à titulaire. J’avais plus de responsabilités. L’équipe comptait sur moi et j’ai endossé ce rôle-là super bien. J’ai répondu présent par rapport à mes performances. J’aurais aimé avoir cette confiance là à Chambly ou au RC Strasbourg. Mais il y avait des gardiens d’expérience et je comprends parfaitement la position des coachs par rapport à ça. »

Avec la Covid-19, les championnats de N2 et N3 se sont arrêtés. En continuant de suivre son ancien club, Geraldo Bina ne peut pas s’empêcher d’avoir des regrets. « Quand je quitte Chambly, on est en Ligue 2. Un soir, je suis devant ma télé et je vois que Chambly a une pénurie de gardiens (Xavier Pinoteau, Simon Pontdemé, Killian Le Roy, Victor Gassman) étaient blessé. C’est le coach des gardiens (NDLR: Vincent Planté, 40 ans, ex-pro) qui a été contraint de jouer. Je regrettais mon choix d’être parti, parce qu’à tout moment, j’aurais eu ma chance d’évoluer en Ligue 2. »

« J’ai payé un agent, c’était la première fois »

Avec Chambly, au camp des Loges, face au PSG, en amical. Photo Eric Crémois.

En juillet 2022, le Francilien d’origine camerounaise espère avoir une chance de rejoindre le groupe de son pays d’origine pour la Coupe du Monde au Qatar. Après quelques échanges avec le staff de la sélection, il décide de quitter l’USM Montargis dans le but de trouver un club plus haut dans la hiérarchie, en France ou à l’étranger. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu. Il est victime du football business : « Un agent m’a envoyé dans un bourbier absolu. Je suis tombé sur cet agent sur les réseaux sociaux, par le bouche à oreille. Il m’a promis de m’envoyer dans un club à Chypre mais pour cela, je devais le rémunérer 500 euros. C’est la première fois que je payais pour jouer mais j’étais prêt à tout. J’ai mis un peu de temps à trouver l’argent. Il m’a mis la pression. Une fois arrivé là-bas, je n’avais jamais vu ça dans ma vie… On était hébergé dans un appartement minuscule et sale. Lors de mon premier entraînement, j’avais fait l’une de mes meilleures prestations en séance spécifique gardien. Le coach principal n’était pas là parce qu’il s’en foutait. C’était une mascarade. On devait s’entraîner avec le club et on s’est retrouvé dans une détection avec une vingtaine de joueurs. J’ai vite compris qu’on était dans un bourbier et qu’il n’y avait aucune réelle opportunité. »

Après avoir quitté Chypre, Geraldo se rend au Danemark, dans un club de 2e division. Mais la chance ne lui sourit toujours pas. « J’arrive pour signer pro, le club fait faillite parce que le président était un mafieux. Il donnait des contrats pros à tout le monde. La semaine où j’arrive tout se passe bien. Au final, on se fait « envahir » par les journalistes, on ne comprend rien à ce qui se passe. On arrive pour jouer dans un club et on se retrouve dans les médias. Encore un bourbier… »

« La Suisse, un nouveau pays, un nouveau foot à découvrir »

Sans club, Geraldo est obligé de faire une croix sur la sélection et la Coupe du Monde. « J’ai enchaîné Chypre et le Danemark… Des mésaventures qui m’ont rendu fou. » Au chômage, le mental du camerounais en prend un coup. « Je suis resté quelques mois sans jouer. J’ai refusé plein d’offres, des 400 euros en Grèce, des 500 euros à Gibraltar. Tu préfères rester chez toi au chômage et attendre la bonne opportunité. Mentalement, c’était dur, parce que tu vois tes collègues reprendre et toi, t’es à la maison. J’allais à la salle mais je trichais un peu parce qu’en tant que gardien, on n’a pas besoin du même « cardio » que les joueurs. »

En janvier 2023, il reçoit un coup de fil. « Mon pote m’appelle et me dit « je suis dans un club ici en Suisse, le Président a de l’argent et il a un projet pour monter au plus haut niveau suisse dans les années à venir. C’est le train qu’il faut prendre maintenant. » Moi, je n’avais rien, alors je me suis dit que c’était un nouveau pays à découvrir, un nouveau foot, pourquoi pas. »

Le club en question ? Zurich City SC, un club récent, fondé en 2020, qui évolue actuellement en… 6e division Suisse. « Le club a payé le billet de train, la nuitée à l’hôtel. Je suis venu m’entraîner et j’ai tout retourné. Le coach est tombé amoureux de moi. Il a dit « je peux arrêter de faire venir les gardiens, j’ai mon gardien ! » Après on a parlé du contrat, des conditions et ça s’est fait comme ça. »

« C’est le foot qui me dirige »

Empreint d’un réalisme forcé par son parcours atypique, Geraldo se projette avec précaution sur son avenir. « L’objectif avec le club, c’est la montée. On est passés premier juste avant la trêve, on n’a plus le droit à l’erreur, il faut tout gagner. J’ai le statut de gardien titulaire et je ne compte pas le laisser de sitôt. Je reste ouvert à tout projet qui peut déboucher à quelque chose. Je suis un passionné et c’est le foot qui me dirige. Je pense toujours à la sélection mais je suis conscient que c’est compliqué car on a une sélection ultra-sélective avec des critères spécifiques. Je laisse ça entre les mains de Dieu. »

Geraldo Bina, du tac au tac

Avec Chambly, au camp des Loges, face au PSG, en amical. Photo Eric Crémois.

Meilleur souvenir sportif ?
Le match contre le PSG au Camp des Loges avec Chambly en préparation. J’ai pu rencontrer Gianluigi Buffon pour la première fois; il y avait Rabiot, Verratti, ça restera mon meilleur souvenir.

Pire souvenir sportif ?
Quand je pars de Chambly, on est en Ligue 2 et je vais à Montargis pour avoir du temps de jeu. Je vois qu’en Ligue 2 à Chambly, il y a une pénurie de gardiens. Vincent Planté, l’entraîneur des gardiens, a dû jouer. J’étais devant ma télé et je regrettais mon choix d’être parti car à tout moment j’aurais eu ma chance d’évoluer en Ligue 2.

Combien de clean sheets ?
Cette saison 6 en 12 matchs.

Plus belle boulette ?
Avec Chambly en Coupe, j’étais capitaine. Je reçois un ballon en retrait sur mon pied gauche, le terrain était catastrophique. Je m’apprête à dégager pied gauche, la balle rebondit, je tape et elle repart en arrière. L’attaquant suit et marque.

Plus bel arrêt ?
Je dirais contre Schaffhausen la saison dernière avec Zurich City sur un coup franc, je me décale sur la gauche, il tire sur la droite et j’arrive à la dévier du bout des doigts sur la barre.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Comme je suis un garçon c’est la première des choses qui s’offre à nous. Dans ma famille, on aimait tellement le foot que c’était une évidence.

Ton geste technique préféré ?
J’en ai deux. La volée couchée et le tour du monde !

Qualités et défaut sur un terrain ?
Qualités : fort sur ma ligne, jeu au pied, jeu aérien. Défauts : je peux paraître énervé, agacé par ce qui se passe devant moi et ça peut transparaître dans mon jeu.

Le club ou l’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
Chambly avec l’épopée de la Coupe de France quand on est allés en demi-finale (2018). Même si je n’avais pas beaucoup de temps de jeu, le groupe vivait bien. Strasbourg également : j’étais dans l’effectif quand on a fait National – Ligue 2, tout en étant au centre de formation (2016).

Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid ou Manchester City.

Un match qui t’as marqué ?
L’année dernière, on jouait la montée et on jouait contre les premiers. On menait 1-0 mais on se fait égaliser sur deux erreurs, sur lesquelles je suis impliqué. On perd le match 2-1 et ça nous empêche de concourir pour le titre.

Un coéquipier qui t’as marqué ?
Denis Bouanga (Los Angeles FC). J’ai joué avec lui à Strasbourg. Je pourrais aussi citer Aissa Laidouni (Union Berlin) ou Anthony Caci (Mayence). Ce sont des coéquipiers qui ont bien réussi.

Le joueur adverse qui t’as le plus impressionné ?
Quand on a joué contre le PSG en amical, Rabiot était incroyable. Dans le match, il a eu zéro perte de balle, protection de balle incroyable, il voit tout avant les autres. On ne voyait que lui sur le terrain.

Un coéquipier avec qui t’aimerais rejouer ?
Johan N’zi (Spartak Varna, 2e div Bulgarie), c’est tellement fort, il peut faire des différences à tout moment.

Un coach que tu aimerais revoir ?
Alexander Vencel au RC Strasbourg parce que c’est lui qui m’a donné ma première expérience professionnelle; il a eu confiance en moi. Je pense que si j’avais eu la maturité à ce moment-là, j’aurais pu avoir une trajectoire différente.

Une causerie de coach marquante ?
Quand j’étais aux États-Unis (Spring Hill College), on jouait la montée. Le coach fait une vraie causerie en anglais et il met une musique des Black Eyed Peas « I got a feeling, tonight’s gonna be a good night. » Première action, 1-0 pour l’adversaire. On a perdu ce match-là mais on a tellement rigolé de la causerie après.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Quand je quitte le RC Strasbourg pour Chambly, la première chose que mon coach me dit c’est « Geraldo, je ne veux pas que tu repartes de l’arrière. Envoie moi cette balle, même dans le champ là-bas, loin. » C’était bienvenu à l’échelon inférieur, je l’ai interprété comme ça.

Une anecdote de vestiaire ?
Aux États-Unis, ils sont très pointilleux sur les horaires. On avait entraînement le matin et les cours l’après-midi. On s’entraînait à 6 ou 7 heures du matin. Un jour il y a eu 2-3 retards. On s’est retrouvé à courir tout l’entrainement ! Un travail physique que je n’ai jamais vécu de ma vie.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
J’en ai pas mal qui étaient à la Coupe du Monde au Qatar. Denis Bouanga, Aissa Mandi, Stephane Bahoken …

Une devise, un dicton ?
Force et Honneur.

Termine la phrase : tu es un gardien plutôt…
Moderne. Je n’ai pas de limites. Je suis en constante progression, je ne refuse pas d’apprendre.

Un modèle de joueur ?
Cristiano Ronaldo; même si je suis gardien, sa mentalité est incroyable.

Une idole de jeunesse ?
Gianlugi Buffon.

Un plat, une boisson ?
Poulet DG, Bissap , les camerounais comprendront !

Tes loisirs ?
Ma femme, ma fille, regarder la TV.

Un film culte ?
Boyz’n the Hood, je peux le regarder 100 fois dans l’année.

Le club de Zurich City SC en deux mots ?
Avenir et sécurité.

Le milieu du foot en deux mots ?
Statistiques et business.

Texte : Olesya Arsenieva – Twitter : @ArseneviaO

Photos : Eric Cremois et DR

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Un an après avoir découvert le National 2 avec le Racing-club de France, le milieu de terrain de 27 ans, qui a aussi connu la vie active, a signé son premier contrat pro l’été dernier au Paris FC (L2), où il enchaîne les titularisations. Une trajectoire source d’inspiration. Comme quoi, rien n’est jamais fini !

C’est l’une des belles histoires de cette première partie de championnat en Ligue 2. Il y a encore quatre ans, Adama Camara évoluait en Régional 2 avec Montfermeil (93). Et jusqu’au début de la saison dernière, il était encore dans la vie active et travaillait en parallèle du foot.

Mais tout s’est accéléré ces derniers mois pour le milieu de terrain de 27 ans, originaire de Neuilly-sur-Marne, qui a signé en juin un premier contrat professionnel de 2 ans avec le Paris FC (L2) en provenance du Racing-club de France (National 2).

Gilli : « Il dégage une grosse sérénité »

Depuis sa remontée en L2 en 2017, le club parisien a souvent révélé à ce niveau, des joueurs issus du monde amateur, aux parcours atypiques, comme Cyril Mandouki (ancien surveillant de collège), Ousmane Kanté (ancien agent d’accueil à la Sécurité Sociale), Samuel Yohou (ancien standardiste au club), Thomas Delaine (ancien jardinier), Souleymane Karamoko ou encore Migouël Alfarela (ancien maçon).

Adama Camara, qui a disputé 17 matchs (10 titularisations) sur 19 de la phase aller cette saison, perpétue cette tradition de joueurs venus « d’en bas » dans le deuxième club de la Capitale. « Adama dégage une grosse sérénité par rapport à son parcours, estime son entraineur Stéphane Gilli. C’est un tout jeune dans le milieu pro mais il n’est pas jeune en termes de maturité. Il a une expérience de vie qui fait qu’il relativise pas mal de choses. »

Interview

« Ce n’est que le début ! »

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
J’ai signé mon premier contrat pro à 26 ans. Je pense que mon histoire peut servir d’exemple pour les plus jeunes. Elle prouve que rien n’est jamais fini, même si on ne part pas en centre de formation ou si on n’est pas conservé dans un club pro. Tu peux faire tes saisons en National 2, te faire remarquer et rebondir. Le foot, ça peut aller vite. Quand on a eu mon parcours, quand on est allé chercher ça tout seul, on apprécie encore davantage ce qui nous arrive.

Plus jeune, aviez-vous effectué des essais pour partir en centre de formation ?
J’ai évolué dans de nombreux clubs du 93, Neuilly-sur-Marne, ma ville, puis Gournay, Gagny et Montfermeil, de U16 jusqu’en seniors, où est monté de R4 en R2. Mais je n’ai jamais eu de propositions. Quand j’étais à Montfermeil, j’ai juste pu effectuer des essais à Lorient en U19 et à Saint-Étienne en seniors. Pour moi, ça s’était bien passé. Mais je n’ai pas eu de vraies réponses. Il n’y a pas eu de suite, je ne sais pas pour quelles raisons… Dans ma génération à Montfermeil, beaucoup sont devenus pros comme Prosper Mendy, Joris Gnagnon ou Aïssa Laïdouni. Ce sont des parcours qu’on regarde. Aïssa Laïdouni, c’est forcément un exemple inspirant. Il est parti de bas, il a eu un parcours atypique, il a tout eu dans sa carrière, avant de connaître la CAN et la Coupe du monde avec la Tunisie, puis la Ligue des Ligue des champions avec l’Union Berlin.

