Cinq ans après avoir injustement été privé d’accession en National 2 avec Hauts Lyonnais, le coach de 42 ans a finalement réussi avec le FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier, un autre club du Rhône, qu’il quitte pourtant dès la fin de saison.

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C’était quelques jours avant l’officialisation de la montée en National 2 de son équipe, le FC Limonest-Saint-Didier. C’était aussi quelques jours avant l’annonce faite par son club : « Le FCLSD annonce le départ de son entraîneur principal, Romain Reynaud… »

Quand nous avons rencontré Romain à Lyon, la montée n’était certes qu’une question de jours… Son départ, en revanche, n’était pas dans les tuyaux : « On avait discuté d’une éventuelle prolongation (…), voilà, je ne suis plus en adéquation avec le club (…) C’est la fin d’une histoire exceptionnelle. On attendait des équipes comme Bourgoin, Mâcon, Thonon-Evian ou Lyon-Duchère, et finalement, c’est nous qui montons, c’est magnifique », expliquait en début de semaine, sans rentrer dans les détails, Romain Reynaud, désormais sur le marché.

Formé à « Sainté »

Né le 2 mars 1983 à Saint-Étienne, Romain Reynaud (42 ans) aurait pu vivre le rêve de tout footballeur : passer professionnel au sein de son club formateur, l’AS Saint-Etienne, et jouer dans le mythique « Chaudron ». Sauf que rien ne se passe comme prévu : une grave blessure va stopper son élan et le contraindre à prendre un autre virage.

Défenseur central, c’est ensuite au SC Schiltigheim, à l’AS Yzeure, au Vannes OC, à Arles Avignon, à La Berrichonne de Châteauroux et au KV Courtrai qu’il va construire son parcours de joueur. Jusqu’à connaître la Ligue 1… sans vraiment pouvoir y prendre goût.

Au bord du rectangle vert qu’il aura quitté en 2018 après une dernière expérience à Andrézieux, Romain Reynaud vit un début de reconversion plutôt réussi. A Hauts Lyonnais, regroupement de cinq communes (environ 8000 habitants), il fait monter le club de Régional 1 en National 3 avant d’être « injustement » stoppé dans son élan par la Covid-19, victime d’un règlement fédéral pondu pour l’occasion (quand les championnats se sont arrêtés, Hauts Lyonnais était en tête de sa poule au bénéfice de la meilleure attaque devant Rumilly-Vallières, qui avait le même nombre de points, mais la FFF a finalement favorisé l’équipe ayant disputé le plus de matchs à l’extérieur).

Des déceptions certes, mais des « joies » aussi comme il le mentionne souvent. A Limonest, « RR », arrivé en janvier 2023, a repris un groupe fragile, au bord de la descente il y a deux ans et demi. Depuis, le FC Limonest Saint Didier, club situé dans les Monts d’Or, a bien redressé la barre au point de décrocher sa montée en National 2, un « National bis » comme il le décrit.
Pendant près d’une heure, Romain a déroulé le fil de sa carrière de joueur et évoqué celle qu’il a commencée il y a 7 ans, sur un banc, à Hauts-Lyonnais.

Interview :

« On a un truc en plus quand on vient du monde amateur »

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Romain, nous sommes en 2018, tu effectues tes débuts d’entraîneur…
Je suis revenu en 2017 en France pour finir ma carrière à Andrézieux (N2). Il n’y avait pas que ça puisque c’était Romain Revelli l’entraîneur, qui m’avait lui-même fait passer mes diplômes. Romain me dit « viens finir » et tu me suis sur le banc; ça me permettait de me former encore. La première année s’est bien passée en tant que joueur. Ça s’est bien passé pour moi, moins pour lui avec la direction. Il a fini par partir et le club a changé d’entraîneur. J’arrivais au bout de mon parcours, je prenais moins de plaisir à venir à l’entraînement et je me suis toujours dit que si je venais à l’entraînement à reculons, ça « puait » la fin.

C’est là qu’arrive l’opportunité Hauts Lyonnais !
Effectivement, la vie fait que le club arrête avec leur entraîneur, et le président, Bruno Lacand, m’appelle. Mon frère, Florent, qui est équipementier (SportAvenue), travaille d’ailleurs avec lui. Du coup, c’était un vendredi et il m’explique qu’il veut que je coache le club. Je lui réponds que je n’ai pas d’expérience. Il me dit « Ce n’est pas grave, mais il me faut ta réponse avant dimanche ». J’étais encore joueur et quand j’ai raccroché, je savais que j’allais dire oui. Je lui réponds que je viens voir le match de dimanche à Pomeys contre Côte Chaude et je prendrai ma décision ensuite. Je vais voir le match et je lui ai dit « allez, j’y vais ».

Avais-tu posé une réflexion sur tes débuts en tant qu’entraîneur ?
En fait, je ne me suis rien dit. C’est cette opportunité qui a fait que. Partout où je suis passé, j’ai essayé de donner un p’tit coup de main car mon fils a commencé à jouer. Mon père aussi m’a beaucoup accompagné. Par contre, je ne pense pas que j’aurais pu être éducateur chez les jeunes. Je n’ai jamais pensé au cursus U14, U16… J’ai juste saisi cette opportunité.

La cohabitation avec les Lyonnais s’est donc faite naturellement ?
Hauts Lyonnais, c’est vraiment à la limite avec la Loire, donc il y a quasiment autant de Stéphanois que de Lyonnais. Après, moi, je n’ai pas de problème avec ça. J’aime la ville de Lyon, ma femme est d’ici, je n’ai jamais pensé à ça surtout quand on est entouré de gars intelligents, compréhensifs. Je n’ai jamais montré de signe de supporter « pur stéphanois », que je ne suis pas d’ailleurs ! Après, il y a du « chambrage » mais c’est dans la rigolade. Par exemple, Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest, venait aux entrainements avec un maillot de l’OL. J’ai demandé au président de lui donner des équipements du club (sourires). À Limonest, la deuxième couleur du gardien, c’est le vert, et ils ont un peu du mal avec ça… Mais je suis contre ces « guéguerres ». La différence sociale entre les deux villes existe mais c’est du sport, on est là pour kiffer quoi. Si Lyon va en Ligue des Champions, je serai pour eux !

« Cette montée en N2 avec Hauts Lyonnais, on nous l’a volée »

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Tu as vécu des bons moments à Hauts Lyonnais avec une montée en N3 puis des moins bons avec cette « non accession » en N2 à l’époque du Covid. Est-ce que la plaie est refermée pour le club, pour toi ?
Pour le club je ne sais pas. Pour le président Bruno Lacand qui s’investit énormément, avec ses moyens persos, je pense que ça a été plus compliqué. Moi, j’ai eu du mal mais je me devais de la refermer rapidement. Il faut penser à la saison d’après et je suis un peu la tête de gondole du truc. Si je vis dans la revanche, ce n’est pas bon. Par contre, intérieurement, je l’ai mal vécu, vraiment. Le travail qu’on fait au quotidien, personne ne le voit. Entraîneur, c’est un super-métier. Le temps de travail effectif n’est pas ouf mais c’est 365 jours dans l’année, 24 heures sur 24. J’aimerais arriver à déconnecter mais je n’y arrive pas et j’ai vécu cet épisode comme une trahison. J’ai connu le monde pro, je sais qu’il y a des conflits d’intérêt mais je ne pensais pas en amateur. Et cette montée, on nous l’a volée. Certes la saison n’est pas arrivée à son terme, on s’est arrêté avant parce qu’il y a eu la Covid. Mais à l’instant T, c’est nous qui méritions de monter. Inventer une règle pour favoriser un club (GFA Rumilly Vallières) qui a un intérêt particulier avec les instances, je trouve ça moche… J’ai des joueurs qui ont arrêté sur ça.

Quelles sont les conséquences pour un club qui fait avec ses « moyens » ?
Pour être honnête, c’était trop tôt pour qu’on monte en National 2. On n’avait pas le stade et on aurait dû être délocalisé sur Tassin. Je pense que ça n’aurait pas été cool pour les supporters de jouer à 40 minutes du stade par exemple. C’était un mal pour un bien même si je pense que mon président ne l’aurait pas entendu de cette oreille. On a vécu avec et vite switché sur autre chose.

« J’aime la cohésion, la force collective »

Malgré cet événement, quelle philosophie avais-tu mis en place au niveau du jeu ?
Quand j’ai réuni pour la première fois mes joueurs, je me suis dit que j’allais « faire avec ». Je n’avais pas de plan précis, de schéma… Je me suis toujours dit que j’allais prendre de chaque entraîneur que j’ai eu, de mon expérience personnelle aussi. Ce que j’ai inculqué, c’est la proximité avec mes joueurs, la confiance et l’amour que je peux leur donner ; j’adore le PSG de cette année, pas celui de l’année dernière. C’est onze mecs qui vont dans le même sens. Le côté cohésion, la force collective.

Et aujourd’hui, à Limonest ?
À Limonest, j’ai pu mettre en place un groupe avec mes convictions, avec des joueurs que je voulais, qui me ressemblent. L’objectif que je leur ai donné en début de saison, ce n’est pas de finir premier, c’est d’avoir la meilleure défense. Et comment on fait pour y arriver ? On ne se met pas tous devant la cage, mais on défend tous ensemble, du numéro 9 au latéral droit. Et on attaque tous ensemble. J’aime le foot, quand c’est beaucoup. Si on n’était là que pour frapper au but… C’est une chance d’avoir des joueurs qui savent dribbler, il faut en profiter. J’essaye de laisser à mon groupe un maximum de liberté offensivement mais défensivement, non, il n’y aucune liberté. Le rôle de l’entraîneur sera toujours d’essayer de faciliter le truc à ses joueurs… à condition qu’ils aient envie de jouer !

Quel regard poses-tu sur la région Rhône Alpes, où plusieurs clubs travaillent très bien avec un niveau relevé ?
Ils ont nivelé par le bas en enlevant des poules. Je n’ai pas d’exemple en particulier, ni l’image d’un club en tête… Je suis très curieux de tout. J’ai mes convictions à moi, pas ma vérité parce que dans le foot, il n’y en a pas. Par contre, quand on voit l’image qu’ont donné Espaly et Bourgoin-Jallieu cette saison en Coupe de France, c’est génial pour notre poule Auvergne-Rhône Alpes. Mais c’est aussi des contextes différents. Il n’y a qu’à regarder chez nous. On est la seule équipe du Top 6 à s’entraîner quatre fois par semaine le soir, pendant que les autres s’entraînent le matin. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! J’ai un groupe de 24 joueurs, dont 6 jeunes.

