Le co-entraîneur du FC Rousset Sainte-Victoire, situé près d’Aix et de Marseille, se livre à une introspection et évoque les particularités du football dans le Sud. Il revient aussi sur la saison exceptionnelle de son club, déjà promu en National 2, sur les difficultés qui l’attendent, et met en lumière l’équipe qui l’entoure.

Par Anthony BOYER (aboyer@13heuresfoot.fr)

Photos FC Rousset SVO / Lucas Zanoni / HMZ Production

Si vous êtes observateur et que vous aimez regarder les paysages en conduisant, vous les avez sûrement déjà aperçus… ces stades ! Il n’y en a que trois aux bords de l’autoroute du sud de la France.

Le premier, celui de Vergèze, entre Nîmes et Montpellier, est facilement reconnaissable avec son logo Perrier et son gardien de but géant qui se détend. Le second, le stade Lamartine, où Consolat évoluait en National, est à Marseille. Le troisième, c’est celui de Rousset, juste avant Aix-en-Provence, quand vous arrivez de Nice, avec l’immense montagne Sainte-Victoire en toile de fond. Voilà pour la géographie !

Pour le volet démographique, Rousset, c’est un peu plus de 5000 habitants. C’est aussi la viticulture, une chapelle de style « art roman » du XIIe siècle, une église du XIXe siècle. Rousset, c’est enfin un club de football qui vient d’accéder en National 2 ! Et ça, ce n’est pas le plus petit des exploits de ce village provençal où il fait vraiment bon vivre.

Un exploit historique

À quatre journées de la fin du championnat, le FC Rousset Saint-Victoire Omnisports, de son vrai nom, est assuré de terminer champion de sa poule de National 3 après son large succès contre Corte (5-0) samedi dernier. Un exploit historique (la réserve accède quant à elle de D1 à Régional 3 et les seniors féminines vont disputer un barrage d’accession en D3 contre Lorient les 1er et 8 juin). Le mérite revient aux joueurs, bien sûr, ainsi qu’aux dirigeants, dont le quatuor Assami-Delachet-Lahouel-Aït Atmane.

Les deux premiers entraînent, le troisième recrute et le quatrième préside. À ce trio, il convient d’ajouter le staff, avec notamment Yoann Taguelmint, 3e adjoint, Victor Ferreri, le « prépa » physique et Eric Vallée, l’intendant.

La présence de Delachet, 75 ans et une expérience longue comme le bras (il a notamment gardé les cages des Girondins de Bordeaux, de Monaco et de Valenciennes en première division dans les années 70, et même celle de … l’OM), est aussi une manière de passer le flambeau, de préparer la suite, de pérenniser l’ensemble : « Il ne faut pas énormément changer de fonctionnement. Le club est en plein développement. On a vu des clubs qui se sont cassés la gueule parce qu’ils voulaient aller trop vite. La chute peut être plus brutale. »

Assistant d’éducation à Marseille

Aux côtés du maire de Rousset, Philippe Pignon (au centre) et du président du club, Malek Aït Atmane.

Le natif de Marseille (37 ans), assistant d’éducation au collège Henri Barnier à Marseille depuis 6 ans, a joué – en défense – dans tous les clubs de la région marseillaise. On exagère un peu. Encore que : Canet Sports (Le Canet / Jean-Jaurès, quartier de Marseille), JO Saint-Gabriel (encore Marseille), Marignane, Istres, Martigues, Marseille-Consolat, Aubagne, Gémenos, voilà pour les clubs provençaux qu’il a fréquentés en short.

Depuis trois ans, il est à Rousset, en survêtement cette fois. C’est dire s’il en connaît un rayon sur le football dans les Bouches-du-Rhône (il a aussi joué à Cannes et Gap en National, Strasbourg en réserve et Pribram en D1 Tchèque).
Pendant près d’une heure, à Aubagne, la ville où il réside, au lendemain de la 17e victoires (en 22 matchs, pour 3 nuls et 2 défaites seulement, 57 buts marqués !) du FC Rousset SVO, premier de la poule J avec 13 points d’avance sur l’Olympique d’Alès-en-Cévennes, Nordine Assami a déroulé le fil de sa carrière. Calme, posé, réfléchi, lucide, l’ancien défenseur a aussi évoqué sa nouvelle vie de coach et expliqué comment il a « switché ».

Interview / « On est un club tremplin ! »

Nordine, Rousset va évoluer en National 2 la saison prochaine : tu réalises ?
Honnêtement, c’est inespéré qu’un club comme le nôtre, compte tenu des structures, de l’environnement, du nombre d’habitants (5 000), du budget (600 000 euros dont 150 000 de masse salariale, hors staff), atteigne ce niveau. On a un budget ridicule comparé à d’autres. On ne s’en rend même pas compte, mais c’est historique. Maintenant, il ne faut pas aller en N2 pour faire de la figuration, sans se préparer. On sait que l’on sera le plus petit budget de la poule, mais en travaillant de la même manière qu’on le fait depuis quelques années, on arrive quand même à attirer de sacrés bons joueurs, et ça, c’est grâce à Hakim (Lahouel), notre directeur sportif : avec lui, on arrive toujours à anticiper nos besoins. C’est ce qui fait la différence. On sait très bien que, financièrement, on ne peut pas batailler avec des clubs comme Fréjus ou Toulon, alors on doit avoir une stratégie de recrutement différente. Pour le moment, cela ne nous réussit pas trop mal.

Est-ce que Rousset et toi avez conscience de la difficulté de la tâche qui vous attend en N2 ?
Rousset va changer de monde. On le sait. En plus, on a entendu dire que Bordeaux, s’ils ne montent pas en National, pourrait intégrer notre poule… De toute façon, on sait bien que plus on monte de niveau, plus l’aspect financier est important. On sait que la fougue et les valeurs ont leurs limites. Quand on est démuni de moyens, qu’on a des conditions de travail plus difficiles, cela peut devenir compliqué.

« S’adapter aux exigences du N2 »

Ta manière de travailler en N2 va-t-elle être modifiée ?
D’abord, c’est important d’être reçu par sa direction. On va se voir rapidement. La division fait que l’on va changer de dimension. Il faudra s’adapter aux exigences du national 2, je pense au pole médical, au staff, à la vidéo, à la logistique, au secteur médical, etc. On a des réflexions par rapport à tout ça. Cette saison, je faisais l’analyse vidéo du week-end, un domaine dans lequel j’essaie de me perfectionner aussi, c’est un outil très important pour la performance. j’ai géré les joueurs aussi, j’ai ce rôle de manager général dans le fonctionnement du club. Quand on n’a pas forcément de moyens, il faut trouver des personnes investies, impliquées, il faut « vivre club » : ça va être le dossier numéro 1. On le voit à Jura Sud par exemple, où un garçon comme l’entraîneur Valentin Guichard, qui a fait de très belles choses là-bas, commence, à l’image de son club, à s’essouffler, parce que c’est usant. Il ne faut pas s’éparpiller.

Aujourd’hui, tu a un travail à côté du foot : envisages-tu, si tu es encore à Rousset la saison prochaine, de te mettre en disponibilité ?
C’est certain que le foot est de plus en plus prenant. Ma réflexion porte également sur ça, oui.

On dirait que la saison s’est déroulée comme dans un rêve…
Là, on a 13 points d’avance à 4 journées de la fin. C’est exceptionnel. Seuls Dieppe et Bayonne avaient déjà assuré leur montée en N2 avant nous. Pourtant, on avait fait un démarrage poussif, avec une victoire et trois nuls lors des quatre premières journées; à ce moment-là, on cherchait notre équipe, un ADN, une identité. L’été dernier, on a eu 60 % de l’équipe qui venait de changer. Il a donc fallu impulser un déclic et à partir de la 5e journée, on a enchaîné les victoires, sept de suite je crois, on est resté invaincu jusqu’au dernier match de la phase aller, perdu à Alès (3-2). Cette défaite a été salvatrice, parce qu’on commençait à entrer dans un certain confort. On n’appréciait plus les victoires comme on le devait. Ce n’était pas faute de mettre les joueurs en garde, de leur dire que ce que l’on était en train de vivre était exceptionnel, que l’on était pas programmé pour jouer quelque chose mais, pour autant, que l’on ne devait pas se priver d’être dans le confort en terme de résultats. Pour ça, il faut être exigeant à chaque match. Parce qu’en N3, on ne va rien nous donner. Quand on des garçons qui travaillent à côté, qui font du football une activité annexe plutôt qu’un vrai métier, qui ne sont pas 100 % dédiés au foot, comme c’est le cas chez nous, il faut toujours les tenir en alerte, être derrière eux, trouver le bon dosage. Mais je reconnais que l’on n’a pas eu de gros problèmes à gérer.

« Un deal gagnant-gagnant »

Aux côtés de Hakim Lahouel, le directeur sportif (au centre) et de Yoann Taguelmint, adjoint.

Cette saison a permis aussi à des joueurs de se révéler, d’être remarqués. C’était déjà le cas la saison passée. Et si c’était ça la philosophie du club ?
Le dernier exemple, c’est Idriss Mohamed (21 ans), qui a fait un essai en Ligue 2 à Annecy, c’est un défenseur central que l’on a pris il y a 2 ans (ex-Marignane, Istres et pôle Espoirs d’Aix). C’est le projet que je vends aux joueurs, surtout aux jeunes : on est un club tremplin. On leur dit « Voilà, vous avez des qualités, nous on a un certain savoir-faire. Si vous êtes performants, on va vous mettre en lumière sur le terrain et on ne vous bloquera pas. Si vous êtes bons et que vous servez les intérêts du club, vous servirez aussi vos propres intérêts. » C’est un deal gagnant-gagnant. Un garçon comme Sofiane Sidi Ali, qui a signé pro à l’OM (en janvier 2023), c’est valorisant pour Rousset. On en aura encore un ou deux je pense cette saison. C’est une vitrine pour le club. Il y a aussi des projets de « rebonds » qui peuvent être intéressants pour des joueurs qui sortent d’un cursus pro, déçus de ne pas avoir été conservés ou de ne pas avoir eu leur chance.

Le village de Rousset avec, au fond, la montagne Sainte-Victoire. Photo DR

Tout n’a cependant pas été rose, on pense à la saison passée, quand des sites internet ont annoncé ton limogeage et celui de Christian (Delachet) en cours de saison…
Les entraîneurs sont jugés par leurs résultats. On le ait. Le duo que je formais avec Christian l’an passé était décrié, c’est normal, les résultats ne suivaient pas. La direction a pris la décision de se séparer de Christian. Pour ma part, je suis resté dans le staff et il y a eu l’arrivée de Yoann Taguelmint aussi comme adjoint qui est encore là aujourd’hui, et de Daniel Jean-Alphonse comme entraîneur principal. En fait, la saison passée, on avait prévu que l’on aurait ce creux-là. On était parti sur un recrutement de joueurs à relancer, qui coûtait moins cher. On se doutait que le démarrage allait être poussif. Simplement, on ne pensait pas que cela allait durer aussi longtemps. Quand on a récupéré les cadres et que les épisodes de blessures se sont terminés, cela a coïncidé avec l’amélioration des résultats à partir de janvier, ce qui nous a permis de finir premiers sur la phase retour. Quant aux articles parus, qui disaient que l’on était virés, c’était erroné. Cela a entaché ce que l’on faisait au quotidien.

Déjà, lors de ta première saison, le coach n’était resté que quelques semaines…
Quand je suis arrivé, le coach venait d’être nommé, c’était Fatsah Amghar (ex-coach de Rumilly, qu’il a emmené en CFA et en demi-finale de la coupe de France en 2021). Cela n’a pas duré longtemps (Amghar a été limogé en septembre 2022), et c’est là que Christian (Delachet) est arrivé. Et à la fin de la saison suivante, Daniel Jean-Alphonse avait averti le club qu’il allait repartir vers Paris, c’est pour ça que Christian est revenu quand il y a eu ce fameux épisode.

Comment fonctionnez-vous avec Christian Delachet ?
Christian c’est le sage, il ne parle pas énormément, mais quand il parle, il est très écouté. Il prend beaucoup de hauteur. Moi, c’est plus la fougue. On se met d’accord sur une programmation et derrière, j’anime les séances. Il y a Yoann aussi (Taguelmint), qui est très important au quotidien.

« On part à l’aventure ! »

Comment est venue cette vocation d’entraîner ?
Après avoir joué à Gémenos (2018/19) avec « Titou » Hasni, j’ai fait une dernière saison en Régional 2 à Saint-Zacharie, on est monté en R1 en 2020. Puis j’ai décidé d’arrêter. J’étais déjà éducateur à Air Bel, juste pour donner un coup de main, avec les U16. Cela a été très formateur. Air Bel, c’est le deuxième club marseillais en termes de jeunes après l’OM, avec une pépinière de talents. Je croise beaucoup de joueurs de N2 et N3 passés par Air Bel. J’ai obtenu mon BEF quand j’étais éducateur en U16 R2 à Air Bel, en parallèle de ma dernière saison à Saint-Zacharie. C’est là que j’ai passé ce cap. J’ai signé ensuite à Carnoux comme adjoint, en Régional 1, avec Bruno Lacoste, lors de la saison 2020-2021. C’était la première fois que je coachais des anciens partenaires ! C’était une nouvelle posture à avoir, une proximité à trouver en même temps qu’une fonction à assumer. Il fallait trouver le bon compromis. Ensuite, j’ai signé adjoint en National 3 à l’Athlético Marseille (ex-Consolat), en 2021/22, avec Jimmy Turi puis Franck Priou est arrivé en cours de saison, mais le club a subi un dépôt de bilan. C’était très dur parce que c’est un club qui comptait pour moi. J’ai vu les galères de la vie, des garçons qui ne touchaient plus de salaire, vraiment une période compliquée. Voir que le club, qui était un monument du football régional, n’existe plus, c’est un déchirement. C’est triste. Ce club a mis en lumière des joueurs et permis l’éclosion de certains, comme Julien Lopez, Umut Bozok, Rémi Sergio, Salim Mramboini, Faïz Selemani, Youssouf M’Changama et plein d’autres.

Quand et comment es-tu arrivé au FC Rousset ?
Je suis arrivé en 2022. Le directeur sportif, Hakim Lahouel, est un ami d’enfance. On a des liens très étroits. On était à l’école primaire ensemble. Il est là depuis 10 ans. En 2018, j’avais failli signer comme joueur déjà.

On dit que Hakim Lahouel, souvent dans l’ombre, est la pierre angulaire du projet à Rousset…
Oui et ça me tient à coeur de parler de lui. Hakim, c’est une belle personne, quelqu’un qui ne se met pas en avant et qui ne cherche pas la lumière, alors qu’il mériterait d’être sous les projecteurs. Il est très compétent. Il a donné beaucoup de son temps au club et aujourd’hui, si Rousset en est là, si on parle autant des résultats, c’est parce que derrière, il y a un garçon très important, et c’est lui. C’est le socle. L’artisan principal de la montée en National 2, c’est lui. Quand il est arrivé, Rousset était en Régional 2. Il est passionné, c’est une encyclopédie du foot, il connaît tous les joueurs, et c’est quelqu’un qui a un boulot à côté.

A titre personnel, tu aimerais aller plus haut, plus tard ?
Actuellement, il y a des entraîneurs qui arrivent, qui sont inspirants, je pense là, comme ça, à Patrick Videira, qui m’a envoyé un message sympa pour le titre, Karim Mokeddem, etc. Il y a eu Claude Fichaux à Strasbourg, qui m’a lui aussi envoyé un message pour la montée. Oui, j’aspire, du moins, j’espère faire partie de ces entraîneurs-là, mais chaque chose en son temps. Intégrer un centre de formation aussi, ça peut être intéressant. J’arrive à la croisée des chemins. Je ne me ferme pas de porte. Mais là, aujourd’hui, dans mon parcours, vivre la saison en National 2, ça peut être très intéressant. On n’aura pas de pression, si ce n’est celle que l’on se mettra nous-mêmes ! On sait qu’un maintien en N2 serait historique pour Rousset. On part à l’aventure en fait !

« On attire un peu plus les regards »

La place Paul-Borde du village de Rousset. On y joue au… ballon !

On te demande souvent où se trouve Rousset ?
D’abord, souvent, quand on rencontre les autres clubs, ils ne savent pas comment appeler la ville : ils se demandent si on doit dire « Le Rousset » ou « Rousset » ! Cela montre déjà le degré de méconnaissance (rires) ! Après, au fur et à mesure de la saison, on est devenu l’ovni du championnat. On a attiré un peu plus les regards.

Mais si je te demande « C’est où Rousset ? », tu me réponds quoi ?
Je te réponds que c’est à côté de Marseille, à 15 minutes d’Aix-en-Provence. C’est important de citer les deux villes (rires).