En 2018, vous aviez même tenté l’aventure américaine…
Oui, je suis parti à Georgia Revolution, un club qui évolue dans l’équivalent de la 4e division là-bas. Mais je n’y suis resté que trois mois. Le but était de faire des matchs pour être remarqué par des équipes de MLS. Mais entre ce qu’on m’avait dit au départ et la réalité, il y avait une grosse différence. Je suis donc rentré à Montfermeil.

« Faire des petits boulots à côté était une nécessité »

Malgré tous ces échecs, l’objectif de devenir pro, a-t-il toujours été présent dans un coin de votre tête ?
Oui, j’ai toujours eu l’objectif de monter en haut, même si ça prenait un peu de temps. J’y ai toujours cru malgré le temps qui passait. Mes parents viennent du Mali, ils sont un peu loin du foot. Mais depuis que je suis tout petit, ils ont vu que j’étais foot, foot, foot…Donc, ils m’ont soutenu. Mes proches aussi ont toujours cru en moi. Beaucoup se demandaient pourquoi je n’y étais pas encore arrivé. Mais j’ai toujours travaillé à côté du foot. J’ai quitté l’école tôt, l’espoir de devenir pro était quand même assez lointain, donc avoir des petits boulots était une nécessité.

Dans quels secteurs avez-vous travaillé ?
J’ai commencé à travailler tôt chez Pizza Hut. J’ai été ensuite facteur à la poste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), chauffeur de bus dans le secteur de Val-d ’Europe (Seine-et-Marne) puis livreur pour le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis jusqu’à mes 25 ans. Le job à côté, c’était obligé car ce n’était pas avec le foot que je gagnais ma vie. Mais ces expériences m’ont enrichi. Quand on a connu la vraie vie comme moi, ça permet de relativiser beaucoup de choses. Il n’y a que depuis le début de la saison 2022-2023, quand on est monté en National 2 avec le Racing, que je ne fais que du foot à 100 %. Ça change les choses.

« J’ai quand même bien été ralenti par la Covid »

Vous n’avez découvert le niveau national qu’à 23 ans en signant à Noisy-le-Grand qui était promu en N3…
La saison d’avant, Noisy-le-Grand avait réussi un beau parcours en Coupe de France (16e de finale à Bastia) et était monté. Je n’avais connu que la R2 en seniors avant et j’ai passé un cap à Noisy-le-Grand. J’ai vu ce que c’était que le niveau national. Individuellement, je pense avoir réussi une bonne saison. Mais malheureusement, on est redescendu en Régional 1. On était relégables quand les championnats se sont arrêtés à cause de la Covid. Ça a été dur car on revenait bien. On aurait eu les moyens de se maintenir. Ensuite, j’ai signé au Racing, toujours en National 3. On était bien partis avec 5 victoires et 1 nul mais la saison s’est encore arrêtée en octobre à cause du virus : j’ai quand même été bien ralenti avec la Covid.

Vous avez ensuite explosé au Racing…
L’entraineur Guillaume Norbert connaît très bien le foot. Il est proche des joueurs. Il ne va pas aller recruter des noms. Il préfère s’attacher à la mentalité des joueurs, prendre des mecs qui viennent du bas et qui veulent aller en haut. On était beaucoup dans l’équipe à avoir cet état d’esprit. J’ai vécu trois belles saisons au Racing. La première a été arrêtée, mais lors de la seconde on a survolé le championnat et on est monté en National 2. Collectivement, on était vraiment forts. La saison dernière, on a été à la lutte pour l’accession en National avec le FC Rouen, ça s’est joué à des détails. C’est dommage de n’avoir pas pu connaître une deuxième montée tous ensemble avec ce groupe.
C’est la saison dernière que les équipes de Ligue 2 et de National ont vraiment commencé à vous suivre.

Comment l’expliquez-vous ?
Moi, fondamentalement, je n’ai pas l’impression d’avoir changé dans mon jeu. J’étais pareil qu’en N3, toujours dans le même registre. Après, peut-être que me consacrer uniquement au foot a joué. Quand on travaille à côté du foot, ça pompe quand même de l’énergie. Après entre le National 3 et le National 2, il y a quand même une grosse différence en termes de visibilité. Je pense qu’on était même meilleurs en N3. Mais il y n’y a que Moustapha Sangaré (à Amiens) qui est parti la première saison. En N2, on a eu davantage de sollicitations. On a réussi des gros scores, on marquait beaucoup de buts, donc ça a forcément attiré les recruteurs. On est deux à être partis en L2, moi au Paris FC, et Vénuste Baboula à Quevilly Rouen. Trois autres ont signé en National : Adama Niakaté et Arnold Vula, tous les deux à Orléans. Merwan Ifnaoui, avait, lui, signé en janvier au Red Star.

« C’est important de se sentir chez soi »

A part le Paris FC dont la cellule recrutement vous suivait depuis plusieurs mois, aviez-vous eu d’autres sollicitations ?
J’avais Annecy et Dunkerque en L2, et la moitié des clubs de National. D’où je viens, Annecy et Dunkerque, j’aurais pris tout de suite. Mais quand le Paris FC s’est manifesté, je n’ai pas hésité. Je suis Parisien, donc il n’y a rien de mieux que de jouer pour un club parisien. Je suis du 93, j’habite maintenant à Orly où est situé notre centre d’entraînement, donc c’est important de se sentir chez soi. Je n’ai pas trop eu à bouleverser mes habitudes. Je suis resté près de ma famille. Dans les tribunes, j’ai toujours plus d’une dizaine de mes proches qui viennent me soutenir. Ça donne de la force.

Vous attendiez-vous à jouer autant pour vos débuts en Ligue 2 ?
J’ai confiance en mes qualités et j’ai travaillé pour ça. Même si je viens du dessous, je savais que j’aurais ma chance. Je me suis bien acclimaté et la préparation s’est bien passée. Il m’a fallu un temps d’adaptation mais j’ai toujours figuré dans le groupe. Après, j’ai aussi profité des blessures (notamment celles de Lohann Doucet prêté par Nantes) pour enchaîner les titularisations. Sur le terrain, je me suis senti de mieux en mieux. On a un bon groupe qui n’a jamais lâché malgré les mauvais résultats. Maintenant, on a retrouvé une bonne dynamique.

Qu’est ce qui change le plus par rapport au N2 ?
Individuellement, les joueurs sont meilleurs en L2, donc dans le jeu, ça va plus vite, il y a davantage d’intensité. Mais ce qui change le plus, c’est tout ce qu’il y a autour, les stades, le public, la médiatisation.
Justement, comment passe-t-on de quelques centaines de spectateurs à des stades remplis comme quand vous avez joué le 4 novembre dernier devant 35 000 spectateurs à Geoffroy-Guichard ?
C’était une grande première pour moi, comme jouer à 15 heures en direct sur BeIN dans le match phare de la journée. Geoffroy-Guichard, c’est vraiment un stade mythique. On joue au foot pour connaître ces ambiances. C’était impressionnant à la reconnaissance terrain, on entendait siffler. Mais une fois que le match est lancé, on oublie tout ça et on joue. Ce jour-là, on a gagné (1-0) donc c’était encore plus fort comme sensation.

Comment voyez-vous la suite. Pensez-vous à une sélection avec le Mali ?
Je suis d’origine malienne donc forcément, ce serait un rêve d’être appelé. Mais pour le moment, je n’ai pas été approché. Après, à mon poste, c’est un peu compliqué. Au milieu, il y a des joueurs comme Cheick Doucouré (Crystal Palace), Mohamed Camara (Monaco) ou Amadou Haidara (RB Leipzig) … Mais quand on vient du bas comme moi, il ne faut pas se fixer de barrières. Ce n’est que le début. j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats.

Au Racing, il y a votre petit frère Ibrahim (23 ans) qui joue au même poste que vous. Peut-il suivre vos traces ?
Oui, car il est plus jeune que moi, il joue en N2 et a déjà un très bon niveau. Moi, j’ai découvert le N2 à 25 ans…Il a donc une plus grosse marge de progression que moi. Il était à Neuilly-sur-Marne en Régional 1 la saison dernière et il a fait deux montées de R2 à N3 avec le club de notre ville. Je le suis à fond. Malheureusement, le Racing joue aussi le samedi, comme nous, donc je n’ai pas pu encore aller les voir.

Adama Camara, du tac au tac

Meilleur souvenir ?
Ma signature au Paris FC. C’était la concrétisation de mon travail.

Pire souvenir ?
La descente en R1 avec Noisy-le-Grand.

Combien de buts marqués ?
Dans les championnats nationaux, 3 à Noisy-le-Grand et 14 en trois saisons avec le Racing. A Montfermeil, beaucoup mais je jouais plus haut, en 10, dans un 4-4-2 en losange. Je suis un milieu qui a l’habitude de marquer. J’attends maintenant mon premier but en L2 ! J’ai failli marquer contre Concarneau, j’avais dribblé le gardien… Quand j’aurai enfin marqué ce premier but, ça va en déclencher d’autres…

Le plus beau but ?
Contre Meaux en National 3. On gagne 5-0 et je mets un doublé. Le premier, je dribble deux joueurs puis le gardien. Le deuxième, c’est une frappe de loin.

Votre meilleur match ?
En National 3, contre Meaux et Blanc-Mesnil. En National 2 la saison dernière, j’ai été pas mal à Caen, Guingamp, Rouen et Beauvais. Cette saison en Ligue 2, je dirais Bastia et individuellement Bordeaux même si on perd à la 94e minute (1-2).

Votre pire match ?
Cette saison en L2, je dirais Angers (défaite 2-0). Collectivement, on est passé un peu au travers et moi je n’avais pas fait un bon match. A Guingamp, on gagne 1-0 mais j’étais moins bien aussi.

Qualités et défauts ?
La vision du jeu. Je suis un joueur d’équipe. Je donne tout pour l’équipe. Après, je dois progresser physiquement et être plus décisif.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
En 2021-2022, quand on monte de N3 en N2 avec le Racing. On termine avec 11 points d’avance, la meilleure attaque et la meilleure défense. Moi, j’avais mis 7 buts.

Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
Plus jeune, le Barça. Maintenant, j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats. Ce n’est pas un rêve, c’est un objectif.

Un stade et un public qui vous a marqué ?
Forcément Geoffroy-Guichard cette saison avec le Paris FC. En National 2, le stade Robert Diochon à Rouen. C’est la première fois que je jouais devant autant de monde. On voit que Rouen, c’est un club populaire.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Cette saison au Paris FC, Ilan Kebbal. Il est trop fort. Au Racing, Abdelrafik Gérard. Je me suis surtout entrainé avec lui car malheureusement, il s’est blessé. Au Racing, je citerais aussi Merwan Ifnaoui, Vénuste Baboula et Adama Niakaté.

Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Adama Niakaté au Racing pendant trois saisons. Au milieu, on formait la paire idéale. Comme moi, il vient du bas (Cergy-Pontoise, R1) et comme moi il est devenu pro cette saison à Orléans (National).

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Cette saison, j’ai bien aimé Himad Abdelli d’Angers. Gauthier Hein d’Auxerre aussi.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
A Montfermeil, Abdelaziz Kaddour. Au Racing, forcément Guillaume Norbert. Si j’ai signé pro, c’est grâce à lui. Il m’a fait progresser et m’a toujours dit « J’ai une totale confiance en toi ». J’ai une anecdote sur mon arrivée au Racing en 2020. Quand on a joué contre eux en N3 avec Noisy-le-Grand, un coéquipier me dit : « Le coach du Racing t’apprécie, il veut te faire venir. » J’ai gardé ça dans un coin de ma tête. La saison s’est arrêtée avec la Covid et en juin, je cherchais un club. J’ai donc appelé Guillaume, je lui ai laissé un message en me présentant. Mais il ne m’a jamais rappelé. Je ne suis pas du genre à insister donc j’ai laissé tomber. C’est son adjoint qui m’a contacté quelques jours plus tard. En fait, c’est lui qui voulait me faire venir, pas forcément Guillaume ! Je suis venu à une séance et j’ai signé. Avec Guillaume, on en rigole quand on y repense. Au Paris FC, on a un coach, Stéphane Gilli, qui est très proche des joueurs. Il y a aussi tout son staff. C’est un autre monde par rapport au Racing où presque tout reposait sur Guillaume Norbert.

Vos amis dans le foot ?
A Paris, je connais beaucoup de monde… Mes vrais amis, ce sont mes anciens coéquipiers du Racing. On était une vraie bande de potes. On est toujours en contact.

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Je suis en contact avec Aissa Laïdouni via les réseaux.

Vos modèles dans le foot ?
A mon poste, des joueurs comme Iniesta, Thiago Motta et Yaya Touré.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis très casanier. Je reste à la maison, je me repose, je fais des siestes. Je rentre aussi souvent chez mes parents, je vois mes petits frères. Je suis très famille.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
La vie active, je connais. J’aurais continué à travailler tout en jouant au foot.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Mon histoire montre que tous les rêves sont permis dans le foot. Je viens du milieu amateur mais je n’ai encore rien vu qui m’a vraiment choqué.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Paris Football-club

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Le Brestois, arrivé sur le tard à l’âge de 24 ans dans le monde pro à Guingamp, et révélé dans les années 2010 à Plabennec en CFA et en National, prend toujours autant de plaisir à 37 ans à Saint-Brieuc, en N2, où il prépare également sa reconversion.