« A Limonest, j’ai construit une équipe de moches ! »

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Tu découvres finalement un environnement structuré. Est-ce que ça facilite ton travail ?
C’est pour ça que je suis venu au FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier. Hauts-Lyonnais, c’est un club jeune qui bosse super bien, on a touché du doigt l’accession à un niveau historique mais je voulais aller dans un club qui était prêt à monter, que ce soit au niveau des infrastructures, des moyens humains aussi. Je pense qu’ils font le travail d’anticipation de la montée en N2 en coulisses… comme on a pu le faire à Hauts-Lyonnais. Dans le foot, on voit beaucoup de coachs qui sont managers généraux, directeurs techniques. Je suis incapable de faire ce qu’a fait l’ancien coach de Limonest chez les jeunes. Je laisse faire ceux qui ont les compétences pour faire ces choses-là et je me focalise sur mon groupe. Je suis arrivé il y a deux saisons et demi pour sauver le club tout en apprenant à le découvrir, avec ses spécificités. J’ai construit une équipe à mon image, une équipe de « moches » (sourires) comme je l’avais imaginé. Des « lâche-rien », des mecs qui ont envie de se battre… même s’il y en a qui ne sont pas contents parce qu’ils se trouvent beaux (rires).

Le club peut perdurer en National 2 ?
Oui, je pense qu’il peut. Il faut qu’il se donne les moyens de le faire. Il y a tout pour en tout cas !

Personnellement, comment tu anticipes les choses ?
Je suis resté focalisé sur la montée. Je ne me fixe pas de limites en tant qu’entraîneur. Bien sûr que j’ai envie d’entraîner plus haut. Entraîner en National 2, peut-être repartir en N3 avec un gros projet… Je ne suis pas carriériste, j’ai fait plein de choix dans ma carrière de joueur, juste parce que je pensais que c’étaient les bons. J’ai envie de prendre du plaisir comme celui que je prends cette année avec mes joueurs. Parce que ce sont mes joueurs pendant un an. Depuis le début de saison, le fil rouge de ma causerie, c’est de trouver un titre pour chaque match, comme on fait pour des chapitres différents. Ce que je retiens à 42 ans, ce sont les aventures humaines. Il n’y a que le sport qui fait ça. Je kiffe mes joueurs parce qu’on a créé quelque chose.

Comment tu imagines la suite ?
J’ai le projet de finir de passer mes diplômes. Il ne m’en manque plus qu’un (le BEPF, qui permet d’entraîner en National, L2 et L1) et je veux le passer. Par contre, ma position dans un staff, je ne la définis pas encore. Je pense que j’aurais un peu plus de mal à être adjoint par exemple. Mes qualités iraient avec un adjoint de Ligue 1, je pense que ça pourrait le faire. Je me vois plus dans un rôle de numéro 1.

Est-ce que le parcours d’un coach comme Christophe Pélissier t’inspire ?
Beaucoup, oui ! Il a vécu la même injustice avec Luzenac. Quand je me suis blessé à Saint-Etienne, je le répète, c’est quelque chose qui m’a servi. Pour découvrir le milieu amateur notamment. Quand on a fait une carrière pro et qu’on a connu le monde amateur, c’est une force. Tous les détails, l’organisation, etc. Je veux le professionnaliser à 100%. Le mercredi, je fais des pots. Les joueurs me demandaient s’ils pouvaient ramener une bière… bien sûr qu’ils peuvent. Je trouve qu’on a un truc en plus quand on vient du monde amateur. Le côté pro, c’est bien, mais le milieu amateur, c’est bien aussi.

Romain Reynaud, du tac au tac

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Meilleur souvenir sportif ?
Je pense que c’est la montée en Ligue 1 avec Arles Avignon même si je garde aussi en tête celle avec Vannes (de National en Ligue 2). Vannes, c’était plus le côté humain, l’ambiance qu’on avait au sein du groupe, quelque chose que je retrouve aujourd’hui avec mes joueurs en tant qu’entraîneur. Les deux montées, c’était quelque chose de marquant.

Pire souvenir sportif ?
Ma grave blessure à Saint-Etienne alors que je devais signer professionnel. On ne savait pas ce que j’avais, on m’a dit que c’était fini pour le haut niveau. Souvent, on me dit « tu n’as pas eu de chance à Sainté » mais finalement, c’est aussi une chance parce que cette blessure m’a construit. Elle a fait qui je suis. Je ne pense pas que j’aurais fait cette carrière sinon. Sur le moment, ça a été dur. Par contre, le souvenir le plus délicat, c’est quand Vannes a voulu arrêter avec moi alors que j’avais fait une grosse saison quand on est monté en Ligue 2. J’avais été élu meilleur joueur de National, on avait un groupe tellement génial.

As-tu marqué des buts décisifs ?
En tant que défenseur, ce n’était pas ma qualité première mais dans les années importantes, j’en ai mis quelques-uns, oui ! 4 à Arles, 3 à Vannes, 3 en Belgique aussi. Je crois que j’en ai mis une vingtaine en tout ! (sourires).

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Le poste de défenseur, c’était par rapport à mes qualités. Pourtant à mes débuts, j’ai commencé attaquant. Puis j’ai reculé, reculé (sourires). Je n’ai jamais voulu être footballeur, pro en tout cas ! J’ai suivi mon frère, mon père dans leur cursus footballistique. Je me suis pris au jeu. Saint-Etienne m’a appelé. Mon père a beaucoup hésité parce qu’il travaillait à l’usine. Les semaines où il travaillait l’après-midi, il ne pouvait pas m’amener. Et puis, au fur et à mesure, j’ai gravi les échelons. Après l’ASSE, je suis reparti en National 2 avec Schiltigheim et je n’avais pas de plan de carrière. J’ai toujours pris ça comme un plaisir, un kiffe, et mes parents étaient vachement détachés de ça.

Premier match professionnel ?
Mon premier match pro avec l’étiquette professionnelle, c’est sous les couleurs de Libourne en National. Mais pour moi, mon premier match pro, c’est sous les couleurs d’Arles-Avignon au premier tour de Coupe de la Ligue. On va à Laval et on en prend 5 (25 juillet 2009, élimination 5 à 0). Par la suite, tout le monde était persuadé qu’on allait passer une année galère en Ligue 2 mais finalement on a réussi à faire taire les détracteurs. D’ailleurs, j’ai encore le maillot qu’on avait porté ce jour-là avec le trophée de la Coupe de la Ligue sur l’épaule.

« La technique, ce n’est pas le dribble »

Un geste technique préféré ?
Pour moi, la technique, ce n’est pas le dribble. C’est la technique de passe. J’avais un très bon jeu long et pour moi, c’est ça le plus beau geste technique. Je prends énormément de plaisir à être à deux et faire des passes. Même aujourd’hui, j’emmerde beaucoup mes joueurs avec ça car il y a une différence entre une bonne passe et une très bonne passe.

Combien de cartons rouges ?
J’en ai pris 4. Le premier, je m’en souviens très bien parce que c’était avec Schiltigheim et c’est Clément Turpin, qui commençait, qui me l’avait mis; on jouait contre la réserve de l’OL sur le terrain numéro 10. A la fin, il vient me voir et me dit « Je suis obligé de vous le mettre, vous êtes dernier défenseur ». Il avait raison.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas… Je pense que j’aurais travaillé dans le social. Je suis quelqu’un qui aime les gens, l’humain. Des fois, je suis un peu outré par ce qu’il se passe dans le monde. J’ai envie d’aider.

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Sur le terrain, joueur, tes qualités et tes défauts ?
Sur le terrain, je pense que ma qualité première, c’est que j’étais le « coéquipier idéal », je pouvais aller à la guerre pour les autres, je ne lâchais jamais rien. Mon défaut, c’était la vitesse, je n’allais pas vite mais ça m’a permis de développer d’autres choses, comme ma faculté à anticiper, à prendre l’info.

Qualités et défauts dans la vie ?
Je suis quelqu’un de gentil. Mes défauts, je suis quelqu’un de gentil aussi (sourires). Malgré le milieu dans lequel j’évolue depuis des années, je n’ai pas envie de changer. Et pourtant, j’ai vécu beaucoup de peines et de joies. Je prends à cœur les choses.
La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
A Vannes, surtout que cela coïncide avec l’arrivée de mon fils en fin de saison. On monte longtemps avant la fin du championnat, on était une bande de potes, ça se voyait sur le terrain. Souvent je l’ai dit, je souhaite à tout le monde de vivre une saison comme ça.

As-tu fait une erreur de casting dans tes choix ?
Un jour, mon meilleur ami m’a dit, quand j’avais plusieurs choix de clubs, qu’il y en avait toujours un, tu ne sais pas pourquoi, au fond de ton cœur, c’est celui-là que tu dois choisir. Donc je n’ai pas de regrets au niveau de mes choix car je n’ai jamais raisonné en termes d’argent. Le seul regret, c’est de ne pas avoir joué en Ligue 1 ici en France et de ne pas avoir accepté l’offre d’un an à Arles-Avignon. Car je pense que j’aurais joué.

« Saint-Etienne, c’est mon ADN »

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Est-ce que tu as rêvé d’un club ?
A un moment donné, j’étais à un doigt de signer à Lens. Tout avait été fait, le contrat était en passe d’être signé mais c’est un changement d’entraîneur qui a fait que ça n’a pas pu se faire. Après, mon club de cœur, c’est Saint-Etienne ! J’aurais aimé jouer dans ce stade donc je ne me ferme pas à l’idée d’un jour coacher dans ce stade. Ce n’est pas un manque d’humilité, c’est ma ville, il y a quelque chose qui se dégage dans ce stade. C’est moi, mon ADN.

Un stade, un club mythique ?
Geoffrey Guichard, évidemment. Mais il y avait Manchester United et Cantona. Le Barça de la grande époque aussi.

Un coéquipier marquant ?
J’en ai plusieurs qui m’ont marqué. Il y a Kaba Diawara quand on était à Arles, il y avait une grosse différence d’âge et il m’a marqué par son investissement, l’apport qu’il nous a amené en faisant le lien entre les cultures, les différentes générations. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui. Au niveau footballistique, j’ai eu la chance de jouer en Belgique avec Leandro Trossard (Arsenal) et niveau footballistique, c’était quelque chose.

Un joueur adverse qui t’a impressionné ?
Mishy Batshuayi quand il était au Standard, il était dans un état de grâce ce jour-là et j’ai eu un peu de mal. J’ai eu de la chance de souvent jouer contre Olivier Giroud quand il était à Istres puis à Tours… et il est casse-couilles (sourires).

Un coéquipier perdu de vue ?
Il y en a plein ! J’ai souvent en appel, par messages, mes anciens coéquipiers. J’aurais bien aimé revoir Christopher Maboulou, mais il est décédé depuis… C’est un gamin que j’ai vu évoluer à Châteauroux. Il a fait ses premiers matchs en pro avec nous. C’était un jeune et il devrait être encore là.

Un dirigeant qui t’a marqué ?
Président ou directeur sportif non. J’ai toujours une relation particulière avec les bénévoles, un grand respect pour ces gens-là. Ils sont là avant nous, après nous, ils lavent notre linge. Et leur seul salaire, c’est notre sourire le jour du match. J’ai une relation encore plus particulière avec mon président de Hauts Lyonnais.

