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Oswald Tanchot : « Très tôt, j’ai su que je voulais coacher »

L’ancien entraîneur du Havre, d’Amiens (Ligue 2), du Poiré-sur-Vie (National), et de La Vitréenne (de la DH au CFA) a bien roulé sa bosse ! « L’homme de l’ouest », âgé de 49 ans, a connu tous les niveaux et quasiment toutes les catégories d’âge tout au long de son parcours qui l’a même mené jusqu’en Grèce cet été.

Oswald, votre carrière débute avec une double participation en Gambardella, en 1992 et 1993, avec un certain Mickaël Pagis !
Ce sont des souvenirs sympas. On a commencé ensemble avec Micka Pagis, en jeunes, en sélection de Ligue, avant de se retrouver à Laval : lui était au Mans, moi à Mayenne. Il était numéro 9 et moi 10, on nous associait souvent au Stade Lavallois, on se trouvait bien, on avait une complicité sur et en-dehors du terrain.

Bernard Maligorne, le précurseur

Laval, ce sont d’ailleurs vos débuts en pro, en D2, vous qui êtes né pas loin, à Mayenne… Vous êtes un homme de l’ouest, quand on regarde votre parcours ! Racontez-nous vos débuts.
(Rires). Dans mon parcours, j’ai eu la chance de tomber sur un très bon formateur de joueurs, mais aussi de coaches, parce qu’il a eu la particularité d’avoir formé beaucoup de futurs entraineurs, c’est Bernard Maligorne, une référence en la matière, une référence nationale. Quelqu’un qui formait bien, beaucoup, qui était un précurseur dans le jeu. Je pense qu’il avait une bonne vingtaine d’années d’avance sur ce qui se faisait et ce qui se fait aujourd’hui. C’est une rencontre qui a marqué mon parcours. Laval, c’était un grand club formateur à l’époque, il faut le savoir, un des meilleurs de France. L’équipe qui jouait en première division avec Michel Le Milinaire, entraîneur emblématique, était composée d’une grande majorité de joueurs formés au club. La réussite du Stade Lavallois, c’était celle de ces deux hommes, très complémentaires. Donc voilà ce que je retiens, j’ai fait toute ma formation à Laval, ce qui aurait pu ne pas arriver, car pour l’anecdote j’avais signé deux contrats « ANS »’, un à Rennes, un à Laval ! Il y avait eu une bataille juridique entre les deux clubs, et j’avais été contraint par la Ligue d’honorer celui avec les Tangos, ce que je ne regrette pas, bien sûr !

On vient à peine de commencer l’interview côté joueur que vous évoquez déjà deux formateurs et coaches. Ce n’est pas anodin. On imagine que Maligorne a par exemple irrigué très tôt votre futur parcours, votre pensée d’entraîneur ?
Ah oui, ça c’est certain. Il avait le goût des jeunes, les lancer, les former, passer du temps sur les terrains à leur faire des entraînements complémentaires… ça marque. En plus, je l’ai retrouvé ensuite à Avranches, puis comme tuteur pour un de mes diplômes de coach. On parlait de football toute la journée avec lui, des séances d’entraînements notamment, de foot italien. Il est ensuite parti à l’Etoile Rouge de Belgrade, qui jouait la Champions League. Un passionné !

Pour revenir sur le côté joueur, après Laval, vous enchaînez Fécamp, Vitré, Avranches… Quel regard portez-vous sur votre parcours et une carrière « amateure », sans que cela ne soit négatif ?
De toute façon, les termes doivent être posés, parce que c’est la vérité ! J’ai eu la chance d’être tout le temps sous contrat fédéral dans tous mes clubs, donc j’ai vécu le football dans un contexte de National ou N2. Maintenant, mon parcours de jeune joueur, après Laval (D2, 14 matches), c’était plus compliqué, mais dans ma tête, j’ai très vite basculé sur autre chose. Les passerelles entre clubs pros ne se faisaient pas à l’époque. Ma génération, on était 13 sur la feuille de match en D2, tu ne pouvais signer ton premier contrat pro que dans ton club, s’il le proposait tu ne pouvais pas aller ailleurs. Il y a plein de choses qui ont évolué, quand tu ne franchissais pas réellement les portes de ton équipe, souvent c’était difficile de rebondir.