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Entretien réalisé avant le match de la 12e journée de National 2 entre le Stade Briochon et l’US Granville (0-0).

Christophe Kerbrat est né à Brest, supporte le Stade Brestois, mais n’y a jamais joué. Car c’est à une quinzaine de kilomètres de là qu’il est né au football, au Stade Plabennecois. À « Plab », pour les intimes. Là où il a enfilé ses premiers crampons, avant même l’âge légal pour obtenir une licence : « Je jouais au foot dans le jardin, à la maison, puis quand j’ai été en âge de prendre une licence, je me suis inscrit à Plabennec, là où mon père et mon frère ont joué aussi. »

Le Finistérien domicilié à Morlaix n’a même jamais affronté le Stade Brestois en compétition officielle ni d’ailleurs porté aucun autre maillot que celui de Plabennec… dans son département ! « J’ai juste joué contre eux en matchs amicaux. C’est le club de chez moi, donc c’est particulier. Ce n’est pas un regret, c’est comme ça. Mais j’aime bien l’atmosphère du stade Francis Le Blé. J’aime bien aller au match, mes neveux y jouent maintenant. »

Attaquant puis milieu puis…

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

En revanche, Christophe Kerbrat – prononcer le « t » de Kerbrat – a porté pendant neuf saisons (2011 à 2020) celui du voisin des Côtes-d’Armor, l’En Avant de Guingamp, pour son unique passage chez les pros (dont 6 saisons en Ligue 1 tout de même !), avant de « terminer » sa carrière, toujours dans le « 22 », au Stade Briochin, qu’il a rejoint en 2020 en National, et où il continue aujourd’hui, à 37 ans, d’apporter son expérience en National 2.

C’est donc bien à Plabennec, et non pas à Brest, que tout est parti pour celui qui avait commencé attaquant, puis excentré droit, puis numéro 6 en National sous l’ère Franck Kerdilès avant de reculer au poste de défenseur central, sur les conseils de Jocelyn Gourvennec à Guingamp. Une bonne intuition de l’actuel coach des Canaris de Nantes, qui avait repéré ce vif et actif milieu défensif lors de la saison 2010-2011 en National, lors des matchs Plabennec-Guingamp. Et si le baptême du feu au poste de stoppeur, deux ans après son arrivée à l’En Avant, fut un très mauvais souvenir – « C’était pour mon premier match de Ligue 1 contre Marseille, on perdait déjà 3 à 0 au bout d’une demi-heure… » -, la suite fut bien meilleure, avec notamment un succès en finale de la coupe de France en 2014, face à Rennes, au Stade de France (2-0). Son meilleur souvenir, comme il la raconte un peu plus loin dans l’interview « du tac au tac ».

Retour en National, 9 ans après

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Avec les Griffons, où il a posé ses valises en 2020, il a participé aux trois saisons dans l’antichambre de la Ligue 2 BKT. Mais en juin dernier, le stade Briochin est descendu en National 2, malgré une remontée fantastique au classement, amorcée par Karim Mokeddem, n’échouant qu’à deux petits points du premier non-relégable, le FC Bourg-en-Bresse/Péronnas 01, relégué administrativement quant à lui.

Neuf ans après, « Chris » retrouvait donc le National, et mesurait la différence et l’évolution de cette compétition qu’il avait connue avec Plabennec pendant deux saisons (2009 à 2011).

Avec Plabennec, en 2007-08. Photo Philippe Le Brech.

« Tout a évolué ! Alors déjà pour nous, à l’époque, avec Plabennec, c’était une grosse découverte. Il y avait un gros niveau avec Strasbourg, Bastia, Amiens, Reims, Guingamp, Cannes, c’était un VRAI championnat mais là, avec Saint-Brieuc, quand on a joué en national (2020 à 2023), j’ai vu la différence : tous les clubs sont structurés, les terrains sont en meilleur état, les équipes sont au point tactiquement et physiquement. Il y avait déjà de très bons joueurs, comme Jan Koller à Cannes ou Laurent David chez nous. Aujourd’hui, le National tend vers le monde pro. À l’époque, on savait qu’il y avait 4 ou 5 grosses équipes et le reste, ça se « tapait », c’était des matchs couperet. Aujourd’hui, il n’y a jamais un match facile, c’est toujours le combat, c’est un championnat éprouvant : avec Saint-Brieuc, je n’ai pas ou peu de souvenirs de matchs avec plus de deux buts d’écart. »

Et les années « Plab » en National, qu’en garde-t-il ? « Il y avait du monde au stade de Kervéguen, il y avait une atmosphère, on a vraiment fait des gros matchs. C’était difficile de venir chez nous. On avait beaucoup de qualités, il y avait une ambiance de copains, on était tout le temps ensemble et sur le terrain on était des chiens. Les adversaires pouvaient gagner mais il fallait qu’ils soient meilleurs que nous et qu’ils enfilent le bleu de chauffe ! »

Les sollicitations du Finistère

Avec Plabennec, en 2008-09. Photo Philippe Le Brech.

S’il a longtemps cru un repêchage en National possible l’été dernier, surtout après les déboires de Nancy et Sochaux, il a finalement dû se résoudre à repartir au 4e échelon, en N2, toujours avec Christophe Kerbrat, dont les sollicitations n’ont pourtant pas manqué à l’inter-saison. « C’est vrai que la descente n’a pas été évidente à vivre, mais en même temps, on était préparé à ça car on avait vraiment très mal commencé le championnat. On était donc programmé pour vivre une saison comme ça mais j’avoue que jouer la descente, c’est fatigant, encore plus quand c’est avec un club que l’on aime; ça m’a vraiment touché. En plus, après, ça, la gestion de l’intersaison du championnat National a été, pour moi, un fiasco total. Heureusement, chez nous, au Stade Briochin, elle a bien été gérée. »

Avec Plabennec, en 2010-11. Photo Philippe Le Brech.

Tellement bien gérée que Christophe, surnommé « La ker » depuis ses années guingampaises, a rempilé, alors que la plupart des clubs amateurs du coin lui faisaient les yeux doux ! « Beaucoup de clubs du Finistère me courtisaient, raconte-t-il; j’ai voulu rencontrer tout le monde, je suis comme ça, j’aime bien discuter avec les gens. J’ai eu des rendez-vous sympas, avec des belles personnes. À la fin, cela s’est joué entre l’AG Plouvorn en Régional 1 et Saint-Brieuc. Finalement, j’ai décidé de rester avec Guillaume (Allanou, le président des Griffons), qui me propose un plan de reconversion, et le nouveau coach (Roland Vieira), dont le discours a aussi fait pencher la balance. J’ai 37 ans, j’ai encore envie de jouer à un certain niveau même si, à mon âge, je pense à la reconversion, qui est presque plus importante, et aussi à me faire plaisir sur le terrain, au quotidien. Et c’est le cas aujourd’hui au Stade Briochin. J’ai fait le choix de la reconversion, de pouvoir rester dans le sport et de jouer au foot avec un vestiaire au top. J’aime ce mélange dans le groupe, avec des jeunes de 20 ans et des trentenaires. »

Début de saison compliqué

Avec Guingamp, en 2014. Photo Philippe Le Brech.

Quid de sa reconversion ? « Je passe un diplôme universitaire à distance avec l’Université de Lyon dans la gestion des organisations sportives, en parallèle du foot, et j’effectue ma formation avec le Stade Briochin. Avec mon président, on a un plan sur la durée. C’est important d’avoir de la stabilité. »

La stabilité, la continuité, c’est justement ce qui fait défaut aujourd’hui aux Griffons, actuellement 9es sur 14, et dont le début de championnat en N2 s’est avéré compliqué. Au sortir d’une petite série de deux bonnes victoires à Saint-Malo (3-1) et face à la réserve de Lorient (2-1), à laquelle s’est ajoutée une jolie « perf » au 7e tour de la coupe de France face à la Ligue 2 de Concarneau (3-3, 5-3 tab), les joueurs de Roland Vieira, qui semblaient avoir redressé la barre, ont subi trois nouveaux coups d’arrêt, contre Chambly et à Aubervilliers en championnat, et face aux Herbiers (N2) en 64es de finale de la coupe de France (élimination 2-1). « On a mal démarré aussi, mais il n’y a pas eu beaucoup de non-match, sauf à Aubervilliers où on s’est fait manger dans tous les compartiments du jeu (défaite 3-1, 10e journée). Ils nous ont montré ce qu’il fallait faire à ce niveau. Contre Chambly (0-1), on a commis une erreur, ils ont marqué sur penalty… voilà quoi…. Il faut que l’on soit plus tueur dans les deux surfaces. »

« Je ne suis pas un donneur de leçons »

En 2014-15, avec Guingamp. Photo Philippe Le Brech.

Forcément respecté dans le vestiaire pour sa carrière et son palmarès (6 saisons de Ligue 1 et trois de L2 avec Guingamp, une victoire en coupe de France et une finale de coupe de la Ligue), « Chris » sait qu’il tient un rôle important mais lui ne surjoue pas : « Avec Benjamin Angoua (Valenciennes, Guingamp), James Le Marer, qui est là depuis longtemps, Franck L’Hostis, Mickaël Martin et d’autres, on a des joueurs d’expérience. Moi, je ne suis pas un donneur de leçons. Je peux prendre la parole pour mobiliser les troupes ou quand quelque chose m’agace, mais sinon, non. »

S’il s’est retrouvé à Saint-Brieuc après une dernière saison en Ligue 2 avec l’En Avant (2019-20), ce n’était pas son premier choix. A vrai dire, il avait même envisagé de partir à l’étranger : « Je voulais connaître un autre football. J’ai voulu tourner la page de Guingamp et partir, c’est vrai, c’était même un projet familial. Mais à chaque fois, quelque chose n’a pas collé et je n’ai pas pu conclure, que cela soit à Chypre ou en Suisse. Mais je n’ai pas de regret, c’est comme ça. Maintenant, l’étranger, et bien j’y vais, mais en vacances ! »

Christophe Kerbrat, du tac au tac

« Les datas, les schémas, les calculs, ce n’est pas mon truc ! »

Es-tu content de succéder à Herman Koré dans cette rubrique ?
(Surpris) Oui oui ! C’est aussi quelqu’un qui a fait les belles heures de Concarneau. Je le connais de nom.

Avec Plabennec, en 2010-2011. Photo Philippe Le Brech.

Ton meilleur souvenir ?
Forcément, la finale de la coupe de France, remportée en 2014, avec Guingamp, contre Rennes (2-0). Après, il y en a eu beaucoup, comme ce 8e de finale de coupe de France avec Plabennec (en 2010-11) : on était en National et on avait éliminé deux clubs de Ligue 1, Nice chez nous (2-1) et Nancy chez eux (2-0). Malheureusement, je n’avais pas disputé le 8e de finale cotre Auxerre (élimination 4-0) car j’étais suspendu. La coupe, ce sont des émotions particulières. Bien sûr, il y a eu aussi les montées de CFA en National avec Plabennec, la montée en Ligue 1 avec Guingamp, la coupe d’Europe, les trois saisons aussi en National avec Saint-Brieuc même si ça c’est mal terminé.

Pire souvenir ?
Les descentes. Une avec Plabennec en CFA (N2), une avec Guingamp et une avec Saint-Brieuc. Ce n’est jamais facile à vivre, les saisons sont longues… Il y a eu aussi deux éliminations avec Guingamp en demi-finale de la coupe de France (2015 et 2017) et une en 16e de finale de l’Europa League par Kiev, alors qu’on avait largement la place de passer.

Avec Plabennec, en 2010. Photo Philippe Le Brech.

Combien de buts marqués ?
Pas beaucoup ! Deux avec Guingamp et là, je dois être à quatre avec Saint-Brieuc. Avec Plabennec, en revanche, je ne sais pas.

Attaquant, milieu ou défenseur ?
Je jouais attaquant en jeunes et en équipe C à Plabennec aussi. Et au fur et à mesure j’ai reculé. C’est Bernard Maligorne, le coach de Plabennec (avant Franck Kerdilès), qui m’a fait reculer. J’ai aussi joué excentré. C’est là que je suis passé milieu récupérateur. À Guingamp, un jour, il y a eu une hécatombe de blessés et le coach Jocelyn Gourvennec m’a demandé de dépanner derrière. Je n’ai plus quitté ce poste. J’ai pris ça comme une chance. Je ne connaissais pas le poste, donc je me suis dit que j’allais faire du mieux que je le pouvais. J’ai mordu dedans, je ne me suis pas posé de questions… sauf peut-être la première fois, contre Marseille, avant mon premier match : ce soir-là, ça ne s’était pas bien passé, avec une première demi-heure très difficile (l’OM menait 3-0 et s’était imposé 3-1). Mais le coach a conservé sa confiance envers moi : je pense que d’autres à sa place m’auraient fait sauter (sic) ! Mais lui, pas du tout. Et je me suis senti de mieux en mieux. Il m’avait repéré en National, avec Plabennec, on avait fait deux très bons matchs contre Guingamp cette saison là.

Avec Plabennec, en 2010. Photo Philippe Le Brech.

Plus beau but ?
En CFA contre la réserve du PSG. Un corner de Laurent David en retrait et je frappe dans la foulée.

Le match où tu t’es senti le plus fort ?
La finale de coupe de France. On était intouchable. On l’a senti tout au long du match. Il n’y avait pas eu photo.

Le pire match ?
Ce n’est pas un match mais les 30 premières face à l’OM pour mon premier match en Ligue 1 ! A 0-3, on est seul au monde dans ces cas-là, comme un tennisman qui n’est pas dans un bon jour !

Pourquoi as-tu fait du foot ?
Parce que je suis issu d’une famille de sportifs. Mon père jouait au foot, mon frère Sébastien et mon beau frère Didier Ettori jouaient à Plabennec, donc logiquement, j’allais au stade, j’étais tout le temps sur les terrains. Mon frère a un peu joué en équipe première.