Une causerie de coach ?
Les causeries les plus exceptionnelles, c’est celles que j’ai vécues avec Michel Estevan à Arles. Je peux dire que j’ai eu la chance de le connaître. Il est différent. Tactiquement, on peut penser ce qu’on veut. Mais ses causeries, le personnage… Il allait sur des trucs… Je ne me suis jamais embêté en l’écoutant. Je ne m’attendais jamais à une causerie classique avec Michel Estevan parce qu’il était toujours là à nous surprendre. Il nous a certainement menti mais il ne « cachait » pas. Le lundi, il nous disait qu’il allait à la chasse ou jouer à la pétanque… Il allait voir les courses camarguaises aussi pendant les férias… alors qu’on était en Ligue 2 ! Aujourd’hui, tu fais ça, tu te fais scalper (rires). Je suis persuadé que l’accent du sud donne un truc en plus. Je regarde souvent les causeries de Christophe Urios, le coach de Clermont en rugby. Mais Michel Estevan, c’était fou. Il nous amenait, il nous prenait là et il nous faisait gagner 20% de notre performance dans ce qu’il nous disait. Il est inégalable à ce niveau.

Une consigne de coach jamais comprise ?
Il y a un coach en Belgique, Jacky Mathijssen, avec qui je ne me suis jamais entendu, et pourtant j’étais capitaine. Il était Flamand, il avait un côté identitaire à la Belgique, il n’aimait pas les Français et je n’ai vraiment pas passé une bonne année.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
(Rires). J’en ai plein mais j’en ai une à Arles oui. Il y a prescription mais c’est du Estevan (rires). La veille de notre dernier match en L2, qui était une finale puisqu’on était 3es, Clermont 4e et Metz 5e, il voulait « dédramatiser » l’enjeu… et il a fait venir une stripteaseuse la veille à l’hôtel (sourires). Il nous connaissait, il n y a rien eu, elle nous a juste fait un show qui n’a pas fini à poil d’ailleurs ! Mais dans ma tête, je me suis dit « Il est fou, c’est le match de la montée en Ligue 1 », là, tu te dis « Mais s’il se plante ? ». C’était « couillu » quand même (rires). Je pense qu’Estevan n’avait pas peur de se tromper et ce jour-là, il n’a pas eu peur.

Le plus connu de ton répertoire ?
Je suis en relation avec Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest et qui anime les spécifiques attaquants. Il y a Kaba (Diawara), Andre Ayew aussi…

Un stade qui t’a procuré une émotion particulière ?
J’en ai deux. Au Standard de Liège avec Courtrai. Il y a une grosse grosse ambiance. En plus, sur le premier duel, je tacle un peu leur attaquant et après ils me prennent un peu en grippe. Donc quand même, ambiance un peu particulière. La plus belle ambiance en tant que joueur, je dirais que c’est à Lens en Ligue 2. Pour la petite anecdote, à la mi-temps, ils chantent les Corons. On est rentré un peu avant et moi comme un con, je chantais (rires). Il y avait des jardiniers qui regardaient mes coéquipiers en se disant « mais il est fou votre pote ? ». Je kiffais mon moment, le stade était plein parce qu’ils avaient fait une opération place gratuite.

Des rituels, tocs, manies ?
J’en avais plein oui ! En tant que joueur, j’avais ma paire de chaussettes qui était coupée donc je mettais mon protège tibia avec le strap que j’enroulais avec mon maillot le temps de l’échauffement. Je le mettais toujours au même endroit, sous mon siège. J’ai joué longtemps pas avec le même caleçon ! (sourires)

Une devise, un dicton ?
Sur ma manière de manager, je dirais « une main de fer dans un gant de velours » parce que j’ai toujours voulu être comme ça. Dans la vie de tous les jours, je dirais « kiffe » !

Des passions en dehors du foot ?
Ouais ! On joue au padel un petit peu. Je suis un bon vivant, j’aime bien manger, les plaisirs de la vie. Mes enfants aussi, ceux de ma femme aussi. La famille.

Une couleur ?
J’aime bien le vert (sourires) !

Un animal ?
J’aime bien les chevaux. Je ne suis pas très animal de compagnie mais le cheval, je le trouve classe.

Un chiffre ?
Le 6. Il m’a toujours suivi, j’ai toujours aimé ce numéro en tant que joueur et mon premier fils est né le 6.

Une chanson ?
J’ai eu la chance de connaitre Renaud à Arles donc j’aime bien ses chansons. Actuellement, je passe beaucoup du Grand Corps Malade à mes joueurs et notamment la chanson « Ensemble », parce que c’est des valeurs que je veux leur inculquer.

Un film ?
La ligne verte.

Une ville, un pays ?
En France, on a un super pays. Grâce au foot, j’ai pu vivre dans beaucoup de régions en France. Depuis que j’ai rencontré ma femme, elle m’a fait découvrir le Portugal. Le village où on va très souvent est un des seuls endroits où j’arrive à me déconnecter complètement. Pourtant, il n’y a rien, c’est tout petit mais on s’y sent bien. Je ne pense à rien d’autre.

Un endroit ? Lyon, Saint-Etienne ?
Mon village natal, à Saint-Cyr-les-Vignes ! C’est mon village, là où j’ai grandi, je me sens bien là-bas parce que c’est la campagne. Là-bas, j’ai toujours été le petit Romain. Il y a un endroit aussi à Saint-Didier où on voit tout Lyon, c’est agréable aussi.

Tu étais un joueur plutôt…
Efficace.

Un modèle de joueur ?
J’ai adoré Puyol à Barcelone, Ramos aussi, Cannavaro… ces trois joueurs, à ce poste, je pense que ce sont les trois meilleurs. Au-delà de leurs qualités de joueurs, c’est leur caractère.

Une idole de jeunesse ?
Cantona.

Match de légende ?
Il y a la Remontada de Barcelone contre Paris et Liverpool contre Milan en finale de la Ligue des Champions. En tant que français, la première finale de Coupe du monde en 98. Je me souviens où j’étais, avec qui j’ai regardé ce match… j’avais eu la chance de voir Marseille en finale de Ligue des champions en 1993.

Ta plus grande fierté ?
Mes enfants forcément. Dans le foot, c’est d’avoir relancé et fait évoluer des joueurs, de les avoir pris à un niveau et de les avoir accompagner psychologiquement et mentalement, de voir où ils en sont aujourd’hui. Quand on a la chance de prendre un joueur et de voir qu’on lui a permis d’en arriver « là »…

  • Texte : Joël PENET
  • Photos : 13heuresfoot et FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier
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Des trois clubs promus en National, seul le FC Fleury 91 n’a jamais connu cet échelon, qui sera amené à être remplacé par une Ligue 3 en 2026. Pour Le Puy Foot et le Stade Briochin, descendus ensemble en N2 en 2023, victimes de la réforme, ce retour s’accompagne de belles promesses.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Photos 13HF (sauf mentions spéciales)

C’est comme si les trois clubs s’étaient donné le mot. Comme s’ils avaient décidé de la date et de l’heure de la célébration. Celle de l’accession en National. Rendez-vous samedi 3 mai à 20 heures ! Pour le FC Fleury 91, la montée était tout de même un peu plus attendue que pour Le Puy Foot 43 et le Stade Briochin, les trois heureux élus pour le National 2025-2026. Avec 9 points d’avance sur son dauphin, le FC 93 Bobigny, et encore 9 points à distribuer, il ne fallait pas être un grand mathématicien pour comprendre que ça allait le faire pour les joueurs de David Vignes, impressionnants de régularité tout au long de la saison. On fait le point sur les trois promus en National !

Fleury au paradis !

Samedi soir, à Fleury, dans le petit stade Walter-Felder, champêtre et convivial, un peu plus d’un millier de supporters s’étaient rassemblés, dans la tribune et autour de la main courante, pour assister au sacre tant attendu des joueurs de Pascal Bovis, l’emblématique président du club.

À défaut de gâteau (le spectacle et la victoire), ils ont eu la cerise (l’accession) ! Les coéquipiers de Clément Badin sont passés au travers de leur match, perdu 2-1 face à Feignies-Aulnoye, mais le résultat est ailleurs : la défaite de Bobigny à Beauvais (3-2) a suffi au bonheur de tout un peuple rouge et noir, les couleurs préférés du président, fan du Milan AC et de l’OGC Nice.

David Vignes, 7 ans après !

David Vignes, le coach, va retrouver le National, qu’il avait quitté à Pau en 2018. Photo FCF91

Après une poignée de main un peu tendue avec Krzysztof Ziecik, son homologue de Feignies, David Vignes, le coach de Fleury, a ensuite fait comme tout le monde : il est resté debout, devant son banc de touche, encore un peu agacé par la défaite. Et puis il a suivi l’évolution du score à Beauvais. « Ils ne vont quand même pas marquer deux buts à la 96e et la 98e » a lancé un supporter au sujet de Bobigny, qui venait juste de réduire la marque à la 90e (3-2).

Et puis, la nouvelle est tombée. Beauvais a battu « Boboche ». Et David Vignes a étreint son staff, enlacé ses joueurs et son président. Il a savouré son bonheur. Et mesuré le chemin parcouru. Automatiquement reconduit en cas de montée, Vignes le Bayonnais (c’est sans doute pour cela que l’on a eu droit à l’hymne de l’Aviron Bayonnais pendant l’échauffement avant le match !), mais Palois d’adoption, va donc retrouver ce championnat National qu’il avait déjà connu deux fois avec son club de coeur, le Pau FC, à la fin des années 2000 et dans les années 2010.

Son dernier passage à ce niveau, lors de la saison 2017-2018, deux ans après avoir fait remonter le club, reste un souvenir douloureux. A l’époque, malgré l’assurance de son président, Bernard Laporte-Frey, de repartir pour un tour, ce dernier avait finalement changé d’avis. Et décidé de ne pas conserver l’enfant du club. Une cicatrice jamais vraiment refermée même si le temps a fait son oeuvre, et que d’autres clubs ont depuis garni son CV, Bergerac (N2), Bruges (D1 Belge, adjoint) et Mandel United (N1 Belge). Rien n’a jamais été simple pour ce tacticien qui entend croquer à fond dans le National l’an prochain, le dernier sous son format actuel avant le lancement de la Ligue 3 en 2026.

Bovis : « Je préfère le scénario de cette saison ! »

Pascal Bovis, un président discret et heureux.

Croquer dans la pomme, Pascal Bovis, le président, entend lui aussi le faire, mais pas seulement : « On ne monte pas pour redescendre dans un an, prévient-il. » Pour ce chef d’entreprise passionné, respecté et écouté, l’attente a également pu sembler longue – l’accession est passée sous le nez lors des trois dernières saisons – mais elle n’est rien à côté des 36 années de présidence au club : « On n’est pas monté l’an passé mais en même temps, c’est peut-être mieux de ne pas arriver comme ça, en National… Je préfère sincèrement le scénario de cette saison. »

Casquette visée sur le crâne et t-shirt à l’effigie du club, Pascal Bovis est resté un long moment sur la pelouse, un peu en retrait, au milieu de la foule, comme pour mieux savourer cet instant magique. L’homme, discret, n’est pas du genre à se mettre en avant. Puis il a été sommé par le speaker de monter sur le podium pour rejoindre les joueurs et le staff, alors il s’est exécuté.

