Buteur courtisé en National dans les années 90 avant de s’asseoir sur les bancs des championnats nationaux avec la casquette de coach, le Havrais a souvent dû subir les choix, les décisions et les aléas du foot. Revenu de Saint-Pierre-et-Miquelon en 2022, il a posé ses valises dans les Deux-Sèvres, à Nueil-les-Aubiers, où il a découvert une autre approche, plus zen, sans pression. Pour un tas de raisons, il en avait bien besoin…

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH, 13HF, FCNA, Footamicale 79, CVfoot et DR 

« Ce que fait Sébastien Cuvier à Nueillaubiers depuis son arrivée (en 2022), c’est franchement exceptionnel ! » On taira volontairement le nom de celui qui a lancé ce compliment lorsque nous lui avons confié que l’ancien joueur des années 90, buteur patenté et courtisé à l’époque de l’ancienne D3 puis de la création du National, serait le prochain « interviewé » de 13heuresfoot !

On taira d’autant plus son identité que son club de coeur et de sa ville natale, Bressuire, dont il est toujours très proche, est l’un des concurrents du FC Nueillaubiers (département des Deux-Sèvres) en Régional 1 (Ligue de Nouvelle-Aquitaine), distant d’une dizaine de kilomètres. Oui mais voilà : le FC Bressuire, qui rêvait de retrouver le National 3 quitté en 2022, et manqué l’an passé aux barrages, n’a terminé que 7e de sa poule (24 buts marqués en 24 matchs, idem la saison passée, mais en 22 matchs !), deux places derrière … le FC Nueillaubiers de Sébastien Cuvier (5e), dont l’attaque a fait parler la poudre dans sa poule (44 buts marqués, meilleur score du championnat). Une déception donc pour notre interlocuteur mystère, ancien grand reporter à LEquipe et dirigeant d’un club de National 2 dans l’Oise… Ah ça y est ? Vous avez trouvé ?

Terminer avec la première attaque, Sébastien Cuvier y était déjà parvenu avec le FC Dieppe en CFA2, l’année de la montée en CFA en 2013 (67 buts en 26 matchs). Un record qui tient toujours et auquel il tient, bien évidemment, même si les Harengs s’en sont rapprochés cette saison.

« Je n’étais pas un mercenaire »

Avec l’ASSP, à Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Il est 8 heures, et comme prévu, « La Cuve », comme l’avait surnommé son ancien coéquipier au centre de formation du HAC à la fin des années 80, David Clapson, est sur notre écran, en visio ! Le natif du Havre, âgé de 54 ans, se souvient de tout. Les scores, les noms, les saisons … quelle mémoire ! L’homme a du caractère, qui masque une grande sensibilité. Cuvier dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit. Il ne joue pas un rôle. De toute façon, la comédie, ce n’est pas son truc. « Je suis entier ». On avait remarqué. Et bavard aussi, alors qu’il prétend être le contraire !

Et c’est peut-être aussi pour ça que l’ancien joueur d’Avranches, Bourges, Troyes, Istres, Valenciennes, Poitiers ou encore Pacy-sur-Eure, rien que des clubs fréquentés en National, n’a pas toujours arrondi les angles quand il aurait fallu, privilégiant son côté « cash » à la diplomatie. Le milieu du foot « semi-pro », l’ex-numéro 9, un chiffre prédestiné (il est né un 9/09 !), en a eu ras-le-bol. Marre de subir des décisions injustes voire injustifiées, d’écouter des discours sans queue ni tête, loin de l’idée qu’il s’est toujours fait du football et de ses valeurs.

Tout au long d’une carrière tout de même très riche, mais qui aurait pu l’être encore plus, rien n’a été simple pour l’avant-centre reconverti entraîneur.

Joueur, déjà, il était affublé de l’étiquette « attaquant de National », sans jamais pouvoir regrimper en Division 2, qu’il a tout juste côtoyée à ses débuts, quand il était stagiaire-pro 3 ans au Havre, prêté alors à Beauvais. Là, le joueur, qui changeait de clubs comme de chemise, ce qui lui a conféré une autre étiquette, qu’il réfute, celle d’un mercenaire plutôt bien payé à l’époque, plaide coupable : « J’étais trop juste pour jouer en D2. Et comme je voulais jouer… Donc je me suis fait ma carrière à l’étage en dessous. Quant à l’étiquette de mercenaire, je ne suis pas d’accord du tout. C’est juste qu’à chaque fois, ce sont les circonstances qui ont fait que je suis parti, avec des dépôts de bilan, des choix persos pas toujours très bons… »

Jura Sud, le décollage

Et l’entraîneur Cuvier ? Là encore, la vie ne fut pas toujours un long fleuve tranquille pour celui qui commence à embrasser cette seconde vie avec la réserve de Jura Sud, de 2002 à 2004 (DH), lorsqu’il était encore joueur. La suite le conduit en Bourgogne, à Imphy Decize en CFA2, où, en janvier 2005, il remplace le coach Christian Felci, évincé à Noël. Le tout en continuant de jouer et, bien sûr, de marquer ses 12 buts avec Imphy !

À Beauvais, de 2005 à 2007 (CFA puis National), il s’assoit sur le banc aux côtés de Bruno Roux, le coach, dans un rôle d’entraîneur des gardiens. Dans le staff, il y a aussi l’adjoint, un certain Patrick Vallée, son ancien coach à Pacy-sur-Eure, au sujet duquel il n’hésite pas à dire qu’il fut l’entraîneur « le plus complet » qu’il a connu !
Finalement, le décollage a lieu à Jura Sud, en CFA, où il retourne en 2008, pendant 4 saisons, cette fois dans le rôle de numéro 1. Et c’est après que ça se complique. On rembobine le film…

Interview
« Je ne suis pas un grand bavard »

Meilleur souvenir de joueur ?
J’hésite entre la victoire en coupe Gambardella avec Le Havre (en 1989) et la montée en Ligue 2 avec Troyes, la même saison que mon titre de meilleur buteur de National… Ah… Je dirais Troyes quand même !

Pire souvenir ?
Une élimination avec Poitiers, alors en National, en coupe de France au premier tour, contre Rilhac-Rancon. Pouahhh ! Ils étaient en DH ! Et sinon, toujours en coupe, je rate un penalty avec Fréjus, contre Canet-en-Roussillon.

Tu as marqué beaucoup de buts en National, mais sais-tu combien exactement ?
Je dirais 80 environ…

Non, 70 exactement ! Ton plus beau but, selon toi ?
C’était pour mon premier match à domicile avec Avranches contre Cherbourg, en National, l’année de sa création (en 1993). Un but pas du tout dans mon style, je pars du milieu de terrain, je drible tout le monde, dont Bruno Scipion (ex-Le Havre, Caen), et j’arrive devant Arnaud Lucas, le gardien, qui entraîne à Angers aujourd’hui, et je marque ! Dans le journal local, il parlait d’un but de Division 1 ! Il y en a un autre aussi, avec Poitiers, contre Noisy-le-Sec, en National, une volée sur un ballon en l’air. Avec Imphy-Decize, pour mon dernier match, j’ai lobé de 43 mètres le gardien Sy Mohamed, qui jouait en réserve à Gueugnon, entraîné par Jean Acedo !

« À Troyes où j’ai pris le plus de plaisir »

Ta saison la plus aboutie ?
Avec Troyes (saison 1995-1996).

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Troyes également.

Celle où tu as pris le moins de plaisir ?
À Bourges, en National (1994/95). Le club descendait de D2. C’était compliqué. Je ne jouais pas forcément mais il y avait du lourd devant, Claude Rioust, Olivier Chavanon, Sébastien Imbert, Nicolas Le Bellec, et il y a eu le dépôt de bilan. Il y avait aussi Brahim Thiam et Lassina Diabaté dans l’effectif !

Un choix de carrière que tu regrettes ?
Oh oui ! D’avoir quitté Troyes après ma saison en National, je revois la scène avec l’agent. On est reçu par Alain Perrin et le président de Troyes, et mon agent se lève et dit en partant « Demain, Seb il est en D2 et avec un salaire décent, et pas ici ! ».

L’entraîneur qui t’a le plus marqué ?
Alain Perrin, forcément.

Celui que tu n’as pas envie de recroiser ?
Didier Ollé-Nicolle. Pourtant, c’est lui qui m’avait appelé quand j’étais au Havre avec les jeunes du centre de formation, pour le rejoindre à Colmar, pour être son adjoint et entraîneur de l’équipe B. Ce ne sont pas ses compétences que je remets en cause, mais l’humain.

Tes qualités et défauts de joueur ?
Finisseur, adroit, bon techniquement, intelligent dans les petits espaces et les déplacements, sinon, je manquais de vitesse, même si je n’étais pas lent, mais pour passer au-dessus, en D2, c’est ce qui m’a manqué je pense, avec la puissance, être costaud, quant au jeu de tête, les déviations, tout ça, c’était un peu plus compliqué.

« Je n’étais pas Pagis, même si j’avais un peu son profil »

Sous le maillot de Pacy en National.

Justement, c’était la question suivante, pourquoi n’as-tu pas passé le cap ?
Au tout début de ma carrière, j’ai joué en Division 2, à Beauvais, où j’étais prêté par Le Havre. J’ai même eu aussi la possibilité, après ma saison à Troyes, d’aller à Guingamp aussi en D1, mais c’était pour être le 4e attaquant, et moi, je voulais jouer. Je n’étais pas un Mickaël Pagis, que j’ai connu quand il jouait à Châtellerault, et qui était plus « tanké », plus « costaud » que moi : lui, c’est mon mentor au niveau du jeu. J’avais un peu son profil, toutes proportions gardées, mais il n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir.

David Clapson, ton ancien coéquipier au Havre, disait à ton sujet que tu préférais jouer en National où tu avais la cote et aussi… un bon salaire !
(Rires) C’est pas faux ! C’est vrai qu’avec Troyes, Poitiers, Istres, j’ai gagné pas mal, j’avais un statut, et c’était aussi lié au fait que je ne pouvais pas être titulaire en D2. Il fallait que je joue, et pour ça, il fallait que je descende d’un niveau. Quant à David Clapson, il a été mon premier artificier au Havre et m’a fait marquer plein de buts en minimes, en cadets, en juniors, en réserve en D3 : lui aussi, quel pied !

Un coéquipier marquant ?
Pas facile ! J’ai joué avec Stéphane Beyrac, Jean-Marc Droesch, Laurent Di Bernardo, Christophe Cottet… Ces mecs-là… Allez, Jean-Marc Droesh peut-être… Ou Stéphane Beyrac.. C’est trop dur ! Mais je ne vais pas répondre à ta question. Il n’a pas été mon coéquipier, on a joué l’un contre l’autre, joueur et entraîneur, c’est Franck Priou. On a créé des liens. Quelle gentillesse. Et quel joueur ! Voilà, ça c’est quelqu’un de marquant.

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Jean-Marc Droesch.

Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué ?
Vikash Dhorasoo, même s’il était plus jeune, mais quand il est arrivé en D3, en réserve, même s’il avait 3 ans de moins que moi… Waouh ! On sentait déjà qu’il y avait du talent. Christophe Revault aussi. Et j’ai joué en sélection cadets de Normandie avec Emmanuel Petit, il était à Arcques-la-Bataille.

Un coéquipier que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
Vincent Labarre, qui était gardien de but avec moi à Bourges et que j’ai retrouvé quelques années plus tard à Poitiers. Il était parti à Châtellerault, moi à Valenciennes, et je n’ai plus jamais eu de nouvelles. On en parle souvent avec « Lolo Diber » (Laurent Di Bernardo), un de mes anciens coéquipiers à Bourges et Poitiers, et avec qui je suis en contact, mais il ne sait pas non plus. On l’a perdu des radars. Je le cherche sur internet, mais aucune trace de lui.

Un défenseur que tu n’aimais pas trop affronter ?
Oui, Farid Bououden, il jouait à Aubervilliers et au Paris FC en National. Méchant sur le terrain. Il m’a cassé la clavicule. Mais il est très gentil dans la vie, on s’était revu après. Et aussi Karim Benhamou, à Fécamp et Créteil.

Un adversaire marquant ?
A mon époque, il y avait des gros joueurs quand même en National, Rouxel, Guivarc’h, Le Saux, le défenseur Eduardo Oliveira qui commençait, Rouve, c’était peut-être un peu plus « rentre dedans »… Un joueur qui m’a marqué, c’est Costa : à Sète. Je me suis dit « Celui-là, ouh la la, quel joueur ! ». Et aussi le petit attaquant qui était à Vannes, Sammaritano.

« J’étais très superstitieux »

Un modèle d’attaquant ?
Marco Van Basten. Jean-Pierre Papin, pour ses gestes d’instinct. Et Mickaël Pagis, un très bon et très beau joueur. Toutes proportions gardées, j’étais un peu un Pagis en National. Et le jour ou Jordan, mon fils, passé au centre de formation de Rennes, m’a dit « Papa, j’ai Mickaël Pagis en spécifique attaquant », je lui ai dit « Waouh ! profite » !

Des manies, des tocs, des rituels ?
Avant un match, j’étais très superstitieux. J’avais des habitudes, je mettais le même slip, le même sous-pull… Après, j’en ai souvent parlé, je suis né un 9/09, en 1970, alors j’avais le numéro 9. À Troyes, j’habitais au numéro 23, et j’ai marqué 23 buts cette saison, même si 22 seulement ont été comptabilisés parce que Roubaix avait déposé le bilan et mon but contre eux n’a pas été comptabilisé. À Istres, j’ai mis 13 buts, dans le département des Bouches-du-Rhône, le 13, et j’habitais au numéro 13, allée des Ferrières, à Martigues ! À Bourges, j’habitais au 13 chemin de la Rotée… À Pacy, je ne trouvais pas de baraque, j’ai habité au 2 rue des Folies à Jouy-sur-Eure, et j’ai mis 2 buts… J’ai déménagé, j’ai habité au 8 rue du vin bas à Ménilles, et quand je suis parti, j’étais à 8 buts… C’est un truc de fou ! J’en ai plein des histoires comme ça. À Troyes, j’avais l’orteil droit un peu usé, et une fois, Alain Perrin me l’a massé avant un match, au Dolpic, et j’ai marqué ! Alors après ça, il avait pris l’habitude de me masser l’orteil avant les matchs ! J’étais tellement superstitieux que j’en étais devenu débile parfois. Je me souviens que, par exemple, je garais ma voiture toujours à la même place. Aujourd’hui, je le suis beaucoup moins. Mais sinon, j’ai toujours mon petit rituel le matin. J’arrive toujours à la même heure, je prépare mes trucs, etc.

Avec l’AS Beauvais Oise, en D2, en 1991-92 (au milieu, en bas, accroupi).

Une devise ?
Bien mal acquis ne profite jamais.

C’est quoi le vrai derby normand ?
Le Havre- Rouen ! J’en ai fait quelques-uns, en minimes, cadets, juniors, Gambardella, tournoi des centres de formation, j’en ai gagné !

Ton meilleur souvenir de coach à ce jour ?
Dieppe, mais sportivement hein (rires).

Ton moins bon souvenir de coach ?
Forcément Colmar, ça s’est mal fini, il y a eu un dépôt de bilan. Quel gâchis.

« Quand je vois des potes entraîneurs galérer… »

Avec l’ASSP, à Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Un entraîneur qui t’a inspiré ?
Alain Perrin par rapport à ce qu’il m’a apporté quand j’étais joueur mais j’ai pris de tout le monde, René Le Lamer à Istres, Denis Devaux, malheureusement décédé il y a peu, à Poitiers, Laurent Hatton et Patrick Vallée à Pacy-sur-Eure, Bruno Roux à Beauvais, mais pour moi, un des plus complets, c’est Patrick Vallée, qui n’a pourtant pas une carrière de L2 ou L1. C’est lui qui m’a marqué, sur les contenus de séances, sur les analyses. Il était parti à Singapour. Mais il n’est pas trop « sorti » en France, où il n’est pas trop réputé. Idem avec Jean-Michel Prieur à Fréjus, qui avait une grosse connaissance du foot, une vraie réflexion, une vraie analyse; avec lui, on avait des échanges qui duraient des heures.

Et sur la scène internationale, qui sont tes coachs références ?
Guardiola (rires) ! J’étais beaucoup axé sur la possession, et après, j’ai beaucoup aimé Klopp, pour les transitions rapides. Et ce que fait Franck Haise depuis quelques années, chapeau ! J’aime beaucoup. Je n’ai pas la prétention d’entraîner à son niveau bien sûr mais quand je vois tous les leviers qu’il a actionnés pour en arriver là, waouh ! Attention, entraîneur, c’est un vrai métier, et ce n’est pas un métier pour tout le monde. Il y a des classes : tu as le niveau amateur, le niveau semi-pro et le niveau pro. Bien sûr, Haise, il a un staff avec lui, mais les idées, ce sont les siennes.

Tu n’as pas la prétention d’entraîner au haut-niveau, mais tu as déjà entraîné en N2 et N3, et tu avais la cote : tu as tiré un trait sur ces échelons ?
Un trait, non, mais j’ai bientôt 55 ans, il faudrait … Mais le métier d’entraîneur est précaire. Je suis en CDI ici, à Nueillaubiers, dans un club de Régional 1, j’ai le confort, je fais beaucoup de choses au club, et quand je vois des potes qui galèrent aux étages au-dessus, je pense par exemple à Xavier Collin, qui a eu le BEPF pour entraîner en pro, et qui n’a pas de club ni en National ni en N2… Je sais bien que les places sont chères, mais par rapport à son diplôme, il aspirait à aller plus haut quand même. Je l’ai fait avant, j’étais à Colmar, adjoint en National, entraîneur de la réserve, mais il y a eu un dépôt de bilan. J’étais à Dieppe, en National 2, où j’ai subi une décision injuste de la part d’un président, puis à Saint-Louis/Neuweg en N2, où il y a eu un licenciement économique : tout ça, au bout d’un moment, ça pèse.

Pourquoi ne pas essayer d’aller dans un staff pro ?
Oui, pourquoi pas… Pour être dans un staff, il faut aussi que j’ai des affinités avec le coach. J’avais des contacts avec Philippe Hinschberger quand il était en haut de tableau il y a deux ans avec Niort, en National, mais il me disait que, même s’il montait en Ligue 2, financièrement, c’était compliqué. Une fois, Philippe (Hinschberger) m’avait appelé pour être son adjoint en D2 à Laval, mais je venais de donner ma parole à un petit club de l’Oise, l’US Mouy, pour jouer en Promotion d’Honneur, c’était juste après l’éviction avec le staff à Beauvais. Sur le coup, il n’a pas compris ma décision !

À un moment donné, tu étais consultant en National pour FFF TV …
Oui, quand j’étais à Colmar, et j’avais bien aimé l’expérience ! Je commentais les matchs de Belfort avec Maxime Chevrier. Aujourd’hui, Maxime le fait toujours avec Maurice Goldman, l’ex-coach de Belfort. Je me souviens, Maurice, avant les matchs, il se plaignait tout le temps (rires). Avec lui, c’est un peu comme avec Noël Tosi, qu’est-ce que tu rigoles !

« Le foot a cassé des choses… »

A Poitiers, avec Jean-Marc Droesch (à gauche), qu’il cite dans les coéquipiers marquants.

Un choix de carrière que tu regrettes ?
Non, aucun, parce que ça n’a pas toujours été dépendant de moi, comme je t’ai dit, à Colmar, le club fait dépôt de bilan, à Saint-Louis/Neuweg, il y a eu ce licenciement économique, à Dieppe, c’est le président qui a estimé que je devais porter le chapeau parce qu’on avait mis le gardien remplaçant en coupe de France sur la feuille de match alors qu’il était suspendu… Dieppe, c’est une cicatrice, parce que, humainement, ce qu’on m’a fait, c’est dégueulasse; ça a pris une dimension politique. Je me suis fait avoir… Honnêtement, j’ai morflé. Aux prud’hommes, on a dit des choses sur moi… que ceci, que cela. Là, je suis tombé bas. J’ai fait une dépression. C’est là que je suis retourné au Havre. Heureusement, les jeunes du centre de formation du HAC, de la réserve et des U19 Nationaux, dont je m’occupais lors de séances spécifiques attaquants, c’était ma bouffée d’oxygène. Les équipes avaient un déficit dans ce secteur, on a discuté sur le projet de les accompagner sur le spécifique attaquants, ce que j’ai fait après Dieppe jusqu’en mai 2014. Mais cela n’a pas été pérennisé. Et puis le club de Colmar m’a appelé, et j’y suis allé seul. Et après, Colmar, Saint-Louis, là, ça n’allait plus, je suis parti à Saint-Pierre-et-Miquelon, ça m’a fait vraiment beaucoup de bien, j’ai rencontré des gens bienveillants, il n’y avait pas de covid, pas de stress, c’était zen… Et quand Jordan (son premier fils) a eu sa petite fille et que ma maman est partie, sans que je ne puisse aller aux obsèques… Il y a aussi Fabio, le frère de Jordan, que je n’ai pas vu depuis cinq ans… Fabio est artisan cirier, il fabrique ses bougies, il habite près de Mulhouse. Le foot a cassé des choses. Là je me suis dit qu’il fallait rentrer, que la priorité, c’était la famille. J’en ai eu des embûches. Mais je suis content de voir que le club de Dieppe est remonté en N2, j’ai d’ailleurs félicité le coach, Djilalli Bekkar.

Question utopique : si tu devais être l’adjoint de quelqu’un en pro, tu aimerais que ce soit qui ?
Franck Haise. Je veux bien être 2e ou 3e adjoint de Luis Enrique aussi ou même lui porter les bouteilles d’eau (rires) ! Je ne suis pas supporter du PSG, mais ce que fait Luis Enrique, ce que dégage cette équipe, t’es obligé de dire que c’est extraordinaire.

« J’aime mes joueurs »

Tu es un coach plutôt comment ?
Je ne suis pas un grand bavard, mais si j’ai quelque chose à dire, je le dis. Je peux être excessif dans les mots, jamais sur les hommes. J’aime mes joueurs, je pense être cohérent. Je ne justifie pas mes choix forcément, je ne rentre pas comme ça dans le vestiaire des joueurs, c’est leur lieu de vie, je respecte ça. Par contre, je ne suis pas le dernier à déconner, à chambrer, je suis assez ouvert contrairement à ce que l’on peut penser de prime abord. Je suis perché ; parfois, on dirait que je fais la gueule, mais non, c’est juste que je suis dans mon monde, et je sais que dans le milieu amateur, cela peut être mal perçu. Les gens disent « Oh la la, le coach, il dit à peine bonjour »… Non, c’est parce que je pense à quelque chose, je suis concentré sur autre chose.

Tu peux péter un plomb ?
Oui, ça m’est arrivé. Il y a quelques mois, avec Nueillaubiers, j’ai pété une table à la mi-temps : on était à 0-0 contre une équipe… Pfff…. Bon, bah, je me faisais chier sur le terrain. Je leur ai dit, « Les gars, non mais vous rigolez… » Je suis resté compétiteur, et je sais bien que ce sont des amateurs, que ce n’est pas leur boulot, qu’ils ne trichent pas. Il faut avoir une relation saine entraîneur-joueur. J’ai eu du mal au début, mais là, maintenant, ça va, j’accepte que l’on puisse rater un entraînement, je fais des compromis. On est obligé.

« Signer à Bressuire aurait été mal perçu »

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
Marcel Essombé. Je l’ai récupéré à Jura Sud, il sortait du centre de formation de Sochaux. Il a fait un essai catastrophique avec nous, mais j’ai dit « Je le prends »… Et il nous a fait une saison, waouh ! Mathieu Decamps aussi, Rolamellah Nouar. J’ai sorti quelques joueurs aussi comme Kalen Damessi, qui a joué en pro à Lille.

Un style de jeu ?
Jusqu’à mon passage à Dieppe, je prônais beaucoup le 4-2-3-1, mais aujourd’hui, je m’adapte, je suis plus dans un 4-3-3 avec une sentinelle basse, deux milieux relayeurs voire box-to-box, et je suis un peu plus axé sur les transitions rapides. C’est aussi le niveau Régional 1 qui veut ça, il n’y a pas non plus beaucoup de grands techniciens, et à notre niveau, la transition rapide, ça fait mal, parce que les lignes s’élargissent sur la durée du match. Les équipes ont du mal à rester structurées sur 90 minutes.

Tu as été en contact avec Bressuire récemment…
Oui, j’ai été reçu par le président. Mais… Ils ont pris Damien Charron, qui était à Niort et qui est un très-très bon coach. Et puis cela aurait été mal perçu que je parte de Nueil pour aller à Bressuire. C’est à 10 minutes, hein…

« J’ai une dent contre Le Havre »

Ton club de coeur, c’est lequel ?
Marseille !

Pas Le Havre ?
Moins…

Tu as une dent contre Le Havre, ton club formateur ?
Ouep.

Avec Fréjus, aux côtés de Jean-Charles Desnoyers, lui aussi passé par Le Havre, et Vikash Dhorasoo, lors d’un Fréjus-Bordeaux en coupe.

C’est vrai que les anciens Havrais, on n’en voit pas beaucoup dans l’organigramme…
Le Havre a été un club très fermé pendant des années. Et même de ne pas voir joué en pro là-bas, c’est un grand regret. J’habitais à 50 mètres du stade Deschaseaux, j’y ai joué en réserve en Division 3, j’ai gagné la Gambardella en 1989 avec Le Havre. Certains de mes coéquipiers ont joué en pro, je pense à David Clapson, Hubert Castets le défenseur, plus tard, Raphaël Clapson, le frère de David, a aussi joué en pro au Havre. Une fois, avec le coach Pierre Mankowski, j’ai été dans le groupe D1, dans les 15, mais il n’y avait que 14 places, et finalement, il ne m’a pas pris et je suis allé en réserve. J’ai été prêté à Beauvais en D2 l’année où Le Havre fait une année exceptionnelle pour sa remontée en Division 1 (7e) avec Mankowski, et je n’ai pas signer pro au bout de ma troisième saison de stagiaire-pro, en réserve. Au Havre, j’y ai encore mon papa et mon frère du côté de Caen, pas loin.

Le Havre, c’est tout de même 21 ans de ta vie…
Oui, c’est ça, j’en suis parti quand j’avais 21 ans. Je suis assez nostalgique des années 80 et 90. Et pas que pour le foot.

Tu n’as plus aucune attache avec le club ?
Non. Je suis allé au stade Océane pour l’inauguration, le 12 juillet 2012 il me semble, j’étais encore à Dieppe, on avait joué avec les anciens de la Gambardella. Et Le Havre avait joué contre le Real Madrid de Zidane (2-4) ! J’ai dû y retourner une ou deux fois, en spectateur. Même quand je faisais les entraînements spécifiques pour les attaquants du centre, bénévolement, et bien rien, même si j’étais très bien avec Bruno Rohart, qui était entraîneur des U19 Nationaux.

« J’ai fait un projet spécifique-attaquants »

Après la victoire en coupe Gambardella en 1989 avec Le Havre.

Serais-tu capable, comme ça, de citer le 11 de la victoire en Gambardella en 1989 ?
Les 13 même ! Revault, Castets, Amelot, Poirier, Piffre, Bretot, Lelong, Savoye, Guénni, Faye, Clapson, Chagnaud et moi, qui était remplaçant. Le 14e, c’était Malonga. Le coach, bien sûr, Abdel Djaadaoui. En face, au PSG, il y avait Kokkinis, Nouma, Llacer, De Vasconcelos, Rinçon, De Percin, pour les plus connus. On a joué à Geoffroy-Guichard, en lever de rideau de Saint-Etienne / Nice, un match de la dernière journée de D1, le 31 mai 1989 (0-0). À Geoffroy-Guichard, tu te rends compte ! Mais aujourd’hui, ça n’a rien à voir, ne serait-ce qu’au niveau de la médiatisation, tu fais une Gambardella, tu sors pro, et encore, y’en a déjà qui sont pros ! Tiens tu me demandais quels joueurs j’aimerais bien revoir, Benoît Chagnaud et Dimitri Piffre, je ne sais pas non plus ce qu’ils sont devenus. J’aimerais bien savoir.

Pourquoi n’as-tu pas persévéré à ce poste d’entraîneur des attaquants, dans un centre de formation par exemple ?
En 2013, j’ai écrit un projet sur les entraînements spécifiques attaquants, que j’ai envoyé dans quelques clubs et partagé sur les réseaux, parce que c’est vrai que dans un staff, on a un entraîneur des gardiens, mais il y a très peu d’entraîneur des attaquants. Je n’ai pas trouvé de poste, sauf au Havre donc, mais l’expérience n’a pas été pérennisée, parce qu’il fallait créer un poste, mais mon projet allait des tout-petits aux seniors. C’est un regret, oui, de ne pas avoir intégré un staff, peut-être pas de Ligue 2, mais de National par exemple. C’est vrai qu’en France, on n’en voit pas beaucoup. Et puis financièrement, c’est un poste en plus. Tu te rends compte que la réserve du Havre est tombée en Régional 1. Un club formateur comme ça… J’aurais bien aimé coacher au Havre oui, à défaut d’y avoir joué en pro.

« Les gamins ne jouent plus au foot dans la rue… »

A Pacy, en spectateur, à son retour de Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Stade Océane ou stade Jules-Deschaseaux ?
Deschaseaux ! Comme pour beaucoup d’anciens de ma génération ! C’est un stade qui a une histoire, à l’anglaise, qui a connu beaucoup de montées et a vu tellement de grands joueurs. Mais le stade Océane est beau, surtout quand il est plein !

Combien d’amis dans foot ?
Des vrais amis, que j’appelle demain si jamais j’ai besoin d’eux, j’en ai 4 ou 5.

Une ville, un pays ?
J’aimerais bien aller au Canada, ce pays m’attire, me fascine, l’Australie aussi. Le Canada était fermé quand j’étais à Saint-Pierre-et-Miquelon, je n’ai pas pu y aller.

Meilleur souvenir de vacances ?
Je n’en ai pas pris tant que ça… Après Dieppe, il y a plus de 10 ans, j’étais parti à Canet-en-Roussillon. J’ai bien aimé. Biscarosse aussi, dans les Landes. Quand on a gagné la Gambardella, en 1989, on est parti aux îles Baléares avec toute l’équipe, un voyage payé par le président Jean-Pierre Hureau, une semaine, mais malheureusement, moi, mes vacances, elles n’ont duré que deux jours, les deux derniers…

« J’ai un casier aux Baléares ! »

Ah bon ? Raconte l’anecdote…
En fait, on était quatre joueurs à être sorti et puis on était rentré assez tôt le matin, on était parti loin, et on avait volé une mobylette et une moto-bécane plus puissante, pour rentrer, on s’est fait « gauler », on a fait 4 jours de prison… Je peux te dire que ça fait drôle quand le juge vient te chercher ou quand le coach Abdel Djaadaoui vient te voir derrière les barreaux et te dit « Mais la Cuve, pas toi, c’est pas possible… » En plus je n’avais rien fait, j’étais juste assis à l’arrière sur le porte-bagages ! On avait fait les cons. Et là-bas, ça ne rigolait pas. Donc, quand on est sorti de taule, on est vite allé à la plage pour profiter un peu. Après, quand tu rentres chez toi et que ton père te dit « Bah tu n’as pas beaucoup bronzé toi… ! » Alors que tous les autres coéquipiers étaient bien bronzés ! Je n’étais pas fier. Tu te rends compte, j’ai un casier aux Baléares !

Comment as-tu atterri à Nueil-les-Aubiers ?
Quand j’ai décidé de partir de Saint-Pierre, j’ai mis une annonce sur le site CVsports, j’ai été contacté, dès le mois d’avril, et ça s’est fait facilement. Je me suis rapproché de Jordan (son fils, qui évolue au Poiré-sur-Vie), qui était à une heure de route, et qui venait d’être papa. Quand je suis arrivé au club, je ne connaissais pas du tout la région, la poule, les équipes, les coachs… Je ne connaissais personne.

Le FC Nueillaubiers en quelques mots ?
Convivial, amateur, sain. Ici, je n’ai pas de pression. Compte tenu de nos moyens, ça fonctionne bien sportivement. C’est un petit club. Cela va faire 8 ans qu’ils évoluent en Régional 1, et je termine ma 3e saison. On arrive à se structurer petit à petit. On a des infrastructures, on peut s’entraîner très correctement, on a eu un terrain en synthétique tout neuf, et aussi un terrain tout neuf en herbe avec éclairage, c’est top ! En N3, il y a des clubs qui n’ont pas nos ça.

Le niveau du Régional 1 dans l’Ouest ?
C’est homogène je trouve, avec des belles équipes, Perigny, qui n’est pas monté alors qu’ils ont fini derrière Angoulême B qui eux, ne pouvaient de toute façon pas monter, Bressuire aussi, c’est une bonne poule de Régional 1 : quand je suis arrivé il y a 3 ans, il y avait 5 descentes, waouh, on a fini 7es ! La deuxième année aussi, encore 5 descentes, on a fini 4es, et là, on a fini 5es. Le niveau est quand même assez relevé. Et nous, franchement, par rapport à nos moyens, on a vraiment des bons résultats, ce n’est pas pour nous jeter des fleurs, mais bon… Il faut continuer, ce n’est pas évident, on a Bressuire à côté… On n’a pas les moyens de rivaliser, on a maximum 200 000 euros de budget pour le club, un salarié, deux apprentis, et en face, ils ont 500 000 euros. Et ils ont fini 7es derrière nous, comme Thouars aussi (6e)…

As-tu le temps d’aller voir des matchs dans ta région ?
De temps en temps je vais voir Bressuire ou Thouars si on ne joue pas en même temps, ou bien alors je vais voir Jordan (son fils, qui évoluait au Poiré-sur-Vie) quand je peux. Mais ce n’est pas facile, parce que depuis cette saison, on joue le samedi après-midi. Avant on jouait le dimanche, pendant mes deux premières saisons, mais on a changé, pour faire un petit peu plus de recette, par rapport aux descentes en réserve aussi le lendemain. Et puis on fait un tout petit peu plus de monde le samedi.

Le milieu du foot ?
Le pouvoir de l’argent, toujours plus… Ce n’est pas que ce soit malsain, mais je ne suis pas sûr que certains soient là par passion. On parlait de nostalgie tout à l’heure : 30 ans après, quelle différence, notamment chez les gamins. On ne joue plus au foot dans la rue, quel dommage ! L’argent a pris le pouvoir, le résultat aussi, et tu es obligé de faire avec, même au niveau amateur. On n’a plus le droit à l’échec. C’est pour ça, quand je vois mes collègues, qui durent un an ou même pas un an et demi dans un club, je me dis que je ne sais pas si j’y retournerais, ça use.

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  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe Le Brech, 13HF, FCNA, Footmaicale 79, CVfoot et DR
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Le coach qui a permis au FC Dieppe, 8 ans après, de retrouver le National 2, s’est nourri de ses nombreuses frustrations et déceptions, mais aussi de ses multiples expériences dans les championnats amateurs, pour se façonner et affirmer sa personnalité et ses ambitions.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : FC Dieppe / Clémence HEDIN

Djilalli Bekkar n’a jamais raconté cette histoire. Un essai, quand il avait une petite vingtaine d’années, avec la réserve du Paris Saint-Germain alors entraînée par un Antoine Kombouaré sur le point d’enfiler son nouveau costume de coach de Ligue 1.

Ce qui s’est passé ce jour-là l’a tellement marqué qu’il s’en est servi, qu’il s’en sert et qu’il s’en servira encore pour sa progression personnelle. Cet épisode en particulier, et de nombreux autres tout au long d’une carrière de joueur essentiellement menée sur les stades de N2, N3 et DH, ont fini de façonner l’entraîneur qu’il est devenu, exigeant, travailleur, passionné, mais surtout juste et droit. Il sait trop bien ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour le joueur, pour avoir lui-même vécu toutes les situations. Vous connaissez le dicton : « Ne fais pas à autrui… »

Djilalli Bekkar ne s’en cache pas : c’est aussi parce qu’il n’a pas pu embrasser une carrière de joueur professionnel qu’il a faim et soif d’y parvenir sur un banc avec le costume de coach pro. C’est pour cela que sa motivation, son ambition, sa rage, sont décuplées.

Deux accessions en N2 en 3 ans

À 44 ans, le natif de Sarcelles (Val d’Oise) vient de vivre une deuxième accession en National 2 en trois ans après Compiègne (en 2021/2022), cette fois à la tête du FC Dieppe, qu’il a rejoint l’été dernier, après un exercice très réussi à Saint-Lô (4e en N3 en 2024). Ces résultats lui ont donné un certain crédit en Normandie, où il a été élu meilleur entraîneur amateur en 2024 par le média « Foot Normand ». Pas de quoi pavoiser : sur le compte LinkedIn qu’il a créé, il n’a cependant pas fait mention de cette distinction. Cela viendra peut-être. Il n’éprouve pas non plus le besoin de raconter systématiquement sa vie footballistique de manière virtuelle, quand bien même le ballon est toute sa vie. Quand bien même le ballon est son obsession, et génère chez lui un mélange d’orgueil, d’ambition, de passion et d’envie de réussir.

Côté pile, côté face

Mardi, avant de se rendre au club, et après avoir déposé ses enfants à l’école, celui qui vient de fêter ses 44 ans s’est confié pendant une bonne heure. L’ancien attaquant de Sannois/Saint-Gratien, La Vitréenne, Changé, Compiègne, Le Poiré-sur-Vie, Mantes ou encore Grand Quevilly, s’est montré très loquace. Ce n’est pas toujours le cas dans la vie de tous les jours, où il peut parfois être froid, fermé à double tour, telle une porte de prison. Aurait-il une double personnalité ? « Quand on parle foot, ça pourrait durer des heures, sinon, je suis réservé de base » lance-t-il.

C’est vrai qu’il y a le Djilalli côté pile, ce garçon au sourire éclatant qui illumine son visage, et le Djilalli côté face, les mâchoires serrés, le regard sombre. « C’est peut-être une carapace… Quand j’arrive quelque part, dans un stade, je peux tracer tout droit, sans calculer personne, ou alors juste dire bonjour, mais voilà… » tente-t-il d’expliquer, avant d’ajouter : « C’est quelque chose que je ne sais pas faire dans la vie de tous les jours, je ne sais pas pourquoi. Même avec mes beaux-parents, je reste dans mon coin… J’essaie, mais je n’y arrive pas… » Parlons de ballon alors, Djilalli sera beaucoup plus ouvert !

Interview

« Quand il y a une difficulté, j’ai envie de la surmonter »

Djilalli, commençons par cette anecdote, avec la réserve du PSG…
J’avais 19 ans, je jouais à Sarcelles, dans mon club, et je vais faire un essai au PSG, avec la réserve, entraînée par Antoine Kombouaré. Cela m’a marqué, parce que personne ne m’a adressé la parole. Le match, on joue avec la réserve, donc, contre les Parisiens qui préparaient la coupe Gambardella. Les quatre ou cinq joueurs comme moi, venus faire un essai, on avait été boycottés. Je faisais des appels, je ne recevais jamais le ballon… et à la fin du match, Kombouaré avait réuni tout le monde, il avait bien vu ce qui s’était passé. Il a dit aux joueurs de la réserve « J’espère, pour tous ceux qui sont en fin de contrat, que vous allez vivre ce que vous venez de faire vivre à ceux qui sont venus jouer »… Il avait vu que cela avait été dur pour nous, les joueurs à l’essai. Et il m’avait reconvoqué à un autre essai. C’est pour ça que, dans le foot, j’essaie de mettre les gens le plus possible à l’aise. Mais c’est quelque chose que je ne sais pas faire dans la vie de tous les jours.