Ton geste technique préféré ?
Le tacle ou la transversale.

Qualités et défauts selon toi ?
Défaut, je dirais le jeu de tête, ce n’est vraiment pas ma qualité, en plus, il y a de pus en plus d’attaquants athlétiques ! Mais je compense avec l’anticipation, mon point fort.

Avec Guingamp en 2014. Photo Philippe Le Brech.

Pourquoi n’as tu jamais joué dans un club un peu plus huppé que Guingamp ?
Je ne sais pas… De toute façon, je n’ai aucun regret, ça s’est fait comme ça. Je suis arrivé sur le tard en pro, à 24 ans, donc j’ai joué la sécurité : à chaque fois que j’ai eu une proposition de prolongation de contrat, j’ai sauté dessus. C’était une manière de protéger ma famille. J’ai bien eu une opportunité de signer au Havre avec Paul Le Guen quand on est descendu de L1 en L2 avec Guingamp. Tout était bouclé. Finalement, ça ne s’est pas fait. Mais j’aurais du partir, j’ai fait une erreur de ne pas y aller. C’est comme ça, il ne faut pas regretter, sinon on se morfond. Je suis content de mon parcours.

Avec le Stade Briochin, en 2022/23. Photo Philippe Le Brech.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
La saison 2013-2014 avec Guingamp, et le titre au bout, en coupe. On avait vraiment une équipe, pas les plus grands noms, certes, avec un coach, Jocelyn Gourvennec, qui maîtrisait tout. Cette épopée nous a servis en championnat car on a réussi à se maintenir. La première saison en National avec Plabennec aussi, on était une équipe, l’ambiance, tout ça, il y avait un truc. Et je retrouve un peu ça à Saint-Brieuc, où on a plaisir à se revoir chaque matin, comme une famille.

Milieu pro ou milieu amateur ?
Ce sont deux mondes différents mais au final, la vérité vient toujours du terrain ! En pro ou en amateur, il faut toujours que le mec ait envie de se défoncer pour son coéquipier, il faut le don de soi, l’esprit d’équipe. Je ne suis pas dans l’individualisme. Pour moi, le collectif prime, et au delà de ça, à Saint-Brieuc, il y a un truc différent : ce n’est pas que l’équipe fanion, c’est un ensemble, c’est le club en lui-même, ce sont les éducateurs qui sont multi-taches, ce sont les gens qui travaillent dans les bureaux, les bénévoles qui sont partout, toujours là pour nous qui sommes sur le terrain. C’est une obligation de se défoncer pour tous ces gens-là, qui oeuvrent pour que le foot amateur vive.

Avec Plabennec en 2008-2009. Photo Philippe Le Brech

Ce que ton parcours chez les amateurs t’a apporté ?
Quand j’étais dans le foot amateur, tout le monde me disait que le foot pro, ce n’était pas pour toi : je pense que l’on a un regard un peu fossé sur ce qui se passe dans un vestiaire pro. Quand je suis arrivé dans le vestiaire à Guingamp, c’était des mecs simples, comme à Plabennec, je n’ai pas vu de différence. Et puis Jocelyn (Gourvennec) a fait ce groupe top, donc a transition entre Plab’ et Guingamp s’est faite naturellement; à Plab, je voyais le foot comme un jeu, même encore aujourd’hui à 37 ans, forcément, parfois, il y a de l’adrénaline ou du stress, mais une fois sur le terrain, c’est un jeu. J’ai essayé de ne pas changer, même si je faisais plus attention à l’extra-sportif quand je suis arrivé en Ligue 1, comme la nourriture, le sommeil ou la récupération, mais je n’ai pas arrêté de vivre, j’avais la vie de monsieur et madame tout le monde. Mais le fait d’arriver dans ce milieu, j’ai mis une carapace, je n’allais pas sur les réseaux. Tous ces commentaires, ce n’est pas monde, même si je sais que les critiques, comme se faire traiter de « truffe » après un match, ont pu toucher ma famille. Moi, j’étais dans une bulle.

Avec le Stade Briochin en 2022. Photo Philippe Le Brech

Un stade mythique ?
Le Stade de France, forcément, car jamais je n’aurais pensé y jouer une fois dans ma carrière ! Le parc des Princes aussi même si, quand j’étais petit, j’étais plutôt pour l’OM… mais le Parc, c’est quelque chose quand même.

Un public ?
Saint-Etienne. On sent la ferveur et ça pousse. Lens aussi, même si je n’y ai joué qu’en L2.

Un coéquipier marquant ?
Il y en a plusieurs. D’abord, à Plabennec, c’est l’équipe. Des valeurs que j’ai retrouvées sur mes première saisons à Guingamp. C’était l’équipe au dessus d’une individualité. Après, des joueurs marquants, Clément Grenier, Marcus Thuram, Ludovic Blas, ils ont un truc particulier.

Avec Guingamp en 2012-2013. Photo Philippe Le Brech

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling ?
A Plab’, Steven Coat, on n’avait pas besoin de se parler, on voyait le foot de la même manière, et à Guingamp, Jonathan Martins-Pereira, le latéral droit. Enfin, à Saint-Brieuc, Benjamin Angoua et James Le Marer.

Des amis dans le foot ?
Des vrais amis, il n’y en a pas beaucoup. Mais je me suis entendu avec tout le monde.

Quels résultats regardes-tu en premier ?
Je regarde les résultats de Guingamp, de Plabennec, et de Nîmes car j’ai mon pote Thibault Giresse qui y est (entraîneur-adjoint en National), et ça ne va pas fort en ce moment…

Un adversaire qui t’a impressionné ?
Cavani. Il ne lâchait jamais rien, il fallait toujours être sur le qui-vive. J’admirais sa mentalité.

Une équipe qui t’a marquée ?
Le PSG quand Neymar signe, il dispute son premier match au Roudourou, c’était impressionnant …

Pas l’OGC Nice ?
(rires) Pourquoi ?

Ils ont gagné 7 à 2 une saison à Roudourou (en 2014) …
(Rires) Non même pas ! Et la seule fois ou ce Brésilien, Eduardo, a marqué 5 buts, c’était contre nous, évidemment (rires) !

Avec le Stade Briochin en 2021. Photo Philippe Le Brech

Un coéquipier perdu de vue ?
Jonathan Martins-Pereira. Il est à Lens aujourd’hui (coordinateur sportif). La distance fait que…. Mais ça sera un grand plaisir de le revoir.

Un coach ?
Jocelyn (Gourvennec), je l’ai revu, il est particulier pour moi, c’est lui qui m’a fait connaître toutes ces émotions-là, mais pour en arriver là, il y en a eu d’autres avant lui, comme Bernard Maligorne et Franck Kerdilès, à Plabennec. Aujourd’hui, à Saint-Brieuc, on a un coach (Roland Vieira) qui rentre dans ces valeurs-là, qui ressemble à ce que j’ai connu avant; au niveau des valeurs et de la vision du foot, pas besoin d’en faire des tonnes, j’aime beaucoup. Le foot a pris une tournure différente : les coachs avec lesquels ça a le mieux marché pou moi, ce n’était pas des coachs à « la manette », parce que les datas, les schémas tactiques, tous les discours autour du foot, où tout est calculé, où tout est programmé, c’est ennuyeux. Le foot est un jeu pour moi. Or, je trouve que ce n’est plus assez un jeu. Ce n’est pas mon foot à moi.

Avec Guingamp en 2014. Photo Philippe Le Brech

Tu aurais dû arriver dans le foot 10 ans plus tôt ?
Non mais pour moi c’était très bien ! J’ai connu des top coachs, des top partenaires, donc ça l’a fait ! J’ai réussi à passer entre les mailles de toutes ces statistiques, de toutes ces datas !

Un président marquant ?
Hervé Foll à Plabennec et Guillaume Allanou à Saint-Brieuc.

Un entraîneur que tu n’as pas envie de recroiser ?
(il soupire) Ouep mais euh… trois petit points…

Une causerie marquante ?
Il y en a deux : celle de Jocelyn avant la finale de la coupe de France, où il a su créer quelque chose avec son discours et ses vidéos, et on est arrivé sur la pelouse en étant sûrs de nous mais sans se la raconter, on savait pourquoi on était là, on était serein calme. En plus, Rennes, on les avait battus deux fois dans la saison. Et une de Franck Kerdilès avant le match à Nancy en coupe.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Marcus Thuram.

Avec le Stade Briochin, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Des manies avant un match ?
Quand je savais que ma famille venait au match, j’aimais bien repérer l’endroit où elle était, pouvoir les visualiser avant que le match ne commence, et c’est toujours le cas encore maintenant. C’est une manière de me rassurer aussi de savoir que mes enfants, Nala (9 ans) et Enzo (6 ans), sont là avec leur maman.

Tu es un défenseur plutôt…
(Rires) Malin !

Un modèle de défenseur, de joueur ?
Mes modèles, comme tout le monde, c’est Zidane, mais j’aime beaucoup le Sergio Ramos du Real Madrid, il a tout, il déteste perdre, il apporte sa grinta, il marque des buts. C’était le défenseur le plus complet.

Ta plus grande fierté ?
D’avoir la famille que j’ai.

Un plat, une boisson ?
J’aime tout ! Les pâtes carbonara. Et un bon verre de vin, je me suis mis au blanc !

Loisirs ?
J’aime le padel, sinon, ici, balades en bord de mer et les vacances. Les dernières, au Kenya, ont été extraordinaires, on a fait un safari avec les enfants. L’un de mes meilleurs voyages.

Avec Saint-Brieuc, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Le padel, ce sont les restes du tennis ?
Je préfère jouer au padel, moi qui ai beaucoup joué au tennis, si je m’y remets, je risque d’être une quiche et ça va m’énerver. Le padel est plus ludique, on ne passe pas sont temps à ramasser les balles. C’est fun, j’aime beaucoup l’intensité. Il faut que je trouve du temps pour en faire plus. En plus, c’est un sport d’équipe.

Le tennis t’a aidé pour le football (il a été classé 2/6) ?
Oui ça m’a servi mentalement. Il faut être très fort parce qu’il y a des jours où on est moins bien. Le foot, c’est un sport collectif mais après un match, il y a une remise en question, une autocritique à faire, positive ou négative, et le fait d’avoir joué au tennis, où tout est remis en cause tout le temps, ça m’a aidé là-dessus. Au niveau du jeu, dans l’anticipation, dans les mouvements, ça m’a aidé.

Ton joueur de tennis préféré ?
Nadal. Je ne sais pas s’il va revenir longtemps (rires) mais on a eu la chance de connaître une époque dorée. J’étais petit quand je suis allé à Roland-Garros, j’avais joué sur un court annexe, pas loin du central. J’allais au tournoi de Brest aussi. Mais je ne m’intéresse plus du tout au tennis.

Ciné ? Un film culte ?
Les trois frères, le dîner de con. Aujourd’hui, ce sont plus les films pour les enfants.

Une devise ?
Il n y a pas trop de hasard, les choses qui arrivent, ça se provoque : c’est un peu la devise de notre cocon à la maison, et c’est ce que l’on veut apprendre aux enfants.

Tu regardes le foot ?
Un peu moins la L1 cette année. Je regarde la Ligue des champions. L’autre jour, j’ai regardé OM – Rennes mais j’ai zappé, je ne suis pas allé au bout (rires) !

Tu vas voir des matches à Guingamp ?
Non, mais je regarde les extraits… Mais je ne regarde pas la Ligue 2. J’ai des occupations le samedi quand on ne joue pas. J’ai encore quelques liens avec Guingamp, bien sûr, mais ça a beaucoup changé.
Le dernier match pro où tu as assisté ?
C’était à Brest l’an passé. Je n’y suis pas encore allé cette année.

Le foot, en deux mots…
Sympa et dangereux. Il faut se méfier de tout le monde, même de la personne en qui tu penses avoir confiance. Il ne faut croire que ce que l’on voit. Je dis ça en connaissance de cause, je l’ai vécu à mes dépens. Mais sympa parce qu’il y a des gens extraordinaires dans ce milieu, j’ai fait des rencontres incroyables. J’ai quand même vécu plus de bons moments que de mauvais.

Le Stade Briochin en deux mots…
Familial et travailleur.

Qui voudrais-tu voir te succéder dans cette rubrique ?
Ah ah !!! Allez, James Le Marer !

Désolé, mais ce ne sera pas lui ! Mais on garde l’idée dans un coin de notre tête !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech

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Présent à Pacy-sur-Eure depuis qu’il a 12 ans, l’actuel directeur technique et coach de l’équipe seniors de Régional 1 a tout connu sous le maillot Ciel et Blanc, notamment les campagnes de National quand le club de l’Eure jouait dans la cour des grands. Témoin du passé, il est, à 39 ans, le garant des valeurs et de l’état d’esprit qu’on lui a inculqués.

Reportage : Timothée Coufourier, à Pacy-sur-Eure.

Franck Paillette, le directeur technique du Pacy-Ménilles Racing-club. Photo PMRC.

Franck Paillette a eu plusieurs vies dans le football. Il les a toutes vécues à Pacy. Ses années en jeunes ? À Pacy. Sa carrière seniors ? À Pacy. Ses fonctions d’entraîneur et de directeur technique ? À Pacy aussi ! Impossible de dissocier l’homme de ce club où il a tout connu, où il s’est construit, et où il tente aujourd’hui de transmettre les valeurs que les anciens lui ont apprises.