« Un entraîneur ne signe plus pour un projet »

Tu as essentiellement joué dans le sud-est de la France, souvent dans des clubs dits « à problèmes » ou qui ont connu des problèmes… Est-ce le hasard ou y a-t-il une explication ?
Oui, c’est fou ! Je pense que mon profil, à ce moment-là, collait à ces clubs-là. Parce que malheureusement, ici, dans notre région, on a eu beaucoup de clubs où c’était géré, disons, d’une certaine manière sur le plan financier. On était chaque année dans le dur. Si à un moment donné j’ai fait partie de ces clubs-là, Istres, Martigues, Consolat, c’est parce qu’ils avaient besoin de joueurs de ce niveau-là. Dans mon parcours, j’ai souvent connu des clubs sur le déclin. J’ai souvent été dans des projets où il fallait remonter, où ils avaient besoin de joueurs de caractère pour atteindre les objectifs, où les dirigeants faisaient des investissements mais sans forcément bien gérer les finances.

Tu parles de gestion parfois compliquée dans les clubs du sud : mais toi qui connais bien le microcosme régional, c’est quoi l’explication ? Pourquoi plus ici qu’ailleurs ?
Un projet, ça se construit. Mais beaucoup de présidents sont impatients dans les clubs du Sud. Ils veulent monter tout de suite. Ils sont accrochés aux résultats et du coup, pour eux, résultats = réussite. Et à côté de ça, dans d’autres régions de France, on voit plus de coachs qui construisent sur la durée. Dans notre région, les projets n’existent plus. D’ailleurs, ont-ils déjà existé ? Un entraîneur, aujourd’hui, ne signe plus pour un projet, mais pour des résultats, et c’est dommage, parce que, quand on voit des structures comme Toulon, Cannes, Fréjus, avec ce manque de stabilité dont tu as parlé, c’est un échec. Si la ligne directrice d’un club, c’est le projet avant les résultats, forcément, il y aura moins d’impatience et du coup, on va laisser du temps. Après, forcément, si les résultats ne sont pas là, si tu es dernier et que tu ne gagnes pas un match, la question d’un changement de staff va se poser. Mais si on a des résultats un peu moins bons qu’espéré, mais que le projet a l’air d’être sur la bonne voie, alors il faut accompagner les gens en place. Malheureusement, on casse trop vite les projets. À Rousset, Hakim (Lahouel) a compris ça très tôt. La saison passée, dans la tempête, on a pris de la hauteur alors que la facilité aurait été de tout casser. Je pense qu’on récolte les fruits de ça aujourd’hui. Ce mauvais passage a permis de nous souder encore plus. On savait que cela allait nous mener quelque part. Bon, de là à jouer la montée, non ! Avec le président (Malek Aït Atmane), c’est pareil, on est très proche, on a une certaine vision, on n’a pas vraiment ce rapport hiérarchique de président / entraîneur. On est lié par la même passion du foot. Ce qui fait que derrière, on n’a pas de pression. Pas d’obligation. Si ça marche, c’est bien, si ça ne marche pas, on essaie de réguler. Tous ensemble. C’est ça qui est bien à Rousset.

As-tu eu le temps de t’intéresser cette saison aux autres poules de National 3, de National 2 aussi ?
Je regarde beaucoup de championnats. Cela donne des idées pour le recrutement. C’est pour ça que l’on a parfois des joueurs qui viennent de loin, parce que d’autres clubs n’ont pas eu l’idée de les recruter. Il faut avoir la connaissance des joueurs et pour ça, Hakim (Lahouel) est très bon dans ce domaine.

« Nicolas Usai est très inspirant »

Ton meilleur souvenir de joueur ?
La victoire en Gambardella en 2006 avec le RC Strasbourg, il y avait notamment Kevin Gameiro, Quentin Othon, qui est toujours au club, Anthony Weber, c’était une promotion assez sympa. Le coach était Claude Fichaux, ensuite il était ajoint de Rudy Garcia à l’AS Roma, à L’OM et à Lille.

Et le pire ?
Quand on n’est pas monté en Ligue 2 avec Marseille-Consolat, après une saison extraordinaire (2015-2016), avec le coach Nicolas Usai, une personne qui a aussi beaucoup compté pour moi dans mon choix de l’après carrière. Il était très inspirant. La Ligue 2 aurait pu changer la vie sportive de beaucoup de joueurs. C’était une aventure humaine extraordinaire. Mais on a flanché à la fin.

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
J’en ai marqué plus sur la fin qu’au début. J’avais la technique on va dire, j’ai marqué pas mal de coups francs directs. Avec Aubagne, je me souviens qu’une saison, j’avais mis 10 buts dont 7 ou 8 sur coup franc ! Sinon, en général, je marquais entre 3 et 5 buts par saison. Pour un défenseur, c’est correct.

« Le foot, un vecteur de solidarité »

L’église de l’Immaculée-Conception à Rousset.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Quelques-un quand même… Cela m’est arrivé d’être dur sur l’homme, d’avoir de l’excès d’engagement par moments, mais j’avais plutôt la réputation d’un joueur habile balle au pied, bon relanceur. Je n’avais pas cette réputation-là d’être un défenseur qui faisait mal. J’avais cette culture de vouloir ressortir proprement, ce qui ne m’a pas tout le temps servi, parce qu’à mon époque, on aimait bien les joueurs rugueux. Mais je ne voulais pas déroger à cette mentalité-là. Depuis que je suis passé entraîneur, c’est ce que je prône aussi, même si, parfois, bien sûr, il faut balancer ! C’est important d’avoir ce bagage, parce que le défenseur, comme le gardien, est le premier relanceur.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur et pourquoi défenseur ?
Parce que c’était le sport populaire, vecteur de solidarité entre nous. C’est ce qui nous rassemblait tous. Et puis, autour de nous, on n’avait pas non plus beaucoup de choix dans les sports à pratiquer. J’habitais dans les quartiers Nord de Marseille, au Canet / Jean-Jaurès, dans le XIVe arrondissement. On était une bande de copains, on se retrouvait après l’école pour jouer au foot dans le club du quartier, Canet Sports, qui n’existe plus aujourd’hui.

Quel a été ton parcours, ensuite ?
J’ai joué à la JO Saint-Gabriel, un club de Marseille un peu plus huppé; ça m’a permis d’être repéré et d’intégrer le centre de formation de Cannes, où j’ai passé 3 ans. Il y a eu le tournoi des Régions aussi, avec la Ligue de Méditerranée, qu’on a remporté, avec Serge Gakpé, Samir Nasri, Ahmed Yahiaoui, Vincent Muratori, Thomas Mangani, on avait une très belle équipe.

Vainqueur de la Gambardella avec Strasbourg

Comment as-tu été repéré par l’AS Cannes ?
On avait une équipe à Saint-Gabriel au-dessus du lot. On avait fini premiers du championnat, on était suivi chaque week-end par les recruteurs. Pour ma part, j’étais surclassé, mais j’étais assez grand, j’avais le profil pour intégrer le centre de formation d’un club pro. À Cannes, j’y suis resté 3 ans, des U15 jusqu’au groupe National, où j’ai même fait des matchs, 7 je crois, avec le coach René Marsiglia et Franck Passi comme adjoint (en 2004/2005). Mais le club commençait à décliner à ce moment-là. Cela m’a quand même permis d’être mis un peu en lumière. A la fin de cette saison, j’ai choisi d’aller au centre à Strasbourg pour évoluer. C’est là que je remporte la coupe Gambardella la première année (en 2006), mais je ne passe pas pro. Pourtant, je faisais partie des quatre joueurs pressentis pour signer. Du coup, j’ai signé pro à Istres, en National, qui venait de descendre de Ligue 2. On a fait une très belle saison avec le coach René Le Lamer. Il y avait notamment Walid Mesloub, Olivier Giroud, qui était prêté par Grenoble, Julian Palmieri, Simon Feindouno… On avait une équipe sympa, jeune, on était une bande de copains. On a terminé au pied du podium et on n’est pas remonté. Ensuite, j’ai attendu quelques mois avant de voir si je trouvais un club de National, cela ne s’est pas fait, et je suis reparti dans le foot amateur, à Marignane, en CFA. Mais je n’y suis resté que quelques mois : je suis parti en D1 Tchèque, à Pribram, sauf que… Financièrement, il y a beaucoup de retards de paiement, bref, ça n’a pas tenu. Mais c’était une bonne expérience et la première fois que je m’expatriais. Cela m’a permis aussi de voir le football ailleurs. Après, j’ai signé à Gap, en CFA, avec Franck Priou, une personne qui est chère à mon coeur et avec qui j’ai une histoire. On est monté en National. Dans la foulée, Franck a signé à Martigues et Patrick Bruzzichessi l’a remplacé. On s’est maintenu sportivement à la dernière journée à Créteil, malheureusement, administrativement, le club a déposé le bilan. Malgré tout, on avait rempli les objectifs sportifs.

Meneur d’hommes, rassembleur…

Victor Ferreri, le préparateur physique.

Qualités et défauts sur un terrain, c’était quoi, selon toi ?
J’étais un meneur d’hommes. Je m’intéressais pas mal aux autres. J’étais rassembleur. Bien sûr, comme chaque joueur, j’étais centré sur moi, mais pas trop en fait, car j’avais ce truc de savoir fédérer. J’ai souvent été capitaine dans les équipes où j’ai jouées. J’étais nonchalant, pas très attiré par l’effort : je me reposais sur mes acquis.

Que t’a-t-il manqué pour jouer en Ligue 2 selon toi ?
C’est un peu ce que je viens de dire : je n’avais pas cette présence d’esprit que j’ai aujourd’hui de me dire que, si j’avais tout donné, j’aurais pu faire beaucoup plus dans le football, parce que je pense que j’avais les qualités pour ça. Mais je ne me suis jamais vraiment donné les moyens d’y arriver. Parce que sur le moment, je ne prenais pas conscience de cela. Je me disais que ça allait arriver. Mais on se rend bien compte aujourd’hui que les qualités ne suffisent plus. Je ne le regrette pas forcément, c’est le destin, mais si je m’étais donné à 200 %, je serais curieux de voir ce que cela aurait pu donner.

« Une carrière, ça va très vite »

Cette prise de conscience tardive, cela te sert aujourd’hui dans ton approche d’entraîneur ?
C’est un peu le message que j’essaie de faire passer auprès de mes joueurs, surtout des jeunes. Je leur dis qu’il faut se donner les moyens pour ne pas avoir de regret, aussi bien dans l’entraînement visible qu’invisible. Il faut prendre conscience qu’aujourd’hui, une carrière, ça va très vite, que l’on peut en vivre mais que l’on peut aussi passer à côté et le regretter, parce que ça peut très vite s’arrêter.

En National 3, c’est possible d’avoir ce discours-là ?
Oui parce qu’il y a quelques clubs qui sont en capacité de donner des salaires cohérents, je pense à Alès où les joueurs vivent du football, s’entraînent le matin. C’est comme un club semi-pro. Là-bas, les joueurs en font un métier. C’est ce que je souhaite a minima à mes joueurs : d’être un très bon joueur amateur, de vivre du football si possible. Maintenant, s’ils ont des qualités pour aller au-dessus, il faut les encourager pour se donner à fond et ne pas avoir de regret.

« Je dois évoluer, adapter mon comportement »

La réserve est championne de D1 et accède en Régional 3.

Tu es un entraîneur plutôt comment ?
J’essaie d’être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir. J’ai eu de bonnes expériences, d’autres moins bonnes, et j’essaie de tirer le parti de tout ça. Je suis très proche de mes joueurs. Mais je fais la part des choses. J’ai ce management qui fait que je sais créer un lien, c’est ce qui fait aussi que l’on a des résultats. Je ne pense pas que mettre de la distance soit une bonne chose. En fait, la meilleure pub que l’on peut me faire, c’est celle qui vient de mes joueurs, de ce qu’ils pensent de moi. Pour le moment, les retours sont bons, c’est ce qui me conforte. Mais je dois évoluer aussi. Adapter mon comportement. Je pense que depuis mon arrivée en 2022 à Rousset je me suis énormément développé. J’aspire chaque jour à être meilleur, à progresser.

Des entraîneurs inspirants ?
J’ai eu beaucoup de très bons entraîneurs, je pense à François Keller à Strasbourg, que j’ai eu en réserve en CFA, j’ai eu Lasaad « Titou » Hasni à Gémenos, qui est aujourd’hui directeur du centre de formation de l’OM, une personne très intelligente, qui m’a poussé aussi à passer mon BEF (Brevet d’entraîneur de football) pour franchir ce cap, Nicolas Usai, Eric Chelle, Franck Priou bien sûr avec qui j’ai une relation forte, encore aujourd’hui. Ils m’ont tous apporté quelque chose dans mon parcours.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Je suis allé à l’Emirates Stadium (Arsenal), c’était vraiment pas mal, au Nou Camp aussi (Barcelone). Sinon, le Vélodrome, c’est les racines, la meilleure ambiance d’Europe !

Un coéquipier marquant ?
Il y en a plusieurs ! Walid Mesloub. J’ai gardé une relation forte avec lui. Nos épouses se connaissent. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié et pourtant on n’a joué qu’une seule saison ensemble à Istres. C’est l’un des plus talentueux avec lequel j’ai joué. Ibrahim Rachidi aussi, qui est l’adjoint d’Hakim Malek en L2 à Martigues, était particulièrement drôle : on se chambre encore beaucoup, on s’appelle.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling dans le jeu ?
À Gap et à Martigues, j’ai joué avec Medhi Messaoudi, on se ressemblait physiquement, on était complémentaires. A Aubagne, j’ai joué avec Yann Jean dit Gauthier, on n’était pas les défenseurs les plus rapides mais, là encore, on avait cette complémentarité. On avait fait une très bonne saison, on avait fini 2e.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière, contre lequel tu t’es dit « ce soir, ça va être compliqué » ?
Quand on a joué contre Monaco, il y avait Djamel Bakar en réserve, c’était un super joueur. Il allait très vite. Il a fait une belle carrière mais il aurait pu faire encore mieux que ça. Et David Gigliotti aussi, c’était un crack quand il était jeune.

« Quand un coach qui « allez », je ne comprends pas ! »

Un coéquipier que tu aimerais bien revoir ?
Youssouf M’Changama.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Claude Fichaux.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
A Gap, la deuxième saison, quand on est monté en National, on ne s’est pas forcément compris avec le coach, Patrick Bruzzichessi. C’est dommage. Sur le plan personnel, c’était une année compliquée, mon père était malade, il est décédé, le club était dans une situation compliquée aussi. Dans le management et la manière d’appréhender l’équipe, cela a été difficile. Cette saison-là, je ne l’ai pas gardée dans mon coeur.

Une consigne d’un entraîneur que tu n’as pas compris ?
Quand un coach crie « Allez ! », je n’arrive pas à comprendre ce que cela veut dire !

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Luc Mingallon, pour tout ce qu’il représentait à Marseille-Consolat. C’était folklrorique.

Une causerie de coach marquante ?
J’étais très jeune, c’était la causerie de la finale du tournoi des régions avec Bruno Bini, je devais avoir 14 ans, il nous avait fait marcher au bord d’une rivière et il avait fait sa causerie là, il s’était mis à la place de l’entraîneur adverse et il expliquait comment on était perçu. C’était les premiers pas vers le foot de haut niveau; ça m’avait marqué.

Des rituels, des tocs, des manies avant un match ?
J’aime rester dans ma bulle. La manière avec laquelle je fonctionne, et c’est paradoxal, est un peu à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui, où les joueurs aiment bien être décontractés, rigoler, et ils » switchent » à 5 minutes du jeu; ça ne me dérange pas, chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais moi, j’aime bien visualiser mon match dans la tête. J’ai besoin de me recentrer sur ça. Joueur, j’étais comme ça aussi. Je ne suis pas très bavard avant les matchs, alors qu’en dehors oui (rires).

Proximité et bienveillance

Une devise, un dicton ?
Non, je n’en ai pas en particulier, même si j’aime bien mettre une petite phrase de temps en temps, quand je pense que c’est le bon moment.

Tes passions dans la vie ?
La famille. Le foot prend tellement de temps ! Il faut trouver le bon dosage entre le foot et la famille. Les moments sont précieux.

Un chiffre ?
Le 7. Mon épouse est née le 7.

Un surnom ?
Nono.

Tu es un entraîneur plutôt …
Bienveillant. Joueur. « Protagoniste », je suis celui qui préfère avoir la balle plutôt que d’avoir à m’adapter à l’adversaire.

Tu étais un joueur plutôt …
Leader, technique et fédérateur.

Un modèle de défenseur ?
J’ai toujours aimé les défenseurs « propres » comme Paolo Maldini, ou Alessandro Nesta.

Une idole de jeunesse ?
Zidane, comme tout le monde.

Le match de légende de l’Histoire du foot, c’est lequel pour toi ?
Real Madrid – Leverkusen en finale de la Ligue des Champions (en 2002) avec la volée de Zidane. Et aussi Milan AC – Liverpool (en 2005), quand Liverpool est revenu de 0-3 à 3-3. On prenait beaucoup de plaisir devant la télévision, il y avait beaucoup de stars sur le terrain.

Le club de Rousset, en quelques mots ?
Familial, en plein développement et sur la bonne voie.

Le National 3 ?
Compliqué, exigeant. C’est ce qui résume ce championnat-là. Le N3 demande beaucoup de concentration, de remise en questions. À Rousset, on essaie de mettre une bonne méthodologie de travail.