Aujourd’hui, le patron du groupe éponyme, une boîte familiale fondée par son père en 1977, spécialisée dans les transferts et déménagements industriels ainsi que la manutention lourde, mesure le chemin parcouru. Son club entre dans le grand monde : « Quand je suis arrivé, le club était au plus bas niveau. En 4e division de District. Et à l’époque, il y avait aussi la Promotion de 3e division, puis la 3e division de District, puis le Promotion de 2e division, etc ! Cela doit faire 15 montées je crois ! On a une histoire qui ressemble un peu à celle de Chambly ». Elle lui ressemble tellement d’ailleurs que même le petit stade Felder, au complexe sportif Auguste-Gentelet, ressemble à l’ancien stade des Marais du FCCO (en un peu mieux !), celui qui a laissé place au nouveau (et très envié) stade Walter-Luzi.

Au stade Bobin, à Bondoufle, l’an prochain ?

Le Stade Walter-Felder était bien rempli pour le match de la montée.

Bien sûr, il reste encore deux journées de championnat (à Bobigny le 10 mai et contre Haguenau le 17 mai) pour décrocher le titre de champion de N2, mais les dirigeants peuvent déjà se pencher sur le prochain exercice qui n’aura rien à voir tant le fossé est énorme entre le National (10 clubs professionnels sur 17 cette saison) et le National 2.

Et les chantiers sont nombreux, on pense au budget – « On aura le plus petit budget de National » et au stade : « Les dirigeants résonnent dans le temps long, les joueurs, eux, sont dans le présent, et c’est normal, poursuit Bovis, qui avoue n’avoir jamais douté cette saison, « hormis aujourd’hui (samedi face à Feignies). Même quand on a perdu contre Bobigny chez nous en janvier, je n’étais pas inquiet, parce que ce match-là, on méritait de le gagner. Bobigny, c’est costaud aussi, mais on avait un effectif peut-être plus important, et peut-être plus de sérénité aussi. On a été très réguliers ».

La mascotte du FC Fleury 91.

Quid du stade Felder ? Bovis : « Là, en National, on rentre dans la cour des grands, ça n’a plus rien à voir. On va affronter des clubs qui, pour certains, ont des stades de Ligue 1 ou de Ligue 2, avec un public, une organisation autour, une structure, des infrastructures… Donc il faut aller vite, il faut qu’on s’y mette aussi ! Le challenge sera compliqué, mais la finalité, pour nous, c’est d’être en Ligue 3 dans un an. Pour le stade, on va discuter, rien n’est défini. Normalement, la saison prochaine, on jouera au stade Bobin, à Bondoufle, comme les filles (D1 Arkema), dans une enceinte de 17 00 places. Quand on affronte Sochaux ou d’autres équipes de ce standing, je pense qu’il est préférable de les recevoir dans ce type de stade. Et puis je n’ai pas envie que l’on soit trimballé à gauche et à droite. Ici, à Felder, c’est très familial, très convivial, mais ce n’est pas du niveau du National d’aujourd’hui, et ça, tout le monde en a bien conscience, le maire en premier lieu. On est un peu comme Chambly à l’époque, sauf que pour eux, le nouveau stade est arrivé trop tard. Fleury est un club bien organisé, structuré, avec des féminines en D1 Arkema, donc on a déjà une certaine expérience du haut niveau. Simplement, maintenant, il faut regarder les infrastructures. »

« Grand Paris Sports », nouvelle appellation ?

Dans les vestiaires, avec les joueurs, le président et le coach.

Autre sujet à l’étude, le nom du club, qui pourrait changer. « Il va falloir en discuter. Soit on va vers le Département et à terme, on devient le « Grand Paris Sports », soit la ville met les moyens… Mon idée, c’est de pérenniser le club au delà de ma simple personne. Pour perdurer, il lui faut de l’immobilier, c’est la base, il faut que l’on travaille là-dessus sur les trois prochaines années, cela va au-delà du sportif. Il faut un hôtel à côté du stade par exemple. Et puis, je n’oublie pas que l’on a beaucoup de jeunes qui sortent de chez nous : contre Feignies, c’est Kyliane Dong (Troyes), un jeune de chez nous, qui a donné le coup d’envoi : il va partir au FC Augsbourg en Bundesliga et on n’a même pas touché 5000 euros pour ce gamin, ce n’est pas normal. »

« Avant, on était les Prisonniers »

Pascal Bovis ne boude pas non plus son plaisir de voir l’image de son club transformée : « Il faut garder notre esprit de famille. On a quand même réussi un sacré tour de force, parce que je n’oublie pas que quand on jouait dans les petites divisions, on était « les prisonniers » (en référence à la prison de Fleuy-Mérogis). On a « changé » le nom de la ville et là, on lui a donné une image et une connotation positives, ainsi qu’à l’agglo, et ça, ça vaut cher quand même. Ici, c’est avec la sueur que tout a été fait. Tout a été construit à la force du poignet, à l’image des locaux derrière le stade Felder (il nous montre le club house et les bureaux administratifs, à côté du terrain d’entraînement des féminines). On n’est pas un club de vedettes, contrairement à ce que l’on pense. » Pourtant, le FC Fleury 91 traîne aussi cette image de club « qui a les moyens » : « On met les moyens comme il faut, il ne faut pas oublier qu’on a les filles en D1, rectifie Bovis ».

Salah Madjoub : « C’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer »

Sur le plan sportif, le FC Fleury a fait preuve d’une grande régularité tout au long de la saison : aucune défaite jusqu’à la trêve de Noël, une seule défaite en déplacement, à Feignies-Aulnoye, bête noire des Floriacumois (défaite à l’aller et au retour), une solidité reconnue, notamment en défense, que même les 4 buts encaissés lors des deux derniers matchs ne peuvent effacer (3e meilleure défense des trois poules), un bilan de 59 points en 28 matchs (meilleur total des trois poules avec Le Puy Foot), bref, c’était, de l’avis de tous, l’année ou jamais pour Fleury !

Salah Madjoub, le conseiller auprès du président, et Enzo Bovis, l’un des joueurs du FC Fleury.

Pour Salah Madjoub, arrivé l’été dernier comme « conseiller auprès du président », passé par … Chambly, la montée en National est « un aboutissement » : « Je suis vraiment content pour Pascal Bovis. Cela fait tellement longtemps que le président se bat pour atteindre le troisième niveau national… C’est important pour lui et pour le club qui continue de grandir, de se construire, témoigne celui qui avait déjà passé 6 ans au club entre 2011 et 2017 – « J’étais entraîneur adjoint, on avait notamment fait la montée de N3 en N2 avec le coach Bernard Bouger » – et qui connaissait forcément très bien le contexte. « Le staff et les joueurs ont fait un boulot extraordinaire. Maintenant, c’est quand ça devient dur que les durs se mettent à jouer (sourire) ! Voilà, on sait que le National, ce n’est pas la même chose : à nous de nous mettre au niveau et de faire en sorte que ça marche. On sera prêt, surtout quand on a un capitaine d’industrie comme on a avec Pascal Bovis, je n’ai pas de doute. »

L’expérience du Stade Briochin

Visuel Stade Briochin

Pour le Stade Briochin, l’accession était moins attendue : l’US Saint-Malo avait caracolé en tête de son championnat jusqu’à Noël avant que les Girondins de Bordeaux ne montrent les crocs en début d’année. Et puis… Les Griffons, revenus de nulle part, enfin, pas tout à fait quand même, ont su surfer sur leur campagne de coupe de France (éliminés en 1/4 de finale face au PSG), dans un stade Fred-Aubert à moitié rénové mais sur une pelouse en mauvais état. Ils ont aligné 11 succès de rang (mieux que Le Puy Foot et ses 10 succès de rang !), série en cours. Qui pouvait suivre ce rythme infernal ? Tout simplement personne. « On a performé en première partie de saison, il faudra sur-performer lors de la deuxième partie » avait prédit ici même, à Noël, Gwen Corbin, le coach de Saint-Malo.

Fleury, un exemple pour Saint-Malo

Guilaume Allanou va rempiler sur le banc du Stade Briochin. Photo Stade Briochin

Mais c’est Saint-Brieuc, avec son président – entraîneur – directeur sportif – partenaire – chef d’entreprise (et accessoirement père de famille !), Guillaume Allanou, et son équipe sereine, très expérimentée, notamment derrière (L’Hostis, Angoua, Kerbrat, Le Marer, Diakhité, Boudin), qui a sur-performé et profité d’une fragilité soudaine et, peut-être, d’une inexpérience côté malouin. Et aussi de la chute vertigineuse des Girondins où, il faut le reconnaître, il fallait être sacrément costauds pour supporter la pression et faire fi de tous les soucis extras-sportifs.

Bien sûr, Les Herbiers, La Roche-sur-Yon et Bourges ont animé cette deuxième partie de saison mais ils partaient de trop loin. Après avoir annoncé en cours de saison son retrait, Guillaume Allanou, récemment admis au BEPF pour l’année 2025-2026, va finalement rempiler. Ce qui ne sera pas le cas de Christophe Kerbrat (38 ans), absent depuis le match de coupe face au PSG (hernie discale) : l’emblématique défenseur met un terme à sa riche carrière.

Aujourd’hui, on se met à la place de l’US Saint-Malo : en Ile-et-Vilaine, la déception doit être à la hauteur des immenses espoirs de montée suscités par cette première partie de saison parfaite. Mais l’USSM peut s’inspirer de l’exemple de Fleury, 1er ex aequo en 2024 (mais devancé au goal average direct pour la montée par Paris 13 Atlético), 1er ex aequo en 2023 (devancé au goal average direct par Epinal) et 2e en 2022. Tout vient donc à point…

Le Puy éteint Cannes

La joie des Ponots après leur victoire à GOAL FC samedi dernier, qui les propulse en National. Photo Sébastien Ricou / LPF 43

Pour Le Puy Foot, alors là… Chapeau ! Sans doute plombé la saison passée par leur campagne de coupe de France (1/4 de finaliste face à Rennes) et finalement devancé sur le fil par Aubagne dans la course à la montée, le club du président Christophe Gauthier, quand bien même il a dû repartir d’une page au 3/4 blanche durant l’été, avec un effectif très rajeuni, est resté fidèle à ses principes de jeu – et là il faut saluer le travail du coach Stéphane Dief – et sur ses idées de recrutement. Et là, en matière de recrutement, le mérite en revient à Olivier Miannay, dont l’énorme réseau en National, en N2 et même en N3, a encore servi les intérêts du club.

Stéphane Dief – Olivier Miannay, les artisans

Stéphane Dief. Photo Sébastien Ricou / LPF43

Le chef étoilé, qui a déjà vécu deux accessions en National avec Le Puy sous l’ère Roland Vieira (2019 et 2022), connaît la recette. Les ingrédients ? Un peu d’expérience (Lebeau, Ben Fredj), du flair, le tout agrémenté de joueurs dénichés à l’étage du dessous – Adinany (Raon-l’Etape) l’an passé, Ghemo (Agde), Sakho (réserve de Montpellier) cette saison – ou dans des clubs un peu moins « réputés » de N2, venus se faire un nom en Haute-Loire (Adelaïde de Jura Sud), Diebold de Haguenau, Soualhia d’Avoine, Bouleghcha de Wasquehal, etc.).

