L’ex-attaquant des années 90, reconverti entraîneur depuis plus de 20 ans, mais sans club depuis l’hiver dernier, retrace sa riche carrière, parle des ses expériences et évoque sans filtre sa personnalité, un peu méfiante, mais pas si réservée que cela !

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos 13HF et DR

« Nono » Cabezas, sur le port de Golfe-Juan Vallauris, la semaine dernière, à côté de Cannes.

Jean-Noël Cabezas donne rendez-vous au café L’Escale près du port à Golfe-Juan, entre Cannes et Antibes. « Viens on se met en face, de l’autre côté de la route, contre la mer et des bateaux de pêche ! » lance-t-il. À force de voir la mer et les bateaux, nous, on n’y prête même plus attention ! Mais pas celui que ses amis appellent « Nono ». La mer, les bateaux, il adore ça. « Je fais un peu de plongée en apnée, ça permet de travailler le mental, et j’aime bien partir en pêche ».

En même temps, l’ancien attaquant des années 90 est né à Martigues et a grandi à Marseille, sous le soleil – « Il brille toujours ! » – et au bord d’une grande bleue qu’il a retrouvée en 2017, quand il a quitté le centre de la France et le Clermont Foot après 17 saisons , dont 15 dans l’encadrement, pour s’asseoir sur le banc de Fréjus/Saint-Raphaël en National 2. Pour se rapprocher de ses parents aussi.

Depuis, il n’a quasiment plus bougé de la Côte d’Azur, hormis une escapade à Andrézieux, en banlieue de Saint-Etienne, en 2018/19, avec à la clé la fameuse élimination de l’Olympique de Marseille, le 6 janvier 2019 (2-0), en 32e de finale de la coupe de France, au stade Geoffroy-Guichard ! Malheureusement, l’épopée s’était arrêtée en 16e (élimination face à Lyon-Duchère 1-2, club de National).

Quinze saisons dans l’encadrement à Clermont

Photo « collector », sous le maillot du Havre, il y a 35 ans déjà !

Cette qualification face à l’OM, c’est sans doute à ce jour son fait d’armes le plus marquant comme coach, du moins celui qui a eu le plus de retentissement médiatique. Cela aurait pu lui ouvrir les portes du BEPF, le diplôme d’entraîneur professionnel, il n’en fut rien. Cela lui a au moins ouvert les portes du club de son coeur : l’AS Cannes. Limogé d’Andrézieux après seulement 8 matchs la saison suivante, il rebondit, certes à l’étage en dessous, en National 3, chez les Dragons azuréens, mais le projet est tellement ambitieux et l’institution si prestigieuse…

Et puis Cannes, comme le raconte Jean-Noël dans cet entretien ensoleillé, c’est l’équipe qu’il allait voir et supporter quand il n’était encore qu’un jeune avant-centre de 18 ans, qui évoluait en Division d’Honneur à Vallauris, sur les hauteurs de … Golfe-Juan. À cette époque, il s’entraîne la journée avec le centre de formation des Rouge et Blanc – l’un des meilleurs de l’Hexagone – et rejoint son club le soir. Deux saisons et deux accessions plus tard – Vallauris accède en Division 4 puis en Division 3 -, c’est le grand saut dans le monde pro pour le grand attaquant, qui portera ensuite les couleurs du Havre (D2), d’Annecy (D2), d’Alès (D2), de Vallauris à nouveau (D3, titre de meilleur buteur aux côtés de Hervé Renard et Zoran Vujovic notamment), de Toulon (deux passages, en National d’abord avec accession en D2 puis en D2 un an plus tard), de Cannes donc, en Division 1, de Troyes (D2, accession en D1), d’Amiens (D2) et enfin de Clermont (National et accession en D2), où il boucle sa carrière de joueur. Un très joli CV enrichi par la suite de quinze saisons passées dans l’encadrement du club auvergnat, à la formation, avec les U19 nationaux, avec la réserve et avec les pros comme adjoint. De quoi, là encore, emmagasiner beaucoup d’expérience.

Un vrai Marseillais qui se respecte !

Entraîner, « Nono » a su très vite qu’il se dirigerait vers ce métier une fois les crampons raccrochés : très tôt, déjà, à Marseille, dans des associations de quartier, il encadrait des plus grands que lui, le mercredi.
Sans club depuis son dernier « limogeage » à Fréjus, à l’hiver dernier, dans un club où il travaillait pour la seconde fois, Jean-Noël Cabezas, qui en profite pour s’entretenir et aller voir des matchs – « Ce soir je retourne au Vélodrome pour OM-PSG, j’y suis allé hier mais le match a été reporté à cause des intempéries ! » – s’est mis en quête d’un nouveau projet.

Pendant 45 minutes, il s’est confié, au point de parfois briser la carapace. Méfiant de prime abord, réservé, introverti, sensible, hésitant parfois à terminer ses phrases, « Jeannot » comme d’autres l’appellent aussi, ou « Cabezou », s’il intériorise beaucoup, a souvent montré une image à l’opposé de celle qui dégage, au point de parfois passer pour un grand bavard. Un vrai Marseillais qui se respecte, en quelque sorte. Qui aime parler … mais surtout de foot !

Interview : « Le foot rend méfiant »

Quand on retrace ton CV de joueur, on se dit… quel parcours, tout de même ! Partir de DH pour finir en D2 et en D1, c’est rare !
À Vallauris, j’étais surclassé, j’avais 18 ans, on a fait les montées de DH jusqu’en D3 mais je n’ai pas joué tout de suite en D3, je suis parti au Havre, avant d’être prêté à Annecy en D2, entraîné par Guy Stephan, que j’ai revu cet été au Mondial de Footvolley à Juan-les-Pins, c’était sympa, on a pu échanger. J’avais gardé un bon souvenir de lui. Après Annecy, je suis revenu à Vallauris, en D3, puis après c’est parti, Alès, Toulon, Troyes, Cannes, Amiens avant de finir à Clermont. J’ai eu de la chance dans ma carrière de joueur car j’ai fait beaucoup de montées, de la DH jusqu’à la Ligue 1, avec Troyes (accession en 1999).

À Clermont, où tu as fini ta carrière de joueur sur une nouvelle montée en Ligue 2 (en 2002), tu as passé quinze ans dans l’encadrement : pourquoi être parti en 2017 ?
C’est la venue de Corinne Diacre qui m’a fait partir. C’était un peu compliqué avec elle. Quand elle est arrivée, au bout d’une semaine, Olivier Chavanon, le directeur sportif de l’époque, m’avait dit « ça va être compliqué avec elle », et moi, je lui ai répondu « Dès le premier jour, j’ai su que ça allait être compliqué avec elle ! », donc là, j’ai décidé de partir.

« Je me suis présenté huit fois au BEPF… »

Photo AS Cannes

Quand as-tu su que tu deviendrais entraîneur ?
Quand j’habitais Marseille, j’entraînais les plus grands que moi, dans une association de quartier, La Millière, au milieu des HLM, c’était le mercredi, je faisais ça pour rendre service et gagner un peu d’argent aussi. J’aimais ça. J’avais entraîné des plus petits dans les quartiers aussi, avec une autre association, Les Escourtines (il a commencé au quartier de La Barasse, à côté du quartier de Saint-Marcel, puis à l’US Rouet). Quand j’étais joueur à Troyes, j’avais des discussions avec Alain Perrin, qui me voyait bien devenir entraîneur. Mais ce qui a tout déclenché, c’est à la fin de ma carrière de joueur à Clermont, quand j’ai monté une école de football pour les attaquants, en 2001; ça avait bien fonctionné, à tel point que des gros clubs, comme Marseille ou Lyon, venaient piller nos joueurs. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’équipe pro de Clermont, en Ligue 2 : l’équipe ne marquait pas beaucoup de but et Alain Dalan, le président de l’époque, m’a demandé de devenir adjoint et de m’occuper spécifiquement des attaquants; ça a bien fonctionné et tout est parti de là ! Ensuite j’ai passé mes diplômes. Aujourd’hui, je peux entraîner jusqu’en National 2.

Tu ne songes pas à te représenter au BEPF ?
Je me suis présenté huit fois déjà… Je n’ai pas eu la chance d’être pris et j’ai craqué ! Quand j’étais à Frejus, à Andrezieux, je me suis présenté, et une fois, j’ai même été le premier « repêchable » en cas de désistement d’un des candidats. Là, je me suis dit que, forcément, j’allais être pris l’année d’après, surtout qu’on venait d’éliminer l’OM en coupe de France avec Andrézieux, mais je n’ai pas été retenu et je dois dire que, mentalement, ça m’a « tué ». Aujourd’hui, ce n’est pas que je ne veux plus candidater, mais j’ai pris un peu d’age (58 ans), même si je m’entretiens, je cours, je fais attention à mon alimentation, mais je ne sais pas, je trouve que… Mais depuis quelques années, quand même, j’ai l’impression que pour l’admission au BEPF, ça s’est plus « ouvert ».

« Partir à l’étranger m’aurait plu »

Mais entraîner en National, ou dans la future Ligue 3, n’est-ce pas un objectif ? Ou être de nouveau adjoint en pro ?
Si j’avais eu mon BEPF, j’aurais eu des opportunités pour aller en Belgique, par rapport à certaines connaissances que j’avais. Partir à l’étranger m’aurait plu, pour changer, pour ne pas rester dans le confort. Comme jouer en Espagne aussi, ça m’aurait plu à l’époque, j’ai des origines espagnoles, du côté de l’Andalousie. Après, retrouver un staff pro, oui, mais il faut que ça matche avec le coach; ça dépend de l’entraîneur en place. Par exemple, je m’entendais bien avec Michel Der Zakarian à Clermont, donc travailler pour et avec quelqu’un que l’on apprécie, comme Michel par exemple, oui. Je pense qu’il faut une connexion entre le numéro 1 et son adjoint, qu’on soit comme une équipe. Je le vois bien, car j’ai été numéro 1 aussi, et je n’ai pas eu que des bonnes expériences avec mes adjoints. Parfois, les choses négatives font grandir et permettent de rebondir. Je suis toujours dans cette optique-là. Ce n’est ni facile d’être adjoint, ni facile d’être numéro 1. Mais je préfère ne retenir que le positif de mes expériences.

« Je n’ai pas vu mes enfants grandir »

On sent un grand regret tout de même…
(Hésitation) Au Clermont Foot, j’ai fait de la formation, j’ai sorti Romain Saïss, le capitaine de l’équipe du Maroc, je me suis occupé de lui, il y avait aussi « Yacou » Sylla (Aston Villa, Rennes, Montpellier), que j’ai fait venir, l’attaquant « Momo » Bayod, Mathias Pereira-Lage, Julien Laborde, plein de joueurs comme ça, j’étais connu quand même aussi grâce à mon travail là-bas. J’avais une double casquette, entre la formation et les seniors, le matin et l’après-midi avec les pros, le soir avec la réserve… Et je ne n’ai pas vu mes enfants grandir… Si c’était à refaire, je ne le referais pas. C’est ma passion, bien sûr, mais bon…

Tu dis que tu n’as pas vu grandir tes enfants…
Ma fille, Mathilde, a 30 ans, elle chante (sous le pseudo « Mathilda »). Mon fils, Noë, a 25 ans, il joue à Alès en N3. Je ne les pas vu grandir, non, parce que j’ai tellement donné à Clermont que c’était au détriment de ma famille. Je m’en suis aperçu quand Corinne Diacre est arrivée. Je ne lui en veux même pas, cela fait partie du foot mais, surtout, cela m’a fait réaliser que la famille était plus importante, même si Claude Michy, le président de Clermont Foot, m’avait dit « Les entraîneurs passent, mais toi tu restes », parce qu’il voulait que je reste.

Le clip de Mathila (« Est-ce que les autres s’aiment ? ») : cliquez ici

Noë, son fils de 25 ans, a signé à Alès, où Jean-Noël a évolué en D2 dans les années 90. Photo OAC

À Fréjus/Saint-Raphaël, tu as été limogé une première fois puis tu n’as pas été conservé en fin de saison une seconde fois… À Cannes, tu n’as pas non plus été conservé : c’est digéré ?
Il y a eu Andrézieux aussi ! Mais à Andrézieux, la deuxième année, je savais que le club cherchait un entraîneur de la région stéphanoise, donc je n’ai pas été surpris quand j’ai été limogé, parce qu’on m’avait prévenu. Ils ont mis Romain Revelli à ma place.

Quand je suis allé la première fois à Fréjus/Saint-Raphaël, c’était pour être adjoint de Charly Paquillé. Et puis je voulais aussi revenir dans le sud pour des raisons familiales. Charly a été limogé et j’ai pris la suite mais en juin, je n’ai pas été gardé. J’ai été surpris parce qu’on avait vraiment fait une belle saison (5e). C’est dommage, parce qu’on n’a pas eu le temps de se structurer, c’est un peu le problème d’ailleurs du foot amateur, et aussi du foot pro, sauf que dans le foot pro, il y a plus de moyens pour mettre des choses en place, comme une cellule de recrutement par exemple, un meilleur suivi des joueurs, etc. C’est ce que j’ai essayé de faire à Fréjus et aussi à Cannes.

« J’ai toujours adoré l’AS Cannes ! »

Tu es « marseillais » mais tu as supporté Cannes, c’est étrange tout de même…
Quand j’étais jeune, j’allais voir tous les matchs de l’OM, et parfois j’allais aussi voir les entraînements à Saint-Menet, sur un terrain à côté de chez moi, je ratais parfois l’école pour y aller ! Je regardais les attaquants, je me souviens de ce joueur, Marc Berdoll… Je regardais aussi leur comportement, l’exigence, mais c’était une autre époque, le club était en Division 2. Quant à Cannes, j’ai toujours adoré ce club, alors que je n’y étais pas ! Mais j’aimais ce côté « petit poucet », quand le club était en première division.

Mais d’où vient cette « amour » pour l’AS Cannes ?
Quand je jouais à Vallauris, j’allais voir tous les matchs de Cannes. J’étais supporter. Puis j’ai eu la chance d’être joueur au club et ensuite entraîneur. Il y a eu des grands noms, des grands entraîneurs comme Jean Fernandez ou Arsène Wenger, qui est une référence pour moi. Wenger, c’est quelqu’un qui construit, qui outrepasse sa fonction d’entraîneur. J’essaie, à mon niveau, de le prendre en exemple. Quand on est entraîneur, on regarde les meilleurs pour s’en inspirer et voir ce qu’ils font. Quand j’étais joueur, je faisais pareil. Quand je suis venu travailler à l’AS Cannes, je me suis installé à Vallauris, parce que là-bas, j’y garde de bons souvenirs, c’est le club qui m’a mis le pied à l’étrier et j’y ai des amis.

« Il y a des choses beaucoup plus graves que le foot »

Photo AS Cannes

Que gardes-tu de ton passage à Cannes sur le banc, où tu es resté cinq ans ?
D’abord, on a eu deux années « covid » puis la troisième année, on est monté de National 3 en National 2 avec Anny Courtade et Xavier Bru aux commandes. Anny, elle nous faisait confiance, et quand le club a été vendu à la famille Friedkin, ils ont voulu mettre un entraîneur « à eux », c’est comme ça… Mais bon, je ne suis pas allé à Cannes pour l’argent, mais pour faire remonter le club, parce que j’étais attaché à ce club.

