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National 3 : Aigues-Mortes, uni dans l’effort !

A la pointe du Gard, la petite bourgade de 9 000 habitants est réputée pour ses remparts, ses salins, ses courses camarguaises et, depuis peu, pour son équipe de football de National 3 où esprit familial, fidélité et stabilité sont les maîtres mots.

La tribune d’honneur a fait le plein !

Ce n’est pas parce que Aigues-Mortes est entourée de remparts que son équipe de foot est pour autant imprenable.

La preuve, le Pau FC a inscrit trois buts au stade Maurice-Fontaine en coupe de France, samedi, sans en encaisser aucun, et éteint du même coup les rêves de 8e tour du club gardois, qui a vécu une journée à la fois mémorable et éreintante.

Mémorable, car c’était la première fois de son histoire que l’Union sportive salinières d’Aigues-Mortes (USSA) affrontait un club professionnel.

Les jeunes du club pour le « main dans la main » à l’entrée des joueurs.

Ereintante car, ironie de cette belle histoire, la fête du football est tombée le même jour que le grand loto du club, organisé pour 500 personnes dans la foulée du match !

Et à Aigues-Mortes, on ne plaisante pas avec le loto !

C’est LA manifestation incontournable, celle qui permet de récolter des fonds nécessaires à la survie de l’association, qui, à défaut de rouler sur l’or, marche sur des salinières dont le patrimoine à la fois naturel, économique et historique, est associé au nom du club, comme pour mieux témoigner de cet ancrage et de cette identité camarguaise. Mais ce mariage avec les marais salants semble battre de l’aile.

Le président a donné l’accolade à chacun de ses joueurs avant le coup d’envoi.

« Vous savez, Aigues-Mortes est une petite bourgade de 9 000 habitants, explique Marc Thélène, professionnel de l’immobilier et président de l’USSA depuis quatre ans et demi; Les remparts sont très visités et sources de revenus, de même que les salinières, c’est historique. Malheureusement, l’entreprise (Les salins du Midi, Ndlr) ne nous donnent pas ce que l’on voudrait, d’ailleurs, je ne vous cache pas que l’on réfléchit parfois à changer le nom du club… parce qu’en fait, ils ne nous donnent pas grand chose. Quant au loto, nous en organisons cinq par an, c’est ce qui nous permet d’avoir des rentrées d’argent et de faire vivre le club, surtout que l’on a très peu de d’entreprises, très peu de subventions. »

« On a très peu de moyen, on est un village et malheureusement, on a une municipalité qui ne sous suit pas forcément, il faut se débrouiller, appuie Yohan Borg, 40 ans, l’entraîneur de l’équipe de National 3.

Un terrain d’honneur accidenté

Poignée de mains entre les deux coachs, Didier Tholot (Pau FC) et Yohan Borg (USSA).

Un 7e tour de coupe de France l’après midi, un grand loto le soir, le club de football d’Aigues-Mortes a sans douté vécu sa plus grosse organisation et battu des records d’affluence avec un bon millier de personnes sur le site (environ 1200).

Une belle récompense pour les nombreux bénévoles (80 éducateurs, dirigeants et parents, et 25 le soir pour le loto) mobilités tout au long de la journée pour faire de ce match (et de ce loto) des fêtes réussies.

« C’est beaucoup de travail », concédait le président, dont la hanche déjà très fragile a souffert des centaines d’allers et venues dans l’enceinte sportive.

Le président de l’USSA, Marc Thélène.

C’est simple, le successeur à la tête du club de l’emblématique Michel Ceccotti, aujourd’hui président d’honneur, fut au four et au moulin.

Téléphone constamment scotché à l’oreille, il a dû « courir » au moins autant, sinon plus, que son milieu de terrain récupérateur qui n’a pourtant pas lésiné sur les efforts, à l’image de ses dix camarades sur la « pelouse » ou ce qu’il en restait.

Le terrain était dans un état si déplorable qu’il a inquiété la délégation paloise, soucieuse de ne pas connaître de blessures, arrivée sur place la veille et venue effectuer un repérage des lieux.