La Vitréenne, là où tout a commencé

D’où un passage au métier de coach, dans la foulée, ou en même temps que votre parcours de joueur, à La Vitréenne. Vous y avez pensé quand, à ce prolongement, à cette suite ? Est-ce que le Oswald Tanchot de 20 ans savait déjà qu’il voulait devenir entraîneur ?
J’ai eu la chance de passer très jeune mes premiers diplômes, comme le DEF, je crois à 25-26 ans. J’ai toujours entraîné les jeunes partout où je suis allé, j’ai toujours eu ce double-projet de jouer et d’entraîner. Je ne coachais pas en compétition, car je ne pouvais pas, je jouais, mais j’ai dirigé vraiment toutes les catégories, tous les âges, des débutants jusqu’aux seniors. Mais j’ai aimé jouer au foot, l’odeur des vestiaires comme joueur, j’étais un passionné, toujours un ballon dans les pieds depuis tout jeune. C’est pour ça que j’ai voulu prolonger le truc en tant que coach. J’ai su que je voulais coacher très vite; à un certain âge, on devient entraîneur dans sa tête. Moi je m’interrogeais sur les propositions du coach, le contenu, si c’était cohérent, comment j’aurais fait… Quand ce processus-là est enclenché, on sait qu’on bascule vers le rôle d’entraîneur et non plus de joueur. On m’a proposé d’être entraîneur-joueur à La Vitréenne, mais je n’ai pas voulu de la seconde casquette. Il était temps de passer à l’autre partie, celle de coach, celle que j’attendais impatiemment depuis longtemps, en fait.

La Vitréenne, justement, une première expérience à la tête d’une équipe, pendant 6 ans, quand même ! De sacrés souvenirs on imagine, avec deux montées, et un passage de la DH à la CFA…
Vitré, c’est la chance d’avoir démarré dans un environnement que je connaissais très bien. Et surtout, j’ai vite compris que c’était un club avec moins de moyens que d’autres, mais un état d’esprit qui régnait dans le club, son réseau de bénévoles, et la proximité avec l’Université de Rennes et d’autres clubs pros. Je me suis dit, « comment je puis-je avoir un avantage sur les autres clubs ? » En identifiant très vite les joueurs libérés par les clubs pros qui allaient faire leurs études à Rennes. C’est comme ça que j’ai construit mon projet, avec le socle de joueurs déjà là également bien sûr, et en allant récupérer des Lavallois, des Rennais, Guingampais, Lorientais, quelques Brestois, qui venaient faire leurs études, se retrouvaient dans un environnement idéal, pouvaient continuer leur projet scolaire, tout en jouant à un bon niveau, avec des copains.
Je mettais de l’exigence, c’était peut-être un peu excessif : j’étais à 5 entraînements par semaine, en DH, avec des séances supplémentaires pendant les vacances. Mais ça s’est bien passé, on a toujours des groupes WhatsApp en commun avec ces joueurs. J’avais aussi deux préparateurs physiques, on a bossé sur la récupération, les boissons, la nourriture. Tout ce que je pouvais mettre en œuvre, je le faisais. On a vraiment fait quelque chose de sympa. Les deux dernières années, on a eu de la malchance en N2 (ex-CFA), avec la dialectique des meilleurs 2emes, où on ne savait même pas si on devait gagner ou perdre pour monter par rapport aux poules et aux cinq meilleurs 2emes. En fait on était pros en amateur dans tout ce qu’on mettait. L’ambiance était super, une forme d’osmose, on est toujours tous en contact. Dans le lot, il y avait Vincent Le Goff (figure de Lorient, environ 300 matches pros) d’ailleurs, qui faisait ses études de droit à Rennes.

« Avec Le Poiré-sur-Vie, on aurait pu monter en L2 »

Photo ASC

Et puis il y a ces fameux quatre ans au Poiré-sur-Vie, en National, autre pic de votre seconde vie sportive !
Le Poiré, c’est alors un club en plein essor qui vient me chercher à Vitré. Un club avec une envie, une vision, une ambition; ça a été quatre années intenses, avec des belles rencontres, un beau groupe, avec Vincent Le Goff (FCL), Ernest Seka (ex-Nancy notamment), Arnaud Souquet (Dijon, Nice, Montpellier), Abdoulaye Touré (ex-Nantes, Genoa), Ludovic Ajorque (Strasbourg)… Le joueur marquant, c’est Moussa Marega, qui a joué à Porto, où il a remporté des titres de champions, a disputé la Ligue des Champions. Alors qu’à la base, il avait tout juste une licence, il a failli repartir sur le futsal en région parisienne ! Au Poiré-sur-Vie, la difficulté, c’était de garder nos jeunes joueurs qu’on allait chercher, et qui faisaient un an avant de s’en aller. C’était la même chose à Vitré. La souffrance de se dire « gardons notre équipe trois ans », alors qu’on ne pouvait pas. Au Poiré, j’étais en opposition sur les reconductions de contrat, pour moi ça ne marchait pas. Quand tu commences une saison avec un élément qui va partir à la fin de l’année… Alors qu’on aurait pu monter à un moment en Ligue 2. Je retiens aussi des matches de fou dans le Stade de l’Idonnière, avec une grosse ambiance, c’était aussi la première fois que je sortais de mon contexte vitréen, j’avais les joueurs rien que pour moi, ça me permettait de rajouter des séances (rires) ! Le Poiré, j’y ai des bons souvenirs.