Et c’est au plus fort de la tempête, quand il y a eu ce nom-match en 16e de finale de la coupe de France à Dives-Cabourg (élimination 1 à 0), cette grave blessure de l’avant-centre Marvin Adelaïde (compensé en partie par le retour de Mohamed Ben Fredj) et le départ à Montpellier de Nicolas Pays, que les Ponots se sont recentrés sur l’essentiel : le groupe, l’objectif et le jeu. Onze victoires (dont dix d’affilée) et un nul ont fini de mettre tout le monde d’accord, même l’AS Cannes, son plus gros concurrent, dont le creux du mois de mars (deux défaites consécutives à Hyères et contre Angoulême) a été fatal.
Les Cannois, partis d’un peu loin cette saison, auront de plus grandes ambitions encore la saison prochaine mais risquent de ne pas être les seuls si les rumeurs de l’arrivée des Girondins de Bordeaux dans leur poule se confirme, sous réserve bien sûr du passage devant la DNCG. L’été pourrait bien réserver quelques quelques surprises.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
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Le président du DFCO – depuis juillet 2024 – est un personnage atypique, qui entend faire passer ses idées, atteindre ses objectifs économiques et sportifs, et réaliser ses rêves. Il veut aussi que le stade Gaston-Gérard soit un lieu de cohésion sociale où l’on vient vivre des émotions.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)

Pierre-Henri DEBALLON

Deux heures trente. C’est le temps passé par Pierre-Henri Deballon, le président de Dijon, dans l’émission du Dijon show, le médias des supporters du DFCO, la veille au soir de notre interview en visio ! Parfait pour peaufiner nos questions !

Tout l’enjeu de cet entretien chez nous avec le chef d’entreprise de 42 ans (il les a fêtés le 15 avril), propriétaire du club depuis le 2 juillet dernier, était donc de ne pas lui faire redire la même chose !

Volontairement, nous ne sommes pas allés sur des terrains que « PHDB » a cent fois évoqués : le plan d’austérité avec le licenciement économique de 50 % du personnel administratif, le rachat du centre de formation (par Dijon Métropole) et son avenir, les féminines, les finances (18 millions d’euros de dettes à son arrivée et une perte sèche de 7 millions par saison), la vente de Cyriaque Irié (Troyes) et Rayane Messi l’été dernier (Strasbourg) pour 5 millions s’il vous plaît, la baisse de la masse salariale (de 2 millions à 1,3), tout ça a déjà été dit et écrit. Nous avons préféré l’emmener sur d’autres terrains. Comme ceux de handball par exemple. Le sport qu’il a pratiqué (au poste de gardien), jusqu’en Pro Ligue (D2) à Villepinte.

Encore en course pour les barrages

Pierre-Henri DEBALLON

Pour sa première année de présidence à Dijon, le cofondateur de Weezevent, une start-up internationale lancée en avril 2008 (avec Sébastien Tonglet) – Weezevent est spécialisée dans la billetterie informatisée et destinée aux organisateurs d’événements – , a été gâté.

À vrai dire, c’est même lui qui, parfois, au détour d’une réponse, s’est aventuré sur ces chemins plus tortueux, avec, toujours en toile de fond, les finances et la réalité économique. Car le but était avant tout de faire découvrir un nouveau personnage central de ce championnat National où les têtes pensantes passent, mais où les problématiques restent.

Pendant près d’une heure, quatre jours après la qualification historique des jeunes dijonnais en finale de  la coupe Gambardella, Pierre Henri Deballon, souriant, décontracté, bavard et ouvert, s’est livré.

Le lendemain, le DFCO a remporté le derby à Sochaux (2-1). Une victoire qui, à trois journées de la fin, permet à Dijon de revenir à 6 longueurs de la 3e place, celle de barragiste pour l’accession en Ligue 2, occupée par l’US Boulogne Côte d’Opale.

L’espoir de disputer une confrontation aller-retour contre le 18e de Ligue 2 BKT (Martigues ou Clermont) est bien réel. Mais cette éventualité ne sera possible que si les joueurs de Baptiste Ridira s’imposent chez la lanterne rouge, Châteauroux, ce vendredi, et, surtout, s’ils battent Boulogne à Gaston-Gérard le 9 mai, avant, pourquoi pas, de disputer une « finale » à distance lors de la dernière journée, à Bourg-en-Bresse, le 16 mai !

Ce scénario fou fait rêver, bien sûr. Ça tombe bien, le rêve et les émotions, c’est vraiment ce qui anime Pierre-Henre Deballon.

Interview : « C’est ma madeleine de Proust ! »

Paul FAUVEL (DG), Baptiste RIDIRA (entraîneur de l’équipe de National) et Pierre-Henri DEBALLON lors du match Le Mans – DFCO

C’est rare qu’un président se livre autant, pendant 2h30, avec autant de franchise et de transparence, comme vous l’avez fait dans Le Dijon Show… C’était un besoin, une volonté, une nécessité d’éclaircir certaines choses ?
Il y a de tout cela. C’est mon caractère d’être très honnête. J’aime dire les choses. Et ça m’a fait du bien de le dire. C’est aussi une chance qu’on vous donne du temps pour vous exprimer et quand c’est le cas, généralement, je ne fais pas de langue de bois. La transparence permet de comprendre d’où je pars dans ma réflexion, où je veux aller et comment je veux faire les choses.

Avec Weezevent, j’ai la même approche : quand j’étais interviewé, je donnais mes chiffres, et les gens me disaient, « Mais pourquoi tu dévoiles tout ? ». Pareil quand quelqu’un a une idée, il n’ose pas me le dire, parce qu’il a peur que je lui pique, mais j’ai envie de lui dire, « Attendez, je ne vais rien vous piquer, je suis suffisamment occuper comme ça ! ». Et quand bien même je lui piquerais l’idée, ce n’est pas ça qui est important mais sa mise en oeuvre.

Pendant l’émission du Dijon show, j’ai fait des constats de situations : je serai jugé sur ma capacité à les résoudre et à en faire des forces. Alors oui, il y avait une partie de thérapie un peu, parce que ça m’a permis de dire que je ne trouvais pas juste certains jugements, comme sur les féminines. Certains sont toujours dans le négativisme. Parfois c’est dur. Il y a même des commentaires qui sont de nature complotistes, mais pas complotistes comme on l’entend. Tout le monde a son avis. J’aimerais que les gens prennent un peu de hauteur.

« On est un beau club formateur »

La joie d’Alexandre PARSEMAIN lors de DFCO-Villefranche en National.

Votre meilleur souvenir depuis que vous êtes à la tête du club, c’est lequel ?
La qualification en finale de la Gambardella de nos jeunes (le 20 avril dernier).

C’est vrai que c’est une vitrine exceptionnelle pour le DFCO, une belle mise en valeur du travail de formation…
Complètement. On voit tout le boulot qui a été fait par tous les éducateurs avant mon arrivée et depuis mon arrivée. Moi, je surfe sur ce qui a été fait; ça envoie beaucoup de positivité dans le club et ça montre qu’on est un beau club formateur : d’ailleurs, beaucoup de joueurs en sont sortis récemment, je pense à Cyriaque Irié qui va signer en Allemagne (à Fribourg), Jules Stawiecki, parti à Monaco, qui est un gardien extrêmement prometteur, Rayane Messi à Strasbourg, c’est une excellente pub pour notre formation dijonnaise.

La joie après DFCO Villefranche

Il faut dire aussi qu’on a un outil de travail assez extraordinaire, avec sans doute un des plus beaux centre d’entraînement en France en termes d’équipements, d’infrastructures, de qualités des prestations; tout ça, ce sont des investissements lourds, qui pèsent encore beaucoup aujourd’hui sur les comptes du club mais on en voit les résultats, ça paie.

Être en finale de la coupe Gambardella, cela veut dire quelque chose. C’est une catégorie particulière parce que c’est le « mix » de deux équipes. Et puis j’ai noté une belle entente entre nos formateurs : on a promu un entraîneur adjoint (Mario Savarino, habituel adjoint de Sébastien Perrin en U19 Nationaux) à la tête de cette Gambardella, pour cette campagne exceptionnelle, et j’ai vu contre Nantes en demi-finale un vrai potentiel, avec des joueurs suivis par d’autres clubs. Pour certains, on travaille avec eux sur des projets sportifs, qui peuvent déboucher sur des réussites économiques, en connexion avec l’équipe première, dont on attendra beaucoup l’an prochain, parce qu’on a un enjeu économique pour monter.

Cette demi-finale de Gambardella, vous avez bien failli la perdre…
Oui, j’ai cru ça, parce que Nantes a eu le penalty de la qualification au bout du pied, et puis c’est la magie du football, il rate son tir, on marque le nôtre et on fait un arrêt… C’était un moment émouvant parce que ça fait un an, un an et demi même, que je bosse énormément sur le projet DFCO, déjà avant le rachat, et je le fais pour me créer des émotions et pour en créer aux autres. Là, on a eu les émotions les plus fortes. C’était un petit pincement de bonheur au coeur !

« Mais qu’est-ce que je fous là ? »

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Vous avez parlé d’émotion : c’est vraiment votre plus belle depuis votre arrivée ?
Oui, c’était un moment fort, parce qu’il y a eu beaucoup de moments difficiles. Je le répète souvent, mais quand je suis arrivé au DFCO, le président du Mans, Thierry Gomez, m’a dit « Bienvenue chez les fous ! », il ne s’est pas trompé. Un président est exposé. Tout ce qu’il fait est jugé. C’est ça qui est difficile aussi. Alors que les gens n’ont pas forcément les tenants et les aboutissants. On fait de gros sacrifices personnels, vie de famille, copains, l’argent investi…

J’aurais pu acheter une villa secondaire pour profiter de la Corse ou de la beauté de Nice (sourires), alors quand en plus de ça, vous recevez des critiques acerbes, dont certaines sont parfois justifiées, parce que des choix n’ont pas été bons, eh bien par moments, on se pose la question, « Mais qu’est-ce que je fous là ? ». Et puis, il y a des moments comme ça, où ça gagne, comme là, en Gambardella.

On a aussi besoin d’envoyer des signaux aux partenaires. Nos filles se sont qualifiées pour les play-off de la D1 Arkema, c’est formidable. Alors, bien sûr, cela aurait été parfait si on avait vraiment été dans le wagon de la montée avec l’équipe de National, on l’est quand même encore un tout petit peu, on va jouer notre chance crânement, mais on sait que ce sera complexe.

« Mon avis de footix est le suivant… »

Vous qui avez joué au handball, l’émotion était-elle différente ?
J’ai joué en Pro Ligue (Division 2), à Villepinte. Ma semaine était rythmée par les entraînements avec cette adrénaline qui monte crescendo jusqu’au match…

Très honnêtement, d’avoir retrouvé un vestiaire, même si je ne suis pas joueur mais un tout petit acteur, d’écouter les discours du coach, de voir les joueurs se préparer, d’être dans cette ambiance, c’est ma madeleine de Proust que je suis venu m’acheter. C’est un plaisir que je trouve agréable, j’ai le sentiment de faire partie d’un collectif.