Ensuite, la saison passée, tu es retourné à Fréjus/St-Raphaël (N2), dans un club qui ne t’avait pas conservé cinq ans plus tôt : étrange, non ?
(Sourire) Oui, c’est vrai ! On était dans les trois premiers jusqu’en novembre/décembre et puis on a eu un problème… (il marque un silence). Un joueur est tombé malade (il marque à nouveau un silence), un très-très bon joueur, qui tenait la baraque derrière (le défenseur central Julien Mouillon). Il a eu une grosse maladie et ça m’a rappelé les mauvais souvenirs de janvier 2009, quand on a perdu Clément Pinault. La maladie de Julien, je l’ai mal vécue. Tu sais, le foot c’est dur, OK, mais quand on vit ça… Je crois qu’il n’y a rien de pire. J’ai mis deux ans pour me remettre du décès de Clément (Pinault), on était très proches. Donc ce limogeage à Fréjus, je le relativise, parce qu’il y a des choses beaucoup plus graves. La maladie de Julien (Mouillon) m’a ramené à tout ça, et sans doute que je n’ai pas été bon, que je n’ai pas su gérer mes émotions.

« Je suis peut-être un peu plus sensible que d’autres »

Rabat, Bonadei, Moses… Le temps des copains, au Sporting-club de Toulon (document Le musée du Sporting)

En ce moment, beaucoup d’entraîneurs nous parlent de la gestion de leurs émotions : tu aurais donc toi aussi des choses à régler de ce côté là ?
En général, j’arrive à les gérer sur le terrain, par exemple, je me contrôle, je ne me suis jamais fait expulser, mais un décès, une maladie, là, ce n’est pas pareil, on n’est pas préparé à ça. Je suis un peu plus sensible que d’autres, peut-être. J’ai du mal à gérer ces situations. Mon frère a eu une grosse maladie : il est resté à l’hôpital pendant deux ans à Hyères à Pomponiana (Institut de rééducation fonctionnelle), ça m’a vraiment touché, tout est lié à l’enfance aussi… C’est dur de gérer des choses comme ça. Je suis proche aussi de l’association Adrien et de René Molines, son président, à Pégomas, près de Cannes, parce que ce sont des choses qui me touchent. Et parce qu’il n’y a pas que le foot. Je pense être proche des joueurs : « Yacou » Sylla m’a appelé quand il a eu son diplôme d’entraîneur, Romain Saïss aussi, on garde le contact, j’ai de bons souvenirs avec eux. Le côté humain est important.

Tu dis que tu es un entraîneur exigeant : mais qui sont les coachs qui t’ont marqué ?
J’aimais bien Alain Perrin, au niveau du jeu, il nous faisait bien jouer; au niveau relationnel, c’était dur, même si avec moi ça se passait bien. Il faut dire que quand je l’ai eu, j’avais la trentaine, j’avais déjà de la bouteille et il savait que je pouvais tenir le vestiaire. Je n’étais pas un leader par la parole mais par les actes, je pense que c’est pour ça qu’il m’appréciait aussi. J’ai eu un autre entraîneur qui m’a marqué : Léonce Lavagne, à Alès. Il faisait jouer des amateurs s’il le fallait, à la place des pros, parce qu’avec lui, c’était au mérite, peu importe le statut. Il était dur mais écouté et honnête. C’est quelqu’un qui allait au bout de ses idée. C’est ce qu’on attend d’un entraîneur.

« Beaucoup de clubs amateurs travaillent bien »

Aux côtés de l’ex-international Jean-Marc Ferreri, à Toulon.

Puisque l’on parle d’Alès, pourquoi ce club (N3) n’y arrive-t-il pas ? Et pourquoi Toulon (N2), où tu as évolué deux fois, n’y arrive pas non plus ?
À Alès, il y a toujours eu des problèmes financiers et à Toulon, c’était un peu pareil à mon époque. Cela veut dire que cela a mal été géré de l’intérieur. Et puis il y a autre chose : aujourd’hui, il y a beaucoup de clubs amateurs de National 2 et de National 3 qui travaillent très bien, qui sont très bien structurés, avec des personnes qui s’investissent beaucoup dans leur travail. C’est pratiquement devenu du semi-professionnel. C’est pour ça qu’en N2 et en N3, c’est très dur de monter, il faut bien s’entourer et bien connaître le niveau.

Par exemple, en National 2, ce n’est pas parce qu’un club va prendre six ou sept joueurs du niveau au-dessus qu’il va monter, parce qu’il faut un état d’esprit, il faut que les joueurs soient complémentaires, sans compter que c’est la bagarre chaque week-end. Les clubs ont progressé, et peut-être que Toulon et Alès, qui ont été des clubs phares, ont moins progressé que les autres… Cette saison, Alès, où joue mon fils Noë, a une équipe très jeune, c’est très intéressant ce qu’ils font, ils ont quand même perdu leurs attaquants à l’intersaison alors qu’ils marquaient beaucoup de buts l’an passé, mais ça a l’air de bien prendre. Il faudra voir si l’effectif est suffisant sur la durée.

Il y a autre chose : il faut connaître les régions aussi. À Alès, il y a les mines à côté, il faut connaître la population locale, leurs valeurs, savoir où on est. Par exemple, quand j’étais entraîneur à Andrézieux, je suis allé voir le musée de la mine à Saint-Etienne, c’était incroyable, ce sont des choses qui marquent. On aurait pu ajouter Andrézieux dans la question précédente, un club qui évolue depuis longtemps en N2, qui a de superbes infrastructures, mais qui n’arrive pas à monter… Parce qu’il faut laisser du temps, et j’espère que Roland (Vieira), qui est un bon coach, en aura. Au Puy, il en a eu, il est resté 10 ans, mais dès fois, au foot, on n’a pas le temps de construire. Pourtant, c’est le secret, mais…

« Le foot, ce n’est pas que l’argent »

Tu connais bien le championnat de National 2 : tu le trouves comment aujourd’hui ?
Il évolue. Il est de plus en plus dur, parce que beaucoup d’équipes, comme je le disais avant, travaillent bien. Elles se donnent les moyens de bien travailler, même si elles n’ont justement pas trop de « moyens » financiers, parce qu’on voit bien que le foot, ce n’est pas que l’argent, sinon ce serait trop facile.

Tu penses à Cannes en disant cela…
Non mais quand j’étais à Cannes, il y a quelque chose qui m’a frappé : en fait, je regardais toujours mes adversaires en vidéo avant de les affronter, et quand ils jouaient contre nous, ce n’était pas du tout la même chose, cela ne ressemblait plus à l’équipe que j’avais vu en vidéo. J’avais bien prévenu mes joueurs par rapport à ça. En fait, l’explication est simple : nos adversaires avaient une envie décuplée de nous « taper », un peu comme ceux qui jouent contre Bordeaux aujourd’hui en N2, et ils étaient donc parfois en sur-régime. Ce qui fait que nos matchs ressemblaient plus à des matchs de coupe. Voilà, c’est ça, en fait, chaque semaine, on faisais des matchs de coupe de France, et même parfois des matchs de coupe d’Europe, parce que les mecs, en face, jouaient leur vie !

« Je vais au bout de mes idées »

Tu as l’air d’une personne très méfiante, limite « parano » comme pas mal de coachs d’ailleurs…
Oui, « parano », je me mets dedans aussi ! Méfiant, ce n’est pas que dans le foot, c’est dans la vie de tous les jours, même si évidemment le foot veut ça. Le foot rend méfiant. Peut-être que si j’avais fait un autre travail, j’aurais été pareil, parce que les gens sont…

Fourbes ?
Fourbes. Ce n’est pas que je me méfie, mais… Déjà, au foot, avec les joueurs, on arrive à cerner leurs mentalités, par rapport à ce qu’ils font sur le terrain, et on retrouve ces traits de caractère, la combativité, la créativité par exemple, après leur carrière de joueur.

Anny Courtade, l’ex-présidente de l’AS Cannes, nous a dit que tu avais pris des cours de communication, mais en plaisantant, elle a rajouté que tu n’en avais sans doute pas pris assez !
(Rires) J’ai lu un de tes articles l’an passé sur Hervé Della Maggiore, l’entraîneur d’Orléans, qui avait des problèmes de communication, et je me suis retrouvé en lui, ça m’a marqué. J’ai pris des cours quand j’étais à Clermont parce que je pensais que je devais progresser dans ce domaine, mais ce n’est pas évident, entre savoir les choses et les transmettre, c’est dur. Mais je trouve que j’ai beaucoup progressé par rapport à avant, je m’en aperçois quand je vois des joueurs que j’ai formés et que j’ai retrouvés plus tard, ils me le disent.

Anny Courtade dit aussi que tu es … têtu !
Disons que je vais au bout de mes idées mais je sais reconnaître mes torts. Dans le foot, il y a des choix à faire, je sais où je vais. Par exemple, quand j’étais à Cannes, j’étais critiqué, les supporters ont même demandé mon départ, mais ça me fait rire, parce que quand j’allais manger à La Bocca, ce quartier de Cannes que j’aime, juste à côté du stade Coubertin, les gens venaient me voir en me félicitant… Les supporters n’étaient pas contents après un match nul ou une défaite, c’est normal, mais je n’ai pas perdu beaucoup de matchs avec Cannes (sourire). Il faut accepter ça, je l’accepte, le foot est un sport populaire. J’ai été moi-même supporter, donc je peux comprendre que l’on ne soit pas content après un match, mais cela reste du foot. Et puis les supporters n’ont pas tous les éléments, ils ne savent pas, par exemple, que si je ne fais pas jouer tel joueur, c’est qu’il y a une raison… une blessure par exemple.

Créativité, intelligence de jeu…

C’est quoi, tes inspirations, tes modèles, tes références en matière de jeu ?
J’aime le foot espagnol (il a des origines espagnols, du côté de l’Andalousie). Je trouve qu’il est plus structuré, on y parle de « carré » par exemple. Comme je n’ai pas été pris au BEPF, j’ai suivi sur internet des cours de formation de foot espagnol pour « compléter », pour voir le jeu de position. Là bas, ils utilisent des mots différents. Nous, aujourd’hui, on parle de transition, mais les transitions, ça a toujours existé !

À mon époque, Jean Fernandez nous disait qu’il ne fallait pas faire cinq passes, il faisait déjà de la récupération du ballon, on n’invente rien aujourd’hui ! Moi, ce que j’aime, c’est que les joueurs trouvent des solutions; par exemple, quand je mets des situations de jeu à l’entraînement, c’est pour développer l’intelligence de jeu, parce que c’est important. On parle aussi de ce « foot robot », qui manque un peu de créativité aujourd’hui, mais pour moi, tout part du football chez les jeunes. Il faut laisser de la créativité dans les trente derniers mètres et accepter, si le joueur tente quelque chose, qu’il perde un ballon mais derrière, il faut que le mec chasse, qu’il fasse du « un contre un », ce qui se fait de plus en plus maintenant, où c’est pratiquement du marquage individuel. Il faut des joueurs rapides derrière si on joue haut, si on fait le pressing haut, sinon on prend des vagues. J’aime bien le système en 4-3-3 avec des centres, j’aime aussi quand on « rentre » à l’intérieur pour mettre le surnombre. Il faut mettre de la variété dans le jeu. Le 4-4-2 aussi, c’est bien structuré, mais si j’ai l’équipe pour jouer avec des pistons, je vais changer le style, parce qu’il faut gagner des matches ! C’est pour ça que la formation est importante, que le travail est important, afin que les jeunes connaissent les systèmes et s’adaptent quand il le faut.

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : 13HF et DR
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • D’autres articles ? Visitez le site web13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Échaudé par le dossier Bobigny et une deuxième saison de suite à 17 clubs au lieu de 18, le président de la FFF donne sa vision de la future Ligue 3 professionnelle, prévue le 1er juillet 2026. Il évoque la fameuse date butoir du 17 juillet ainsi que les contrats des joueurs. L’assemblée fédérale du 13 décembre devrait apporter un éclairage, une fois les recommandations, attendues pour mi-octobre, établies.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos 13HF

Territoire. Le mot revient souvent quand on parle de foot amateur. Il est même galvaudé. L’on entend parler de plus en plus, par exemple, de « football de territoire ». Le président de la Fédération Française de football, en visite le week-end dernier à Mandelieu, à côté de Cannes, à l’occasion du congrès des présidents de district, l’a souvent employé dans un entretien qu’il a donné à l’issue de l’assemblée générale de l’ANDPF (Association nationale des présidents de district).
Venu à la rencontre des présidents de districts – « nos élus de proximité, ceux-là même qui sont au plus près de nos 12 000 clubs » – pour les écouter et présenter les orientations majeures que la FFF propose pour le foot amateur, Philippe Diallo s’est ensuite confié pendant un gros quart-d’heure aux médias présents et a rappelé « le soutien économique d’aide au football amateur. Cette saison, la FFF a battu un record d’aide : nous avons distribué de diverses manières près de 106 millions d’euros et une loi de programmation financière vise à faire passer ces aides à 150 millions d’euros ».
Accompagné notamment du directeur général de la FFF, Jean-François Vilotte, et entouré de Marc Touchet, président de l’ANDPF, et d’Alain Broche, président du district de Côte d’Azur, Philippe Diallo est, sans entrer de manière spécifique dans les détails, revenu sur la création de la Ligue 3 professionnelle (en remplacement du National), qui suscite toujours autant de commentaires et, légitimement, d’interrogations. En mai dernier, nous avions consacré un large dossier sur le sujet, à relire ici : « La Ligue 3 tiendra-t-elle toutes ses promesses ? »

Philippe Diallo : « On ne va pas refaire le dossier Bobigny »

Président, la Ligue 3 pro est dans les cartons : mais où en est-on de sa mise en place ?
La Ligue 3, c’est un engagement. Elle sera lancée, je l’espère, en 2026-2027, parce que, mécaniquement, le National accueille de plus en plus en de clubs professionnels. Au début, ils étaient au nombre de 3 ou 4, maintenant, il y en a une majorité, ils sont beaucoup plus nombreux. On a tiré des conséquences de cela. Le championnat National se professionnalise et les clubs qui sont sous statut fédéral fonctionne plus ou moins comme des clubs professionnels. On a donc décidé de réparer ça avec un groupe de travail mené par Marc Keller (président de Strasbourg) et Baptiste Malherbe (président et directeur général de l’AJ Auxerre), qui sont membres du ComEx (Comité Exécutif de la FFF), et qui travaillent sur ce projet. Une première étape a été franchie avec le format de cette compétition. Là, on est dans la deuxième phase, celle de régulation.

Dans ce championnat professionnel placé sous l’égide de la FFF, on ne veut pas qu’il y ait des clubs au tapis en raisons de dérives (financières). C’est pour cela que je souhaite un championnat très encadré, avec des règles que je partage avec les présidents de clubs, les joueurs, les entraîneurs, sur un certain nombre de pistes comme l’encadrement de la masse salariale, la limitation des effectifs, l’obligation d’avoir des joueurs formés localement… autant de dispositifs destinés à mieux réguler le championnat, afin de le rendre professionnel et pérenne.

J’attends dans les deux prochains mois les recommandations pour que, à l’assemblée fédérale du 13 décembre 2025, nous puissions présenter un certain nombre d’orientations et être en capacité de lancer ce championnat de Ligue 3 en 2026. La FFF, elle, travaille sur la diffusion et le « namer », un mot que je n’aime pas beaucoup, du championnat, que nous accompagnerons financièrement.

Vous parlez souvent de « maillage », de territoire…
Dans cette future L3, on a beaucoup de villes françaises de catégories moyennes mais suffisamment importantes en termes de démographie, de bassin économique, pour faire un football de qualité, partout en France, parce que c’est une richesse du foot français. Quand je parle de 12 000 clubs sur le territoire, je parle de ce maillage territorial, qui est la force du football. Tous les Français ont accès à quelques kilomètres de chez eux à des matches de football. Cette Ligue 3, c’est un élément supplémentaire de proximité pour les fans de foot, avec du foot de très haut niveau.