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : FC Rousset SVO (Lucas Zanoni et HMZ Production)
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

Adoré des supporters à Nîmes Olympique, le club de la ville où il est né, et où il a laissé bien plus qu’une trace, l’attaquant de 32 ans, actuellement en rééducation, a aussi mis ceux de l’ESTAC (Ligue 2) dans sa poche. Sa générosité, sa simplicité et son entièreté font qu’il est facile de s’identifier à ce garçon solaire et pétillant. Un entretien rafraîchissant !

Par Anthony BOYER (aboyer@13heuresfoot.fr) / Photos @ESTAC

Cette année, Renaud Ripart a délaissé son catogan au profit d’une coupe plus… militaire ! Photo @ESTAC

Après avoir conquis le Sud à Nîmes, Renaud Ripart est parti voilà bientôt quatre ans à la conquête de l’Est, à Troyes. Et à voir la manière dont les supporters de l’ESTAC l’ont célébré au stade de l’Aube, le 20 janvier dernier, lors de la réception d’Annecy (0-1), pas de doute, il a été bien adopté. Et adoubé. Ce soir-là, un tifo en l’honneur du Gardois avait été déployé, sur lequel on pouvait lire « Les Magic solidaires d’un joueur exemplaire ». Un superbe hommage. Mérité.

C’était quelques jours après sa grave blessure contractée à Rodez, le vendredi 10 janvier, quand son ligament croisé avait rompu. La célébration a dû faire chaud au coeur de l’attaquant de 32 ans, au moins autant que celle qui lui avait été réservée aux Jardins de la Fontaine, à Nîmes, quand, alors qu’il profitait d’un week-end pour faire ses valises et rejoindre l’Aube, un tifo avait été spécialement organisé pour lui par les supporters de Nîmes Olympique. Pour ce pur Nîmois, qui, hormis Troyes, n’avait quitté qu’une seule fois « SA » ville – Il fut prêté en National au CA Bastia en 2014-2015 -, ce fut un moment inoubliable, dont il a gardé une image, une photo même. Cet épisode, le raconte dans cet entretien de 45 minutes, accordé entre deux séances de rééducation au club, quelques jours avant de se rendre au Centre national de Clairefontaine, pour des soins de rééducation.

Enfant du quartier de Castanet

Photo @ESTAC

Renaud Ripart, c’est ce gars tranquille, posé, cool, pétillant, que tout le monde apprécie. Qui fait l’unanimité. Que tout le monde voudrait avoir pour ami. À Nîmes, il est devenu un symbole. Une légende. Derrière Kader Firous, dont il cite d’ailleurs le nom en réponse à la question « Le joueur historique du NO ? », c’est peut-être bien lui qui arriverait juste après dans le coeur des Crocodiles au classement des joueurs emblématiques du club.

Parce qu’il y est né. Parce qu’il y a grandi. Parce qu’il y a tout connu. Parce qu’il a commencé dans le quartier de Castanet avant de rejoindre le voisin mythique. Parce qu’il a fait du stade des Costières son jardin, son arène, référence au monde de la tauromachie qui lui est cher, et à qui il a largement rendu hommage à chacune de ses célébrations après un but, en mimant une passe de torero avec sa cape.

Mais tout n’a pas été simple pour cet attaquant de formation, trimballé à plusieurs postes, notamment au début de sa carrière. Une carrière qui l’a vu prendre son véritable envol vers l’âge de 22/23, quand Nîmes a tout d’abord réalisé une superbe deuxième partie de saison 2015/16 en Ligue 2 alors que 8 points de pénalité lui avait été infligé au départ.

Stéphane Rossi : « Il est travailleur, discipliné, rigoureux »

Photo @ESTAC

« Quand on l’a eu avec nous au CA Bastia en National, prêté par Nîmes, il se cherchait un peu au niveau de ses postes, attaquant, milieu excentré, se souvient Stéphane Rossi, un de ses anciens coachs, aujourd’hui à Concarneau (National). On venait de descendre de Ligue 2, c’était une saison compliquée (en 2014/15), on avait souffert, mais si je n’avais pas eu des garçons comme lui, on ne s’en serait pas sorti. Renaud est rigoureux, discipliné, travailleur, avec une super-mentalité. Je me souviens qu’après les séances, il restait pour travailler devant le but. Il en voulait toujours plus. Après, de là à dire qu’il deviendrait un acteur majeur de la Ligue 1 comme ce fut le cas avec Nîmes, ce n’était pas évident, même si je pensais qu’il pouvait évoluer à ce niveau. Il a cette faculté à s’adapter. Pour moi, Renaud est un exemple pour beaucoup de jeunes joueurs qui arrivent dans le circuit. »

Et puis il y a eu cette fameuse saison 2017/18, toujours en Ligue 2, quand les Crocos et Umut Bozok (25 buts en 38 matchs !) marchaient sur l’eau et écrasaient tout et tout le monde sur leur passage, jusqu’à replacer le club et la Ville sur la carte de France de la Ligue 1, 25 ans après !

25 ans, c’est aussi l’âge que Renaud Ripart le bavard avait lorsqu’il a découvert la Ligue 1. C’est tard. Mais c’est son histoire. Et il la raconte en détail, avec franchise, sans regret, avec une lucidité déconcertante et quelques anecdotes truculentes. Et sans son catogan, qu’il a délaissé pour une coupe plus… militaire !

Interview

« Marquer un but, c’est ce qu’il y a de plus beau ! »

Photo @ESTAC

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en Ligue 1 (en 2018) avec Nîmes et aussi la saison qui a suivi, avec notamment ce match contre Marseille en début de saison, quand on gagne 3 à 1 pour le retour de la Ligue 1 aux Costières, ce sont des moments assez incroyables.

Pire souvenir sportif ?
Ce sont malheureusement les blessures. Surtout les deux blessures à Troyes, que cela soit mon tendon d’Achille la première fois où là, récemment, le croisé. Ce sont des périodes longues, qui t’éloignent des terrains, où tu n’es pas dans la capacité d’exercer ton métier, ta passion. C’est comma ça. Le matin et l’après-midi, je vais au club faire ma rééducation, ça dépend, les séances ne sont pas tous les jours doublées; la semaine prochaine (cette semaine), je suis à Clairefontaine en soins de rééducation pour la reprise de course. J’ai de la chance, mon genou réagit plutôt bien, il n’est pas « inflammatoire » : quand je fais une grosse séance, je n’ai pas mal le soir, il ne gonfle pas, ça se passe bien, ça évolue bien. C’est vrai que je reprends la course assez tôt mais bon, il y a plein de trucs à valider encore. J’espère être de retour sur les terrains cet été !

« Ces deux dernières années, je n’ai pas été épargné »

@ESTAC

À Nîmes, tu n’avais pas eu de « grosses » blessures…
Très peu. J’avais eu une petite lésion par-ci, une petite déchirure par-là, mais c’était très léger. C’est vrai que depuis que je suis à Troyes, notamment ces deux dernières années, je n’ai pas été épargné. J’ai fait les deux plus grosses blessures qu’un footballeur puisse avoir.

Tu t’es demandé s’il n’y avait pas une malédiction troyenne ?
Non, je ne pense pas, parce que le croisé que je me suis fait en janvier, c’est sur un contact, un joueur m’est tombé sur ma jambe, ce sont des faits de jeu. C’est un peu ce qui est arrivé juste après à Antoine Dupont, avec la jambe tendue, et le joueur me tombe sur le genou. Même les plus costauds, comme Dupont, on voit que ça peut lâcher. C’est la faute à pas de chance.

« J’ai prouvé que l’on pouvait y arriver »

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
(Il réfléchit)

C’était juste pour savoir si tu connaissais le chiffre par coeur…
Non, je ne le connais pas par coeur, je dirais 65, quelque chose ça, 70 peut-être. Je crois qu’à Nîmes, j’en ai marqué 50.

Plus beau but ?
Contre Clermont en Ligue 2, j’étais sur le côté droit, je me retourne, je me mets sur mon pied gauche, je fais une frappe de l’extérieur de la surface et elle fait barre, ça tape derrière la ligne et elle ressort, c’était un beau but (cliquer sur le mot « but » pour le voir !).

@ESTAC

Le but le plus important ?
Celui que j’inscris contre Montpellier, c’était le derby, à huis-clos à l’époque, à la 85e minute et on a gagné 1 à 0. Un super-souvenir ! Quand on est rentré à Nîmes, on a été fêté comme des héros.

Plus beau loupé ?
J’en ai raté oui (rires) !!! J’ai des images de buts que j’ai ratés mais je ne pourrais pas te dire contre qui c’était !

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Par pure passion. Je viens d’une famille où l’on n’est pas du tout football, du coup, durant toute mon enfance, quand on me demandait ce que je voulais faire et que je répondais « joueur de foot », on me disait « fais tes études », sous-entendu, ce n’est pas impossible, mais presque. Je leur ai prouvé le contraire. J’ai commencé dans un petit club de Nîmes, à Castanet, c’est un quartier à l’ouest de la ville. Le club existe toujours. Le président est toujours le même. Il m’arrive parfois d’y passer, quand je vois qu’il y a un entraînement par exemple; en plus, ma maison à Nîmes n’est pas très loin du stade. Mais de moins en moins malheureusement, parce que j’ai une vie de famille bien remplie (rires).

« J’ai l’âme d’un leader »

@ESTAC

Premier match pro auquel tu as assisté ?
Il me semble que c’est Nîmes – Strasbourg en Division 2, il y avait Chilavert dans les buts du Racing C’était après la coupe du monde 1998, par là…
– Le 9 avril 2002, en match en retard de la 25e journée, Strasbourg s’était imposé 3-1 aux Costières en Division 2. A l’issue de la saison, Nîmes, 19e, était tombé en National, accompagné du FC Martigues, 20e, tandis que Strasbourg, 2e derrière l’AC Ajaccio, accédait en Ligue 1.

Ton geste technique préféré ?
Peu importe le geste, c’est de marquer un but. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le foot.

Combien de cartons rouges ?
Zéro ! Je touche du bois ! Je ne suis pas passé loin plusieurs fois !

Le message des supporters de l’ESTAC pour Renaud, après sa grave blessure. @ESTAC

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, je dirais que je suis quelqu’un de très généreux sur le terrain, je cours beaucoup, je suis adroit devant le but, j’ai le sens du but, du placement, j’ai une capacité aussi à fédérer mes coéquipiers, parce que j’ai l’âme d’un leader aussi, que cela soit par la voix ou par ce que je produis sur le terrain. Défauts, souvent, comme je donne beaucoup, j’ai du déchet, je me précipite un peu. Forcément, avec l’âge, avec les blessures aussi, la vitesse, ça diminue un peu, même si cela n’a jamais été ma qualité première. J’arrive à adapter mon jeu, à jouer différemment par rapport à ça.

Qualités et défauts dans la vie ?
C’est un peu pareil que sur le terrain, généreux, avec tout le monde, mes amis, ma famille, même avec des gens que je ne connais pas ! Je suis assez solaire, j’aime bien sourire, faire rigoler les gens. Je suis gentil quoi ! Mes défauts ? Je suis un peu impulsif, je ne suis pas très patient et un peu têtu; ça fait trois défauts, c’est déjà pas mal (rires) !

Que t’a-t-il manqué pour être un top joueur de Ligue 1 ?
Ouf, beaucoup de choses (rires) ! En termes de qualité, peut-être que d’autres joueurs ont un peu plus que moi, partout, c’est pour ça qu’ils jouent pendant 15 ans en Ligue 1, voilà.

« Je suis arrivé en pro sur la pointe des pieds »

@RIPS_20 Renaud, après son opération du croisé, fin janvier.

Ton début de carrière n’a pas été simple, on te trimballait aussi à tous les postes…
Quand je suis revenu de mon prêt au CA Bastia en National (2014/2015), Nîmes ne comptait pas forcément sur moi, c’est vrai, et puis après, il y a eu ce changement d’entraîneur et l’arrivée de Bernard Blaquart qui a fait énormément pour moi. Chacun a son évolution : certains sont prêts à jouer en pro à 16 ans, d’autres à 18 ans, mais moi, comme dans mon enfance, on m’a toujours répété que c’était impossible de passer pro, quand je suis arrivé en pro à Nîmes, je suis arrivé avec un peu trop sur la pointe des pieds, « limite » je ne me sentais pas légitime. Je n’avais peut-être pas assez d’ambition. Je me contentais d’être sur le banc de touche et je me disais que c’était bien. Je pensais que c’était normal de ne pas être titulaire, parce que j’étais jeune, et que c’était comme ça.

Tu penses avoir manqué de confiance ?
Pas forcément. Peut-être que j’ai fait preuve d’un peu trop d’humilité. C’était il y a 15 ans, le foot était différent. On faisait moins confiance aux jeunes que maintenant; pour jouer, pour « accrocher » des minutes, du temps de jeu, c’était plus compliqué. Peut-être aussi que, dans ma réflexion, j’appréhendais un peu ce que c’était que d’être vraiment un joueur professionnel. A 18 ans, je n’avais pas la lucidité de certains pour le comprendre. Je n’ai jamais eu de plan de carrière par exemple. Je ne me projetais pas. J’essayais juste de vivre le moment présent à fond, parce que je ne savais pas quand est-ce que ça allait s’arrêter, entre guillemets.

« Je me suis épanoui à beaucoup de postes »

@ESTAC

Tu as évolué à plein de postes différents : est-ce que cela n’a pas été un frein justement à ton évolution ?
Non, je ne pense pas. Déjà, si je n’avais pas été utilisés à différents postes, peut-être que j’aurais joué moins de matchs, je n’aurais pas autant performé.

À Nîmes, les coachs que j’ai eus me connaissait, ils avaient plus de facilité à me mettre à droite, à gauche, devant, derrière, et peut-être que pour des clubs qui me regardaient de l’extérieur, cela a été un frein parce qu’ils préféraient prendre un joueur à un poste bien spécifique plutôt que quelqu’un qui jouait un peu partout, c’est possible. En tout cas, je ne le regrette pas, parce que je me suis épanoui à beaucoup de postes, et si je m’étais cantonné à un seul poste, je n’aurais peut-être pas fait autant de matchs.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Il y en a plusieurs. Je dirais la saison où on monte en Ligue 2 avec Nîmes (2017-18), parce que, franchement, on avait une très bonne équipe, on jouait bien, on prenait beaucoup de plaisir, on marquait beaucoup de buts, on gagnait beaucoup de matchs, alors forcément… Le plaisir, il est aussi dans le résultat. Il y a eu la deuxième partie de saison aussi en Ligue 2, celle où on a démarré avec 8 points de pénalité, et là, on a cartonné, d’ailleurs, je crois qu’on termine premier sur la phase retour, et on se sauve alors que tout le monde nous voyait mort. Cela a été une période vraiment intense. On était une bande potes, on se régalait sur le terrain, on jouait avec insouciance, ce qui était impensable pour une équipe classée dernière de son championnat ! Ces six mois-là ont été incroyables. Enfin, je dirais aussi la première saison en Ligue 1 (2018-19), on termine 8 ou 9e, tout le monde nous voyait redescendre directement et finalement on n’a pas du tout été inquiétés cette année-là (le NO a terminé 9e de Ligue 1). On a perdu des matchs, on a pris des roustes, mais on a pris beaucoup de plaisir aussi. Personnellement, j’ai pris du plaisir à découvrir plein de stades, à jouer à Paris, à Marseille, à Lyon, à Saint-Etienne, à affronter de « gros » joueurs, quand tu arrives de Ligue 2, c’est plaisant.

« Ce match contre l’OM, waouh ! »

@ESTAC

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Si je devais en choisir un, je prendrais le Real Madrid, et je ne serais pas seul à le citer, parce que c’est le plus grand club du monde, même s’ils se sont fait taper 3-0 à Arsenal (l’entretien a été réalisé le lendemain du match aller de Ligue des Champions entre Arsenal et le Real Madrid) ! Mais je suis lucide, c’est juste un rêve (rires) !

Le meilleur match de ta carrière, selon toi ?
C’est dur ce que tu me demandes, parce qu’en fait, il y a plein de matchs qui me reviennent, ils sont liés aux différents postes où j’ai évolué; par exemple, tel match quand j’ai joué attaquant, tel match quand j’ai joué arrière-droit, etc. J’ai un match en tête, avec Nîmes, en Ligue 1, quand on va gagner 2-1 à Lille, l’année où ils sont champions (J30, en 2020/21) : j’avais joué numéro 8 ! Je prenais beaucoup de plaisir à ce poste et c’est vrai que j’avais fait un super match. J’avais marqué le 2e but, d’un petit piqué sur Mike Maignan. Je pense aussi au match contre l’Olympique de Marseille, pour le retour de la Ligue 1 aux Costières du Nîmes. Ce match, contre l’OM en Ligue 1, c’était… Waouh ! Je jouais devant, je m’étais senti super-bien, j’avais de très bonnes jambes, je marque, il y avait une ambiance de fou dans le stade ! Après, il y a eu d’autres matchs aussi, en Ligue 2, en coupe de France aussi même récemment avec Troyes. Mais c’est difficile de comparer.

