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Entraîneur-adjoint en Ligue 2, responsable de la formation et du pôle seniors, coach de la réserve : l’ex-joueur de Reims, du Red Star et de Créteil multiplie les casquettes à l’US Concarneau, où il a achevé sa carrière de joueur et où il se plaît beaucoup, à la fois au club et dans la région.

« Je forme des citoyens avant de former des joueurs »

« Tu veux une petite bouteille d’eau? » Il est 19h à Concarneau où il fait encore si chaud en cette fin du mois d’août que Danilson Da Cruz a pitié du suiveur de son match amical avec l’équipe réserve de l’US Concarneau (R1). Une attention qui résume un personnage à la générosité à fleur de peau. « Dans le foot, moi ce qui m’intéresse, c’est le côté humain. La com’ du club m’a dit que tu voulais qu’on se voit. On fait ça quand ? Demain ? D’accord. Vers midi alors, après la séance d’entraînement de la Ligue 2. »
Car Danilson Da Cruz est également coach-adjoint chez les pros auprès de Stéphane Le Mignan. En plus d’être le responsable de la formation et du pôle seniors à l’US Concarneau où il entraîne aussi l’équipe réserve. Quatre casquettes qui lui vont bien. « Je forme des citoyens avant de former des joueurs. »

Pile à 13h…

Avec Reims. Photo SDR.

Danilson Da Cruz est un homme de terrain mais il nous invite à découvrir son bureau, en haut d’un Algeco à étage. Avec vue sur mer et sur un coin du terrain d’honneur du stade Guy-Piriou où les travaux d’homologation pour la Ligue 2 sont toujours à l’arrêt… L’entretien a commencé à midi et il se termine une heure plus tard : pile à 13h ! Comme un clin d’oeil à 13 heures foot !
L’homme est un bon client. Du genre à ne pas attendre les questions pour faire les bonnes réponses.

Arrivé en septembre 2019 à Concarneau, à l’époque où Benoît Cauet entraînait les Thoniers en National, Danilson Da Cruz n’en est plus reparti. « On se plaît trop bien ici avec ma femme. »
L’homme à la quinzaine de montées et aux 247 matchs en National (114) et en Ligue 2 (133), de Créteil à Nancy en passant par le Red Star et Reims, a posé ses valises en bord de mer et troqué son maillot de joueur contre la casquette d’entraîneur aux multiples fonctions. A 37 ans, son projet de vie dans le foot se situe à bord des Thoniers où il a très bien embarqué.

LE JOUEUR

« Mon maillot avec le nom derrière »

Dans le vestiaire de Concarneau. Photo D. V.

247 matchs en National (114) et en Ligue 2 (133). « C’est une belle carrière, franchement, je ne pensais pas faire ça. Quand j’étais petit, j’avais un seul objectif : que mes parents puissent trouver mon maillot avec le nom derrière. C’était juste ça mon objectif. Et je l’ai atteint à Créteil (2009) quand j’ai signé mon premier contrat à 23-24 ans. Avant, j’étais livreur de pizzas et expert en malbouffe car, comme je n’ai pas fait de centre de formation, je n’ai pas eu tous les codes de la diététique. J’ai toujours eu tendance à prendre du poids donc c’était énormément de contraintes durant ma carrière de footballeur. Et depuis que j’ai arrêté, j’ai dû prendre une bonne vingtaine de kilos mais ce n’est pas un souci car ce n’est plus moi qui dois courir ! En fait, la saison où je débute avec le moins de poids, c’est quand je suis à Reims et je suis à 86 kg (pour 1,88m). »

« On n’est pas monté, je pars »

Sous le maillot de Créteil. Ph. DR

Le Franco-Capverdienne, qui compte plusieurs sélections avec les Requins Bleus, n’a pas commencé le foot sur le sable des plages de cet état insulaire d’Afrique de l’Ouest. « Je suis né en France, en région parisienne, et j’ai commencé le foot à l’âge de 4 ans dans un petit club de quartier à Créteil, raconte Danilson Da Cruz. Après, à 6 ans, et jusqu’à environ mes 16 ans, j’ai joué à Saint-Maur Lusitanos avant de passer cinq saisons jusqu’en seniors à la VGA Saint-Maur où on est monté deux ou trois fois de PH à DSR. Après, il y a une année où on n’est pas monté donc je pars (sourire) à l’UJA Alfortville, en CFA. Mais je ne jouais pas, je n’avais pas du tout de temps de jeu, donc fin novembre je décide de partir et je vais à l’Ararat Issy-les-Moulineaux où je joue six mois en CFA 2. A 22-23 ans c’est ma première saison où le niveau national commence vraiment pour moi et je signe ensuite à l’US Créteil pour le groupe CFA 2. Mais j’intègre rapidement l’effectif National et c’est là que les choses commencent. »

Accession en Ligue 2 avec Créteil puis avec le Red Star

Sous le maillot du Red Star. Ph. DR

« J’étais plutôt défenseur central. Enfin, j’ai commencé milieu défensif, après je suis descendu en défense centrale quand j’étais à l’US Créteil, et ensuite j’ai rebasculé en milieu défensif quand j’étais au Red Star. Je pouvais jouer aux deux postes. Avec Créteil, on est monté de National en Ligue 2 (2012-13). Au Red Star aussi, on est monté de National en Ligue 2 (2014-15) et là, alors qu’on est promu, on fait une saison extraordinaire et on échoue à un point de la montée en Ligue 1 alors qu’on avait notre destin entre les pattes. »

« A Reims, on se sentait invincible »

