À 36 ans, le capitaine des Tango continue d’emmener tout le monde dans son sillage, comme jadis à Niort ou au Red Star. Entêté du football et leader obstiné, le milieu de terrain décrypte une carrière où il a avancé ardemment, escorté de ses convictions et d’un feu intérieur permanent, et parle de Laval comme d’un club à part.

Par Clément Maillard / Photos Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

De Nice à Niort, d’une naissance à Paris à deux saisons dans le club de Saint-Ouen au Red Star 30 ans plus tard, de week-ends à pleurer seul dans sa chambre du centre de formation des Aiglons aux soirées d’après-matches pleines d’échanges avec les supporters du Stade Lavallois, Jimmy Roye promène son amour du football depuis bien longtemps déjà.

Le milieu de terrain et capitaine des Tango (36 ans) retrace sa carrière, qui s’étire sur plus de 330 matches de Ligue 2 et 224 de National, avec Calais, le Paris FC, les Chamois Niortais, le Gazélec Ajaccio, le Red Star et enfin Laval. Le droitier, relayeur ou milieu défensif travailleur, s’est toujours accroché à son objectif ultime de devenir joueur professionnel. Une obstination qui lui a permis de réaliser un parcours qu’il juge au-delà de ses espérances, mais pas de ses rêves. Entretien avec un entêté du football.

Interview :

« Ma carrière a dépassé mes espérances, pas mes rêves ! »

Jimmy, comment est-ce qu’un gosse du Val-d’Oise, formé attaquant à Nice, en arrive-t-il à compter plus de 500 matches en tant que milieu de terrain ?
Je suis né à Paris, avant de grandir à La Garenne-Colombes et à Argenteuil, dans le quartier d’Orgemont. J’ai monté les échelons au Racing Club de France, comme on l’appelait à l’époque, jusqu’en U14 Fédéraux. Je jouais attaquant, et c’est là que j’ai été repéré par Nice. Le « monsieur » de l’OGC Nice avait fait l’effort de rencontrer mes parents sur Paris, ça avait été un déclic alors que j’avais effectué des essais à Monaco, Châteauroux, au PSG, Montpellier…

Nice me prenait tout de suite, ça avait fait tilt. Ils avaient payé le billet d’avion, nous avaient fait découvrir les installations, je trouvais que c’était un club où je pouvais progresser, où j’allais me sentir bien. Ce sont déjà des choix difficiles, à 14 ans et demi, de partir, mais il faut les faire. Après des fois ils sont bons, ou pas, mais voilà (rires) !

« Faire carrière, je n’avais que ça en tête »

C’est vrai que ce déracinement, jeune, on n’en parle pas tout le temps. Tu pars donc avec l’idée de faire carrière ?
Je n’avais que ça en tête. L’école, ce n’était pas mon fort. Je ne vivais que pour ça, je voulais faire ça uniquement. Quand je suis arrivé en 14 ans, je voyais que j’avais des capacités au-dessus de la moyenne, je me suis accroché à cela, je n’ai pas lâché l’affaire, malgré pas mal de péripéties.
Mais c’est sûr que le déracinement, quitter ses parents à 14 ans et arriver seul à Nice, c’est dur, ce n’est pas facile. J’ai passé des week-ends à pleurer seul dans ma chambre, ça forge le caractère, on va dire; ça passe ou ça casse, certains y arrivent, comme ça a été le cas pour moi, d’autres non.
Tu as même arrêté tes études dans cet objectif de devenir professionnel…

A Nice, on était plusieurs à faire un BEP vente sur deux ans, je l’ai eu, et ma dernière année de contrat aspirant, j’ai décidé de ne pas continuer l’école et de me concentrer sur ma formation, comme j’avais eu le brevet, aussi. La 3e année, le nouveau directeur du centre de formation n’entendait pas que des joueurs restent dans leurs chambres pendant que d’autres étaient en cours. Ce n’est pas passé. Je voulais me consacrer au ballon rond, j’étais en équipe de France moins de 18 ans à l’époque, il faut remettre ce contexte où Nice laisse partir un jeune qui est en EDF U17, U18, ne lui fait pas signer de contrat stagiaire. Aujourd’hui, ce serait impensable pour un centre de formation de ne pas conserver un jeune international, mais à l’époque ça se faisait.

C’est déjà un choix assez fort de ta part à ce moment-là, car aujourd’hui les études sont plus intégrées, ou mieux mises en avant.
Clairement. Aujourd’hui, la nouvelle génération a tout à sa disposition, et c’est très, très bien, je suis content pour eux. Et bien entendu que l’école, c’est primordial. Mais ce n’était pas mon truc. On n’avait pas autant de choix, ce n’était pas autant suivi, j’ai 36 ans, on parle des études dans les centres de formation d’il y a 20 ans. Oui, ça a été un choix fort, que ma famille n’a pas trop compris, mais j’ai assumé, je pensais que c’était le plus bénéfique pour être professionnel.

Une décision qui t’amène à Amiens, donc (2006-2008). Comment arrives-tu là-bas ?
Je quitte l’OGC Nice, on m’annonce qu’on ne me conserve pas pour faire de la place à d’autres joueurs. De là, je n’ai pas d’agent, il y en avait un certain nombre qui tournait autour de moi car j’étais en équipe de France, mais ce monde me faisait peur, je ne leur faisais pas forcément confiance. Mon prof de droit en BEP avait des touches avec le directeur sportif d’Amiens, et il m’envoie faire un essai directement avec les professionnels. Je fais cet essai au début du mois de juillet, et je marque contre Le Havre de Jean-Michel Lesage, on gagne 2-0, je n’ai même pas 18 ans, je crois. Ils m’ont pris, mais je signe stagiaire, pas pro. Je me rapprochais toutefois de la région parisienne et de ma famille.

« Se retrouver 20 ans après avec Malik (Tchokounté), c’est beau ! »

Tu dis que tu es parti de Nice pour faire de la place, tu parles d’Anthony Modeste ? Tu as également été formé avec Malik Tchokounté, avec qui tu rejoues au Stade lavallois !
Malik et son parcours, c’est incroyable. C’est fou de se retrouver maintenant en Ligue 2 dans le même club, alors qu’on se connaissait quand on avait 15 ans. A l’époque, quand je jouais avant-centre, il était plus en équipe B et moi je jouais avec Anthony en A. Anthony a ensuite grimpé les échelons : à 17 ans, il jouait souvent en réserve. Je ne suis pas jaloux de sa réussite. J’ai déjà pu le féliciter en le recroisant. Et pour Malik, quand on voit où il est arrivé, c’est un grand message pour les jeunes : il ne faut pas lâcher. C’est quelqu’un de très gentil, très collectif, toujours avec le sourire, toujours positif, j’adore les gens comme ça, je leur tire mon chapeau. On se tirait la bourre tous ensemble, avec le frère de Malik également. Se retrouver 20 ans après en pro avec Malik, c’est beau. De temps en temps, le coach me replace attaquant sur du travail spécifique à l’entraînement, par doublettes. On se met ensemble comme à la grande époque, on en rigole ! On se connaît bien, on arrive un peu à se trouver les yeux fermés.

Qu’est-ce que tu gardes de ce passage niçois ?
Franchement, c’est un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Les premiers centres de formation, ce sont des souvenirs qu’on n’oublie jamais, qui sont ancrés dans ma tête jusqu’à la fin de ma vie, comme quand je pleure dans ma chambre. Beaucoup de gamins rentraient chez eux, à l’instar de Malik, à Fréjus, Marseille, leurs parents venaient les chercher le vendredi soir.

A 15 ans, c’est dur d’être à 1500 km de ses parents. Mais j’ai aussi tissé des liens incroyables là-bas. Mon meilleur ami était au centre avec moi à Nice, je suis le parrain de sa fille, son témoin de mariage, on part en vacances ensemble, on ne s’est jamais perdus de vue, et ça, pour moi, ça n’a pas de prix, ça a beaucoup plus de valeur que le football.

« Ma carrière a dépassé mes espérances »

Comment voyais-tu ta carrière à ce moment-là ?
Quand j’étais au centre, je me souviens avoir inscrit sur un papier que j’ai donné à ma mère que je serais en équipe de France et que je soulèverais une Coupe du monde, c’étaient mes plus grands rêves. Bon, je n’ai pas réussi à remplir ces objectifs, mais c’était clair et net, mon objectif était d’être professionnel. En arrivant à Amiens, quand j’ai vu le monde que c’était, j’ai compris que l’équipe de France, ça allait être compliqué ! Mais je ne voulais pas lâcher le rêve de jouer en Ligue 1, en L2 ou en National. Même en National 2, ça ne m’aurait pas dérangé. En tout cas, à 18 ans, je n’aurais jamais cru faire autant de matches, jouer autant de saisons, et être encore actif aujourd’hui. A cet âge, j’aurais signé tous les jours pour avoir cette carrière. Elle a dépassé mes espérances. Mais elle n’a pas dépassé mes rêves. Ces rêves les plus fous de gamin de 15 ans, jouer en Bleu et soulever une Coupe du monde.

« Eddy Torest m’a sorti de la merde »

Voici donc venir, tout de même, tes grands débuts. Tu quittes Amiens pour Calais, avant de jouer pour le Paris FC et d’exploser définitivement à Niort. Un sacré début de parcours, quand même ?
C’est un peu ça. À Amiens, je m’entraîne avec les pros, je joue avec la réserve, mais le club ne me conserve pas, il ne veut pas me faire signer pro. Je me retrouve une deuxième fois dans la merde (sic) après Nice, clairement, pour dire les choses assez crûment. Je n’avais toujours pas d’argent et je ne leur faisais pas confiance. Arrive le mois de juin, j’ai un agent qui m’appelle, que je ne connais pas du tout, Eddy Torest. C’est encore mon agent aujourd’hui, il m’a sorti de là. Il contribue à me mettre à Calais avec quelqu’un d’autre. J’arrive en outsider derrière des attaquants comme Djezon Boutoille ou Mathieu Hoguet, des pointures dans le Nord et en National à l’époque. Je suis 4e ou 5e attaquant, mais j’arrive un peu à bousculer la hiérarchie et faire mes 30 matches, mettre mes 5 buts. Là, re-patatras, encore un coup dur, le club coule administrativement et nous on descend sportivement.

Je me retrouve fin juillet sans club, à me dire que je vais arrêter le foot et que je vais aller bosser. Et à partir de là, mon agent me rappelle et me dit « écoute, je connais bien Jean-Marc Pilorget au Paris FC, je vais te faire signer là-bas ». Mais je signe pour rien, à 1200 euros nets par mois, je crois, un contrat fédéral. Je me dis, « de toute manière je n’ai que ça, soit j’arrête le foot, soit j’y vais ». J’arrive au Paris FC sur la pointe des pieds. Personne ne me connaît, même si je viens de faire une année de National, mais avec Calais, en finissant derniers ou avant-derniers du championnat, donc voilà. Là entre guillemets, j’explose au Paris FC, Jean-Marc Pilorget me fait confiance, comme Jean-Luc Vannuchi l’année d’après. Je fais 36 puis 37 matches, je mets mes 5-6 buts les deux saisons, à 20 et 21 ans.

Et puis de là, Pascal Gastien, le coach de Niort en National, me contacte et me dit : « Ecoute, on veut faire une équipe pour monter, mais on n’a pas trop de billes, on n’a pas trop d’argent, et surtout on n’a pas de temps, on n’a qu’une année pour monter. » Donc on n’avait qu’une année pour monter, et je me retrouve dans une équipe de fous à Niort, avec un coach de malade, des joueurs incroyables. Une aventure humaine particulière, comme on n’en vit plus beaucoup. On fait monter le club et voilà, après, la carrière prend son élan en Ligue 2.

« À Niort, je me suis épanoui plus, plus, plus »

Tu ouvres ainsi le volet Chamois Niortais. Sept ans de ta vie (2011-18), une montée, un replacement au milieu de terrain, un super groupe. Tu peux détailler un peu tout ça ?

J’arrive chez les Chamois après trois années de National. On a une équipe incroyable avec Quentin Bernard, Johan Gastien, Arnaud Gonzalez, Paul Delecroix… On fait une année, on explose le championnat de National, enfin, on finit 3es, mais on était la meilleure équipe, on jouait le mieux. On arrive à monter en Ligue 2 sur la dernière journée, au Gazélec Ajaccio, où je marque le penalty de la montée ! Je n’ai jamais eu aussi peur d’aller tirer un penalty dans toute ma carrière, avec toute la pression derrière, sur une dernière journée. On gagne 1-0, on fait la fête, on monte. En Ligue 2, on est un club avec très peu de moyens, un stade vétuste, un centre d’entraînement qui n’existe pas. Mais Pascal Gastien, c’est un visionnaire, un amoureux du football et quelqu’un qui arrive à faire progresser tous ses joueurs, même ceux qui ne jouent pas. Et c’est ça qui est le plus fort, faire progresser ceux qui jouent moins, qui ne sont pas titulaires, arriver à les maintenir en vie, entre guillemets, dans le groupe. C’est une période de ma vie incroyable. Footballistiquement, je me suis épanoui « plus, plus, plus »… C’est pour moi l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, de ma carrière.

C’est à ce moment-là que Pascal Gastien te repositionne au milieu de terrain ?
Quand j’arrive en National, il ne me voit pas avant-centre : pas assez rapide, pas assez costaud. Mais il voit que j’arrivais à sentir le foot, que j’étais assez technique, et il me met numéro 10 ou en 9 et demi derrière l’attaquant. Bien lui en a pris, je mets 10 buts et 10 passes décisives en National quand on monte. On a été plusieurs à exploser cette saison-là. Gastien, c’est un visionnaire ce coach, c’est le meilleur que j’ai vu de toute ma carrière. Avec lui, tout passe par le jeu, même en Ligue 2 on s’en sortait par le jeu, en n’ayant pas peur, en prenant des risques. Comme à Clermont, qui avait le plus petit budget en Ligue 1. Mais quand tu as des idées, tu peux déplacer des montagnes.

« Je me suis adouci avec l’âge »

Ton profil se révèle être celui d’un milieu de terrain technique, mais accrocheur, comme le décrit aussi Alain Wathelet, qui t’a connu au centre de formation de Nice. C’est un peu un condensé de ce que tu es, Niort ?
C’est un peu ça, oui. Cela a un peu dévoilé toute ma palette footballistique, mais aussi mentale… C’est-à-dire que je suis un mec qui ne lâche rien, je suis un casse-bonbons. Si vous demandez aux joueurs, 90% vont dire qu’ils ne m’aiment pas. Je n’ai pas de problème avec ça, parce que sur un terrain, ma personne est 200 000 fois à l’opposé de celle que je suis dans la vie.

Mais sur le terrain, je ne lâche rien, c’est vraiment ça. Je mets le pied, je parle beaucoup, je cours beaucoup, j’essaye de tout donner, 100%, à chaque entraînement, chaque match. Je suis aussi un peu râleur, donc forcément, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais j’ai aussi fait ma carrière sur ça. Je n’étais pas le meilleur, mais j’ai un aspect mental qui est un peu meilleur que les autres. Un peu à l’instar de certains basketteurs très exigeants, comme Kobe Bryant ou Kevin Garnett.

Moi, je vais être honnête avec toi : j’étais affreux. Alors je me suis adouci avec l’âge, mais j’étais affreux avec mes adversaires et j’étais affreux avec mes coéquipiers, par moments. Mais affreux dans le bon sens : pas pour être méchant; j’étais dur. Il faut avoir de l’exigence. Je ne conçois pas que les autres ne puissent pas faire pareil. Mais on n’est pas tous faits pareil.

Pour reprendre l’exemple de Kobe Bryant, il était tellement exigeant envers lui-même qu’il en demandait autant aux autres. Avec l’âge, j’ai compris que tu ne pouvais pas en demander autant aux autres qu’à toi-même, parce qu’on est tous différents, on n’a pas tous la même personnalité, on n’a pas tous été élevés de la même manière, on n’a pas tous grandi au même endroit. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dur, j’étais un « chieur », puis je me suis adouci avec l’âge. Aujourd’hui, je comprends un peu mieux les autres, on va dire.

« À Laval, il n’y a que des capitaines ! »

Tu étais capitaine à Niort, tu l’es aussi à Laval, où tu es arrivé il y a 3 ans et demi. Peux-tu parler de ce rôle qui semble très bien t’aller ?
J’ai toujours été un leader, même sans le brassard, ça ne m’a jamais posé de problèmes. C’est ce que je dis aujourd’hui quand je suis en conférence de presse, le brassard à Laval, je ne l’ai pas demandé, on me l’a donné. Aujourd’hui il y a plusieurs capitaines dans le vestiaire. Tu parlais de Malik Tchokounté, c’est un capitaine par sa positivité. Mamadou Samassa (le gardien de but des Tangos), c’est un capitaine par ce qu’il dégage, et Anthony Gonçalvès (latéral ou milieu) est un capitaine par excellence. Et il y a Jordan Adéoti, Yohan Tavares… Il n’y a que des capitaines dans cette équipe, n’importe qui pourrait le prendre.

Même quand je n’avais pas le brassard de capitaine, j’étais un leader, j’avais ça en moi, parler, essayer de tirer le maximum de mes coéquipiers et d’amener l’équipe et le club vers le haut, l’institution vers le haut. Parce que c’est ce que je mets avant tout en en avant, les clubs par lesquels je suis passé. Moi, mon perso, ça ne m’intéresse pas beaucoup, ce sont les clubs qui sont importants, parce qu’on est que de passage dans un club, il faut leur donner le maximum.

Alors oui, j’ai toujours été capitaine dans mes clubs, mais je n’ai jamais rien demandé. En fait, c’est juste que j’ai une personnalité, je suis très exigeant, je donne 100 % à chaque entraînement. Je dis les choses assez clairement, je suis assez cash. Alors avec certains ça passe, avec d’autres ça ne passe pas. Et avec l’âge, j’apprends à tourner ma langue dans ma bouche avant de parler.

« Je ne suis pas facile »

Ce qui n’empêche pas ce retour assez général sur toi : tu es un pénible sur le terrain, mais aussi et avant tout un joueur et une personne très appréciée dans tes vestiaires.
Déjà, donner cette interview, c’est bizarre, je n’aime pas beaucoup parler de moi, mais bon c’est le but. Alors oui je suis aimé, mais je n’ai pas été aimé par tout le monde. Je me suis déjà bagarré avec des coéquipiers, des vraies bagarres, je ne suis pas facile. Mais quand on me connaît, quand on arrive à sortir du personnage que je suis sur le terrain et voir ce que je suis en dehors, on comprend tout de suite qui je suis et voilà.

Beaucoup de gens vont dire que je suis un « merdeux » sur le terrain, mais en dehors, si j’ai un coéquipier qui m’appelle à n’importe quelle heure de la nuit, je serai là pour le dépanner, que j’ai des affinités ou pas avec lui. Dans un vestiaire il y a 28 garçons, on ne va pas manger tous ensemble au restaurant tous les midis, on ne va pas se mentir, mais peu importe qui m’appelle, je lui tendrai la main de bon cœur. C’est aussi pour ça que les gens m’apprécient, ils savent que je ne suis pas quelqu’un qui veut le mal des autres.

Cela permet de rebondir sur les clubs que tu as connus après Niort : le Gazélec Ajaccio et le Red Star, deux entités avec une identité forte, à ton image. Tu y vas aussi pour ça ?
Les Chamois, c’est une super partie de ma carrière. Mais l’engouement n’était pas… (Il cherche ses mots). C’est un club familial, très tranquille, où même quand tu perds, ce n’est pas grave. Quand je suis parti des chamois, c’est aussi quand monsieur Hanouna arrive, et je savais que ça n’allait pas coller. Je me suis assis sur une dernière année de contrat avec un beau salaire, j’ai appelé mon agent, je savais que ça n’allait pas passer.

Je ne demande pas un centime et je pars. J’avais besoin de sortir de ma zone de confort et j’avais besoin de de me remettre en question footballistiquement. Personnellement, je venais de divorcer, j’avais besoin d’un changement. Et je pense que le Gazélec, c’est ce qui me correspondait le plus, c’est aussi simple que cela : un engouement, une identité, un club, une ville, une île, peut-être une mentalité qui me correspondait, aussi. Ça ne s’est pas passé comme j’aurais voulu. J’avais signé trois ans, on descend en National, j’avais une clause pour partir en cas de descente, et pareil, je m’en vais sans un centime.

J’arrive au Red Star, un club complètement à part dans le football. Pour moi, c’était énorme d’aller signer là-bas, j’étais hyper content. Il y a une identité forte, un club, des couleurs… Vraiment magnifique. Et des supporters avec un engouement, quelque chose de fou, fou à décrire. Mais au bout de deux ans, on n’arrive pas à monter en Ligue 2, on jouait sur le synthétique de Bauer, qui était très, très compliqué à l’époque, la Covid a aussi arrêté la saison, ça nous a un peu pénalisés.

« J’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois »

Après deux ans, tu arrives donc à Laval en 2021. C’est un retour dans un club plus familial ?
Laval m’appelle, le président, le coach, le directeur sportif. Surtout, on m’appelle en me proposant un projet familial, mais aussi pour reconstruire une identité qui correspond à la Mayenne. C’est un club où il y a toujours eu du monde, un engouement et des couleurs, mais où les gens de la ville se dissociaient du club. Plus les années passaient et moins les gens venaient au stade. On m’a clairement dit que j’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois, ça m’a parlé tout de suite.

J’ai divisé mon salaire par deux, je ne suis pas venu pour l’argent, mais pour ce projet. Un projet qui n’était même pas sportif, mais plus global, je ne sais même pas comment on peut dire, un projet pour la ville… Remettre la ville et ses administrés au cœur du club de Laval. Et ça a marché directement. On avait et on a une équipe de fou, un groupe de fous. Je n’ai jamais vu autant de joueurs aller dans les espaces partenaires, et/ou même pas partenaires, aller avec les supporters, boire des coups, manger, c’est fou-fou-fou. On a ramené 10 000 personnes à chaque match quasiment. Pour moi, ce sera la plus grosse fierté que j’aurai le jour où ça s’arrêtera à Laval.

« Step by step »

Le Stade Lavallois, c’est un club historique, mais dans votre groupe, il y a plein d’histoires dans la grande histoire, comme celle du maintien à la dernière seconde il y a deux ans, quelques semaines après le décès du papa d’Olivier Frapolli…

Il se passe toujours quelque chose à Laval. En tout cas, depuis que je suis arrivé. Le coach m’avait appelé, il n’y avait pas de leaders, le groupe était amorphe un peu, c’est un club qui vivotait dans les dans les bas-fonds du National, ou en milieu de tableau.

Il cherchait une équipe avec de la personnalité, avec des leaders, des mecs qui en avaient, entre guillemets (rires). Et ça a matché tout de suite. On parlait de Pascal Gastien tout à l’heure, mais Olivier Frapolli sera le deuxième coach de ma carrière, il m’a beaucoup marqué. On a une relation particulière, je suis son capitaine, on a vécu des choses incroyables, une montée, un maintien à la dernière seconde, son papa lui avait dit qu’on se maintiendrait, il n’avait pas menti.

Il vit des belles choses au club, moi je vis des belles années avec lui, le club vit de belles choses, pourvu que ça dure. Mais il se passe toujours quelque chose à Laval. La première année, on est champions en National, le premier titre du club, le premier trophée de son histoire. Et en Ligue 2, on se maintient à 17 secondes de la fin, sur la dernière journée, on marque à la 93e plus 43 secondes.

L’année d’après, on est premiers quasi tout le championnat, on fait un parcours de fou en Coupe de France, on élimine Nantes chez eux. Et puis cette année on est à notre place, dans la première partie de tableau en Ligue 2. C’est un club qui se structure, qui progresse, qu’on est en train de structurer, entre guillemets. Et qu’on veut, petit à petit, amener vers le sommet, « step by step ». C’est mon expression ça !

Ce « step by step », l’humain, le sportif, kiffer jour après jour, c’est ça qui te permet de continuer encore, à 36 ans ?
Je suis en fin de contrat, mais je ne demande rien, je ne veux pas de garanties. Je veux jouer au foot, prendre du plaisir, garder le sourire. S’ils sont contents de moi, eh bien on prolongera l’aventure, sinon on se serrera la main et je leur dirai merci sans rien attendre en retour. Rien d’autre. J’aurai juste à dire merci pour l’histoire ensemble.

Mais oui, tout ça, c’est ce qui me maintient. C’est ce qui me maintient en vie et c’est ce qui me donne envie d’aller m’arracher tous les jours à l’entraînement. C’est l’humain, ce sont les gens… Il faut se rendre compte de ce qu’on vit ici. L’autre jour j’étais au sport avec mon fils, partout où je vais les gens me parlent de foot, ils connaissent le sport, suivent l’équipe, c’est ultra bienveillant, c’est hyper agréable, ils encouragent, nous disent de continuer, que c’est super ce qu’on fait. Ils vivent avec le club, et les émotions qu’on leur procure, ils nous les rendent fois mille.

J’ai encore un exemple, hier j’étais à la Ligue de Football Professionnel pour la présentation du trophée de Ligue 2, et il y a un membre de la DNCG qui était là, qui est venu me saluer, que je n’avais jamais vu de ma vie. Il me dit « Bonjour, félicitations pour ce que vous faites ». Je lui réponds « Eh bien merci, mais vous êtes qui ? » (rires). Il me dit qu’il est Lavallois, qu’il travaille à la DNCG donc, qu’il vient tous les 15 jours / trois semaines, au stade, et qu’il tenait à me féliciter, à me dire bravo pour l’image du club… Voilà, moi avec juste des petits mots comme ça, je pourrais jouer encore 15 ans (rires) !

« Je dis aux gens Venez, venez à Le Basser, et vous verrez ! »

Les Tangos re-dansent avec vous, avec cette équipe ?

J’encourage les gens à venir à Le Basser. Et pas que les Lavallois. Je dis aux gens « Venez. Venez et vous verrez ». La sandwicherie Chez Bouboule, c’est top, le stade, c’est top, on voit les joueurs à la fin des matches, ils sont dans les espaces partenaires ou autres. Moi après chaque match je vais dans un groupe de supporters, on boit la bière de l’amitié, on débriefe, qu’on gagne, qu’on perde, les gens sont bienveillants, il y a une bonne ambiance.

Pour conclure, ce que tu évoques de Laval semble démonstratif du joueur et de la personne que tu es. De Nice à Laval, en passant par Niort, quel bilan tu fais de ta carrière ?
Ma carrière, je n’ai pas assez de mots pour la décrire… C’est beau, c’est… En fait, je veux juste dire merci, voilà. Merci au football, c’est tout. Merci aux gens, merci à toutes les rencontres, merci à toutes les aventures humaines. J’espère que ça va continuer encore une année, ou deux, ou trois, mais je veux juste dire merci au foot. Le football, ce sont des émotions, et on y joue pour avoir des émotions et vivre des moments magnifiques.
Ma carrière m’a fait vivre des moments incroyables, des moments beaucoup plus difficiles, mais j’ai envie de dire qu’elle est un peu comme la vie de chacun, avec des hauts, des bas. Mais si mentalement tu ne lâches pas et que tu respectes tout le monde, à un moment donné tu es récompensé.

Jimmy Roye, du tac au tac

Le ou les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

Les deux montées en Ligue 2 avec Niort (2011-2012) et Laval (2021-2022) … 10 ans d’intervalle !

Le pire souvenir ?
La descente avec le Gazélec Ajaccio en 2018-2019 ! J’ai toujours pas regardé le barrage retour (contre Le Mans) à l’heure actuelle.

Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
J’en mets trois : Marhez, Thuram et Ferreira Carrasco, et en bonus Javier Pastore en Coupe de France.

Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Hugo Lloris a l’OGC Nice.

As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Eric Cantona, Lionel Messi.

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
A Niort, Didier Lamkel Zé, de loin !!!

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Il y en a beaucoup … Je dirais toute l’équipe de Calais autour d’une bonne bouffe !

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Niort lors de la saison 2010-2011. Très très forte, cette équipe !

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Sûrement l’armée ou les forces de l’ordre.

L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore raconté mais que tu vas raconter ici ?
Il y en a tellement … Je vais dire à Calais, les veilles de match, dans les chambres d’hôtel, c’était du grand n’importe quoi ! Whisky, bière, vodka, on parle là d’une veille de match quand même … Mais je ne donnerais pas de noms. Les mecs pensaient à demander des glaçons à l’hôtel pour remplir les éviers de la chambre et mettre les bières au frais !!! C’était une autre époque.

Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Pascal Gastien, un maître en la matière.

Un président marquant ?
Laurent Lairy, mon président actuel à Laval, avec des idées innovantes et différentes dans le football.

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade Bollaert (Lens)… Incroyable.

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
Monaco en Ligue 2, saison 2012-2013, que des stars !

Un match où tu t’es senti intouchable ?
Je n’ai pas de match en particulier en tête, mais une saison, celle de 2011-2012 avec Niort ! On était injouable, presque.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le PSG, bien sûr.

Une causerie de coach marquante ?
Pascal Gastien pour le match du maintien saison 2012-2013.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Pedro Miguel Pauleta.

Pour finir, une devise, un dicton ?
« On n’a que ce qu’on mérite dans la vie. »

Coupe de France (32e de finale) – vendredi 20 décembre 2024 : Mérignac (R1) – Stade Lavallois MFC (L2), à 20h45, au stade Robert-Brettes, à Mérignac.

 

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

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Le manager général du club provençal, promu cette saison en N2, estime que, compte tenu de son budget, l’équipe « rivalise avec ses moyens ». Le dirigeant évoque aussi la place d’Istres sur les bords de l’étang de Berre, la mutualisation des moyens, le stade Parsemain, la formation, la fin du football « village »  et … Bordeaux, un cas particulier qu’il ne comprend pas.

Par Anthony BOYER

Reportage effectué avant le match Istres FC / Andrézieux (0-0)

Laurent Thomas. Photo 13HF

Forcément, quand on accuse 46 ans de vie associative et sportive istréenne, ou presque, il peut arriver que l’on se mélange les pinceaux ! Et que l’on en vienne à se tromper lorsqu’il s’agit de parler de « son » club. Pendant les 45 minutes qu’a duré cet entretien, Laurent Thomas, le manager général du « Istres Football-club », 46 ans donc, a toujours parlé – par erreur – du « FC Istres ». « J’ai dit FC Istres ? C’est parce que je suis nostalgique (rires) ! Avant, c’était le FC Istres Ouest-Provence, le FC Istres Ville Nouvelle… Bon, c’est vrai qu’aujourd’hui, c’est Istres Football-club. »

Si l’on a titillé le dirigeant provençal sur le sujet, c’est parce que, quelques instants plus tôt, l’on évoquait ensemble la nostalgie qui, parfois, peut freiner le développement de certains clubs qui vivent dans le passé ou ne parviennent pas à se défaire d’une époque dorée révolue.
Ce n’est pas le cas à Istres, d’autant moins qu’ici, on joue plutôt la carte de l’humilité, même si le professionnalisme a bercé trente ans de vie sur les bords de l’étang de Berre, entre 1985 et 2015. Trente ans durant lesquels le club a joué dans la cour des grands (10 saisons de National) et même des très grands (19 saisons de Ligue 2 et une saison de Ligue 1, en 2004-2005). C’était l’époque du stade Bardin, le petit chaudron provençal, où l’on pouvait basculer d’un match de foot à un match de handball juste en descendant sous la tribune couverte de 2200 places, où se trouvait la salle omnisports.

C’était l’époque du football de villages, celui qui a de moins en moins sa place aujourd’hui dans les hautes divisions françaises, à quelques exceptions près, comme le regrette d’ailleurs le dirigeant des « Violet et noir ».

C’était l’époque où, lorsque l’on arrivait dans cette commune, située à 15 km de Martigues, nichée entre Fos (10 km) et Miramas (10 km), le panneau d’entrée annonçait la couleur : « Istres ville nouvelle ».

Du stade Bardin à Parsemain…

Le stade Parsemain, à Fos

Les panneaux ont disparu. Mais qu’est-ce ce slogan « ville nouvelle » voulait bien dire ? « Notre maire, François Bernardini, qui est à la tête de la ville depuis longtemps, et qui est une vraie personnalité politique sans égale sur les pourtours de l’étang de Berre (il fut notamment député européen), a eu à l’époque une vision avant-gardiste, explique Laurent Thomas; il a devancé tout le monde et fait passer sa ville de 10/15 000 habitants à 45 000 habitants, en développant le bassin économique. Il a fait de son gros village une ville et, automatiquement, dans ses discours, il a parlé de « ville nouvelle ». L’expression est venue de là. »

C’était aussi l’époque du déménagement du nouveau FCIOP à Fos-sur-Mer en 2005, dans un stade Parsemain froid et impersonnel de 13 000 places assises, ouvert aux quatre vents et surtout aux moustiques. Un stade construit à la va-vite pour y accueillir le club en Ligue 1 (il n’y disputa que ses quatre derniers matchs « à domicile » de la saison), et dans lequel il évolue toujours, devant plusieurs centaines de spectateurs, parfois un peu plus d’un millier comme ce fut le cas récemment lors de la réception d’une Ligue 2, Grenoble, en coupe de France. Et pour les matchs de championnat, le stade est partagé avec l’ES Fos, club de National 3.

L’ancien gardien de but, qui n’a fait qu’une seule infidélité à l’étang de Berre – il est parti 3 ans à Narbonne mais a surtout porté les couleurs d’Istres en jeunes, Martigues et Fos ensuite en seniors avant de revenir à Istres – connaît parfaitement le microcosme local.

Le stade, le National 2, les jeunes, les infrastructures, la place du football istréen, l’avenir, le passé, les clubs voisins, les finances, le sportif, Bordeaux, Mollo, Laurent Thomas, chef du service gestion et concours aux associations à la ville d’Istres – « On est force de proposition dans les budgets associatifs de la Ville, on gère toutes les demandes de subvention » – a passé en revue tous les sujets. Sans jamais user de la langue de bois. Mais toujours avec son accent chantant. L’accent provençal, bien sûr !

