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Olivier Frapolli : « Au départ, je voulais être architecte ! »

Son parcours de joueur, sa vision du métier d’entraîneur, sa philosophie de jeu, sa méthode, son image : le coach du Stade Lavallois (51 ans), passé aussi par Créteil, Orléans, Boulogne et Moissy, se livrent longuement et à coeur ouvert.

Olivier, revenons quelques semaines en arrière, le soir du 2 juin précisément, avec ce maintien fou en Ligue 2 acquis avec Laval, à la toute dernière seconde ! Racontez-nous !

Photo Philippe Le Brech

Emotionnellement, ça a certainement été la plus grosse joie de toute ma carrière, finalement. Parce qu’à 15 secondes près, on était en National, et ce but salvateur dans les derniers instants à Amiens nous permet d’atteindre l’objectif. L’histoire est belle, car à titre personnel, les cinq derniers joueurs qui touchent le ballon sur le but sont les cinq entrants, et sans dire qu’on avait travaillé tout ça, bien évidemment, dans le coaching j’avais pris Djibril Diaw sur le banc à la place d’un attaquant, en lui expliquant que si dans les dix dernières minutes on devait absolument gagner, qu’il devrait jouer attaquant avec ses qualités dans le jeu aérien.

Cela a été une émotion incroyable. Trois semaines avant, j’ai perdu mon père, dans la nuit qui a suivi la victoire contre Saint-Etienne. Donc j’ai vécu, sur le mois de mai, des moments durs et intenses. Mais voilà, on a gagné quatre de nos cinq derniers matches, dont la victoire à Amiens qui était la première victoire à l’extérieur depuis longtemps. Il y a eu plein de symboles forts pour moi. Je me souviens, quand on est entré dans le temps additionnel, avoir regardé le ciel et avoir demandé, « Papa, si tu es là, c’est le moment de m’aider ». Voilà. C’est pour vous dire le contexte, le côté psychologique de ce match-là, qui a été une explosion d’émotions incroyable.

« Avec nous, ce n’était jamais tiède. Toujours chaud ou froid. »

C’est arrivé également après une saison avec des périodes de hauts et de bas. La conclusion spéciale d’une année déjà particulière, on imagine ?

Photo Philippe Le Brech

Tout à fait. C’était la première fois où il y avait quatre descentes en National. Il a fallu atteindre les 46 points, ce qui je pense est un record. La saison d’avant, Bastia, avec 46 unités, est 12e. On a remporté 14 rencontres, ce qui est plus que Grenoble je crois par exemple, qui a terminé dans les dix premiers (en fait, Grenoble, 10e, a également remporté 14 matchs, Ndlr). Avec nous, ce n’était jamais tiède. Toujours chaud ou froid. On n’a fait que quatre matches nuls, on a eu la 8e attaque et la 2e ou 3e plus mauvaise défense.

Mais en fait, pour comprendre tout ça, on est aussi montés en L2 avec ces caractéristiques. On avait gagné 20 matches sur les 34 de National, mais on était la même équipe, spectaculaire, avec peu de nuls (20 victoires, 7 nuls et 7 défaites, Ndlr). C’est d’ailleurs pour ça qu’il y a eu le retour massif des supporters au stade, je pense. La saison dernière, en L2, c’était une équipe encore capable de tout, spectaculaire, un peu imprévisible, capable de battre Caen 4-0, capable de battre Valenciennes en étant à 9 pendant une heure, mais également d’encaisser 3 buts à Grenoble en 10 minutes. Une année comme ça, quand vous alternez le chaud et le froid, c’est difficile émotionnellement, vous ne savez jamais ce qui va se passer. On a terminé très fort, comme en National, ce qui montre que le travail psychologique effectué au club depuis deux saisons porte ses fruits. Il fallait aussi, dans cette dernière ligne droite, et après une série de sept défaites consécutives par un but d’écart, ne pas lâcher, rester focus, y croire.