« J’arrive à voir le joueur égoïste »

On sent que cette épisode t’a marqué…
Oui. C’était la première fois que j’effectuais un essai. J’ai vécu et grandi au club de l’AAS Sarcelles avec toutes ces pépites qui partaient dans des clubs pros, je pense à Philippe Cristanval par exemple, qui est né en 78 (Djilalli est né en 1981), j’étais là avant qu’il ne parte à Monaco… Je rêvais que cela puisse m’arriver. Là, je vais au PSG, le grand club à l’époque avec le Racing et le Red Star, et puis il arrive ça… Antoine Kombouaré n’avait pas encore fait la carrière de coach qu’il a eue ensuite, et ce qu’il a dit, ce qui s’est passé, forcément, ce sont des choses qui ont été impactantes et qui m’ont façonnées. Je n’ai jamais oublié. Il a vu que des joueurs nous boycottaient. On a joué avec des joueurs du PSG qui allaient quitter le club et au lieu de nous mettre à l’aise, ils ont fait tout l’inverse, ils ne nous ont pas calculés. C’était ça le message… Ils ne voulaient pas que l’on signe au PSG. Bon, c’est peut-être ça aussi qui a renforcé ma rage du PSG (rires), non, non ! Aujourd’hui, c’est le genre de comportement que je décèle tout de suite. J’arrive à voir le joueur égoïste. Parce que moi, j’étais un joueur très collectif, et pourtant j’étais attaquant. J’allais vers l’autre l’autre, je donnais le ballon à l’autre s’il était en meilleure position, je faisais l’effort pour l’autre… C’est pour ça que je fais très peu de mise à l’essai aujourd’hui. D’ailleurs, quand je contacte un joueur, je ne lui dis pas « Viens faire un essai », mais « viens faire une séance d’entraînement », pour ressentir l’ambiance, pour voir le club. Ce n’est pas du tout comme une détection.

Justement, tu étais un attaquant plutôt comment ?
J’étais un attaquant buteur, généreux, et comme j’étais généreux, eh bien des coachs aimaient bien m’utiliser dans les couloirs, pour travailler, pour défendre, sauf que moi, ce n’était pas mes postes. Là où j’étais le plus efficace, c’était dans la surface. Alors je n’hésitais pas à leur demander « Coach, mais pourquoi vous me mettez sur le côté ? Je suis capable de jouer dans l’axe et de marquer des buts… » C’est aussi quelque chose qui m’a marqué. Le joueur, il faut qu’il soit bien.

« J’y arriverai coûte que coûte »

Tu as beaucoup fréquenté les championnats amateurs quand tu étais joueur : que t’a t-il manqué pour être pro ?
Mon gabarit peut-être, je suis grand mais fin. Un peu de réussite aussi : avec La Vitréenne, on finit 2e en CFA, on rate la montée en National de peu; avec Sannois, on monte en National, mais je pars… Peut-être que j’aurais dû rester, même dans un rôle secondaire, puisque c’est ce que le club me proposait. Donc il y a aussi des questions de choix. Une année, j’aurais pu aller au Red Star mais je suis allé à Compiègne, en CFA… Je n’ai pas de regret. Je dis souvent à mes joueurs « Donnez le maximum, pour ne pas avoir de regret ». J’avais dit la même chose un jour à Yoann Salmier, que j’ai entraîné chez les petits à Saint-Brice, et qui joue aujourd’hui à Clermont (L2). Il était en difficulté chez les pros, en Ligue 1, il ne jouait pas toujours en équipe une, il a bien fait de s’accrocher ! Je pense qu’il m’a aussi manqué quelqu’un qui croit en moi. Qui me donne une chance. J’ai joué six mois avec Pierre Deblock (ex-Sedan, Auxerre, Bastia, Laval), quand il était en fin de carrière, à La Vitréenne : à ce moment-là, j’étais un peu en tension avec le coach, et Pierre avait discuté avec lui, il me disait de faire profil bas, et que pour le coach, je ne pesais peut-être pas assez dans le jeu. C’est vrai que je ne payais pas de mine mais je marquais des buts sur le terrain. En fait, le fait que je sois un joueur de surface, à la Inzaghi ou Trézeguet, toutes proportions gardées, ça m’a peut-être freiné.

C’est peut-être parce que tu n’as pas été joueur pro que tu as envie de devenir coach pro, non ? Es-tu animé par ce sentiment de revanche ?
Complètement. J’y arriverai coûte que coûte. Si ce n’est pas par la porte, ce sera par la fenêtre, et si ce n’est pas par la fenêtre, ça sera par le grenier (rires). Mon rêve, ce serait d’entraîner au stade Vélodrome, mais bien sûr, ce n’est qu’un rêve ! Je me souviens, avec des amis, on n’avait même pas 20 ans, on se fixait des challenges, on se disait « à la coupe du Monde 2010, on sera coach ! » Si je ne arrive pas à être joueur professionnel, il faut que je sois coach professionnel. Et si je n’y arrive pas, il faudra que ce soit mes enfants (rires). Mais on ira sur le terrain quoi qu’il arrive (rires) !

« J’ai appris à faire la part des choses »

C’est quoi qui te guide ?
La passion. C’est vraiment ça. Mais j’ai appris à m’en détacher, à faire la part des choses, grâce aussi au travail que j’ai fait avec un ami psychologue, François Basset, avec qui j’ai joué à La Vitréenne. En fait, entraîner en pro, c’est une motivation plus qu’une obsession. Je veux repousser mes limites. Si ça doit être en N2, ça sera en N2, si demain c’est en National, à Dieppe ou ailleurs, ce sera là. Je prends les choses comme elles viennent. Je me fixe des paliers. Je me dis, « C’est bien, mais voyons si on ne peut pas faire plus ». J’ai le même discours avec mes joueurs. Simplement, je sais que j’ai le mental et la capacité pour aller au haut niveau. Comme on ne m’a pas donné ma chance en tant que joueur, peut-être qu’en tant qu’entraîneur, on me la donnera. J’apprends à me faire connaître aussi, ce n’est pas évident, parce que je suis quelqu’un de discret. Mais je vois bien qu’il faut communiquer. J’espère que quelqu’un verra que j’ai faim, que j’ai des capacités, et que l’on me donnera ma chance. L’idée de créer un compte LinkedIn, c’est Christophe Pélissier (coach de l’AJ Auxerre) qui me l’a donnée; il met des petits mots de temps temps, ça m’a inspiré. J’essaie de regarder ce qui se fait, mais j’essaie de rester celui que je suis. Mon élection au titre de « meilleur entraîneur amateur en Normandie » par Foot-Normand ? Je ne l’ai pas encore relayée. Pourtant, je sais que c’est important de le faire. Il faut bien se vendre un peu !

« J’ai toujours été un peu organisateur »

En préparant l’interview, on a découvert que tu étais fan de l’OM… Surprenant pour quelqu’un qui est né à Sarcelles, et qui y a grandi jusqu’à ses 21 ans…
J’ai commencé à regarder les matchs de l’OM à la fin des années 80, quand le PSG n’existait pas à l’époque. C’est vrai que j’aime bien chambrer les Parisiens avec ça… Quand j’étais petit, je me souviens que l’on parlait surtout du Matra Racing. Avec l’OM, cela a été le coup de foudre. La finale à Bari, en 1991, on a pleuré… Mais je n’ai jamais été anti-parisien. Et puisque l’on parlait d’Antoine Kombouaré tout à l’heure, j’ai encore en mémoire le but qu’il marque en coupe d’Europe, son fameux coup de tête, contre le Real Madrid : dans ces moments-là, on est pour le football français.

Quand as-tu su que tu voulais devenir coach ?
Très tôt. À 17 ans, j’entraînais des gamins à Sarcelles. J’ai toujours été un peu « organisateur », tu vois, c’est moi qui composait les équipes quand on faisait des matchs. J’ai toujours eu ce truc en moi de diriger, de coacher. Et puis il y a une personne, Eric-Luc Odry, au club de Sarcelles, formateur au District du Val d’Oise, qui m’a orienté vers les diplômes. C’est comme ça que j’ai passé mon initiateur 1 et 2, ensuite mon Brevet d’État en 2007, j’avais 26 ans, je n’avais même pas commencé à entraîner en seniors. Sauf qu’ensuite, cela a mis 8 ans avant de pouvoir passer le DES qui permet d’entraîner jusqu’en N2, j’ai postulé 8 fois ! Ça m’a freiné dans mon évolution mais je ne me plains pas. J’espère que ça ira plus vite pour le BEPF (rires). C’est le dernier sésame. Je pourrai me présenter la saison prochaine. C’est l’objectif.

« J’étais un vrai baroudeur ! »

C’est à Saint-Brice que tu as fait tes armes de coach en seniors ?
Oui. L’opportunité s’est présentée en 2010, je sortais d’une dernière expérience de joueur à Mantes-la-Jolie mais ça ne me convenait plus. J’avais 30 ans, je voulais me diriger vers l’entraînement. Je suis resté entraîneur pendant deux ans, on est monté en DSR (Régional 2), puis je devenu manager et enfin directeur sportif. En tout, j’ ai passé 9 ans à Saint-Brice, de 2010 à 2019. Tout ce que je faisais à côté, adjoint de Thierry Bocquet à Poissy, éducateur en jeunes au FC Rouen, c’était en parallèle de mes fonctions à Saint-Brice. Quand j’ai repris pour le plaisir une licence de joueur en 2014 à Grand Quevilly, à côté de Rouen, où j’ai joué 2 ans, le matin j’allais aux entraînements à Poissy, ensuite j’allais à Saint-Brice l’après-midi et quand il y avait entraînement, le soir, j’allais à « Grand Q ». J’étais un vrai baroudeur ! Et en plus, je jouais aussi en équipe de foot entreprises avec le Nike FC ! Tu sais, c’est dur, il faut trouver sa place, son équilibre. Même si je n’étais pas pro, je vivais du foot. Je suis un mordu de ballon : avec moi, c’est du matin au soir. Et puis, dans mon parcours, j’ai eu des opportunités, ça c’est toujours passé comme ça. Je n’avais pas prévu d’aller à Poissy par exemple, ni au FC Rouen, c’est juste que, à chaque fois, il y a eu des amis qui ont fait que… À Rouen, j’y suis resté de 2014 à 2018. C’est Chérif Cheikh, le coach des U16, que je connaissais de la région parisienne, qui me présente à Thomas Leyssales, responsable de la formation du FCR à l’époque (et qui vient de remporter le titre de champion de France U17 avec PSG), pour coacher la génération des 2002 en U14. Même là, au FC Dieppe, je n’avais pas prévu de venir, c’est juste que l’ancien coach, Guillaume Gonel, est parti. En fait, je prends les choses comme elles se présentent.

« La tâche me stimule »

Dans ton parcours de coach, ce qui frappe, c’est cette « liberté » de décider du moment de partir d’un club, on pense à Saint-Lô ou Compiègne par exemple…
Je suis un homme de challenge. J’aime construire, laisser une trace. Quand il y a une difficulté, j’ai envie de la surmonter. Pour moi, rien n’est impossible. Quand je regarde mon parcours, jusqu’ici, je suis arrivé dans des clubs qui n’arrivaient pas à passer un cap. Au Saint-Brice FC, pareil : le club avait toujours joué en district, le coach a changé de casquette, j’ai pris la suite, on est monté en DH, ce sont toujours des histoires comme ça … À Saint-Lô, ils jouaient le maintien, je leur ai dit qu’on avait de bons jeunes, qu’on pouvait peut-être monter, et à l’arrivée, on fait une très belle saison; à Poissy, le club stagnait, et avec Thierry Bocquet, on est monté en CFA (saison 2014/2015). J’aime me fixer des challenges. Même avec mon grand frère, Farid, on était toujours en train de se « chercher » quand on jouait en bas de la maison : « Tu vas voir, je vais te marquer… » La tâche me stimule. À Dieppe, personne n’a jamais amené le club en National, et depuis que je suis là, on ne me parle que de l’épopée, quand ils ont failli monter (en 2003/2004, le FC Dieppe avait fini à un point de l’US Roye, promue en National). J’ai envie d’être celui qui va emmener Dieppe en National.

Tu dirais que tu es un coach plutôt comment…
Je suis audacieux, ambitieux dans ce que j’aime proposer. Je n’aime pas subir. J’aime provoquer les choses sur le terrain. J’étais comme ça joueur. Un peu moins dans la vie.

« Il faut beaucoup s’adapter »

As-tu des modèles de coach ?
Non, même si je regarde, forcément, ce qui se fait, notamment Bielsa et Klopp, parce que c’est le jeu que j’aime, un mélange de possession, de verticalité, de jeu rapide. Je m’inspire de ce que fait Bielsa défensivement, dans le « press » tout terrain. Tous les deux, ils ont ce feu intérieur, cela me ressemble beaucoup. Je me suis surtout construit par rapport au coach que j’ai eus, je pense à Oswald Tanchot, un coach rigoureux, passionné, que j’ai eu à La Vitréenne. Je pense à mes coachs en Ile de France, qui ne sont pas connus, comme celui que j’ai eu en juniors à Sarcelles, et qui invitait quelques joueurs « cadres » à manger avant les matchs pour leur dire ce qu’il attendait de nous et donner les directives…

Avec le FC Dieppe, tu es passé du 3-4-3 au 3-5-2 : c’est quoi, ton système de jeu préférentiel ?
J’ai une préférence pour un système à deux joueurs devant. Je ne sais pas si cela vient de ma sensibilité d’attaquant ou pas… J’ai beaucoup évolué en 4-4-2 à plat, en losange, en 4-3-1-2, en 3-4-3 ou en 3-5-2. Je n’ai jamais été un grand fan du 4-3-3, parce que je le trouve stéréotypé dans l’animation, trop basé sur les percussions individuelles. Or moi, j’aime bien la proximité, les connections entre les joueurs. Avec le coordinateur sportif Vincent Guiard, on avait essayé l’été dernier de construire une équipe hybride, capable de jouer en 3-4-3, mais ensuite on a trouvé notre équilibre en évoluant en 3-5-2.
À Saint-Lô, on avait commencé avec un 4-4-2 losange qui s’est finalement transformé en 3-4-3 toute l’année. Il faut dire aussi qu’à notre niveau, on a ce luxe de pouvoir choisir les joueurs. Le 3-5-2 et le 3-4-3 sont des systèmes bien équilibrés, ça permet de bien mettre de la pression, de jouer en bloc haut, d’avancer, on a du monde derrière pour sortir les ballons, on a des sécurités défensives, on a du monde à l’intérieur, de la présence devant le but. Après il faut trouver des profils qui ont du cardio’ pour jouer dans les couloirs. Et puis on récupère aujourd’hui des anciens ailiers, recyclés pistons/latéraux, capables de prendre tout le couloir. J’ai des convictions, mais je pense qu’il faut beaucoup s’adapter. Je me soucie de mettre le joueur dans les meilleures conditions.
Au FC Dieppe, en début de saison, avec la défense à 5, j’entendais les gens dire « C’est quoi ce système défensif ? », parce qu’ici, les gens sont … Je les appelle des « spectateurs exigeants » ! Je leur ai répondu, « Laissez-nous le temps », parce que le plus difficile, c’est le domaine offensif. Laissez-nous nous mettre en place. Je suis un entraîneur offensif à la base. Je crois que le record de buts marqués au club, c’est 68 buts (67 en réalité), l’année de la montée en CFA avec Sébastien Cuvier (saison 2012-2013). On n’a pas été très loin de le battre finalement (60) ! On a fait une saison remarquable en tout point. On a gagné 10 fois à l’extérieur, c’est énorme.

« C’est bien, mais ça peut être mieux ! »

On dit que tu aimes avoir des joueurs qui te correspondent…
(Sourire) Quand je jouais, j’ai rencontré des tas de coéquipiers qui avaient un talent incroyable, mais qui ne bossaient pas. Ils étaient fainéants. J’ai toujours eu du mal avec ça. Comme j’ai souvent été capitaine dans mes équipes, je les haranguais, je les poussais à l’effort, à être dans la cohésion. Moi, j’ai besoin de joueurs qui ont cette détermination. Dans mon recrutement, c’est fondamental, parce que je suis tellement passionné, que le moindre détail est important. Je dis souvent aux joueurs, « C’est bien, mais ça peut être mieux ». Quand on sort de 7 ou 8 victoires d’affilée avec Dieppe cette saison, malgré la victoire, je tire la gueule, et les joueurs me disent « Mais vous n’êtes pas content, coach ? », je leur réponds « Non, parce que si on peut faire plus, on doit faire plus, et à la fin, quand le championnat sera terminé, là, je pourrai être content ». J’arrive humblement à leur transmettre ça. Le meilleur exemple, c’est le match contre Charleville chez nous fin avril, on le perd mais on monte quand même en National 2 ! On n’avait plus perdu depuis 15 ou 16 matchs je crois (16 en réalité). Bien sûr, au départ, ce qui prédomine chez moi, c’est la joie, et je vois des joueurs qui ne sont pas contents… Là, je me dis que j’ai réussi à les impacter, à les emmener dans cette dynamique qui consiste à dire « Il faut gagner, il faut travailler ». Je suis comme ça pour tout, même dans la vie !

« J’ai tellement grandi dans la frustration… »

Accéder en National 2 sur une défaite à domicile, ça doit faire bizarre, non ?
Franchement, j’ai vécu tellement de sentiments contraires dans mon parcours que j’apprends à profiter de ces moments-là, parce que je sais que c’est dur. En 2017, avec Saint-Brice, on joue la finale de la Coupe de Paris, l’équivalent de la Coupe de Normandie, et le même jour, il y a un match en retard de notre championnat, entre le Red Star et Saint-Denis. Il fallait que Saint-Denis gagne pour que l’on monte en DH (Régional 1). J’avais envoyé quelqu’un au match. On gagne la coupe avec Saint-Brice mais je sais dans le même temps qu’on ne va pas monter parce que le Red Star a gagné… J’étais heureux mais… Les joueurs me demandaient le résultat, je leur disais de profiter de cette victoire en coupe. C’est une sensation, un sentiment difficile. Tout le monde attendait cette montée pour Saint-Brice. J’ai tellement grandi dans la frustration que j’apprends aujourd’hui à prendre du plaisir dans la victoire. Donc malgré cette défaite contre Charleville, j’étais heureux du dénouement.

Parle-nous de la jeunesse de ton effectif à Dieppe ?
On tournait cette saison autour des 23 ans de moyenne d’âge. C’est très jeune. J’ai une âme de formateur mais j’aime aussi que mes équipes courent. Même si je supporte l’OM, je vais citer Luis Enrique, qui aime que ses joueurs fassent les efforts, soient dynamiques. Je suis dans cet esprit. J’ai eu des équipes plus expérimentées, mais c’est une autre approche. Quand on a construit l’équipe la saison passée, je ne voulais pas d’une équipe mixte, parce que pour moi, c’est toujours délicat, avec d’un côté ceux qui vont mettre beaucoup d’énergie et de l’autre ceux qui vont plutôt être dans la gestion. Je pense qu’il faut aller dans une direction ou dans une autre. Et comme on ne pouvait pas avoir une équipe à 100 % expérimentée, comme l’avait Dieppe la saison dernière par exemple, et aussi parce que l’expérience, ça coûte plus cher, eh bien on a pris le parti de rajeunir énormément.

Le FC Dieppe a survolé sa poule de N3 mais le début de saison avait été moyen… C’est quoi le déclic ?
Mais le début n’est pas si mauvais que ça, juste moyen (1 victoire, 3 nuls et 2 défaites après 6 journées). Quand je suis arrivé, la situation au club n’était pas idéale non plus, parce que je suis choisi pour prendre l’équipe de N3 alors qu’au club, un éducateur voulait le poste, donc il y a un peu de tension, des conflits en interne, qui amenaient un peu d’instabilité. Et puis on est éliminé en coupe de France (1-0 à Neufchâtel, au 3e tour, le 15 septembre) et dans la foulée on perd à Drancy en championnat (3-2, journée 5). J’avais même dit à ce moment-là au président que, si le problème c’était moi… Parce que je suis quelqu’un de direct. Et c’est vrai qu’à Dieppe, quand je suis arrivé, il y avait des joueurs qui étaient dans le confort, j’ai beaucoup secoué le cocotier. Forcément, quand tu ne gagnes pas, c’est la faute du coach. J’entendais dire que j’étais trop dur, trop exigeant, trop ceci, trop cela… Oui, c’est souvent ce qui ressort, mais au final, les joueurs adhèrent, parce que si, avec moi, cela passe par le travail, cela passe aussi par l’honnêteté. Moi, je voyais quand même le travail que l’on fournissait. Derrière, après Drancy, on égalise dans le temps additionnel contre Sannois, à la maison (1-1, journée 6). Et là, le club me prolonge… C’est un signe de confiance. Cela a consolidé mon discours. Les choses se mettaient en place, mais il manquait cette conviction, et là, ça validait le projet. Parce qu’un projet sur un an, ce n’est pas l’idéal. Du coup, les joueurs, du moins ceux qui n’avaient pas cette conviction, se sont dit « le coach, il est là, il ne va pas bouger », et derrière, on a cartonné. On a gagné 3 à 0 à Pays de Cassel, et on a décollé (16 matchs sans défaite, 14 victoires et 2 nuls).

« Dieppe, c’est une terre de foot ! »

Du coup, avec cette accession en National 2, tu as redonné goût au foot à ton président, Patrick Coquelet, qui avait pourtant annoncé son départ dans un premier temps ?
Quand j’ai eu mon entretien avec lui avant de venir, j’ai vu qu’il était déçu parce qu’il voulait finir son mandat avec son ancien coach, Guillaume Bonel. Il m’explique qu’il veut un coach une saison pour jouer le maintien. Immédiatement, je lui dis que le club doit jouer la montée, parce qu’avec la ferveur qu’il y a ici… Dieppe, c’est une place forte en Normandie après Caen, Le Havre, Rouen, QRM et Avranches. On ne peut pas ne pas avoir d’ambition. Finalement, il me dit banco. Quant à sa décision d’arrêter en fin de saison, je lui ai dit de garder 5% de réflexion au cas où on monte, de ne pas me laisser…Et en janvier, il a commencé à dire qu’il allait être obligé de rester si on montait. En mars, il a dit qu’il continuait. Là, il est reparti pour 4 ans, avec une transition, qui est déjà effective, puisqu’il a annoncé que, dans 2 ans, il céderait sa place à Stéphane Novick.

Cette ferveur autour du FC Dieppe, ce monde au stade, c’est rare en N3…
Il y a toujours eu du monde à Dieppe ! Je me souviens être allé voir en spectateur un match Dieppe – Alençon en N3 il y a 3 ans, et il y avait plus de 1000 personnes… Franchement, ici, c’est une terre de foot. Le FC Dieppe rassemble. J’ai vu des gens faire la queue sur 40 ou 50 mètres pour entrer au stade ! En N3, à part le FC Rouen à l’époque, je n’avais jamais vu ça en Normandie. Cela faisait 8 ans que le club attendait cette montée en N2. En coupe de France, Dieppe a fait 4500 spectateurs contre Laval l’an passé. On est top 4 en Normandie au niveau des affluences, après Caen, Le Havre et le FC Rouen. En N2, on serait juste derrière Bordeaux, Saint-Malo et Chambly.

Pour terminer, une question que nous posons généralement en premier : tes débuts au foot ?
J’ai commencé comme beaucoup, au quartier, en bas de la maison, à Sarcelles. Il y avait un terrain, je descendais avec mon grand frère faire des « goal à goal », et puis il y avait les matchs de quartiers et inter-quartiers. Je me suis inscrit très tôt au club de l’AA Sarcelles, où j’ai fait toutes mes classes, j’ai joué dans toutes les catégories. J’y suis resté jusqu’à mes 21 ans. Quand j’avais 18 ans, je me souviens que beaucoup de joueurs seniors étaient partis et le club avait propulsé les juniors, dont moi, pour évoluer en seniors. Là, j’ai fait de belles saisons, j’ai marqué des buts et ça attiré l’attention de Sannois/Saint-Gratien, qui évoluait en CFA, et qui m’a recruté. Avec Sannois, on est monté en National avec Didier Caignard (en 2002/2003). Pendant les vacances, un ami m’appelle et me dit qu’en Bretagne, La Vitréenne (DH) cherche un attaquant. Je me suis dit « Pourquoi pas ? ». J’ai fait un match d’essai, et le coach, Oswald Tanchot, qui démarrait sa carrière, me recrute. On est monté en CFA2 puis en CFA. On a failli monter en National une saison. Ensuite, je suis allé au Poiré sur-Vie (CFA2), on avait affronté le PSG en 16e de finale de la Coupe de France (1-3, le 2 février 2008 à la Beaujoire, à Nantes) ! Après, j’ai joué à Changé (CFA2) avec le coach Laurent Tomczyk, et Oswald Tanchot m’a rappelé à La Vitréenne, où je suis retourné, en CFA. On a failli monter en National. Là, j’arrivais à 29 ans, je voulais rentrer en région parisienne. Je réfléchissais déjà à l’après carrière. En parallèle, j’avais obtenu ma licence STAPS. C’est là que je signe à l’AFC Compiègne comme joueur, avant d’y retourner plus tard comme entraîneur, après des expériences chez les jeunes au FC Rouen donc, et en seniors comme adjoint de Thierry Bocquet, à Poissy, en 2015 : on était monté en CFA. En parallèle de tout ça, de 2010 à 2019, j’avais mes fonctions au club de Saint-Brice, qui a bien grandi au fil des années, passant de PH en DH. Mais au bout d’un moment, je ne pouvais plus tout concilier. Après Compiègne (2019-2023), je suis parti à Saint-Lô un an et me voilà à Dieppe !

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : FC Dieppe / Clémence Hedin
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Le deuxième meilleur buteur de l’histoire de la Division 2 s’était éloigné du foot pro pendant 10 ans pour travailler dans le monde de la banque et des assurances, avant de replonger dans un rôle d’entraîneur des attaquants au FC Annecy, en Ligue 2, pendant 15 mois. Convaincu de l’utilité de son poste, il a repris goût au haut niveau.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Philippe LE BRECH

Photo FC Annecy

À Niort, il y a deux monuments. Les Chamois et la MAIF ! Samuel Michel (54 ans) connaît bien ces deux entités : Il a porté les maillots de chacune de ces entreprises qui font la renommée et la fierté de la préfecture des Deux-Sèvres. Et tant pis si l’une d’elles a disparu des championnats professionnels l’été dernier – l’association des Chamois Niortais (Régional 3) a fusionné avec l’UA Niort-Saint-Florent le mois dernier pour devenir « Chamois Niortais Saint-Flo », où évolue Hugo, l’un de ses deux fils, en R2 -, il reste toujours la reine des assurances pour faire rayonner Niort à l’échelle hexagonale.

Que le natif d’Amiens, dans la Somme – « Mais je n’y suis pas resté longtemps, j’ai grandi à Paris dès l’âge de 2 ans, à Garges-lès-Gonesse (Val d’Oise), rectifie-t-il » – ait bossé dans les assurances n’a à vrai rien dire de surprenant, tant avant cette seconde vie, il avait déjà « assuré » sur les terrains de Division 2 (devenue la Ligue 2 en 2002), ses clubs successifs n’ayant jamais eu à se plaindre de son rendement offensif. C’est simple, avec « Sam », comme on l’appelle dans le milieu (« Sammy, c’est plus pour la famille et les amis ! »), c’était … l’assurance de marquer des buts ! Beaucoup du buts ! 135 au total en 398 matchs dans l’antichambre de la première division, un chiffre qui en fait tout simplement le 2e meilleur buteur de l’histoire derrière Jean-Pierre Orts et ses 163 buts.

Une autre époque…

Bien sûr, c’était un autre temps ! Celui où il fallait passer 10 ans en D2 et marquer 100 buts avant de pouvoir goûter au Graal, la première division, « Alors qu’aujourd’hui, un jeune qui marque 10 buts en Ligue 2 file direct en Ligue1 ! A mon époque, on durait, c’était différent; pour signer pro, il fallait faire 15 ou 20 matchs sur la feuille, or aujourd’hui, un jeune signe pro même s’il a fait zéro match parfois ! », constate-t-il sans aucun regret ! Une autre époque… encore que, elle n’est pas si lointaine : Samuel Michel a stoppé sa carrière pro il y a 20 ans tout juste, en 2005, aux Chamois Niortais, avant d’en entamer une autre sur le banc. Pas toujours avec la reconnaissance du milieu.

Ses principaux faits d’armes ? Un intérim aux Chamois Niortais en Ligue 2 et des postes d’adjoint, et un poste de numéro 1 à Amiens en National. Aux Chamois Niortais, il fut propulsé entraîneur en chef en janvier 2008 par le président Joël Coué, avec Angel Marcos dans le rôle du superviseur en chef : « Avec Angel, on formait un binôme mais c’était lui le coach quand même, il avait beaucoup d’expérience, il prenait les décisions, il me drivait ».

La cicatrice amiénoise

Sur le banc de l’Amiens SC, en National. Photo Philippe Le Brech

Avant cela, il avait été l’adjoint de Faruk Hadzibegic et de Jacky Bonnevay, qu’il remplaça, puis retrouva son poste d’adjoint quand Denis Troch a été nommé. Ensuite, il s’occupa des U17 Nationaux. En novembre 2013, il devint l’adjoint de Sébastien Robert au Red Star, en National. Dans la foulée, il fut nommé entraîneur principal d’Amiens, en National, en juin 2014, avant d’être limogé six mois plus tard, juste après Noël, remplacé par un certain… Christophe Pélissier. Ce dernier venait juste de « faire monter » Luzenac en Ligue 2 (le club ariégeois fut interdit d’accession) avant de prendre son envol définitif au stade de Licorne, en 2016, avec le retour des Picards en L2, puis l’accession « Historique » en Ligue 1 à la dernière seconde de la saison 2016-2017 !

Ce n’est pas tant le fait de voir que son successeur a accompli de si belles choses qui a été difficile à vivre pour Samuel Michel, mais la manière dont il a été remercié par le président Bernard Joannin. Une décision qu’il n’a jamais vraiment digérée : « Ça m a un peu dégouté du foot pro, raconte-t-il aujourd’hui, plus de 10 après; en fait, l’injustice me révolte. Quand je suis remercié en milieu de saison à Amiens pour d’autres arguments que des résultats sportifs, bon ben là… C’est compliqué. J’étais investi à 300 %. J’étais venu seul sans ma famille. C’est vrai que Christophe Pélissier a fait quelque chose de très bien derrière moi, donc il n’y a rien à dire là-dessus. Mais j’aurais bien voulu voir la deuxième partie de saison à Amiens, aller jusqu’au bout, parce qu’on était en embuscade. Dans le foot, il faut toujours être en embuscade. »

Le goût de l’entreprise

Avec le FC Annecy. Photo Philippe Le Brech

Ce dégoût du foot pro a eu pour effet de le pousser à … pousser d’autres portes, celles du monde de l’entreprise. « J’ai des diplômes, assez diversifiés, J’avais fait une validation des acquis, j’ai fait un Master II à Rouen en marketing / management, sciences humaines / sciences sociales, j’ai une licence « banque assurance » et un BTS assistant manager. Je voulais voir autre chose. La MAIF, c’est une boîte connue et reconnue, et la banque, ça m’intéressait ! J’ai travaillé dans ces deux entreprises. En fait, chaque fois que j’ai une envie, je veux l’assouvir ! Mon épouse me dit souvent que j’ai eu la chance, jusqu’à présent, de toujours faire ce que j’avais envie de faire. Elle et mes enfants m’ont toujours laissé faire. »

Ces deux nouvelles expériences – il a continué aussi à entraîner en amateur, au niveau régional (à Aiffres et Saint-Liguaire), et même parfois à jouer pour le plaisir – lui ont permis de constater que, justement, les similitudes avec le foot professionnel étaient évidentes : « Notamment pour ce qui est du management, poursuit celui qui avait effectué ses débuts en pro à 18 ans au Red Star, en Division 2; pour moi, le management des grandes entreprises n’est vraiment pas loin de celui d’une équipe de football. C’est lié. On peut transposer le management d’une équipe de sport de haut niveau au monde de l’entreprise sans problème, les leviers peuvent être les mêmes, comme les objectifs, par exemple. D’ailleurs, certains anciens pros ont fait du management une activité de « consulting », comme Denis Troch et plus récemment Patrice Garande. Parce que la passerelle avec le foot est évidente ».

Ce goût pour l’entreprise, Samuel l’a eu dès que la fin de sa carrière a sonné : « Là, à 35 ans, il y a eu une révolution chez moi, comme une explosion intellectuelle dans mon cerveau, c’était incroyable ! En fait, je me suis aperçu que, quand j’étais joueur pro, j’étais uniquement centré sur moi-même. Je pensais qu’il n’y avait que le foot qui existait. Et là, quand j’ai arrêté, ça a été Hiroshima dans mon cerveau (sic), et j’ai compris que le monde, ce n’était pas moi. Du coup, j’ai eu envie de découvrir le milieu de l’entreprise ».

Saint-Pierre-et-Miquelon, quelle aventure !

A Saint-Pierre-et-Miquelon, en 2023. Photo @SPM La 1re

Parallèlement à son travail dans le « vrai » monde, Samuel Michel cherchait toujours à faire du football son métier. Quand la passion est là, elle ne vous quitte jamais ! « Quand on a passé autant d’années sur les terrains, l’envie est toujours là » explique-t-il. Du coup, il restait en alerte, comme on dit. Un peu comme un avant-centre qui ne touche pas beaucoup de ballons et qui attend, seul, devant les cages, la bonne occasion !

Et puis, un jour, dans le journal local, à Niort, un article l’intéresse : « C’était dans le courrier de l’Ouest ! L’article parlait de Sébastien Cuvier, qui revenait d’une expérience de 3 ans à Saint-Pierre-et-Miquelon, et il n’en disait que du bien. Il parlait d’une superbe aventure humaine et comme j’avais envie de m’échapper un peu… J’ai quand même une épouse et des enfants fantastiques ! L’article m’a donné envie, un club là-bas, l’ASIA Foot, cherchait un entraîneur, j’ai postulé et ça c’est fait ! Depuis quelques mois, la présidente du club, Ludivine Quédinet, qui est aussi présidente de la Ligue de Saint-Pierre-et-Miquelon, est membre du ComEx à la FFF avec Philippe Diallo. Elle est brillante. Elle fut la première femme présidente de Ligue en France. Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est un caillou de 8 km sur 5 km, en plein milieu du grand nord, près du Canada ! Là-bas, tu as besoin de quelque chose, tu l’as dans la journée ou le lendemain ! Ils essaient vraiment de se développer. Les gens y sont fantastiques ! »

Samuel a remis un pied dans le foot, mais il ne le sait pas encore, il va bientôt poser le deuxième, et en Ligue 2 ! Dire qu’il avait tiré un trait sur le monde pro… « Quelques mois après mon retour et ma mission de six mois à Saint-Pierre-et-Miquelon, je reçois un appel de Laurent (Guyot), qui entraîne Annecy en Ligue 2. Je l’avais connu à Guingamp, on avait joué ensemble, j’avais été son adjoint aussi à Sedan en Ligue 2. Il me dit « On est avant-dernier, on est à 7 ou 8 points du premier non-relégable, on ne marque pas de buts, est-ce que tu veux nous aider, nous donner un coup de main » ? Il restait 12 matchs au FC Annecy pour se maintenir en Ligue 2. C’était chaud, compliqué. J’en parle à mon épouse, et puis à la base, c’est juste pour 12 matchs, juste pour 3 mois… Par amitié, j’ai dit oui. Je ne faisais pas grand-chose à ce moment là. Je dis à Laurent, « Allez, banco ! » On a fini avec 24 buts marqués lors des 12 derniers matchs. C’est peut-être une coïncidence… Il y a beaucoup de coïncidences avec Annecy (ironique). »

Son CDD pas renouvelé à Annecy

Sur le banc de l’Amiens SC, en National. Photo Philippe Le Brech

Pour son premier match dans son nouveau rôle, Samuel se déplace à Saint-Etienne avec le FC Annecy : « Et là, je tombe sur Robert Malm qui commente le match ! Avec Robert, on était un peu concurrent à l’époque ! Je retrouve Olivier Dall’Oglio aussi, avec qui j’avais joué à Rennes, j’ai revu plein de copains comme ça, je pense à Christophe Marichez aussi, entraîneur des gardiens au FC Metz, qui fut mon coéquipier à Niort ! »

Le club haut-savoyard, satisfait de son apport dans un rôle « d’entraîneur chargé des attaquants », lui propose un CDD d’un an supplémentaire. Un an durant lequel le FC Annecy « surperforme », au point de terminer la saison à la meilleure place de son histoire (6e), avec un nombre de points jamais atteint en Ligue 2 (51). Mais l’aventure s’arrête. Samuel n’est pas reconduit. « Mon contrat n’a pas été renouvelé, je n’en dirai pas plus ».

Samuel ne souhaite pas polémiquer, mais il en a gros sur la patate. Il s’était replongé « à 300 % » dans le foot pro, et ça lui plaisait. « J’aime le lien avec les joueurs, j’étais proche d’eux. Je suis dans l’échange, mais surtout, j’essaie de connaitre l’homme avant le joueur, afin de voir quel levier activer avec lui. C’est important de créer une proximité, de voir comment est le joueur dans sa vie, comment il fonctionne, s’il est marié, s’il a des enfants, comme ça derrière tu peux inter-agir. »

« Entraîneur des attaquants, je pense que ça marche ! »

Avec le FC Annecy, l’éte dernier, au sommet du Roc de Chère, à Talloires, pour une sortie cohésion en Haute-Savoie. Photo FC Annecy

Si avoir un entraîneur chargé spécifiquement des attaquants est un luxe aujourd’hui en Ligue 2, compte tenu de la crise financière des clubs et d’une certaine réticence de leur part à élargir des staffs, a fortiori quand ils sont français, Samuel est cependant convaincu que ce rôle est utile. « C’est Guy Lacombe qui m’en avait parlé, qui m’avait dit que c’était important. Il y en a quelques-uns, on entend parler de Djibril Cissé à Auxerre en L1, il y a Grenoble en L2, et quelques autres. En Europe, il y a beaucoup d’entraîneur des attaquants, en France, ça commence aussi, mais là, avec la crise, parce que c’est aussi une question de moyens et de budget, on en verra de moins en moins. C’est dommage, parce que je pense que ça marche. On va être obligé de faire marche arrière. »

Une chose est certaine, Samuel a adoré ce nouveau rôle, qui lui correspond mieux. Il l’a d’autant plus apprécié qu’il n’avait pas toutes les contraintes du coach principal, mais seulement à gérer « la réussite » des attaquants. « Cette année, on fait éclore le petit Quentin Paris, 18 ans, qui a 4 buts (en 15 matchs), et un joueur comme Yohan Demoncy, qui n’avait jamais mis plus d’un but par saison, en a marqués 7 cette année ! C’est pour ça, quand je dis que ça marche, je le pense vraiment, après… »

« C’est tout un travail, un conditionnement, une mise en confiance… »

Avec les Chamois Niortais, en Ligue 2, en 2003-2004. Photo Philippe Le Brech

Évidemment, après avoir passé 10 ans loin du foot pro, il a fallu se replonger dans les exercices, « mais je je les ai toujours dans ma tête », dans le travail chronophage d’un staff pro : « Quand je suis arrivé, en février de la saison passée, j’ai regardé tous les matchs de la saison du FC Annecy avec le logiciel Wyscout, sur une tablette que j’avais à disposition, et j’ai aussi regardé tous les buts qui étaient marqués dans tous les championnats, la manière dont ils étaient marqués. Je faisais beaucoup de vidéos et après je m’inspirais de la façon dont ils étaient marqués pour adapter mes exercices, basés sur les angles de frappe, sur les situations de frappe, etc. Je travaillais beaucoup dans les 18 mètres : en fait, pour moi, cela ne sert à rien de faire frapper un attaquant de 20 mètres quand tu sais que 90 % des buts sont marqués entre le point de penalty et la surface de but. Entraîneur des attaquants, c’est aussi faire des retours aux joueurs à partir de la vidéo, sur les déplacements par exemple, avoir des discussions informelles, gérer l’activation le matin quand ils sont sur le vélo, sur le terrain, en dehors, mettre en confiance, parler, c’est tout un travail, un conditionnement, une mise en confiance. En fait, c’est un peu une partie du rôle de coach, sauf que tu n’es pas coach. Je ne donnais pas mon avis, je ne disais pas « Il faut sélectionner tel ou tel joueur », même si je pouvais donner mon ressenti si on me le demandait. Mais j’étais là avant tout pour travailler la réussite. »

« C’est la passion du foot qui m’anime ! »

Aujourd’hui, Samuel est rentré chez lui, près de Niort, à La Crèche. Il avoue avoir repris goût au foot de haut niveau. Mais s’il se verrait replonger à nouveau, ce serait toujours dans un staff : « C’est la passion du foot qui m’anime ! Je n’ai jamais recherché la lumière. J’aime partager. Là, aujourd’hui, je digère, parce que tu t’attaches. Forcément, je me suis repiqué au truc. La fin de saison 2024, on s’est serré les fesses les 12 derniers matchs mais cette année, c’était différent, parce que ça a roulé de suite, même si on a eu un coup de moins bien en janvier/février. Mais le club n’avait jamais marqué autant de points (51) ni fini aussi haut (6e en Ligue 2). Bon, quand tu vois que ça prend, qu’il y a des résultats au bout, c’est prenant, et tu te dis que tu ne sers pas à rien, et en plus, Annecy, c’est un bon club, une belle région, avec des joueurs cools. En fait, le foot n’a pas changé par rapport à mon époque, c’est juste que, avant, il n y avait pas de réseaux sociaux, donc quand on faisait des conneries, ça ne sortait pas. Et on en a fait des conneries aussi, on n’était pas mieux qu’eux ! »

Et le foot amateur dans tout ça ? « Avec mon diplôme, je peux entraîner jusqu’en Régional 1. Je ne sais pas si je vais passer le DES en VAE (validation des acquis), je vais réfléchir, ça me permettrait d’entraîner en National 2 ou National 3 ».