Pour les joueurs en formation, cela peut aussi être un moyen de s’aguerrir…
Pour les clubs pros de L1 et de L2 c’est aussi, au travers d’un système de prêt par exemple, un moyen de faire jouer des jeunes joueurs qu’ils ont commencé à former, dans des équipes de haut niveau, afin qu’ils s’aguerrissent avant de pouvoir revenir dans leur club. Cette Ligue 3 sera pour la première fois un championnat professionnel directement géré par la FFF (la Ligue 1 et la Ligue 2 sont gérés par la LFP, Ndlr). C’est un élément qui contribue au rayonnement des territoires et qui favorise l’émergence de futurs talents; ceux-ci trouveront d’abord en Ligue 3 l’occasion de s’exprimer. Tout cela est bon pour le foot français.

On connaît son format, mais quid de son exposition médiatique ?
Il faut pouvoir exposer ce championnat. C’est un des sujet sur lequel on planche, pour trouver le bon diffuseur, afin que la Ligue 3 puisse être accessible, dans les meilleures conditions, à tout le monde. Je rappelle qu’il est à l’heure actuelle directement pris en charge par la FFF qui assure la diffusion des matchs de National (via la plateforme FFFTV et la chaîne Youtube du National), mais on voudrait aller plus loin et trouver, si le marché répond, un partenaire qui accompagne ce championnat de L3.

« Définir le statut du joueur pro de Ligue 3 »

L’un des sujets majeurs, ce sont les contrats des joueurs, qui sont différents selon que l’on soit amateur ou professionnel : se dirige-t-on vers un contrat unique ?
Nous sommes aujourd’hui dans un championnat mixte, avec des clubs à statuts professionnels d’un côté et des clubs à statut amateurs amateurs de l’autre. Avec la Ligue 3 pro, cela veut dire que tout le monde aura un statut pro : une des missions que devront mener à bien dans les semaines qui viennent Baptiste Malherbe et Marc Keller sera de définir le statut du joueur pro de ligue 3. Cela nécessite un dialogue entre les représentants des clubs et les représentants des joueurs, et certainement aussi des entraîneurs, afin de définir les contrats de travail, les minimas salariaux, en s’ inspirant de la charte du foot professionnel, qui existe déjà, mais qui est sous l’égide la Ligue de football professionnel. Je pense qu’il serait intéressant de la dupliquer en partie pour l’adapter au niveau de la Ligue 3 pro, afin qu’il y ait un statut et un contrat professionnel adapté à cette division, qui pour le coup sera unique pour les joueurs.

Ces deux dernières saisons, le National se joue à 17 au lieu de 18 : pour son image, et pour celle de la FFF, ce n’est vraiment pas bon…
Ce que nous devons faire dans les mois qui viennent, c’est vraiment de mettre des règles de régulation en place fin d’avoir un championnat pérenne. Je ne veux pas de catastrophes économiques, humaines et sportives comme on en a connues avec des clubs qui déposent le bilan. On l’a encore vu récemment, cet été, à l’AC Ajaccio, auparavant c’était Bordeaux, cela s’est produit aussi à Sedan, etc. En terme de lien social, ce n’est pas bon pour les territoires dans certaines villes qui connaissent des difficultés. C’est pour cela que l’on doit être extrêmement vigilant sur la pérennité de ce championnat.

Oui mais ce National à 17 est aussi la conséquence de décisions administratives tardives et de la fameuse date butoir du 17 juillet, qui empêche tout repêchage…
Je partage votre avis. Vous ne croyez pas que la Fédération Française de Football préférerait avoir un championnat National qui se joue à 18 plutôt qu’à 17 ? Mais vous savez bien que l’on est dans un pays de droit. Chaque club a donc la possibilité de faire valoir ses droits… C’est vrai que les procédures sont longues, mais la FFF ne peut pas, entre guillemets, raccourcir ces délais de recours ni empêcher les clubs de faire valoir leurs droits. Donc nous sommes aussi tributaires de règles qui, je pense, ne sont pas totalement adaptées à la période de l’intersaison, on l’a directement vécu cet été avec la liquidation de l’AC Ajaccio et la frustration du FC 93 Bobigny, qui aurait aimé être repêché, mais qui s’est heurté aux règles que nous avons fixées. C’est pour cela que la FFF travaille, à travers sa secrétaire générale, aux recommandations qui doivent être soumises, dans un délai court – J’ai proposé à la mi-octobre -, pour voir comment éviter ces effets pervers de cette fameuses date du 17 juillet.

Lors de l’AG de l’ANDPF, à Mandelieu.

Je veux quand même rappeler que cette date est avant tout une règle de protection des clubs. On en voit parfois durant l’été les effets pervers, mais la première réalité de cette date, c’est de dire qu’à partir d’un moment, il faut bien constituer les groupes, il faut bien aussi que les clubs puissent constituer leurs effectifs et qu’ils sachent dans quel championnat ils vont jouer. Voilà pourquoi il y a cette date du 17 juillet. Aujourd’hui, on va essayer de gommer ces effets pervers. Une des pistes, je ne sais pas si elle sera retenue, au sujet de cette règle qui n’est pas appliquée en Ligue 1 et en Ligue 2, c’est de savoir si la future Ligue 3 devra avoir une date aussi fixe qui conduirait à peut-être perpétuer ces effets pervers. C’est une interrogation. On verra si elle est tranchée à la mi-octobre, avec les recommandations. Mais cela pourrait être une évolution de dire que, l’an prochain, en Ligue 3, il n’y ait plus de date butoir pour les clubs « repêchables ». En tout cas c’est sur la table. Nous déciderons à la mi-octobre.

Mais pourquoi, au moment de l’établissement de la poule le 17 juillet, ne pas inscrire des « ou » : par exemple, cet été, pourquoi ne pas avoir inscrit « Ajaccio ou Bobigny », sachant qu’il y avait ces fameux recours ?
Je ne veux pas rentrer dans le fond du dossier. Il a été traité. Une solution a été trouvée. J’ai eu une heure par jour les gens du club du FC 93 Bobigny tout l’été, je les ai encore par message… Nous avons identifié la difficulté, c’est pour cela que l’on essaie d’y répondre. On ne va pas refaire le dossier.

Lire aussi : La Ligue 3 tiendra-t-elle toutes ses promesses

  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : 13HF
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Après avoir failli associer son nom avec celui des Chamois Niortais, l’institution rayée de la carte, le désormais premier club des Deux-Sèvres, promu de N3, poursuit seul son développement, écrit sa propre histoire et entend se stabiliser tant sportivement que financièrement.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH, 13HF, Jules SAUVAGET et Michel DUBUS

Photo de couverture : FC Chauray / Jules SAUVAGET

Reportage réalisé avant la défaite concédée 2 à 0 à Bayonne lors de la J6, vendredi 19 septembre 2025.

Et si c’était ça, le charme du football ? Passer d’un stade de National 2 qui a connu la Ligue 1 ou la Ligue 2 (Cannes, Bordeaux, Istres, Nîmes, Beauvais, Créteil, Toulon, par exemple) à un autre qui a connu… enfin, qui n’a pas connu grand chose pour le moment, et qui ressemble plus à un stade de « Régional » !

Car en arrivant au stade municipal de Chauray, il faut un peu se pincer le nez pour croire que c’est du semi-pro, du foot de haut niveau. Et pourtant, ici, on joue bien en National 2 ! Même le nom de l’adversaire du jour en championnat, le FC Montlouis, ne confère pas à cette rencontre une connotation « N2 ». Chauray-Montlouis, bienvenue dans l’autre football !

L’ombre des Chamois

Le stade municipal de Chauray. Photo 13HF

Voir Chauray, Montlouis ou quelques autres à ce niveau-là a pourtant quelque chose de fantastique. C’est la preuve qu’il y a encore de la place pour ce football champêtre, ce football de village, ce football de clocher bien ancré localement. C’est la preuve qu’il y a encore la place pour de belles histoires. Et ça tombe bien, le FC Chauray est en train d’en écrire une nouvelle, après celle tristement refermée en avril dernier, quand le tribunal de commerce de Niort a liquidé ce qu’il restait de l’association des Chamois, l’institution locale.

Parce que Chauray, ville mutualiste sans centre-ville mais avec une impressionnante zone artisanale et commerciale (La zone Mendès France, qui compte 600 entreprises et 7500 emplois, est le principal financier de la CAN, la communauté d’agglomération niortaise), a toujours vécu dans l’ombre du voisin, du « géant », Niort, situé à seulement… 10 km !

Photo 13HF

Forcément, avec sa disparition au printemps, et l’accession inattendue du « petit » de National 3 en National 2, deux ans seulement après avoir quitté le Régional 1, s’est posée la question de « récupérer » l’appellation « Chamois Niortais », de pouvoir se « substituer » au club qui a passé 31 saisons en D2/L2 même connu la D1 en 1987/1988.

Le sujet a été lancé, mais la raison a prévalu : l’on ne remplace pas comme ça, d’un coup de crayon, une telle marque, une telle entité, au simple prétexte de vouloir rester dans le coeur des gens et de faire perdurer l’image.
Le FC Chauray a son histoire à écrire et, surtout, a sa propre identité, comme l’explique plus loin son président, David Rullier (rien à voir avec Cédric Rullier, l’entraîneur du GFA Rumilly en N2 !).

« Le National 2, ça n’a rien à voir ! »

Le 11 de départ à Dinan-Léhon. Photo Philippe Le Brech

Il est 17 heures. Les portes du stade municipal de Chauray ouvrent. Sur la pelouse dont la qualité saute aux yeux – quel billard ! -, les deux équipes s’échauffent. Le long de la main courante et tout autour du terrain, les dirigeants et bénévoles s’activent, notamment le président, qui est partout : claquements de bises, grands sourires, pas de course, il est partout et a un oeil sur tout : « Le N2, ça n’a rien à voir avec le N3 » lance-t-il quand il pose pour la photo !

Cet été, le stade de Chauray, où la main courante permet une grande proximité avec la pelouse, où quelques rangées de gradins devant la buvette – l’incontournable lieu de vie – sont très vite remplies, s’est doté de deux petites tribunes démontables mais couvertes de 100 places chacune. C’est simple, on dirait un kit. Entre les deux nouveaux espaces, trône la vieille tribune, d’environ 100 places également. Capacité du stade en places couvertes : 300. Capacité du stade : 1500 ! Le club s’est déjà approché de cette jauge lorsque, en National 3, la saison passée, 1300 personnes avaient assisté au match face à la réserve professionnelle d’Angers.

Un départ plutôt correct

L’entrée des joueurs à Dinan-Léhon. Photo Philippe Le Brech

Ce soir, contre Montlouis, 600 personnes sont présentes, dont un certain Pascal Gastien, venu en voisin et en ami, et de Cherif Djema, le directeur sportif de Bayonne, prochain adversaire. 600, c’est pas mal, mais c’est un peu moins bien qu’au match précédent (900) remporté dans le temps additionnel face à Lorient (1-0, but de Balamine Cissé à la 90’+2), mais cela fait tout de même du monde compte tenu de la configuration des lieux.

Comme partout, il y aura forcément un peu plus de monde si les résultats, plus que corrects pour l’instant (2 victoires, 1 nul à Granville et 2 défaites à Dinan-Léhon et Locminé), sont au rendez-vous et si le jeu prôné par le coach Fabrice Fontaine, plutôt technique et de position, est toujours au rendez-vous.

L’entraîneur Fabrice Fontaine. Photo Philippe Le Brech

Fabrice Fontaine, c’est 19 mois au FC Chauray (il est arrivé fin février 2024 en remplacement de Jérémie Delenne) et 20 ans aux Chamois Niortais ! Quand l’histoire vous rattrape… Depuis son intronisation sur le banc, qui avait à l’époque fait couler de l’encre, notamment dans son ancien club, l’OL Saint-Liguaire Niort (R2), lequel, par la voix de sa présidente, Katia Poncelet, avait déploré certaines « méthodes » – « Mais tout est rentré dans l’ordre », assure David Rullier -, le Réunionais (il est né à Saint-Denis) de 49 ans a bien redressé la barre.

Fontaine a tout d’abord assuré le maintien en N3 qui était loin d’être gagné à son arrivée, avant de finir en tête de sa poule la saison passée, 2 points devant la réserve de Nantes. C’est simple, depuis qu’il est là, l’ancien formateur, préparateur physique et adjoint en pro des Chamois affiche un bilan de 44 % de victoires en championnat (18 en 41 matchs) et signerait volontiers pour une telle « stat » en National 2 cette saison !

À l’issue de l’important succès des coéquipiers de l’ex-portier des Chamois Niortais en Ligue 2, qui a connu la Ligue 1 à Dijon, l’international béninois Saturnin Allagbé, face à Montlouis, concurrent direct pour le maintien (2-1, buts de Pierre-Bertrand Arné et de l’ex-guingampais Tieri Godame, sur deux passes de  Jérémy Grain), le président David  Rullier (45 ans) et l’entraîneur Fabrice Fontaine ont répondu à quelques questions, histoire de faire le tour du propriétaire, de comprendre encore mieux la philosophie du club et d’évoquer les ambitions et les axes de progression.

Fabrice Fontaine :

« On doit toujours apprendre de l’autre »

Photo 13HF

Né à Saint-Denis de la Réunion, Fabrice Fontaine (49 ans) arrive en métropole à l’âge de 15 ans, pour intégrer le centre de formation des Chamois, où il va finalement tout connaître ! Il devient ensuite le préparateur physique du Centre (de 2004 à 2009) avant d’enchaîner avec les pros (de 2009 à 2019). Dans la même période, il est aussi parfois adjoint, comme avec Patrice Lair en 2018/2019, qu’il suivra la saison d’après à Guingamp. En 2021, pour la première fois, il entraîne une équipe seniors, à La Rochelle, en Régional 1, pendant deux saisons. Puis on le retrouve sur le banc de Saint-Liguaire (R2) à Niort, pendant 6 mois jusqu’à ce que le club de Chauray ne vienne le débaucher, fin février 2024.

Photo 13HF

Fabrice, vous découvriez le N3 l’an passée et cette saison le N2 : peut-on dire que vous êtes encore un entraîneur en apprentissage ?
Je pars du principe que je suis en apprentissage depuis 20 ans ! Et je le serai toujours, avec l’envie de mettre des projets en place, avec des axes de réflexion, quelques certitudes, des idées. À Niort, j’ai souvent été dans l’ombre de quelqu’un, et dans ces cas-là, on travaille par rapport à lui et pour lui, pour la bonne conduite de son projet, en essayant de lui apporter ses idées, ses compétences, ses connaissances. Vous savez, en côtoyant des coachs, et j’en ai côtoyé quelques-uns, on apprend beaucoup humainement, techniquement, professionnellement, donc il y a des relations qui se nouent. J’ai croisé six coachs en pro à Niort, certains de manière très courte. Quand j’étais à la formation avec Pascal (Gastien), Philippe Hinschberger, avec qui je n’ai pas travaillé, était une personne qui m’inspirait, dans la philosophie notamment. On essaie toujours de tirer le maximum de ce que l’on apprend des autres, de s’en inspirer. Comme on s’inspire des plus grands, Arteta, Guardiola. Et aussi des formateurs que je croise à Clairefontaine. On échange beaucoup. Je pense que dans le foot, on doit apprendre de l’autre.

Le FC Chauray ne fait pas partie des grosses écuries en N2 : ce serait donc une déception de ne pas se maintenir ?
Ce serait un échec. Mais ce n’est que du football. On va tout faire pour être en N2 l’an prochain. Mon discours avec les joueurs, ce n’est pas du tout de dire que c’est une anomalie d’être là et qu’il faut se contenter de ça, non, mon discours, c’est de gagner tous les matchs. Après, c’est une culture à insuffler. Les joueurs ont compris le message. J’essaie d’instaurer une exigence, une ambition. On construit dans ce sens. Bien sûr que dans notre poule, il y a des clubs avec plus de moyens, mieux structurés, avec de meilleurs joueurs, mais s’il suffisait d’avoir plus d’argent pour gagner des matchs, hormis le PSG, cela se saurait.