On dit que les gardiens sont … différents, fous, originaux, qu’ils ont ce côté kamikaze. Vous confirmez ?
Il y a un vrai lien. Il y a une congrégation des gardiens de buts au handball. On a du respect entre nous. Effectivement, on est un peu à part et on se considère comme tel. Je fais souvent ce parallèle avec l’entreprise : le chef d’entreprise et le gardien de but, c’est un peu pareil, parce que vous êtes dans un collectif, vous êtes un maillon essentiel, vous ne pouvez pas vous cacher et en même temps, vous êtes très seul. Le chef d’entreprise a beaucoup de responsabilités. Quand vos équipes ont envie de faire la fête, vous n’êtes pas invité et c’est bien normal, donc il y a cette forme d’isolement, parce que vous ne pouvez pas non plus être leur copain. Vous êtes un élément à part.

Le gardien de but, c’est pareil. Il y a cette notion de courage, d’exposition. Vous ne pouvez pas vous cacher, et au handball encore moins parce que vous avez des tirs toutes les deux minutes. Le jour où vous n’êtes pas en forme, c’est plus dur que pour un joueur de champ qui va peut-être faire moins d’efforts, moins tirer, moins prendre de risques, jouer plus la sécurité. Pour la petite histoire, Baptiste Ridira, notre coach de National, est un ancien gardien de but, et Paul Fauvel, notre directeur général, est aussi un ancien gardien de but. Ce trident que l’on a constitué à Dijon est uni par ça aussi, même si eux, c’était le foot. On dit souvent du gardien qu’il est fou, mais au fond, je pense que l’on se fait moins mal en étant gardien de but de handball que joueur de rugby dans certaines situations. D’ailleurs si vous mettez un joueur de rugby dans une cage de hand, il aura une peur bleue, et inversement si vous me mettez sur un terrain de rugby, j’aurai une peur bleue.

Du coup, vous avez un avis sur le poste de gardien au foot ? D’ailleurs, donnez-vous votre avis sur l’équipe, au coach par exemple ?
Le poste de gardien de but est un poste que j’affectionne particulièrement, alors oui, je me permets d’avoir des avis dessus. J’ai aussi des avis sur tous les autres postes, mais je le dis tout le temps en disant « Mon avis de « footix » est le suivant »… Parce que je n’ai aucune prétention sur mes connaissance footballistiques, ni l’expertise suffisante pour juger de la technicité du gardien de foot.

En revanche, il y a quelques chose d’assez commun avec le gardien de hand, c’est sa psychologie, ce qu’il dégage. Récemment, on parlait de notre gardien de la Gambardella, Ilan Marie-Rose, avec Franck Raviot, l’entraîneur des gardiens des équipes de France de foot : il trouvait qu’il dégageait quelque chose, qu’il apportait dans le jeu. Il était assez élogieux sur la « présence » qu’avait eu Ilan pour l’équipe. Bien sûr, dit comme ça, cela veut tout dire et rien dire, mais quand on est gardien, on sait ce que cela veut dire. Ce côté kamikaze, d’aller au devant du danger, on le retrouve aussi au foot.

« J’ai un regard plus pertinent sur les gardiens »

Existe-t-il un parallèle « technique » entre gardien de but au hand et au foot ?
Un petit peu. Sur les parades de près surtout. Au foot, on fait beaucoup d’arrêts avec les mains, et sur les parades de près, un peu plus avec les jambes, en utilisant l’extension, la souplesse, en comblant les angles, comme au hand. Des gardiens de foot pourraient faire de bons gardiens de hand, et inversement. J’ai fait un peu d' »urban », avec des cages de hand, donc c’est plus facile, mais j’avais les réflexes, la capacité à me concentrer, à deviner les trajectoires, à anticiper, à boucher l’angle, à aller au devant du ballon, on retrouve les mêmes bases.

Baptiste RIDIRA lors de Rouen DFCO

Quand vous regardez du foot, en particulier les matchs du DFCO, votre attention est-elle plus focalisée sur le gardien que sur les dix autres joueurs ?
Je regarde les 11 mais effectivement j’ai un regard plus pertinent sur les gardiens. Par exemple, récemment, on a reçu Villefranche (2-0), et en National, on n’a rarement un deuxième gardien sur le banc. Là, le gardien adverse se blesse sur une action. Il boîte bas. J’ai dit après coup aux joueurs, « Quand c’est comme ça, faites des tirs de loin ». J’ai en tête ce but encaissé par Hugo Lloris en finale de l’Euro contre le Portugal, eh bien juste avant, il se blesse. Il n’a pas les mêmes appuis. Et peut-être que cette frappe, même si elle est bien cadrée, même si elle part fort, avec un Lloris dans de meilleures conditions, elle ne passe jamais.

J’ai été étonné qu’on ne teste pas plus la frappe de loin contre Villefranche, de la même manière que je suis étonné qu’on ne la teste pas plus en début de match, parce que regardez bien la toute première prise de balle du gardien, que cela soit au pied ou à la main, elle le rassure, et petit à petit, son niveau de confiance va monter au fil du match. Mais tant qu’il n’y a pas eu cette première prise, il ne sait pas s’il est dans un grand jour ou un mauvais jour. Il faut profiter de ça. Ce sont des petites astuces. Pareil sur un penalty : là, vous avez zéro pression, sauf si c’est un penalty qui vous fait perdre la finale de la Gambardella ! Mais sinon, vous avez zéro pression. C’est très psychologique. Au handball, ça l’est peut-être encore plus, car il y a beaucoup de tirs. L’emprise peut se faire encore plus. Ilan (Marie-Rose), en demi-finale, fait deux arrêts sur sa ligne, et puis il y a un de ses coéquipiers qui vient enlever un ballon sur sa ligne, là, dans ma tête, je me suis dit « Tiens, Nantes a raté le coche, c’est un signe ».

Vous regardiez vos statistiques quand vous étiez gardien de handball ?
Bien sûr ! J’étais un obsédé de statistiques. Mais il y en avait moins à l’époque, c’était plutôt moi qui me faisais mes propres « stats ». Après les matchs, je faisais des fiches sur les joueurs adverses pour me souvenir de la manière dont ils tiraient, leurs courses, comment ils se positionnaient, l’endroit où ils tiraient leur penaltys, etc. Parfois, j’étais content de ma prestation alors que mon équipe avait perdu, ce qui n’est pas toujours très sain, et à l’inverse, on pouvait avoir gagné un match et être déçu de sa prestation individuelle.

Une séance de tirs au but au foot, pour vous, ce n’est donc absolument pas de la loterie…
C’est beaucoup de psychologie.

« Je passais pour le grand méchant loup »

Avec Laurent WEBER, entraineur des gardiens de la Gambardella.

Pire souvenir depuis votre prise de présidence ?
Quand j’ai donné un interview dans Les Échos et que j’ai évoqué la situation du club. Ce qu’il en est ressorti, c’est « Le président veut arrêter l’équipe féminine », j’ai trouvé ça dur. J’avais eu l’honnêteté d’évoquer toutes les pistes, celles-là en était une, mais elle était infinitésimale, parce que ce n’est pas du tout le scénario vers lequel je m’oriente. C’est la dernière des solutions. C’est comme quand un médecin a essayé tous les traitements et décide d’amputer. Non. Cela avait été désagréable.

Il y avait aussi le sujet de la formation…
Oui, se posait la question aussi de la formation, il y avait une grosse pression politique. La Métropole venait de racheter les bâtiments du centre de formation et se disait « Non mais attendez, on a racheté le bâtiment, et ils veulent arrêter la formation, ils vont arrêter les féminines… », et comme je venais de faire des licenciements économiques, je passais pour le grand méchant loup. Ce que je faisais, ce n’était pas rigolo, mais je suis convaincu encore aujourd’hui que c’était la seule et unique voie de salut pour permettre au club de retrouver une forme de sérénité économique, essentielle pour bien travailler et se projeter dans l’avenir.

« J’ai envie de regarder les matchs debout ! »

Quel autre club que le DFCO rêveriez-vous de présider ?
(Rires) Les clubs que j’aime, ce sont ceux qui ont des communautés de supporters extraordinaires. L’OM, Lens, le Red Star, Liverpool, on sent que cela va au-delà du sport, que c’est une religion. C’est pour ça que je souhaite créer au DFCO un supportérisme actif.

C’est vrai que, pour être venu à Dijon cette saison, j’avais trouvé le public…
Vous étiez là pour quel match ?

Dijon-Bourg-en-Bresse, premier match à domicile !
(Rires) Ah oui ! On avait mal commencé (0-1) ! Allez, au bout de quinze minutes de présidence, carton rouge !

Photo 13HF

Le stade est magnifique, à taille humaine, mais le public un peu … « plan-plan », l’ambiance feutrée, bon enfant…
Très plan-plan. On le sait. On est d’accord. Ça ne pue pas encore le foot. Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. Le foot n’a pas été le premier sport à Dijon, où c’est plutôt le handball et le basket. Il faut arriver à créer ça et c’est tout l’enjeu, mais cela ne se décrète pas, on n’achète pas une grosse ambiance. Mais on veut la constituer.

L’an prochain, pour faire venir de jeunes supporters, on mettra en place une tribune « famille ». J’essaie d’être dans un dialogue le plus souvent possible avec nos groupes d’Ultras, parce que ce sont eux qui mettent l’ambiance, la passion et la ferveur, parfois, il faut aussi les recadrer car ils font des choses que je n’aime pas. Et je leur dis. Je me souviens que, pour ma première victoire de président, contre Paris 13 Atlético (journée 4), on menait 2 à 0, il restait 5 minutes à jouer, normalement, là, c’est gagné. J’ai couru, je suis descendu de la tribune, tout seul, pour rejoindre les Ultras et fêter ça ensemble. J’avais envie d’être avec eux, au coeur du truc. C’est ça qui me plaît, ces émotions. Je fais un projet dans lequel je veux embarquer les gens. Pour ça, je ne me mets pas dans une loge vitrée, fermée, en buvant du champagne.

J’ai envie de regarder les matchs debout. La pire de mes tortures, c’est quand je suis à l’extérieur, et que très gentiment, le président adverse m’invite à m’asseoir à côté de lui pour regarder le match, comme je l’ai fait au Mans avec Thierry (Gomez), que j’aime beaucoup en plus ! J’ai envie d’être debout, de pouvoir râler, de faire des bonds, de marcher, parce que je suis stressé ! Mais je fais peu de déplacements !

Pour en revenir au stade, il vaut mieux être dans une petite boîte de nuit où vous ne pouvez pas marcher, où tout le monde est serré, que dans un grand hangar où tout le monde se regarde, où il n’y a pas d’ambiance. Ce sont des choses comme ça qu’on n’a pas eu le temps de faire l’été dernier, parce que les abonnements étaient déjà lancés. La saison prochaine, je veux être acteur du sujet. Je prendrai peut-être des positions qui vont étonner. Je serai un peu extrémiste là-dessus : je préfère être contraint de rouvrir petit à petit nos tribunes plutôt que d’avoir un énorme complexe rempli au tiers, avec des gens éparpillés un peu partout. Le fait d’être beaucoup plus proche, beaucoup resserré, comme on l’a vu en Gambardella avec cette tribune pleine, a amené cette chaleur, cet impression d’avoir participé à quelque chose de collectif, alors que si vous êtes seul sur votre siège avec personnes à dix sièges à la ronde, vous êtes dans un projet individuel.