Samuel Michel, du tac au tac

« Je suis toujours un peu gamin dans ma tête »

Avec le Red Star, en D2, en 1998-1999. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir de joueur ?
Les montées ! J’ai eu la chance d’en faire deux en Ligue 1, l’une avec le Stade Malherbe de Caen, et l’autre avec En Avant Guingamp, donc forcément, ce sont des souvenirs dont on se souvient.

Pire souvenir de joueur ?
Quand je me suis fait les croisés, avec les Chamois Niortais, à Strasbourg, dans un choc avec Jean-Christophe Devaux, c’était dans le jeu. J’avais 30 ans, je me suis posé plein de questions à ce moment-là, est-ce que je vais rejouer, tout ça…

Ton premier match en pro ?
Je crois que c’était contre Nîmes, il y avait Jean-Louis Zanon… Non, contre Avignon, il y avait Patrick Cubaynes, un sacré joueur ! C’était avec le Red Star. Je me souviens qu’un joueur m’avait mis une tarte ! C’est rigolo, parce qu’on en parlait récemment avec un joueur à Annecy, qui me demandait si, à mon époque, il y avait de la tactique ! Non mais comme si avant, le foot, ce n’était que des duels physiques !

Avec EA Guingamp, en Division 2, en 1999-2000. Photo Philippe Le Brech

Ton plus beau but ?
C’est marrant parce que sur l’application mobile que vient de concevoir l’En Avant de Guingamp, d’ailleurs très bien faite, il y est dessus ! Du coup, ce but, je l’ai revu ! C’était avec Guingamp donc, contre Châteauroux je crois, un ballon que je reprends de volée, qui va en lucarne opposé ! Mais pour moi, dès que le filet tremblait, c’était un super but (rires) !

Ton plus beau loupé ?
Il y a une action qui m’a marqué, je ne sais pas pourquoi, c’était en U17 Nationaux avec le Red Star : il n’y a plus personne devant le but, je n’ai plus qu’à la pousser, et là, je ne sais pas ce que je fais, je la mets à côté ! Et il y en a une autre aussi avec Sochaux, sous la neige : après une frappe de loin, le ballon tape la transversale, le gardien recule et tombe dans le but, moi j’arrive à fond, tout seul, je mets plat du pied et ça part au-dessus ! Un raté incroyable !

Ton geste technique préféré ?
J’aimais bien crocheter et enrouler, un peu à la Thierry Henry, je maîtrisais bien ce geste. Dans les entraînements spécifiques à Annecy, je disais aux attaquants d’arrêter de frapper fort, mais de croiser au sol, d’enrouler côté opposé.

Avec le Stade Rennais FC, en 1997-1998. Photo Philippe Le Brech.

Tes qualités et des défauts sur un terrain ?
J’avais un temps d’avance sur les autres, je lisais bien le jeu. J’avais une très bonne technique mais pas de grosses qualités athlétiques, malheureusement. Mes qualités m’ont quand même permis d’avoir une petite carrière un peu sympa en Ligue 2. Mes défauts, c’est que je n’avais pas un gros volume de jeu, même si je courais quand même, hein, mais quand je vois les garçons aujourd’hui…

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Au Stade Malherbe de Caen, même si avec Guingamp c’était très sympa aussi ! Mais à Caen, il y avait tout, Luc Borelli dans les cages, on avait une grosse équipe, on s’entendait bien, on se retrouvait le dimanche au décrassage, quand ça existait encore (rires), on mangeait des huitres, c’était génial ! Je faisais du foot un peu pour ça, pour être avec les copains. Je me suis d’ailleurs marié en fin de saison à Caen cette saison-là.

Une erreur de casting ?
Sûrement que j’en ai fait, mais comme je le dis toujours, quand tu prends une décision, tu penses que c’est la bonne, et ce n’est qu’après que tu sais si c’était la bonne ou pas, donc ça ne sert à rien de se dire que c’était une erreur de casting.

Un coach marquant ?
J’en ai eu quelques-uns quand même, Robert Herbin, alias le Sphinx, au Red Star, à mes débuts : c’est lui qui m’a lancé quand même ! J’ai eu Patrice Le Cornu, mon formateur, malheureusement décédé, Pierre Mankowski, Guy Lacombe, j’ai eu beaucoup de « noms », ce qui fait d’ailleurs peut-être de moi ce que je suis aujourd’hui, en tant qu’éducateur. Je me suis inspiré de tous, de ce qu’ils faisaient de bien et de pas bien. J’ai eu aussi Philippe Hinschberger aussi, qui habite dans le coin, pas loin de Niort, où je viens de revenir aussi, donc on est en contact, comme avec d’autres aussi.

Un club où tu as failli signer à l’époque mais cela ne s’est pas fait au dernier moment ?
Oui et c’est un énorme regret ! J’ai failli signer à l’AS Saint-Etienne quand je suis revenu au Red Star après un passage à Rennes qui ne s’était pas très bien passé. Le Red Star ne veut pas me lâcher, ou demandait peut-être un peu trop d’argent, bref, ça ne se fait pas, et je décide bêtement de ne plus aller à l’entraînement ! Quinze jours après, Guingamp se présente, et le club me laisse partir à Guingamp. Mais quel regret de ne pas être allé à Saint-Etienne, ce club mythique !

« J’ai failli signer à Saint-Etienne ! »

L’équipe du Red Star, en 1998-1999. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le PSG. Je suis Parisien à la base, même si je suis né à Amiens, mais de l’âge de 2 ans jusqu’à mes 23 ans, j’étais à Paris, à Garges-lès-Gonesse, en banlieue, et je jouais au Red Star.

Pourquoi as-tu pratiqué le football quand tu étais petit ?
Mes parents m’ont mis dans le foot pour ne pas que je traîne dans la rue le mercredi après midi et le week-end, parce que voilà, on était en banlieue parisienne, même si à mon époque, on n’avait aucun problème de « vivre ensemble ». Et puis parce que j’étais passionné. Tout petit, j’avais un ballon avec moi. Mes parents étaient rassurés de me savoir au foot.

Pourquoi attaquant ?
Je voulais être gardien de but au début, j’avais effectué des essais, et mon père m’a dit « non, non, non…!  » il m’a mis devant, et je suis resté devant, voilà, c’est tout simple ! Parfois, les histoires, comme ça, c’est tout bête !

Tes débuts ?
Au FCM Garges-lès-Gonesse, j’y ai fait toute ma formation. Mon papa entraînait au club. J’y ai joué en cadets nationaux première année. J’avais terminé meilleur buteur d’un tournoi international cadets. C’est comme ça que le Red Star m’a repéré j’y ai signé en cadets 2e année et après, ça a décollé ! Je suis resté au Red star de 16 à 22 ans ! C’est un super club et de voir la manière dont il a rebondi aujourd’hui, je suis vraiment content ! On ne jouait pas à Bauer mais à Marville à mon époque, et on voit bien la différence depuis qu’ils rejouent à Bauer. D’ailleurs, comme disent les supporters dans leurs chants, le Red Star, c’est à Bauer ! Il y avait un joueur à Annecy, Yohan Demoncy, qui me chambrait avec ça et me chantait cette chanson ! Mais c’est tellement vrai.

« Un club mythique, c’est une certaine philosophie »

Avec l’Amiens SC, en National, en 1994. Photo Philippe Le Brech

Le club mythique en France selon toi ?
Le Red Star, Le Havre, Paris. Un club mythique, pour moi, c’est une certaine philosophie.

Un coéquipier marquant ?
J’ai eu de supers coéquipiers, je ne voudrais pas les blesser mais c’est vrai qu’il y a un joueur… Il m’a recontacté d’ailleurs il n’y a pas longtemps sur Messenger, c’est Éric Stéfanini, quand j’ai démarré au Red Star. Il avait un pied gauche magique. Il jouait derrière moi et à l’entraînement, ce qu’il faisait était incroyable, des centres, des reprises, des volées… Il me disait toujours, « Quand tu es aux abords des 18 mètres, tombe, et je m’occupe du reste ». Et derrière, il mettait des coups francs incroyables ! C’est une anecdote qui me revient mais j’en ai plein d’autres, j’ai joué avec de tels joueurs, je pense à Safet Susic, Steve Marlet, William Gallas, notamment…

Dans le jeu, tu avais des affinités avec un joueur en particulier ?
Frédéric Garny à Sochaux ! Sur les 23 buts que j’ai mis cette saison-là, il m’en a donnés beaucoup ! On était amis, nos femmes, nos enfants, se voyaient. On est toujours amis d’ailleurs, il est au Montpellier Hérault SC.

Le coach marquant ?
Guy Lacombe, tactiquement. Et le Sphinx, c’était mythique : un jour, on va jouer à Rouen, et Herbin, au bout d’un quart d’heure, me lance « Sammy, bouge toi, cours » et cinq minutes après, je marque un but, et là, je cours vers lui, et je lui fait « Alors, y’a rien là ? » et l’équipe se replace pour l’engagement. Et puis là, il fait un changement : je me dis « tiens, mais il sort qui ? » et je vois que c’est moi qui sors… Évidemment, je n’étais pas content. Il vient à ma rencontre, il me sert la main et me dit « Je crois Sammy que tu voulais me dire quelque chose, viens t’asseoir à côté de moi sur le banc, on va discuter » ! Je peux te dire que je n’ai plus jamais fait ça de ma vie après un but ! Il m’avait calmé direct !

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’essaie depuis un moment d’entrer en contact avec Edwin van Ankeren, un « golgoth », très gentil, un super gars, j’ai joué avec lui à Guingamp. On arrive un peu tous à se contacter grâce aux réseaux quand même, d’ailleurs, récemment, j’ai retrouvé un de mes anciens partenaires à Garges-lès-Gonesse, Bruno Pasqualini, un Antillais, qui est en Guadeloupe maintenant.

Un président ?
Jacques Prévost, des Chamois Niortais, qui étaient proches de nous. Même Serge Viard à l’époque au SM Caen. Et puis, bien sûr, Noël Le Graët à Guingamp, même si ce n’était pas lui le président à l’époque.

Une causerie marquante ?
Celles de Guy Lacombe, c’était quelque chose ! On avait vraiment l’impression d’un acteur, il haussait le ton, il venait, il nous parlait…

« Je préférais être titulaire en Ligue 2… »

Avec le FC Annecy (au fond à gauche), en Ligue 2, au poste d’entraîneur adjoint chargé des attaquants. Photo FC Annecy.

Que t’a-t-il manqué pour être un bon joueur de Division 1 ?
Un volume de jeu plus conséquent peut-être. Je n’avais pas forcément beaucoup confiance en moi. En fait, je préférais jouer titulaire en Division 2 plutôt que remplaçant en Division 1. J’étais un peu un gamin dans ma tête, je le suis toujours d’ailleurs ! Peu importe le niveau, je voulais jouer au foot. Je n’ai pas beaucoup joué en Ligue 1, je n’ai dû faire qu’une petite cinquantaine de matchs (2 buts).

Une consigne de coach jamais comprise ?
Quand j’étais à Sochaux, Faruk Hadzibedjic voulait me faire jouer milieu droit, mais ce n’était pas mon poste, je n’avais pas de vitesse, même si je n’étais pas lent, alors je rentrais à l’intérieur, mais il fallait que ça marche, et il me l’a fait comprendre, en me disant « Ok, mais sinon, tu retournes sur le côté » !

Ton poste de prédilection ?
9 et demi, il me fallait un mec devant moi, j’ai eu la chance de jouer avec des supers 9, je pense à Fabrice Fiorèse, à Guingamp, avec qui j’avais aussi un super feeling sur le terrain. On a dû mettre une trentaine de buts ensemble, c’est pas mal. « Fio » avait le sens de l’appel en profondeur on se trouvait les yeux fermés.

Des rituels, des tocs, des manies avant de jouer ?
Non, plutôt la routine, les gestes habituels, qui m’aidaient à me concentrer, à rentrer dans ma bulle.

Une devise ?
Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

Tu étais un attaquant plutôt comment ?
Opportuniste, technique et qui avait un coup d’avance.

Tu es un entraîneur plutôt comment ?
Proche de mes joueurs, à l’écoute, déterminé.

Un modèle d’attaquant quand tu étais petit ?
Marco Van Basten. Lui, vraiment, c’était la classe.

Le milieu du foot ?
Compliqué, génial et tendu.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe LE BRECH
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Attendue depuis des années, la Ligue 3 sera officiellement lancée le 1er juillet 2026, en remplacement du National ! Une évolution plus qu’une révolution, qui devra notamment tenir compte des nombreuses disparités et iniquités entre les pros et les amateurs. Et dont le but sera de proposer un championnat pérenne, homogène et attractif.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Philippe LE BRECH

Photo Philippe Le Brech

En devenant officiellement le 1er juillet 2026 la Ligue 3, ce championnat National en aura au moins terminé avec ce manque de reconnaissance dont il souffre depuis ses débuts, en 1993, il y a déjà 32 ans. Un déficit de notoriété dont il n’a jamais vraiment su se départir, matérialisé par l’image d’un championnat intensément passionnant d’un côté, mais hybride, instable (un seul coach présent sur la ligne de départ de la saison 2023-2024 était déjà en place la saison précédente, Maxime d’Ornano, au FC Rouen…) et bâtard de l’autre, où l’incohérence, les disparités, les injustices et l’absence d’homogénéité sont légion.

D’homogénéité justement, il en est beaucoup question avec cette nouvelle Ligue 3 puisque c’est exactement ce que réclament à l’unisson les clubs du 3e niveau – notez que l’on ne parle volontairement pas de 3e division -, qui attendent cependant de voir avant de croire. Troisième niveau, parce qu’à sa naissance, le National 1 fut ce championnat à deux poules blotti entre une Division 2 appelée à lui refourguer un tiers de ses 36 clubs, et une Division 3 à six groupes (ex-CFA, National 2 aujourd’hui) qui sera amputée de ses meilleurs clubs.

Un projet attendu depuis des années

Ce changement d’appellation et donc de statut, attendu depuis des années, sera une aubaine et permettra, entre autres, de développer le marketing et la communication, domaines incontournables aujourd’hui, on voit bien les effets positifs de la nouvelle « Arkema Première Ligue » lancée l’été dernier.
Il permettra aussi d’identifier immédiatement la place de ce championnat sur l’échiquier du football français, juste derrière la Ligue 1 et la Ligue 2 pour qui sait bien compter. Et pour qui sait bien écrire, l’on cessera enfin de lire sur internet et dans les journaux « championnat Nationale » (non, ça c’est au rugby !) ou « championnat National 1 » (non, ça c’était en 1993, jusqu’en 1997 et l’arrivée de la poule unique).

Déficit d’image et de notoriété

Photo Philippe Le Brech

La manière d’écrire « National » est peut-être un détail pour vous mais elle en dit beaucoup sur son déficit de notoriété et d’image, quand bien même la Fédération Française de football, dont il dépend depuis toujours, et dont il dépendra encore sous sa nouvelle dénomination, a oeuvré pour son développement.

La FFF a notamment mis en place des séminaires pour les différents acteurs qui font la vie des clubs de cet échelon. Elle a diffusé les matchs (commentés par des duos de consultants) en direct sur sa chaîne FFF TV, disponible sur YouTube. Elle a proposé des contenus éditoriaux sous forme de vidéos (résumés, inside, buts, arrêts, etc.) ou d’écrits. Elle a édité un guide médias chaque saison. Elle a créé une identité visuelle et une panneautique dédiée, à l’instar de ce qui se fait aux étages au-dessus. Elle a organisé une soirée des Trophées dans la cadre majestueux de Clairefontaine, le camp de base des équipes de France. Bref, elle a professionnalisé l’ensemble, un peu sur le modèle de la Ligue 2.

En National, les budgets ont doublé en 5 ans !

Photo Philippe Le Brech

Ok, tout ça, c’est bien joli, mais ce que veulent les clubs, c’est de l’argent ! Le National n’est pas la Ligue 2. Il n’y a jamais eu de droits TV, tout juste une rétrocession de la FFF, sorte de subvention exceptionnelle de 50 000 euros, ponctionnée dans l’enveloppe des droits TV du football féminin. Une somme qui n’a jamais pesé bien lourd dans le budget des clubs, lesquels sont passés d’une moyenne de 2,5 à 5 millions en l’espace de 5 ans, entre 2020 et 2025 ! Paradoxal quand on sait que le déficit des clubs français dépasse le milliard d’euros cette année, selon la DNCG, qui, et c’est de plus en plus inquiétant, s’attend à prononcer des rétrogradations administratives et appellent à une baisse des masses salariales.

La part du gâteau… mais quelle part ?

Photo Philippe Le Brech

Forcément, cette absence de droits TV n’a pas contribué à faire du National le championnat de l’équité puisque, d’un côté, les clubs pros relégués de Ligue 2, gérés par des sociétés (SAS, SASP, etc.), continuaient de les percevoir, alors que de l’autre, les clubs amateurs, souvent constitués en association, se sentaient laissés pour compte. Mais pas abandonnés pour autant. Car, là encore, la 3F octroie une aide financière aux clubs amateurs de National : 270 000 euros cette saison dont une part fixe de 180 000 euros au titre des frais de déplacement. A cette aide financière, qui était de 230 000 euros l’an passé et qui montera à 300 000 euros en 2025-2026, il convient d’ajouter le remboursement des frais kilométriques pour les déplacements (7 euros le kilomètres, trajet aller seulement). Bon, tout le monde n’effectue pas le même nombre de kilomètres selon qu’il est situé dans une zone à plus ou moins forte concentrations de clubs, mais, grosso modo, cela équivaut à une manne supplémentaire comprise entre 40 000 euros et 80 000 euros environ (pour Aubagne ou Nîmes cette saison par exemple, deux clubs « excentrés » sur la carte de France).

On est loin du million d’euros réclamé en 2017 par l’ancien président d’Avranches, Gilbert Guérin. A l’époque, le président de l’amicale des clubs de National, fondée la même année, misait beaucoup sur la nouvelle répartition des droits TV pour la période 2018-2022 pour récupérer 1,2 % de la somme attribuée aux clubs de L1 et de L2. Sauf que ces derniers n’ont pas souhaité partager le gâteau, au grand dam de Guérin, décédé en octobre 2023, et de ses compagnons d’infortune, l’ex-président de l’USL Dunkerque Jean-Pierre Scouarnec et Jacques Piriou, le président de l’US Concarneau, Antoine Emmanuelli (Bastia-Borgo), principaux instigateurs du mouvement.

Une importance stratégique

Photo Philippe Le Brech

La suite fut pire avec le fiasco MediaPro lors de la saison 2021/2022, qui a contraint les clubs pros à faire machine arrière, alors qu’une aide de 5 millions d’euros avait été actée pour les clubs de National ! Et ce n’est pas la crise actuelle des droits TV qui incite à l’optimisme. Une crise qui a eu des répercussions : l’été dernier, aucun opérateur ne s’est déclaré au moment de répondre à l’appel d’offre des droits de diffusion du National pour la période 2024-2029 (jusqu’en 2024, Canal + payait 500 000 euros par saison pour diffuser une affiche par journée de championnat National et un multiplex lors des deux dernières journées).

S’est alors posée la question de la retransmission des matchs pour la saison en cours. Finalement, la FFF a poursuivi sa diffusion gratuite sur FFF TV, en sous-traitant avec des sociétés de production, comme elle le faisait déjà avant sauf pour l’affiche de Canal +. Un mécanisme bien huilé qui existe depuis la saison 2012-2013 (1). C’est bien la preuve que le National, qui n’a cependant pas l’aura de la coupe de France, la compétition phare de la FFF et aussi la plus aimée du grand public, est très important dans sa stratégie. Il l’est d’autant plus qu’il a toujours vu passer des pépites et mêmes de futurs internationaux français, ou des internationaux en fin de carrière, on pense à Ulrich Ramé (Angers, 1996-97), Eric Carrière (Muret, 1993-95), Bernard Pardo (Toulon, 1993-94), Philippe Anziani (GFC Ajaccio, 1994-95), Laurent Koscielny (Tours, 2007-08), Stéphane Guivarc’h (Guingamp, 1993-94), Julien Faubert (Cannes, 2001-04), Stéphane Ruffier (Bayonne, 2005-06), Franck Ribéry (Boulogne, Alès et Brest entre 2001 et 2004), Didier Sénac (Créteil, 1996-98), Steve Savidan (Valenciennes, Angoulême, Angers), Jean-Marc Ferreri (Saint-Denis / Saint-Leu, 1997-98), Michaël Ciani (Racing-club de France, un match en 2001-02), Olivier Giroud (Istres, 2007-08), N’Golo Kanté (Boulogne, 2012-13), André-Pierre Gignac (Pau, 2005-06), Steve Marlet (Red Star, 2011-12), Tony Vairelles (Gueugnon, 2009-11) , Randal Kolo-Muani (Boulogne 2019-20), Mathieu Valbuena (Libourne/Saint-Seurin, 2004-06), ou Jonathan Clauss (Avranches, 2016-17), pour ne citer qu’eux ! Et qu’il répond à une certaine vision du football, un football de territoire, pour ne pas employer le mot « campagne ».

Un National amateur avec 10 clubs pros sur 17 !

Photo Philippe Le Brech

Au fil des saisons, le National a surtout gagné en qualité et en intérêt de par la liste, de plus en plus fournie, de clubs professionnels pour ne pas dire historiques, qui la compose, comme Nancy, Valenciennes, Sochaux, Nîmes, Dijon, Le Mans, Châteauroux, Orléans, Rouen, cette saison. Ou qui l’ont composé, comme Bastia, Laval, Niort, Sedan, Red Star, Metz, Guingamp, Troyes, Reims, Tours, Angers, Brest, Cannes, Toulouse, Strasbourg, et on en oublie !

La présence accrue de clubs de ce standing est des plus logiques. Elle est même mathématique ! La refonte des championnats L1 et L2 en 2023 et en 2024, avec le rétrécissement de 20 à 18 clubs, est passée par là. Forcément, il a bien fallu que ces clubs-là tombent quelque part, et pour la plupart, c’est en National ! Tant et si bien que, cette saison, sur 17 clubs présents sur la ligne de départ, 10 avaient le statut pro (9 la saison passée). Du jamais vu pour un championnat amateur !

Cette situation ubuesque nécessite des ajustements afin d’apporter une forme de logique, d’équité, d’homogénéité. C’est ce que la 3F va s’atteler à faire avec cette nouvelle Ligue 3, de même qu’elle cherchera aussi à gagner en stabilité après de multiples saisons émaillées de rétrogradations administratives, de dépôts de bilan, d’arrêts en cours de route ou de procédures juridiques, qui ont eu pour effet, trois fois fois en quinze ans (2010-11, 2017-18 et 2024-25) de se retrouver avec un nombre impair de clubs présents sur la ligne de départ en National, avec un exempt à chaque journée. Ce cas n’est plus tenable !

Des statuts à définir pour les joueurs et les clubs

Un article de France Football évoquant la création d’une D3 professionnelle, c’était il y a … 20 ans !

Lors des très nombreux chantiers que va explorer le groupe de réflexion nommé par le président de la FFF, Philippe Diallo, le 13 juin, lors du prochain ComEx (Comité Exécutif), il sera forcément question du statut du joueur et du club. Et pas seulement. La licence club, sorte de cahier des charges hyper-lourd, qui attribue des points (et donc des euros), et les contrats seront au coeur des « négociations ». Car aujourd’hui, tant pour les clubs que pour les joueurs, les règles ne sont pas les mêmes selon que l’on évolue en National ou en Ligue 2. C’est là-dessus aussi que sera attendue la Ligue 3, qui restera bien sous giron fédéral. Quant à l’éventuelle disparition de la Ligue professionnelle, voulue par Philippe Diallo, cela ne devrait modifier en rien la nouvelle donne, puisque la FFF demeure le régisseur.

Si l’on parle de la création d’une Ligue 3 depuis des années, et même des décennies – l’on a retrouvé des articles de FranceFootball datant du milieu des années 90 qui l’évoquait déjà, (voir photo) -, celle-ci s’est accélérée ces derniers mois avec, tout d’abord, une réunion au siège de la FFF entre les présidents de clubs, le 7 octobre dernier, qui a abouti au lancement d’un collège des présidents du National, composé d’un président très actif et ultra impliqué (Thierry Gomez, Le Mans FC) et de deux vice-présidents (Philippe Terrier de Villefranche/Beaujolais et Jacques Piriou, de l’US Concarneau).

Un modèle économique calqué sur l’Arkema Première Ligue ?

A cette occasion, un point a été fait sur la naissance de ce projet, et une réflexion a porté sur son évolution. C’est dans ce cadre-là que les présidents ont rencontré Paul-Hervé Douillard, le directeur de la nouvelle Ligue Féminine de Football Professionnel (LFFP), afin d’échanger sur la création, le 1er juillet 2024, de cette entité, elle aussi placée sous giron fédéral, présidée par Jean-Michel Aulas.

Les acteurs ont aussi échangé sur le modèle économique opté par l’Arkema Première Ligue (la société Arkema verse 1,2 million d’Euros à la FFF pendant 3 ans pour être sponsor-titre) et la Pro Ligue, les deux nouveaux championnats féminins qui ont remplacé la D1 Arkema et la D2F, et dont la future Ligue 3 souhaite s’inspirer.

Des clubs à l’unisson

Photo Philippe Le Brech

Le 13 décembre 2024, à l’occasion de la 15e journée de National, les clubs ont publié un communiqué commun. Plusieurs actions symboliques ont été menées à l’unisson : pendant l’échauffement, joueurs et staffs ont porté un tee-shirt avec l’inscription « La Ligue 3, c’est maintenant ». Une photo avec tous les acteurs de cette opération a été prise sur chacun des stades avant le coup d’envoi, comme pour mieux montrer leur motivation et leur détermination à mener ce projet ensemble, et sensibiliser à la veille des élections du président de la FFF.

Mais c’est le 16 janvier dernier, en ComEx, qu’est officiellement née la Ligue 3 masculine. « Je souhaite que ce nouveau championnat professionnel soit durable, qu’il s’inscrive dans un modèle attractif, innovant, pérenne et régulé, déclara Philippe Diallo, reconduit à la tête de la FFF; Il faut qu’il y ait un certain nombre de règles, financières, sportives, qui encadrent les clubs ».

Première mesure : la création d’un comité de pilotage, coordonné par Marc Keller, chargé de définir le format de la compétition, ses règles, sa jurisprudence disciplinaire, le statut des clubs participants, le modèle économique, les centres de formation, le nombre de joueurs formés localement, le salary cap, la stratégie marketing, la licence club (les infrastructures notamment, les terrains, les capacités, l’éclairage, la sécurité, l’accueil, etc.), la médiatisation, la formation, le naming, des droits TV, le diffuseur, bref, tous les aspects sont mis sur la table.

Ce comité de pilotage est composé de Marc Keller donc, et aussi de Jean-Michel Aulas, Pascal Bovis, Baptiste Malherbe, Pierric Bernard-Hervé, Virginie Molho, Jean-François Vilotte, ainsi que d’autres représentants des clubs de National, de la Direction technique nationale, des syndicats, des joueurs, des entraîneurs et de la LFP.

Un sponsor-titre à trouver

Photo Philippe Le Brech

Dans la foulée de cette avancée significative, Philippe Diallo a rencontré le collège des présidents de National le 12 février : cette réunion avait été jugée « très constructive » par un Thierry Gomez optimiste, qui s’était déjà longuement confié ici, à 13heuresfoot, en octobre 2023, lançant « La Ligue 3, c’est le sens de l’histoire ».

Puis, le 17 avril, le ComEx a définitivement validé le format de la compétition. Selon les proches du dossier, c’était une étape déterminante afin de pouvoir, ensuite, markéter le projet. On se gardera bien de faire tout commentaire quant à la formule adoptée, avec des play-off pour les équipes classées de 3 à 6 (jusqu’alors, seul le 3e de National disputait un barrage contre le barragiste de Ligue 2, comme c’était le cas encore cette semaine avec Boulogne et Clermont).

Si trois clubs ont été ajoutés dans la boucle (le 4e, le 5e et le 6e), c’est pour donner encore plus d’intérêt et de piment à l’épreuve, mais aussi pour « concerner » plus d’équipes du ventre mou et éviter, par la même occasions, des résultats parfois surprenants en fin de saison. Le relâchement est humain, mais là, avec cette formule de play off, il y aura un peu plus d’équipes concernées mathématiquement même si décrocher ce troisième hypothétique ticket pour la Ligue 2 (les deux premiers accéderont toujours directement) sera un parcours du combattant.

Sur le modèle du naming en Ligue 1 (McDonald’s) et en Ligue 2 (BKT), il conviendra de trouver un partenaire susceptible d’associer son nom au championnat. Une « Ligue 3 Nike » aurait de la gueule, mais c’est un exemple. Pour info, Mc Donald’s verse 30 millions d’euros par an à la LFP (sur trois ans, de 2024 à 2027), une somme record, pour associer le nom de sa marque à celui de la Ligue 1.

La fin du football champêtre ?

Photo Philippe Le Brech

Concrètement, demain, la Ligue 3 devra se rapprocher au maximum de la Ligue 2, et tendre vers une professionnalisation qui ne voudra cependant pas dire que ce sera la fin, sans péjoration aucune, du « football de campagne », ou du « football des territoires », comme le craignent certains, pour qui le résultat sportif doit primer.

Simplement, ces « petits » clubs, ces petits stades champêtres, déjà beaucoup moins nombreux cette saison, et qui font aussi le charme du National, devront suivre le mouvement et répondre à des tas de critères. On pense notamment à ceux de National 2 dont les stades sont, pour la plupart, loin de répondre aux critères de plus en plus exigeants et pointus, surtout en vue de la Ligue 3. On a encore en tête l’exemple du FC Chambly, promu en Ligue 2 en 2019, mais qui a eu son magnifique stade Walter-Luzi… trop tard, une fois retombé … en National 2 !
Pour tous ces clubs, il en va de leur avenir si un jour ils venaient à gagner leur place en Ligue 2. Histoire d’être prêt, de répondre au cahier des charges et d’anticiper l’arrivée dans le grand monde le cas échéant. Car après tout, le rêve sera toujours permis !

(1) La première rencontre de National diffusée sur FFF TV fut Amiens-Colmar.

Paul Fauvel (Dijon FCO) : « Il faut un statut commun à tout le monde »

Le directeur général du DFCO, passé par le Red Star et le Bergerac Périgord FC 24, livre son point de vue sur l’arrivée de la Ligue 3.

Photo Philippe Le Brech

L’arrivée de cette Ligue 3, dans un an, ça vous inspire quoi ?
Pour moi, aujourd’hui, il y a un mot qui doit tout résumer, c’est « homogénéité ». Il faut un statut commun à tout le monde. Il faut les mêmes conditions pour tout le monde, la même DNCG, la même commission de discipline, les mêmes subventions, parce qu’il y a des disparités entre les clubs professionnels et les clubs « fédéraux », c’est-à-dire les clubs amateurs. C’est la base de la Ligue 3. Je n’ai pas l’impression d’affronter les mêmes statuts de clubs quand on joue Villefranche par exemple, qui n’a pas les mêmes contraintes qu’un DFCO qui, lui, doit répondre à une Licence club mise en place par la LFP, avec une obligation de centre de formation par exemple. A Dijon, si on veut avoir des points en plus pour la licence club, il faut un centre de formation, il faut ceci ou cela, mais c’est lourd : avoir un centre de formation répond là encore à un cahier des charges, il faut avoir des salariés à temps plein par exemple.

Villefranche n’a pas les mêmes contraintes, certes, mais si un de ses joueurs part dans un club pro, le club peut toucher zéro euro…
Bien sûr, c’est pour cela que je parle d’homogénéité, d’avoir un statut commun, régi selon une même législation, et qui réponde à un même cahier des charges, etc. Quelque chose de cohérent.

La FFF va gérer la Ligue 3 : ça change quelque chose ?
Le modèle qui est intéressant et dont il faut s’inspirer est celui de la Ligue de football féminin professionnel (la LFFP ou L2FP), qui gère l’Arkema Première Ligue et la Seconde Ligue : c’est une petite start-up de la FFF, très moderne, très novatrice. Le produit a été très bien markété, en générant des revenus. On voit les résultats. Si on suit son modèle, avec un président de cette Ligue 3, à l’instar de Jean-Michel Aulas chez les filles, qui peut « pousser » un peu les choses, cela peut devenir très intéressant. Je préfère en tout cas ce dispositif là, sous l’égide de la FFF, plutôt que d’être la cinquième roue du carrosse de la LFP, qui a suffisamment de problèmes à gérer et qui ne va pas encore s’encombrer en récupérant un championnat, le National, par défaut.

Quid des droits TV ?
Aujourd’hui, il n’y en a pas.

Les étapes à suivre ?
Le phasage est celui-là : d’abord, comment « markéter » le produit sportivement, afin de rendre le championnat le plus attractif possible, avec un système de play off, play down; ça c’est ce qui vient d’être adopté. Maintenant que l’enjeu sportif est défini, il faut aller chercher un « namer », des partenaires, comme BetClic par exemple qui est rentré sur la L2FP chez les filles. Une fois que l’on a une marque, il faut aller chercher un diffuseur. Maintenant, si demain la LFP est encore là et créée sa chaîne 100 % LFP, elle serait bien inspirée de prendre la Ligue 3 avec elle, cela lui permettrait de récupérer plein de communautés de clubs issues de Dijon, Valenciennes, Caen, Sochaux, Rouen, etc. Autant de communautés que l’on n’aurait pas en Ligue 1 ou en Ligue 2. Ce serait autant de nouveaux abonnés potentiels. Et de fil en aiguille, la capacité de « fan net » augmenterait.

Ne faudrait-il pas non plus une même DNCG ?
Oui. Nous, à Dijon, quand on passe à la DNCG, c’est la DNCG pro. Quand Versailles passe devant la DNCG, c’est la DNCG de la FFF, c’est-à-dire la DNCG amateur. Ce ne sont pas les mêmes appétences de compte, ce ne sont pas les mêmes juges, pas les mêmes exigences, d’où cette quête d’une homogénéité.

Thierry Gomez (Le Mans FC) : « La Ligue 3 doit être un championnat novateur, équitable, attractif »

Ce n’est pas parce que le président du Mans FC va changer de monde et retrouver la saison prochaine la Ligue 2, qu’il avait quittée par la faute de la Covid-19 en 2020, qu’il va délaisser le dossier « Ligue 3 ». Bien au contraire. Car Thierry Gomez est l’un sinon LE personnage le plus engagé de ces trois dernières années pour défendre la cause. L’ancien président de Troyes a multiplié les communiqués et les revendications, ne cessant jamais de militer pour la création de ce nouveau championnat, dont il aurait sans doute souhaité une arrivée plus tôt. D’autres le font avec lui, d’autres l’ont fait avant lui, mais c’est désormais Gomez qui tient le leadership.

Photo Philippe Le Brech

La Ligue 3 va arriver dans un an : ça vous inspire quoi ?
D’abord, avant toute chose, il faut revenir aux sources, parce que les gens oublient l’histoire. La Ligue 3 pro s’imposait déjà y a deux ans, à partir du moment où l’on a fait cette réforme des championnats, avec notamment ce passage à 18 clubs, en Ligue 1 et en Ligue 2, et aussi en National 2, avec le passage de 4 à 3 poules. Sauf que l’on a oublié qu’entre la Ligue 2 et le National 2, il y avait le National, pour lequel rien n’a été fait. Or, la force du foot français, c’est le maillage que l’on a sur tout le territoire. On a du football dans toutes les régions, et on ne veut pas voir des clubs qui ont fait l’Histoire de ce sport, qui sont le patrimoine de ce sport, disparaître. N’oublions pas que nos instances sont là pour développer et favoriser nos clubs au quotidien. Pourtant, on a resserré l’élite en oubliant le National, qui a un pied chez les pros via la LFP (Ligue de football professionnel), et un pied chez les amateurs via la FFF. En National, on a eu 6 descentes sur 18 pendant deux ans, 12 clubs relégués ! C’est une erreur stratégique. Il aurait fallu passer à une Ligue 3 professionnelle au moment de la réforme, ce qui aurait permis de créer une dynamique au sein du foot français. Bon, on le fait maintenant, et mieux vaut tard que jamais.

La Ligue 3, tout le monde en parle depuis des lustres …
Oui, ça n’arrête pas. La Ligue 3, tout le monde me dit « c’est super », tout le monde me demande comment cela va se passer. Des clubs m’appellent… D’un seul coup, c’est formidable. On est quand même le pays deux fois champion du monde (1998 et 2018) et on est le seul des grands championnats à n’avoir que deux divisions professionnelles, à n’avoir qu’un seul club en première division à Paris : bon maintenant avec le Paris FC, on en aura deux, et ça, c’est une bonne chose. Après, on s’étonne de ne pas avoir de droits TV, mais il faut créer une dynamique, avoir une vision… Le National, c’est le championnat le plus inéquitable, le plus déséquilibré, le plus injuste qui existe aujourd’hui chez nous, avec des clubs qui ont des statuts différents, avec des réglementations différentes, avec des joueurs aux statuts pros ou aux statuts fédéraux (amateurs).

Photo Philippe Le Brech

Le statut du joueur, justement, sera l’un des nombreux dossiers chauds à régler…
Je vous donne un exemple. Quand Le Mans FC veut recruter un joueur, il doit lui proposer un contrat pro, alors que Villefranche lui proposera un contrat fédéral. Psychologiquement, le club pro a un avantage, car le rêve de tout joueur est de signer un jour un contrat pro. De plus, avec le contrat pro, on offre la possibilité pour le joueur d’ouvrir un pécule (fonds de prévoyance) qui lui permettra en fin de carrière de toucher un capital. C’est un autre avantage. En revanche, un club pro en National comme Le Mans FC ne peut proposer aucun contrat à un joueur de moins de 20 ans, même si celui-ci est formé au club depuis plusieurs années, alors qu’un club fédéral comme Villefranche par exemple peut proposer à un joueur de moins de 20 ans formé au club un contrat fédéral de 5 ans, ce qui permet de donner un statut au joueur et de valoriser le travail de formation de son club qui pourra éventuellement le transférer. Des cas d’inégalité comme ça, il y en a plein. Le National est un championnat de pus en plus attractif, avec des Valenciennes, des Nancy, des Sochaux, des clubs qui ont fait l’Histoire du foot, avec un potentiel public important. Valorisons tout ça.

Quel a été selon vous l’élément important qui a permis de remettre sur la table la création d’une Ligue 3 pro ?
Notre unité et notre conviction qu’on on se bat pour l’ensemble du football, parce qu’on est persuadé qu’avec une Ligue 3 plus forte, structurée, on aura par répercussion une Ligue 2 plus forte et une Ligue 1 plus forte. Et puis, on voit bien que quand des clubs de Ligue 1 ou de Ligue 2 descendent pour la première fois en National, ils ont une méconnaissance de ce championnat. On tente de faire comprendre aux instances et aux autres présidents de L1 et de L2 que la création de la L3 pro, c’est une chance pour l’ensemble du football français !