Photo Philippe Le Brech

Votre équipe a la chance de s’entraîner la semaine à René-Gaillard : ce n’est pas rien tout de même…
C’est une chance, oui, cela montre aussi que l’on se donne les moyens de bien travailler. On s’entraîne six fois par semaine, le matin, et le mardi, on double les séances. On a trouvé le site de René-Gaillard par incidence, après la fin de l’histoire des Chamois Niortais, sinon on ne l’aurait pas eu. C’est fonctionnel, il y a plus de place, on a un vestiaire entier pour 25 joueurs quand on en avait deux de 15 places avant, le terrain est tondu et tracé, et dédié à l’entraînement de la N2.

C’est un luxe mais cela va dans le sens de notre projet : d’un côté, on est plus exigeant avec les joueurs, de l’autre, il faut être en capacité de les mettre dans les meilleures conditions afin qu’ils s’expriment du mieux possible. On améliore les conditions d’entraînement comme on a améliore les conditions de match, de déplacement.

Au stade, à Chauray, on a aussi mis en place un réceptif cette saison, deux nouvelles petites tribunes de 100 places. Et puis la qualité du terrain est top, c’est l’un des meilleurs de N2. Après, il reste le travail et ce qu’on y met. Et ça, c’est moi qui maîtrise les ingrédients. C’est important de créer un spectacle chez nous, que les gens soient bien. On n’est vraiment pas loin d’un fonctionnement semi-pro, avec de l’accompagnement médical, un médecin, un kiné référent… On travaille aussi avec des ostéopathes, des podologues. En fait, je m’appuie sur ce qui a été fait aux Chamois.

Samedi dernier, avant le coup d’envoi face à Montlouis, le club a reçu le trophée de champion de N3. Photo 13HF

C’est quoi, votre philosophie à vous ?
Partager avec les joueurs cette rigueur et cette expérience du haut niveau, en l’adaptant à leur niveau et leurs caractéristiques, et prôner quelque chose qui m’a beaucoup séduit en côtoyant Pascal Gastien, je veux parler de cette notion de possession, de maîtrise du jeu et des éléments, le jeu court, être acteur techniquement, avec un gros impact, du caractère. Il faut être athlétique, imposer notre jeu court, construit, où on doit déstabiliser, déséquilibrer l’adversaire, en cherchant le joueur libre.

Je suis inspiré de ce football de position, le jeu d’intensité athlétique, le jeu collectif, tout en responsabilisant le joueur, qui est au centre de tout ça, sa nature, comment il est, comment il agit. Je ne peux pas demander autant de choses à un joueur si ce n’est pas une bonne personne. C’est ce que j’aimais chez Pascal (Gastien). Aujourd’hui, on surfe sur ce qui a été mis en place l’an passé, il y a les prémices de quelque chose. Pour l’instant, je suis satisfait de l’écoute, de l’application qui est mise. Mais j’ai un handicap : j’ai été préparateur physique, donc avec moi, les joueurs ne peuvent pas se cacher sur ce plan-là (rires) ! En plus, on a les GPS, la data, la vidéo, tout ça amène beaucoup d’éléments. Dès que le joueur a une excuse, on a les solutions.

Le coach célébré et porté en triomphe après l’accession en N2, sur le terrain du TA Rennes, la saison passée. Photo Michel Dubus / FC Chauray

Pascal Gastien était présent au match contre Montlouis…
Avec Pascal, on communique. Le lendemain du match, il m’a envoyé un texto. Bien sûr, je suis à son écoute, c’est normal, il a un gros vécu, c’est une belle personne qui prône le jeu et l’humain, qui met le joueur et le club en avant. Avoir rencontré des gens comme lui, comme Franck Azzopardi, Laurent Cadu, Jean-Philippe Faure, des gens du cru, ça me permet de rester les pieds sur terre. Avoir rencontré des joueurs comme Djiman Koukou, qui est revenu à Saint-Liguaire, Quentin Bernard ou Jimmy Roye, qui est dans le staff à Laval, et tant d’autres, aussi… Je suis attaché à cette identité, ces valeurs. Je pense qu’on a ce devoir de générer ça, de fidéliser les joueurs dans cette optique, mais c’est dur, parce que la société avance plus vite que nous. Pour en revenir à Pascal Gastien, il est inspirant pour les joueurs. Je profite de l’article pour le remercier de tout ce qu’il m a apporté. Il aime le foot. Il mérite le respect. Il a été entraîneur joueur en R1 à Saint-Liguaire, il a entraîné en Ligue 1 ! Il a tout connu sauf la Ligue des champions ! Son parcours est exceptionnel.

Avant le coup d’envoi face à Montlouis. Photo 13HF

La disparition des Chamois, où vous avez passé tant d’années, ça vous a fait quoi ?
J’ai passé plus de 20 ans entre les murs de René-Gaillard, j’y ai vécu des bons moments, j’y ai connu ma femme, mes enfants sont « Chamois » mais en 2014, un nouveau projet a été mis en place après le départ de Pascal Gastien, malheureusement, le virage pris n’a pas été maîtrisé. C’était une bombe à retardement qui s’est accélérée à partir de 2017 (avec l’arrivée de Mikaël Hanouna) avec un déclin, et ça fait mal, car beaucoup de personnes ont travaillé, cadres techniques, bénévoles, pour faire remonter ce club de CFA en 2009 à Ligue 2, et même aux portes de la Ligue 1. Et tout ça a été balayé par la faute de quelques personnes. Pourtant, on avait prévenu, mais il n’ont pas écouté… L’appât du gain, la méconnaissance du milieu et la bêtise impunie… Je reste mesuré dans mes mots, mais je suis fâché et énervé. On a éteint un club, on a rayé de la carte un club.

La Réunion, cela ne vous manque pas ?
Il faut y retourner de temps en temps… Là, cela fait déjà deux ou trois ans que je n’y suis pas retourné.

David Rullier :

« Il faut que le Niortais réécrive son histoire »

David Rullier. Photo 13HF

Quand et comment êtes-vous arrivé à la tête du club ?
J’occupe ce poste de président depuis 2022, et je suis au club depuis 2018. Je suis Mellois d’origine (habitant de Melle, à 30km de Niort), mais j’habite à Fressines, à 10km de Chauray. Avant d’arriver, j’ai passé deux ans au club de Saint-Florent. Dans ma jeunesse, j’ai joué au niveau régional et départemental, et j’ai été jeune arbitre de Ligue.
Je suis arrivé au FC Chauray par l’intermédiaire de mon fils, que j’ai inscrit au foot, et je me suis lié d’amitié avec la secrétaire générale, Ginette Morisson, malheureusement celle-ci est tombée gravement malade, avant de décéder. C’est elle qui m’a fait rentrer au secrétariat puis je suis entré au comité directeur. Ensuite, il y eu des problèmes avec l’ancien président. Il n’y avait plus un sou dans la trésorerie. Là, il a fallu rebâtir une équipe, c’est comme ça que je suis devenu président.

Avant le match, le « prez » court partout ! Photo 13HF

C’est difficile d’être président d’un club ?
Non, mais être un président de club de National 2 oui (rires) ! Il y a un monde d’écart quand même avec le N3, c’est beaucoup plus protocolaire en N2, et c’est plus poussé au niveau financier, pour l’établissement des budgets, par exemple. Il faut avoir beaucoup plus de connaissances. Je ne le cache pas, je ne suis qu’un simple salarié d’une pharmacie (il est responsable d’achat), ça va très vite… J’avais dit que j’arrêterais quand on monterait en N2 ! Là, on fait la passation de pouvoir, on réfléchit à un nouvel organigramme et à une nouvelle organisation pour les années futures, voire l’année prochaine. Il ne faut pas se voiler la face, un président doit avoir des compétences que je n’ai pas, cela ne sert à rien de s’obstiner, il faut d’abord penser au club, le pérenniser, avec les bonnes personnes à sa tête. Le club ne m’appartient pas, je ne suis que de passage.

Vous n’êtes donc pas ce président mécène comme on le voit souvent…
Non. On a un pouvoir social OK, mais il faut aussi avoir un pouvoir financier. En N2, cela n’a pas plus rien à voir. Je prends souvent exemple sur l’Aviron Bayonnais qui se structure, qui a créé une SAS pour gérer son équipe fanion, avec une asso à côté, on doit tendre vers ça. Bayonne, c’est un club que je suis, j’y vais chaque été, j’y suis encore allé et je suis allé voir leur terrain, qui est catastrophique en ce moment, et pour l’attache niortaise, il y a Karim Fradin là-bas.

La buvette du stade, lieu incontournable le soir des matchs ! Photo 13HF

Quel est le budget de fonctionnement du club ?
On va arriver à 800 000 euros (300 000 pour l’équipe première) contre 650 000 l’an passé. On a un des plus petits budgets de la poule de N2 avec Locminé. Le club a sa masse salariale encadrée, donc on fait attention à ce que l’on fait.

On n’a que deux salariés à plein temps, en dehors des joueurs sous contrat : on va à la DNCG en novembre, nos comptes vont être épiés, on ne peut pas faire n’importe quoi. On a entre 35 et 40 équipes, la plupart des équipes jeunes sont en R1 ou R2. La réserve seniors est en R2. La mairie de Chauray a refait les terrains cet été, elle met beaucoup la main à la patte, mais il manque un terrain en synthétique. Contrairement au nord deux-sèvres, il n’y en a pas dans le sud deux-Sèvres, hormis à Celles-sur-Belle et Saint-Liguaire. On a quand même 4 terrains.

C’est quoi, l’objectif ?
C’est de pérenniser, stabiliser et structurer le club en N2 en seniors et avoir des jeunes à un niveau très intéressant afin de fournir des joueurs. Mais pour avoir des bonnes équipes en jeunes, il faut aussi avoir de bons éducateurs, comme Johan Agnel, titulaire du DES, que j’ai récupéré d’Angers (passé aussi par … les Chamois !), et pour avoir de bons éducateurs diplômés, il faut pouvoir les payer. Un mécène est arrivé, Olivier Bodin (Burger King), qui nous a aidés.

Deux petites tribunes couvertes comme celle-ci ont été installées cet été. Photo 13HF

Comment avez-vous vécu la disparition des Chamois Niortais ?
Quand les Chamois ont disparu, il y a eu une réflexion au sein du club. On s’est posé beaucoup de questions. La mairie est venue nous chercher, elle voulait savoir si on voulait faire une association « chamois niortais », si on voulait récupérer le nom prestigieux, cela aurait pu être intéressant mais on savait qu’en interne, cela ne passerait pas. On a des gens au club qui n’y étaient pas favorables. En fait, pour des questions d’identité, nous, comme d’autres clubs (Niort Saint-Liguaire par exemple), on n’arrivait pas à se projeter, on a perdu du temps et de l’énergie là-dessus. Finalement, on a bien fait de ne pas y aller. Ce qui est malheureux, c’est que l’identité « Chamois niortais » a disparu, on est Chauray, on n’est pas loin, il y a aussi Saint-Florent à côté. Il faut que le Niortais réécrive son histoire. Mais les Chamois Niortais, c’est fini.

La joie des joueurs après le but dans le temps additionnel contre Lorient, fin août ! Photo Michel Dubus / FC Chauray

En fin de compte, dans cette histoire, on voit bien qu’il y a le sportif d’un côté, et la politique de l’autre, qui a voulu imposer ce titre « Chamois niortais ». Mais comme la mairie n’a rien fait pour sauver les Chamois Niortais, je pense, c’est mon avis, qu’ils ont proposé cela pour redorer leur blason, leur image. Ils voulaient juste que le nom apparaisse. Mais on sait aujourd’hui que l’on ne peut plus utiliser le nom « Chamois Niortais », d’ailleurs le club de Saint-Florent a dû revoir sa nouvelle appellation à cause de cela, parce que c’était une marque déposée, brevetée. Sur le site de la Ligue, c’est écrit Saint-Florent, et non pas Chamois Niortais Saint-Florent.

Aujourd’hui, on a conclu un pacte avec Saint-Flo. On arrête de s’agresser. Je connais beaucoup de gens dans ce club, mais quand il y a la politique au milieu… En bonne intelligence, on a trouvé des accords de principe pour l’utilisation du stade René-Gaillard, où s’entraîne notre équipe de N2 la semaine, pour le prêt de matériel aussi. Chacun doit avancer de son côté. On a signé des conventions. On ne doit pas être là pour s’envoyer des injures sur les réseaux.

La joie après le succès face à Montlouis. Photo Jules Sauvaget.

Avez-vous récupéré des joueurs issus des Chamois ?
On a récupéré une trentaine de jeunes entre U10 et U12, on a récupéré des U17 nationaux pour jouer en U18 R1 chez nous, alors pourquoi pas accéder en U19 Nationaux, ça serait intéressant. D’un point de vue politique, le lycée de la Venise Verte a été attribuée au club de Saint-Florent pour les sections sportives, ce qui est logique, et beaucoup sont allés à Saint-Flo, mais il y a de la place pour tout le monde. La section sportive du lycée est gérée par les éducateurs de Saint-Flo, le collège par le District. À nous de montrer que l’on travaille aussi bien, sinon mieux.

Chauray est désormais le premier club en Deux Sèvres : vous sentez-vous investi d’une mission ?
La mission est déjà d’avoir une vraie valeur sportive et financière. On ne veut pas faire comme les Chamois Niortais, liquidés, parce qu’on aura vu trop grand, trop fort et trop haut. On est le plus gros club du département, oui, on se sent investi d’une mission, oui, mais on ne doit pas faire n’importe quoi. Cela ne doit pas être au détriment du financier. On ne veut pas se prendre une deuxième étiquette Hanouna dans la figure !

Photo 13HF

La montée en N2, sincèrement, vous y pensiez l’an passé ?
Non ! On est monté à la dernière journée, à TA Rennes. Mais ce n’était pas l’ambition du club. Juste après le match, on a profité de l’instant présent avec mon trésorier, Florian Rodriguez, et on s’est dit « on fait quoi maintenant » ? Bon, déjà il faut préparer la transition. Si on ne pérennise pas le club en N2, on le pérennisera en N3.

Le niveau du N2, vous le trouvez comment ?
Je trouve qu’il n’y a pas un club au-dessus des autres. Hormis Lorient qui m’a impressionné, pour l’instant, je ne vois pas trop de différences entre nous et les autres équipes.

Vous allez bientôt disputer un match à René- Gaillard…
Oui, on va accueillir Bordeaux (le 1er novembre) sur le stade des Chamois, afin d’accueillir les supporters, pour des questions de sécurité.

Photo 13HF

À Chauray, on a vu un public plutôt… spectateur !
Oui ! Le Niortais n’est pas animateur, c’est un consommateur. Ici, les gens viennent au foot comme ils vont au théâtre ou au cinéma.

Vous diriez que vous êtes un président plutôt comment ?
Je suis convivial et dans l’arrondi, j’aime faire plaisir à tout le monde, c’est peut-être un défaut parce que parfois il faut savoir trancher.

C’est quoi, la particularité du club ?
C’est un club qui a toujours eu une connotation bling-bling, un peu le « richou », alors que ce n’est pas du tout ça. J’essaie depuis 4 ans de fédérer ou de re-fédérer autour du club, de l’ouvrir sur les autres. Je ne souhaite pas qu’il soit refermé sur lui-même.