« Courageux, ambitieux, pragmatique »

Pierre-Henri DEBALLON

Le but qui vous a fait vibrer ?
Celui que l’on a marqué contre Châteauroux (4-0) en janvier, après 9 ou 10 touches de balle.

Un match qui vous a fait vibrer ?
Le match aller à Boulogne (2-2), que j’ai suivi dans des conditions particulières puisque j’avais un week-end entre copains. Du coup, on était en voiture, j’avais mis FFF TV, et il y avait un léger décalage; un copain avait mis une alerte sur son téléphone et il me disait dix secondes avant « Ouh la la, il se passe quelques chose », et moi je me demandais si on avait marqué ou si on avait pris un but ! C’était assez rigolo. Mais celui qui m’a fait le plus vibrer quand même, c’est la demi-finale de la Gambardella.

Une équipe qui vous a impressionné ?
Orléans au match aller et Le Mans sur la phase retour. Chez nous, contre Le Mans, à la 29e minute, on perdait 5 à 0. Ils sont sur une dynamique intéressante. Je pense qu’ils ont trouvé la bonne recette.

En trois adjectifs, vous êtes un président plutôt…
Courageux, ambitieux et réaliste. Pragmatique plutôt que réaliste même.

« Rêvons encore plus grand »

Des moments forts de l’histoire du club ornent les couloirs, dont la photo de l’équipe qui est montée une première fois en L1 en 2011.

Êtes-vous un rêveur, un idéaliste ou plutôt quelqu’un de terre à terre ?
Je suis pragmatique par rapport à des constats, des choix, mais par contre, je suis un rêveur, parce que si vous n’êtes pas un rêveur, vous ne reprenez jamais un club comme Dijon. Si je n’ai pas le doux rêve de ramener ce club à haut niveau, de refaire vibrer ce stade…

Je dis souvent en rigolant que j’ai gagné la Ligue des Champions avec Football manager, et que j’aimerais bien la gagner avec le DFCO, je sais que c’est quasiment impossible. Souvent, on me dit « Mais il ne faut pas dire ça », mais c’est la réalité. La devise du PSG, c’est « Rêvons plus grand », alors je dis en rigolant « Rêvons encore plus grand ! » (rires).

Pierre-Henri Deballon a remis le premier chèque de la Taxe Tobin à l’association Stella portée par la famille Jobard.

Quand vous évoquer la Ligue des Champions, c’est sur le ton de la boutade, mais un autre président de National en a parlé cette saison, et c’était très sérieux…
Oui, c’était Iwan Postel de Rouen, mais je crois que c’était aussi sur le ton de la boutade. J’ai le sentiment qu’il voulait faire bouger les lignes, et que sa communication en faisait partie. Il s’est dit « Mais qu’est-ce qui m’interdit de dire ça ? Rien, allez, je le dis, et puis « j’emm… » ceux qui ne sont pas d’accord avec ça » ! Moi, quand je dis ça, je n’y crois pas au moment où je le dis, mais c’est un objectif et c’est ce qui fait avancer. Quand on réalise ses rêves, derrière, on n’a plus rien… Mais ce rêve-là, il peut me tenir pendant 20 ans !

J’aimais bien Iwan Postel, je lui trouvais une forme de courage, de jusqu’au boutisme, comme quand il arrivait au stade avec sa veste rouge aux couleurs de Rouen, avec les bons et les mauvais côtés de ces personnages hors-norme : quand on a battu Rouen 1 à 0 à Dijon, alors qu’un but leur a été injustement refusé à la fin et qu’il aurait dû y avoir 1-1, il s’est séparé dans la foulée de son entraîneur dans les vestiaires (Maxime d’Ornano), je n’avais pas trouvé ça d’une grande classe, et à l’inverse, il me faisait marrer quand il parlait de construire un stade de 70 000 places à Rouen.

Sur notre groupe WhatsApp de présidents, quand il a annoncé son départ, je lui ai dit « Tu fais chier Iwan, je voulais jouer dans ton stade de 70 000 places ! », il a rigolé. Je n’ai pas compris son départ. Il m’a expliqué. Il m’a dit « Je vais prendre des vacances ». Je comprends, parce qu’un président prend des mauvais coups, et ça rend la fonction difficile. Moi, quand j’arrive au DFCO, c’est pour prendre du plaisir et en donner. Et en plus je prends des coups. Pour en revenir à Iwan (Postel), j’aime bien les gens qui font bouger les lignes et dont on se rappelle, qui font réfléchir, qui apportent quelque chose. Personnellement, il m’a fait réfléchir, par exemple, je me suis demandé si je n’étais pas un peu trop conformiste.

« Ancrer ce rôle social au DFCO »

Pierre-Henri DEBALLON et Paul FAUVEL lors du match au Mans.

Quels sont vos rapports avec les présidents de National ? Y en a-t-il un avec lequel vous êtes le plus proche ?
On a donc ce groupe WhatsApp, initié et animé par Thierry (Gomez), qui est le plus actif et le plus bienveillant. Il ouvre ses portes, il donne des conseils, il est très investi sur le sujet de la Ligue 3. J’espère pour lui qu’il va aller en Ligue 2 avec Le Mans.

Après, j’ai peut-être une connivence particulière avec des présidents de mon âge, je pense à Alexandre (Mulliez, Versailles), on a un peu cette culture « univers start-up », on a envie de chambouler les choses. Mais ça dépend des moments. Quand on reçoit, on a des moments privilégiés avant le match pour discuter, échanger sur nos problématiques, montrer nos infrastructures, et puis quelques jours après, on a des petits échanges, au sujet de ceci ou de cela, on demande des infos sur le coût d’une tribune par exemple. On est tous dans la même galère. La plupart sont des présidents actionnaires, qui mettent leur propre argent. Cela n’enlève rien au mérite des autres présidents qui sont là pour le compte d’un actionnaire ou d’un investisseur, mais ce n’est pas la même chose quand même : là, c’est vous qui allez devant la DNCG pour apporter votre propre garantie bancaire, qui engagez des fonds personnels.

Pierre-Henri DEBALLON

Après, c’est un arbitrage entre des dépenses que vous pourriez faire pour d’autres choses et le club. Quand j’ai dit à ma mère que je voulais reprendre le DFCO, elle m’a dit « Pourquoi tu ne donnes pas autant d’argent à des gens qui en ont vraiment besoin ? » ou bien « Pourquoi tu n’aides pas des athlètes qui ont fait les Jeux Olympiques et qui ne gagnent même pas le Smic ? », ça m’a ramené sur terre. Je lui ai expliqué qu’il y avait des abus dans le foot, que je me battais contre, mais c’est aussi quelque chose de puissant socialement. Pour certains, c’est leur sortie de la semaine. C’est ça qui me plaît.

C’est pour ça qu’au DFCO, je veux ancrer ce rôle social au maximum, on a mis en place la première taxe Tobin sur les transferts : chaque année, il y aura un pourcentage sur les transferts qui seront reversés à des associations locales. Regardez quand on a vendu Irié pour 3 millions, un garçon que l’on est allé chercher au Gabon, on a entendu dire « c’est du foot business », « ça pue l’argent ». OK, ça c’est la première lecture. La deuxième lecture, c’est que le DFCO perd 7 millions d’euros et que ces 3 millions viennent commencer à combler ce déficit. Ce n’est pas du sport business, c’est juste que l’on essaie de survivre. Et si derrière on redonne localement à notre communauté, pour une action qui a du sens, alors on redonne au foot ce qu’il doit être, c’est-à-dire un vecteur de cohésion social et non pas un vecteur de haine.

C’est ce que je dis aux supporters du DFCO : si on veut se battre, alors il faut aller dans un club de boxe. Pareil si on vient au stade pour lancer des fumigènes… J’adore les fumigènes, mais c’est interdit et cela nous créé des problèmes. On ne peut pas le faire et c’est comme ça. Je serai le premier à défendre le sujet devant la Ligue et lui dire qu’il faut changer ses textes de loi, mais il y a des lois. Il faut créer un climat où l’ambiance est chaleureuse, où il y a des supporters qui se donnent corps et âme, pour pas que l’on dise « Il y a des cinglés » et qu’à la moindre étincelle, cela parte en vrille.

Avec les présidents de National, avez-vous les mêmes problématiques ?
Globalement oui. Comme de dealer avec les joueurs, des problématiques sur les contrats des joueurs, des transferts, de développement de stade, etc. Après, on n’échange pas chaque jour non plus.

Pierre-Henri DEBALLON lors de sa présentation à la presse

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris quand vous êtes arrivé dans le foot et qui vous surprend encore aujourd’hui ?
Le rôle des agents. Je ne mesurais pas à quel point ils étaient présents dans le choix des joueurs. Je pensais que les joueurs avaient des convictions sur leurs propres carrières et demandaient que celles-ci soient mises en oeuvre et sécurisées par des agents qui géraient la négociation et encadraient le cadre juridique, un peu comme un avocat, de la même manière que si je veux racheter une boîte, je cible la boîte, je discute avec son dirigeant et je délègue la partie technique à un avocat; là, au foot, c’est comme si un avocat venait me voir et me disait « C’est cette boîte qu’il faut racheter, voilà ce qu’il faut faire, quant aux autres boîtes, je leur ai dit qu’on ne voulait pas y aller », eh bien ça me paraît complètement fou.

Et puis, le côté « très pognon » de ces gens-là me gêne. Parfois, ils nous demandent des commissions et on est presque obligés de leur donner leur petit pourboire, c’est insupportable, cela n’a aucune justification. Parfois, c’est la famille aussi qui s’en même : on a eu le cas avec un joueur, tout était calé, et là, on te dit, « Si je n’ai pas 200 000 euros, on ne transfert pas notre gamin… » C’est hallucinant. Cela n’a aucun cadre légal. Les gamins sont pris en otage. On a tenu bon, ils ont finalement accepté…Je ne comprends pas non plus que, parfois, les joueurs n’aient pas leur propre libre-arbitre. J’ai un joueur qui m’a dit « Je n’arrive pas à avoir mon agent ». « Non mais change d’agent alors ! » J’ai le sentiment que les choix ne sont pas toujours faits dans l’intérêt du joueur. C’est assez perturbant.

« Un club de valeurs, malin et ambitieux »

Photo 13HF

Le DFCO en trois adjectifs…
Je veux que ce soir un club de valeurs, un club malin parce qu’on n’aura pas d’autre choix que de l’être plus que les autres, et un club ambitieux.

Le milieu du foot ?
(Rires) Pas très sain, passionnant.

Deux questions pièges. la première : si je vous dis 1998, vous me répondez quoi ?
La création du club, avec la fusion du Cercle Dijon et du Dijon FC.