« Adil Rami, un vrai personnage ! »

Avec les enfants de l’ES Municipaux. @ESTAC

Le pire match de ta carrière ?
C’est après une défaite 3-0 à Montpellier. C’est en tout cas le match qui m’a fait le plus mal. On se fait rouler dessus. Je ne me suis pas dit que j’allais arrêter le foot après ça mais c’est vrai que j’ai mis plusieurs jours à m’en remettre.
– Le 30 septembre 2018, dans une rencontré émaillée d’incidents, le MHSC s’était imposé 3 à 0 à La Mosson (Journée 8).

@ESTAC

Un stade et un club mythique pour toi (en dehors des Costières) ?
En dehors de Nîmes, en France, le plus mythique, c’est le Vélodrome, à Marseille. Il y en a d’autres, avec de très bonnes ambiances aussi, je pense à Bollaert à Lens, que j’adore, et aussi le chaudron à Saint-Etienne (Geoffroy-Guichard), La Meinau à Strasbourg, La Beaujoire à Nantes… Ce qui est dommage, c’est que les supporters soient interdits de stade souvent, c’est de jouer devant des stades qui, au final, ont des virages ou des parcages fermés, et ne sont jamais pleins. Mais là, c’est un autre débat.

Un coéquipier marquant ?
Adil Rami. Quand tu le connais, que tu le côtoie tous les jours, c’est quelqu’un de très simple, de très humble, malgré tout ce qu’il a accompli dans le foot. C’est un vrai personnage. Il est comme on peut le voir parfois à la télé, marrant, toujours en train de rigoler, mais en même temps, très professionnel : même si je ne l’ai connu que sur sa fin de carrière, j’ai tout de suite compris pourquoi il avait réussi une si belle carrière. Il est rigoureux, exigeant. C’est un vrai compétiteur, un vrai professionnel.

« Quand René Marsiglia nous a dit qu’il avait un cancer… »

@ESTAC

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Teji Savanier. Je jouais souvent sur le côté, lui adore le jeu long, du coup, c’était facile de jouer avec lui, il a une qualité technique tellement incroyable ! Il aimait bien tirer les coups de pied arrêtés au premier poteau, j’ai marqué des buts comme ça ! C’était la zone où j’allais !

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
La plupart, je suis en contact avec eux, par messages, même si on ne se voit pas beaucoup, j’en croise parfois sur les matchs mais on n’a pas trop le temps de se parler. Récemment, j’ai vu un de mes anciens coéquipiers à Troyes, Karim Azamoum, il est venu pour la célébration des 100 ans du Stade de l’Aube et des 125 ans du football à Troyes, il est resté quelques jours, on a pu se voir, manger chez l’un, chez l’autre.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Le coach que j’ai eu le pus souvent c’est Bernard Blaquart, on s’écrit souvent, et quand je descends dans le Sud, on arrive toujours à se faire un petit repas, avec d’autres anciens joueurs aussi.

Une causerie de coach marquante ?
Tu me fais aller dans les souvenirs lointains là ! Ce n’est pas vraiment une causerie, mais c’est un événement qui m’a marqué. C’était avec René Marsiglia, paix à son âme. On jouait le maintien en Ligue 2, il était venu entraîner 6 mois à Nîmes (René Marsiglia avait été nommé le 26 décembre 2013), on sortait d’un mauvais match et le lendemain matin, en rentrant de déplacement, il nous a convoqués dans le vestiaire. Il avait des reproches à nous faire mais il les as formulés avec des mots très simples, très bienveillants. Il avait le sentiment qu’on avait peur de se lâcher, peur de descendre, et puis, c’est à ce moment-là qu’il nous a dit qu’il était malade, qu’il avait un cancer, et que c’est pour ça que, parfois, il ratait l’entraînement, à cause des traitements à suivre. En gros, il nous a dit qu’on ne savait pas combien de temps la vie avait encore à nous offrir et que nous, on avait de la chance de jouer au foot, qu’on n’avait pas de pression à avoir. Il nous a racontés qu’il était en vacances quand il a appris la nouvelle et que… bon, ben voilà, il avait un cancer, Forcément, cet épisode m’a marqué. Je m’en souviens encore. Finalement, on s’est sauvé. Quant il nous a dit ça, on est tous tombé des nues. Moi j’étais jeune à l’époque. René, c’était un super coach, humainement, il était top. Nous, les joueurs, on s’en était un peu voulu, il nous a fait relativiser plein de choses. On a pris conscience qu’il y avait toujours plus grave.

« J’ai toujours essayé de bosser plus que les autres »

@ESTAC

Ton premier match en National ?
Contre Orléans. Aux Costières. Avec Thierry Froger (saison 2011-2012). J’étais rentré peut-être dix minutes, quelque chose comme ça. D’ailleurs, cela faisait six ou sept fois que j’étais sur le banc mais que je ne rentrais pas (rires) ! A l’époque, on ne pouvait faire que trois changements et il n’y avait que 16 joueurs sur la feuille de match, du coup, cela faisait moins de turn-over.

Des rituels, des tocs, des manies ?
Je ne suis pas très superstitieux. Je fais beaucoup de sophrologie. Avant les matchs je fais des petits exercices de respiration, des petites visualisations, mais je n’ai pas vraiment de rituel. Ce sont souvent les mêmes choses qui reviennent avant un match mais ce n’est pas parce qu’on a gagné ou parce que j’ai marqué un but que je vais remettre le même caleçon ou quelque chose comme ça, non.

Une devise ?
Pas spécialement, mais si je dois en sortir une, je dirais « Le travail paie », parce que cela me correspond, parce que j’ai toujours fonctionné comme ça. Dans les moments où ça va moins bien, je me réfugie dans le travail. Et même dans les moments où ça va, c’est souvent là où on a tendance à se relâcher, c’est pour ça aussi que j’ai toujours bossé, j’ai toujours essayé de bosser plus que les autres, parce qu’il n’y a pas beaucoup de places, elles sont chères, alors si tu veux y arriver… Il faut essayer de se démarquer, c est pour ça que je bosse plus.

« J’ai besoin de penser à autre chose que le foot »

Le Stade de l’Aube, à Troyes. @ESTAC

Tes passions dans la vie ?
Je suis quelqu’un qui a besoin de couper. D’être toujours maintenu dans le rythme de la compétition, toute une saison, forcément, il y a des moments, c’est éprouvant. Les gens ne se rendent pas forcément compte. J’ai besoin de penser à autre chose que le foot en rentrant chez moi même si ça m’arrive de regarder des matchs bien sûr. Mais le week-end, je ne passe pas ma vie devant le foot à la télé. Je viens d’avoir un troisième enfant, un troisième garçon, il a 3 mois, le plus grand a 4 ans, donc on ne s’ennuie pas (rires). Sinon, je faisais pas mal de golf avant, mais j’en fais un peu moins maintenant : là c’est pareil, ça me permettait de couper avec le foot et la médiatisation notamment. Le golf est un sport qui, physiquement, ne me demande pas de gros efforts, tu marches, tu te dégourdis les jambes, c’est tranquille, sympa.

Un sport (autre que le foot) ?
Le golf, le basket.

Une couleur ?
Le rouge.

Un plat ?
J’aime bien manger, c’est dur comme question ! Un barbecue, une côte de boeuf, c’est clairement ma « cam », pâtes carbonara, paella…

Et ce fameux « burger Ripart » de Nîmes, tu ne l’as pas goûté ?
Jamais… Jamais… Je n’ai jamais pu le goûter. Ils l’ont confectionné quand je suis parti à Troyes, ça n’a duré que quelques jours, mais j’ai eu des bons retours et j’espère qu’ils ont fait un bon chiffre grâce à ça (rires) !

« J’ai adoré l’Andalousie ! »

@ESTAC

Une boisson, toujours le Perrier-citron ?
Non, nous, à Nîmes, on a le sirop de citron qui s’appelle le sirop-Pac, sinon un petit Ricard c’est pas mal, avec modération (rires), en vacances.

Un animal ?
Les taureaux.

Pourquoi as-tu le numéro 20 ?
Parce que c’est le numéro que j’avais quand j’ai signé pro. J’avais le choix. C’est Vincent Carlier qui avait ce numéro et qui me l’a confié. Il y avait le 14 aussi, le jour de ma naissance, mais j’aimais bien le 20. C’est resté. Et quand je suis arrivé à Troyes, celui qui avait le 20 est parti, je me suis dit « Vas-y, c’est un signe » !

Un surnom ?
Rips ou Rino, ce n’est pas très original ! Rips, c’est le diminutif de Ripart, mes potes m’appelaient comme ça,

Un film ?
(sans hésiter) Gladiator.

Un souvenir de vacances ?
Les dernières vacances que j’ai faites, avec mon épouse et mes deux enfants, une dizaine de jours, c’était en Andalousie. On a visité une bonne partie de cette région, on s’est régalé, on a visité des arènes, bien sûr, on a fait la feria à Grenade, on a visité un élevage, on a fait Séville, Cordoue, Ronda, je conseille !

« Les Jardins de la Fontaine, les arènes… »

Une photo de toi que tu aimes bien ?
Il y a une photo que j’adore, c’est après mon départ à Troyes, quand je suis revenu le week-end suivant à Nîmes pour récupérer des affaires et ma voiture, et là, alors que j’étais juste parti pour faire une pétanque aux Jardins de la Fontaine, les supporters m’ont fait la surprise d’être là, ils avaient fait un immense tifo ! Et il y a cette photo où j’ai la cape, où je fais deux-trois passes, avec le tifo au fond.

Photo Le 11 Nîmois

Vidéo (Le 11 de Nîmes) : Quand Renaud Ripart reçoit un hommage surprise des supporters du Nîmes Olympique

Une chanson ?
J’aime bien tous les styles, je peux passer de la variété française au rap US, au reggae, à la musique latino… ça dépende de l’humeur. Quand je suis arrivé à Troyes, j’ai chanté « Je te promets », et là, il y a la version reprise par Chico et les Gipsy King, ça me rappelle le Sud, j’aime bien cette ambiance.

Ecouter « Je te promets » de Chico et les Gypsies :

Une ville, un pays ?
Nîmes, c’est logique ! Et sinon Séville. Je pense que c’est la plus belle ville que j’ai vue.

Un endroit à Nîmes ?
Il y en a beaucoup. Le centre-ville. J’aime bien m’y balader. Et les Jardins de la Fontaine, pour faire jouer les enfants, et ce n’est pas très loin de chez moi. Et les arènes aussi.

On te reconnaît dans la rue à Nîmes ?
Oui, quand même, pourtant cela fait 4 ans que je suis parti…

Et à Troyes ?
Aussi, oui, même si c’est une plus petite ville.

« Nîmes fait partie de ma vie »

Son message aux Nîmois après son départ à l’ESTAC. @RIPS_20

Termine la phrase en deux ou trois adjectifs : tu es un joueur plutôt …
C’est dur ça ! Déterminé. Travailleur.

Un modèle de joueur quand tu étais gamin ?
Mon idole, c’était Zidane. Même si ce n’est pas mon poste. Sinon, comme numéro 9, je regardais beaucoup les attaquants, R9 (Ronaldo, le Brésilien), Djibril Cissé, Pauleta. Et aussi Cavani ! J’ai même joué contre lui quand il était au PSG, j’étais comme un fou. Cavani, c’est le type de joueur qui ne lâche rien, qui est porté sur le collectif, sur son coéquipier, j’adore !

Le match de légende du Nîmes Olympique, c’est lequel, pour toi ?
La demi-finale de coupe de France de 1996 contre Montpellier, victoire 1 à 0, but de Ramdane !
– Nîmes, alors en National, s’était incliné 2-1 en finale de la coupe de France face à l’AJ Auxerre.

Le joueur de légende du Nîmes Olympique ?
Je pense que c’est Kader Firoud, c’est le plus capé.

Parler de Nîmes, sans cesse, tu n’en as pas marre, à force ?
Non, Nîmes fait partie de ma carrière, de ma vie.

« Peut-être qu’un jour, je reviendrai au NO, mais je n’en sais rien… »

@ESTAC

La situation de Nîmes Olympique est critique (avant-dernier en National) : t’impliquer un jour au NO, tu y penses, si tu rentres à Nîmes à la fin de ta carrière ?
C’est vrai que j’ai 32 ans et même si j’espère jouer encore quelques années, j’essaie de préparer au mieux mon après-carrière, parce qu’un jour ou l’autre, ça va arriver. Du coup, oui, il y a de grandes chances que je retourne à Nîmes, parce que c’est ma ville, parce que j’y ai grandi et que je m’y sens bien. Et c’est là où j’ai envie d’être. Après, il ne faut se fermer aucune porte. Oui, peut-être qu’un jour je reviendrai au club, mais je n’en sais rien. Dans quelles conditions, je ne sais pas, mais oui, c’est une possibilité.

Le vendredi soir, après les matchs de Ligue 2, tu regardes les résultats du Nîmes Olympique en National ?
Ah bien sûr, bien sûr ! C’est le premier truc que je regarde en National, j’espère qu’ils vont se sauver, c’est vital pour l’avenir du club.

« J’ai l’impression d’avoir commencé ma carrière hier »

@ESTAC

Le stade des Costières, de le voir comme ça, à l’abandon…
C’est triste. A la base, il y avait ce nouveau projet à la place donc ça pouvait s’entendre mais bon, là, maintenant… Il n’y a pas de visibilité à moyens termes pour le Nîmes Olympique. J’espère que ça va s’arranger. J’espère que le club trouvera des repreneurs qui ont envie de s’impliquer, d’avancer, de faire les choses bien, pour que les gens reviennent au stade, pour qu’il n’y ait plus de fracture entre la direction et les supporters, pour que le club fasse à nouveau rêver les plus jeunes aussi, c’est ça qui est important, parce que le foot, ça se transmet de génération en génération. Si pendant quelques années, les gens ne peuvent plus s’identifier à leur équipe, tu perd une génération, tu perds l’engouement, tu perds la ferveur.

Plus tard, tu voudrais faire quoi ?
J’ai plein de projets. Je ne sais pas si je les réaliserai tous parce qu’à un moment, il faut se canaliser; j’en ai dans le foot, pas dans le foot, comme je t’ai dit, je ne me ferme aucune porte, et puis on verra selon mes envies du moment quand je déciderai d’arrêter ma carrière. J’ai aussi encore envie de profiter des années qu’il me reste à jouer au football, parce que c’est ma passion, j’aime faire ça. J’ai l’impression que j’ai commencé ma carrière hier, alors que c’était il y a presque 15 ans ! J’ai envie de jouer le plus tard possible, d’en profiter au maximum, ce qui ne m’empêche pas de penser à ce que je voudrais faire après, j’ai des idées, on verra.

« L’ESTAC, un club tremplin »

@ESTAC

L’ESTAC, en quelque mots ?
Un club tremplin. C’est une bonne définition je pense. Il y a beaucoup de jeunes joueurs qui passent et qui repartent ensuite dans des grands clubs voire des très grands clubs comme Wilson Odobert qui était avec nous il n’y a même pas deux ans et qui est à Tottenham aujourd’hui. C’est clairement une volonté aussi de l’actionnaire de développer les jeunes talents, de les faire grandir, évoluer.

Le milieu du football ?
(Sourire) Il y a du bon et du moins bon. Le bon, c’est sur le terrain. Nous, en tant que joueurs, là où on s’épanouit le plus, c’est sur le terrain, après, il y a l’extra-sportif, et puis quand tu ne joues pas, quand tu es blessé, comme là pour moi en ce moment, c’est plus dur. Le foot, ce n’est jamais ni tout rose ni jamais tout noir. Il y a des bons côtés et des mauvais côtés, comme dans tous les domaines. Simplement, il faut savoir tirer le maximum des bons côtés.

« Je donne beaucoup, on me le rend bien »

Une appli mobile ?
Je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux, même si j’ai des comptes. Encore une fois, quand tu as une vie de famille, ce n’est plus pareil, j’étais beaucoup plus actif quand j’étais plus jeune. Chacun ses priorités ! Mais je suis quand même pas mal sur mon téléphone, j’utilise beaucoup Instagram et Twitter (X).

Tu jouis d’une super image : ça t’inspire quoi ?
C’est agréable, ça montre que je suis quelqu’un qui donne beaucoup, et les gens me le rendent bien. Je l’ai souvent dit, la plus belle chose qui nous est donné, à nous, footballeurs, c’est de rendre des gens heureux, et ça, c’est exceptionnel. Ce n’est pas le cas dans tous les domaines. Après, c’est souvent les montagnes russes au foot, avec des moments d’adrénaline, des moments plus tristes, on joue au foot pour des émotions, les nôtres, et celles que l’on donne aux autres.

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : @ESTAC
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

 

L’ascension d’un coach issu du monde amateur qui, s’il n’avait pas connu la réussite avec Luzenac puis Amiens, n’aurait peut-être jamais découvert le monde professionnel. Le Haut-Garonnais, bien ancré à l’AJ Auxerre, et qui a fait de la notion collective son mantra, refuse de se mettre des barrières. Après tout, il faut bien rêver !