Pensez-vous qu’il sera possible d’avoir en Ligue 3, une seule licence club, une seule DNCG, une seule commission de discipline, les mêmes subventions, un statut commun identique, etc. ?
L’idée, c’est de dire oui à tout ça. Aujourd’hui, on a franchi une première étape importante. Il était impératif de déterminer le format de la compétition afin de lancer la Ligue 3 le 1er juillet 2026. On ne voulait pas aller au-delà de cette date. Il fallait aller vite. Il fallait donner une vision aux partenaires, aux collectivités, et leur dire : « Regardez, la Ligue 3 va arriver, le championnat va se développer ». Sur le format de la compétition, il y a eu un vrai débat, et là, il faut remercier Marc Keller, Jean-Michel Aulas, Pascal Bovis et Baptiste Malherbe qui coordonnent ce groupe de travail sous l’autorité du président de la FFF et qui sont à l’écoute de ce que nous on vit au quotidien. Maintenant, le format doit être validé au mois de juin en AG. On est un beau championnat, mais on ne veut pas être un laboratoire, c’est trop péjoratif. On doit être un championnat novateur, équitable, attractif, qui fasse avancer le football.

Photo Philippe Le Brech

Les prochaines étapes ?
L’urgence c’était le format, ll fallait le faire valider au ComEx du 16 avril, cela doit maintenant passer à la commission des règlements, puis au vote à l’AG de juin, pour démarrer le 1er juillet 2026. On a encore un an pour s’attaquer à toutes ces questions de contrats, de statuts, d ‘arbitrage, de droits d’engagements, de salary cap, etc… Pour mieux aider les clubs à contrôler leur budget, il y a plusieurs méthodes, celle de l’UEFA avec le fair play financier ou celle de la DNCG qui regarde la situation net, la trésorerie, etc… le débat va être intéressant. Par exemple, la mise en place d’un salary cap en Ligue 3 est une mesure qui pourrait permettre de limiter certaines dérives budgétaires et qu’on pourrait dans un second temps élargir à la Ligue 2.
Puis, on va travailler sur le marketing, le naming, l’arbitrage avec un objectif prioritaire : améliorer l’image de notre football. Par exemple, au niveau de l’arbitrage, on doit prendre des décisions qui valorisent et protègent davantage l’arbitre, parce qu’on est valeur d’exemple. Et il en va de l’image du football.

Pourquoi selon vous a-t-on l’impression qu’il y a de plus en plus d’excès dans le football ?
Parce qu’aujourd’hui, les enjeux sont colossaux : il y a 5 ans ou 10 ans, l’enjeu, pour un club, c’était une perte de 1 million d’euros, aujourd’hui, un club peut perdre 10 OU 20 millions en un claquement de doigts, c’est normal que les gens perdent la tête… On a encouragé cela en faisant le contraire des Anglais et des Américains, en créant un modèle qui privilégie l’élite, en s’occupant des trois ou quatre grands clubs français. Je prends l’exemple de l’écart des aides, quand il y en avait : eh bien, en Angleterre, entre le 1er et le dernier, l’écart était de 1,4, or nous, en France, il était de fois 3 ou fois 4, puis c’est même passé à 7 ou 8. C’était beaucoup trop. Il faut aider tous les clubs de L1, L2 et L3 à être forts et donc mettre en place une répartition des droits plus équilibrée, plus solidaire, comme l’a d’ailleurs souligné dernièrement le président de la FFF. Vous vous rendez compte que nous, on vend les droits internationaux de notre championnat de Ligue 1 avec 18 clubs aux TV étrangères mais on dit que l’argent de ces droits ne sera plus que réparti uniquement entre les clubs qualifiés en coupe d’Europe ! On créé un fossé énorme entre les six clubs qui vont participer aux coupes d’Europe et tous les autres clubs français d’autant plus que les aides versées à ces clubs par l’UEFA pour leur participation en coupe d’Europe sont aujourd’hui très importantes. Encore une fois, il faut une répartition équitable des richesses pour rendre nos compétitions plus équilibrées parce que si vous connaissez avant le début de la saison qui va être champion, cela n’intéresse plus personne, ce n’est pas difficile à comprendre, c’est du bons sens, mais on a fait l’inverse depuis 10 ou 15 ans. Et on voit le résultat, aujourd’hui, avec trois-quart des clubs qui sont à l’agonie financièrement s’ils ne se qualifient pas en coupe d’Europe.

Photo Philippe Le Brech

Parmi les nombreuses disparités existantes, vous aviez déjà relevé le problème des droits d’engagement des clubs…
Philippe Diallo a réglé le problème quand on a mis le doigt dessus, parce qu’on payait 50 000 euros de droit d’inscription, soit autant qu’un club de Ligue 1; il a descendu cette somme une première année à 25 000 et aujourd’hui on est à 12 500 euros. Mais il y a encore des iniquités : un club pro qui a une réserve en N3, il paie près de 10 000 euros pour sa N3, c’est beaucoup trop.

Avec la création de la Ligue 3, est-ce la fin des clubs « champêtres » ?
A titre personnel, je pense que si l’on veut valoriser le championnat, il faut évidemment qu’en termes d’infrastructures, il y ait une sorte de cahier des charges qui soit mis en place, mais le sportif doit quand même garder une part importante, on est quand même dans le sport, il y a des valeurs à respecter : il ne faut pas que cela soit le plus riche, le plus gros, le plus fort, qui gagne obligatoirement à chaque fois. C’est ça qui fait la beauté du sport. Mais les règles du jeu doivent être claires et énoncer dans ce un cahier des charges qui précise les conditions pour accéder la la Ligue 1, à la Ligue 2, etc. Mais avant de sanctionner les clubs, il faut aussi et surtout les accompagner. Si demain un club doit monter en Ligue 2, il faut l’aider à s’y préparer.

La crise des droits TV, ça vous inquiète ?
L’avenir, c’est que l’on puisse avoir une seule plateforme qui donne accès à l’ensemble du football L1-L2-L3, et qu’un diffuseur puisse prendre les plus belles affiches avec une distribution des recettes plus équitable. Il faut également que cette plateforme s’ouvre à l’ensemble du football amateur et à nos sélections françaises. Mais aujourd’hui, il faut déjà régler le problème des droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2, et ce n’est pas simple.

Que la L3 dépende de la FFF et non de la Ligue, que Philippe Diallo appelle à disparaître, cela ne vous pose pas de problème ?
Il fallait avancer, sinon le National allait mourir, beaucoup de clubs historiques allaient disparaître, et c’était la seule façon d’y arriver. Vous savez, les gens vont oublier… C’est comme dans mon club : on veut opposer la SASP avec l’association : mais quand un gamin porte le maillot du Mans FC, il ne se demande pas s’il joue pour la SASP ou pour l’asso. Il s’en fiche. Là, c’est pareil, les amoureux du football se fichent que la Ligue 3 soit gérée par la LFP ou la FFF. L’important pour le grand public, c’est d’avoir un paysage L1-L2-L3.

Vous avez toujours prôné un discours « collectif », et parlé au nom d’un ensemble et pas pour une cause personnelle : c’est surprenant dans ce milieu individualiste…
En France, l’ensemble des clubs professionnels devraient être avec nous. Mais parfois on oublie qu’aucun club n’est à l’abri d’une descente. On regarde toujours en haut, jamais en bas. Maintenant, il faut utiliser les difficultés d’aujourd’hui pour réformer notre football et mettre en place une nouvelle vision plus collective et plus solidaire qui doit permettre de développer l’ensemble de notre football et l’ensemble de nos clubs.

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Olivier Miannay (Le Puy Foot) : « Il n’y aura plus de contrats fédéraux »

Photo Philippe Le Brech

Pour le manager général du Puy Foot, qui vient d’enregistrer une troisième accession en National en six saisons, et qui connaît bien lui aussi les problématiques de ce championnat qu’il a beaucoup fréquenté ces 20 dernières années (Sète, Beauvais, Cannes, Créteil, Boulogne, etc.), l’arrivée de la Ligue 3 doit s’accompagner de la fin des contrats fédéraux. Mais pas seulement…

Olivier, quid des contrats des joueurs en Ligue 3 ?
Cela sera un contrat pro. Il n’y aura plus de contrats fédéraux, et c’est une grosse différence. Aujourd’hui, en National, on a d’un côté la charte du contrat fédéral et de l’autre la charte du contrat pro, qui est beaucoup plus avantageuse en National que celle du contrat fédéral, parce que les règles, les obligations, ne sont pas les mêmes, alors que l’on est dans le même championnat.

Un exemple ?
Oui, déjà, pour les salaires, les minimums ne sont pas les mêmes. Les contrats fédéraux sont régies par trois cas, et en fonction du cas dans lequel un club va recruter un joueur, il sera obligé de lui verser un certain salaire mensuel, 4 096 euros brut pour le cas numéro 1, 2 691 pour le cas 2 et 1 696 pour le 3, qui est le minimum. Si un club fédéral (amateur) veux faire signer un joueur pro en National qui a plus de 4 ans d’années en pro, il rentre dans la case 1, et il est obligé de lui faire un contrat à 4 096 euros brut minimum. Un exemple : pour le même joueur, si c’est Le Mans FC, un club pro, qui le recrute, le salaire sera moins important parce que la charte du contrat pro est plus avantageuse à ce niveau là. Les clubs ne sont pas logés à la même enseigne. Il faudra annuler les contrats fédéraux pour que tout le monde ait la même charte, mais il reste plein de zones d’ombre à éclaircir, les droits TV, l’aide à la rétrogradation, les frais kilométriques pour les amateurs, la DNCG qui, logiquement, devrait être celle de la FFF puisque c’est cette instance qui va gérer la Ligue 3, idem pour la commission de discipline, etc. Il y a plein de détails comme ça à régler, comme une aide supplémentaire aux clubs : aujourd’hui, l’on parle de rajouter une somme de 100 000 euros.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe LE BRECH (sauf mentions spéciales)
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Les 17 clubs de la saison 2024-2025

Photos Philippe Le Brech

AS Nancy Lorraine (1er) / Promu en Ligue 2
Le Mans FC (2e) / Promu en Ligue 2
US Boulogne CO (3e) / Barragiste pour la montée en L2
Dijon FCO (4e)
FC Bourg-en-Bresse/Péronnas 01 (5e)
Aubagne FC (6e)
US Orléans (7e)
US Concarneau (8e)
Valenciennes FC (9e)
FC Rouen (10e)
US Quevilly Rouen Métropole (11e)
FC Sochaux Montbéliard (12e)
FC Versailles (13e)
Paris 13 Atletico (14e)
FC Villefranche Beaujolais (15e)
La Berrichonne de Châteauroux (16e) / Relégué en National 2
Nîmes Olympique (17e) / Relégué en National 2

Le National en chiffres

27 820. Le record du nombre de spectateurs pour un match de National. C’était lors de la J34 de la saison 2014-2015, au stade de La Meinau, à Strasbourg, lors de Racing Strasbourg / Colomiers.
1993. L’année de création du championnat National, alors à deux poules. Il est ensuite passé à une poule unique en 1997.
91. Le nombre de points inscrit par le SC Bastia en 2010-2011, record à battre.
79. Le nombre record de buts encaissés par une équipe lors d’un exercice. Ce triste record échoit à Beaucaire lors de la saison 2002-2003. Depuis l’instauration de la poule à 18, c’est Epinal qui a encaissé le plus de buts lors de la saison (saison 2014-2015, 73 buts encaissés en 34 matchs).
31. Le record du nombre de buts marqués en une saison. Il est l’oeuvre de Grégory Thil avec Boulogne en 2006-2007. Il devance Dominique Corroyer (30 buts, saison 1994-1995, avec le FC Rouen).
18. Le nombre d’équipes engagées en National depuis la saison 2013-14. Avant cela, le championnat comportait 20 clubs (et même 21 lors de la saison 2010-11).
17. le nombre de saisons disputés en National par Paris FC et Créteil, record à battre ! Vient ensuite le Pau FC (16 saisons) puis le Gazelec FC Ajacio, Avranches et Boulogne (14).
11. Le nombre de clubs qui ont enchaîné une accession de National en Ligue 2 puis dans la foulée de Ligue 2 en Ligue 1; il s’agit de Guingamp, Bastia, Valenciennes, Sedan, Toulouse, Arles-Avignon, Evian-Thonon-Gaillard, Metz, Gazelec Ajaccio, Strasbourg et Amiens.
10. Le nombre de points inscrits par l’AC Arles lors de la saison 1993-1994. C’est le plus petit score jamais enregistré.
10 (bis). Le nombre de présence d’affilée en National. C’est l’US Avranches Mont-Sain-Michel, l’AS Cannes, l’US Boulogne et le Pau FC qui détiennent ce record : le club normand a évolué en National sans discontinuité de 2014 à 2024, le club azuréen de 2001 à 2011, le club nordiste de 2012 à 2022 et le club béarnais de 1998 à 2008.
2. Le nombre de clubs de National à avoir atteint la finale de la coupe de France : Les Herbiers en 2018 et Nîmes en 1996.
1. Un club a disputé parallèlement le championnat National et la coupe d’Europe, en 1996-97 : il s’agit de Nîmes Olympique, finaliste de la coupe de France en 1996.

Le chiffre en +

129. Le nombre de clubs à avoir participé, au moins une saison, en National. Ce chiffre passera à 130 la saison prochaine avec l’arrivée du FC Fleury 91, promu de N2, et qui n’avait encore jamais évolué en National. Ce n’est pas le cas des deux autres promus, Le Puy Foot 43 et le Stade Briochin, qui retrouvent tous deux le National après l’avoir quitté en 2023 (3e participation pour Le Puy et 5e pour Saint-Brieuc).

Liste des clubs passés en National (jusqu’en 2024-25) :

  • 17 saisons (2 clubs) : Paris FC, Créteil.
  • 16 saisons (1 club) : Pau.
  • 14 saisons (3 clubs) : Gazelec Ajaccio, Avranches, US Boulogne CO.
  • 13 saisons (2 clubs) : Sète, Fréjus (puis Fréjus/Saint-Raphaël).
  • 12 saisons (2 clubs) : Louhans-Cuiseaux, Red Star.
  • 11 saisons (2 clubs) : Cherbourg, Nîmes.
  • 10 saisons (6 clubs) : Orléans, Istres, Cannes, Besançon, Dijon, Bourg-en-Bresse/Péronnas 01.
  • 9 saisons (7 clubs) : Valenciennes, FC Rouen, Noisy-le-Sec, Beauvais, Angoulême, Dunkerque, Epinal
  • 8 saisons (9 clubs) : Concarneau, Laval, Sannois-Saint-Gratien, Rodez, Brest, Amiens, FC Borgo (ex-CA Bastia et FC Bastia-Borgo), Angers, Martigues.
  • 7 saisons (10 clubs) : Châteauroux, Quevilly-Rouen (ex-US Quevilly), Villefranche-Beaujolais, Raon-l’Etape, Racing-club de France, Thouars, Toulon, Lyon-Duchère, Sedan, Cholet.
  • 6 saisons (10 clubs) : Le Mans, Bayonne, Colmar, Châtellerault, La Roche-sur-Yon, Pacy-sur-Eure, Romorantin, Tours, Vannes, Chambly.
  • 5 saisons (5 clubs) : Grenoble, Luzenac, Reims, Saint-Denis/Saint-Leu, Niort.
  • 4 saisons (15 clubs) : Wasquehal, Saint-Maur, RC Strasbourg, Quimper, Marseille-Consolat, Libourne/Saint-Seurin, Le Poiré-sur-Vie, Fécamp, Evry, Croix-de-Savoie (puis Evian TG), Clermont Foot, Aubervilliers, Alès, Béziers, Saint-Brieuc.
  • 3 saisons (16 clubs) : Nancy, Versailles, Arles, Bourges, Brive, Calais, Gueugnon, Les Herbiers, Luçon, Muret, Poitiers, Annecy, Roubaix, Troyes, Trélissac, Valence.
  • 2 saisons (18 clubs) : Sochaux, Paris 13 Atlético (ex-Gobelins), Uzès, Vallauris, Saint-Priest, SC Bastia, Plabennec, Moulins, Lorient, L’Ile Rousse, Haguenau, Guingamp, Cassis-Carnoux, Carquefou, Colomiers, Belfort, Le Puy Foot 43, Marignane-Gignac.
  • 1 saison (21 clubs) : Aubagne FC, GOAL FC, Yzeure, Vitrolles, Viry-Châtillon, Villemomble, Toulouse FC, Roye, Perpignan, Nevers, Mont-de-Marsan, Mulhouse, FC Metz, Hyères, Gap, Drancy, Charleville-Mézières, Beaucaire, AC Ajaccio, Ancenis, Alfortville.

L’entraîneur auvergnat, qui vient de signer un nouveau bail de 2 ans au Puy, revient sur deux saisons exceptionnelles. Il évoque l’immense défi qui attend son club en National la saison prochaine et aimerait que le foot dépasse le cadre de sa ville et du département, afin de devenir « un projet de territoire comme à Rodez ».

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Le Puy Foot 43

Entretien réalisé juste avant la 30e et dernière journée de National 2

Photo Le Puy Foot 43

Stéphane Dief mange les « E » et les « L » dans ses phrases (il dit « départ’ment » au lieu de « département » ou « quèque » ou lieu de « quelque »), mais l’explication est simple : il est Auvergnat ! Et l’accent, là-bas, c’est culturel. Et ce ne sont pas ses deux passages dans le midi, lorsqu’il était joueur, à Rodez et surtout à Montpellier, qui ont changé quoi que ce soit à son phrasé.

Évoquer ce particularisme n’est pas anodin : le natif de Riom-ès-Montagne, dans le Cantal, mais qui a grandi à Clermont-Ferrand, est très attaché à ses racines. À son Auvergne. À son « territoire », un mot qu’il emploie souvent et qu’il n’hésite pas à raccrocher au Puy Foot, comme pour mieux appuyer sur ce que doit être, devenir, son club : « Un club de territoire ». Un peu comme Rodez, justement, qu’il cite en exemple, ou Pau.

Photo Le Puy Foot 43

Lundi après midi, la nouvelle est tombée sur les réseaux sociaux : Stéphane Dief a officiellement été reconduit pour deux ans à la tête du Puy Foot 43. L’annonce était tellement évidente que jamais la question de son avenir n’a effleuré notre esprit durant ce long entretien d’une heure, lundi matin. Un entretien que le technicien de 48 ans avait accepté au lendemain de la victoire 6-0 à GOAL FC, qui a permis de valider le ticket pour le National.

L’interview aurait pu durer une ou deux heures de plus, tellement Dief, qui vient d’être admis à la formation au BEPF pour la saison 2025-2026, est un grand communicant. Un trait de caractère chez lui qui se répercute jusqu’à son banc de touche, le soir des matchs, où il est très … démonstratif. Il faut le voir faire les cent pas, gesticuler, parler, râler. Impulsif, Stéphane Dief ? « Oui » reconnaît-il. Mais il se soigne. Et il nous explique comment !

Le coach qui a emmené Le Puy Foot en 1/4 de finale de la coupe de France et à la 2e place du N2 l’an passé, et à la 1re place cette saison, évoque les souvenirs, les bons moments et aussi le plus mauvais : une élimination en 16e de finale de la coupe à Dives en janvier dernier, qu’il n’a vraiment pas digérée.

Interview

« Le modèle du Puy, c’est Rodez ! »

Photo Le Puy Foot 43

Stéphane, commençons par Le Puy Foot : quand Nicolas Pays est parti à Montpellier en janvier, et quand dans le même temps le buteur Marvin Adelaïde s’est rompu le tendon d’Achille, le club a pris un coup derrière la tête : comment avez-vous fait pour vous relever de ça ?
On avait réussi à anticiper le départ de « Nico » Pays, parce qu’on était en lien étroit avec le Montpellier Hérault, avec qui les choses se sont passées de manière très transparentes. Donc on a fait signer Mohamed Ben Fredj, que l’on pouvait utiliser devant ou bien en soutien des attaquants.

Oui mais quand Ben Fredj revient (il avait évolué au Puy en National il y a deux saisons), même si on connaît sa valeur, il est en échec à Dijon, en panne de confiance…
C’est vrai qu’à l’instant T, tout le monde se pose des questions, mais en fait, on ne s’est pas trop arrêté là-dessus. Cela a été une force à la fois du staff et des joueurs, qui ont retourné le scénario à notre avantage. On s’est dit « On est un peu moins nombreux, il va falloir se serrer un peu plus les coudes », et ceux qui étaient un peu moins visibles parce que le groupe était soudain plus large, eh bien ils vont avoir la chance de se montrer. L’idée, c’était de dire aussi que Marvin (Adelaïde) avait fait le taffe, avec 12 buts au 2/3 de la saison, donc aux autres de saisir leur chance. Les joueurs n’ont pas pavoisé. Ils ont entendu ce discours et ont pris le taureau par les cornes. Cela a été plus facile de les convaincre parce qu’il y a toujours eu de la considération pour tout le monde, de ceux qui jouaient le plus à ceux qui jouaient le moins; par exemple, le mercredi, il n’y a jamais l’équipe des titulaires contre celle des remplaçants, avec moi, ça n’existe pas dans ma façon de travailler. Alors, certainement que cela nous a permis d’emmener tout le monde dans cette nouvelle histoire qui s’est créée à partir de ce moment-là.

Et ça a porté ses fruits, on a vu d’autres joueurs marquer, prendre des responsabilités, on pense à Mayela, Wade…
Oui, c’est vrai que l’on avait quelques joueurs dans l’ombre mais dont on attendait plus, encore que pour Davel (Mayela), qui avait dès le départ ce même rôle que Marvin (Adelaïde), c’est juste qu’il a vu que son coéquipier performait, c’était dur, mais il a eu cette forme de lucidité et il a été performant dans son rôle, et à l’arrivée, il a le même apport sur l’ensemble de la saison, quelque soit le temps de jeu.

« On ne s’est jamais renié »

Photo Le Puy Foot 43

Cette saison, est-ce que tu as douté, notamment quand il y a eu une période un peu moins bonne, cet hiver, avec deux défaites à domicile contre Angoulême (0-1 le 6 décembre) et surtout Andrézieux (1-3 le 7 février) ?
Contre Angoulême, le contenu était très bon, c’est juste le scénario ! Cela fait partie du jeu et il faut être en capacité de l’accepter. Au foot, parfois, cela se passe comme ça, mais il n’y avait rien d’autre que de la déception, mais pas de doute. Le coup dur, c’est la défaite contre Andrézieux, mais finalement, c’est ce qui nous remobilise derrière. Parce que là, le contenu n’était pas bon. Cela a permis de faire prendre conscience aux joueurs de ce qu’il fallait faire en plus et en mieux. Derrière, on sort un très bon match à Rumilly. Dans les périodes de doute, notre qualité de jeu a résisté, on n’a pas eu besoin d’être pragmatique, de se dire quand ça va moins bien « On va rester dans les fondamentaux », en défendant plus bas, en prenant moins de risques, en simplifiant, etc. Là non, on a continué de jouer notre jeu, d’aller chercher haut. C’est une belle satisfaction ça. On ne s’est jamais renié, même dans ces moments plus compliqués.

Revenons à la saison passée : avec le recul, tu penses que l’épopée jusqu’en 1/4 de finale de la coupe de France a coûté l’accession en National ?
De manière indirecte, oui. Ce n’est pas la répétition des matchs ou nos performances en coupe qui ont coûté la montée, mais les conséquences de la coupe : très vite, nos joueurs ont été « attaqués », sollicités par les autres clubs. Début mars 2024, certains savaient déjà qu’ils ne seraient plus au Puy la saison d’après. Donc ce supplément d’âme qu’il fallait avoir l’an passé, et que l’on a eu cette année, eh bien malheureusement on ne l’a pas eu et il était dur à aller chercher, parce que l’on ne peut pas avoir la tête à deux objectifs. Pour certains joueurs, cela a été compliqué, parce que l’on a vu leurs performances avant l’élimination en coupe (contre Rennes, à Geoffroy-Guichard) et après la coupe. Dans leurs têtes, ce n’était plus pareil, et peut-être que nous, avec Olivier (Miannay, le manager général du Puy), on leur a un peu trop fait confiance. On n’a pas été assez dur sur les contenus de nos matchs après l’élimination. Même en étant un peu moins bons, on a quand même continué à gagner et c’est pour ça aussi que je suis rarement content, c’est parce que le contenu est tellement important pour moi… Pourtant je sais bien qu’avoir un contenu pendant 90 minutes, c’est impossible.

« Notre 16e de finale, on ne l’a pas kiffé »

Du coup, tu penses que l’élimination, la déception, la désillusion même, à Dives-Cabourg en 16e de finale cette année, fut un mal pour un bien ?
C’est ce qu’on a essayé de se dire à ce moment-là et à l’arrivée, c’est ce qu’on se dira tous. Mais elle a été très très dure à digérer celle-là… Surtout après notre prestation face à Montpellier (qualification 4 à 0 !). Mais l’organisation de ce match à Dives n’était pas à la hauteur d’un 16e de finale de coupe de France. Attention, ce n’est pas un reproche vis-à-vis de Dives-Cabourg. En fait, tout ce que l’on avait fait avant dans cette épopée est parti en fumée. Certes, pour la beauté de la coupe, c’est bien que les petits reçoivent, mais nous, on est un petit, on l’a vu quand on a reçu Montpellier au tour précédent, parce qu’il fallait voir le cahier des charges et tout ce que l’on nous a demandés ! Et là, on s’est retrouvé à des lumières de tout ça quand on est allé à Dives. Notre 16e, on ne l’a pas kiffé.

« Un entraîneur dans la tribune, ça a du sens ! »

Photo Le Puy Foot 43

À Dives, tu as pris 8 matchs de suspension…
Oui, parce que j’ai critiqué l’organisation du match de façon trop véhémente.

Pas trop dur de passer 8 matchs éloigné du banc ?
C’est dur, mais finalement, je m’aperçois que cela ne nous a pas portés préjudice. De là à dire que je ne suis pas utile (rires !). J’étais utile différemment ! En tribune, on a une vision qui est top. Les rugbymen le font. On ne le fait pas au foot, c’est dommage. Je vais me poser la question de rester en tribune jusqu’à la mi-temps ou à l’heure de jeu, parce qu’on perçoit les choses bien plus rapidement que depuis le bord du terrain où l’on a aucune perspective. Quand on fait de la vidéo, on ne filme pas les matchs à ras du sol, hein ? On les filme avec de la hauteur pour les analyser. Un entraîneur dans la tribune, cela a du sens malgré tout. Mais bon, ce n’était pas une initiative personnelle (rires !). À Dives, j’avais pris énormément sur moi. C’est parti d’une discussion avec Olivier (Miannay) après le match et j’avais tellement de choses en moi, des choses que je n’avais pas appréciées, qu’il a fallu que ça ressorte, sauf qu’il y avait des personnes proches de la scène…

« Je suis très exigeant »

Photo Le Puy Foot 43

Sur le banc, tu es speed, impulsif, on te voit faire les cent pas, tu es très actif : c’est quelque chose sur lequel tu travailles ?
Je suis très exigeant, très à cheval sur ce que j’attends du jeu, donc forcément, notamment en première mi-temps, je vais donner beaucoup de consignes assez rapidement. Cela peut parfois être perçu comme un manque de patience ou un excitant. C’est pour ça que je peux être très actif. Peut-être que je le suis trop, mais j’aime bien être derrière mes joueurs, surtout que, il ne faut pas l’oublier, j’ai un groupe jeune.

Le week-end dernier, en N2, il y a eu un événement commun entre les trois poules : est-ce que tu l’as relevé ?
(Un peu dépité) Ouaip, les trois premiers ont perdu, mais ça ne me rassure pas pour autant, parce que le match que l’on a fait (défaite contre Istres, 0-1)… Comme on n’avait plus rien à jouer, j’ai essayé d’être beaucoup moins actif justement, et sur la première mi-temps, je me dis que j’aurais dû l’être beaucoup plus. Et beaucoup plus rapidement. Finalement, on s’est enfoncé dans quelque chose qui ne nous ressemble pas et qu’Istres nous a imposés, ce faux-rythme, et on a été incapable de changer la dimension du match, sauf sur les vingt dernières minutes, quand les entrants ont amené du peps. Donc cela me conforte dans ce que je suis et dans ce que je veux : une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Et cela impose presque que le coach le soit aussi.

Le Puy foot a relevé beaucoup de défis depuis 15 ans, avec une progression, des accessions, un travail de structuration, l’apport de compétences, des campagnes de coupe, etc, mais il n’y a encore jamais eu de maintien en National malgré deux tentatives (en 2019/20 et en 2022/2023) : le nouveau défi, ce sera celui-là ?
Dans l’histoire récente du football auvergnat, pour élargir ta question à l’ex-Auvergne et sortir de la grande Région Auvergne – Rhône – Alpes, il n’y a pas que Le Puy : Moulins y a passé deux fois une saison mais sans s’y maintenir (2006 et 2010) et Yzeure une seule saison (2007). Et Le Puy aussi est monté deux fois sans parvenir à se maintenir. Notre défi dépasse l’aspect local, mais régional. C’est excitant d’arriver à faire quelque chose que personne n’a fait en Auvergne, hormis Clermont Foot (au début des années 2000).

« On ne va pas en National juste pour faire un tour »

Photo Le Puy Foot 43

Tu mesures l’ampleur de la tache ? Le championnat a beaucoup évolué depuis le dernier passage du Puy en National en 2022-2023 et ne parlons pas de 2019-2020…
J’en ai conscience. Après, si le championnat National est devenu comme ça aujourd’hui, avec des Valenciennes, Caen, Sochaux, Le Mans, Dijon, Nancy, Orléans, etc, c’est parce qu’avant il y avait 20 clubs en Ligue 1 et 20 clubs en Ligue 2, et qu’il n’y en a plus que 18 et 18, donc ces clubs qui sont descendus de l’élite, ils sont bien retombés quelque part. C’est pour ça que le National sera relevé comme jamais, avec le club de Kylian Mbappé, le Stade Malherbe de Caen, qui viendra jouer à Massot (rires) ! Je plaisante, mais on va quand même amener ça à Massot. Cela permettra aux gens du territoire de vivre ça, et j’ai même envie d’en appeler aux pouvoirs publics, aux investisseurs privés : on doit devenir un projet de territoire. Il faut que tout le monde se relève les manches, parce qu’avoir un club professionnel à l’aube de la Ligue 3, cela dépasse largement le cadre de la ville du Puy. Ce challenge, on peut le relever, on peut construire quelque chose ici. Maintenant, cela ne peut pas être seulement à notre président (Christophe Gauthier) de tout assumer et aux quelques autres personnes qui l’entourent. Il faut qu’il y ait une volonté de territoire, j’insiste sur ce mot-là. On a vu que l’on pouvait avoir du public, on a eu 2000 personnes lors des deux derniers matchs à domicile. Il faut prendre le sujet à bras-le-corps, parce que l’on n’a pas envie d’aller en National la saison prochaine juste pour faire un tour. On a vu cette saison que des équipes comme Aubagne et Bourg-en-Bresse, avec des moyens limités, ont fait une très bonne saison. Ce sont des exemples à suivre. On doit maîtriser notre budget, ne pas tomber dans certaines dérives, travailler sur des jeunes profils, rester dans notre ligne de conduite. On y arrivera ou pas, mais on y va avec nos convictions, notre façon de faire.

« Le modèle du Puy, c’est Rodez »

Photo Vile du Puy-en-Velay

Le modèle à suivre, sur le long terme, c’est lequel ?
C’est Rodez. Le modèle du Puy, c’est eux. Ils ont un stade flambant neuf tout mignon, qui est suffisant. Ils ont des structures dignes d’un club professionnel, il leur a fallu quelques années pour y arriver. Rodez, Le Puy, je suis désolé, mais ça se ressemble… J’y ai joué un an, je connais parfaitement la vie locale à Rodez, je connais un peu ce projet, la manière dont il a été mené au départ, je connais Grégory Ursule le manager général, donc si on veut ressembler à eux, il faut que l’on devienne un club de département. Un club de territoire.

Peux-tu nous raconter comment tu as basculé de joueur à entraîneur ?
Je bascule d’une manière un peu particulière. Je voulais une suite après ma carrière de joueur à Yzeure, dans le staff. Et finalement, il font signer Hervé Loubat comme adjoint de Nicolas Dupuis, et là, je me suis dit que, finalement, le choix du club est celui-là, qu’ils ne se projettent pas trop avec moi, donc voilà. Je signe à Vichy comme entraîneur-joueur. C’était compliqué mais cela reste une bonne expérience. On manquait de structure, le président était particulier, ça partait un peu dans tous les sens, et après cinq saisons, je signe au Moulins-Yzeure Foot, où je fais sept saisons.

« J’ai cette capacité à être résilient »

Photo Le Puy Foot 43

Quand tu arrives à Moulins, c’est déjà le MYF (Moulins Yzeure Foot) ?
Oui, je suis le premier entraîneur de la nouvelle entité ! Le contexte est particulier quand j’arrive, c’est très « politique », très compliqué en interne. Je suis arrivé à Moulins-Yzeure par l’intermédiaire de Nicolas Dupuis, directeur sportif, qui m’avait eu comme joueur. La première saison, c’était compliqué, le groupe n’était pas équilibré, je ne l’avais pas construit, et puis, il fallait aussi qu’il y ait une moitié de joueurs d’Yzeure, une autre moitié de joueurs de Moulins, tout ça pour faire plaisir aux politiques, très impliqués à l’époque dans le projet… C’était un truc incongru. On finit 11e, mais c’est une saison où j’ai pris beaucoup sur moi et fait fi de beaucoup de choses. Il y avait beaucoup d’intérêts personnels. Finalement, Nicolas Dupuis est remercié et là, je deviens à fois entraîneur et entraîneur général, sans directeur sportif, et je prends la dimension de ce qu’est la gestion d’un club, en collaboration avec le président.

Durant cette première saison à Moulins-Yzeure, tu ne t’es jamais posé la question « Mais qu’est-ce que je fais là ? »
Non, jamais. J’ai cette capacité à être résilient. J’aime convaincre, y compris dans la durée. Il y a un temps pour tout, et parfois, il y a un temps pour faire le dos rond pour mieux imposer ses idées par la suite.

« Moulins-Yzeure Foot est mal né »

Photo Le Puy Foot 43

Cette fusion entre Moulins et Yzeure, force est de constater que cela n’a pas été une réussite…
Mais il n’y a pas eu de fusion ! C’est un sketch à tous les étages. Au début, c’était la municipalité de Moulins qui subventionnait le club d’Yzeure. On a juste changé le nom, pour mettre un nom « commercial », Moulins-Yzeure Foot, et dans le même temps, les anciens de l’AS Moulins, le club qui avait des déficits importants que la mairie ne voulait plus couvrir, montent un autre club dissident, l’Académie de Moulins ! Tandis qu’à l’AS Yzeure, un club bien géré et sain, mais qui a cependant en baisse tous les ans, des gens acceptent, pour le bien du football local, de passer à autre chose, de modifier les statuts en accord avec les deux municipalités, parce que c’était nécessaire, même si la rivalité entre les deux clubs existait. Mais cela a été très mouvementé, sans compter que la Ville de Moulins a laissé un autre club arriver, avec des personnes qui n’ont pas pris la mesure de la chose. Il fallait aller vers un travail main dans la main entre Moulins et Yzeure, même si je leur concède que le dossier a été très mal mené. En fait, le Moulins-Yzeure Foot est mal né. Avec beaucoup d’erreurs dans sa construction. Au début, on jouait deux matchs à Moulins, deux matchs à Yzeure. Même encore aujourd’hui, ils jouent un an à Moulins, un an à Yzeure… Aujourd’hui encore, l’Académie de Moulins fonctionne en autarcie totale. Mais il n’est jamais trop tard pour que ces gens, qui n’ont rien voulu entendre au début, passent à autre chose. Il y a des compétences, il faut les utiliser de la meilleure des manières, mais certains se sont enfermés dans une forme d’égoïsme je pense. Après, personnellement, je suis content du boulot que j’ai fait au Moulins Yzeure Foot, dans un contexte particulier. J’ai essayé au maximum de rassembler, mais on ne peut pas convaincre tout le monde.

Tu es plutôt Moulins ou plutôt Yzeure ?
Je suis les deux très honnêtement ! Pourtant j’étais Yzeurien, et j’étais joueur au moment où la rivalité entre les deux clubs étaient à son apogée, mais il faut regarder l’intérêt du football pour une agglomération et un département. Je suis, du moins, j’étais Moulino-Yzeurien. J’étais le coach de Moulins Yzeure Foot, pas de l’AS Yzeure.

« Je n’ai de grief envers personne »

Photo Le Puy Foot 43

Comment ça s’est passé à la fin ? Tu es viré ou tu n’es pas viré en avril 2023 ?
Lors de ma dernière saison en N2, on a du mal, c’est compliqué sportivement, le budget a baissé, on a perdu 25 % de masse salariale et 8 joueurs, pour 2 arrivées, et en février, je vois mes dirigeants, ils me demandent de trouver des solutions. La première solution que je mets sur la table, c’est de dire que, voilà, le coach fait peut-être partie des solutions. Et puis mon discours, peut-être que… Il y a l’usure du temps aussi. J’apporte quelques éléments de plus, mais mes dirigeants, un peu surpris, ne sont pas dans cette optique là. Un mois et demi après, on perd contre Romorantin, et là, je fais passer le message, par l’intermédiaire d’un de mes dirigeants, que c’est peut-être le moment, qu’il reste 7 matchs, qu’il y a un électrochoc à créer… Parce qu’avec mon président, nos visions s’étaient éloignées, la communication était devenue plus rare… Et puis je ne voyais pas comment je pouvais repartir la saison suivante après ce qui s’était passé, alors qu’il me restait trois mois et un an de contrat. Ils ont entendu mon appel et on s’est séparé d’un commun accord. Dans le respect des intérêts des uns et des autres. Et je n’ai de grief envers personne.

Stéphane Dief, du tac au tac

« On s’attache trop à l’individu, moins au collectif »

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Cela t’a fait quelque chose de jouer et d’éliminer Montpellier, en coupe, cet hiver (4-0) ?
Non, pas spécialement. J’étais content de les rencontrer. J’étais allé voir le staff. Même dans la direction, il y a des gens que je connais, Philippe Delaye, avec qui j’ai joué, Bruno Carotti, le kiné, Ghislain Printant, Jean-Louis Gasset… Ce fut un plaisir de retrouver ces gens-là, parce que ce sont de bonnes personnes. J’étais plus ennuyé de la tournure des événements finalement, même si c’était très valorisant pour nous. Mais je n’avais pas de fierté particulière. J’étais content pour mon équipe mais aussi déçu pour ces personnes que j’ai citées.

Et la saison de Montpellier …
C’est dur, c’est dommage, parce que c’est un club un peu à part pour moi, peut-être aussi qu’il doit se renouveler, adopter une manière de fonctionner un peu différente, chercher d’autres solutions… Quand je regarde les résultats, je regarde toujours ceux de Montpellier.

Un président marquant ?
Je pense que c’est Christophe Gauthier au Puy. Il vaut le détour. C’est un personnage.

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Des rituels, des tocs, des manies de coach avant un match par exemple ?
Avant les matchs, je fais 5 à 6 minutes de cohérence cardiaque, sous forme d’exercice de respiration. Je ne fais pas de sophrologie mais cela peut être une piste à étudier aussi. J’essaie de me tourner vers la préparation mentale, pour avoir les meilleurs ressorts afin d’aborder les matchs le mieux possible, d’activer les meilleurs leviers, d’être connecté de la meilleure des manières à la rencontre, de me préparer aux événements que l’on ne maîtrise pas et que l’on n’attend pas, parce que j’ai besoin de maîtriser mes réactions : joueur, j’étais impulsif, donc forcément, comme entraîneur, ce trait de caractère peut encore ressortir, mais je travaille beaucoup là-dessus. La cohérence cardiaque permet de m’apaiser, de m’ouvrir l’esprit. Je fais ça pendant l’échauffement des joueurs, seul, dans le vestiaire. J’essaie de respirer calmement, j’essaie de visualiser le match, d’imaginer des choses qui peuvent arriver, d’anticiper.

Une devise ?
« Celui qui cesse de vouloir progresser commence déjà à régresser ». Cela me caractérise bien. Tout le monde progresse, tout le monde avance, travaille… Je ne suis jamais trop tranquille, en fait. J’essaie toujours de me projeter, peut-être trop même, mais cela fait partie de ma fonction.

Un style de jeu ?
J’aime avoir la maitrise sur mes matchs, c’est ce que je recherche, je veux une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Mon équipe doit être celle qui impose ses idées, défensivement et aussi avec le ballon. Je ne parle plus trop de possession, on oublie parfois qu’il y a des cages sur un terrain de foot et que l’essentiel c’est de se créer des occasions et d’aller marquer des buts, donc je préfère parler de disponibilité, de joueurs qui prennent leurs responsabilités.

Photo Le Puy Foot 43

Et en termes de système de jeu ?
J’adorais le 4-2-3-1 ou le 4-3-3 aussi, j’aime bien jouer avec un joueur sous l’attaquant ou sous les attaquants, mais cette année, au fil de la saison, on a basculé en 3-5-2, c’était nouveau pour moi, mais après découverte et lecture de mon effectif, et aussi après avoir noté que l’on ne se créait pas assez d’occasions, cela m’a poussé à la réflexion, à jouer à deux attaquants. Je trouvais que l’on avait des joueurs qui répondaient bien à la commande derrière, donc, la défense à 3 et l’attaque à 2 se sont révélés judicieux, avec des latéraux qui pouvaient être des pistons. Même quand je jouais à 4 derrière, dans notre recrutement, avec Olive (Olivier Miannay), je privilégiais des latéraux assez offensifs.

Meilleur souvenir sportif ?
Joueur, la victoire en Gambardella avec Montpellier, en 1996 je crois mais il faut vérifier, je suis nul en dates ! C’était contre Nantes. Comme coach, cette saison dans sa globalité.

Pire souvenir ?
Joueur, ce sont mes blessures, je me suis fait trois fois les ligaments croisés avant mes 22 ans, et coach (il réfléchit), l’élimination en 16e de finale de la coupe cette saison à Dives-Cabourg.

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La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Joueur, c’est la montée en National avec l’AS Yzeure (en 2006). Comme coach, ces deux dernières saisons, que je mets à peu près sur le même pied d’égalité, même si cette saison, ça se termine mieux avec l’accession en National. L’an passé on a vécu aussi des belles choses.

Une erreur de casting dans ta carrière ?
Non. Aucune. Dans mes choix de joueur, j’ai fait Clermont, Montpellier Hérault, Rodez et Yzeure, et coach Vichy, Moulins et Le Puy, globalement je suis resté longtemps partout, sauf à Rodez, où je n’ai fait qu’une seule saison, qui n’est pas un bon souvenir malheureusement, parce qu’on était descendu en National 3. Mais ce n’est pas une erreur de casting.

Un modèle de joueur ?
Michel Platini.

Photo Le Puy Foot 43

C’est en rapport avec le poste que tu occupais sur le terrain ?
Oui, sans doute, car j’étais milieu de terrain de formation et je suis devenu attaquant sur le tard, et Platini, c’était le lien entre le milieu et l’attaque, avec cette capacité à marquer beaucoup de buts. Certainement, cela ressemble un peu à ce que j’étais en tant que joueur, et aussi finalement en tant qu’entraîneur parce que je suis plutôt porté vers l’animation offensive.

Un modèle d’entraîneur ?
J’ai beaucoup apprécié ce qu’a fait Pascal Gastien à Clermont-Ferrand, et en plus, c’est ma ville, là où j’ai grandi, même si je suis né dans le Cantal. J’aime l’entraîneur et l’homme.

Meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
J’ai joué avec certains, mais pas longtemps, à Montpellier. Il y en a eu tellement, Bruno Martini dans les cages, Franck Sauzée, Xavier Gravelaine, Jose Luis Villareal, qui était milieu de terrain (ex-international argentin), Laurent Robert, des vrais joueurs; je n’étais pas dans le groupe pro mais je m’entraînais souvent avec eux et j’ai fait des matchs amicaux aussi. Et j’ai fait un seul banc en Ligue 1, sous les ordres de Jean-Louis Gasset : je peux dire que j’ai effleuré le très haut niveau. En tout cas, j’ai vu ce que c’était.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Il réfléchit). C’est un joueur pétri de qualités techniques mais qui n’a pas fait carrière, malheureusement, c’est Driss Khalid, que j’ai eu à Moulins-Yzeure, formé à Toulouse. Il est à Colomiers aujourd’hui (N3).

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Joël Bouchoucha. On a joué ensemble à Yzeure. Il jouait à droite et je jouais tantôt en soutien de l’attaquant, tantôt attaquant, et il m’a fait souvent marqué, je l’ai souvent lancé en profondeur aussi.

Photo Le Puy Foot 43

Pourquoi as-tu choisi d’être entraîneur ?
J’ai toujours été intéressé par le jeu et les options collectives, et la richesse de ce sport; comparé aux autres disciplines, par exemple, le jeu ne s’arrête jamais, alors qu’il y a beaucoup de sports collectifs où les départs d’actions se font sur des phases arrêtés; au hand, soit on attaque, soit on défend, il y a très peu de jeu de possession, très peu de jeu au milieu, pareil au basket… J’ai toujours aimé la richesse et la complexité du foot avec son côté multi-directionnel, et où il faut, par son style, par une manière de faire, apporter son influence sur le jeu. Quand j’étais joueur, j’avais cette capacité à beaucoup parler aussi sur le terrain, à « diriger » mes joueurs à côté de moi, mon environnement, j’avais une forme de leadership.

Tu étais capitaine dans tes équipes ?
Non. Je l’ai été, mais pas de manière constante, pour la simple et bonne raison que j’étais aussi impulsif, trop dans les émotions. Donc j’étais plutôt vice-capitaine. Après, j’ai toujours eu besoin quand j’étais joueur, à tort ou à raison je ne sais pas, d’être comme ça… Un match qui s’enflammait, moi, ça ne m’a jamais rendu moins bon. J’aimais bien ce côté « adversité », un peu poussée à l’extrême. Cela sollicitait des choses en moins, je pouvais aller chercher des ressources encore plus profond. Comme entraîneur, j’essaie de m’en écarter. Il faut rester connecté, avoir la tête assez froide pour rester dans l’analyse. Et il y a une forme d’exemplarité à avoir, de calme, qui est moins obligatoire comme joueur.

Te souviens-tu de la première fois que tu as entraîné en seniors ?
Non parce que j’étais entraîneur-joueur à Vichy, donc je n’ai pas commencé sur le banc.

Photo Le Puy Foot 43

Un entraîneur qui t’a marqué ?
Alain Ollier, qui m’a fait jouer en National 2 au Clermont Foot quand j’avais 17 ans, avant que je parte à Montpellier 5 ans, qui était vraiment un bon entraîneur; après, il s’est occupé du pole espoirs à Vichy. Et aussi, dans un style radicalement opposé, Mama Ouattara, mon formateur à Montpellier : il était extrêmement dur sur le terrain. Même psychologiquement, avec lui, il fallait s’accrocher. En revanche, sur l’aspect tactique, on travaillait énormément, il m’a éveillé à cette culture du collectif. Or je trouve que cette culture est devenue trop rare aujourd’hui dans les centres de formation, où l’on s’attache trop à l’individu. Nous, à Montpellier, la culture collective et « LE » match étaient importants. Et Jean-Louis Gasset aussi. Une éloquence, un charisme.

Tu étais un joueur plutôt comment ?
Technique, finisseur et pénible.

Tu es un coach plutôt … en trois adjectifs ?
Rigoureux, bienveillant et juste.

Ton match référence avec toi sur le banc ?
J’ai du mal à en sortir un, parce qu’il y a toujours des moments dans un match qui ne me conviennent pas.

Et ton pire match avec toi sur le banc ?
Ah il y en a ! Je dirais en coupe de France, avec Moulins-Yzeure, quand on est éliminé à Cournon-d’Auvergne, un match catastrophique… On mène rapidement 1 à 0 à la 5e, ils égalisent à la 88e ou 89e, mais entre la 5e et la 89e, c’est indigent.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Le Puy Foot 43 Auvergne
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Cinq ans après avoir injustement été privé d’accession en National 2 avec Hauts Lyonnais, le coach de 42 ans a finalement réussi avec le FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier, un autre club du Rhône, qu’il quitte pourtant dès la fin de saison.

Photo 13HF

C’était quelques jours avant l’officialisation de la montée en National 2 de son équipe, le FC Limonest-Saint-Didier. C’était aussi quelques jours avant l’annonce faite par son club : « Le FCLSD annonce le départ de son entraîneur principal, Romain Reynaud… »

Quand nous avons rencontré Romain à Lyon, la montée n’était certes qu’une question de jours… Son départ, en revanche, n’était pas dans les tuyaux : « On avait discuté d’une éventuelle prolongation (…), voilà, je ne suis plus en adéquation avec le club (…) C’est la fin d’une histoire exceptionnelle. On attendait des équipes comme Bourgoin, Mâcon, Thonon-Evian ou Lyon-Duchère, et finalement, c’est nous qui montons, c’est magnifique », expliquait en début de semaine, sans rentrer dans les détails, Romain Reynaud, désormais sur le marché.

Formé à « Sainté »

Né le 2 mars 1983 à Saint-Étienne, Romain Reynaud (42 ans) aurait pu vivre le rêve de tout footballeur : passer professionnel au sein de son club formateur, l’AS Saint-Etienne, et jouer dans le mythique « Chaudron ». Sauf que rien ne se passe comme prévu : une grave blessure va stopper son élan et le contraindre à prendre un autre virage.

Défenseur central, c’est ensuite au SC Schiltigheim, à l’AS Yzeure, au Vannes OC, à Arles Avignon, à La Berrichonne de Châteauroux et au KV Courtrai qu’il va construire son parcours de joueur. Jusqu’à connaître la Ligue 1… sans vraiment pouvoir y prendre goût.

Au bord du rectangle vert qu’il aura quitté en 2018 après une dernière expérience à Andrézieux, Romain Reynaud vit un début de reconversion plutôt réussi. A Hauts Lyonnais, regroupement de cinq communes (environ 8000 habitants), il fait monter le club de Régional 1 en National 3 avant d’être « injustement » stoppé dans son élan par la Covid-19, victime d’un règlement fédéral pondu pour l’occasion (quand les championnats se sont arrêtés, Hauts Lyonnais était en tête de sa poule au bénéfice de la meilleure attaque devant Rumilly-Vallières, qui avait le même nombre de points, mais la FFF a finalement favorisé l’équipe ayant disputé le plus de matchs à l’extérieur).

Des déceptions certes, mais des « joies » aussi comme il le mentionne souvent. A Limonest, « RR », arrivé en janvier 2023, a repris un groupe fragile, au bord de la descente il y a deux ans et demi. Depuis, le FC Limonest Saint Didier, club situé dans les Monts d’Or, a bien redressé la barre au point de décrocher sa montée en National 2, un « National bis » comme il le décrit.
Pendant près d’une heure, Romain a déroulé le fil de sa carrière de joueur et évoqué celle qu’il a commencée il y a 7 ans, sur un banc, à Hauts-Lyonnais.

Interview :

« On a un truc en plus quand on vient du monde amateur »

Visuel FCLDSD

Romain, nous sommes en 2018, tu effectues tes débuts d’entraîneur…
Je suis revenu en 2017 en France pour finir ma carrière à Andrézieux (N2). Il n’y avait pas que ça puisque c’était Romain Revelli l’entraîneur, qui m’avait lui-même fait passer mes diplômes. Romain me dit « viens finir » et tu me suis sur le banc; ça me permettait de me former encore. La première année s’est bien passée en tant que joueur. Ça s’est bien passé pour moi, moins pour lui avec la direction. Il a fini par partir et le club a changé d’entraîneur. J’arrivais au bout de mon parcours, je prenais moins de plaisir à venir à l’entraînement et je me suis toujours dit que si je venais à l’entraînement à reculons, ça « puait » la fin.

C’est là qu’arrive l’opportunité Hauts Lyonnais !
Effectivement, la vie fait que le club arrête avec leur entraîneur, et le président, Bruno Lacand, m’appelle. Mon frère, Florent, qui est équipementier (SportAvenue), travaille d’ailleurs avec lui. Du coup, c’était un vendredi et il m’explique qu’il veut que je coache le club. Je lui réponds que je n’ai pas d’expérience. Il me dit « Ce n’est pas grave, mais il me faut ta réponse avant dimanche ». J’étais encore joueur et quand j’ai raccroché, je savais que j’allais dire oui. Je lui réponds que je viens voir le match de dimanche à Pomeys contre Côte Chaude et je prendrai ma décision ensuite. Je vais voir le match et je lui ai dit « allez, j’y vais ».

Avais-tu posé une réflexion sur tes débuts en tant qu’entraîneur ?
En fait, je ne me suis rien dit. C’est cette opportunité qui a fait que. Partout où je suis passé, j’ai essayé de donner un p’tit coup de main car mon fils a commencé à jouer. Mon père aussi m’a beaucoup accompagné. Par contre, je ne pense pas que j’aurais pu être éducateur chez les jeunes. Je n’ai jamais pensé au cursus U14, U16… J’ai juste saisi cette opportunité.

La cohabitation avec les Lyonnais s’est donc faite naturellement ?
Hauts Lyonnais, c’est vraiment à la limite avec la Loire, donc il y a quasiment autant de Stéphanois que de Lyonnais. Après, moi, je n’ai pas de problème avec ça. J’aime la ville de Lyon, ma femme est d’ici, je n’ai jamais pensé à ça surtout quand on est entouré de gars intelligents, compréhensifs. Je n’ai jamais montré de signe de supporter « pur stéphanois », que je ne suis pas d’ailleurs ! Après, il y a du « chambrage » mais c’est dans la rigolade. Par exemple, Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest, venait aux entrainements avec un maillot de l’OL. J’ai demandé au président de lui donner des équipements du club (sourires). À Limonest, la deuxième couleur du gardien, c’est le vert, et ils ont un peu du mal avec ça… Mais je suis contre ces « guéguerres ». La différence sociale entre les deux villes existe mais c’est du sport, on est là pour kiffer quoi. Si Lyon va en Ligue des Champions, je serai pour eux !

« Cette montée en N2 avec Hauts Lyonnais, on nous l’a volée »

Photo FCLDSD

Tu as vécu des bons moments à Hauts Lyonnais avec une montée en N3 puis des moins bons avec cette « non accession » en N2 à l’époque du Covid. Est-ce que la plaie est refermée pour le club, pour toi ?
Pour le club je ne sais pas. Pour le président Bruno Lacand qui s’investit énormément, avec ses moyens persos, je pense que ça a été plus compliqué. Moi, j’ai eu du mal mais je me devais de la refermer rapidement. Il faut penser à la saison d’après et je suis un peu la tête de gondole du truc. Si je vis dans la revanche, ce n’est pas bon. Par contre, intérieurement, je l’ai mal vécu, vraiment. Le travail qu’on fait au quotidien, personne ne le voit. Entraîneur, c’est un super-métier. Le temps de travail effectif n’est pas ouf mais c’est 365 jours dans l’année, 24 heures sur 24. J’aimerais arriver à déconnecter mais je n’y arrive pas et j’ai vécu cet épisode comme une trahison. J’ai connu le monde pro, je sais qu’il y a des conflits d’intérêt mais je ne pensais pas en amateur. Et cette montée, on nous l’a volée. Certes la saison n’est pas arrivée à son terme, on s’est arrêté avant parce qu’il y a eu la Covid. Mais à l’instant T, c’est nous qui méritions de monter. Inventer une règle pour favoriser un club (GFA Rumilly Vallières) qui a un intérêt particulier avec les instances, je trouve ça moche… J’ai des joueurs qui ont arrêté sur ça.

Quelles sont les conséquences pour un club qui fait avec ses « moyens » ?
Pour être honnête, c’était trop tôt pour qu’on monte en National 2. On n’avait pas le stade et on aurait dû être délocalisé sur Tassin. Je pense que ça n’aurait pas été cool pour les supporters de jouer à 40 minutes du stade par exemple. C’était un mal pour un bien même si je pense que mon président ne l’aurait pas entendu de cette oreille. On a vécu avec et vite switché sur autre chose.

« J’aime la cohésion, la force collective »

Malgré cet événement, quelle philosophie avais-tu mis en place au niveau du jeu ?
Quand j’ai réuni pour la première fois mes joueurs, je me suis dit que j’allais « faire avec ». Je n’avais pas de plan précis, de schéma… Je me suis toujours dit que j’allais prendre de chaque entraîneur que j’ai eu, de mon expérience personnelle aussi. Ce que j’ai inculqué, c’est la proximité avec mes joueurs, la confiance et l’amour que je peux leur donner ; j’adore le PSG de cette année, pas celui de l’année dernière. C’est onze mecs qui vont dans le même sens. Le côté cohésion, la force collective.

Et aujourd’hui, à Limonest ?
À Limonest, j’ai pu mettre en place un groupe avec mes convictions, avec des joueurs que je voulais, qui me ressemblent. L’objectif que je leur ai donné en début de saison, ce n’est pas de finir premier, c’est d’avoir la meilleure défense. Et comment on fait pour y arriver ? On ne se met pas tous devant la cage, mais on défend tous ensemble, du numéro 9 au latéral droit. Et on attaque tous ensemble. J’aime le foot, quand c’est beaucoup. Mais si on n’était là que pour frapper au but… C’est une chance d’avoir des joueurs qui savent dribbler, il faut en profiter. J’essaye de laisser à mon groupe un maximum de liberté offensivement mais défensivement, non, il n’y aucune liberté. Le rôle de l’entraîneur sera toujours d’essayer de faciliter le truc à ses joueurs… à condition qu’ils aient envie de jouer !

Quel regard poses-tu sur la région Rhône Alpes, où plusieurs clubs travaillent très bien avec un niveau relevé ?
Ils ont nivelé par le bas en enlevant des poules. Je n’ai pas d’exemple en particulier, ni l’image d’un club en tête… Je suis très curieux de tout. J’ai mes convictions à moi, pas ma vérité parce que dans le foot, il n’y en a pas. Par contre, quand on voit l’image qu’ont donné Espaly et Bourgoin-Jallieu cette saison en Coupe de France, c’est génial pour notre poule Auvergne-Rhône Alpes. Mais c’est aussi des contextes différents. Il n’y a qu’à regarder chez nous. On est la seule équipe du Top 6 à s’entraîner quatre fois par semaine le soir, pendant que les autres s’entraînent le matin. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! J’ai un groupe de 24 joueurs, dont 6 jeunes.

« A Limonest, j’ai construit une équipe de moches ! »

Photo FCLDSD

Tu découvres finalement un environnement structuré. Est-ce que ça facilite ton travail ?
C’est pour ça que je suis venu au FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier. Hauts-Lyonnais, c’est un club jeune qui bosse super bien, on a touché du doigt l’accession à un niveau historique mais je voulais aller dans un club qui était prêt à monter, que ce soit au niveau des infrastructures, des moyens humains aussi. Je pense qu’ils font le travail d’anticipation de la montée en N2 en coulisses… comme on a pu le faire à Hauts-Lyonnais. Dans le foot, on voit beaucoup de coachs qui sont managers généraux, directeurs techniques. Je suis incapable de faire ce qu’a fait l’ancien coach de Limonest chez les jeunes. Je laisse faire ceux qui ont les compétences pour faire ces choses-là et je me focalise sur mon groupe. Je suis arrivé il y a deux saisons et demi pour sauver le club tout en apprenant à le découvrir, avec ses spécificités. J’ai construit une équipe à mon image, une équipe de « moches » (sourires) comme je l’avais imaginé. Des « lâche-rien », des mecs qui ont envie de se battre… même s’il y en a qui ne sont pas contents parce qu’ils se trouvent beaux (rires).

Le club peut perdurer en National 2 ?
Oui, je pense qu’il peut. Il faut qu’il se donne les moyens de le faire. Il y a tout pour en tout cas !

Personnellement, comment tu anticipes les choses ?
Je suis resté focalisé sur la montée. Je ne me fixe pas de limites en tant qu’entraîneur. Bien sûr que j’ai envie d’entraîner plus haut. Entraîner en National 2, peut-être repartir en N3 avec un gros projet… Je ne suis pas carriériste, j’ai fait plein de choix dans ma carrière de joueur, juste parce que je pensais que c’étaient les bons. J’ai envie de prendre du plaisir comme celui que je prends cette année avec mes joueurs. Parce que ce sont mes joueurs pendant un an. Depuis le début de saison, le fil rouge de ma causerie, c’est de trouver un titre pour chaque match, comme on fait pour des chapitres différents. Ce que je retiens à 42 ans, ce sont les aventures humaines. Il n’y a que le sport qui fait ça. Je kiffe mes joueurs parce qu’on a créé quelque chose.

Comment tu imagines la suite ?
J’ai le projet de finir de passer mes diplômes. Il ne m’en manque plus qu’un (le BEPF, qui permet d’entraîner en National, L2 et L1) et je veux le passer. Par contre, ma position dans un staff, je ne la définis pas encore. Je pense que j’aurais un peu plus de mal à être adjoint par exemple. Mes qualités iraient avec un adjoint de Ligue 1, je pense que ça pourrait le faire. Je me vois plus dans un rôle de numéro 1.

Est-ce que le parcours d’un coach comme Christophe Pélissier t’inspire ?
Beaucoup, oui ! Il a vécu la même injustice avec Luzenac. Quand je me suis blessé à Saint-Etienne, je le répète, c’est quelque chose qui m’a servi. Pour découvrir le milieu amateur notamment. Quand on a fait une carrière pro et qu’on a connu le monde amateur, c’est une force. Tous les détails, l’organisation, etc. Je veux le professionnaliser à 100%. Le mercredi, je fais des pots. Les joueurs me demandaient s’ils pouvaient ramener une bière… bien sûr qu’ils peuvent. Je trouve qu’on a un truc en plus quand on vient du monde amateur. Le côté pro, c’est bien, mais le milieu amateur, c’est bien aussi.

Romain Reynaud, du tac au tac

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Meilleur souvenir sportif ?
Je pense que c’est la montée en Ligue 1 avec Arles Avignon même si je garde aussi en tête celle avec Vannes (de National en Ligue 2). Vannes, c’était plus le côté humain, l’ambiance qu’on avait au sein du groupe, quelque chose que je retrouve aujourd’hui avec mes joueurs en tant qu’entraîneur. Les deux montées, c’était quelque chose de marquant.

Pire souvenir sportif ?
Ma grave blessure à Saint-Etienne alors que je devais signer professionnel. On ne savait pas ce que j’avais, on m’a dit que c’était fini pour le haut niveau. Souvent, on me dit « tu n’as pas eu de chance à Sainté » mais finalement, c’est aussi une chance parce que cette blessure m’a construit. Elle a fait qui je suis. Je ne pense pas que j’aurais fait cette carrière sinon. Sur le moment, ça a été dur. Par contre, le souvenir le plus délicat, c’est quand Vannes a voulu arrêter avec moi alors que j’avais fait une grosse saison quand on est monté en Ligue 2. J’avais été élu meilleur joueur de National, on avait un groupe tellement génial.

As-tu marqué des buts décisifs ?
En tant que défenseur, ce n’était pas ma qualité première mais dans les années importantes, j’en ai mis quelques-uns, oui ! 4 à Arles, 3 à Vannes, 3 en Belgique aussi. Je crois que j’en ai mis une vingtaine en tout ! (sourires).

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Le poste de défenseur, c’était par rapport à mes qualités. Pourtant à mes débuts, j’ai commencé attaquant. Puis j’ai reculé, reculé (sourires). Je n’ai jamais voulu être footballeur, pro en tout cas ! J’ai suivi mon frère, mon père dans leur cursus footballistique. Je me suis pris au jeu. Saint-Etienne m’a appelé. Mon père a beaucoup hésité parce qu’il travaillait à l’usine. Les semaines où il travaillait l’après-midi, il ne pouvait pas m’amener. Et puis, au fur et à mesure, j’ai gravi les échelons. Après l’ASSE, je suis reparti en National 2 avec Schiltigheim et je n’avais pas de plan de carrière. J’ai toujours pris ça comme un plaisir, un kiffe, et mes parents étaient vachement détachés de ça.

Premier match professionnel ?
Mon premier match pro avec l’étiquette professionnelle, c’est sous les couleurs de Libourne en National. Mais pour moi, mon premier match pro, c’est sous les couleurs d’Arles-Avignon au premier tour de Coupe de la Ligue. On va à Laval et on en prend 5 (25 juillet 2009, élimination 5 à 0). Par la suite, tout le monde était persuadé qu’on allait passer une année galère en Ligue 2 mais finalement on a réussi à faire taire les détracteurs. D’ailleurs, j’ai encore le maillot qu’on avait porté ce jour-là avec le trophée de la Coupe de la Ligue sur l’épaule.

« La technique, ce n’est pas le dribble »

Un geste technique préféré ?
Pour moi, la technique, ce n’est pas le dribble. C’est la technique de passe. J’avais un très bon jeu long et pour moi, c’est ça le plus beau geste technique. Je prends énormément de plaisir à être à deux et faire des passes. Même aujourd’hui, j’emmerde beaucoup mes joueurs avec ça car il y a une différence entre une bonne passe et une très bonne passe.

Combien de cartons rouges ?
J’en ai pris 4. Le premier, je m’en souviens très bien parce que c’était avec Schiltigheim et c’est Clément Turpin, qui commençait, qui me l’avait mis; on jouait contre la réserve de l’OL sur le terrain numéro 10. A la fin, il vient me voir et me dit « Je suis obligé de vous le mettre, vous êtes dernier défenseur ». Il avait raison.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas… Je pense que j’aurais travaillé dans le social. Je suis quelqu’un qui aime les gens, l’humain. Des fois, je suis un peu outré par ce qu’il se passe dans le monde. J’ai envie d’aider.

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Sur le terrain, joueur, tes qualités et tes défauts ?
Sur le terrain, je pense que ma qualité première, c’est que j’étais le « coéquipier idéal », je pouvais aller à la guerre pour les autres, je ne lâchais jamais rien. Mon défaut, c’était la vitesse, je n’allais pas vite mais ça m’a permis de développer d’autres choses, comme ma faculté à anticiper, à prendre l’info.

Qualités et défauts dans la vie ?
Je suis quelqu’un de gentil. Mes défauts, je suis quelqu’un de gentil aussi (sourires). Malgré le milieu dans lequel j’évolue depuis des années, je n’ai pas envie de changer. Et pourtant, j’ai vécu beaucoup de peines et de joies. Je prends à cœur les choses.
La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
A Vannes, surtout que cela coïncide avec l’arrivée de mon fils en fin de saison. On monte longtemps avant la fin du championnat, on était une bande de potes, ça se voyait sur le terrain. Souvent je l’ai dit, je souhaite à tout le monde de vivre une saison comme ça.

As-tu fait une erreur de casting dans tes choix ?
Un jour, mon meilleur ami m’a dit, quand j’avais plusieurs choix de clubs, qu’il y en avait toujours un, tu ne sais pas pourquoi, au fond de ton cœur, c’est celui-là que tu dois choisir. Donc je n’ai pas de regrets au niveau de mes choix car je n’ai jamais raisonné en termes d’argent. Le seul regret, c’est de ne pas avoir joué en Ligue 1 ici en France et de ne pas avoir accepté l’offre d’un an à Arles-Avignon. Car je pense que j’aurais joué.

« Saint-Etienne, c’est mon ADN »

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Est-ce que tu as rêvé d’un club ?
A un moment donné, j’étais à un doigt de signer à Lens. Tout avait été fait, le contrat était en passe d’être signé mais c’est un changement d’entraîneur qui a fait que ça n’a pas pu se faire. Après, mon club de cœur, c’est Saint-Etienne ! J’aurais aimé jouer dans ce stade donc je ne me ferme pas à l’idée d’un jour coacher dans ce stade. Ce n’est pas un manque d’humilité, c’est ma ville, il y a quelque chose qui se dégage dans ce stade. C’est moi, mon ADN.

Un stade, un club mythique ?
Geoffrey Guichard, évidemment. Mais il y avait Manchester United et Cantona. Le Barça de la grande époque aussi.

Un coéquipier marquant ?
J’en ai plusieurs qui m’ont marqué. Il y a Kaba Diawara quand on était à Arles, il y avait une grosse différence d’âge et il m’a marqué par son investissement, l’apport qu’il nous a amené en faisant le lien entre les cultures, les différentes générations. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui. Au niveau footballistique, j’ai eu la chance de jouer en Belgique avec Leandro Trossard (Arsenal) et niveau footballistique, c’était quelque chose.

Un joueur adverse qui t’a impressionné ?
Mishy Batshuayi quand il était au Standard, il était dans un état de grâce ce jour-là et j’ai eu un peu de mal. J’ai eu de la chance de souvent jouer contre Olivier Giroud quand il était à Istres puis à Tours… et il est casse-couilles (sourires).

Un coéquipier perdu de vue ?
Il y en a plein ! J’ai souvent en appel, par messages, mes anciens coéquipiers. J’aurais bien aimé revoir Christopher Maboulou, mais il est décédé depuis… C’est un gamin que j’ai vu évoluer à Châteauroux. Il a fait ses premiers matchs en pro avec nous. C’était un jeune et il devrait être encore là.

Un dirigeant qui t’a marqué ?
Président ou directeur sportif non. J’ai toujours une relation particulière avec les bénévoles, un grand respect pour ces gens-là. Ils sont là avant nous, après nous, ils lavent notre linge. Et leur seul salaire, c’est notre sourire le jour du match. J’ai une relation encore plus particulière avec mon président de Hauts Lyonnais.

Une causerie de coach ?
Les causeries les plus exceptionnelles, c’est celles que j’ai vécues avec Michel Estevan à Arles. Je peux dire que j’ai eu la chance de le connaître. Il est différent. Tactiquement, on peut penser ce qu’on veut. Mais ses causeries, le personnage… Il allait sur des trucs… Je ne me suis jamais embêté en l’écoutant. Je ne m’attendais jamais à une causerie classique avec Michel Estevan parce qu’il était toujours là à nous surprendre. Il nous a certainement menti mais il ne « cachait » pas. Le lundi, il nous disait qu’il allait à la chasse ou jouer à la pétanque… Il allait voir les courses camarguaises aussi pendant les férias… alors qu’on était en Ligue 2 ! Aujourd’hui, tu fais ça, tu te fais scalper (rires). Je suis persuadé que l’accent du sud donne un truc en plus. Je regarde souvent les causeries de Christophe Urios, le coach de Clermont en rugby. Mais Michel Estevan, c’était fou. Il nous amenait, il nous prenait là et il nous faisait gagner 20% de notre performance dans ce qu’il nous disait. Il est inégalable à ce niveau.

Une consigne de coach jamais comprise ?
Il y a un coach en Belgique, Jacky Mathijssen, avec qui je ne me suis jamais entendu, et pourtant j’étais capitaine. Il était Flamand, il avait un côté identitaire à la Belgique, il n’aimait pas les Français et je n’ai vraiment pas passé une bonne année.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
(Rires). J’en ai plein mais j’en ai une à Arles oui. Il y a prescription mais c’est du Estevan (rires). La veille de notre dernier match en L2, qui était une finale puisqu’on était 3es, Clermont 4e et Metz 5e, il voulait « dédramatiser » l’enjeu… et il a fait venir une stripteaseuse la veille à l’hôtel (sourires). Il nous connaissait, il n y a rien eu, elle nous a juste fait un show qui n’a pas fini à poil d’ailleurs ! Mais dans ma tête, je me suis dit « Il est fou, c’est le match de la montée en Ligue 1 », là, tu te dis « Mais s’il se plante ? ». C’était « couillu » quand même (rires). Je pense qu’Estevan n’avait pas peur de se tromper et ce jour-là, il n’a pas eu peur.

Le plus connu de ton répertoire ?
Je suis en relation avec Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest et qui anime les spécifiques attaquants. Il y a Kaba (Diawara), Andre Ayew aussi…

Un stade qui t’a procuré une émotion particulière ?
J’en ai deux. Au Standard de Liège avec Courtrai. Il y a une grosse grosse ambiance. En plus, sur le premier duel, je tacle un peu leur attaquant et après ils me prennent un peu en grippe. Donc quand même, ambiance un peu particulière. La plus belle ambiance en tant que joueur, je dirais que c’est à Lens en Ligue 2. Pour la petite anecdote, à la mi-temps, ils chantent les Corons. On est rentré un peu avant et moi comme un con, je chantais (rires). Il y avait des jardiniers qui regardaient mes coéquipiers en se disant « mais il est fou votre pote ? ». Je kiffais mon moment, le stade était plein parce qu’ils avaient fait une opération place gratuite.

Des rituels, tocs, manies ?
J’en avais plein oui ! En tant que joueur, j’avais ma paire de chaussettes qui était coupée donc je mettais mon protège tibia avec le strap que j’enroulais avec mon maillot le temps de l’échauffement. Je le mettais toujours au même endroit, sous mon siège. J’ai joué longtemps pas avec le même caleçon ! (sourires)

Une devise, un dicton ?
Sur ma manière de manager, je dirais « une main de fer dans un gant de velours » parce que j’ai toujours voulu être comme ça. Dans la vie de tous les jours, je dirais « kiffe » !

Des passions en dehors du foot ?
Ouais ! On joue au padel un petit peu. Je suis un bon vivant, j’aime bien manger, les plaisirs de la vie. Mes enfants aussi, ceux de ma femme aussi. La famille.

Une couleur ?
J’aime bien le vert (sourires) !

Un animal ?
J’aime bien les chevaux. Je ne suis pas très animal de compagnie mais le cheval, je le trouve classe.

Un chiffre ?
Le 6. Il m’a toujours suivi, j’ai toujours aimé ce numéro en tant que joueur et mon premier fils est né le 6.

Une chanson ?
J’ai eu la chance de connaitre Renaud à Arles donc j’aime bien ses chansons. Actuellement, je passe beaucoup du Grand Corps Malade à mes joueurs et notamment la chanson « Ensemble », parce que c’est des valeurs que je veux leur inculquer.

Un film ?
La ligne verte.

Une ville, un pays ?
En France, on a un super pays. Grâce au foot, j’ai pu vivre dans beaucoup de régions en France. Depuis que j’ai rencontré ma femme, elle m’a fait découvrir le Portugal. Le village où on va très souvent est un des seuls endroits où j’arrive à me déconnecter complètement. Pourtant, il n’y a rien, c’est tout petit mais on s’y sent bien. Je ne pense à rien d’autre.

Un endroit ? Lyon, Saint-Etienne ?
Mon village natal, à Saint-Cyr-les-Vignes ! C’est mon village, là où j’ai grandi, je me sens bien là-bas parce que c’est la campagne. Là-bas, j’ai toujours été le petit Romain. Il y a un endroit aussi à Saint-Didier où on voit tout Lyon, c’est agréable aussi.

Tu étais un joueur plutôt…
Efficace.

Un modèle de joueur ?
J’ai adoré Puyol à Barcelone, Ramos aussi, Cannavaro… ces trois joueurs, à ce poste, je pense que ce sont les trois meilleurs. Au-delà de leurs qualités de joueurs, c’est leur caractère.

Une idole de jeunesse ?
Cantona.

Match de légende ?
Il y a la Remontada de Barcelone contre Paris et Liverpool contre Milan en finale de la Ligue des Champions. En tant que français, la première finale de Coupe du monde en 98. Je me souviens où j’étais, avec qui j’ai regardé ce match… j’avais eu la chance de voir Marseille en finale de Ligue des champions en 1993.

Ta plus grande fierté ?
Mes enfants forcément. Dans le foot, c’est d’avoir relancé et fait évoluer des joueurs, de les avoir pris à un niveau et de les avoir accompagner psychologiquement et mentalement, de voir où ils en sont aujourd’hui. Quand on a la chance de prendre un joueur et de voir qu’on lui a permis d’en arriver « là »…

  • Texte : Joël PENET
  • Photos : 13heuresfoot et FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier
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Des trois clubs promus en National, seul le FC Fleury 91 n’a jamais connu cet échelon, qui sera amené à être remplacé par une Ligue 3 en 2026. Pour Le Puy Foot et le Stade Briochin, descendus ensemble en N2 en 2023, victimes de la réforme, ce retour s’accompagne de belles promesses.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Photos 13HF (sauf mentions spéciales)

C’est comme si les trois clubs s’étaient donné le mot. Comme s’ils avaient décidé de la date et de l’heure de la célébration. Celle de l’accession en National. Rendez-vous samedi 3 mai à 20 heures ! Pour le FC Fleury 91, la montée était tout de même un peu plus attendue que pour Le Puy Foot 43 et le Stade Briochin, les trois heureux élus pour le National 2025-2026. Avec 9 points d’avance sur son dauphin, le FC 93 Bobigny, et encore 9 points à distribuer, il ne fallait pas être un grand mathématicien pour comprendre que ça allait le faire pour les joueurs de David Vignes, impressionnants de régularité tout au long de la saison. On fait le point sur les trois promus en National !

Fleury au paradis !

Samedi soir, à Fleury, dans le petit stade Walter-Felder, champêtre et convivial, un peu plus d’un millier de supporters s’étaient rassemblés, dans la tribune et autour de la main courante, pour assister au sacre tant attendu des joueurs de Pascal Bovis, l’emblématique président du club.

À défaut de gâteau (le spectacle et la victoire), ils ont eu la cerise (l’accession) ! Les coéquipiers de Clément Badin sont passés au travers de leur match, perdu 2-1 face à Feignies-Aulnoye, mais le résultat est ailleurs : la défaite de Bobigny à Beauvais (3-2) a suffi au bonheur de tout un peuple rouge et noir, les couleurs préférés du président, fan du Milan AC et de l’OGC Nice.

David Vignes, 7 ans après !

David Vignes, le coach, va retrouver le National, qu’il avait quitté à Pau en 2018. Photo FCF91

Après une poignée de main un peu tendue avec Krzysztof Ziecik, son homologue de Feignies, David Vignes, le coach de Fleury, a ensuite fait comme tout le monde : il est resté debout, devant son banc de touche, encore un peu agacé par la défaite. Et puis il a suivi l’évolution du score à Beauvais. « Ils ne vont quand même pas marquer deux buts à la 96e et la 98e » a lancé un supporter au sujet de Bobigny, qui venait juste de réduire la marque à la 90e (3-2).

Et puis, la nouvelle est tombée. Beauvais a battu « Boboche ». Et David Vignes a étreint son staff, enlacé ses joueurs et son président. Il a savouré son bonheur. Et mesuré le chemin parcouru. Automatiquement reconduit en cas de montée, Vignes le Bayonnais (c’est sans doute pour cela que l’on a eu droit à l’hymne de l’Aviron Bayonnais pendant l’échauffement avant le match !), mais Palois d’adoption, va donc retrouver ce championnat National qu’il avait déjà connu deux fois avec son club de coeur, le Pau FC, à la fin des années 2000 et dans les années 2010.

Son dernier passage à ce niveau, lors de la saison 2017-2018, deux ans après avoir fait remonter le club, reste un souvenir douloureux. A l’époque, malgré l’assurance de son président, Bernard Laporte-Frey, de repartir pour un tour, ce dernier avait finalement changé d’avis. Et décidé de ne pas conserver l’enfant du club. Une cicatrice jamais vraiment refermée même si le temps a fait son oeuvre, et que d’autres clubs ont depuis garni son CV, Bergerac (N2), Bruges (D1 Belge, adjoint) et Mandel United (N1 Belge). Rien n’a jamais été simple pour ce tacticien qui entend croquer à fond dans le National l’an prochain, le dernier sous son format actuel avant le lancement de la Ligue 3 en 2026.

Bovis : « Je préfère le scénario de cette saison ! »

Pascal Bovis, un président discret et heureux.

Croquer dans la pomme, Pascal Bovis, le président, entend lui aussi le faire, mais pas seulement : « On ne monte pas pour redescendre dans un an, prévient-il. » Pour ce chef d’entreprise passionné, respecté et écouté, l’attente a également pu sembler longue – l’accession est passée sous le nez lors des trois dernières saisons – mais elle n’est rien à côté des 36 années de présidence au club : « On n’est pas monté l’an passé mais en même temps, c’est peut-être mieux de ne pas arriver comme ça, en National… Je préfère sincèrement le scénario de cette saison. »

Casquette visée sur le crâne et t-shirt à l’effigie du club, Pascal Bovis est resté un long moment sur la pelouse, un peu en retrait, au milieu de la foule, comme pour mieux savourer cet instant magique. L’homme, discret, n’est pas du genre à se mettre en avant. Puis il a été sommé par le speaker de monter sur le podium pour rejoindre les joueurs et le staff, alors il s’est exécuté.

Aujourd’hui, le patron du groupe éponyme, une boîte familiale fondée par son père en 1977, spécialisée dans les transferts et déménagements industriels ainsi que la manutention lourde, mesure le chemin parcouru. Son club entre dans le grand monde : « Quand je suis arrivé, le club était au plus bas niveau. En 4e division de District. Et à l’époque, il y avait aussi la Promotion de 3e division, puis la 3e division de District, puis le Promotion de 2e division, etc ! Cela doit faire 15 montées je crois ! On a une histoire qui ressemble un peu à celle de Chambly ». Elle lui ressemble tellement d’ailleurs que même le petit stade Felder, au complexe sportif Auguste-Gentelet, ressemble à l’ancien stade des Marais du FCCO (en un peu mieux !), celui qui a laissé place au nouveau (et très envié) stade Walter-Luzi.

Au stade Bobin, à Bondoufle, l’an prochain ?

Le Stade Walter-Felder était bien rempli pour le match de la montée.

Bien sûr, il reste encore deux journées de championnat (à Bobigny le 10 mai et contre Haguenau le 17 mai) pour décrocher le titre de champion de N2, mais les dirigeants peuvent déjà se pencher sur le prochain exercice qui n’aura rien à voir tant le fossé est énorme entre le National (10 clubs professionnels sur 17 cette saison) et le National 2.

Et les chantiers sont nombreux, on pense au budget – « On aura le plus petit budget de National » et au stade : « Les dirigeants résonnent dans le temps long, les joueurs, eux, sont dans le présent, et c’est normal, poursuit Bovis, qui avoue n’avoir jamais douté cette saison, « hormis aujourd’hui (samedi face à Feignies). Même quand on a perdu contre Bobigny chez nous en janvier, je n’étais pas inquiet, parce que ce match-là, on méritait de le gagner. Bobigny, c’est costaud aussi, mais on avait un effectif peut-être plus important, et peut-être plus de sérénité aussi. On a été très réguliers ».

La mascotte du FC Fleury 91.

Quid du stade Felder ? Bovis : « Là, en National, on rentre dans la cour des grands, ça n’a plus rien à voir. On va affronter des clubs qui, pour certains, ont des stades de Ligue 1 ou de Ligue 2, avec un public, une organisation autour, une structure, des infrastructures… Donc il faut aller vite, il faut qu’on s’y mette aussi ! Le challenge sera compliqué, mais la finalité, pour nous, c’est d’être en Ligue 3 dans un an. Pour le stade, on va discuter, rien n’est défini. Normalement, la saison prochaine, on jouera au stade Bobin, à Bondoufle, comme les filles (D1 Arkema), dans une enceinte de 17 00 places. Quand on affronte Sochaux ou d’autres équipes de ce standing, je pense qu’il est préférable de les recevoir dans ce type de stade. Et puis je n’ai pas envie que l’on soit trimballé à gauche et à droite. Ici, à Felder, c’est très familial, très convivial, mais ce n’est pas du niveau du National d’aujourd’hui, et ça, tout le monde en a bien conscience, le maire en premier lieu. On est un peu comme Chambly à l’époque, sauf que pour eux, le nouveau stade est arrivé trop tard. Fleury est un club bien organisé, structuré, avec des féminines en D1 Arkema, donc on a déjà une certaine expérience du haut niveau. Simplement, maintenant, il faut regarder les infrastructures. »

« Grand Paris Sports », nouvelle appellation ?

Dans les vestiaires, avec les joueurs, le président et le coach.

Autre sujet à l’étude, le nom du club, qui pourrait changer. « Il va falloir en discuter. Soit on va vers le Département et à terme, on devient le « Grand Paris Sports », soit la ville met les moyens… Mon idée, c’est de pérenniser le club au delà de ma simple personne. Pour perdurer, il lui faut de l’immobilier, c’est la base, il faut que l’on travaille là-dessus sur les trois prochaines années, cela va au-delà du sportif. Il faut un hôtel à côté du stade par exemple. Et puis, je n’oublie pas que l’on a beaucoup de jeunes qui sortent de chez nous : contre Feignies, c’est Kyliane Dong (Troyes), un jeune de chez nous, qui a donné le coup d’envoi : il va partir au FC Augsbourg en Bundesliga et on n’a même pas touché 5000 euros pour ce gamin, ce n’est pas normal. »

« Avant, on était les Prisonniers »

Pascal Bovis ne boude pas non plus son plaisir de voir l’image de son club transformée : « Il faut garder notre esprit de famille. On a quand même réussi un sacré tour de force, parce que je n’oublie pas que quand on jouait dans les petites divisions, on était « les prisonniers » (en référence à la prison de Fleuy-Mérogis). On a « changé » le nom de la ville et là, on lui a donné une image et une connotation positives, ainsi qu’à l’agglo, et ça, ça vaut cher quand même. Ici, c’est avec la sueur que tout a été fait. Tout a été construit à la force du poignet, à l’image des locaux derrière le stade Felder (il nous montre le club house et les bureaux administratifs, à côté du terrain d’entraînement des féminines). On n’est pas un club de vedettes, contrairement à ce que l’on pense. » Pourtant, le FC Fleury 91 traîne aussi cette image de club « qui a les moyens » : « On met les moyens comme il faut, il ne faut pas oublier qu’on a les filles en D1, rectifie Bovis ».

Salah Madjoub : « C’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer »

Sur le plan sportif, le FC Fleury a fait preuve d’une grande régularité tout au long de la saison : aucune défaite jusqu’à la trêve de Noël, une seule défaite en déplacement, à Feignies-Aulnoye, bête noire des Floriacumois (défaite à l’aller et au retour), une solidité reconnue, notamment en défense, que même les 4 buts encaissés lors des deux derniers matchs ne peuvent effacer (3e meilleure défense des trois poules), un bilan de 59 points en 28 matchs (meilleur total des trois poules avec Le Puy Foot), bref, c’était, de l’avis de tous, l’année ou jamais pour Fleury !

Salah Madjoub, le conseiller auprès du président, et Enzo Bovis, l’un des joueurs du FC Fleury.

Pour Salah Madjoub, arrivé l’été dernier comme « conseiller auprès du président », passé par … Chambly, la montée en National est « un aboutissement » : « Je suis vraiment content pour Pascal Bovis. Cela fait tellement longtemps que le président se bat pour atteindre le troisième niveau national… C’est important pour lui et pour le club qui continue de grandir, de se construire, témoigne celui qui avait déjà passé 6 ans au club entre 2011 et 2017 – « J’étais entraîneur adjoint, on avait notamment fait la montée de N3 en N2 avec le coach Bernard Bouger » – et qui connaissait forcément très bien le contexte. « Le staff et les joueurs ont fait un boulot extraordinaire. Maintenant, c’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer (sourire) ! Voilà, on sait que le National, ce n’est pas la même chose : à nous de nous mettre au niveau et de faire en sorte que ça marche. On sera prêt, surtout quand on a un capitaine d’industrie comme on a avec Pascal Bovis, je n’ai pas de doute. »

L’expérience du Stade Briochin

Visuel Stade Briochin

Pour le Stade Briochin, l’accession était moins attendue : l’US Saint-Malo avait caracolé en tête de son championnat jusqu’à Noël avant que les Girondins de Bordeaux ne montrent les crocs en début d’année. Et puis… Les Griffons, revenus de nulle part, enfin, pas tout à fait quand même, ont su surfer sur leur campagne de coupe de France (éliminés en 1/4 de finale face au PSG), dans un stade Fred-Aubert à moitié rénové mais sur une pelouse en mauvais état. Ils ont aligné 11 succès de rang (mieux que Le Puy Foot et ses 10 succès de rang !), série en cours. Qui pouvait suivre ce rythme infernal ? Tout simplement personne. « On a performé en première partie de saison, il faudra sur-performer lors de la deuxième partie » avait prédit ici même, à Noël, Gwen Corbin, le coach de Saint-Malo.

Fleury, un exemple pour Saint-Malo

Guilaume Allanou va rempiler sur le banc du Stade Briochin. Photo Stade Briochin

Mais c’est Saint-Brieuc, avec son président – entraîneur – directeur sportif – partenaire – chef d’entreprise (et accessoirement père de famille !), Guillaume Allanou, et son équipe sereine, très expérimentée, notamment derrière (L’Hostis, Angoua, Kerbrat, Le Marer, Diakhité, Boudin), qui a sur-performé et profité d’une fragilité soudaine et, peut-être, d’une inexpérience côté malouin. Et aussi de la chute vertigineuse des Girondins où, il faut le reconnaître, il fallait être sacrément costauds pour supporter la pression et faire fi de tous les soucis extras-sportifs.

Bien sûr, Les Herbiers, La Roche-sur-Yon et Bourges ont animé cette deuxième partie de saison mais ils partaient de trop loin. Après avoir annoncé en cours de saison son retrait, Guillaume Allanou, récemment admis au BEPF pour l’année 2025-2026, va finalement rempiler. Ce qui ne sera pas le cas de Christophe Kerbrat (38 ans), absent depuis le match de coupe face au PSG (hernie discale) : l’emblématique défenseur met un terme à sa riche carrière.

Aujourd’hui, on se met à la place de l’US Saint-Malo : en Ile-et-Vilaine, la déception doit être à la hauteur des immenses espoirs de montée suscités par cette première partie de saison parfaite. Mais l’USSM peut s’inspirer de l’exemple de Fleury, 1er ex aequo en 2024 (mais devancé au goal average direct pour la montée par Paris 13 Atlético), 1er ex aequo en 2023 (devancé au goal average direct par Epinal) et 2e en 2022. Tout vient donc à point…

Le Puy éteint Cannes

La joie des Ponots après leur victoire à GOAL FC samedi dernier, qui les propulse en National. Photo Sébastien Ricou / LPF 43

Pour Le Puy Foot, alors là… Chapeau ! Sans doute plombé la saison passée par leur campagne de coupe de France (1/4 de finaliste face à Rennes) et finalement devancé sur le fil par Aubagne dans la course à la montée, le club du président Christophe Gauthier, quand bien même il a dû repartir d’une page au 3/4 blanche durant l’été, avec un effectif très rajeuni, est resté fidèle à ses principes de jeu – et là il faut saluer le travail du coach Stéphane Dief – et sur ses idées de recrutement. Et là, en matière de recrutement, le mérite en revient à Olivier Miannay, dont l’énorme réseau en National, en N2 et même en N3, a encore servi les intérêts du club.

Stéphane Dief – Olivier Miannay, les artisans

Stéphane Dief. Photo Sébastien Ricou / LPF43

Le chef étoilé, qui a déjà vécu deux accessions en National avec Le Puy sous l’ère Roland Vieira (2019 et 2022), connaît la recette. Les ingrédients ? Un peu d’expérience (Lebeau, Ben Fredj), du flair, le tout agrémenté de joueurs dénichés à l’étage du dessous – Adinany (Raon-l’Etape) l’an passé, Ghemo (Agde), Sakho (réserve de Montpellier) cette saison – ou dans des clubs un peu moins « réputés » de N2, venus se faire un nom en Haute-Loire (Adelaïde de Jura Sud), Diebold de Haguenau, Soualhia d’Avoine, Bouleghcha de Wasquehal, etc.).

Et c’est au plus fort de la tempête, quand il y a eu ce nom-match en 16e de finale de la coupe de France à Dives-Cabourg (élimination 1 à 0), cette grave blessure de l’avant-centre Marvin Adelaïde (compensé en partie par le retour de Mohamed Ben Fredj) et le départ à Montpellier de Nicolas Pays, que les Ponots se sont recentrés sur l’essentiel : le groupe, l’objectif et le jeu. Onze victoires (dont dix d’affilée) et un nul ont fini de mettre tout le monde d’accord, même l’AS Cannes, son plus gros concurrent, dont le creux du mois de mars (deux défaites consécutives à Hyères et contre Angoulême) a été fatal.
Les Cannois, partis d’un peu loin cette saison, auront de plus grandes ambitions encore la saison prochaine mais risquent de ne pas être les seuls si les rumeurs de l’arrivée des Girondins de Bordeaux dans leur poule se confirme, sous réserve bien sûr du passage devant la DNCG. L’été pourrait bien réserver quelques quelques surprises.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
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Le président du DFCO – depuis juillet 2024 – est un personnage atypique, qui entend faire passer ses idées, atteindre ses objectifs économiques et sportifs, et réaliser ses rêves. Il veut aussi que le stade Gaston-Gérard soit un lieu de cohésion sociale où l’on vient vivre des émotions.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)

Pierre-Henri DEBALLON

Deux heures trente. C’est le temps passé par Pierre-Henri Deballon, le président de Dijon, dans l’émission du Dijon show, le médias des supporters du DFCO, la veille au soir de notre interview en visio ! Parfait pour peaufiner nos questions !

Tout l’enjeu de cet entretien chez nous avec le chef d’entreprise de 42 ans (il les a fêtés le 15 avril), propriétaire du club depuis le 2 juillet dernier, était donc de ne pas lui faire redire la même chose !

Volontairement, nous ne sommes pas allés sur des terrains que « PHDB » a cent fois évoqués : le plan d’austérité avec le licenciement économique de 50 % du personnel administratif, le rachat du centre de formation (par Dijon Métropole) et son avenir, les féminines, les finances (18 millions d’euros de dettes à son arrivée et une perte sèche de 7 millions par saison), la vente de Cyriaque Irié (Troyes) et Rayane Messi l’été dernier (Strasbourg) pour 5 millions s’il vous plaît, la baisse de la masse salariale (de 2 millions à 1,3), tout ça a déjà été dit et écrit. Nous avons préféré l’emmener sur d’autres terrains. Comme ceux de handball par exemple. Le sport qu’il a pratiqué (au poste de gardien), jusqu’en Pro Ligue (D2) à Villepinte.

Encore en course pour les barrages

Pierre-Henri DEBALLON

Pour sa première année de présidence à Dijon, le cofondateur de Weezevent, une start-up internationale lancée en avril 2008 (avec Sébastien Tonglet) – Weezevent est spécialisée dans la billetterie informatisée et destinée aux organisateurs d’événements – , a été gâté.

À vrai dire, c’est même lui qui, parfois, au détour d’une réponse, s’est aventuré sur ces chemins plus tortueux, avec, toujours en toile de fond, les finances et la réalité économique. Car le but était avant tout de faire découvrir un nouveau personnage central de ce championnat National où les têtes pensantes passent, mais où les problématiques restent.

Pendant près d’une heure, quatre jours après la qualification historique des jeunes dijonnais en finale de  la coupe Gambardella, Pierre Henri Deballon, souriant, décontracté, bavard et ouvert, s’est livré.

Le lendemain, le DFCO a remporté le derby à Sochaux (2-1). Une victoire qui, à trois journées de la fin, permet à Dijon de revenir à 6 longueurs de la 3e place, celle de barragiste pour l’accession en Ligue 2, occupée par l’US Boulogne Côte d’Opale.

L’espoir de disputer une confrontation aller-retour contre le 18e de Ligue 2 BKT (Martigues ou Clermont) est bien réel. Mais cette éventualité ne sera possible que si les joueurs de Baptiste Ridira s’imposent chez la lanterne rouge, Châteauroux, ce vendredi, et, surtout, s’ils battent Boulogne à Gaston-Gérard le 9 mai, avant, pourquoi pas, de disputer une « finale » à distance lors de la dernière journée, à Bourg-en-Bresse, le 16 mai !

Ce scénario fou fait rêver, bien sûr. Ça tombe bien, le rêve et les émotions, c’est vraiment ce qui anime Pierre-Henre Deballon.

Interview : « C’est ma madeleine de Proust ! »

Paul FAUVEL (DG), Baptiste RIDIRA (entraîneur de l’équipe de National) et Pierre-Henri DEBALLON lors du match Le Mans – DFCO

C’est rare qu’un président se livre autant, pendant 2h30, avec autant de franchise et de transparence, comme vous l’avez fait dans Le Dijon Show… C’était un besoin, une volonté, une nécessité d’éclaircir certaines choses ?
Il y a de tout cela. C’est mon caractère d’être très honnête. J’aime dire les choses. Et ça m’a fait du bien de le dire. C’est aussi une chance qu’on vous donne du temps pour vous exprimer et quand c’est le cas, généralement, je ne fais pas de langue de bois. La transparence permet de comprendre d’où je pars dans ma réflexion, où je veux aller et comment je veux faire les choses.

Avec Weezevent, j’ai la même approche : quand j’étais interviewé, je donnais mes chiffres, et les gens me disaient, « Mais pourquoi tu dévoiles tout ? ». Pareil quand quelqu’un a une idée, il n’ose pas me le dire, parce qu’il a peur que je lui pique, mais j’ai envie de lui dire, « Attendez, je ne vais rien vous piquer, je suis suffisamment occuper comme ça ! ». Et quand bien même je lui piquerais l’idée, ce n’est pas ça qui est important mais sa mise en oeuvre.

Pendant l’émission du Dijon show, j’ai fait des constats de situations : je serai jugé sur ma capacité à les résoudre et à en faire des forces. Alors oui, il y avait une partie de thérapie un peu, parce que ça m’a permis de dire que je ne trouvais pas juste certains jugements, comme sur les féminines. Certains sont toujours dans le négativisme. Parfois c’est dur. Il y a même des commentaires qui sont de nature complotistes, mais pas complotistes comme on l’entend. Tout le monde a son avis. J’aimerais que les gens prennent un peu de hauteur.

« On est un beau club formateur »

La joie d’Alexandre PARSEMAIN lors de DFCO-Villefranche en National.

Votre meilleur souvenir depuis que vous êtes à la tête du club, c’est lequel ?
La qualification en finale de la Gambardella de nos jeunes (le 20 avril dernier).

C’est vrai que c’est une vitrine exceptionnelle pour le DFCO, une belle mise en valeur du travail de formation…
Complètement. On voit tout le boulot qui a été fait par tous les éducateurs avant mon arrivée et depuis mon arrivée. Moi, je surfe sur ce qui a été fait; ça envoie beaucoup de positivité dans le club et ça montre qu’on est un beau club formateur : d’ailleurs, beaucoup de joueurs en sont sortis récemment, je pense à Cyriaque Irié qui va signer en Allemagne (à Fribourg), Jules Stawiecki, parti à Monaco, qui est un gardien extrêmement prometteur, Rayane Messi à Strasbourg, c’est une excellente pub pour notre formation dijonnaise.

La joie après DFCO Villefranche

Il faut dire aussi qu’on a un outil de travail assez extraordinaire, avec sans doute un des plus beaux centre d’entraînement en France en termes d’équipements, d’infrastructures, de qualités des prestations; tout ça, ce sont des investissements lourds, qui pèsent encore beaucoup aujourd’hui sur les comptes du club mais on en voit les résultats, ça paie.

Être en finale de la coupe Gambardella, cela veut dire quelque chose. C’est une catégorie particulière parce que c’est le « mix » de deux équipes. Et puis j’ai noté une belle entente entre nos formateurs : on a promu un entraîneur adjoint (Mario Savarino, habituel adjoint de Sébastien Perrin en U19 Nationaux) à la tête de cette Gambardella, pour cette campagne exceptionnelle, et j’ai vu contre Nantes en demi-finale un vrai potentiel, avec des joueurs suivis par d’autres clubs. Pour certains, on travaille avec eux sur des projets sportifs, qui peuvent déboucher sur des réussites économiques, en connexion avec l’équipe première, dont on attendra beaucoup l’an prochain, parce qu’on a un enjeu économique pour monter.

Cette demi-finale de Gambardella, vous avez bien failli la perdre…
Oui, j’ai cru ça, parce que Nantes a eu le penalty de la qualification au bout du pied, et puis c’est la magie du football, il rate son tir, on marque le nôtre et on fait un arrêt… C’était un moment émouvant parce que ça fait un an, un an et demi même, que je bosse énormément sur le projet DFCO, déjà avant le rachat, et je le fais pour me créer des émotions et pour en créer aux autres. Là, on a eu les émotions les plus fortes. C’était un petit pincement de bonheur au coeur !

« Mais qu’est-ce que je fous là ? »

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Vous avez parlé d’émotion : c’est vraiment votre plus belle depuis votre arrivée ?
Oui, c’était un moment fort, parce qu’il y a eu beaucoup de moments difficiles. Je le répète souvent, mais quand je suis arrivé au DFCO, le président du Mans, Thierry Gomez, m’a dit « Bienvenue chez les fous ! », il ne s’est pas trompé. Un président est exposé. Tout ce qu’il fait est jugé. C’est ça qui est difficile aussi. Alors que les gens n’ont pas forcément les tenants et les aboutissants. On fait de gros sacrifices personnels, vie de famille, copains, l’argent investi…

J’aurais pu acheter une villa secondaire pour profiter de la Corse ou de la beauté de Nice (sourires), alors quand en plus de ça, vous recevez des critiques acerbes, dont certaines sont parfois justifiées, parce que des choix n’ont pas été bons, eh bien par moments, on se pose la question, « Mais qu’est-ce que je fous là ? ». Et puis, il y a des moments comme ça, où ça gagne, comme là, en Gambardella.

On a aussi besoin d’envoyer des signaux aux partenaires. Nos filles se sont qualifiées pour les play-off de la D1 Arkema, c’est formidable. Alors, bien sûr, cela aurait été parfait si on avait vraiment été dans le wagon de la montée avec l’équipe de National, on l’est quand même encore un tout petit peu, on va jouer notre chance crânement, mais on sait que ce sera complexe.

« Mon avis de footix est le suivant… »

Vous qui avez joué au handball, l’émotion était-elle différente ?
J’ai joué en Pro Ligue (Division 2), à Villepinte. Ma semaine était rythmée par les entraînements avec cette adrénaline qui monte crescendo jusqu’au match…

Très honnêtement, d’avoir retrouvé un vestiaire, même si je ne suis pas joueur mais un tout petit acteur, d’écouter les discours du coach, de voir les joueurs se préparer, d’être dans cette ambiance, c’est ma madeleine de Proust que je suis venu m’acheter. C’est un plaisir que je trouve agréable, j’ai le sentiment de faire partie d’un collectif.

On dit que les gardiens sont … différents, fous, originaux, qu’ils ont ce côté kamikaze. Vous confirmez ?
Il y a un vrai lien. Il y a une congrégation des gardiens de buts au handball. On a du respect entre nous. Effectivement, on est un peu à part et on se considère comme tel. Je fais souvent ce parallèle avec l’entreprise : le chef d’entreprise et le gardien de but, c’est un peu pareil, parce que vous êtes dans un collectif, vous êtes un maillon essentiel, vous ne pouvez pas vous cacher et en même temps, vous êtes très seul. Le chef d’entreprise a beaucoup de responsabilités. Quand vos équipes ont envie de faire la fête, vous n’êtes pas invité et c’est bien normal, donc il y a cette forme d’isolement, parce que vous ne pouvez pas non plus être leur copain. Vous êtes un élément à part.

Le gardien de but, c’est pareil. Il y a cette notion de courage, d’exposition. Vous ne pouvez pas vous cacher, et au handball encore moins parce que vous avez des tirs toutes les deux minutes. Le jour où vous n’êtes pas en forme, c’est plus dur que pour un joueur de champ qui va peut-être faire moins d’efforts, moins tirer, moins prendre de risques, jouer plus la sécurité. Pour la petite histoire, Baptiste Ridira, notre coach de National, est un ancien gardien de but, et Paul Fauvel, notre directeur général, est aussi un ancien gardien de but. Ce trident que l’on a constitué à Dijon est uni par ça aussi, même si eux, c’était le foot. On dit souvent du gardien qu’il est fou, mais au fond, je pense que l’on se fait moins mal en étant gardien de but de handball que joueur de rugby dans certaines situations. D’ailleurs si vous mettez un joueur de rugby dans une cage de hand, il aura une peur bleue, et inversement si vous me mettez sur un terrain de rugby, j’aurai une peur bleue.

Du coup, vous avez un avis sur le poste de gardien au foot ? D’ailleurs, donnez-vous votre avis sur l’équipe, au coach par exemple ?
Le poste de gardien de but est un poste que j’affectionne particulièrement, alors oui, je me permets d’avoir des avis dessus. J’ai aussi des avis sur tous les autres postes, mais je le dis tout le temps en disant « Mon avis de « footix » est le suivant »… Parce que je n’ai aucune prétention sur mes connaissance footballistiques, ni l’expertise suffisante pour juger de la technicité du gardien de foot.

En revanche, il y a quelques chose d’assez commun avec le gardien de hand, c’est sa psychologie, ce qu’il dégage. Récemment, on parlait de notre gardien de la Gambardella, Ilan Marie-Rose, avec Franck Raviot, l’entraîneur des gardiens des équipes de France de foot : il trouvait qu’il dégageait quelque chose, qu’il apportait dans le jeu. Il était assez élogieux sur la « présence » qu’avait eu Ilan pour l’équipe. Bien sûr, dit comme ça, cela veut tout dire et rien dire, mais quand on est gardien, on sait ce que cela veut dire. Ce côté kamikaze, d’aller au devant du danger, on le retrouve aussi au foot.

« J’ai un regard plus pertinent sur les gardiens »

Existe-t-il un parallèle « technique » entre gardien de but au hand et au foot ?
Un petit peu. Sur les parades de près surtout. Au foot, on fait beaucoup d’arrêts avec les mains, et sur les parades de près, un peu plus avec les jambes, en utilisant l’extension, la souplesse, en comblant les angles, comme au hand. Des gardiens de foot pourraient faire de bons gardiens de hand, et inversement. J’ai fait un peu d' »urban », avec des cages de hand, donc c’est plus facile, mais j’avais les réflexes, la capacité à me concentrer, à deviner les trajectoires, à anticiper, à boucher l’angle, à aller au devant du ballon, on retrouve les mêmes bases.

Baptiste RIDIRA lors de Rouen DFCO

Quand vous regardez du foot, en particulier les matchs du DFCO, votre attention est-elle plus focalisée sur le gardien que sur les dix autres joueurs ?
Je regarde les 11 mais effectivement j’ai un regard plus pertinent sur les gardiens. Par exemple, récemment, on a reçu Villefranche (2-0), et en National, on n’a rarement un deuxième gardien sur le banc. Là, le gardien adverse se blesse sur une action. Il boîte bas. J’ai dit après coup aux joueurs, « Quand c’est comme ça, faites des tirs de loin ». J’ai en tête ce but encaissé par Hugo Lloris en finale de l’Euro contre le Portugal, eh bien juste avant, il se blesse. Il n’a pas les mêmes appuis. Et peut-être que cette frappe, même si elle est bien cadrée, même si elle part fort, avec un Lloris dans de meilleures conditions, elle ne passe jamais.

J’ai été étonné qu’on ne teste pas plus la frappe de loin contre Villefranche, de la même manière que je suis étonné qu’on ne la teste pas plus en début de match, parce que regardez bien la toute première prise de balle du gardien, que cela soit au pied ou à la main, elle le rassure, et petit à petit, son niveau de confiance va monter au fil du match. Mais tant qu’il n’y a pas eu cette première prise, il ne sait pas s’il est dans un grand jour ou un mauvais jour. Il faut profiter de ça. Ce sont des petites astuces. Pareil sur un penalty : là, vous avez zéro pression, sauf si c’est un penalty qui vous fait perdre la finale de la Gambardella ! Mais sinon, vous avez zéro pression. C’est très psychologique. Au handball, ça l’est peut-être encore plus, car il y a beaucoup de tirs. L’emprise peut se faire encore plus. Ilan (Marie-Rose), en demi-finale, fait deux arrêts sur sa ligne, et puis il y a un de ses coéquipiers qui vient enlever un ballon sur sa ligne, là, dans ma tête, je me suis dit « Tiens, Nantes a raté le coche, c’est un signe ».

Vous regardiez vos statistiques quand vous étiez gardien de handball ?
Bien sûr ! J’étais un obsédé de statistiques. Mais il y en avait moins à l’époque, c’était plutôt moi qui me faisais mes propres « stats ». Après les matchs, je faisais des fiches sur les joueurs adverses pour me souvenir de la manière dont ils tiraient, leurs courses, comment ils se positionnaient, l’endroit où ils tiraient leur penaltys, etc. Parfois, j’étais content de ma prestation alors que mon équipe avait perdu, ce qui n’est pas toujours très sain, et à l’inverse, on pouvait avoir gagné un match et être déçu de sa prestation individuelle.

Une séance de tirs au but au foot, pour vous, ce n’est donc absolument pas de la loterie…
C’est beaucoup de psychologie.

« Je passais pour le grand méchant loup »

Avec Laurent WEBER, entraineur des gardiens de la Gambardella.

Pire souvenir depuis votre prise de présidence ?
Quand j’ai donné un interview dans Les Échos et que j’ai évoqué la situation du club. Ce qu’il en est ressorti, c’est « Le président veut arrêter l’équipe féminine », j’ai trouvé ça dur. J’avais eu l’honnêteté d’évoquer toutes les pistes, celles-là en était une, mais elle était infinitésimale, parce que ce n’est pas du tout le scénario vers lequel je m’oriente. C’est la dernière des solutions. C’est comme quand un médecin a essayé tous les traitements et décide d’amputer. Non. Cela avait été désagréable.

Il y avait aussi le sujet de la formation…
Oui, se posait la question aussi de la formation, il y avait une grosse pression politique. La Métropole venait de racheter les bâtiments du centre de formation et se disait « Non mais attendez, on a racheté le bâtiment, et ils veulent arrêter la formation, ils vont arrêter les féminines… », et comme je venais de faire des licenciements économiques, je passais pour le grand méchant loup. Ce que je faisais, ce n’était pas rigolo, mais je suis convaincu encore aujourd’hui que c’était la seule et unique voie de salut pour permettre au club de retrouver une forme de sérénité économique, essentielle pour bien travailler et se projeter dans l’avenir.

« J’ai envie de regarder les matchs debout ! »

Quel autre club que le DFCO rêveriez-vous de présider ?
(Rires) Les clubs que j’aime, ce sont ceux qui ont des communautés de supporters extraordinaires. L’OM, Lens, le Red Star, Liverpool, on sent que cela va au-delà du sport, que c’est une religion. C’est pour ça que je souhaite créer au DFCO un supportérisme actif.

C’est vrai que, pour être venu à Dijon cette saison, j’avais trouvé le public…
Vous étiez là pour quel match ?

Dijon-Bourg-en-Bresse, premier match à domicile !
(Rires) Ah oui ! On avait mal commencé (0-1) ! Allez, au bout de quinze minutes de présidence, carton rouge !

Photo 13HF

Le stade est magnifique, à taille humaine, mais le public un peu … « plan-plan », l’ambiance feutrée, bon enfant…
Très plan-plan. On le sait. On est d’accord. Ça ne pue pas encore le foot. Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. Le foot n’a pas été le premier sport à Dijon, où c’est plutôt le handball et le basket. Il faut arriver à créer ça et c’est tout l’enjeu, mais cela ne se décrète pas, on n’achète pas une grosse ambiance. Mais on veut la constituer.

L’an prochain, pour faire venir de jeunes supporters, on mettra en place une tribune « famille ». J’essaie d’être dans un dialogue le plus souvent possible avec nos groupes d’Ultras, parce que ce sont eux qui mettent l’ambiance, la passion et la ferveur, parfois, il faut aussi les recadrer car ils font des choses que je n’aime pas. Et je leur dis. Je me souviens que, pour ma première victoire de président, contre Paris 13 Atlético (journée 4), on menait 2 à 0, il restait 5 minutes à jouer, normalement, là, c’est gagné. J’ai couru, je suis descendu de la tribune, tout seul, pour rejoindre les Ultras et fêter ça ensemble. J’avais envie d’être avec eux, au coeur du truc. C’est ça qui me plaît, ces émotions. Je fais un projet dans lequel je veux embarquer les gens. Pour ça, je ne me mets pas dans une loge vitrée, fermée, en buvant du champagne.

J’ai envie de regarder les matchs debout. La pire de mes tortures, c’est quand je suis à l’extérieur, et que très gentiment, le président adverse m’invite à m’asseoir à côté de lui pour regarder le match, comme je l’ai fait au Mans avec Thierry (Gomez), que j’aime beaucoup en plus ! J’ai envie d’être debout, de pouvoir râler, de faire des bonds, de marcher, parce que je suis stressé ! Mais je fais peu de déplacements !

Pour en revenir au stade, il vaut mieux être dans une petite boîte de nuit où vous ne pouvez pas marcher, où tout le monde est serré, que dans un grand hangar où tout le monde se regarde, où il n’y a pas d’ambiance. Ce sont des choses comme ça qu’on n’a pas eu le temps de faire l’été dernier, parce que les abonnements étaient déjà lancés. La saison prochaine, je veux être acteur du sujet. Je prendrai peut-être des positions qui vont étonner. Je serai un peu extrémiste là-dessus : je préfère être contraint de rouvrir petit à petit nos tribunes plutôt que d’avoir un énorme complexe rempli au tiers, avec des gens éparpillés un peu partout. Le fait d’être beaucoup plus proche, beaucoup resserré, comme on l’a vu en Gambardella avec cette tribune pleine, a amené cette chaleur, cet impression d’avoir participé à quelque chose de collectif, alors que si vous êtes seul sur votre siège avec personnes à dix sièges à la ronde, vous êtes dans un projet individuel.

« Courageux, ambitieux, pragmatique »

Pierre-Henri DEBALLON

Le but qui vous a fait vibrer ?
Celui que l’on a marqué contre Châteauroux (4-0) en janvier, après 9 ou 10 touches de balle.

Un match qui vous a fait vibrer ?
Le match aller à Boulogne (2-2), que j’ai suivi dans des conditions particulières puisque j’avais un week-end entre copains. Du coup, on était en voiture, j’avais mis FFF TV, et il y avait un léger décalage; un copain avait mis une alerte sur son téléphone et il me disait dix secondes avant « Ouh la la, il se passe quelques chose », et moi je me demandais si on avait marqué ou si on avait pris un but ! C’était assez rigolo. Mais celui qui m’a fait le plus vibrer quand même, c’est la demi-finale de la Gambardella.

Une équipe qui vous a impressionné ?
Orléans au match aller et Le Mans sur la phase retour. Chez nous, contre Le Mans, à la 29e minute, on perdait 5 à 0. Ils sont sur une dynamique intéressante. Je pense qu’ils ont trouvé la bonne recette.

En trois adjectifs, vous êtes un président plutôt…
Courageux, ambitieux et réaliste. Pragmatique plutôt que réaliste même.

« Rêvons encore plus grand »

Des moments forts de l’histoire du club ornent les couloirs, dont la photo de l’équipe qui est montée une première fois en L1 en 2011.

Êtes-vous un rêveur, un idéaliste ou plutôt quelqu’un de terre à terre ?
Je suis pragmatique par rapport à des constats, des choix, mais par contre, je suis un rêveur, parce que si vous n’êtes pas un rêveur, vous ne reprenez jamais un club comme Dijon. Si je n’ai pas le doux rêve de ramener ce club à haut niveau, de refaire vibrer ce stade…

Je dis souvent en rigolant que j’ai gagné la Ligue des Champions avec Football manager, et que j’aimerais bien la gagner avec le DFCO, je sais que c’est quasiment impossible. Souvent, on me dit « Mais il ne faut pas dire ça », mais c’est la réalité. La devise du PSG, c’est « Rêvons plus grand », alors je dis en rigolant « Rêvons encore plus grand ! » (rires).

Pierre-Henri Deballon a remis le premier chèque de la Taxe Tobin à l’association Stella portée par la famille Jobard.

Quand vous évoquer la Ligue des Champions, c’est sur le ton de la boutade, mais un autre président de National en a parlé cette saison, et c’était très sérieux…
Oui, c’était Iwan Postel de Rouen, mais je crois que c’était aussi sur le ton de la boutade. J’ai le sentiment qu’il voulait faire bouger les lignes, et que sa communication en faisait partie. Il s’est dit « Mais qu’est-ce qui m’interdit de dire ça ? Rien, allez, je le dis, et puis « j’emm… » ceux qui ne sont pas d’accord avec ça » ! Moi, quand je dis ça, je n’y crois pas au moment où je le dis, mais c’est un objectif et c’est ce qui fait avancer. Quand on réalise ses rêves, derrière, on n’a plus rien… Mais ce rêve-là, il peut me tenir pendant 20 ans !

J’aimais bien Iwan Postel, je lui trouvais une forme de courage, de jusqu’au boutisme, comme quand il arrivait au stade avec sa veste rouge aux couleurs de Rouen, avec les bons et les mauvais côtés de ces personnages hors-norme : quand on a battu Rouen 1 à 0 à Dijon, alors qu’un but leur a été injustement refusé à la fin et qu’il aurait dû y avoir 1-1, il s’est séparé dans la foulée de son entraîneur dans les vestiaires (Maxime d’Ornano), je n’avais pas trouvé ça d’une grande classe, et à l’inverse, il me faisait marrer quand il parlait de construire un stade de 70 000 places à Rouen.

Sur notre groupe WhatsApp de présidents, quand il a annoncé son départ, je lui ai dit « Tu fais chier Iwan, je voulais jouer dans ton stade de 70 000 places ! », il a rigolé. Je n’ai pas compris son départ. Il m’a expliqué. Il m’a dit « Je vais prendre des vacances ». Je comprends, parce qu’un président prend des mauvais coups, et ça rend la fonction difficile. Moi, quand j’arrive au DFCO, c’est pour prendre du plaisir et en donner. Et en plus je prends des coups. Pour en revenir à Iwan (Postel), j’aime bien les gens qui font bouger les lignes et dont on se rappelle, qui font réfléchir, qui apportent quelque chose. Personnellement, il m’a fait réfléchir, par exemple, je me suis demandé si je n’étais pas un peu trop conformiste.

« Ancrer ce rôle social au DFCO »

Pierre-Henri DEBALLON et Paul FAUVEL lors du match au Mans.

Quels sont vos rapports avec les présidents de National ? Y en a-t-il un avec lequel vous êtes le plus proche ?
On a donc ce groupe WhatsApp, initié et animé par Thierry (Gomez), qui est le plus actif et le plus bienveillant. Il ouvre ses portes, il donne des conseils, il est très investi sur le sujet de la Ligue 3. J’espère pour lui qu’il va aller en Ligue 2 avec Le Mans.

Après, j’ai peut-être une connivence particulière avec des présidents de mon âge, je pense à Alexandre (Mulliez, Versailles), on a un peu cette culture « univers start-up », on a envie de chambouler les choses. Mais ça dépend des moments. Quand on reçoit, on a des moments privilégiés avant le match pour discuter, échanger sur nos problématiques, montrer nos infrastructures, et puis quelques jours après, on a des petits échanges, au sujet de ceci ou de cela, on demande des infos sur le coût d’une tribune par exemple. On est tous dans la même galère. La plupart sont des présidents actionnaires, qui mettent leur propre argent. Cela n’enlève rien au mérite des autres présidents qui sont là pour le compte d’un actionnaire ou d’un investisseur, mais ce n’est pas la même chose quand même : là, c’est vous qui allez devant la DNCG pour apporter votre propre garantie bancaire, qui engagez des fonds personnels.

Pierre-Henri DEBALLON

Après, c’est un arbitrage entre des dépenses que vous pourriez faire pour d’autres choses et le club. Quand j’ai dit à ma mère que je voulais reprendre le DFCO, elle m’a dit « Pourquoi tu ne donnes pas autant d’argent à des gens qui en ont vraiment besoin ? » ou bien « Pourquoi tu n’aides pas des athlètes qui ont fait les Jeux Olympiques et qui ne gagnent même pas le Smic ? », ça m’a ramené sur terre. Je lui ai expliqué qu’il y avait des abus dans le foot, que je me battais contre, mais c’est aussi quelque chose de puissant socialement. Pour certains, c’est leur sortie de la semaine. C’est ça qui me plaît.

C’est pour ça qu’au DFCO, je veux ancrer ce rôle social au maximum, on a mis en place la première taxe Tobin sur les transferts : chaque année, il y aura un pourcentage sur les transferts qui seront reversés à des associations locales. Regardez quand on a vendu Irié pour 3 millions, un garçon que l’on est allé chercher au Gabon, on a entendu dire « c’est du foot business », « ça pue l’argent ». OK, ça c’est la première lecture. La deuxième lecture, c’est que le DFCO perd 7 millions d’euros et que ces 3 millions viennent commencer à combler ce déficit. Ce n’est pas du sport business, c’est juste que l’on essaie de survivre. Et si derrière on redonne localement à notre communauté, pour une action qui a du sens, alors on redonne au foot ce qu’il doit être, c’est-à-dire un vecteur de cohésion social et non pas un vecteur de haine.

C’est ce que je dis aux supporters du DFCO : si on veut se battre, alors il faut aller dans un club de boxe. Pareil si on vient au stade pour lancer des fumigènes… J’adore les fumigènes, mais c’est interdit et cela nous créé des problèmes. On ne peut pas le faire et c’est comme ça. Je serai le premier à défendre le sujet devant la Ligue et lui dire qu’il faut changer ses textes de loi, mais il y a des lois. Il faut créer un climat où l’ambiance est chaleureuse, où il y a des supporters qui se donnent corps et âme, pour pas que l’on dise « Il y a des cinglés » et qu’à la moindre étincelle, cela parte en vrille.

Avec les présidents de National, avez-vous les mêmes problématiques ?
Globalement oui. Comme de dealer avec les joueurs, des problématiques sur les contrats des joueurs, des transferts, de développement de stade, etc. Après, on n’échange pas chaque jour non plus.

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris quand vous êtes arrivé dans le foot et qui vous surprend encore aujourd’hui ?
Le rôle des agents. Je ne mesurais pas à quel point ils étaient présents dans le choix des joueurs. Je pensais que les joueurs avaient des convictions sur leurs propres carrières et demandaient que celles-ci soient mises en oeuvre et sécurisées par des agents qui géraient la négociation et encadraient le cadre juridique, un peu comme un avocat, de la même manière que si je veux racheter une boîte, je cible la boîte, je discute avec son dirigeant et je délègue la partie technique à un avocat; là, au foot, c’est comme si un avocat venait me voir et me disait « C’est cette boîte qu’il faut racheter, voilà ce qu’il faut faire, quant aux autres boîtes, je leur ai dit qu’on ne voulait pas y aller », eh bien ça me paraît complètement fou.

Et puis, le côté « très pognon » de ces gens-là me gêne. Parfois, ils nous demandent des commissions et on est presque obligés de leur donner leur petit pourboire, c’est insupportable, cela n’a aucune justification. Parfois, c’est la famille aussi qui s’en même : on a eu le cas avec un joueur, tout était calé, et là, on te dit, « Si je n’ai pas 200 000 euros, on ne transfert pas notre gamin… » C’est hallucinant. Cela n’a aucun cadre légal. Les gamins sont pris en otage. On a tenu bon, ils ont finalement accepté…Je ne comprends pas non plus que, parfois, les joueurs n’aient pas leur propre libre-arbitre. J’ai un joueur qui m’a dit « Je n’arrive pas à avoir mon agent ». « Non mais change d’agent alors ! » J’ai le sentiment que les choix ne sont pas toujours faits dans l’intérêt du joueur. C’est assez perturbant.

« Un club de valeurs, malin et ambitieux »

Photo 13HF

Le DFCO en trois adjectifs…
Je veux que ce soir un club de valeurs, un club malin parce qu’on n’aura pas d’autre choix que de l’être plus que les autres, et un club ambitieux.

Le milieu du foot ?
(Rires) Pas très sain, passionnant.

Deux questions pièges. la première : si je vous dis 1998, vous me répondez quoi ?
La création du club, avec la fusion du Cercle Dijon et du Dijon FC.

Bien. La deuxième : vous êtes né à Chenôve, près de Dijon, tout comme un ancien attaquant des années 90 et 2000… Mais qui ?
Stéphane Mangione.

Bien. Vous avez joué au ballon au hand, vous êtes dans un club de ballon… Rien que de très normal pour quelqu’un qui s’appelle « Deballon » …
(Rires) C’était écrit ! Il y a eu deux ou trois blagues comme ça quand j’ai repris le club, qui disaient que j’étais prédestiné. Ce qui est drôle, parfois, c’est quand je regarde des matchs de foot et qu’il y a des ramasseurs qui renvoient un ballon sur le terrain: là, le commentateur dit « Ah, il y a deux ballons sur le terrain ! (rires) » Mais c’est vrai que j’ai toujours été plus passionné par les sports collectifs. J’ai toujours trouvé incroyable cette alchimie entre des individus et un collectif. On voit souvent que le collectif est plus fort que les individualités.

Votre première fois dans un stade de football pro ?
Il ne faut pas le dire, les supporters ne vont pas être contents (rires). J’étais allé voir Auxerre, c’était l’année de son titre (en 1998), et Djibril Cissé avait marqué, je crois que c’était contre Lens (1-0).

Le match historique du DFCO ?
Celui que j’ai en tête, c’est quand le DFCO a battu le PSG en coupe de la Ligue (3-2, en 2011), c’était exceptionnel, et aussi le match de la montée en Ligue 1.

C’est quoi la place logique du DFCO sur l’échiquier du foot français ?
C’est obligatoirement au-dessus du National, donc en Ligue 2 ou Ligue 1. A court terme, la Ligue 2, et ensuite, la Ligue 1. Mais je préfère être solide et stable en Ligue 2 qu’une étoile filante en Ligue 1. Qu’on ait le temps de construire sur des bases saines, pour qu’au moment où l’on monte, cela soit maîtrisé et préparé.

Une autre équipe que vous supportez ?
J’aime bien le Red Star parce que j’habite pas loin, à Clichy. J’ai une affection aussi pour l’AS Cannes : il y a deux ou trois ans, on m’a proposé le dossier, je m’étais plongé dedans, j’aime bien les clubs historiques. Des clubs où il y a une ferveur positive.

« Vivre à crédit, ça ne marche pas »

L’équipe féminine après sa victoire contre Nantes.

Votre première prime de président ?
Ah ! Les primes… J’ai eu cette discussion avec les joueurs : j’avais vu une vidéo du président Nicollin à Montpellier qui disait, avec sa gouaille, « je vais doubler » ou « je vais tripler », il y avait ce côté Pagnolesque que j’adorais, et je m’étais dit, le jour où j’aurai un club de foot, il faut que je le fasse.

Donc, après une victoire, un jour, je décide de doubler la prime. Déjà, je me suis trouvé très mauvais dans le discours. Ensuite, quand vous sortez du vestiaire, vous vous dîtes « Putain, je viens de claquer X milliers d’euros, c’est complètement débile », et ensuite, surtout, après ça, dès que vous rentrez dans le vestiaire, vous devenez une cible. Les joueurs crient « Président, président »…

Et puis, il y a eu ce match du Mans, chez nous, quand on prend 5 à 0. J’ai pris la parole. J’ai dit aux joueurs que, à chaque fois que j’étais dans ce vestiaire, mes moments de joie étaient gâchés parce que soit je vous donne une prime et je tire une balle dans le pied du club, soit je ne vous la donne pas et je passe pour un radin. Du coup, je leur ai dit que je ne voulais plus jamais qu’ils me demandent une prime. Quand j’en aurai envie, je vous le dirai. Je ne voulais plus avoir à subir cette dictature de la prime, et ça m’a fait un bien fou, maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise dans le vestiaire; l’autre fois je leur ai laissé les maillots parce qu’ils avaient fait un super match, ils étaient super-contents. Pour ça, je ne suis peut-être pas trop « foot à l’ancienne », mais je trouve que l’on ne doit pas être là que pour l’argent : il y a un contexte global dont il faut tenir compte.

C’est un peu caricatural ce scénario. D’autres présidents de Dijon m’ont dit que les plus belles saisons avaient été réalisées quand le club avait le moins de moyens. Et cette saison, on a baissé la masse salariale de l’ordre de 30 à 35 %. J’appelle d’ailleurs de mes voeux que tous les clubs baissent en termes de rémunération parce que ce n’est pas possible d’être dans une industrie où tout le monde perd de l’argent. Normalement, l’exception, c’est quand une boîte d’électricité sur dix ne gagne pas d’argent; là, nous, on est dix clubs de foot pro, et il n’y en a pas une qui gagne de l’argent, ça ne peut pas tenir. Vivre à crédit, ça ne marche pas, ou alors, on cède le club à des investisseurs extérieurs dans le cadre de multi-propriété, mais ce football-là n’a pas de saveur pour moi.

Avez-vous déjà piqué des crises de colère au DFCO ?
Non. Même celle contre Le Mans, c’était une colère feinte. J’étais groggy. J’avais le sentiment que rien n’avait fonctionné. On ne sentait pas une équipe qui lâche. C’est juste que c’était un jour sans. J’ai eu des moments en revanche où je me suis dit, « là, on me prend pour un con » : un joueur voulait être transféré, il a simulé une blessure, je l’ai reçu, je lui ai dit « Tant que tu fais semblant d’être blessé, il n’y aura aucune discussion », et deux heures après, il courait sur le terrain, et deux jours après, on le transférait à Bastia. On est entre adultes tout de même. On n’a pas de temps à perdre avec des faux semblant.

Vous êtes toujours en rapport avec Olivier Delcourt, votre prédécesseur ?
Oui, on s’envoie des messages régulièrement. Après, je suis quelqu’un qui aime bien faire ses propres erreurs. Ce n’est pas très intelligent, je pourrais peut-être les éviter en échangeant plus souvent avec lui, mais j’aime bien les choses à ma manière, prendre le lead, sans cracher sur le passé, parce que ce qui a été fait est important et le club a été structuré grâce à lui aussi. On a de bonnes relations.

« Je suis Dijonnais ! »

La joie du public avec les jeunes de la Gambardella, qualifiés pour la finale.

En écoutant votre interview sur Le Dijon Show, on a appris que le club était à vendre depuis 3 ans quand vous l’avez repris : mais alors, pourquoi ne pas l’avoir acheté 3 ans plus tôt ?
Parce qu’il y a 3 ans, j’étais beaucoup plus pris qu’aujourd’hui par Weezevent, parce qu’il fallait beaucoup de moyens et qu’à cette époque, j’avais une opération que je n’avais pas encore réalisée et qui était de céder une partie du capital, donc une fois que cela a été fait, j’ai été en capacité d’acheter le club de façon plus sereine.

C’est aussi pour ça que je n’avais pas plus avancé avec l’AS Cannes à l’époque, où je n’avais pas non plus d’accroches locales, ce qui n’avait aucun sens. En 2023, j’ai été appelé par un membre du DFCO qui m’a dit que le club était en discussion avec des Américains, mais qu’il ne sentait pas le truc, il m’a dit que ce serait mieux que cela soit un Dijonnais qui rachète, bref, il m’a demandé si cela m’intéresserait. Là, j’ai commencé à regarder le sujet, je me suis pris dans le projet j’ai lancé l’aventure.

Dijon, cela a un réel sens pour vous ?
Ah oui ! Je suis né à Dijon. J’y suis resté jusqu’à la fin de mes études, mes parents, mon frère, mes grands-parents sont enterrés à Dijon, mes cousins habitent Dijon, mes copains aussi ! Je suis Dijonnais. Quand j’ai fait mon premier entretien d’embauche avant de créer Weezevent, la première question était « Présentez-vous », donc j’ai dit que j’étais Dijonnais, et là, on m’arrête, et on me demande « C’est important pour vous ? » J’ai répondu que oui, que c’était important de savoir d’où l’on venait. C’est une ville que j’ai ancrée au coeur. Ce n’est pas un investissement financier, d’ailleurs, s’il y avait eu un club à reprendre d’un point de vue économique, le plus mauvais choix, c’était de reprendre Dijon, il y avait des clubs plus intéressants, avec des potentiels plus élevés, avec des besoins financiers moins forts et un endettement nul. Donc je l’ai par amour.

Avez-vous peur de l’échec ?
Oui. La peur que j’ai, c’est la suivante : il y a une probabilité très forte que je sois le président de toute l’histoire du DFCO qui aura mis le plus d’argent. Les anciens présidents ont réussi à développer un résultat d’exploitation suffisant, sans apporter de l’argent personnel, or moi, là, actuellement, je suis en train de combler un déficit d’exploitation, donc j’ai peur de ça, et j’ai peur d’être celui qui, un jour, sera obligé de dire « Stop » et d’arrêter le club, et de passer alors injustement pour le méchant, alors que je serai celui qui aura le plus donné économiquement. Mais ça fait du bien de le dire, parce qu’une fois qu’on est au fond de la piscine, on ne peut que remonter.

Ma mère m’a dit quelque chose de très vrai : parfois, j’ai eu des moments difficiles depuis que je suis arrivé au club, je me demandais comment on allait y arriver, je réfléchissais à tout, je dormais mal alors que je suis un bon dormeur, et elle m’a dit : « Il n’y a pas mort d’hommes ». Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit. On est de passage. Cela ne dure qu’un temps. Alors oui, j’ai peur, mais en même temps, il y a plus grave dans la vie.

  • Le point en National à trois journées de la fin

Journée 30 (vendredi 2 mai 2025, 19h30) : La Berrichonne de Châteauroux – Dijon FCO (4e, 46 points); US Boulogne CO (3e, 52 points) – Sochaux et Le Mans FC (2e, 54 points) – FC Rouen.

Journée 31 (vendredi 9 mais 2025 à 19h30) : Dijon FCO – US Boulogne CO et US Concarneau – Le Mans FC.

32e et dernière journée (vendredi 16 mai à 19h30) : FBBP01 – Dijon FCO ; US Boulogne CO – La Berrichonne de Châteauroux ; Le Mans FC – FC Versailles.

Les matchs sont diffusés en direct sur FFF TV : https://ffftv.fff.fr/63-national.html

  • Les confrontations directes (en cas d’égalité au classement) : Le Mans – DFCO 0-0 et DFCO – Le Mans 0-5; Boulogne – Le Mans 3-2 et Le Mans – Boulogne 2-0; Boulogne – DFCO 2-2 / DFCO – Boulogne (match le 9 mai).
  • Le calendrier des barrages Ligue 2 BKT / National : mardi 20 mai 2025 : 3e de National – 16e de Ligue 2 BKT ; dimanche 25 mai 2025 : 16e de Ligue 2 BKT – 3e de National
PH Deballon : « Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. » (Photo 13HF)
  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)
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Le co-entraîneur du FC Rousset Sainte-Victoire, situé près d’Aix et de Marseille, se livre à une introspection et évoque les particularités du football dans le Sud. Il revient aussi sur la saison exceptionnelle de son club, déjà promu en National 2, sur les difficultés qui l’attendent, et met en lumière l’équipe qui l’entoure.

Par Anthony BOYER (aboyer@13heuresfoot.fr)

Photos FC Rousset SVO / Lucas Zanoni / HMZ Production

Si vous êtes observateur et que vous aimez regarder les paysages en conduisant, vous les avez sûrement déjà aperçus… ces stades ! Il n’y en a que trois aux bords de l’autoroute du sud de la France.

Le premier, celui de Vergèze, entre Nîmes et Montpellier, est facilement reconnaissable avec son logo Perrier et son gardien de but géant qui se détend. Le second, le stade Lamartine, où Consolat évoluait en National, est à Marseille. Le troisième, c’est celui de Rousset, juste avant Aix-en-Provence, quand vous arrivez de Nice, avec l’immense montagne Sainte-Victoire en toile de fond. Voilà pour la géographie !

Pour le volet démographique, Rousset, c’est un peu plus de 5000 habitants. C’est aussi la viticulture, une chapelle de style « art roman » du XIIe siècle, une église du XIXe siècle. Rousset, c’est enfin un club de football qui vient d’accéder en National 2 ! Et ça, ce n’est pas le plus petit des exploits de ce village provençal où il fait vraiment bon vivre.

Un exploit historique

À quatre journées de la fin du championnat, le FC Rousset Saint-Victoire Omnisports, de son vrai nom, est assuré de terminer champion de sa poule de National 3 après son large succès contre Corte (5-0) samedi dernier. Un exploit historique (la réserve accède quant à elle de D1 à Régional 3 et les seniors féminines vont disputer un barrage d’accession en D3 contre Lorient les 1er et 8 juin). Le mérite revient aux joueurs, bien sûr, ainsi qu’aux dirigeants, dont le quatuor Assami-Delachet-Lahouel-Aït Atmane.

Les deux premiers entraînent, le troisième recrute et le quatrième préside. À ce trio, il convient d’ajouter le staff, avec notamment Yoann Taguelmint, 3e adjoint, Victor Ferreri, le « prépa » physique et Eric Vallée, l’intendant.

La présence de Delachet, 75 ans et une expérience longue comme le bras (il a notamment gardé les cages des Girondins de Bordeaux, de Monaco et de Valenciennes en première division dans les années 70, et même celle de … l’OM), est aussi une manière de passer le flambeau, de préparer la suite, de pérenniser l’ensemble : « Il ne faut pas énormément changer de fonctionnement. Le club est en plein développement. On a vu des clubs qui se sont cassés la gueule parce qu’ils voulaient aller trop vite. La chute peut être plus brutale. »

Assistant d’éducation à Marseille

Aux côtés du maire de Rousset, Philippe Pignon (au centre) et du président du club, Malek Aït Atmane.

Le natif de Marseille (37 ans), assistant d’éducation au collège Henri Barnier à Marseille depuis 6 ans, a joué – en défense – dans tous les clubs de la région marseillaise. On exagère un peu. Encore que : Canet Sports (Le Canet / Jean-Jaurès, quartier de Marseille), JO Saint-Gabriel (encore Marseille), Marignane, Istres, Martigues, Marseille-Consolat, Aubagne, Gémenos, voilà pour les clubs provençaux qu’il a fréquentés en short.

Depuis trois ans, il est à Rousset, en survêtement cette fois. C’est dire s’il en connaît un rayon sur le football dans les Bouches-du-Rhône (il a aussi joué à Cannes et Gap en National, Strasbourg en réserve et Pribram en D1 Tchèque).
Pendant près d’une heure, à Aubagne, la ville où il réside, au lendemain de la 17e victoires (en 22 matchs, pour 3 nuls et 2 défaites seulement, 57 buts marqués !) du FC Rousset SVO, premier de la poule J avec 13 points d’avance sur l’Olympique d’Alès-en-Cévennes, Nordine Assami a déroulé le fil de sa carrière. Calme, posé, réfléchi, lucide, l’ancien défenseur a aussi évoqué sa nouvelle vie de coach et expliqué comment il a « switché ».

Interview / « On est un club tremplin ! »

Nordine, Rousset va évoluer en National 2 la saison prochaine : tu réalises ?
Honnêtement, c’est inespéré qu’un club comme le nôtre, compte tenu des structures, de l’environnement, du nombre d’habitants (5 000), du budget (600 000 euros dont 150 000 de masse salariale, hors staff), atteigne ce niveau. On a un budget ridicule comparé à d’autres. On ne s’en rend même pas compte, mais c’est historique. Maintenant, il ne faut pas aller en N2 pour faire de la figuration, sans se préparer. On sait que l’on sera le plus petit budget de la poule, mais en travaillant de la même manière qu’on le fait depuis quelques années, on arrive quand même à attirer de sacrés bons joueurs, et ça, c’est grâce à Hakim (Lahouel), notre directeur sportif : avec lui, on arrive toujours à anticiper nos besoins. C’est ce qui fait la différence. On sait très bien que, financièrement, on ne peut pas batailler avec des clubs comme Fréjus ou Toulon, alors on doit avoir une stratégie de recrutement différente. Pour le moment, cela ne nous réussit pas trop mal.

Est-ce que Rousset et toi avez conscience de la difficulté de la tâche qui vous attend en N2 ?
Rousset va changer de monde. On le sait. En plus, on a entendu dire que Bordeaux, s’ils ne montent pas en National, pourrait intégrer notre poule… De toute façon, on sait bien que plus on monte de niveau, plus l’aspect financier est important. On sait que la fougue et les valeurs ont leurs limites. Quand on est démuni de moyens, qu’on a des conditions de travail plus difficiles, cela peut devenir compliqué.

« S’adapter aux exigences du N2 »

Ta manière de travailler en N2 va-t-elle être modifiée ?
D’abord, c’est important d’être reçu par sa direction. On va se voir rapidement. La division fait que l’on va changer de dimension. Il faudra s’adapter aux exigences du national 2, je pense au pole médical, au staff, à la vidéo, à la logistique, au secteur médical, etc. On a des réflexions par rapport à tout ça. Cette saison, je faisais l’analyse vidéo du week-end, un domaine dans lequel j’essaie de me perfectionner aussi, c’est un outil très important pour la performance. j’ai géré les joueurs aussi, j’ai ce rôle de manager général dans le fonctionnement du club. Quand on n’a pas forcément de moyens, il faut trouver des personnes investies, impliquées, il faut « vivre club » : ça va être le dossier numéro 1. On le voit à Jura Sud par exemple, où un garçon comme l’entraîneur Valentin Guichard, qui a fait de très belles choses là-bas, commence, à l’image de son club, à s’essouffler, parce que c’est usant. Il ne faut pas s’éparpiller.

Aujourd’hui, tu a un travail à côté du foot : envisages-tu, si tu es encore à Rousset la saison prochaine, de te mettre en disponibilité ?
C’est certain que le foot est de plus en plus prenant. Ma réflexion porte également sur ça, oui.

On dirait que la saison s’est déroulée comme dans un rêve…
Là, on a 13 points d’avance à 4 journées de la fin. C’est exceptionnel. Seuls Dieppe et Bayonne avaient déjà assuré leur montée en N2 avant nous. Pourtant, on avait fait un démarrage poussif, avec une victoire et trois nuls lors des quatre premières journées; à ce moment-là, on cherchait notre équipe, un ADN, une identité. L’été dernier, on a eu 60 % de l’équipe qui venait de changer. Il a donc fallu impulser un déclic et à partir de la 5e journée, on a enchaîné les victoires, sept de suite je crois, on est resté invaincu jusqu’au dernier match de la phase aller, perdu à Alès (3-2). Cette défaite a été salvatrice, parce qu’on commençait à entrer dans un certain confort. On n’appréciait plus les victoires comme on le devait. Ce n’était pas faute de mettre les joueurs en garde, de leur dire que ce que l’on était en train de vivre était exceptionnel, que l’on était pas programmé pour jouer quelque chose mais, pour autant, que l’on ne devait pas se priver d’être dans le confort en terme de résultats. Pour ça, il faut être exigeant à chaque match. Parce qu’en N3, on ne va rien nous donner. Quand on des garçons qui travaillent à côté, qui font du football une activité annexe plutôt qu’un vrai métier, qui ne sont pas 100 % dédiés au foot, comme c’est le cas chez nous, il faut toujours les tenir en alerte, être derrière eux, trouver le bon dosage. Mais je reconnais que l’on n’a pas eu de gros problèmes à gérer.

« Un deal gagnant-gagnant »

Aux côtés de Hakim Lahouel, le directeur sportif (au centre) et de Yoann Taguelmint, adjoint.

Cette saison a permis aussi à des joueurs de se révéler, d’être remarqués. C’était déjà le cas la saison passée. Et si c’était ça la philosophie du club ?
Le dernier exemple, c’est Idriss Mohamed (21 ans), qui a fait un essai en Ligue 2 à Annecy, c’est un défenseur central que l’on a pris il y a 2 ans (ex-Marignane, Istres et pôle Espoirs d’Aix). C’est le projet que je vends aux joueurs, surtout aux jeunes : on est un club tremplin. On leur dit « Voilà, vous avez des qualités, nous on a un certain savoir-faire. Si vous êtes performants, on va vous mettre en lumière sur le terrain et on ne vous bloquera pas. Si vous êtes bons et que vous servez les intérêts du club, vous servirez aussi vos propres intérêts. » C’est un deal gagnant-gagnant. Un garçon comme Sofiane Sidi Ali, qui a signé pro à l’OM (en janvier 2023), c’est valorisant pour Rousset. On en aura encore un ou deux je pense cette saison. C’est une vitrine pour le club. Il y a aussi des projets de « rebonds » qui peuvent être intéressants pour des joueurs qui sortent d’un cursus pro, déçus de ne pas avoir été conservés ou de ne pas avoir eu leur chance.

Le village de Rousset avec, au fond, la montagne Sainte-Victoire. Photo DR

Tout n’a cependant pas été rose, on pense à la saison passée, quand des sites internet ont annoncé ton limogeage et celui de Christian (Delachet) en cours de saison…
Les entraîneurs sont jugés par leurs résultats. On le ait. Le duo que je formais avec Christian l’an passé était décrié, c’est normal, les résultats ne suivaient pas. La direction a pris la décision de se séparer de Christian. Pour ma part, je suis resté dans le staff et il y a eu l’arrivée de Yoann Taguelmint aussi comme adjoint qui est encore là aujourd’hui, et de Daniel Jean-Alphonse comme entraîneur principal. En fait, la saison passée, on avait prévu que l’on aurait ce creux-là. On était parti sur un recrutement de joueurs à relancer, qui coûtait moins cher. On se doutait que le démarrage allait être poussif. Simplement, on ne pensait pas que cela allait durer aussi longtemps. Quand on a récupéré les cadres et que les épisodes de blessures se sont terminés, cela a coïncidé avec l’amélioration des résultats à partir de janvier, ce qui nous a permis de finir premiers sur la phase retour. Quant aux articles parus, qui disaient que l’on était virés, c’était erroné. Cela a entaché ce que l’on faisait au quotidien.

Déjà, lors de ta première saison, le coach n’était resté que quelques semaines…
Quand je suis arrivé, le coach venait d’être nommé, c’était Fatsah Amghar (ex-coach de Rumilly, qu’il a emmené en CFA et en demi-finale de la coupe de France en 2021). Cela n’a pas duré longtemps (Amghar a été limogé en septembre 2022), et c’est là que Christian (Delachet) est arrivé. Et à la fin de la saison suivante, Daniel Jean-Alphonse avait averti le club qu’il allait repartir vers Paris, c’est pour ça que Christian est revenu quand il y a eu ce fameux épisode.

Comment fonctionnez-vous avec Christian Delachet ?
Christian c’est le sage, il ne parle pas énormément, mais quand il parle, il est très écouté. Il prend beaucoup de hauteur. Moi, c’est plus la fougue. On se met d’accord sur une programmation et derrière, j’anime les séances. Il y a Yoann aussi (Taguelmint), qui est très important au quotidien.

« On part à l’aventure ! »

Comment est venue cette vocation d’entraîner ?
Après avoir joué à Gémenos (2018/19) avec « Titou » Hasni, j’ai fait une dernière saison en Régional 2 à Saint-Zacharie, on est monté en R1 en 2020. Puis j’ai décidé d’arrêter. J’étais déjà éducateur à Air Bel, juste pour donner un coup de main, avec les U16. Cela a été très formateur. Air Bel, c’est le deuxième club marseillais en termes de jeunes après l’OM, avec une pépinière de talents. Je croise beaucoup de joueurs de N2 et N3 passés par Air Bel. J’ai obtenu mon BEF quand j’étais éducateur en U16 R2 à Air Bel, en parallèle de ma dernière saison à Saint-Zacharie. C’est là que j’ai passé ce cap. J’ai signé ensuite à Carnoux comme adjoint, en Régional 1, avec Bruno Lacoste, lors de la saison 2020-2021. C’était la première fois que je coachais des anciens partenaires ! C’était une nouvelle posture à avoir, une proximité à trouver en même temps qu’une fonction à assumer. Il fallait trouver le bon compromis. Ensuite, j’ai signé adjoint en National 3 à l’Athlético Marseille (ex-Consolat), en 2021/22, avec Jimmy Turi puis Franck Priou est arrivé en cours de saison, mais le club a subi un dépôt de bilan. C’était très dur parce que c’est un club qui comptait pour moi. J’ai vu les galères de la vie, des garçons qui ne touchaient plus de salaire, vraiment une période compliquée. Voir que le club, qui était un monument du football régional, n’existe plus, c’est un déchirement. C’est triste. Ce club a mis en lumière des joueurs et permis l’éclosion de certains, comme Julien Lopez, Umut Bozok, Rémi Sergio, Salim Mramboini, Faïz Selemani, Youssouf M’Changama et plein d’autres.

Quand et comment es-tu arrivé au FC Rousset ?
Je suis arrivé en 2022. Le directeur sportif, Hakim Lahouel, est un ami d’enfance. On a des liens très étroits. On était à l’école primaire ensemble. Il est là depuis 10 ans. En 2018, j’avais failli signer comme joueur déjà.

On dit que Hakim Lahouel, souvent dans l’ombre, est la pierre angulaire du projet à Rousset…
Oui et ça me tient à coeur de parler de lui. Hakim, c’est une belle personne, quelqu’un qui ne se met pas en avant et qui ne cherche pas la lumière, alors qu’il mériterait d’être sous les projecteurs. Il est très compétent. Il a donné beaucoup de son temps au club et aujourd’hui, si Rousset en est là, si on parle autant des résultats, c’est parce que derrière, il y a un garçon très important, et c’est lui. C’est le socle. L’artisan principal de la montée en National 2, c’est lui. Quand il est arrivé, Rousset était en Régional 2. Il est passionné, c’est une encyclopédie du foot, il connaît tous les joueurs, et c’est quelqu’un qui a un boulot à côté.

A titre personnel, tu aimerais aller plus haut, plus tard ?
Actuellement, il y a des entraîneurs qui arrivent, qui sont inspirants, je pense là, comme ça, à Patrick Videira, qui m’a envoyé un message sympa pour le titre, Karim Mokeddem, etc. Il y a eu Claude Fichaux à Strasbourg, qui m’a lui aussi envoyé un message pour la montée. Oui, j’aspire, du moins, j’espère faire partie de ces entraîneurs-là, mais chaque chose en son temps. Intégrer un centre de formation aussi, ça peut être intéressant. J’arrive à la croisée des chemins. Je ne me ferme pas de porte. Mais là, aujourd’hui, dans mon parcours, vivre la saison en National 2, ça peut être très intéressant. On n’aura pas de pression, si ce n’est celle que l’on se mettra nous-mêmes ! On sait qu’un maintien en N2 serait historique pour Rousset. On part à l’aventure en fait !

« On attire un peu plus les regards »

La place Paul-Borde du village de Rousset. On y joue au… ballon !

On te demande souvent où se trouve Rousset ?
D’abord, souvent, quand on rencontre les autres clubs, ils ne savent pas comment appeler la ville : ils se demandent si on doit dire « Le Rousset » ou « Rousset » ! Cela montre déjà le degré de méconnaissance (rires) ! Après, au fur et à mesure de la saison, on est devenu l’ovni du championnat. On a attiré un peu plus les regards.

Mais si je te demande « C’est où Rousset ? », tu me réponds quoi ?
Je te réponds que c’est à côté de Marseille, à 15 minutes d’Aix-en-Provence. C’est important de citer les deux villes (rires).

« Un entraîneur ne signe plus pour un projet »

Tu as essentiellement joué dans le sud-est de la France, souvent dans des clubs dits « à problèmes » ou qui ont connu des problèmes… Est-ce le hasard ou y a-t-il une explication ?
Oui, c’est fou ! Je pense que mon profil, à ce moment-là, collait à ces clubs-là. Parce que malheureusement, ici, dans notre région, on a eu beaucoup de clubs où c’était géré, disons, d’une certaine manière sur le plan financier. On était chaque année dans le dur. Si à un moment donné j’ai fait partie de ces clubs-là, Istres, Martigues, Consolat, c’est parce qu’ils avaient besoin de joueurs de ce niveau-là. Dans mon parcours, j’ai souvent connu des clubs sur le déclin. J’ai souvent été dans des projets où il fallait remonter, où ils avaient besoin de joueurs de caractère pour atteindre les objectifs, où les dirigeants faisaient des investissements mais sans forcément bien gérer les finances.

Tu parles de gestion parfois compliquée dans les clubs du sud : mais toi qui connais bien le microcosme régional, c’est quoi l’explication ? Pourquoi plus ici qu’ailleurs ?
Un projet, ça se construit. Mais beaucoup de présidents sont impatients dans les clubs du Sud. Ils veulent monter tout de suite. Ils sont accrochés aux résultats et du coup, pour eux, résultats = réussite. Et à côté de ça, dans d’autres régions de France, on voit plus de coachs qui construisent sur la durée. Dans notre région, les projets n’existent plus. D’ailleurs, ont-ils déjà existé ? Un entraîneur, aujourd’hui, ne signe plus pour un projet, mais pour des résultats, et c’est dommage, parce que, quand on voit des structures comme Toulon, Cannes, Fréjus, avec ce manque de stabilité dont tu as parlé, c’est un échec. Si la ligne directrice d’un club, c’est le projet avant les résultats, forcément, il y aura moins d’impatience et du coup, on va laisser du temps. Après, forcément, si les résultats ne sont pas là, si tu es dernier et que tu ne gagnes pas un match, la question d’un changement de staff va se poser. Mais si on a des résultats un peu moins bons qu’espéré, mais que le projet a l’air d’être sur la bonne voie, alors il faut accompagner les gens en place. Malheureusement, on casse trop vite les projets. À Rousset, Hakim (Lahouel) a compris ça très tôt. La saison passée, dans la tempête, on a pris de la hauteur alors que la facilité aurait été de tout casser. Je pense qu’on récolte les fruits de ça aujourd’hui. Ce mauvais passage a permis de nous souder encore plus. On savait que cela allait nous mener quelque part. Bon, de là à jouer la montée, non ! Avec le président (Malek Aït Atmane), c’est pareil, on est très proche, on a une certaine vision, on n’a pas vraiment ce rapport hiérarchique de président / entraîneur. On est lié par la même passion du foot. Ce qui fait que derrière, on n’a pas de pression. Pas d’obligation. Si ça marche, c’est bien, si ça ne marche pas, on essaie de réguler. Tous ensemble. C’est ça qui est bien à Rousset.

As-tu eu le temps de t’intéresser cette saison aux autres poules de National 3, de National 2 aussi ?
Je regarde beaucoup de championnats. Cela donne des idées pour le recrutement. C’est pour ça que l’on a parfois des joueurs qui viennent de loin, parce que d’autres clubs n’ont pas eu l’idée de les recruter. Il faut avoir la connaissance des joueurs et pour ça, Hakim (Lahouel) est très bon dans ce domaine.

« Nicolas Usai est très inspirant »

Ton meilleur souvenir de joueur ?
La victoire en Gambardella en 2006 avec le RC Strasbourg, il y avait notamment Kevin Gameiro, Quentin Othon, qui est toujours au club, Anthony Weber, c’était une promotion assez sympa. Le coach était Claude Fichaux, ensuite il était ajoint de Rudy Garcia à l’AS Roma, à L’OM et à Lille.

Et le pire ?
Quand on n’est pas monté en Ligue 2 avec Marseille-Consolat, après une saison extraordinaire (2015-2016), avec le coach Nicolas Usai, une personne qui a aussi beaucoup compté pour moi dans mon choix de l’après carrière. Il était très inspirant. La Ligue 2 aurait pu changer la vie sportive de beaucoup de joueurs. C’était une aventure humaine extraordinaire. Mais on a flanché à la fin.

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
J’en ai marqué plus sur la fin qu’au début. J’avais la technique on va dire, j’ai marqué pas mal de coups francs directs. Avec Aubagne, je me souviens qu’une saison, j’avais mis 10 buts dont 7 ou 8 sur coup franc ! Sinon, en général, je marquais entre 3 et 5 buts par saison. Pour un défenseur, c’est correct.

« Le foot, un vecteur de solidarité »

L’église de l’Immaculée-Conception à Rousset.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Quelques-un quand même… Cela m’est arrivé d’être dur sur l’homme, d’avoir de l’excès d’engagement par moments, mais j’avais plutôt la réputation d’un joueur habile balle au pied, bon relanceur. Je n’avais pas cette réputation-là d’être un défenseur qui faisait mal. J’avais cette culture de vouloir ressortir proprement, ce qui ne m’a pas tout le temps servi, parce qu’à mon époque, on aimait bien les joueurs rugueux. Mais je ne voulais pas déroger à cette mentalité-là. Depuis que je suis passé entraîneur, c’est ce que je prône aussi, même si, parfois, bien sûr, il faut balancer ! C’est important d’avoir ce bagage, parce que le défenseur, comme le gardien, est le premier relanceur.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur et pourquoi défenseur ?
Parce que c’était le sport populaire, vecteur de solidarité entre nous. C’est ce qui nous rassemblait tous. Et puis, autour de nous, on n’avait pas non plus beaucoup de choix dans les sports à pratiquer. J’habitais dans les quartiers Nord de Marseille, au Canet / Jean-Jaurès, dans le XIVe arrondissement. On était une bande de copains, on se retrouvait après l’école pour jouer au foot dans le club du quartier, Canet Sports, qui n’existe plus aujourd’hui.

Quel a été ton parcours, ensuite ?
J’ai joué à la JO Saint-Gabriel, un club de Marseille un peu plus huppé; ça m’a permis d’être repéré et d’intégrer le centre de formation de Cannes, où j’ai passé 3 ans. Il y a eu le tournoi des Régions aussi, avec la Ligue de Méditerranée, qu’on a remporté, avec Serge Gakpé, Samir Nasri, Ahmed Yahiaoui, Vincent Muratori, Thomas Mangani, on avait une très belle équipe.

Vainqueur de la Gambardella avec Strasbourg

Comment as-tu été repéré par l’AS Cannes ?
On avait une équipe à Saint-Gabriel au-dessus du lot. On avait fini premiers du championnat, on était suivi chaque week-end par les recruteurs. Pour ma part, j’étais surclassé, mais j’étais assez grand, j’avais le profil pour intégrer le centre de formation d’un club pro. À Cannes, j’y suis resté 3 ans, des U15 jusqu’au groupe National, où j’ai même fait des matchs, 7 je crois, avec le coach René Marsiglia et Franck Passi comme adjoint (en 2004/2005). Mais le club commençait à décliner à ce moment-là. Cela m’a quand même permis d’être mis un peu en lumière. A la fin de cette saison, j’ai choisi d’aller au centre à Strasbourg pour évoluer. C’est là que je remporte la coupe Gambardella la première année (en 2006), mais je ne passe pas pro. Pourtant, je faisais partie des quatre joueurs pressentis pour signer. Du coup, j’ai signé pro à Istres, en National, qui venait de descendre de Ligue 2. On a fait une très belle saison avec le coach René Le Lamer. Il y avait notamment Walid Mesloub, Olivier Giroud, qui était prêté par Grenoble, Julian Palmieri, Simon Feindouno… On avait une équipe sympa, jeune, on était une bande de copains. On a terminé au pied du podium et on n’est pas remonté. Ensuite, j’ai attendu quelques mois avant de voir si je trouvais un club de National, cela ne s’est pas fait, et je suis reparti dans le foot amateur, à Marignane, en CFA. Mais je n’y suis resté que quelques mois : je suis parti en D1 Tchèque, à Pribram, sauf que… Financièrement, il y a beaucoup de retards de paiement, bref, ça n’a pas tenu. Mais c’était une bonne expérience et la première fois que je m’expatriais. Cela m’a permis aussi de voir le football ailleurs. Après, j’ai signé à Gap, en CFA, avec Franck Priou, une personne qui est chère à mon coeur et avec qui j’ai une histoire. On est monté en National. Dans la foulée, Franck a signé à Martigues et Patrick Bruzzichessi l’a remplacé. On s’est maintenu sportivement à la dernière journée à Créteil, malheureusement, administrativement, le club a déposé le bilan. Malgré tout, on avait rempli les objectifs sportifs.

Meneur d’hommes, rassembleur…

Victor Ferreri, le préparateur physique.

Qualités et défauts sur un terrain, c’était quoi, selon toi ?
J’étais un meneur d’hommes. Je m’intéressais pas mal aux autres. J’étais rassembleur. Bien sûr, comme chaque joueur, j’étais centré sur moi, mais pas trop en fait, car j’avais ce truc de savoir fédérer. J’ai souvent été capitaine dans les équipes où j’ai jouées. J’étais nonchalant, pas très attiré par l’effort : je me reposais sur mes acquis.

Que t’a-t-il manqué pour jouer en Ligue 2 selon toi ?
C’est un peu ce que je viens de dire : je n’avais pas cette présence d’esprit que j’ai aujourd’hui de me dire que, si j’avais tout donné, j’aurais pu faire beaucoup plus dans le football, parce que je pense que j’avais les qualités pour ça. Mais je ne me suis jamais vraiment donné les moyens d’y arriver. Parce que sur le moment, je ne prenais pas conscience de cela. Je me disais que ça allait arriver. Mais on se rend bien compte aujourd’hui que les qualités ne suffisent plus. Je ne le regrette pas forcément, c’est le destin, mais si je m’étais donné à 200 %, je serais curieux de voir ce que cela aurait pu donner.

« Une carrière, ça va très vite »

Cette prise de conscience tardive, cela te sert aujourd’hui dans ton approche d’entraîneur ?
C’est un peu le message que j’essaie de faire passer auprès de mes joueurs, surtout des jeunes. Je leur dis qu’il faut se donner les moyens pour ne pas avoir de regret, aussi bien dans l’entraînement visible qu’invisible. Il faut prendre conscience qu’aujourd’hui, une carrière, ça va très vite, que l’on peut en vivre mais que l’on peut aussi passer à côté et le regretter, parce que ça peut très vite s’arrêter.

En National 3, c’est possible d’avoir ce discours-là ?
Oui parce qu’il y a quelques clubs qui sont en capacité de donner des salaires cohérents, je pense à Alès où les joueurs vivent du football, s’entraînent le matin. C’est comme un club semi-pro. Là-bas, les joueurs en font un métier. C’est ce que je souhaite a minima à mes joueurs : d’être un très bon joueur amateur, de vivre du football si possible. Maintenant, s’ils ont des qualités pour aller au-dessus, il faut les encourager pour se donner à fond et ne pas avoir de regret.

« Je dois évoluer, adapter mon comportement »

La réserve est championne de D1 et accède en Régional 3.

Tu es un entraîneur plutôt comment ?
J’essaie d’être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir. J’ai eu de bonnes expériences, d’autres moins bonnes, et j’essaie de tirer le parti de tout ça. Je suis très proche de mes joueurs. Mais je fais la part des choses. J’ai ce management qui fait que je sais créer un lien, c’est ce qui fait aussi que l’on a des résultats. Je ne pense pas que mettre de la distance soit une bonne chose. En fait, la meilleure pub que l’on peut me faire, c’est celle qui vient de mes joueurs, de ce qu’ils pensent de moi. Pour le moment, les retours sont bons, c’est ce qui me conforte. Mais je dois évoluer aussi. Adapter mon comportement. Je pense que depuis mon arrivée en 2022 à Rousset je me suis énormément développé. J’aspire chaque jour à être meilleur, à progresser.

Des entraîneurs inspirants ?
J’ai eu beaucoup de très bons entraîneurs, je pense à François Keller à Strasbourg, que j’ai eu en réserve en CFA, j’ai eu Lasaad « Titou » Hasni à Gémenos, qui est aujourd’hui directeur du centre de formation de l’OM, une personne très intelligente, qui m’a poussé aussi à passer mon BEF (Brevet d’entraîneur de football) pour franchir ce cap, Nicolas Usai, Eric Chelle, Franck Priou bien sûr avec qui j’ai une relation forte, encore aujourd’hui. Ils m’ont tous apporté quelque chose dans mon parcours.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Je suis allé à l’Emirates Stadium (Arsenal), c’était vraiment pas mal, au Nou Camp aussi (Barcelone). Sinon, le Vélodrome, c’est les racines, la meilleure ambiance d’Europe !

Un coéquipier marquant ?
Il y en a plusieurs ! Walid Mesloub. J’ai gardé une relation forte avec lui. Nos épouses se connaissent. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié et pourtant on n’a joué qu’une seule saison ensemble à Istres. C’est l’un des plus talentueux avec lequel j’ai joué. Ibrahim Rachidi aussi, qui est l’adjoint d’Hakim Malek en L2 à Martigues, était particulièrement drôle : on se chambre encore beaucoup, on s’appelle.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling dans le jeu ?
À Gap et à Martigues, j’ai joué avec Medhi Messaoudi, on se ressemblait physiquement, on était complémentaires. A Aubagne, j’ai joué avec Yann Jean dit Gauthier, on n’était pas les défenseurs les plus rapides mais, là encore, on avait cette complémentarité. On avait fait une très bonne saison, on avait fini 2e.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière, contre lequel tu t’es dit « ce soir, ça va être compliqué » ?
Quand on a joué contre Monaco, il y avait Djamel Bakar en réserve, c’était un super joueur. Il allait très vite. Il a fait une belle carrière mais il aurait pu faire encore mieux que ça. Et David Gigliotti aussi, c’était un crack quand il était jeune.

« Quand un coach qui « allez », je ne comprends pas ! »

Un coéquipier que tu aimerais bien revoir ?
Youssouf M’Changama.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Claude Fichaux.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
A Gap, la deuxième saison, quand on est monté en National, on ne s’est pas forcément compris avec le coach, Patrick Bruzzichessi. C’est dommage. Sur le plan personnel, c’était une année compliquée, mon père était malade, il est décédé, le club était dans une situation compliquée aussi. Dans le management et la manière d’appréhender l’équipe, cela a été difficile. Cette saison-là, je ne l’ai pas gardée dans mon coeur.

Une consigne d’un entraîneur que tu n’as pas compris ?
Quand un coach crie « Allez ! », je n’arrive pas à comprendre ce que cela veut dire !

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Luc Mingallon, pour tout ce qu’il représentait à Marseille-Consolat. C’était folklrorique.

Une causerie de coach marquante ?
J’étais très jeune, c’était la causerie de la finale du tournoi des régions avec Bruno Bini, je devais avoir 14 ans, il nous avait fait marcher au bord d’une rivière et il avait fait sa causerie là, il s’était mis à la place de l’entraîneur adverse et il expliquait comment on était perçu. C’était les premiers pas vers le foot de haut niveau; ça m’avait marqué.

Des rituels, des tocs, des manies avant un match ?
J’aime rester dans ma bulle. La manière avec laquelle je fonctionne, et c’est paradoxal, est un peu à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui, où les joueurs aiment bien être décontractés, rigoler, et ils » switchent » à 5 minutes du jeu; ça ne me dérange pas, chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais moi, j’aime bien visualiser mon match dans la tête. J’ai besoin de me recentrer sur ça. Joueur, j’étais comme ça aussi. Je ne suis pas très bavard avant les matchs, alors qu’en dehors oui (rires).

Proximité et bienveillance

Une devise, un dicton ?
Non, je n’en ai pas en particulier, même si j’aime bien mettre une petite phrase de temps en temps, quand je pense que c’est le bon moment.

Tes passions dans la vie ?
La famille. Le foot prend tellement de temps ! Il faut trouver le bon dosage entre le foot et la famille. Les moments sont précieux.

Un chiffre ?
Le 7. Mon épouse est née le 7.

Un surnom ?
Nono.

Tu es un entraîneur plutôt …
Bienveillant. Joueur. « Protagoniste », je suis celui qui préfère avoir la balle plutôt que d’avoir à m’adapter à l’adversaire.

Tu étais un joueur plutôt …
Leader, technique et fédérateur.

Un modèle de défenseur ?
J’ai toujours aimé les défenseurs « propres » comme Paolo Maldini, ou Alessandro Nesta.

Une idole de jeunesse ?
Zidane, comme tout le monde.

Le match de légende de l’Histoire du foot, c’est lequel pour toi ?
Real Madrid – Leverkusen en finale de la Ligue des Champions (en 2002) avec la volée de Zidane. Et aussi Milan AC – Liverpool (en 2005), quand Liverpool est revenu de 0-3 à 3-3. On prenait beaucoup de plaisir devant la télévision, il y avait beaucoup de stars sur le terrain.

Le club de Rousset, en quelques mots ?
Familial, en plein développement et sur la bonne voie.

Le National 3 ?
Compliqué, exigeant. C’est ce qui résume ce championnat-là. Le N3 demande beaucoup de concentration, de remise en questions. À Rousset, on essaie de mettre une bonne méthodologie de travail.

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : FC Rousset SVO (Lucas Zanoni et HMZ Production)
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Adoré des supporters à Nîmes Olympique, le club de la ville où il est né, et où il a laissé bien plus qu’une trace, l’attaquant de 32 ans, actuellement en rééducation, a aussi mis ceux de l’ESTAC (Ligue 2) dans sa poche. Sa générosité, sa simplicité et son entièreté font qu’il est facile de s’identifier à ce garçon solaire et pétillant. Un entretien rafraîchissant !

Par Anthony BOYER (aboyer@13heuresfoot.fr) / Photos @ESTAC

Cette année, Renaud Ripart a délaissé son catogan au profit d’une coupe plus… militaire ! Photo @ESTAC

Après avoir conquis le Sud à Nîmes, Renaud Ripart est parti voilà bientôt quatre ans à la conquête de l’Est, à Troyes. Et à voir la manière dont les supporters de l’ESTAC l’ont célébré au stade de l’Aube, le 20 janvier dernier, lors de la réception d’Annecy (0-1), pas de doute, il a été bien adopté. Et adoubé. Ce soir-là, un tifo en l’honneur du Gardois avait été déployé, sur lequel on pouvait lire « Les Magic solidaires d’un joueur exemplaire ». Un superbe hommage. Mérité.

C’était quelques jours après sa grave blessure contractée à Rodez, le vendredi 10 janvier, quand son ligament croisé avait rompu. La célébration a dû faire chaud au coeur de l’attaquant de 32 ans, au moins autant que celle qui lui avait été réservée aux Jardins de la Fontaine, à Nîmes, quand, alors qu’il profitait d’un week-end pour faire ses valises et rejoindre l’Aube, un tifo avait été spécialement organisé pour lui par les supporters de Nîmes Olympique. Pour ce pur Nîmois, qui, hormis Troyes, n’avait quitté qu’une seule fois « SA » ville – Il fut prêté en National au CA Bastia en 2014-2015 -, ce fut un moment inoubliable, dont il a gardé une image, une photo même. Cet épisode, le raconte dans cet entretien de 45 minutes, accordé entre deux séances de rééducation au club, quelques jours avant de se rendre au Centre national de Clairefontaine, pour des soins de rééducation.

Enfant du quartier de Castanet

Photo @ESTAC

Renaud Ripart, c’est ce gars tranquille, posé, cool, pétillant, que tout le monde apprécie. Qui fait l’unanimité. Que tout le monde voudrait avoir pour ami. À Nîmes, il est devenu un symbole. Une légende. Derrière Kader Firous, dont il cite d’ailleurs le nom en réponse à la question « Le joueur historique du NO ? », c’est peut-être bien lui qui arriverait juste après dans le coeur des Crocodiles au classement des joueurs emblématiques du club.

Parce qu’il y est né. Parce qu’il y a grandi. Parce qu’il y a tout connu. Parce qu’il a commencé dans le quartier de Castanet avant de rejoindre le voisin mythique. Parce qu’il a fait du stade des Costières son jardin, son arène, référence au monde de la tauromachie qui lui est cher, et à qui il a largement rendu hommage à chacune de ses célébrations après un but, en mimant une passe de torero avec sa cape.

Mais tout n’a pas été simple pour cet attaquant de formation, trimballé à plusieurs postes, notamment au début de sa carrière. Une carrière qui l’a vu prendre son véritable envol vers l’âge de 22/23, quand Nîmes a tout d’abord réalisé une superbe deuxième partie de saison 2015/16 en Ligue 2 alors que 8 points de pénalité lui avait été infligé au départ.

Stéphane Rossi : « Il est travailleur, discipliné, rigoureux »

Photo @ESTAC

« Quand on l’a eu avec nous au CA Bastia en National, prêté par Nîmes, il se cherchait un peu au niveau de ses postes, attaquant, milieu excentré, se souvient Stéphane Rossi, un de ses anciens coachs, aujourd’hui à Concarneau (National). On venait de descendre de Ligue 2, c’était une saison compliquée (en 2014/15), on avait souffert, mais si je n’avais pas eu des garçons comme lui, on ne s’en serait pas sorti. Renaud est rigoureux, discipliné, travailleur, avec une super-mentalité. Je me souviens qu’après les séances, il restait pour travailler devant le but. Il en voulait toujours plus. Après, de là à dire qu’il deviendrait un acteur majeur de la Ligue 1 comme ce fut le cas avec Nîmes, ce n’était pas évident, même si je pensais qu’il pouvait évoluer à ce niveau. Il a cette faculté à s’adapter. Pour moi, Renaud est un exemple pour beaucoup de jeunes joueurs qui arrivent dans le circuit. »

Et puis il y a eu cette fameuse saison 2017/18, toujours en Ligue 2, quand les Crocos et Umut Bozok (25 buts en 38 matchs !) marchaient sur l’eau et écrasaient tout et tout le monde sur leur passage, jusqu’à replacer le club et la Ville sur la carte de France de la Ligue 1, 25 ans après !

25 ans, c’est aussi l’âge que Renaud Ripart le bavard avait lorsqu’il a découvert la Ligue 1. C’est tard. Mais c’est son histoire. Et il la raconte en détail, avec franchise, sans regret, avec une lucidité déconcertante et quelques anecdotes truculentes. Et sans son catogan, qu’il a délaissé pour une coupe plus… militaire !

Interview

« Marquer un but, c’est ce qu’il y a de plus beau ! »

Photo @ESTAC

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en Ligue 1 (en 2018) avec Nîmes et aussi la saison qui a suivi, avec notamment ce match contre Marseille en début de saison, quand on gagne 3 à 1 pour le retour de la Ligue 1 aux Costières, ce sont des moments assez incroyables.

Pire souvenir sportif ?
Ce sont malheureusement les blessures. Surtout les deux blessures à Troyes, que cela soit mon tendon d’Achille la première fois où là, récemment, le croisé. Ce sont des périodes longues, qui t’éloignent des terrains, où tu n’es pas dans la capacité d’exercer ton métier, ta passion. C’est comma ça. Le matin et l’après-midi, je vais au club faire ma rééducation, ça dépend, les séances ne sont pas tous les jours doublées; la semaine prochaine (cette semaine), je suis à Clairefontaine en soins de rééducation pour la reprise de course. J’ai de la chance, mon genou réagit plutôt bien, il n’est pas « inflammatoire » : quand je fais une grosse séance, je n’ai pas mal le soir, il ne gonfle pas, ça se passe bien, ça évolue bien. C’est vrai que je reprends la course assez tôt mais bon, il y a plein de trucs à valider encore. J’espère être de retour sur les terrains cet été !

« Ces deux dernières années, je n’ai pas été épargné »

@ESTAC

À Nîmes, tu n’avais pas eu de « grosses » blessures…
Très peu. J’avais eu une petite lésion par-ci, une petite déchirure par-là, mais c’était très léger. C’est vrai que depuis que je suis à Troyes, notamment ces deux dernières années, je n’ai pas été épargné. J’ai fait les deux plus grosses blessures qu’un footballeur puisse avoir.

Tu t’es demandé s’il n’y avait pas une malédiction troyenne ?
Non, je ne pense pas, parce que le croisé que je me suis fait en janvier, c’est sur un contact, un joueur m’est tombé sur ma jambe, ce sont des faits de jeu. C’est un peu ce qui est arrivé juste après à Antoine Dupont, avec la jambe tendue, et le joueur me tombe sur le genou. Même les plus costauds, comme Dupont, on voit que ça peut lâcher. C’est la faute à pas de chance.

« J’ai prouvé que l’on pouvait y arriver »

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
(Il réfléchit)

C’était juste pour savoir si tu connaissais le chiffre par coeur…
Non, je ne le connais pas par coeur, je dirais 65, quelque chose ça, 70 peut-être. Je crois qu’à Nîmes, j’en ai marqué 50.

Plus beau but ?
Contre Clermont en Ligue 2, j’étais sur le côté droit, je me retourne, je me mets sur mon pied gauche, je fais une frappe de l’extérieur de la surface et elle fait barre, ça tape derrière la ligne et elle ressort, c’était un beau but (cliquer sur le mot « but » pour le voir !).

@ESTAC

Le but le plus important ?
Celui que j’inscris contre Montpellier, c’était le derby, à huis-clos à l’époque, à la 85e minute et on a gagné 1 à 0. Un super-souvenir ! Quand on est rentré à Nîmes, on a été fêté comme des héros.

Plus beau loupé ?
J’en ai raté oui (rires) !!! J’ai des images de buts que j’ai ratés mais je ne pourrais pas te dire contre qui c’était !

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Par pure passion. Je viens d’une famille où l’on n’est pas du tout football, du coup, durant toute mon enfance, quand on me demandait ce que je voulais faire et que je répondais « joueur de foot », on me disait « fais tes études », sous-entendu, ce n’est pas impossible, mais presque. Je leur ai prouvé le contraire. J’ai commencé dans un petit club de Nîmes, à Castanet, c’est un quartier à l’ouest de la ville. Le club existe toujours. Le président est toujours le même. Il m’arrive parfois d’y passer, quand je vois qu’il y a un entraînement par exemple; en plus, ma maison à Nîmes n’est pas très loin du stade. Mais de moins en moins malheureusement, parce que j’ai une vie de famille bien remplie (rires).

« J’ai l’âme d’un leader »

@ESTAC

Premier match pro auquel tu as assisté ?
Il me semble que c’est Nîmes – Strasbourg en Division 2, il y avait Chilavert dans les buts du Racing C’était après la coupe du monde 1998, par là…
– Le 9 avril 2002, en match en retard de la 25e journée, Strasbourg s’était imposé 3-1 aux Costières en Division 2. A l’issue de la saison, Nîmes, 19e, était tombé en National, accompagné du FC Martigues, 20e, tandis que Strasbourg, 2e derrière l’AC Ajaccio, accédait en Ligue 1.

Ton geste technique préféré ?
Peu importe le geste, c’est de marquer un but. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le foot.

Combien de cartons rouges ?
Zéro ! Je touche du bois ! Je ne suis pas passé loin plusieurs fois !

Le message des supporters de l’ESTAC pour Renaud, après sa grave blessure. @ESTAC

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, je dirais que je suis quelqu’un de très généreux sur le terrain, je cours beaucoup, je suis adroit devant le but, j’ai le sens du but, du placement, j’ai une capacité aussi à fédérer mes coéquipiers, parce que j’ai l’âme d’un leader aussi, que cela soit par la voix ou par ce que je produis sur le terrain. Défauts, souvent, comme je donne beaucoup, j’ai du déchet, je me précipite un peu. Forcément, avec l’âge, avec les blessures aussi, la vitesse, ça diminue un peu, même si cela n’a jamais été ma qualité première. J’arrive à adapter mon jeu, à jouer différemment par rapport à ça.

Qualités et défauts dans la vie ?
C’est un peu pareil que sur le terrain, généreux, avec tout le monde, mes amis, ma famille, même avec des gens que je ne connais pas ! Je suis assez solaire, j’aime bien sourire, faire rigoler les gens. Je suis gentil quoi ! Mes défauts ? Je suis un peu impulsif, je ne suis pas très patient et un peu têtu; ça fait trois défauts, c’est déjà pas mal (rires) !

Que t’a-t-il manqué pour être un top joueur de Ligue 1 ?
Ouf, beaucoup de choses (rires) ! En termes de qualité, peut-être que d’autres joueurs ont un peu plus que moi, partout, c’est pour ça qu’ils jouent pendant 15 ans en Ligue 1, voilà.

« Je suis arrivé en pro sur la pointe des pieds »

@RIPS_20 Renaud, après son opération du croisé, fin janvier.

Ton début de carrière n’a pas été simple, on te trimballait aussi à tous les postes…
Quand je suis revenu de mon prêt au CA Bastia en National (2014/2015), Nîmes ne comptait pas forcément sur moi, c’est vrai, et puis après, il y a eu ce changement d’entraîneur et l’arrivée de Bernard Blaquart qui a fait énormément pour moi. Chacun a son évolution : certains sont prêts à jouer en pro à 16 ans, d’autres à 18 ans, mais moi, comme dans mon enfance, on m’a toujours répété que c’était impossible de passer pro, quand je suis arrivé en pro à Nîmes, je suis arrivé avec un peu trop sur la pointe des pieds, « limite » je ne me sentais pas légitime. Je n’avais peut-être pas assez d’ambition. Je me contentais d’être sur le banc de touche et je me disais que c’était bien. Je pensais que c’était normal de ne pas être titulaire, parce que j’étais jeune, et que c’était comme ça.

Tu penses avoir manqué de confiance ?
Pas forcément. Peut-être que j’ai fait preuve d’un peu trop d’humilité. C’était il y a 15 ans, le foot était différent. On faisait moins confiance aux jeunes que maintenant; pour jouer, pour « accrocher » des minutes, du temps de jeu, c’était plus compliqué. Peut-être aussi que, dans ma réflexion, j’appréhendais un peu ce que c’était que d’être vraiment un joueur professionnel. A 18 ans, je n’avais pas la lucidité de certains pour le comprendre. Je n’ai jamais eu de plan de carrière par exemple. Je ne me projetais pas. J’essayais juste de vivre le moment présent à fond, parce que je ne savais pas quand est-ce que ça allait s’arrêter, entre guillemets.

« Je me suis épanoui à beaucoup de postes »

@ESTAC

Tu as évolué à plein de postes différents : est-ce que cela n’a pas été un frein justement à ton évolution ?
Non, je ne pense pas. Déjà, si je n’avais pas été utilisés à différents postes, peut-être que j’aurais joué moins de matchs, je n’aurais pas autant performé.

À Nîmes, les coachs que j’ai eus me connaissait, ils avaient plus de facilité à me mettre à droite, à gauche, devant, derrière, et peut-être que pour des clubs qui me regardaient de l’extérieur, cela a été un frein parce qu’ils préféraient prendre un joueur à un poste bien spécifique plutôt que quelqu’un qui jouait un peu partout, c’est possible. En tout cas, je ne le regrette pas, parce que je me suis épanoui à beaucoup de postes, et si je m’étais cantonné à un seul poste, je n’aurais peut-être pas fait autant de matchs.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Il y en a plusieurs. Je dirais la saison où on monte en Ligue 2 avec Nîmes (2017-18), parce que, franchement, on avait une très bonne équipe, on jouait bien, on prenait beaucoup de plaisir, on marquait beaucoup de buts, on gagnait beaucoup de matchs, alors forcément… Le plaisir, il est aussi dans le résultat. Il y a eu la deuxième partie de saison aussi en Ligue 2, celle où on a démarré avec 8 points de pénalité, et là, on a cartonné, d’ailleurs, je crois qu’on termine premier sur la phase retour, et on se sauve alors que tout le monde nous voyait mort. Cela a été une période vraiment intense. On était une bande potes, on se régalait sur le terrain, on jouait avec insouciance, ce qui était impensable pour une équipe classée dernière de son championnat ! Ces six mois-là ont été incroyables. Enfin, je dirais aussi la première saison en Ligue 1 (2018-19), on termine 8 ou 9e, tout le monde nous voyait redescendre directement et finalement on n’a pas du tout été inquiétés cette année-là (le NO a terminé 9e de Ligue 1). On a perdu des matchs, on a pris des roustes, mais on a pris beaucoup de plaisir aussi. Personnellement, j’ai pris du plaisir à découvrir plein de stades, à jouer à Paris, à Marseille, à Lyon, à Saint-Etienne, à affronter de « gros » joueurs, quand tu arrives de Ligue 2, c’est plaisant.

« Ce match contre l’OM, waouh ! »

@ESTAC

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Si je devais en choisir un, je prendrais le Real Madrid, et je ne serais pas seul à le citer, parce que c’est le plus grand club du monde, même s’ils se sont fait taper 3-0 à Arsenal (l’entretien a été réalisé le lendemain du match aller de Ligue des Champions entre Arsenal et le Real Madrid) ! Mais je suis lucide, c’est juste un rêve (rires) !

Le meilleur match de ta carrière, selon toi ?
C’est dur ce que tu me demandes, parce qu’en fait, il y a plein de matchs qui me reviennent, ils sont liés aux différents postes où j’ai évolué; par exemple, tel match quand j’ai joué attaquant, tel match quand j’ai joué arrière-droit, etc. J’ai un match en tête, avec Nîmes, en Ligue 1, quand on va gagner 2-1 à Lille, l’année où ils sont champions (J30, en 2020/21) : j’avais joué numéro 8 ! Je prenais beaucoup de plaisir à ce poste et c’est vrai que j’avais fait un super match. J’avais marqué le 2e but, d’un petit piqué sur Mike Maignan. Je pense aussi au match contre l’Olympique de Marseille, pour le retour de la Ligue 1 aux Costières du Nîmes. Ce match, contre l’OM en Ligue 1, c’était… Waouh ! Je jouais devant, je m’étais senti super-bien, j’avais de très bonnes jambes, je marque, il y avait une ambiance de fou dans le stade ! Après, il y a eu d’autres matchs aussi, en Ligue 2, en coupe de France aussi même récemment avec Troyes. Mais c’est difficile de comparer.

« Adil Rami, un vrai personnage ! »

Avec les enfants de l’ES Municipaux. @ESTAC

Le pire match de ta carrière ?
C’est après une défaite 3-0 à Montpellier. C’est en tout cas le match qui m’a fait le plus mal. On se fait rouler dessus. Je ne me suis pas dit que j’allais arrêter le foot après ça mais c’est vrai que j’ai mis plusieurs jours à m’en remettre.
– Le 30 septembre 2018, dans une rencontré émaillée d’incidents, le MHSC s’était imposé 3 à 0 à La Mosson (Journée 8).

@ESTAC

Un stade et un club mythique pour toi (en dehors des Costières) ?
En dehors de Nîmes, en France, le plus mythique, c’est le Vélodrome, à Marseille. Il y en a d’autres, avec de très bonnes ambiances aussi, je pense à Bollaert à Lens, que j’adore, et aussi le chaudron à Saint-Etienne (Geoffroy-Guichard), La Meinau à Strasbourg, La Beaujoire à Nantes… Ce qui est dommage, c’est que les supporters soient interdits de stade souvent, c’est de jouer devant des stades qui, au final, ont des virages ou des parcages fermés, et ne sont jamais pleins. Mais là, c’est un autre débat.

Un coéquipier marquant ?
Adil Rami. Quand tu le connais, que tu le côtoie tous les jours, c’est quelqu’un de très simple, de très humble, malgré tout ce qu’il a accompli dans le foot. C’est un vrai personnage. Il est comme on peut le voir parfois à la télé, marrant, toujours en train de rigoler, mais en même temps, très professionnel : même si je ne l’ai connu que sur sa fin de carrière, j’ai tout de suite compris pourquoi il avait réussi une si belle carrière. Il est rigoureux, exigeant. C’est un vrai compétiteur, un vrai professionnel.

« Quand René Marsiglia nous a dit qu’il avait un cancer… »

@ESTAC

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Teji Savanier. Je jouais souvent sur le côté, lui adore le jeu long, du coup, c’était facile de jouer avec lui, il a une qualité technique tellement incroyable ! Il aimait bien tirer les coups de pied arrêtés au premier poteau, j’ai marqué des buts comme ça ! C’était la zone où j’allais !

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
La plupart, je suis en contact avec eux, par messages, même si on ne se voit pas beaucoup, j’en croise parfois sur les matchs mais on n’a pas trop le temps de se parler. Récemment, j’ai vu un de mes anciens coéquipiers à Troyes, Karim Azamoum, il est venu pour la célébration des 100 ans du Stade de l’Aube et des 125 ans du football à Troyes, il est resté quelques jours, on a pu se voir, manger chez l’un, chez l’autre.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Le coach que j’ai eu le pus souvent c’est Bernard Blaquart, on s’écrit souvent, et quand je descends dans le Sud, on arrive toujours à se faire un petit repas, avec d’autres anciens joueurs aussi.

Une causerie de coach marquante ?
Tu me fais aller dans les souvenirs lointains là ! Ce n’est pas vraiment une causerie, mais c’est un événement qui m’a marqué. C’était avec René Marsiglia, paix à son âme. On jouait le maintien en Ligue 2, il était venu entraîner 6 mois à Nîmes (René Marsiglia avait été nommé le 26 décembre 2013), on sortait d’un mauvais match et le lendemain matin, en rentrant de déplacement, il nous a convoqués dans le vestiaire. Il avait des reproches à nous faire mais il les as formulés avec des mots très simples, très bienveillants. Il avait le sentiment qu’on avait peur de se lâcher, peur de descendre, et puis, c’est à ce moment-là qu’il nous a dit qu’il était malade, qu’il avait un cancer, et que c’est pour ça que, parfois, il ratait l’entraînement, à cause des traitements à suivre. En gros, il nous a dit qu’on ne savait pas combien de temps la vie avait encore à nous offrir et que nous, on avait de la chance de jouer au foot, qu’on n’avait pas de pression à avoir. Il nous a racontés qu’il était en vacances quand il a appris la nouvelle et que… bon, ben voilà, il avait un cancer, Forcément, cet épisode m’a marqué. Je m’en souviens encore. Finalement, on s’est sauvé. Quant il nous a dit ça, on est tous tombé des nues. Moi j’étais jeune à l’époque. René, c’était un super coach, humainement, il était top. Nous, les joueurs, on s’en était un peu voulu, il nous a fait relativiser plein de choses. On a pris conscience qu’il y avait toujours plus grave.

« J’ai toujours essayé de bosser plus que les autres »

@ESTAC

Ton premier match en National ?
Contre Orléans. Aux Costières. Avec Thierry Froger (saison 2011-2012). J’étais rentré peut-être dix minutes, quelque chose comme ça. D’ailleurs, cela faisait six ou sept fois que j’étais sur le banc mais que je ne rentrais pas (rires) ! A l’époque, on ne pouvait faire que trois changements et il n’y avait que 16 joueurs sur la feuille de match, du coup, cela faisait moins de turn-over.

Des rituels, des tocs, des manies ?
Je ne suis pas très superstitieux. Je fais beaucoup de sophrologie. Avant les matchs je fais des petits exercices de respiration, des petites visualisations, mais je n’ai pas vraiment de rituel. Ce sont souvent les mêmes choses qui reviennent avant un match mais ce n’est pas parce qu’on a gagné ou parce que j’ai marqué un but que je vais remettre le même caleçon ou quelque chose comme ça, non.

Une devise ?
Pas spécialement, mais si je dois en sortir une, je dirais « Le travail paie », parce que cela me correspond, parce que j’ai toujours fonctionné comme ça. Dans les moments où ça va moins bien, je me réfugie dans le travail. Et même dans les moments où ça va, c’est souvent là où on a tendance à se relâcher, c’est pour ça aussi que j’ai toujours bossé, j’ai toujours essayé de bosser plus que les autres, parce qu’il n’y a pas beaucoup de places, elles sont chères, alors si tu veux y arriver… Il faut essayer de se démarquer, c est pour ça que je bosse plus.

« J’ai besoin de penser à autre chose que le foot »

Le Stade de l’Aube, à Troyes. @ESTAC

Tes passions dans la vie ?
Je suis quelqu’un qui a besoin de couper. D’être toujours maintenu dans le rythme de la compétition, toute une saison, forcément, il y a des moments, c’est éprouvant. Les gens ne se rendent pas forcément compte. J’ai besoin de penser à autre chose que le foot en rentrant chez moi même si ça m’arrive de regarder des matchs bien sûr. Mais le week-end, je ne passe pas ma vie devant le foot à la télé. Je viens d’avoir un troisième enfant, un troisième garçon, il a 3 mois, le plus grand a 4 ans, donc on ne s’ennuie pas (rires). Sinon, je faisais pas mal de golf avant, mais j’en fais un peu moins maintenant : là c’est pareil, ça me permettait de couper avec le foot et la médiatisation notamment. Le golf est un sport qui, physiquement, ne me demande pas de gros efforts, tu marches, tu te dégourdis les jambes, c’est tranquille, sympa.

Un sport (autre que le foot) ?
Le golf, le basket.

Une couleur ?
Le rouge.

Un plat ?
J’aime bien manger, c’est dur comme question ! Un barbecue, une côte de boeuf, c’est clairement ma « cam », pâtes carbonara, paella…

Et ce fameux « burger Ripart » de Nîmes, tu ne l’as pas goûté ?
Jamais… Jamais… Je n’ai jamais pu le goûter. Ils l’ont confectionné quand je suis parti à Troyes, ça n’a duré que quelques jours, mais j’ai eu des bons retours et j’espère qu’ils ont fait un bon chiffre grâce à ça (rires) !

« J’ai adoré l’Andalousie ! »

@ESTAC

Une boisson, toujours le Perrier-citron ?
Non, nous, à Nîmes, on a le sirop de citron qui s’appelle le sirop-Pac, sinon un petit Ricard c’est pas mal, avec modération (rires), en vacances.

Un animal ?
Les taureaux.

Pourquoi as-tu le numéro 20 ?
Parce que c’est le numéro que j’avais quand j’ai signé pro. J’avais le choix. C’est Vincent Carlier qui avait ce numéro et qui me l’a confié. Il y avait le 14 aussi, le jour de ma naissance, mais j’aimais bien le 20. C’est resté. Et quand je suis arrivé à Troyes, celui qui avait le 20 est parti, je me suis dit « Vas-y, c’est un signe » !

Un surnom ?
Rips ou Rino, ce n’est pas très original ! Rips, c’est le diminutif de Ripart, mes potes m’appelaient comme ça,

Un film ?
(sans hésiter) Gladiator.

Un souvenir de vacances ?
Les dernières vacances que j’ai faites, avec mon épouse et mes deux enfants, une dizaine de jours, c’était en Andalousie. On a visité une bonne partie de cette région, on s’est régalé, on a visité des arènes, bien sûr, on a fait la feria à Grenade, on a visité un élevage, on a fait Séville, Cordoue, Ronda, je conseille !

« Les Jardins de la Fontaine, les arènes… »

Une photo de toi que tu aimes bien ?
Il y a une photo que j’adore, c’est après mon départ à Troyes, quand je suis revenu le week-end suivant à Nîmes pour récupérer des affaires et ma voiture, et là, alors que j’étais juste parti pour faire une pétanque aux Jardins de la Fontaine, les supporters m’ont fait la surprise d’être là, ils avaient fait un immense tifo ! Et il y a cette photo où j’ai la cape, où je fais deux-trois passes, avec le tifo au fond.

Photo Le 11 Nîmois

Vidéo (Le 11 de Nîmes) : Quand Renaud Ripart reçoit un hommage surprise des supporters du Nîmes Olympique

Une chanson ?
J’aime bien tous les styles, je peux passer de la variété française au rap US, au reggae, à la musique latino… ça dépende de l’humeur. Quand je suis arrivé à Troyes, j’ai chanté « Je te promets », et là, il y a la version reprise par Chico et les Gipsy King, ça me rappelle le Sud, j’aime bien cette ambiance.

Ecouter « Je te promets » de Chico et les Gypsies :

Une ville, un pays ?
Nîmes, c’est logique ! Et sinon Séville. Je pense que c’est la plus belle ville que j’ai vue.

Un endroit à Nîmes ?
Il y en a beaucoup. Le centre-ville. J’aime bien m’y balader. Et les Jardins de la Fontaine, pour faire jouer les enfants, et ce n’est pas très loin de chez moi. Et les arènes aussi.

On te reconnaît dans la rue à Nîmes ?
Oui, quand même, pourtant cela fait 4 ans que je suis parti…

Et à Troyes ?
Aussi, oui, même si c’est une plus petite ville.

« Nîmes fait partie de ma vie »

Son message aux Nîmois après son départ à l’ESTAC. @RIPS_20

Termine la phrase en deux ou trois adjectifs : tu es un joueur plutôt …
C’est dur ça ! Déterminé. Travailleur.

Un modèle de joueur quand tu étais gamin ?
Mon idole, c’était Zidane. Même si ce n’est pas mon poste. Sinon, comme numéro 9, je regardais beaucoup les attaquants, R9 (Ronaldo, le Brésilien), Djibril Cissé, Pauleta. Et aussi Cavani ! J’ai même joué contre lui quand il était au PSG, j’étais comme un fou. Cavani, c’est le type de joueur qui ne lâche rien, qui est porté sur le collectif, sur son coéquipier, j’adore !

Le match de légende du Nîmes Olympique, c’est lequel, pour toi ?
La demi-finale de coupe de France de 1996 contre Montpellier, victoire 1 à 0, but de Ramdane !
– Nîmes, alors en National, s’était incliné 2-1 en finale de la coupe de France face à l’AJ Auxerre.

Le joueur de légende du Nîmes Olympique ?
Je pense que c’est Kader Firoud, c’est le plus capé.

Parler de Nîmes, sans cesse, tu n’en as pas marre, à force ?
Non, Nîmes fait partie de ma carrière, de ma vie.

« Peut-être qu’un jour, je reviendrai au NO, mais je n’en sais rien… »

@ESTAC

La situation de Nîmes Olympique est critique (avant-dernier en National) : t’impliquer un jour au NO, tu y penses, si tu rentres à Nîmes à la fin de ta carrière ?
C’est vrai que j’ai 32 ans et même si j’espère jouer encore quelques années, j’essaie de préparer au mieux mon après-carrière, parce qu’un jour ou l’autre, ça va arriver. Du coup, oui, il y a de grandes chances que je retourne à Nîmes, parce que c’est ma ville, parce que j’y ai grandi et que je m’y sens bien. Et c’est là où j’ai envie d’être. Après, il ne faut se fermer aucune porte. Oui, peut-être qu’un jour je reviendrai au club, mais je n’en sais rien. Dans quelles conditions, je ne sais pas, mais oui, c’est une possibilité.

Le vendredi soir, après les matchs de Ligue 2, tu regardes les résultats du Nîmes Olympique en National ?
Ah bien sûr, bien sûr ! C’est le premier truc que je regarde en National, j’espère qu’ils vont se sauver, c’est vital pour l’avenir du club.

« J’ai l’impression d’avoir commencé ma carrière hier »

@ESTAC

Le stade des Costières, de le voir comme ça, à l’abandon…
C’est triste. A la base, il y avait ce nouveau projet à la place donc ça pouvait s’entendre mais bon, là, maintenant… Il n’y a pas de visibilité à moyens termes pour le Nîmes Olympique. J’espère que ça va s’arranger. J’espère que le club trouvera des repreneurs qui ont envie de s’impliquer, d’avancer, de faire les choses bien, pour que les gens reviennent au stade, pour qu’il n’y ait plus de fracture entre la direction et les supporters, pour que le club fasse à nouveau rêver les plus jeunes aussi, c’est ça qui est important, parce que le foot, ça se transmet de génération en génération. Si pendant quelques années, les gens ne peuvent plus s’identifier à leur équipe, tu perd une génération, tu perds l’engouement, tu perds la ferveur.

Plus tard, tu voudrais faire quoi ?
J’ai plein de projets. Je ne sais pas si je les réaliserai tous parce qu’à un moment, il faut se canaliser; j’en ai dans le foot, pas dans le foot, comme je t’ai dit, je ne me ferme aucune porte, et puis on verra selon mes envies du moment quand je déciderai d’arrêter ma carrière. J’ai aussi encore envie de profiter des années qu’il me reste à jouer au football, parce que c’est ma passion, j’aime faire ça. J’ai l’impression que j’ai commencé ma carrière hier, alors que c’était il y a presque 15 ans ! J’ai envie de jouer le plus tard possible, d’en profiter au maximum, ce qui ne m’empêche pas de penser à ce que je voudrais faire après, j’ai des idées, on verra.

« L’ESTAC, un club tremplin »

@ESTAC

L’ESTAC, en quelque mots ?
Un club tremplin. C’est une bonne définition je pense. Il y a beaucoup de jeunes joueurs qui passent et qui repartent ensuite dans des grands clubs voire des très grands clubs comme Wilson Odobert qui était avec nous il n’y a même pas deux ans et qui est à Tottenham aujourd’hui. C’est clairement une volonté aussi de l’actionnaire de développer les jeunes talents, de les faire grandir, évoluer.

Le milieu du football ?
(Sourire) Il y a du bon et du moins bon. Le bon, c’est sur le terrain. Nous, en tant que joueurs, là où on s’épanouit le plus, c’est sur le terrain, après, il y a l’extra-sportif, et puis quand tu ne joues pas, quand tu es blessé, comme là pour moi en ce moment, c’est plus dur. Le foot, ce n’est jamais ni tout rose ni jamais tout noir. Il y a des bons côtés et des mauvais côtés, comme dans tous les domaines. Simplement, il faut savoir tirer le maximum des bons côtés.

« Je donne beaucoup, on me le rend bien »

Une appli mobile ?
Je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux, même si j’ai des comptes. Encore une fois, quand tu as une vie de famille, ce n’est plus pareil, j’étais beaucoup plus actif quand j’étais plus jeune. Chacun ses priorités ! Mais je suis quand même pas mal sur mon téléphone, j’utilise beaucoup Instagram et Twitter (X).

Tu jouis d’une super image : ça t’inspire quoi ?
C’est agréable, ça montre que je suis quelqu’un qui donne beaucoup, et les gens me le rendent bien. Je l’ai souvent dit, la plus belle chose qui nous est donné, à nous, footballeurs, c’est de rendre des gens heureux, et ça, c’est exceptionnel. Ce n’est pas le cas dans tous les domaines. Après, c’est souvent les montagnes russes au foot, avec des moments d’adrénaline, des moments plus tristes, on joue au foot pour des émotions, les nôtres, et celles que l’on donne aux autres.

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : @ESTAC
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