« Après je pars à Reims qui venait de descendre de Ligue 1. La première saison on se maintient en Ligue 2 et la deuxième on monte en Ligue 1 (2017-18) avec un record de points (88) et une aventure humaine extraordinaire. On se sentait invincible. Avec les supporters, il y avait tout un club derrière nous, on allait tous dans le même sens. Il me restait un an de contrat, je me pose, je prends le temps de réfléchir, et je ne me sens pas d’aller en Ligue 1. Je suis un homme de vestiaire et je sais que la Ligue 1 est sur-médiatisée et qu’il y aura des comportements qui me dérangeront. J’ai toujours privilégié les relations humaines et je ne voulais pas du football bling-bling. Je voulais partir avec une bonne image vis à vis de tout le monde en fait. »

« A Nancy, je me suis mis au milieu de la cible »

Avec Nancy. Ph. DR

« Mais l’erreur que j’ai faite, en partant en Ligue 2 à Nancy (2018-19), c’est d’accepter le rôle de capitaine. J’ai toujours été capitaine mais là je n’aurais pas dû. Je me suis mis au milieu de la cible, on attendait énormément de moi, que je fasse la différence, des exploits, alors que moi mon rôle, ça a toujours été de faire en sorte que ceux qui sont autour de moi soient plus forts. Moi, j’étais un travailleur de l’ombre et à Nancy, on attendait autre chose de moi. Résultat, je me blesse, une grosse rupture au niveau de l’insertion de l’ischio et quand je reviens il y a eu un changement de coach (Alain Perrin à la place de Didier Tholot) et des choix ont été faits sans moi. Mais ils étaient bons puisque Nancy a finalement réussi à se maintenir. Il me restait deux années de contrat (dont une en option), mais sincèrement, pour moi, je ne pouvais pas aller plus haut que ce que j’avais fait avec Reims. »

« Concarneau m’envoie des photos des Iles Glénan »

« Je voulais retrouver un équilibre et me rapprocher de la vérité du foot amateur pour préparer l’après. J’avais connu Pierre L’Hotellier à Reims et il m’appelait deux fois par jour pour que je vienne à l’US Concarneau dont il était devenu le directeur administratif. Le coach, Benoit Cauet, m’appelle aussi, Michel Jestin également, on m’envoie des photos des Iles Glénan pour me montrer que c’est bien de vivre au bord de la mer. Le Red-Star m’avait aussi sollicité mais je ne voulais plus retourner dans la région parisienne. Le Mans m’avait également appelé mais j’avais donné ma parole à Concarneau. Donc j’arrive ici et je vois que je ne me suis pas trompé : un club familial, une ambiance magnifique, et des supporters qui sont toujours là… J’adore ce qu’ils dégagent ! »

L’ENTRAÎNEUR

La bascule de joueur à entraîneur

Photo Christian Rose Cornouaille Photo

« Après l’intérim de Pascal Laguillier, qui avait remplacé Benoit Cauet à la fin de ma première saison à Concarneau (2019-20), dès que Stéphane Le Mignan est nommé entraîneur, on discute avec lui et avec Jacques Piriou, le président. Il me restait un an de contrat, mais on décide dans un premier temps d’arrêter. Sauf que Jacques savait que le président du Red-Star, Patrice Haddad, voulait me récupérer comme entraîneur à la fin de ma carrière de joueur et donc il me dit : « tu es au club, pourquoi tu ne resterais pas chez nous? »

« Revenir dans l’amateurisme »

« J’avais la possibilité d’aller entraîner dans un centre de formation, je pouvais aussi être coach-adjoint, mais je lui réponds « c’est simple, je vais continuer à Concarneau ! ». J’ai fait le choix de rebasculer pour revenir vraiment dans l’amateurisme même si, depuis, le club est monté en Ligue 2. J’avais déjà passé mon initiateur 1 et 2 et animateur seniors quand j’étais jeune, et plus ça avançait dans ma carrière de joueur, et plus je grappillais, avec toujours en tête de pouvoir faciliter mes accessions vers les futurs diplômes. Car plus tu as un nombre important de matchs pros et plus ça te permet d’accéder plus facilement aux formations. »

Le BEF et le DESJEPS à Concarneau

Sur le banc en L2 avec Stéphane Le Mignan, dans le rôle d’adjoint. Photo D. V.

« Donc la saison suivante à Concarneau (2020-21), je passe mon BEF, je prends les U17 et malgré le confinement qui arrive, il y a des choses qui sont mises en place dans le jeu. La saison d’après (2021-22), je ne suis plus sous contrat fédéral, mais avec mon épouse, on décide de rester car on se plaît à Concarneau. Je reprends les U17, des bosseurs qui ont du caractère et ils terminent invaincus. Je les ai suivis la saison suivante en U18 (2022-23) et on refait une saison extraordinaire : que des victoires et la Coupe de Bretagne! Et j’ai passé aussi le DESJEPS qui permet d’entraîner jusqu’en National 2. Le prochain diplôme, ce sera soit le BEPF soit le formateur si le club se maintient en Ligue 2. Car ça voudrait dire que dans deux saisons, il va falloir ouvrir un centre de formation et il faudrait donc avoir des éducateurs qui ont le formateur. Ce serait un choix pour le club mais ça me servira aussi, donc c’est gagnant-gagnant. »

D’abord joueur ou d’abord entraîneur ?