Un mot sur le coach, Fabrice Fontaine, que vous êtes allé chercher il y a 19 mois…
On était sur 7 défaites en 8 matchs en janvier/février 2024. On a remplacé Jérémy Delenne par Fabrice Fontaine, qui était l’un des cinq titulaires d’un DES dans le coin, avec notamment Jean-Philippe Faure, Karl Tourenne ou encore Gérard Nicol. Fabrice, on a bien fait de le prendre ! Il sort des Chamois Niortais aussi. Et puis regardez les résultats, ils parlent d’eux-mêmes.

Photo Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech
Jérémy Grain, à l’origine des deux buts de son équipe face à Montlouis. Photo 13HF
Et voilà, ça se passe comme ça, au FC Chauray ! Photo 13HF
  • Texte : Anthony Boyer / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe Le Brech, 13HF, Michel Dubus et Jules Sauvaget.
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Il y a toujours deux clubs de National cette saison dans l’agglomération de Rouen ! Et la situation est partie pour durer, à moins que le sportif ou l’extra-sportif ne viennent changer la donne. Le président de QRM, qui croit toujours au projet d’un club unique, évoque les 10 ans du sien, fondé en 2015 et parle aussi de l’avenir, qu’il voit… en pointillé.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : QRM

 

  • Article paru avant la défaite de QRM à Diochon face à Aubagne (1-2), laquelle a précipité la chute de l’entraîneur David Carré et de son adjoint Grégory Scaffa. Un nouveau coach a été nommé : Fabien Valeri (ex-FC Chambly, Paris 13, Virton et Paris FC).

Bien sûr, le match de ce soir face à Aubagne, pour le compte de la 5e journée de National, revêt une grande importance si l’on se réfère simplement au classement. Mais depuis sa création, en 2015, Quevilly Rouen Métropole, lanterne rouge après quatre journées (un nul et trois défaites) a livré tellement d’autres matchs tout aussi importants…

Que l’équipe de David Carré ferme la marche du championnat n’est évidemment pas en adéquation avec l’objectif du club d’obtenir un maintien « facile », même si cela n’existe pas vraiment en National, du moins de faire partie de la première moitié de tableau. Rien n’est figé et l’on se souvient que QRM, qui a bouclé son recrutement tardivement, avait déjà occupé cette place quasiment au même moment la saison passée, mais un peu plus tard, fin septembre.

Non, le match le plus important de l’existence du club, c’est celui qu’il livre depuis dix ans avec son voisin, le FC Rouen, au travers du projet QRM qui, à défaut d’avoir été mené à deux, a trouvé une place mais sans doute pas celle escomptée. Un projet que nous avions largement relaté dans un de nos précédents articles (à lire : https://13heuresfoot.fr/actualites/national-fc-rouen-qrm-je-taime-moi-non-plus/).

À trois jours d’un déplacement à Concarneau (défaite 3-1 le 5 septembre dernier) et à dix de la réception d’Aubagne, le discret Michel Mallet, bientôt 25 ans de présidence et 60 de présence dans le foot, a accepté de répondre à nos questions sur le thème des 10 ans de QRM (2015-2025). Dix ans qui n’ont pas été célébrés… Comme si rien ne justifiait de souffler les bougies. Comme si l’on voulait passer sous silence dix ans durant lesquels il s’est pourtant passé beaucoup de choses.

Dans cet entretien en deux parties, le chef d’entreprise à la retraite mais toujours très actif revient sur la genèse de son projet qui a bien failli aboutir en 2024, avant que la Métropole rouennaise n’opte pour une autre voie. S’il n’est pas résigné, il sait cependant qu’il n’a pas toutes les cartes en mains et sous-entend que la gestion financière et les résultats sportifs pourraient, à terme, décider de l’avenir du football professionnel dans la 11e agglomération de France.

Partie 1. Interview
« J’ai remis le club en mode National »

Quand vous évoquez le projet QRM, vous dîtes « C’était un projet de territoire » au passé : cela signifie-t-il que vous n’y croyez plus ?
Je parle au passé parce qu’aujourd’hui, les conditions pour remettre ce projet-là en perspective ne sont plus aussi simples qu’avant. S’il y avait eu la bonne volonté de tous, je dis bien « de tous », politiques, supporters, dirigeants des deux côtés (FC Rouen et US Quevilly), et si les planètes s’étaient bien alignées, on aurait pu mener à bien ce projet qui est un projet de bon sens. Mais à un moment donné, les querelles de clochers, que je peux comprendre, m’ont amené à évoluer dans ma manière de penser depuis 10 ans. Je me suis rendu compte que j’avais commis des erreurs de vision, de langage.

Malgré tout, la sagesse me fait dire que c’est un projet qui aurait été top pour notre territoire. Ce n’était pas du tout un projet Quevilly qui voulait manger le FC Rouen. Pas du tout. Faire disparaître un club au profit d’un autre n’a jamais été d’actualité, cela n’a jamais été mon engagement. Aujourd’hui, l’on se sait pas dire comment cela va s’écrire demain. On a eu l’opportunité de le faire et on aurait pu tous réussir ce projet-là (à l’été 2024).

Hormis Paris et par le passé Ajaccio, deux clubs dans la même ville à ce niveau, c’est unique : on a du mal à voir les scénarios futurs et on se demande combien de temps la situation va durer, parce qu’à un moment donné, cela ne sera plus possible…
Personne n’est en capacité de dire combien de temps cela va durer, sauf à ce qu’il y ait des investisseurs qui arrivent chez l’un ou chez l’autre, avec un peu plus de moyens. J’en reviens toujours au même point : allier la ferveur du FC Rouen à la rigueur et l’expérience de Quevilly Rouen Métropole, c’était la bonne recette. Après, peut-être que l’histoire s’écrira. Mais, que cela soit moi ou mes actionnaires autour de moi, nous n’avons pas la volonté d’investir lourdement et n’importe comment. On respecte trop l’argent, ce n’est pas pour aller le dilapider dans le milieu du foot.

Ce qui nous intéresse, c’est la construction d’un projet : si on peut y arriver, c’est bien, mais ce n’est pas une fin en soi. Il n’y a pas que l’équipe fanion qui compte. J’ai un engagement moral vis à vis des gens qui nous suivent et nous ont suivi depuis 10 ans, et même plus encore, sur ce projet-là, et je tiens à le mener de la meilleure des manières. Après, si à un moment donné, il y a l’opportunité de construire quelque chose ensemble avec le FC Rouen, je serai forcément autour de la table.

« Je ne sais pas écrire la suite de l’histoire »

De l’extérieur, le projet QRM donne l’impression de stagner, voire de régresser… Et comme tous les scénarios sont possibles, avez-vous déjà imaginé celui d’une descente, un jour, en National 2 ?
On envisage tous les scénarios, bien sûr. C’est pour ça qu’à la question de savoir où on sera dans 10 ans, je suis incapable de répondre. La parole est d’abord et avant tout aux résultats sportifs. C’est ça aussi qui fait que le projet QRM est là depuis 10 ans : c’est parce qu’on a eu des résultats sportifs assez exceptionnels.

Après, il y a aussi la bonne gestion des clubs qui entre en ligne de compte, on l’a vu il y a un an et demi, souvenez-vous, quand le FC Rouen était en grande difficulté, avant que des investisseurs n’arrivent et ne sauvent le club d’un nouveau dépôt de bilan. Cela passe aussi et surtout par la bonne volonté des composantes. Je me répète, mais si on arrive à aligner une bonne politique entre supporters, chefs d’entreprises dirigeants, on arrivera à faire un seul club et ce sera au bénéfice de tout le monde. Pour l’heure, je ne sais pas écrire la suite de l’histoire.

Aujourd’hui, QRM n’aurait-il pas mieux sa place en Ligue 3 plutôt qu’en Ligue 2 ?
Je dirais spontanément oui, déjà parce que la Ligue 3 est en train de devenir une petite ligue 2 : il n’y a qu’à regarder le National d’aujourd’hui, avec un nombre de clubs très élevé qui, sur les dix dernières années, ont fréquenté la Ligue 1 et la Ligue 2. Ce qui fait qu’il ne reste plus beaucoup de places, entre guillemets, pour les clubs à l’esprit amateur.

Un mot sur la future Ligue 3 : comment ça se passe entre vous, présidents ? Vous en parlez ?
Bien sûr. J’ai fait partie du ComEx de la Fédération et sur le dernier mandat (de Noël Le Graët), on a beaucoup parlé et beaucoup travaillé sur le sujet avec Jacques Piriou (président de l’US Concarneau), le regretté Gilbert Guérin (président de l’US Avranches, décédé en octobre 2023), Antoine Emmanuelli (président du FC Bastia-Borgo) et d’autres bien sûr. Le flambeau a été repris maintenant par Thierry Gomez, le président du Mans. Il y a eu des réunions, je serai d’ailleurs demain (entretien réalisé mardi 2 août) dans une des commissions de la Ligue 3. Il y a vraiment quelque chose à construire. Le National, à quelques exceptions près, va dans le sens d’un championnat professionnel.

« Pour la Ligue 3, aucune marche arrière n’est possible »

Où en est-on au juste de la Ligue 3 ? On entend parler d’une AG en décembre qui définirait les grandes lignes…
Les choses se sont dessinées déjà, le président (Philippe Diallo) s’est engagé sur cette Ligue 3 dans le cadre de sa campagne post-élection. Le modèle, on le sait, c’est celui qui a été mis en place dans le football féminin. Cela prendra sa forme à l’assemblée générale du mois de décembre, ou à celle de juin prochain, mais les commissions travaillent sur les bases, sur les fondations. On sait bien qu’il y a plein de choses à faire évoluer, que c’est le seul championnat où les règlements ne sont pas les mêmes selon que l’on est un club qui descend de Ligue 2 avec un statut pro et qui est bien soutenu la première année, un peu moins la deuxième année, un club qui se maintient en National avec un statut pro (un club peut garder ce statut pendant 5 ans), un club amateur, avec des contrats à des niveaux de salaires différents alors que l’on joue dans le même championnat, etc. Il faut mettre tout ça à plat, écrire ces règlements. Cela va se faire. Aucune marche arrière n’est possible.

Revenons à QRM : où en est le projet de centre d’entraînement ?
Pour le moment, le calendrier est gelé, pour reprendre une expression du président de la Métropole Rouen Normandie (Nicolas Mayer-Rossignol), il y a des élections l’an prochain, donc tout sera remis sur la table ensuite. On a identifié un site avec la Métropole.

Dans le contrat de territoire, nous avons également un engagement avec la Région et le Département pour valider le principe d’un projet de 4 à 8 millions d’euros en fonction du niveau où l’on joue. Comme on est descendu de Ligue 2 en National (en 2024), on est pour le moment dans un projet de centre d’entraînement, parce que nos conditions d’entraînement actuelles ne sont pas requises pour une Ligue 3. Si on avait le bonheur de remonter un jour en Ligue 2, l’idée serait d’avoir le foncier nécessaire pour créer l’outil de travail dont disposent tous les clubs de Ligue 2 ou presque.

Publiquement, je me refuse à donner un site, parce que nous en sommes déjà au troisième depuis le début de la réflexion, il y a 5 ou 6 ans. Un premier site n’a pas été retenu, je pense à tort, parce que a priori trop petit, alors que c’était un beau projet collectif dans lequel étaient impliqués le foot, le rugby, le hockey et le basket, qui avait du sens, proche de Diochon, bien desservi, avec un parc sportif à côté. Puis il y a eu un projet sur Canteleu mais pour des raisons de transformation de terres agricoles en terrain sportif, cela n’a pas pu se faire. Donc je reste prudent et le jour où ce sera validé, que l’on entrera dans la phase active, je communiquerai.

« Pas besoin de nouveau stade à l’heure actuelle »

Le vendredi soir, quand le National joue, vous regardez en premier les résultats du FC Rouen ?
Je vous mentirais si je vous disais le contraire. Vous savez, on est une ville, donc je regarde aussi les résultats du hockey quand ils jouent, du basket… Mais je pense qu’au FC Rouen, eux aussi regardent nos résultats, c’est normal. Il faut se nourrir de cette ambiance qu’il y a autour de tout ça : je n’en retire que du positif. Si on mettait tout ça en commun, rendez-vous compte de ce que l’on serait en capacité de faire ? Quand on additionne la rigueur de QRM et la ferveur du FC Rouen… On a un stade aujourd’hui qui peut accueillir 8000 personnes assises, il y a 5000 personnes environ quand le FC Rouen joue à domicile : je pense qu’un projet commun ferait que ce stade-là pourrait être plein chaque week-end.

Avec l’attaquant prêté par Lens, Kembo Diliwidi.

À propos de stade, êtes-vous favorable à une nouvelle enceinte ou à un stade Diochon rénové ?
À l’heure actuelle, nous n’avons pas besoin de nouveau stade. On ne créé pas un stade s’il n’y a pas de projet sportif, s’il n’y a pas une équipe en place. Si demain il y a du foot au FCR, ou à QRM, ou avec les deux réunis, quand il y aura une réussite sportive durable, les élus pourront mettre en place le projet d’un stade. J’ai entendu la saison passée l’ancien président du FC Rouen, Ivan Postel, parler de la construction d’un stade de 45 000 places… Mais même de 25 000, c’est mettre la charrue avant les boeufs. Il suffit de regarder ce qui se fait à côté, au Havre par exemple : 25 ans de Ligue 2, un stade de 25 000 place et ils faisaient 50 % de taux de remplissage en moyenne. Donc à quoi ça sert ?

Si l’on revient à la genèse du projet QRM, il n’y avait plus de foot à Rouen au moment de sa création en 2015 : nous, Quevilly, on était en National 2, on ne cassait pas trois pattes à un canard, on n’avait même pas 1000 personnes au stade alors qu’on avait de bons résultats, et le FC Rouen était en DH (Régional 1) parce qu’il venait de déposer le bilan (en 2013). Le projet QRM mené avec les deux clubs a permis aussi de relancer une dynamique autour du stade Robert-Diochon, qui appartenait à la Ville de Rouen, mais qui n’avait plus la capacité à l’entretenir correctement. Du coup, le stade est passé « métropolitain ».

Avec la réussite du projet QRM les premières années, le stade Diochon a vécu sa première mue en 2017, quand on est monté en Ligue 2 : il y a eu 5 mois de travaux, c’est pour ça qu’on est allé jouer au Mans jusqu’en octobre. Depuis, il y a eu deux autres étapes de travaux. Le stade a beaucoup évolué, même s’il reste vieux, qu’il prend l’air de partout, qu’il est toujours difficile à sécuriser, mais il a des LED, un beau tableau d’affichage et des nouvelles loges en plus des anciennes. Il peut effectivement y avoir encore une étape de travaux, par exemple pour le fermer, un peu comme un fer à cheval, du côté sud. Ce qui permettrait d’avoir 10 000 places assises sans avoir à engager une centaine de millions dans un projet qui se déplacerait. Pour moi, c’est le bon sens, et c’est aussi respecter l’argent public. Trois équipes dans le même stade, et 3e ou 4e meilleure pelouse de Ligue 2 il y a 2 ans. La Métropole a pris la bonne décision de faire gérer la pelouse (hybride chauffé) par un prestataire qui fait un super boulot. Il y a parfois deux matchs à Diochon le même week-end, comme c’est le cas ce week-end (le week-end dernier, en rugby, Rouen recevait Marcq-en-Baroeul le vendredi soir et le FC Rouen affrontait Châteauroux le samedi).

« Avec Rouen, on s’est toujours respecté »

David Carré, l’actuel coach de QRM.