Sur les dernières rencontres, on bat Bastia, Sochaux, Saint-Etienne, Amiens. Quand on a vu notre calendrier après la défaite à Rodez, Bordeaux ou Guingamp en déplacement… Je pense que peu de monde misait une pièce sur Laval. Cela a été une fin de saison pleine de surprises. Dans les confrontations directes, on n’avait pas de réussite, mais on a eu cette force de ne jamais lâcher, d’y croire jusqu’à la dernière seconde. Encore une fois, il y a une part de réussite, mais on est vraiment allé la chercher.

Actuellement, le début d’exercice est bon, alors que vous avez perdu des éléments importants cet été (Maggiotti, Elisor)…

On reste sur la dynamique de notre fin de saison en gagnant à domicile. Je crois qu’on en est à six victoires de suite à la maison. On a eu 12 départs, 8 recrues, un groupe fortement remanié. Contre Rodez, il y avait dix recrues dans le onze de départ. A part Pau, pas d’autre équipe en L2 est modifiée à ce point. C’est courant en National, mais pas en L1 ou en L2.

Pour nous, ça a aussi été des choix, des choses qu’on a subies, comme le départ de Julien (Maggiotti), de Simon (Elisor), ou encore de Dembo Sylla à Lorient. On n’a pas pu les conserver. Si on rajoute les blessures importantes de Jordan Adéoti, d’Antonin Bobichon, acteurs importants du maintien, bon, avec tout ça, arriver à avoir 6 points sur les trois premiers matches, en ayant joué Rodez, Angers et Troyes, c’est un bon début.

« Je me dirigeais plutôt vers une carrière de formateur »

Remontons dans le temps : quel est votre regard global sur votre carrière d’entraîneur ? Quelle est votre méthode ?

Photo Philippe Le Brech

Ma carrière de coach a commencé en 2004, donc ça va faire 20 ans l’année prochaine ! Au tout départ, mes premières aspirations étaient plus sur le côté formateur. J’ai fait mes armes à Créteil avec la réserve et en étant responsable technique de l’association. J’étais plus parti pour avoir une carrière de formateur. L’idée était de redonner, de former, d’apprendre, de transmettre. Et puis les événements ont fait que je me suis retrouvé avec les pros à Créteil… Quand on est compétiteur, qu’on a été joueur professionnel et qu’on aime ça, qu’on a l’opportunité d’y rester, on s’y accroche et c’est comme ça que, de fil en aiguille, je suis devenu numéro 1, d’abord à Créteil.

Ma philosophie, elle a aussi beaucoup évolué. Car je pense c’est un métier où on apprend chaque saison; c’est en cela qu’il est intéressant. J’ai un projet de jeu que je présente aux joueurs chaque saison, ce n’est jamais le même, il est toujours revu au goût du jour et revisité. Parce que le football évolue, qu’il y a des tendances qui se dégagent. Après, j’essaie la plupart du temps d’être pragmatique. Je ne suis pas un entraîneur qui n’a qu’une philosophie et va faire en sorte que cela soit uniquement celle-là qui prédomine, même si ça me convient et qu’il n’y a pas les joueurs pour. Je ne suis pas comme ça. Quand on arrive dans un club, il y a une histoire, des caractéristiques sociétales et géographiques. On n’entraîne pas en Corse comme on entraîne à l’Ouest ou dans le Sud. Il faut aussi coller, quand on arrive, à l’histoire d’un club. Je trouve que c’est intéressant de ressentir quelle est l’attente, du public, de l’environnement, par rapport à ce que vous allez faire, à votre production. Pour moi ce sont des éléments importants.