Mais il est aussi un handicap pour l’équipe locale et l’ensemble du club, qui ne cachent pas une problématique en matière d’installations, même si cela va aller mieux avec le nouveau terrain d’entraînement tout neuf, qui jouxte le terrain d’honneur, et que l’USSA a « récupéré » la semaine dernière. Sans oublier le petit terrain de Saint-Laurent-d’Aigouze, la commune avoisinante, qu’il utilise également.

Pau évite le traquenard

La buvette a été prise d’assaut !

Les conditions restent cependant compliquées et précaires pour les 350 licenciés de l’USSA (dont 250 jeunes) : « Comme on n’a pas l’éclairage, et que nos joueurs travaillent la semaine, on a fini nos séances à la nuit pour préparer ce 7e tour de coupe de France, poursuivait Borg, à la tête de l’équipe fanion depuis 12 ans, et licencié au club depuis 2004.

C’est sans doute l’état catastrophique du terrain, « accidenté », comme l’a qualifié Borg dans le quotidien Midi Libre, qui a nivelé les valeurs entre les deux équipes samedi.

Car, comme souvent en coupe de France, et comme l’ont encore montré les résultats et les nombreuses surprises (des clubs de Ligue 2, de National et de National 2 ont été éliminés par des équipes de niveaux bien inférieurs), on n’a jamais vu trois divisions d’écart entre Aigues-Mortes et Pau.

L’USSA manque le coche !

Le latéral gauche, qui a fini aux avants postes, Bastien Laffaille, a raté une énorme occasion de relancer le match.

Il est 15h, il fait chaud, le stade est plein comme un oeuf, la fanfare, typique du Midi, joue de la trompette, les supporters palois sont là (une quinzaine), parqués sur un côté de la tribune, et, c’est bête à dire, c’est bête à écrire, mais on sent le traquenard.

C’est parti ! Aigues-Mortes se montre d’entrée très entreprenant. Et si les locaux avaient concrétisé l’une de leurs trois grosses occasions rapides (trois frappes dont une parade du gardien et une transversale), cela n’aurait sans doute pas été la même musique pour le Pau FC, dominé pendant les 20 premières minutes.

Dans les tribunes, et tout autour du terrain, on y croit. Les commentaires fusent. « Pour le moment, ils ne montrent pas grand chose, les pros ! » entend-on. « Le terrain ne doit pas les aider mais bon, ils sont pros, ils doivent s’adapter ». « Les Rouge (Aigues-Mortes) sont plus présents ». Un « nostalgique », derrière les grillages, se souvient : « Tu te rends compte qu’avant, quand on jouait contre Le Grau du Roi, c’était plein comme ça aussi le stade, c’était pas hier, hein ? ».

Peut-être que les pros de Ligue 2 ne montrent pas grand-chose, mais ce sont eux qui ouvrent le score, contre le cours du jeu, à la 24e, sur une tête de Henri Saivet, avant de doubler la mise dans la foulée, à la 28e, par Mayron George.

Borg : « Frustrant mais on a montré un beau contenu »

Une quinzaine de supporters du Pau FC avait effectué le long voyage.

Le stade se tait. En cinq minutes, les Aigues-Mortais ont encaissé autant de buts qu’en cinq matchs de championnat ! Mais voilà, c’est le niveau pro, ce sont les détails, le réalisme : « Frustrant, oui, c’est le mot, analysait Yohan Borg à l’issue du match; on a les occasions de marquer avant eux, et il y a sans doute un penalty pour nous sur un coup franc détourné de la main en début de match, on le voit sur les photos, mais ce sont des détails qui font partie du foot. Si on a fait le match qu’il fallait ? Non, sinon on aurait gagné ! Disons que l’on a eu un beau contenu sans pour autant être tranchant dans les 30 derniers mètres. Pau, sans être exceptionnel, s’est montré efficace et a su marquer quand il le fallait. »

A 0-2, les « Rouge » ont pris un coup derrière la tête mais au retour des vestiaires, ils ont persévéré, insisté et développé leur football malgré l’état du terrain et ont sans doute raté une énorme occasion de tout relancer, lorsque Bastien Laffaille, très en vue sur son côté gauche, s’est retrouvé tout seul devant le géant Massamba Ndiaye, peu avant l’heure de jeu : sans doute surpris d’être en si bonne position, le numéro 3 gardois frappait sur le gardien !

Esprit de famille, fidélité et stabilité

Yohan Borg, le coach de l’USSA, en interview d’après match.

17 heures. C’est la troisième-mi-temps. Il y en aura bien sûr une quatrième ce soir avec le loto. Mais les dirigeants n’ont le temps ni de s’apitoyer sur le résultat très sévère du match et l’élimination (0-3), ni de profiter de ces instants éphémères. L’esprit familial se fait tout de même bien ressentir, à la buvette, prise d’assaut à la mi-temps, derrière la tribune ou dans le club house.

Cet esprit, c’est ce qui fait la force de l’association : « On est un club familial, appuie le président; on essaie aussi de former les jeunes d’ici mais la problématique, c’est la distance, car même si on est plutôt tourné vers Nîmes, on est un peu loin de Montpellier aussi, alors c’est compliqué. Mais aujourd’hui (samedi), contre Pau, on avait trois titulaires issus du club. C’est une fierté. Jusqu’à présent, on a eu des difficultés à faire du football à 11 et à monter des équipes, d’ailleurs, cela nous a coûtés des points de pénalité la saison passée en N3, à cause de l’absence d’une équipe en U19, sinon nous aurions terminé 3e et pas 4e, mais cette année, on y est arrivé. Il faut dire aussi que, avant, nous avions une entente avec le club voisin, Le Grau du Roi, qui n’existe plus. »

« C’est vrai que notre force, c’est l’état d’esprit familial, nos bénévoles, renchérit Yohan Borg; on a aussi une fidélité au niveau du staff et des joueurs, avec un mélange de jeunes et d’anciens, un vrai esprit de groupe. On joue avec nos moyens et nos valeurs. On a envie de gagner des matchs, d’être ambitieux, mais tant que le club ne sera pas mieux aidé, ce sera difficile de faire mieux. »

Solidité et régularité

Bernard Laporte-Frey, le président du Pau FC, discute avec Marc Thélène à la fin du match.

Faire mieux ? Mieux, ce serait le National 2. A Aigues-Mortes, personne n’en parle, alors que l’équipe démontre en championnat une grosse solidité défensive et, pour l’heure, une belle régularité (3e avec un match en retard, et seule équipe à avoir pris un point face au leader, Béziers, cher lui, 0 à 0).

« On est monté en National 3 en 2021, c’était déjà un bel exploit, on a fait une bonne saison l’an passé. L’accession, très sincèrement, elle n’est pas prévue, assure le président; Le National 2 ? Je ne sais pas… Le N3, c’est déjà un niveau élevé pour un club comme le nôtre. Moi, ce que je vois, c’est que l’on a une équipe stable, on est régulier depuis quelques années, avec des joueurs qui jouent ensemble depuis longtemps, fidèles. Et c’est ce qui fait la force de l’équipe. On est attentif à cela, à cette continuité. »

Des joueurs fidèles et… unis. « Unis dans l’effort ». « Unis dans l’effort les gars ! », comme l’a crié à plusieurs reprises dans les couloirs du stade, pour motiver ses troupes, le capitaine Sébastien Robert, lors de l’entrée des équipes sur le terrain. Un cri étouffé par des Palois nullement impressionnés par toutes ces fortifications qui font la beauté de la ville.

Samedi, à Aigues-Mortes, les remparts ont cédé. Mais l’esprit guerrier et l’esprit de famille ont demeuré.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : AB

  • Remerciements : à l’ensemble du club d’Aigues-Mortes pour sa disponibilité et sa gentillesse dans une journée « speed » où il a fallu gérer beaucoup de choses !
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