Novembre 2023. Stade de Pacy-Ménilles. Franck Paillette nous accueille : « Aujourd’hui, quand vous arrivez ici, au stade, il y a toujours un petit qui va vous serrer la main ou vous faire un signe pour dire bonjour. » Le directeur technique et entraîneur des seniors R1 (depuis 2019) ne se trompe pas. C’est exactement ce qui se produit. On a l’agréable impression de faire partie de la famille en croisant tour à tour les jeunes du club, d’une grande politesse. Ce respect démontre l’état d’esprit qui règne au Pacy Ménilles RC, un club « historique » de Normandie, qui continue de prôner la solidarité, l’esprit de famille et la vie associative. Des valeurs qui traversent les générations, parfaitement illustrées par Franck Paillette, 39 ans, dont 27 ans de présence ici !

Des années de National aux épopées en Gambardella, en passant par la reconstruction du club après la relégation administrative en CFA (2011) puis le dépôt de bilan (2012), la formation « made in Pacy Ménilles », l’ancien attaquant symbolise la richesse du club au maillot « ciel et blanc » floqué du château de Ménilles. Il est le témoin du passé. Alors, qui mieux que lui pour parler des années fastes, quand Pacy affrontait Reims, Troyes, Guingamp, Strasbourg, Cannes, Paris FC, Niort, Laval, Amiens, Rouen ou encore Gueugnon ? Qui mieux que lui pour parler du présent ? C’est l’histoire d’une ville de l’Eure de 5000 habitants qui a joué dans la cour des grands…

Interview

« Tu ne peux pas réussir à Pacy sans le bon état d’esprit »

Photo PMRC.

Comment décrire le club de Pacy-Ménilles ?
C’est un club familial où il fait bon vivre. Un mélange entre un projet compétitif et un gros projet associatif et éducatif. La partie éducative est notre priorité même si la volonté de retrouver l’élite sportive est aussi très présente. L’aspect compétitif, j’en parle surtout pour le côté jeunes. On bosse, on a de bons éducateurs, on a insisté sur leur formation. Le gros projet, c’est d’être proche des jeunes. C’est ce qui permettra au club de vivre. Aujourd’hui, le niveau National, comme on l’a vécu avant, comme moi je l’ai vécu puisque j’y ai joué, on en est quand même assez loin. Au-delà de ça il faut les finances. Aujourd’hui, Pacy-Ménilles a retrouvé ses licenciés : on a entre 500 et 550 licenciés, ce que l’on n’avait plus avant. Ça, c’est plutôt bien. On a aussi un président, Hedy Boudjelil, qui est passionné de football, passionné par son club, ambitieux, toujours en quête de progrès. Peut-être qu’on n’y arrivera pas tout de suite mais en tout cas l’ambition est là. On veut retrouver un haut niveau de compétition, aussi bien en jeunes qu’en seniors. Si Pacy-Ménilles joue en National 2 un jour, ce sera beau.

Franck Paillette, le directeur technique du Pacy-Ménilles Racing-club. Photo PMRC.

Cet état d’esprit, ce sont vos éducateurs qui l’inculquent, dès l’école de foot alors…
Vous avez vu les petits qui vous serrent la main ou vous font un signe pour dire bonjour ? Ça fait partie des valeurs. Ça paraît simple, normal, mais ça se perd. Une chose très importante qu’on m’a toujours inculquée depuis je suis au club, ce sont les couleurs, l’identité bleu ciel et blanche. Le rouge ici, c’est interdit ! C’est comme ça. On essaie de transmettre ça. Quand tu viens t’entraîner, tu es en bleu ciel et en blanc. Ce sont des couleurs qui sont portés depuis longtemps. Comme celles du Racing club de France. Peu de clubs jouent comme ça.

Quelles sont vos ambitions dans les catégories de jeunes ?
Pour les U16, on voudrait retrouver le Régional 1, un très beau championnat, super-intéressant. On a l’espoir d’y arriver parce qu’on a quelques générations qui sont bonnes, avec un excellent état d’esprit. Tu ne peux pas réussir à Pacy sans avoir le bon état d’esprit, sans ce côté collectif, sans se « savoir vivre ensemble ». C’est ce qui fait qu’ici, il n’y a que des passionnés. Les éducateurs, ce sont des passionnés du club. C’est pour ça aussi que ça fonctionne. On a une école de foot qui fonctionne, où on a toujours du monde, où l’on souhaite avoir des équipes de qualité. C’est quelque chose de très important. Le but, c’est de pérenniser ça. C’est d’en bas qu’on progresse, en partant des équipes de jeunes, et non l’inverse.

« Le petit poucet qui grandit »

Photo PMRC.

Quels ingrédients ont permis au club de rester plusieurs années en National (de 1998 à 2001 puis de 2008 à 2011)  ?
A l’époque c’est Laurent Hatton et Patrick Vallée qui ont la charge de l’équipe technique et ça fonctionne parce que ce sont des gens du cru. Laurent Hatton, c’est son père qui a créé le club. Il a une connaissance totale de l’environnement. C’est un meneur. Il faut aussi avoir les moyens financiers, savoir s’entourer. Il faut un tas d’ingrédients. Il a fait progresser le club petit à petit et a commencé à fidéliser. Énormément de monde s’identifiait au club. Pacy, c’est le petit poucet qui grandit. Un club qui a fait un petit parcours en Coupe de France, qui avance avec ses moyens. Je dis toujours que c’est difficile car vous ne pouvez pas vivre qu’avec votre passé. Par contre, vous devez être capable de vous en servir, de vous appuyer sur ce qui a été bien fait. En 2023, on ne peut pas refaire la même chose à l’identique parce que les mentalités ont changé, de nombreuses choses ont évolué comme les comportements. La société évolue. Chacun son époque. Celle de Pacy Vallée d’Eure Football (PVEF) était très bonne. On a bien vibré, c’était super et j’aimerais bien revivre la moitié de ça. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus pareil, tu n’avances plus de la même manière. C’est plus compliqué. Mais on connaît les valeurs indispensables et propres à notre club : la solidarité, l’aspect familial et l’aspect associatif.

Le club aurait-il pu s’inscrire davantage sur la durée en National ?
Je pense que ça aurait pu durer. Mais Pacy, c’est un petit village; il y a la partie financière, aussi. Quand on parle d’avoir un gros partenaire, peut-être qu’il en faudrait dix pour arriver à rivaliser financièrement. Dans le contexte actuel, les instances imposent tellement de critères que c’est compliqué. Au club, la majorité des dirigeants ont un travail à côté, ils sont bénévoles, donc ils ne sont pas toujours présents à l’association. A l’époque, on a quand même fini 4e de National et on a vu passer de grands joueurs avec qui j’ai toujours un lien aujourd’hui. Comme Gaël Angoula, actuellement arbitre professionnel, qui est un ami, ou Romain Thomas, l’actuel capitaine de Caen, que j’ai eu encore récemment au téléphone. Si vous leur demandez un avis sur le club, ils vous diront tous qu’ils ont été marqués par Pacy. Parce que Pacy, ça marque.

« Le passé, on ne nous l’enlèvera jamais »

Franck Paillette, lors de la saison 2008-2009 en National. Photo Philippe Le Brech

Vous devez avoir de nombreux souvenirs en tête…
Plein ! J’en ai deux principaux. Le premier c’est avec les U15 DH, quand on est monté en 14 ans Fédéraux. Plus tard, avec les U19 Nationaux, on luttait pour le maintien, et on a gagné la Coupe de Normandie aussi. Et il y a aussi l’année de CFA en seniors avec l’accession en National, lors de la saison 2007-2008, c’était énorme : on était un mélange entre l’ancienne et la nouvelle génération. Des joueurs cadres et confirmés comme Olivier Hameau, Patrick Bisson, Jean-Charles Denoyers et des plus jeunes dont je faisais partie. Le début de saison de CFA avait été un peu chaotique. Puis il y a eu un déclic lorsque nous sommes allés en Guadeloupe pour la Coupe de France, un grand moment ! On s’est pourtant fait éliminer aux tirs au but, d’ailleurs je loupe le mien et ça, je m’en souviendrai toute ma vie. Mais en termes de vie de groupe, c’était fabuleux. Après ça, on a enchaîné de nombreuses victoires, jusqu’au match face à Rouen, dans notre stade, avec 2800 personnes où on l’emporte 2-1 (avril 2008, journée 25). A la fin de la saison, on monte en National ! L’accession, la fête au club, la communion collective… c’était fabuleux ! C’était l’année des accessions puisqu’on est monté avec la réserve et avec les U18 aussi. C’était la montée d’un club. C’est une grosse réussite. On ne nous enlèvera jamais tout ça. Je sais que je n’aurais jamais vécu la même chose ailleurs. Et puis, de le vivre en étant un enfant du club, ça n’a pas de prix. C’était magnifique. Je souhaite à plein de personnes, à plein de gamins du club, de connaître ça. Je garde aussi en mémoire des accessions de Régional 1 à National 3, mais c’était comme éducateur, donc c’est différent.

La photo de famille de l’équipe de National en 2008-2009. Photo Philippe Le Brech.

Les accessions sont souvent les meilleurs souvenirs sportifs…
En CFA, quand on monte en National, je joue mais moins que les années précédentes parce que j’ai une pubalgie. Même blessé, je vis à l’intérieur du groupe. Je me déplace en bus avec les éducateurs, comme à Valenciennes pour le dernier match à l’extérieur (victoire 2-1) et ça ne m’empêche pas d’être boute-en-train, de chanter, et ça montre l’état d’esprit. J’ai des images fabuleuses, des classeurs entiers dans l’armoire de mon bureau avec tout l’historique du club. Lorsqu’on en ouvre un, on ne s’arrête plus de les parcourir.

Des joueurs avec lesquels vous avez partagé ses moments sont toujours au sein du club ? Jean-Charles Denoyers fait partie de l’encadrement du club. Il est avec nous sur les U14. William Dos Santos, responsable des gardiens, a joué dans les cages en National, ça aussi c parlant. On a connu toutes les épopées ensemble. Plusieurs éducateurs actuels ont connu cette époque alors qu’ils étaient de jeunes supporters et venaient voir les matchs de National. Ils jouent maintenant en équipe première, comme Romain Tanty, qui est le responsable de l’école de foot, ou Julien Hiolle, éducateur au club, présent depuis les U7. De manière générale, les joueurs qui passent par Pacy savent où ils se trouvent, ils n’oublient pas.

« Remonter en National 3 serait déjà beau »

L’équipe de Régional 1 seniors, cette saison. Photo PMRC.

Comment avez-vous géré la période de reconstruction après le dépôt de bilan en 2012 ?
Au départ, ça été une reconstruction lente et difficile. Nous sommes passés de 500 licenciés à 150. Il a fallu batailler pour continuer, pour survivre. Il a fallu retrouver des licenciés, expliquer aux gens que le club continuait de vivre, que les équipes de jeunes étaient toujours présentes. Le club est là, le terrain est là. Il a fallu que les municipalités nous aident, nous soutiennent, croient en notre projet et comprennent que la ville de Pacy passait par le foot et son club. On a galéré. On était onze seniors à nous entraîner à la reprise : pour jouer en DH, c’était très compliqué. Il faut réussir à tenir, savoir prendre des claques tout en s’accrochant. Si on a réussi à le faire, c’est parce qu’on a été solide sur l’équipe éducative, qui est la priorité. Sans cet élément, nous n’aurions pas pu continuer. Certains éducateurs ont un vécu, un passé. C’est ce qui fait que le club va avancer. Le reste suit car le foot, c’est un sport populaire qui attire les regards.

Pacy peut-il atteindre à nouveau le National ?
C’est compliqué, même s’il ne faut jamais dire jamais. Mais il faut être réaliste et lucide. Aujourd’hui le club est en Régional 1. Maintenant, ça reste du sport, avec la vérité des résultats, qui fait que c’est que ce n’est pas forcément avec la meilleure équipe sur le papier que cela suffira. C’est avec l’ensemble des ingrédients mis. Évidemment, je ne vais pas vous répondre « non » parce qu’on est ambitieux. Mais tout de suite, là, le National, ce n’est pas possible pour Pacy.

Surtout que les clubs se structurent de plus en plus, grandissent économiquement…
Les clubs se structurent mais nous aussi. Je pense qu’on en est capable mais il faut se structurer encore davantage pour aller chercher plus haut. C’est la priorité avant de vouloir chercher autre chose.

Les U18 du club. Photo PMRC.

Sur le volet compétitif, vous avez déjà des objectifs à court ou moyen terme ?
A court terme, on aimerait bien retrouver le National 3. Après, il ne faut pas brûler les étapes. On voit bien que c’est difficile de sortir de la R1. Toutes les équipes se structurent. Dans notre groupe, on avait Villers-Houlgate qui est désormais en National 3 alors qu’on les a battus l’année dernière. Ils se développent bien. Nous aussi, nous avons un club structuré, on est labellisé. Maintenant il manque un petit truc pour aller plus haut, un petit déclic. A long terme, on souhaiterait atteindre le National 2, ce serait le top. Là, je parle seulement des seniors mais ce qui me pousse, en tant que responsable technique du club, c’est que mes équipes de jeunes accèdent à des championnats plus élevés. La R1 déjà serait bien pour les U16. Ensuite c’est la locomotive du club qui va faire avancer l’ensemble des équipes. L’équipe seniors est une vitrine donc si elle accède en National 3, ça va aider.

Les U15 du club. Photo PMRC.

Un regard sur la R1 seniors à un 1/4 de la saison ?
Pour l’instant, elle est plutôt décevante. Je ne peux pas dire que c’est un début de saison réussit. On a 2 victoires, 3 nuls et 3 défaites (et un match en retard). On a aussi tendance à dire qu’on n’est pas à notre place mais on y est. Fin novembre, on a affronté Gisors, qui est 1er : on a perdu 3-2. On aimerait être plus performant collectivement et dégager un état d’esprit conquérant pour aller chercher plus haut. Je préfère dix fois être moins fort mais m’éclater. J’ai confiance en mon groupe, je sais qu’on a de la qualité. Pour l’instant, il manque de la confiance et ce petit déclic qui va nous permettre de basculer. Après, on n’a fait que 8 matchs. On a aussi une équipe réserve qui fonctionne bien et qui est dans le même esprit. C’est plaisant, les mecs sont présents et ça c’est vraiment bien.

« Mon club, c’est ma vie »

Avec les bénévoles du club, lors de la Macron Cup. Photo PMRC.

Comment avez-vous atterri à Pacy ?
J’avais 12 ans. Je jouais à Bréval dans les Yvelines et j’ai été invité par Pacy au tournoi de Illiers-l’Évêque dans l’Eure, le club d’Olivier Hameau, c’est marrant. C’est Manu Huet qui m’a fait venir. C’est le point de départ. J’étais déjà passionné de football mais je faisais aussi du tennis et d’autres activités sportives. Après j’ai arrêté. Pour l’anecdote, je connaissais déjà Pacy de nom car à ce moment-là, il venait de disputer un 32e de finale de coupe de France contre Montpellier (en 1996) et tout le monde ne parlait que de ça. En fait, la coupe de France avec Pacy, ça m’a marqué. Je vois encore des vidéos, des cassettes de ce match. Pacy était connu grâce à ça et j’ai été attiré par le club. C’est venu comme ça, avec le tournoi et cette histoire. Pacy c’est un club important. C’est comme Rouen : on aime ou on n’aime pas ce club, c’est une vraie terre de football. Mais Rouen, c’est rouge : l’opposé de Pacy ! J’ai toujours connu la rivalité sportive entre les deux. C’est une place forte OK, mais le reste, ça ne me parle pas trop… Ce sont deux clubs différents. Rouen, c’est la ville. Et quand on voit ce qu’ils mettent en place, leur communication, ils insistent beaucoup plus aujourd’hui sur le Rouge, sur les valeurs. Aujourd’hui, ils sont en National avec des valeurs.

Hedy Boudjemil, le président du PMRC. Photo PMRC.

Vous êtes l’homme d’un seul club, finalement…
Oui, en quelque sorte, puisqu’après Bréval, je n’ai plus bougé de Pacy. J’ai joué dans les catégories de jeunes jusqu’au niveau seniors. J’ai connu des belles années, je suis passé par toutes les équipes et j’ai surtout connu des personnes top, avec des vraies valeurs, qui sont importantes à mes yeux parce que ce sont elles qui m’ont transmis tout ça. La dernière personne, c’est Manu Huet a passé plus de 30 ans au club (il est aujourd’hui à la fédération marocaine de football). Avant, j’ai connu Laurent Hatton avec qui j’ai beaucoup travaillé. Tout comme Patrick Vallée, ex-entraîneur adjoint et responsable de la pré-formation, et qui m’a coaché chez les jeunes. Ce sont des personnes très importantes qui m’ont montré aussi le métier. Aujourd’hui, il y a mon président (Hedy Boudjemil) avec qui j’ai la chance d’avoir une relation particulière. Il avait joué au club en jeunes puis il était revenu pour encadrer la CFA2. On essaie de construire. C’est tellement kiffant. Je suis passionné par mon club. C’est ma vie en fait. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas envie de découvrir autre chose. Tu peux avoir envie de réaliser d’autres projets mais de bons projets, toujours autour du foot, du sport, du scolaire, des jeunes. C’est pour ça que j’ai la fibre, on me l’a transmise comme ça.

« Trouver des actions innovantes »

Le stade de Pacy-Ménilles a accueilli pendan 6 saisons des matchs de National. Photo Stades.ch

Après votre carrière de joueur, c’était logique de rester à Pacy en tant qu’entraîneur ?
C’était logique parce que j’ai toujours voulu être éducateur sportif. Et si je pouvais allier les deux, c’était top. Je me suis formé au métier quand je jouais encore. Pour se former au poste d’éducateur, il faut garder la forme. J’ai eu mes diplômes comme ça.

Vous êtes à la fois entraîneur de l’équipe première et directeur technique : comment mettez-vous tout ça en place ?
La direction technique, c’est être auprès des éducateurs, c’est être garant de la politique sportive du club. Je suis un peu multi-casquettes. Il faut gérer les partenariats, faire un peu d’administratif, c’est obligatoire. Après Je suis beaucoup sur le terrain. Ma place est aussi entraîneur, éducateur même, parce que je me considère comme un éducateur. Mon quotidien, c’est d’être tous les jours ici et réfléchir au bon fonctionnement. C’est d’être toujours innovant, de trouver des solutions pour aller chercher des actions différentes. L’année dernière, les jeunes sont allés au Maroc en voyage. On a organisé la Macron Cup, un gros tournoi U15 avec de nombreux clubs professionnels, un événement génial, qui a rassemblé la grande famille du club, les bénévoles. Le plus gros de mon travail, c’est la gestion sportive du club. La casquette d’entraîneur, c’est une passion. Maintenant il faut des résultats.

Souvenir des années « National ». Photo PMRC.

Vous avez connu plein de championnats différents, cela doit être enrichissant…
J’ai l’avantage d’avoir connu les 19 ans Nationaux, les accessions de U15 DH à U17 nationaux, les accessions U18 DH pour les U19 nationaux, le championnat DH seniors pour une montée en CFA2, la CFA et bien sûr le National. C’était une autre époque mais c’était de vraies expériences. Le championnat de National, c’était top. Parfois, on jouait le vendredi soir ou le mardi soir dans des stades comme Troyes, Reims, Cannes, Annecy où évoluait Evian Thonon Gaillard … J’ai joué à Guingamp, à Lorient, j’ai connu beaucoup de choses. De nombreux moments ressortent, ça forge l’expérience et développe les valeurs que j’ai connues, qu’on m’a inculquées. Je n’étais pas un joueur du niveau « National », je n’étais pas un titulaire mais j’ai eu la chance de connaître ça, elle est là la différence. J’ai vu ce que ce niveau demandait en termes d’exigence aux joueurs : Gaël Angoula, Romain Thomas, avaient cette exigence. Toutes ces belles choses m’ont enrichi. Mon métier, je l’ai appris comme ça : en regardant les éducateurs, en voyant, en formant, en étant joueur puis entraîneur.

Souvenir des années « National ». Photo PMRC.

Franck Paillette joueur et Franck Paillette dirigeant, ce n’est pas la même personne ?
Je dirais que c’est différent. Joueur, j’étais plutôt calme. J’ai été capitaine dans des équipes mais toujours calme et serein. J’observais beaucoup. Educateur, je suis plutôt l’inverse, je vis tout à fond, sans doute parce que j’ai toujours suivi le management de Laurent Hatton ou Manu Huet. Ils ont toujours été proches de leur équipe et à fond dès que la compétition commençait. Il faut aussi être capable d’évoluer. Aujourd’hui, par exemple, je me rends compte qu’il faut savoir se staffer, prendre du recul, j’ai besoin de regarder encore plus; ce qui a changé, c’est qu’on est très focalisé sur l’aspect social. Accompagner un joueur, c’est très important, bien plus qu’avant. Dix ans plus tôt, je ne vous aurais sans doute pas dit la même chose. J’ai beaucoup appris sur l’exigence d’un joueur. Aujourd’hui, on ne joue plus de la même manière. Récemment, je suis allé voir Rouen face à Villefranche en National : la vitesse de jeu est complètement différente qu’à mon époque; en revanche, en termes de réflexion de jeu, d’impact, de solidité, on était beaucoup plus fort que maintenant. Aujourd’hui, un jeune joueur a besoin que tout se passe bien sinon c’est très compliqué. Beaucoup de paramètres ont changé. Donc forcément, on s’adapte. C’est nécessaire.

Franck Paillette, du tac au tac

« Pacy restera toujours Pacy ! »

Franck Paillette. Photo PMRC.

Meilleur souvenir sportif ?
Avec les U15 DH, les U19 Nationaux, la victoire en coupe de Normandie, et l’année de CFA pour l’accession en National. C’était énorme.

Le pire souvenir ?
La descente et le dépôt de bilan en 2012 parce que ça a été mal vécu. Sportivement Pacy s’est maintenu en National. C’est administrativement que l’on a été relégué d’abord en CFA (en 2011). Il faut se souvenir des mauvaises périodes car si aujourd’hui, nous sommes là à discuter de Pacy, si le club existe, c’est aussi grâce à ces périodes-là.

Des cartons rouges en carrière ?
Jamais. Pas un seul.

Des buts ?
Oui ! Beaucoup de buts en jeunes jusqu’en DH. Après j’en ai mis un petit peu moins. Mon dernier très beau but je le garde en tête, c’était contre Moulins en national. C’est peut-être même mon tout dernier but. Je me fais plaisir à le revoir, c’est un bon souvenir.

Si vous n’aviez pas été dans le foot, vous auriez fait quoi ?
Je pense que j’aurais été dans le sport quand même. Aujourd’hui l’âge avance, on essaie de regarder ce qu’on peut faire d’autre. Je pense que je suis quelqu’un de projet, plutôt tourné autour du sport, avec des valeurs éducatives. J’aime ça, j’aime entreprendre des choses aussi.

Vos qualités et vos défauts sur le terrain ?
J’étais un assez bon finisseur. Comme disait Laurent Hatton, le coach, j’étais le meilleur joueur à l’entraînement, devant le but j’étais toujours bon. Aussi, les appels, l’intelligence dans les déplacements. Pour les défauts, je manquais peut-être de l’agressivité nécessaire, même en étant attaquant, pour se montrer et être présent. Par moments, j’étais trop gentil et il faut parfois être individualiste.

La meilleure saison de Pacy ?
La meilleure saison que j’ai connue c’est celle l’accession en 2007-08, c’est la plus belle. C’est normal, on a touché le haut possible pour Pacy. Ensuite, on a une très bonne saison en National. La deuxième saison, on termine quand même en 4e position. une belle équipe avec grands joueurs comme Gael Angoula ou encore le 2e meilleur buteur de national Yassin El-Azzouzi, à côté de grands buteurs comme Cédric Fauré (Reims).

Est-ce que vous avez failli partir un jour du club ? Si oui, lequel ?
Non. J’avais fait un essai en jeunes à Amiens où j’ai pu me rendre compte du niveau d’intensité, d’exigence. Alors je suis rentré dans mon club travailler car je savais qu’il y avait du boulot. Mais je n’ai jamais eu envie de partir et je n’ai jamais demandé à partir. Une fois qu’on est à Pacy, on s’identifie beaucoup et on pense qu’on ne peut pas aller ailleurs, même si c’est peut-être bien… Je n’ai jamais voulu partir.

Le ou les joueurs emblématiques du club ?
Quand je suis arrivé en seniors, il y avait Olivier Hameau, qui était le vrai buteur du club. Évidemment, Jean-Charles Denoyers. Quand j’étais petit, il faisait des interviews avec nous. Il nous expliquait sa carrière car il a connu l’équipe de France Espoirs, les championnats d’Europe : il est champion d’Europe avec Anelka, Henry et consorts, ce n’est pas rien. Des joueurs marquants, il y en a eu. L’année 2008-2009, il y a eu Zakaria Gueye, qui était de la banlieue rouennaise. Il a réalisé des saisons de fous. Je pense aussi à Nordine Aguini, un magicien avec le ballon. En National aussi certains m’ont marqué par leur façon de jouer, leur énergie, en particulier Gaël Angoula, c’était le mec à ne pas enlever de l’équipe. Sofiane Bezzou et sa personnalité, on savait qu’il était là. Mais les emblématiques de Pacy c’est Patrick Bisson et Olivier Hameau. Des joueurs en plus avec qui j’ai joués. Avant, il y a eu aussi l’attaquant, « Poussin » Meslin (Nice, Bastia).

Les dirigeants marquants ?
Le numéro un, c’est Manu Huet. Déjà, c’est un ami, mais au-delà de ça, c’est quelqu’un qui m’a tout appris. On avait une grande relation. Il m’a ouvert les portes de l’apprentissage, il m’a guidé. Laurent Hatton et Patrick Vallée m’ont aussi marqué. Laurent Hatton, c’était un meneur, à la fois directeur technique et présent avec les U9 ou les seniors. Le point commun entre tous, c’est la passion. Nous sommes tous passionnés du club, on est tous originaires de Pacy.

Un club rival ?
A mon époque c’était Rouen et non pas Évreux même si c’est un derby. Aujourd’hui, c’est plus Évreux.

Un joueur adverse qui vous a marqué ?
A l’époque en CFA et en National, on en a affronté pas mal. Sakho, Sagna, Berthod, Bréchet. En jeunes j’ai affronté Jimmy Briand, Le Tallec, Sinama-Pongolle, de vrais joueurs. Je me souviens d’un gardien qui nous avait marqué en jeune, c’était Kameni, champion olympique avec le Cameroun et qui jouait au Havre. Didier Digard en U15, c’était un top joueur. C’est devenu un super éducateur à Nice qui adore ce qu’il fait. Mathieu Bodmer aussi avec qui j’échange souvent, c’est un passionné de foot, c’est pour ça aussi qu’il réussit.

Une équipe que vous avez affrontée et qui vous a impressionnée ?
Rennes en jeunes, c’était impressionnant, vraiment très fort. Le Havre aussi, c’était très costaud. En seniors, je me souviens de Reims et de Troyes, en National, avec l’impression que le terrain était trop grand.

Un stade marquant ?
Auguste-Delaune Reims et le stade de l’Aube à Troyes, ce sont des beaux stades. Le stade atypique, c’était celui de Luzenac !