Votre plus grand rêve, finalement, ne serait-il pas de voir le projet initial QRM imaginé en 2015 aller au bout, avec Régis Brouard sur le banc ? Ceci dit sans faire offense à l’actuel coach de QRM, David Carré.
Sans faire offense à personne… Le mot rêve est un grand mot, je ne veux pas le galvauder mais oui, ce qu’on aurait aimé, c’est arriver au bout de ce projet-là, bien sûr. Après, avec Régis Brouard ou un autre… On a beaucoup discuté la saison passée avec Régis Brouard et cela ne s’est pas fait. L’histoire a fait qu’au mois d’octobre suivant, il est arrivé sur le banc du FC Rouen (à la place de Maxime d’Ornano). Personne n’a attendu après Michel Mallet pour dire que Régis Brouard était un bon entraîneur. On a su se faire la gueule pendant 10 ans et puis on a su se retrouver, en personnes intelligentes, on sait ce que l’un a apporté à l’autre, et réciproquement.

Mais vous ne me ferez pas dire un mot sur notre mésentente de l’époque : cela appartient au passé, et puis ça nous appartient à tous les deux. La plus belle des choses, c’est que l’on ait su se reparler, quand on a fait les 10 ans de la coupe de France (en… 2023), avec 2000 personnes dans le Kindarena, avec un joli plateau de joueurs, dirigeants, entraîneurs, on s’est fait un bon kiffe !

Aujourd’hui, avec Régis, on se voit, on se croise, on parle. La relation avec les entraîneurs et les joueurs du FC Rouen a toujours été très bonne, elle a juste été exécrable à un certain moment, quand Fabrice Tardy nous a tournés le dos (en 2017) et quand l’entraîneur de l’époque (David Giguel, aujourd’hui entraîneur en N2 à Angoulême) mettait de l’huile sur le feu dès qu’il voyait un micro tendu, mais après ça, on n’a jamais eu de problème. On s’est toujours respecté. Il n’y a pas eu de pugilat quand on s’est affronté deux fois l’an passé en championnat, même s’il y a eu deux cartons rouges, mais c’était sur des faits de jeu.

Quid aujourd’hui du poste de directeur sportif à QRM ? Et aussi du poste de Directeur général ?
On n’a pas de directeur sportif à l’heure actuelle (l’ex-directeur sportif, Julien Converso, a signé au Puy-en-Velay). J’ai remis le club en mode National. Quand on passe trois années en Ligue 3, on prend des risques positivement dans l’organisation mais là, même si c’est difficile à faire parce qu’il y a de l’humain, on a remis le club en « mode National ».

Quand Arnaud (Saint-André, l’ex-directeur général) est parti aux Girondins de Bordeaux en cours de saison passée, on avait un accord tripartite avec la direction de Bordeaux pour qu’il nous donne un coup de main jusqu’à la fin de l’exercice 2024-25. Aujourd’hui, il n’est plus opérationnel au club. Je me suis impliqué à nouveau activement au club, mais vous savez, on a une organisation qui tourne avec les cinq actionnaires, Vincent Dumont qui chapeaute la communication, Philippe Blot qui s’occupe plus du sportif, Philppe Lansoy qui gère la partie financière et Laurent Duarte qui pilote l’association. Chacun a son pôle en fonction de ses compétences. Je suis bien épaulé, avec Stéphanie (Barré) à la comptabilité et Bérengère (Grattepanche, assistante de direction). Et on a des alternants que l’on forme, parce qu’aujourd’hui, on doit faire avec les moyens que l’on a.

C’est dur de passer de Ligue 2 en National. La deuxième année après la descente est plus compliquée, parce qu’on perd gros en terme de droits TV. Et puis, il n’y a pas que du football à Rouen, donc on ne regroupe pas non plus tout le monde de l’entreprise, c’est normal, quand il faut aller chercher les entreprises, c’est partagé, ce qui amène plus de difficultés à embarquer les gens, d’autant plus que le projet foot est un peu voilé.

Partie 2

L’interview « anniversaire des 10 ans de QRM »

Michel Mallet : « La discrétion, c’est une force ! »

QRM a fêté ses 10 ans d’existence cet été, pourtant, il n’y a pas eu de festivités…
Non. On s’incrit dans la durée, toujours avec notre envie de rester en National et de tenter la remontée en Ligue 2. On avait fêté le centenaire de Quevilly (1902-2002) et aussi les 10 ans de la finale de la coupe de France de 2012, mais il n’y avait pas lieu de fêter les 10 ans de QRM.

« Un bilan mitigé »

Si vous deviez dresser un bilan de ces 10 ans de QRM, vous diriez quoi ?
Il est mitigé parce que l’objectif de départ, qui était d’arriver à créer un club unique sur la métropole rouennaise, ne s’est pas réalisé pour diverses raisons. Sur le plan sportif, c’est plutôt une très belle réussite même si on s’est pris les pieds dans le tapis lors de la saison 2023-2024 en Ligue 2 et que l’on est descendu en National. On a fait une année de CFA (N2, la première à la création de QRM, en 2015-2016), quatre années de Ligue 2 (2017-18 puis 2021 à 2024) et cinq années de National (avec celle en cours). On a eu de superbes affiches à Diochon. On a remis le football métropolitain rouennais sur la scène hexagonale et pour moi, cela reste une belle réussite.

QRM dans 10 ans, vous voyez ça comment ?
Je ne saurais pas le dire, le foot va tellement vite… Il ne vous a pas échappé qu’en ce moment, il traverse un séisme… Il y a eu la problématique du contrat Médiapro. Je pense qu’on est dans les prémices de la reconstruction mais l’on ne sait pas dire les dommages ni combien de clubs aujourd’hui présents seront encore là demain. Il faut avoir un regard positif et se dire que QRM a sa place dans le top 54 du football français, il l’a prouvé. On a su surfer sur le sérieux du club, sur notre dynamique positive et d’un point de vue sportif, on a acquis un savoir faire. J’y crois.

« On avait braqué le National »

Plus grand souvenir de président depuis 2015 ?
Toutes les montées, forcément, parce que ça marque. La première fois qu’on est monté en Ligue 2 (en 2017), on est redescendu assez logiquement, on était allé très vite après deux montées successives. Mais la montée la plus marquante fut celle avec Bruno Irlès (en 2021), et pour reprendre ses mots, cette saison-là, on avait braqué le National ! Parce que personne ne nous attendait.

Votre plus grande émotion en 10 ans de QRM ?
Sûrement la première saison avec Olivier Echouafni (2023-24). Parce que c’était une saison sereine, durant laquelle on n’a pratiquement jamais regardé en bas de tableau. On n’a quasiment jamais été dans la difficulté, on a même toujours regardé vers le haut, on a terminé 10e parce qu’on n’a mal maîtrisé les trois derniers matchs alors que l’on avait la 6e place à portée de main.

Pire souvenir de président en 10 ans de QRM ?
La descente en National en 2024. Autant en 2017/18, ce n’était pas surprenant de descendre, on avait joué pendant 2 mois au Mans en attendant que le stade Diochon ne soit aux normes, autant celle-là… On finit la saison 2023-24 de Ligue 2 avec 38, dont 25 points pris contre les équipes de la première partie de tableau ! On a battu Saint-Etienne, Auxerre, on a mené 3 à 0 contre Bordeaux (3-3)… Cette équipe avait de la qualité mais elle a peut-être un peu trop choisi ses matchs. Seul Angers nous a pris 6 points dans les équipes de haut de tableau.

« Je ne commente jamais un choix de coach »

Le mythique stade Diochon accueille les matchs de rugby du RNR, et ceux de football du FC Rouen et de QRM. Photo Alan Aubry / Métropole Rouen Normandie

Plus gros regret en 10 ans de QRM ?
On n’a pas réussi ce pourquoi on avait crée QRM, c’est à dire faire ce projet de territoire. Il y a la place pour un football d’élite, de Ligue 2, dans le territoire métropolitain rouennais. C’est une déception de ne pas avoir réussi à embarquer tout le monde dans le projet QRM, parce qu’il y avait matière à faire de belles choses tous ensemble.

Le joueur le plus emblématique ?
Beaucoup ont marqué le club ! Mais de là à dire emblématiques… Certains ont marqué l’histoire de QRM. J’ai parlé de réussite du club, mais cette réussite a été possible grâce à un collectif. C’est la recette du succès, avec la bonne alchimie. C’est pour ça que c’est difficile de sortir un seul joueur.

Alors, le meilleur joueur de QRM ?
Là encore, c’est difficile… Il y a eu, à des moments différents, à chaque saison, des bons joueurs. J’ai beaucoup aimé sur les premières années Medhy Guezoui, pour ses qualités de joueur et « d’homme du vestiaire ». Kalidou Sidibé nous a beaucoup apportés aussi, Lamine Ndao, Sambou Soumano, et Balthazar Pierret, parti jouer à Lecce en Italie, mais je n’ai pas envie de faire une liste à la Prévert.

Une tactique de coach que vous n’avez pas comprise en 10 ans de QRM ?
Oui … et non ! Cela ne fait pas partie des choses sur lesquelles je m’arrête. Je suis très respectueux des coachs, j’ai ce recul qui me fait dire « Si le coach a pris cette décision-là, c’est parce que la semaine d’entraînement lui a apporté des éléments qui l’ont amené à la prendre », or moi, je ne suis jamais là aux entraînements, donc je ne me permets pas commenter un choix, ce qui ne m’empêche pas d’en discuter avec le coach. Il faut laisser travailler le staff sereinement. C’est dans la sérénité que l’on obtient de meilleurs résultats, pas quand on est sous pression.

Vous n’êtes pas ce type de président à vouloir s’immiscer dans les choix de coachs…
Jamais. De la même manière que je ne prends pas la parole avant un match dans le vestiaire ou à la mi-temps. J’ai très rarement pris la parole à chaud après un match dans le vestiaire, et quand je l’ai fait, c’était en phase avec le coach en place. D’abord, il faut se méfier des réactions à chaud. Je préfère avoir une force tranquille et m’exprimer 48 heures après s’il le faut, pour recadrer ce qu’il y a à recadrer, pour remettre les objectifs en perspective. Tapie avait sa manière de faire, j’ai la mienne et je m’y tiens.

« La gestion saine, une marque de fabrique »

Le pire match de QRM en 10 ans ?
Je n’en ai pas un qui me vient spontanément à l’esprit mais en termes de non-maîtrise et de conséquences sportives, il y a eu des matchs que l’on a perdu comme contre Dunkerque à domicile ou à Valenciennes, et qui nous ont amenés vers la descente en fin de saison, en 2023-2024.

Inversement, un match référence ?
Cette même saison 2023-2024, le match contre Auxerre à Diochon (4-3 le 13 avril 2024) et aussi contre Bordeaux (3-2 après avoir mené 3 à 0, le 5 décembre 2023), et s’il doit y avoir une mi-temps référence, à quelques minutes près aussi, c’est celle, très aboutie, à Auxerre, où jusqu’à la 43e minute, on mène 2 à 0. Si on ne prend pas ce but à ce moment-là, avant la pause… Parce qu’à 2-1 à la mi-temps, ce n’est plus pareil, et on perd finalement 3 à 2 (le 2 décembre 2023).

Plus grosse fierté de président en 10 ans de QRM ?
C’est à la fois d’avoir mené ce projet et d’en tirer ce bilan, avec des finances saines. On n’a jamais été sous le coup d’une décision problématique de la DNCG. On n’a jamais été en difficulté, ni sur le plan financier, ni sur celui de la trésorerie : le joueur qui signe à QRM sait qu’avant la fin du mois, son salaire tombera toujours, et ça, c’est une vraie satisfaction, parce qu’on a connu des hauts mais aussi des bas, avec des périodes difficiles pendant la Covid notamment. Là, on vient de subir une descente, mais on passe toutes les étapes. C’est une marque de fabrique chez nous. Et puis on voit ce qui se passe à côté…

C’est ce que nous allions dire : les finances saines, c’est votre marque de fabrique à QRM. Et puis vous savez ce que l’on dit sur vous : « Michel Mallet, quand il a un euro en poche, il dépense 90 centimes »…
Oui, même si ça m’est arrivé d’en dépenser un petit peu plus quand même (rires) mais toujours d’une manière qui ne soit pas irréversible. Quand je vois certains clubs qui sont montés en Ligue 2 et qui sont redescendus parce que ça a été mal géré, je me dis que, à un moment donné, il manque peut-être quelque chose dans les décisions, quelque chose pour accompagner une équipe… Cela doit être fait avec plein d’exigences pour ne pas créer des incidents forts dont les clubs ont énormément de mal à se relever. Quand je dis ça, je pense à Martigues, qui avait fait de belles choses et se retrouve tout en bas de la hiérarchie : les organes décisionnaires fédéraux ou de la Ligue doivent mieux anticiper cela.

« Notre bilan plaide pour nous »

Ce côté « économe », « bonne gestion », il vient d’où ?
C’est mon éducation, et aussi mon côté « chef d’entreprise ». Et puis je me suis nourri d’expériences de clubs qui ont été en grandes difficultés ou qui n’ont pas été raisonnables. Notre bilan plaide pour nous. On n’a jamais fait n’importe quoi financièrement pendant ces 10 ans et je peux vous dire que l’on n’a pas non plus mis des millions sur la table. Aujourd’hui, on est là pour évoquer les 10 ans de QRM mais à l’époque de l’US Quevilly, déjà, la gestion était menée de la même manière. Je me souviens d’une saison en CFA quand les joueurs avaient 40 euros de prime de match ! Cela ne nous a pas empêchés d’aller au stade de France en finale de la coupe, avec des moyens très limités. La raison, par rapport à la passion, évite les gros accidents. Si l’on n’avait pas été raisonnable, notamment après la finale de la Coupe de France, sans doute que Quevilly serait en Régional 1 aujourd’hui. Idem pour QRM, on ne serait pas là aujourd’hui en train d’évoquer les 10 ans.

Plus grosse erreur de président en 10 ans de QRM ?
Peut-être des erreurs de casting sur des joueurs, mais cela arrive à tous les clubs, même si je reste attentif à ça, parce que derrière, on touche à l’humain, et forcément, laisser un joueur sur le bord du chemin, ce n’est jamais bien.

Le jour où vous avez eu envie d’arrêter durant ces 10 ans ?
Il y a toujours des moments où on se pose la question. Effectivement, après la descente, l’an passé, je me suis demandé si c’était le moment d’arrêter…. 25 ans de présidence, depuis l’âge de 13 ans dans le foot… Mais j’ai jugé que ce n’était pas encore le moment et j’ai bien fait parce qu’on prend encore du plaisir. Le jour où je ne prendrai plus de plaisir, je n’aurai aucun mal à arrêter.

« L’inclusion, la RSE, l’autre marque de fabrique »

Le stade Lozai, fief de l’association QRM.

Mais ce plaisir, vous le prenez comment ? Parce qu’on dit qu’être président, c’est 95 % d’emmerdements…
Oui mais ce ne sont pas les soucis qui enlèvent l’envie, ou alors il ne faut pas faire président ou chef d’entreprise, on sait très bien qu’il n’y a pas que du bon. Je ne regarde pas que les résultats de l’équipe première, il y a l’humain autour. Je suis très attentif à ce qui se passe dans les bureaux, au personnel qui se dépouille et qui n’a pas forcément le retour des joueurs. On a une association qui fonctionne très bien : on n’a pas enlevé un euro à son budget malgré la descente en 2024 et encore cette année. Et on est récompensé : les filles sont en D3 et les U19 filles sont montées cette année. Sur l’agglo rouennaise, on propose ce qu’il y a de mieux chez les jeunes avec des U17 et des U19 Nationaux.