Interview

« Aujourd’hui, il est impossible d’aller en National »

Laurent Thomas. Photo 13HF

Laurent, revenons sur votre carrière de joueur et votre arrivée en tant que dirigeant à Istres…
J’ai joué jusqu’à l’âge de 31 ans. J’ai été formé à Istres, j’y suis resté jusqu’à l’âge de 19 ans, j’y ai côtoyé l’effectif de National à l’époque sans jouer, car j’étais 2e ou 3e gardien. Comme je pensais que l’herbe était plus verte ailleurs, je suis parti à Martigues, chez le voisin, pendant deux saisons, où j’étais second gardien, en CFA2. J’ai ensuite privilégié ma carrière professionnelle tout en me faisant plaisir dans le foot, c’est pour ça que je suis parti 3 ans à Narbonne avant de revenir à Istres, dans ma ville, en 2002, où j’ai eu la possibilité d’intégrer la municipalité, tout en jouant à Fos pendant 4 ans, avec une accession en CFA2 et un titre en Coupe de Provence. Enfin, j’ai bouclé la boucle en signant à Istres, où j’ai rendu service en « accompagnant » les jeunes de la réserve, que j’ai entraînée aussi pendant une saison. Je m’entraînais avec le groupe National. Ensuite, j’ai coupé avec le foot. J’ai lancé une autre activité dans la restauration et puis je suis revenu dans le foot quand mon fils a commencé à jouer, à l’âge de 7 ans (il en a 15 aujourd’hui). Je suis devenu éducateur à la Jeunesse Sportive Istréenne, où il jouait, puis il a intégré le Istres Football-club (il fait actuellement partie de l’effectif U17 Nationaux), du coup, je me suis intéressé au club, et quand il a connu des aléas, des tracas, j’ai eu la possibilité de le reprendre et j’en suis devenu le président, pendant 6 saisons. Puis, compte tenu de mon activité à la mairie, il y avait un conflit d’intérêt donc je suis passé manager général, il y a 2 ans maintenant.

Vous êtes le manager, ok, mais aussi encore un peu président, non ?
Non, le président c’est Youssef Moumaris. On travaille en étroite collaboration. Je l’ai fait venir voilà 5 ou 6 ans. On marche main dans la main. Même si je suis plus proche du sportif et de l’aspect technique, il a toute responsabilité dans la bonne marche du club.

« À chaque jour suffit sa peine »

L’ex-pro Foued Kadir, capitaine du Istres FC. Photo Kevin Mesa / ASC

Vous avez joué à Martigues, à Fos, à Istres : c’est où le mieux pour faire du foot ?
On n’est pas dans les mêmes formats de clubs. Istres jouit d’une réputation de club formateur sur la région PACA et bien au-delà. On a des jeunes qui intègrent des structures professionnelles tous les ans. Il y a un énorme travail de fait dans ce domaine. Quand j’ai pris la responsabilité du club, il y avait deux façons de voir les choses : soit on axait le budget en priorité sur une équipe seniors comme certains clubs sur l’étang de Berre, soit on axait sur la formation. Mais on se rend bien compte que tout miser sur une équipe, c’est fragile, que ce sont des châteaux de cartes qui s’effondrent. Regardez l’Atletico Marseille (ex-Consolat), qui a failli accéder en Ligue 2, mais derrière l’équipe fanion, c’était une coquille vide, rien n’était mis en place pour assurer un renouvellement des générations. Quand je suis arrivé à Istres, on a alloué un budget, qui était ce qu’il était, en utilisant le système D. On a privilégié ce volet formation, et le reste du budget était alloué à l’équipe une sur laquelle on nourrissait de l’ambition, sans jamais mettre en péril l’édifice. A Fos, en jeunes, on parle d’équipes de District, de faible niveau, mais l’équipe Une réalise de bons championnats en National 3. Quant à Martigues, on le voit aujourd’hui, ils ont des difficultés financières et une structure jeunes proche du néant, sans aucune équipe au niveau national. C’est même compliqué pour eux au niveau Ligue. Après, chacun voit midi à sa porte : nous, on a souhaité un format axé sur la formation tout en gardant une ambition pour la vitrine. Certains trouvent que les choses ne vont pas assez vite, je leur réponds qu’à chaque jour suffit sa peine.

L’équipe fanion évolue en National 2 pour la première fois de son histoire : c’est sa place aujourd’hui ?
Avant cela, on a passé 6 ans en National 3. Là, on est dans le top 100 français. Compte tenu de notre budget, le plus petit de la notre poule en National 2, avec 1,2 million d’euros, on est au même niveau qu’Anglet, mais Anglet n’a pas d’équipes de jeunes en national. 60 % sont alloués à l’équipe Une, mais pas 80 ou 90 %. Quand on négocie pour des joueurs, on voit bien ce que peuvent proposer financièrement d’autres clubs, mais nous, on veut conserver une certaine homogénéité dans le vestiaire afin de ne pas créer de trop gros déséquilibres au niveau des salaires. Celui qui vient à Istres, il sait pourquoi : il vient pour rebondir, pour le niveau aussi, dans un écrin qui donne quand même envie et sur des installations d’entraînement certes vieillissantes, au complexe Audibert, mais correctes, où sont hébergés à l’année 20 garçons des générations 2008 et 2009, avec du soutien scolaire, de la restauration, du gardiennage, des transports, etc. Et tout ça a un coût. Le joueur qui nous rejoint, il sait qu’il ne fera pas une affaire financière. Mais on peut être un tremplin pour lui. C’est ça l’idée. Après, on peut attirer des garçons comme Foued Kadir (41 ans) cette saison, qui jouait encore à Martigues en National l’an passé (ex-OM, Rennes, Valenciennes, Betis Seville, Getafe), et qui a envie de boucler la boucle pas loin de chez lui, en prenant du plaisir, dans un club structuré. On n’a rien inventé. On assure juste une continuité. On essaie de consolider l’ensemble.

« Pour une mutualisation, il faut une volonté politique »

Anthony Sichi, le coach de l’équipe de N2. Photo Istres FC

Autour de l’étang, avec tous ces clubs, un rapprochement n’est-il pas envisageable pour, un jour, avoir un deuxième « gros » club derrière l’OM ?
Vous parlez de mutualisation… Ce type de projets émanent de volontés politiques. Avec Fos, il y a eu à un moment donné une volonté de se rapprocher mais comme on le dit, dans une fusion, il y a un « cocu », et peut-être qu’à ce moment là, les politiques ou les techniciens de clubs se sont sentis en infériorité. Pour avoir un deuxième club des Bouches-du-Rhône derrière l’OM, il faut passer par une mutualisation des infrastructures, des moyens financiers, des compétences, des ressources humaines, etc. J’ai toujours été ouvert à ça. D’ailleurs, au sein de ma ville, j’ai voulu mutualiser les quatre clubs de football d’Istres, mais j’ai échoué : j’ai tendu la main aux autres clubs qui ne l’ont pas saisie. A Istres, le foot représente un potentiel de 1200 licenciés, pour une ville de 45 000 habitants, ce n’est pas rien. Cette mutualisation aurait permis d’être « perfusé » par une seule et même ville. C’est pour ça que c’est compliqué de mettre autour de la table plusieurs interlocuteurs de différentes villes, car il peut y avoir des conflits d’intérêt ou des conflits de personnes, des questions d’ego. Pour en revenir à une mutualisation du football du bassin de l’étang de Berre, il faut une volonté politique : ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui vont décider de cela.

Un regret d’avoir échoué dans votre entreprise de regrouper les clubs de football à Istres ?
Le truc, c’est que s’il doit n’en rester qu’un seul, ce sera le gros… Les collectivités ont de moins en moins de moyens aujourd’hui, les aides financières diminuent pour les associations, cela devient compliqué pour tout le monde, c’est pour ça que mutualiser était, je pense, une belle vision, une belle projection, un beau signal, et ça aurait permis de grandir, de grossir, de jouer sous la même égide, avec le soutien de la municipalité. Là, chacun reste dans son coin. Aujourd’hui, on en est à point où un club est content de récupérer 50 licenciés chez lui mais la saison d’après, comme l’éducateur est parti dans un autre club, ces 50 licenciés-là sont partis et l’ont suivi. En fait, le « diviser pour mieux régner » est bénéfique aux clubs des alentours, mais pas aux nôtres. Le Istres FC, c’est 520 licenciés, par rapport aux structures existantes, c’est bien. On est presque à un plafond de verre.

Une convention d’occupation à Parsemain

Le stade Parsemain va quitter le giron de la Métropole Aix-Marseille-Provence au 1er janvier et redevenir propriété de la ville de Fos : allez-vous être SDF ?
Non, parce qu’on a un maire qui est prévoyant, qui a une vraie ferveur pour le sport de sa ville. Il avait anticipé et signé une convention d’occupation qui garantit la continuité pendant les 10 prochaines années au moins. Cela laisse le temps voir venir (sourire). De ce côté là, on est tranquille.

L’ancien stade Bardin d’Istres.

Le point noir, c’est le public : 500 personnes dans un stade de 13 000 places, ça sonne creux…
On le sait, c’est là où le bas blesse, sur Istres et ses alentours. Ici, ce n’est pas comme à Nîmes où la ferveur est historique. Le stade Parsemain, on est content de l’avoir, même si on aimerait l’avoir différemment. Mais pas de querelle de clochers : il est à Fos, et voilà. C’est vrai qu’on préférerait qu’il soit à Istres, mais il a fallu parer au plus pressé et gérer l’urgence quand le club est monté en L1 en 2004. Alors c’est vrai, ça manque de chaleur, on s’en plaint un peu, il n’est pas à taille humaine, on est loin de la surface de jeu, mais ne faisons pas la fine bouche, c’est un atout majeur quand même par rapport à beaucoup de clubs.

À Bardin, quand il y avait 1 000 personnes, on avait l’impression que le stade était plein. Là, avec nos 1200 spectateurs contre Grenoble, on avait l’impression que c’était vide. Jouer à Parsemain est un avantage d’un côté, parce que l’outil est de qualité, mais c’est un inconvénient par rapport à son format et sa localisation, pour créer un lien avec les partenaires, les licenciés, il n’est pas équipé pour ça. Et quand il y a du mistral, ça ne donne pas envie aux gens de venir à Parsemain. C’était déjà le cas en National voire en Ligue 2. Alors imaginez en National 2 ! Et puis on a un peu de concurrence avec Marignane en N2 et Martigues même s’ils n’ont pas encore joué chez eux cette saison en Ligue 2. Sans oublier le foot à la télé, il y en a tous les jours, à toutes les heures. Alors quand vous avez un peu froid en hiver et que vous avez la possibilité de regarder un match bien installé dans votre canapé au chaud, du coup vous n’allez pas au stade.

Cette saison, évoluer en National 2 me permet de voir ce qui se fait ailleurs, notamment dans des régions où l’on n’a pas l’habitude d’aller : je vois que certains stades sont plus adaptés, attirent les gens et permettent de créer ce lien, d’attirer. J’ai vu par exemple à Saint-Priest et à Bergerac des outils accueillants et adaptés pour le niveau. Hyères, Fréjus, Grasse, on les connaît, je ne parle pas de Jura Sud où on a joué sur un terrain de repli digne d’un club de R1, idem quand on a joué à Fréjus, alors là, où on a eu la malchance de jouer sur un terrain de repli, alors là, je trouve ça scandaleux et honteux, et je me demande comment ce terrain a pu être homologué pour le N2… A Grasse, hormis la surface synthétique, l’outil est agréable, à taille raisonnable par rapport au format club.

« Chacun mène sa barque, sans jalousie »

Après la victoire face à Toulon, fin novembre. Photo Istres FC

L’idée, c’est de continuer à cohabiter avec Fos ?
On a un peu une priorité en championnat compte tenu de notre niveau (Fos évolue en N3), on essaie de jouer en alternance, et quand il y doublon, Fos a la chance d’avoir un autre terrain aux normes, le stade de l’Allée des Pins. La situation s’est déjà produite. Je ne dis pas que c’est l’entente que l’on souhaiterait mais elle est cordiale et les choses se font en bonne intelligence.

Et l’entente avec les autres clubs du bassin ?
Dire que l’on se serre les coudes tous entre-nous serait faux-cul, ce n’est pas vrai, on l’a vu en N3 l’an passé, cela a été des matchs tendus. En fait, il n y a pas d’entente particulière entre les clubs, sauf quand on n’est pas au même niveau : par exemple, avec Martigues, on s’entend très bien, j’échange régulièrement avec le manager général, Djamal Mohamed, avec qui j’entretiens de très bonnes relations, pareil avec l’ancien président Alain Nersessian, avec qui j’échangeais beaucoup; bon, là, on n’a pas de contact avec la nouvelle direction, c’est leur volonté mais ils sont tellement plus haut que nous que, peut-être, ils n’ont pas besoin de nous et puis on ne va pas se le cacher, on n’a peut-être pas besoin d’eux. En jeunes, y’a pas photo… On est largement devant. Chacun mène sa barque, sans jalousie, sans aigreur, il n’y a de toute façon pas de quoi en avoir. À Fos, l’entraîneur a travaillé chez nous (Frédéric Cravero) et beaucoup de joueurs sont passés dans les deux clubs, il n’y a pas de problème.

Évoquons votre équipe fanion de National 2, entraînée par Anthony Sichi : clairement, l’objectif, c’est de se maintenir…
De toute façon, dès que l’on est monté, on a dit que l’on allait jouer le maintien, ce qui veut tout dire et rien dire en même temps. Un maintien ambitieux, c’est déjà de laisser trois clubs au minimum derrière nous au classement (Istres, tenu en échec par Andrézieux le 13 décembre dernier 0-0, est actuellement 12e sur 16). Après, si on peut gagner quelques places, ce sera bien. Là, après 12 journées, on voit qu’un championnat à deux vitesses se dessinent, avec des forces en présence, et d’autres équipes qui manquent d’homogénéité et d’automatismes. Pour moi, le maintien va se jouer entre six et sept équipes. Je nourris des regrets sur notre parcours à l’extérieur : on pourrait avoir 2 ou 3 points de plus. On a perdu à Saint-Priest sans démériter, on a perdu à Bergerac sans combattre et à Cannes, samedi dernier, contre une équipe qui doutait, on a une grosse occasion d’entrée et si on marque, on ne sait pas ce qui peut se passer : là, on les a assis à la table et on leur a servi le repas… Maintenant, on ne va pas comparer les moyens de l’AS Cannes avec nos moyens. Mais on se rend compte que les matches ne tiennent pas à grand chose.

« Il faut être réaliste »

Photo Istres FC

Istres a été professionnel pendant 30 ans, jusqu’en 2015 : le club peut-il un jour retrouver le monde pro ? Comprenez-vous la nostalgie ?
La nostalgie est inévitable. Regardez l’AS Cannes et son passé, on parle d’un club qui a joué la Coupe d’Europe et qui a longtemps fait partie des deux ou trois meilleurs clubs formateurs en France. Oui, parfois on est frustré, le niveau de National 2 est ce qu’il est, et quand on a connu le niveau au-dessus, comme c’est le cas chez nous, on a envie d’y retourner, mais il y a une réalité financière : alors OK, oui, aujourd’hui, sans moyens financiers, on peut y arriver, car l’argent ne garantit pas le résultat, mais par contre il réduit l’incertitude de ce résultat. Aujourd’hui, avec nos moyens, il est impossible d’accéder au National. Parce que la marche financière est trop haute. Dans notre poule, en National 2, les budgets s’étalent pour la plupart entre 1,5 et 2,5 millions d’euros, avec des exceptions comme Cannes où c’est beaucoup plus, on parle de 4 millions quand même ! Essayons d’être moins mauvais que les autres déjà, avec nos moyens, afin d’exister sportivement, tout en sachant que l’on n’a pas de marge de manoeuvre. Actuellement, nos résultats sont en adéquation par rapport à ce que l’on a à disposition. Peut-être que l’on pourrait avoir 3 ou 4 places au-dessus, mais on est là, on existe, on ne doit pas avoir la frustration de ne pas être dans les trois premiers, il faut être réaliste aussi.

Laurent Thomas. Photo 13HF

Aubagne la saison passée, Marignane deux fois lors des dernières saisons, Consolat, Martigues en 2022, sont parvenus à monter en National : pourquoi pas Istres un jour ?
Bien évidemment qu’une année peut s’avérer exceptionnelle et que le sportif peut prendre le dessus sur la réalité économique, mais on se rend compte que les équilibres sont fragiles. On le sait, la seconde année ou la troisième est toujours plus difficile, en général, et souvent, quand ce type d’équipes-là montent, des joueurs ou des coachs ont de ces mêmes équipes ont des sollicitations et ne restent pas, regardez Eric Chelle ou Nicolas Usai à Consolat, c’est normal, ils sont attirés par le niveau au-dessus, et regardez où en est Consolat (Atletico Marseille) aujourd’hui…

Je pense qu’il ne faut pas occulter le rêve mais rester réaliste : on pourrait « brûler la caisse » et tout tenter sur une saison, quitte à mettre en péril l’édifice, mais ce n’est pas mon idée. Le Istres FC attire quand même, des gens auront peut-être envie d’investir, il y a un stade, c’est déjà un atout majeur; à Nîmes, cela a couté 10 à 12 millions au président (Rani Assaf) de construire un stade (Les Antonins) pour jouer en National. Qui, en arrivant dans un club de N2 ou en N3, va mettre de telle somme pour construire un stade ? Il y a une autre solution : trouver en interne des solutions, mettre plus d’eau au moulin. N’oublions pas que Martigues, avant de monter en L2, c’est 10 ans de purgatoire en N2. Franchement, on n’a aucune frustration à avoir : on est un club serein, stable sur l’aspect sportif et financier. Devant la DNCG Fédérale, on passe sans encombre, on a juste un encadrement de la masse salariale mais ça, c’est propre à tous les clubs qui accèdent. On a attendu 6 ans en N3 avant de monter, et une année, on devait même descendre en R1 mais on a été repêché parce que Monaco ne s’est pas engagé.

On voit bien qu’avec le rétrécissement de l’élite, cela cela va devenir de plus en plus difficile, parce qu’aujourd’hui il ne faut pas se le cacher, la Fédération et la LFP (Ligue) ne veulent plus de ces clubs qui réalisent ces « exploits », ils veulent des divisions fermées, alors on diminue les descentes et les accessions. On parle de la création d’une Ligue 3 : mais vous avez vu les clubs en National ? Sochaux, Nancy, Le Mans, Dijon, Valenciennes, Châteauroux… ce sont des clubs qui ont connu le très haut niveau, le monde pro, structurés, avec des budgets exorbitants. Alors, que ces clubs-là soient frustrés de jouer en National, je l’entends, mais nous, on ne peut pas avoir de frustration : compte tenu de nos moyens, Istres est à sa place. Pour ce qui est de demain, là, on ne sait pas.

« Pourquoi a-t-on fait de Bordeaux un cas particulier ? »

Photo Istres FC.

Votre constat rejoint l’opinion de pas mal de dirigeants de clubs amateurs…
Quand je vous dis que la FFF ne veut plus de ces clubs qui font des exploits, qu’elle fait tout pour les écarter… Mais après, j’ai envie de vous dire que c’est le football français qui va mal. Regardez les droits télés. Et puis il ne se passe plus une commission de DNCG sans qu’il y ait une rétrogradation administrative à titre conservatoire, des clubs qui prennent des points de pénalité ou des interdictions de recruter.

L’exemple flagrant, c’est Bordeaux : comment se fait-il que ce club soit en National 2 avec la dette qu’il a (le 23 juillet 2024, la DNCG évaluait l’endettement de Bordeaux à 118 millions d’euros) ? Ce n’est pas normal. Je n’ai rien contre les Girondins de Bordeaux, un club qui a fait rêver, parce que moi, j’aime le foot pour le foot, mais là, on a fait un cas particulier. Pourquoi ? Après, on me dit, « Oui, mais Bordeaux, c’est un grand club », ok, et Sedan ? C’est pas un grand club ? Et Niort ? Sedan et Niort ont été rétrogradés de National et de Ligue 2 directement en Régional ? Nous, à notre petite échelle, à Istres, on est descendu de National en DHR pour une dette de 400 000 euros en 2015, ça me paraît aberrant !

Des exemples comme ça, y’en a plein ! Aujourd’hui, les Girondins sont en train de boxer dans une autre catégorie en National 2 et mettent en difficulté d’autres clubs qui désirent accéder au National. Ils devraient être trois ou quatre niveaux en dessous. Le constat est affligeant. Tous ces clubs qui ont joué la surenchère ont fait mal au foot amateur, comme Hyères il y a 2 ans, qui donnait des salaires de Ligue 2, et regardez cette saison à Cannes, certains ont des salaires de Ligue 2, et nous on arrive avec notre réalité économique. Avec la réforme des championnats, en passant de 4 à 3 poules, 400 joueurs de N2 se sont retrouvés sans club. Nous, on est là, avec notre « salary cap », je n’aime pas employer cette expression, que l’on a mis en place, qui est trois, quatre ou cinq fois inférieur à certains de la poule. On rivalise avec nos moyens. Cela ne veut pas dire que l’on ne va pas y arriver.

Pour terminer, un mot sur le récent départ de Yohan Mollo à Alès (N3) ?
C’est un bien pour tout le monde. Il était amené à un peu moins jouer. Il a l’âge qu’il a (35 ans). Il en a plus fait que ce qu’il allait en faire. Quand il est venu chez nous l’an passé, alors que Hyères ne souhaitait pas le conserver, il a enclenché sur un projet à côté de chez lui, on ne lui a pas promis monts et merveilles, on a assuré notre objectif qui était de monter en N2. Là, il a pris un an de plus et il y a des jeunes qui émergent, comme Abdezerrek Saïdi, qui a 19 ans, que l’on est allé chercher à Béziers en 19 ans nationaux, et qui a pris une place prépondérante dans les compositions d’équipe. Yohan aurait été amené à moins jouer. La possibilité pour lui d’aller à Alès, avec un projet sur 18 mois et financièrement plus attrayant que le nôtre, j’ai envie de dire, c’est une opportunité commune. Cela nous libère d’un salaire et j’espère pour lui qu’il pourra retrouver un temps de jeu plus conséquent, à un niveau moindre parce qu’entre le National 3 et le National 2, je le vois bien, il y a un palier. Après, que Yohan ait un peu d’aigreur envers le club, envers moi, ce n’est pas grave, c’est comme ça. Dans le foot, les gens passent, il est passé, je passerai aussi, mais l’institution reste. On n’est pas là pour se faire des amis; à partir du moment où vous avez des responsabilités dans un club, que vous vous avez des décisions à prendre, vous ne pouvez pas embrasser tout le monde sur la bouche. On fait des contents, on fait des mécontents, c’est comme ça.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Tout savoir et tout comprendre sur l’historique, le contexte, la rivalité et la situation actuelle des deux clubs de l’agglomération rouennaise, aux antipodes l’un de l’autre et pourtant à deux doigts de fusionner l’été dernier, et appelés à s’affronter dans un derby normand très attendu, mais placé sous haute surveillance !

Par Anthony BOYER / Photos Bernard MORVAN-FCR et QRM / Photo de couverture : Philippe Le Brech

Fusion. Nom féminin. Réunion en un seul groupe de divers éléments distincts. Exemple, la fusion de deux partis politiques. Larousse aurait pu prendre un autre exemple pour cette définition, comme la fusion de deux clubs de football. Surtout quand celle-ci est… politique !

Trois ans et demi après leur dernière confrontation officielle, en coupe de France, pendant la période Covid-19, le FC Rouen et Quevilly Rouen Métropole se retrouvent, cette fois en championnat. Ce qui n’était plus arrivé depuis la saison 2012/2013, du temps de l’US Quevilly.

Au 8e tour de la coupe de France, le 13 février 2021, à Diochon, un solide et sérieux QRM en passe de retrouver la Ligue 2 et entraîné par Bruno Irles, s’était difficilement imposé 1 à 0 (but d’Andrew Jung) face à un FC Rouen alors en National 2, mais dont les prémices du renouveau étaient perceptibles, sous la houlette de David Giguel d’abord, sous celle surtout, quelques mois plus tard, de Maxime d’Ornano.

Maxime d’Ornano, faiseur de miracles

Maxime d’Ornano a conduit le FCR en National et en 1/4 de finale de la Coupe. Photo FCR.

Ce dernier, déjà faiseur de miracle au Stade Briochin, qu’il avait conduit en National en 2020, allait rééditer la même performance avec le FC Rouen en mai 2023, un an et demi après son arrivée en Normandie. Un retour dans l’antichambre du monde professionnel attendu par le peuple rouennais depuis 10 ans et un depôt de bilan avait précipité la chute en Division d’Honneur.

Voilà résumé en quelques mots ce qui différencie sportivement ces deux clubs géographiquement séparés d’un peu plus de 3 kilomètres seulement si l’on se réfère à la distance Diochon – Lozai, mais que tout oppose sportivement. Quant au rapport de force, il est vite vu : Le Petit-Quevilly et ses 23 000 habitants ne fait pas le poids à côté de Rouen et de ses 115 000 habitants.

Cohabitation et colocation

Le FC Rouen. Photo Bernard Morvan.

Le FCR et QRM sont des voisins qui se côtoient, parfois, qui cohabitent, le plus souvent. Ce sont des colocataires qui partagent le même stade, le mythique Robert-Diochon, et les mêmes installations d’entraînement, le fameux « terrain de la ferme », objet de convoitises et de querelles pendant de longues années.

Depuis cette saison, maintenant que les deux clubs évoluent au même échelon, quand bien même l’un a le statut pro (QRM) et l’autre le statut amateur, un turn-over est opéré. Quand le FCR joue à domicile le vendredi en National, c’est lui qui s’entraîne à « La ferme » toute la semaine qui précède le match, pendant que QRM retourne chez lui, là où il a grandi, là où ses détracteurs aimeraient qu’il retourne, à Lozai, où les locaux administratifs y sont spacieux et magnifiques. Et vice versa lorsque QRM joue à domicile, il prend possession de « La ferme » toute la semaine pendant que le FCR file sur ses terrains de repli, tantôt à La petite Bouverie, à 12 kilomètres de Diochon, au nord-est de Rouen, tantôt juste à côté, à 300 mètres, au complexe Pierre Le François. Pas simple.

Le micmac des vestiaires

Pour l’occupation des vestiaires, là encore, c’est tout un micmac. Surtout le soir des matchs de National du FC Rouen, quand les deux équipes, celle qui reçoit et celle qui visite, créent des embouteillages quand elles se croisent dans le même couloir long et étroit du stade, à droite en rentrant dans le hall. Une situation née de l’attribution à QRM, au moment de sa création en 2015, du grand vestiaire à gauche pour le nouvel occupant, avec les bureaux pour le staff, ceux-là même occupés par le FCR au temps de sa splendeur !

Une situation ubuesque

Le terrain d’entraînement de la Ferme, à Diochon. Photo Bernard Morvan.

Le stade, le partage des installations, les vestiaires, les couleurs, l’appellation du club, les supporters, la rivalité, la fusion, la sécurité, sont quelques-uns des dossiers chauds nés de cette situation unique dans les annales en France, au point de donner lieu à des scènes ubuesques, la plus « célèbre » d’entre elles étant la configuration du siège social des deux entités.

Au fond du parking « officiel » du stade Diochon se trouve le « bunker » qui abrita jadis le centre de formation du FCR quand il fut professionnel, ça remonte ! Aujourd’hui, le bâtiment hébergent les bureaux administratifs des deux entités, qui se regardent en chien de faïence : à gauche en rentrant, ceux de la SAS (Société par actions simplifiées) QRM, et à droite ceux de la SAS FCR. Les salariés s’ignorent le plus souvent ou se saluent courtoisement, du moins ceux qui ont envie. Les staffs se respectent. Les dirigeants aussi. Mais gare à ne pas trop « fricoter » avec le voisin de palier, cela pourrait être mal vu.

Michel Mallet, le gestionnaire

Michel Mallet, président de QRM. Photo QRM

L’on pourrait, comme ça, citer d’autres exemples de cette situation intenable sur la durée, née de la création du projet Quevilly Rouen Métropole en 2015. Un projet dont l’instigateur s’appelle Michel Mallet, chef d’entreprise respecté dans l’agglomération rouennaise et loué pour ses qualités de gestionnaire : c’est simple, quand Michel Mallet, ex-membre du ComEx à la Fédération, possède un euro dans les caisses, il ne dépense généralement jamais plus de 90 centimes. Voilà pour le portrait dressé par ceux qui ont côtoyé l’ancien président de l’US Quevilly, un club amateur au palmarès long comme le bras, devenu hyper-respecté grâce à deux campagnes mémorables en coupe de France en trois ans seulement, avec une demi-finale en 2010 et surtout une finale en 2012 !

Une brèche laissée ouverte par le FCR

Ces exploits à répétition donnent des idées de grandeur et de développement à Michel Mallet : si l’US Quevilly attire 40 000 supporters venus de Normandie au Stade de France, qu’est-ce qui peut empêcher d’en attirer ne serait-ce que 4 000 (ce n’est qu’un exemple) issus de l’agglomération rouennaise pour ses matchs de championnat ? Plusieurs conditions sont nécessaires à cela : grosso modo, rallier le monde professionnel et la Ligue 2 (Quevilly a goûté à l’ancienne Division 2 de 1970 à 1972), unir les forces en présence et quitter Lozai. Au moment du lancement de QRM, en 2015, le club est en CFA, l’équivalent du N2.

La ferveur ne « s’achète » pas

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR à domicile. Photo Bernard Morvan

En fait, Quevilly profite de la chute administrative et sportive du FC Rouen – dont les déboires financiers ne cessent de s’accumuler depuis 30 ans – pour s’engouffrer dans la brèche. Pour s’assurer le monopole. Pour prendre une place dans le coeur de la population de la douzième agglomération de France (500 000 habitants). Sauf qu’il ne parviendra jamais à prendre la place du FCR dans le coeur des supporters rouennais, mais ça, il ne le sait pas encore.

L’idée de départ est bonne. Le projet est séduisant et ambitieux. Sauf que l’on ne tire pas un trait sur l’Histoire comme ça. Sauf que le coeur et la ferveur ne « s’achètent » pas. Pas plus qu’ils ne se décrètent. Et c’est peut-être l’une des erreurs commises à ce moment-là par Michel Mallet et son consortium d’investisseurs, qui ont, dans l’esprit des fervents supporters du FCR, voulu « passer en force », en faisant fi notamment de l’histoire, du logo et des couleurs de Rouen.

Quand QRM réveille le FCR

L’équipe de QRM. Photo QRM

C’est pour cela que, dès l’arrivée dans le microcosme du football amateur hexagonal de Quevilly Rouen Métropole, une appellation qui n’a jamais été acceptée dans le camp d’en face, l’accueil des supporters rouennais est hostile pour ne pas dire virulent. Sur les réseaux sociaux du FCR, les communicants, les contributeurs ou les « commentateurs » n’écrivent jamais le « vrai » nom de « l’ennemi », mais se font toujours un malin plaisir à écrire – volontairement – le terme « Quevilly » tout seul. Révélateur.

En réunissant les logos des deux clubs en un seul et même fanion, en optant pour les couleurs « Rouge et jaune » (l’US Quevilly évoluait en jaune et noir, le FCR en rouge), en s’appropriant le stade Diochon, antre des Diables Rouges, seulement « prêté » à l’USQ pour certaines affiches de coupe de France lorsque le club de Petit-Quevilly était vu d’un bon oeil et considéré comme un gentil voisin pas trop encombrant, Quevilly Rouen Métropole, QRM pour les intimes, s’attire les foudres du voisin. Pire, il réveille le camp d’en face, endormi et résigné depuis l’époque Thierry Granturco et la rétrogradation de National en DH en 2013.

Des fiançailles avant un mariage

Alors bien sûr, dans le projet QRM initial, figure la caution morale (et financière) Fabrice Tardy, le président de l’association FCR, celle-là même qui est « sauvée » par QRM lors du « rapprochement ». Car c’est bien d’un rapprochement dont il s’agit, et non pas d’une fusion. Les dirigeants parlent souvent de fiançailles avant le mariage.

La présence de Tardy, actionnaire de QRM, ne suffit pas à calmer les revendications et les velléités des supporters de Rouen, qui moquent constamment les affluences du voisin, et dont certains se rendent coupables d’actes d’incivilités – on ne compte plus le nombre de tags dans les travées du stade. Ceux-ci sont contre l’idée d’une fusion qui enverrait l’Histoire d’un monument du foot français aux oubliettes. Surtout avec un nom pareil ! Et ils sont « pour » que l’on retire la couleur jaune à Diochon…

Le volte-face de Fabrice Tardy

Clément Bassin, le capitaine du FCR. Photo Bernard Morvan

Mais tout ne se passe pas comme prévu. En 2017, alors que QRM vient de grimper d’une division dès sa deuxième année d’existence et qu’il est en passe d’en gravir un second d’affilée, le volte-face de Fabrice Tardy change la donne. De fusion, il n’en sera plus question… jusqu’à l’été dernier. Et dire que QRM avait déjà la bague au doigt.

Pendant sept ans, chacun roule sa bosse. Vit sa vie. Avec Manu Da Costa aux manettes (un ancien du … FCR !), resté sept saisons sur le banc, Quevilly Rouen accède rapidement en National (2016) et dans la foulée en Ligue 2 (2017) avant de redescendre aussi sec (2018).

Avec Bruno Irles, parti à Troyes à Noël 2022, il remonte encore en L2 (2021), assure deux maintiens avec Fabien Mercadal et Olivier Echouafni (2022 et 2023) mais Jean-Louis Garcia ne peut éviter la rechute (en 2024). Le FCR, pendant ce temps, comble progressivement son retard : National 3 en 2017, National 2 en 2019 puis National en 2023.

Rivaux en National, 12 ans après !

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR. Photo Bernard Morvan.

Le clou de l’histoire intervient à l’été 2024, quand QRM rejoint en National un FCR renaissant, qui a cru quant à lui pouvoir se mêler à la lutte pour l’accession en Ligue 2. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu si un tel scénario s’était produit. Comme lors de la saison 2012-2013, la dernière qui a vu les deux clubs s’affronter officiellement en championnat (en National déjà), il va donc y avoir un nouveau derby, ce vendredi. Le 14 décembre 2012, devant 3 789 spectateurs à Diochon, le FCR, alors entraîné par Didier Ollé Nicolle, s’était imposé 1 à 0 grâce à son buteur maison Julien Jahier face à l’USQ de Farid Fouzari.

Au match retour, le 4 mai 2013, devant 1 425 spectateurs au stade Lozai, Quevilly et Rouen faisaient match nul 1-1 (but de Rémy Dugimont à la 6e pour le FCR et égalisation d’Oussoumane Fofana à la 87e pour l’USQ). Le point commun entre ces deux derbys ? Valentin Sanson. L’actuel défenseur du FC Rouen (32 ans) était dans le camp des Jaune à l’époque. Il était même de la partie en finale de coupe de France, présent sur le banc au Stade de France avec l’USQ face à Lyon, lancé la même saison en National par un certain Régis Brouard.

Régis Brouard, du jaune au rouge

Régis Brouard. Photo Bernard Morvan.

Dans un récent entretien, ici même, à la question « L’entraîneur que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir » Sanson avait répondu « Régis » (Brouard). Douze ans après, et même s’ils s’étaient recroisés à Diochon lorsque Bastia est venu y jouer en Ligue 2, les « vraies » retrouvailles ont donc eu lieu puisque l’ex-coach du Sporting a remplacé Maxime d’Ornano le 4 novembre dernier.

Et dire que Régis Brouard était la priorité de Michel Mallet l’été dernier lorsqu’il s’est agi de trouver un successeur à Jean-Louis Garcia et de repartir d’une feuille blanche ! C’est vrai que Brouard, qui a entraîné l’USQ de 2008 à 2012, club avec lequel il a vécu tant de belles choses – accession en National, maintien en National, demi-finale puis finale de coupe de France ! – n’a laissé que des bons souvenirs dans la maison quevillaise. Et même si la séparation avait été douloureuse – les deux hommes ont été un peu fâchés avant de se rabibocher -, l’idée de revenir 12 ans en arrière avait de la gueule, même si dans le foot, comme dans la vie en général, il n’est jamais évident de revenir à ses premières amours.

Un derby qui ne manque pas de sel

« Le Druide », comme on le surnommait à Lozai, a décliné poliment. Le retrouver aujourd’hui dans le camp d’en face, sur le banc du FC Rouen, un club hyper-populaire comme il les aime (Bastia, Red Star, Nîmes…), rajoute forcément du sel à ce derby qui n’en manque déjà pas et qui fera, contrairement à la saison 2012/2013, le plein à Diochon (guichets fermés et 8000 spectateurs attendus). La « faute » évidemment à tout ce que l’on vient de raconter et qui n’a fait qu’exacerber une rivalité nouvelle, pour ne pas dire une haine viscérale des Rouge envers les Jaune.

En octobre dernier, dans l’émission sportive du quotidien Paris Normandie, « Parlons Sport », Michel Mallet l’a dit : « On sera attentif à l’organisation du match. Ce qui me va bien, c’est que le FCR recoive à l’aller (…). On verra comment les choses se passent. Il y a eu quelques excès ces dernières saisons, à l’extérieur du stade. C’est dommageable. Ma hantise, c’est qu’il y ait un incident un jour. »

La fusion avortée cet été

Iwan Postel (à gauche) et Tarkan Ser. Photo Bernard Morvan.

N’y voyez aucune menace. Ce n’est pas le style du chef d’entreprise dont la prise de parole, en plus d’être rare, est toujours mesurée et pondérée. Sauf que là, pour une fois, Michel Mallet – qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview – a quelque peu dérogé à sa règle : la fusion avortée cet été, la rivalité, les projets, l’avenir, l’approche du derby, les objectifs, les finances, la sécurité (1) – le derby fait l’objet d’un arrêté préfectoral – et la communication agressive et provoc’ de son homologue du FCR, Iwan Postel, les sujets n’ont pas manqué et il n’a rien éludé face aux deux journalistes « questionneurs », Victorien Lenud et Grégory Caru-Thomas.

Ces derniers ont obtenu quelques infos et parfois même des aveux, comme lorsque Michel Mallet est revenu sur la fusion « épisode II », avortée : « L’idée, c’était d’allier la ferveur populaire du FC Rouen, parce qu’il faut reconnaître l’évidence, Rouen est porteur de plus d’engouement, avec la rigueur de Quevilly. Vous savez, quand j’étais petit, j’ai vu tous les matchs du FCR en Division 1 et en Division 2 », disait-il. « La fusion, c’était le deal de départ, en 2015. Le projet avait été validé par les politiques, dont le maire de Rouen de l’époque (Yvon Robert) et par Fabrice Tardy (ex-président du FCR), qui est revenu en arrière contre toute attente. Si on veut aller au haut niveau, il ne faut qu’un seul club, ça coule de sens. Maintenant, si on veut rester en National… On peut continuer comme ça pendant longtemps, avec deux clubs… On s’est rapproché fortement pour que les planètes s’alignent. On n’est pas passé loin l’été dernier. Il y a eu des erreurs, on en a sans doute fait au départ en 2014 ou 2015. »

Des concessions… sauf sur le nouveau nom

Valentin Sanson a porté le maillot de QRM avant celui du FCR. Photo Bernard Morvan

Visiblement, le président de QRM, pourtant enclin à faire des concessions sur de nombreux sujets (numéro d’affiliation du FCR, retour aux couleurs rouges et blanches, etc.) et à revoir sa copie de départ, en a gros sur la patate. Il n’a pas digéré que l’actuel président de la Métropole, qui est aussi le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, donne un blanc-seing au duo composé du Turc Tarkan Ser et du Néerlandais Iwan Postel, respectivement fondateur et vice-président de la société turque Black Eagle, spécialisée dans l’achat et la vente de jets privés, pour la reprise du FCR.

Mallet défendait un dossier « local » porté par des chefs d’entreprises de la région : « J’aurais aimé que le maire de Rouen mette autant d’énergie pour qu’une fusion des deux clubs s’envisage avec des acteurs locaux qu’il ne l’a fait pour permettre l’arrivée d’autres personnes non issues de la région ».

Toujours au cours de cette même émission animée par Paris Normandie, Michel Mallet a reconnu avoir évolué dans sa réflexion et que le nom du futur club était un point d’achoppement, mais pas la raison de la non-fusion. L’on est donc passé tout près de voir la création d’un FC Rouen Quevilly, comme il le souhaitait, puisqu’il n’était pas enclin à retirer le mot « Quevilly ».

« Faire un FC Rouen Quevilly, c’était tout a fait envisageable. C’était répondre au sens de l’histoire, avait-il confié lors de cet entretien; c’était reconnaître à Rouen sa prédominance dans la hiérarchie, et on conservait aussi Quevilly pour tout ce qu’il a représenté dans le football normand. Quand on a joué nos campagnes en coupe de France, il y avait plein de Rouennais présents à Caen ou au Stade de France. Le FC Rouen a été fondé en 1899, Quevilly juste après, en 1902, avec chacun des beaux palmarès, l’un plutôt chez les professionnels, l’autre plutôt chez les amateurs. L’idée, c’était d’associer deux forces, d’allier la ferveur populaire de Rouen avec la rigueur de Quevilly. Pas de faire disparaître l’un ou l’autre des deux clubs. Pour moi, c’est un rendez-vous manqué. »

Le feu et la glace

Avant, pendant ou après les matchs, Iwan Postel aime saluer les supporters du FCR. Photo Bernard Morvan.

Aujourd’hui, Michel Mallet ronge son frein. Et s’est résolu à repartir non pas d’une feuille blanche, parce que les fondations sont là et solides – même avec un directeur général (Arnaud Saint-André) parti au chevet des Girondins de Bordeaux avec encore quelques doigts de pied à QRM -, mais pour un ou plusieurs tours en National, avec l’objectif que QRM, l’un des dix clubs professionnels du championnat (6 millions d’euros de budget), retrouve un jour la Ligue 2.

Pendant ce temps, Iwan Postel, son homologue du FCR, se pavane sur tous les stades, multiplie les selfies avec les supporters et fait le buzz sur les réseaux sociaux où il distille les « petites phrases » et les déclarations plus provocatrices les unes que les autres. La plus célèbre ? « L’ambition, c’est minimum d’être en Ligue 2 et à moyen terme d’être en Ligue 1. Tous les deux ans, nous devons franchir un palier. Les gens vont dire que je suis fou mais j’ambitionne que le FC Rouen soit en Ligues des champions d’ici sept ans. » C’était en octobre. Et cela ne nécessite aucun commentaire. Pourtant, Postel, qui vit à l’hôtel, continue d’en faire sur sa page Facebook, comme pour justifier ses prises de position et son ton cash. On a peut-être déniché un nouveau Donald Trump, roi en matière de communication. Ce qui est certain, c’est que tout oppose les deux hommes forts, dont l’image colle parfaitement à leur club : Postel, c’est le feu, Mallet, la glace.

Iwan Postel, ce communiquant

L’on sait que cette nouvelle façon de communiquer du successeur de Charles Maarek à la tête des Diables rouges ne plaisait pas trop à Maxime d’Ornano, une personne plutôt discrète. Pas sûr que cela plaise non plus à Régis Brouard, même si avoir de l’ambition n’a jamais été une tare… sauf peut-être en France où il a toujours été mal vu de l’afficher. Question de culture, sans doute. Du moment que l’omnipotent Iwan Postel n’interfère pas dans le travail du nouveau technicien rouennais, il ne devrait pas y avoir de problème. Comme le dit l’adage, « Chacun son métier, et les moutons seront bien gardés » ! On verra aussi quelle sera sa communication après le passage du club devant la DNCG, fin décembre.

« Parfois, ça me fait sourire » a confié à ce sujet Régis Brouard sur le plateau de Kop Normandie, l’émission de BFM Normandie, le 25 novembre dernier. Ce soir-là, le nouveau coach rouennais, qui n’a jamais caché sa position au sujet d’une fusion – « Je l’ai toujours dit, même au temps de l’USQ, c’est inéluctable, il faut un seul club » – était interrogé par les consultants David Fouquet, son ancien adjoint pendant 4 ans à l’US Quevilly, et Romain Djoubri, ex-coach du FC Rouen en DH (2014-2017) et des féminines du Havre. La communication de Postel ? Brouard : « J’entends, j’écoute, on me dit… Mais moi, je ne suis concentré que sur mes objectifs, et ils sont clairs, c’est la montée dans six mois ou dans un an et demi. »

Qui veut faire un nouveau stade ?

La tribune d’Honneur (Horlaville) du stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

La Ligue 2, le FC Rouen et ses 4 millions d’euros de budget annoncé – dont 630 000 euros de subvention de la Métropole Rouen Normandie, la même que celle allouée à QRM depuis cette saison (il touchait 210 000 l’an passé) – ambitionne aussi d’y accéder, comme l’a clamé Postel, et surtout de ne pas y rester. Et ce n’est pas le début de saison poussif et décevant de son équipe qui lui a coupé les ailes. Même s’il a conduit à un changement d’entraîneur.

On rappellera juste que le club n’a plus goûté à la Ligue 2 depuis la saison 2003-2004, ce qui ne lui interdit pas de rêver et d’y retourner. Cette saison ou la suivante. Après tout, et c’est Michel Mallet qui a pris cet exemple, le Paris FC était très loin au classement à la trêve lors de la fameuse saison 2016-2017 – celle qui a vu QRM accéder en L2 – avant d’effectuer une superbe phase retour et de monter (grâce à un repêchage après des barrages pourtant perdus face à Orléans). Un exemple valable pour les deux clubs, qui possèdent le même nombre de points en championnat (15), à 7 longueurs d’Orléans (2e) et à 6 de Dijon (3e et barragiste).

On rappellera aussi que le stade Diochon, certes historique et véritable monument, partagé par trois clubs (les rugbymen, relégués de Pro D2 et actuels leaders de Nationale, y évoluent également), conserve toujours ce côté vétuste qui sera forcément un frein à ses grandes ambitions, compte tenu de sa capacité et des normes – notamment de sécurité – toujours plus drastiques imposées chaque saison par la LFP. Là encore, Iwan Postel a la solution : acheter un terrain et en construire un nouveau stade, si possible un grand, à la « portée internationale », modulable, de 40 à 50 000 places, avec « une main d’oeuvre étrangère » pour aller « cinq fois plus vite ». C’est dit.

La Métropole entre en piste

De son côté, la Métropole a lancé voilà quelques mois le projet de construction d’un futur stade « à spectacle », d’une capacité de 15 000 à 25 000 places, construit à l’emplacement de l’actuel parking du Zénith et du Parc des Expositions, à 2 kilomètres de Diochon, à 8 kilomètres du centre-ville, juste à côté de l’autoroute A13 pour Paris.

Mais le projet ne se fera pas du jour au lendemain : « Ce n’est pas une affaire d’un an », a rappelé le président de la Métropole, Nicolas Mayer-Rossignol, lors d’une réunion de la Fédération des culs rouges (2), en septembre dernier, avant d’évoquer une échéance « large » à 8 ans, même si « ça sera peut-être moins », et de parler d’agrandir Diochon dans le même temps.

Place au derby, place au jeu !

David Carré, le coach de QRM. Photo QRM.

Hier (mercredi), dans le quotidien Paris Normandie, le vice-président de la Métropole et chargé des sports, David Lamiray, déjà là au moment des premières discussions en 2014 autour du projet QRM, s’est montré plus précis : « Depuis 2015, la Métropole a injecté 10 millions d’euros pour la mise aux normes de Diochon (…), on lance des études à la fois sur la construction d’un nouveau stade et l’agrandissement de Diochon (…) On travaille sur les installations pour avoir un terrain (d’entraînement) supplémentaire ». L’élu métropolitain a également évoqué le volet sécuritaire autour du derby de ce vendredi en National et « une très forte appréhension des supporters de QRM et de ses dirigeants ».

Oui, parce qu’avec tout ça, on l’aurait presque oublié, il va y avoir un match de football dans un stade Diochon en ébullition entre un FC Rouen qui a opéré son redressement (2 victoires de suite depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, 3 avec la coupe) et un QRM au profil plus « physique », qui a trouvé son rythme de croisière : 8 points pris lors des 4 derniers matchs et une qualification en coupe sur le terrain du leader de la L2, le Paris FC.

Dans ce laps de temps, QRM aurait même dû s’imposer à Aubagne (1-1) et contre Orléans (1-1) ! Quatre points de perdu pour l’équipe de David Carré, sans quoi elle figurerait logiquement dans le premier tiers du classement. Et maintenant, place à l’essentiel, le jeu !

1. La préfecture de la Seine-Maritime, qui a classé ce match « à risques », a réduit à 200 le nombre de supporters de QRM autorisés dans le stade, sur les 700 places, environ, que compte le parcage visiteurs de Diochon. Et neuf supporters du FC Rouen ont été suspendus de matchs pendant 6 mois.

2. La Fédération des culs est une association influente régie selon la loi 1901, fondée en 2013, qui regroupe des amoureux du FCR afin de peser sur l’avenir du club.

Championnat National (J14) – vendredi 6 décembre 2024, à 19h30, au stade Diochon : FC Rouen – Quevilly Rouen Métropole. Regardez le match en cliquant ici : https://ffftv.fff.fr/video/x93cyz2/j14-national-i-fc-rouen-1899-vs-qrm-en-direct-19h15

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Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

– Photos : Bernard MORVAN / FCR et QRM

– Photo de couverture : Philippe Le Brech

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L’ex-attaquant, passé pro sur le tard, à 25 ans, revient sur son parcours et ses expériences de joueur et d’entraîneur. Aujourd’hui, à 54 ans, il cherche à revivre le Graal qu’il a notamment connu avec Rodez, après un long passage au Mans. Mais il refuse d’être considéré comme le coach de deux clubs.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

Qui se souvient que Laurent Peyrelade (54 ans), l’ancien attaquant, arrivé dans le foot pro sur le tard – à l’âge de 25 ans – a connu le National à ses débuts ? C’était à l’ESA Brive, à 100 kilomètres de chez lui, à Limoges. C’est là, en Corrèze, où il empilait les buts, que Robert Budzynski, recruteur et directeur sportif du FC Nantes, est venu le chercher, comme il était venu chercher Dominique Casagrande et Eric Carrière à Muret un peu plus tôt.
Prendre les meilleurs joueurs du National de l’époque, Nantes aimait bien ça. Si Laurent Peyrelade s’est souvent demandé « pourquoi moi ? », il n’a pas boudé son plaisir de se retrouver dans le club champion de France en titre, et de côtoyer de très grands footballeurs et un monsieur, Jean-Claude Suaudeau.

En revanche, tout le monde se souvient que Laurent Peyrelade est resté longtemps sur le banc du RAF (Rodez Aveyron Football), presque 8 ans, un club qu’il a façonné et conduit du National 2 à la Ligue 2. L’ancien joueur du LOSC a aussi longtemps exercé sur le banc au Mans, à la préformation d’abord, avec les U17 Nationaux ensuite (4 saisons) avant de devenir l’adjoint d’Arnaud Cormier en Ligue 1 puis en Ligue 2, pendant 2 ans (de décembre 2009 à décembre 2011).

Photo Philippe Le Brech

Devenir entraîneur ? Ce n’était pas forcément le destin de cet étudiant en médecine (2 ans) puis en STAPS, à Clermont, qui se voyait plutôt prof d’université, quelque chose comme ça. Le foot est arrivé plus tard. Du coup, il a profité de chaque instant de sa carrière professionnelle de joueur, qui a duré 10 ans. Sa carrière d’entraîneur, elle, dure depuis près de 20 ans mais est actuellement à l’arrêt : après avoir rempli sa dernière mission « sauvetage » à Grenoble au printemps dernier, il s’est remis en quête d’un nouveau projet.

Depuis son domicile, au Mans, entre deux cessions de sa formation de manager au CDES (au Centre de droit et d’économie du sport) de Limoges, Laurent Peyrelade, un homme ouvert d’esprit, très expressif, communicatif, naturel et qui a beaucoup de personnalité, a remonté le temps : ses débuts à Limoges, son départ à Brive, son court passage à Pau, ses débuts pros à Nantes, son parcours, sa vision du foot, ses souvenirs, ses regrets, ses erreurs, sa personnalité, il a effectué un large tour d’horizon dans une discussion à bâtons rompus, où il a souvent ri et employé le mot « fatalement » et l’expression « d’accord ? », et où il a bien sûr été question de Rodez et du Mans ! Car, et il en est bien conscient, on se souvient plus de son passage sur le banc en Aveyron, très marquant, que de ses trois derniers mois à Grenoble ou de sa courte expérience en National la saison passée à Versailles. Ah les étiquettes, difficile de s’en défaire !

Interview

« À Nantes, je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi » ?! »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir de joueur ?
J’en ai trois ! Je les place sur le même pied d’égalité. La Ligue des champions avec Nantes, et notamment ce premier match contre Porto, ou plutôt l’entraînement de la veille, au stade, on avait fait un peu les cons avec Garcion, Casagrande, Da Rocha ou Renou, on faisait comme dans la cour d’école, on partait d’un but et on allait attaquer l’autre but, à trois contre personne, et on marquait des buts fantastiques. En fait, on était en Ligue des Champions et en même c’était la cour d’école ! J’arrivais de Brive, de découvrais une compétition que je ne pensais jamais découvrir de ma vie, mais cela ne nous avait pas empêché de garder notre âme d’enfant. Il y a aussi l’année de Ligue 1 avec Lille et Vahid (Halilhodzic), on fait 3e (en 2000-2001), on venait de monter de Ligue 2, on avait un super groupe. Un pur bonheur. Et aussi la première montée de Ligue 2 en Ligue 1 avec Le Mans (en 2003), après une saison exceptionnelle, on était dans un projet collectif incroyable.

Justement, au Mans, nous sommes allés voir le stade Léon-Bollée la semaine dernière… du moins ce qu’il en reste …
Vous l’avez reconnu ?

Oui, même s’il ne reste qu’une tribune, le reste est en friche, avec un programme immobilier qui sort de terre…
C’était un stade « centre-ville », comme il y en aura de moins en moins, comme le stade du Ray chez vous à Nice, voilà.

« Je n’écoute plus les scores des autres matchs à la fin »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
La saison de National avec Rodez, quand on monte en Ligue 2 (saison 2018-2019), on a la sensation d’être imbattable, avec un groupe de joueurs exceptionnel.

Un souvenir d’entraîneur douloureux ?
Quand j’étais adjoint d’Arnaud (Cormier), au Mans, en L2, on mène 2 à 0 à la mi-temps à Vannes et on perd 4 à 3, on rate la montée en Ligue 1 à cause de ça (en 2011). On avait une équipe pour remonter, on rate le coche sur ce match, des choix, la pression, plein de choses…

Pire souvenir de joueur ?
A Lille, à la fin de la première année, on écoute les résultats sur le terrain, on est à la lutte pour la remontée, on gagne à Grimonprez-Jooris notre match mais on n’est pas maître de notre destin : du coup on écoute au stade la fin de l’autre match, et là… Je crois que c’était Martigues (Sochaux en fait). Depuis, je n’écoute jamais ce que font les adversaires après le match. Faisons notre match, et puis voilà.

Comptiez-vous vos buts quand vous étiez joueur ?
Non.

France-Angleterre 1982, la révélation

Photo Philippe Le Brech

Pourquoi avez-vous pratiqué le foot ?
Mon père y jouait, donc chaque week-end, j’allais sur les terrains de foot à Abzac en Charente, près de Confolens : je jouais le samedi à Limoges parce que mes parents travaillaient à Limoges et le dimanche on allait chez mes grands parents, on écumait les terrains autour d’Abzac, donc je ne connaissais que ce sport ! Et puis, ce qui m’a marqué, c’est qu’en 1982, mon père m’a emmené voir le match de l’équipe de France contre l’Angleterre à Bilbao (1-3), en Espagne, et là, magnifique. Mon père est un féru de foot, il était à Glasgow avec des amis en 1976 pour la finale de Saint-Etienne !

Première licence ?
A l’AC Landouge (aujourd’hui Limoges Landouge Foot), à Limoges, où mon père fut président, il est encore président d’honneur et toujours impliqué au club !

Pourquoi n’avez-vous jamais évolué dans le club phare de Limoges, qui venait de connaître la D2 ?
C’est vrai que j’allais voir les matchs en D2 (la dernière saison de Limoges à ce niveau remonte à 1986-1987) avec mon père, c’était l’époque de Francis Smerecki, qui était entraîneur, puis le club est redescendu en D4, et je n’étais pas… comment dire… Disons que j’avais juste cette qualité d’avoir la tête bien pleine, mais je suivais mes potes, j’allais là où ils allaient : c’est comme ça que je suis allé à l’ASPTT Limoges, pour jouer à un meilleur niveau qu’à Landouge, j’avais 17 ans, après je suis allé à Brive à 20 ans parce que Jean-Claude Giuntini, l’entraîneur, m’a contacté et que c’était encore un meilleur niveau, la D3, et on est monté en National 1, on est resté 3 ans à ce niveau. Là encore, le stade était en centre-ville, je n’ai jamais joué dans le nouveau stade de Brive. Mais avec Limoges FC, il n’y a jamais rien eu, pas de contact.

Pourquoi, lors de la saison 1994-1995, votre dernière en National, être parti à Pau puis revenu à Brive à la trêve ?
Parce qu’à Pau, il y avait beaucoup d’ex-pros, le club voulait monter en D2, mais il a explosé financièrement. On ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, donc je suis rentré à Brive, j’ai pu être réintégré au 126e Régiment d’infanterie de Brive pour effectuer mon service. On a fini 3e avec Brive, derrière Lorient et Poitiers qui sont montés en D2.

« Dans les années 90, le National était un championnat de villages »

Photo Philippe Le Brech

Vous avez connu le National dans les années 90 : c’est quoi les différences avec celui d’aujourd’hui ?
Il y en a beaucoup. La première qui me vient à l’esprit, c’était une division amateur, maintenant c’est une division professionnelle. Ensuite, c’était un championnat de villages, maintenant c’est un championnat de villes. La moitié du championnat, là, ce sont des clubs historiques du football français, avec des stades historiques. J’adore Les Herbiers, mais aujourd’hui, c’est quelque chose, avec Valenciennes, Le Mans, Sochaux, Nancy, Dijon, ce sont pas les mêmes enceintes ! Quand je jouais en National à l’époque, j’étais toute la semaine à Clermont, j’allais courir seul, je m’entraînais avec le club le mardi, parfois deux fois par semaine, ils étaient en DH ! J’avais un de mes meilleurs potes de Brive, Christophe Chastang, qui jouait à Clermont, d’ailleurs il y est toujours. Et je rentrais le week-end pour jouer avec Brive. Cela ne nous empêchait pas d’être performant. C’est inconcevable aujourd’hui. Tout a changé, les méthodes d’entraînement, la quantité d’entraînement…

Et le jeu ? C’était comment le National du temps de Brive ?
Déjà, nous, on était une équipe physique, ça correspondait à l’endroit où on était, Brive, une ville de rugby, avec Jean-Claude Giuntini, un entraîneur avec de la poigne, de la gnaque, et on courait ! Comme avec Vahid, attention ! La première année à Brive, j’ai perdu 10 kilos pendant la préparation ! Le championnat était plus physique, mais c’était différent. C’est pareil pour la Ligue 2 : on ne peut pas la comparer avec la D2 du temps où il y avait deux poules.

Votre geste technique préféré sur un terrain, c’était quoi ?
L’extérieur du pied.

« Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le foot moderne »

Vos qualités et vos défauts sur un terrain ?
J’étais adroit devant le but, je me déplaçais bien, j’anticipais bien. Mon défaut, un manque de volume. En fait, je n’avais pas d’énormes qualités, je n’avais pas non plus d’énormes défauts. C’est pour ça, je pense, que je suis passé pro assez tard (à l’âge de 25 ans, Ndlr). Cela a mis du temps pour que tout se mette en place. Je ne suis pas très… comment dire… je ne vais pas très vite ! Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le football moderne. Ah, et je n’aime pas perdre non plus.

Photo Philippe Le Brech

Si vous n’aviez pas signé pro, vous auriez fait quoi ?
J’ai fait deux ans de médecine à Limoges mais c’était trop compliqué, j’ai raté une épreuve la deuxième année, et là, impossible d’être dans le numerus clausus. Ensuite je suis parti en STAPS à Clermont : en fait, la semaine, j’étais à Clermont, et le week-end, je rentrais à Brive pour jouer en championnat. Je n’étais pas prédestiné pour faire le professorat. Je me serais plutôt orienté, je pense, vers des cours en université au niveau STAPS, ou alors prof agrégé d’université, cela aurait pu m’intéresser. Mes parents me disaient de passer les diplômes, et pour le foot, on verrait, parce que quand tu es jeune et que tu marques des buts, des sollicitations, on en a tout le temps, mais je n’avais pas d’agent au début. Il n’y a que deux clubs qui m’auraient fait devenir pro, c’était Nantes et Bordeaux. Voilà. Nantes et Robert Budzynski sont arrivés. C’était Nantes quand même, champion de France, des internationaux partout, une équipe incroyable… Je ne voyais pas trop pourquoi il venait chercher un jeune amateur à Brive-la-Gaillarde à ce moment-là ! Mais ça ne se refuse pas, parce que financièrement, ce que tu vas gagner en passant pro… On est beaucoup mieux payé en pro à Nantes que dans l’éducation nationale. Donc on s’est dit que, même si ça ne marche pas, j’aurai fait 4 ans et je repartirai dans l’éducation nationale.

« C’est incroyable et magique, le foot ! »

Photo Philippe Le Brech

Des regrets ?
Ah non, non, non. Déjà, je ne pensais même pas jouer un jour la Ligue des Champions ! Au bout d’un mois et demi à Nantes, je me suis demandé ce que je faisais là, à l’entraînement, ça allait à 2000 à l’heure. Je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi ? Ils ont vu quelque chose, un truc (rires)?? » parce que ça allait vite, ça pensait vite, ça anticipait vite, et en fait, ça s’est super-bien passé, parce que l’être humain s’adapte, progresse, travaille. Ce que j’ai vécu à Nantes, c’est exceptionnel. D’ailleurs, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’être là, et de faire des matchs de ce niveau-là.

Cette question « Pourquoi Nantes- est-il venu vous chercher à Brive ? », vous avez-vous trouvé la réponse ?
J’étais le 3e attaquant à Nantes. Dans la même poule de National, un an avant, ils avaient pris Casagrande et Carrière à Muret, alors je pense qu’ils ont pris les meilleurs joueurs de National pour les faire grimper dans le groupe et comme cela a bien marché, voire très bien, avec Doumé (Casagrande) et Carrière, je pense qu’ils ont voulu refaire la même chose. J’ai quand même fait 30 matchs, pas tous titulaire bien sûr, mais bon, je passais de Brive à la Ligue des champions ! C’est incroyable et magique le football.

« Je suis en recherche permanente du Graal »

Photo Philippe Le Brech

Le club ou la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
Joueur, au Mans, quand on est monté de L2 en L1 (en 2003). Et coach, la saison en National quand on monte en L2 avec Rodez (en 2019), je suis obligé de dire celle-là, je suis en recherche de ce Graal en permanence, quand toutes les connections et les circonstances sont réunies au même endroit au même moment. Tu cherches ça dans ta vie de tous les jours. J’ai deux objectifs : la recherche des moments de bonheur partagé, dans la vie et dans le sport, et il n’y en a pas tant que ça dans le foot, et là, je ne parle pas de victoire, je parle d’un moment qui sort de l’ordinaire, où tout un club est là. Je suis en recherche d’harmonie aussi, interne et externe. Dans ma vie, dans mon club et avec l’extérieur. Ce sont mes objectifs de vie.

Vous n’avez pas peur de ne pas retrouver ce Graal dont vous parliez et que vous avez vécu avec Rodez ?
Je ne sais pas. On ne vit pas dans la peur. C’est ça qui est bien. Des très bons moments de vie partagés, il y en aura d’autres. Après, j’en ai eu des moments comme ça, comme quand on se maintient avec Rodez à Bastia à la dernière journée (en mai 2022) en gagnant 1 à 0 à la 90e, ça c’est un moment de bonheur partagé, c’est fluide, c’est limpide, c’est calme, c’est zen. Voilà. Tout se passe dans le bon ordre, comme tu l’avais pensé, tu le fais avec tes joueurs, tes enfants, ta famille, tes proches, ton épouse… Je suis en quête de ça. Mais si cela n’arrive pas, ce n’est pas grave.

« On galvaude le mot bâtisseur »

Photo Philippe Le Brech

Entraîneur, vous avez passé plus de 7 ans à Rodez et plus de 7 ans au Mans, c’est rare. Paradoxalement, vous n’êtes pas resté longtemps à Versailles et à Grenoble. Aujourd’hui, c’est plus dur de durer ?
On ne se rend compte que cela a été long que lorsque l’on se retourne. Tant que je me sens bien, tant que je suis en équilibre, que le travail marche, que l’on n’est pas au bout de ce que l’on pourrait faire, il n’y a pas de raison d’aller voir si l’herbe est plus verte à côté. On sait toujours ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on va gagner. Cela a toujours été ma devise quand j’étais joueur. Je suis conscient que l’équilibre est fragile, que c’est compliqué de travailler dans la continuité avec des dirigeants, avec des joueurs aussi, parce que parfois, ce ne sont pas que les dirigeants qui prennent la décision de se séparer d’un entraîneur.

Vous parlez en connaissance de cause ?
Pas du tout. Je ne peux pas travailler si je ne suis pas en connexion avec mon groupe de joueurs. Je ne peux pas travailler avec des gens que je n’aime pas. Ce qui me dérange le plus, c’est que, parfois, les dirigeants, disent, « On est sur un projet à 3 ans », « On veut construire quelque chose ». OK, moi ça me va, car je suis plutôt un bâtisseur. Et d’un autre côté, on vous dit « Oui mais vous, vous êtes l’homme de deux clubs »… Je l’entends ça parfois, ou alors les gens ne le disent pas mais le pensent, je le ressens, ça me fait sourire, parce que des dirigeants me parlent de construire dans la durée, ce qui est normal, et de l’autre, ils vont prendre des gens qui ne sont pas du tout en phase avec ça, qui sont dans la performance de l’année, et après, les mecs sont surpris, « Mais comment ? il s’en va déjà ? » Cette ambivalence m’agace un peu. On galvaude le mot bâtisseur, l’humain au centre du projet. On travaille dans l’urgence.

« Je suis un intuitif »

Photo Philippe Le Brech

Une erreur de casting dans votre carrière ?
J’assume tous mes choix. Mais j’en ai fait une quand j’étais joueur. J’aurais peut-être dû rester une année supplémentaire avec Suaudeau à nantes, pour apprendre encore plus. J’ai été prêté au Mans dès ma deuxième saison, et c’était super, parce que j’avais envie de jouer, pas de regarder les autres jouer. Mais avec le recul, cela n’aurait pas été mal de rester.

Sinon, j’ai un autre regret : je suis parti de Lille à Sedan parce que je voulais travailler avec Alex (Dupont), or à Lille, où cela faisait 4 ans que j’étais là, j’avais l’impression de ne pas être considéré à ma juste valeur, mais c’est comme ça, les joueurs du club sont toujours moins bien considérés que ceux qui arrivent. C’est une vérité. Je pensais finir ma carrière à Lille. On n’était pas d’accord financièrement et je suis parti par mauvais orgueil à Sedan (rires). Entraîneur, j’ai fait tout ce que je ressentais. Je n’ai rien fait à contre coeur. Je suis un intuitif. Si mon coeur me dit d’y aller, j’y vais. Cela ne veut pas dire que ça va marcher ou que ça va être simple. Non. C’est dur : quand j’arrive à Rodez, en CFA, on est descendu (le club avait terminé 14e et relégable avant d’être repêché).

Qu’est ce qui n’a pas fonctionné à Versailles ?
Ils vont dire que je n’étais pas aligné avec les objectifs, etc., mais je pense que l’on commençait juste à trouver un bon équilibre dans le fonctionnement, que je cernais mieux mon groupe, donc on en revient toujours à la même chose, on part sur un projet de 3 ans et ça s’arrête au bout de trois mois… J’aurais été dernier, à la rue, j’aurais compris. Là, je pense qu’ils (les dirigeants) ont eu peur. On n’était pas relégable. Bon, on n’état pas 3e non plus. On est parti d’une feuille blanche. Avec certains joueurs sous contrat que l’on ne voulait pas forcément conserver. Ce n’est pas facile d’en parler, je suis en procès avec le club.

Un club où vous avez failli signer ?
Avec Slavo Muslin à Bordeaux, que j’avais eu à Pau. Et aussi à Nice, quand Guy David était entraîneur (en 1999-2000).

Et en tant qu’entraîneur ? Vous avez failli revenir au Mans en novembre 2022, pour être coach en National…
Quand j’ai été limogé de Rodez, enfin… limogé, quand j’ai été viré de Rodez, Le Mans est arrivé deux jours après. J’étais fatigué. J’ai été cash. J’ai été reçu, j’aurais pu dire « Super ! Génial ! Ma maison est à un kilomètre du centre d’entraînement du Mans, allez je prends », mais non, je ne voulais pas leur mentir, j’aurais fait de la merde, c’était trop tôt. Il leur fallait quelqu’un de frais, je sortais de près de 8 ans à Rodez, j’avais besoin de digérer ça. Il aurait fallu qu’il m’appelle en janvier. « Vous ne pouviez pas me rappeler au mois de janvier suivant parce que là, ça m’aurait plu (rires) » ! Je préfère être honnête plutôt que de tricher.

Cela vous fait mal de dire que vous avez été viré de Rodez, ou limogé… Vous vous êtes repris quand vous l’avez évoqué…
Sur le moment, c’est douloureux, bien sûr, maintenant, c’est passé, depuis longtemps, je regarde Rodez avec plaisir, j’y ai des amis.

« Je cherche des connexions entre joueurs »

Photo Philippe Le Brech

Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling ?
Djezon Boutoille et Philippe Celdran. J’adorais jouer avec eux. On était connecté. C’est ça que je cherche aujourd’hui en tant qu’entraîneur : des connexions entre joueurs. Avec Boutoille et Celdran, c’était ça. Les uns s’adaptaient aux autres. Je n’avais pas des qualités qui me permettaient de faire des différences individuelles. Entraîneur, ma devise, c’est plus celle de Suaudeau : « Avoir un très bon joueur, c’est cher; avoir deux très bons joueurs, c’est très cher; avoir une connexion entre deux joueurs, ça n’a pas de prix ». C’est pour ça que, par exemple, avec Daniel Cousin, au Mans, je m’adaptais à lui.

Un joueur marquant ?
Alors je citerais d’abord un adversaire, Lilian Thuram. Pfff… On n’était pas sur la même planète. On ne faisait pas le même sport. Bon. Voilà… Sinon, comme coéquipier, Japhet N’Doram. Lui, waouh ! Pfff… C’était incroyable.

Un coach marquant ?
(sans hésiter) Suaudeau. Il a révolutionné la vision que j’avais du foot.

Photo Philippe Le Brech

Comment vous êtes vous construit en tant que coach ?
On se construit au fur et à mesure. J’ai toujours été éducateur dans l’âme. C’est différent du métier d’entraîneur. Cela vient de ton éducation, de ton parcours universitaire. Se poser des questions du style « pourquoi on fait ça ? », je me les posais déjà quand j’étais joueur. Et puis, fatalement, de chaque coach que j’ai eu, j’ai pris quelque chose. Lui c’est sa façon de parler, lui c’est sa vision du foot, lui son exigence, etc. Je me souviens qu’au bout de deux ou trois mois à Nantes, j’ai commencé à noter ce que Suaudeau faisait à l’entraînement. Mais je ne savais pas si j’étais capable de transmettre quelque chose. Quelque soit ton poste, tu n’es pas que manager, tu transmets un patrimoine, des idées aussi. Avoir des idées dans la tête, c’est une chose, savoir les transmettre et les formaliser, c’en est une autre. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur au Mans, les dirigeants m’ont demandé si cela m’intéressait de passer de l’autre côté. J’avais dit « Oui mais si je ne suis pas fait pour ça, si ça ne m’intéresse pas, si je ne prends pas de plaisir, je m’arrêterai et je ferai autre chose », mais comme je n’y avais jamais goûté, je ne savais pas. J’ai fait de la préformation puis je resté 4 ans avec les U17 Nationaux, c’était génial, on commençait avoir des internationaux, il y avait beaucoup d’anciens joueurs du club comme moi au centre de formation, je ne me posais pas la question d’aller avec les pros, ça fonctionnait bien, on faisait de la compétition sans en faire, on n’était pas obnubilé par le fait d’être les meilleurs en championnat. L’idée, c’était d’avoir quelques très très bons joueurs pour les faire progresser, d’être sur le jeu, sur le développement individuel, dans l’intelligence, pas dans la performance immédiate.

« J’aime être proche de mes joueurs »

Vous êtes un coach plutôt …
J’aime le dialogue mais je décide, j’aime que le climat soit propice à l’exigence, je n’aime pas l’à peu-près. On peut avoir de la liberté mais il y a une discipline de groupe, collective et tactique, à avoir. L’intelligence des joueur c’est ça : être capable de créer en fonction de tout le catalogue que te donne l’entraîneur. J’aime être proche de mes joueurs. Mais il ne faut pas confondre proximité et complicité. On peut être proche et dur. Je dis la vérité aux joueurs. Parfois, il vaut mieux une vérité qui fasse mal.

Au printemps dernier, vous avez fait une pige à Grenoble Foot : finalement, vous seriez bien resté là-bas, non ?
Bien sûr ! D’ailleurs, j’ai passé l’entretien avec le président pour rester. J’étais venu pour une mission, parce que Max Marty (le directeur général) me l’a demandé. Cela n’aurait pas été Max, je ne serais pas venu à Grenoble. Parce qu’il m’a rendu des services, c’est un ami. Il m’a donné plein de conseils. Il avait besoin de quelqu’un pour les 9 derniers matchs, je savais que c’était comme ça. J’étais un choix d’urgence. J’ai dit oui. Et après, j’ai passé l’entretien comme les quatre autres coachs, le président a choisi. C’était la première fois que j’allais dans un club pour une période courte, pour un one shot. C’est très différent. Il faut être opérationnel tout de suite, il faut être dans une énergie folle, il faut trouver des solutions, il faut remettre une dynamique de fonctionnement, du dialogue, il y a 10 millions de choses ! C’était une expérience nouvelle et je savais que Max et le staff seraient bienveillants à mon égard. C’est plus agréable que d’y aller sur la pointe des pieds. J’ai croqué dedans. Je savais que ça n’allait peut-être pas durer. Ce fut très formateur. C’est un autre job. Il faut s’adapter au système qui est le meilleur pour l’équipe. Tu t’adaptes aux joueurs que tu as. Tu n’as pas le temps de mettre des principes en place. Je serais prêt à le refaire, bien sûr, mais ça dépend de l’endroit et avec qui.

C’est qui l’attaquant de légende, selon vous ?
Van basten et Maradona.

« C’est So Foot en version bad boys » !

Photo Philippe Le Brech

Si vous deviez décrire le foot en quelques mots à quelqu’un qui ne connaît pas le milieu ?
Waouh ! (Rires) Oh la question ! C’est So Foot en version bad boy (rires) ! Je réfléchis et je reviens ! C’est un milieu d’affaires, qui s’éloigne de la cour d’école, mais qui est capable de générer des émotions collectives grandioses. Mais il y gravite tellement d’argent que, comme dans tous les milieux d’affaires, il y a des dérives pénibles, par rapport à l’ego, la diplomatie, la politique… On ne peut plus dire aujourd’hui tout le temps ce que l’on pense, encore moins avec les réseaux sociaux. Je vis avec, les jeunes vivent avec, la société vit avec. Il faut faire attention.

Vous êtes branché réseaux sociaux ?
Je n’ai pas Facebook, je regarde un peu Instagram, je me tiens infirmé, et puis ma fille est social manager dans la boisson énergisante, donc fatalement… Je fais attention de pas polluer mes pensées. Je préviens toujours mes joueurs en début de saison, il faut se détacher de ça. Après, c’est intéressant pour les contenus, montrer ce que tu fais, comment vit ton groupe, comment ton lui travaille, mais les joueurs ne sont pas là pour répondre à quelqu’un qui les insulte. L’important c’est ce que pensent les proches et la famille des joueurs, pas ceux qu’ils ne connaissent pas.

Depuis l’an passé, vous suivez une formation à Limoges de manager général de club sportif au Centre de droit et d’économie du sport : vous voulez élargir votre palette ?
Oui, on élargit le champ d’action et le champ d’esprit aussi ! Dans le foot, c’est compliqué de faire des choses qui t’ouvrent l’esprit, parce que quand tu es en poste, tu es dedans tout le temps, six jours et demi sur sept, et puis ce n’est pas bien vu de dire à son président, « Je voudrais aller voir tel entraîneur travailler pendant 3 jours ». Là, il te répond « mais pourquoi ? » alors que c’est intéressant d’échanger des idées. Quand j’étais à Rodez, David Vignes (entraîneur de Fleury, actuel leader de sa poule en N2), qui est un ami, est venu une semaine à la maison, quand il était au chômage. C’est super intéressant ces échanges. Les clubs devraient dire à leurs entraîneurs de partir une fois par an, à l’étranger par exemple, pour voir comment ça fonctionne là-bas. Cette formation de manager s’inscrit un peu dans ce sens-là. L’an passé, je suis allé voir des clubs, d’autres disciplines, ça permet de voir comment fonctionne le sport professionnel en général, d’avoir des bonnes idées, de connaître le fonctionnement d’un club pro dans son ensemble, parce que je pense que tout est lié dans un club.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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À la tête des Crocos depuis début avril, l’ancien joueur pro, qui coachait la réserve et les jeunes auparavant, reste ambitieux, à la fois pour son équipe et pour lui. Le successeur de Frédéric Bompard raconte aussi la vie pas toujours simple d’un Nîmois à Nîmes Olympique et rappelle que nul n’est prophète en son pays.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe LE BRECH

Photo Philippe Le Brech

Bientôt neuf mois qu’Adil Hermach (38 ans) est à la tête de Nîmes Olympique. Après avoir évité une descente en National 2 la saison passée, alors qu’il ne restait que 6 matchs de championnat quand il a été appelé sur le banc et que la position des Crocos n’était pas flatteuse (14e sur 18 et à 2 points du premier non-relégable), l’ancien joueur pro de Lens (2004-2011) et Toulouse notamment, passé aussi par les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, a finalement été reconduit dans ses fonctions cet été, quand bien même il ne possède pas le diplôme requis. Il en coûte donc 7 500 euros d’amende par match, un choix assumé par le club.

La semaine dernière, c’est un Adil Hermach encore sonné par le revers concédé à domicile face à Quevilly Rouen le 8 novembre (0-2, 12e journée) qui a, 45 minutes durant, répondu à nos questions. Cet entretien, il l’avait accepté de longue date. Malgré la période sportive compliquée pour son équipe (13e sur 17), qui reste sur trois défaites de rang, deux en championnat (à Bourg et contre QRM) et une en coupe de France (élimination au 6e tour à Beaucaire, club de N3, sur le score de 3 à 2 après avoir mené 2 à 0), le successeur de Frédéric Bompard sur le banc n’a pas rechigné à répondre à nos questions, nombreuses, sur l’actualité de NO et sur sa personnalité.

Et ce qui est frappant chez lui, c’est son attachement, viscéral, à sa ville et à son club. Adil Hermach est un entraîneur posé, réfléchi, respecté, ambitieux, curieux, cash, et qui a le sens de la (bonne) formule. Un entraîneur qui a juste besoin de gagner des matchs à l’heure actuelle. Un entraîneur qui peut parler de football pendant des heures mais qui zappe dès lors que la politique s’en mêle. Le mélange des genres, ce n’est pas pour lui.

Interview

« Je pense bien représenter ma ville »

Photo Philippe Le Brech

Adil, à la fin de ta carrière de joueur, tu es revenu à Nîmes Olympique : comment cela s’est-il fait ?
Cela s’est fait naturellement, parce j’habite à Nîmes, je suis Nîmois, j’ai aussi mon petit frère qui joue en équipe réserve en Régional 1. J’ai eu l’opportunité d’intégrer le centre de formation, d’abord avec les U16 puis avec les U18. En fait, ça s’est fait de manière naturelle. Là, c’est ma 4e saison au club.

Quand tu étais encore joueur, tu avais envisagé de devenir entraîneur ?
Oui, oui. Lors de mes dernières années comme joueur, j’étais orienté « coaching », « management », et sur la fin, j’étais plus proche des staffs techniques que des joueurs avec lesquels je jouais. Je suis quelqu’un d’ambitieux. Mon objectif était d’intégrer le club, de gravir les échelons, maintenant, c’est vrai que cela a été vite, avec cette mission maintien à accomplir la saison passée avec l’équipe de National. Je ne pouvais pas imaginer que cela se passerait comme ça. Maintenant, je suis content que cela se soit passé comme ça.

C’est une formation accélérée, en quelque sorte ?
Exactement.

« Je ne suis pas quelqu’un qui se projette trop »

Photo Philippe Le Brech

As-tu hésité avant de prendre en main l’équipe de National quand on a fait appel à toi en avril dernier ?
Oui ! Une fraction de seconde ! Cette fraction de seconde a paru éternelle, c’est ça qui est paradoxal. Ce petit blanc que je marque quand je dois répondre à Sébastien Larcier (le directeur sportif), il était long et court à la fois. Il m’a posé des questions et je lui ai posé une ou deux questions aussi. Et une fois que j’ai dit « oui », j’ai dû me remettre au boulot direct.

Est-ce que cela t’a surpris que l’on fasse appel à toi ?
Aussi, oui. Après, je m’occupais de la réserve, j’étais proche de l’équipe première, entre guillemets, et souvent, pour des intérims, dans ces situations-là, on fait appel au coach de l’équipe en-dessous. Là, c’était plus qu’un intérim, il fallait essayer de sauver le club qui était en difficulté en National.

Tu le voyais juste comme un intérim à ce moment-là ? Et cet été, quand des noms ont circulé, comment as-tu vécu la situation ?
C’est clair que la situation était floue. Mais j’ai eu la chance … disons, le président (Rani Assaf) m’a très vite rassuré. Quand j’ai pris l’équipe, je ne regardais pas trop loin non plus quand même. C’était volontaire de ma part aussi de ne pas regarder trop loin. De toute façon, je ne suis pas quelqu’un qui aime trop se projeter trop, déjà que c’est un métier dur, alors si en plus je dois réfléchir à des choses que je ne maîtrise pas, ça devient compliqué…

« J’aimerais dire que je vais faire 20 ans à Nîmes Olympique »

Photo Philippe Le Brech

Si tu continues dans ce métier, tu seras forcément amener à bouger un jour : ça ne te fait pas peur ? Surtout que tu as une famille, trois garçons aussi…
C’est ça, j’ai trois garçons. J’ai bougé déjà très jeune. J’ai quitté Nîmes pour aller à Lens quand j’avais 18 ans, puis je suis allé en Arabie Saoudite. C’est vrai que dans une carrière de joueur, il n’y a pas de stabilité. Maintenant, une carrière d’entraîneur est plus difficile : elle est peut-être plus longue mais il y a encore moins de stabilité que lorsque tu es joueur, parce que tu bouges. Tu vis par rapport aux contrats que tu as. J’aimerais te dire que je vais faire 20 ans au Nîmes Olympique. J’aimerais hein… Maintenant si on me fait signer un contrat de 20 ans, je serais capable d’accepter, parce que je suis d’ici, parce que c’est chez moi et que j’aimerais tout faire ici. Après, il y a la réalité du métier quand même.

Entraîner Nîmes Olympique, c’est une fierté ?
Oui. Déjà, je suis fier de représenter la ville. Tu sais, Nîmes, c’est particulier comme ville. On est très attaché à elle et aussi très exigeant avec ses habitants. C’est une fierté mais ce n’est pas facile. Il y a la réalité du foot qui te rattrape. Et puis nul n’est prophète en son pays, alors quand tu perds deux matchs… Après, ça reste un dicton. Tout dépend de la spirale dans laquelle tu es : quand elle est bonne, tu peux te prendre pour le prince de la ville; là, ce qu’il y a de bien, c’est que c’est du foot et qu’il y a un match à préparer chaque vendredi, et le vendredi, tu peux vite redevenir la personne la plus détestée des fans du Nîmes Olympique. Honnêtement, être le prophète, pour reprendre cette image-là, ce n’est pas ce que je recherche. Je préfère dire que je me sens au service de ma ville, parce que je m’y sens bien, que c’est chez moi. Je me reconnais plus ou moins dans une grosse partie de sa population et j’essaie de faire au mieux pour la représenter. Dans le contexte actuel, sans faire de politique et sans généraliser, je pense que je représente bien ma ville, qui est un peu décriée, qui a la réputation d’être difficile, avec des choses qui se passent… Mais il y a beaucoup de gens, beaucoup plus que ce que l’on croit d’ailleurs, qui essaient de s’en sortir.

« Les supporters se reconnaissent en moi »

Photo Philippe Le Brech

C’est quoi, justement, les inconvénients d’être de Nîmes ?
Certaines familiarités. Les gens ont du mal à faire la différence entre le Adil dehors, une personne très lambda, qui fait preuve d’humilité, et cinq minutes après, le Adil qui prend la posture d’entraîneur. Cette barrière entre ces deux statuts-là, certaines personnes, parce que je connais beaucoup de monde ici, ont du mal à la différencier. Et puis on est peut-être un peu plus « méchant », exigeant, avec le gars du coin, et un peu plus indulgent ou gentil avec un coach « étranger ». Alors bien sûr, au début, quand tu as des résultats, tu es un peu l’étendard de la ville, mais quand ça ne va pas, on est encore un peu plus méchant. Mais c’est le jeu et je l’accepte. Donc être de Nîmes, être un mec du coin, connaître beaucoup de monde ici et entraîner Nîmes Olympique, cela a ses avantages et ses inconvénients, mais je les prends et je ne les changerais pour rien au monde.

Les gens te parlent de foot dans la rue ?
Oui. Pour beaucoup, je suis un exemple, pour les mecs qui arrivent du milieu urbain, même si je viens des villages voisins mais j’ai fait aussi les quartiers populaires à Nîmes. Je suis un exemple aussi pour les petits du clubs, parce que j’ai fait les catégories jeunes, et parce que j’ai joué au club et que, maintenant, j’entraîne au club. Je pense que les supporters savent se reconnaître en moi. On me parle beaucoup de foot, mais tu es tributaire des résultats. Quand ça ne va pas, on tape, et quand ça va bien, tout va bien. C’est comme pour tout. J’ai un cocon d’amis, qui n’est pas branché foot du tout. Ils ne savent même pas que le foot, ça se joue à 11 ! C’est avec eux que je me ressource le plus souvent, et là, je suis très tranquille.

« Si tu n’as pas ton vestiaire avec toi… »

Photo Philippe Le Brech

Tu te reconnais en qui comme coach ?
Parmi les coachs que je ne connais pas, dans les plus grands, j’aime beaucoup Carlo Ancelotti et sa façon de manager. Je suis un garçon qui lit beaucoup, je suis très curieux, cela en devient un vilain défaut ! J’ai lu ses deux livres, dont l’un en anglais. Ancelotti, c’est par rapport à ce qu’il dégage sur son groupe. Après, tu peux être le meilleur tacticien du monde, si tu n’as pas ton vestiaire avec toi, tu n’as pas d’équipe. Aujourd’hui, même au PMU, les gens se prennent pour des coachs… Tous les coachs ont une certaine culture tactique, une connaissance du jeu, mais ce qui les différencie, c’est peut-être le management. Parler à la nouvelle génération, leur faire passer des messages, leur véhiculer des valeurs, ce n’est pas simple et ce n’est pas donné à tout le monde. Après, dans les coachs que j’ai eus, j’ai apprécié le calme de Francis Gillot, qui m’a connu très jeune à Lens, et le charisme d’Eric Gerets (son sélectionneur avec l’équipe nationale du Maroc).

Est-ce que tes joueurs te vouvoient ?
Oui.

Tous ?
Oui. Avec les joueurs, c’est « vous coach ». Par contre, une fois qu’on est sorti du Domaine de la Bastide, ils peuvent m’appeler Adil, il n’y a aucun problème. Au lieu de parler de moi dans la presse, s’ils me croisent dans 10 ans dans la rue, ça me rendrait heureux qu’ils traversent la rue et viennent me dire bonjour. C’est ce qui se passe d’ailleurs aujourd’hui avec certains que j’ai entraînés en U16 ou U18, qui viennent me dire bonjour ou m’envoient encore des messages. Après, le vouvoiement, c’est complètement franco-français ça… Je n’y vois pas une forme de respect, d’ailleurs, il y a des pays où le vouvoiement n’existe pas, et ce n’est pas pour autant que les gens sont moins respectueux. Par contre, dans le cadre du boulot, c’est « Vous coach ». Ce n’est pas ce que je préfère, mais cela permet de poser un cadre.

« Je n’aimerais pas que Rani Assaf m’appelle chaque jour »

Photo Philippe Le Brech

C’est dur d’entraîner Nîmes Olympique ?
Oui, parce que je suis très exigeant avec moi-même, très exigeant avec mon équipe, et quand je dis que c’est dur, c’est aussi parce qu’on n’est pas non plus 35 à bosser. C’est ce qui fait que le métier est difficile. Il y a le président, le directeur sportif, les quatre administratifs, mon staff et moi. Il n’y a pas beaucoup d’intermédiaire, c’est ce qui fait le bon côté des choses mais c’est ce qui fait que l’on a beaucoup plus de travail aussi. Je me sens bien en tout cas.

Est-ce que c’est du d’avoir Rani Assaf comme président ?
Non.

Tu as des contacts avec lui ?
Pour ça, il y a Sébastien Larcier qui fait le relais. J’apprends le métier d’entraîneur. Sébastien me l’apprend aussi, le président aussi, les entraînements et les résultats aussi, mais je n’aimerais pas avoir le président tous les jours au téléphone, c’est certain. J’ai déjà connu des présidents omniprésents… Moi, je sais où je veux aller, et quand j’ai besoin de lui demander quelque chose, je peux lui envoyer un SMS. Mais actuellement, j’ai surtout besoin de gagner des matchs.

« Il faut que tout le monde y mette du sien »

Photo Philippe Le Brech

La situation bloquée entre les supporters et le président t’affecte-t-elle ? En plus, ta position, entre les deux n’est pas facile, elle est même plutôt « bâtarde »…
Tu as raison. La plus belle des choses serait qu’un terrain d’entente soit trouvée. Bien sûr que j’aimerais que l’on joue devant 12 000 personnes à chaque match. Par contre, il faut aussi que l’on écoute le président, qu’on écoute ce qu’il a à dire, que tout le monde y mette du sien, mais honnêtement, j’essaie surtout d’avoir des bons résultats pour l’instant, afin de ramener le public, les supporters, au stade des Antonins. Je suis tout autant supporter qu’eux. Ils ne peuvent pas me dire que je ne respecte pas le club ou que je ne fais pas tout pour le club. Mais c’est très délicat d’en parler : ma position n’est pas bâtarde, mais je préfère un stade qui vit. Par contre, tout le monde doit y mettre du sien. On a vu la saison passée que, quand on a eu besoin de lui pour le maintien, le public avait répondu présent aux Antonins et on a vu que c’était réellement le 12e homme. C’est ça que je veux voir. Pas juste des spectateurs, parce que ça, ça ne m’intéresse pas.

Tu sens un désamour avec ce stade des Antonins ?
Oui, bien sûr, parce que le stade des Costières est mythique, mais bon, il faut évoluer avec son temps. Le président avait un projet de nouveau stade, ce qui aurait pu être un coup de boost pour la Ville. Les Antonins, c’est à nous de nous l’approprier, de le rendre telle une forteresse, mais cela ne va pas être facile.

« S’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique »

Comment as-tu vécu les récentes déclarations de l’adjoint aux sports de Nîmes, l’ex-arbitre Nicolas Rainville, au sujet du club, du président et surtout du stade des Costières ?
Je vais répondre sincèrement et avec beaucoup d’honnêteté. Je n’ai pas vu l’interview de Nicolas Rainville et de toute façon, je ne l’aurais pas lu parce que ça ne m’intéresse pas, parce que ça ne parle pas de foot. Pour l’instant, et s’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique, parce que je n’y connais rien. Je ne vais pas commencer à donner mon avis ou à m’inventer des trucs… De ne pas m’y intéresser, ça me permet d’avoir du recul par rapport aux choses. C’est un sujet que je ne maîtrise pas, donc je n’essaie pas d’entrer dans la conversation, même si je sais très bien que l’on parle beaucoup de Nîmes, de la situation, du stade, du président, etc., mais moi, je ne parle jamais de ça. Je n’ai pas envie de mettre le nez dedans.

En revanche, on peut te parler de tactique, de technique, de physique et de mental, tout ce qui a manqué à ton équipe contre Quevilly Rouen lors du dernier match de championnat…
C’est ça !

« Mon avis ne changera rien »

Photo Philippe Le Brech

La tactique, la technique, le physique et le mental, c’est ton credo ?
Ce sont les seuls paramètres qui m’importent et sur lesquels j’ai envie d’être jugés. Et pas sur l’ambiance, l’état du terrain, les installations, la relation avec la mairie ou autre… Parce que mon avis ne changera rien et je ne peux rien y faire. Je n’ai aucun pouvoir sur ça. Par contre, les choses sur lesquelles je peux avoir un impact, c’est mon équipe, techniquement, physiquement, tactiquement et mentalement. On peut mettre les quatre critères dans l’ordre que l’on veut, tant que l’on n’a pas ces ingrédients, on perd.

Peut-on parler d’un manque de confiance de ton équipe aussi ?
Je n’oublie pas la confiance, elle est inclue dans l’aspect mental que, personnellement, je mets en numéro 1 : parce que tu peux être le joueur le plus technique du monde, si tu n’as pas la confiance, tu perd la technique. On a vu des joueurs bourrés de talent mais mentalement très faibles ne pas être performants, et ça arrive aux meilleurs joueurs.

« Le joueur doit avoir l’estime de soi »

La saison passée, quand tu as repris l’équipe, tu avais mis l’accent sur le plaisir, la confiance et l’estime de soi, des thèmes affichés dans les vestiaires. Cette saison, c’est quoi ton « slogan » ?
La saison passée, je voulais afficher ça parce que ça doit être quelque chose que l’on doit avoir en soi, notamment l’estime de soi : le joueur de foot a beaucoup d’ego, c’est ce qui fait qu’il y arrive de toute façon, et quand tout va mal dans un club, tout le monde peut le faire passer pour une « merde ». Je voulais redonner confiance à mes joueurs, avec des trucs bateaux, comme aller voir un match des U10 du club, qu’ils se fassent prendre en photo avec les joueurs, que des petits viennent en courant dire bonjour à notre attaquant ou notre capitaine… Je pense que ces gestes simples, ça te rebooste un petit peu, et c’est ce qu’il n’y avait plus au club, où l’on ne parlait que de la mairie, des Costières, des résultats, où l’on disait que le club n allait pas bien, donc tout ça fait que ton ego prend une claque. Moi, je voulais rebooster ça par des actions très basiques : j’ai voulu montrer aux joueurs qu’ils avaient de la qualité, qu’ils n’étaient pas devenus des nuls, qu’on les aimait encore et que c’était eux qui faisaient kiffer les enfants.

Empathique et bienveillant

Photo Philippe Le Brech

Tu dirais que tu es un entraîneur plutôt comment ?
(Il réfléchit) Je suis un entraîneur qui essaie d’être le miroir du joueur que j’ai en face de moi. Je peux être très dur avec certains, mais je parle toujours calmement. Si j ai un garçon hyper-sensible, qui est dans l’émotion, j’essaie de m’adapter. Je suis quelqu’un qui fait preuve d’empathie et qui est bienveillant, ça on ne me l’enlèvera pas. J’essaie d’être à l’écoute. J’aime bien les joueurs autonomes mais dans un cadre duquel il ne faut pas sortir, sinon la sanction peut être très lourde. Il y a phrase qui revient souvent, que j’ai lue y’a pas longtemps, Jérémy Clément (le coach qui a assuré l’intérim récemment à Versailles) disait « J’aimerais être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir », c’est exactement ça. Dans un football idéaliste, je préfère donner des émotions aux gens : si je ne prends plus de plaisir et si mes joueurs n’en donnent pas, je suis capable d’arrêter. Après, je suis très connecté avec les plus jeunes. J’essaie de combler le décalage entre ma génération et la leur, dans la communication, dans les gestes, dans leurs habitudes : quand je jouais, les réseaux sociaux, c’était même pas 5 % de ce qu’il y a aujourd’hui. Le décalage est important. J’essaie de m’adapter, même si ce n’est pas quelque chose que je cautionne ni que j’aime en tout cas.

Joueur, ta force, c’était le mental ?
Je ne pense pas, au contraire, j’étais trop scolaire, j’étais dans une matrice, dans un monde où on te fait croire que dans le football, il y a trop d’enjeux, ou qu’une passe ratée vers l’arrière peut coûter un but… Ce n’est pas un regret vingt ans après, mais j’aurais aimé être un peu plus accompagné sur le plan mental. La première fois qu’on m a parlé d’un psychologue du sport, j’ai dit non, parce qu à 18 ans, tu crois que t’es intouchable. Je pensais que, si je faisais ça, la psychologue irait consulter à son tour une fois qu’elle m’aurait rencontré. Le foot, c’est une machine à laver qui peut faire très mal, et aujourd’hui, avec mon équipe, on est en plein dedans.

« Il faut remettre le jeu à sa place »

Tu as songé à prendre un préparateur mental pour ton équipe ?
Non, non. Pour se sentir écouter, aimer, pour être aidé, je sais qu’il y a des professionnels pour ça mais parfois, tu peux juste parler avec quelqu’un et un climat de confiance peut s’installer, tu peux vider ton sac et après c’est reparti ! Dès fois, c’est tout bête. Chacun fait la démarche qu’il souhaite. Il faut juste remettre le jeu à sa place. Parce que le foot, ça reste un jeu et ça ne doit pas amener de l’anxiété, du stress. Si tu as fait un mauvais match, ça ne doit pas t’empêcher de dormir.

En lisant quelques-unes de tes interviews, j’ai vu que tu avais cité des clubs de National des années 2000 contre lesquels tu as joués, Cherbourg, Romorantin… Tu as donc connu le National avec Nîmes ?
Oui ! J’ai joué avec Nîmes en National il y a 20 ans (saison 2003-2004). C’était mes débuts en pro, c’était mon premier match à 17 ans, un Nîmes – Cherbourg !

« Le National, c’est une Ligue 2 bis »

Photo Philippe Le Brech

Alors tu peux comparer le National d’il y a 20 ans avec celui d’aujourd’hui ?
Ce championnat a toujours eu la réputation d’être très rugueux, très âpre, mais aujourd’hui, on n’est plus dans cette configuration-là. C’est pour ça, c ‘est marrant quand on me dit « Ah le championnat National, ce n’est pas du foot » et ça me fait rire aussi qu’on dise « Pour s’en sortir en National, il faut laisser la balle à l’adversaire »… Ah bon ? Je réponds « Met FFF TV et regarde ce que le Red Star a fait la saison passée. Il faut aussi regarder Concarneau et ce qu’ils ont fait il y a deux saisons pour monter en Ligue 2″… Aujourd’hui, quand tu vois les effectifs des clubs en National, c’est une Ligue 2 bis. C’est pour ça, quand des journalistes me demandent si je vais passer à du jeu plus direct, je leur réponds clairement « Non ». Parce la différence qu’il y a entre le National d’aujourd’hui et celui d’il y a 20 ans, elle est énorme. L’aspect athlétique, il y est bien sûr, mais attention, il ne faut pas se tromper : en National , c’est largement moins athlétique qu’en Ligue 1. Les gens oublient ça et pensent que c’est le contraire. Donc oui, le National était plus difficile avant dans l’engagement physique, mais il y avait moins de joueurs de talents, moins de bons terrains aussi.

Toujours en écoutant tes interviews, on sent aussi de la détermination, de l’ambition et puis tu as un certain sens de la formule, tu as de la réparti…
Rien n’est préparé, je parle naturellement. Quand on me pose une question, si j ai les capacités ou si j’ai envie d’y répondre, j’y réponds, mais si je n’ai pas envie, tu vas le deviner, mais je me prête au jeu des interviews. Mes causeries, par exemple, sont très préparées : je commence à les préparer le lundi pour un match le vendredi et souvent quand on arrive le jour du match, elles ne ressemblent plus du tout à celles du lundi ! Mais c’est toujours le vrai Adil qui parle, le même que celui que tu croises dans la rue, que celui qui s’adresse à ses parents ou à ses amis. C’est pour ça que je réponds de cette manière-là. Je parle comme ça tous les jours. Parfois, ça peut paraître choquant, parfois non, en tout cas, j’essaie de rester moi-même.

« Est-ce que tu imagines un coach qui ne soit pas ambitieux ? »

Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que tu as une manière assez cash de parler, en même temps, tu peux dire des choses qui ne plaisent pas, mais de manière douce…
Oui, bien sûr, parce qu’il faut quand même expliquer les choses. J’entends parler de mon ambition… Je dis que j’ai de l’ambition, mais est-ce que tu imagines un coach qui n’est pas ambitieux ? Quel message j’envoie sinon ? Parfois, c’est ce que je dis aux journalistes : « Mais qu’est ce que vous voulez que je vous dise, que je vais finir 16e ? » Non, ce que je dis à mes joueurs, c’est que de leur attitude dépendra l’altitude à laquelle ils voudront aller. Si vous êtes performants, on jouera les premiers rôles, si vous jouez comme contre QRM, alors, on est à notre place et on jouera clairement le maintien en National.

Tu as une devise ?
J’en ai trop ! Je crois que Steve Jobs a dit un truc comme « Quand tu as un choix à faire, fais comme si c’était le dernier jour de ta vie ». J’aime cette phrase, parce que, parfois, il faut s’enlever plein de parasites, ne pas regretter.

Tu étais un joueur plutôt ?
Intelligent et technique. Et endurant.

Aujourd’hui, tu es un coach plutôt…
Endurant dans la détermination, bienveillant.

Le milieu du foot, tu le décris comment à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Je luis dis « Reste bien loin du foot parce que ça serait trop difficile pour toi ».

« A Nîmes, ce sont les supporters qui sont mythiques »

Le joueur mythique de Nîmes Olympique ?
A Nîmes, ce qu’il y a de bien, c’est que, quand tu pars en déplacement ou quand tu es à l’étranger, et que les gens te parlent du club, ils parlent des supporters, des joueurs mythiques aussi. J’ai beaucoup de respect pour Hassan Akesbi, recordman du nombre de buts marqués (114) avec le club, et qui vient de décéder (à l’âge de 89 ans), mais je n’ai jamais vu un des ses buts. Je sais juste que c’est le meilleur buteur de l’histoire du NO donc respect à lui, paix à son âme, mais honnêtement, quand tu es loin de Nîmes et qu’on te parle de Nîmes, on te parle des supporters d’abord. Donc ce sont peut-être eux les joueurs mythiques du club. Pour moi, les supporters du Nîmes Olympique sont mythiques.

Et le match mythique du NO ?
Ah, celui-là, je l’ai parce que j’étais dans les tribunes ! C’est Nîmes-Montpellier, 2 à 0, en demi-finale de la coupe de France, en 1996. J’étais au stade. J’étais fou ! Ce sont des souvenirs incroyables, je venais à pied, on prenait une glace à McDo et on allait au match !

Ton premier match dans les tribunes ?
Je pense que c’était durant cette saison-là.

Le joueur emblématique de Nîmes, ce n’est pas Renaud Ripart ?
C’est aussi un joueur mythique du club. S’il reviendra au club ? Je ne sais pas mais je lui passe un grand bonjour ! De toute façon, il est comme moi, il est Nîmois à vie.

Un Ripart, ce n’est pas ce qui manque à l’équipe ?
Bien sûr, il est Nîmois, et il y en a de moins en moins mais on essaie d’en trouver. Renaud Ripart est très important pour le club mais pour moi, le meilleur joueur que j’ai vu ces dernières années à Nîmes, c’est Téji Savanier.

(1) Dans un entretien donné à Objectif Gard, l’ancien arbitre et actuel adjoint aux sports de la Ville de Nîmes, Nicolas Rainville, a assuré que le club rejouerait dans un stade des Costières rénové, dès lors que le stade redeviendra propriété de la commune et que la date butoir du recours juridictionnel, qui court jusqu’au 31 décembre 2024, et lié au compromis de vente déposé par Rani Assaf pour son immense projet Nemausus, sera passée.

Vendredi 22 novembre 2024, à l’occasion de la 13e journée de National, Nîmes Olympique sera exempt. Prochain match de championnat vendredi 6 décembre, au stade des Antonins, face au Mans (à 19h30). Au total, l’équipe, éliminée de la coupe de France, dont le 8e tour sera disputé durant le week-end du 30 novembre et du 1er décembre, sera restée un mois sans compétition officielle.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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Revenu dans son club de coeur en 2022, l’actuel coach des U17 Nationaux, ancien chouchou de Bonal, rembobine le film de sa carrière pro et évoque sa mission à la formation.

Par Augustin Thiéfaine / Photos : fcsochaux.fr

Adulé par le public du stade Bonal entre 1996 et 2009, Michaël Isabey a depuis bien des années raccroché les crampons. Joueur emblématique des Lionceaux, il a remporté la Coupe de la Ligue 2004, participé au sacre de la Coupe de France 2007 et vécu de mémorables soirées européennes à Bonal (voir le Tac au tac).

S’il a depuis 2012 et sa fin de carrière à Dijon pris quelques cheveux blancs, il est revenu dans son club de coeur, son « club de toujours », pendant l’été 2022. Un moment où il a presque découvert « Le Château », l’historique centre de formation Roland Peugeot du club doubiste.

Rencontre avec un joueur à la trajectoire atypique, passé de l’anonymat du National aux sommets de la Ligue 1. Un milieu de terrain dont le nom résonne encore 15 ans plus tard dans les esprits des supporters sochaliens comme l’une des plus belles références du football franc-comtois. Un joueur en qui ils pouvaient s’identifier, qu’ils appréciaient pour sa simplicité et son engagement sur la pelouse. Loin de la démesure et des facéties actuelles du football, il faisait déjà office d’extra-terrestre il y a 20 ans tant sa façon de penser différait de la norme. A ce jour, il est le joueur le plus capé des Lionceaux avec 454 apparitions sous le maillot jaune et bleu !

Si trois clubs ont jalonné sa carrière de joueur – Racing Besançon (BRC), FC Sochaux-Montbéliard et Dijon (DFCO) -, ce sont avec ces trois mêmes institutions qu’il s’est engagé jusqu’à aujourd’hui dans sa reconversion d’entraîneur et de formateur. Fier et fidèle a ses principes, il a un mantra : « Rendre aux clubs ce qu’ils m’ont donné ».

C’est au Château, à Seloncourt, que nous l’avons retrouvé. Un lieu historique et réputé dans le football hexagonal, qui a vu le jour en 1974 et qui a accueilli des générations de jeunes Lionceaux. C’est en fait le coeur de l’institution sochalienne. Paré de son plus beau survêtement, l’actuel entraîneur des U17 Nationaux (49 ans), titulaire du BEFF (Brevet d’entraîneur formateur de football), a accepté de se prêter en exclusivité aux jeux de l’interview et du « Tac au tac », quelles que soient les questions, pendant plus d’une heure et demie. L’ancien capitaine a déterré quelques beaux souvenirs avec le sourire (et de moins beaux aussi), décrypté le présent et son rôle de formateur mais aussi livré son point de vue sur les différentes péripéties qui ont secoué le club aux 96 printemps pendant sa dernière décennie ; de la vente par son fondateur et propriétaire originel, Peugeot, jusqu’au retour de celui qui a revêtu des airs de messie lors de l’été 2023, Jean-Claude Plessis. Rencontre avec une personnalité animée par l’amour du ballon rond et ses valeurs collectives. Un sens de l’esprit d’équipe qu’il tente d’inculquer au quotidien à ses garçons pour les élever jusqu’au monde professionnel.

Interview

« On est toujours redevable de quelque chose »

C’est dans la capitale comtoise que tout avait débuté pour Michaël Isabey, en 1996. Le jeune milieu de terrain avait alors 21 ans et portait anonymement encore le maillot du Racing Besançon (Besançon Racing Club ou BRC à cette époque), tout en suivant des études « pour préparer l’avenir », en STAPS, à l’université de Franche-Comté.
Formation de Ligue 2 au début des années 2000 (2003-2004), le BRC a surtout connu plusieurs périodes en National, une division dans laquelle le club a stagné avant de déposer le bilan en 2012. Un tremplin pour Michaël Isabey qui jouait avant cela chez les jeunes de Pontarlier. Loin du parcours traditionnel en centre de formation, le milieu de terrain s’étoffe dans l’ombre en troisième division. « On a toujours le rêve de devenir footballeur et d’en faire son métier mais plus les années passent, plus on se rend compte qu’on ne rentre pas dans les cases. Quand on passe entre les mailles du filet, on essaie de se rattacher à autre chose. Pour moi, c’était de jouer le plus haut possible dans mon club. En National, c’était déjà un super niveau. »

Sochaux, le tournant de sa carrière

Vif et clairvoyant, le jeune Isabey compense son petit gabarit par son intelligence et sa vision du jeu. Des qualités qui lui permettront d’avoir un petit coup de pouce du destin lorsque le FC Sochaux-Montbéliard, pensionnaire de seconde division, et club le plus important de Franche-Comté, viendra le chercher en 1997. Le véritable tournant de sa carrière professionnelle (à lire dans le Tac au tac).
Alors que Besançon dépose le bilan en 2012 et doit repartir en Régional 2, Michaël Isabey n’hésite pas et s’engage dans la reconstruction du club quelques semaines après avoir clôturé sa carrière de joueur professionnel. « J’ai toujours un peu fonctionné en étant attaché aux personnes et aux valeurs des clubs où je suis passé. Je me dis qu’on est toujours redevable de quelque chose. Quand je reviens dans le club de ma jeunesse, le club qui m’a fait rebondir et permis d’avoir une carrière professionnelle, bien-sûr que c’était important de donner un coup de main et de faire le maximum pour que le club retrouve les couleurs qui étaient les siennes. »

Il rejoue 10 matchs en DHR avec Besançon !

Un « coup de main » dans la restructuration du club afin de le refaire tourner normalement. « Avec François Bruard, on remet tout en place, de l’école de foot jusqu’à l’équipe première. C’est lui qui était encore coach à ce moment-là. Moi, j’étais plus dans un rôle de coordinateur du projet sportif. »
Pour dépanner, Michaël Isabey continue de chausser les crampons. « J’avais une licence amateur et comme le club est reparti avec peu d’effectif, j’ai joué 10 matchs. En fin de saison on est monté en Division d’Honneur (Régional 1) et la seconde année François Bruard a fait remonter l’équipe en CFA 2 (N3). A ce niveau j’ai repris les rênes de l’équipe première tout en ayant la responsabilité du projet sportif. »

Sous sa coupe, le club parvient à se stabiliser à ce niveau. « Lors de la seconde année, le club attendait mieux en terme de résultats, je reconnais que nous n’avions pas les résultats escomptés par les dirigeants et mes fonctions ont été diminuées. J’ai décidé d’arrêter au Racing. Avoir repris un dépôt de bilan c’était long et dur. » Michaël Isabey quitte donc le Doubs au terme de la saisons 2016-2017 et rejoindra la Côte-d’Or au mois d’août pour retrouver un autre club qu’il connaît bien : le DFCO.

Observateur et recruteur à Dijon

« Après Besançon, j’ai eu la chance que le DFCO me téléphone pour intégrer leur cellule de recrutement du centre de formation. C’est quelque chose que je ne connaissais pas. Je partais un peu à la découverte. Ma fonction consistait en l’observation des jeunes talents avant qu’ils ne rentrent peut-être au centre de formation. J’ai eu cette casquette pendant deux ans et je circulais beaucoup dans le secteur Franche-Comté – Alsace. J’allais un peu sur Paris aussi. »

Acteur majeur de la montée en Ligue 1 des Dijonnais au terme de la saison 2009-2010, il est rapidement écarté la saison suivante, celle qui fut donc sa dernière dans le monde pro. Pour autant, le Pontissalien d’origine n’hésite pas à retourner dans la capitale bourguignonne dans son nouveau rôle. « J’observais les matchs, les joueurs, je recrutais. C’était intéressant parce que lorsqu’on est entraîneur, on ne rentre pas dans l’environnement du joueur. On connaît un peu la famille mais on ne creuse jamais vraiment très loin. Quand on est observateur, on voit tout. On voit l’environnement du jeune, son club d’origine, l’endroit où il vit. Tout est plus concret. »

Des jeunes comme Yanis Chahid (ex-Jura Dolois, et attaquant du DFCO aujourd’hui), Saïd Saber (ex-Racing Besançon) ou encore Rayane Messi (parti à Strasbourg) ont été supervisés et recrutés à 13-14 ans par Michaël avant de voir leur formation parachevée en Côte-d’Or pour finalement fréquenter le haut-niveau hexagonal entre Ligue 2 et National par exemple. De jeunes joueurs, qui, avant cela, auront pu retrouver leur ancien recruteur quelques mois plus tard quand celui-ci fut promu à la tête des U19 Nationaux. « Je suis plus un homme de terrain. Cette proposition de reprendre les U19, c’était une super opportunité pour moi. J’avais besoin de retrouver le terrain et c’est une catégorie super à entraîner. J’ai eu la chance de recruter des joueurs de 16-17 ans et de pouvoir les entraîner ensuite en U18-U19. C’était de bonnes saisons sauf la dernière qui était la plus compliquée et où on est rétrogradé en R1. Les deux premières étaient positives, surtout celle du Covid. On était en demi-finale de la Coupe Gambardella, on devait jouer Monaco. Dans ces catégories-là, évidemment qu’il y a l’aspect compétitif où on veut bien figurer en championnat. Bien-sûr la compétition est importante si on veut performer collectivement, l’individu sera lui aussi valorisé dans ses performances. Mais on doit avant tout leur faire franchir des paliers, les faire progresser. Dans les générations que j’ai eues, il y en a quelques-uns qui y sont parvenus et quand on est formateur c’est notre objectif de les accompagner jusqu’à cela. »

« Revenir à Sochaux, une grande émotion »

Avec Jean-Sébastien Mérieux, ex-directeur du Centre.

« Je suis en fin de contrat à Dijon et Jean-Sébastien Mérieux (alors directeur du centre de formation sochalien) me contacte parce-qu’il recherchait un éducateur pour la pré-formation (U15). Je reviens à Sochaux durant l’été 2022 et pendant un an je me suis occupé de cette catégorie et là, c’est ma deuxième saison avec les U17 Nationaux. On ne peut pas avoir la même pédagogie en U15 qu’en U17 et U19. Il y a un discours un peu différent, une manière d’expliquer et de présenter les séances différentes mais il y a un lien. Le lien, c’est la progression du joueur. L’objectif reste le même : on veut emmener le jeune vers la catégorie au-dessus dans les meilleures dispositions physiques, techniques et mentales. »
Au centre de formation sochalien, l’un des plus réputés de France – deux joueurs de l’équipe de France actuelle y ont été formés par exemple, Ibrahima Konaté (Liverpool) et Marcus Thuram (Inter) et bien d’autres avant -, les prodiges se remarquent vite. « On les remarque rapidement. Des joueurs qui ont un plus sur le plan physique ou technique ou dans la compréhension du jeu… Ils ont quelque chose qui se dégage par rapport aux autres. A Sochaux, les caractéristiques des joueurs sont un peu plus différentes. Si je compare Dijon à Sochaux par exemple, ici il y a plus de joueurs de vitesse. Le jeu sochalien est plus basé sur les transitions, sur le jeu rapide alors que Dijon c’est plus un jeu de possession, de réflexion, cela demande des profils différents. Ce sont des écoles différentes. »

« Revenir à Sochaux c’était une grande émotion. J’ai quand même passé 12 ans ici, on a vécu des bons moments, mes enfants sont nés à Montbéliard. Il y a un certain attachement qui est naturel. Avoir un rôle au centre de formation me donne l’impression, comme je le disais pour Besançon, de revenir et rendre la monnaie de sa pièce au club. De dire  »ce que vous m’avez apporté, je vais essayer de l’apporter aux jeunes qui rentrent au centre et c’est ce que je me dis pour tous les clubs dans lesquels je suis passé. La particularité de Sochaux, c’est que j’ai fait ma carrière pro ici et c’est pour ça que les liens sont plus nombreux, plus forts, plus intenses. En tant que formateur, être ici c’est du bonheur. Le cadre est magnifique, il est un peu unique. Quand vous rentrez au Château, il y a quelque chose qui se passe, il y a une atmosphère, un historique qui se dégagent. Il y a tant de grands joueurs qui ont eu de belles carrières après être passés ici. C’est du prestige. Il y a encore beaucoup à faire dans ce club. »

« Quand l’entité Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi »

S’il n’était plus lié au club pendant les années 2010, Michaël Isabey n’a pour autant pas arrêté de suivre l’actualité et les résultats sochaliens. En 2014, quand Peugeot met le club en vente, il est, comme tous les suiveurs, assez circonspect de ce tournant. « Les années Peugeot associés aux clubs ont toujours été de bonnes années. Quand ce grand groupe disparaît du panorama du club, ça fragilise l’institution et ça amène de nouvelles têtes, une nouvelle trajectoire. Pendant ces années-là c’était fou vu de l’extérieur. Parfois on ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait, c’était flou. »

Dans l’extra-sportif, l’ère post-Peugeot tourne souvent au malaise général et aux inquiétudes avec des dirigeants débarqué de Hong-Kong (Wing Sang Li, surnommé « Monsieur Li, président entre 2015 et 2019), » aux manières et attitudes douteuses.
Pendant ce temps, « le club joue en Ligue 2 et on se dit qu’il peut retrouver le haut niveau. Peut-être que l’entité Peugeot, puisqu’elle n’est plus présente, n’a pas permis le retour du club en Ligue 1. Mais quand Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi. »
Et si c’était ça la pièce manquante ? Ce petit rouage qui manquait tant au FCSM, souvent candidat à la montée en début de saison mais victime de trous d’air, de pannes hivernale ou de coups de bambou en fin de calendrier. Un calvaire psychologique pour les supporters saison après saison.

« Au centre, on n’a rien senti venir »

Mais le calme et la pseudo-tranquillité sochalienne, qui n’avaient plus rien de tel depuis presque 10 ans et les multiples rebondissements sportifs et extra-sportifs, sont à nouveau largement tourmentés. Au mois de juin 2023, il manque 22 millions d’euros. La gestion de Samuel Laurent (alors directeur sportif) et sa politique de salaires très élevés sont en cause. Les actionnaires chinois (Nenking) et le président, Frankie Yau, ne peuvent combler le déficit. Le groupe rencontre lui aussi des difficultés de trésorerie. Le 28 juin 2023, la DNCG rétrograde le club doubiste en National. Un moindre mal. Malgré tout, la sanction passe mal. Si les finances ne sont pas rapidement assainies, cela peut finir en dépôt de bilan. C’est le début de l’intersaison la plus éprouvante que le club aux 96 printemps aujourd’hui ait connu. En disant adieu à la Ligue 2 après y avoir figuré en haut de tableau depuis plusieurs saisons, les supporters passent des espoirs d’un retour au Ligue 1 à un quasi-deuil. Le club vend à tour de bras et dans l’urgence, presque tous ses joueurs professionnels sans arriver à combler le trou dans son budget. Le centre de formation ferme ses portes. Le premier club professionnel de France est au centre du réacteur médiatique et la vie s’est presque arrêtée à Montbéliard. L’avenir des Lionceaux semble alors plus que flou.

« Ça a été un traumatisme. Il y avait de l’incompréhension. Comment a t-on pu en arriver là ? Du jour au lendemain, comment un club comme celui-là pourrait presque disparaître ? En interne, la fracture a été difficile. Le matin on devait s’entraîner, à 16h on nous a dit « vous partez ». Bien-sûr qu’il y a eu des erreurs et que les clignotants devaient être rouges. Bien-sûr qu’on en veut aussi aux personnes qui gèrent le club et qui ont peut-être vu la tempête arriver sans faire le nécessaire. Je me dis aussi que quand on est dans cette machine à laver, on peut se dire qu’avec des résultats, ça peut repartir. Nous n’avons pas la connaissance des dirigeants ni tous les éléments. C’est compliqué d’avoir une vraie opinion. On n’était tellement pas préparés à ça que l’incompréhension dominait plus qu’autre chose. Nous, on avait la promesse d’un nouveau centre de formation, donc il n’y avait, à nos yeux, pas de feu rouge. On pouvait se projeter vers l’avenir. C’était structuré et on voyait que des moyens étaient mis pour l’équipe première. On n’a rien senti venir. »

« Sochaux vivra ! »

Pendant ce temps, les supporters se mobilisent. Le 8 juillet, ils sont 400 à défiler dans les rues de Montbéliard. Le 14, ils sont 3 000 à se rassembler au stade Bonal avec un slogan : « Sochaux vivra ! ». Le 22 juillet 2023, les Sociochaux rentrent dans la danse avec un projet d’actionnariat populaire et réunira au total 11 000 socios et plus de 750 000 euros qui rentrent dans le capital du club. « Pendant ce temps, on se dit qu’il faut être patient, que pour un club comme celui-là, il peut peut-être y avoir des solutions. Dans cette patience, plus les jours avancent, plus l’inquiétude grandit. On passe par toutes les étapes, l’espoir, le désespoir. C’est un ascenseur émotionnel. Quand Romain Peugeot (arrière petit-fils de Jean-Pierre Peugeot, le fondateur du club) annonce un plan d’investissement, il y a un espoir. Quand deux jours après celui-ci est refusé, on se dit que c’est fini, que c’est mort. »

Le 17 août le calvaire prend fin. « A partir du moment où Jean-Claude Plessis – président du club lors des titres de 2004 en coupe de la Ligue et de 2007 en coupe de France -, les nouveaux investisseurs et les collectivités décident de faire revivre le club en travaillant pour un projet viable en National en incluant le centre et en préservant nos emplois, on y croit. Voir arriver une personne qui connaît le club, qui en est amoureux, qui emmène des gens avec lui, qui convainc des investisseurs locaux, ça lance un engouement général. Quelque part on n’a pas changé grand-chose dans le fonctionnement malgré ce coup d’arrêt. Il y avait une alchimie générale. Collectivités, investisseurs, Sociochaux, supporters, les salariés du club… ça a permis de propulser l’ensemble. Avec des bases plus saines, un ancrage régional, on peut construire sur le long terme. Sochaux est un club légendaire et a besoin de ça. Il ne peut pas construire avec un projet éphémère. »

Le centre de formation, clé de voûte de l’institution

« Aujourd’hui, on sent bien que le club est encore fragile, qu’il se structure et qu’il a des ambitions et c’est important. Les moyens sont aussi mis pour pérenniser le centre et que celui-ci reste une valeur importante pour l’équipe première et peut-être pour vendre des joueurs formés au club. On sent vraiment qu’il y a des fondations qui sont posées, qui sont rétablies et qui sont assez saines dans le développement d’un club. Il faut préserver le centre avant tout. Si on regarde dans l’effectif actuel il y a des joueurs, qui, comme Martin Lecolier ou Salomon Loubao sont sortis du centre et ont été propulsé en équipe première. Martin est un exemple. Au départ il était là et il bossait. En travaillant il a été récompensé. On voit qu’on forme encore des joueurs capables d’apporter à l’équipe première. On en a encore et on en aura toujours, génération après génération. »

Bernard Genghini, Joël Bats, Yannick Stopyra, Stéphane Paille, Franck Sauzée, Camel Meriem, Benoît Pedretti, Jérémy Menez, Jérémy Mathieu, Marvin Martin et plus récemment les internationaux français Konaté et Thuram sont sortis au fil des décennies du fameux centre pour alimenter les plus grands clubs européens et garnir les rang de l’équipe de France et d’autres sélections internationales (Rassoul N’Diaye, Joseph Lopy, Omar Daf ou encore El-Hadji Diouf, notamment, pour le Sénégal, Danijel Ljuboja pour la Serbie, Ryad Boudebouz et Liassine Cadamuro pour l’Algérie, Mevlut Erding pour la Turquie, Cédric Bakambu pour la RD Congo ou encore Jérôme Onguéné et Jeando Fuchs pour le Cameroun).
Sans compter les Frau, Monsoreau, Butin, Quercia, Prévôt ou Virginius qui ont marqué le club et intégré les Bleuets chez les Espoirs. Bref, la renommée de la formation sochalienne n’est ni à faire, ni à prouver et cette valeur c’est ce que les formateurs souhaitent avant tout préserver.

« La complexité de notre position est que l’équipe première est en National et qu’on forme des bons joueurs… ils ne restent pas forcément (dernièrement Doumbouya à Nice, Vaz et Issanga à Marseille). On serait en Ligue 2 ou en Ligue 1 il y aurait cette passerelle qui permettrait de les conserver, mais actuellement il y a un décalage. On garde quand même des bons joueurs formés au club, mais il y a un côté frustrant à les former et les accompagner avant de les voir partir. On a l’impression de jouer notre rôle de formateur, d’avoir un apport et de travailler pour le joueur et le club sans qu’eux ne le rendent au club. C’est différent. Ce ne sont plus les mêmes mentalités, environnements et demandes extérieures. Avant, il y avait moins d’argent, moins de demandes des clubs étrangers et les joueurs avaient tendance à signer dans leurs clubs formateurs. Aujourd’hui c’est moins le cas. Je me souviens que quand je jouais, quand un jeune arrivait dans un vestiaire pro, il y avait un certain respect. Il y avait une hiérarchie. Aujourd’hui elle est de moins en moins présente. Le jeune qui a de la valeur, il se sent fort. Alors, il se sent au même niveau que des pros qui sont là depuis plusieurs années. C’est ce qui fait aussi que parfois ils ne restent pas. »

« Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité »

Lutter contre les grosses cylindrées qui viennent toquer à la porte est compliqué. « Il y a des Martin, des Solomon, qui font un autre choix de carrière, qui adhèrent au projet porté par le club. Parfois c’est plus compliqué. Le joueur peut être d’accord mais son environnement non. Parfois c’est l’inverse. Nous on espère que certains de nos bons potentiels accepteront nos propositions de jouer en équipe première et faire remonter l’équipe mais on n’est jamais sur de rien. On serait en L2, il y aurait sans doute plus de joueurs qui resteraient. Il y a des réflexions c’est normal. » 

A contrario, il y a des joueurs formés au club qui ont l’amour du maillot. Boris Moltenis et Mathieu Peybernes sont de cette catégorie-là. Les deux défenseurs font partie de l’équipe première. Moltenis, qui a joué ses premiers matchs professionnels à Bonal en Ligue 2 fait même partie des Sociochaux, est revenu lors du mercato hivernal 2023/2024 de Pologne alors que Peybernes (qui jouait au club, en Ligue 1, au début des années 2010), lui est revenu pendant l’été. « C’est important. Il faut saluer ces joueurs qui montrent une mentalité comme celle-ci. Ils sont formés ici mais ils font surtout tout ce qu’ils peuvent pour le club. Ils ont l’amour de ce maillot. De tout temps, il y a toujours eu des garçons attachés au club, parfois même sans qu’ils ne soient formés ici. Lors du départ de Jean-Claude Plessis, il y avait Stéphane Dalmat qui n’a joué que deux ou trois ans ici. Pour autant, il s’est attaché au club. Ça veut dire que même des grands joueurs s’attachent. Cela montre qu’il y a vraiment quelque chose d’engagé et de profond qui se crée quand on arrive à Sochaux. Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité. Des Omar Daf, Teddy Richert sont restés des années et ont tout connu ici. C’est une valeur ajoutée pour le centre. Un Moltenis ou un Peybernes, ce sont des moteurs, des exemples des valeurs de ce club. Ce sont eux qui peuvent transmettre ces vertus, c’est aussi leur rôle, comme nous l’avons fait auparavant. »

Il y a aussi l’exemple de Dimitri Liénard. Natif de la région, formé au club, il n’avait, avant l’hiver 2023, jamais porté le maillot jaune et bleu en professionnel et a fait une carrière plus que réussie à Strasbourg en Ligue 1. A 36 ans, il a enfin revêtu le maillot des Lionceaux, en National. « Je crois que cela a toujours été dans un coin de sa tête de porter ce maillot. Il est du coin. De le faire en fin de carrière c’est magnifique et lui aussi a envie de tout donner. Kevin Hoggas dans une autre mesure aussi. Tous les joueurs qui ont un certain amour et engagement envers le club sont des valeurs ajoutées. »

Michaël Isabey du tac au tac

« Les émotions sont le sel du sport »

Meilleur souvenir sportif ?
Je dirais la Coupe de la Ligue 2004. 2004 c’était une super année. En 2003 on était allé en finale et on avait perdu contre Monaco (4-1) et d’avoir réussi à aller au bout un an après, ça reste un super souvenir (Sochaux bat Nantes : 1-1, 5 tab à 4). On avait une force collective.

Pire souvenir ?
C’est de ne pas avoir joué la finale de la Coupe de France en 2007. De ne pas avoir été sur la feuille de match à cause d’un différent avec l’entraîneur de l’époque, Alain Perrin. J’ai fait tous les tours d’avant et je n’ai pas joué la finale. Ça laisse un sentiment d’inachevé, c’était un moment très difficile. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment j’ai fait pour dépasser cette déception. Sur l’instant, ça avait déjà pris quelques minutes pour revenir dans la tribune et après encore plus. Au départ il y a la déception de ne pas pouvoir partager la joie des partenaires. Mais d’avoir le soutien des supporters au retour, ça remet un petit peu de baume au coeur même si ça ne soigne pas la blessure. Dans un second temps c’est aussi une fierté. On a encore gagné un titre pour le club et j’ai pu y participer à tous les tours précédents. Je me disais que Laurent Blanc avait été champion du monde sans jouer la finale, alors Isabey, il peut gagner la finale de la coupe de France sans l’avoir jouée !

Le coéquipier qui vous a le plus marqué ?
Il y en a quelques-uns. C’est surtout Mickaël Pagis, Jérôme Leroy et Stéphane Dalmat. Ils étaient talentueux, pour eux on avait l’impression que le foot était facile. Jouer à côté d’eux, ça aide beaucoup à rendre le foot facile.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
On a toujours eu de très bons entraîneurs au club. La chance qu’on a eue dans cette génération 2000-2007, c’est d’avoir eu en continuité Jean Fernandez et Guy Lacombe. C’est une chance parce que Jean Fernandez c’était la rigueur et le travail, beaucoup de travail. Guy Lacombe, c’était l’aspect technico-tactique et cela permettait de produire du jeu et d’être fort sur le terrain. En fait c’était la rigueur et le travail puis comment bien jouer.

Un modèle de joueur ?
Alain Giresse. Il avait la même taille que moi (rires). A l’époque j’adorais Bordeaux et lui, il était marquant, il était en équipe de France, je l’aimais bien. Je me disais que j’aimerais bien être à sa place. Bon, pour moi, il n’y a pas eu l’équipe de France (rires).

Un joueur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y en a plein que j’aimerais revoir, Jimmy Algerino, Lionel Potillon, Olivier Thomas, Stéphane Pichot. Tout ceux avec qui j’ai eu une complicité, j’aimerais les revoir et on ne se voit pas assez.

Un entraîneur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
J’ai revu dernièrement Jean Fernandez au départ de Monsieur Plessis donc c’était un plaisir. Guy Lacombe, je l’ai revu dernièrement aussi. J’aimerais bien revoir Faruk Hadzibegic. C’est lui qui m’a lancé dans le monde professionnel et c’était quelqu’un qui était très proche de ses joueurs.

Le match qui vous a le plus stressé ?
J’avais toujours un peu de stress avant les matchs mais une fois que j’étais sur le terrain j’avais la tête dans le jeu, dans le projet tactique. Il n’y a donc pas forcément un match spécial.

Un public qui vous a impressionné ?
Le public sochalien ! Encore aujourd’hui il m’impressionne. On a le plus beau public. J’aime leur proximité. J’aime leur patience. Ils ne veulent pas forcément du beau jeu mais ils veulent un peu d’euphorie, des sensations. Ils veulent vivre pleinement la rencontre avec une équipe qui se lâche. Tant qu’il y a ces ingrédients, le public sera derrière l’équipe. Quand il n’y a pas d’euphorie et de sensations… c’est autre chose. J’ai dit Sochaux parce que c’est un super public. J’ai l’impression qu’il y a plus d’ambiance aujourd’hui qu’à mon époque. Peut-être que je pense cela parce qu’aujourd’hui je suis dans la tribune et qu’en étant sur le terrain c’est différent mais ça fout toujours autant les poils ! En France il y a aussi Bollaert. Quand les Lensois chantent Les Corons, on avait toujours les poils qui se hérissaient.

Votre but qui vous a le plus marqué ?
Mon but à Martigues, en Ligue 1, la première année (1997-1998). Je découvrais le monde professionnel. En l’espace d’un an, je passe de National en Ligue 1. On gagne 2-1 en plus. C’est un but sur un centre en retrait, je mets une frappe qui n’est pas très belle mais qui est bien placée, au sol.

Un geste technique préféré ?
Le crochet, crochet-court intérieur ou extérieur. Ça fait toujours la différence sur un terrain. Il fallait que je sois vif sur les premiers mètres et le crochet c’est le dribble qui peut amener quelque chose pour moi. Quand on s’écarte de l’adversaire, on peut frapper, faire une passe ou centrer et c’est un geste qui met de l’action.

Un coéquipier avec qui vous pouviez jouer les yeux fermés ?
Je dirais Mickaël Pagis et Benoît Pedretti. On avait tellement nos cheminements de jeux que quand j’avais le ballon je savais qu’il était sur ma gauche, en diagonale, je n’avais pas besoin de regarder. « Mika », je savais qu’il était dans l’axe et que je pouvais jouer avec de la verticalité. On quadrille le terrain, si chacun est à son poste, on a à peine à tourner la tête pour avoir la prise d’informations.

Le joueur le plus écouté dans le vestiaire ?
Teddy Richert. A Dijon Grégory Malicki. C’est souvent les gardiens, parce qu’ils ont une grosse voix (rires). Ce sont surtout des leaders naturels. Ils sont des exemples parce qu’ils sont travailleurs, ils sont dans la performance. Ils sont écoutés. A ces époques-là, on n’avait pas besoin de se parler, il y avait une prise de conscience collective. On savait.

Un joueur qui mettait toujours l’ambiance dans le vestiaire ?
Au début il y avait (El-Hadji) Diouf (1998-1999) ! Il y avait Sébastien Dallet aussi. Dans les années Fernandez-Lacombe, il y avait William Quevedo. Il en faut bien un dans chaque groupe !

Votre premier entraînement chez les professionnels ?
J’arrivais de Besançon, je me suis garé à Bonal, je ne savais pas trop où aller… J’étais arrivé trois heures avant et je me suis mis dans la tribune des Forges tout seul pendant une heure. Je regardais la pelouse, une galette et je me suis dis « ‘t’es là quoi. Tu vas vivre ton rêve. » Je savais que j’avais une chance inouïe. A l’entrainement j’étais déjà impressionné par la qualité de la pelouse et je regardais les joueurs… Je n’osais pas bouger. J’étais assis dans le vestiaire et j’étais hyper intimidé, comme un gosse.

Les soirées européennes ?
C’était le graal. Et encore nous on jouait la Coupe UEFA mais j’imagine même pas la Ligue des Champions, c’est une autre dimension. Mais dans une vie de footballeur quand on peut toucher aux différents échelons… j’ai touché à la Ligue 1 et à l’UEFA, d’autres la C1 et l’équipe de France c’est encore des steps bien plus haut. Avoir vécu ça à Sochaux, c’est historique. C’est des atmosphères différentes. On rentre dans un rythme différent, des sensations différentes.

Dortmund ou l’Inter ?
Tout le monde dirait Dortmund mais moi je dirais l’Inter. Tout le monde dirait Dortmund parce-qu’on a gagné et qu’on est passé mais je veux parler de l’Inter parce que je pense qu’on méritait de gagner. Et puis, se retrouver face aux grands joueurs, Vieri, Recoba… c’est impressionnant. C’est comme toutes les découvertes. Le premier entraînement, le vestiaire pro, Bonal… là c’est un match de coupe d’Europe, vous avez Vieri en face de vous il chausse du 48 et fait 3m10. On rivalise comme on peut.

Votre rêve de carrière aujourd’hui ?
C’est de vivre des émotions à travers un championnat. De jouer les premiers rôles, de vivre des phases finales si on est avec des jeunes. De jouer un titre ou une finale de Coupe en Gambardella. Aujourd’hui je parle des jeunes parce-que c’est le présent. Je ne me projette pas dans le lointain. Les émotions sont le sel du sport.

Le plus grand accomplissement dans votre carrière ?
C’est la longévité. Quand j’ai commencé à 22 ans, que j’ai signé pro, je me suis dit que j’aimerais jouer quelques années. Finalement j’ai joué pendant 15 ans.

En deux mots, que représente le football pour vous ?
Un lieu de rencontre, d’égalité, de solidarité, de partage, de tolérance et de respect. Ça fait plus que deux mots mais c’est ma définition du foot.

Une devise ?
Comtois, rends-toi ! Nenni, ma foi !

Un match de légende ?
France-Brésil 1986 au Mexique. Je trouvais ce match fabuleux. A chaque but je courais dehors et je faisais l’avion. Je ne sais pas pourquoi mais ce match m’est toujours resté dans la tête. Socratès pour le Brésil, Platini pour la France et j’avais 11 ans. C’est le foot qui marque.

Des passions à côté du foot ?
J’avais plein d’idées de passion. J’avais l’idée d’aller au golf mais je n’ai pas le temps. J’avais l’idée de me mettre à de nouvelles pratiques, style le padel, mais c’est pareil. J’aimerais bien vivre. Avoir un peu de temps pour pratiquer ces passions qui m’ont trotté dans la tête… mais je n’ai pas de passion concrète. La seule passion que j’ai c’est de pouvoir profiter de ma famille et de mes enfants et d’avoir le temps de faire des choses avec eux. Ce que je n’ai pas eu tout le temps de faire lorsque j’étais joueur.

Complétez les phrases : Sochaux est un club…
Formateur et historique.

Vous étiez un joueur plutôt…
Partenaire.

Vous êtes un coach plutôt…
Collectif. Le collectif est important. A travers le collectif il y a toujours la facette individuelle qui va se dégager mais le foot c’est un sport collectif. C’est l’essence du foot. Le collectif doit rester supérieur à l’individu. Sans l’équipe derrière, le joueur ne peut pas gagner tout seul.

Quitter Sochaux a t-il été la chose la plus difficile ?
Ce n’est pas moi qui ai pris la décision mais bien sûr c’était un crève coeur. Quelque part je me voyais continuer là, avoir un rôle ici. C’est pour ça qu’aujourd’hui, la chance que j’ai, c’est d’être revenu quelques années plus tard. Dans un premier temps, ça avait été dur à accepter, j’avais 34 ans, j’étais en fin de carrière et le club avait d’autres dessins. Je me sentais encore capable de jouer et c’est pour ça que j’ai signé à Dijon avec qui j’ai participé à la montée en Ligue 1. Sochaux, c’était comme un infini, on se dit que ça ne s’arrêtera pas mais mon contrat a quand même pris fin un jour.

Texte : Augustin THIEFAINE

Photos : fcsochaux.fr

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Par Anthony BOYER / Photos Bernard Morvan

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

C’est l’endroit où il faut être quand on est sur le marché du travail. Et même quand on ne l’est pas d’ailleurs. LinkedIn est ce réseau social, sorte de Facebook professionnel, où l’on peut dérouler son CV, réseauter et, pourquoi pas, trouver ou retrouver un emploi dans votre secteur de prédilection.
C’est en se connectant que l’on a vu s’afficher le profil de Didier Ollé-Nicolle, un coach sans ballon mais pas sans la passion du ballon, et prêt à refouler le terrain après le douloureux épisode du PSG (1), si un projet intéressant se présente à lui.

« LinkedIn ? Oui, c’est mon fils qui s’occupe de ça ! Mon compte était en sommeil mais depuis quelque temps, il l’a réactivé et il est très sollicité. Vous savez, j’ai toujours aimé ce métier d’entraîneur, après il évolue, et y’a plein d’aspects qui ne me conviennent, mais je sais que je peux entraîner demain. J’ai refusé des projets à l’étranger et d’autres en France, en Ligue 2 ou en National. »

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Et Didier Ollé Nicolle, 63 ans aujourd’hui, l’homme parti de Promotion d’Honneur à Raon-l’Etape pour arriver jusqu’en Ligue 1 à Nice, de livrer un demi-scoop. Demi, parce qu’il ne donnera pas le nom de ce « grand club français qui m’a contacté il y a 18 mois », même si l’on a vite fait de comprendre qu’il s’agit des Verts de Saint-Etienne : « J’aurais pu entraîner un des plus grands clubs français en Ligue 1, un club mythique, qui représentait quelque chose dans ma jeunesse, des valeurs du foot. Il y a eu un contact qui s’est fait par l’intermédiaire de Claude Michy, qui fut mon président à Clermont. Ce club allait très mal, et Michy leur a soufflé mon nom. Mais ils ont gagné le match qu’il fallait, à la 88e je crois, sinon, certainement que j’aurais pris la suite, et on n’avait même pas parlé d’argent, j y serais allé en marchant. Aujourd’hui, j’aimerais prendre un club qui correspondent à mes valeurs, ou la relation coach-président est très forte, mais je peux aussi entraîner un club plus bas, amateur, avec des jeunes, revenir dans le foot d’antan, pour faire partager mon expérience, etc. »

Retourner en amateur après avoir goûté au plus haut niveau ? Il n’est pas le seul à y songer, même s’il nourrit encore l’espoir de rester dans le foot pro. Avant lui, des coachs comme Pascal Dupraz ou Fabien Mercadal ont, ici même, évoqué le sujet et laissé des portes ouvertes. « Il faudrait un club où on peut bâtir, former, poursuit celui que l’on surnomme « DON » depuis son passage à Valenciennes (2000 à 2003); cet été, j ai été contacté par Bourges (N2), ils voulaient rebâtir sur le modèle de ce que l’on avait fait à Raon, à Valenciennes, à Nîmes, à Clermont ou même encore récemment à Orléans. J’ai failli dire oui, mais il fallait dire oui très rapidement… Sans doute que n’était pas le bon moment. Dernièrement, Villers-Houlgate, en National 2, m’a contacté, par l’intermédiaire de mon ancien président au FC Rouen, Thierry Granturco (père du président de Villers et ex-maire de Villers), j’ai décliné, mais voilà… »

Deux ans et demi après ses déboires du PSG, Didier Ollé-Nicolle est donc prêt à replonger. Il nous l’a dit. Depuis sa résidence à Clermont, il a ouvert la boîte à souvenirs et a confié qu’il allait bientôt partager son temps entre l’Auvergne et la Bretagne, près de Concarneau. Mais ne cherchez pas, ce ne sont pas des indices. Parce qu’avec le ballon rond, il faut toujours être prêt à déménager et avoir son sac devant la porte. Pour la Bretagne, on repassera plus tard… ou pas !

Interview : « Journaliste sportif, ça m’aurait plu ! »

Photo Bernard Morvan

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Ma nomination en Ligue 1 à l’OGC Nice, en 2009, parce que c’est la première fois que j’entraînais en Ligue 1. C’était l’aboutissement d’une carrière linéaire, qui était partie pratiquement du plus bas au niveau amateur.

Pourtant cela ne s’est pas bien fait fini à Nice (il avait été remercié en mars 2010) …
C’est sûr, j’ai de meilleurs souvenirs en termes de résultats ou de matchs ailleurs, mais là, c’était inattendu, j’entraînais en PH… Je n’aurais jamais pensé à ce moment-là que j’entraînerais en Ligue 1 un jour.

Vous avez gardé des attaches à Nice ?
Oui, bien sûr, quelques supporters, quelques éducateurs avec qui j’ai travaillé. Sincèrement, j’ai gardé un bon souvenir de Nice, notamment quand j’ai signé, même si cela a très certainement été ma plus grosse déchirure quand je me suis fait évincer.

Le pire souvenir d’entraîneur ?
Le décès de Clément Pinault (en janvier 2009) quand j’entraînais Clermont Foot. On avait joué le samedi soir contre Brest, Clément était titulaire et le dimanche en fin d’après-midi… On est resté une semaine à le veiller car il est tombé dans le coma. C’était vraiment le pire moment de ma carrière.

Le club où la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Les trois années passées au Clermont Foot (2006 à 2009). On a travaillé main dans la main avec le président Claude Michy : avec lui, il n’y a jamais eu d’ingérence sur le plan sportif. On est parti d’un projet avec zéro joueurs, on a recruté 22 ou 23 joueurs, plutôt jeunes, et on est monté dès la première saison de National en Ligue 2 en battant tous les records, alors qu’on s’était donné deux ou trois ans pour le faire. Toutes les équipes du club jouaient avec la même organisation, j’ai fait 37 réunions d’éducateurs la première saison. On a signé une charte avec une cinquantaine de clubs amateurs partenaires. On a assis le club en Ligue 2. Tout ce qui a été mis en place a été pérennisé; à Clermont, c’était facile d’entraîner, et en plus, j’avais un groupe qui ne pensait qu’à s’entraîner, qu’à jouer au foot, il aimait encore plus le ballon que moi ! C’était une situation idyllique. Et c’est ce qui m’a permis de signer à Nice, d’avoir pas mal de contacts, comme avec Lens, Montpellier et le Standard de Liège à ce moment-là. Nîmes aussi avait voulu me récupérer.

Le Stade Montpied à Clermont, vous y retournez ?
J’y suis retourné, oui. J’ai tellement aimé Clermont Foot que je me suis installé à Clermont, et dès que j’avais envie d’aller au stade, j’y retournais. Quand j’entraînais Orléans, j’y allais quand nos matchs étaient décalés.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

La saison où vous avez pris le moins de plaisir ?
La fin avec Orléans alors que j’aurais pu parler d’une belle réussite sportive avec ce club où, quand je suis arrivé (à Noël 2016), on était dernier à la trêve avec 11 points, et on s’est sauvé aux barrages, en faisant un parcours retour magnifique. Et ensuite, sur les mêmes bases que j’avais bâties à Clermont, on a été aux portes des barrages d’accession en Ligue 1, on a fait 8e de finale de la Coupe de la Ligue face au PSG, le futur vainqueur, 1/4 de finale de la Coupe de France face à Rennes, le futur vainqueur là encore (saison 2018-2019). Orléans, ce fut une construction, on a bâti le centre de formation, mais le directeur sportif a voulu tout modifier à la fin de cette saison-là, il y a eu la Covid, et après ce fut une année désagréable à vivre (il a été évincé en février 2020).

Une erreur de casting ?
Je ne regrette jamais rien. Même si beaucoup de gens me disent que j’ai fait une erreur en choisissant Nice. Parce que c’était compliqué à l’époque. Mais ce club m’attirait. Le problème, c’est que dès le mois de septembre, Maurice Cohen, le président qui m’avait choisi, s’est fait virer. J’avais proposé ma démission, c’est lui qui m’a dit de ne pas le faire. Mais il savait ce qui allait se passer, que j’allais me faire virer. Alors, peut-être que c’était une erreur de casting dans le sens où ce n’était pas forcément le bon moment. J’avais appelé Fred Antonetti, mon prédécesseur, avant d’arriver, il m’avait dit que ça allait être très compliqué, parce que l’équipe était vieillissante et qu’il n’y avait pas beaucoup de moyens. Je n’avais pas vu le danger arriver, mais ça, on ne le sait qu’après. Je prends aussi dans cet échec ma part de responsabilité, bien sûr.

Des modèles, des coachs, dont vous vous êtes imprégnés ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

J’en citerais deux. Christian Letort, mon coach à Angers, il n’est pas très connu, il entraînait la réserve du SCO en Division 3, dont j’étais le capitaine, et à un moment donné, il a remplacé le coach de l’équipe première, et il m a fait passer de la D3 à la D2 (saison 1983-1984). C’était un jeune entraîneur. Ensemble, on a passé des heures à parler foot. Il m’a fait aimer l’entraînement, il m’a décortiqué les séances, il m’a expliqué les choses, l’organisation d’une équipe, etc. A la base, c’est un prof d’EPS, il n’était pas issu du monde pro. C’était un peu novateur à l’époque. Quand j’entraînais Nîmes en National, on avait éliminé l’OGC Nice 4-0 en 8e de finale de la coupe de France – sûrement un des matchs les plus aboutis de ma carrière -, et à la fin de ce match et du suivant, contre Sochaux, il était venu, il était dans les vestiaires après ! Je pense qu’il aimait mon implication quand j’étais joueur. Il m’a marqué. Et m’a donné envie de faire ce métier. L’autre personne, c’est Arrigo Sacchi, qui m’a reçu dans les années 90 : j’ai eu l’occasion de le rencontrer et d’échanger avec lui, grâce à Fabien Piveteau, qui est devenu mon agent après, et avec qui j’ai joué à Angers. On était allé voir le derby Milanais et la veille du match, j’ai pu assister à l’entraînement, il m’avait ensuite expliqué sa méthode. J’ai retenu la discipline défensive, la façon de définir un cadre défensif, l’alignement des joueurs qui savaient au mètre près comment se placer, et à l’inverse, sa manière de laisser une totale liberté dans l’animation du jeu offensif. Il avait été d’une simplicité vis à vis de moi… C’est marquant. En vous racontant cela, je pense aussi à Guy Roux, qui avait voulu me rencontrer, c’était à l’époque de Nîmes aussi, parce qu’un magazine m’avait surnommé le Guy Roux des Vosges quand j’étais à Raon !

Pourquoi êtes vous devenu entraîneur ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Cela s’est fait tout bêtement. Je jouais à Annecy, le club déposait le bilan, et quand le SCO Angers l’a su, le président de l’époque, Jacques Tondut, qui était le médecin du club quand j’y jouais, m’a fait une proposition. Christophe Dubouillon, l’entraîneur du centre de formation, arrivait en fin de contrat un an après et Jacques Tondut a pensé à moi pour prendre la suite, pour passer mes diplômes. Il avait peut-être dû déceler ça chez moi… C’est vrai qu’on parlait de la matière foot. Mais entretemps, un de mes anciens coéquipiers à Annecy, Lionel Gachon, jouait dans un tout petit club dans les Vosges, à Raon-l’Etape, en PH, et leur coach arrêtait. Il cherchait un entraîneur/joueur, moi j’avais 30 ans, je pouvais encore jouer… J’avais rendez-vous le mardi à Angers, et sur la route, j’ai rencontré les deux présidents Jean-Pierre Rossi et Georges Bilon, qui est décédé depuis, et je ne suis jamais allé à Angers… Voilà comment ça s’est passé ! J’avais un Master d’économie, ils avaient une agence immobilière, ils cherchaient un directeur commercial… Au début, je travaillais la journée et j’entraînais le soir. Raon a été un vrai laboratoire. J’y ai passé mes diplômes. J’ai aimé ça. On est monté jusqu’en National ! J’y ai passé 9 ans. Et à la fin, j’étais à plein temps.

Si vous n’aviez pas été entraîneur de foot…
C’est vrai qu’au départ, je n’avais pas en tête de devenir entraîneur, mais plutôt de travailler dans la vie active. J’aurais pu bosser dans la finance, ou devenir journaliste sportif aussi, ça m’aurait plu (rires).

Qu’est-ce qui vous a plus à Raon-l’Etape ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Tout ! J’ai rencontré des personnes magnifiques, on a monté une usine à gaz, parce qu’on était un petit club, sans moyen, et puis il y a les Vosges, la forêt, la région, superbe ! Mes enfants ont grandi là-bas. Quand j’y suis arrivé, ma fille avait 6 mois, mon fils 3 ans… J’ai rencontré deux présidents, MM. Rossi et Bilon, des hommes à tout faire, qui mettaient les mains dans le cambouis. Tous les joueurs travaillaient, et même à la fin, en National, on avait 3 ou 4 contrats fédéraux seulement, pas plus. On est passé de deux à six entraînements par semaine. On a crée un vrai processus afin de s’entraîner plus et de rivaliser plus. Notre idée, c’était de monter en DH. Et finalement, on est arrivé en CFA2, puis en CFA, et si on nous avait dit qu’un jour on arriverait en National… Voilà, c’était impossible… L’hiver, dans les Vosges il fait moins 10 degrés, il y a 50 cm de neige, on avait trouvé des astuces pour s’entraîner entre midi et deux, en diurne. Un jour quand je passais mes diplômes à Clairefontaine, j’ai rencontré Paul Orsatti : il avait monté l’institut sportif de formation (un centre de formation de football de la seconde chance), à Ajaccio, en Corse, et cherchait à le dupliquer sur le continent; le club de Raon a servi de cobaye. Il faut dire aussi qu’on a eu la chance d’être entouré de clubs comme Metz, Nancy et même Epinal ou Saint-Dié. Mon idée, c’était de récupérer des jeunes joueurs ce ces clubs-là qui n’arrivaient pas à passer pro, mais comme on n’évoluait pas à un très haut niveau, on n’avait pas grand chose à leur proposer : c’est là que l’institut de formation est intervenu; il a permis, en relation avec le Greeta, le ministère de la Jeunesse et des Sports, le conseil régional, etc., de les remettre à niveau sur le plan scolaire, de leur faire passer leur premiers diplômes, initiateur 1, initiateur 2, animateur seniors, etc., jusqu’au tronc commun du brevet d’état pour ceux qui voulaient aller plus loin. On leur proposait des formations et ça leur permettait d’avoir un contrat d’apprentissage. Le club ne payait que des primes de match, et ça nous a permis de récupérer tout un groupe de joueurs qui ont participé à l’ascension du club, avec une vraie génération.

Le meilleur joueur que vous avez entraîné ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je vais en citer deux. Loïc Rémy à Nice. Grâce à son passage à Nice, il a intégré l’équipe de France, et moi je me suis battu pour ne pas le perdre parce que Lyon voulait le récupérer à la trêve. Un bonheur de l’entraîner. Et aussi à Clermont, Mehdi Benatia, une belle pioche pour nous. Il venait de se faire les ligaments croisés. Et on a vu la suite de sa carrière (il a notamment joué à Udinese, Rome, Bayern, Juventus et il est actuellement conseiller sportif de l’OM).

Un président marquant ?
Claude Michy à Clermont. Il tenait le club d’une main de fer sur le plan économique.

Inversement, un président qui ne vous a pas marqué ?
C’est le deuxième que j’ai croisé à Nice, parce que les dés étaient pipés, et je dis ça, sans bien l’avoir connu… On avait 16 ou 17 joueurs concernés par la CAN, on a fait jouer six ou sept jeunes du club, et j’ai été viré en mars. Non, ils ne m’ont pas marqué (sans les citer, Didier Ollé Nicolle parle du tandem Maurice Stellardo, président et Patrick Governatori, DG).

Des rituels avant un match ?
Joueur, j’étais un peu superstitieux, mais avec le temps, le recul, ça change.

Un dicton ?
Oui ! Celui qui renonce à progresser a déjà cessé d’être bon. Je l’ai affiché dans tous mes vestiaires.

Vous êtes un entraîneur plutôt ?
Exigeant, passionné et un peu emmerdeur… Je suis toujours derrière le joueur, pour qu’il progresse.

Y-a-t-il un style Ollé-Nicolle ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je pense. J’ai tout le temps mis en place une équipe très agressive sur le plan défensif, tout en gardant un cadre de travail précis, avec des horaires, une organisation, des principes, et dans ce cadre, j’attends que les joueurs prennent des initiatives. Sans se couper de l’imagination, de la créativité. Je demande beaucoup de rigueur sur le plan défensif, de l’agressivité à la récupération du ballon. J’ai souvent réussi avec des équipes plutôt jeune et dynamique. Au fil du temps, je me suis adapté, j’ai évolué aussi, en recherchant plus l’efficacité, la simplicité, comme aux entraînements par exemple, avec deux points à travailler maximum. Pour aller à l’essentiel. Il faut aussi tenir compte des profils des joueurs, ne pas être têtu sur son organisation, même si c’est vrai que l’animation défensive que je préfère, c’est à 4 derrière plutôt qu’à 3 ou à 5, avec deux attaquants, un point d’ancrage et un joueur qui tourne autour. J’ai beaucoup joué en 4-3-3 aussi, avec une sentinelle, un 8 et un 10. avec de la densité au milieu, pour récupérer le ballon, mettre de l’intensité et produire du jeu court derrière.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Le stade qui vous a procuré le plus d’émotion ?
Le Parc des Princes. C’était déjà celui qui m’avait le plus marqué quand j’entraînais en L1, on y avait gagné avec Nice ! C’est une vraie caisse de résonance : du banc de touche, les joueurs ne t’entendent pas. En entraînant le PSG féminin, quand on a affronté le Bayern de Munich, ca m a fait le même effet.

Qu’est-ce qui vous a manqué pour faire une carrière en Ligue 1 ?
J’ai été plus reconnu à l’étranger en L1, quand je suis arrivé à Neuchatel, on s’est qualifié pour la finale de la coupe de Suisse, à Limassol, qui avait éliminé Nice en coupe d’Europe, on s’est qualifié pour l’Europa League… En France, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice. C’était un passage obligé. Mais il y a des étiquettes, et ça je le comprends très bien. Quand j’ai signé avec monsieur Cohen, l’objectif, c’était de finir 15e, parce qu’il y avait une génération de joueurs qui arrivait sur la fin, Echouafni, Letizi, Sablé, etc, on n’avait pas les moyens de recruter, il fallait sauver les meubles cette saison-là, avec les fins de contrats, pour repartir sur quelque chose d’autre l’année d’après. Mon style avec la récupération dynamique et un jeu dynamique aussi, que les dirigeants niçois avaient vu quand j’étais à Nîmes, ça se fait avec un certain profil de joueurs que je n’avais pas et pour qui c’était difficile de répéter les efforts, notamment dans le coeur du jeu. Il aurait fallu passer cette première année.

Certains supporters de Nice disent, en parlant de vous, que vous aviez trop de certitudes…

(étonné) Non, franchement pas du tout. Au contraire, on m’a plutôt dit que j’étais quelqu’un d’abordable… Demandez aux clubs où je suis passé ! Mais peut-être qu’à Nice, je me suis un peu plus enfermé dans ma bulle, avec ce contexte de la Ligue 1, pour me concentrer au haut niveau et à cette nouvelle expérience. Vous savez, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice, parce que pratiquement partout ailleurs, j’ai eu des résultats, ça a été positif. Est-ce qu’on peut réussir en Ligue 1 si on n’a pas des convictions ? Et du caractère ? Comment m’imposer sinon ? Et là je ne parle pas de certitudes, parce que s’il y a bien un métier où on ne doit pas en avoir, mais faire preuve d’humilité, c’est bien celui-là. Parce qu’on est tributaire des joueurs et de certaines décisions.

Sur votre CV, il y a Valenciennes, club avec lequel vous êtes descendu de National en CFA avant de remonter la saison suivante : c’est rare comme situation…

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

On repartait avec aucun moyen, il y avait eu l’affaire Va-OM… Monsieur Borloo est venu me chercher, c’est Philippe Seguin, l’ancien maire d’Epinal, qui lui a glissé mon nom, pour rebâtir. On savait que cela allait être très compliqué. Il fallait remettre les compteurs à zéro sur le plan financier. Je me souviens que, quelques années plus tard, quand Valenciennes est venu jouer à Nice en L1, on perdait 2 à 0 à la pause et on avait gagné 3-2 : le président des clubs des supportes de VAFC m’avait rendu hommage dans un article.

Le milieu du foot ?
Avant, une vraie école de la vie, qui permet à tout le monde de réussir, je prends mon exemple, à partir du moment où on bosse, où on croit en soi, il y a moyen de faire des belles choses. Aujourd’hui, je dirais que c’est un milieu bling bling, très superficiel… Quand je dis superficiel, je veux dire que, avant, il y avait l’amour du maillot, de l’entraînement, du club, de l’entraîneur… Aujourd’hui il y a beaucoup de gens très peu scrupuleux autour des joueurs et des joueuses, qui sont prêts à tout pour faire de l’argent.

(1). Didier Ollé Nicolle a été blanchi au printemps dernier par la justice dans une affaire où il avait dû répondre de soupçons d’agression sexuelle lorsqu’il entraînait l’équipe féminine du PSG, soupçons qui lui avaient coûté son poste.

  • Sa carrière de coach
    – 1991-2000 : Union Sportive Raonnaise
    – 2000-2003 : Valenciennes FC
    – 2003-2005 : Nîmes Olympique
    – 2005-2006 : LB Châteauroux
    – 2006-2009 : Clermont Foot
    – 2009-mars 2010 : OGC Nice
    – septembre 2010 – mai 2011 : Neuchâtel Xamax
    – juillet 2011 – novembre 2011 : Apollon Limassol
    – novembre 2011-février 2012 : USM Alger
    – juin 2012-août 2013 : FC Rouen
    – mars 2014-novembre 2014 : Bénin
    – mars 2015-juin 2016 : SR Colmar
    – décembre 2016-février 2020 : US Orléans
    – juin 2020-mai 2021 : Le Mans FC
    – juillet 2021 – mai 2022 : Paris SG Féminin

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Adjoint de Jean-Luc Vasseur en début de saison jusqu’à l’éviction de ce dernier, l’ancien joueur pro, déjà passé sur un banc à Bourgoin-Jallieu et Andrézieux, vit sa première expérience d’intérimaire. Il retrace son parcours et décrypte sa vision du métier.

Par Joël Penet – Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photo FC Versailles

Après une carrière professionnelle qui a démarré à l’Olympique Lyonnais, Jérémy Clément (40 ans), né à Béziers (Hérault), a grandi en Isère avant de rejoindre la prestigieuse école de l’OL à 13 ans. Le milieu de terrain, qu’on a pu comparer à Zidane localement à ses débuts, va ensuite découvrir le très haut niveau, du sacre de champion de France à la découverte de la Ligue des Champions. Un bagage suffisant pour s’exiler, à 21 ans, du côté des Glasgow Rangers.

La parenthèse écossaise refermée, c’est ensuite le Paris Saint-Germain et l’AS Saint-Etienne qui vont faire son quotidien et lui permettre de confirmer un potentiel décelé entre Rhône et Saône avant un dernier défi en Ligue 2 à l’AS Nancy Lorraine. Après 377 matchs en pro, c’est au FC Bourgoin Jallieu qu’il a définitivement raccroché les crampons en National 3 où Jérémy Clément a notamment pu avancer sur son projet de reconversion. En effet, depuis quatre ans maintenant, l’ancien milieu de terrain défensif a embrassé une carrière d’entraîneur au FCBJ, à Andrézieux mais aussi en tant qu’adjoint à Molenbeek (Belgique) et aujourd’hui à Versailles en National où, après avoir été l’adjoint de Jean-Luc Vasseur, remercié le 2 octobre dernier, il assure un intérim au poste de coach principal.

Interview : « On ne peut pas cocher toutes les cases »

Photo Philippe Le Brech

Jérémy, tout d’abord, quels souvenirs gardes tu de tes débuts à Rives SF, là où tout a commencé en amateur ?
Des bons souvenirs bien évidemment. On était jeunes, insouciants. C’est le foot avec les copains, le plaisir avant tout. Entre deux matchs, tu manges des frites (rires). Il en manque toujours un qui finit par être appelé par le speaker (sourires). D’ailleurs, les amis que j’ai aujourd’hui à 40 ans, ce sont mes amis d’enfance !

Vingt ans plus tard, tu boucles ta carrière de joueur du côté de Bourgoin. Que retiens tu de ces deux dernières saisons ?
J’ai beaucoup voyagé pendant ma carrière. Avec mon épouse, on est originaire de Rives et on voulait revenir s’installer ici. Je pouvais continuer à jouer un bon niveau en amateur, faire partie d’un vestiaire, m’entraîner, gagner des matchs. J’avais aussi envie de garder les mêmes habitudes qu’en pro même si en National 3, on s’entraîne le soir, ce qui est parfois compliqué, mais le principal était d’être sur le terrain.

Un environnement qui va te permettre de te reconvertir petit à petit en tant qu’entraîneur… qu’est ce qui t’a poussé à emprunter cette voie ?
L’objectif était surtout de ne pas perdre de temps et j’avais une double idée en arrivant à Bourgoin. Du coup, j’en ai profité pour continuer de jouer mais aussi pour passer mon BEF la même année afin de vite me reconvertir car je n’aime pas rester sans rien faire. Je savais que ma carrière de joueur était derrière moi et il fallait penser à la suite.

Photo FC Versailles

Justement, avec du recul, comment t’es-tu entouré depuis tes débuts ?
Il y a forcément beaucoup de gens qui gravitent autour et c’est encore plus vrai dans le football que dans les autres sports. Mes amis sont restés les mêmes depuis le début mais on rencontre forcément de nouvelles personnes au cours d’une carrière. Le plus important est de garder ses racines pour avoir les pieds sur terres. On ne peut pas aller contre les mauvaises rencontres ou mauvaises intentions, ça fait partie du truc. Le conseil que je pourrais donner, c’est de s’intéresser un minimum à ce qu’on fait : contrat, placement… lire aussi et ne pas toujours « déléguer » car c’est vrai qu’on est conditionné à ne penser qu’au foot quand on se construit.

Avais-tu songé à d’autres scénarios pour ton après-carrière ?
Je pense que quand on est coach, peu importe l’âge, on est toujours dans l’apprentissage. Pour être honnête, je n’ai pas de plan de carrière et je ne peux pas affirmer que je serai toujours coach dans cinq ans par exemple. C’est un métier qui prend beaucoup d’énergie, où on encaisse beaucoup aussi. Il faut être très exigeant. L’être humain est un éternel insatisfait, le sportif de haut niveau aussi. C’est pour ça que je raisonne par rapport à l’instant T.

Photo FC Versailles

C’est aussi comme ça que tu as raisonné quand tu étais joueur professionnel ?
J’ai toujours essayé d’être en adéquation avec mes choix car je trouvais qu’il fallait être épanoui avant tout. Par exemple, en 2006, quand je pars de Lyon pour aller aux Rangers, j’avais ce besoin de m’émanciper à 21 ans… et ça m’a fait du bien ! Ensuite vient la réflexion de revenir à Paris, un club qui est coté en France. C’est très difficile de refuser cette proposition et quand les Qataris arrivent en 2011, je savais que j’allais moins jouer. J’avais 27 ans et c’est là que j’ai l’opportunité de rejoindre Saint-Etienne où j’ai joué à la Coupe d’Europe aussi !

Formé à l’OL, tu as dû réfléchir au moment de t’y engager, non ?
Forcément, je me suis posé la question mais bon… Je n’avais pas fait le transfert direct. Je trouvais ça dommage de refuser un nouveau projet si les conditions étaient réunies. J’ai été formé à Lyon, j’ai découvert la Ligue des Champions, j’ai été champion de France… Honnêtement, j’ai évolué au sein d’un groupe exceptionnel. À Saint-Etienne, c’est pareil, on avait un très bel effectif. J’ai découvert une ambiance de dingue aussi. D’ailleurs, aujourd’hui, que j’aille à Geoffroy Guichard ou au Groupama, c’est avec toujours autant de plaisir !

Photo FC Versailles

Quelle est ta vision du poste d’entraîneur ?
Des fois, je me dis que j’essaie d’être le coach que j’aurais aimé, moi, avoir en tant que joueur mais on ne peut pas cocher toutes les cases (sourires). Je ne fais pas l’unanimité, personne d’ailleurs ne la fait je pense, donc je reste fidèle à ce que j’étais pendant ma carrière. Bien sûr qu’il y a toujours un « jeu d’acteur » quand on décide de se lancer là-dedans mais il ne faut pas « tricher » ou être quelqu’un d’autre.

Du coup, tu penses que c’est important d’avoir été joueur pour entraîner ?
Il n’y a pas de vérité non plus (sourires). Il y a des très bons coachs qui n’ont pas fait de carrière, d’autres qui ont joué et qui réussissent aussi. Dans mon cas, je trouve que c’est un avantage comme un inconvénient. Il y a des situations qui sont similaires en tant que joueur, on a peut-être plus les codes mais un coach qui n’a pas fait carrière a peut-être d’autres atouts. Est-ce que mon parcours m’aide ? Je pense que oui sur certaines choses, sur d’autres non.

En février 2023, tu choisis de rejoindre Andrézieux, en National 2, où François Clerc, un de tes anciens coéquipiers est président pour maintenir le club…
J’étais avec le Pôle espoir féminin à Lyon à cette époque, je faisais deux / trois séances et en même temps je passais mon certificat d’entraineur « attaquant-défenseur » (il est diplômé du CEAD, certificat d’Entraîneur Attaquant et Défenseur). François avait besoin d’un coach sur du court terme. On s’est appelé et je lui ai expliqué que la compétition me manquait aussi, que j’avais envie de retrouver un groupe seniors, une équipe dirigeante…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Une aventure qui va s’arrêter quelques mois plus tard… le regrettes-tu ?
J’étais venu pour maintenir le club et la mission était réussie. François savait que j’avais d’autres ambitions derrière. On est potes et nous savions très bien que si les résultats s’inversaient une fois le maintien acquis, il y aurait forcément des prises de tête. On a réussi à maintenir le club et c’était mieux de passer à autre chose.

Le club d’Andrézieux est-il à sa place en N2 selon toi ?
C’est déjà énorme d’être toujours en National 2 avec la réforme des championnats. Aujourd’hui, il y a trois poules et c’est comme si tu joues en National à ce niveau. Ce sera compliqué d’aller plus haut pour eux. Je pense surtout qu’ils sont dans l’ombre de Saint-Etienne. Malgré les installations qui sont bonnes, il faut savoir se satisfaire d’être régulier dans le temps.

Tu prends ensuite un nouveau virage en rejoignant l’épineux projet Molenbeek en Belgique un an plus tard. Comment cela s’est fait ?
Épineux, oui, forcément (sourires) mais c’est toujours pareil quand on prend des projets en cours de saison. On récupère un groupe malade mais on se dit qu’on va tenter l’aventure avec Bruno (Irles). Ça ne se passe pas bien et on n’a pas les résultats escomptés…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Que retiens-tu de positif ?
J’ai appris, j’ai vu un nouveau championnat. Molenbeek, c’est un club professionnel qui a la particularité d’être dans une Galaxie. On a essayé de vivre les choses de la meilleure des façons même si c’était compliqué. J’ai bien aimé travailler avec Bruno (Irles), un coach avec des qualités. Quand il s’est fait licencier, je ne me voyais pas rester donc je suis parti avec lui.

Comment arrives-tu à gérer avec ces changements fréquents en termes de famille, déplacements ?
En Belgique comme à Versailles, je me suis installé tout seul. Ma femme est professeure des écoles et elle s’occupe de nos trois enfants dont le dernier qui a 7 ans. Mon métier m’anime mais je suis un peu partagé. C’est aussi pour ça que je dis que je ne ferai pas ça toute ma vie. Tout peut aller très vite. J’avais besoin de travailler, j’avais envie d’explorer ces opportunités mais il y a beaucoup de contraintes dont le côté familial qui me manque.

Rejoindre Versailles cet été, c’était quand même l’occasion de continuer voire d’accélérer ton apprentissage du métier…
Je ne me voyais pas ailleurs que dans le foot pour le moment et je pense que ce n’est pas bon quand on est inactif, peu importe le domaine. C’est une décision que j’ai prise en pesant le pour et le contre. On a besoin d’être stimulé professionnellement et je trouvais que le projet versaillais correspondait à mes attentes.

Être adjoint, c’est donc l’option qui te correspondait le plus à l’heure actuelle ?
À Bourgoin-Jallieu comme à Andrézieux, j’avais toujours eu le rôle d’entraîneur principal avec les responsabilités qui en découlent. J’avais envie de connaître d’autres facettes du coaching car c’est un monde à part. La différence, c’est qu’on est moins impacté et c’est l’entraîneur en chef qui « prend ». Alors lorsqu’il y a des résultats, c’est plutôt sympa à vivre mais quand la dynamique s’inverse… je dirais qu’on a moins de pression en tant qu’adjoint… et ça me va !

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Tu es arrivé à Versailles dans les valises de Jean-Luc Vasseur qui a déjà quitté le club. Quelle a été ta réflexion à ce moment ?
C’est vrai mais je reste quand même salarié du club. Comme à Molenbeek, je me suis posé des questions… quitter le club au moment où Bruno (Irles) partait, c’est un peu la même situation aujourd’hui ! Tu peux avoir le sentiment d’abandonner l’objectif que tu t’étais fixé et tu es partagé. Bien entendu que ce sont des situations qu’on ne veut pas vivre car on a tous envie d’avoir des résultats.

Et aujourd’hui ?
Je suis dans une position assez « bizarre » car on sait que c’est un intérim avec le staff et que ça va s’arrêter à un moment. Je n’ai pas envie de changer ma posture même si la situation n’est pas très confortable. C’est aussi dans ce genre de situations qu’on apprend. La preuve, je n’avais jamais vécu le fait d’être en intérim donc on fait du mieux possible.

Du coup, comment on s’adapte au quotidien ?
Notre rôle c’est de ne pas tout bouleverser non plus. Avec le staff, on a quand même la responsabilité de l’équipe et il faut faire avec nos idées. Je ne remets pas tout en cause, j’essaie d’être moi avec les joueurs, selon ma perception. Ce n’est pas possible de tout révolutionner comme il est compliqué de continuer dans cette configuration. D’ailleurs, si on m’avait proposé de prendre officiellement la place de numéro un, j’aurais refusé car ce n’était pas le but en venant… et je ne serai peut-être plus là avec un nouvel entraîneur (sourires).

Comment caractériserais-tu un club comme Versailles ?
Il y a des idées et on essaye d’amener quelque chose d’un peu novateur : des maillots avec une identité marquée, une série télé sur notre quotidien…  C’est un club qui a une histoire à construire, qui est jeune et où il y a de l’envie. Malheureusement, nous ne sommes pas aidés, on a de nombreuses problématiques structurelles pour s’entraîner. Nous jouons nos matchs à Jean-Bouin mais nous ne sommes ni propriétaires ni prioritaires ! Or ce sont des aspects indispensables pour performer.

Avec ta vision de néo-entraîneur, Versailles a-t-il sa place dans la Ligue 3 dont le débat revient éternellement sur la table ?
Oui, même si pour aller plus haut, il faudra des changements indispensables à plusieurs niveaux… mais pour l’instant, le plus dur est de se maintenir en National comme je l’évoquais avec la réforme des championnats. Pour l’instant, on est 11es avec 11 points, le club veut se donner les moyens de grandir et les joueurs sont mis dans de bonnes conditions pour avoir des résultats.

Jérémy Clément, du tac au tac

Photo FC Versailles

Meilleur souvenir sportif ?
Le football quand j’ai commencé avec les frites entre les matchs, les amis d’enfance que j’ai rencontrés et que j’ai gardé jusqu’à aujourd’hui (sourires).

Pire souvenir sportif ?
Ma blessure en 2013 : une triple fracture ouverte de la malléole.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Est-ce qu’on le choisit ou pas ? Mon père adorait le foot, c’était ma passion et ça l’est toujours ! On est conditionné à aimer le foot dès le plus jeune âge.

Ton but le plus important ?
Il y en a deux : le but que je marque à Monaco avec l’OL parce qu’on est premiers et eux deuxièmes. Celui avec Paris contre Saint Etienne à 1-1, un but très important pour le maintien qui arrive en fin de match.

Ton geste technique préféré ?
Le sombrero.

Photo FC Versailles

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un ou deux.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Bonne question mais comme je l’ai déjà dit, quand on est piqué au foot, c’est compliqué de s’imaginer ailleurs. En tout cas, je ne sais pas si j’aurais pu.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Un joueur fiable avec beaucoup d’abnégation, capable de courir, récupérer… Ce que j’aurais pu améliorer c’est peut-être mon influence dans le jeu, le fait d’être plus décisif, distribuer aussi…

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Dans tous les clubs, j’en ai pris ! A l’OL, on était invincibles, on était meilleurs, c’était une évidence. Paris j’ai adoré parce que c’est la capitale, le Parc des Princes. Saint-Étienne, c’était une putain de bande de potes et même si nous étions moins bons, nous avons réussi à regarder les gros dans les yeux…

Le club où tu as failli signer ?
Franchement ? Aucun !

Photo FC Versailles

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Les clubs qui font rêver, on les connaît tous (sourires) ! Que ce soit le Real en Espagne, le Bayern en Allemagne, l’Inter ou la Juventus en Italie, ce sont tous des clubs qui font rêver mais je n’avais pas le niveau pour signer là-bas (sourires).

Un stade et un club mythique pour toi ?
San Siro à Milan et aussi Ibrox Park en Ecosse, impressionnant !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
J’ai quand même eu la chance de côtoyer des très grands joueurs… Hatem Ben Arfa, lui, c’était vraiment un talent incroyable.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Il y’en a eu plein…

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Yoann Gourcuff.

Photo FC Bourgoin-Jallieu

L’équipe, l’adversaire, qui t’a le plus impressionné ?
Paris à l’époque où il y avait le milieu de terrain Thiago Motta, Marco Verratti et Blaise Matuidi.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Sammy Traoré.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Michel Aulas pour tout ce qu’il représente, son charisme, ce côté patron qu’il dégageait.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Non, parce que sinon j’aurais posé la question (sourires).

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Justement, il faut que ça reste dans le vestiaire (sourires).

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Ça dépend ce qu’on veut dire par connu mais récemment par exemple j’ai échangé avec Hugo Lloris par SMS !

Des rituels, des tocs, des manies ?
Non.

Une devise, un dicton ?
Savoir être avant de savoir-faire.

Tes passions dans la vie ?
J’aime bien manger, bien boire, profiter des gens que j’apprécie.

Un modèle de joueur ?
J’aimais Fernando Redondo, pour les amoureux du football même si les plus jeunes ne verront très certainement pas qui c’est !

Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
Un bon Paris-Marseille ou Lyon-Saint Etienne.

Ta plus grande fierté ?
Avoir la famille que j’ai avec mes trois enfants et ma compagne et dans le foot, je suis fier des liens que j’ai créé avec les footeux !

Championnat National – Journée 11 (vendredi 1er novembre 2024) : FC Villefranche-Beaujolais – FC Versailles

Regarder le match : https://ffftv.fff.fr/video/x93e2yo/j11-i-fc-villefranche-beaujolais-vs-fc-versailles-en-direct-19h15

 

Texte : Joël PENET

Photos : Philippe Le Brech, FC Versailles, FC Bourgoin Jallieu et Andrézieux-Bouthéon FC

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L’homme du renouveau boulonnais, revenu dans le club de sa ville en 2018 après s’être assis sur des bancs régionaux à Dèsvres, où il est éducateur sportif, à Étaples et au Portel, a, en l’espace de 20 mois, sauvé l’USBCO d’une descente en N3 avant de le conduire aujourd’hui en haut de tableau du National. Son credo : le mental. Son mérite : un staff sans faille. Portrait.

Par Anthony BOYER / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0

Photo Philippe Le Brech

C’est à un horaire très matinal – 7h30 – que Fabien Dagneaux nous a donnés rendez-vous, en visio, un mug de café à la main (nous aussi !), depuis son domicile, à Boulogne-sur-Mer, pour un entretien de quarante minutes. C’était la veille de l’entrée en lice en coupe de France à Gamaches (5e tour, qualification 3 à 0).

Quarante minutes durant lesquelles le natif de Boulogne-sur-Mer, qui vient de fêter ses 52 ans, ne s’est jamais attribué la paternité des excellents résultats de l’USBCO depuis sa prise de fonction, début février 2023, à la tête d’une équipe qui occupait alors la dernière place de sa poule en National 2 avec seulement 13 points (en 17 journées) et une 16e et dernière place.

Vincent Boutillier : « Mon choix a été rationnel »

Fabien Dagneaux a préféré mettre en avant le travail d’un staff soudé de quatre personnes. Un staff boulonnais aussi, et ça, dans une ville où l’attachement au club est très fort, c’est quelque chose d’important, comme l’a d’ailleurs expliqué Vincent Boutillier, le président : « À 13 journées de la fin, il fallait gagner 9 matchs pour se maintenir en National 2, et je me suis posé cette question, « qui peut faire gagner l’équipe ? », raconte celui qui a succédé à Reinold Delattre en novembre 2022; je ne voyais qu’une personne connaissant le club, alors quitte à prendre un risque, autant prendre celui-là. Fabien avait déjà réalisé un exploit avec la réserve en N3 quelques années plus tôt, il connaissait cette pression du résultat. Et puis je voulais retrouver les valeurs boulonnaises, qui sont au centre du projet et même du développement du club, basé sur un ADN territorial. Finalement, je vois que mon choix a été rationnel. »

Dans le wagon de tête

Avec Anthony Lecointe. Photo Philippe Le Brech

Depuis sa prise de fonction, il y a plus de 20 mois, Fabien Dagneaux a dirigé 47 matchs de championnat sur le banc : 39 en N2 à cheval sur deux saisons et 9 en National (match de Nîmes compris). Pour seulement 10 défaites.

Fabien Dagneaux n’a pas compté. De toute façon, il préfère retenir les victoires (28). Et savourer. Profiter de l’instant présent. Communier avec le public retrouvé de la Libé.

Vendredi dernier, en battant Orléans 3 à 0 devant près de 4000 spectateurs, dans ce stade qui pue le foot et transpire l’amour de ses couleurs, l’USBCO, 3e du championnat à une longueur des deux co-leaders Nancy et Concarneau (mais avec un match de moins) a effacé la défaite 3-0 concédée à Aubagne lors de la précédente journée (entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0).

Revenu dans « son » club de coeur en 2018, d’abord pour s’occuper des jeunes avant de prendre la réserve, Fabien Dagneaux retrace son parcours et évoque son staff, notamment son adjoint Anthony Lecointe, une figure locale, joueur du CFA jusqu’à la Ligue 1 avec l’USBCO.
Il évoque aussi le public boulonnais, le stade de la « Libé » si particulier, la pêche et son lien indéfectible avec le foot, l’histoire avec un grand H, le plaisir. Le tout avec humilité, passion et émotion parfois.

Interview

« Donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme ! »

Photo Philippe Le Brech

Fabien, vous êtes sans doute le coach le moins « connu » du championnat National, alors… présentez-vous !
J’ai 51 ans. Je suis pur boulonnais. J’habite à Boulogne, dans la ville, mais je suis originaire du haut de la ville, du quartier du chemin Vert. J’ai 4 enfants : deux filles (Caroline, 32 ans, psychologue et Agathe, 20 ans, étudiante en commerce) et deux garçons (François, 26 ans, maître-nageur et Charlie, 17 ans, pensionnaire du centre de formation du SC Bastia).

Votre carrière de joueur ?
J’ai joué à l’US Boulogne de poussins jusqu’à seniors, plutôt en réserve. J’ai été papa très tôt donc j’ai privilégié le travail. J’ai intégré une commune, Dèsvres (à 20km de Boulogne), qui m’a recruté comme éducateur sportif et aussi joueur pour le club local, où j’ai structuré l’école de football, lancé une section sportive avec des classes à horaires aménagés. J’ai passé mon BE1 en 1993, j’étais jeune (il avait 21 ans) !

À quel poste jouiez-vous ?
Je jouais latéral droit ou gauche, parfois en numéro 6. J’étais bon dans les duels, je poussais l’équipe.

Joueur puis entraîneur à Dèsvres

Photo Philippe Le Brech

Dèsvres, c’est donc là que vous faites vos débuts d’entraîneur …
J’y suis resté de 1994 à 2003. J’étais joueur d’abord. Puis j’ai eu un peu toutes les fonctions, entraîneur-joueur, entraîneur, éducateur, puis je suis revenu à Boulogne de 2003 à 2008 pour entraîner les U18 à l’époque de Philippe Montanier. C’est là que j’ai croisé quelques joueurs qui ont fait partie de l’épopée boulonnaise jusqu’en Ligue 1, comme Damien Marcq et Matthieu Labbé. Ensuite je suis parti à Etaples, à côté du Touquet, où j’ai fait deux saisons comme coach en DHR (Régional 2), de 2008 à 2010. On a fait deux belles saisons, on a failli monter en DH. Puis j’ai été contacté par Le Portel (Stade Portelois), club voisin de Boulogne, où j’ai entraîné pendant 7 ans, avec une montée en DH, un 32e de finale de coupe, deux 8e tour de coupe et aussi deux 7e tour. C’était une belle aventure. On s’est maintenu en DH et il y a eu l’arrivée d’un nouveau président, qui a voulu repartir sur autre chose, et moi, dans le même temps, j’ai été contacté par Jacques Wattez, le président de l’USBCO, et par le président de l’association, Clément Iffenecker. Monsieur Wattez voulait que je revienne au club car il manquait quelqu’un pour les U16 qui avaient l’objectif de monter en U17 Nationaux, donc je suis parti dans ce projet mais très vite, au mois de février suivant, j’ai basculé avec la réserve de National 3, parce qu’elle était mal en point. Je suis venu épauler l’entraîneur, Alexis Loreille, que j’avais eu en U18, et avec qui je m’entendais très bien. Et finalement, on a réussi à se sauver à la dernière journée et à maintenir l’équipe en N3 ! Derrière, j’ai enchaîné quatre saisons avec la réserve.

Actuellement, vous êtes en disponibilité de la mairie de Dèsvres, n’est-ce pas ?
Oui. Et je remercie la mairie, parce que depuis deux ans et demi, je peux m’atteler à la tâche de l’USBCO. C’était le deal à l’époque. J’avais des diplômes d’éducateur sportif, le BEESAPT et le BE foot, donc ce que je voulais, c’était devenir éducateur sportif dans une commune, travailler dans des écoles. Puis j’ai passé le concours d’éducateur territorial des APS (activités physiques et sportives, ETAPS), et j’ai encadré les enfants dans les écoles à Dèsvres, dans les centres de loisirs, dans les associations. On a développé pas mal de choses. A Dèsvres, on est trois éducateurs sportifs dans un service qui fonctionne très bien.

« J’ai beaucoup appris au contacts des coachs à l’USBCO »

Photo Philippe Le Brech

Quand vous êtes revenu à Boulogne pour entraîner les U16, n’était-ce pas une forme de « rétrogradation » pour vous qui veniez de passer plusieurs saisons en seniors au Portel ?
Non. Ma passion, avant tout, c’est le foot. J’ai entraîné toutes les catégories d’âge et je prends toujours du plaisir, que ce soit dans la formation des jeunes ou dans l’entraînement des seniors. Forcément, j’avais comme objectif de continuer à progresser, à entraîner, d’être au contact de coachs expérimentés qui pouvaient m’apprendre beaucoup de choses. Et puis c’était l’occasion de retrouver mon club. Ce n’était pas une rétrogradation mais l’envie de prendre du plaisir et de transmettre. Quand l’opportunité d’aller en seniors et de relever le défi du maintien avec Alexis, que j’apprécie beaucoup, est arrivée, c’était aussi un beau challenge, qui m’a conforté dans mon idée que, avant tout, un coach, c’est un staff, et quand il n’y a pas de faille dans le staff, on peut réussir de belles choses, ce qui est le cas aujourd’hui en National.

Vous aimez apprendre des autres coachs : à Boulogne, vous avez dû être servi avec tous ceux qui y sont passés ces dernières saisons…
Forcément, comme j’avais la réserve, j’ai eu beaucoup de contacts avec les coachs de l’époque de l’équipe fanion, Olivier Frapolli, Laurent Guyot, Eric Chelle, Stéphane Jobard. J’ai toujours été proche d’eux, notamment de Laurent et Olivier qui sont restés un peu plus longtemps. On a pu beaucoup échanger et j’ai appris d’eux.

Photo Philippe Le Brech

Vous ne vous êtes jamais dit « Un jour je serai coach de l’équipe fanion de l’USBCO… » ?
C’est vrai que, dans un coin de ma tête, me titillait l’idée d’avoir une expérience, plutôt comme adjoint, à un niveau supérieur, mais j’étais aussi devenu responsable de la formation à l’USBCO, afin de redynamiser l’équipe d’éducateurs et remettre les choses en place. Vous savez, à Boulogne, on a une équipe d’éducateurs très solidaire, où les gens s’apprécient énormément. Donc quand j’ai eu l’opportunité de reprendre l’équipe première, l’année dernière, et en plus avec un de mes meilleurs amis (Antony Lecointe), ça a fait tilt (rires) !

Dans la liste des entraîneurs côtoyés à Boulogne, vous n’avez pas cité votre prédécesseur, Christophe Raymond…
Mais je l’apprécie beaucoup ! C’est un oubli. C’est vrai que cela a duré peu de temps, j’ai beaucoup échangé avec lui. J’ai toujours été au service des coachs quand j’avais la réserve, pareil avec Christophe, qui est un bon coach, malheureusement, avec lui, la mayonnaise n’a pas pris.

« C’est la première fois que je gère des gens dont le foot est le métier »

Avec Anthony Lecointe. Le PhotographeHDF

Parlons de votre staff : vous le mettez sans cesse en avant, notamment votre adjoint, Anthony Lecointe…
Anthony, c’était mon capitaine au Portel, et j’échangeais déjà beaucoup avec lui. On a un fonctionnement bien défini. D’abord, je fais énormément confiance à mon staff, que cela soit Antoine Decaix notre préparateur physique, qui a lui aussi pas mal d’expérience. On a décidé de se faire confiance les uns les autres. Antoine a proposé une méthode de travail au niveau athlétique avec de « l’intégré » et du « dissocié », du travail pur de course parfois, et une planification. J’ai donné quelques lignes directrices. Moi, j’ai beaucoup travaillé sur l’aspect mental et humain, parce qu’avec Anthony (Lecointe), on croit beaucoup en l’humain. Anthony, lui, est plus dans la gestion tactique de l’équipe parce qu’il a une sensibilité, il observe beaucoup les matchs; après, forcément, il a été un joueur de haut niveau. Moi, j’ai déjà géré beaucoup de groupes, beaucoup d’hommes, même si là, c’est la première fois que je gère des homme dont le football est leur métier. On a beaucoup échangé là-dessus. J’ai aussi essayé de me servir des bienfaits des coachs qui m’ont précédé, mais aussi de ce qui me semblait parfois être de petites erreurs.

Un exemple d’erreur ?
Je pense que, quand on est pris par la machine des résultats, on regarde moins certains joueurs qui sont en réserve par exemple, parce qu’on a tendance à dire qu’ils sont à la cave alors que quand l’entraîneur de l’équipe réserve les a avec lui, il peut se rendre compte que, parfois, un mot, un regard, un peu d’attention, permet de relancer la machine : j’en ai eu l’exemple avec un garçon comme Jean Vercruysse, qui aujourd’hui est dans notre équipe en National. Jean était en réserve avec moi pendant 3 mois, il n’avait certainement pas eu la bonne attitude avec le coach de l’équipe Une (titulaire indiscutable en début de saison 2022-23, il avait ensuite été écarté pour « raisons disciplinaires ») et quand il est revenu, c’était un homme neuf. C’est important de s’appuyer sur les expériences de chacun.

« On est un staff sans faille »

Le Photographe HDF

Vous avez parlé d’Anthony, d’Antoine, et il y a aussi Hugo Stevenart dans votre staff…
Oui, c’est l’entraîneur des gardiens, il est plus jeune que mon premier fils (Hugo a 21 ans) ! On travaille tous les quatre en osmose. On est très proches les uns des autres. Je dis souvent à Antoine qu’ils pourraient être mes fils, ils me le rendent bien ! On se dit les choses. On est un staff sans faille.

Vous êtes aussi un staff boulonnais…
Oui, c’est aussi ce qui fait notre force. En terme de soutien populaire, les gens sont très chauvins, et le fait que le staff soit d’ici, avec Anthony forcément, qui est une icône à l’USBCO, avec moi, qui suis du quartier du chemin Vert à Boulogne, on a cette chance-là, d’être « populaires » entre guillemets, et puis on connaît le club de fond en comble, on connaît son histoire, on s’appuie dessus, c’est super-important. Je connais l’USBCO depuis que j’ai 8 ans ! J’ai tout connu, la DH, la Ligue 1…

« J’ai dit oui au président avant même de prévenir ma femme ! »

Un staff sans faille. Photo Philippe Le Brech

Début février 2023, le président Vincent Boutillier vous demande de prendre en charge l’équipe Une, dernière de N2 : avez-vous hésité, avez-vous eu peur ?
(Catégorique) Non. Je n’ai pas hésité. Il m’a appelé un lundi soir et m’a dit qu’il voulait prendre le petit déjeuner avec moi le lendemain matin. Je me suis demandé ce qu’il voulait. Je pensais qu’il me demanderait d’épauler le staff ou de prendre l’équipe Une, mais je n’avais pas d’indication. En fait, je pensais vraiment que l’on allait me demander d’intégrer le staff, parce que je m’entendais bien avec Christophe (Raymond), mais le club a décidé de se séparer de lui et a pensé que je pouvais être l’homme de la situation. Le président m’a demandé, si je prenais l’équipe, avec qui je voudrais travailler, et quand j’ai répondu sans hésiter Anthony (Lecointe), il m’a répondu « ça tombe très bien, j’ai pensé à la même personne que toi ! ». Et il m’a aussi dit : « J’ai besoin de ta réponse, mais tout de suite ». Donc j’ai dit oui, et on est parti voir Anthony, et avant même de prévenir nos femmes, on avait chacun donné notre accord (rires) !

Depuis votre prise de fonction, les résultats sont là, avec peu de défaites, 9 à ce jour, étalées sur trois saisons…
Neuf défaites ? C’est vrai, on a peu de défaites. La saison passée, en National 2, on a perdu 5 matchs je crois. Je savais que l’on était à moins de 10 défaites, mais je ne suis pas trop branché « stats », d’ailleurs, on m’a déjà reproché de ne pas le dire assez souvent. Je sais juste que, à un moment donné, on a avait 26 victoires sur 30 matchs.

« On aime les gens qui donnent tout »

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo USBCO

Y-at-il un style Dagneaux ?
Il n’y a pas de style Dagneaux en particulier, d’autant moins que l’on fonctionne en staff; à la limite, on pourrait plus parler de style Dagneaux-Lecointe. Je suis comme Anthony, nous on aime les gens qui donnent tout. On est dans un principe de ne jamais rien lâcher, de se dire que, sur le terrain, c’est 11 contre 11. Un homme reste un homme, c’est pour ça que l’aspect mental me paraît primordial, même s’il faut s’appuyer sur des aspects tactique et technique.

Voilà pourquoi notre binôme se complète très bien, car nous sommes deux personnes qui maîtrisons parfaitement ces points là, le mental et la tactique. Il faut rendre à César ce qui lui appartient : Anthony a beaucoup de clairvoyance dans le domaine tactique. Et dans l’aspect mental, je suis un meneur d’hommes comme on dit, je peux emmener avec moi des gens dans des défis un peu fous !

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo 13HF

La préparation mentale, c’est quelque chose qui vous a toujours plu ?
Oui. Je reste persuadé que, arrivé à un niveau, tous les joueurs ont le même bagage tactique et technique, et celui qui fait la différence, indépendamment du don, des qualités techniques et athlétiques que tout le monde n’a pas, c’est celui qui a une force mentale incroyable. J’ai vu évoluer des garçons comme Franck Ribéry ou même Anthony (Lecointe), avec tous les deux des caractéristiques différentes, j’ai côtoyé de près Jimmy Gressier, que j’ai eu comme joueur de foot (le champion d’athlétisme est né à Boulogne, quartier du chemin Vert lui aussi, et a joué à l’USBCO; Ndlr) ce sont des gens qui ont une force mentale incroyable, et qui, quand ils se donnent un objectif, le réalisent, parce qu’il parviennent à se surpasser dans la durée. On voit bien l’importance de l’aspect mental dans tous les sports. Se surpasser à l’instant T, tout le monde est capable de le faire, mais pour être un sportif de haut niveau, il faut le faire sur la durée. Une équipe, c’est pareil.

Quand j’ai pris la réserve, dernière de N3, on m’avait dit « Ce n’est pas grave si on ne se maintient pas, on continuera avec toi, etc, etc…  » Et là, j’ai dit « Comment ça si l’équipe réserve ne se maintient pas ? » On avait 14 points en février et j’ai dit « On va se maintenir ». Il n’y avait que deux personnes à y croire, Alexis (Loreille) et moi. On a renversé le mental de cette équipe. Et on y est arrivé. C’est un peu la même expérience que j’ai vécue avec l’équipe première de l’USBCO à ma prise de fonction en N2 : tout le monde nous voyait déjà en National 3 et parlait de reconstruire un projet… En fait, le président, le directeur général (Jérome Fouble), Anthony et moi, étions les seuls à y croire, et très vite, l’aspect mental a basculé, le groupe a vécu différemment, sur de la cohésion, sur l’envie de s’emmener les uns les autres. Anthony a apporté sa touche tactique, c’était vraiment la bonne complémentarité.

D’où vient ce goût pour l’aspect mental ?
Peut-être que ça vient des gênes de notre quartier, parce qu’on est tous ici du même quartier du chemin Vert, à Boulogne, alors quand on veut quelque chose, eh bien on l’obtient !

« Je suis content que l’on m’ait donné ma chance »

Les valeurs de l’USBCO, affichées devant le couloir menant aux vestiaires. Photo 13HF

Cette saison, vous découvrez le National dans le rôle de l’acteur, mais vous aviez eu le temps de vous faire une idée de ce championnat, quand vous étiez spectateur …
C’est sûr que là, en National, on est monté d’un cran en termes d’exigence. On essaie d’être encore plus pointilleux dans notre travail, encore plus dans le détail. On s’est rendu compte très vite que c’était un autre monde, ne serait-ce que dans les infrastructures, dans la qualité des joueurs, dans l’approche tactique des équipes. On sent qu’on est dans le monde pro, où tout au moins qu’on est très près du monde pro. On essaie de vite s’adapter au niveau aussi, parce qu’on a beaucoup de joueurs qui n’ont jamais joué en National. C’est vraiment un beau championnat et on espère y rester ! Par le passé, j’ai vu beaucoup de matchs de Boulogne en National même si, quand j’étais au Portel, je m’entraînais le vendredi soir, mais depuis que je suis revenu, j’ai vu tous les matchs, j’ai fait aussi deux intérims, quand Laurent (Guyot) et Stéphane (Jobard) ont eu la Covid, j’avais touché un peu le banc. Même quand Boulogne jouait à l’extérieur, je regardais les matchs chez moi, comme j’étais le coach de la réserve en plus… C’est là aussi où j’ai beaucoup appris : par exemple, avec Laurent (Guyot), le lundi, on discutait souvent du match de l’équipe réserve et aussi de son match, on échangeait.

Entraîner l’équipe Une de l’USBCO, c’est une revanche pour vous qui étiez déjà parti deux fois du club ?
Non. Il n’y a aucun côté revanchard. Je suis juste très content qu’on ait pu me donner ma chance, d’avoir parcouru tous les étages du club. Je vais vous faire une confidence : le jour du maintien en National 2… J’en suis encore ému rien qu’en en parlant… Ce jour-là, je me suis revu quand j’étais petit, quand je venais au stade, quand j’étais poussin, et là, je sauve le club d’une descente en N3. C’est l’image qui me revient et qui me restera. Et je me suis redit la même chose au printemps dernier, quand on est monté en National : « Voilà, t’as réussi un pari, avec des joueurs du cru, avec mon ami Anthony »… Parce qu’Anthony, je suis aussi son témoin de mariage. Là encore, plein d’images me sont passées par la tête, quand j’étais petit, mes entraîneurs, mes dirigeants. J’ai dû m’isoler un moment quand tout le monde était sur le terrain, parce que tout m’est revenu en tête.

« Le stade de la Libé transpire plein de choses chez moi »

Pour Fabien Dagneaux, « Boulogne est une vraie ville de foot ». Photo 13HF

Qu’est ce qu’il a de si particulier ce stade de la Libération ?
Il y a toujours eu une ferveur ici. Quand j’étais petit, le club était en DH, et même à ce niveau, il y avait du monde, alors qu’il avait joué en Division 2 juste avant. J’y ai tout connu. J’y ai joué dessus en foot à 7, en pupilles, forcément, il transpire plein de choses chez moi. Les gens lui sont fidèles. L’ambiance est bonne. C’est un stade qui regorge d’anecdotes, d’images, de souvenirs, qui nous fait vibrer, et aujourd’hui, de le voir rempli comme ça, de voir cette ambiance … D’ailleurs je remercie les supporters, parce qu’on a une vraie et belle ambiance, que je ne retrouve pas partout ailleurs.

Et ce public… On a l’impression qu’il encourage en toutes circonstances, qu’il est toujours derrière son équipe même quand ça joue mal…
Le public boulonnais, c’est un peu comme le monde de la pêche : il a surtout envie que les joueurs mouillent le maillot même si on est moins forts, même si on joue moins bien; ça, on l’avait beaucoup expliqué aux joueurs quand on avait repris l’équipe. Ici, ce n’est pas parce qu’on va jouer comme le Barça que le public sera content. Ce que les gens veulent, c’est des joueurs qui mouillent le maillot, qui se dépassent, et là, le public applaudira aussi bien un tacle, un but sauvé sur la ligne, un ballon dégagé en touche pour ne pas prendre de risque, qu’un beau geste technique ou plusieurs passes consécutives. Tout ça, c’est aussi quelque chose que l’on a mis dans les valeurs de notre équipe. On a le droit d’être moins bons que l’adversaire, mais on n’a jamais le droit de lâcher. Par exemple, récemment, contre Le Mans, on fait une bonne première période (2-0 à la pause), on est malmené en deuxième (Le Mans revient à 2-2) mais les joueurs n’ont pas lâché, et même si on avait fait 2 à 2, le public aurait été content, il aurait applaudi aussi, parce que les joueurs n’ont pas lâché (l’USBCO a finalement gagné 3-2 à la 90e). C’est une de nos vertus.

« Les valeurs de solidarité, comme quand on va en mer à la pêche »

Photo 13HF

Boulogne, vraie ville de foot ?
Oui, je pense que c’est une ville de foot plus qu’à Dunkerque, par exemple, qui est une grosse ville, et où il y a beaucoup de sports, Calais était une ville de foot aussi, d’ailleurs quand on était jeune, les derbys Boulogne-Calais, c’était quelque chose ! Il y a avait une rivalité bon enfant. Calais et Boulogne sont des vraies villes de foot. Dunkerque est plus omnisports.

Boulogne est connue pour être un port de pêche très actif économiquement : existe-t-il un lien avec le foot ?
Oui. Quand j’étais junior, j’ai été papa très jeune et j’ai travaillé très tôt avec monsieur Wytz dans une boîte d’import-export de poissons, dans la zone Capécure, et quand monsieur Wattez (président de la société COPALIS, spécialisée dans la valorisation des produits de la pêche) est arrivé à l’USBCO, tout le secteur de la pêche était derrière le club. Tous les Boulonnais ont un membre de leur famille qui ont un lien de travail avec la pêche, j’avais un oncle qui travaillait à la marée, comme on dit, des marins-pêcheurs dans la famille, Anthony a aussi travaillé à Capécure. Tous les Boulonnais ont un lien avec la pêche et le club de foot a une histoire avec elle, avec ces valeurs humaines très importantes, ces valeurs de solidarité quand on va en mer.

En ville, les gens vous reconnaissent-ils plus facilement ?
C’est l’avantage et l’inconvénient d’être un pur boulonnais ! Où que j’aille, il y a toujours des gens qui vous parlent de foot, ils sont contents de voir des Boulonnais à la tête du club, bien sûr, et quand on a des résultats, comme en ce moment, on a des encouragements. Les gens parlent avec nous ou nous disent juste bonjour, on sent qu’on leur donne du plaisir, et ça, c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché, idem pour les autres membres du staff : on a donné du plaisir aux gens, et ça, le mérite en revient aussi à l’équipe. On se rend compte que le foot peut vraiment être un vecteur de joie. On sent vraiment que le regard des Boulonnais envers le club est différent, qu’ils sont joyeux, derrière nous, et ça fait chaud au coeur quand on est natif d’ici. Parce qu’on connaît les problèmes sociaux que certains rencontrent. On a été au coeur de ça. Alors donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme. On me répète souvent aux joueurs : « Prenez du plaisir mais n’oubliez pas d’en donner aux autres ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Vous avez manqué :

– Vincent Boutillier : « J’ai envie de reconstruire une histoire à Boulogne (novembre 2022) :

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– Sébastien Flochon : « À Boulogne, on respire le foot ! » (mai 2024)

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– Sylvain Jore : « À Calais, les gens n’attendent que ça » (septembre 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-3-sylvain-jore-a-calais-les-gens-nattendent-que-ca/

 

Arrivé début avril, le nouveau président de l’USO a déjà dû gérer pas mal de dossiers chauds dont celui des féminines, un épisode qui a laissé des traces. Il devra aussi se pencher sur celui des infrastructures, une nécessité économique selon lui.

Par Anthony BOYER / Photos : US Orléans

Avec le rachat au printemps dernier de l’US Orléans par Cyril Courtin, chef d’entreprise et président de HR Path, une société basée à Paris, spécialisée dans les ressources humaines et la « tech », et reconnue à l’échelle internationale, une page de l’histoire s’est tournée. Et si Philippe Boutron, qui a passé près de 15 ans à la tête de l’USO, n’a pas cédé aux sirènes de ces fonds d’investissement étrangers, c’est tout à son honneur, surtout que Cyril Courtin, 52 ans, est né à Orléans, a fréquenté les bancs du lycée voisin de La Source à Voltaire, y a encore des amis et des attaches familiales, et ça, finalement, c’est le signe d’une stabilité et d’un désir de ne pas perdre son identité et son ancrage local.

L’USO est a priori entre de nouvelles bonnes mains et Cyril Courtin, un homme chaleureux, disponible, ouvert et à l’écoute, qui ne manque pas d’idées, n’est pas venu tout seul : il est accompagné d’un co-actionnaire, François Boulet, co-fondateur et co-président de HR Path, dont on peut désormais voir le logo sur les maillots.

Vendredi dernier, depuis ses locaux parisiens, Cyril Courtin a répondu à nos questions à bâtons rompus et accepté de revenir sur certains dossiers « chauds » de l’actualité récente de l’USO. Il faut dire que, pour un club à la réputation « tranquille », il s’est passé énormément de choses en six mois : maintien en National à assurer, chèque de 2 millions à signer pour terminer la saison, départ de l’attaquant Kevin Fortuné en avril, passage devant la DNCG (le club était sous la menace d’une rétrogradation administrative en N2), départ du coach Karim Mokeddem pour Sochaux, coupe franche chez les féminines avec une demande de rétrogradation de D2 en D3, arrivée d’un nouveau coach (Hervé Della Maggiore), mercato, la buvette qui prend feu, le rugby qui veut jouer à La Source, etc. Suffisant pour faire dire à Cyril Courtin, qui a extrêmement mal vécu l’épisode de la section féminine, au point d’avoir songé à revoir son engagement, qu’il est « blindé ».
Il raconte ses premiers mois à la tête de l’USO et son désir de voir un nouveau stade sortir de terre. Il en va, selon lui, de l’avenir du club et de sa pérennité économique.

Interview : C’était un rêve de gosse !

Vous étiez déjà actionnaire de l’USO entre 2015 et 2018. Pourquoi être revenu en force au printemps, en rachetant le club ?
On n’a qu’une vie ! C’était un rêve de gosse de pouvoir m’impliquer, d’une façon ou d’une autre, dans le monde du sport, du football en particulier. Effectivement, j’avais eu cette expérience inachevée entre 2015 et 2018, parce qu’un ami m’avait présenté Philippe Boutron (l’ex-président). Cela avait été une expérience très positive et puis, un peu avant l’été 2023, ça m’a vraiment trotté dans la tête : j’ai 51 ans à l’époque, ce n’est pas dans 20 ans qu’il faudra le faire ! J’avais envie de voir autre chose. J’ai initié quelques contacts via Vincent Labrune (le président de la LFP est un de ses amis d’enfance), et pour être très transparent, je me suis aperçu que l’une des contraintes de l’US Orléans, c’était que cela ne soit pas tout près de chez moi, à Paris, du coup j’ai d’abord regardé un peu plus en région parisienne, sans que cela n’aboutisse à quoi que ce soit. Et puis il y a eu l’alignement des planètes : voilà un an, Philippe Boutron, avec qui j’avais gardé de très bons rapports, m’a appelé, et m’a signifié qu’il allait raccrocher. Il m’a demandé si c’était quelque chose qui pouvait m’intéresser. Cela tombait bien puisque c’était un vrai projet, donc je lui ai répondu oui. Une fois que je lui ai dit ça, il a fallu voir les conditions, le planning pour me laisser un peu de temps, les finances, et on a échangé entre octobre 2023 et mars 2024 pour arriver jusqu’à cette fameuse vente du 5 avril dernier. Cela a été un peu une course contre la montre. Le club était vraiment en grosses difficultés, il lui fallait absolument un repreneur. C’est là où je suis arrivé avec plein de bonnes ondes.

Pourquoi le choix de l’US Orléans ?
Cela cochait toutes les cases sauf l’extrême proximité. Il y avait tout le reste : le foot, mon club de coeur, ma ville natale, donc c’est comme ça que je suis arrivé.

La situation financière critique dans laquelle était le club, cela ne vous a pas effrayé ?
Oui, la situation était compliquée financièrement, elle l’est toujours parce qu’elle n’a pas beaucoup changé. Mais c’est surtout que, sportivement, à mon arrivée, on jouait le maintien, parce qu’avec les 6 descentes en National 2, jouer sans attaquant… Il y a eu une histoire avec notre attaquant principal (Kevin Fortuné) qui a dû quitter le club, on avait d’autres attaquants blessés, donc on a réussi à faire des 0-0 jusqu’à l’avant-dernier match à domicile contre le Red Star où, là, on gagne 2-1, tout en étant conscient aussi que notre adversaire était déjà assuré d’être en Ligue 2. Ce fut ma première onde positive.

« C’est Vincent (Labrune) qui a parlé de moi à Philippe (Boutron) »

Philippe Boutron a présidé l’USO de 2010 à avril dernier.

Pourquoi, selon vous, Philippe Boutron a pensé à vous ?
Parce que j’avais demandé des infos à Vincent Labrune sur des clubs potentiellement intéressés par une vente ou l’arrivée d’autres actionnaires, et comme il y a des réunions assez régulières entre les présidents de clubs professionnels, Philippe a croisé Vincent et il lui en a parlé, et puis Vincent lui a dit « tu devrais appeler Cyril, ça peut l’intéresser ». C’est comme ça que le contact s’est fait.

Quand vous dites que, géographiquement, vous n’êtes par à Orléans, vous n’êtes cependant pas loin non plus…
C’est vrai, mes bureaux sont à Paris, j’habite Sèvres, donc je suis du bon côté ! J’ai une heure et quart porte à porte, ça se fait assez bien, et puis j’ai de la famille et des amis à Orléans. Mercredi dernier, par exemple, j’étais au match à La Source (contre Valenciennes, match en retard, victoire 4-1) et je suis resté dormir chez ma maman. Mais bon, je ne suis pas tous les jours au club, parce mon activité principale reste mon entreprise. C’est pour ça, de ne pas pouvoir consacrer assez de temps à l’USO est une de mes frustrations, et de ne pas pouvoir y consacrer plus de moyens aussi, mais ça va, ce n’est pas si lourd.

Orléans, ce n’est pas non plus si éloigné que ça de vos bureaux à Paris…
Oui c’est vrai. Et puis je crois, même si je ne suis pas sûr du chiffre, qu’il y a environ 5000 personnes d’Orléans qui bossent à Paris, et même dans les deux sens maintenant. Depuis la Covid, beaucoup de Parisiens sont venus s’installer vers Orléans, mais à moyen terme, cela risque d’être un peu compliqué, parce que les boîtes sont en train de revenir en arrière. D’ailleurs, je ne suis pas le dernier à penser que l’on ne peut pas tous travailler à 100 % derrière un PC.

Racontez-nous votre histoire : vous êtes né à Orléans ?
Oui et j’y suis resté jusqu’à la fin de ma maîtrise, puis j’ai fait un an à Grenoble, je suis revenu à Orléans où j’ai fait un service civil, puis j’ai été recruté par une boîte dans les études économiques d’urbanisme à Orléans, j’y suis resté un an et puis ma petite amie de l’époque, qui est mon épouse aujourd’hui, faisait ses études à Paris, c’était l’époque des démarrages forts autour des activités de la SAP (outil RH), c’est comma ça que j’ai été recruté en 1998 à Paris.

« Changer les habitudes, ce n’est pas évident »

Avec le co-actionnaire de l’USO et co-fondateur de HR Path, François Boulet.

Succéder à Philippe Boutron, qui a marqué le club pendant près de 15 ans, c’est difficile ?
Difficile, pas tant que ça. Philippe m’a proposé de m’accompagner, mais ne s’immisce pas. Il vient très régulièrement aux matchs, d’ailleurs, il est mon invité permanent au stade de la Source, il le sait. Vous savez, j’ai un immense respect pour tout ce qu’il a fait. Le fait qu’il ait choisi mon offre, qu’elle soit prioritaire, que je sois Français, Orléanais… Cela a facilité les choses. La seule difficulté, mais elle est humaine, ce sont les habitudes : parce qu’il y a au club des personnes en place depuis 30 ans ou 40 ans, et changer les habitudes, ce n’est pas évident, mais ça, c’est valable partout. Les Français y sont réfractaires. Il faut y aller petit à petit, je ne suis pas un bulldozer. J’ai un super DG (Reynald Berghe, directeur général), mais il faut améliorer, professionnaliser, donner des moyens humains et financiers. Quand je suis arrivé, j’ai rencontré les plus gros partenaires. Il y en a un, qui s’appelle « partnaire » justement (Agence d’intérim Partnaire, un des principaux sponsors et partenaire maillot), qui n’a pas continué, mais ce n’était pas contre moi, c’est juste qu’il était là par amitié pour Philippe, d’ailleurs je savais qu’il allait stopper son engagement quand j’ai signé le rachat de l’USO. Sinon, j’ai été plutôt bien accueilli. Après, on est dans le foot, donc je sais très bien que, quand cela ne va pas bien, c’est l’entraîneur et le président qui trinquent. Là, les résultats sportifs sont positifs, les gens sentent qu’il y a un dynamisme et une volonté de changement, d’aller vers le haut, de dépoussiérer, de ne pas rester dans une routine sur un certain nombre de sujets.

Adolescent, vous alliez voir les matchs à La Source ?
Je suivais le club, oui, mais je ne suis pas allé voir beaucoup de matchs quand j’étais petit, pour une raison logistique : j’habitais Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, mes parents arboriculteurs bossaient sept jours sur sept et ne pouvaient pas m’emmener au stade. Donc jusqu’au bac, j’allais au lycée en bus, à Voltaire, à La Source justement, et je rentrais. J’ai joué au foot jusqu’à 12 ans dans le club de Saint-Hilaire et dans les regroupements de clubs avec Dry, avec Mareau (Mareau-au-Près), etc, je faisais de la musique en parallèle, je n’ai pas eu le choix, j’ai dû arrêter le foot, j’ai continué la musique. Et le samedi, on se donnait rendez-vous à 15h au stade du Donjon à Olivet, on jouait de la musique avec un groupe de potes, Vincent (Labrune) venait de temps en temps, c’est là que j’ai rencontré plein de gens. C’était devenu une institution. Mais je n’ai pas eu la possibilité d’aller voir beaucoup de matchs. Après, quand j’étais actionnaire, je venais au conseil d’administration mais je n’allais pas régulièrement au stade, mes enfants étaient plus petits aussi.

« La réalité a dépassé ce que j’imaginais »

Avec Jean-Michel Aulas.

L’USO, c’est un peu un échappatoire ? Une façon d’évacuer, de sortir du cadre de votre entreprise, de voir autre chose ?
Oui, oui ! Bien sûr, il y a la volonté de bien faire, mais aussi de voir autre chose. Mon associé le sait : en rachetant l’USO, j’avais tout évalué, même l’option de complètement sortir de ma boîte actuelle, mais finalement, après avoir échangé avec les associés de manière transparente, on a trouvé ce modèle qui me va bien sur le papier, même si on fait plus que 100 % mais ça, c’est la vie, parce que j’avais envie de connaître autre chose. La réalité a dépassé ce que j’imaginais. Et puis, quelque part, de se mettre un peu « à risque », d’apprendre de nouvelles choses… D’ailleurs, j’ai plus appris en six mois à l’USO que pendant un certain nombre d’années dans ma boîte où tout est bien rodé. Là, quand vous arrivez dans le foot, qu’on vous parle de la DNCG, des budgets, des règles entre l’association et la SASP… J’apprends et je fais tout ça avec beaucoup d’humilité. Je fais confiance à des gens. Je voulais voir deux mondes différents, changer de costume, avec aussi des choses qui se rapprochent, parce qu’un club de foot reste une entreprise, et d’être impliqué.

C’est important pour vous d’avoir François Boulet avec vous dans l’aventure ?
Oui, c’est important, parce qu’on est très-très différent, c’est ça un binôme, même s’il me laisser gérer. François (Boulet), mon associé, même s’il n’est pas visible, est aussi mon co-actionnaire. Cela faisait partie des cases que je souhaitais. On est solidaire. Et quand il y a eu cette histoire avec l’équipe féminine, heureusement que j’avais mes proches et lui, qui m’ont soutenu. J’ai pris sur moi-même. Quelle injustice ! Pendant quelques jours, personnellement, j’allais très mal. Il m’a forcé la main pour prendre une boîte de communication afin de mieux gérer certaines situations. François, je le remercie chaque jour de m’avoir proposé, de m’avoir imposé même son soutien. C’est un vrai plus. Il m’a dit « On le fait ensemble ».

« Personne ne m’a mis des menottes »

Les joueurs de l’USO ont battu Valenciennes mercredi dernier et pointent à la 3e place du National après 8 journées.

Maintenant que vous êtes dans le foot, c’est comment de l’intérieur ?
(Catégorique) C’est compliqué. C’est magique aussi. J’en parlais justement l’autre jour avec Hervé (Della Maggiore), notre entraîneur, qui disait : « le foot, c’est 20 % de bonheur et 80 % d’emmerdes ». Je dirais plutôt « 10 % de bonheur et 90 % d’emmerdes », parce que, jusqu’à présent, je peux compter sur les doigts de la main les vrais moments de plaisir. Bien sûr, je prends du plaisir au quotidien, mais ce qui est compliqué, c’est d’être en National parce qu’il n’y a pas de moyens financiers. Certains clubs arrivent à équilibrer leur budget, ou alors ce sont des budgets moins élevés ou alors ils ont des gros fonds d’investissement qui mettent beaucoup d’argent. Et puis, il y a les liens avec l’association : il ne faut jamais oublier qu’il y a beaucoup de personnes qui sont bénévoles, qui donnent de leur temps après leur travail, ce n’est pas évident de faire avancer la machine, parce qu’on ne peut pas non plus trop pousser des personnes qui ne sont pas salariées. Ma plus grosse frustration, elle est là : c’est d’être contraint par des budgets; même si on met beaucoup d’argent dans le club, ce n’est jamais assez, ce n’est pas comme dans mon entreprise, qui a des moyens, qui est rentable, qui a des budgets de développement consacrés au marketing et à la com’, qui a des méthodes de management, alors qu’à l’USO, on regarde, on se dit « il faudrait faire ça », « ça coûte tant », « dommage on ne va pas pouvoir le faire ». Pour synthétiser, c’est plus dur que ce que je ne le pensais, mais je l’ai choisi, je ne m’en plains pas. Personne ne m’a mis des menottes. Après, il ne faut pas trop venir « m’emmerder » non plus !

« Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre »

Avec l’un des deux membres du groupe La Jarry, qui a composé le nouvel hymne de l’USO.

Depuis votre arrivée, vous n’avez pas eu le temps de vous ennuyer, avec déjà pas mal de « crises » et de choses à gérer…
Ah oui oui ! D’ailleurs, en plaisantant, Philippe (Boutron) me dit, « t’es un champion du monde », et mes potes me chambrent en ce moment, ils me disent : « Que se passe-t-il à l’USO, c’est bien calme en ce moment ?! » En fait, quand je suis arrivé, on ne pensait d’abord qu’à se sauver en National. Et il y a eu ce match face au Red Star, un super-moment. Une fois ce maintien assuré, cela a été pire après, car il a fallu se plonger dans les budgets. j’en avais présenté un sur 3 ans à la DNCG, je me suis promis avec mon associé d’être en conformité avec ça, mais que je ne ferais pas plus, sinon à court terme, cela pouvait enlever une année, mais il a fallu faire des réajustements, et je ne détermine pas les règles du foot… Le seul moyen de parvenir à avoir plus de ressources, c’est de monter en Ligue 2 mais je n’ai pas la prétention de garantir que l’on va y arriver donc on ne pouvait pas sanctionner l’équipe masculine alors on a regardé vers les féminines, mais contrairement à ce que les médias ont dit, il n’a jamais été question de supprimer la section féminine, mais de la descendre d’un niveau (de D2 en D3). J’ai sous-estimé l’impact médiatique mais j’ai été aussi maladroit. Certaines personnes de l’association m’ont un peu lynché, et elles ont préféré quitter le navire plutôt que d’affronter leurs responsabilités. Dans le même moment, Karim (Mokeddem, l’ex-entraîneur) décide de partir, il faut reconstruire l’équipe, il faut présenter un budget devant la DNCG… voilà, c’était un enfer.

Cette polémique sur les féminines, on sent que cela vous a vraiment marqué…
Oui, et je ne cache pas que … Je n’étais pas très loin de… (Il se reprend) Parce que là, ce n’est pas le club que l’on attaquait, mais moi. Je trouvais ça décalé de la réalité. C’est allé très loin, jusqu’à la ministre des Sports. Ce n’était pas ma décision, mais une décision « club ». J’ai quand même tout fait pour essayer de le sauver, donc je n’ai pas dormi pendant une semaine. Je n’étais pas loin d’aller devant la DNCG, de défendre le budget de l’année prochaine, de mettre l’argent pour l’année prochaine, et après de dire « maintenant vous vous démerdez ». Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre. Et là, qui est venu sauver ma tête ? Jean-Michel Aulas (président de la nouvelle Ligue féminine de football professionnel) ! C’est lui qui est intervenu. C’est un grand monsieur. Il m’a appelé. Il m’a écouté. Il m’a compris. Il m’a aidé. Il a vu que je n’avais pas le choix. Il a calmé tout le monde, y compris la ministre qui ensuite est venue apporter son aide. Il faut bien comprendre que les aides ne peuvent pas être éternelles s’il n’y a pas des ressources supplémentaires qui arrivent, c’est pour cela qu’il faudra refaire des choix l’an prochain, réfléchir à des solutions alternatives. Je suis un entrepreneur, on n’est pas au casino, je ne vais pas faire « All in » (tapis), je ne peux pas miser sur une montée en Ligue 2. Ma réflexion n’a pas changé par rapport à ça.

« Ces premiers mois m’ont endurci »

Avec le président du District du Loiret, Benoît Laine.

Vous n’avez pas encore 7 mois de présence dans le foot et vous êtes déjà blindé !
Vous avez raison ! Le point positif, c’est que cela m’a endurci. Je n’apprécie pas énormément le conflit et là, j’ai pris cher, mais cela m’a beaucoup apporté d’un point de vue personnel. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise pour affronter la presse. C’est vrai que ces dernières années, les médias n’avaient plus trop parlé de l’USO. Là, des gens m’ont dit « au moins cela fait parler d’Orléans ». J’aurais préféré que l’on parle du club différemment. J’avais deux choix : soit j’allais au fight, mais je n’en avais pas la capacité, soit on prônait la solution de se faire aider en matière de communication et c’est ce que l’on a fait, donc je n’ai pas parlé directement, et aujourd’hui il y a des règles, on passe par la com’. Et puis les médias ont senti qu’ils étaient allés un peu trop loin, peut-être parce qu’ils ne me connaissaient pas, parce qu’ensuite, il y a eu des articles un peu plus de fond. Aujourd’hui, ma relation est très correcte avec eux. Mon téléphone reste ouvert. Quand je les croise on échange, parfois même en off, ça ne sort pas. J’aurais vraiment préféré que ces événements n’arrivent pas. Tout le club aurait pu être en péril parce que la DNCG, qu’est-ce qu’elle aurait dit si on n’avait pas fait ce choix ? Elle aurait rétrogradé les garçons. Cela a été une expérience douloureuse. Je suis sur que j’appréhenderai mieux les prochains événements difficiles.

« Mon objectif est sportif et économique »

Changeons de sujet : lundi 7 octobre, les présidents de National se sont réunis à la FFF et ont à nouveau évoqué la Ligue 3…
J’ai rencontré les présidents. Il y a des personnalités très très différentes, tant en termes d’âge que d’expérience, et je remercie Thierry (Gomez, président du Mans FC), qui est l’instigateur de tout ça, parce qu’on est beaucoup de présidents à être arrivés tout récemment. On a un groupe WhatsApp et on partage ces points communs : une énorme solidarité, l’envie d’avoir cette Ligue 3, d’être tous soudés, de pouvoir passer du temps ensemble de manière conviviale, de bien recevoir et d’être bien accueilli quand se déplace les uns chez les autres, parce que des matchs, on va tous en perdre et on va tous en gagner. Certains présidents sont plus dans le sportif, d’autres dans le développement du marketing et de la communication, c’est intéressant de partager toutes ces idées.

Avec le coach Hervé Della Maggiore.

Orléans, de l’extérieur, semble une ville tranquille, paisible, et son club de foot a traversé des périodes sombres, avec un historique lourd…
Orléans, c’est vrai, est une ville tranquille, bourgeoise, un peu « cul serré », où tout le monde se connaît et où tout le monde sait tout sur tout. C’est aussi pour ça que je suis content d’être à Paris, je n’ai pas de lien politique avec la ville, je suis un peu agnostique par rapport à ça. Après, c’est une très belle ville, qui s’est beaucoup améliorée en termes d’architecture ou d’un point de vue des transports ces dernières années, elle est attractive, parce qu’elle est à 100 gros kilomètres de Paris. Elle est attractive aussi pour les joueurs. Après, historiquement, l’US Orléans n’a jamais été en Ligue 1 et mon associé me dit souvent, en plaisantant, « On va aller jusqu’à la Ligue 1 et la Ligue des champions !!! » Non, mon seul objectif, il est sportif bien sur mais principalement économique. En National, il y a des grosses écuries. Regardez, vous avez vu les noms des clubs ? Je suis sûr que si l’on demandait à quelqu’un de pas très connaisseur la liste des clubs de Ligue 2 et de National, il se tromperait pour composer les deux championnats ! Le National, on dirait une Ligue 2, il y a de très bons clubs, le niveau de jeu est quand même très bon, alors bien sûr, il y a parfois des mauvais matchs, mais en Ligue 1 aussi parfois on se fait chier devant la télé.

« Ma vrai bataille, ce sont les infrastructures »

Le stade de la Source, à Orléans.

On dit que pour qu’un club puisse « tenir », il faut qu’il ait le bassin économique, la popularité, le soutien des instances et les infrastructures : l’USO a-t-elle tout cela ?
C’est un vrai sujet. Le bassin économique, on l’a, on est une métropole de plus ou moins 300 000 habitants tout de même. Orléans est une ville très étudiante, avec de grosses universités, des écoles, donc de ce point de vue-là, je ne suis pas inquiet. Il y a beaucoup de sport aussi à Orléans, le basket, le hand, le rugby, et c’est très bien, il n’y a pas de rivalité.

En fait, ma vraie bataille, ce sont les infrastructures. Je suis en train d’activer des réflexions, de pousser les murs. Je veux que l’USO ait un nouveau stade. Le mois dernier, la buvette a brûlé, il y a forcément des travaux à faire pour en reconstruire une. Ok, je ne suis pas fermé à des idées de rénovation, mais je pense que c’est une connerie (sic) de faire des millions de travaux dans un stade qui a plusieurs décennies, qui n’est pas forcément situé au bon endroit, même s’il y a beaucoup de transports. Après, il ne faut pas se leurrer non plus, on ne pourra pas construire un stade en centre-ville. Il faut juste bien le situer. C’est une nécessité économique. Le monde du sport évolue et si, pour des raisons X ou Y, l’USO doit rester encore quelque temps en National, il faudra trouver des ressources, or les seules ressources, ce sont les partenaires publics.

Bien sûr, il y a les partenaires privés aussi mais vous avez vu les loges à La Source ? On est très perfectible dans le domaine du réceptif. Le foot doit être un moment de convivialité, où on vient en famille, avec des clients, à un prix raisonnable. Avec le nouveau complexe CO’Met Arena, l’OFB basket arrive à avoir 8000 ou 10 000 spectateurs à chaque match : je suis très content pour eux mais est-ce que le basket ou d’autres sports attirent plus de spectateurs que le foot en général ? Deux ou trois fois par an, CO’Met est loué pour le handball, comme vendredi dernier, quand les « Septors » (Saran Loiret handball) ont joué devant 10 000 spectateurs (9069 billets vendus !) pour un match de handball de Pro D2, ils ont battu le record d’affluence de la division, avec un showcase, Big Flo et Oli, le bénéfice est énorme même si cela a un cout élevé. Et le président du Rugby (Didier Bourriez, président du RCO, Nationale 2) a déjà annoncé qu’il voulait joueur au stade de la source dès la saison prochaine… OK, je n’y suis pas opposé, je suis en bonne relation avec lui, mais là, on a balancé ça comme ça, alors qu’il n’y a rien d’officiel sur le sujet. Il y a quand même des contraintes.

Voilà, moi, je ne suis pas du tout opposé à l’idée de lancer la création d’un nouveau stade qui serait partagé par deux sports et de laisser le centre d’entraînement de l’USO au stade de la Source. J’espère un jour que l’on pourra lancer un centre de formation, en améliorant certaines choses. Je trouve que ce serait plus cohérent que de faire du rafistolage. Et je ne demande pas un gros stade. Entre 10 ou 15 000 places, avec du vrai réceptif, des commerces autour, bien situé, avec des transports.

« La Source n’est plus homologuée pour la L2 »

CO’Met Arena, un nouveau complexe à Orléans : la semaine dernière, un match de handball de Pro D2 a attiré 10 000 spectateurs.

Vous avez une vision à long terme, pas celle d’un président qui n’est là que pour deux ou trois ans…
En fait, s’il n’y a pas de nouvelles ressources, dans deux ans, je suis parti, parce qu’il faut savoir être raisonnable. Je ne vais pas dire à ma femme « Il faut vendre la maison ». J’espère qu’on y arrivera. Cela ne dépendra pas que de moi, parce que je prends beaucoup de plaisir mais aujourd’hui, avec les nouvelles règles de la Licence Pro, le stade de la Source n’est plus homologuée pour la Ligue 2. C’est ma vraie bataille. Et je vois que certains ne trouvent pas cette idée complètement idiotes : un stade, pour sortir de terre, il faut 3 ans. Indirectement, cela amènera des ondes positives pour tout le monde et apportera une nouvelle dynamique.

Sentez-vous le soutien des partenaires et des collectivités ?
Quand je suis arrivé au club, c’est l’une des premières questions que l’on m’a posées : allez-vous construire votre stade ? Bon, je ne suis pas milliardaire ! Je ne suis pas complètement fermé à une option mixte, en s’associant comme on le fait dans ma boîte, en faisant appel à des tours de table privés, avec une dette sur 20 ans parce qu’il peut y avoir des revenus; après, les collectivités, je les comprends, il y a des budgets, tout le monde demande de l’argent, ce n’est pas simple. La porte n’est pas complètement fermée de leur côté, mais elle n’est pas encore ouverte. Il faut y réfléchir, faire un avant-projet, voir s’il y a du foncier, voir combien ça coûte, etc. Il y a des personnes dans les collectivités qui sont réceptives à ce projet et prêtes à apporter une partie du financement.

Ce n’est pas tabou de vous demander le budget de l’USO cette saison ?
Un peu moins de 5,5 millions.

« Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise »

Vous êtes dans les Ressources humaines, le parallèle est tout fait avec le foot, où vous avez déjà dû gérer des crises…
Il y a des similitudes, en effet. Mon activité me sert. Des conflits, des soucis, il y en a eus et il y en a régulièrement. On n’est pas là pour partir en vacances ensemble, on est là pour travailler, dans le respect, la confiance. À Orléans, tout se sait, mais tout ce qui se passe dans le club doit rester dans le club. Je prends un exemple : un salarié de l’USO me demande « Est-ce que mon poste est à risque ? »… Non ! Après, on est une organisation, on veut aller dans un sens, et si des personnes n’adhèrent pas, et bien c’est comme dans mon entreprise, la porte est ouverte. Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise. La petite différence, c’est que dans ma boîte, il y a des gros salaires, du turnover, parce qu’ils sont beaucoup « chassés », il y a un certain niveau je dirais, sans dénigrer le foot où faire sortir les gens de leur routine, avoir de nouvelles idées, changer les habitudes, les faire grandir et travailler ensemble, sont des choses que l’on essaie de faire. Je voudrais que ça aille plus vite, que l’on fasse plus de choses. Après, je suis un peu frustré, parce que je voudrais aussi renforcer cette équipe de salariés, mais ce que je veux, c’est que les gens prennent beaucoup d’autonomie, qu’ils n’aient pas peur : avoir une idée, critiquer mais proposer une solution pour améliorer la situation, c’est ça le coté RH et pour ça, j’ai un super DG (Reynald Berghe), qui a plus de 30 ans de foot avec les années du LOSC. Il est hyper carré et veut mettre en place des process. Ce n’est pas le plus grand des communicants mais il est parti de loin et est arrivé jusqu’en Ligue des champions.

Hervé Della Maggiore, votre coach, n’est pas non plus le plus grand des communicants…
Non, mais Hervé, je l’aime beaucoup. Moi non plus, je ne suis pas un grand communicant. Prendre le micro, à la fin du match, à quoi ça sert ? Hervé reste paisible mais peut être assez piquant dans ses mots, je l’ai vu dans les vestiaires. Ce n’est pas quelqu’un qui parle trop en tout cas et moi ça me va.

« Président, donnez moi plus d’argent ! »

Votre dernière grande joie, c’est la victoire en match en retard face à Valenciennes (4-1), avec le nouvel hymne en plus !
Oui, c’est la 2e plus belle soirée sportive sur le nouveau projet ! On n’était pas sur de jouer ce match à rejouer à cause des conditions climatiques. Contre Dijon, on avait fait la même prestation mais on n’avait pas gagné. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir jouer mon équipe, ça compense largement le reste ! Quant à l’hymne, y a toujours des gens qui n’aiment pas mais je voulais le faire, en y associant des gens d’Orléans, « La Jarry » : ce sont des Orléanais, qui sont un peu plus connus aux États Unis et au Canada. On n’a pas fait du rap, mais du rock. Même si j’essaie de faire venir un public plus jeune, je ne voulais pas non plus froisser nos partenaires actuels et notre public aussi. Même les joueurs se passent l’hymne dans le vestiaire, ils aiment bien le passage « Président, donnez moi plus d’argent ! » Un clip va sortir et il va aussi y avoir le tramway aux couleurs de l’USO, comme pour les autres disciplines, le 23 octobre, ce n’est pas anodin. Il faut que ça rayonne !

Ecoutez l’hymne :

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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