Une causerie marquante ?
Quand David Bechkoura (aujourd’hui adjoint de Michel Der Zakarian en Ligue 1 à Montpellier) avait les U18, avec Patrick Vallée, il a pris des U15 pour la Gambardella, dont mon coéquipier Jeremy Têtard et moi, et je me souviens de ce qu’il nous avait dit. Nous devions prendre nos responsabilités. C’est ce que l’on a fait et on a gagné, à Plouzané, en 32e. C’était magnifique. On avait perdu contre Guingamp après. a l’éducateur (aujourd’hui adjoint de Michel Der Zakarian en Ligue 1 à Montpellier), avec Patrick Vallée. On avait fait un beau parcours et la causerie était énorme, magnifique, préparée. Je me souviens aussi d’une causerie au château de Ménilles avec Manu Huet, quand on avait joué Caen en Gambardella. Et en seniors, les causeries de Laurent Hatton notamment l’une lors d’un déplacement marquant à Dunkerque, l’année de la montée, ils étaient 1ers : on perd 1 à 0 là-bas.

Une idole ?
Mon idole, c’était Jean-Pierre Papin, parce que c’était un top attaquant, un joueur de surface, qui ne se posait pas de question, très spontané. Il frappait « de partout », souvent il marquait en une touche. Un modèle. J’aimais beaucoup la qualité d’un Zidane aussi, évidemment.

Le milieu du foot en deux mots ?
Passionnel et abject. Il y a vraiment deux mondes bien distincts. Passionnel c’est pour l’esprit club, l’aspect associatif, éducatif, les jeunes.

Le club de Pacy en deux mots ?
Famille et passion. Le club est familial, « kiffant », identitaire. Mon club, c’est ça. Enfin, ça ne m’appartient pas, parce qu’un jour je ne serai plus là et d’autres personnes prendront la suite. Mais la passion du club restera. Même à 90 ans, Pacy, ça restera Pacy !

Texte : Timothée Coufourier – Mail : contact@13heuresfoot.fr

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L’ancien joueur professionnel de Lens, Nice et Cannes s’est reconverti dans le recrutement. Actuellement sur le marché après une première expérience de 9 ans chez les « Sang et or », il écume les stades en espérant retrouver un projet et dénicher une perle rare !

Patrick Barul a reçu le Trophée de l’Aiglon du mois à l’OGC Nice, en mars 2023. Photo OGC Nice.

Patrick Barul (46 ans) n’a jamais mis les pieds à Poitiers. D’ailleurs, il ne sait même pas où c’est. Et se demande d’où vient cette « référence » que l’on peut lire à son sujet, lorsque l’on fait une recherche à son nom sur wikipedia : « Il commence sa formation au Poitiers Football-club », peut-on lire sur la page qui lui est consacrée.

« Je ne sais pas qui a sorti ça, je n’y suis jamais allé de ma vie ! Et je ne sais pas comment on pourrait faire pour le rectifier ! » s’étonne celui qui a commencé sa formation à Saint-Jean-de-la-Ruelle, à quelques encablures d’Orléans, la ville où il est né, où il a grandi, dans le Loiret. Et c’est à Saint-Jean-de-la-Ruelle qu’il s’est fait remarquer. « On cartonnait en jeunes. Mon entraîneur là-bas, Nabil Talmoudi, avait des connections avec l’AS Cannes, raconte-t-il; moi, je voulais aller à Strasbourg pour suivre des copains qui était parti là-bas. Et puis Cannes m’appelle. C’était Richard Bettoni au bout du fil. Je suis venu sur place voir les installations. C’était en 1992. J’avais 14 ans. Je me suis entraîné avec eux et ils m’ont dit « On te prend pour jouer en moins de 15 ans Nationaux ». Le club voulait être champion de France. Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à mes parents : « Je veux aller à Cannes ! ».

« En jeunes à Cannes, on était injouable »

Parul Barul rejoint La Croisette, le soleil et les palmiers. Il ne le regrettera pas. Il se construit un sacré palmarès chez les jeunes. « La première année, on est champion de France en 15 ans, idem en 17 ans la saison d’après et enfin, on gagne la Coupe Gambardella en 1995 ! On était injouable ! Pat (Vieira) a juste joué la finale de la Gambardella, parce qu’il était déjà titulaire avec les pros en D1. Il y avait aussi Adel Boutobba, Cédric Mouret, Romain Ferrier, Sébastien Renaud, Sacha Opinel, Sébastien Chabaud qui a joué ensuite à Nancy et Charleroi, Lilian Compan (Saint-Etienne, Montpellier, Caen), Mickaël Marsiglia, Anthony Braizat. A l’époque, l’AS Cannes avait ses équipes en D1, en D3 et en D4 ! C’était extraordinaire ! Même quand tu ne jouais pas en D3, tu jouais en D4, c’était déjà un bon niveau. Je me souviens que lorsque Pat (Vieira) est arrivé en D4 avec Pierre Dreossi, il a joué deux matchs puis il est allé directement en D3 et là, Luis (Fernandez), qui entraînait la D1, a dit : « Lui, je le prends »!

Des souvenirs comme ceux-là, Patrick Barul en a des tonnes. Il faut dire qu’il a eu le temps d’en emmagasiner tout au long d’une carrière professionnelle de 16 ans, à Cannes pour commencer (de 1996 à 1999, en D1 puis en D2 après la relégation du club azuréen en 1998), au RC Lens (D1, de 1999 à 2007, période entrecoupée d’un prêt d’une saison à l’OGC Nice en 2002-2003), à Nice pour de bon (D1, de 2007 à 2009) et enfin à Tournai, en D2 belge (2009 à 2011).

« Je me dis que si je suis dans le bon wagon… »

C’est après sa période à Tournai que son parcours prend un nouveau … tournant ! « En fait, quand je jouais en Belgique, j’habitais Lille, et ensuite, de temps en temps, je jouais le jeudi avec les anciens, et ça se terminait par un resto. Un jour, à table, Eric Sikora, qui venait d’être intronisé coach de l’équipe Une à Lens à la place de Jean-Louis Garcia (en septembre 2012), me dit dans la discussion que le club cherche quelqu’un pour aller observer les adversaires. Je lui réponds « Je suis là moi ! » et il me dit « Ouep mais t’as jamais fait ça », et là je lui sors « Ouep mais toi, t’as jamais entraîné non plus… » En fait, on se charrie un peu, parce qu’avec « Siko », on est amis. Et finalement, il me met à l’essai. »

L’essai est transformé. L’histoire avec le club du Pas-de-Calais va durer 9 ans. « Oui, l’essai est concluant. Je vais voir mon premier match à Laval le vendredi (Lens évoluait alors en Ligue 2), puis en début de semaine suivante, on fait le débrief , « Siko » me dit ce qui va et ce qui ne va pas. Là, Antoine Sibierski, qui est directeur sportif, me dit que le club ne peut plus dépenser d’argent, qu’il ne peut pas me payer. Je lui dis « ok » quand même, parce que, dans ma tête, je pense que la situation ne durera pas, que la situation du club s’arrangera, et que si je suis dans le bon wagon, ils penseront à moi pour l’avenir. »

Superviseur bénévole à ses débuts

Du coup, voilà Patrick Barul en baroudeur des stades, dans le costume du superviseur bénévole ! Pendant plusieurs mois, il fait ses observations de match, le samedi et le dimanche, car le vendredi soir, à ce moment-là, c’est championnat ! Avec lui, il y a Didier Sénac, le directeur du recrutement : « Pour moi, Didier, c’est le boss en la matière. Il a l’oeil. C’est lui qui m’envoie faire le scouting le week-end en Belgique ou en National, et le vendredi soir je supervise les adversaires de Ligue 2. Je fais ça pendant 6 mois. Puis la saison suivante, l’homme d’affaires Hafiz Mammadov arrive au club avec Gervais (Martel) qui me dit « On te garde ». Et surtout, Gervais me paie et en plus, c’est rétroactif. La classe ».

Le nouvel entraîneur du Racing s’appelle Antoine Kombouaré. Là, « Pat » Barul intègre la cellule recrutement, en plus des observations de matchs. Alain Casanova, le remplaçant de Kombouaré (en 2016), ne change rien à ses prérogatives. Observation de match et recrutement, sauf que, cette fois, « Pat » part plus loin. « Et c’est après que j’ai exclusivement intégré la cellule recrutement. J’ai arrêté les observations. Mais avec le plan social que le RC Lens a connu, en 2021, après le deuxième covid, tout s’est arrêté. Et je dois dire que les dirigeants du Racing ont été plus que corrects avec moi. »

« Je n’avais pas la fibre pour entraîner »

Avec l’AS Cannes, en 1997. Photo Serge Haouzi

S’il a choisi cette voix, c’est parce qu’il pense qu’il a l’oeil. Entraîneur ? Pas pour lui. « Après ma carrière de joueur, j’ai passé mon BE1 à Clairefontaine, mais je n’avais pas la fibre pour entraîner. J’aime le recrutement, mais le problème c’est qu’il n’y a pas beaucoup de poste et la concurrence est dure aussi. Tu gagnes bien ta vie, c’est sûr, même si c’est incomparable avec ce que tu gagnes quand tu es joueur. Pour bien gagner sa vie après sa carrière de joueur, il faut être directeur sportif, comme Florent Ghisolfi à Nice par exemple aujourd’hui. »

Au total, « Pat » Barul a passé plus de 15 ans en Artois. Au RC Lens. Forcément, ça marque. « Même si le club est un peu moins « famille » qu’avant, il est vraiment à part. Les gens, là-bas, ne vivent que pour le Racing. C’est impressionnant. On le ressent toute la semaine, quand on a perdu un match. Cet engouement, c’est extraordinaire. Pendant 9 ans, au recrutement, je pense sincèrement que j’ai bien fait mon job. On a fait du bon boulot avec Didier Sénac et Cyrille Magnier, et tous ceux qui m’ont chapeautés, je pense à Florent Ghisolfi, Jocelyn Blanchard, Antoine Sibierski, Didier Roudet et Eric Roy aussi. On n’avait beaucoup moins de moyens qu’aujourd’hui. »

« Les joueurs, on les voit une dizaine de fois »

Mais au fait, ça consistait en quoi, exactement, recruteur au RC Lens ? « On est trois dès l’avant saison, et on se répartit des zones géographiques. Par exemple, moi, France, Belgique, Portugal. Un autre va faire Serbie, Croatie, Suisse, etc. Et en deux mois, on doit avoir vu toutes les équipes de ces championnats. On épure. Bien sûr, on ne se déplace pas partout. Certains matchs, on les regarde en vidéo. Mais ça fait quand même beaucoup de matchs. Une fois qu’on a fait ça, il y a des joueurs qui ressortent, et ceux-là, tu vas les revoir deux ou trois fois. Entre temps, on a eu des réunions techniques, et le coach te dit où il y a des manques dans son équipe. Donc tu sais ce qu’il te faut. Ensuite, on va croiser « ses » joueurs avec ceux des autres recruteurs du club, afin d’avoir plusieurs avis, parce qu’on n’a pas forcément la même sensibilité. Je vais aller voir deux ou trois fois les joueurs de l’autre recruteur, et lui va aller voir les miens. Entre temps là encore, certains joueurs sont sortis de la liste, et peut-être que d’autres se seront rajoutés. Après, cela voudra dire que ces joueurs, à nous trois, on les aura vus une dizaine de fois. Si on est unanimes sur un joueur, là, le directeur sportif ou l’entraîneur prennent la main et vont aller en profondeur. En général, au club, 90 % du recrutement, c’était des joueurs « que l’on faisait », que l’on avait vus au préalable. Après, il y a toujours le coach qui veut faire « son joueur », le directeur sportif qui veut lui aussi faire « son joueur », et Gervais (Martel) aussi, qui aimait bien faire « son joueur ».

« Trading » et « one shot »

Avec les anciens du RC Lens. Photo X.

Quelques exemples ? « Oui, l’arrière gauche égyptien, Karim Hafez (2016-18), ou encore le défenseur John Bostok (2016-2018), l’attaquant Yoann Touzghar, qui venait d’Amiens en National (trois saisons de 2012 à 2015, 91 matchs et 35 buts), l’arrière-droit de Nantes, Fabien Centonze (2018-19), tous ces joueurs, on les a faits avec pas beaucoup de moyens. L’idée du RC Lens, ce n’était pas seulement de faire du trading, parce qu’on ne pouvait pas tout faire : nous, on voulait aussi prendre des joueurs pour monter en Ligue 1. C’est pour ça qu’on a pris des joueurs confirmés comme Danijel Lujboja, qui avait 35 ans (2013-14) : là, c’est du one shot, on sait très bien qu’on ne va pas faire de plus value. Dans le même ordre d’idée, on avait pris aussi Adamo Coulibaly (2013-15), un attaquant qui jouait en Hongrie et marquait beaucoup. Eux, tu sais qu’ils vont te mettre des buts. Idem avec Ahmed Kantari* (2013-15), ce n’était pas du trading, mais c’était pour monter en L1 (ce que le club a fait en 2014). En fait, c’est quand tu es plus à l’aise en Ligue 1 que tu peux faire du trading, comme a fait Lens cet été en prenant Andy Diouf de Bâle, ou avec Loïs Openda, qui est parti à Leipzig (pour 42 millions d’euros et 6 millions de bonus). Mais nous, à l’époque, on ne pouvait pas se permettre de prendre des jeunes, il fallait qu’on monte. »

*Ahmed Kantari vient d’être intronisé entraîneur de Valenciennes, en L2.

A Cannes comme chez lui

Avec l’AS Cannes, en 1997. Photo Serge Haouzi

Depuis un peu plus de 2 ans, « Pat » Barul tourne dans les stades. Va voir des matchs. Reste au contact. Développe son réseau. Attend une opportunité. L’autre jour, il était dans un stade qu’il connaît bien, à Coubertin, à Cannes, là où il a vu les débuts de Zidane et Micoud à son arrivée au club en 1992.
Ce soir, l’affiche propose un match de National entre le leader, l’AS Cannes, et la lanterne rouge, Bourgoin-Jallieu. Surprise, c’est le moins bien classé qui s’impose 1 à 0. Dans le salon VIP, beaucoup reconnaissent l’ancien dragon azuréen. L’ancien joueur et agent, le retraité Félix Lacuesta (ex-Saint-Etienne, Bastia, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Lille, Monaco et … Cannes) vient taper la discute avec lui. David Lisnard, le maire de Cannes et grand supporter des Rouge et blanc, le reconnaît et vient le saluer. Patrick reconnaît des visages, serre des poignes. Il est presque chez lui ici. « J’habite à Cannes en plus, ma femme est d’ici ».

« Des Sotoca, c’est très rare »

Patrick Barul, en novembre dernier, dans les rues de Cannes. Photo 13HF.

Une petite photo du stade Coubertin qui terminera sur son nouveau compte Linkedin, là où il faut se montrer, là où il faut dire ce que l’on fait et que l’on est « dispo », et hop, c’est déjà l’heure du coup d’envoi. Même en National 2, on peut dénicher des pépites ! « Bien sûr, si un joueur me tape dans l’oeil, je le garde dans un coin de ma tête, mais, surtout, je vais le revoir jouer ! Après, de la N2 à Ligue 1, il y a un fossé, même si je sais que des Florian Sotoca, bien sûr que ça existe, mais après… Sotoca (qui a joué à Narbonne en CFA2, à Martigues en CFA et à Grenoble en National), quand il a signé à Lens, tu sais que ce n’est pas du trading. Il jouait à Grenoble à ce moment-là (Grenoble était monté en L2). On s’est demandé si on ne pouvait pas trouver mieux, et finalement, il s’est adapté à la la Ligue 2 puis à la Ligue 1, puis au haut de tableau de la Ligue 1 et puis il s’est adapté à la Ligue des Champions ! Mais des joueurs comme lui, c’est très rare. Et s’il y en avait beaucoup d’autres, on les verrait avant, sinon, cela voudrait dire qu’ils sont passés entre les mailles du filet, mais ça, aujourd’hui, il y a tellement de recruteurs aujourd’hui, que ce n’est pas possible. Jo Clauss ? Pareil. Et celui qui a tout fait pour qu’il vienne, ce n’est pas un recruteur, c’est Alexandre Pasquini, l’analyste vidéo : il l’a mis en valeur auprès du staff au travers de montages vidéos, avec ses stats. Il nous l’a bien vendu et franchement, quelle belle vision de sa part, et quelle réussite ! Parce que personne ne le connaissait ici à Lens. »

« J’ai quand même un CV »

A Bollaert-Delelis. Photo X

Si Patrick va voir des matchs et tournent sur les terrains – la semaine suivante, il est allé voir Fos (N3) contre Annecy (L2) en coupe de France -, c’est parce qu’il est sur le marché. Le réseau, c’est important. « J’essaie de le faire savoir un peu plus maintenant, poursuit-il.  J’ai eu des contacts. On m’a dit « Oui… Je vais voir… », c’est difficile. J’ai 9 ans d’expérience dans le recrutement, ce n’est pas rien. J’ai quand même un CV. Je pense que je fais bien mon travail. Et avec Didier Sénac, j’ai vraiment été à bonne école à Lens, où l’on a fait du système D. »

« Je suis cool, oui, c’est ma nature »

Et si Patrick Barul payait son allure un peu nonchalante, cool, peut-être même trop cool ? Et s’il n’était pas dans le moule ? Et si, tout simplement, il ne savait pas se vendre ? « C’est ma nature », réplique-t-il ! « Ma carrière, c’était comme ça ! Je me souviens qu’à Nice, le coach, Gernot Rohr, me disait « Ah vous les Antillais, c’est toujours tranquille » ! Mais Tranquille quoi ? Oui je suis tranquille, mais quand il faut bosser, je bosse, et quand il faut taper du poing sur la table en réunion (il mime le mouvement), je le fais. Et quand ton entraîneur et ton président te demandent « Bon alors, ce joueur, on le fait ou on le fait pas ? », et qu’il faut poser ses c… sur la table, hé bien je suis là ! Même ma femme me dit ça, que je prends tout à la cool. En juin, je suis allé voir le tournoi de Toulon, je voyais tous les scouts… beaucoup me disaient « Pat, comment ça se fait, t’as pas trouvé un projet » ? Je me demande comment c’est possible. Parce que l’oeil, je l’ai. » À Poitiers aussi, ils se demandent comment c’est possible !

Patrick Barul, du tac au tac

« Je n’ai marqué qu’un seul but… la honte ! »

Photo RC Lens.

Meilleur souvenir sportif ?
Mon premier match en pro, avec Cannes, contre Bastia, en 1996, à Coubertin. C’est Guy Lacombe qui m’avait pris dans le groupe et fait rentrer. On avait fait 1-1. Je ne me souviens plus des buteurs !

Pire souvenir ?
Y’en a eu quelques-uns ! Une blessure à l’épaule et un match en coupe d’Europe contre Parme, en UEFA, avec le RC Lens : je suis sur le terrain, on est dans le temps additionnel, Francis Gillot m’appelle et me dit les autres résultats. Nous, on est à 1-1, on est qualifié, et là, je dégage le ballon sur un attaquant, il part au but et il marque. On perd 2-1… Je peux te dire que ça marque, merde… Heureusement, on s’est qualifié car on a gagné le match suivant à l’extérieur, mais bon…

As-tu déjà marqué un but ?
Oui, en coupe d’Europe, contre des Suédois. C’est le seul but que j’ai marqué dans ma carrière. La honte (rires) ! J’ai une anecdote : à l’époque, France Football avait fait un article sur les joueurs qui avaient plus de 150 matchs de Ligue 1 et qui n’avaient jamais marqué. Un journaliste m’avait contacté pour ça, je ne l’ai pas super bien pris, hein… Je lui ai dit « Attend, tu crois que je suis le clown de France Football ou quoi ? » Il y avait aussi Planus, Toulalan, dans le même cas que moi ! A ma décharge, je ne montais pas sur les coups de pied arrêtés, donc je réduisais mes chances aussi de marquer !

Latéral ou milieu ?
Mon poste de formation, c’est milieu. Quand je suis monté en D3 avec Cannes, Guy Lacombe m’a mis à ce poste de latéral, que je n’aimais pas trop, mais il m’a fait rentrer arrière-droit pour mon premier match en pro, donc j’ai continué là. Mais j’alternais milieu ou arrière droit, et je dépannais même parfois à gauche. Avec le recul, je pense que ça m’a desservi. Le foot a changé, c’est athlétique, physique, des joueurs comme moi, il y en avait plein, comme des Florent Balmont. Mais on en voit moins.

Tu préférais jouer en 6 ?
Ah ouaip, largement !

Photo X

Mais pourquoi n’as-tu pas pu t’imposer à ce poste ?
Le RC Lens m’a recruté au poste de latéral droit. Je leur ai dit que je pouvais jouer milieu, alors je dépannais, mais pour eux, j’étais arrière droit. Je n’étais pas le titulaire indiscutable. Il y avait Eric Sikora, qui est une légende à Lens. Mais je faisais mes matchs, à différents postes. On me disait « Ce week-end on a personne à gauche, tiens vas-y ! ». Je pouvais jouer partout.

Combien de cartons rouges ?
3 ou 4. Défensif, j’étais obligé d’envoyer un peu.

Un geste technique ?
Contrôle-passe. Pour moi, c’est le meilleur geste technique en foot. C’est Guy Lacombe qui m’a appris ça.

Pourquoi as-tu pratiqué le foot ?
Mon père jouait au foot, en DH, et quand j’étais petit, je le voyais comme le meilleur joueur du monde ! Il m’emmenait partout, aux matchs, aux entraînements, il jouait à Orléans, en réserve, quand l’équipe fanion était en D2, avec Robby Langers, Henri Zambelli, Bruno Germain. Quand je suis venu jouer une fois à Orléans, au stade de la Source, en coupe de France avec Lens, ça m’a fait bizarre. Mes parents sont toujours là-bas.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne me suis jamais posé la question.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
J’étais technique, à l’écoute. J’avais tout le bagage, mais mes défauts, c’est que, une fois arrivé en pro, je me suis reposé sur mes acquis. Avec du recul, je me dis que j’aurais dû travailler beaucoup plus. Je pense que j’avais des qualités pour faire une meilleure carrière. Quand je suis arrivé à Lens, je me suis dit « ça y est ». J’avais signé 5 ans, donc… ça va… Je faisais comme les pros confirmés alors que j’étais jeune et que j’avais tout à prouver. J’ai commencé à me bouger le cul (sic) lors de ma dernière saison, quand j’étais en fin de contrat, et d’ailleurs, ils m’ont fait re-signer. Mais j’aurais dû, en arrivant au club, me dire « Putain Sikora (titulaire et concurrent au poste de latéral droit), je vais le manger », façon de parler, mais non. On me disait « Tiens, Pat, tu joues ce week-end » je répondais « Ouep c’est cool ». Ou alors « Pat, tu ne démarres pas ce match, tu es remplaçant », je me disais « ouep bah c’est pas grave, je fais le voyage avec le groupe, je vais rentrer un quart-d’heure, je vais prendre la prime, j’ai mon salaire »… Enfin tu vois, quoi…

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Mes premiers matchs en pro à l’AS Cannes et la première année à Lens, où je découvrais le très haut niveau. Mes saisons avec Francis Gillot, que j’adorais.

Une erreur de casting ?
Avec du recul, si j’avais été bien conseillé, je n’aurais pas dû aller à Lens, parce que là-bas, il y avait un joueur emblématique qui jouait au même poste que le mien, Eric Sikora, et je savais que ça allait être compliqué. Mais l’agent est allé là où il y avait le plus de commission… Au final, je ne peux pas dire que je regrette car Lens, c’est 20 ans de ma vie, c’est une institution, je m’y suis fait beaucoup d’amis, les gens et la région sont extraordinaires. Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière.

Le club où tu aurais rêver de jouer ?
Tu vas trouver ça bizarre mais quand j’étais à l’AS Cannes, le club où je voulais absolument jouer, c’était Bordeaux, et en plus, il y avait la passerelle Cannes-Bordeaux à ce moment-là. Dans les années 90 , les Girondins, c’était le top ! Après, le rêve absolu, c’était Barcelone.

Ton meilleur match ?
Un match à Cannes contre Strasbourg, et aussi un Monaco-Lens : j’étais injouable ce jour-là ! Il y avait Gallardo et Simone en face, et je leur ai marché dessus ! Quand je suis revenu en état de grâce à Lens, avec Joël Muller, qui m’a longtemps boycotté, il m’a jeté en pâtures au Vélodrome, l’année où Drogba jouait à l’OM (2003-04). Pour ce match, il y avait beaucoup d’absents à Lens à cause de la CAN et Joël Muller m’a dit « Tiens, tu vas jouer ce week-end » mais s’il avait pu prendre le magasinier du club à ma place, il l’aurait fait. Là, dans ma tête, je me suis dit « Attend toi, tu fais une grave erreur » ! J’ai fait un super match et il ne m’a plus sorti de l’équipe !

Ton pire match ?
Un Montpellier – Lens, avec Fodé Mansaré face à moi : il m’avait fait l’amour !

Un stade mythique ?
Lens forcément ! Et y a aussi le stade où tout le monde veut jouer, c’est le Parc des Princes. La première fois que j’y ai joué, j’avais Raï devant moi… J’ai souffert aussi (rires) !

Un coéquipier marquant ?
Cyril Rool, à Lens. Quand tu le vois de loin, que tu ne le connais pas, sur un terrain, tu penses que c’est un boucher, qu’il est méchant, mais c’est le mec le plus gentil qui puisse exister. C’est un footballeur hors pair, avec une main à la place du pied. Un top joueur ! Olivier Dacourt aussi. Et je citerais Jérôme Leroy, un génie du football.

Des amis dans le foot ?
Olivier Dacourt, Cyril Rool, Mickey Marsiglia, j’en ai d’autres, Sébastien Chabert, etc.

Le coéquiper avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Vitorino Hilton. Quand tu joues à côté de lui, c’est facile. Jérôme Leroy aussi.

Celui qui t as le plus impressionné ?
Mansaré, Raï, Ronaldinho.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Djimi Traoré, à Lens.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Guy Lacombe et Francis Gillot.

Un coach que tu n’as pas… (il coupe direct !)
Joël Muller.

« J’étais fan absolu de Johan Micoud »

Un président marquant ?
Gervais (Martel, président de Lens).

Une causerie ?
Les causeries de Fred Antonetti.

Une consigne impossible à comprendre ?
Les consignes de Joël Muller.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Vieira, Dacourt.

Des rituels, des tocs ?
Toujours le même caleçon.

Un dicton ?
Le travail paie.

Passions ?
Mon fils. Il a 21 mois, il s’appelle Gabriel. En fait, les footeux, souvent, à 20 ans ils sont posés, ils sont pères de famille, mais ils ne voient rien de la vie. Et une fois leur carrière terminée, certains divorcent, mais pas tous bien sûr, et ils veulent voyager, faire plein de choses, sortir. Moi, je me toujours dit que je voulais profiter, voyager, sortir, profiter avant. Et me poser après. Sinon, je me suis mis au padel aussi. On joue entre amis. Et la marche.

Un modèle de joueur ?
A Cannes, mes modèles, c’était Zizou (Zidane) bien sûr, mais surtout Johan Micoud. J’étais fan aboslu de lui !

Une idole de jeunesse ?
Alain Giresse.

Un match de légende ?
C’est Argentine – Angleterre en coupe du Monde avec Maradona, et aussi le France – Brésil de 1986. Et bien sûr la finale du Mondial 1998 France – Brésil.

Ta plus grande fierté ?
Mon fils.

Le foot en deux mots ?
(Rires) Un milieu de requins. Maintenant que je suis passé de l’autre côté, je le vois encore plus.

Texte : Anthony BOYER – Mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : 13HF

Photos : 13HF, DR, OGC Nice, RC Lens

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