Medhy Guezoui : « Je n’ai jamais pensé à ma gueule »

A 33 ans, l’attaquant a bouclé la boucle : il est rentré chez lui, à Lens, après une dernière expérience avortée en National, à Villefranche. Mais il n’a pas tout a fait coupé avec le foot : il a signé à Arras, en Régional 1, où il a retrouvé Colbert Marlot, l’un de ses formateurs à La Gaillette !

Réaliser une interview de Medhy Guezoui, c’est l’assurance de passer un bon moment. C’est l’assurance de rigoler. Mais c’est aussi du sport ! Car il faut s’armer de patience avant de l’avoir au bout du fil, ou plutôt en webcam (l’entretien a été réalisé en visio).

Finalement, après deux jours passés à s’envoyer des textos, à se filer des rencards à 8h, à 20h et même à minuit (!), il est là, sur l’écran, et cela valait le coup d’attendre !

Depuis qu’il a quitté le foot professionnel et le FC Villefranche Beaujolais (National) le mois dernier, le natif de Lens, âgé de 33 ans, est un homme pressé. Débordé. Très occupé par sa vie familiale, la paperasse, les projets (à la fois immobilier et entrepreneurial), et aussi… le foot. Encore le foot ! Toujours le foot ! Il vient de rejoint Arras, en Régional 1, où il a retrouvé l’un de ses formateurs au RC Lens, Colbert Marlot. Un joli clin d’oeil.

« En fait, à Villefranche, ça n’a pas matché. J’arrive, je me blesse au bout de trois jours, je reprends, je rechute, c’était compliqué, j’ai bientôt 34 ans, raconte celui que Bruno Luzi, son entraîneur à Chambly, n’avait pas hésité à comparer, toutes proportions gardées, à Olivier Giroud, dans les colonnes du Parisien (« Guezoui, c’est notre Olivier Giroud  » !)

« On a décidé avec ma famille de rentrer chez nous, à Lens, mais j’avais encore envie de jouer. J’ai eu quelques propositions, en National 2, mais sincèrement, je ne me voyais pas encore repartir. Et puis ça fait un an et demi que j’ai des petits bobos. Alors j’ai regardé les clubs autour de Lens, et puis j’ai vu que Colbert Marlot entraînait à Arras. Je l’ai contacté, et puis voilà. »

Pour son premier match, il y a 8 jours, sous ses nouvelles couleurs, face à Aire-sur-la-Lys, il a marqué, mais son équipe, mal en point(s) en championnat, a concédé le nul 3-3.

« La porte du RC Lens a été dure à ouvrir ! »

Sous le maillot du RC Lens, en CFA. Photo DR

Après l’officialisation de son départ de Villefranche, l’attaquant aux 400 matchs (de L2 à N2) et à la centaine de buts inscrits, élu meilleur joueur de National en 2017 (sous les couleurs de QRM), est revenu sur sa carrière qui l’a vu commencer dans un petit club de quartier, l’UFC Lens : « C’est dommage, ce club n’existe plus. Ensuite, je suis allé à Loos-en-Gohelle, juste à côté de Lens avant de revenir à l’UFC à 13 ans puis l’US Vermelles, à 10 km de Lens, m’a recruté pour jouer en 14 ans Fédéraux. Là, ça s’est bien passé et j’ai signé à Avion en 16 ans Nationaux, où j’étais surclassé. C’est là que j’ai affronté le RC Lens, qui m’a recruté ensuite. J’y suis arrivé tard ! Pendant 3 ans, j’étais dans le circuit, et le Racing ne venait jamais me chercher. Je me disais, « Mais ils font quoi ? » La porte a été dure à ouvrir ! Finalement, je suis resté deux ans chez les jeunes, je jouais en réserve, en CFA, et trois ans j’ai les pros, où j’ai signé à 20 ans. Je n’ai jamais joué avec l’équipe une, juste quelques matchs amicaux et un banc en Ligue 1 à Saint-Etienne, c’était magnifique ! »

Niort (National, prêté par Lens), Beauvais (N2), Les Herbiers (N2), Sedan (N2), Quevilly-Rouen (N2 puis National), Valenciennes (L2), Chambly (National puis L2) et enfin Villefranche (National), l’ambianceur de vestiaires a bien voyagé tout au long de sa carrière, toujours dans la partie nord de la France ! « Ambianceur ? Je me suis calmé (rires) ! J’ai encore un peu ce côté folie quand même ! » Et aussi cette bonne humeur communicative, qui rend le personnage très attachant. L’interview « tic-tac » qui suit, c’est du Medhy Guezoui tout craché !

Medhy Guezoui, du tac au tac

« Je suis un attaquant plutôt… beau gosse ! »

Photo Eric Crémois – EC Photos sports

Meilleur souvenir sportif ?
Sur un plan personnel et collectif, c ‘est l’année de la montée de National en Ligue 2 avec Quevilly Rouen, c’était extraordinaire. Maintenant ils sont bien installés dans le monde pro et je pense qu’on y est aussi pour quelque chose, même si le club était redescendu avant de remonter. Je me souviens d’une anecdote, quand on monte de CFA en National en 2016, la première journée, on perd à domicile contre Chambly 1-0 et lors de la 2e journée, on gagne 3 à 0 à Châteauroux qui était le gros morceau du championnat, et là, dans les vestiaires, Stanislas Oliveira, le capitaine, nous dit « Hey les gars, je crois qu’on va monter, on a joué un gros bonnet et on leur a mis une tournante, vous ne vous rendez pas compte ! ». On lui a dit « oh ! Calme toi, tu t’enflammes, c’est juste le début du championnat » et après… On est monté en Ligue 2 ! On en a rigolé, mais Stan a vu qu’il y avait quelque chose à faire avec cette équipe. Et il avait raison. Je citerais aussi mon passage à Chambly, dans un club familial, en plus on est monté en Ligue 2 aussi.

Pire souvenir sportif ?
Les Herbiers. Pfff… C’était compliqué. Je suis parti en mauvais termes. C’est la seule saison où je m’entraînais le soir. Pas « top top ».

Combien de cartons rouges ?
Deux je crois. Ou trois. Pour des conneries.

Photo Sébastien RICOU – FCVB

Pourquoi as-tu choisi d’être avant-centre ?
Alors pour dire la vérité, je jouais ailier droit à mes débuts. J’avais un modèle, c’était mon oncle : son objectif, sur un terrain, c’était de faire des passes décisives, et j’ai pris ça de lui. Jusqu’au jour où, à 14 ou 15 ans, à l’US Vermelles, j’ai commencé à grandir et on m’a dit que je pouvais jouer devant. Pour mon premier match dans l’axe, je mets un doublé et c’est parti de là. J’ai aimé. Même si j’ai toujours eu ce goût pour faire des passes, et c’est ce que l’on m’a toujours reproché tout au long de ma carrière, de ne pas penser assez à ma gueule. Quand je suis allé à Lens, ils m’ont demandé d’être égoïste, mais ce n’est pas nature. Je me souviens de Nolan Roux, à Lens, à 30 mètres, il n’avait qu’un objectif, c’était la cage. J’ai essayé de me rapprocher de ça, mais…

Première fois dans un stade en tant que spectateur ?
A Bollaert, quand j’avais 13 ans, avec le CAJ, le centre animation jeunesse de mon quartier de Lens.

Ton geste technique préféré ?
Le contrôle orienté et aussi j’ai un petit pont que j’aime bien faire, mais à l’entraînement hein ! En match, je ne le tente pas ! C’est le double contact pied droit / pied gauche (rires).

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, mon jeu dos au but et l’esprit compétiteur, et défauts, on l’a dit, trop altruiste. Ne pas avoir assez l’instinct de buteur.

Photo Bernard Morvan – QRM

Le club où tu as failli signer ?
Angers. En Ligue 2. Après mon départ de Lens. Je devais signer là-bas et puis… plus de nouvelles. Et je me suis retrouvé à Beauvais en CFA. J’avais refusé de prolonger 2 ans à Lens…

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Barcelone. Même si ce n’est pas mon style de jeu !

Le club où tu n’aurais jamais pas pu jouer ?
(Il réfléchit) Tes questions, elles ne sont pas faciles ! Allez, je vais dire Lille ! C’est la réponse que t’attendais ? Mais frérot, Lille, il m’appelle demain, j’y vais (rires) !

Un coéquipier marquant ?
J’ai beaucoup de copains dans le foot mais pas beaucoup d’amis. Mais Marvin Martin est devenu un ami, un frère. Je suis tombé sur une personne exceptionnelle, d’une simplicité et d’une gentillesse incroyable. Je suis allé le voir à Hyères. Oh la la, c’est le paradis là-bas !

Le coéquipier avec lequel tu avais le meilleur feeling ?
C’est compliqué, c’est quoi ces questions (rires) ? Y’a un joueur qui pouvait me trouver les yeux fermés, c’était Anthony Soubervie, mais celui qui pense et réfléchit football comme moi, c’est Timothée Taufflieb. Malheureusement, on n’a pas trop joué ensemble à Villefranche, c’est dommage, parce que c’était très intéressant.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Mamadou Sakho ! J’étais à Lens, il était au PSG. L’avoir sur le dos pendant une heure et demie…. Pourtant j’avais fait un super match mais c’est la première fois de ma vie que je me dis « Mais ça sert à rien de jouer au foot pour passer une heure et demie comme ça » ! Sur chaque duel il jouait sa vie, c’était incroyable.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Jean-Paul Mendy. Quel joueur ! J’aurais pu le citer dans la question sur le feeling.

Photo Eric Cremois – EC Photosports

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Un coach que j’aimais bien, c’était Eric Sikora mais je l’ai revu y’a pas longtemps à La Gaillette.

D’ailleurs, quand j’y suis retourné, mon fils a vu mon nom inscrit sur le mur, « Made in Gaillette », qui rend hommage aux joueurs qui sont passés, et il m’a demandé : « Papa, c’est toi ? » Et je lui ai dit, « mais oui, des Medhy Guezoui, il n’en existe qu’un seul ! »

Bon, pour le coach perdu de vue, je dirais Eric Assadourian et je me fais la promesse de retourner à La Gaillette pour le voir. C’était mon coach en 18 ans et je lui dois beaucoup. Il m’a fait progresser énormément.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Arfff… Sans filtre, sans filtre ! Sportivement, c’est Faruk Hadzibegic, mais au niveau humain c’était incroyable, il est top.

Un président marquant ?
Gervais Martel.

Un président à oublier ?
Ouh là, j’en ai beaucoup (rires) ! En fait, j’ai compris avec le temps qu’un club, c’était un business à gérer, et que les présidents gèrent leur club comme ils le souhaitent. J’ai eu des moments difficiles avec certains, mais cela fait partie du job, et si je les vois demain, je leur parlerai. Pourtant, je ne suis pas un joueur difficile à gérer, j’aime bien rigoler, mettre de l’ambiance, mais parfois, j’ai les deux fils qui se touchent ! On m’a souvent dit, quand même, que c’était bien d’avoir quelqu’un comme moi dans un vestiaire.

Photo FCVB

Une causerie de coach marquante ?
Celle de Manu Da Costa à QRM avant un match important à Croix, en CFA. Avec les vidéos des familles. J’avais pris un carton rouge lors de ce match, c’est que ça avait du un peu trop « monter » !

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Y’en a eu mille !!! Et je ne les comprends toujours pas d’ailleurs.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
J’en ai une, à Chambly, en pleine causerie de match, avant Lorient, j’étais assis à côté de Thibault Jaques, je ne peux pas la raconter dans les détails mais Thibaut et moi, on est parti dans un fou rire ! On a été obligé de se lever et de partir de la causerie !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
J’avais Raphaël Varane mais je ne l’ai plus. Serge Aurier, Marvin aussi (Martin).

Un chiffre (signification) ?
Le 21. Je ne peux pas te dire pourquoi. C’est par rapport à mon oncle Akim.

Un plat, une boisson ?
Je carbure au café depuis mes 30 ans, je ne peux plus m’en passer, et les pâtes de ma femme !

Tes occupations ?
En fait, je me rends compte que j’étais un privilégié, j’allais m’entraîner le matin et voilà, mais là, j’ai pas mal de choses à faire, plein de paperasses, je n’ai pas encore activé ce que je veux faire : j’ai un projet de création d’entreprise et aussi un projet immobilier familial. Et puis je continue à jouer le soir avec Arras. Là, je m’occupe au maximum de mes enfants, je les accompagne partout.

Termine la phrase en un mot ou deux : tu es un attaquant plutôt …
C’est quoi tes questions ?! Un attaquant plutôt… beau gosse !

Ton match référence ?
QRM-Drancy en coupe de France, on avait gagné 3 à 2 et j’avais mis un triplé : une semaine avant, j’avais dit à Michel Mallet, le président, que je partais à la JS Kabylie en D1 algérienne ! Après le match, le président annonce que je suis intransférable !

Ton pire match ?
Y’en a eu tellement…

Ton plus beau but ?
Je suis pas le genre à mettre des top buts, mais contre Pau, en Ligue 2, avec Chambly, je pars du milieu du terrain, côté gauche, un but pas vraiment dans mon style, et aussi en CFA, avec QRM, contre Poissy, une frappe après rebond sous la barre, du gauche.

Voir le but face à Pau (et le festival de Medhy Guezoui lors de ce match avec Chambly, 2 buts et une passe décisive) :

https://www.youtube.com/watch?v=6vD_ZvizexU

Ton but le plus important ?
Le premier avec Valenciennes, contre le Gazelec Ajaccio, en ouverture du championnat de Ligue 2, en 2017, parce que je venais de revenir dans le monde pro. Le but de la renaissance en professionnel !

Un modèle d’attaquant ?
Didier Drogba. Et je suis in love du football de Benzema aussi.

Une idole ?
Messi.

Un regret ?
J’ai été appelé en sélection marocaine pour faire les Jeux Olympiques en 2012 à Londres, j’ai été convoqué, mais j’ai eu de gros problèmes de papiers et je n’ai pas pu participer.

Photo Erci Cremois – EC Photosports

Ta plus grande fierté ?
Mes enfants.

Qu’est-ce qui t’a manqué pour jouer en Ligue 1 ou plus durablement en Ligue 2 ?
Chaque année, on me disait que je faisais des bons matchs, que j’avais des bons contenus, mais que je ne marquais pas assez, on me le disait déjà à Lens, quand je jouais en réserve, où il fallait que l’avant-centre marque ses 15 buts. Sinon, tu n’allais pas en pro.

Le haut niveau, c’est les stats. C’est vrai que quand je me suis entraîné avec les pros, je n’avais pas ça : moi, quand je recevais le ballon, je pensais à jouer propre, je ne voulais pas la perdre, je me retournais, je faisais une passe, alors que Harouna Dindane lui, bing, il frappait. C’est ce qu’il m’a manqué et aussi le facteur chance : j’ai refusé de prolonger 2 ans, à l’époque de Jean-Louis Garcia à Lens, car je pensais signer à Angers et je ne sentais pas une grande confiance envers moi. Quatre mois après, Eric Sikora remplace Jean-Louis Garcia… Eric Sikora, c’est quelqu’un qui a lancé les jeunes, et je suis certain qu’il m’aurait donné ma chance, d’ailleurs, il me l’a dit quand je l’ai revu. C’est comme ça. Et moi je suis allé à Beauvais en CFA.

Si tu n’avais pas été footballeur…. qu’aurais-tu aimé faire ?
Quelle question ! Maçon ! C’est le métier de mon père. Je l’ai accompagné une fois, un matin, en stage d’entreprise, on est parti à 6 heures du matin, et à 9 heures, je dormais dans le camion… J’ai tellement de respect pour mon père qui travaille toujours dans le bâtiment et qui ne s’est jamais plaint.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Vie de rêve et sacrifice.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Eric Cremois – EC Photosports

Photos : FCVB, Eric Cremois – EC Photosports et Bernard Morvan