Par Augustin Thiéfaine – Photos @AJA

Capture d’écran 13HF

Il est peut-être sous-côté, méconnu du grand public, mais il est respecté par tous les « suiveurs » du football français. Considéré comme l’un des meilleurs tacticiens tricolores en activité, il est aussi l’un de ceux qui obtiennent le plus de résultats, saison après saison. Son nom est d’ailleurs associé depuis quelques années à plusieurs clubs de l’élite (Amiens, Lorient et maintenant Auxerre).

Christophe Pélissier (59 ans) impose sa patte, son style et son état d’esprit dans le monde professionnel depuis bientôt dix ans. Pourtant, il n’est pas de ceux qui ont eu une grande carrière de joueur ni à qui on a donné les rênes d’un club quelques années après avoir rangé les crampons.

Lui, le natif de Revel, en Haute-Garonne, a gravi tous les échelons, fréquenté tous les championnats, avec rigueur et patience. Avec détermination et passion. Ses résultats parlent pour lui et rendent son parcours atypique mais l’actuel stratège de l’AJ Auxerre peut se targuer d’une liste d’opérations montées et maintiens presque toutes réussies. Une mission qu’il a de nouveau menée à bien cette saison.

Meilleur entraîneur de Ligue 2 en 2024, 3e au classement des coachs du quotidien LEquipe lundi dernier (derrière Luis Enrique du PSG et Liam Rosenior de Strasbourg), rien ne l’arrête ! Son équipe, promue en L1, trône à une confortable 10e place cette saison : elle vient d’acquérir son maintien après sa victoire à Rennes (1-0), le 6 avril dernier.

Une philosophie identique

Le stade Paul-Fédou à Luzenac, là où ont eu lieu ses premiers grands exploits d’entraîneurs… Photo @Stades.ch

La méthode Pélissier, qui a une vision bien à lui quant à la manière de construire un groupe, a porté ses fruits dans toutes les divisions. Finalement, seul le totem de l’Europe manque aux expériences du coach occitan.

De l’US Revel, « son » club, qu’il est allé soutenir à Castres la saison passée en 32e de finale de la coupe de France face au PSG, à l’AJ Auxerre, sa trajectoire est semblable à celle d’une comète dans la galaxie du ballon rond. De Luzenac, promu en Ligue 2 en 2014 (mais interdit de montée) à Amiens, qu’il a conduit du National à la Ligue 1, il confie les secrets de la réussite de clubs non-attendus.

Si les effectifs qu’il prend sous son aile changent et si les villes où il passe se succèdent, sa philosophie, elle, reste la même. Christophe Pélissier se replonge dans les livres de son histoire. De ses magnifique et douloureux souvenirs au sein du club ariégeois (Luzenac) jusqu’aux sommets du monde pro, il nous fait entrer dans les coulisses de sa vie d’entraîneur, nous dévoile anecdotes et secrets en exclusivité pour illustrer un parcours jalonné de réussites, de grandes joies mais aussi d’une immense peine. Une douleur jamais refermée…

Revel, Muret et l’amour de l’Occitanie

Avec l’US Revel, à la fin des années 80, quand il était joueur. Photo DR

Christophe Pélissier est un enfant de Revel, en Haute Garonne, où il est né le 5 octobre 1965. Revel : son fief, sa ville, son club. Il y a débuté sa carrière de joueur en 1983 (milieu de terrain) et celle d’entraîneur en 2000.

« J’ai longtemps joué à Revel en Division d’Honneur (R1) et après je suis parti à Muret en National et j’ai fini « ma carrière » à l’extérieur (de la Haute-Garonne), à Carcassonne (Aude). Puis je suis revenu jouer pour ma ville, avec plein d’amis. La première année, j’étais à la fois entraîneur et joueur à Revel. J’aidais le coach en place, Gérard Fournier. Un homme emblématique malheureusement décédé cette année. L’année suivante, le président m’a proposé de prendre l’équipe. Ce n’était pas évident. Ce n’étaient que des joueurs avec lesquels j’avais joués, des jeunes aussi, mais je me suis pris au jeu. On a réussi à monter en CFA2 (National 3). »

Revel : « Pendant six ans, on monte, on descend »

Soir de montée en Ligue 1 avec l’AJA, à … Amiens. Photo @AJA

« Réussir une montée dès ma première année (2000/2001), c’est déjà une belle réussite. En sachant qu’en fin de saison précédente, on avait remporté la Coupe du Midi, que le club n’avait pas gagnée depuis 50 ans ! Pendant six ans, on monte et on descend. Je fais deux montées et deux descentes avec Revel. C’était difficile pour une petite ville de 8 000 habitants d’aller à ce niveau-là et de se maintenir. »

Mais un coup de téléphone l’oblige à faire une première fois ses valises. Il ne part pas bien loin, à un peu plus de 60 km, à Muret, dans la périphérie sud de Toulouse. Un club dont il a aussi porté le maillot quelques années plus tôt.

« Au bout de ces six ans à Revel, le club de Muret, où Éric Carrière (ancien coéquipier) avait repris les rênes, me sollicite pour que je vienne entraîner. Ils venaient de redescendre de National en DH. J’accepte. »

Alors que les bons résultats s’enchaînent (il quitte Muret avec un bilan de 12 victoires, 7 nuls et 7 défaites), il est de nouveau sollicité. Cette fois, c’est un appel de « l’extérieur ». De l’Ariège. « Au mois de mars, un joueur qui était avec moi à Revel et qui était devenu directeur sportif de Luzenac, m’appelle pour me proposer un challenge assez important : prendre la tête de l’équipe d’un village de 600 habitants avec le défi de le stabiliser. Luzenac, à l’époque, c’est un club qui fait le yoyo entre CFA2 et CFA. »

La saga Luzenac : Pélissier « le magicien », acte I

Photo @AJA

C’est le début d’une longue histoire avec le club du coeur des Pyrénées, à quelques kilomètres de la frontière andorrane. « Lorsque j’arrive, ils sont en CFA. On se maintient la première saison (12e) et la seconde, en 2008-2009, on finit champion des quatre groupes confondus. On monte sportivement en National mais le club ne veut pas y aller parce que les moyens ne suivent pas. Le président donne quand même son feu vert pour vivre ce rêve, cette première saison en National (2009-2010). En face, c’était Troyes, Reims, Paris FC, Evian-Thonon-Gaillard, Gueugnon, Créteil, Amiens, Cannes… plein de grosses cylindrées. On y va en se disant qu’on va faire l’ascenseur car il y a quatre descentes au printemps. On se lance avec cette mentalité de vivre le moment, parce qu’on savait que financièrement, ce n’était pas tenable pour nous. »

En fin de saison, contre toute attente, le club est dans le ventre mou du championnat, maintenu ! Mieux que ça, il s’installe en National pour cinq saisons. « En fait, on termine 10e en 2009 avec un maintien assez facilement acquis. » Ce sera le cas encore pendant trois ans (12e, 15e puis à nouveau 12e). « La quatrième saison, on était un peu en fin de cycle. C’est dur. Faire tenir un club d’une commune de 600 habitants à ce niveau, c’est vraiment pas facile. Je suis déjà approché par Amiens à cette époque, qui venait de descendre de Ligue 2. Pour moi, c’est un tremplin parce que c’est un club professionnel mais il y a un refus des instances. Je n’avais pas encore le BEPF (Brevet d’entraîneur professionnel français). »

Un homme vient changer la donne. Jérôme Ducros. Le nouveau président de Luzenac ne le sait pas encore, mais il va bouleverser la vie de ce « club de village », que personne ne savait placer sur la carte. « Il débarque avec Fabien Barthez dans ses valises, qui, lui, deviendra directeur général. J’ai le souvenir d’un repas tous les trois en fin de saison, juste avant, avec un thème : mon départ ou non ? Ils voulaient préparer la saison suivante et m’ont dit : « Nous, on te propose un challenge. Tu signes pour 3 ans et au bout on monte en Ligue 2. » Je les ai regardé un peu interloqué et je leur ai dit : « Mais vous rêvez, vous êtes fous ! Monter en Ligue 2 avec Luzenac alors qu’on n’a même pas le budget pour être en National. » Le nouveau président apporte quelques moyens supplémentaires et la magie opère dès sa première année. »

Luzenac, quelle histoire !

Capture d’écran 13HF

Onze ans plus tard, c’est encore une énigme. Un haut-fait du football français. La montée du LAP (Luzenac Ariège Pyrénées) en Ligue 2 devait être l’une des plus belles histoires à narrer dans le grand atlas du football français. Mais il y a eu un couac.

Avant cela, Christophe Pélissier revient sur l’aspect sportif d’une saison historique. « Elle est incroyable, cette saison ! J’ai le souvenir de l’un de nos premiers matchs, on reçoit Strasbourg, l’un des gros favoris, on gagne 4 à 1. La première journée, on gagne à Orléans (1-0), on sent d’emblée qu’on est costauds : c’est eux qui viennent chez nous ensuite à la dernière journée, et qui nous privent du titre de champion (3-3) ! En préparation, on avait affronté le Téfécé, on rivalisait, on sentait qu’il y avait une force collective qui se dégageait. Les joueurs que l’on a fait venir rentrent bien dans le moule, dans la dynamique qui était en place. Tout ça, ça se ressent d’entrée en championnat. Bref, on caracole dans le trio de tête toute la saison. C’était une aventure exceptionnelle ! Même nous, on n’y croyait pas. On gagne le dernier match avant la trêve hivernale à Carquefou et on est champions d’automne. On en rigolait, on se disait « L’année prochaine on va aller en Ligue 2 ! ». En fait, la vérité, c’est que nous, le staff, ce qu’on regarde à chaque fois, c’est le nombre de points d’avance qu’on a sur le premier relégable. C’est le réflexe du maintien. Malgré tout, on s’est pris au jeu. À sept matchs de la fin, on reçoit Boulogne et on gagne 1 à 0. Dès la fin du mois de mars, on est assurés de monter. »

« On se sentait indestructibles »

Rien ne pouvait arriver. « Il y avait une telle harmonie au sein du groupe, avec le staff… On se sentait indestructibles. On ne se rendait même pas compte de ce qu’on était en train de vivre, de ce qu’on était en train de réaliser. Il y a eu beaucoup de matchs où on gagnait à la 90e ou 91e minute. Il y a eu pas mal de signes. En fait, on sentait que ce groupe là était prêt à tout. À sept journées de la fin, on va à Fréjus qui devait avoir 5 ou 6 points de retard sur nous. Là-bas, il y a Mathieu Scarpelli et compagnie en attaque. C’est un match très difficile, on est mené 1 à 0, on égalise à la 89e et on marque le but de la victoire à la 93e. On sentait que c’était écrit. Il y a beaucoup de joueurs qui se sont révélés avant de partir en pro. En attaque, il y avait Khalid Boutaïb, Ande Dona Ndoh et aussi Anthony Derouard qui venait du Mans en L2. On avait aussi au milieu Nicolas Dieuze qui avaient plus de 300 matchs en Ligue 1 au compteur, Quentin Westberg dans les buts (aujourd’hui au Toronto FC en MLS). Ils ont tous fait leur petite carrière. Jérôme Hergault, lui, m’avait ensuite suivi à Amiens et à Lorient. Beaucoup de joueurs ont profité de cette expérience pour se révéler. »

Interdiction de montée : « On ne nous veut pas ! »

Photo @AJA

Malheureusement, la suite, ce sont des semaines, des mois d’une angoissante attente. Dos au mur malgré leurs procédures, Luzenac est interdit de monter administrativement. Pire encore, le club se fait crucifier. « Cette saison, c’est aussi un ascenseur émotionnel incroyablement dur. Quand on a cette réussite sportive et quand on sait ce qui nous attend… C’est une énorme cicatrice. On sent que c’est le pot de terre contre le pot de fer. On ne nous veut pas ! Peut-être que tout n’a pas été super bien préparé par le club, que ce n’était pas « staffé » comme les autres clubs pros, certes, mais la LFP n’a absolument rien fait pour nous aider. C’est un sentiment de gâchis. On nous enlève quelque chose qu’on a gagné. La cicatrice a du mal à se refermer. C’est s’entraîner sans savoir ce qu’il allait en être. C’est voir le tribunal administratif nous donner raison. C’est voir le début du championnat suivant sans nous… Après, on n’existe même plus. On n’est carrément plus dans les championnats finaux. Et ce fameux 10 ou 11 septembre 2014, on nous dit que c’est terminé, qu’il n’y a plus de club… On se quitte tous sur un parking. C’est dur, c’est très dur après tout ce qu’on a vécu. »

Sa voix en tremble encore onze ans plus tard. « Certains joueurs et membres du staff ont rebondi, moi le premier. Mais ce moment-là, il est très difficile à vivre. J’ai eu, après, la chance de vivre d’autres bonheurs et d’autres succès, mais en tant qu’amoureux du sport, on a enlevé quelque chose à l’âme de notre discipline. La réussite du terrain a été retirée par des instances. Ça gâche l’innocence et la naïveté du sportif qu’on est, et du sport qu’on aime. La Ligue aurait été grandie d’aider un petit club à vivre son rêve professionnel. Certains autres clubs qui sont montés ensuite, comme Bourg-en-Bresse je crois, ont dit ‘’heureusement que Luzenac était passé par là’’, et eux, ils ont été aidés. On nous a dit qu’il n’y avait pas de stade aux normes pour nous, dans notre région. Quelque temps, Rodez monte de National en Ligue 2 et peut jouer au Stadium de Toulouse pendant qu’ils faisaient les travaux dans leur stade… C’est comme ça. C’est une plaie qui sera toujours béante. »

La folie amiénoise : Pélissier « le magicien », Acte II

Ainsi, l’entraîneur qui, quelques semaines plus tôt guidait son équipe sur le chemin d’un immense exploit, pleure-t-il désormais le destin funèbre de ses couleurs, la disparition du Luzenac AP. Sur le plan personnel, il passe par la case chômage et décide d’obtenir son diplôme professionnel. « C’est ce qui me « maintient » un peu. J’ai un objectif, donc je m’y consacre. Assez tôt, j’ai quelques contacts, dont Amiens, en National, et ça se fait à la trêve alors que c’était prévu pour l’année suivante. On est au mois de décembre 2014 et le président Bernard Joannin m’appelle pour me proposer de prendre l’équipe tout de suite pour un an et demi. Je débarque le 29 décembre à l’Amiens SC avec le but de faire remonter le club en Ligue 2 dans ce laps de temps. Amiens venait de perdre son statut pro et il fallait absolument le retrouver. Deux ans et demi plus tard, on était en Ligue 1. »

Amiens (2017-2018) : une saison historique

Photo @AJA

À Amiens, Christophe Pélissier accomplit encore un exploit retentissant : en 36 mois, il obtient deux montées consécutives. « On se dit qu’on a une bonne étoile au-dessus de la tête quand on voit le scénario de la montée en L1. Comme je le dis souvent aux joueurs, la réussite, ça se provoque. Ça prouve que le groupe avait bien travaillé et gardé le cap. Il y a surtout un changement de stature. Quand on monte de National en Ligue 2 (en 2016), on était dans les favoris du championnat. Par contre, quand on monte l’année suivante en Ligue 1 alors qu’on est promus, là on n’est pas du tout attendus. C’est une montée surprise. »

La montée en Ligue 1 du club picard reste aujourd’hui encore iconique. Nous sommes le 19 mai 2017, 38e journée de Ligue 2, Reims reçoit Amiens au stade Auguste-Delaune. Après 90 minutes de jeu, le score est de 1-1. Thomas Monconduit frappe le coup franc de la dernière action du match. Le ballon traîne dans la surface. Oualid El Hajjam le dévie de la tête et trouve le pied droit d’Emmanuel Bourgaud qui le propulse dans le petit filet gauche. Un but extraordinaire. Un but historique ! Même les supporters rémois applaudissent. Les Amiénois et leur entraîneur se jettent au poteau de corner. La folie s’empare du parcage visiteur. Au micro de BeIN Sports, le tacticien confiait alors avoir dit à ses joueurs que « lors des dernières journées, il se passait toujours des choses irrationnelles. On l’a fait. C’est fabuleux. »

« Il faut monter avec ses clubs quand on n’a pas été pro »

Après cet exploit retentissant, le coach devient « Pélissier le magicien ». Un surnom qui, aujourd’hui, le fait sourire. « Oui, car il n’y a rien de magique. Il y a une façon de voir les choses, de travailler, qui ne m’a jamais quitté. Je crois que c’est ce qui a fait cette réussite, que cela soit à Luzenac, Amiens, Lorient ou Auxerre aujourd’hui. J’ai une certaine idée de la manière à adopter pour faire fonctionner un groupe, ce qui, pour moi, est important. Le fait de réussir ces choses-là à un tout autre niveau en DH, en CFA 2 est commun, mais là, c’est en professionnel. J’ai fait trois ans en Ligue 2 avec trois montées et deux titres de champion. C’est une histoire pas banale pour un entraîneur amateur. Je dois être le seul entraîneur de Ligue 1 à avoir grimpé depuis la DH jusqu’à l’élite. En fait, gravir les échelons un à un, c’est ce qui m’a permis d’entraîner à ce niveau là. Je pense que quand on est un entraîneur qui n’a jamais été un joueur professionnel, comme moi, pour avoir des clubs de ce niveau, il faut le valider sportivement. J’ai entraîné en National parce que je suis monté en National avec mon club. Pareil pour la Ligue 2, puis la Ligue 1. D’ailleurs, tout le monde ne me parle que des montées, mais avec Amiens, certes on monte, mais se maintenir deux ans d’affilée ensuite en L1, ça a la même saveur que des promotions. C’était pas simple en termes de budget… Avec Lorient, c’est pareil. Finalement, la seule descente que j’ai connue, c’était avec Auxerre. J’arrive fin octobre 2022, mais il y avait quatre descentes cette saison-là… »

L’état de grâce à Auxerre : Pélissier « le magicien », Acte III

Aux côtés du propriétaire de l’AJ Auxerre, James Zhou. Photo @AJA

Avant de rejoindre Auxerre, il succède d’abord à Mickaël Landreau chez les Merlus en 2019. Une saison stoppée prématurément à cause de la situation sanitaire. Il obtient son premier titre de champion de deuxième division. « Quand j’entraînais Lorient en Ligue 2, on était attendus aussi, on était le gros club. Il faut avoir la démarche que cela soit dans le projet de jeu, dans la façon de construire son effectif aussi. Le changement de stature intervient là. Je change un petit peu d’univers, ça se ressent dans la façon d’appréhender les événements. Quand on est le petit, c’est facile de se placer en outsider, là, c’est plus difficile de se placer en favori. Le travail est un peu différent. Pouvoir réussir avec Lorient, c’est une étape supplémentaire qui a été franchie. C’est comparable aussi à cette même réussite avec Auxerre la saison dernière, en parvenant à remonter immédiatement. »

Nommé meilleur entraîneur de l’année 2024, Christophe Pélissier s’impose comme un acteur incontournable du football actuel. « C’est une fierté, c’est une récompense donnée par les pairs, ce sont eux qui votent. La fierté, c’est aussi d’être arrivé à remonter un an après une descente. Souvent, une relégation, ça traumatise un club. Là, ça redonne un élan positif incroyable à l’équipe. Ça n’a pas été évident au départ. J’avais des cadres qui ne voulaient pas rester, il fallait arriver à maintenir tout le monde, remettre les joueurs dans un projet de jeu. Je crois que c’est une saison où l’on met 72 buts (Ndlr : l’AJA est la meilleure attaque de L2 avec 72 buts devant Angers, 56 buts). On a aussi la deuxième meilleure défense du championnat (36 buts encaissés derrière Saint-Étienne, 31). Le stade est à guichets-fermés sept ou huit fois dans la saison, ce qui est rare en deuxième division. Il y a une communion avec le public incroyable, que cela soit à domicile ou à l’extérieur. Ça prouve que les supporters se retrouvaient dans l’identité de cette équipe. Une équipe, qui, à la fois ne lâchait rien, avait une identité dans le jeu et des joueurs de talents concernés par le projet de jeu. »

Si Christophe Pélissier est récompensé sur le plan personnel, Gauthier Hein et Gaëtan Perrin le sont aussi en étant nommés meilleurs joueurs du championnat pour le premier et meilleur passeur (10) pour le second. Ils figurent tous deux dans l’équipe de l’année avec le défenseur central brésilien Jubal et l’arrière droit Paul Joly dans le onze de l’année. 74 points sont totalisés dans l’escarcelle icaunaise en fin de saison. Un an après sa descente l’AJA revient en Ligue 1 avec la manière.

Un promu aux dents longues

Photo @AJA

« Notre année 2025 est une réussite. Dans le sprint final, on a 12 points d’avance sur le barragiste, en tant que promu, on aurait signé les yeux fermés en septembre. » L’effectif est composé de beaucoup de jeunes joueurs, sans grands noms. Un effectif huilée par une force collective à toute épreuve qui a notamment réussi à battre l’Olympique de Marseille à l’aller (3-1) et au retour (3-0) en inscrivant trois buts à chaque fois, une formation qui a tenu en échec le champion : le PSG, dans son antre de l’Abbé-Deschamps (0-0). Un effectif jeune, inexpérimenté dans lequel se révèle au plus haut niveau Gaëtan Perrin (8 buts et 8 passes décisives), Hamed Junior Traoré (10 buts en 24 matchs) et le jeune Kévin Danois (20 ans), entre autres. « Mon rôle c’est de faire croire aux joueurs qu’on peut le faire, que certes, on va affronter des clubs mieux armés que nous, mais qu’ici, on a une identité et que leurs qualités individuelles vont ressurgir. Je pense par exemple à des joueurs comme Kévin Danois, qui sort du centre de formation et vit ses premiers matchs en pro. Il devient un élément moteur de l’équipe. Je pense à Clément Akpa (défenseur central) qui était prêté en National il y a deux ans et qui est devenu international ivoirien. Il y a plein de joueurs comme ça, Paul Joly, Lassine Sinayoko, Gaëtan Perrin, qui arrivent à maturité, qui sont depuis longtemps ici et à qui on a fait confiance. On récupère aussi des jeunes joueurs qui viennent de l’étranger et qu’il faut relancer. C’est dur en début de saison, mais c’est aussi excitant de se demander comment ce jeune groupe, sans expérience significative en Ligue 1, est capable de performer. »

Alors que deux tiers du championnat sont déjà passés, l’AJA montre un solide de bilan de 10 victoires, 8 matchs nuls et 10 défaites. « On a une première partie de saison qui est faite de hauts et de bas. Ce groupe est capable, et on le prépare pour ça, de jouer des matchs les yeux dans les yeux avec nos adversaires. Nos deux victoires contre l’OM sont significatives de ce que l’on veut faire. C’est deux victoires nettes, c’est quelque chose dont les joueurs se souviendront toujours. Par contre, battre Marseille ne signifie pas qu’on a forcément un maintien acquis en fin de saison. Il faut prendre des points partout. » Le « cerveau » de l’AJA n’a plus qu’un an de contrat avec le club bourguignon. Le débat pour son avenir est ouvert. « Auxerre, c’est un club avec un engouement populaire incroyable. Il y a une volonté de franchir les étapes et de retrouver une certaine stabilité en Ligue 1. Ce n’est jamais évident quand on a un budget comme le nôtre. Je me retrouve tout à fait dans cet objectif-là. À la fin de la saison, il me restera un an de contrat, je ne sais pas quelle sera la volonté des dirigeants à propos d’un renouvellement. Ça fera trois ans, on parle souvent d’une fin de cycle à ce moment-là. On verra ce qu’il adviendra. »

« Quand ça va bien, je suis encore plus exigeant »

Le stade Abbé-Deschamps à Auxerre. Photo @AJA

Pour arriver à ce niveau, le tacticien s’est appuyé sur un mantra qu’il a développé, sur son approche personnelle du sport et son expérience au fil des années. « J’estime que pour avoir une équipe performante, la notion collective est primordiale. Quand un collectif tourne bien, les individualités ressortent. Jamais le contraire. Il y a toujours des joueurs de talent qui sont capables de faire la différence, qui, quand on arrive à les intégrer et quand ils se fondent dans le collectif, permettent de gagner des matchs et de gagner des titres. »

Une approche qui fonctionne. Sur le plan purement sportif, Christophe Pélissier, c’est : trois montées en Ligue 1 (Amiens en 2017, Lorient en 2020 et Auxerre en 2024), deux titres de champion de Ligue 2, deux ascensions de National en Ligue 2 (avec Luzenac et Amiens). « J’essaie d’être un peu à l’inverse de ce qui se fait sur un terrain et de ce qui se dit à l’extérieur. Quand ça va bien, j’essaie d’être encore plus exigeant. Je dis souvent que les louanges sont les meilleurs somnifères. Quand on fait des bonnes choses, on a tendance à en faire un peu moins ensuite, donc je suis très vigilant là-dessus. Au contraire, dans des mauvaises périodes, et on en a connu, il faut arriver à maintenir la cohésion et la confiance aux joueurs. Il faut arriver à positiver, à travailler (Ndlr : l’AJA a vécu une période de onze matchs sans victoires entre décembre et février, et a été éliminée de Coupe de France par Dunkerque). Les joueurs le savent : la communication se fait toujours entre quatre yeux. Quand ça va bien, je le dis, mais quand ça ne va pas, je le dis aussi. Je ne laisse pas passer certaines choses. »

L’Europe, c’est pour quand ?

Il ne manque qu’une case à cocher, à toucher pour Christophe Pélissier. La seule chose qui manque à sa carrière d’entraîneur, c’est la ferveur des soirées européennes. Pour un entraîneur parti d’en bas, des championnats régionaux, cette ascension serait un modèle. « Vu mon parcours, je pense que si je veux entraîner un gros club, un club qui joue l’Europe, il faudra que je réussisse à en amener un à ce niveau-là. Comme je l’ai fait jusqu’à maintenant. Au départ, Je n’avais pas de plan de carrière, tout s’est un peu fait par hasard. Certains me disent que je suis sous côté, mais j’ai commencé en Division d’Honneur (R1). Quand on me dit, vingt ans après, tu vas entraîner six ans en Ligue 1, je ne peux même pas dire que j’en aurais rêvé. C’est quelque chose auquel je n’avais même pas pensé ! Quoiqu’il arrive, ma carrière d’entraîneur a été réussie. Je ne me mets pas non plus de barrière : si un club vient me chercher, pourquoi pas ? Mais je me dis aussi que vu mon parcours, le mieux, c’est d’amener un club à ce niveau surtout. »

Christophe Pélissier, du tac au tac

Photo @AJA

Meilleur souvenir ?
La montée en Ligue 1 avec Amiens.

Pire souvenir ?
Il y en a deux. La relégation en Ligue 2 avec l’AJ Auxerre après le match contre Lens et le jour où l’histoire de Luzenac s’arrête.

Un président marquant ?
Ils ont chacun leurs spécificités même si Jérôme Ducros (Luzenac) était un sacré personnage.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
On prend souvent du plaisir quand il y a de la réussite. J’ai eu la chance d’en avoir beaucoup. Je pense que la saison dernière avec Auxerre en Ligue 2 était vraiment très belle. On était dominateurs, on marquait beaucoup de buts.

Un modèle de coach ?
J’ai beaucoup aimé ce que faisait Jürgen Klopp à Liverpool. En ce moment, j’aime bien ce que fait Gasperini avec l’Atalanta Bergame. Tous m’inspirent, tout le monde a des idées et pas que dans le monde professionnel !

Choisissez un stade : Le Moustoir, l’Abbé-Deschamps, la Licorne ou Paul-Fédou…
Je crois que le stade Paul-Fédou de Luzenac n’a pas marqué que moi. C’était un terrain atypique, légèrement en pente de droite à gauche. Après, le stade Geoffroy-Guichard (Saint-Etienne) m’a toujours marqué. J’y vais depuis tout petit. J’y ai vu de nombreux matchs. C’est un stade avec une ambiance énorme.

Photo @AJA

Le club que vous rêveriez d’entraîner ?
En tant qu’Occitan il y a le Téfécé (Toulouse) ! Mais Saint-Etienne a une place importante, c’est vrai. Je suis allé à la finale à Glasgow, j’avais 11 ans.

Une devise ?
J’en change souvent ! Mais je crois que « seul, on va vite, ensemble, on va plus loin » me caractérise bien.

Une manie, un toc, un rituel, avant les matchs ?
Je ne sors jamais à l’échauffement et je fais les cent pas dans le vestiaire. J’anticipe la rencontre à venir. C’est le moment que j’aime le moins lors d’un jour de match.

Un style de jeu préférentiel ?
J’ai utilisé tous les systèmes. On était à trois derrière avec Luzenac. Un 4-2-3-1 ou un 4-4-2 classique avec Amiens et Lorient et Auxerre. Le système, c’est le papier, mais je crois que c’est l’animation qui est le plus le point le plus important. Il y a beaucoup de systèmes hybrides aujourd’hui. Les animations sur les sorties de ballon sont primordiales.

Votre plus gros défaut ?
Je suis rancunier. Je donne souvent ma confiance et je n’aime pas qu’on la trahisse.

Un match référence ?
J’en ai beaucoup ! J’ai le souvenir d’un match avec Lorient, on reçoit Saint-Etienne et on est mené 2-0 au bout d’un quart d’heure et on gagne 6-2. Cette année aussi, en gagnant au Vélodrome avec Auxerre et en marquant trois fois en une mi-temps face à ce Marseille-là… On a été performants. En fait, c’est un sentiment où tout marche comme sur des roulettes.

Un joueur adverse qui vous a marqué ?
Mbappé m’a subjugué, je l’ai joué quand il était avec Monaco puis avec Paris. J’ai vu son évolution. Il y a tant d’autres joueurs aussi… Je crois qu’en Ligue 1, on minimise trop la qualité des joueurs. J’ai découvert Désiré Doué à Rennes en commentant un match pour Prime Video quand j’étais au chômage. Il m’avait tapé dans l’œil. Il jouait son premier match avec Rennes, au Vélodrome, il avait une qualité, une maturité… il m’avait ébloui.

Joueur de légende ?
Zinédine Zidane. C’est mon joueur et mon coach préféré.

Photo @AJA

Un match de légende ?
Je vais en dire deux. Un positif et un négatif. Le négatif, c’est France-Allemagne de 1982. Le positif, c’est France-Brésil de 1998. C’est la revanche de 1982.

Vous êtes un entraîneur plutôt…
Proactif. J’aime mes équipes quand elles s’activent dans la récupération du ballon, dans l’utilisation. Quand tout le monde est impliqué dans le projet.

Luzenac était un club plutôt…
Familial.

Auxerre est un club plutôt…
Familial et professionnel.

Le football, en un mot ?
Amour. Je m’infuse beaucoup de matchs depuis tout petit. Je regarde les autres championnats, les autres divisions. Quand on est entraîneur, il faut être curieux. Il y a de très bonnes choses à piocher dans le monde amateur. Quand je n’entraînais pas, j’allais voir des matchs. Il n’y a pas que le très haut niveau qui m’intéresse.

À ce sujet, vous êtes allé voir Revel lors de la réception du PSG l’an passé…
C’était la Coupe de France, c’est ma ville. On jouait à Nice en coupe le vendredi soir, et le lendemain quand on est rentré à Auxerre, j’ai pris la voiture et j’ai fait les 14 heures de route aller-retour. Il y avait 12 000 spectateurs à Castres, c’était fabuleux. Je me devais d’y être, c’est tout et je ne le regrette pas… même s’il y a eu 9-0.

Votre plus grand rêve d’entraîneur ?
Remporter la Coupe de France. C’est l’histoire du football français. Je suis ou j’ai été à la tête de clubs qui ont un vécu avec cette compétition et je n’ai malheureusement jamais eu de parcours et de réussite dans cette épreuve.

  • Texte : Augustin Thiéfaine / Photos : @AJA
  • Contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) : @13heuresfoot

Lire aussi : la nouvelle vie de Julien Outrebon (ex-joueur d’Amiens et Luzenac, ex-adjoint de Christophe Pélissier à Lorient)

https://13heuresfoot.fr/actualites/la-nouvelle-vie-de-julien-outrebon/

 

L’entraîneur de l’Olympique Saumur retrace sa carrière de joueur et d’entraîneur. Si son influence du football italien et du Milan AC de Sacchi est mise à mal cette saison en championnat, où son équipe encaisse beaucoup de buts, il compte sur la maîtrise technique et le jeu collectif pour s’en sortir et accrocher le maintien.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe LE BRECH

Entretien réalisé avant la défaite à Blois 2 à 0.

Photo Philippe Le Brech

Il a toujours son accent provençal et le sourire qui va avec. Patrick Olive est né à Martigues il y a 47 ans mais a su se faire adopter dans le centre-ouest de la France, qu’il a volontairement rejoint voilà 13 ans maintenant, pour des raisons à la fois familiales et sportives. Et il a su s’acclimater !

Aussi surprenant que cela puisse paraître, celui qui a passé un quart de sa vie au SC Orange (devenu en 2018 Orange FC), dans le Vaucluse, n’est nostalgique ni du soleil ni de la chaleur du Sud. L’ancien pensionnaire du centre de formation du FC Martigues, du temps de la Division 1, passé par le National et Istres, s’est rapidement acclimaté à la douceur angevine, ou plutôt à la douceur de Beaufort-en-Vallée, une petite ville près des bords de Loire, à 30 kilomètres de la capitale de l’Anjou. Et accessoirement à 30 kilomètres de l’Olympique Saumur FC, où il est arrivé l’été dernier après deux saisons en Régional 1 dans les Deux-Sèvres, à Bressuire.

Photo Philippe Le Brech

Pendant près d’une heure, cet ancien défenseur qui n’a cessé d’avancer sur le terrain au fil de sa carrière – généralement, c’est plutôt l’inverse ! – est revenu sur ses débuts, sur le football à Martigues, Istres et surtout Orange, un club qui l’a profondément marqué et où sa carrière d’entraîneur a commencé, quand il avait 28 ans.