On a tissé des liens avec quelques clubs pros. Et je ne parle pas du travail de Laurent Duarte, le président, et de son équipe, en matière de RSE et d’inclusion, là encore une de nos marques de fabrique. D’ailleurs, quand j’ai pris la présidence de l’US Quevilly il y a près de 25 ans (en 2001), le projet initial, c’était un projet « jeunes ». À l’époque, on n’a jamais dit « On va monter en National » ou « On va monter en Ligue 2 ». la montée en National de 2011 fut un dégât collatéral positif entre une mayonnaise qui prend bien et un entraîneur, Régis Brouard, qui arrive en Normandie parce qu’il n’a pas de travail ailleurs. Et chez nous, il (Brouard) a fait un travail extraordinaire, et tout ça ont amené des années exceptionnelles.

Un modèle de président ?
J’ai toujours été marqué par le mode de gouvernance de l’AJ Auxerre et son président très sage, Jean-Claude Hamel (président de l’AJ Auxerre de 1963 à 2009, décédé en 2020 à l’âge de 90 ans). Bien qu’Auxerre était sur le toit de l’Europe, on l’entendait peu et on ne le voyait quasiment jamais. Derrière, il y avait un club qui tournait du feu de Dieu. Le sportif était mis en avant et à travers lui, la formation; ça, c’est quelque chose qui m’intéressait parce que dans ma vie de chef d’entreprise, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance à l’humain et à la formation. C’était ma manière de voir les choses. J’ai pris ça avec moi dans le projet US Quevilly puis dans le projet QRM. La discrétion, c’est une force. Par exemple, je me suis toujours attaché à ne parler à la presse que deux ou trois fois dans l’année, généralement en début de saison, à l’intersaison et en fin de saison pour le bilan. Là, je fais une exception. Mais ce n’est pas Michel Mallet qu pousse le ballon ! Tout le reste appartient au sportif.

« Rodez, c’était le calque »

Un club auquel vous aimeriez ressembler à l’avenir ?
Quand on est monté en Ligue 2, Rodez, c’était le calque. On se connaît avec le président (Pierre-Olivier Murat), on a déjà échangé, mais ce qu’ils ont fait, leur manière de travailler, c’est un modèle à suivre. J’aime bien aussi ce que font Pau et Annecy, parce que ça s’inscrit durablement. Mais pour nous, il y a la difficulté d’avoir deux clubs dans la même ville. Parce que la possibilité de construire avec le monde de l’entreprise et les politiques, et de l’entraîner avec soi, est forcément plus facile dans des villes moyennes comme Rodez, alors que dans notre métropole rouennaise, la 11e de France, cet effet est plus complexe, et il y a la présence de nombreuses disciplines aussi, rugby, hockey, basket, et aussi des deux clubs de foot.

Plus grosse prime de match en 10 ans de QRM ?
Il y a eu quelques primes doublées quand c’était le bon moment mais je suis de moins en moins fervent de ce genre de choses. Je pense que c’est mieux de récompenser les joueurs sur la saison plutôt qu’à un moment donné, même s’il y a sans doute l’exception qui confirme la règle. C’est sans doute la sagesse…

Votre plus grosse colère en 10 ans ?
Je me suis mis en colère, mais c’était plutôt une colère froide. Je ne me suis jamais mis en colère à chaud. Mais il m’est arrivé d’aller à l’entraînement en début de semaine pour secouer un peu le cocotier, avec des propos qui doivent mettre les joueurs face à leurs responsabilités. J’aime bien quand on peut regarder le staff et les joueurs dans les yeux, et leur dire quand les choses ne vont pas, pour provoquer une réaction.

Votre rêve de président ?
C’est difficile de dire si c’est un rêve… J’ai 71 ans, mais mon premier objectif, c’est d’avoir des finances qui restent saines, d’avoir une association qui tourne, de poursuivre notre politique en matière de RSE et d’inclusion, de faire comprendre aux jeunes qu’il n’y a pas que le football dans la vie.

Vendredi 12 septembre, à 19h30 : QRM – Aubagne, à suivre sur la chaîne Youtube du National :

Lienhttps://www.youtube.com/watch?v=jqpkVEqKDEw

  • Texte : Anthony Boyer / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

    • Photos : QRM
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Le nouveau président du FC Sochaux-Montbéliard (National) veut fédérer autour du club, dont il détaille ici les trois volets du projet : sportif, économique et social. Il raconte aussi son parcours, notamment ses expériences au RC Strasbourg et au Havre AC, et évoque les ambitions à court, moyen et long terme des Jaune et Bleu.

  • Par Augustin THIEFAINE / Photos Philippe LE BRECH
  • Reportage à Sochaux, quelques heures avant le match FCSM – US Orléans (5-0, J2 de National, le 15 août).
Clément Calvez. Photo FCSM

Intronisé à la tête du club franc-comtois en septembre 2024, le président du FCSM (44 ans) n’a pas vécu la saison qu’il souhaitait l’an passé. Les Doubistes ont souffert d’une crise interne, d’une défiance de leurs supporters envers le jeu et les choix affichés par les entraîneurs (Karim Mokkedem de juin 2024 à février 2025), puis de Frédéric Bompard pour le restant de la saison.

Un chantier XXL s’est alors amoncelé pour Julien Cordonnier (directeur sportif) et lui, à commencer par le choix d’un nouveau tacticien sur le banc : Vincent Hognon. Une quinzaine de départs ont suivi, dont quatre après le lancement de la saison 2025-2026 : Alex Daho et Samy Benchamma (partis pour Dunkerque et Rodez en Ligue 2), Boris Moltenis en D3 espagnole et Armand Gnanduillet (qui a signé libre à Caen après la résiliation de son contrat).

Entre-temps, une dizaine de renforts sont venus gonfler les rangs des Lionceaux à tous les postes (Mehdi Jeannin, Dylan Tavares, Bendjaloud Youssouf, Julien Masson, Jonathan Mexique, Boubacar Camara, Benjamin Gomel, Aymen Boutoutaou, Koffi Djoko, Prince Mendy et Julien Vetro ainsi que plusieurs jeunes issus du centre, passés professionnels (Aboubacar Sidibé, Honoré Bayanginisa, Victor Joseph, Edson Mendes). En somme : un FC Sochaux new look !

Identité retrouvée et ancrage local affirmé

Le peuple sochalien. Photo Philippe Le Brech

C’est un président souriant, dynamique et détendu que l’on a donc retrouvé quelques heures avant le retentissant succès des jaunes et bleus dans leur antre de Bonal, face à l’US Orléans (5-0) lors de la deuxième journée de National.
Aujourd’hui, les Sochaliens comptent 9 points après quatre rencontres (trois victoires et un revers), ont inscrit neuf buts et en ont encaissé seulement trois. Le FCSM n’avait pas aussi bien entamé un début de championnat depuis la saison 2000-2001. Un succès sportif que les dirigeants souhaitent voir perdurer le plus longtemps possible pour mener à bien la quête de montée en Ligue 2.

Mais cette promotion, si elle doit arriver, ne doit pas être « forcée » pour Clément Calvez. Elle doit surtout être « méritée ». Le quarantenaire s’est engagé devant les actionnaires du club à porter un projet aux multiples facettes, sportif, financier et social, dont il éclaircit les contours au cours de cette interview.
On retrouve en fait un Sochalien de la première-heure à la tête d’un club à l’identité retrouvée et l’ancrage local affirmé comme socle de départ. Un président qui a appris de chacune de ses aventures du côté du Havre ou de Strasbourg. Son parcours, son attachement au FCSM, Clément Calvez s’est confié sans filtre, sans détour, avec une ambition affichée, en toute humilité.

Interview

Clément Calvez : « La place de Sochaux n’est pas en National »

Alors qu’il a rejoint le FCSM pour des petits boulots (à la boutique du club notamment) à côté de ses études au début des années 2000, Clément Calvez a construit son histoire avec le club doubiste lorsque le foot a commencé a muté, Sochaux avec lui, et qu’une approche plus commerciale a commencé à se développer. « Lorsque je termine mon DUT technique de commercialisation, le club était en train de créer une régie intégrée (commerciale) et ils avaient besoin de jeunes commerciaux pour aller battre le terrain et c’est ainsi que je débarque véritablement. »

Les prémices d’une histoire sochalienne

Clément Calvez. Photo FCSM

« Avoir Jean-Claude Plessis (ex-président emblématique du club) comme beau-père, c’était aussi une pression supplémentaire. Il fallait prouver que je n’étais pas là seulement parce-que je suis le « beau-fils de ». Il faut beaucoup travailler. Peut-être plus que les autres, être consciencieux afin que le travail soit reconnu pour ce que tu fais et pas pour qui tu es. Sportivement, le club remontait en Ligue 1, il y avait une dynamique incroyable, tout le monde bossait extrêmement dur pour faire partie de cette histoire. En tout, j’ai passé 6 ans au FCSM à cette époque. En 2008, Jean-Claude s’en va, mes collègues partent et Alexandre Lacombe me nomme responsable de la cellule BtoB (ndlr : business to business, soit le commerce d’entreprises à entreprises), donc j’évolue. »

Promu au sein de son « club de coeur », celui dans lequel il a commencé à travailler, il reste finalement six années supplémentaires, jusqu’en 2014, année de la descente en Ligue 2 et de la vente par Peugeot. « À ce moment-là, je sens que je ne vais plus m’y retrouver. Ce qui était super excitant au FC Sochaux, c’était de vendre de grands projets, une identité, une marque. Tout est lié à Peugeot quand on parle des valeurs du club ou de la région. Sochaux, c’est le travail, l’humilité, des valeurs familiales. Et tu te dis mince, ce que j’ai toujours vendu et mis en avant, je n’aurai plus les arguments pour le faire. Ce que j’aime, c’est l’ancrage local et l’identité du club, et ils disparaissaient. »

De nouvelles opportunités s’offrent alors à lui, surtout une, au Racing Club de Strasbourg, alors pensionnaire de National : « Et je me lance avec eux, à cette époque on était 10. C’était une toute petite structure ».

« À Strasbourg, Keller voulait qu’on se compare au Bayern Munich »

Le FC Sochaux version 2025-26, ici avant le match à Rouen, le mois dernier. Photo Philippe Le Brech

« Comme Sochaux en Franche-Comté, le Racing c’est un emblème. C’est le totem de l’Alsace. Lorsque j’ai rencontré le président Marc Keller et les actionnaires locaux, leur projet était de refaire du Racing ce qu’il était avant et oublier les années sous pavillon américain. Ils voulaient un club alsacien avec à sa tête des dirigeants alsaciens et j’ai senti que ça collait même si je ne suis pas d’Alsace. Dans les valeurs, on disait « on met en avant le club qui est l’emblème de ma région et on va jouer sur l’ancrage et l’identité locale pour attirer et fédérer autour de nous ». Je retrouvais ce que j’avais connu à Sochaux. Je fais donc 4 ans au Racing Club de Strasbourg et j’avais récupéré toute l’activité commerciale (sponsoring, billetterie et boutique). »

Dans le Bas-Rhin, l’actuel président sochalien reconnaît avoir eu la chance de rencontrer Marc Keller, l’iconique président du Racing. Une figure qui lui sert, sans le dire, de modèle, d’inspiration aujourd’hui dans ses fonctions sochaliennes.

Photo Philippe Le Brech

« J’ai eu cette chance de pouvoir travailler avec lui. C’était dur car c’est quelqu’un d’extrêmement exigeant, parfois rude. Mais c’est aussi quelqu’un de très paternaliste, qui rend aussi beaucoup. Quand on a la chance d’être dans ses proches collaborateurs, tu reçois même de l’amour de sa part. C’est quelqu’un d’extrêmement compétent et c’est un ancien sportif de haut niveau (6 sélections en équipe de France), donc il sait ce que c’est. Sur les aspects sportifs il sait de quoi il parle, pareil pour le commercial, il a fait des études et connaît le fonctionnement d’un club. Il a une sensibilité pour le football allemand et s’en inspire beaucoup. C’est un exemple, je trouve, en Europe. Et avec lui, tous les curseurs sont poussés au maximum. On était en National, on était 10 et il voulait qu’on se compare au Bayern Munich ! J’ai aussi un souvenir de lui sur la prise en charge des buvettes, à 10 heures, la veille d’un match. Il voulait tester le temps de cuisson des merguez et des saucisses blanches, thermomètre à la main, pour savoir combien de temps il fallait les chauffer pour être à la bonne cuisson pour les supporters (rires) ! Sur tous les sujets, c’était comme ça. Chaque lundi matin, c’était débrief du match et il n’y a pas eu une fois où il disait « Super les gars, tout roule ». J’ai beaucoup appris avec lui. Je suis parti en 2020 au Havre et j’ai gardé de très bonnes relations avec lui. »

Au Havre, « des vraies valeurs de travail »

Photo Philippe Le Brech

Recruté en qualité de directeur du développement par le HAC avant de devenir directeur général adjoint, Clément Calvez récupère tous les porte-feuilles non-sportifs du club normand (commerce, organisation des matchs, communication). Une expérience « très intéressante sur un territoire à forte identité. C’était un très beau club, avec des vraies valeurs de travail, dirigé par Vincent Volpe, qui n’est pas un footeux à la base mais qui a construit sa fortune sur le territoire normand. Il a voulu rendre au territoire ce qu’il lui avait donné. Il s’est mis au foot car il sait ce que représente le HAC pour les Havrais. C’est le plus vieux club français et l’un des meilleurs centres de formation de l’Hexagone ». Un club où il a vécu la montée en Ligue 1, le remplissage d’un stade Océane qui était un peu déserté et l’ancrage des couleurs du HAC au coeur de la ville. C’est ainsi que Clément Calvez vivra quatre saisons « magnifiques » sous pavillon ciel et marine avant de revenir là où tout a commencé pour lui : au FCSM, mais dans le costume de président, un rôle tout à fait différent.

Avec Julien Cordonnier, le directeur sportif. Photo Philippe Le Brech

Alors que le FC Sochaux évolue pour la troisième saison consécutive en National (le club est tombé en 2023), les attentes sont fortes quant à un retour dans le monde professionnel en Ligue 2. Si Clément Calvez a pris, en 2024, la suite de Jean-Claude Plessis et tient la barre du FCSM, il doit faire face, comme tout le monde au sein de l’organisation franc-comtoise, à une forte pression. Mais attention, pour lui, la remontée doit être le fruit d’un mérite sportif comme extra-sprortif. « C’est un environnement stimulant. Le club est un historique du football français. Localement, il y a encore un engouement incroyable et il reste le porte-drapeau d’une région, tout du moins du Nord Franche-Comté. C’est aussi pas mal de pression. Quelque part, on a peur de l’échec. La place de Sochaux n’est pas en National et un jour il faudra remonter au moins en Ligue 2 mais la moitié des équipes du championnat postulent à une remontée à court ou moyen terme et en National, tout le monde peut battre tout le monde, peu importe ta masse salariale. Il faut aussi se rendre compte qu’avec le passage à 18 en Ligue 1 et Ligue 2, des gros clubs, historiques eux aussi, se sont retrouvés en National, Sochaux, Dijon, Valenciennes, Caen, Nancy… Le Mans était encore là l’an dernier. C’est donc un championnat difficile où il faut se battre. Nous, on sait où on veut aller, on veut remonter, mais il faut que la montée soit inéluctable, qu’elle soit un aboutissement, la conséquence du travail qui a été mené en amont. Quand on parle du projet du club, il est capital de rappeler que le projet du club est à trois facettes : sportif, financier et social. »

Un projet sportif ambitieux, réaliste et local

Vincent Hognon, l’entraîneur arrivé de Valenciennes cet été. Photo Philippe Le Brech

Le projet sportif comporte plusieurs phases. Si bien-sûr, dans un premier temps, les Doubistes souhaitent monter en Ligue 2 le plus rapidement possible, l’idée n’est pas de faire l’ascenseur la saison suivante.

« Il faudra s’asseoir dans ce championnat de Ligue 2 et essayer de se stabiliser dans le premier tiers de cette division, puis, de temps en temps, une année où tout se passe bien, réussir à grimper en Ligue 1, y vivre le plus longtemps possible, et si on en descend cela ne doit pas être une catastrophe. Si on réussit tout ça, alors on aura accompli de belles choses. Quand on regarde les clubs qui évoluent en Ligue 1 par le prisme de la taille de leur ville, de leurs infrastructures ou la composition de leur actionnariat, c’est extrêmement compliqué pour nous de pouvoir dire « on est un club de Ligue 1. C’est David contre Goliath. Nous, on a un stade des années 2000 qui est super (Bonal), mais qui, en 2025, est un très beau stade de Ligue 2. En Ligue 1, ils ont tous un stade capable de générer plus de chiffres. Donc, il y a ce premier point quant au potentiel économique des villes ou des régions. Le Nord Franche-Comté avec Montbéliard et Belfort, c’est 300 000 habitants. On peut essayer d’aller chercher le Haut-Doubs, Besançon, un peu la Suisse, un peu le Sud-Alsace, le Jura ou la Haute-Saône mais malgré tout, on n’a pas le potentiel économique de Strasbourg, de Montpellier, de Nice ou même du Havre. Il faut s’en rendre compte. Par contre, on a la chance d’avoir des actionnaires locaux qui permettent de réaffirmer un projet local. Un club détenu par les Francs-Comtois, pour les Francs-Comtois. Ça représente des avantages en retrouvant notre identité locale, en redevenant un club populaire et familial. Un club qui promeut des valeurs d’humilité et de travail et c’est super. J’ai la certitude que notre développement et ceux de clubs de notre taille passera par cette capacité à être ancré sur son territoire et à fédérer les habitants autour. Évidemment, notre projet sportif se base sur la formation. On a le plus vieux centre de formation de France, on a besoin de s’appuyer sur lui pour atteindre nos objectifs sportifs mais aussi économiques et sociaux. De ce fait, on a signé huit jeunes professionnels. Pour prendre un exemple, il y a le voisin, le FC Metz. C’est un club qui fait souvent l’ascenseur, qui est capable de descendre sereinement lorsqu’il est relégué. Enfin, c’est l’impression qu’il donne de l’extérieur. Il y a une stabilité et une pérennité sans va-tout sportif. »

Le projet économique : « Attirer du public par autre chose que du résultat sportif et de la performance »

Le Sochalion, mascotte du club. Photo Philippe Le Brech

« Le projet économique est capital. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre d’avoir un déficit structurel comme celui que l’on a connu sous pavillon chinois avec plusieurs dizaines de millions d’euros en Ligue 2, plus que les 22 millions annoncés. Un déficit compensé par l’actionnaire tant qu’il était capable de le faire. On ne peut plus se le permettre sur la durée. Intellectuellement, ça ne colle pas avec l’environnement du club. Comment on explique aux supporters à qui on vend des billets, qu’on a besoin de ces recettes ? Comment on va démarcher des sponsors pour qu’ils nous soutiennent en disant « on a besoin de cet argent-là » alors qu’à côté il y a un trou de 22 millions ? Notre objectif est donc de revenir à une réalité économique avec des collectivités locales et des actionnaires locaux qui ne seront pas capables de venir à notre secours tous les ans et même s’ils le refaisaient, à un moment, ils en seront lassés, peu importe ce que représente le club. Ils ont une entreprise qu’ils ne pourront pas mettre en danger, des familles, des enfants. Nos actionnaires sont nombreux, solides et impliqués. Ils sont capables de venir en soutien si on est en difficulté, mais notre devoir avec Julien (Cordonnier, directeur sportif) est d’éviter cela et de ne pas aller toquer à la porte chaque année. On a donc eu deux solutions : dans un premier temps il a fallu réduire les charges en baissant notamment les masses salariales sportives et administratives, en baissant le train de vie du club. Cela ne s’est pas fait sans mal mais c’était obligatoire. Ensuite, il y a le développement des recettes : c’est extrêmement important et ça passe par un changement de discours. On doit faire en sorte d’attirer plus de monde au stade. On doit arrêter de s’adresser à des fans de foot, de ne vendre que des résultats. Le sportif c’est notre raison d’être, mais si la performance nous anime au quotidien, on veut attirer ceux qui ne sont pas fans de foot, ceux pour qui le FC Sochaux représente quelque chose sur l’aspect familial. Je le répète, il faut fédérer autour du club. C’est ce qui permettra de développer nos recettes et d’éviter d’être confrontés aux mêmes problèmes. Le stade Bonal doit être le plus gros équipement de loisirs de Franche-Comté, voire de Bourgogne Franche-Comté avec l’Abbé-Deschamps à Auxerre. On a donc un outil extraordinaire pour faire en sorte que les habitants viennent passer un bon moment de détente. On doit garantir des résultats pour nos fans, mais aussi autre chose pour les non-fans, je pense à tous les franc-comtois. C’est quelque-chose qui a été un peu oublié précédemment. Pendant dix ans, le club n’a investi que dans la performance sportive pour finalement ne jamais atteindre les objectifs visés. On doit attirer du public par autre chose que du résultat sportif et de la performance. »

Le projet social : une présence sur tous les terrains

Photo Philippe Le Brech

C’est le troisième aspect du projet sochalien : le social. Le FCSM est un acteur de sa région, une entreprise locale. « On reçoit beaucoup. On doit rendre au territoire ce que le Nord Franche-Comté nous donne. On travaille beaucoup sur l’insertion, notamment au sein de notre centre de formation. On planche aussi sur la féminisation du sport avec le développement de notre section féminine, c’est important de le faire même si notre objectif n’est pas de monter à court terme en D1 ou D2. Aujourd’hui le football féminin est hautement déficitaire et on n’a pas les moyens pour ces accessions-là. Les équipes féminines sont financées par les masculines, et clairement, nous, on ne peut pas le faire. Par contre, on veut faire en sorte que les jeunes filles du secteur puissent pratiquer sous les couleurs du FC Sochaux-Montbéliard et qu’elles puissent continuer en seniors à un bon niveau régional. Enfin, le dernier point est l’aide aux personnes en difficulté. On soutient plusieurs associations locales comme la Ligue contre le cancer, on met à disposition nos infrastructures pour leurs événements, on participe aux collectes de dons. On a développé avec eux la section « sport santé » pour que les personnes malades ou en rémission puissent venir faire du sport avec nos éducateurs au centre de formation. Ça nous tient à coeur. Pour le reste, c’est une présence sur le territoire avec notamment des entraînements délocalisés, des séances dédicaces. Il faut être un acteur local. »

« Voilà les trois volets de notre projet, de ce qu’on est. Le FC Sochaux c’est tout ça. On ne met pas tous nos oeufs dans le même panier parce qu’on a une histoire, une identité et que c’est important que tout s’aligne pour qu’on atteigne nos objectifs sportifs. On veut tous que Sochaux remonte, mais tout ce qu’on fait, c’est pour faire en sorte que le sportif avance et aille mieux. Le sportif est le coeur du réacteur, mais le reste permet d’alimenter le réacteur. Tout miser sur le sportif c’est aussi mettre toute la pression sur 25 joueurs et le staff. Nous, on veut impliquer tout le monde, tout ceux qui travaillent au club. Et si le sportif va mal, alors je demanderai encore plus d’efforts aux autres pour continuer à alimenter le réacteur et protéger les joueurs. »

« L’année dernière, on n’a pas tout bien fait… »

Si cette année le début de saison est quasi-excellent pour les Lionceaux, l’an dernier fut une désillusion pour toute la maison jaune et bleue. Sur le papier, le FCSM avait l’un des meilleurs effectifs du championnat et devait jouer les premiers rôles. Finalement, la qualité sur le terrain a laissé à désirer, les supporters se sont irrités, les critiques et la défiance sont arrivées et un vent de crise a soufflé dans le Doubs.
Pour autant, la direction a tiré des leçons de ses revers. « On ne peut pas nier que la saison passée a été compliquée. Il y a eu une multitude d’éléments qui ont conduit à cette situation. En début de saison, il y a eu un défaut de communication de notre part sur les objectifs à atteindre et sur le caractère impératif de ces objectifs. On avait dit aux supporters « On a deux ans pour remonter en Ligue 2 ». Quand ils ont vu qu’on n’allait pas « rouler » sur le championnat, il y a eu une grosse tension. On a créé beaucoup d’attentes et on a subi des pressions et des critiques. »

« On aurait dû plus protéger Karim Mokeddem »

Clément Calvez. Photo FCSM

« Aujourd’hui, on a construit une équipe pour jouer les premiers rôles, on veut être en haut mais on fera le bilan en fin de saison. L’an dernier, on n’a pas su créer un collectif fort, on avait de supers individualités et on n’a pas su trouver cet entrain dans le vestiaire entre les joueurs de la première année et ceux qui les ont rejoints ensuite. Il y a aussi le cas du coach, Karim Mokeddem, où, en étant 6e du championnat, on avait rehaussé les objectifs, et puis viens cette série de onze matchs nuls, on avançait petitement et le soir du match au Mans, où on n’arrivait toujours pas à marquer, on fait le choix avec Julien et les actionnaires de se séparer de Karim Mokeddem en espérant créer un déclic offensif, mais ça n’a pas été un choix heureux. Karim a été très vite remis en question, trop vite. On aurait dû plus le protéger. On ne pouvait pas s’attendre à avoir le jeu chatoyant des années 2000, mais j’ai un regret car il n’a pas été dans de bonnes conditions pour travailler sereinement. Karim n’a pas tout bien fait et est, en partie, responsable du manque de cohésion, mais, nous non plus, nous n’avons pas tout bien fait. On a tous une part de responsabilité dans l’échec de la saison dernière. Lorsqu’on se sépare de Karim, on n’a pas 50 options, on fait le choix de Frédéric Bompard car il voulait vraiment venir, il avait une vraie expérience, mais pour lui aussi les choses se sont mal emmanchées. Il est venu pour une mission, qui, après deux matchs, a été grandement compromise. »

« La Ligue 3 permettra d’homogénéiser le championnat »

Le gardien du FCSM, Alexandre Pierre. Photo Philippe Le Brech

La troisième division est-elle un environnement viable pour l’entité sochalienne ? Un championnat à deux vitesses entre les grosses cylindrées qui jouent la montée et les autres. Le championnat est compliqué avec aucun droits TV et des déplacements types Ligue 1, Ligue 2 aux quatre coins de la France. C’est, un peu, un gouffre financier pour des clubs aux capacités limitées. « Le National, c’est un championnat hybride. Nos recettes se limitent à ce que nous, on est capables de générer seul (sponsoring, billetterie, hospitalité et vente de joueurs grâce au centre de formation). On cherche à optimiser notre organisation tout en l’allégeant pour supporter les obstacles. Assumer notre projet a un coup et nos capacités de recettes ne suffisent pas. Les droits TV sont un enjeu et nous n’en avons pas, et la valeur des joueurs est beaucoup plus faible qu’en Ligue 2. Annuellement, on prévoit des ventes à hauteur de 500 000 euros voire 1 million d’euros là où en Ligue 2, on pourrait tabler sur 3 millions en plus des droits TV. »

Mais à partir de la saison 2026-2027, le championnat se professionnalise et devient la Ligue 3. Un point extrêmement positif aux yeux du président. « Cela permettra d’homogénéiser le championnat. La moitié des clubs sont professionnels, l’autre est amateure. On ne part pas sur un pied d’égalité et les disparités administratives sont marquées entre les formations. On peut, niveau infrastructures, passer d’un Bonal ou d’un Hainaut (Valenciennes) au synthétique du stade Pelé (Paris 13 Atlético) : il y a de grosses disparités. C’est parfois déroutant. Pour revenir aux droits TV, il y a quand même des difficultés pour la Ligue 1 et la Ligue 2… On risque d’avoir des difficultés avec la Ligue 3 aussi. Le National est passionnant, tout le monde peut battre tout le monde avec de belles équipes qui la compose, attractives et suivies, mais… »

« On veut redonner de l’envie à nos supporters »

Photo Philippe Le Brech

Et si Sochaux ne monte pas, le club pourrait-il supporter une quatrième saison en National ? « On devra et on le fera. Ce qui est important, c’est de mettre en places les conditions pour monter. On doit faire en sorte d’aligner toutes les planètes pour atteindre nos objectifs. On fera en sorte avec les actionnaires de trouver les solutions nécessaires, peut-être que cela passera par de nouvelles adaptations de la masse salariale, de notre mode de fonctionnement. En tout cas, il est hors de question, déjà pour cette année, de reproduire les mêmes erreurs. La cohésion est un sujet sur lequel on s’est rapidement dit qu’il ne faudrait pas se rater pour cette saison. On veut faire une belle saison après le raté de l’an dernier. On veut redonner de l’envie à nos supporters, les faire vibrer. Sur notre recrutement on s’est attaché à faire venir des joueurs qui étaient motivés à porter ces couleurs, qui ont l’expérience du National et qui ont connu des stades exigeants avec ce type d’ambiance. On avait les mêmes critères pour le choix du coach Vincent Hognon, un choix unanime entre le directoire et les actionnaires. On travaillait depuis un moment sur la constitution de l’équipe de cette saison lorsque les dés étaient jetés pour l’an dernier. »

Des choix payants après quatre journées de championnat et une place de co-leader avec Versailles (qui compte un match de retard), mais la saison sera longue et les Sochaliens devront tenir la cadence et seule, elle, permettra de dire dans huit mois si la stratégie portée par Clément Calvez était la bonne.

Freddy Vandekherkhove, l’emblématique intendant. Photo Philippe Le Brech
  • Texte : Augustin THIEFAINE
  • Photos : Philippe LE BRECH (sauf mentions spéciales)
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Suite à la publication de l’article « FC Martigues, anatomie d’une chute » (le 29 août 2025), l’ex-président du FC Martigues, Pierre Wantiez, a réagi. Il est notamment revenu sur le chiffre de 3 millions d’euros avancé pour expliquer le déficit du club.

« La dissolution de la SAS FC Martigues a été (enfin) déclenchée ce lundi (1er septembre 2025) par Madame Galeb-Roskopp. Elle était la seule à pouvoir le faire. Ceci va entraîner la fermeture de la SAS, et permettre à l’association FC Martigues de poursuivre seule son activité.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut savoir que la SAS était parvenue au quasi-équilibre au terme de la saison 2024/2025. Les quelques dettes restantes à ce jour sont la conséquence de droits TV encore inférieurs à ceux indiqués, notamment du fait du différé du contrat entre la LFP (LFP Media précisément) et Qatar Tourism Authority. Le non-paiement des sommes prévues pénalise tous les clubs qui évoluaient la saison dernière en Ligue 1 ou Ligue 2. Le FCM n’y échappe pas. La poursuite de l’activité de la SAS cet été, sans perspective ni recette, aura par ailleurs créé des dettes spécifiques, portant sur la saison 2025/2026.

Le chiffre de 3M€ repris par certains correspond au financement qui aurait été nécessaire pour évoluer en 2025/2026 en National ou Ligue 2. Ce n’est pas une dette, mais un apport pour le futur, et cette confusion porte préjudice à l’Association. La disparition de la SAS et de l’équipe 1ere du Club supprime ce besoin. Il est techniquement inexact, ou malhonnête, d’invoquer une prétendue dette de la SAS ou de l’Association qui l’empêcherait de continuer à défendre les couleurs du FCM. »

Lire aussi : https://13heuresfoot.fr/actualites/fc-martigues-autopsie-dun-fiasco-monumental/

Photo : FC Martigues

  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr