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Un an après avoir découvert le National 2 avec le Racing-club de France, le milieu de terrain de 27 ans, qui a aussi connu la vie active, a signé son premier contrat pro l’été dernier au Paris FC (L2), où il enchaîne les titularisations. Une trajectoire source d’inspiration. Comme quoi, rien n’est jamais fini !

C’est l’une des belles histoires de cette première partie de championnat en Ligue 2. Il y a encore quatre ans, Adama Camara évoluait en Régional 2 avec Montfermeil (93). Et jusqu’au début de la saison dernière, il était encore dans la vie active et travaillait en parallèle du foot.

Mais tout s’est accéléré ces derniers mois pour le milieu de terrain de 27 ans, originaire de Neuilly-sur-Marne, qui a signé en juin un premier contrat professionnel de 2 ans avec le Paris FC (L2) en provenance du Racing-club de France (National 2).

Gilli : « Il dégage une grosse sérénité »

Depuis sa remontée en L2 en 2017, le club parisien a souvent révélé à ce niveau, des joueurs issus du monde amateur, aux parcours atypiques, comme Cyril Mandouki (ancien surveillant de collège), Ousmane Kanté (ancien agent d’accueil à la Sécurité Sociale), Samuel Yohou (ancien standardiste au club), Thomas Delaine (ancien jardinier), Souleymane Karamoko ou encore Migouël Alfarela (ancien maçon).

Adama Camara, qui a disputé 17 matchs (10 titularisations) sur 19 de la phase aller cette saison, perpétue cette tradition de joueurs venus « d’en bas » dans le deuxième club de la Capitale. « Adama dégage une grosse sérénité par rapport à son parcours, estime son entraineur Stéphane Gilli. C’est un tout jeune dans le milieu pro mais il n’est pas jeune en termes de maturité. Il a une expérience de vie qui fait qu’il relativise pas mal de choses. »

Interview

« Ce n’est que le début ! »

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
J’ai signé mon premier contrat pro à 26 ans. Je pense que mon histoire peut servir d’exemple pour les plus jeunes. Elle prouve que rien n’est jamais fini, même si on ne part pas en centre de formation ou si on n’est pas conservé dans un club pro. Tu peux faire tes saisons en National 2, te faire remarquer et rebondir. Le foot, ça peut aller vite. Quand on a eu mon parcours, quand on est allé chercher ça tout seul, on apprécie encore davantage ce qui nous arrive.

Plus jeune, aviez-vous effectué des essais pour partir en centre de formation ?
J’ai évolué dans de nombreux clubs du 93, Neuilly-sur-Marne, ma ville, puis Gournay, Gagny et Montfermeil, de U16 jusqu’en seniors, où est monté de R4 en R2. Mais je n’ai jamais eu de propositions. Quand j’étais à Montfermeil, j’ai juste pu effectuer des essais à Lorient en U19 et à Saint-Étienne en seniors. Pour moi, ça s’était bien passé. Mais je n’ai pas eu de vraies réponses. Il n’y a pas eu de suite, je ne sais pas pour quelles raisons… Dans ma génération à Montfermeil, beaucoup sont devenus pros comme Prosper Mendy, Joris Gnagnon ou Aïssa Laïdouni. Ce sont des parcours qu’on regarde. Aïssa Laïdouni, c’est forcément un exemple inspirant. Il est parti de bas, il a eu un parcours atypique, il a tout eu dans sa carrière, avant de connaître la CAN et la Coupe du monde avec la Tunisie, puis la Ligue des Ligue des champions avec l’Union Berlin.

En 2018, vous aviez même tenté l’aventure américaine…
Oui, je suis parti à Georgia Revolution, un club qui évolue dans l’équivalent de la 4e division là-bas. Mais je n’y suis resté que trois mois. Le but était de faire des matchs pour être remarqué par des équipes de MLS. Mais entre ce qu’on m’avait dit au départ et la réalité, il y avait une grosse différence. Je suis donc rentré à Montfermeil.

« Faire des petits boulots à côté était une nécessité »

Malgré tous ces échecs, l’objectif de devenir pro, a-t-il toujours été présent dans un coin de votre tête ?
Oui, j’ai toujours eu l’objectif de monter en haut, même si ça prenait un peu de temps. J’y ai toujours cru malgré le temps qui passait. Mes parents viennent du Mali, ils sont un peu loin du foot. Mais depuis que je suis tout petit, ils ont vu que j’étais foot, foot, foot…Donc, ils m’ont soutenu. Mes proches aussi ont toujours cru en moi. Beaucoup se demandaient pourquoi je n’y étais pas encore arrivé. Mais j’ai toujours travaillé à côté du foot. J’ai quitté l’école tôt, l’espoir de devenir pro était quand même assez lointain, donc avoir des petits boulots était une nécessité.

Dans quels secteurs avez-vous travaillé ?
J’ai commencé à travailler tôt chez Pizza Hut. J’ai été ensuite facteur à la poste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), chauffeur de bus dans le secteur de Val-d ’Europe (Seine-et-Marne) puis livreur pour le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis jusqu’à mes 25 ans. Le job à côté, c’était obligé car ce n’était pas avec le foot que je gagnais ma vie. Mais ces expériences m’ont enrichi. Quand on a connu la vraie vie comme moi, ça permet de relativiser beaucoup de choses. Il n’y a que depuis le début de la saison 2022-2023, quand on est monté en National 2 avec le Racing, que je ne fais que du foot à 100 %. Ça change les choses.

« J’ai quand même bien été ralenti par la Covid »

Vous n’avez découvert le niveau national qu’à 23 ans en signant à Noisy-le-Grand qui était promu en N3…
La saison d’avant, Noisy-le-Grand avait réussi un beau parcours en Coupe de France (16e de finale à Bastia) et était monté. Je n’avais connu que la R2 en seniors avant et j’ai passé un cap à Noisy-le-Grand. J’ai vu ce que c’était que le niveau national. Individuellement, je pense avoir réussi une bonne saison. Mais malheureusement, on est redescendu en Régional 1. On était relégables quand les championnats se sont arrêtés à cause de la Covid. Ça a été dur car on revenait bien. On aurait eu les moyens de se maintenir. Ensuite, j’ai signé au Racing, toujours en National 3. On était bien partis avec 5 victoires et 1 nul mais la saison s’est encore arrêtée en octobre à cause du virus : j’ai quand même été bien ralenti avec la Covid.

Vous avez ensuite explosé au Racing…
L’entraineur Guillaume Norbert connaît très bien le foot. Il est proche des joueurs. Il ne va pas aller recruter des noms. Il préfère s’attacher à la mentalité des joueurs, prendre des mecs qui viennent du bas et qui veulent aller en haut. On était beaucoup dans l’équipe à avoir cet état d’esprit. J’ai vécu trois belles saisons au Racing. La première a été arrêtée, mais lors de la seconde on a survolé le championnat et on est monté en National 2. Collectivement, on était vraiment forts. La saison dernière, on a été à la lutte pour l’accession en National avec le FC Rouen, ça s’est joué à des détails. C’est dommage de n’avoir pas pu connaître une deuxième montée tous ensemble avec ce groupe.
C’est la saison dernière que les équipes de Ligue 2 et de National ont vraiment commencé à vous suivre.

Comment l’expliquez-vous ?
Moi, fondamentalement, je n’ai pas l’impression d’avoir changé dans mon jeu. J’étais pareil qu’en N3, toujours dans le même registre. Après, peut-être que me consacrer uniquement au foot a joué. Quand on travaille à côté du foot, ça pompe quand même de l’énergie. Après entre le National 3 et le National 2, il y a quand même une grosse différence en termes de visibilité. Je pense qu’on était même meilleurs en N3. Mais il y n’y a que Moustapha Sangaré (à Amiens) qui est parti la première saison. En N2, on a eu davantage de sollicitations. On a réussi des gros scores, on marquait beaucoup de buts, donc ça a forcément attiré les recruteurs. On est deux à être partis en L2, moi au Paris FC, et Vénuste Baboula à Quevilly Rouen. Trois autres ont signé en National : Adama Niakaté et Arnold Vula, tous les deux à Orléans. Merwan Ifnaoui, avait, lui, signé en janvier au Red Star.

« C’est important de se sentir chez soi »

A part le Paris FC dont la cellule recrutement vous suivait depuis plusieurs mois, aviez-vous eu d’autres sollicitations ?
J’avais Annecy et Dunkerque en L2, et la moitié des clubs de National. D’où je viens, Annecy et Dunkerque, j’aurais pris tout de suite. Mais quand le Paris FC s’est manifesté, je n’ai pas hésité. Je suis Parisien, donc il n’y a rien de mieux que de jouer pour un club parisien. Je suis du 93, j’habite maintenant à Orly où est situé notre centre d’entraînement, donc c’est important de se sentir chez soi. Je n’ai pas trop eu à bouleverser mes habitudes. Je suis resté près de ma famille. Dans les tribunes, j’ai toujours plus d’une dizaine de mes proches qui viennent me soutenir. Ça donne de la force.

Vous attendiez-vous à jouer autant pour vos débuts en Ligue 2 ?
J’ai confiance en mes qualités et j’ai travaillé pour ça. Même si je viens du dessous, je savais que j’aurais ma chance. Je me suis bien acclimaté et la préparation s’est bien passée. Il m’a fallu un temps d’adaptation mais j’ai toujours figuré dans le groupe. Après, j’ai aussi profité des blessures (notamment celles de Lohann Doucet prêté par Nantes) pour enchaîner les titularisations. Sur le terrain, je me suis senti de mieux en mieux. On a un bon groupe qui n’a jamais lâché malgré les mauvais résultats. Maintenant, on a retrouvé une bonne dynamique.

Qu’est ce qui change le plus par rapport au N2 ?
Individuellement, les joueurs sont meilleurs en L2, donc dans le jeu, ça va plus vite, il y a davantage d’intensité. Mais ce qui change le plus, c’est tout ce qu’il y a autour, les stades, le public, la médiatisation.
Justement, comment passe-t-on de quelques centaines de spectateurs à des stades remplis comme quand vous avez joué le 4 novembre dernier devant 35 000 spectateurs à Geoffroy-Guichard ?
C’était une grande première pour moi, comme jouer à 15 heures en direct sur BeIN dans le match phare de la journée. Geoffroy-Guichard, c’est vraiment un stade mythique. On joue au foot pour connaître ces ambiances. C’était impressionnant à la reconnaissance terrain, on entendait siffler. Mais une fois que le match est lancé, on oublie tout ça et on joue. Ce jour-là, on a gagné (1-0) donc c’était encore plus fort comme sensation.

Comment voyez-vous la suite. Pensez-vous à une sélection avec le Mali ?
Je suis d’origine malienne donc forcément, ce serait un rêve d’être appelé. Mais pour le moment, je n’ai pas été approché. Après, à mon poste, c’est un peu compliqué. Au milieu, il y a des joueurs comme Cheick Doucouré (Crystal Palace), Mohamed Camara (Monaco) ou Amadou Haidara (RB Leipzig) … Mais quand on vient du bas comme moi, il ne faut pas se fixer de barrières. Ce n’est que le début. j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats.

Au Racing, il y a votre petit frère Ibrahim (23 ans) qui joue au même poste que vous. Peut-il suivre vos traces ?
Oui, car il est plus jeune que moi, il joue en N2 et a déjà un très bon niveau. Moi, j’ai découvert le N2 à 25 ans…Il a donc une plus grosse marge de progression que moi. Il était à Neuilly-sur-Marne en Régional 1 la saison dernière et il a fait deux montées de R2 à N3 avec le club de notre ville. Je le suis à fond. Malheureusement, le Racing joue aussi le samedi, comme nous, donc je n’ai pas pu encore aller les voir.

Adama Camara, du tac au tac

Meilleur souvenir ?
Ma signature au Paris FC. C’était la concrétisation de mon travail.

Pire souvenir ?
La descente en R1 avec Noisy-le-Grand.

Combien de buts marqués ?
Dans les championnats nationaux, 3 à Noisy-le-Grand et 14 en trois saisons avec le Racing. A Montfermeil, beaucoup mais je jouais plus haut, en 10, dans un 4-4-2 en losange. Je suis un milieu qui a l’habitude de marquer. J’attends maintenant mon premier but en L2 ! J’ai failli marquer contre Concarneau, j’avais dribblé le gardien… Quand j’aurai enfin marqué ce premier but, ça va en déclencher d’autres…

Le plus beau but ?
Contre Meaux en National 3. On gagne 5-0 et je mets un doublé. Le premier, je dribble deux joueurs puis le gardien. Le deuxième, c’est une frappe de loin.

Votre meilleur match ?
En National 3, contre Meaux et Blanc-Mesnil. En National 2 la saison dernière, j’ai été pas mal à Caen, Guingamp, Rouen et Beauvais. Cette saison en Ligue 2, je dirais Bastia et individuellement Bordeaux même si on perd à la 94e minute (1-2).

Votre pire match ?
Cette saison en L2, je dirais Angers (défaite 2-0). Collectivement, on est passé un peu au travers et moi je n’avais pas fait un bon match. A Guingamp, on gagne 1-0 mais j’étais moins bien aussi.

Qualités et défauts ?
La vision du jeu. Je suis un joueur d’équipe. Je donne tout pour l’équipe. Après, je dois progresser physiquement et être plus décisif.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
En 2021-2022, quand on monte de N3 en N2 avec le Racing. On termine avec 11 points d’avance, la meilleure attaque et la meilleure défense. Moi, j’avais mis 7 buts.

Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
Plus jeune, le Barça. Maintenant, j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats. Ce n’est pas un rêve, c’est un objectif.

Un stade et un public qui vous a marqué ?
Forcément Geoffroy-Guichard cette saison avec le Paris FC. En National 2, le stade Robert Diochon à Rouen. C’est la première fois que je jouais devant autant de monde. On voit que Rouen, c’est un club populaire.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Cette saison au Paris FC, Ilan Kebbal. Il est trop fort. Au Racing, Abdelrafik Gérard. Je me suis surtout entrainé avec lui car malheureusement, il s’est blessé. Au Racing, je citerais aussi Merwan Ifnaoui, Vénuste Baboula et Adama Niakaté.

Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Adama Niakaté au Racing pendant trois saisons. Au milieu, on formait la paire idéale. Comme moi, il vient du bas (Cergy-Pontoise, R1) et comme moi il est devenu pro cette saison à Orléans (National).

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Cette saison, j’ai bien aimé Himad Abdelli d’Angers. Gauthier Hein d’Auxerre aussi.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
A Montfermeil, Abdelaziz Kaddour. Au Racing, forcément Guillaume Norbert. Si j’ai signé pro, c’est grâce à lui. Il m’a fait progresser et m’a toujours dit « J’ai une totale confiance en toi ». J’ai une anecdote sur mon arrivée au Racing en 2020. Quand on a joué contre eux en N3 avec Noisy-le-Grand, un coéquipier me dit : « Le coach du Racing t’apprécie, il veut te faire venir. » J’ai gardé ça dans un coin de ma tête. La saison s’est arrêtée avec la Covid et en juin, je cherchais un club. J’ai donc appelé Guillaume, je lui ai laissé un message en me présentant. Mais il ne m’a jamais rappelé. Je ne suis pas du genre à insister donc j’ai laissé tomber. C’est son adjoint qui m’a contacté quelques jours plus tard. En fait, c’est lui qui voulait me faire venir, pas forcément Guillaume ! Je suis venu à une séance et j’ai signé. Avec Guillaume, on en rigole quand on y repense. Au Paris FC, on a un coach, Stéphane Gilli, qui est très proche des joueurs. Il y a aussi tout son staff. C’est un autre monde par rapport au Racing où presque tout reposait sur Guillaume Norbert.

Vos amis dans le foot ?
A Paris, je connais beaucoup de monde… Mes vrais amis, ce sont mes anciens coéquipiers du Racing. On était une vraie bande de potes. On est toujours en contact.

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Je suis en contact avec Aissa Laïdouni via les réseaux.

Vos modèles dans le foot ?
A mon poste, des joueurs comme Iniesta, Thiago Motta et Yaya Touré.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis très casanier. Je reste à la maison, je me repose, je fais des siestes. Je rentre aussi souvent chez mes parents, je vois mes petits frères. Je suis très famille.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
La vie active, je connais. J’aurais continué à travailler tout en jouant au foot.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Mon histoire montre que tous les rêves sont permis dans le foot. Je viens du milieu amateur mais je n’ai encore rien vu qui m’a vraiment choqué.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Paris Football-club

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Le Brestois, arrivé sur le tard à l’âge de 24 ans dans le monde pro à Guingamp, et révélé dans les années 2010 à Plabennec en CFA et en National, prend toujours autant de plaisir à 37 ans à Saint-Brieuc, en N2, où il prépare également sa reconversion.

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Entretien réalisé avant le match de la 12e journée de National 2 entre le Stade Briochon et l’US Granville (0-0).

Christophe Kerbrat est né à Brest, supporte le Stade Brestois, mais n’y a jamais joué. Car c’est à une quinzaine de kilomètres de là qu’il est né au football, au Stade Plabennecois. À « Plab », pour les intimes. Là où il a enfilé ses premiers crampons, avant même l’âge légal pour obtenir une licence : « Je jouais au foot dans le jardin, à la maison, puis quand j’ai été en âge de prendre une licence, je me suis inscrit à Plabennec, là où mon père et mon frère ont joué aussi. »

Le Finistérien domicilié à Morlaix n’a même jamais affronté le Stade Brestois en compétition officielle ni d’ailleurs porté aucun autre maillot que celui de Plabennec… dans son département ! « J’ai juste joué contre eux en matchs amicaux. C’est le club de chez moi, donc c’est particulier. Ce n’est pas un regret, c’est comme ça. Mais j’aime bien l’atmosphère du stade Francis Le Blé. J’aime bien aller au match, mes neveux y jouent maintenant. »

Attaquant puis milieu puis…

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

En revanche, Christophe Kerbrat – prononcer le « t » de Kerbrat – a porté pendant neuf saisons (2011 à 2020) celui du voisin des Côtes-d’Armor, l’En Avant de Guingamp, pour son unique passage chez les pros (dont 6 saisons en Ligue 1 tout de même !), avant de « terminer » sa carrière, toujours dans le « 22 », au Stade Briochin, qu’il a rejoint en 2020 en National, et où il continue aujourd’hui, à 37 ans, d’apporter son expérience en National 2.

C’est donc bien à Plabennec, et non pas à Brest, que tout est parti pour celui qui avait commencé attaquant, puis excentré droit, puis numéro 6 en National sous l’ère Franck Kerdilès avant de reculer au poste de défenseur central, sur les conseils de Jocelyn Gourvennec à Guingamp. Une bonne intuition de l’actuel coach des Canaris de Nantes, qui avait repéré ce vif et actif milieu défensif lors de la saison 2010-2011 en National, lors des matchs Plabennec-Guingamp. Et si le baptême du feu au poste de stoppeur, deux ans après son arrivée à l’En Avant, fut un très mauvais souvenir – « C’était pour mon premier match de Ligue 1 contre Marseille, on perdait déjà 3 à 0 au bout d’une demi-heure… » -, la suite fut bien meilleure, avec notamment un succès en finale de la coupe de France en 2014, face à Rennes, au Stade de France (2-0). Son meilleur souvenir, comme il la raconte un peu plus loin dans l’interview « du tac au tac ».

Retour en National, 9 ans après

Avec Saint-Brieuc. Photo Philippe Le Brech.

Avec les Griffons, où il a posé ses valises en 2020, il a participé aux trois saisons dans l’antichambre de la Ligue 2 BKT. Mais en juin dernier, le stade Briochin est descendu en National 2, malgré une remontée fantastique au classement, amorcée par Karim Mokeddem, n’échouant qu’à deux petits points du premier non-relégable, le FC Bourg-en-Bresse/Péronnas 01, relégué administrativement quant à lui.

Neuf ans après, « Chris » retrouvait donc le National, et mesurait la différence et l’évolution de cette compétition qu’il avait connue avec Plabennec pendant deux saisons (2009 à 2011).

Avec Plabennec, en 2007-08. Photo Philippe Le Brech.

« Tout a évolué ! Alors déjà pour nous, à l’époque, avec Plabennec, c’était une grosse découverte. Il y avait un gros niveau avec Strasbourg, Bastia, Amiens, Reims, Guingamp, Cannes, c’était un VRAI championnat mais là, avec Saint-Brieuc, quand on a joué en national (2020 à 2023), j’ai vu la différence : tous les clubs sont structurés, les terrains sont en meilleur état, les équipes sont au point tactiquement et physiquement. Il y avait déjà de très bons joueurs, comme Jan Koller à Cannes ou Laurent David chez nous. Aujourd’hui, le National tend vers le monde pro. À l’époque, on savait qu’il y avait 4 ou 5 grosses équipes et le reste, ça se « tapait », c’était des matchs couperet. Aujourd’hui, il n’y a jamais un match facile, c’est toujours le combat, c’est un championnat éprouvant : avec Saint-Brieuc, je n’ai pas ou peu de souvenirs de matchs avec plus de deux buts d’écart. »

Et les années « Plab » en National, qu’en garde-t-il ? « Il y avait du monde au stade de Kervéguen, il y avait une atmosphère, on a vraiment fait des gros matchs. C’était difficile de venir chez nous. On avait beaucoup de qualités, il y avait une ambiance de copains, on était tout le temps ensemble et sur le terrain on était des chiens. Les adversaires pouvaient gagner mais il fallait qu’ils soient meilleurs que nous et qu’ils enfilent le bleu de chauffe ! »

Les sollicitations du Finistère

Avec Plabennec, en 2008-09. Photo Philippe Le Brech.

S’il a longtemps cru un repêchage en National possible l’été dernier, surtout après les déboires de Nancy et Sochaux, il a finalement dû se résoudre à repartir au 4e échelon, en N2, toujours avec Christophe Kerbrat, dont les sollicitations n’ont pourtant pas manqué à l’inter-saison. « C’est vrai que la descente n’a pas été évidente à vivre, mais en même temps, on était préparé à ça car on avait vraiment très mal commencé le championnat. On était donc programmé pour vivre une saison comme ça mais j’avoue que jouer la descente, c’est fatigant, encore plus quand c’est avec un club que l’on aime; ça m’a vraiment touché. En plus, après, ça, la gestion de l’intersaison du championnat National a été, pour moi, un fiasco total. Heureusement, chez nous, au Stade Briochin, elle a bien été gérée. »

Avec Plabennec, en 2010-11. Photo Philippe Le Brech.

Tellement bien gérée que Christophe, surnommé « La ker » depuis ses années guingampaises, a rempilé, alors que la plupart des clubs amateurs du coin lui faisaient les yeux doux ! « Beaucoup de clubs du Finistère me courtisaient, raconte-t-il; j’ai voulu rencontrer tout le monde, je suis comme ça, j’aime bien discuter avec les gens. J’ai eu des rendez-vous sympas, avec des belles personnes. À la fin, cela s’est joué entre l’AG Plouvorn en Régional 1 et Saint-Brieuc. Finalement, j’ai décidé de rester avec Guillaume (Allanou, le président des Griffons), qui me propose un plan de reconversion, et le nouveau coach (Roland Vieira), dont le discours a aussi fait pencher la balance. J’ai 37 ans, j’ai encore envie de jouer à un certain niveau même si, à mon âge, je pense à la reconversion, qui est presque plus importante, et aussi à me faire plaisir sur le terrain, au quotidien. Et c’est le cas aujourd’hui au Stade Briochin. J’ai fait le choix de la reconversion, de pouvoir rester dans le sport et de jouer au foot avec un vestiaire au top. J’aime ce mélange dans le groupe, avec des jeunes de 20 ans et des trentenaires. »

Début de saison compliqué

Avec Guingamp, en 2014. Photo Philippe Le Brech.

Quid de sa reconversion ? « Je passe un diplôme universitaire à distance avec l’Université de Lyon dans la gestion des organisations sportives, en parallèle du foot, et j’effectue ma formation avec le Stade Briochin. Avec mon président, on a un plan sur la durée. C’est important d’avoir de la stabilité. »

La stabilité, la continuité, c’est justement ce qui fait défaut aujourd’hui aux Griffons, actuellement 9es sur 14, et dont le début de championnat en N2 s’est avéré compliqué. Au sortir d’une petite série de deux bonnes victoires à Saint-Malo (3-1) et face à la réserve de Lorient (2-1), à laquelle s’est ajoutée une jolie « perf » au 7e tour de la coupe de France face à la Ligue 2 de Concarneau (3-3, 5-3 tab), les joueurs de Roland Vieira, qui semblaient avoir redressé la barre, ont subi trois nouveaux coups d’arrêt, contre Chambly et à Aubervilliers en championnat, et face aux Herbiers (N2) en 64es de finale de la coupe de France (élimination 2-1). « On a mal démarré aussi, mais il n’y a pas eu beaucoup de non-match, sauf à Aubervilliers où on s’est fait manger dans tous les compartiments du jeu (défaite 3-1, 10e journée). Ils nous ont montré ce qu’il fallait faire à ce niveau. Contre Chambly (0-1), on a commis une erreur, ils ont marqué sur penalty… voilà quoi…. Il faut que l’on soit plus tueur dans les deux surfaces. »

« Je ne suis pas un donneur de leçons »

En 2014-15, avec Guingamp. Photo Philippe Le Brech.

Forcément respecté dans le vestiaire pour sa carrière et son palmarès (6 saisons de Ligue 1 et trois de L2 avec Guingamp, une victoire en coupe de France et une finale de coupe de la Ligue), « Chris » sait qu’il tient un rôle important mais lui ne surjoue pas : « Avec Benjamin Angoua (Valenciennes, Guingamp), James Le Marer, qui est là depuis longtemps, Franck L’Hostis, Mickaël Martin et d’autres, on a des joueurs d’expérience. Moi, je ne suis pas un donneur de leçons. Je peux prendre la parole pour mobiliser les troupes ou quand quelque chose m’agace, mais sinon, non. »

S’il s’est retrouvé à Saint-Brieuc après une dernière saison en Ligue 2 avec l’En Avant (2019-20), ce n’était pas son premier choix. A vrai dire, il avait même envisagé de partir à l’étranger : « Je voulais connaître un autre football. J’ai voulu tourner la page de Guingamp et partir, c’est vrai, c’était même un projet familial. Mais à chaque fois, quelque chose n’a pas collé et je n’ai pas pu conclure, que cela soit à Chypre ou en Suisse. Mais je n’ai pas de regret, c’est comme ça. Maintenant, l’étranger, et bien j’y vais, mais en vacances ! »

Christophe Kerbrat, du tac au tac

« Les datas, les schémas, les calculs, ce n’est pas mon truc ! »

Es-tu content de succéder à Herman Koré dans cette rubrique ?
(Surpris) Oui oui ! C’est aussi quelqu’un qui a fait les belles heures de Concarneau. Je le connais de nom.

Avec Plabennec, en 2010-2011. Photo Philippe Le Brech.

Ton meilleur souvenir ?
Forcément, la finale de la coupe de France, remportée en 2014, avec Guingamp, contre Rennes (2-0). Après, il y en a eu beaucoup, comme ce 8e de finale de coupe de France avec Plabennec (en 2010-11) : on était en National et on avait éliminé deux clubs de Ligue 1, Nice chez nous (2-1) et Nancy chez eux (2-0). Malheureusement, je n’avais pas disputé le 8e de finale cotre Auxerre (élimination 4-0) car j’étais suspendu. La coupe, ce sont des émotions particulières. Bien sûr, il y a eu aussi les montées de CFA en National avec Plabennec, la montée en Ligue 1 avec Guingamp, la coupe d’Europe, les trois saisons aussi en National avec Saint-Brieuc même si ça c’est mal terminé.

Pire souvenir ?
Les descentes. Une avec Plabennec en CFA (N2), une avec Guingamp et une avec Saint-Brieuc. Ce n’est jamais facile à vivre, les saisons sont longues… Il y a eu aussi deux éliminations avec Guingamp en demi-finale de la coupe de France (2015 et 2017) et une en 16e de finale de l’Europa League par Kiev, alors qu’on avait largement la place de passer.

Avec Plabennec, en 2010. Photo Philippe Le Brech.

Combien de buts marqués ?
Pas beaucoup ! Deux avec Guingamp et là, je dois être à quatre avec Saint-Brieuc. Avec Plabennec, en revanche, je ne sais pas.

Attaquant, milieu ou défenseur ?
Je jouais attaquant en jeunes et en équipe C à Plabennec aussi. Et au fur et à mesure j’ai reculé. C’est Bernard Maligorne, le coach de Plabennec (avant Franck Kerdilès), qui m’a fait reculer. J’ai aussi joué excentré. C’est là que je suis passé milieu récupérateur. À Guingamp, un jour, il y a eu une hécatombe de blessés et le coach Jocelyn Gourvennec m’a demandé de dépanner derrière. Je n’ai plus quitté ce poste. J’ai pris ça comme une chance. Je ne connaissais pas le poste, donc je me suis dit que j’allais faire du mieux que je le pouvais. J’ai mordu dedans, je ne me suis pas posé de questions… sauf peut-être la première fois, contre Marseille, avant mon premier match : ce soir-là, ça ne s’était pas bien passé, avec une première demi-heure très difficile (l’OM menait 3-0 et s’était imposé 3-1). Mais le coach a conservé sa confiance envers moi : je pense que d’autres à sa place m’auraient fait sauter (sic) ! Mais lui, pas du tout. Et je me suis senti de mieux en mieux. Il m’avait repéré en National, avec Plabennec, on avait fait deux très bons matchs contre Guingamp cette saison là.

Avec Plabennec, en 2010. Photo Philippe Le Brech.

Plus beau but ?
En CFA contre la réserve du PSG. Un corner de Laurent David en retrait et je frappe dans la foulée.

Le match où tu t’es senti le plus fort ?
La finale de coupe de France. On était intouchable. On l’a senti tout au long du match. Il n’y avait pas eu photo.

Le pire match ?
Ce n’est pas un match mais les 30 premières face à l’OM pour mon premier match en Ligue 1 ! A 0-3, on est seul au monde dans ces cas-là, comme un tennisman qui n’est pas dans un bon jour !

Pourquoi as-tu fait du foot ?
Parce que je suis issu d’une famille de sportifs. Mon père jouait au foot, mon frère Sébastien et mon beau frère Didier Ettori jouaient à Plabennec, donc logiquement, j’allais au stade, j’étais tout le temps sur les terrains. Mon frère a un peu joué en équipe première.

Ton geste technique préféré ?
Le tacle ou la transversale.

Qualités et défauts selon toi ?
Défaut, je dirais le jeu de tête, ce n’est vraiment pas ma qualité, en plus, il y a de pus en plus d’attaquants athlétiques ! Mais je compense avec l’anticipation, mon point fort.

Avec Guingamp en 2014. Photo Philippe Le Brech.

Pourquoi n’as tu jamais joué dans un club un peu plus huppé que Guingamp ?
Je ne sais pas… De toute façon, je n’ai aucun regret, ça s’est fait comme ça. Je suis arrivé sur le tard en pro, à 24 ans, donc j’ai joué la sécurité : à chaque fois que j’ai eu une proposition de prolongation de contrat, j’ai sauté dessus. C’était une manière de protéger ma famille. J’ai bien eu une opportunité de signer au Havre avec Paul Le Guen quand on est descendu de L1 en L2 avec Guingamp. Tout était bouclé. Finalement, ça ne s’est pas fait. Mais j’aurais du partir, j’ai fait une erreur de ne pas y aller. C’est comme ça, il ne faut pas regretter, sinon on se morfond. Je suis content de mon parcours.

Avec le Stade Briochin, en 2022/23. Photo Philippe Le Brech.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
La saison 2013-2014 avec Guingamp, et le titre au bout, en coupe. On avait vraiment une équipe, pas les plus grands noms, certes, avec un coach, Jocelyn Gourvennec, qui maîtrisait tout. Cette épopée nous a servis en championnat car on a réussi à se maintenir. La première saison en National avec Plabennec aussi, on était une équipe, l’ambiance, tout ça, il y avait un truc. Et je retrouve un peu ça à Saint-Brieuc, où on a plaisir à se revoir chaque matin, comme une famille.

Milieu pro ou milieu amateur ?
Ce sont deux mondes différents mais au final, la vérité vient toujours du terrain ! En pro ou en amateur, il faut toujours que le mec ait envie de se défoncer pour son coéquipier, il faut le don de soi, l’esprit d’équipe. Je ne suis pas dans l’individualisme. Pour moi, le collectif prime, et au delà de ça, à Saint-Brieuc, il y a un truc différent : ce n’est pas que l’équipe fanion, c’est un ensemble, c’est le club en lui-même, ce sont les éducateurs qui sont multi-taches, ce sont les gens qui travaillent dans les bureaux, les bénévoles qui sont partout, toujours là pour nous qui sommes sur le terrain. C’est une obligation de se défoncer pour tous ces gens-là, qui oeuvrent pour que le foot amateur vive.

Avec Plabennec en 2008-2009. Photo Philippe Le Brech

Ce que ton parcours chez les amateurs t’a apporté ?
Quand j’étais dans le foot amateur, tout le monde me disait que le foot pro, ce n’était pas pour toi : je pense que l’on a un regard un peu fossé sur ce qui se passe dans un vestiaire pro. Quand je suis arrivé dans le vestiaire à Guingamp, c’était des mecs simples, comme à Plabennec, je n’ai pas vu de différence. Et puis Jocelyn (Gourvennec) a fait ce groupe top, donc a transition entre Plab’ et Guingamp s’est faite naturellement; à Plab, je voyais le foot comme un jeu, même encore aujourd’hui à 37 ans, forcément, parfois, il y a de l’adrénaline ou du stress, mais une fois sur le terrain, c’est un jeu. J’ai essayé de ne pas changer, même si je faisais plus attention à l’extra-sportif quand je suis arrivé en Ligue 1, comme la nourriture, le sommeil ou la récupération, mais je n’ai pas arrêté de vivre, j’avais la vie de monsieur et madame tout le monde. Mais le fait d’arriver dans ce milieu, j’ai mis une carapace, je n’allais pas sur les réseaux. Tous ces commentaires, ce n’est pas monde, même si je sais que les critiques, comme se faire traiter de « truffe » après un match, ont pu toucher ma famille. Moi, j’étais dans une bulle.

Avec le Stade Briochin en 2022. Photo Philippe Le Brech

Un stade mythique ?
Le Stade de France, forcément, car jamais je n’aurais pensé y jouer une fois dans ma carrière ! Le parc des Princes aussi même si, quand j’étais petit, j’étais plutôt pour l’OM… mais le Parc, c’est quelque chose quand même.

Un public ?
Saint-Etienne. On sent la ferveur et ça pousse. Lens aussi, même si je n’y ai joué qu’en L2.

Un coéquipier marquant ?
Il y en a plusieurs. D’abord, à Plabennec, c’est l’équipe. Des valeurs que j’ai retrouvées sur mes première saisons à Guingamp. C’était l’équipe au dessus d’une individualité. Après, des joueurs marquants, Clément Grenier, Marcus Thuram, Ludovic Blas, ils ont un truc particulier.

Avec Guingamp en 2012-2013. Photo Philippe Le Brech

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling ?
A Plab’, Steven Coat, on n’avait pas besoin de se parler, on voyait le foot de la même manière, et à Guingamp, Jonathan Martins-Pereira, le latéral droit. Enfin, à Saint-Brieuc, Benjamin Angoua et James Le Marer.

Des amis dans le foot ?
Des vrais amis, il n’y en a pas beaucoup. Mais je me suis entendu avec tout le monde.

Quels résultats regardes-tu en premier ?
Je regarde les résultats de Guingamp, de Plabennec, et de Nîmes car j’ai mon pote Thibault Giresse qui y est (entraîneur-adjoint en National), et ça ne va pas fort en ce moment…

Un adversaire qui t’a impressionné ?
Cavani. Il ne lâchait jamais rien, il fallait toujours être sur le qui-vive. J’admirais sa mentalité.

Une équipe qui t’a marquée ?
Le PSG quand Neymar signe, il dispute son premier match au Roudourou, c’était impressionnant …

Pas l’OGC Nice ?
(rires) Pourquoi ?

Ils ont gagné 7 à 2 une saison à Roudourou (en 2014) …
(Rires) Non même pas ! Et la seule fois ou ce Brésilien, Eduardo, a marqué 5 buts, c’était contre nous, évidemment (rires) !

Avec le Stade Briochin en 2021. Photo Philippe Le Brech

Un coéquipier perdu de vue ?
Jonathan Martins-Pereira. Il est à Lens aujourd’hui (coordinateur sportif). La distance fait que…. Mais ça sera un grand plaisir de le revoir.

Un coach ?
Jocelyn (Gourvennec), je l’ai revu, il est particulier pour moi, c’est lui qui m’a fait connaître toutes ces émotions-là, mais pour en arriver là, il y en a eu d’autres avant lui, comme Bernard Maligorne et Franck Kerdilès, à Plabennec. Aujourd’hui, à Saint-Brieuc, on a un coach (Roland Vieira) qui rentre dans ces valeurs-là, qui ressemble à ce que j’ai connu avant; au niveau des valeurs et de la vision du foot, pas besoin d’en faire des tonnes, j’aime beaucoup. Le foot a pris une tournure différente : les coachs avec lesquels ça a le mieux marché pou moi, ce n’était pas des coachs à « la manette », parce que les datas, les schémas tactiques, tous les discours autour du foot, où tout est calculé, où tout est programmé, c’est ennuyeux. Le foot est un jeu pour moi. Or, je trouve que ce n’est plus assez un jeu. Ce n’est pas mon foot à moi.

Avec Guingamp en 2014. Photo Philippe Le Brech

Tu aurais dû arriver dans le foot 10 ans plus tôt ?
Non mais pour moi c’était très bien ! J’ai connu des top coachs, des top partenaires, donc ça l’a fait ! J’ai réussi à passer entre les mailles de toutes ces statistiques, de toutes ces datas !

Un président marquant ?
Hervé Foll à Plabennec et Guillaume Allanou à Saint-Brieuc.

Un entraîneur que tu n’as pas envie de recroiser ?
(il soupire) Ouep mais euh… trois petit points…

Une causerie marquante ?
Il y en a deux : celle de Jocelyn avant la finale de la coupe de France, où il a su créer quelque chose avec son discours et ses vidéos, et on est arrivé sur la pelouse en étant sûrs de nous mais sans se la raconter, on savait pourquoi on était là, on était serein calme. En plus, Rennes, on les avait battus deux fois dans la saison. Et une de Franck Kerdilès avant le match à Nancy en coupe.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Marcus Thuram.

Avec le Stade Briochin, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Des manies avant un match ?
Quand je savais que ma famille venait au match, j’aimais bien repérer l’endroit où elle était, pouvoir les visualiser avant que le match ne commence, et c’est toujours le cas encore maintenant. C’est une manière de me rassurer aussi de savoir que mes enfants, Nala (9 ans) et Enzo (6 ans), sont là avec leur maman.

Tu es un défenseur plutôt…
(Rires) Malin !

Un modèle de défenseur, de joueur ?
Mes modèles, comme tout le monde, c’est Zidane, mais j’aime beaucoup le Sergio Ramos du Real Madrid, il a tout, il déteste perdre, il apporte sa grinta, il marque des buts. C’était le défenseur le plus complet.

Ta plus grande fierté ?
D’avoir la famille que j’ai.

Un plat, une boisson ?
J’aime tout ! Les pâtes carbonara. Et un bon verre de vin, je me suis mis au blanc !

Loisirs ?
J’aime le padel, sinon, ici, balades en bord de mer et les vacances. Les dernières, au Kenya, ont été extraordinaires, on a fait un safari avec les enfants. L’un de mes meilleurs voyages.

Avec Saint-Brieuc, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Le padel, ce sont les restes du tennis ?
Je préfère jouer au padel, moi qui ai beaucoup joué au tennis, si je m’y remets, je risque d’être une quiche et ça va m’énerver. Le padel est plus ludique, on ne passe pas sont temps à ramasser les balles. C’est fun, j’aime beaucoup l’intensité. Il faut que je trouve du temps pour en faire plus. En plus, c’est un sport d’équipe.

Le tennis t’a aidé pour le football (il a été classé 2/6) ?
Oui ça m’a servi mentalement. Il faut être très fort parce qu’il y a des jours où on est moins bien. Le foot, c’est un sport collectif mais après un match, il y a une remise en question, une autocritique à faire, positive ou négative, et le fait d’avoir joué au tennis, où tout est remis en cause tout le temps, ça m’a aidé là-dessus. Au niveau du jeu, dans l’anticipation, dans les mouvements, ça m’a aidé.

Ton joueur de tennis préféré ?
Nadal. Je ne sais pas s’il va revenir longtemps (rires) mais on a eu la chance de connaître une époque dorée. J’étais petit quand je suis allé à Roland-Garros, j’avais joué sur un court annexe, pas loin du central. J’allais au tournoi de Brest aussi. Mais je ne m’intéresse plus du tout au tennis.

Ciné ? Un film culte ?
Les trois frères, le dîner de con. Aujourd’hui, ce sont plus les films pour les enfants.

Une devise ?
Il n y a pas trop de hasard, les choses qui arrivent, ça se provoque : c’est un peu la devise de notre cocon à la maison, et c’est ce que l’on veut apprendre aux enfants.

Tu regardes le foot ?
Un peu moins la L1 cette année. Je regarde la Ligue des champions. L’autre jour, j’ai regardé OM – Rennes mais j’ai zappé, je ne suis pas allé au bout (rires) !

Tu vas voir des matches à Guingamp ?
Non, mais je regarde les extraits… Mais je ne regarde pas la Ligue 2. J’ai des occupations le samedi quand on ne joue pas. J’ai encore quelques liens avec Guingamp, bien sûr, mais ça a beaucoup changé.
Le dernier match pro où tu as assisté ?
C’était à Brest l’an passé. Je n’y suis pas encore allé cette année.

Le foot, en deux mots…
Sympa et dangereux. Il faut se méfier de tout le monde, même de la personne en qui tu penses avoir confiance. Il ne faut croire que ce que l’on voit. Je dis ça en connaissance de cause, je l’ai vécu à mes dépens. Mais sympa parce qu’il y a des gens extraordinaires dans ce milieu, j’ai fait des rencontres incroyables. J’ai quand même vécu plus de bons moments que de mauvais.

Le Stade Briochin en deux mots…
Familial et travailleur.

Qui voudrais-tu voir te succéder dans cette rubrique ?
Ah ah !!! Allez, James Le Marer !

Désolé, mais ce ne sera pas lui ! Mais on garde l’idée dans un coin de notre tête !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech

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Présent à Pacy-sur-Eure depuis qu’il a 12 ans, l’actuel directeur technique et coach de l’équipe seniors de Régional 1 a tout connu sous le maillot Ciel et Blanc, notamment les campagnes de National quand le club de l’Eure jouait dans la cour des grands. Témoin du passé, il est, à 39 ans, le garant des valeurs et de l’état d’esprit qu’on lui a inculqués.

Reportage : Timothée Coufourier, à Pacy-sur-Eure.

Franck Paillette, le directeur technique du Pacy-Ménilles Racing-club. Photo PMRC.

Franck Paillette a eu plusieurs vies dans le football. Il les a toutes vécues à Pacy. Ses années en jeunes ? À Pacy. Sa carrière seniors ? À Pacy. Ses fonctions d’entraîneur et de directeur technique ? À Pacy aussi ! Impossible de dissocier l’homme de ce club où il a tout connu, où il s’est construit, et où il tente aujourd’hui de transmettre les valeurs que les anciens lui ont apprises.

Novembre 2023. Stade de Pacy-Ménilles. Franck Paillette nous accueille : « Aujourd’hui, quand vous arrivez ici, au stade, il y a toujours un petit qui va vous serrer la main ou vous faire un signe pour dire bonjour. » Le directeur technique et entraîneur des seniors R1 (depuis 2019) ne se trompe pas. C’est exactement ce qui se produit. On a l’agréable impression de faire partie de la famille en croisant tour à tour les jeunes du club, d’une grande politesse. Ce respect démontre l’état d’esprit qui règne au Pacy Ménilles RC, un club « historique » de Normandie, qui continue de prôner la solidarité, l’esprit de famille et la vie associative. Des valeurs qui traversent les générations, parfaitement illustrées par Franck Paillette, 39 ans, dont 27 ans de présence ici !

Des années de National aux épopées en Gambardella, en passant par la reconstruction du club après la relégation administrative en CFA (2011) puis le dépôt de bilan (2012), la formation « made in Pacy Ménilles », l’ancien attaquant symbolise la richesse du club au maillot « ciel et blanc » floqué du château de Ménilles. Il est le témoin du passé. Alors, qui mieux que lui pour parler des années fastes, quand Pacy affrontait Reims, Troyes, Guingamp, Strasbourg, Cannes, Paris FC, Niort, Laval, Amiens, Rouen ou encore Gueugnon ? Qui mieux que lui pour parler du présent ? C’est l’histoire d’une ville de l’Eure de 5000 habitants qui a joué dans la cour des grands…

Interview

« Tu ne peux pas réussir à Pacy sans le bon état d’esprit »

Photo PMRC.

Comment décrire le club de Pacy-Ménilles ?
C’est un club familial où il fait bon vivre. Un mélange entre un projet compétitif et un gros projet associatif et éducatif. La partie éducative est notre priorité même si la volonté de retrouver l’élite sportive est aussi très présente. L’aspect compétitif, j’en parle surtout pour le côté jeunes. On bosse, on a de bons éducateurs, on a insisté sur leur formation. Le gros projet, c’est d’être proche des jeunes. C’est ce qui permettra au club de vivre. Aujourd’hui, le niveau National, comme on l’a vécu avant, comme moi je l’ai vécu puisque j’y ai joué, on en est quand même assez loin. Au-delà de ça il faut les finances. Aujourd’hui, Pacy-Ménilles a retrouvé ses licenciés : on a entre 500 et 550 licenciés, ce que l’on n’avait plus avant. Ça, c’est plutôt bien. On a aussi un président, Hedy Boudjelil, qui est passionné de football, passionné par son club, ambitieux, toujours en quête de progrès. Peut-être qu’on n’y arrivera pas tout de suite mais en tout cas l’ambition est là. On veut retrouver un haut niveau de compétition, aussi bien en jeunes qu’en seniors. Si Pacy-Ménilles joue en National 2 un jour, ce sera beau.

Franck Paillette, le directeur technique du Pacy-Ménilles Racing-club. Photo PMRC.

Cet état d’esprit, ce sont vos éducateurs qui l’inculquent, dès l’école de foot alors…
Vous avez vu les petits qui vous serrent la main ou vous font un signe pour dire bonjour ? Ça fait partie des valeurs. Ça paraît simple, normal, mais ça se perd. Une chose très importante qu’on m’a toujours inculquée depuis je suis au club, ce sont les couleurs, l’identité bleu ciel et blanche. Le rouge ici, c’est interdit ! C’est comme ça. On essaie de transmettre ça. Quand tu viens t’entraîner, tu es en bleu ciel et en blanc. Ce sont des couleurs qui sont portés depuis longtemps. Comme celles du Racing club de France. Peu de clubs jouent comme ça.

Quelles sont vos ambitions dans les catégories de jeunes ?
Pour les U16, on voudrait retrouver le Régional 1, un très beau championnat, super-intéressant. On a l’espoir d’y arriver parce qu’on a quelques générations qui sont bonnes, avec un excellent état d’esprit. Tu ne peux pas réussir à Pacy sans avoir le bon état d’esprit, sans ce côté collectif, sans se « savoir vivre ensemble ». C’est ce qui fait qu’ici, il n’y a que des passionnés. Les éducateurs, ce sont des passionnés du club. C’est pour ça aussi que ça fonctionne. On a une école de foot qui fonctionne, où on a toujours du monde, où l’on souhaite avoir des équipes de qualité. C’est quelque chose de très important. Le but, c’est de pérenniser ça. C’est d’en bas qu’on progresse, en partant des équipes de jeunes, et non l’inverse.

« Le petit poucet qui grandit »

Photo PMRC.

Quels ingrédients ont permis au club de rester plusieurs années en National (de 1998 à 2001 puis de 2008 à 2011)  ?
A l’époque c’est Laurent Hatton et Patrick Vallée qui ont la charge de l’équipe technique et ça fonctionne parce que ce sont des gens du cru. Laurent Hatton, c’est son père qui a créé le club. Il a une connaissance totale de l’environnement. C’est un meneur. Il faut aussi avoir les moyens financiers, savoir s’entourer. Il faut un tas d’ingrédients. Il a fait progresser le club petit à petit et a commencé à fidéliser. Énormément de monde s’identifiait au club. Pacy, c’est le petit poucet qui grandit. Un club qui a fait un petit parcours en Coupe de France, qui avance avec ses moyens. Je dis toujours que c’est difficile car vous ne pouvez pas vivre qu’avec votre passé. Par contre, vous devez être capable de vous en servir, de vous appuyer sur ce qui a été bien fait. En 2023, on ne peut pas refaire la même chose à l’identique parce que les mentalités ont changé, de nombreuses choses ont évolué comme les comportements. La société évolue. Chacun son époque. Celle de Pacy Vallée d’Eure Football (PVEF) était très bonne. On a bien vibré, c’était super et j’aimerais bien revivre la moitié de ça. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus pareil, tu n’avances plus de la même manière. C’est plus compliqué. Mais on connaît les valeurs indispensables et propres à notre club : la solidarité, l’aspect familial et l’aspect associatif.

Le club aurait-il pu s’inscrire davantage sur la durée en National ?
Je pense que ça aurait pu durer. Mais Pacy, c’est un petit village; il y a la partie financière, aussi. Quand on parle d’avoir un gros partenaire, peut-être qu’il en faudrait dix pour arriver à rivaliser financièrement. Dans le contexte actuel, les instances imposent tellement de critères que c’est compliqué. Au club, la majorité des dirigeants ont un travail à côté, ils sont bénévoles, donc ils ne sont pas toujours présents à l’association. A l’époque, on a quand même fini 4e de National et on a vu passer de grands joueurs avec qui j’ai toujours un lien aujourd’hui. Comme Gaël Angoula, actuellement arbitre professionnel, qui est un ami, ou Romain Thomas, l’actuel capitaine de Caen, que j’ai eu encore récemment au téléphone. Si vous leur demandez un avis sur le club, ils vous diront tous qu’ils ont été marqués par Pacy. Parce que Pacy, ça marque.

« Le passé, on ne nous l’enlèvera jamais »

Franck Paillette, lors de la saison 2008-2009 en National. Photo Philippe Le Brech

Vous devez avoir de nombreux souvenirs en tête…
Plein ! J’en ai deux principaux. Le premier c’est avec les U15 DH, quand on est monté en 14 ans Fédéraux. Plus tard, avec les U19 Nationaux, on luttait pour le maintien, et on a gagné la Coupe de Normandie aussi. Et il y a aussi l’année de CFA en seniors avec l’accession en National, lors de la saison 2007-2008, c’était énorme : on était un mélange entre l’ancienne et la nouvelle génération. Des joueurs cadres et confirmés comme Olivier Hameau, Patrick Bisson, Jean-Charles Denoyers et des plus jeunes dont je faisais partie. Le début de saison de CFA avait été un peu chaotique. Puis il y a eu un déclic lorsque nous sommes allés en Guadeloupe pour la Coupe de France, un grand moment ! On s’est pourtant fait éliminer aux tirs au but, d’ailleurs je loupe le mien et ça, je m’en souviendrai toute ma vie. Mais en termes de vie de groupe, c’était fabuleux. Après ça, on a enchaîné de nombreuses victoires, jusqu’au match face à Rouen, dans notre stade, avec 2800 personnes où on l’emporte 2-1 (avril 2008, journée 25). A la fin de la saison, on monte en National ! L’accession, la fête au club, la communion collective… c’était fabuleux ! C’était l’année des accessions puisqu’on est monté avec la réserve et avec les U18 aussi. C’était la montée d’un club. C’est une grosse réussite. On ne nous enlèvera jamais tout ça. Je sais que je n’aurais jamais vécu la même chose ailleurs. Et puis, de le vivre en étant un enfant du club, ça n’a pas de prix. C’était magnifique. Je souhaite à plein de personnes, à plein de gamins du club, de connaître ça. Je garde aussi en mémoire des accessions de Régional 1 à National 3, mais c’était comme éducateur, donc c’est différent.

La photo de famille de l’équipe de National en 2008-2009. Photo Philippe Le Brech.

Les accessions sont souvent les meilleurs souvenirs sportifs…
En CFA, quand on monte en National, je joue mais moins que les années précédentes parce que j’ai une pubalgie. Même blessé, je vis à l’intérieur du groupe. Je me déplace en bus avec les éducateurs, comme à Valenciennes pour le dernier match à l’extérieur (victoire 2-1) et ça ne m’empêche pas d’être boute-en-train, de chanter, et ça montre l’état d’esprit. J’ai des images fabuleuses, des classeurs entiers dans l’armoire de mon bureau avec tout l’historique du club. Lorsqu’on en ouvre un, on ne s’arrête plus de les parcourir.

Des joueurs avec lesquels vous avez partagé ses moments sont toujours au sein du club ? Jean-Charles Denoyers fait partie de l’encadrement du club. Il est avec nous sur les U14. William Dos Santos, responsable des gardiens, a joué dans les cages en National, ça aussi c parlant. On a connu toutes les épopées ensemble. Plusieurs éducateurs actuels ont connu cette époque alors qu’ils étaient de jeunes supporters et venaient voir les matchs de National. Ils jouent maintenant en équipe première, comme Romain Tanty, qui est le responsable de l’école de foot, ou Julien Hiolle, éducateur au club, présent depuis les U7. De manière générale, les joueurs qui passent par Pacy savent où ils se trouvent, ils n’oublient pas.

« Remonter en National 3 serait déjà beau »

L’équipe de Régional 1 seniors, cette saison. Photo PMRC.

Comment avez-vous géré la période de reconstruction après le dépôt de bilan en 2012 ?
Au départ, ça été une reconstruction lente et difficile. Nous sommes passés de 500 licenciés à 150. Il a fallu batailler pour continuer, pour survivre. Il a fallu retrouver des licenciés, expliquer aux gens que le club continuait de vivre, que les équipes de jeunes étaient toujours présentes. Le club est là, le terrain est là. Il a fallu que les municipalités nous aident, nous soutiennent, croient en notre projet et comprennent que la ville de Pacy passait par le foot et son club. On a galéré. On était onze seniors à nous entraîner à la reprise : pour jouer en DH, c’était très compliqué. Il faut réussir à tenir, savoir prendre des claques tout en s’accrochant. Si on a réussi à le faire, c’est parce qu’on a été solide sur l’équipe éducative, qui est la priorité. Sans cet élément, nous n’aurions pas pu continuer. Certains éducateurs ont un vécu, un passé. C’est ce qui fait que le club va avancer. Le reste suit car le foot, c’est un sport populaire qui attire les regards.

Pacy peut-il atteindre à nouveau le National ?
C’est compliqué, même s’il ne faut jamais dire jamais. Mais il faut être réaliste et lucide. Aujourd’hui le club est en Régional 1. Maintenant, ça reste du sport, avec la vérité des résultats, qui fait que c’est que ce n’est pas forcément avec la meilleure équipe sur le papier que cela suffira. C’est avec l’ensemble des ingrédients mis. Évidemment, je ne vais pas vous répondre « non » parce qu’on est ambitieux. Mais tout de suite, là, le National, ce n’est pas possible pour Pacy.

Surtout que les clubs se structurent de plus en plus, grandissent économiquement…
Les clubs se structurent mais nous aussi. Je pense qu’on en est capable mais il faut se structurer encore davantage pour aller chercher plus haut. C’est la priorité avant de vouloir chercher autre chose.

Les U18 du club. Photo PMRC.

Sur le volet compétitif, vous avez déjà des objectifs à court ou moyen terme ?
A court terme, on aimerait bien retrouver le National 3. Après, il ne faut pas brûler les étapes. On voit bien que c’est difficile de sortir de la R1. Toutes les équipes se structurent. Dans notre groupe, on avait Villers-Houlgate qui est désormais en National 3 alors qu’on les a battus l’année dernière. Ils se développent bien. Nous aussi, nous avons un club structuré, on est labellisé. Maintenant il manque un petit truc pour aller plus haut, un petit déclic. A long terme, on souhaiterait atteindre le National 2, ce serait le top. Là, je parle seulement des seniors mais ce qui me pousse, en tant que responsable technique du club, c’est que mes équipes de jeunes accèdent à des championnats plus élevés. La R1 déjà serait bien pour les U16. Ensuite c’est la locomotive du club qui va faire avancer l’ensemble des équipes. L’équipe seniors est une vitrine donc si elle accède en National 3, ça va aider.

Les U15 du club. Photo PMRC.

Un regard sur la R1 seniors à un 1/4 de la saison ?
Pour l’instant, elle est plutôt décevante. Je ne peux pas dire que c’est un début de saison réussit. On a 2 victoires, 3 nuls et 3 défaites (et un match en retard). On a aussi tendance à dire qu’on n’est pas à notre place mais on y est. Fin novembre, on a affronté Gisors, qui est 1er : on a perdu 3-2. On aimerait être plus performant collectivement et dégager un état d’esprit conquérant pour aller chercher plus haut. Je préfère dix fois être moins fort mais m’éclater. J’ai confiance en mon groupe, je sais qu’on a de la qualité. Pour l’instant, il manque de la confiance et ce petit déclic qui va nous permettre de basculer. Après, on n’a fait que 8 matchs. On a aussi une équipe réserve qui fonctionne bien et qui est dans le même esprit. C’est plaisant, les mecs sont présents et ça c’est vraiment bien.

« Mon club, c’est ma vie »

Avec les bénévoles du club, lors de la Macron Cup. Photo PMRC.

Comment avez-vous atterri à Pacy ?
J’avais 12 ans. Je jouais à Bréval dans les Yvelines et j’ai été invité par Pacy au tournoi de Illiers-l’Évêque dans l’Eure, le club d’Olivier Hameau, c’est marrant. C’est Manu Huet qui m’a fait venir. C’est le point de départ. J’étais déjà passionné de football mais je faisais aussi du tennis et d’autres activités sportives. Après j’ai arrêté. Pour l’anecdote, je connaissais déjà Pacy de nom car à ce moment-là, il venait de disputer un 32e de finale de coupe de France contre Montpellier (en 1996) et tout le monde ne parlait que de ça. En fait, la coupe de France avec Pacy, ça m’a marqué. Je vois encore des vidéos, des cassettes de ce match. Pacy était connu grâce à ça et j’ai été attiré par le club. C’est venu comme ça, avec le tournoi et cette histoire. Pacy c’est un club important. C’est comme Rouen : on aime ou on n’aime pas ce club, c’est une vraie terre de football. Mais Rouen, c’est rouge : l’opposé de Pacy ! J’ai toujours connu la rivalité sportive entre les deux. C’est une place forte OK, mais le reste, ça ne me parle pas trop… Ce sont deux clubs différents. Rouen, c’est la ville. Et quand on voit ce qu’ils mettent en place, leur communication, ils insistent beaucoup plus aujourd’hui sur le Rouge, sur les valeurs. Aujourd’hui, ils sont en National avec des valeurs.

Hedy Boudjemil, le président du PMRC. Photo PMRC.

Vous êtes l’homme d’un seul club, finalement…
Oui, en quelque sorte, puisqu’après Bréval, je n’ai plus bougé de Pacy. J’ai joué dans les catégories de jeunes jusqu’au niveau seniors. J’ai connu des belles années, je suis passé par toutes les équipes et j’ai surtout connu des personnes top, avec des vraies valeurs, qui sont importantes à mes yeux parce que ce sont elles qui m’ont transmis tout ça. La dernière personne, c’est Manu Huet a passé plus de 30 ans au club (il est aujourd’hui à la fédération marocaine de football). Avant, j’ai connu Laurent Hatton avec qui j’ai beaucoup travaillé. Tout comme Patrick Vallée, ex-entraîneur adjoint et responsable de la pré-formation, et qui m’a coaché chez les jeunes. Ce sont des personnes très importantes qui m’ont montré aussi le métier. Aujourd’hui, il y a mon président (Hedy Boudjemil) avec qui j’ai la chance d’avoir une relation particulière. Il avait joué au club en jeunes puis il était revenu pour encadrer la CFA2. On essaie de construire. C’est tellement kiffant. Je suis passionné par mon club. C’est ma vie en fait. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas envie de découvrir autre chose. Tu peux avoir envie de réaliser d’autres projets mais de bons projets, toujours autour du foot, du sport, du scolaire, des jeunes. C’est pour ça que j’ai la fibre, on me l’a transmise comme ça.

« Trouver des actions innovantes »

Le stade de Pacy-Ménilles a accueilli pendan 6 saisons des matchs de National. Photo Stades.ch

Après votre carrière de joueur, c’était logique de rester à Pacy en tant qu’entraîneur ?
C’était logique parce que j’ai toujours voulu être éducateur sportif. Et si je pouvais allier les deux, c’était top. Je me suis formé au métier quand je jouais encore. Pour se former au poste d’éducateur, il faut garder la forme. J’ai eu mes diplômes comme ça.

Vous êtes à la fois entraîneur de l’équipe première et directeur technique : comment mettez-vous tout ça en place ?
La direction technique, c’est être auprès des éducateurs, c’est être garant de la politique sportive du club. Je suis un peu multi-casquettes. Il faut gérer les partenariats, faire un peu d’administratif, c’est obligatoire. Après Je suis beaucoup sur le terrain. Ma place est aussi entraîneur, éducateur même, parce que je me considère comme un éducateur. Mon quotidien, c’est d’être tous les jours ici et réfléchir au bon fonctionnement. C’est d’être toujours innovant, de trouver des solutions pour aller chercher des actions différentes. L’année dernière, les jeunes sont allés au Maroc en voyage. On a organisé la Macron Cup, un gros tournoi U15 avec de nombreux clubs professionnels, un événement génial, qui a rassemblé la grande famille du club, les bénévoles. Le plus gros de mon travail, c’est la gestion sportive du club. La casquette d’entraîneur, c’est une passion. Maintenant il faut des résultats.

Souvenir des années « National ». Photo PMRC.

Vous avez connu plein de championnats différents, cela doit être enrichissant…
J’ai l’avantage d’avoir connu les 19 ans Nationaux, les accessions de U15 DH à U17 nationaux, les accessions U18 DH pour les U19 nationaux, le championnat DH seniors pour une montée en CFA2, la CFA et bien sûr le National. C’était une autre époque mais c’était de vraies expériences. Le championnat de National, c’était top. Parfois, on jouait le vendredi soir ou le mardi soir dans des stades comme Troyes, Reims, Cannes, Annecy où évoluait Evian Thonon Gaillard … J’ai joué à Guingamp, à Lorient, j’ai connu beaucoup de choses. De nombreux moments ressortent, ça forge l’expérience et développe les valeurs que j’ai connues, qu’on m’a inculquées. Je n’étais pas un joueur du niveau « National », je n’étais pas un titulaire mais j’ai eu la chance de connaître ça, elle est là la différence. J’ai vu ce que ce niveau demandait en termes d’exigence aux joueurs : Gaël Angoula, Romain Thomas, avaient cette exigence. Toutes ces belles choses m’ont enrichi. Mon métier, je l’ai appris comme ça : en regardant les éducateurs, en voyant, en formant, en étant joueur puis entraîneur.

Souvenir des années « National ». Photo PMRC.

Franck Paillette joueur et Franck Paillette dirigeant, ce n’est pas la même personne ?
Je dirais que c’est différent. Joueur, j’étais plutôt calme. J’ai été capitaine dans des équipes mais toujours calme et serein. J’observais beaucoup. Educateur, je suis plutôt l’inverse, je vis tout à fond, sans doute parce que j’ai toujours suivi le management de Laurent Hatton ou Manu Huet. Ils ont toujours été proches de leur équipe et à fond dès que la compétition commençait. Il faut aussi être capable d’évoluer. Aujourd’hui, par exemple, je me rends compte qu’il faut savoir se staffer, prendre du recul, j’ai besoin de regarder encore plus; ce qui a changé, c’est qu’on est très focalisé sur l’aspect social. Accompagner un joueur, c’est très important, bien plus qu’avant. Dix ans plus tôt, je ne vous aurais sans doute pas dit la même chose. J’ai beaucoup appris sur l’exigence d’un joueur. Aujourd’hui, on ne joue plus de la même manière. Récemment, je suis allé voir Rouen face à Villefranche en National : la vitesse de jeu est complètement différente qu’à mon époque; en revanche, en termes de réflexion de jeu, d’impact, de solidité, on était beaucoup plus fort que maintenant. Aujourd’hui, un jeune joueur a besoin que tout se passe bien sinon c’est très compliqué. Beaucoup de paramètres ont changé. Donc forcément, on s’adapte. C’est nécessaire.

Franck Paillette, du tac au tac

« Pacy restera toujours Pacy ! »

Franck Paillette. Photo PMRC.

Meilleur souvenir sportif ?
Avec les U15 DH, les U19 Nationaux, la victoire en coupe de Normandie, et l’année de CFA pour l’accession en National. C’était énorme.

Le pire souvenir ?
La descente et le dépôt de bilan en 2012 parce que ça a été mal vécu. Sportivement Pacy s’est maintenu en National. C’est administrativement que l’on a été relégué d’abord en CFA (en 2011). Il faut se souvenir des mauvaises périodes car si aujourd’hui, nous sommes là à discuter de Pacy, si le club existe, c’est aussi grâce à ces périodes-là.

Des cartons rouges en carrière ?
Jamais. Pas un seul.

Des buts ?
Oui ! Beaucoup de buts en jeunes jusqu’en DH. Après j’en ai mis un petit peu moins. Mon dernier très beau but je le garde en tête, c’était contre Moulins en national. C’est peut-être même mon tout dernier but. Je me fais plaisir à le revoir, c’est un bon souvenir.

Si vous n’aviez pas été dans le foot, vous auriez fait quoi ?
Je pense que j’aurais été dans le sport quand même. Aujourd’hui l’âge avance, on essaie de regarder ce qu’on peut faire d’autre. Je pense que je suis quelqu’un de projet, plutôt tourné autour du sport, avec des valeurs éducatives. J’aime ça, j’aime entreprendre des choses aussi.

Vos qualités et vos défauts sur le terrain ?
J’étais un assez bon finisseur. Comme disait Laurent Hatton, le coach, j’étais le meilleur joueur à l’entraînement, devant le but j’étais toujours bon. Aussi, les appels, l’intelligence dans les déplacements. Pour les défauts, je manquais peut-être de l’agressivité nécessaire, même en étant attaquant, pour se montrer et être présent. Par moments, j’étais trop gentil et il faut parfois être individualiste.

La meilleure saison de Pacy ?
La meilleure saison que j’ai connue c’est celle l’accession en 2007-08, c’est la plus belle. C’est normal, on a touché le haut possible pour Pacy. Ensuite, on a une très bonne saison en National. La deuxième saison, on termine quand même en 4e position. une belle équipe avec grands joueurs comme Gael Angoula ou encore le 2e meilleur buteur de national Yassin El-Azzouzi, à côté de grands buteurs comme Cédric Fauré (Reims).

Est-ce que vous avez failli partir un jour du club ? Si oui, lequel ?
Non. J’avais fait un essai en jeunes à Amiens où j’ai pu me rendre compte du niveau d’intensité, d’exigence. Alors je suis rentré dans mon club travailler car je savais qu’il y avait du boulot. Mais je n’ai jamais eu envie de partir et je n’ai jamais demandé à partir. Une fois qu’on est à Pacy, on s’identifie beaucoup et on pense qu’on ne peut pas aller ailleurs, même si c’est peut-être bien… Je n’ai jamais voulu partir.

Le ou les joueurs emblématiques du club ?
Quand je suis arrivé en seniors, il y avait Olivier Hameau, qui était le vrai buteur du club. Évidemment, Jean-Charles Denoyers. Quand j’étais petit, il faisait des interviews avec nous. Il nous expliquait sa carrière car il a connu l’équipe de France Espoirs, les championnats d’Europe : il est champion d’Europe avec Anelka, Henry et consorts, ce n’est pas rien. Des joueurs marquants, il y en a eu. L’année 2008-2009, il y a eu Zakaria Gueye, qui était de la banlieue rouennaise. Il a réalisé des saisons de fous. Je pense aussi à Nordine Aguini, un magicien avec le ballon. En National aussi certains m’ont marqué par leur façon de jouer, leur énergie, en particulier Gaël Angoula, c’était le mec à ne pas enlever de l’équipe. Sofiane Bezzou et sa personnalité, on savait qu’il était là. Mais les emblématiques de Pacy c’est Patrick Bisson et Olivier Hameau. Des joueurs en plus avec qui j’ai joués. Avant, il y a eu aussi l’attaquant, « Poussin » Meslin (Nice, Bastia).

Les dirigeants marquants ?
Le numéro un, c’est Manu Huet. Déjà, c’est un ami, mais au-delà de ça, c’est quelqu’un qui m’a tout appris. On avait une grande relation. Il m’a ouvert les portes de l’apprentissage, il m’a guidé. Laurent Hatton et Patrick Vallée m’ont aussi marqué. Laurent Hatton, c’était un meneur, à la fois directeur technique et présent avec les U9 ou les seniors. Le point commun entre tous, c’est la passion. Nous sommes tous passionnés du club, on est tous originaires de Pacy.

Un club rival ?
A mon époque c’était Rouen et non pas Évreux même si c’est un derby. Aujourd’hui, c’est plus Évreux.

Un joueur adverse qui vous a marqué ?
A l’époque en CFA et en National, on en a affronté pas mal. Sakho, Sagna, Berthod, Bréchet. En jeunes j’ai affronté Jimmy Briand, Le Tallec, Sinama-Pongolle, de vrais joueurs. Je me souviens d’un gardien qui nous avait marqué en jeune, c’était Kameni, champion olympique avec le Cameroun et qui jouait au Havre. Didier Digard en U15, c’était un top joueur. C’est devenu un super éducateur à Nice qui adore ce qu’il fait. Mathieu Bodmer aussi avec qui j’échange souvent, c’est un passionné de foot, c’est pour ça aussi qu’il réussit.

Une équipe que vous avez affrontée et qui vous a impressionnée ?
Rennes en jeunes, c’était impressionnant, vraiment très fort. Le Havre aussi, c’était très costaud. En seniors, je me souviens de Reims et de Troyes, en National, avec l’impression que le terrain était trop grand.

Un stade marquant ?
Auguste-Delaune Reims et le stade de l’Aube à Troyes, ce sont des beaux stades. Le stade atypique, c’était celui de Luzenac !

Une causerie marquante ?
Quand David Bechkoura (aujourd’hui adjoint de Michel Der Zakarian en Ligue 1 à Montpellier) avait les U18, avec Patrick Vallée, il a pris des U15 pour la Gambardella, dont mon coéquipier Jeremy Têtard et moi, et je me souviens de ce qu’il nous avait dit. Nous devions prendre nos responsabilités. C’est ce que l’on a fait et on a gagné, à Plouzané, en 32e. C’était magnifique. On avait perdu contre Guingamp après. a l’éducateur (aujourd’hui adjoint de Michel Der Zakarian en Ligue 1 à Montpellier), avec Patrick Vallée. On avait fait un beau parcours et la causerie était énorme, magnifique, préparée. Je me souviens aussi d’une causerie au château de Ménilles avec Manu Huet, quand on avait joué Caen en Gambardella. Et en seniors, les causeries de Laurent Hatton notamment l’une lors d’un déplacement marquant à Dunkerque, l’année de la montée, ils étaient 1ers : on perd 1 à 0 là-bas.

Une idole ?
Mon idole, c’était Jean-Pierre Papin, parce que c’était un top attaquant, un joueur de surface, qui ne se posait pas de question, très spontané. Il frappait « de partout », souvent il marquait en une touche. Un modèle. J’aimais beaucoup la qualité d’un Zidane aussi, évidemment.

Le milieu du foot en deux mots ?
Passionnel et abject. Il y a vraiment deux mondes bien distincts. Passionnel c’est pour l’esprit club, l’aspect associatif, éducatif, les jeunes.

Le club de Pacy en deux mots ?
Famille et passion. Le club est familial, « kiffant », identitaire. Mon club, c’est ça. Enfin, ça ne m’appartient pas, parce qu’un jour je ne serai plus là et d’autres personnes prendront la suite. Mais la passion du club restera. Même à 90 ans, Pacy, ça restera Pacy !

Texte : Timothée Coufourier – Mail : contact@13heuresfoot.fr

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L’ancien joueur professionnel de Lens, Nice et Cannes s’est reconverti dans le recrutement. Actuellement sur le marché après une première expérience de 9 ans chez les « Sang et or », il écume les stades en espérant retrouver un projet et dénicher une perle rare !

Patrick Barul a reçu le Trophée de l’Aiglon du mois à l’OGC Nice, en mars 2023. Photo OGC Nice.

Patrick Barul (46 ans) n’a jamais mis les pieds à Poitiers. D’ailleurs, il ne sait même pas où c’est. Et se demande d’où vient cette « référence » que l’on peut lire à son sujet, lorsque l’on fait une recherche à son nom sur wikipedia : « Il commence sa formation au Poitiers Football-club », peut-on lire sur la page qui lui est consacrée.

« Je ne sais pas qui a sorti ça, je n’y suis jamais allé de ma vie ! Et je ne sais pas comment on pourrait faire pour le rectifier ! » s’étonne celui qui a commencé sa formation à Saint-Jean-de-la-Ruelle, à quelques encablures d’Orléans, la ville où il est né, où il a grandi, dans le Loiret. Et c’est à Saint-Jean-de-la-Ruelle qu’il s’est fait remarquer. « On cartonnait en jeunes. Mon entraîneur là-bas, Nabil Talmoudi, avait des connections avec l’AS Cannes, raconte-t-il; moi, je voulais aller à Strasbourg pour suivre des copains qui était parti là-bas. Et puis Cannes m’appelle. C’était Richard Bettoni au bout du fil. Je suis venu sur place voir les installations. C’était en 1992. J’avais 14 ans. Je me suis entraîné avec eux et ils m’ont dit « On te prend pour jouer en moins de 15 ans Nationaux ». Le club voulait être champion de France. Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à mes parents : « Je veux aller à Cannes ! ».

« En jeunes à Cannes, on était injouable »

Parul Barul rejoint La Croisette, le soleil et les palmiers. Il ne le regrettera pas. Il se construit un sacré palmarès chez les jeunes. « La première année, on est champion de France en 15 ans, idem en 17 ans la saison d’après et enfin, on gagne la Coupe Gambardella en 1995 ! On était injouable ! Pat (Vieira) a juste joué la finale de la Gambardella, parce qu’il était déjà titulaire avec les pros en D1. Il y avait aussi Adel Boutobba, Cédric Mouret, Romain Ferrier, Sébastien Renaud, Sacha Opinel, Sébastien Chabaud qui a joué ensuite à Nancy et Charleroi, Lilian Compan (Saint-Etienne, Montpellier, Caen), Mickaël Marsiglia, Anthony Braizat. A l’époque, l’AS Cannes avait ses équipes en D1, en D3 et en D4 ! C’était extraordinaire ! Même quand tu ne jouais pas en D3, tu jouais en D4, c’était déjà un bon niveau. Je me souviens que lorsque Pat (Vieira) est arrivé en D4 avec Pierre Dreossi, il a joué deux matchs puis il est allé directement en D3 et là, Luis (Fernandez), qui entraînait la D1, a dit : « Lui, je le prends »!

Des souvenirs comme ceux-là, Patrick Barul en a des tonnes. Il faut dire qu’il a eu le temps d’en emmagasiner tout au long d’une carrière professionnelle de 16 ans, à Cannes pour commencer (de 1996 à 1999, en D1 puis en D2 après la relégation du club azuréen en 1998), au RC Lens (D1, de 1999 à 2007, période entrecoupée d’un prêt d’une saison à l’OGC Nice en 2002-2003), à Nice pour de bon (D1, de 2007 à 2009) et enfin à Tournai, en D2 belge (2009 à 2011).

« Je me dis que si je suis dans le bon wagon… »

C’est après sa période à Tournai que son parcours prend un nouveau … tournant ! « En fait, quand je jouais en Belgique, j’habitais Lille, et ensuite, de temps en temps, je jouais le jeudi avec les anciens, et ça se terminait par un resto. Un jour, à table, Eric Sikora, qui venait d’être intronisé coach de l’équipe Une à Lens à la place de Jean-Louis Garcia (en septembre 2012), me dit dans la discussion que le club cherche quelqu’un pour aller observer les adversaires. Je lui réponds « Je suis là moi ! » et il me dit « Ouep mais t’as jamais fait ça », et là je lui sors « Ouep mais toi, t’as jamais entraîné non plus… » En fait, on se charrie un peu, parce qu’avec « Siko », on est amis. Et finalement, il me met à l’essai. »

L’essai est transformé. L’histoire avec le club du Pas-de-Calais va durer 9 ans. « Oui, l’essai est concluant. Je vais voir mon premier match à Laval le vendredi (Lens évoluait alors en Ligue 2), puis en début de semaine suivante, on fait le débrief , « Siko » me dit ce qui va et ce qui ne va pas. Là, Antoine Sibierski, qui est directeur sportif, me dit que le club ne peut plus dépenser d’argent, qu’il ne peut pas me payer. Je lui dis « ok » quand même, parce que, dans ma tête, je pense que la situation ne durera pas, que la situation du club s’arrangera, et que si je suis dans le bon wagon, ils penseront à moi pour l’avenir. »

Superviseur bénévole à ses débuts

Du coup, voilà Patrick Barul en baroudeur des stades, dans le costume du superviseur bénévole ! Pendant plusieurs mois, il fait ses observations de match, le samedi et le dimanche, car le vendredi soir, à ce moment-là, c’est championnat ! Avec lui, il y a Didier Sénac, le directeur du recrutement : « Pour moi, Didier, c’est le boss en la matière. Il a l’oeil. C’est lui qui m’envoie faire le scouting le week-end en Belgique ou en National, et le vendredi soir je supervise les adversaires de Ligue 2. Je fais ça pendant 6 mois. Puis la saison suivante, l’homme d’affaires Hafiz Mammadov arrive au club avec Gervais (Martel) qui me dit « On te garde ». Et surtout, Gervais me paie et en plus, c’est rétroactif. La classe ».

Le nouvel entraîneur du Racing s’appelle Antoine Kombouaré. Là, « Pat » Barul intègre la cellule recrutement, en plus des observations de matchs. Alain Casanova, le remplaçant de Kombouaré (en 2016), ne change rien à ses prérogatives. Observation de match et recrutement, sauf que, cette fois, « Pat » part plus loin. « Et c’est après que j’ai exclusivement intégré la cellule recrutement. J’ai arrêté les observations. Mais avec le plan social que le RC Lens a connu, en 2021, après le deuxième covid, tout s’est arrêté. Et je dois dire que les dirigeants du Racing ont été plus que corrects avec moi. »

« Je n’avais pas la fibre pour entraîner »

Avec l’AS Cannes, en 1997. Photo Serge Haouzi

S’il a choisi cette voix, c’est parce qu’il pense qu’il a l’oeil. Entraîneur ? Pas pour lui. « Après ma carrière de joueur, j’ai passé mon BE1 à Clairefontaine, mais je n’avais pas la fibre pour entraîner. J’aime le recrutement, mais le problème c’est qu’il n’y a pas beaucoup de poste et la concurrence est dure aussi. Tu gagnes bien ta vie, c’est sûr, même si c’est incomparable avec ce que tu gagnes quand tu es joueur. Pour bien gagner sa vie après sa carrière de joueur, il faut être directeur sportif, comme Florent Ghisolfi à Nice par exemple aujourd’hui. »

Au total, « Pat » Barul a passé plus de 15 ans en Artois. Au RC Lens. Forcément, ça marque. « Même si le club est un peu moins « famille » qu’avant, il est vraiment à part. Les gens, là-bas, ne vivent que pour le Racing. C’est impressionnant. On le ressent toute la semaine, quand on a perdu un match. Cet engouement, c’est extraordinaire. Pendant 9 ans, au recrutement, je pense sincèrement que j’ai bien fait mon job. On a fait du bon boulot avec Didier Sénac et Cyrille Magnier, et tous ceux qui m’ont chapeautés, je pense à Florent Ghisolfi, Jocelyn Blanchard, Antoine Sibierski, Didier Roudet et Eric Roy aussi. On n’avait beaucoup moins de moyens qu’aujourd’hui. »

« Les joueurs, on les voit une dizaine de fois »

Mais au fait, ça consistait en quoi, exactement, recruteur au RC Lens ? « On est trois dès l’avant saison, et on se répartit des zones géographiques. Par exemple, moi, France, Belgique, Portugal. Un autre va faire Serbie, Croatie, Suisse, etc. Et en deux mois, on doit avoir vu toutes les équipes de ces championnats. On épure. Bien sûr, on ne se déplace pas partout. Certains matchs, on les regarde en vidéo. Mais ça fait quand même beaucoup de matchs. Une fois qu’on a fait ça, il y a des joueurs qui ressortent, et ceux-là, tu vas les revoir deux ou trois fois. Entre temps, on a eu des réunions techniques, et le coach te dit où il y a des manques dans son équipe. Donc tu sais ce qu’il te faut. Ensuite, on va croiser « ses » joueurs avec ceux des autres recruteurs du club, afin d’avoir plusieurs avis, parce qu’on n’a pas forcément la même sensibilité. Je vais aller voir deux ou trois fois les joueurs de l’autre recruteur, et lui va aller voir les miens. Entre temps là encore, certains joueurs sont sortis de la liste, et peut-être que d’autres se seront rajoutés. Après, cela voudra dire que ces joueurs, à nous trois, on les aura vus une dizaine de fois. Si on est unanimes sur un joueur, là, le directeur sportif ou l’entraîneur prennent la main et vont aller en profondeur. En général, au club, 90 % du recrutement, c’était des joueurs « que l’on faisait », que l’on avait vus au préalable. Après, il y a toujours le coach qui veut faire « son joueur », le directeur sportif qui veut lui aussi faire « son joueur », et Gervais (Martel) aussi, qui aimait bien faire « son joueur ».

« Trading » et « one shot »

Avec les anciens du RC Lens. Photo X.

Quelques exemples ? « Oui, l’arrière gauche égyptien, Karim Hafez (2016-18), ou encore le défenseur John Bostok (2016-2018), l’attaquant Yoann Touzghar, qui venait d’Amiens en National (trois saisons de 2012 à 2015, 91 matchs et 35 buts), l’arrière-droit de Nantes, Fabien Centonze (2018-19), tous ces joueurs, on les a faits avec pas beaucoup de moyens. L’idée du RC Lens, ce n’était pas seulement de faire du trading, parce qu’on ne pouvait pas tout faire : nous, on voulait aussi prendre des joueurs pour monter en Ligue 1. C’est pour ça qu’on a pris des joueurs confirmés comme Danijel Lujboja, qui avait 35 ans (2013-14) : là, c’est du one shot, on sait très bien qu’on ne va pas faire de plus value. Dans le même ordre d’idée, on avait pris aussi Adamo Coulibaly (2013-15), un attaquant qui jouait en Hongrie et marquait beaucoup. Eux, tu sais qu’ils vont te mettre des buts. Idem avec Ahmed Kantari* (2013-15), ce n’était pas du trading, mais c’était pour monter en L1 (ce que le club a fait en 2014). En fait, c’est quand tu es plus à l’aise en Ligue 1 que tu peux faire du trading, comme a fait Lens cet été en prenant Andy Diouf de Bâle, ou avec Loïs Openda, qui est parti à Leipzig (pour 42 millions d’euros et 6 millions de bonus). Mais nous, à l’époque, on ne pouvait pas se permettre de prendre des jeunes, il fallait qu’on monte. »

*Ahmed Kantari vient d’être intronisé entraîneur de Valenciennes, en L2.

A Cannes comme chez lui

Avec l’AS Cannes, en 1997. Photo Serge Haouzi

Depuis un peu plus de 2 ans, « Pat » Barul tourne dans les stades. Va voir des matchs. Reste au contact. Développe son réseau. Attend une opportunité. L’autre jour, il était dans un stade qu’il connaît bien, à Coubertin, à Cannes, là où il a vu les débuts de Zidane et Micoud à son arrivée au club en 1992.
Ce soir, l’affiche propose un match de National entre le leader, l’AS Cannes, et la lanterne rouge, Bourgoin-Jallieu. Surprise, c’est le moins bien classé qui s’impose 1 à 0. Dans le salon VIP, beaucoup reconnaissent l’ancien dragon azuréen. L’ancien joueur et agent, le retraité Félix Lacuesta (ex-Saint-Etienne, Bastia, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Lille, Monaco et … Cannes) vient taper la discute avec lui. David Lisnard, le maire de Cannes et grand supporter des Rouge et blanc, le reconnaît et vient le saluer. Patrick reconnaît des visages, serre des poignes. Il est presque chez lui ici. « J’habite à Cannes en plus, ma femme est d’ici ».

« Des Sotoca, c’est très rare »

Patrick Barul, en novembre dernier, dans les rues de Cannes. Photo 13HF.

Une petite photo du stade Coubertin qui terminera sur son nouveau compte Linkedin, là où il faut se montrer, là où il faut dire ce que l’on fait et que l’on est « dispo », et hop, c’est déjà l’heure du coup d’envoi. Même en National 2, on peut dénicher des pépites ! « Bien sûr, si un joueur me tape dans l’oeil, je le garde dans un coin de ma tête, mais, surtout, je vais le revoir jouer ! Après, de la N2 à Ligue 1, il y a un fossé, même si je sais que des Florian Sotoca, bien sûr que ça existe, mais après… Sotoca (qui a joué à Narbonne en CFA2, à Martigues en CFA et à Grenoble en National), quand il a signé à Lens, tu sais que ce n’est pas du trading. Il jouait à Grenoble à ce moment-là (Grenoble était monté en L2). On s’est demandé si on ne pouvait pas trouver mieux, et finalement, il s’est adapté à la la Ligue 2 puis à la Ligue 1, puis au haut de tableau de la Ligue 1 et puis il s’est adapté à la Ligue des Champions ! Mais des joueurs comme lui, c’est très rare. Et s’il y en avait beaucoup d’autres, on les verrait avant, sinon, cela voudrait dire qu’ils sont passés entre les mailles du filet, mais ça, aujourd’hui, il y a tellement de recruteurs aujourd’hui, que ce n’est pas possible. Jo Clauss ? Pareil. Et celui qui a tout fait pour qu’il vienne, ce n’est pas un recruteur, c’est Alexandre Pasquini, l’analyste vidéo : il l’a mis en valeur auprès du staff au travers de montages vidéos, avec ses stats. Il nous l’a bien vendu et franchement, quelle belle vision de sa part, et quelle réussite ! Parce que personne ne le connaissait ici à Lens. »

« J’ai quand même un CV »

A Bollaert-Delelis. Photo X

Si Patrick va voir des matchs et tournent sur les terrains – la semaine suivante, il est allé voir Fos (N3) contre Annecy (L2) en coupe de France -, c’est parce qu’il est sur le marché. Le réseau, c’est important. « J’essaie de le faire savoir un peu plus maintenant, poursuit-il.  J’ai eu des contacts. On m’a dit « Oui… Je vais voir… », c’est difficile. J’ai 9 ans d’expérience dans le recrutement, ce n’est pas rien. J’ai quand même un CV. Je pense que je fais bien mon travail. Et avec Didier Sénac, j’ai vraiment été à bonne école à Lens, où l’on a fait du système D. »

« Je suis cool, oui, c’est ma nature »

Et si Patrick Barul payait son allure un peu nonchalante, cool, peut-être même trop cool ? Et s’il n’était pas dans le moule ? Et si, tout simplement, il ne savait pas se vendre ? « C’est ma nature », réplique-t-il ! « Ma carrière, c’était comme ça ! Je me souviens qu’à Nice, le coach, Gernot Rohr, me disait « Ah vous les Antillais, c’est toujours tranquille » ! Mais Tranquille quoi ? Oui je suis tranquille, mais quand il faut bosser, je bosse, et quand il faut taper du poing sur la table en réunion (il mime le mouvement), je le fais. Et quand ton entraîneur et ton président te demandent « Bon alors, ce joueur, on le fait ou on le fait pas ? », et qu’il faut poser ses c… sur la table, hé bien je suis là ! Même ma femme me dit ça, que je prends tout à la cool. En juin, je suis allé voir le tournoi de Toulon, je voyais tous les scouts… beaucoup me disaient « Pat, comment ça se fait, t’as pas trouvé un projet » ? Je me demande comment c’est possible. Parce que l’oeil, je l’ai. » À Poitiers aussi, ils se demandent comment c’est possible !

Patrick Barul, du tac au tac

« Je n’ai marqué qu’un seul but… la honte ! »

Photo RC Lens.

Meilleur souvenir sportif ?
Mon premier match en pro, avec Cannes, contre Bastia, en 1996, à Coubertin. C’est Guy Lacombe qui m’avait pris dans le groupe et fait rentrer. On avait fait 1-1. Je ne me souviens plus des buteurs !

Pire souvenir ?
Y’en a eu quelques-uns ! Une blessure à l’épaule et un match en coupe d’Europe contre Parme, en UEFA, avec le RC Lens : je suis sur le terrain, on est dans le temps additionnel, Francis Gillot m’appelle et me dit les autres résultats. Nous, on est à 1-1, on est qualifié, et là, je dégage le ballon sur un attaquant, il part au but et il marque. On perd 2-1… Je peux te dire que ça marque, merde… Heureusement, on s’est qualifié car on a gagné le match suivant à l’extérieur, mais bon…

As-tu déjà marqué un but ?
Oui, en coupe d’Europe, contre des Suédois. C’est le seul but que j’ai marqué dans ma carrière. La honte (rires) ! J’ai une anecdote : à l’époque, France Football avait fait un article sur les joueurs qui avaient plus de 150 matchs de Ligue 1 et qui n’avaient jamais marqué. Un journaliste m’avait contacté pour ça, je ne l’ai pas super bien pris, hein… Je lui ai dit « Attend, tu crois que je suis le clown de France Football ou quoi ? » Il y avait aussi Planus, Toulalan, dans le même cas que moi ! A ma décharge, je ne montais pas sur les coups de pied arrêtés, donc je réduisais mes chances aussi de marquer !

Latéral ou milieu ?
Mon poste de formation, c’est milieu. Quand je suis monté en D3 avec Cannes, Guy Lacombe m’a mis à ce poste de latéral, que je n’aimais pas trop, mais il m’a fait rentrer arrière-droit pour mon premier match en pro, donc j’ai continué là. Mais j’alternais milieu ou arrière droit, et je dépannais même parfois à gauche. Avec le recul, je pense que ça m’a desservi. Le foot a changé, c’est athlétique, physique, des joueurs comme moi, il y en avait plein, comme des Florent Balmont. Mais on en voit moins.

Tu préférais jouer en 6 ?
Ah ouaip, largement !

Photo X

Mais pourquoi n’as-tu pas pu t’imposer à ce poste ?
Le RC Lens m’a recruté au poste de latéral droit. Je leur ai dit que je pouvais jouer milieu, alors je dépannais, mais pour eux, j’étais arrière droit. Je n’étais pas le titulaire indiscutable. Il y avait Eric Sikora, qui est une légende à Lens. Mais je faisais mes matchs, à différents postes. On me disait « Ce week-end on a personne à gauche, tiens vas-y ! ». Je pouvais jouer partout.

Combien de cartons rouges ?
3 ou 4. Défensif, j’étais obligé d’envoyer un peu.

Un geste technique ?
Contrôle-passe. Pour moi, c’est le meilleur geste technique en foot. C’est Guy Lacombe qui m’a appris ça.

Pourquoi as-tu pratiqué le foot ?
Mon père jouait au foot, en DH, et quand j’étais petit, je le voyais comme le meilleur joueur du monde ! Il m’emmenait partout, aux matchs, aux entraînements, il jouait à Orléans, en réserve, quand l’équipe fanion était en D2, avec Robby Langers, Henri Zambelli, Bruno Germain. Quand je suis venu jouer une fois à Orléans, au stade de la Source, en coupe de France avec Lens, ça m’a fait bizarre. Mes parents sont toujours là-bas.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne me suis jamais posé la question.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
J’étais technique, à l’écoute. J’avais tout le bagage, mais mes défauts, c’est que, une fois arrivé en pro, je me suis reposé sur mes acquis. Avec du recul, je me dis que j’aurais dû travailler beaucoup plus. Je pense que j’avais des qualités pour faire une meilleure carrière. Quand je suis arrivé à Lens, je me suis dit « ça y est ». J’avais signé 5 ans, donc… ça va… Je faisais comme les pros confirmés alors que j’étais jeune et que j’avais tout à prouver. J’ai commencé à me bouger le cul (sic) lors de ma dernière saison, quand j’étais en fin de contrat, et d’ailleurs, ils m’ont fait re-signer. Mais j’aurais dû, en arrivant au club, me dire « Putain Sikora (titulaire et concurrent au poste de latéral droit), je vais le manger », façon de parler, mais non. On me disait « Tiens, Pat, tu joues ce week-end » je répondais « Ouep c’est cool ». Ou alors « Pat, tu ne démarres pas ce match, tu es remplaçant », je me disais « ouep bah c’est pas grave, je fais le voyage avec le groupe, je vais rentrer un quart-d’heure, je vais prendre la prime, j’ai mon salaire »… Enfin tu vois, quoi…

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Mes premiers matchs en pro à l’AS Cannes et la première année à Lens, où je découvrais le très haut niveau. Mes saisons avec Francis Gillot, que j’adorais.

Une erreur de casting ?
Avec du recul, si j’avais été bien conseillé, je n’aurais pas dû aller à Lens, parce que là-bas, il y avait un joueur emblématique qui jouait au même poste que le mien, Eric Sikora, et je savais que ça allait être compliqué. Mais l’agent est allé là où il y avait le plus de commission… Au final, je ne peux pas dire que je regrette car Lens, c’est 20 ans de ma vie, c’est une institution, je m’y suis fait beaucoup d’amis, les gens et la région sont extraordinaires. Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière.

Le club où tu aurais rêver de jouer ?
Tu vas trouver ça bizarre mais quand j’étais à l’AS Cannes, le club où je voulais absolument jouer, c’était Bordeaux, et en plus, il y avait la passerelle Cannes-Bordeaux à ce moment-là. Dans les années 90 , les Girondins, c’était le top ! Après, le rêve absolu, c’était Barcelone.

Ton meilleur match ?
Un match à Cannes contre Strasbourg, et aussi un Monaco-Lens : j’étais injouable ce jour-là ! Il y avait Gallardo et Simone en face, et je leur ai marché dessus ! Quand je suis revenu en état de grâce à Lens, avec Joël Muller, qui m’a longtemps boycotté, il m’a jeté en pâtures au Vélodrome, l’année où Drogba jouait à l’OM (2003-04). Pour ce match, il y avait beaucoup d’absents à Lens à cause de la CAN et Joël Muller m’a dit « Tiens, tu vas jouer ce week-end » mais s’il avait pu prendre le magasinier du club à ma place, il l’aurait fait. Là, dans ma tête, je me suis dit « Attend toi, tu fais une grave erreur » ! J’ai fait un super match et il ne m’a plus sorti de l’équipe !

Ton pire match ?
Un Montpellier – Lens, avec Fodé Mansaré face à moi : il m’avait fait l’amour !

Un stade mythique ?
Lens forcément ! Et y a aussi le stade où tout le monde veut jouer, c’est le Parc des Princes. La première fois que j’y ai joué, j’avais Raï devant moi… J’ai souffert aussi (rires) !

Un coéquipier marquant ?
Cyril Rool, à Lens. Quand tu le vois de loin, que tu ne le connais pas, sur un terrain, tu penses que c’est un boucher, qu’il est méchant, mais c’est le mec le plus gentil qui puisse exister. C’est un footballeur hors pair, avec une main à la place du pied. Un top joueur ! Olivier Dacourt aussi. Et je citerais Jérôme Leroy, un génie du football.

Des amis dans le foot ?
Olivier Dacourt, Cyril Rool, Mickey Marsiglia, j’en ai d’autres, Sébastien Chabert, etc.

Le coéquiper avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Vitorino Hilton. Quand tu joues à côté de lui, c’est facile. Jérôme Leroy aussi.

Celui qui t as le plus impressionné ?
Mansaré, Raï, Ronaldinho.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Djimi Traoré, à Lens.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Guy Lacombe et Francis Gillot.

Un coach que tu n’as pas… (il coupe direct !)
Joël Muller.

« J’étais fan absolu de Johan Micoud »

Un président marquant ?
Gervais (Martel, président de Lens).

Une causerie ?
Les causeries de Fred Antonetti.

Une consigne impossible à comprendre ?
Les consignes de Joël Muller.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Vieira, Dacourt.

Des rituels, des tocs ?
Toujours le même caleçon.

Un dicton ?
Le travail paie.

Passions ?
Mon fils. Il a 21 mois, il s’appelle Gabriel. En fait, les footeux, souvent, à 20 ans ils sont posés, ils sont pères de famille, mais ils ne voient rien de la vie. Et une fois leur carrière terminée, certains divorcent, mais pas tous bien sûr, et ils veulent voyager, faire plein de choses, sortir. Moi, je me toujours dit que je voulais profiter, voyager, sortir, profiter avant. Et me poser après. Sinon, je me suis mis au padel aussi. On joue entre amis. Et la marche.

Un modèle de joueur ?
A Cannes, mes modèles, c’était Zizou (Zidane) bien sûr, mais surtout Johan Micoud. J’étais fan aboslu de lui !

Une idole de jeunesse ?
Alain Giresse.

Un match de légende ?
C’est Argentine – Angleterre en coupe du Monde avec Maradona, et aussi le France – Brésil de 1986. Et bien sûr la finale du Mondial 1998 France – Brésil.

Ta plus grande fierté ?
Mon fils.

Le foot en deux mots ?
(Rires) Un milieu de requins. Maintenant que je suis passé de l’autre côté, je le vois encore plus.

Texte : Anthony BOYER – Mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : 13HF

Photos : 13HF, DR, OGC Nice, RC Lens

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Sa vie est un roman et un exemple d’intégration par le foot. Vingt ans après s’être illégalement échappé de son pays en guerre, Herman Koré court toujours. L’ancien clandestin ivoirien sans papiers vit désormais à Quimper où il travaille et continue à marquer des buts pour le Quimper Kerfeunteun FC (R1). On a suivi sa trace !

C’est l’histoire d’un « sans papiers », d’un clandestin ivoirien, qui a gagné le droit de rester en France en jouant au foot et en marquant des buts, jusqu’en National. 20 ans après son arrivée rocambolesque sur le territoire français, Herman Koré raconte son parcours du combattant et son incroyable itinéraire de vie. Marié à Charlotte, père de deux enfants, Lyanah (11 ans) et Yanis (8 ans), électricien de formation, et toujours affûté à la pointe du Sud-Finistère et de l’attaque du Quimper Kerfeunten FC (R1), « Papy Koré », comme on le surnomme désormais, n’a rien oublié.

Il a fait des pieds et des mains pour rester en France

Sous le maillot de l’US Trégunc. Photo Fanch Hémery.

2003-2023 : Herman Koré a fêté les 20 ans de son arrivée en France et il peut regarder fièrement le chemin parcouru. Les chemins de traverse, plutôt, car l’ancien clandestin ivoirien a forcé le passage en faisant des pieds et des mains pour être régularisé. Des mains car il a également joué au rugby et c’est d’ailleurs grâce à ce sport qu’il s’est évadé de Côte d’Ivoire – alors en guerre civile – en profitant de sa sélection en équipe nationale pour venir jouer la Coupe du Monde juniors 2003 en France. Et des pieds car c’est en jouant au foot et en marquant beaucoup de buts qu’est ensuite venu son salut de citoyen français. A l’arrache ! Avant un match important (décisif pour la montée de Saint-Lô en CFA 2) qu’il avait refusé de jouer si on continuait à le laisser sans papiers. C’était en 2009. Six ans après son arrivée en France. Six ans de galère à se cacher dès qu’il apercevait un uniforme. Six ans à ne pas trouver chaussure à son pied de footballeur dans des clubs professionnels (Tours, Dijon, Le Havre, Caen) car il était « sans papiers ». Herman n’a jamais évolué ensuite plus haut que le National, à Concarneau, où il a quand même participé à un quart de finale de la Coupe de France contre Guingamp en mars 2015 (élimination 1-2), mais son but était atteint : être un citoyen français libre. Et pas seulement parce qu’il s’était évadé de Côte d’Ivoire en 2003. Vingt ans après, Herman Koré s’est confié à 13 heures foot pendant une heure et 45 minutes : la durée d’un match de foot, mi-temps comprise !

Le parcours du combattant d’un ancien clandestin ivoirien

  • Le foot des rues à Abidjan. « J’ai su très tôt que mon avenir n’était pas en Côte d’Ivoire »
A bientôt 38 ans, et pour sa dernière saison de footballeur (au Quimper Kerfeunteun FC en R1) Herman Koré s’entretient. Photo DR

« Tout gamin, à 8 / 10 ans, j’ai commencé le foot dans les rues d’Abidjan. On se mettait en ligne, un qui part à gauche et l’autre à droite. C’est comme ça qu’on formait les équipes. On n’avait pas de maillot, c’était soit avec des t-shirts, soit torse-nu, on mettait deux petits poteaux pour les buts et c’était parti. Pour faire plus moderne, on s’écrivait aussi des numéros dans le dos avec du kaolin mais ça partait avec la transpiration et il fallait les refaire à la mi-temps. On faisait des tournois, on jouait pour des bonbons, dans une bouteille de Cristaline à l’envers qui faisait office de coupe. Il y a des gens qui m’ont vu jouer et qui m’ont proposé de faire un essai à l’académie Jean-Marc Guillou. J’ai été retenu, des dirigeants sont venus à la maison, c’était l’un des deux grands clubs de Côte d’Ivoire mais ils sont aussi rivaux que Paris et Marseille, et comme mon père était supporter de l’autre club, il a refusé que je signe. Donc j’ai continué à jouer au foot dans le quartier, je me débrouillais, je vendais aussi des cigarettes, je faisais monter des gens dans des camions pour les déposer où ils voulaient aller. Je n’allais pas trop à l’école. Des fois j’avais mon sac pour y aller, mais je m’arrêtais en chemin car il y avait un tournoi. J’ai quand même eu mon examen pour aller en 6e car la maîtresse a bien voulu me le faire passer après un tournoi où il y avait 15 000 francs CFA à gagner (25€). Et je suis allé jusqu’en 3e. Mais j’ai su très tôt que mon avenir n’était pas en Côte d’Ivoire. »

  • International junior de rugby. « Je ne savais pas encore que je ne reviendrais pas »
Herman Koré (short jaune) avec l’équipe juniors de rugby de Côte d’Ivoire, à son arrivée en France en 2003, pour la coupe du monde.

« Dans la cité du port, le jeudi, mes copains partaient à l’entraînement de rugby et je me retrouvais tout seul. C’est pour ça que je m’y suis mis aussi. Et en 3e, mon prof de sports s’occupait d’une équipe qui était inscrite à un tournoi où les meilleurs devaient être recrutés pour la coupe du monde juniors en France. Il a vu mes qualités de vitesse, ma vision du jeu et il m’a pris comme capitaine. On était 1500 à être retenus pour les stages suivants. Après, j’étais dans les 500 gardés, puis dans les 50, puis dans les 30. Là, c’était bon pour moi pour partir en France où j’avais déjà un cousin qui jouait dans un club de rugby. Je ne savais pas encore que je ne reviendrais pas mais dans ma tête ça commençait à me travailler. En plus, j’avais surpris une conversation entre les dirigeants qui prévoyaient de nous laisser 400 000 francs CFA (600 €) au lieu du million prévu (1500 €) à notre retour à Abidjan. Je m’étais dit que je ne retournerais pas pour 400 000 francs CFA et ça m’a forgé dans mon envie de rester en France. A Paris, on était à Saint-Denis. On a perdu notre premier match contre l’Espagne et on a gagné les deux suivants contre la Pologne et la Bulgarie. On était donc qualifié. »

  • Vieilli de deux ans. « Il fallait être majeur »

« J’avais 16 ans mais, avec la complicité de mes parents, on m’avait vieilli de 2 ans sur mon passeport car il fallait être majeur pour pouvoir quitter la Côte d’Ivoire pour jouer la Coupe du Monde en France. »

  • La grande évasion. « On était 8 à s’échapper »
Sous le maillot de Quimper Kerfeunteun. Photo Fanch Hémery.

« Lors de la phase éliminatoire, on était surveillé de près par nos dirigeants car il y avait déjà d’autres ivoiriens qui avaient fugué lors de matchs précédents en France. Ils gardaient nos passeports. Mais comme on s’était qualifié, du coup, nous étions un peu moins surveillés. C’est ce soir-là que j’ai décidé de m’évader. On était quatre par chambre et j’avais un autre collègue qui était dans une autre chambre de quatre. On a sauté par la fenêtre et on est parti à l’arrêt de bus. Mais avant de monter dedans, je suis retourné chercher mon collègue. Ses trois copains de chambrée sont venus avec nous. On était huit à s’échapper. On avait repéré le numéro de bus quand on était arrivé, et on l’a pris dans l’autre sens, je l’ai pas payé d’ailleurs, et on est arrivé à la gare du nord. Trois de mes copains avaient de la famille à Paris, ils ont téléphoné et on est venu les chercher. Moi, mon cousin était à Tours, je croyais que c’était juste à côté, je l’appelle, il nous dit de venir. On monte donc dans le train et on se cache dans les toilettes car on n’avait pas d’argent pour le billet. Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé tous les cinq à Tours ! »

  • En cavale. « La galère a duré 6 ans »
A bientôt 38 ans, et pour sa dernière saison de footballeur (au Quimper Kerfeunteun FC en R1) Herman Koré s’entretient. Photo DR

« A chaque fois qu’on voyait un policier, on était mal. Si on nous avait demandé nos papiers, on n’en avait pas, donc il valait mieux tout faire pour éviter cette situation. Dès que je voyais un policier, je ne courais pas tout de suite mais je pressais le pas, et dès que j’étais à l’abri des regards, je partais. Tout ce qui était bagarre, les embrouilles comme ça, j’évitais tout, et la galère a duré six ans car je n’ai eu mes papiers qu’en 2009. Mais je suis le seul des huit à avoir dû attendre aussi longtemps pour être régularisé. Bon, il y en un qui s’est fait prendre à voler dans un magasin et il avait été renvoyé au pays. Un autre est parti en Italie où son frère travaillait, il s’est intégré là-bas. Un autre est parti à Paris chez un oncle, il est retourné à l’école et il a eu ses papiers. Donc on s’est retrouvé à deux chez mon cousin à Tours, mais ça ne pouvait pas durer longtemps car il vivait en couple et notre présence posait évidemment des problèmes. Heureusement, mon copain a rencontré une fille qui l’aimait bien, ils sont partis vivre ensemble, ils se sont mariés et ils ont eu deux enfants, des jumelles. Lui aussi a fait sa vie et sa situation s’est régularisée. Il ne restait que moi. »

  • De Tours à Paris. « 20 € le but et la vie parisienne »
Sous le maillot de l’US Trégunc. Photo Fanch Hémery.

« Pendant que j’étais à Tours, j’ai trouvé dans la banlieue un petit club corpo, à Saint-Cyr-sur-Loire, où on me payait 20 € le but. J’étais plus jeune que les autres, j’allais plus vite et techniquement, j’étais au-dessus. On me donnait le ballon, je courais et je frappais. Un jour, on a gagné 12-0, j’avais marqué les 12 buts et je suis rentré avec 240€ ! C’était énorme pour moi. Comme une première paye. J’avais acheté un jean et des chaussures. J’avais fait aussi un essai au Tours FC où j’ai joué un peu en U18, un entraînement et un match amical peut-être, mais sans papiers je ne pouvais pas faire plus. Et au bout de six mois, je suis reparti trois mois à Paris, chez un copain d’enfance qui était bagagiste à l’aéroport. J’ai fait aussi un essai concluant au Paris FC, la première était en National je crois, mais il y avait toujours le problème des papiers qui m’empêchait de travailler et de trop traîner dans la rue. C’était compliqué pour moi. Je trouvais que tout le monde était pressé et que les gens couraient dans tous les sens pour prendre le train ou le métro, pour aller au boulot ou pour rentrer chez eux. Je pensais qu’il se passait quelque chose et je courais aussi en découvrant la vie parisienne où personne ne se dit bonjour. »

  • Le faux-départ pour l’Irlande. « Ramassé par la police des frontières »
A bientôt 38 ans, et pour sa dernière saison de footballeur (au Quimper Kerfeunteun FC en R1) Herman Koré s’entretient. Photo DR

« J’étais revenu chez mon cousin à Tours et j’appelle ma soeur en Irlande où je voulais la rejoindre. Elle m’envoie 200€ sur le compte de mon cousin et je prends le train pour Cherbourg où je devais embarquer. Mais je ne sais pas pourquoi je suis descendu à Caen et j’ai demandé où il y avait un club de foot. On me montre le Stade Malherbe et grâce au gardien et au coach des 18 ans Nationaux, j’ai pu dormir au centre de formation. Le lendemain, j’ai fait un entraînement, le coach a vu mes qualités, mais il y avait toujours le problème de ma situation. Il m’a conseillé d’aller à Saint-Lô qui était un club partenaire de Caen. Mais moi je ne savais pas où c’était et je suis remonté dans le train pour aller à Cherbourg. Là je paye 50€ mon billet et j’attends. Sauf que l’Irlande c’est un autre pays et je me suis fait ramasser par la police des frontières. J’avais bien un nouveau passeport, que mes parents m’avaient envoyé à l’ambassade à Paris, en se débrouillant car au pays c’est business. Et avec cette fois ma vraie date de naissance qui montrait que j’étais mineur. Mais il n’y avait pas de visa donc ça servait juste à indiquer de quel pays je venais. On m’arrête. C’était le 20 décembre 2003. »

  • En garde à vue puis en foyer d’accueil. « Une place pour moi à Saint-Lô »

« Comme je suis mineur, on ne me renvoie pas en Côte d’Ivoire, on me cherche une place dans un foyer d’accueil pour jeunes. Mais il n’y avait plus de place à Cherbourg et comme il était tard, on me met en garde à vue. Le lendemain, j’apprends qu’il y a une place pour moi à Saint-Lô et ça fait tilt dans ma tête car l’entraîneur de Caen m’avait déjà parlé de Saint-Lô pour le foot. Au foyer, je leur ai dit que je voulais reprendre mes études pour avoir un diplôme et j’ai passé en deux ans un BEP électro-technique à Coutances et ensuite un bac pro. On m’avait aussi demandé au foyer si je faisais du sport et l’éducateur m’a donc accompagné pour m’inscrire au club de foot de Saint-Lô. »

  • A Saint-Lô (2004 à 2010). « Ils sont nuls, essaye-moi, je suis meilleur qu’eux »

« A Saint-Lô, c’était pour jouer en équipes de jeunes, mais en arrivant, j’ai vu la première qui s’entraînait (alors en CFA, c’est à dire N2) et j’ai dit à leur coach, c’était Olivier Joba, que ses attaquants n’étaient pas bons. Je lui lance ça cash : « Ils sont nuls, essaye-moi, je suis meilleur qu’eux ! ».
Le week-end suivant, ils avaient un match amical contre la Maladrerie Caen. Le coach me dit, « Toi tu parles beaucoup, on va voir ce que tu vaux ». On me prête des chaussures, j’étais remplaçant, on était mené 1-0, un attaquant se blesse, je rentre, je mets un doublé et je fais une « passe dé ». Ensuite j’ai commencé avec la réserve, j’ai mis quatre buts je crois, et c’est comme ça que j’ai été pris en équipe A et que j’ai joué mon premier match contre Vannes. Ensuite j’ai joué avec Thomas Vauvy en attaque. J’ai été repéré, j’ai fait des essais au Havre (2004) et à Dijon (2005), ça se passait bien, mais à chaque fois ça coinçait à cause de ma situation de sans papiers. Donc je reviens à Saint-Lô, je fais mes gammes et les années passent. Mais je n’avais que des primes de match, pas de fixe, que des primes de 75€ par match gagné. A un moment, je me suis rebellé, et de 75€ de prime de victoire je suis passé à 300€ de fixe puis à 800 € la saison d’après. Plus les primes. Mais c’était versé sur le compte d’un autre joueur donc c’était compliqué pour moi. »

  • La régularisation (2009). « Le maire dînait avec le préfet »
Sous le maillot de l’US Concarneau. Photo Fanch Hémery.

« Dans la vie de tous les jours ce n’était pas facile pour moi. Sans papiers, je n’avais pas de compte, je ne pouvais pas passer mon permis de conduire. Et je ne pouvais pas travailler alors que j’étais devenu indispensable à l’équipe car j’étais décisif et je marquais des buts. J’ai donc dit que la situation ne m’arrangeait plus et j’ai refusé de jouer un match décisif pour la remontée en CFA 2 (N3). C’était juste avant le coup d’envoi. Il y avait encore deux matchs derrière, mais si on gagnait celui-là, on était sûr de remonter. On était dans le vestiaire après l’échauffement, Olivier Joba préparait l’équipe, et j’ai dit « Moi je ne joue pas. On me promet que je vais avoir mes papiers, je ne les ai toujours pas, je les attends encore, alors si vous pensez que vous pouvez gagner sans moi, allez jouer ! ». Le gardien, un bon pote à moi, a dit que lui non plus ne jouerait pas. Le latéral droit et un des deux défenseurs centraux ont dit pareil. Je ne m’attendais pas à ça. Quatre titulaires en moins alors que l’adversaire était déjà dans le couloir pour entrer sur le terrain ! Le coach ne m’a pas engueulé, il m’a dit : « Je comprends, le maire est là, je vais aller le voir ». L’équipe adverse était sur le terrain, l’arbitre nous appelle, personne ne vient. Il s’est trouvé que ce même soir, le maire, Monsieur François Digard, devait dîner avec le préfet. Je lui ai expliqué ma situation, il n’était pas au courant, il m’a dit : « Je voyais ton nom dans le journal, je ne savais pas qu’il y avait un problème, va jouer, tu auras tes papiers lundi ». Le match c’était contre Ouistreham. J’ai joué, on a gagné 6-1, j’ai marqué trois buts et réussi une passe décisive. Je devais donc aller le lundi à la préfecture mais la trésorerie principale était juste à côté et il y avait un car de police. J’ai cru à un piège pour me renvoyer au pays et je me suis sauvé. C’est la préfecture elle-même qui m’a rappelé le mardi en me disant que j’avais été attendu le lundi, que j’étais le seul noir sans papiers que la préfecture invitait à venir les chercher et qui ne venait pas ! Ils avaient repris ma date de naissance vieillie (le 25 février 1984 au lieu de 86), mais je n’ai rien dit. Je me suis tout de suite inscrit au permis de conduire et, avec Charlotte, ma future femme, on a ouvert à la Caisse d’Epargne un compte joint que l’on a toujours depuis. Et j’ai trouvé tout de suite du travail. Ma vie de citoyen français commençait. J’ai encore fait un an à Saint-Lô, on est redescendu en DH (R1), mais j’ai mis 21 buts, je jouais libéré. Avant je jouais avec la haine car je voulais tout casser pour être régularisé. »

  • L’AS Vitré (2010-11). « L’année du décès de ma mère »

« Je suis resté un an à l’AS Vitré (CFA 2) où je touchais 2000€ par mois mais ce n’est pas ma meilleure saison car j’ai subi le contre-coup du décès de ma mère. Comme j’avais enfin mes papiers, j’étais retourné deux semaines en Côte d’Ivoire pour la revoir et elle est décédée juste après. Je ne l’avais pas vue depuis sept ans. Donc ce n’était pas une bonne saison pour moi mais j’avais quand même réussi deux bons matchs contre l’US Concarneau où je me suis retrouvé la saison suivante. Je ne touchais plus que 1000€ par mois mais en jouant une division plus haut (CFA). »

  • Les années concarnoises (2011 à 2018). « 1/4 de finale de Coupe de France et montée en National »
Sous le maillot de l’US Concarneau. Photo Fanch Hémery.

« A Concarneau, il y a eu des hauts et des bas mais, avec Saint-Lô, c’est le deuxième club où je suis resté aussi longtemps. J’ai d’abord fait fait cinq belles saisons en CFA (N2), mais l’année suivante, après être monté en National, c’était plus compliqué pour moi car j’étais souvent victime de la concurrence. Il y a aussi le quart de finale de la Coupe de France contre Guingamp (défaite 1-2 en 2015) mais je n’étais que remplaçant car j’avais pris un coup au genou en 1/8e de finale à Croix (0-0, 1-4 aux tab). Ma dernière saison en National (2017-18), je n’ai pas beaucoup joué non plus car il y avait aussi Charly Dutournier et Saïd Idazza devant. Cette année-là, je n’ai mis qu’un but, mais un beau, un ciseau acrobatique sur un centre de Kelly Irep contre Boulogne (victoire 1-0 le 22/09/2017). Ce but, je l’avais dédié au président Jacques Piriou car c’était son anniversaire. Mais après cette saison, j’étais un peu dégoûté et je voulais arrêter. »

  • L’US Trégunc (2018 à 2020). « 24 buts en championnat plus 8 en Coupe de France »

« L’entraîneur de l’US Trégunc (juste à côté de Concarneau), Hubert Castets, m’a persuadé de reprendre le foot en R1. Et cette saison-là (2018-19), on est tout de suite monté en N3 et j’ai marqué 18 buts en championnat plus 8 en Coupe de France. Mais la saison suivante, je m’étais fait une déchirure et j’ai arrêté au début de la poule retour. A la fin de la saison, le club devait redescendre en R1 mais il avait finalement été repêché en N3. »

  • Le Quimper Kerfeunteun FC (depuis 2020). « C’est ma dernière saison »
Sous le maillot de Quimper Kerfeunteun en R1. Photo Christian Rose Cornouaille Photo.

« Le coach de Quimper Kerfeuteun me contacte mais je voulais d’abord bien me soigner. Ensuite c’est le président, Yannick Crenn, le PDG de Locarmor, une entreprise de location de divers matériels de chantier, qui m’appelle. Comme je ne travaillais qu’en intérim, je lui ai dit que je voulais un CDI et une voiture de fonction. On s’est mis d’accord. Il m’avait dit aussi qu’il me prêterait une de ses grosses voitures pour partir en week-end si je marquais 20 buts. La première saison a été interrompue par le Covid mais la deuxième j’ai marqué 22 buts, on est monté de R2 en R1, et je suis parti en week-end avec la voiture du patron après avoir fait le plein à la boîte ! Aujourd’hui, c’est ma quatrième saison à Quimper Kerfeunteun mais c’est la dernière. C’est sûr et certain. Je vais sur mes 38 ans, mon corps m’envoie des signaux, il faut savoir dire stop. »

Herman Koré, du tac au tac

« Si j’avais eu mes papiers plus tôt, j’aurais été pro »

Sous le maillot de Quimper en R1. Photo Christian Rose Cornouaille Photo.

Le meilleur souvenir de footballeur ?
« Si je dois n’en donner qu’un ou deux : mon but contre Niort (Ligue 2) qui qualifie Concarneau pour les 16es de finale de la Coupe de France (1-0 en janvier 2015). Et le déplacement à la Réunion avec l’US Concarneau en Coupe de France (novembre 2014). »

Le pire ?
« Ma saison en CFA 2 à l’AS Vitré (2010-11) après le décès de ma maman. »

La plus belle victoire ?
« Contre Châteaubriant en Coupe de France avec Concarneau » (victoire 2-0 au 8e tour le 6 décembre 2015).
– Il rigole car son but (le deuxième) avait fait polémique (voir la vidéo de Newsouest) : « J’avais marqué de la tête en me mettant à quatre pattes car j’avais le temps pour le faire avant que le gardien ne revienne. C’est un geste que je ne regretterai jamais car je l’ai fait, je l’avais pensé, et je l’avais même prévu quand Ntep l’avait fait avec Rennes contre Reims (mai 2014). J’étais au stade. Alors aucun regret. »

Le but qui a fait polémique :

La pire défaite ?
« Avec l’US Trégunc : 6-0 à Brest, contre la réserve du Stade Brestois en N3 (25/01/2020). »

Le plus beau stade ?
« Le stade de Sedan (Louis-Dugauguez). D’abord sous la neige pour un match remis (13 janvier 2017) en National avec l’US Concarneau, mais on y était retourné en février (victoire 0-2). »

Le meilleur entraîneur ?
« Olivier Joba à Saint-Lô. »

Le meilleur président ?
« Jacques Piriou à Concarneau. Il a toujours été honnête avec moi. Tout ce qu’il m’a promis, il l’a tenu. »

Ton plus beau but ?
« Le ciseau acrobatique sur le centre de Kelly Irep contre Boulogne en 2017 (National). »

Le but contre Boulogne :

Le match où tu as marqué le plus de buts ?
« 12 buts avec le club corpo de Saint-Cyr-sur-Loire dans la banlieue de Tours (2003). »

Le meilleur vestiaire ?
« Celui de Saint-Lô. »

Sous le maillot de Quimper Kerfeunteun. Photo Fanch Hémery.

La causerie d’avant-match la plus marquante ?
« Toutes celles de Nicolas Cloarec à Concarneau. Il est doué pour ça. Après ses discours d’avant-match, j’étais prêt à partir à la guerre pour mettre la tête là où l’adversaire mettait le pied. »

Une anecdote qui n’est jamais sortie du vestiaire ?
A Fontenay-Le-Comte en CFA (N2) avec Concarneau (07/11/2015). J’étais remplaçant et j’avais oublié mon maillot au vestiaire et il a fallu aller le chercher quand Nicolas Cloarec a voulu me faire rentrer. On n’a perdu deux minutes, il n’en restait plus que trois dans le temps additionnel, il y avait 2 à 2 alors qu’on avait mené 2-0, et je mets le but de la victoire 3-2. Mais le coach ne m’a pas félicité, il m’a engueulé pour avoir oublié mon maillot. »

La personne qui t’a le plus aidé ?
« Il y en a trois : Olivier Joba à Saint-Lô, Pascal Laguillier à Concarneau et Yannick Crenn à Quimper Kerfeunteun. »

Le plus bel encouragement ?
« Pascal Laguillier, à l’US Concarneau, quand il m’a accompagné et aidé à me remettre en jambes après ma fracture de la malléole d’une cheville (décembre 2013). »

A bientôt 38 ans, et pour sa dernière saison de footballeur (au Quimper Kerfeunteun FC en R1) Herman Koré s’entretient. Photo DR

La plus grande peur ?
« Quand j’ai eu cette fracture et que j’ai cru que le foot était fini pour moi. A l’hôpital, on n’avait pas détecté tout de suite la fracture, on croyait que c’était une entorse et mes ligaments se sont collés sur ma malléole. J’ai dû subir une nouvelle opération et j’ai été éloigné des terrains pendant sept mois… Bon, quand j’étais sans papiers, j’ai eu pas mal de frayeurs aussi en croisant des policiers. »

Un regret de footballeur ?
« De ne pas avoir eu mes papiers plus tôt. »

Tu aurais voulu et pu être professionnel ?
« Je suis sûr et certain que si j’avais eu mes papiers plus tôt je l’aurais été. »
Ton point fort ?
« La puissance et la vitesse. »

Ton point faible ?
« Je suis râleur. Je discute beaucoup avec les arbitres et je peux comprendre que ça énerve mais c’est parce que j’ai horreur de l’injustice. »

Combien de cartons rouge ?
« A Saint-Lô, j’en ai pris plein. J’ai même pris une suspension de dix matchs mais c’était à mes débuts et je n’étais pas habitué aux injures racistes et aux crachats au visage. On m’a souvent appelé Bamboula. Je répondais en y allant aux poings. J’ai dû prendre au moins dix cartons rouge. »

Combien de buts en championnat ?
« Largement plus de 100. »

Le partenaire qui t’a le plus impressionné ?
« Tony Théault. J’ai joué deux ans avec lui à Saint-Lô (2008 à 2010). Un ailier gauche qui avait une main à la place du pied gauche. Il a joué aussi à Avranches. C’était comme Gourm’ (Christophe Gourmelon) à Concarneau mais en plus technique et en plus vif. On se trouvait les yeux fermés. »

L’adversaire qui t’a le plus impressionné ?
« Guillaume Jannez (le capitaine des Thoniers à l’US Concarneau en Ligue 2). On a joué longtemps ensemble mais j’ai également joué contre lui avec Saint-Lô et Vitré. C’est un faux lent. Au démarrage, il a des problèmes avec les petits gabarits vifs, mais à l’arrivée, avec ses longues jambes (il mesure 1,96m), il est toujours là. Et il a aussi le sens de l’anticipation. »

Tu aurais voulu être international ivoirien au foot ?
« J’aurais voulu. D’ailleurs j’ai une anecdote que je n’ai jamais dite. Une fois, j’ai reçu un appel de la fédération ivoirienne de foot qui me disait qu’on me suivait pour la sélection. C’est quand j’étais à Saint-Lô. J’ai cru que c’était une blague. Je ne saurai jamais si c’était vrai car j’ai raccroché… Au téléphone c’était bizarre quand même, le club aurait dû recevoir une lettre. »

Ta plus grande fierté ?
« Avoir réussi à fonder une famille et, malgré mon handicap de départ, avoir une maison à mon nom. »

Textes : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos

Photos : Fanch Hémery, Christian Rose Cornouaille Photo et DR.

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Le directeur général adjoint du groupe 6e Sens Immobilier et président du deuxième club lyonnais (National 3) mène de front une politique sociétale, avec de nombreuses actions en matière de citoyenneté, scolarité, culture, jeunesse, santé et emplois, et une politique sportive. Un choix assumé mais pas toujours simple dans le quartier le plus pauvre de la ville, où les infrastructures font cruellement défaut.

Président de Lyon – La Duchère depuis mai 2021, bénévole depuis une quinzaine d’années, Jean-Christophe Vincent fait bouger les lignes sur les hauteurs du IXe arrondissement après avoir succédé à Mohamed Tria il y a plus de deux ans à la tête du deuxième club de football de la ville rhodanienne. Ses ambitions politiques mises au placard, l’ancien numéro 2 du Parti socialiste à Lyon est revenu sur le devant de la scène dans un autre rôle.

Au travers un combat qui entremêle sportif et social dans « un des quartiers les plus pauvres de Lyon », le directeur général adjoint du groupe 6e Sens Immobilier, un des actionnaires du club, dépense une énergie inépuisable pour mener à bien ses projets.

A 53 ans, le Duchérois vise « l’excellence sportive et sociale » pour son club mais se retrouve, avec ses équipes, confrontés à des problématiques d’infrastructures majeures qui n’empêchent cependant pas les résultats. Pour 13 heures foot, le président du club du Plateau revient, avec calme et sérénité, sur la chronologie des faits, de sa prise de fonction jusqu’à des ambitions qui se veulent toujours plus étendues.

Interview

« Un projet d’envergure ne peut reposer sur un seul investisseur »

Quel rapports avez-vous avec le foot personnellement ?
J’ai toujours joué en foot en loisirs et je joue à 5 contre 5 encore aujourd’hui avec des potes et des amis de mon fils. Je n’ai jamais joué au foot de façon sérieuse car je n’avais pas le niveau aussi (sourires).
Bénévole au club de La Duchère depuis 2008, vous êtes aussi maintenant président depuis mai 2021.

Comment cela s’est fait ?
Mohamed Tria a pris la présidence et je connaissais bien son frère qui nous a présenté. J’habite le IXe arrondissement et j’allais voir des matchs de La Duchère. Je jouais aussi en 5 x 5 avec des anciens du club. De par mon métier de l’époque, je connaissais bien le milieu politique et Mohamed avait besoin d’aide pour s’occuper des relations extérieures, publiques et économiques du club. Il mettait aussi un projet social en place et c’est ça qui m’a intéressé. Je n’avais pas de regard sur l’aspect sportif.

Devenir président, vous ne l’aviez jamais imaginé ?
Pas du tout ! C’est vraiment un concours de circonstances. Je n’ai jamais eu l’ambition de présider le club de La Duchère mais quand Mohamed Tria est parti, ça semblait logique que ce soit moi qui reprenne la présidence.

Vous êtes également directeur général adjoint de 6e Sens Immobilier, un des actionnaires du club. Cette double casquette n’est-elle pas trop lourde à porter ?
J’ai deux boulots. Je travaille six à sept jours par semaine. Je ne me plains pas, j’adore mon travail chez 6e Sens Immobilier et j’adore m’investir pour le club de Lyon La Duchère. Il y en a qu’un seul qui me paye mais ça me va comme ça (sourires). Nicolas Gagneux (fondateur et patron de 6e Sens Immobilier) est totalement impliqué dans la vie du club et les choses se font tout à fait naturellement. Je n’ai pas d’emploi fictif (rires). Aujourd’hui, le club vit par 6e sens. Le patron de 6e sens est celui qui donne la ligne directrice de la stratégie globale. C’est celui qui paye qui décide, son président qui fait vivre le club. Même s’il y a d’autres partenaires. Il ne peut pas y avoir de divergence.

« Pour la L2, financièrement, sportivement et symboliquement, on a échoué »

Le club recherche forcément d’autres partenaires, non ?
Toujours oui. Il y a une fenêtre de tir assez incroyable compte tenu de l’état de l’Olympique Lyonnais et de l’état d’esprit aujourd’hui de ses actionnaires qui sont éloignés de ce qu’a été le club. Autour de Jean-Michel Aulas, des entrepreneurs locaux ont plus que soutenu un véritable projet de territoire, appuyé par Gérard Collomb, le maire de l’époque (décédé le 25 novembre dernier). Tout ce microcosme est en train d’être réduit à néant. L’exemple du LOU au rugby, c’est magnifique aussi. Des chefs d’entreprises locaux ont bâti le projet et l’ont repris depuis sa base pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. On attend désormais qu’ils se tournent vers nous.

La joie en coupe de France après la qualification contre Bastia (Ligue 2)

Jusqu’ici, vous avez contribué à « façonner » le club de La Duchère plutôt dans l’ombre…
Il y a eu un projet, à partir de 2018-2019, de faire de La Duchère un club de Ligue 2. On a été beaucoup à y adhérer et finalement, ça a échoué. Financièrement, sportivement mais aussi symboliquement : parce que le changement de nom a été mal vécu, avec cette nouvelle appellation, Sporting Club de Lyon. Il fallait repartir de la base et sur quelque chose de nouveau.

Quel regard posez-vous aujourd’hui sur la situation globale du club ?
Je dirais que la situation s’est assainie après une série d’ennuis judiciaires qui sont derrière nous. J’espère qu’il n’y en aura pas d’autres (sourires). On a eu un gros problème avec l’URSSAF notamment (le club de Lyon La Duchère a été sanctionné par la commission fédérale de contrôle des clubs de la DNCG en fin de saison dernière avant d’être rétrogradé de N2 en N3). Mais comme je le disais, il faut désormais qu’on arrive à convaincre les collectivités d’être plus que dans l’écoute.

« On refuse 400 à 500 gamins chaque année »

La joie en coupe de France après la qualification contre Bastia (Ligue 2)

Vous accueillez 600 licenciés : comment cela se matérialise-t-il au quotidien ?
On dénombre 550 mineurs et une centaine d’autres licenciés. Ce dont on ne parle presque jamais, c’est qu’on refuse 400 à 500 gamins chaque année et pour moi, c’est un truc qui ne peut pas durer éternellement. Je ne cherche pas à avoir le club le plus gros de Lyon mais on pourrait accueillir beaucoup plus de monde.

Le club compte tout de même 32 équipes jeunes !
Et encore une fois, on pourrait en avoir beaucoup plus ! Quand on a créé l’équipe U17 B, nous avons été obligés d’arrêter nos vétérans. On ne peut pas faire de futsal non plus. On fait du foot adapté mais on le fait à Champagne-au-Mont-d’Or, juste à côté. On développe aussi le football féminin mais si les choses n’évoluent pas, les capacités du côté masculin seront forcément réduites…

Un comité de direction paritaire

La joie en coupe de France après la qualification contre Bastia (Ligue 2)

La Duchère est pourtant un quartier qui a été entièrement rénové…
Oui mais les infrastructures sportives ont été oubliées. On parle tout le temps de la Halle Diagana mais elle n’aurait jamais dû être là. Il y aurait dû avoir un terrain de football à la place. Malgré ça, on est vraiment soutenu dans notre action quotidienne qui correspond à l’état d’esprit de la ville de Lyon. Il n’y a pas beaucoup de clubs qui ont un comité de direction qui est strictement paritaire par exemple.

Une égalité qui permet de proposer une multitude d’activités ?
On propose des accompagnements dans une multitude de domaines : la culture, l’emploi, la scolarité. On organise des forums. Des cours de soutien sont dispensés tous les soirs. Les plus jeunes effectuent deux stages avant celui de fin d’année en 3e. On s’occupe d’insérer les jeunes migrants aussi. Seulement, il manque des espaces et la ville de Lyon le sait et y travaille. Tout se joue là.

Les U17 Nationaux.

Un pôle de prévention des violences sexuelles et intrafamiliales, en partenariat avec l’association L’Enfant bleu, a été créé. En parle-t-on assez selon-vous ?
Le chiffre que tout le monde doit retenir aujourd’hui, c’est qu’il y a 1 chance sur 7 d’être victime de violence sexuelle avant ses 18 ans. C’est effrayant et je considère qu’on ne peut pas confier ses enfants à un club sportif sans être sûr des mesures prises pour éviter ce genre de drame. On a imposé des formations sur la prévention des violences aux enfants à tous les éducateurs du club de La Duchère et c’est un projet qu’on a porté aux niveau des collectivités locales. A l’avenir, les subventions publiques pour les clubs des villes comme Paris ou Lyon seront conditionnées par des formations effectuées pour une partie des éducateurs.

Les résultats dans le combat que vous menez sont-ils visibles ?
Il y a deux ans, on a postulé pour le prix de la fondation du foot autour d’un projet sur les menstruations. On a eu le grand prix et notre initiative a été diffusée dans de nombreux clubs en France. L’année suivante, on a présenté notre pôle de la prévention pour les violences faîtes aux enfants et on a été parmi les 4 lauréats pour le prix final. Grâce à ce pôle, nous avons recueilli la parole de 40 enfants. Depuis, 10 sont suivis et 3, victimes de violences intrafamiliales, ont été placés après signalement au procureur… C’est dire l’efficacité de notre action ! Nous n’avons pas « gagné » car un autre projet a requis plus d’attention : un club avait planté autant d’arbres que de matchs gagnés, soit 32 !! Une aberration ! On est à des années-lumière de la prise de conscience.

« Le monde sportif est aveugle »

Lors d’une journée citoyenne.

Vous avez été touché personnellement par ce genre de problématique. En quoi le foot peut-il être le vecteur de tous ces combats ?
Le foot aujourd’hui, c’est de loin le sport qui draine le plus de licenciés devant le tennis qui en compte environ un million. Il y a le foot et le reste des sports et la FFF est certainement la plus ringarde sur le sujet de la question de la protection de l’enfance. Je dirais même que le monde du sport est complètement aveugle.

Un engagement quelque peu freiné par des problématiques d’infrastructures majeures…
Exactement. La Duchère n’a pas été portée politiquement par le passé et il n’y a jamais eu de volonté de nous permettre d’avoir les infrastructures nécessaires. Quand on prend l’exemple du FC Lyon, projet porté par Thierry Braillard à l’époque, ils ont 7 ou 8 terrains. Il faut qu’on en ait au moins trois dans les années à venir. On accueille de plus en plus de jeunes filles, on est demandeurs, on a baissé les tarifs de 25% mais on est confronté à des problématiques de créneaux horaires. On a 120 filles et 410 garçons et, à l’avenir, on aimerait avoir 550 filles et 550 garçons !

« On demande une réflexion sur les années à venir »

Lors d’une journée citoyenne.

Quels liens entretenez-vous avec les collectivités ?
On travaille avec la Ville de Lyon, avec la Métropole aussi, et nos relations avec les collectivités se passent très bien. Le dialogue est simple, régulier et on sait qu’il faut des investissements majeurs en infrastructures, que ça ne peut pas se faire d’un claquement de doigt. Ce qu’on demande, c’est une réflexion sur les années à venir pour accueillir comme ils se doit nos licenciés.

Stage de La Toussaint pour les U10-U11.

Des catégories du club doivent être forcément lésées…
Clairement ! Nos jeunes, à partir de 16 ans, vont jouer à la Plaine des Jeux de Gerland, soit une heure de trajet aller-retour trois fois par semaine en plus de mener une scolarité. La mairie de Lyon vient de refaire le stade de la Sauvegarde, le stade Balmont sera converti en synthétique courant 2025 et on pourra passer à peu près 80 heures par semaine dessus. C’est une avancée mais on explore d’autres pistes. On discute avec le groupe Alliade Habitat, bailleur social, et aussi la Métropole de Lyon car il y a des terrains non utilisés. Je pense à celui quartier des Sources, qu’on pourrait convertir en terrain synthétique et il faut interpeller la collectivité qui pourrait vouloir y construire un immeuble. Nos besoins, ce sont aussi leurs besoins. Nous accueillons les gamins des personnes qui sont ou seront logés ici.

Stage de La Toussaint pour les U10-U11.

Qu’en est-il du stade Balmont dont les travaux de rénovation s’imposent ?
Dans ma tête, j’y pense forcément (rires) et j’avais imaginé un partenariat public/privé, en lien avec la municipalité, pour pouvoir financer ces travaux. C’est une idée car le plan pluriannuel d’investissement de la collectivité, prévu de 2020 à 2026, ne prévoyait pas de rénovation. Je demande à ce qu’une budgétisation soit faite dans les années à venir car on ne peut pas faire rêver les gens tant qu’on n’en a pas les moyens. Le stade Balmont est le dernier qui existe sur la ville de Lyon et ça serait terrible qu’il s’effondre (sourires).

« Notre action sociale est valable si on a une locomotive sportive »

Séance d’entraînement à la plaine de Gerland.

Malgré tout, on a vu une belle fête au 7e tour de la Coupe de France face au SC Bastia (Ligue 2), avec de nombreux jeunes venus garnir les tribunes…
Oui, d’ailleurs il y avait autour de 1000 personnes pour cette rencontre (l’équipe de Lyon – La Duchère a signé l’exploit en se qualifiant sur le score de 4-1). Notre action sociale est valable si on a une locomotive sportive. Si les jeunes se mobilisent autour de ce qu’on fait, si on les fait rêver avec du sport, on peut les emmener sur plein d’autres choses. Plus notre équipe première performe, plus les autres équipes suivront. C’est ça qu’on essaye de faire. Promouvoir une excellence sportive et sociale et ça passe par ce genre de moments !

Une phase de jeu en U17 Nationaux contre l’AS Saint-Priest.

Pensez-vous que l’excellence sportive peut être compatible avec l’excellence sociale ?
Oui, on a un modèle qui n’existe pas ailleurs. Aujourd’hui, la responsabilité sociétale des entreprises est un critère majeur et nous sommes le seul club en France à mener une véritable politique sociale, qui plus est dans le quartier le plus pauvre de Lyon. On a mené 75 actions l’année dernière et on est capable d’avoir de bons résultats sportifs tout en étant complètement intégré dans notre territoire. Et surtout on contribue à l’évolution des jeunes qui y vivent. Nous avons la conviction que le foot peut mobiliser des centaines de jeunes et avec une certaine exigence, on peut s’ouvrir sur le reste du monde.

Le club va vivre encore une étape en Coupe de France face à Thonon-Evian Grand Genève (N2) : qu’attendez-vous de ce 8e tour ?
Je pense qu’il sera beaucoup plus compliqué pour nous d’affronter Evian (samedi 9 décembre à 16h au stade Balmont), qui a pour ambition de retrouver le monde professionnel. Quand vous affrontez Bastia avec trois niveaux d’écart, vous n’avez rien à perdre et ça s’est vu il y a une dizaine de jours. On a continué à attaquer alors qu’on menait 2-1. Je me souviens, contre Saint-Etienne il y a deux ans, c’était un peu la même chose. C’était la première de Pascal Dupraz sur le banc et ce n’était pas passé loin (défaite 1-0, but de Khazri). On avait fait un super match mais on était tombé avec les honneurs.

« On peut devenir un Paris FC ou un Red Star »

La dynamique sportive est au beau fixe pour aborder cette nouvelle échéance !
Ca sera un match compliqué pour Thonon aussi car si tout se passe bien d’ici-là, on se présentera avec le statut d’invaincu (Lyon La Duchère, qui se déplace ce week-end à Limonest, est actuellement en tête de sa poule en National 3 avec 5 victoires, 4 nuls et aucune défaite). On a un groupe jeune, qui peut très bien jouer comme moins bien par moments. Mais c’est un groupe qui sait ne pas perdre, qui sait aller chercher la victoire ou conserver le match nul quand il ne peut pas gagner. Je ne sais pas combien de temps ça durera mais ça se passe très bien pour le moment !

Le staff technique de la N3 avec le joueur Yvan Togbé.

Lyon – La Duchère est retombé en N3 cet été. Comment a été vécu cet épisode ?
On ne s’attendait pas à vivre ce début de saison et on sent que le staff inspire vraiment confiance, travaille avec sérieux, en toute transparence et avec franchise. Les jeunes sont très bien encadrés par Karim Bounouara, Ludovic Assémoassa et Habib Sisbane mais attention, il suffit de deux défaites pour que la dynamique s’inverse. L’an dernier, en National 2, on pouvait jouer la montée à trois journées de la fin, on a été leader après la mi-championnat et finalement on a tout perdu en terminant 5e. Il y a des moments clés comme là où on va affronter Limonest et Hauts Lyonnais, deux candidats qui sont juste derrière nous, en parallèle du match de Coupe de France.

Pour conclure, le constat qui se fait est qu’aucun club professionnel n’émerge réellement dans la région derrière l’OL. Que vous inspire un club comme le Paris FC ?
Je pense qu’on a tout à fait notre place pour devenir un Paris FC ou un Red Star. Pour ça, comme je l’ai évoqué, il faudrait que des chefs d’entreprises locaux aient envie de mener un projet d’envergure car il ne peut pas reposer uniquement sur un seul chef d’entreprise (Nicolas Gagneux). Aujourd’hui, vu ce que proposent les nouveaux propriétaires de l’OL, ça ne parle pas à des investisseurs locaux et il y a une vraie fenêtre de tir pour nous dans le IXe arrondissement de Lyon.

Texte : Joël PENET / Twitter : @PenetJoel

Photos : Lyon-La Duchère

Vidéo : « Inside » Lyon La Duchère en coupe de France face à Bastia :

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🖊 Voilà un peu plus d’un an, j’ai lancé, par pure passion, le site 13heuresfoot. Je m’étais dit, « si je suis lu par 500 personnes, c’est gagné » !

Un après, tous les articles ne font pas 5 000 clics, mais ils font beaucoup plus que 500 ! Certains dépassent les 8 000 « lus », d’autres « stagnent » à 3000 ou 4000, parfois, certains 2000… J’aurais dû ouvrir une épicerie !

Il n’y a pas vraiment de règle quant au « succès » d’une publication. Parfois, je pense qu’un sujet va très bien marcher et puis non. Parfois, c’est l’inverse.

Ces chiffres, en constante progression, sont une vraie fierté. Ce qui me rend encore plus fier, ce sont les nombreux messages que je reçois de la part des acteurs du football dont je parle, le foot d’en bas comme je l’appelle.

Sur 13heuresfoot, on présente et met en valeur des clubs, des présidents, des dirigeants, des entraîneurs, des arbitres, on raconte des histoires, bref, on parle des gens qui font le football « semi-professionnel » (l’on sait bien qu’en National, tout le monde ne vit que du foot, un métier, et même parfois en National 3…).

Vous l’avez sans doute aussi noté, les articles ne font pas 10 lignes et il faut un peu plus qu’une ou deux minutes pour les lire. On me le reproche parfois à l’heure où l’info est consommée à la vitesse Grand V. Où l’on scrolle sur son téléphone plus vite que la musique.

Il paraît qu’aujourd’hui, une vidéo, un texte, doit être très court. Et bien j’ai volontairement pris le contre-pied de tout ça : prenez le dernier article consacré au coach de Furiani, en National 2, Patrick Videira (ne pas confondre avec Patrick Vieira, hein !!!) : il faut, d’après LinkedIN, 27 minutes pour le lire. 27 minutes ! Mais comme je le dis souvent, cet article sera lu dans un bus, dans un avion, dans un TGV, dans un hall de gare, à une pause déjeuner, le soir avant de se coucher, à la plage, au café, bref, peu importe la longueur, pourvu que le lecteur s’y retrouve et apprenne des choses !

Ce choix de proposer des articles longs est délibéré : cela permet de se démarquer puisque quasiment personne ne fait ça; cela permet aussi d’aller beaucoup plus en profondeur. La grande particularité de « 13heures », c’est la durée de vie d’un sujet : vous pouvez le lire une semaine, un mois ou même six mois après (rendez-vous sur notre rubrique « articles » pour retrouver des « vieux » articles ), il sera – presque – toujours d’actualité. Parce que, sur « 13heures », les articles sont à 99 % froids. Pour le chaud, rendez-vous sur tous les autres sites, sur tous les autres journaux, qui font ça très bien !

Merci à mes complices présents avec moi dans l’aventure, je pense notamment à Laurent, investi comme personne, et bien sûr Denis, Jean-Michel, Clément, Alex, Emile, Timothée, Olesya, Joël, Romain, Marc-Antoine et Aurélien ! Merci aux photographes qui, régulièrement ou ponctuellement, m’ aident et contribuent à ce succès, Philippe, Bernard, Seb, Eric, Sully, Kevin et les autres ! Merci au parrain du site, Fabien Mercadal ! Et merci à notre partenaire Footamateur ! L’aventure continue, bien entendu ! Merci de votre fidélité !

Anthony B.

Le gardien de 31 ans, qui a quitté le FC Rouen en juillet, s’est engagé pour deux mois dans un club népalais, le Lalitpur City FC, dont le championnat a démarré le week-end dernier.

Avec Lalitpur City. Photo DR / Lalitpur City

C’est à Katmandou au Népal, à plus de 10 000 kilomètres de la France, que Jeffrey Baltus a posé ses valises pour une pige de deux mois. Le gardien francilien, qui a quitté le FC Rouen au mois de juillet, et fêtera ses 32 ans le 20 décembre prochain, a signé dans l’une des neuf franchises qui composent la « Nepal Super League » : le Lalitpur City FC.

Pour son premier match, le club de la province de Bagmati a battu Butwal Lumbini FC samedi (2-0). Tous les matchs du championnat se déroulent dans un même stade, le Dasarath Rangasala de Katmandou. Il y a huit matchs de saison régulière, puis des play off qui s’achèveront fin décembre.

Avec Lalitpur City. Photo DR / Lalitpur City

Même s’il a dû partir loin de sa famille, Jeffrey Baltus a donc choisi de se ressourcer loin de la France après une fin difficile en Normandie. La carrière du gardien martiniquais formé à l’INF Clairefontaine puis à l’AJ Auxerre n’a jamais été linéaire. Elle a été jalonnée de coups durs, de promesses non-tenues et de plusieurs périodes de chômage.

Mais en explorant parfois les côtés les plus obscurs du foot, il a en tiré une grosse force mentale. « Souvent, ça ne s’est pas joué à grand-chose pour que ça bascule du bon côté pour moi, regrette-t-il. Il m’a manqué ce petit facteur chance, la bonne opportunité au bon moment et la rencontre avec le coach qui me ferait entièrement confiance. Mais je n’ai jamais rien lâché, même lors des périodes où je n’avais pas de club. J’ai du caractère et de l’éducation. Je n’ai jamais renié mes valeurs et mes principes. Quand j’ai dû quitter un club pour ces raisons, je n’ai jamais hésité à le faire. Bien sûr que j’aurais pu mieux réussir. Mais je n’ai pas de regret. Quand j’arrêterai, je serai quand même satisfait de ma petite carrière. Je n’ai pas eu une enfance facile et plus jeune je n’étais pas formaté pour faire une carrière pro. Je n’étais pas prédestiné à signer dans des centres aussi réputés que l’INF ou Auxerre. Quand je fais le bilan, j’ai quand même vécu de belles choses. »

Pour 13heuresfoot, depuis le Népal, il a longuement déroulé le fil de sa carrière commencée en Seine-et-Marne et qui l’a donc mené d’Auxerre en Asie, en passant par la région parisienne (Ivry), la Corse (CA Bastia), la Belgique (RFC Liège), l’Hérault (Agde) et la Normandie (Granville, Rouen).

« A Auxerre, j’ai ma part de responsabilité »

Avec Lalitpur City. Photo DR / Lalitpur City

Après des débuts en Seine-et-Marne, à Savigny-le-Temple et Le Mée, il intègre l’INF Clairefontaine. « Honnêtement, j’y suis arrivé par hasard. C’est un éducateur du Mée qui m’a inscrit aux tests. J’ai passé les différentes étapes. Je n’aurais jamais pu imaginer les réussir. J’étais à des années lumières de tout ça. »

Mais l’aventure à Clairefontaine n’a duré qu’un an. Il rebondit en 14 ans Fédéraux à Brétigny (91) où il est en internat. Le club est partenaire de l’AJ Auxerre qui le recrute en U15. « J’ai été tout de suite surclassé. J’ai été sélectionné en équipe de France et j’ai rapidement signé un contrat pro de 5 ans à 17 ans. Tout est allé vite, j’étais indépendant financièrement et tout allait bien. »

Photo Bernard Morvan – FCR

Malgré une vingtaine de bancs en Ligue 1 et Ligue 2, une inscription sur la liste du club pour la Ligue des Champions, il n’a jamais disputé le moindre match en équipe première et est toujours resté le numéro 3 dans la hiérarchie des gardiens auxerrois. « Objectivement, j’ai ma part de responsabilité. Peut-être qu’à un moment, je n’ai pas assez travaillé. Mais on ne m’a pas, non plus, toujours fait confiance. Lors de ma dernière saison, quand Olivier Sorin, se blesse, le coach Bernard Casoni a préféré faire venir un autre gardien, Geoffrey Lembet, plutôt que de m’utiliser en doublure de Donovan Leon. Cela m’a vraiment déçu. J’étais dégouté. Je savais que mon histoire avec Auxerre allait s’arrêter surtout que le club redescendait en L2. Les deux-trois derniers mois ont été difficiles à vivre. »

« Quand tu passes d’Auxerre à Ivry, ça fait un choc »

Sous le maillot d’Ivry. Photo Bernard Morvan

Après avoir participé au stage des chômeurs de l’UNFP, il reste plusieurs mois sans club avant de signer à Ivry, mal en point en National 2, en novembre 2014. « Je n’avais rien. Avec le recul, j’ai compris que c’était logique. J’avais un salaire d’un pro, j’étais un jeune espoir qui n’avait encore rien prouvé. Même pour une place de doublure en National, c’était compliqué. Signer en N2, c’était un défi. Je me suis dit, « soit tu veux rebondir en gagnant ta vie avec ta passion, soit tu décroches et te lance dans le monde actif »… Le N2, c’est quand même assez regardé et ça permettait aussi que mon nom tourne un peu. Après, passer d’Auxerre à Ivry où on s’entrainait le soir, sur un synthé, forcément que ça fait un choc. Mais au final, ça a été une expérience très bénéfique. »

Le gardien dispute 15 matchs mais Ivry est relégué en National 3 à la fin de la saison. « Ça s’est mal fini avec cette descente. Mais sur un plan personnel, ça m’a fait du bien de retrouver le monde amateur. J’ai rencontré des mecs tops. »

« Au CA Bastia, la meilleure saison de ma carrière »

Avec le CA Bastia. Photo Philippe Le Brech.

Il monte alors d’un niveau en signant au CA Bastia en National, comme doublure de Mathieu Pichot. Le 30 octobre 2015, l’entraineur Christian Bracconi le titularise à Marseille Consolat (victoire 2-1). « Mon premier match de National. J’étais en feu… Le coach m’a dit qu’à partir de là, il allait me faire jouer. Mais il a été remplacé par Stéphane Rossi qui est redevenu entraineur (il était passé directeur sportif). Il a remis Mathieu (Pichot), qu’il avait recruté. J’avais vraiment les boules car j’avais été performant lors des matchs que j’avais joués. »

Photo Philippe Le Brech

A la fin de la saison, il s’apprête à refaire une nouvelle fois ses valises malgré son année de contrat restant. « Vu comment les choses s’étaient passées, je ne voulais pas rester pour être numéro 2. J’avais déjà prévenu le propriétaire de mon appartement que j’allais lui rendre les clés. Mais je l’ai vite rappelé pour lui dire que je restais finalement ! »

Car entre-temps, Mathieu Pichot avait en effet décidé de revenir en Vendée, aux Herbiers. « Stéphane Rossi m’a dit que j’allais débuter la saison comme titulaire. Et je pense avoir réalisé la meilleure saison de ma carrière. » Il dispute 29 matchs et figure en fin de saison parmi les trois gardiens nommés aux trophées du National avec Simon Pontdemé (Chambly, qui sera élu) et Dan Delaunay (QRM). Seul accroc dans cette saison, le 7-1 encaissé à Sedan début mai. « C’était l’un de mes pires matchs. Mais j’étais fatigué mentalement et physiquement. »

Photo Philippe Le Brech

Jean-Daniel Padovani, sa doublure et son… entraîneur des gardiens, le remplace pour finir la saison. « Je ne lui en ai pas voulu, c’était logique ». Le CA Bastia qui vit ses dernières heures sous cette appellation avant de fusionner avec le FC Borgo, est relégué en National 2. « J’étais déçu de ne pas avoir maintenu le club. A l’époque, j’avais beaucoup de clubs qui me suivaient parmi les meilleurs de National, Pau, Lyon-Duchère, Boulogne… Mais ça ne s’est pas fait. Je n’étais pas gourmand, j’étais au minimum de la charte au CAB, mais on me disait que j’étais trop cher pour un gardien… Mentalement, ça a été dur à vivre alors que je sortais de ma meilleure saison. »

« Une aventure courte mais magnifique à Liège »

Photo Philippe Le Brech

Comme en 2014 après son départ d’Auxerre, il se retrouve au chômage. « Je suis rentré chez moi en région parisienne et j’ai repris le même cheminement : pôle emploi, entraînement en salle et avec un préparateur, plus des séances avec le FC Melun qui était en Régional 1. »

Sans perspective, il rebondit in-extremis au RFC Liège, un club de 4e division belge, le 31 janvier 2018. « Une aventure courte mais magnifique », estime-t-il. Elle a débuté par un coup de fil et seulement trente minutes pour prendre sa décision. « Il était 16 heures. Le mercato fermait à 23 h 30 et j’avais 4 h 30 de route pour aller à Liège. Au départ, je n’étais pas très emballé. Mais ma femme m’a persuadé de tenter le coup. Je suis arrivé à 22 heures au stade. Le coach des gardiens a fait rallumer les lumières. Il m’a dit qu’il voulait me voir. Au bout de 20 minutes, il m’a dit que c’était OK et j’ai signé. Le lendemain, ma femme arrivait avec deux valises ! ».

Photo Bernard Morvan – FCR

Lors de son premier match, il stoppe deux pénaltys face à l’Olympique Charleroi. Le début de la « BaltusMania » au stade de Rocourt. « J’ai noué une belle relation avec les gens là-bas. Humainement, c’était le top. Sur les réseaux, quand je poste quelque chose sur le club, je reçois toujours beaucoup de messages et de commentaires même 5 ans après. C’est beau de se dire qu’on a marqué les gens simplement par ce qu’on est alors que je ne suis resté que quatre mois. On est monté, c’était vraiment des beaux moments à vivre. Il y avait plus de 3 000 personnes au stade ».

Malheureusement, il n’a pas pu s’inscrire sur la durée à Liège. « L’offre de prolongation n’est jamais arrivée. Je n’avais pas joué les play off. Le titulaire qui était blessé et que j’avais remplacé est revenu. Il était prévu qu’il soit vendu, ce qui m’aurait permis de prolonger. Mais il est finalement resté. »

« Agde, je n’étais pas très chaud au départ …»

Photo Bernard Morvan – FCR

Le gardien francilien se retrouve une nouvelle fois sans club alors que les championnats ont repris. « J’étais monté avec mon club en Belgique, mais c’est comme si personne ne l’avait vu. »

En septembre 2018, il reçoit un appel du directeur sportif d’Agde, un club de National 3. « J’avais posté une annonce sur le site Foot National. Il l’a vu et m’a laissé un message en me disant, « Je ne pense pas que ça va t’intéresser de jouer en N3 mais je tente ma chance quand même »… Je l’ai rappelé et on a discuté. Mais au départ, je n’étais pas très chaud. La N3, je l’avais connu à 16 ans et là, j’en avais 26. Ça m’éloignait encore de la L2 et du National. J’avais peur de me faire encore plus oublier. »

Mais il a quand même relevé le défi. « Avec ma femme, on traversait une période compliquée sur le plan personnel. On avait besoin de changer d’air. Elle m’a dit, « si tu es prêt à faire une saison en N3, on y va et on verra ce que ça donne ». Au final, je ne l’ai pas regretté. J’ai été bien accueilli et on a fait une bonne saison. »

Baltus était même prêt à rempiler dans l’Hérault. « Agde ne pouvait plus faire le même effort que lorsqu’ils m’ont recruté mais on était en négociations. C’est en sortant du bureau que j’ai reçu un appel de Granville. »

« Jouer l’OM avec Granville, une récompense après mes galères »

A la signature au Lalitpur City. Photo DR / Lalitpur City

Avant de signer, le gardien avait posé ses conditions. « Je leur ai dit que j’étais intéressé mais je ne venais pas pour m’asseoir sur le banc. Ils m’ont dit qu’un jeune gardien allait arriver en prêt mais qu’ils avaient besoin d’un gardien d’expérience et qu’il n’y aurait pas de hiérarchie établie. Je suis donc partie dans l’idée de me dire : « bats-toi pour montrer ce que tu vaux »…»

Lors de la première journée de National 2 au FC Mantois, c’est Marvin Galitin, prêté par Caen, qui est titularisé. « Le coach, Johan Gallon, ne nous avait rien dit. Je l’ai appris au dernier moment. Forcément, ça a eu du mal à passer. Mais j’ai accepté son choix. Après, quand on réfléchit bien, on se dit que c’était un peu pipé d’avance vu les liens que Johan Gallon avait avec Caen. C’est son club, sa ville. Il avait toujours voulu y revenir (NDLR: c’est le cas depuis cet été comme manager de l’association). Dans cette logique, c’est compréhensible qu’il privilégie le gardien prêté que Caen. Moi, il m’a laissé la Coupe de France où on a fait un beau parcours. »

Photo Bernard Morvan – FCR

Le 17 janvier 2020, en 16e de finale contre l’OM au Stade Michel-d’Ornano devant 20 000 spectateurs, le gardien a sans doute réussi l’un des meilleurs matchs de sa carrière. Pendant 75 minutes, il tient les attaquants de l’OM en échec, se montrant décisif sur des tentatives de Payet, Kamara, Lopez, Strootman ou Benedetto. « Jouer l’OM, c’était une récompense après mes années galères. Je me suis dit « tu n’as rien à perdre, si tu fais un grand match, il y aura forcément quelqu’un au stade ou devant sa TV, qui te remarquera. Et si tu passes à travers, tant pis »… J’ai fait 5 ou 6 arrêts. J’étais en feu. Mais à la 75e minute, on prend un rouge et on craque en encaissant trois buts. S’il n’y a pas le rouge, on peut les emmener en prolongations. Pour moi, ce match a eu des grosses répercussions. Mes agents me disaient qu’il y avait des clubs du dessus qui me sondaient. Moi, je me suis dit, ça y est, c’est reparti… Mais la covid est arrivée. Et là, plus personne n’appelait. Tout ça, c’est un peu le résumé de ma carrière. »

« A Rouen, ils ont créé un loft pour moi »

Photo Bernard Morvan – FCR

Mais l’ambitieux FC Rouen (N2) se positionne. Baltus se retrouve face à un dilemme. « Soit je restais à Granville où j’aurais pu avoir plus de temps de jeu, soit j’allais à Rouen qui avait un gros projet mais en prenant le risque de rester sur le banc. »

Au club depuis 2018, Jonathan Monteiro est en effet bien installé dans les buts rouennais. « J’ai finalement choisi de tenter ma chance. C’est le contrat de 2 ans, qui me donnait une stabilité, qui a fait la différence. Depuis Bastia, j’ai déménagé chaque année, connu des périodes sans club. C’était un peu fatiguant. »

Photo Philippe Le Brech

Sans surprise, c’est Jonathan Monteiro qui enchaîne les matchs. Baltus doit attendre le 12 février 2022 pour enfin débuter en National 2 face à Châteaubriant. « Un nouvel entraineur était arrivé (Maxime d’Ornano) et je me disais que les cartes seraient peut-être redistribuées. Mais il n’y a pas eu de changement. C’est le foot… J’ai joué deux matchs car l’autre gardien s’est blessé puis il m’a ressorti de l’équipe. »

Un mois après, Jonathan Monteiro est victime d’une rupture du tendon d’Achille. C’est Baltus qui finit la saison. Sur les 10 derniers matchs qu’il dispute, Rouen est invaincu et remonte à la 4e place au classement final. « J’avais fait mon boulot, j’avais été performant », estime le gardien qui se voit offrir une prolongation d’un an avec une année en option en cas de montée et une autre s’il dispute au moins 20 matchs. « Je savais que j’allais débuter la saison, donc je ne pouvais pas refuser ce contrat », reconnaît-il.

Photo Philippe Le Brech

Il dispute les 12 premiers matchs jusqu’au choc contre le Racing, le 2 décembre 2022 (2-2). Monteiro reprend sa place et c’est du banc que Baltus participe à la montée de Rouen en National. « J’ai ma part de responsabilité car j’ai été un peu moins performant à un moment. Mais ça arrive à tous les joueurs, même aux plus grands, d’avoir un petit coup de mou… Mais tout n’a pas été très clair. Monteiro avait beaucoup de soutiens en interne et en externe. Je savais que la moindre brèche que j’allais leur laisser, ils allaient s’y engouffrer. Parfois, lui a joué blessé. Mais moi, j’avais cette clause de 20 matchs. Avec la Coupe, j’en étais à 15 quand j’ai été sorti… J’ai serré les dents, je suis retourné sur le banc et j’ai été irréprochable alors que j’aurais pu foutre le bordel. Mais je n’ai pas fait de vagues. Je vais mourir avec mes valeurs et mon éducation. Au final, on est monté. Sur le coup, ça fait plaisir. Je pense y avoir contribué. Mais finalement, contrairement avec celle acquise en Belgique, je ne ressens pas la même émotion. OK, on est monté mais après ? Ce qui s’est passé a tout gâché. »

Photo Philippe Le Brech

Le FC Rouen a effet décidé de se séparer de ses trois gardiens. « J’ai accepté leur choix mais il était hors de question que je m’assoie sur l’année de contrat qu’ils me devaient. On a négocié et je n’ai rien voulu lâcher. En faisant ça, je prenais le risque de me retrouver sans club. Ensuite, Rouen a tout fait pour me faire craquer. Ils ont joué avec mon avenir. Ils ont appelé des clubs mais j’étais black-listé. »

Les relations se tendent. « Ils ont créé un loft pour moi. Je n’avais plus le droit d’aller dans les vestiaires ni de croiser mes potes avec qui j’étais monté. Ça a duré 20 jours. L’UNFP s’est inquiété de ma situation. Finalement, on a trouvé un accord avec le président. J’ai obtenu ce que je demandais. »

Le 20 juillet dernier, il est libre. S’il a quelques contacts (Blois, Jura Dolois), la plupart des clubs ont déjà bouclé leur recrutement au poste de gardien. « Je n’étais pas aigri mais j’étais quand même un peu saturé d’avoir vécu tout ça. Le foot devient de plus en plus malsain. Il y a de moins en moins de place pour l’humain et la passion. Quand les championnats ont repris, j’ai totalement coupé et j’en ai profité pour partir loin avec ma femme et mon fils. J’en avais besoin. »

« A Katmandou, je teste ma ma capacité mentale. »

Photo Philippe Le Brech

Niveau foot, c’est aussi une aventure exotique qui s’offre à lui. « Je devais signer dans un club de Tanzanie, c’était fait à 80 %. Mais encore une fois, il y a truc qui a capoté au dernier moment. »
C’est donc au Népal à Lalitpur City Football club qu’il a atterri début novembre pour un contrat de deux mois. « Dans ma situation, le Nepal, c’était une opportunité à saisir. Mais sur le plan familial, j’ai fait un gros sacrifice en laissant ma femme et mon fils de 4 ans. Je teste ma capacité mentale à encaisser l’éloignement et la séparation. »

Il a découvert un environnement totalement différent. « La Ligue du Népal veut grandir et se développer. Ca va progresser mais ils ont entre 5 et 10 ans de retard. Dans mon équipe, il y a Papa Ibou Kebé, l’ancien attaquant de Colmar qui a longtemps joué au Vietnam. Il m’a prévenu d’entrée : « Oublie ta mentalité européenne et tout ce que tu as connu car ici c’est une autre vision, c’est à nous de nous adapter pour avancer ». Tout se passe bien. On a été très bien accueillis. »

Pour l’instant, Jeffrey Baltus ne se projette pas plus loin que le 31 décembre, date de la fin du championnat. « L’an dernier, mon club a fini 4e. Cette saison, on veut être champions. En tant qu’étranger, je sais que je suis attendu. Je veux montrer ce que je sais faire. Je me concentre sur mes matchs. Pour la suite, on verra après. Mais je ne suis lucide. Je ne suis pas sûr que le championnat du Népal soit regardé par les clubs français (sourire). Mais cette expérience peut m’ouvrir des portes sur le marché asiatique. »

Jeffrey Baltus, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
L’Euro U17 2008 en Turquie. Il y avait belle génération avec Clément Grenier, Gaël Kakuta, Yannis Tafer, Enzo Reale, Alexandre Lacazette, Loïc Nego, Thomas Monconduit et tant d’autres. On perd en finale contre l’Espagne (0-4). Il y a aussi le 16e de finale de Coupe de France avec Granville face à l’OM en janvier 2020 (NDLR: il avait multiplié les sauvetages avant de devoir s’incliner en fin de match, 0-3).

Pire souvenir ?
Mon départ d’Auxerre en 2014.

Pourquoi avez-vous choisi le poste de gardien ?
Aucune idée… J’avais d’ailleurs commencé le foot à Savigny-le-Temple (77) en tant qu’attaquant…

Qualités et défauts ?
Humain et trop professionnel.

La saison ou le club ou vous avez pris le plus de plaisir ?

Photo Philippe Le Brech

Avec le CA Bastia en National en 2016-2017.

Le club où vous n’auriez pas dû signer ?
Aucun. Je suis content de tous les club ou je suis passé.

Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
Boca Juniors.

Un stade et un club mythique ?
Santiago Bernabeu et le Real Madrid.

Un public qui vous a marqué en National ou N2 ?
Dans les clubs où j’ai joué, celui de Rouen bien sûr. Comme adversaire, Strasbourg, Grenoble et Sedan.

Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Thomas Monconduit que j’ai connu à Auxerre.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Thiago Alcantara en finale de l’Euro U17 contre l’Espagne.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
La génération 91 de l’INF Clairefontaine.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Gérald Baticle, Christian Henna, Johan Radet lors de ma formation à Auxerre.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Je citerais un dirigeant au CA Bastia, Eric Mura, un ancien joueur de l’OM.

Vos amis dans le foot ?
Il y en a beaucoup : Thomas Monconduit, Nico Burel, Nicolas Barthelemy, Clément Bassin, Valentin Sanson, Jeremy Grain, Antoine Bernasque…

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Il est à la retraite maintenant : Phillipe Violeau (Auxerre).

Des rituels, des superstitions des manies ?
J’ai un rituel particulier : il faut que mon sac soit prêt le lundi pour le week-end suivant… Donc après le match, toutes les affaires partent immédiatement à la machine et je fais mon sac tout de suite quand tout est prêt.

Que vous a-t-il manqué pour jouer plus haut ?
Le bon coach au bon moment je pense.
Un modèle de gardien ?
Iker Casillas et Gianluigi Buffon.

Le match de légende, c’est lequel pour vous ?
Liverpool – AC Milan, finale de la Ligue des Champions 2005.

Votre plus grande fierté ?
Ma famille.

Vos occupations en dehors du foot ?
Le golf, le padel et la vie de famille.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Beau et ingrat.

Région parisienne où vous avez grandi, Belgique, Corse ou Normandie où vous avez joué ?
Franchement tous. Chaque ville a son style et son charme.

Texte : Laurent Pruneta

Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech, Bernard Morvan et DR / Lalitpur City

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L’entraîneur de l’AS Furiani Agliani (National 2) ne cache rien : il est exigeant, chiant, travailleur, rigoureux et  déterminé ! A 46 ans, le Franco-portugais, qui ne doit son salut qu’à une ceinture de sécurité bien attachée dans un avion, a aussi beaucoup de caractère, de personnalité et de principes. Accrochez-vous, c’est parti !

A Noisy, dimanche dernier, en coupe de France. Photo Philippe Le Brech

*Entretien réalisé avant le succès 3-0 de l’AS Furiani Agliani samedi 25 novembre à Biesheim (N2, 10e journée).

S’il y avait une heure de plus dans une journée, Patrick Videira, le coach de l’AS Furiani Agliani (National 2)* dirait qu’il vit le football « 25 heures sur 24 » ! Déjà, 24 heures sur 24, c’est beaucoup. Et pas certain que le Franco-Portugais de 46 ans trouve suffisamment de temps pour dormir ou se reposer. Concilier le club, la formation au BEPF 2023-24 à laquelle il a été admis au printemps dernier, la vie de famille et un entretien de plus d’une heure avec 13heuresfoot n’est vraiment pas chose aisée.

Patrick Videira mange football, boit football, vit football et respire football : ça se sent, ça s’entend. Il a ça dans les tripes. Il n’hésite pas à dire : « C’est mon oxygène ». La phrase a d’autant plus de sens que de l’oxygène, lui et ses coéquipiers du Rodez Aveyron Foot en avait manqué ce jour de novembre 2004 lorsque la porte de leur petit avion qui les transportait à Bastia pour affronter la réserve du Sporting avait explosé en plein vol, à 5700 mètres au-dessus de la Méditerranée. Assis au mauvais endroit, devant la porte de l’appareil, Patrick Videira, aspiré dans le vide, n’avait dû son salut qu’à sa ceinture de sécurité qu’il venait d’attacher juste avant…

Cet épisode, incroyable, effroyable, inimaginable, fait partie de sa vie. Et ne fut pas sans conséquence. Il en parle dans cet entretien donné au lendemain d’une qualification pour le 8e tour de la coupe de France, à Noisy-le-Sec, face à une équipe de Régional 2 (2-0).

Le monde à l’envers !

A Noisy, dimanche dernier, en coupe de France. Photo Philippe Le Brech

L’on ne sait pas si c’est la lumière de la pièce dans laquelle il est installé pour cet entretien en visio, où si cela ne vient pas tout simplement de lui, mais sur notre écran 17 pouces, le natif de Paris est rayonnant ! Et ne laisse apparaître aucun signe de fatigue. Encore moins de lassitude. Il est même extrêmement bavard. Il choisit et pèse ses mots. Se donne le temps de la réflexion. D’emblée, il impose le tutoiement. Ce sera, du reste, sa seule requête !

« J’ai lu récemment un de tes articles sur David Vignes, le coach de Fleury, où tu disais qu’il était très bavard aussi, que tu n’arrivais pas à l’arrêter » lance-t-il ! « Honnêtement, avec tout le boulot que j’ai cette année, je n’ai pas le temps de lire mais je profite des heures de bus que l’on a pour le faire quand tu m’envoies les liens d’articles ! Bravo pour ce que vous faites, bravo à vous. » Des compliments qui vont droit au coeur et font plaisir. Mais le clou de l’interview, c’est quand le coach bastiais nous remercie à la fin, plusieurs fois, d’avoir pris de notre temps pour lui. Le monde à l’envers !

Interview

« Parfois, ma passion est excessive ! »

A Noisy, dimanche dernier, en coupe de France. Photo Philippe Le Brech

Patrick, ton emploi du temps est full : malgré tout, as-tu des hobbies, des passions, le temps de faire autre chose ?
(Rires) A la formation au BEPF, la semaine dernière, à Rennes, où l’on était réuni, on a évoqué les volets « communication » et « conférence de presse ». On m’a posé cette question : « as-tu des hobbies » ? Quand on me demande ça, j’ai un blanc (rires) ! Je mentirais si je disais que j’en avais. Après, j’ai des besoins. J’essaie de m’entretenir. Je vais courir trois fois par semaine, ça m’aère le cerveau, ça me permet de réfléchir. Il y a une dizaine de jours, ma fille Ilona est descendue d’Aix-en-Provence, où elle fait ses études, et j’ai dit « On va au cinéma tous les quatre », avec mon épouse, Laëtitia, et mon fils, Lenny. Cela faisait bien longtemps que l’on n’y était pas allé !

Quel film êtes-vous allés voir ?
(Il demande à son épouse) « 24 heures » ? C’est ça ? Ah non, « trois jours max » !

Le film n’a pas l’air de t’avoir marqué…
Non (rires) ! Mais cela faisait plaisir à tout le monde et après on a fait un resto.

« Il y a plein de choses que je voudrais faire mais… »

A Noisy, dimanche dernier, en coupe de France. Photo Philippe Le Brech

La famille, tes parents, c’est très important pour toi…
Oui. Mes parents habitent au Portugal. Ils sont de Chaves tout au nord et on a aussi une maison dans le sud à Portimao. J’ai la double nationalité. J’ai été international militaire portugais parce que j’ai effectué mon service là-bas. Quand j’ai porté les couleurs de Chaves, en D1 portugaise, ça a été une fierté pour mon père. Hier, ma maman m’a fait la surprise de venir me voir à Noisy-le-Sec. Mais c’est dur, parce que je suis dans mon monde. Je ne prends pas assez le temps de les voir. Donc avec mes enfants et mon épouse, on a décidé d’aller les voir à Noël, c’est important.

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Tu lis ? Des livres ou des articles sur le foot par exemple ?
Je ne sais lire que des articles sur le foot, mais sincèrement, cette année, je n’ai pas le temps. Il y a plein de choses que je voudrais faire, mais avec la charge de travail, le BEPF et mon club, son organisation, c’est impossible. Lundi de la semaine dernière, je suis parti à Rennes pour le BEPF, on est rentré le vendredi. Le samedi je suis reparti à Noisy pour le match de dimanche en coupe de France, on est rentré le soir à minuit. Je suis arrivé à la maison et là, j’ai dit à mon épouse « Il faut que je travaille ». Elle m’a dit « abuse pas ». Puis je suis allé chercher mon fils à l’aéroport de Bastia, à 2 h du matin, parce qu’il jouait à Colomiers avec le Sporting en U19 Nationaux (entraînés par Cyril Jeunechamp) et il y a eu du retard.

« Je sentais que mes joueurs avaient besoin de moi »

Photo ASFA

Laisser ton équipe de Furiani une semaine par mois pour aller à ta formation BEPF, est-ce vraiment très difficile ?
Oui. Et là, cela a été encore plus compliqué. J’ai dit d’ailleurs à Rennes, la semaine dernière, que c’était la première fois depuis le début de la session que je venais à reculons… Parce que mon équipe était sur deux matchs sans victoire (une défaite 1-0 à Haguenau et un nul 0-0 contre Feignies-Aulnoye) et je sentais que mes joueurs avaient besoin de moi cette semaine-là, pour des entretiens individuels, pour leur donner beaucoup de confiance, et je n’ai pas pu être là. Cela m’a un peu embêté mais je l’ai fait différemment : j’ai loué une voiture en arrivant à Paris et de Paris à Rennes, comme j’avais 4 heures de route, j’ai pu appeler quelques joueurs et faire ces entretiens. Mais mon staff m’a dit que la semaine dernière avait été très compliquée, et ça, je le savais, je le sentais. Quand on est sur une spirale positive comme on l’était, c’est beaucoup plus facile. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un staff compétent, à qui je fais confiance, et je sais que le travail est très bien fait quand je ne suis pas là.

Le président Philippe Ferroni. Photo ASFA

On aurait pu penser que, justement, le fait de partir en formation une semaine avant un match de coupe de France face à un club de Régional 2, ça tombait plutôt bien, façon de parler…
Non. La coupe de France est importante pour nous. Mon président (Philippe Ferroni) me l’a dit. Son rêve, c’est de faire un parcours. J’aimerais bien lui faire plaisir, j’aimerais faire plaisir au directeur sportif (Louis Casanova) aussi. Ces deux personnes sont très importantes pour moi : on est souvent pas d’accord mais on a une relation de franchise, familiale même. C’est une relation extraordinaire. Voilà pourquoi je n’ai pas pris ce match à Noisy à la légère. J’étais allé les voir quinze jours avant à Champigny en championnat (3-2 pour Champigny). C’est ça l’image que je veux donner à mes joueurs. Je leur ai dit « Ne pensez pas que c’est une équipe de Régional 2 », car en région parisienne, encore plus qu’ailleurs, il y a de très bons joueurs à ce niveau, et ça reste un match piège. On n’avait rien à gagner, on avait tout à perdre, et eux inversement. Tout n’a pas été parfait, mais on avait besoin de repartir sur un nouveau défi, sur une nouvelle spirale, donc c’est bien. Tout le monde était content. L’aventure continue. En début de saison, j’avais fixé comme premier objectif un 32e de finale (l’AS Furiani Agliani est qualifiée pour le 8e tour, et donc à un match des 32es de finale, Ndlr). Cela nous permettait de jouer chaque week-end, au moins jusqu’en décembre-janvier, ce qui était très important dans une saison avec quatre matchs de moins en championnat (les poules de N2 sont passées de 16 à 14 clubs avec la refonte). La compétition, il n’y a pas mieux ! Tu restes dans le rythme, tu enchaînes tous les week-ends, tu concernes tous les joueurs, et puis, on ne va pas le négliger, il y a le côté financier, et pour un petit club comme le nôtre, c’est très important.

Avec son tuteur au BEPF, Jacky Bonnevay. Photo ASFA.

Avec la surcharge de travail liée à ta formation au BEPF, c’est vraiment une année compliquée pour toi, non ?
C’est une année charnière pour moi. Le BEPF est important. J’avais déjà candidaté deux fois. Je n’avais pas été bon, ni aux entretiens ni aux séances; parfois on parle d’injustice mais là, non, j’étais juste déçu. La troisième fois a été la bonne. Mon tuteur, c’est Jacky Bonnevay. Il est dans la bienveillance, il te donne de vrais conseils. C’est une formation très professionnelle, avec une charge de travail énorme, mais ça nous apporte tellement de choses; ça a été fierté d’intégrer la formation, moi, Patrick Videira, qui sort de nulle part. J’en connaissais déjà quelques-uns Lilian (Nalis), Didier (Digard) et Fabrice (Abriel) du PSG, Greg (Poirier, le coach de Martigues), contre qui je bataillais en DH, lui avec Arles, moi avec Istres. Il y a beaucoup de solidarité entre nous. On est content de se voir. On a un groupe WhatsApp. On s’encourage, toujours avec cette bienveillance entre nous. Mais je le répète, cumuler le club et la formation, c’est dur.

« Par moments, je me fais mal à la tête tout seul »

Lors du derby face à Borgo en coupe, à Erbajolo. Photo ASFA

On dit que tu es un coach très exigeant. Trop exigeant, au point que cela peut devenir un défaut chez toi…
Je le sais. Même au quotidien, par rapport à ma famille. Par moments, je me fais mal à la tête tout seul. J’en ai parfois marre de moi (rires) ! Je dis souvent à mes joueurs que l’objectif, c’est de tirer le meilleur de chacun. L’exigence te permet de progresser chaque jour, et cette exigence, je me l’impose aussi en permanence. Si on échoue, ce n’est pas grave, du moment que l’on a fait le maximum.

Quels sont, selon toi, tes qualités et tes défauts ?
Je suis chiant par rapport à cette exigence. La relation humaine est très importante. L’échange, le partage. Je suis très compétiteur. Je vis les choses à fond, je fais tout à fond. C’est ce qui me caractérise. Je déteste l’à peu-près et la suffisance. En formation BEPF, on essaie de me faire changer, mais c’est ancré en moi. Je sais bien que, parfois, je dois pouvoir relâcher, mettre des silences, j’essaie, je fais des efforts, mais je suis un tel passionné… Parfois, cette passion est excessive.

Es-tu le même aujourd’hui qu’à tes débuts d’entraîneur ?
Cela fait une dizaine d’années que j’entraîne. Cela n’a rien à voir. Je classe toutes mes séances et quand je regarde celles d’il y a 4 ou 5 ans, mes attitudes sont différentes. Après, on grandit avec l’expérience, avec l’apport de mes joueurs aussi. Je suis complètement différent de mes débuts.

Tu as déjà vu des entraîneurs plus expressifs que toi sur un banc adverse ?
Oui il y en a ! Mais je ne suis pas du genre à m’embrouiller avec le banc adverse. Simplement, j’ai des principes, et je m’y tiens. Par exemple, je peux être excessif s’il communique avec mes joueurs. Je vis les choses. Je ne reste pas assis sur le banc pendant 90 minutes à prendre des notes mais attention, je respecte ceux qui font ça, parce que chacun a sa propre façon de coacher. Il n’y a aucune vérité. Je vis les matchs debout. Je viens de temps en temps voir mon adjoint (Cédrik Ramos) ou mon directeur sportif qui est en relation avec l’analyste vidéo, pour voir s’il y a des choses qui, de la tribune, sont marquantes. J’aime bien me rapprocher d’eux.

« Je veux haïr la défaite »

Après un match nul ou une défaite, tu es comment ?
(Silence). C’est là-dessus qu’il faut que je travaille. Et encore, mon épouse, qui me régule souvent, me dit que je fais des progrès. J’arrive à relativiser un peu plus mais c’est difficile quand on est compétiteur et gagneur. Même joueur, j’étais comme ça. J’avais un laps de temps avant que ça retombe.

Croquis Pierre Maroselli

Tu ne peux pas gagner tous les matchs : tu dois donc être préparé à ça, non ?
Oui mais moi je joue tous les matchs pour les gagner. Avec Furiani, on était sur une invincibilité de 9 mois et 22 matchs sans défaite, chose incroyable, mais voilà (le club, qui s’est incliné pour la première fois à Haguenau, 2-1, le 4 novembre dernier, pour la 8e journée de N2, n’avait plus perdu en match officiel depuis le 25 février dernier à Wasquehal 4-2)… J’ai mis des choses en place pour que tous les jours, à l’entraînement, mes joueurs soient compétiteurs. Ils ont leur tableau de championnat, leurs points, collectifs ou individuels, avec un challenge : à la fin du mois, les cinq derniers paient les pizzas; il y a une sorte de « magagne », où ils se tirent la bourre, où ils se charrient. Je le dis souvent dans mes causeries, je veux haïr la défaite.

Ton style de jeu ?
J’ai un projet de jeu bien défini, avec beaucoup de rigueur, d’exigence et de détermination. Les joueurs ont des choses à faire bien précises quand on a le ballon et quand on ne l’a pas. C’est très carré.

« L’humain a peur de l’incertitude »

Avec le président Ferroni. Photo Philippe Le Brech

Raconte-nous tes débuts d’entraîneur …
C’est véritablement à Istres que j’ai commencé, en duo avec mon pote Mathias Lozano, un garçon fantastique. Je l’ai eu hier d’ailleurs au téléphone ! Il est aujourd’hui coach d’Arles, en Régional 1. C’était une super aventure. Le club venait d’être rétrogradé de National en DHR (Régional 2), en 2016. J’étais le capitaine de la réserve. Avec Mathias, et on est monté deux fois de suite, en DH (R1) puis en N3, et ensuite, un nouveau président est arrivé, Laurent Thomas, qui, le jour de la montée, nous a virés. Mais je ne lui en veux pas. Parce que cela m’a permis de grandir. Et aujourd’hui, j’ai saisi cette opportunité de venir à Furiani. Mon épouse, elle, lui en a voulu. Quelque part, cela nous a permis de sortir de notre confort. Mon fils était à l’OM. J’étais employé au service des sports de Sausset-les-Pins. Ma fille était au lycée. Mon épouse était professeur des écoles. On était tranquille. Là, ça a tout chamboulé et ça a amené de l’incertitude. Et l’humain a peur de l’incertitude. Il a fallu avancer. La première année, je suis venu seul. L’année suivante, on a eu une discussion : soit j’arrêtais l’aventure à Furiani, soit je continuais, mais nous quatre. Car on est très très proche. Ils sont venus me rejoindre. Depuis, ma fille est partie en IUT à Aix. Mon épouse a monté sa chaîne de formation. On a ce besoin d’être ensemble. C’est pour ça que je dis que je leur fais vivre l’enfer. Mais je suis un optimiste. Je me dis que ce sont des opportunités. Cela nous a permis de connaître la Corse et des gens qui nous ont donné énormément d’amour. Ce sont des choix de vie. C’est ce que je retiens. On s’est construit, on a grandi, et finalement cela a été une très bonne chose, parce qu’aujourd’hui on est très bien à Furiani. L’autre jour, mon épouse me demandait « Est ce que tu regrettes la maison à Sausset ? » Parce que quand j’étais joueur à Martigues (en L2 saison 2001-2002 puis à nouveau entre 2011 et 2014, en National et avec la réserve en DH), j’avais acheté une maison que l’on l’a gardé 20 ans et on l’a vendue quand on est venu vivre ici. On ne regrette pas, on avance.

« Avant d’arriver, je ne connaissais pas l’AS Furiani ! »

Lors du derby face à Borgo en coupe, à Erbajolo. Photo ASFA

En Corse, on connaît surtout le Sporting, l’ACA, le Gazelec, Borgo, et plein d’autres clubs, mais pas Furiani : parle-nous de ton club. Comment as-tu atterri là-bas ?
Je ne vais pas te raconter de bêtise, il y a 6 ans, je ne le connaissais pas non plus, ce club ! Mon arrivée, c’est une coïncidence : Alex Cortes, une connaissance du président, et qui me connaissait de la région marseillaise, lui a parlé de moi. Le président a voulu me rencontrer et et en 24 heures, je me suis retrouvé en Corse, et tout était fait. C’était 3 jours avant le début du championnat de N2 (saison 2018-2019). Le club venait de perdre Jean-André Ottaviani, parti à Bastia Borgo. Quand je suis arrivé ici, le club était très amateur. L’effectif était amoindri. Il venait d’y avoir beaucoup de départs. C’était compliqué. J’ai une anecdote, c’est une phrase de mon adjoint, que j’ai connu ici, et ça m’a marqué : dès le premier entraînement, on a demandé aux joueurs d’effectuer un exercice athlétique très simple, et on a vu qu’ils n’arrivaient pas à faire deux tours de terrain… Là, on s’est dit « Ah Ouaip… » ! Et il m’a dit : « Si on doit partir, c’est maintenant ». Il y avait un véritable chantier. Mais c’est ma mentalité de ne jamais abandonner, de ne jamais rien lâcher. Alors oui, tu me parles d’exigence, et je rajoute le travail, et ça ne me fait pas peur. J’ai connu des gens ici qui m’ont tellement donné envie de pouvoir travailler pour eux, comme le président et le directeur sportif, et il y a un ensemble de personnes au sein de ce club qui m’ont aussi donné cette envie. Alors, j’ai mis les mains dans le cambouis et j’ai dit « On avance, tête basse ». Après, il a fallu faire évoluer le club, essayer de le professionnaliser au maximum. Chaque année, on avance.

Le maillot de l’ASFA du président d’honneur, Jean-Louis Leca. Photo ASFA.

Malgré tout, il y a eu cette descente en N3 lors de ta première saison en 2019. Tout aurait pu s’arrêter…
C’est un échec. On est descendu au goal-average, même si c’était quasiment un miracle de faire 33 points. J’ai eu la chance que mes deux patrons me laissent travailler, et je pense que si le club en est là aujourd’hui, c’est grâce à eux. J’ai pu mettre des choses en place. Ils me donnent carte blanche. Souvent on s’engueule, on n’est pas d’accord, mais on est toujours dans le partage et je dis souvent qu’avec trois cerveaux, on n’est plus fort qu’avec un seul. Donc quand je leur ai dit à la fin de la première saison, en 2019, que je n’avais pas atteint les objectifs, merci, au revoir, ils m’ont dit « Non », et donc si c’est non, je vais devoir monter un effectif afin de postuler à la montée en National 2 dans les deux prochaines années. Bon, après, la Covid est arrivé, ça a été compliqué. En 2021, on était premier et la saison s’est arrêtée. Mais j’ai tenu mes joueurs en alerte, on s’entraînait tous les jours en visio : ils ont été extraordinaires pendant cette période ! Je leur avais dit que ça allait leur donner de l’avance par rapport aux autres équipes, et ils ont cru en moi. L’année suivante, on a fait une saison extraordinaire en National 3. Et on est monté.

« La fidélité pour moi est très importante »

Tu le décris comment, ton club ?
C’est un petit club près de Bastia, très familial, qui appartient aussi à la famille Leca, d’ailleurs, Jean-Louis, le gardien du RC Lens, est le président d’honneur. On a peu de moyen mais beaucoup d’ambition. Je ne connaissais pas mon adjoint en arrivant, Cédrik Ramos, et ça a matché entre nous. La fidélité pour moi est très importante. Cela fait 6 ans maintenant que l’on travaille ensemble.

L’AS Furiani Agliani peut-elle envisager de jouer un jour en National ?
C’est mon ambition de mettre le club là. Après, pourquoi pas ? Il y a eu des clubs comme le CA Bastia ou Luzenac, qui y sont arrivés et qui sont même montés en Ligue 2. Bien sûr, il y a des choses à améliorer, mais il y en a tout le temps dans un club. J’ai envie que l’on soit ambitieux, c’est mon discours de tous les jours, tout en gardant notre humilité, qui est l’ADN du club. Mais les équipes adverses ont deux bras et deux jambes comme la nôtre. Certes, je continue à avoir ce discours, on ne doit pas se mettre de frein, mais je n’ai pas cette pression-là, de me dire qu’on a l’obligation de monter, non. De toute façon, la pression, je me la mets tout seul. Parce que c’est mon moteur et ça me permet d’avancer. Si demain on n’y arrive pas, ce n’est pas la fin du monde. Quand j’ai présenté ce projet au président et au directeur sportif, je leur au dit que s’ils voulaient jouer le maintien, cela voulait dire qu’il fallait jouer la montée, car avec la restructuration du championnat et les 6 descentes dans un groupe à 14, ce qui est énorme, il vaut mieux jouer la montée pour ne pas descendre. Surtout qu’on a le plus petit budget du championnat. L’autre jour, on est allé s’entraîner à Rungis, un club de Régional 3, et en discutant avec le président, Tonio, un Portugais (Antonio Cardoso), il me disait « Nous, la mairie ne nous donne pas beaucoup, que 130 000 euros »… Mon président a failli tomber à la renverse car Furiani touche 20 000 euros, alors tu vois… Bien sûr, Furiani est un petit village, collé à Bastia, mais on a quand même 500 licenciés, on fait énormément de choses pour les jeunes, alors si on pouvait être un peu plus aidés, ça serait bien.

« Je suis dans une machine à laver »

Malgré la formation, tu arrives à rester impliqué à fond pour ton club ?
En ce moment, je suis dans une machine à laver. Par exemple, je n’ai pas le temps d’aller voir jouer les gamins du club le week-end, c’est dur, car ils ont besoin aussi de voir le coach de l’équipe première. Je le faisais avant, mais cette année c’est plus compliqué. En plus, on a deux terrains : l’équipe première est à Erbajolo et les autres sont au Bastio, ça c’est le côté négatif. Si on pouvait avoir tout le monde dans la même enceinte. J’aimerais que le club avance aussi là-dessus.

Votre stade, le Bastio, est à côté du stade Armand-Cesari, où évolue le Sporting…
On est collé au stade, à 800 mètres, mais le Sporting reste le Sporting. Il est au-dessus de tout. On a besoin de lui comme lui a besoin de nous. Et la ligne de conduite à tenir, c’est l’entraide, et encore, on devrait s’aider un peu plus. Il n’y a aucune jalousie. Des gens font 300 kilomètres pour venir le voir. Dès 3 ans, les enfants vont au stade. C’est la sortie du week-end. Le Sporting, c’est une forte identité et c’est beau de voir ces familles entières au stade : ça, on le voit moins sur le continent. Et puis, il y a une certaine sécurité ici.

Photo ASFA

Le fait qu’il y ait ton ami Régis Brouard aux commandes de l’équipe de Ligue 2 du Sporting-club de Bastia, ça facilite les choses, non ?
C’est surtout l’histoire entre lui et moi. Après, sur plein de choses, nous, le club, on est capable d’aider le Sporting, de faire grandir leurs jeunes, d’avoir des prêts, et en même temps cela nous aiderait aussi, mais je suis un simple entraîneur de l’AS Furiani, je ne décide rien. Je pense, et ce n’est pas une critique, que l’entraide peut être encore meilleure. Pour en revenir à Régis, on a une relation extraordinaire. C’est un peu mon mentor. Il m’a donné cette envie d’entraîner. J’ai pratiquement fait une carrière aussi avec lui, quand on était joueurs ensemble à Cannes… Quand il est parti à Rodez il m’a emmené avec lui. Quand il est parti à Nîmes il m’a emmené avec lui…

« Avec Régis (Brouard), ça fait 20 ans que l’on se connaît »

Et il a failli te ramener aussi au Sporting, l’été 2022, si nos souvenirs sont bons…
Ah ah (silence) ! Il y a toujours une forme de sincérité et d’honnêteté entre nous deux. Et aujourd’hui, comme je l’aime, et que je n’espère que des bonnes choses pour lui, je ne me vois pas dans ce rôle d’adjoint, je prends beaucoup trop de place. Quand on est ami, il faut se dire les choses. Avec Régis, on a vécu l’accident d’avion ensemble avec Rodez, il a vu la naissance de mes enfants, on se connaît depuis plus de 20 ans, je connais toute sa vie, ses joies, ses tristesses, après, même quand on joue des matchs amicaux l’un contre l’autre, ça monte dans les tours hein, je te rassure, on se chambre, on se rentre dedans. Quand je l’ai battu l’an passé (2-0 en amical) on ne s’est pas parlé pendant un mois, tu vois… Cette année il m’a battu (3-2 en amical), j’étais moins content… Voilà, après, je veux toujours être clair, je ne suis pas un carriériste. Bien sûr, j’ai des envies, des ambitions, mais je ne sais pas ce que je ferai demain ou après demain, je n’ai pas de plan et surtout je n’ai aucune malice par rapport à ça, et je ne ferai jamais un enfant dans le dos à qui que ce soit, encore moins à un ami.

Tu as évoqué l’accident d’avion avec Rodez : tu te sens d’en reparler ?
Je prenais l’avion comme tout le monde. Le président de Rodez Joël Pilon avait mis son avion privé à disposition pour aller jouer… à Bastia en plus… C’était un petit coucou de 9 places, qui faisait l’aller-retour. Le pilote était Xavier Bru, qui est le trésorier de l’AS Cannes aujourd’hui, un ancien joueur. Et en plein vol, la porte s’est ouverte, j’ai été aspiré, bon, je passe tous les détails… On a atterri, on a pris feu, mais c’est surtout après que j’ai eu des soucis. Je ne voulais plus reprendre l’avion. Régis (Brouard), qui était là aussi, t’explique très bien que c’est comme un accident de voiture, qu’il faut reprendre l’avion tout de suite après, donc je l’ai repris pour le retour, mais je pense qu’on m’a donné du Myolastan puissance 10 pour être dans le « coaltar ».

« Je prends l’avion parce que je n’ai pas le choix »

Tu as pu reprendre l’avion immédiatement ?

A Rennes, en formation pour le BEPF. Photo SRFC

Oui, mais c’est l’année d’après, quand j’avais signé à Nîmes, que ça s’est compliqué : je l’ai repris pour aller au Gazelec Ajaccio, et là, je me retrouve à avoir une paralysie totale, et je dois arrêter ma carrière là-dessus. J’ai dû réapprendre à marcher. Je suis parti en rééducation au CERS à Capbreton pendant 6 mois. Après ça, je n’ai plus pris l’avion pendant 13 ans mais je me suis aperçu que je faisais trop souffrir ma famille sur des trucs qui me rendaient dingues. Quand on allait voir mes parents au Portugal, c’était 17 heures de voiture. Mon épouse aime beaucoup voyager donc c’était des croisières, et un jour, je lui ai dit de prévoir un voyage, tous ensemble. Et que s’il devait nous arriver quelque chose, on serait nous quatre… C’était six mois avant de venir à Furiani. On est parti à l’Île Maurice, un vrai voyage bien long (rires), et moi, j’avais simplement la crainte de me retrouver paralysé. Cela vient de faire 19 ans que cela s’est passé (le 7 novembre 2004). Je ne fais pas de cauchemar. Je ne vais pas te dire que je suis serein dans un avion, y compris hier (dimanche), au retour de Noisy, quand l’avion a commencé à bouger : dans ces cas-là, je ne suis pas la personne la plus sereine. Mais je prends l’avion, parce que je n’ai pas le choix. A l’époque, lors de ma dernière saison de « footeux » en N3 à Gardanne, quand on allait jouer en Corse, je prenais le bateau. Cela fait partie de ma vie. J’avais fait énormément de choses j’ai vu des spécialistes à Milan à Paris, on m’a mis dans des baignoires avec du venin de serpent, on a m’a fait des trucs de fou, mais en fait, c’est dans ton cerveau que ça se passe. C’est un lien aussi qu’on a avec Régis (Brouard). Bon, moi, j’étais face à la porte donc c’était encore plus compliqué. Lui était copilote. Je n’ai pas de problème à en reparler. Mais les gens ne savent pas que c’était moi en face de la porte, même s’ils ont entendu parler de cette histoire, de l’avion de Rodez. Cela a été un traumatisme par rapport à mon fils aussi. Il a un peu peur de l’avion aussi, par rapport à moi. Je ne pense pas que mes joueurs soient au courant. Certains oui. C’était en 2004. Ils étaient très jeunes. Après l’Île Maurice, j’ai repris l’avion seul, six mois après, pour venir ici. A Bastia… Tu as vu comment c’est, l’histoire ? Et quand j’atterris à Bastia, j’y pense, mais je ne suis pas traumatisé. La réalité, c’est que je ne suis pas serein dans l’avion mais à la limite, ça rassure mon président, il est content : parce que lui non plus n’est pas serein mais il se dit « Quand je suis avec Patrick, je suis bien, ça ne va pas lui arriver deux fois ! » Je lui réponds « ne crois pas ça ! » (rires)

Sur le compte Instagram de Patrick Videira

Du coup, le lien existe aussi avec Rodez…
Rodez… La ville… Le club avec des gens extraordinaires aussi. Ma fille est née là-bas. Les gens sont sincères, francs, humains. C’est un club très familial. J’ai joué avec Greg Ursule, l’actuel manager général. Je n’ai que des bons souvenirs, à part ce problème d’avion. A la naissance de ma fille, des supporters ont ramené des cadeaux à la maternité, ils ont mis un drapeau, je garde cette image fantastique.

Revenons au football corse : quelles sont les relations avec Borgo, un club qui a goûté au National et même à la Ligue 2 du temps du CAB ?
Elle sont très bonnes. C’est pareil, quand on a besoin de terrains, ils nous en prêtent, c’est super important. Après, on reste des compétiteurs, on veut gagner des matchs : là, récemment, il y a eu ce derby en coupe de France, voilà… (l’AS Furiani a éliminé le FC Borgo 2-1 à Erbajolo au 6e tour, le 28 octobre dernier). Mais les relations entre les deux présidents sont très bonnes. C’est top.

Le CA Bastia (le FC Borgo aujourd’hui), ça peut être un modèle pour vous ?
Chaque club a son histoire mais bien sûr ! C’est un modèle. C’est pour ça que je prends souvent l’exemple du CAB quand on parle de monter. Pourquoi ils l’ont fait et pourquoi ne serions-nous pas capable de le faire ? Il faut garder sa ligne de conduite, savoir où on a envie d’aller et n’avoir aucun regret.

Patrick Videira, du tac au tac

« J’ai envie de rester moi-même ! »

Meilleur souvenir de joueur ?
Mon premier match en Division 1 au Portugal, j’avais 18 ans, c’était à Chaves, devant 45 000 personnes, contre le FC Porto, qui venait de battre Milan. Un super souvenir. C’était aussi mon premier carton jaune, après une faute sur Rui Barros, qui était pour moi une icône. J’avais ramassé les balles lors du match PSG – Juventus (16e de finale de la coupe UEFA en octobre 1989, 0-1, but de … Rui Barros) et il m’avait donné son maillot à la fin.

Pire souvenir de joueur ?
C’était mon accident d’avion avec Rodez.

Le club où tu as pris le plus de plaisir ?
J’en ai pris énormement à Rodez, en CFA, avec le coach Régis Brouard, qui est aujourd’hui entraîneur au Sporting-club de Bastia. On avait un jeu léché, attractif. Et aujourd’hui, je prends énormément de plaisir en tant que coach à l’AS Furiani Agliani.

Une erreur de casting ?
Je ne regrette jamais rien. La vie est faite de décision. Elle sont bonnes ou mauvaises. Mais tout ce que j’ai fait, je l’ai toujours fait à fond.

Le club où tu aurais rêvé de jouer ?
J’ai été formé au PSG*, alors, j’aurais voulu jouer au moins un match en professionnel au PSG. J’y suis resté 11 ans, de 7 à 18 ans. J’étais stagiaire 3. Je n’avais pas de contrat pro, j’ai dû m’exiler au Portugal pour jouer en pro. Mais bon, il y avait une grosse génération de joueurs à ce moment-là : Anelka, Abriel, Paisley, Ducrocq, Belmadi, Leroy. Mais c’est logique, il y avait plus fort que moi. Cela m’a permis de grandir, de revenir 6 ans après en France en Ligue 2, à Martigues.

Ton poste ?
J’ai commencé défenseur central mais je manquais de taille et en grandissant on m’a repositionné latéral droit et en pro je suis passé milieu de terrain défensif.

Un modèle de joueur, une idole ?
Maradona, pour le footballeur hein, même si ce n’était pas mon jeu (rires) !

Ton meilleur souvenir de coach ?
Les meilleurs souvenirs, ce sont souvent les montées, j’ai fait des montées de R2 en R1, de R1 en N3, de N3 en N2.

Le pire souvenir de coach ?
En arrivant ici, en National 2, à Furiani (en 2018), dans un champ de mines, et même si la mission était compliquée, les dirigeants – le président et le directeur sportif – m’ont dit d’emblée « Si on se maintient, c’est comme si tu montais l’Everest en claquettes », mais on est descendu au goal-average.

« Je fais vivre cet enfer à ma famille »

Pourquoi as-tu choisi d’être entraîneur ?
C’était une vocation. J’étais aboyeur sur un terrain, un meneur d’hommes. En fait, je ne sais faire que ça, le football. Je vis 24 heures sur 24 pour ça. C’est ma passion. Je faire vivre cet enfer à ma famille. Mais c’était une suite logique. J’ai passé très jeune mon DES, mon BE1 et mon BE2. C’est ce que je voulais faire. j’ai toujours été dans le partage. Faire des choses ensemble, vivre des émotions ensemble, j’adore ça.

Un modèle d’entraîneur ?
Dans ma carrière de joueur, j’ai pris les côtés positifs de tous mes coachs, ce qui fait que je suis « moi » aujourd’hui, mais je n’ai pas de modèle particulier. J’ai envie de rester moi-même. Alors bien sûr, comme tout le monde, il y a des modèles, Klopp, Guardiola, Ancelotti, tu sais que ce sont des top coachs, mais je ne les idolâtre pas.

Un coach qui t’a marqué ?
Oui, Régis (Brouard).

Un coach que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
Ce n’est pas un coach, mais un président, et cette année, je l’ai un peu moins appelé, cela va te surprendre, c’est Marcel Salerno, que j’ai eu à Cannes. Malgré ce que les gens disaient, c’était quelqu’un qui, humainement, a été fantastique pour moi et ma petite famille, parce que je me suis fait les croisés là-bas, alors que j’étais en fin de contrat. Il a eu des mots forts et des gestes forts. Tu sais quoi ? Dès qu’on va raccrocher, je vais le rappeler !

Un entraîneur que tu n’as pas envie de recroiser ?
Non… Je n’ai pas de haine. Il faut avancer, ne pas vivre avec ça.

Un match référence avec toi sur le banc ?
Sur des bouts de match, des coups de pied arrêtés, oui, mais on ne fait jamais de match parfait, il y a toujours des choses à dire. C’est le côté exigeant qui parle.

Inversement, un match à oublier ?
On a eu des déceptions, des mauvais matchs, mais il y a là aussi toujours des choses positives à ressortir, je pense à un match l’an passé à Haguenau, où on avait été catastrophique, mais il y avait des choses à retenir.

Ta plus grande fierté ?
Ma famille.

L’AS Furiani Agliani, en deux mots ?
Généreux et humain.

En deux mots, le milieu du foot ?
Il y a tellement de gens qui le dénigrent, qui disent que c’est pourri, mais je ne peux pas parler comme ça, car j’adore le foot, c’est mon oxygène, je ne peux pas dire du mal du milieu même si tout n’est pas parfait, et qu’il y a beaucoup de choses à faire.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
(rires) J’aurais travaillé dans le sport ou alors, comme mon père, qui est portugais, avait une entreprise de bâtiment pendant 40 ans, j’aurais peut-être travaillé sur les chantiers, je me souviens qu’il m’emmenait avec lui quand j’étais petit. On ne sait pas. j’aurais peut-être repris la boîte !

*Avec 14 points, l’AS Furiani Agliani, qui se déplace samedi 25 novembre à Bisheim (2e, 16 points), est classée 3e de sa poule en N2 (3 victoires, 5 nuls et 1 défaite).

*Patrick Videira a joué au PSG puis à Chaves, Maia, Ermesinde au Portugal, Martigues (L2), cannes (National), Rodez (CFA), Nîmes (National), Avignon (DH), Gardanne (CFA2), Martigues (National et DH), Côte Bleue (DH) et Istres (DHR). 

Texte : Anthony BOYER – Mail : aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech, AS Furiani Agliani, Stade Rennais FC

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Le promu isérois s’appuie sur ses infrastructures, son bassin économique, son académie, sa politique de formation axée sur les villages voisins et son état d’esprit guerrier et combattant pour se développer et mener à bien son projet : tirer le club vers le haut, se professionnaliser et goûter un jour au National.

Le président du FCBJ, Djemal Kolver. Photo FCBJ

A force, le sud de la France n’aura bientôt plus de secret pour le FC Bourgoin-Jallieu, qui, depuis quelques semaines, a pris l’habitude de passer ses week-ends au soleil ! Promu cette saison en National 2 pour la première fois de son histoire, le club de l’Isère a été « propulsé » dans la poule où près de la moitié des clubs est installé sur les bords de la Méditerranée, ou pas très loin…

Toulon le 23 septembre (défaite 2 à 0), Grasse le 7 octobre (0-0), Cannes le 4 novembre (victoire 1 à 0), re-Cannes samedi dernier au 7e tour de la coupe de France (élimination 2-1)… Et ce n’est pas fini : il faudra aller à Hyères ce samedi pour le compte de la 10e journée de championnat, puis un peu plus tard à Fréjus/Saint-Raphaël… Avec tout ça, ils vont finir par connaître l’autoroute A8 par coeur !

Une découverte brutale

L’expérimenté Sofiane Atik. Photo FCBJ

Ces voyages, s’ils forment la jeunesse, comme le dit l’expression consacrée, constituent surtout un gros changement pour le FCBJ, habitué depuis 10 ans à ferrailler en National 3 avec les clubs de la région lyonnaise, savoyarde ou auvergnate. Un changement à la fois géographique, donc, et surtout qualitatif : le National 2, c’est vraiment un autre niveau, et ça, le club du président Djemal Kolver, en poste depuis 2020, l’a bien compris. Il l’avait d’ailleurs anticipé, et même tenté de préparer au mieux ses troupes à l’intersaison, afin d’aborder ce nouveau championnat, plus physique, plus complexe, de la meilleure des manières.

Malheureusement, dès la première journée de championnat, le club a dû se rendre à l’évidence : cela allait être très compliqué. La découverte du N2 a même été brutale. « On m’avait prévenu, raconte le chef d’entreprise de 40 ans – il dirige la société KDC Construction, spécialisée notamment dans la construction, l’énergie et la rénovation d’intérieure -, et j’en ai eu la preuve dès notre premier match de championnat, à Alès, raconte-il; pourtant, Alès, ce n’est pas tout à fait le sud, hein, mais là-bas, on a pris deux cartons rouges, on a eu un but refusé (1-1, score final). Là, je me suis dit « ça commence. Puis à Toulon (5e journée, défaite 2-0), on a pris un rouge à la 35e… Alors, autant au niveau du foot, je m’attendais à ça, en revanche, je n’avais pas mesuré l’impact que l’arbitrage pouvait avoir. On est en train d’encaisser ça. »

Des motifs d’espoir

Le stade Pierre-Rajon, partagé avec le rugby. Photo FCBJ

Si, après neuf journées, et avant de se rendre chez l’un des trois co-leaders, Hyères – Les Varois restent sur trois nuls et une défaite en championnat, et viennent de se faire « sortir » en coupe de France aux tirs au but à Chaponnay contre une R2 -, les Isérois pointent à l’avant-dernière place du classement (13e sur 14), ils sont cependant très loin d’être largués et, surtout, leur récente prestation hormis peut-être celle contre Le Puy, laisse augurer de réels motifs d’espoir. En un mot, le FCBJ est en progrès.

« On n’a pas peur. On apprend. On saura répondre présent… quand on sera onze ! On a pris des rouges bêtement. Là, c’est le moment de l’unité générale. Il faut être solidaire. On n’est pas surclassé. On n’est pas largué au classement (à 3 points du premier non-relégable). Je veille à ce qu’il n’y ait pas de pomme pourrie. Le bas de classement, on est formaté pour. Mais on a plutôt des profils guerriers et gagneurs, et des meneurs aussi, comme Sofiane Atik. Quand ils sont là, je n’ai pas peur. Si on a des pépins, là, ça devient plus compliqué. On verra, on a jusqu’au 31 janvier pour ajuster quoi que ce soit, s’il faut se renforcer ou pas. Mais je suis optimiste, je pense que cela va aller de mieux en mieux. Il nous manque juste un petit quelque chose. Après, pour en revenir à notre début de saison, on a démarré avec beaucoup d’absents, notamment des joueurs majeurs (Nirlo, Niang, Atik). Malgré ça, on arrive à rivaliser, à part face au Puy, lors de la 9e journée, chez nous (2-3). Le Puy a été très bon, j’étais déjà allé les voir jouer à Andrézieux cette saison et je les avais déjà trouvé très bons. Mais Le Puy, ce n’est pas le sud : parce que, pour être franc, je n’ai pas encore vu un beau football là-bas. Et j’ai trouvé aussi que Toulouse était une belle équipe, joueuse, mais naïve. »

Une image jeune et dynamique

Ancien joueur de Bourgoin, où il a évolué chez les jeunes puis en seniors du niveau régional jusqu’en CFA2 (national 3 aujourd’hui) – « Je jouais latéral droit puis j’ai fini dans l’axe parce que je n’avançais plus, d’ailleurs, je n’ai jamais avancé (rires) » – Djemal Kolver possède cette « sensibilité football » que d’autres présidents n’ont pas.

Dans sa mission, il est entouré d’un directeur général, Dylan Rahis, âgé de seulement 27 ans, et déjà au poste depuis 4 ans : de quoi conférer au club une image jeune et dynamique. « C’est un métier passionnant, raconte Dylan; il y a plein de facettes. La partie RH (ressources humaines) est un peu compliquée, mais comme dans tous les métiers, car parfois c’est dur et cruel, il faut faire des choix. Quand on touche à l’humain, c’est toujours compliqué ».

Le projet « clubs partenaires »

Le manager général, Dylan Rahis. Photo FCBJ

Depuis le printemps dernier, Djemal Kolver, dont il est facile de déceler sa passion pour son club tant il est expressif pendant les matchs – « Je les vis à fond, je suis entier, c’est sûr qu’on ne s’ennuie pas quand on est assis à côté de moi  en tribune ! » – est seul aux commandes de ce bateau, après une période de coprésidence sur laquelle il ne souhaite pas s’étendre : « J’étais joueur donc, et aussi partenaire historique du club. J’ai même été coach adjoint de l’équipe une ! ».

On comprend mieux pourquoi il n’hésite pas à donner un avis « technique » sur ce qu’il voit chaque samedi sur les terrains de national 2. « Ancien » arbitre, Dylan, lui, a rejoint le club en octobre 2019, en provenance d’un club de village voisin. Et parler de « village voisin » est d’autant plus important et significatif pour le FCBJ qu’il a basé une partie de sa politique sur les clubs des alentours, qui forment les « clubs partenaires ». Ils sont au nombre de 9 : FC Vallée de l’Hien, CS Nivolas, FC Meyrie, FC Balmes Nord Isère, ECBF (Eclose Chateauvillain Badinières Foot), FC Liers, Unifoot (Union nord iséroise de football), Isle d’Abeau FC et US Ruy Montceau.

Une ville bien desservie

Photo FCBJ

« En fait, Bourgoin (près de 30 000 habitants) est hyper bien placée géographiquement, bien desservie, entre Lyon, qui est à 30 minutes, et Grenoble, à 45 minutes. On n’est pas loin d’Annecy non plus (1h10) et de Saint-Etienne (1h10). On a un partenariat historique avec l’Olympique Lyonnais et on se sert de ce modèle-là pour l’appliquer aux « petits » clubs qui sont autour de nous. Ces 9 clubs, avec le FCBJ, ça représente 3000 licenciés. On n’a jamais voulu fusionner avec eux, parce que j’ai toujours pensé qu’il nous fallait deux équipes par catégorie mais pas plus. Alors on a opté pour ce projet « clubs partenaires. On ne veut pas « tuer » les clubs alentours, au contraire, on veut les aider. L’idée, c’est de tirer tout le monde vers le haut, de faire évoluer le football Nord Isérois et d’augmenter la performance, la notre et celle des clubs partenaires. Quand j’étais joueur, je me souviens que les clubs des alentours, c’étaient un peu notre équipe réserve. On allait piocher chez eux. Mais depuis quelques années, c’est plus difficile, car leurs équipes fanions ne sont pas au niveau de notre réserve. On ne peut plus le faire. Donc il faut améliorer la performance de tout le monde, et à nous d’être bon derrière. On doit offrir à ces gamins-là une structure d’accueil et la possibilité de s’exprimer au mieux, sans forcément passer par un centre de formation. »

Une politique « locale »

Le coach Eric Guichard. Photo FCBJ.

L’idée générale, c’est donc de faire du local : « Même si de temps en temps on peut aller chercher de la performance ailleurs, on ne veut pas avoir trop de gamins qui viennent de toute la France, poursuit Djemal Kolver; j’ai une certaine expérience et je ne veux pas appliquer à mes joueurs ce que j’ai vécu ici : j ai joué en 17 ans Nationaux à Bourgoin et je me souviens qu’il y avait beaucoup de joueurs qui venaient de partout, juste parce qu’ils venaient chercher le niveau, et cela se faisait au détriment des joueurs du cru qui, du coup, n’ont pas progressé, et après ça, on s’est retrouvé après avec un trou de générations. Voilà pourquoi on veut rester « local », et quand on dit « local », on parle d’un rayon de 45 kilomètres, même si on peut aller chercher 2 ou 3 de l’extérieur. Mais certainement pas 10. »

Au FCBJ, l’union devrait faire la force, l’avenir le dira, et l’important vivier de joueurs devrait servir sa cause. Dylan : « Il y a un gros bassin de joueurs de football dans l’Isère et dans le nord-isère, beaucoup plus que pour le rugby, alors que tout le monde pense qu’ici, c’est une terre d’ovalie*. Mais non… Le FCBJ est né en 1936. Il s’est structuré au fil des ans, au fil de ses équipes dirigeants. Puis il a commencé à développer la formation, avec notamment des gens comme Didier Christophe ou Bernard David. Et puis quand Kolver est arrivé, cela a apporté une touche supplémentaire. Le club s’est découvert quelques ambitions. »

Le rugby ? « Il y a du soleil pour tout le monde »

Armand Garrido et Djemal Kolver. Photo FCBJ.

Djemal : « Le club prend une place prépondérante au sein de la ville sur plein d’aspect, sportif, social, au niveau de son académie. Je pense, pour en revenir au rugby, qu’il y a du soleil pour tout le monde. On travaille avec eux, on collabore. Et puis, le bassin économique est de plus en plus vaste ici. »

Tous les signaux semblent tourner au vert, mais Djemal Kolver note tout de même quelques pistes de développement et de progression : « Notamment en matière de formation. Bourgoin a sorti des joueurs professionnels, mais pas assez. Pour ça, il faut donc augmenter la performance des coachs, des encadrants. C’est ce que l’on s’attache à faire depuis que j’ai pris la présidence et ça va payer. Actuellement, on a des joueurs pros qui évoluent à droite à gauche, comme Amine Gouiri à Rennes par exemple ou Malo Gusto (Chelsea), mais ce n’est pas assez. »

Eric Guichard, l’homme de la montée

Photo FCBJ

« Dans notre pole technique, on a une commission technique composée de 5 personnes diplômées, dont Armand Garrido, que l’on ne présente plus (30 ans à l’OL !) et Eric Guichard aussi, le coach de l’équipe de N2, renchérit Dylan Rahis; en revanche, on fonctionne sans directeur sportif. »

Djemal : « Eric Guichard, je le connais depuis longtemps, je jouais contre ses équipes à l’époque. Je savais que c’était quelqu’un de rigoureux et de bosseur. On avait besoin de ça, d’un entraîneur expérimenté, ce choix s’est avéré payant après le départ de Jérémy Clément en 2022. Avec Eric, on est monté en N2. Jérémy était directement passé de joueur à la fin de sa carrière, à entraîneur. Il n’avait pas pris le temps de se poser un peu. La transition a été dure. Il s’est retrouvé à entraîner des joueurs avec lesquels il avait joué, ce n’est pas facile. On a une bonne relation, on est resté proche, c’est quelqu’un de bien. Son fils est au club aussi. Il a vu ensuite que le foot lui manquait et il a repris Andrézieux en cours de saison, avec un maintien au bout, alors que le club était mal embarqué. »

Un club attractif

Après la victoire chez le leader, début novembre, à Cannes, en championnat. Photo FCBJ.

Et Dylan de poursuivre : « On a toutes nos équipes jeunes en R1 et cette saison, on a l’ambition de faire monter nos U16 R1 en U17 nationaux. Au total, notre académie comprend 28 équipes, avec 650 licenciés, en comptant le pole féminin. En termes de licenciés, on est vraiment le gros club de l’Isère avec Eybins. Le sport-études a été lancé la saison passée, ça attire les gamins et les parents, mais c’est un travail de longue haleine, qui va payer, pas tout de suite, on le sait. Il faut être patient. On sait qu’on est attractif : on a refusé 1100 dossiers dans un périmètre de 45 kilomètres, et je ne parle pas là des seniors ni des U20. c’est le nombre de licenciés que l’on a refusés ! Au total, on a eu plus de 3000 demandes venues de partout ! Chez les féminines (100 licenciées), on a 5 équipes, on est en R2 chez les seniors, on stabilise le projet au niveau quantitatif déjà, avec l’école de foot qui représente 35 % des effectifs. D’ici le mois de juin, on commencera à travailler sur un projet, pour faire comme chez les garçons. Il ne faut pas perdre de vue que l’on est dans un quartier de la ville, que beaucoup de filles ont des qualités intrinsèques au dessus de la moyenne : alors il faut leur offrir un niveau de performance qui soit adapté. On veut créer de la masse aussi. »

Le stade Pierre-Rajon, un bel outil

Photo FCBJ

Des idées, du dynamisme, de l’ambition et aussi des infrastructures : à Bourgoin, le club bénéficie de deux terrains synthétiques, d’un terrain d’honneur et le fameux stade Pierre-Rajon, partagé avec le rugby, d’une capacité maximale de 9000 places. « C’est vraiment un bel outil de travail, se réjouit Djemal; avec le rugby, on communique bien. Là, par exemple, on a joué le vendredi contre Le Puy, et eux le samedi en championnat (Nationale). On a une belle organisation, très pro, d’ailleurs, quand Le Puy est venu, son président (Christophe Gauthier) a été surpris du monde dans les tribunes et de l’organisation. On fait 1500 spectateurs et sans résultat… En plus, on joue le vendredi soir, quand beaucoup d’autres joueurs s’entraînent, ça nous prive de monde… Mais c’est un choix stratégique de notre part. On a fait 4000 pour le match de la montée en N2 la saison passée, et pour l’avant dernier match à domicile en N3, on était 2700. Avec des victoires cette saison, on ferait plus, mais ça va arriver… On sait fédérer nos clubs partenaires autour. J’ai d’ailleurs une anecdote : la mairesse d’une commune d’un de nos clubs partenaires nous a dit « on va y arriver, on y croit ». Voilà, ce sont de vrais supporters. C’est un vrai soutien pour nous. On leur doit d y arriver pour le coup. »

Viser plus haut

Djemal Kolver. Photo FCBJ.

Y arriver ? Mais où ? Djemal Kolver : « On a tout pour aller plus haut. On a le stade, le bassin économique, on est très bien placé… Si on continue à bien travailler, on ne peut qu’y arriver. Il faut bien se structurer et être organisé pour, le moment venu, appuyer sur la détente et aller chercher cette place en Ligue 3 ou en National. C’était mon ambition quand je suis arrivé à la présidence il y a 4 ans. Je ne suis pas à ce poste pour végéter. Je suis compétiteur. On a tout pour y arriver. »

Sur le terrain, le FCBJ s’appuie sur son esprit guerrier : « On essaie d’inculquer notre force collective, notre combativité et notre solidarité dans toutes les catégories du club, résume Dylan; c’est ça notre état d’esprit, celui d’un petit village ! Et on prône aussi le beau jeu. Djemal : « On a toujours cet esprit de vouloir jouer, de repartir de derrière, avec des joueurs fins techniquement ».

Un petit budget pour le niveau

Scène de liesse la saison passée à Pierre-Rajon, pour l’accession en N2. Photo FCBJ.

Avec son budget budget de 1,3 millions d’euros (pour tout le club), le FCBJ ne peut pas non plus faire de folie : « C’est un petit budget, mais on sait travailler avec, on ne multiplie pas les postes, on ne surpaye pas les joueurs, alors qu’à un moment donné, c’était la mode. Avec la refonte des championnats amateurs, beaucoup de joueurs se sont retrouvés sur le marché, et ça a remis quelques pendules à l’heure en termes de salaires, car certains touchaient des sommes astronomiques, même à notre niveau. Nous, on ne fera pas de folie. C’est pour ça que l’on mise beaucoup sur la formation. On veut des joueurs du cru. Pas forcément de Bourgoin même, mais du bassin. Aujourd’hui, en équipe première, on doit être à peu près à 30 % de joueurs issus du bassin, c’est bien. Après, un joueur qui n’est là que depuis deux ans, par exemple, mais qui est bien dans le moule et parfaitement intégré, pour moi, il est Berjallien. »

De retour samedi dernier à Cannes pour la deuxième fois en quinze jours, pour le compte de la coupe de France cette fois, le FCBJ, pourtant auteur d’un bon match, n’a pas pu rééditer sa performance (l’équipe d’Eric Guichard s’était imposée 1 à 0 à Coubertin le 4 novembre mais s’est cette fois fait battre 2-1) ni faire mieux qu’un 7e tour, son record. « Pour nous, c’était difficile de concilier coupe et championnat, on n’a peut-être pas cette profondeur de banc et l’effectif pour ça même si cette saison, il faut le dire, la coupe nous a servis, parce qu’on a eu beaucoup de suspendus et de blessés ».

*L’historique club de rugby, le CSBJ, ancien pensionnaire de l’élite (dernière saison de top 14 en 2010-2011), finaliste du championnat de France (1997), vainqueur du Challenge européen (1997) et clubs phares des années 90 et 2000, évolue aujourd’hui en Nationale, l’équivalent de la 3e division.

 

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : FCBJ

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