« C’est une bonne question ! Je suis joueur depuis que je suis tout petit. J’ai toujours eu un ballon dans les pieds mais dès l’âge de 16 ans, je me suis intéressé au rôle d’éducateur. Je pense que, par la suite, j’ai fait ma carrière de joueur pour être entraîneur. Oui on peut dire que je suis entraîneur dans l’âme. J’ai toujours su que j’entraînerais. A 16 ans, j’ai pris pour dépanner un groupe de débutants, donc des 5-6 ans, j’ai adoré, et dans la même saison je suis passé directement à des plus grands, des benjamins à l’époque, j’ai toujours coaché, même quand je jouais en Ligue 2, je coachais en parallèle, jusqu’à ce que j’aille à Reims. Il y a eu quatre saisons où j’étais entre le National et la Ligue 2 et en parallèle j’entraînais des jeunes ou des féminines. »

« Si ça marche cette année ce sera grâce à cette première décision »

« A la fin de la saison dernière, Stéphane Le Mignan me dit qu’il compte sur moi pour la responsabilité de la formation et qu’il me considère comme un adjoint, un adjoint à la formation. A ce moment-là, il a déjà en tête que je vais retranscrire en réserve ce qu’il essaye de mettre en place en équipe première. Et après, avant le début de la prépa de la Ligue 2, il me dit qu’il aimerait que je sois là aussi, au moins au début, le temps que les nouveaux arrivent pour qu’ils m’identifient comme le coach de la réserve. Stéphane m’a mis dans les meilleures conditions parce que je suis avec eux au quotidien. Les joueurs, quand ils descendent en réserve, ils ne découvrent pas un autre coach. A l’entraînement, je suis amené à leur dire des choses, donc quand ils descendent, ils ne vont pas en équipe réserve, ils vont dans la continuité de la première… Et si ça marche cette année, ce sera grâce à cette première décision. Cette idée-là est extraordinaire et elle me met dans un confort total. Vraiment. Après ce sera à moi de gérer, t’es face à des joueurs, à leur égo, ils descendent de Ligue 2, il ne faut pas qu’ils le prennent comme une punition, mais bien comme du temps de jeu en réserve pour re-postuler tout de suite dans de bonnes conditions en première, sans se brûler les ailes une fois de plus. »

Danilson Da Cruz, du tac au tac

« Marvin Martin avait offert le jeu FIFA à tout le monde »

Lors de sa signature à Concarneau, en 2019. Photo USC

Combien de montées en cumulant les deux carrières de joueur et d’entraîneur ?
En jeunes, je suis souvent monté. Mes premières années seniors aussi, en Ligue, j’ai fait trois montées consécutives, et quand j’étais entraîneur tout en jouant, il y a eu des accessions aussi, par exemple avec les féminines de Saint-Maur… Donc, en ajoutant à tout ça les montées en pro avec Créteil, le Red-Star et Reims, ça doit bien faire une quinzaine !

La plus belle ?
La montée en Ligue 1 avec Reims en 2018. Je suis capitaine, je fais en sorte que tout aille bien toute la saison. C’est l’apothéose de ma carrière.

Meilleur souvenir de joueur ?
Avoir joué au Bernabeu avec Reims.

Un regret ?
La saison à Nancy (2018-19). C’est la plus compliquée. Mais pas forcément à cause du club, à cause de moi aussi.

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
J’en vois deux. La saison dernière avec les U18 de Concarneau : c’était vraiment extraordinaire avec la montée en U19 Nationaux et la Coupe de Bretagne. Mais Il y a aussi une saison avec les féminines de Saint-Maur. On monte de D2 en D1 avec 22 victoires sur 22 matchs ! La saison parfaite, comme l’année dernière en fait, il y a match entre les deux.

Le pire souvenir d’entraîneur ?
Avec les U19 aux Lusitanos de Saint-Maur où on finit par descendre alors qu’en début de saison on jouait la montée. C’est le point noir.

Le plus beau stade ?
Bernabeu avec Reims contre le Real (défaite 5-3) en 2016 (16 août). C’était l’anniversaire de la finale de la Coupe d’Europe (rencontre de gala dans le cadre du 60e anniversaire de la première finale de la Coupe d’Europe des clubs champions qui avait opposé les deux clubs au Parc des Princes).

Le meilleur entraîneur ?
Il y en a plusieurs. Jean-Luc Vasseur (Créteil), Rui Almeida (Red-Star), David Guion (Reims)… Mais au-delà des coachs, il y a aussi des staffs, Stéphane Dumont, le coach de Guingamp aujourd’hui, mais l’adjoint de David Guion à Reims à l’époque, et en préparateur athlétique Laurent Bessiere qui est à Nice maintenant, pour moi c’était le staff extraordinaire. Au Red-Star, il y a eu aussi Rui Almeida, c’était magnifique également, une autre méthodologie, en adjoint Manu Pires qui est aujourd’hui aussi à Nice, et Faouzi Amzal, l’entraîneur des gardiens, c’est mon ami. J’ai eu beaucoup de belles rencontres dans ma carrière de joueur.

Le pire entraîneur ?
Pas le pire mais celui avec lequel j’ai eu la situation la plus délicate car il m’a mis de côté, c’est Alain Perrin à Nancy (2018-19). Mais je reconnais entièrement ses qualités d’entraîneur. Quand il prend l’équipe, on est limite condamné à descendre et au final on se maintient en Ligue 2.

Photo Christian Rose Cornouaille Photo

Le meilleur président ?
Là-aussi il y en a beaucoup. Mais Jean-Pierre Caillot, à Reims, c’est différent.

La meilleure causerie d’entraîneur ?
David Guion à Reims, il avait des super causeries. Et Jean-Luc Vasseur aussi, à Créteil, c’était très costaud.

Et une causerie où les joueurs n’ont rien compris ?
Rui Almeida, au Red Star (2015-16), à cause de la barrière de la langue. Pour beaucoup de joueurs c’était très peu compréhensible. Mais pour moi non, je suis capverdien donc le portugais je comprends aussi. Donc j’étais son relais.

Le partenaire qui t’a le plus impressionné ?
Je ne peux pas. Il y en a trop… Edouard Mendy avant qu’il n’aille à Rennes et à Chelsea, mais nous à Reims on avait déjà décelé que c’était un top gardien, Diego Rigonato, un génie ce joueur, pareil à Reims, Jean-Michel Lesage à Créteil, très très fort aussi, Hamari Traoré, à Reims et après à Rennes, et Marvin Martin, ah oui, c’était Marvin Martin le plus fort, à Reims!

Et L’adversaire ?
Kroos. Toni Kroos. C’est le meilleur joueur que j’ai rencontré. Pourtant, je ne suis pas du tout supporter du Real, mais c’est le meilleur, c’est impressionnant. Et là tu dis qu’on ne fait pas du tout le même sport.

Une anecdote qui n’est jamais sortie du vestiaire ?
Quand je suis à Reims, Marvin Martin signe chez nous. Et un matin, t’arrives dans les vestiaires, et dans tous les casiers des joueurs et du staff, il y a le nouveau jeu FIFA de l’année. Avant même qu’il ne sorte. 80 balles le jeu. C’était Marvin. Et là tu te rends compte de la personne que c’est. C’est fort. Et tu vois, ça c’est une anecdote qui reste dans le vestiaire, mais pour moi c’est plus qu’une anecdote de vestiaire, c’est une anecdote humaine.

La meilleure ambiance d’après-match ?
J’adore faire la fête. Pour les joueurs, après les matchs, c’est impossible de dormir, donc les années où ça se passe super bien, ou t’as que des victoires, forcément tu sors. Et moi ce que j’adorais c’est qu’on se retrouve à 15 ou 20 joueurs et c’est ça aussi qui a fait notre cohésion durant les belles saisons. Et au-delà du foot, ça devient une aventure humaine. Partout où j’ai été, j’ai toujours voulu que ça se passe comme ça.

Texte : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos / Contact : dvergos@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : Christian Rose Cornouaille Photo

Photos : Christian Rose Cornouaille Photo, Denis Vergos (sauf mentions spéciales)

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Son parcours de joueur, sa vision du métier d’entraîneur, sa philosophie de jeu, sa méthode, son image : le coach du Stade Lavallois (51 ans), passé aussi par Créteil, Orléans, Boulogne et Moissy, se livrent longuement et à coeur ouvert.

Olivier, revenons quelques semaines en arrière, le soir du 2 juin précisément, avec ce maintien fou en Ligue 2 acquis avec Laval, à la toute dernière seconde ! Racontez-nous !

Photo Philippe Le Brech

Emotionnellement, ça a certainement été la plus grosse joie de toute ma carrière, finalement. Parce qu’à 15 secondes près, on était en National, et ce but salvateur dans les derniers instants à Amiens nous permet d’atteindre l’objectif. L’histoire est belle, car à titre personnel, les cinq derniers joueurs qui touchent le ballon sur le but sont les cinq entrants, et sans dire qu’on avait travaillé tout ça, bien évidemment, dans le coaching j’avais pris Djibril Diaw sur le banc à la place d’un attaquant, en lui expliquant que si dans les dix dernières minutes on devait absolument gagner, qu’il devrait jouer attaquant avec ses qualités dans le jeu aérien.

Cela a été une émotion incroyable. Trois semaines avant, j’ai perdu mon père, dans la nuit qui a suivi la victoire contre Saint-Etienne. Donc j’ai vécu, sur le mois de mai, des moments durs et intenses. Mais voilà, on a gagné quatre de nos cinq derniers matches, dont la victoire à Amiens qui était la première victoire à l’extérieur depuis longtemps. Il y a eu plein de symboles forts pour moi. Je me souviens, quand on est entré dans le temps additionnel, avoir regardé le ciel et avoir demandé, « Papa, si tu es là, c’est le moment de m’aider ». Voilà. C’est pour vous dire le contexte, le côté psychologique de ce match-là, qui a été une explosion d’émotions incroyable.

« Avec nous, ce n’était jamais tiède. Toujours chaud ou froid. »

C’est arrivé également après une saison avec des périodes de hauts et de bas. La conclusion spéciale d’une année déjà particulière, on imagine ?

Photo Philippe Le Brech

Tout à fait. C’était la première fois où il y avait quatre descentes en National. Il a fallu atteindre les 46 points, ce qui je pense est un record. La saison d’avant, Bastia, avec 46 unités, est 12e. On a remporté 14 rencontres, ce qui est plus que Grenoble je crois par exemple, qui a terminé dans les dix premiers (en fait, Grenoble, 10e, a également remporté 14 matchs, Ndlr). Avec nous, ce n’était jamais tiède. Toujours chaud ou froid. On n’a fait que quatre matches nuls, on a eu la 8e attaque et la 2e ou 3e plus mauvaise défense.

Mais en fait, pour comprendre tout ça, on est aussi montés en L2 avec ces caractéristiques. On avait gagné 20 matches sur les 34 de National, mais on était la même équipe, spectaculaire, avec peu de nuls (20 victoires, 7 nuls et 7 défaites, Ndlr). C’est d’ailleurs pour ça qu’il y a eu le retour massif des supporters au stade, je pense. La saison dernière, en L2, c’était une équipe encore capable de tout, spectaculaire, un peu imprévisible, capable de battre Caen 4-0, capable de battre Valenciennes en étant à 9 pendant une heure, mais également d’encaisser 3 buts à Grenoble en 10 minutes. Une année comme ça, quand vous alternez le chaud et le froid, c’est difficile émotionnellement, vous ne savez jamais ce qui va se passer. On a terminé très fort, comme en National, ce qui montre que le travail psychologique effectué au club depuis deux saisons porte ses fruits. Il fallait aussi, dans cette dernière ligne droite, et après une série de sept défaites consécutives par un but d’écart, ne pas lâcher, rester focus, y croire.

Sur les dernières rencontres, on bat Bastia, Sochaux, Saint-Etienne, Amiens. Quand on a vu notre calendrier après la défaite à Rodez, Bordeaux ou Guingamp en déplacement… Je pense que peu de monde misait une pièce sur Laval. Cela a été une fin de saison pleine de surprises. Dans les confrontations directes, on n’avait pas de réussite, mais on a eu cette force de ne jamais lâcher, d’y croire jusqu’à la dernière seconde. Encore une fois, il y a une part de réussite, mais on est vraiment allé la chercher.

Actuellement, le début d’exercice est bon, alors que vous avez perdu des éléments importants cet été (Maggiotti, Elisor)…

On reste sur la dynamique de notre fin de saison en gagnant à domicile. Je crois qu’on en est à six victoires de suite à la maison. On a eu 12 départs, 8 recrues, un groupe fortement remanié. Contre Rodez, il y avait dix recrues dans le onze de départ. A part Pau, pas d’autre équipe en L2 est modifiée à ce point. C’est courant en National, mais pas en L1 ou en L2.

Pour nous, ça a aussi été des choix, des choses qu’on a subies, comme le départ de Julien (Maggiotti), de Simon (Elisor), ou encore de Dembo Sylla à Lorient. On n’a pas pu les conserver. Si on rajoute les blessures importantes de Jordan Adéoti, d’Antonin Bobichon, acteurs importants du maintien, bon, avec tout ça, arriver à avoir 6 points sur les trois premiers matches, en ayant joué Rodez, Angers et Troyes, c’est un bon début.

« Je me dirigeais plutôt vers une carrière de formateur »

Remontons dans le temps : quel est votre regard global sur votre carrière d’entraîneur ? Quelle est votre méthode ?

Photo Philippe Le Brech

Ma carrière de coach a commencé en 2004, donc ça va faire 20 ans l’année prochaine ! Au tout départ, mes premières aspirations étaient plus sur le côté formateur. J’ai fait mes armes à Créteil avec la réserve et en étant responsable technique de l’association. J’étais plus parti pour avoir une carrière de formateur. L’idée était de redonner, de former, d’apprendre, de transmettre. Et puis les événements ont fait que je me suis retrouvé avec les pros à Créteil… Quand on est compétiteur, qu’on a été joueur professionnel et qu’on aime ça, qu’on a l’opportunité d’y rester, on s’y accroche et c’est comme ça que, de fil en aiguille, je suis devenu numéro 1, d’abord à Créteil.

Ma philosophie, elle a aussi beaucoup évolué. Car je pense c’est un métier où on apprend chaque saison; c’est en cela qu’il est intéressant. J’ai un projet de jeu que je présente aux joueurs chaque saison, ce n’est jamais le même, il est toujours revu au goût du jour et revisité. Parce que le football évolue, qu’il y a des tendances qui se dégagent. Après, j’essaie la plupart du temps d’être pragmatique. Je ne suis pas un entraîneur qui n’a qu’une philosophie et va faire en sorte que cela soit uniquement celle-là qui prédomine, même si ça me convient et qu’il n’y a pas les joueurs pour. Je ne suis pas comme ça. Quand on arrive dans un club, il y a une histoire, des caractéristiques sociétales et géographiques. On n’entraîne pas en Corse comme on entraîne à l’Ouest ou dans le Sud. Il faut aussi coller, quand on arrive, à l’histoire d’un club. Je trouve que c’est intéressant de ressentir quelle est l’attente, du public, de l’environnement, par rapport à ce que vous allez faire, à votre production. Pour moi ce sont des éléments importants.

Et puis vous arrivez, vous héritez d’un effectif. Quand j’arrive dans un club, la première des choses, c’est d’utiliser les forces. En fonction des forces en présence, mon premier travail est de les utiliser, puis de bonifier l’effectif dans le temps. J’ai la chance de rester, par rapport à ce métier, longtemps dans les clubs, ce qui est aussi certainement une particularité. Ce n’était pas prémédité au départ, là encore, car quand j’ai débuté, on m’a surnommé « le pompier ». A Créteil j’avais fait un intérim en Ligue 2, ma première expérience c’était pour sauver la réserve du club; en CFA à Sénart-Moissy, c’était pour sauver le club, donc j’avais cette étiquette. Au fur et à mesure, j’ai trouvé plus de sens dans des projets où il fallait construire plus de choses. En National, j’ai obtenu trois montées en Ligue 2, ce qui m’a mis une autre étiquette. Une bonne étiquette, je ne vais pas m’en plaindre.

« A titre personnel, le maintien de Laval était important »

Le maintien de l’an passé s’inscrit dans cette ascension…

Photo Philippe Le Brech

J’ai envie de montrer que ce n’est pas parce qu’on est capable de faire des montées de National en L2 qu’on n’est pas capable d’être un bon entraîneur en Ligue 2, voire au-dessus; ça paraît logique quand on le dit, mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. A titre personnel, le maintien était important pour moi  : ça permet d’entraîner, d’accumuler les saisons en L2. J’ai fêté mon 100e match à ce niveau à Troyes cette saison.

Pour finir sur la philosophie de jeu, on joue à trois derrière à Laval depuis trois ans, les animations peuvent varier, mais un peu sur le modèle, une inspiration de ce qui se fait à Lens avec Franck Haise, même si on en est très loin et que je ne me permettrais pas de mettre ce qu’on fait en comparaison. J’ai joué avec lui à Beauvais en D2, et si vous me demandez en tant qu’entraîneur quelle équipe me séduit le plus en France, je dirais Lens. Il y a trois ans je suis parti sur cette animation, sans savoir qu’ils allaient jouer comme ça, c’était au moment du Covid. On essaie de faire évoluer cette animation, la faire progresser, la rendre compétitive.

Il y a quelque chose chez vous qui tient de l’adaptation : vous êtes resté assez longtemps dans vos équipes, et loin de votre région natale du Sud (il est né à Hyères dans le Var)…

Après, j’ai fait aussi, je ne dirais pas une croix, mais j’ai également compris que dans ce métier, vous ne pouvez pas non plus avoir d’exigence géographique, ou alors vous mettez un terme à vos ambitions professionnelles. Moi, ce qui peut expliquer, je pense, la durée dans les clubs, ce sont les rencontres avec les gens qui m’ont approché, tout simplement. Car j’ai aussi refusé des clubs. C’est plus à un moment donné le feeling, ce qui j’arrive à percevoir de l’environnement, du club. Est-ce que dans cet environnement-là, je vais pouvoir être performant ? Epanoui ? Car si je ne suis pas épanoui, je ne serai pas performant. Quand je juge que l’environnement est propice, c’est un premier signe de mon engagement. J’ai eu des sollicitations dans le Sud de la France, mais où je pense que l’environnement n’était pas propice.

C’est ce qui peut expliquer aussi le fait que je reste dans les clubs. Les présidents qui m’ont engagé partagent la même vision, les mêmes valeurs, au-delà des périodes de résultats, il y a la reconnaissance que le travail est fait et bien fait, en toute humilité. Pour moi, c’est plus important que l’aspect médiatique ou financier d’un club. L’opportunité, quand je choisis un club, c’est de se dire : est-ce que cet environnement, est-ce que les personnes avec qui tu vas travailler, ça va matcher, quand ça ira mal aussi. Quand j’ai pesé tout ça, je donne mon accord ou non. Laval, pour l’instant, c’est une réussite, et j’espère que ça durera, car j’en suis très content.

« L’architecture n’a pas voulu de moi, alors je me suis dirigé vers le foot ! »

Votre carrière de joueur, elle aussi, est riche : quel est votre regard dessus ?

Photo Philippe Le Brech

Finalement, je pense qu’il y a des similitudes entre ma carrière de joueur et d’entraîneur… Jeune, j’ai démarré à Toulouse, dans un club formateur. Si on remonte au départ, à 17 ans, j’ai eu l’embarras du choix. A l’époque, je jouais à Aix-en-Provence, et je pouvais signer à l’Olympique de Marseille. Le directeur du centre de formation de l’OM, Gérard Gili, était venu voir mon père pour lui expliquer qu’il voulait me recruter. Il y avait plusieurs clubs, Nice, Sochaux, Toulon et quelques autres. Mais j’ai choisi Toulouse car c’était un club formateur. J’ai passé une semaine là-bas, rencontré le formateur. En 1988, il y avait une personne qui gérait le centre et gérait tout. C’était Serge Delmas, qui a été une rencontre, un formateur reconnu, quelqu’un de dur aussi. Après cette semaine, je me suis dit que je pouvais réussir dans cet environnement, dans ce club. A Marseille, je pensais que ça pouvait être plus difficile. J’avais la chance à Toulouse de pouvoir poursuivre mes études, mon bac, le tronc commun, un BTS. Tout était réuni pour que je sois épanoui.

Le regret que j’ai dans ma carrière, c’est de ne pas avoir pu jouer un peu plus en Ligue 1. J’ai joué 50 matches en Ligue 1, j’ai eu la joie de connaître 3 sélections en équipe de France Espoirs avec des futurs champions du monde, Zidane, Dugarry, Thuram et autres. Ma seule déception, c’est quand Toulouse est descendu en deuxième division, ça m’a aussi amené à jouer en D2. Après, comme je n’attendais pas d’être en fin de contrat pour prolonger dans les clubs, je ne voulais pas rater de préparations. J’ai toujours privilégié l’intérêt sportif plus que financier, en voulant être présent dès le début de la prépa. C’est pour ça que dans mon métier, j’essaie au maximum d’avoir mon équipe au premier jour, même si je sais que ce n’est pas possible. Je trouve que c’est une étape importante dans l’adaptation, l’assimilation. A mon époque, j’aurais pu, parfois, prendre le temps d’attendre, de refuser, quitte à me retrouver au chômage un temps, mais je n’ai jamais voulu faire ces choix-là. C’est pour ça que je suis resté dans mes clubs assez longtemps.

Il y a un paradoxe dans votre profil, ou presque : vous avez voulu finir vos études en tout début de carrière, et en même temps, France Football vous présentait comme l’héritier du libéro Maxime Bossis. Vous auriez pu ne pas être pro, comme être capitaine de l’équipe de France !

Photo Philippe Le Brech

Capitaine, peut-être pas ! Mais c’est vrai. Il y a deux choses importantes ; moi, au départ, je voulais être architecte. A 16 ans, j’avais deux passions, le dessin et l’architecture, et le football. J’ai présenté une candidature pour intégrer l’école d’architecture de Marseille. Le dossier avait été rejeté et ça m’avait fortement vexé. L’architecture ne voulait pas de moi. A 16 ans – maintenant ça me paraît stupide comme réflexion -, mais à 16 ans, j’avais dit « puisque c’est comme ça, je vais faire carrière dans le football et m’investir là-dedans. » La seconde chose, c’est qu’à Toulouse, quand j’ai commencé à jouer, à l’époque, on évoluait avec un libéro, décroché derrière la défense. En première division, j’étais le seul jeune joueur à jouer comme ça, dans ce registre. Généralement, c’étaient des joueurs d’expérience, Laurent Blanc, Maxime Bossis… Il fallait une certaine intelligence, une grande maîtrise, du calme, du caractère. On était vraiment le dernier défenseur, plus bas que les autres; ça m’a permis d’avoir ces sélections en Espoirs. Mais il y a eu un changement tactique avec le passage en zone, on n’était plus sur du marquage individuel, et peut-être que ça ne correspondait moins à mes qualités au haut niveau. Maintenant, je pense que si Toulouse était resté en Ligue 1, j’aurais joué plus de matches en L1. J’avais eu quelques contacts à mes débuts avec des équipes comme Monaco, mais voilà, c’était un autre football, une autre époque, il n’y avait pas les transferts comme maintenant. Donc voilà, pour les études c’était ce côté-là, et pour la carrière, je pense que c’est l’évolution du jeu qui a fait que, finalement, j’ai plus joué en deuxième division, et j’en suis fier.

Entraîneur-joueur en réserve à Créteil

Il y a un peu un côté architecte chez un entraîneur : comment s’est faite la bascule définitive vers le métier de coach, quelques années plus tard ?

Photo Philippe Le Brech

Je pense qu’un entraîneur, c’est aussi un architecte, qui monte une équipe – on parle de fondations, effectivement -, il y a des figures géométriques, voilà. Il y a des similitudes. Alors il faudrait beaucoup de temps pour les expliquer, mais je pense qu’effectivement, il y a certainement un peu de ça. Comment j’ai basculé ? C’est très simple. En 2003, je suis en Ligue 2 à Créteil, je suis plutôt en fin de carrière, j’ai eu la chance de ne quasiment être blessé, de jouer beaucoup, et puis je commence à avoir des douleurs articulaires, au genou, à la hanche, et à être moins compétitif. Le football est en train d’évoluer, ça va un peu plus vite, j’ai un peu plus de mal, je le sens au fond de moi. Je m’étais toujours dit que j’arrêterais ma carrière en Ligue 2 au minimum. Jouer en National, N2, N3, jusqu’à 40 ans, ça ne m’intéressait pas.

Comme je n’étais pas titulaire le week-end, pour garder la forme j’allais souvent jouer en réserve, et puis toute ma carrière j’ai passé des formations, des diplômes d’entraîneurs, pour m’occuper. Mais, sincèrement, plus car ce sont des formations accessibles avec l’UNFP. Quand vous êtes joueur, vous avez des facilités, donc j’ai passé pas mal de diplômes pour ma curiosité, à titre personnel, en me disant « on ne sait jamais, ça pourra toujours servir ». Arrive la trêve, j’ai un entretien avec l’entraîneur du club Jean-Michel Cavalli, qui me dit « Olivier, il te reste 6 mois, on ne compte plus sur toi sportivement, par contre on pense que tu as la fibre pour entraîner. Tu as passé tes diplômes, on te propose un challenge : si tu sauves l’équipe réserve, si tu les maintiens, on te fera un contrat d’entraîneur derrière et un poste de directeur technique de l’association. »

J’ai pris une semaine de réflexion, et j’ai dit « allez, je tente le coup. » Je donne mon accord, et ce qui est marrant dans l’histoire, c’est que quand il a fallu être concret, s’organiser, avoir un staff, Jean-Michel Cavalli m’a dit « mais pourquoi tu ne joues pas ? L’objectif c’est de te maintenir, la meilleure recrue c’est toi » Et donc, pour ma première expérience, j’étais entraîneur-joueur. Je me souviens être passé sur RMC un soir avec Jean-Michel Larqué, sur Larqué Foot, pour parler de ça. Ils disaient que ça paraissait insensé comme challenge, car à l’époque, c’était rare de voir un joueur encore en activité en L2 devenir entraîneur de la N3. D’ailleurs en Ligue 2, je ne sais pas si ça s’est déjà vu.

Le début d’une aventure, finalement…

La difficulté pour moi était de jouer et d’entraîner. Une fois que j’avais intégré ça, je jouais en défense, et ça me permettait de coacher pendant les matches. Ma priorité a été de dire qu’il fallait que je m’entraîne pour être crédible. Donc je m’entraînais avec les pros le matin, et je coachais le soir. Je ne voulais pas m’entraîner avec l’équipe que j’entraînais; ça a été six mois éprouvants physiquement, car je m’entraînais tous les matins avec les pros, je dirigeais quatre entraînements par soir en semaine, et le dimanche, j’allais jouer avec mon équipe.

Et au bout de deux mois, très rapidement, j’ai eu envie d’arrêter de jouer. Je me suis dit, « bon bah, ça te plaît ». Je ne savais pas où j’allais, et je me suis rendu compte que je ne voulais plus jouer, mais que je voulais entraîner. On s’est maintenu en étant 2es sur mes six mois, et comme promis, je suis devenu coach de la réserve, et directeur technique de l’association.

« Quelque part, ça a toujours été une vocation »

… Et une fin très spéciale de carrière joueur. Comment se sont passés ces six mois ?

Photo Philippe Le Brech

Ce fut une forme de frustration. Mon dernier match de joueur, je l’ai fait dans la totale indifférence, sur un match de National 3. On ne jouait même pas à Créteil, à cause d’un problème de pelouse, on a joué au Stade d’Ormesson devant 150 personnes. Je n’ai même pas pu le faire à Duvauchelle, devant mon public. J’ai raccroché les crampons dans une indifférence totale. Avec cependant le sentiment du devoir accompli, car on avait maintenu la réserve.

Et 20 ans plus tard, après ces 150 personnes, vous obtenez un maintien fou comme coach avec Laval. La boucle est bouclée ! Pour conclure, quel est votre regard sur votre carrière au sens large ?

Sportivement, c’est une carrière riche. Et j’espère qu’elle va durer encore longtemps. Maintenant, je vais avoir 52 ans (le 27 septembre), donc on a forcément du recul, on peut analyser un petit peu, et je me rends compte que très jeune, quand on jouait au foot avec mes frères au quartier à Vitrolles, j’étais déjà celui qui organisait les équipes (rires). J’avais des cahiers d’entraînements, pendant les vacances, je faisais des programmes d’entraînements pour l’équipe du quartier. Je me  souviens qu’il fallait que tout le monde soit habillé pareil, j’étais déjà rigoureux ! J’ai retrouvé certains de ces cahiers d’ailleurs. Et je pense que quelque part ça a toujours été une vocation.

En mai 2022, après le match de la montée en Ligue 2 du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Après, dans la vie, ce sont des opportunités. Car très sincèrement, un an avant d’arrêter de jouer, je ne savais pas ce que j’allais faire, je m’interrogeais sur mon après-football. Je n’avais pas forcément envie de devenir coach professionnel. Car pour être honnête, je voyais mes entraîneurs souffrir, qui se décomposaient, qui fumaient beaucoup sur le banc, qui étaient marqués après les défaites, et je trouvais que c’était un métier difficile. Nous joueurs, on avait la possibilité de travailler sur nos corps, alors que coach, ce n’est que du mental. Ce côté-là ne m’attirait pas trop, j’étais plus parti sur la formation. Mais voilà, les choses n’arrivent jamais par hasard. Si j’ai passé mon BEPF, si j’ai eu cette volonté, si je m’en suis donné les moyens, c’est parce que j’aime la compétition, l’envie de progresser, c’est important pour moi, c’est mon moteur, ce qui me fait avancer.

Sous le maillot du Toulouse FC. Photo DR

Quand on a une réussite collective comme coach, ou qu’on a des joueurs comme Dembo Sylla, qui sort de la N3 et signe en Ligue 1, Simon Elisor, qu’on relance et qui signe à Metz en L1… J’ai eu la chance d’avoir Nicolas Pépé à ses débuts à Orléans, Emiliano Sala totalement méconnu et qui a lancé sa carrière, un garçon comme Medhi Boudjemaa qui fait une belle carrière à l’international alors qu’il ne jouait pas à Guingamp, eh bien on a aussi cette fierté de se dire qu’on aura compté pour des jeunes joueurs, d’avoir été importants dans leur parcours. Je vous dis ça parce que j’ai appris la disparition d’un de mes entraîneurs en jeunes à Aix-en-Provence, qui est décédé, et j’ai eu son fils qui m’a dit « C’est marrant parce qu’on ne se connaît pas, mais mon père disait que tu étais une de ses plus grandes fiertés, de voir ton parcours. »

Et je me dis que, maintenant, je suis de l’autre côté, et certainement que ça donne du sens à tout ce qu’on peut faire. Donner de la joie aux supporters quand on réalise des performances, qu’on gagne des matches, des derbys… Quand on obtient un maintien comme ça à la dernière seconde l’an passé, avec des milliers de supporters de Laval qui ont vécu des émotions dont ils se rappelleront pendant des années, qu’ils raconteront à leurs enfants, petit-enfants, qui diront « j’étais là ce jour-là avec mon père », eh bien quand on se rend compte de tout ça, ça donne du sens à ce métier difficile et qui le devient de plus en plus. Mais il y a des gens pour qui on a compté, et ça c’est important.

Olivier Frapolli, du tac au tac

En mai 2022, après le match de la montée en Ligue 2 du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Votre meilleur souvenir de joueur ?
Mon premier match en professionnel : en L1 contre le PSG au Parc des Princes.

Votre pire souvenir de joueur ?
Ma blessure à Nîmes en L1 au pneumothorax.

Le coéquipier le plus fort côtoyé ?
Zinedine Zidane avec l’équipe de France espoirs.

L’adversaire le plus fort affronté ?
Georges Weah.

Un président marquant ?
« Papy » Delsol, le président emblématique du TFC.

Un match en état de grâce ?
Un Créteil-Toulouse en Ligue 2 : j’avais marqué le but de la victoire.

Sous le maillot du Toulouse FC, en D1, à Monaco. Photo DR

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Vincent Candela : pas vu depuis nos années TFC.

Un stade mythique ?
Le Stade Vélodrome, la saison où l’OM gagne la Ligue des champions : ambiance magique.

Un coach marquant ?
Daniel Zorzetto à Beauvais.

Une anecdote de vestiaire ?
Une victoire lors de la dernière journée de championnat avec Toulouse, contre l’OM, qui venait de remporter la Ligue des champions. Ils étaient venus à Toulouse avec le trophée pour nous faire partager ce grand moment ! Les deux équipes s’étaient retrouvées après le match dans une discothèque de Toulouse. La soirée avait été très « chaude » …. Je n’en dirai pas plus !

Avec les Espoirs ! Vignette Onze Mondial

Meilleur souvenir de coach ?
Le maintien en Ligue 2 la saison dernière lors de la dernière journée à Amiens.

Pire souvenir de coach ?
Le match à Bordeaux, le 20 mai 2022, seulement quelques jours après le décès de mon père.

Le joueur entraîné qui vous a le plus impressionné ?
Nicolas Pépé, à Orléans en National, saison 2015/2016.

Un match où tout a roulé pour vous ?
La victoire contre Valenciennes à 9 contre 11 la saison dernière. Un match héroïque avec un coaching « parfait ».

Votre style de jeu ?
J’essaie toujours de conjuguer émotions et résultats : j’aime la verticalité, l’intensité et le football engagé.

Un modèle de coach ?
Roberto De Zerbi (l’entraîneur de Brighton, en Premier League).

Un collègue que vous appréciez dans le milieu ?
Dans la division, j’ai une affection particulière pour Laurent Guyot et Didier Santini.

Des hobbies en dehors du foot ?
Le sport (running, vélo) et le cinéma.

Ligue 2 BKT (5e journée) / Samedi 2 septembre 2023 : Stade Lavallois (6e / 6 points) – SM Caen (1er / 12 points), à 19 heures, au stade Francis-Le Basser.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos : Philippe Le Brech

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