Vous réalisez de belles performances au niveau « amateur », avec d’autres moyens. Vous passez le diplôme pour coacher en pro, et direction Le Havre (L2) en 2016 donc !
Je suis arrivé avec Bob Bradley, en tant qu’adjoint, même si j’avais eu des contacts avant avec le club et le président Vincent Volpe. C’était quelque chose d’intéressant, aller dans un grand club formateur, de rentrer de plein pied dans le monde pro dans un endroit où il y avait un rapport avec mon goût pour la formation. La première saison, on a failli monter, ça s’est joué à un but avec Metz. La 2e saison a failli être historique, avec une remontée au classement, un record de points depuis la dernière montée, et puis ce fameux match de barrage à Ajaccio – match qui devait se jouer initialement le vendredi, reporté deux jours plus tard après que le bus du HAC a été bloqué par certains supporters corses à son arrivée au stade. Le dimanche, la rencontre dure trois heures, et au bout d’un 2-2 volcanique, l’ACA gagne aux tirs au but, avec deux expulsés de chaque côté, dans une ambiance étouffante -… Je pense qu’à partir de ce moment-là, pour la 3e saison, il n’y a pas eu digestion de cet événement. On était aussi à la fin d’un cycle, tout simplement, pour tout le monde.

Le résumé d’Ajaccio-Le Havre (1-1, 2-2 en prolongations, 5 t.a.b à 3 pour l’ACA) :

https://www.youtube.com/watch?v=7tIzfrmh3nU&t=64s&ab_channel=Ligue2BKT

En parlant de cycles… Après votre expérience en Normandie, vous êtes parti entraîner Amiens. Un club où vous aviez pris la suite de Luka Elsner, aujourd’hui leader de Ligue 2 avec le HAC (9 points d’avance sur Bordeaux, 2e) ! La boucle est bouclée…
Je suis les résultats du Havre bien sûr ! C’est un club auquel je suis attaché, et qui est attachant. J’ai en plus encore des contacts avec le staff, et Luka, avec qui j’échange. Ils ont réussi à créer une dynamique, les pessimistes sont en train d’y croire ! Ils sont sur la bonne vague. Il y a une dynamique, du sang frais sur le terrain avec un bon recrutement, et dans les bureaux, avec Mathieu Bodmer. L’exemple le plus flagrant de la bonne santé du HAC, c’est Victor Lekhal, qui a retrouvé un super niveau. Déjà à mon époque, c’était une plaque tournante. Il faut se rendre compte que ce garçon fait ça alors qu’il a eu trois fois les croisés. Il aurait dû jouer en Ligue 1. Victor c’est simple, c’est Busquets, s’il avait été espagnol, il aurait joué en Liga à 17 ou 18 ans. Mais en France, on voulait des mecs méchants, costauds, qui taclent… Des fois, il faisait des semaines entières à l’entraînement en ne jouant que vers l’avant.

« A Amiens, il y avait trente joueurs et trois vestiaires ! »

Photo ASC

A Amiens, l’expérience aura été plus courte et difficile.
Le contexte était compliqué. Le club descendait de Ligue 1 avec la Covid, ça avait été vécu comme une injustice. J’ai remplacé Luka (Elsner) qui avait 5 points après 6 journées. Amiens est en train de digérer ça. Il fallait écrémer l’effectif. Philippe (Hinschberger) pourra le dire, il fallait trois vestiaires. On avait trente joueurs, ceux qui voulaient rester, ceux qui voulaient partir… J’ai vu des scènes, un joueur était là un jour, puis plus là le lendemain. Des mecs venaient, mais ne voulaient pas s’entraîner. Et quand je dis qu’ils ne voulaient pas s’entraîner, ils ne le faisaient pas. Ce n’est pas qu’ils traînaient les pieds sur la pelouse, ils ne s’entraînaient vraiment pas… Et après on parle de cohésion ! Mais ça se construit, il faut créer le contexte. Je ne suis pas resté là-dedans, je n’avais pas envie de venir déjà, pour être transparent avec vous. Le deal que j’ai accepté avec monsieur Joannin (Bernard, président de l’Amiens SC) était de maintenir le club. On s’est sauvés à 5 journées de la fin, limite trop facilement. On a disputé 7 matches en 21 jours, avec les reports dus au Covid. On a moins bien fini, alors qu’on aurait dû dépasser la barre des 50 points, on a fini 10es ex-aequo. Mais j’ai lancé des jeunes, ça a donné une base pour la saison d’après. On a eu des incompréhensions avec le directeur sportif, qui ont fait que le club n’a pas souhaité me conserver, sur la construction d’un effectif, comment on crée de la cohésion… Mais ça s’est bien terminé avec monsieur Joannin, j’ai une très bonne relation avec lui, comme avec monsieur Volpe au Havre. Ce sont deux personnes atypiques, Vincent Volpe est un ingénieur, un Américain, quelqu’un de très humain, qui a une vision différente des choses, une approche brillantissime, une autre façon de prendre et de voir les problèmes pour trouver des solutions. Le Havre mériterait de monter aussi par rapport à son investissement depuis longtemps, il a toujours su garder le cap. Bernard Joannin, c’est un autre style, quelqu’un de local, du sérail, qui a eu une réussite professionnelle, en étant à la tête du plus grand nombre de magasins Intersport franchisés, alors qu’il était encore prof de sport à 47 ans je crois. Mais c’est un autre style, un autre management. Être entraîneur permet de rencontrer des présidents et des personnes différentes, des réussites, des gens.

« En Grèce, quelle ferveur ! »

Pour conclure, vous avez fini avec un passage à Volos, en Grèce. Pendant trois mois, cet été… Comment ça s’est passé ?
Je n’en retire que du bon, comme de toutes mes expériences, mais c’est vrai que j’ai abrégé car je sentais que plus le temps passait, plus la relation allait devenir difficile. Il y avait des choses que j’attendais qui n’arrivaient pas, des trucs concrets, je n’avais pas de logement, j’ai fait quatre hôtels en quelques semaines, ma fille n’avait pas d’école alors que la rentrée était là, je ne pouvais pas avoir les joueurs que je voulais, des Français à intégrer à l’effectif, et chaque jour des éléments que je ne connaissais pas arrivaient. La relation avec le président était assez compliquée car il était très interventionniste. Je suis arrivé sans staff, eux étaient tous Grecs et allaient dans tous les cas rester après moi, donc je ne savais pas sur qui je pouvais compter par rapport à cette façon de faire. Mais c’était une bonne expérience, vraiment. J’ai adoré, le pays est magnifique, j’ai fait toute la préparation et un match. Il y a cinq grosses équipes dans le championnat, des play-offs. Ce sont des clubs omnisports, les ambiances sont folles, on a joué en amical au « Pana » (Panathinaïkos Athènes) et au « PAOK » (Salonique), il y a une ferveur… Ils sont chauds ! Quand je vois des fois, qu’en France, on fustige les deux-trois fumigènes qu’il peut y avoir… L’AEK Athènes inaugurait son stade cette année, et pendant 90 minutes il y a eu des fumigènes dans tout le stade ! Les autorités françaises auraient fait des arrêts cardiaques. C’est méditerranéen, ils vivent pour leur club, il y a une vraie appartenance. Il y a quatre grands médias, ils ne parlent que de ça. D’ailleurs, pour l’anecdote, les gros matches ne sont pas arbitrés par des Grecs mais pas des arbitres étrangers, pour qu’il n’y ait pas de polémique, et le manager des arbitres est toujours étranger, je crois que c’est un Anglais. Quand il y a une erreur d’arbitrage le dimanche, il y en a pour la semaine !

« On ne m’a rien donné, je suis allé chercher les choses »

Un mot sur votre carrière. Quel regard portez-vous dessus ?
Quand j’ai commencé à entraîner à 32 ans, je me disais que je voulais connaître tous les niveaux avant 50 (il en a 49). Bon, je n’ai pas fait la Ligue 1, j’en étais proche, j’espère que ça va arriver. Mais j’ai fait la 1ere division en Grèce après la DH, la N3, N2, N1 et Ligue 2 en France. La D1 grecque, je crois qu’on n’est pas tant que ça à l’avoir connue ! J’ai fait différents clubs, quand on rencontre plusieurs coaches, joueurs, présidents, c’est comme un long voyage, un parcours, une carrière, avec plusieurs étapes, différentes destinations. Des fois on pose l’encre pour une longue période, des fois pour des passages courts, et on repart. Ça donne des vies qui ne sont pas monotones ! Moi, partir de mon club, Mayenne, et me retrouver un jour entraîneur en première division en Grèce, c’est… Enfin voilà, il s’est passé plein de choses pour arriver jusque-là. Je suis plutôt un homme de projets, mais il faut trouver l’endroit où tout est réuni. On doit d’abord montrer pour obtenir derrière, c’est ma façon de faire, de voir les choses. Je suis allé chercher les choses, on ne m’a rien donné. Et je crois que c’est comme ça que je vais faire tout le temps.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : MaillardOZD

Photos ASC et DR