Et puis vous arrivez, vous héritez d’un effectif. Quand j’arrive dans un club, la première des choses, c’est d’utiliser les forces. En fonction des forces en présence, mon premier travail est de les utiliser, puis de bonifier l’effectif dans le temps. J’ai la chance de rester, par rapport à ce métier, longtemps dans les clubs, ce qui est aussi certainement une particularité. Ce n’était pas prémédité au départ, là encore, car quand j’ai débuté, on m’a surnommé « le pompier ». A Créteil j’avais fait un intérim en Ligue 2, ma première expérience c’était pour sauver la réserve du club; en CFA à Sénart-Moissy, c’était pour sauver le club, donc j’avais cette étiquette. Au fur et à mesure, j’ai trouvé plus de sens dans des projets où il fallait construire plus de choses. En National, j’ai obtenu trois montées en Ligue 2, ce qui m’a mis une autre étiquette. Une bonne étiquette, je ne vais pas m’en plaindre.

« A titre personnel, le maintien de Laval était important »

Le maintien de l’an passé s’inscrit dans cette ascension…

Photo Philippe Le Brech

J’ai envie de montrer que ce n’est pas parce qu’on est capable de faire des montées de National en L2 qu’on n’est pas capable d’être un bon entraîneur en Ligue 2, voire au-dessus; ça paraît logique quand on le dit, mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. A titre personnel, le maintien était important pour moi  : ça permet d’entraîner, d’accumuler les saisons en L2. J’ai fêté mon 100e match à ce niveau à Troyes cette saison.

Pour finir sur la philosophie de jeu, on joue à trois derrière à Laval depuis trois ans, les animations peuvent varier, mais un peu sur le modèle, une inspiration de ce qui se fait à Lens avec Franck Haise, même si on en est très loin et que je ne me permettrais pas de mettre ce qu’on fait en comparaison. J’ai joué avec lui à Beauvais en D2, et si vous me demandez en tant qu’entraîneur quelle équipe me séduit le plus en France, je dirais Lens. Il y a trois ans je suis parti sur cette animation, sans savoir qu’ils allaient jouer comme ça, c’était au moment du Covid. On essaie de faire évoluer cette animation, la faire progresser, la rendre compétitive.

Il y a quelque chose chez vous qui tient de l’adaptation : vous êtes resté assez longtemps dans vos équipes, et loin de votre région natale du Sud (il est né à Hyères dans le Var)…

Après, j’ai fait aussi, je ne dirais pas une croix, mais j’ai également compris que dans ce métier, vous ne pouvez pas non plus avoir d’exigence géographique, ou alors vous mettez un terme à vos ambitions professionnelles. Moi, ce qui peut expliquer, je pense, la durée dans les clubs, ce sont les rencontres avec les gens qui m’ont approché, tout simplement. Car j’ai aussi refusé des clubs. C’est plus à un moment donné le feeling, ce qui j’arrive à percevoir de l’environnement, du club. Est-ce que dans cet environnement-là, je vais pouvoir être performant ? Epanoui ? Car si je ne suis pas épanoui, je ne serai pas performant. Quand je juge que l’environnement est propice, c’est un premier signe de mon engagement. J’ai eu des sollicitations dans le Sud de la France, mais où je pense que l’environnement n’était pas propice.

C’est ce qui peut expliquer aussi le fait que je reste dans les clubs. Les présidents qui m’ont engagé partagent la même vision, les mêmes valeurs, au-delà des périodes de résultats, il y a la reconnaissance que le travail est fait et bien fait, en toute humilité. Pour moi, c’est plus important que l’aspect médiatique ou financier d’un club. L’opportunité, quand je choisis un club, c’est de se dire : est-ce que cet environnement, est-ce que les personnes avec qui tu vas travailler, ça va matcher, quand ça ira mal aussi. Quand j’ai pesé tout ça, je donne mon accord ou non. Laval, pour l’instant, c’est une réussite, et j’espère que ça durera, car j’en suis très content.

« L’architecture n’a pas voulu de moi, alors je me suis dirigé vers le foot ! »

Votre carrière de joueur, elle aussi, est riche : quel est votre regard dessus ?

Photo Philippe Le Brech

Finalement, je pense qu’il y a des similitudes entre ma carrière de joueur et d’entraîneur… Jeune, j’ai démarré à Toulouse, dans un club formateur. Si on remonte au départ, à 17 ans, j’ai eu l’embarras du choix. A l’époque, je jouais à Aix-en-Provence, et je pouvais signer à l’Olympique de Marseille. Le directeur du centre de formation de l’OM, Gérard Gili, était venu voir mon père pour lui expliquer qu’il voulait me recruter. Il y avait plusieurs clubs, Nice, Sochaux, Toulon et quelques autres. Mais j’ai choisi Toulouse car c’était un club formateur. J’ai passé une semaine là-bas, rencontré le formateur. En 1988, il y avait une personne qui gérait le centre et gérait tout. C’était Serge Delmas, qui a été une rencontre, un formateur reconnu, quelqu’un de dur aussi. Après cette semaine, je me suis dit que je pouvais réussir dans cet environnement, dans ce club. A Marseille, je pensais que ça pouvait être plus difficile. J’avais la chance à Toulouse de pouvoir poursuivre mes études, mon bac, le tronc commun, un BTS. Tout était réuni pour que je sois épanoui.

Le regret que j’ai dans ma carrière, c’est de ne pas avoir pu jouer un peu plus en Ligue 1. J’ai joué 50 matches en Ligue 1, j’ai eu la joie de connaître 3 sélections en équipe de France Espoirs avec des futurs champions du monde, Zidane, Dugarry, Thuram et autres. Ma seule déception, c’est quand Toulouse est descendu en deuxième division, ça m’a aussi amené à jouer en D2. Après, comme je n’attendais pas d’être en fin de contrat pour prolonger dans les clubs, je ne voulais pas rater de préparations. J’ai toujours privilégié l’intérêt sportif plus que financier, en voulant être présent dès le début de la prépa. C’est pour ça que dans mon métier, j’essaie au maximum d’avoir mon équipe au premier jour, même si je sais que ce n’est pas possible. Je trouve que c’est une étape importante dans l’adaptation, l’assimilation. A mon époque, j’aurais pu, parfois, prendre le temps d’attendre, de refuser, quitte à me retrouver au chômage un temps, mais je n’ai jamais voulu faire ces choix-là. C’est pour ça que je suis resté dans mes clubs assez longtemps.

Il y a un paradoxe dans votre profil, ou presque : vous avez voulu finir vos études en tout début de carrière, et en même temps, France Football vous présentait comme l’héritier du libéro Maxime Bossis. Vous auriez pu ne pas être pro, comme être capitaine de l’équipe de France !

Photo Philippe Le Brech

Capitaine, peut-être pas ! Mais c’est vrai. Il y a deux choses importantes ; moi, au départ, je voulais être architecte. A 16 ans, j’avais deux passions, le dessin et l’architecture, et le football. J’ai présenté une candidature pour intégrer l’école d’architecture de Marseille. Le dossier avait été rejeté et ça m’avait fortement vexé. L’architecture ne voulait pas de moi. A 16 ans – maintenant ça me paraît stupide comme réflexion -, mais à 16 ans, j’avais dit « puisque c’est comme ça, je vais faire carrière dans le football et m’investir là-dedans. » La seconde chose, c’est qu’à Toulouse, quand j’ai commencé à jouer, à l’époque, on évoluait avec un libéro, décroché derrière la défense. En première division, j’étais le seul jeune joueur à jouer comme ça, dans ce registre. Généralement, c’étaient des joueurs d’expérience, Laurent Blanc, Maxime Bossis… Il fallait une certaine intelligence, une grande maîtrise, du calme, du caractère. On était vraiment le dernier défenseur, plus bas que les autres; ça m’a permis d’avoir ces sélections en Espoirs. Mais il y a eu un changement tactique avec le passage en zone, on n’était plus sur du marquage individuel, et peut-être que ça ne correspondait moins à mes qualités au haut niveau. Maintenant, je pense que si Toulouse était resté en Ligue 1, j’aurais joué plus de matches en L1. J’avais eu quelques contacts à mes débuts avec des équipes comme Monaco, mais voilà, c’était un autre football, une autre époque, il n’y avait pas les transferts comme maintenant. Donc voilà, pour les études c’était ce côté-là, et pour la carrière, je pense que c’est l’évolution du jeu qui a fait que, finalement, j’ai plus joué en deuxième division, et j’en suis fier.