Bien. La deuxième : vous êtes né à Chenôve, près de Dijon, tout comme un ancien attaquant des années 90 et 2000… Mais qui ?
Stéphane Mangione.

Bien. Vous avez joué au ballon au hand, vous êtes dans un club de ballon… Rien que de très normal pour quelqu’un qui s’appelle « Deballon » …
(Rires) C’était écrit ! Il y a eu deux ou trois blagues comme ça quand j’ai repris le club, qui disaient que j’étais prédestiné. Ce qui est drôle, parfois, c’est quand je regarde des matchs de foot et qu’il y a des ramasseurs qui renvoient un ballon sur le terrain: là, le commentateur dit « Ah, il y a deux ballons sur le terrain ! (rires) » Mais c’est vrai que j’ai toujours été plus passionné par les sports collectifs. J’ai toujours trouvé incroyable cette alchimie entre des individus et un collectif. On voit souvent que le collectif est plus fort que les individualités.

Votre première fois dans un stade de football pro ?
Il ne faut pas le dire, les supporters ne vont pas être contents (rires). J’étais allé voir Auxerre, c’était l’année de son titre (en 1998), et Djibril Cissé avait marqué, je crois que c’était contre Lens (1-0).

Le match historique du DFCO ?
Celui que j’ai en tête, c’est quand le DFCO a battu le PSG en coupe de la Ligue (3-2, en 2011), c’était exceptionnel, et aussi le match de la montée en Ligue 1.

C’est quoi la place logique du DFCO sur l’échiquier du foot français ?
C’est obligatoirement au-dessus du National, donc en Ligue 2 ou Ligue 1. A court terme, la Ligue 2, et ensuite, la Ligue 1. Mais je préfère être solide et stable en Ligue 2 qu’une étoile filante en Ligue 1. Qu’on ait le temps de construire sur des bases saines, pour qu’au moment où l’on monte, cela soit maîtrisé et préparé.

Une autre équipe que vous supportez ?
J’aime bien le Red Star parce que j’habite pas loin, à Clichy. J’ai une affection aussi pour l’AS Cannes : il y a deux ou trois ans, on m’a proposé le dossier, je m’étais plongé dedans, j’aime bien les clubs historiques. Des clubs où il y a une ferveur positive.

« Vivre à crédit, ça ne marche pas »

L’équipe féminine après sa victoire contre Nantes.

Votre première prime de président ?
Ah ! Les primes… J’ai eu cette discussion avec les joueurs : j’avais vu une vidéo du président Nicollin à Montpellier qui disait, avec sa gouaille, « je vais doubler » ou « je vais tripler », il y avait ce côté Pagnolesque que j’adorais, et je m’étais dit, le jour où j’aurai un club de foot, il faut que je le fasse.

Donc, après une victoire, un jour, je décide de doubler la prime. Déjà, je me suis trouvé très mauvais dans le discours. Ensuite, quand vous sortez du vestiaire, vous vous dîtes « Putain, je viens de claquer X milliers d’euros, c’est complètement débile », et ensuite, surtout, après ça, dès que vous rentrez dans le vestiaire, vous devenez une cible. Les joueurs crient « Président, président »…

Et puis, il y a eu ce match du Mans, chez nous, quand on prend 5 à 0. J’ai pris la parole. J’ai dit aux joueurs que, à chaque fois que j’étais dans ce vestiaire, mes moments de joie étaient gâchés parce que soit je vous donne une prime et je tire une balle dans le pied du club, soit je ne vous la donne pas et je passe pour un radin. Du coup, je leur ai dit que je ne voulais plus jamais qu’ils me demandent une prime. Quand j’en aurai envie, je vous le dirai. Je ne voulais plus avoir à subir cette dictature de la prime, et ça m’a fait un bien fou, maintenant je me sens beaucoup plus à l’aise dans le vestiaire; l’autre fois je leur ai laissé les maillots parce qu’ils avaient fait un super match, ils étaient super-contents. Pour ça, je ne suis peut-être pas trop « foot à l’ancienne », mais je trouve que l’on ne doit pas être là que pour l’argent : il y a un contexte global dont il faut tenir compte.

C’est un peu caricatural ce scénario. D’autres présidents de Dijon m’ont dit que les plus belles saisons avaient été réalisées quand le club avait le moins de moyens. Et cette saison, on a baissé la masse salariale de l’ordre de 30 à 35 %. J’appelle d’ailleurs de mes voeux que tous les clubs baissent en termes de rémunération parce que ce n’est pas possible d’être dans une industrie où tout le monde perd de l’argent. Normalement, l’exception, c’est quand une boîte d’électricité sur dix ne gagne pas d’argent; là, nous, on est dix clubs de foot pro, et il n’y en a pas une qui gagne de l’argent, ça ne peut pas tenir. Vivre à crédit, ça ne marche pas, ou alors, on cède le club à des investisseurs extérieurs dans le cadre de multi-propriété, mais ce football-là n’a pas de saveur pour moi.

Avez-vous déjà piqué des crises de colère au DFCO ?
Non. Même celle contre Le Mans, c’était une colère feinte. J’étais groggy. J’avais le sentiment que rien n’avait fonctionné. On ne sentait pas une équipe qui lâche. C’est juste que c’était un jour sans. J’ai eu des moments en revanche où je me suis dit, « là, on me prend pour un con » : un joueur voulait être transféré, il a simulé une blessure, je l’ai reçu, je lui ai dit « Tant que tu fais semblant d’être blessé, il n’y aura aucune discussion », et deux heures après, il courait sur le terrain, et deux jours après, on le transférait à Bastia. On est entre adultes tout de même. On n’a pas de temps à perdre avec des faux semblant.

Vous êtes toujours en rapport avec Olivier Delcourt, votre prédécesseur ?
Oui, on s’envoie des messages régulièrement. Après, je suis quelqu’un qui aime bien faire ses propres erreurs. Ce n’est pas très intelligent, je pourrais peut-être les éviter en échangeant plus souvent avec lui, mais j’aime bien les choses à ma manière, prendre le lead, sans cracher sur le passé, parce que ce qui a été fait est important et le club a été structuré grâce à lui aussi. On a de bonnes relations.

« Je suis Dijonnais ! »

La joie du public avec les jeunes de la Gambardella, qualifiés pour la finale.

En écoutant votre interview sur Le Dijon Show, on a appris que le club était à vendre depuis 3 ans quand vous l’avez repris : mais alors, pourquoi ne pas l’avoir acheté 3 ans plus tôt ?
Parce qu’il y a 3 ans, j’étais beaucoup plus pris qu’aujourd’hui par Weezevent, parce qu’il fallait beaucoup de moyens et qu’à cette époque, j’avais une opération que je n’avais pas encore réalisée et qui était de céder une partie du capital, donc une fois que cela a été fait, j’ai été en capacité d’acheter le club de façon plus sereine.

C’est aussi pour ça que je n’avais pas plus avancé avec l’AS Cannes à l’époque, où je n’avais pas non plus d’accroches locales, ce qui n’avait aucun sens. En 2023, j’ai été appelé par un membre du DFCO qui m’a dit que le club était en discussion avec des Américains, mais qu’il ne sentait pas le truc, il m’a dit que ce serait mieux que cela soit un Dijonnais qui rachète, bref, il m’a demandé si cela m’intéresserait. Là, j’ai commencé à regarder le sujet, je me suis pris dans le projet j’ai lancé l’aventure.

Dijon, cela a un réel sens pour vous ?
Ah oui ! Je suis né à Dijon. J’y suis resté jusqu’à la fin de mes études, mes parents, mon frère, mes grands-parents sont enterrés à Dijon, mes cousins habitent Dijon, mes copains aussi ! Je suis Dijonnais. Quand j’ai fait mon premier entretien d’embauche avant de créer Weezevent, la première question était « Présentez-vous », donc j’ai dit que j’étais Dijonnais, et là, on m’arrête, et on me demande « C’est important pour vous ? » J’ai répondu que oui, que c’était important de savoir d’où l’on venait. C’est une ville que j’ai ancrée au coeur. Ce n’est pas un investissement financier, d’ailleurs, s’il y avait eu un club à reprendre d’un point de vue économique, le plus mauvais choix, c’était de reprendre Dijon, il y avait des clubs plus intéressants, avec des potentiels plus élevés, avec des besoins financiers moins forts et un endettement nul. Donc je l’ai par amour.

Avez-vous peur de l’échec ?
Oui. La peur que j’ai, c’est la suivante : il y a une probabilité très forte que je sois le président de toute l’histoire du DFCO qui aura mis le plus d’argent. Les anciens présidents ont réussi à développer un résultat d’exploitation suffisant, sans apporter de l’argent personnel, or moi, là, actuellement, je suis en train de combler un déficit d’exploitation, donc j’ai peur de ça, et j’ai peur d’être celui qui, un jour, sera obligé de dire « Stop » et d’arrêter le club, et de passer alors injustement pour le méchant, alors que je serai celui qui aura le plus donné économiquement. Mais ça fait du bien de le dire, parce qu’une fois qu’on est au fond de la piscine, on ne peut que remonter.

Ma mère m’a dit quelque chose de très vrai : parfois, j’ai eu des moments difficiles depuis que je suis arrivé au club, je me demandais comment on allait y arriver, je réfléchissais à tout, je dormais mal alors que je suis un bon dormeur, et elle m’a dit : « Il n’y a pas mort d’hommes ». Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit. On est de passage. Cela ne dure qu’un temps. Alors oui, j’ai peur, mais en même temps, il y a plus grave dans la vie.

  • Le point en National à trois journées de la fin

Journée 30 (vendredi 2 mai 2025, 19h30) : La Berrichonne de Châteauroux – Dijon FCO (4e, 46 points); US Boulogne CO (3e, 52 points) – Sochaux et Le Mans FC (2e, 54 points) – FC Rouen.

Journée 31 (vendredi 9 mais 2025 à 19h30) : Dijon FCO – US Boulogne CO et US Concarneau – Le Mans FC.

32e et dernière journée (vendredi 16 mai à 19h30) : FBBP01 – Dijon FCO ; US Boulogne CO – La Berrichonne de Châteauroux ; Le Mans FC – FC Versailles.

Les matchs sont diffusés en direct sur FFF TV : https://ffftv.fff.fr/63-national.html

  • Les confrontations directes (en cas d’égalité au classement) : Le Mans – DFCO 0-0 et DFCO – Le Mans 0-5; Boulogne – Le Mans 3-2 et Le Mans – Boulogne 2-0; Boulogne – DFCO 2-2 / DFCO – Boulogne (match le 9 mai).
  • Le calendrier des barrages Ligue 2 BKT / National : mardi 20 mai 2025 : 3e de National – 16e de Ligue 2 BKT ; dimanche 25 mai 2025 : 16e de Ligue 2 BKT – 3e de National
PH Deballon : « Dijon est une ville bourgeoise, très belle. Elle a des difficultés économiques comme toutes, mais elle ne transpire pas la souffrance, quand bien même le travail des vignes est un travail difficile. Peut-être qu’il manque un peu ce côté ouvrier. » (Photo 13HF)
  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Vincent POYER – DFCO (sauf mentions spéciales)
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