Depuis, il a pris de la bouteille, que cela soit à l’Elan Sportif de Connerré, en Régional 1, son premier club à son arrivée dans les Pays de la Loire, au Mans FC où il s’est occupé de la formation et des jeunes (U17 et U19 Nationaux), à Bressuire, toujours en Régional 1 et enfin à Saumur, en National 2, avec l’objectif de se maintenir dans un championnat très relevé où, comme il aime à le dire, « son équipe est un peu un ovni ! ». Un ovni qui certes encaisse beaucoup de buts – il en parle avec franchise – mais produit un jeu de possession qui pourrait lui permettre d’éviter l’une des trois dernières places. C’est amplement jouable : à sept matchs de l’arrivée, l’Olympique, présidé par Stéphane Montanier, n’est qu’à un petit point de Châteaubriant, 13e et premier non-relégable, et de Poitiers, le 12e.

« J’aimerais que l’on soit plus guerriers »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif de joueur ?
En U17 Nationaux avec le FC Martigues, c’était durant la période d’ascension du club en Division 1. On avait des grosses écuries dans notre championnat, Lyon, Monaco, Cannes, etc., et on avait terminé derrière le Monaco de Thierry Henry. On s’était qualifié pour les phases finales. On avait éliminé Montpellier en 8e avant de tomber sur l’AS Monaco en 1/4 de finale. On pouvait renverser des montagnes avec cette équipe où quelques-uns ont signé pro comme Stéphane Odet ou Fabien Artès. Il y avait beaucoup de joueurs locaux de Marseille, Martigues, ça donnait une vraie identité. Le coach, c’était Roger Sabiani.

Ton meilleur souvenir d’entraîneur ?
Je ne peux pas dire que j’en ai un meilleur que les autres. J’ai beaucoup de bons souvenirs. Par exemple, à Orange, j’ai fait un maintien inespéré en DHR où il fallait gagner sept des neuf derniers matchs et on l’avait fait ! Quand je suis arrivé à Connerré (Sarthe), en DH, on s’est mêlé à la montée avec Le Mans, qui venait de déposer le bilan et de repartir à cet échelon. On était la surprise ! Plus tard, avec Le Mans FC, on a vécu une belle aventure en coupe Gambardella, jusqu’en 8e de finale à Ajaccio (en 2020). À Bressuire (2022-24, Régional 1), j’ai aussi vécu deux saisons avec des émotions fortes. Lors de ma première saison, tout s’est joué à la dernière seconde de la dernière journée, et c’est Chauray qui est monté en National 3 dans le temps additionnel alors que l’on venait de gagner notre match, et qu’on attendait leur résultat : Chauray faisait match nul et ils ont marqué le but de la montée à la 97e ! Même si sur le moment cela a été dur, cela reste un moment fort. En plus, on venait de gagner quelques matchs précédemment dans ces mêmes circonstances, en marquant dans le temps additionnel, comme contre Chauray deux matchs avant. On a fini champion la saison suivante (2023/24), sauf qu’il y avait les barrages derrière, et on n’est pas monté. C’est le Bassin d’Arcachon qui est monté.

« Les arêtes et les cadavres des poissons à Martigues ! »

Photo Philippe Le Brech

Pire souvenir d’entraîneur ?
Un barrage pour la montée en CFA, perdu avec Orange (en 2004). On était en CFA2, on venait de monter de DH. On avait fait un super début de saison, avec 12 points d’avance sur le 2e à la trêve mais on s’est fait rattraper puis doubler par Le Pontet sur la phase retour. À Orange, il y avait une super-équipe, on a vraiment loupé le coche cette saison-là et après ça, le club a eu un peu plus de difficultés.

Combien de buts as-tu marqué dans ta carrière ?
Je ne marquais pas beaucoup ! J’ai commencé au poste de défenseur au centre de formation à Martigues, ensuite je suis passé au milieu, à Istres, et enfin, à Orange, j’ai fini meneur de jeu donc j’ai plutôt avancé sur le terrain que reculé ! Donc j’ai marqué un peu plus en fin de carrière. Au début, je marquais un but par saison, et puis à la fin, il y a eu une saison, avec Orange, où j’ai mis 9 ou 10 buts en DH.

Photo Philippe Le Brech

Ton plus beau but ?
Celui que j’ai en tête, c’est une frappe de 35 mètres en pleine lucarne avec la réserve d’Istres, contre Marignane.

Pourquoi as-tu pratiqué le football quand tu étais petit ?
J’étais mordu tout de suite! Il paraît que tout petit, j’avais toujours un ballon avec moi et que je tapais sans cesse sur le mur, chez mes grands-parents, à Martigues, mais ça, je ne m’en souviens pas ! Mon papa (Henri) a gagné la Gambardella avec Martigues (en 1968). Donc j’ai été baigné dans cette ambiance sportive et collective de copains. J’ai souvent mis ça en priorité, cela a toujours été un fil conducteur.

Comme tu es de Martigues, le stade Francis-Turcan n’a aucun secret pour toi …
Aucun ! Je me souviens des petites arêtes de poisson que les mouettes lâchaient sur la pelouse, ou encore les cadavres des poissons… Comme il y a la canal juste à côté ! Je retourne à Martigues un peu, car j’y ai encore toute ma famille.

Pas trop dur de quitter le Sud pour le Centre-ouest ?
Non, parce que je suis venu rejoindre ma femme ici. J’habite Beaufort-en-Vallée, c’est près d’Angers. Je suis vraiment très proche de Saumur aussi. Avant, j’avais un petit plus de route pour aller à Bressuire ou au Mans par exemple, 1h ou une 1h15. J’aime beaucoup la douceur et le calme de cette région. Le Sud, ça manque surtout à cause de la météo, parce qu’ici, on a souvent du brouillard en novembre ou décembre, c’est pesant, et puis la famille manque aussi. Mais toute l’agitation du Sud, elle, ne me manque pas. Cela me fait plaisir d’y retourner, bien sûr. Mais voilà…

« J’ai gardé des liens avec Karim Tlili »

Photo Philippe Le Brech

Tu as gardé des attaches au club de Martigues ?
Cela a beaucoup changé depuis mon départ. Chez les éducateurs, il doit forcément y en avoir que je connais mais je n’ai pas forcément gardé de contact. Les attaches, je les ai surtout avec un joueur que j’ai entraîné quand il avait 10 ans, c’est Karim Tlili. C’est le buteur actuel du FC Martigues, en Ligue 2. Il fait partie des joueurs qui ont remis l’équipe sur les bons rails. Il a joué au Pontet et je l’avais eu dans mon équipe aussi à Orange. On a gardé les liens forts. On s’envoie des petits messages de temps en temps. Son parcours a été chaotique mais je suis fier de ce qu’il a fait et de son niveau.

Tu regardes les matchs du FC Martigues ?
Non, parce qu’on a entraînement en même temps. Mais je suis les résultats.

Pourquoi n’as-tu pas pu franchir le cap National-Ligue 2 quand tu étais joueur ?
J’avais un déficit athlétique quand je suis arrivé en seniors. Je mesure 1,71m et je jouais défenseur central. Voilà ! Et à l’époque, ce n’était pas trop les critères recherchés. Donc déjà, en terme de puissance, j’avais ce manque. Ensuite, on m’a fait jouer à un peu tous les postes, latéral droit, latéral gauche, je me débrouillais, OK, j’avais un contrat aspirant, je m’entraînais parfois avec la D1… J’ai eu la chance de côtoyer Ali Bernarbia par exemple, de m’entraîner avec une belle génération. Sincèrement, je ne pouvais pas rêver mieux, pour moi le Martégal… Mais le club est descendu et on ne m’a pas proposé de contrat stagiaire, tout en me conservant. En fait, je suis resté amateur en réserve, et ce contrat que j’attendais, on me l’a proposé un an plus tard. Sauf que moi, entre-temps, je m’étais fait à l’idée que c’était fini, donc j’ai passé la saison à trouver des solutions afin de signer dans un autre club. J’ai refusé le contrat stagiaire qu’on m’a proposé un an plus tard pour rejoindre Istres, juste à côté, en National. Parce que j’avais l’impression que, même en me proposant ce contrat, le club ne croyait pas trop en moi et pensait que je ne pouvais pas franchir l’étape supérieure. Mon objectif, c’était de passer pro avant 21 ans, ou de me rediriger vers autre chose. C’est pour ça que je suis allé à Istres, qui voulait monter en Ligue 2. Le truc, c’est que la plupart des joueurs de ma génération à Martigues ont joué en Ligue 2 ensuite (rires) ! Bon, ce n’est pas un regret, parce que cela m’a permis de me mettre sur la voie pour le métier de coach.

Photo Philippe Le Brech

À Istres, tu y restes 3 saisons : quel souvenir en gardes-tu ?
La première année, c’était Jean Castaneda l’entraîneur. Je m’entraînais avec le groupe National mais comme j’étais muté, je n’ai pas pu jouer en équipe première, seulement en National 3. Il y a eu plusieurs changements de coachs, j’ai changé de poste moi aussi : c’est là que je suis passé milieu de terrain. J’ai commencé à jouer régulièrement avec Alain Ravera, qui a remplacé Jean Castaneda lors de ma deuxième saison, et là, j’ai fait pas mal de matchs. À chaque fois, on était en haut de tableau en début de saison, mais on n’arrivait pas à monter. Je m’étais donné 3 ans pour y arriver, j’ai vu que cela ne passait pas, bien que je prenais beaucoup de plaisir à m’entraîner tous les jours. Là, l’opportunité d’Orange s’est présentée. Le club était en CFA2 et, surtout, il était très bien structuré, mieux structuré qu’à Istres en National ! Il y avait une superbe génération de joueurs, des dirigeants capables de trouver des emplois aux familles. Je suis parti dans ce projet-là, alors que je ne savais pas trop encore ce que je voulais faire, sur le plan professionnel.

L’idée d’entraîner, elle est venue comment ?
À Istres, j’avais passé les premiers diplômes d’initiateur 1, initiateur 2, le tronc commun aussi de mon brevet d’état, dans le cadre de mon contrat de qualification. J’avais mis un peu le pied dedans et quand je suis arrivé à Orange, j’ai trouvé un travail dans l’entreprise du président, une entreprise de pâtes alimentaires : je suis d’origine italienne, de la région de Manfredonia dans les Pouilles, du côté de ma maman, alors les pâtes… (rires) ! Le fils du président François Riva, Raphaël, jouait avec moi, c’était une famille italienne, ils étaient adorables. J’ai eu un super accueil. Je faisais 35 heures dans l’entreprise et pour avoir un complément, et aussi parce que j’étais passionné et que j’aimais ça, j’avais le foot à côté. J’entraînais une équipe de jeunes trois fois par semaine après le boulot, dans laquelle figurait donc Karim (Tlili). Et j’enchaînais ensuite sur ma séance avec les seniors. Le week-end, j’avais les matchs de jeunes le matin, puis mon match avec les seniors l’après-midi. C’était du 7 jours sur 7 !

Photo Philippe Le Brech

Du coup, avec tes origines italiennes, cela veut dire que tu t’intéresses au foot italien ?
Oui, oui, j’adore ce don de soi pour défendre. Après, il y a eu une période où le jeu de l’Italie n’était pas plaisant, mais dans l’aspect collectif, le Milan AC d’Arrigo Sacchi me parle, avec cette priorité donné à l’équipe, cette volonté de ne pas encaisser de but, ça, je l’ai aussi, mais la différence, c’est que moi, je prends des buts, c’est dur (rires) : je suis toujours un peu vexé quand j’en encaisse et c’était déjà le cas quand j’étais joueur. Parce que je me dis que quelque chose n’a pas été fait ou qu’on a manqué de communication. J’ai cette culture-là.

Tu suis quelle équipe en Italie ?
J’ai beaucoup aimé la Juventus de Michel Platini. C’était mes premiers rêves.

Que devient Simon Boyer, l’ancien défenseur de Sète, Bourges et Orléans, et qui était retourné chez lui à Orange ?
Ah Simon c’était mon premier entraîneur à Orange quand je suis arrivé (en 2000) ! Il travaille au service des sports de la commune maintenant. C’était un guerrier ! On préférait l’avoir avec soi qu’en face comme défenseur (rires) !

Photo Philippe Le Brech

Un stade mythique pour toi ?
Le Vélodrome, une ambiance de dingue, je me souviens de mon premier match, c’était un OM-Monaco, 2 à 0, il y avait Jean-Pierre Papin !

Un coéquipier qui t’a marqué dans ta carrière de joueur ?
Je suis obligé de dire le parrain de mon fils (rires) ! Patrice Scrimenti, formé à Saint-Etienne, il a joué à Valenciennes et Wasquehal. Il est de Rognac. Je l’ai connu par un ami de mon père, qui est le parrain de mon frère. On ne se connaissait pas directement. Un jour, il a voulu revenir dans le Sud et il est passé par moi quand j’ai signé à Orange, du coup il a rejoint Orange aussi. On s’est super-bien entendu ! Parfois, on jouait tous les deux en défense centrale. Il avait une exubérance que je n’avais pas, et une folie aussi.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
On se revoit parfois avec les anciens du centre de formation du FC Martigues. J’ai revu Daniel Cousin au Mans, Laurent Grimaud, Stéphane Odet, Fabien Artès, c’est difficile d’en citer un.

L’Olympique Saumur. Photo Philippe Le Brech

Un entraîneur qui t’a marqué ?
Léon Galli à Martigues, il était beaucoup dans la gestion humaine, très proche des joueurs. Richard Poggi à Orange, qui était fort dans la préparation tactique et mentale, et son approche était géniale. Mais c’est Alain Ravera, à Istres, qui m’a le plus marqué. J’ai travaillé ensuite avec lui au Mans, où on s’est retrouvé par hasard, et où cela a été dur parce que le club venait de subir un dépôt de bilan et se reconstruisait. Alain m’a fait confiance à Istres dans une équipe où il y avait beaucoup de joueurs confirmés et n’a pas hésité à me lancer. Je ne jouais pas tout le temps, mais j’ai beaucoup grandi avec lui. J’ai observé des matchs aussi pour lui quand il entraînait Louhans-Cuiseaux en National. On est toujours en contact.

Un entraîneur perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Aucun en particulier mais j’ai croisé Patrick Parizon à Bressuire, c’était le coach en pro à Martigues et j’avais eu un petit différent avec lui à l’époque, cela m’a permis d’avoir une discussion avec lui, je ne l’avais jamais revu depuis cette épisode et cela m’a libéré d’un poids !

Un joueur qui t’a impressionné ?

Thierry Henry, chez les jeunes. On arrivait à accrocher Monaco avec nos valeurs, et puis lui, sur une action, il faisait la différence.

Un président qui t’a marqué ?
Michel Castanier à Orange.

« Orange, les montagnes russes »

Photo Philippe Le Brech

Quand es-tu devenu entraîneur ?
À l’âge de 28 ans. Le club d’Orange venait de descendre en DHR. J’étais capitaine de l’équipe et le coach, c’était Patrice Scrimenti justement. On était en difficulté en début de saison, le club était en train de s’effondrer, alors que quelques années plus tôt on était aux portes du CFA, et puis derrière, on est dans le bas de tableau en DHR… En novembre, Patrice, qui travaillait à côté, me dit que je dois prendre l’équipe, que j’en suis capable. Il me dit aussi que le président est d’accord, mais il ne m’en a pas parlé. Patrice me laisse un jour de réflexion et le lendemain, je lui dis « Je suis d’accord, mais à une seule condition, que tu te remettes en condition physique pendant un mois pour être apte à jouer en janvier ». Patrice avait 35 ans. Il a accepté (rires) ! On a fait une saison mémorable, on a retourné la situation. Mais pour moi c’était éprouvant car je n’avais pas voulu lâcher l’équipe de jeunes U15 Régionaux que j’entraînais. Donc j’avais deux équipes sous ma responsabilité. Parfois je jouais le matin à 11h avec les jeunes et l’après midi j’entraînais et en plus je jouais encore avec seniors en DHR ! C’est là que je vois que j’avais des super-dirigeants, qui me préparaient tout, c’était une sacrée époque, très enrichissante, qui laisse de supers souvenirs !

C’était la fameuse saison où il fallait gagner 7 matchs sur les 9 derniers pour se maintenir ?
Ah non, non, ça c’en est encore une autre (rires) !

Avec les dirigeants de l’Olympique Saumur FC. Photo DR

Le club d’Orange, en quelques mots ?
Les montagnes russes. On était en DH quand je suis arrivé et le club était mieux structuré qu’à Istres en National. Michel Castanier faisait bien les choses, il y avait Jean-Louis Comini et Frédéric Christen, qui était recruteur avant que je n’arrive, avait bien travaillé. Il y avait une génération de joueurs extraordinaires. L’équipe jouait bien, c’était plaisant, avec des supers jeunes. A Orange, j’ai un peu tout connu en 12 ans, des beaux parcours en coupe de France, des beaux parcours en championnat aussi car on a souvent été à la lutte avec des clubs comme Marseille-Consolat ou Gap, qui ont goûté au National par la suite. Mais quand on a loupé les barrages d’accession en CFA, la saison d’après, on est descendu aux barrages aussi, ensuite, le président a changé, le club avait un peu moins de moyens, on est remonté, on s’est à nouveau mêlé au haut de tableau, j’ai vraiment tout vécu dans ce club ! À la fin, je voulais partir, je venais de vivre une séparation sur le plan personnel. C’est comme ça que je suis arrivé dans une nouvelle région, ici, à Beaufort-en-Vallée, où vivait ma nouvelle compagne. Je ne le regrette pas.