Entraîneur-joueur en réserve à Créteil

Il y a un peu un côté architecte chez un entraîneur : comment s’est faite la bascule définitive vers le métier de coach, quelques années plus tard ?

Photo Philippe Le Brech

Je pense qu’un entraîneur, c’est aussi un architecte, qui monte une équipe – on parle de fondations, effectivement -, il y a des figures géométriques, voilà. Il y a des similitudes. Alors il faudrait beaucoup de temps pour les expliquer, mais je pense qu’effectivement, il y a certainement un peu de ça. Comment j’ai basculé ? C’est très simple. En 2003, je suis en Ligue 2 à Créteil, je suis plutôt en fin de carrière, j’ai eu la chance de ne quasiment être blessé, de jouer beaucoup, et puis je commence à avoir des douleurs articulaires, au genou, à la hanche, et à être moins compétitif. Le football est en train d’évoluer, ça va un peu plus vite, j’ai un peu plus de mal, je le sens au fond de moi. Je m’étais toujours dit que j’arrêterais ma carrière en Ligue 2 au minimum. Jouer en National, N2, N3, jusqu’à 40 ans, ça ne m’intéressait pas.

Comme je n’étais pas titulaire le week-end, pour garder la forme j’allais souvent jouer en réserve, et puis toute ma carrière j’ai passé des formations, des diplômes d’entraîneurs, pour m’occuper. Mais, sincèrement, plus car ce sont des formations accessibles avec l’UNFP. Quand vous êtes joueur, vous avez des facilités, donc j’ai passé pas mal de diplômes pour ma curiosité, à titre personnel, en me disant « on ne sait jamais, ça pourra toujours servir ». Arrive la trêve, j’ai un entretien avec l’entraîneur du club Jean-Michel Cavalli, qui me dit « Olivier, il te reste 6 mois, on ne compte plus sur toi sportivement, par contre on pense que tu as la fibre pour entraîner. Tu as passé tes diplômes, on te propose un challenge : si tu sauves l’équipe réserve, si tu les maintiens, on te fera un contrat d’entraîneur derrière et un poste de directeur technique de l’association. »

J’ai pris une semaine de réflexion, et j’ai dit « allez, je tente le coup. » Je donne mon accord, et ce qui est marrant dans l’histoire, c’est que quand il a fallu être concret, s’organiser, avoir un staff, Jean-Michel Cavalli m’a dit « mais pourquoi tu ne joues pas ? L’objectif c’est de te maintenir, la meilleure recrue c’est toi » Et donc, pour ma première expérience, j’étais entraîneur-joueur. Je me souviens être passé sur RMC un soir avec Jean-Michel Larqué, sur Larqué Foot, pour parler de ça. Ils disaient que ça paraissait insensé comme challenge, car à l’époque, c’était rare de voir un joueur encore en activité en L2 devenir entraîneur de la N3. D’ailleurs en Ligue 2, je ne sais pas si ça s’est déjà vu.

Le début d’une aventure, finalement…

La difficulté pour moi était de jouer et d’entraîner. Une fois que j’avais intégré ça, je jouais en défense, et ça me permettait de coacher pendant les matches. Ma priorité a été de dire qu’il fallait que je m’entraîne pour être crédible. Donc je m’entraînais avec les pros le matin, et je coachais le soir. Je ne voulais pas m’entraîner avec l’équipe que j’entraînais; ça a été six mois éprouvants physiquement, car je m’entraînais tous les matins avec les pros, je dirigeais quatre entraînements par soir en semaine, et le dimanche, j’allais jouer avec mon équipe.

Et au bout de deux mois, très rapidement, j’ai eu envie d’arrêter de jouer. Je me suis dit, « bon bah, ça te plaît ». Je ne savais pas où j’allais, et je me suis rendu compte que je ne voulais plus jouer, mais que je voulais entraîner. On s’est maintenu en étant 2es sur mes six mois, et comme promis, je suis devenu coach de la réserve, et directeur technique de l’association.

« Quelque part, ça a toujours été une vocation »

… Et une fin très spéciale de carrière joueur. Comment se sont passés ces six mois ?

Photo Philippe Le Brech

Ce fut une forme de frustration. Mon dernier match de joueur, je l’ai fait dans la totale indifférence, sur un match de National 3. On ne jouait même pas à Créteil, à cause d’un problème de pelouse, on a joué au Stade d’Ormesson devant 150 personnes. Je n’ai même pas pu le faire à Duvauchelle, devant mon public. J’ai raccroché les crampons dans une indifférence totale. Avec cependant le sentiment du devoir accompli, car on avait maintenu la réserve.

Et 20 ans plus tard, après ces 150 personnes, vous obtenez un maintien fou comme coach avec Laval. La boucle est bouclée ! Pour conclure, quel est votre regard sur votre carrière au sens large ?

Sportivement, c’est une carrière riche. Et j’espère qu’elle va durer encore longtemps. Maintenant, je vais avoir 52 ans (le 27 septembre), donc on a forcément du recul, on peut analyser un petit peu, et je me rends compte que très jeune, quand on jouait au foot avec mes frères au quartier à Vitrolles, j’étais déjà celui qui organisait les équipes (rires). J’avais des cahiers d’entraînements, pendant les vacances, je faisais des programmes d’entraînements pour l’équipe du quartier. Je me  souviens qu’il fallait que tout le monde soit habillé pareil, j’étais déjà rigoureux ! J’ai retrouvé certains de ces cahiers d’ailleurs. Et je pense que quelque part ça a toujours été une vocation.

En mai 2022, après le match de la montée en Ligue 2 du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Après, dans la vie, ce sont des opportunités. Car très sincèrement, un an avant d’arrêter de jouer, je ne savais pas ce que j’allais faire, je m’interrogeais sur mon après-football. Je n’avais pas forcément envie de devenir coach professionnel. Car pour être honnête, je voyais mes entraîneurs souffrir, qui se décomposaient, qui fumaient beaucoup sur le banc, qui étaient marqués après les défaites, et je trouvais que c’était un métier difficile. Nous joueurs, on avait la possibilité de travailler sur nos corps, alors que coach, ce n’est que du mental. Ce côté-là ne m’attirait pas trop, j’étais plus parti sur la formation. Mais voilà, les choses n’arrivent jamais par hasard. Si j’ai passé mon BEPF, si j’ai eu cette volonté, si je m’en suis donné les moyens, c’est parce que j’aime la compétition, l’envie de progresser, c’est important pour moi, c’est mon moteur, ce qui me fait avancer.

Sous le maillot du Toulouse FC. Photo DR

Quand on a une réussite collective comme coach, ou qu’on a des joueurs comme Dembo Sylla, qui sort de la N3 et signe en Ligue 1, Simon Elisor, qu’on relance et qui signe à Metz en L1… J’ai eu la chance d’avoir Nicolas Pépé à ses débuts à Orléans, Emiliano Sala totalement méconnu et qui a lancé sa carrière, un garçon comme Medhi Boudjemaa qui fait une belle carrière à l’international alors qu’il ne jouait pas à Guingamp, eh bien on a aussi cette fierté de se dire qu’on aura compté pour des jeunes joueurs, d’avoir été importants dans leur parcours. Je vous dis ça parce que j’ai appris la disparition d’un de mes entraîneurs en jeunes à Aix-en-Provence, qui est décédé, et j’ai eu son fils qui m’a dit « C’est marrant parce qu’on ne se connaît pas, mais mon père disait que tu étais une de ses plus grandes fiertés, de voir ton parcours. »

Et je me dis que, maintenant, je suis de l’autre côté, et certainement que ça donne du sens à tout ce qu’on peut faire. Donner de la joie aux supporters quand on réalise des performances, qu’on gagne des matches, des derbys… Quand on obtient un maintien comme ça à la dernière seconde l’an passé, avec des milliers de supporters de Laval qui ont vécu des émotions dont ils se rappelleront pendant des années, qu’ils raconteront à leurs enfants, petit-enfants, qui diront « j’étais là ce jour-là avec mon père », eh bien quand on se rend compte de tout ça, ça donne du sens à ce métier difficile et qui le devient de plus en plus. Mais il y a des gens pour qui on a compté, et ça c’est important.

Olivier Frapolli, du tac au tac

En mai 2022, après le match de la montée en Ligue 2 du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Votre meilleur souvenir de joueur ?
Mon premier match en professionnel : en L1 contre le PSG au Parc des Princes.

Votre pire souvenir de joueur ?
Ma blessure à Nîmes en L1 au pneumothorax.

Le coéquipier le plus fort côtoyé ?
Zinedine Zidane avec l’équipe de France espoirs.

L’adversaire le plus fort affronté ?
Georges Weah.

Un président marquant ?
« Papy » Delsol, le président emblématique du TFC.

Un match en état de grâce ?
Un Créteil-Toulouse en Ligue 2 : j’avais marqué le but de la victoire.

Sous le maillot du Toulouse FC, en D1, à Monaco. Photo DR

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Vincent Candela : pas vu depuis nos années TFC.

Un stade mythique ?
Le Stade Vélodrome, la saison où l’OM gagne la Ligue des champions : ambiance magique.

Un coach marquant ?
Daniel Zorzetto à Beauvais.

Une anecdote de vestiaire ?
Une victoire lors de la dernière journée de championnat avec Toulouse, contre l’OM, qui venait de remporter la Ligue des champions. Ils étaient venus à Toulouse avec le trophée pour nous faire partager ce grand moment ! Les deux équipes s’étaient retrouvées après le match dans une discothèque de Toulouse. La soirée avait été très « chaude » …. Je n’en dirai pas plus !

Avec les Espoirs ! Vignette Onze Mondial

Meilleur souvenir de coach ?
Le maintien en Ligue 2 la saison dernière lors de la dernière journée à Amiens.

Pire souvenir de coach ?
Le match à Bordeaux, le 20 mai 2022, seulement quelques jours après le décès de mon père.

Le joueur entraîné qui vous a le plus impressionné ?
Nicolas Pépé, à Orléans en National, saison 2015/2016.

Un match où tout a roulé pour vous ?
La victoire contre Valenciennes à 9 contre 11 la saison dernière. Un match héroïque avec un coaching « parfait ».

Votre style de jeu ?
J’essaie toujours de conjuguer émotions et résultats : j’aime la verticalité, l’intensité et le football engagé.

Un modèle de coach ?
Roberto De Zerbi (l’entraîneur de Brighton, en Premier League).

Un collègue que vous appréciez dans le milieu ?
Dans la division, j’ai une affection particulière pour Laurent Guyot et Didier Santini.

Des hobbies en dehors du foot ?
Le sport (running, vélo) et le cinéma.

Ligue 2 BKT (5e journée) / Samedi 2 septembre 2023 : Stade Lavallois (6e / 6 points) – SM Caen (1er / 12 points), à 19 heures, au stade Francis-Le Basser.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos : Philippe Le Brech

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