« Un groupe de dirigeants et de parents extraordinaires à Orange »

Photo Philippe Le Brech

On sent ton attachement à Orange…
Oui… On avait une superbe pelouse au stade Clapier, et puis dans une ville gérée par une mairie proche du Front national, on avait un rôle social à jouer aussi et on en était fier car on permettait à des jeunes d’être considérés par le biais du sport, du football. J’adorais les jeunes du quartier qui aimaient le foot, ils habitaient juste en face du stade. Quand le club a eu des difficultés financières ensuite, il a failli disparaître… Heureusement, il y avait un groupe de parents et de dirigeants extraordinaires qui n’ont pas lâché le club et qui ont permis aux enfants de pouvoir continuer à jouer. C’est triste de voir Orange si bas (le club évoluait cette saison en District 3 avant d’être forfait général, lire ci-dessous), mais j’ai bon espoir de voir les choses se remettre en place un jour.

– Le 23 janvier 2025, la préfecture du Vaucluse a annoncé qu’elle retirait l’agrément délivré au Orange football club au titre de son affiliation à la Fédération française de football (FFF), suite à des actes répétés de violences, physiques ou verbales, à l’encontre des équipes adverses ou des officiels. Une décision qui a entraîné la fermeture du club avec, comme conséquence, 400 jeunes sans la possibilité de pratiquer le football. Finalement, le 17 mars 2025, le Tribunal administratif de Nîmes a suspendu l’arrêté préfectoral, ce qui a permis au Orange FC, qui a remplacé le SC Orange en 2018, de conserver son agrément, reprendre ses activités et de voir des équipes de jeunes être réintégrées en championnat (l’équipe seniors de District 3 est forfait général).

De Connerré au Mans FC

C’est là que tu arrives à Connerré, près du Mans…
Oui, j’ai répondu à une annonce, c’est à une heure de Beaufort-en-Vallée, où j’habite, près d’Angers. Le club, qui venait de monter en DH un an auparavant et cherchait un coach : on a fait 4e, 3e et 2e !

L’Olympique Saumur. Photo Philippe Le Brech

Après Connerré, tu pars au Mans…
Très rapidement, à Connerré, la Ligue du Maine me contacte pour m’occuper de la section sportive du Mans, car là-bas, leur centre de formation fonctionne avec la section sportive au lycée Sud du Mans. Mais à la Ligue, ils voulaient quelqu’un d’extérieur au club, de neutre, et mon président à Connerré a donné son autorisation afin que je sois mis à disposition. C’est comme ça que je suis intervenu quatre fois par semaine avec la section sportive et que mon premier lien avec Le Mans, qui était en Ligue 2 à ce moment-là, a commencé. La saison suivante, le club a déposé le bilan et a dû repartir en DH et là, je me retrouve dans le même championnat qu’eux avec Connerré ! On leur pose des problèmes d’ailleurs, et c’est là que Le Mans FC veut me récupérer pour intégrer la formation chez les jeunes. L’ancien président, Jean-Pierre Pasquier, me recrute, puis le président Thierry Gomez est arrivé. J’ai fait cinq ans au Mans FC ! Richard Déziré s’occupait des seniors en National 3 (le club venait de remonter) et j’ai pu l’épauler sur le recrutement de joueurs locaux pour son équipe, on a fait venir des garçons comme Romain Dupont de Sablé-sur-Sarthe ou encore Arnaud Billeaux (Sablé), qui est mon aujourd’hui mon adjoint à Saumur. C’était des joueurs cadres en N3 et N2, qui étaient aussi éducateurs au club. La première saison au Mans, j’étais responsable de la formation, mais je n’avais pas d’équipe à coacher, on a juste remis les choses en place, restructurer. par la suite, j’ai pris en charge les U19 et les U17 nationaux.

« Au FC Bressuire, c’était intense ! »

Avec Arnaud Billeaux, son adjoint à Saumur. Photo Philippe Le Brech

Après Le Mans, tu enchaînes à Bressuire, en Régional 1…
Non, d’abord, j’ai arrêté pendant une saison. Le Mans venait de monter en L2, on avait déposé le dossier pour le centre de formation, et dans ce projet, je devais entrer en formation pour devenir le responsable du centre, mais la Covid a freiné le club, qui est descendu sans que le championnat ne puisse aller à son terme… Et donc, comme on n’avait pas une année de présence en Ligue 2, le dossier n’a pas pu être déposé, et ça m’a mis un coup d’arrêt personnel. On était aux portes du professionnalisme pour le centre de formation, on voyait le bout du tunnel, on se disait qu’on allait avoir enfin les moyens de bien travailler, mais là, de devoir revenir en arrière, cela a été difficile. J’ai quand même terminé la saison mais c’était clair dans ma tête. Du coup, la saison suivante, je suis juste retourné avec la section sportive et sincèrement, ça m’a fait du bien de ne plus dépendre du Mans FC. Ce n’est qu’un an plus tard que j’ai signé au FC Bressuire. J’y ai passé deux saisons avec très peu de défaites, très peu de buts encaissés. C’était intense. C’est vraiment un super club de foot, avec du monde au stade, des jeunes à tous les niveaux régionaux, mais avec cependant quelques freins dans les structures, dans la mentalité, dans le fait d’arriver à emmener les gens plus dans la compétition, de mettre des conditions de réussite. Le club pourrait aller plus haut, on se mettait la pression pour remonter en N3 parce qu’on savait qu’on avait les moyens pour ça. le FC Bressuire devrait être au-dessus. Il est structuré, c’est un super-club amateur, avec des dirigeants top. Mais je trouve que c’est un peu un gâchis quand même : on se contente de bien vivre à Bressuire, ce qui est très bien aussi, mais c’est dommage, il faudrait être « plus compétiteur ».

« Pour Saumur, c’est déjà un petit miracle d’exister en N2 »

Tu as dû suivre les déboires des Chamois Niortais, qui vient d’être rayé de la carte…
À Niort, il y a la famille de mon épouse. Les Chamois, c’est une institution dans les Deux-Sèvres. C’était le moteur. C’est triste. Cela fait plusieurs clubs historiques qui disparaissent, il y a eu Tours aussi récemment. J’ai vu quelques matchs au stade René-Gaillard bien sûr, on les a même joués l’an passé en coupe de France (au 5e tour, 1-2 en octobre 2023). Les Chamois fournissaient plein de clubs aux alentours, Bressuire, Chauray…

Parle-nous de ce jeu des chaises musicales entre Bressuire et Saumur…
Alors, quand je suis arrivé à Beaufort-en-Vallée donc, j’ai eu un entretien avec le club de Connerré et à cette époque, Patrice Sauvaget (ex-pro à Lille, Cannes, Angers, etc.), avec qui j’avais joué à Istres, entraînait Saumur. J’avais pris contact avec lui pour qu’il m’aide à éventuellement trouver un club dans le coin, et il m’avait dit qu’il partait de Saumur. J’avais donc rencontré le président de Saumur, qui n’est plus le même aujourd’hui. Bon, le choix s’était porté sur un autre coach, Julien Chevalier, qui était quelqu’un du club. Ensuite, j’ai fait ma vie pendant 12 ans et là, cet été, quand je suis parti à Saumur, le FC Bressuire a enrôlé Julien Chevalier, mais je n’étais pas au courant, cela s’est fait après mon départ (Julien Chevalier a démissionné en septembre dernier). Voilà pour la petite histoire !

« Ma culture italienne, elle en prend un coup ! »

L’Olympique Saumur, en février 2025. Photo Philippe Le Brech

Parle-nous de l’Olympique Saumur FC ? De l’extérieur, cette saison, en N2, on constate une certaine irrégularité dans les résultats. C’est quoi, la place du club, selon toi ?
l’Olympique Saumur FC, c’est un peu un ovni en National 2. C’est déjà un petit miracle d’exister. On a le plus petit budget de la poule avec 800 000 euros, les joueurs bossent et ne s’entraînent que trois fois par semaine, mais depuis cette saison, j’ai rajouté un quatrième créneau, mais le groupe au complet n’est vraiment là que trois fois. On a deux contrats fédéraux, ce qui est déjà un effort financier considérable de la part du club, qui était déjà relégable sportivement la saison dernière déjà. Mais Saumur a cette mentalité-là de faire des exploits, des parcours en coupe de France, donc l’irrégularité, peut-être qu’elle part de là, déjà. On réalise des coups, oui, mais sur la durée, on n’est pas armé comme les autres. Après, cet été, j’ai composé une équipe avec seulement deux mutés, parce qu’on n’était pas en règle avec le statut de l’arbitrage. Il a fallu trouver des joueurs libres, non mutés, ce qui voulait dire qu’ils n’avaient pas joué pendant un an : cela ne pouvait être que des joueurs blessés qu’il fallait relancer, donc il ne fallait pas se tromper sur l’état d’esprit, qui est primordial chez nous, sinon, on n’existe pas. L’effectif que l’on a, au final, est un peu improbable, parce qu’on a quand même des joueurs d’expérience, avec le gardien Hugo Cointard (ex-Béziers, Les Herbiers, Chartres, Lusitanos), Simon Pambou, qui revient d’un accident de voiture (ex-Grenoble Foot en L2), Vincent Manceau, un ancien historique du SCO Angers en Ligue 1, Wail Bouhoutt, qui est des meilleurs buteurs du championnat chaque année (81 buts en 132 matchs officiels depuis son arrivée en 2019 !) et aussi Emmanuel Bourgaud (ex-Amiens, club qu’il a conduit en Ligue 1 en 2017 en inscrivant le but de la montée à la dernière seconde de la dernière journée !).

En National 2, ton équipe encaisse beaucoup de buts…
On n’est pas solide défensivement. Pourtant, dans le jeu, on arrive à se créer des occasions, on est assez agréable à voir : en fait, c’est même la première fois de ma carrière de coach que j’ai une équipe qui maîtrise autant le jeu collectif. Avant, j’avais souvent eu des équipes qui luttaient, et ça aussi c’est nouveau, je dois apprendre moi aussi. Bien sûr, j’ai toujours aimé avoir des équipes qui jouent, mais là, avoir autant de maîtrise, je n’avais jamais connu ça. C’est un peu perturbant parce que défensivement… (Saumur a encaissé 40 buts en 23 matchs et possède la 14e moins bonne défense de sa poule B en N2, sur 16). Parfois aussi on manque de vitesse et d’équilibre, donc il faut travailler pour ne pas perdre nos points forts comme la tenue du ballon et le jeu. Parce qu’on n’est pas capable de ne faire que défendre, on n’a pas les joueurs pour ça. Donc il faut trouver la meilleure alchimie possible et c’est vrai que ma culture italienne, elle en prend un coup là (rires) ! Et puis on constate qu’en National 2, en face, les attaquants adverses vont vite et comme on manque un peu de puissance, quand on fait le jeu, qu’on joue haut, on s’expose aux contres.

« On doit avoir plus d’exigence et de concentration »

Photo Philippe Le Brech

T’attendais-tu à une saison aussi difficile en N2 ?
Alors je me suis imaginé ça quand je suis arrivé, quand il a fallu construire l’effectif. Et après, le fait d’avoir autant de maîtrise du jeu, dès le début de saison, ça m’a surpris : là, j’ai pensé qu’on pourrait tranquillement être en milieu de tableau. Et en fait non ! Chaque match bascule sur une action d’inattention, une belle action adverse ou autre, alors que les matchs sont équilibrés… Là, ça change les choses, je pense à nos défaites récentes à Châteaubriant et à Avranches (3-0). Franchement, ces matchs étaient serrés jusqu’au premier but encaissé. Il n’y a pas un match où j’ai senti qu’on était dépassé ou que l’on ne pouvait pas marquer, hormis notre défaite 6 à 0 aux Herbiers, que je mets à part, parce que c’était notre 3e match en 8 jours. C’est pour ça que l’on doit avoir beaucoup d’exigence et de concentration. Que l’on ne doit pas être résigné. J’aimerais que l’on soit plus « guerriers ».

Y a-t-il eu un relâchement après la victoire à Bordeaux le mois dernier (1-0) ?
Je ne le pense pas. Mais on est plus à l’aise sur des bonnes pelouses. Quand on est sur les terrains gras en hiver, même le nôtre, qui n’est pas top, on n’est pas à notre avantage. À Bordeaux, la pelouse, c’était une galette, ça donne envie, les joueurs ont pu exprimer leur qualités techniques, c’était un avantage pour nous. Et le match suivant, à Châteaubriant, il nous manquait deux joueurs au milieu : alors ça a été plutôt bien pendant 70 minutes jusqu’au premier but, et ça a été plus compliqué. Pour ce match, j’avais deux jeunes qui découvraient le niveau, dont le petit Lenny Herin, qui a 19 ans, qui jouait en Régional 2 la saison passée. C’était son premier match titulaire en N2. Mais il n’y a pas eu de relâchement après Bordeaux, c’est juste que c’est de la National 2, et que c’est dur.

« Je ne suis pas un gueulard »

Ce week-end, Saumur se déplace Blois, où la pelouse est…
Bon bah voilà…

On dit que c’est le pire terrain de la poule, avec celui de Saint-Pryvé / Saint-Hilaire… Mais si ça peut te consoler, dans le Sud, c’est pas fameux non plus !
Dans le Sud, on le sait que les terrains ne sont pas bons. Et on fait en fonction. Ici, c’est plus dur. Par exemple, à Châteaubriant, dans un match pour le maintien, avec de l’enjeu, et bien j’ai trouvé que c’était un match propre. Dans le Sud, ce type de match, avec cet enjeu, cela aurait été la « guerre » !

Quel type d’entraîneur es-tu ?
Je suis passionné, déjà. Je m’adapte beaucoup aux environnements. Je n’arrive pas en terrain conquis. Je ne mets la pression à personne. Je n’ai pas ce caractère-là. Je prends le temps de connaître les gens et d’essayer d’en tirer le maximum. Je ne suis pas un « gueulard », je dis les choses à ma manière. J’aime le jeu : je n’oublie pas que quand je jouais défenseur central, je sais très bien que je n’étais pas à ce poste grâce à mes qualités physiques, mais en raison de ma lecture du jeu, de ma qualité de relance. Après, il faut avoir les joueurs pour le faire, pour jouer.

« Le 4-4-2, c’est idéal pour cerner un groupe »

Photo Philippe Le Brech

Ton style de jeu préférentiel ?
J’ai un peu tout expérimenté, mais j’ai une certitude, c’est que pour vite faire connaissance avec un groupe et savoir à qui on a affaire, il faut partir sur un 4-4-2, afin de créer des connections défensives, parce que si la ligne des 4 milieux ne travaille pas ensemble ou si les deux attaquants ne s’adaptent pas l’un à l’autre, alors on explose vite. Il faut qu’il y ait beaucoup d’intelligence et de connections pour rester équilibrés. Dans tous les clubs où je suis allé, on est parti comme ça. Après, ça a évolué, pour tirer le meilleur des joueurs mis en place, et cela s’est transformé en 4-3-3 ou en 4-2-3-1, en fonction. Il m’est arrivé de jouer à 3 centraux derrière, hyper costauds, avec deux pistons sur les côtés comme on dit maintenant, à Connerré, parce qu’ils avaient la puissance et le coffre pour faire des aller-retour. Après, il faut s’adapter, trouver la meilleure formule pour exploiter les qualités du groupe.

Le public répond-il présent au stade ?
On fait du monde en début de saison, 700 à 800 personnes, pendant la période estivale, quand notre buvette, située près du poteau de corner, fonctionne bien ! Il y a toujours du monde à cet endroit à la période estivale (rires) ! Je plaisante, mais j’ai senti de la bienveillance et beaucoup de monde pour nous soutenir, un peu moins sur la période hivernale : peut-être que c’est de notre faute, on a été moins bons à domicile, on n’a pas su créer ce truc qui ferait que l’on se sente plus soutenu. À Bressuire, je me souviens du derby contre Thouars, on jouait devant 2200 ou 2300 spectateurs. C’était génial.

« Saint-Malo, la meilleure équipe affrontée »

Photo Philippe Le Brech

Je ne vais pas te demander qui va descendre en N3, même si pour Granville, cela sera compliqué, alors que Le Poiré est condamné, mais plutôt… qui va monter en National ?
Saint-Brieuc est dans la meilleure dynamique, plus que Bourges encore, même Avranches n’est pas largué et bordeaux peut revenir. Mais si je dois me baser sur les matchs que l’on a joués face aux équipes du haut de tableau, les plus forts qu’on a vu, c’est Saint-Malo, mais c’était dans leur bonne période. J’ai trouvé Bourges moins armé techniquement que Saint-Brieuc et Saint-Malo, notamment pour ressortir le ballon. Sur la durée, ça peut les limiter même s’ils font une super deuxième partie de saison.

C’est comment, sinon, la vie à Saumur ?
Saumur, c’est un petit Angers, au bord de la Loire, avec beaucoup d’activités festives dans la ville. C’est tranquille !

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe LE BRECH
  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
  • Visitez le site web 13heuresfoot
  • Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr