L’entraîneur basque (il est né à Bayonne) mais béarnais d’adoption (il a grandi à Pau) s’est exilé loin de chez lui, à Fleury, en N2 : sans doute le passage obligé pour, peut-être, regoûter au monde pro, côtoyé au Cercle de Bruges. Portrait d’un garçon bavard, qui aime « bien faire jouer » ses équipes.

Photo FC Fleury 91

Le 21 juin n’est pas seulement le jour de la fête de la musique. C’est aussi le premier jour de l’été. Et pour David Vignes, l’entraîneur du FC Fleury 91 (National 2) – il a été nommé le 7 juin dernier en remplacement de Habib Boumezoued – c’est deux dates inoubliables. La première, le 1/4 de finale France-Brésil en coupe du Monde (21 juin 1986) au Mexique, l’un des matchs « historiques », selon lui. La seconde, plus évidente, celle du jour … de son anniversaire : « Je suis né le 21 juin 1973 à Bayonne, donc je suis Basque, mais aussi Béarnais et Palois d’adoption, car j’ai habité à Pau vers l’âge de 5 ans ! »

Les dates, les années, voilà quelque chose dont il se souvient bien. Les matchs aussi : sa mémoire est aussi impressionnante que… son débit de parole ! Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences. Car David Vignes, s’il paraît réservé de prime abord, est un très grand bavard. Au point qu’il faille parfois le freiner ! Au point qu’il a dû aussi s’adapter à son époque et couper ses causeries en deux, une la veille du match, une le jour même !

« C’est vrai que j’aime bien échanger, lance celui qui a entraîné dès l’âge de 18 ans, « des poussins D »,  aux Bleuets de Notre-Dame à Pau, le club de patronage qui a aussi donné naissance au FC Pau en 1959 (devenu le Pau FC). « Quand on me rencontre la première fois, je ne suis pas très causant, mais après, il vaut mieux m’arrêter ! Quant à mes causeries, c’est vrai qu’elles étaient longues à mes débuts, mais plus aujourd’hui ! »

Photo FC Fleury 91

Pau et David Vignes, c’est un peu une grande histoire d’amour. Tout d’abord, son épouse et ses enfants y sont toujours installés, et il y a gardé ses meilleurs amis. Ensuite, il a signé sa première licence à l’âge de 6 ans aux Bleuets, un club historique : « C’est là que je me suis construit en tant qu’hommes. J’y ai passé 20 ans. Je lui dois beaucoup de choses », raconte cet ancien attaquant de niveau régional. « En fait, j’ai commencé par le début ! Pendant 15 ans, je n’ai entraîné que des jeunes, des 8 ans jusqu’aux 17 ans, c’était très formateur, et, parallèlement à ça, je jouais. Et puis, lors de la saison 2004-05, j’ai rejoint le Pau FC à 31 ans déjà, pour jouer et encadrer la réserve en DH, et aussi pour entraîner les 14 ans Fédéraux. Puis, Marc Levy, le coach de l’équipe de National, m’intègre dans le groupe, ce qui était super-intéressant pour moi. En 2005, j’ai arrêté de jouer. J’ai continué d’entraîner les 14 ans et en 2007, le club me propose de devenir l’adjoint de Jean-Luc Girard, qui avait remplacé Marc Lévy : en octobre, les dirigeants lui retire l’équipe et me nomme à sa place. Le club savait que j’étais un éducateur reconnu dans la région, que j’étais ambitieux, j’avais passé mes diplômes, quelque part, c’était la suite logique. »

Pau FC une première fois, Pau FC une seconde fois, le Cercle de Bruges, Bergerac, Mandel United et enfin Fleury, où il a posé ses valises en juin dernier, pendant près d’une heure, David Vignes a retracé avec précision son parcours, évoqué – un peu – sa philosophie de jeu, et parlé de son nouveau challenge, en National 2.

Interview : « Fleury, un club… unique ! »

Photo FC Fleury 91

Votre meilleur souvenir d’entraîneur à ce jour ?
J’en ai plusieurs ! La montée en National avec Pau en 2016 reste quand même particulière, car elle était attendue depuis quelques années… J’avais échoué en 2009 dans les deux dernières journées et cet échec m’a longtemps hanté. Là, c’était comme si je me guérissais de ça. Surtout qu’il y a eu des choses qui se sont passées entre ces deux moments-là : j’avais perdu mon poste à Pau (limogé en novembre 2010) puis le club m’a rappelé (il avait repris à nouveau l’équipe le 18 novembre 2014, en remplacement de Laurent Strezlzcak, en CFA), ce qui a rendu la chose très émouvante.

J’avais aussi la responsabilité technique du club et quand on est monté en National, la réserve est montée en CFA2 aussi. En plus, on était dans la poule Sud-Est, ce n’était pas simple, mais on avait dominé le championnat, surtout par le jeu, même si on a eu des matchs où on avait abandonné cette idée, je me souviens notamment d’un déplacement à Hyères, où ce jour-là, il a fallu faire preuve du don de soi, on avait gagné 1 à 0.

Après, je ne peux pas passer sous silence deux matchs de coupe de France. L’un avec Pau aux Costières, à Nîmes, qui était en Ligue 2, et nous on était en CFA et on les élimine en jouant, et ça ce fut une satisfaction (le 12 décembre 2009, 1-1, 4-2 aux tirs au but). L’autre avec Bergerac (N2), quand on élimine le Clermont Foot de Pascal Gastien (Ligue 2), en faisant un match extraordinaire, je n’ai pas peur des mots (le 16 novembre 2019, 1 à 0) !

« A Bergerac, ce que l’on faisait sur le terrain était plaisant »

Photo FC Fleury 91

Pire souvenir sportif ?
Tu y étais ! C’était la descente de National en CFA avec Pau, en mai 2008, à la dernière journée, à Cannes. C’était ma première expérience en seniors. J’avais pris l’équipe en cours de saison (le 8 octobre 2007, il avait remplacé l’entraîneur Jean-Luc Girard) alors que la situation était très compliquée. Mais on avait fait une phase retour incroyable (5e sur la phase retour) et on a même fini 2e sur les 16 derniers matchs, dans un championnat National complètement différent de celui d’aujourd’hui. Et puis on s’était donné le droit de jouer le maintien lors de la dernière journée, à Cannes. Malheureusement, Cannes pouvait aussi descendre en cas de défaite contre nous, et on avait perdu 1 à 0. On y croyait tous, alors que beaucoup de gens ne pensaient pas qu’on pouvait se maintenir.

Autre mauvais souvenir, j’en ai parlé juste avant, c’est quand on loupe la montée l’année suivante, en 2009 : on avait été leader pendant 5 mois et on n’a pas vu venir Luzenac, qui avait des matchs en retard, qui les a gagnés et qui nous a doublés. On loupe un penalty à l’avant-dernière journée chez nous contre Anglet (0-1), et à Romorantin, à la dernière journée, on pouvait encore finir 2e en gagnant et monter, puisque cette saison-là, le 2e, Moulins, a été repêché et est monté, mais on a fait 0-0…

En 2016, alors entraîneur du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

En quoi le National a-t-il changé par rapport à vos débuts ?
A cette époque là, en 2007-2008, quand j’ai commencé, il y avait vraiment un championnat à deux vitesses, avec quatre ou cinq grosses équipes, dont on savait en fin de saison qu’elles finiraient devant. On savait qu’il n’y aurait pas de surprises et qui allait monter en Ligue 2. Les équipes avec des petits budgets ne montaient pas à ce moment-là. Alors que depuis une dizaine d’années environ, c’est beaucoup plus homogène et ouvert. D’ailleurs, on ne peut plus parler de surprise quand on voit des clubs comme Avranches, par exemple, qui une année s’est mêlée à la lutte pour l’accession… Quant au niveau, c’est difficile à dire… L’écart à l’époque était plus important entre les équipes, même si cette saison, le Red Star, qui caracole en tête, est un peu une exception, comme l’avait été Créteil il y a 10 ans, mais sinon, ça n’arrive quasiment jamais.

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
Celle de la montée avec Pau en 2015-2016. J’aurais pu dire aussi la saison 2019-2020 en National 2 avec Bergerac, malheureusement, elle n’est pas allée à son terme, à cause de la Covid; ce que l’on faisait sur le terrain, c’était d’un très bon niveau, sincèrement. On était 3e, on avait du retard sur Sète, qui est monté; je ne dis pas que l’on serait monté, mais je suis persuadé que l’on aurait pu se rapprocher d’eux. Ce que l’on faisait sur le terrain était très plaisant.

Un regret ? Une erreur de casting ?
Le regret, c’est à la fin de la saison 2017-2018, alors que Pau vient de se maintenir pour la deuxième année de suite en National, quand le président (Bernard Laporte-Frey) ne me prolonge pas alors qu’il était convenu qu’il le fasse… Et là, je me retrouve sans club au moment des tests de sélection pour l’entrée au BEPF, ce qui pour moi était le Graal, la suite logique pour tout entraîneur visant le professionnalisme, alors que beaucoup de coachs de National ont été pris cette année-là. J’ai été pris pour les tests de sélection mais pas en formation parce que je n’étais pas sous contrat. C’est un grand regret de ne pas avoir pu finir la formation avec, pour certains, des potes avec qui on a crée des liens. Et quand j’ai signé au Cercle de Bruges, en novembre 2018, la session avait déjà été composée.

« J’ai participé à l’évolution du Pau FC »

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

De voir Pau en Ligue 2 aujourd’hui, dans son nouveau stade, cela vous fait quoi ?
Beaucoup de choses. Je suis content pour tout le monde là-bas même si ça ne s’est pas toujours bien passé pour moi, notamment les fins. Quand le club est monté de National en Ligue 2, on sortait de deux maintiens difficiles, notamment lors de la première saison en 2016-2017, à la dernière journée, mais j’étais monté l’année d’avant avec 8 jeunes du club dans l’effectif. Quant au nouveau stade, je me revois en train de dessiner les plans des vestiaires, des bureaux… J’ai participé à l’évolution du club, « grandement » même. Je savais très bien que ce nouveau stade (le Nouste Camp), qu’on attendait avec impatience, allait être la clé pour passer un cap. Parce que jouer au Hameau, dans un stade de 18 000 places, c’était compliqué (il soupire). On a essuyé les plâtres quoi… L’état du terrain… Et puis c’était impersonnel, froid. Je savais aussi que le potentiel public existait à Pau, on l’avait vu en coupe de France lors de certaines épopées dans les années 90. Malheureusement, en 2018, je n’ai pas été prolongé. En 2020, l’année de la Covid, je pense que la saison de National s’est arrêtée quand il le fallait pour eux, car Boulogne revenait très fort et Bourg aussi. Après, derrière, leurs trois maintiens en Ligue 2, ils ne les doivent à personne.

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

Aujourd’hui, quand vous regardez les résultats de la Ligue 2 le samedi soir, vous regardez Pau en premier ?
Je regarde leurs résultats, oui, mais aussi ceux de Rodez, où j’avais un ami qui coachait (Laurent Peyrelade, qu’il a d’ailleurs affronté – et éliminé ! – en coupe de France à Versailles, au 6e tour) et Annecy, où Laurent Guyot entraîne. Vous savez, mon rêve, c’était d’emmener Pau le plus haut possible, en Ligue 2. Aujourd’hui, ils y sont, tant mieux. Il y a encore dans le staff des personnes que j’avais fait venir. Ils vivent une belle aventure. Il y a de l’engouement. Je suis content pour eux, sincèrement.

Un modèle de coach ?
Guardiola, qui représente au très haut niveau toute la vision que je me fais du football, du travail à fournir pour y parvenir. J’ai commencé à entraîner à l’âge de 18 ans, avec des enfants, et ma façon de faire découvrir le foot, c’était par le jeu, la passe, les petits déplacements : alors c’était peut-être trop même pour des enfants de 10 ans, mais comme à cet âge, ce sont des éponges, ils arrivaient à retranscrire ça, c’était formidable ! J’aimais bien le Dynamo Kiev de Lobanovski aussi : quand je regardais cette équipe jouer, je me disais « c’est ça le foot ! » Je m’inspire de ce que fait Pep Guardiola, j’aime bien Carlo Ancelotti dans son management, dans le rapport qu’il arrive à instaurer avec les joueurs.

« Je veux faire réfléchir mes joueurs »

En 2016, sur le banc du Pau FC, lors de l’accession en National. Photo Philippe Le Brech.

C’est quoi la patte David Vignes ?
Sur le jeu, je suis en recherche de possession, je veux poser des problèmes à l’adversaire, je veux faire réfléchir mes joueurs; par exemple, quel est l’espace qui serait le plus adapté pour sortir le ballon ou inquiéter le bloc adverse, pour le déstabiliser… Sans prétention, j’aime bien développer l’intelligence de jeu… La passe, ça peut être une solution. J’aime que mes joueurs soient acteurs et décideurs sur le terrain.

Le président qui vous a marqué ?
Je n’en ai pas connu beaucoup. A Bergerac, j’ai bien aimé Christophe Fauvel, dans sa façon de voir les choses, de construire son projet. J’avais une très belle relation avec lui mais je dois dire, et ce n’est pas parce que j’y suis aujourd’hui, que je suis admiratif de ce que Pascal Bovis a fait ici, à Fleury. Il a pris le club en District et il l’a emmené aux portes du professionnalisme. Le FC Fleury 91 est devenu une grosse machine, qui a gardé des valeurs familiales. J’avais beaucoup entendu parler de Mr Bovis avant de venir. J’aime ces gens qui bâtissent, qui construisent, qui ont de l’ambition, avec quelques moyens, certes, mais qui ne font pas n’importe quoi. J’ai beaucoup de respect pour lui et j’aime le binôme que nous formons, notre façon de collaborer, c’est plaisant.

Vous dîtes cela parce que vous venez d’arriver…
(Rires) Non ! Sans présager de ce qui se passera, ça ne changera rien de ce que je pense de lui.

Photo FC Fleury 91

Vous avez évoqué Pascal Bovis : en mai dernier, votre président avait semblé ici-même, dans ces colonnes, ne pas faire de l’accession en National une fixette, alors même que son équipe était leader à 3 journées de la fin. Il avait même dit que ce ne serait pas une déception si Fleury ne montait pas. Paradoxal, non, pour un président ambitieux ?
J’ai eu le même échange avec lui. Il m’avait tenu ces propos, qui m’avaient surpris. En fait, je pense qu’il avait très peur des six descentes de National en N2, du coup, je me demande si il ne souhaitait pas rester en N2 pour ne pas faire l’ascenseur. Mais il est très ambitieux. Il veut vraiment atteindre ce niveau-là, au minimum. Ce n’est pas un président interventionniste. Il est passionné de football même s’il n’est pas issu de ce monde-là. Il donne son avis, il s’intéresse, il a des notions tactiques, mais il n’interfère pas dans mes choix.

« A Fleury, il y a une dynamique à relancer »

A-t-il fixé une feuille de route ?
Le projet, c’est de monter en National dans les deux ans. Sur les deux dernières saisons, Fleury a fini 2e et 1er ex-aequo… Peut-être qu’il pensait que les résultats suivraient automatiquement cette saison, mais ce n’est pas le cas; il y a une dynamique à relancer. Je pense qu’il en a pris conscience.

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

C’est pour cela que l’on ne parle pas forcément de monter aujourd’hui. Il n’y a pas d’impératif, même s’il faut que l’on soit dans le haut de tableau. De toute façon, il faut déjà prendre de la marge sur les 5 dernières places, parce que je pense que beaucoup d’équipes seront encore concernées par le maintien à trois ou deux journées de la fin, donc attention. Le championnat de N2 est encore plus difficile, avec deux équipes de moins et toujours 5 descentes : c’est beaucoup plus dense et très resserré. Je découvre cette poule, qui est peut-être un peut-être un peu moins « joueuse », c’est plus un football de transition sur ce que j’ai vu, mais je n’ai affronté que six équipes (l’entretien a été réalisé avant le succès face à Créteil 2-1), et en plus, sur les six équipes, on a joué Bourg qui n’est pas du tout dans ce football-là.

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

Vous avez aussi évoqué Christophe Fauvel, de Bergerac : avez-vous suivi l’actu là-bas (L’idée de fusion entre Bergerac et Trélissac a été retoquée par la FFF et le président a ensuite annoncé son futur départ) ?
Je voyais cette fusion avec Trélissac d’un bon oeil. Quand j’étais à Bergerac, en plus, les rapports entre les deux présidents (avec Fabrice Faure de Trélissac) étaient plutôt froids et tendus mais bon, ce sont des gens intelligents donc la voie qu’ils avaient commencé à tracer était très bonne. Je savais que le cahier des charges de cette fusion était très lourd. J’ai vu que Mr. Fauvel a annoncé son retrait : pour être honnête, je suis très surpris. Je me demande si ce n’est pas un effet d’annonce de sa part pour faire bouger les choses, même si je sais qu’il en a un peu assez. En tout cas, s’il partait, cela laisserait un grand vide à Bergerac après, déjà, le départ de son fils Paul (qui était directeur du club) au Red Star, et ce ne serait pas une bonne nouvelle pour le club. Sans, eux, les choses ne seraient plus pareilles.

« Le Red Star, un gros regret »

Pourquoi êtes-vous parti de Bergerac ?
On ne s’est pas mis d’abord contractuellement, tout simplement. Le club m’a fait une proposition de contrat qui était un petit peu en dessous de mes exigences, lesquelles n’étaient pas non plus folichonnes. Mais le président Fauvel m’avait dit aussi qu’il y avait une baisse de budget, en raison de la Covid. Et puis, parallèlement à cela, j’avais l’ambition d’entraîner en National, donc j’étais ouvert aux propositions. Si on s’était entendu avec Bergerac et si j’avais eu la certitude de conserver l’effectif, où certains joueurs devaient aussi être prolongés, les choses auraient été différentes, mais c’est surtout l’aspect financier qui a coincé, pas du tout le côté humain. En fait, ça ne collait pas avec mes objectifs et mes ambitions. On s’est séparé en très bons termes. Finalement, les sollicitations que j’ai eues en National n’ont pas abouti et je suis resté à la maison ! Cela faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé.

Photo FC Fleury 91

Et puis, en novembre 2020, est arrivé le projet belge …
Oui, je suis parti en D3 belge, au Royal FC Mandel United, mais juste avant, j’ai été contacté par le Red star, après le départ de Vincent Bordot. Finalement, le club a laissé Habib Beye, qui assurait l’intérim, en place. C’est un gros regret. J’avais eu un très bon contact avec le président Patrice Haddad. Et j’ai eu cette proposition en Belgique, dans un club qui appartenait au groupe « Strive FC », propriétaire d’Evian Thonon : la Nationale 1 belge (D3), ce n’était pas forcément ce que j’avais coché comme case, mais je trouvais intéressant de rejoindre un grand groupe comme ça. Et me voilà donc à Mandel United ! Mais ça a été compliqué. Il y avait un fossé abyssal entre l’ambition du propriétaire et le niveau de l’équipe. Le club était dernier quand je suis arrivé. Ma mission était de se maintenir pour jouer l’accession l’année suivante en D2. Finalement, on a quand même réussi à se maintenir aux barrages, je me demande même si ce n’est pas ça mon plus gros exploit (rires) ! C’était miraculeux ! Le propriétaire a vu que c’était compliqué de bosser avec les Flamands et a revendu le club. C’était, malgré tout, une belle aventure. Un belle expérience.

Photo FC Fleury 91

Le niveau de la D3 belge ?
Il y a quelques clubs de haut de tableau qui peuvent se maintenir en National chez nous mais le reste, c’est plutôt du National 2 et pas forcément du haut de tableau. Mais on trouve de bons joueurs.

Ce qui est particulier en Belgique, c’est qu’il y a beaucoup de joueurs qui préfèrent, par exemple, jouer en D4, parce qu’ils travaillent et à côté, ils touchent beaucoup d’argent pour jouer au foot, avec des primes de match aux points, élevées, ce qui leur permet de se faire deux ou trois salaires quand ils jouent le haut de tableau. Et il s’entraînent deux ou trois fois par semaine ! Pour eux, le foot ce n’est pas un métier. Ils préfèrent jouer dans ces divisions-là plutôt que de jouer en D2, alors qu’ils ont le niveau. C’est une mentalité.

« J’ai plutôt l’âme d’un numéro 1, mais bon… »

En 2016, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

Vous avez eu une autre expérience en Belgique, au Cercle de Bruges, dans un club pro…
Oui, en 2018. Après Pau, où je ne suis pas prolongé, ce projet me tombe dessus; à l’époque, je n’avais pas d’agent et c’est justement un agent, celui de Laurent Guyot, qui m’appelle. Laurent allait devenir l’entraîneur du Cercle de Bruges et il me dit qu’il m’a suivi, qu’il a aimé ce que faisais avec Pau, et il me propose le poste d’adjoint. Au départ, je lui dit que ce n’est pas ma tasse de thé, que je ne connais pas Laurent Guyot même si, évidemment, de nom, je savais qui il était et ce qu’il avait fait, notamment à Nantes, et ça, forcément, ça me parlait. Alors on s’est rencontré avec l’agent, ça s’est bien passé, puis j’ai eu Laurent Guyot et ça a accroché. J’ai été choisi. Et me voilà parti à Bruges où je ne connaissais personne, où j’ai découvert ce que c’était de bosser dans un staff pro élargi de 14 personnes.

En 2018, sur le banc du Pau FC. Photo Philippe Le Brech.

En fait, je sortais de Pau où je faisais beaucoup de choses et je me suis retrouvé là, à ne pas faire grand chose, du moins sur les premiers mois, où j’avais l’impression que je servais à rien. Je ne trouvais absolument pas ma place. C’était compliqué mais après deux ou trois mois, on a réussi, avec Laurent (Guyot), à créer une proximité et petit à petit, j’ai trouvé ma place, je faisais de plus en plus de choses. Il y avait aussi un autre adjoint, Benoît Tavenot (actuel coach de Dijon en National), qui, lui, connaissait déjà Laurent. Mais ce rôle d’adjoint est très particulier; ça ne me convient pas vraiment, car j’aime bien décider, faire… Je pense que j’ai plutôt l’âme d’un numéro 1, mais bon…

Après, l’an passé, en octobre, j ai eu des contacts avec un club de Ligue 1 en France pour être aussi adjoint : j’ai passé deux entretiens de très haut niveau avec les dirigeants qui avaient apprécié mes idées, ma méthodologie, comme la « périodisation tactique », qui savaient que j’aimais bien faire jouer mes équipes avec un jeu de position, et ils recherchaient ça. Ils ont pris un autre entraîneur, pourtant, dans ce club, je me serais bien vu adjoint… En fait, tout dépend du projet. Je suis encore jeune (50 ans). Je n’avais que 34 ans quand j’ai repris Pau en National en cours de saison en 2007.

Photo FC Fleury 91

Le match de foot de légende, selon vous ?
France-Brésil 1998, forcément, mais le match qui m’a le plus marqué, c’est France-Allemagne 1982 : j’avais 9 ans, j’étais chez mes grands parents à Arcangues, près de Bayonne, au Pays Basque, et j’avais pleuré, même si je n’avais pas trop conscience des choses. Mais j’ai des souvenirs très précis. Et il y a aussi le 21 juin 1986 à Guadalaraja (1/4 de finale de coupe du Monde France-Brésil) ! Ce match-là, je m’en souviens bien aussi, d’autant plus que je suis né le 21 juin ! C’était quelque chose !

Une idole de jeunesse ?
Je n’avais pas forcément d’idole, mais Maradona, quand même…

Que vous manque-t-il pour entraîner en Ligue 2 un jour ?
(Il réfléchit). La confiance d’un dirigeant.

Le milieu du foot ?
(Il réfléchit) Fou, passionnant, exigeant.

Le club de Fleury ?
Fou (rires) ! Non !!! Je dirais particulier et unique. Particulier parce qu’il tient en un seul homme, même s’il y a beaucoup de monde qui y travaillent; c’est très différent de tout ce que j’ai connu avant. Ici, tout le monde est mis dans de très bonnes dispositions, et c’est aussi unique pour un club de ce niveau-là et de cette dimension-là. Chaque équipe est importante pour le club. Par exemple, je n’avais jamais entendu parler d’un stage de pré-saison pour des U14, et bien à Fleury, si ! Parfois, les gens à l’intérieur ne s’en rendent pas vraiment compte, peut-être parce qu’ils n’ont pas connu d’autres clubs pour certains.

  • Après 7 journées de championnat, le FC Fleury 91, qui s’est qualifié pour le 7e tour de la coupe de France en éliminant Versailles (National) au stade Montbauron (1-1, 5-4 aux TAB), est classé 6e de sa poule en National 2, avec 11 points (3 victoires, 2 nuls et 2 défaites), à seulement 3 points du leader, le FBBP 01 (Bourg-en-Bresse/Péronnas).

Lire aussi (interview de Pascal Bovis, président du FC Fleury, en mai 2023) :

https://13heuresfoot.fr/actualites/pascal-bovis-le-football-cest-le-spectacle/

 

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Philippe Le Brech et FC Fleury 91

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Le Breton, passé par les équipes de France jeunes (35 sélections en U16, U17 et U18), marque son territoire en National, au pied du Mont-Saint-Michel, où il a démarré la saison sur les chapeaux de roue (6 buts, 3 passes). Passé par le Stade Rennais (U19 Nationaux, N3) et pro à Rodez en Ligue 2, l’attaquant de 23 ans s’est confié pour 13heuresfoot !

Cet été, en amical, avec Avranches. Photo Philippe Le Brech.

« Tu devrais venir voir les U15, ça joue vraiment bien, et il y a vraiment quelques très bons jeunes dont l’avant-centre, Alan Kérouédan, qui est vraiment très-très fort. » L’invitation de Guillaume Mulak, l’ancien responsable de la formation à l’US Concarneau (aujourd’hui recruteur / superviseur au FC Nantes), date de la saison 2014-15 et d’un cru exceptionnel à bord des Thoniers. La fameuse génération 2000 qui regroupait quatre pépites au talent si prometteur que des clubs professionnels du grand ouest les avaient intégrées la saison suivante : le Varzécois (de Saint-Evarzec, à côté de Quimper) Julien Ponceau au FC Lorient, le Concarnois Tom Guillou à l’EA Guingamp, le Fouesnantais Baptiste Chailloux au FC Nantes et le Mahalonais Alan Kérouédan au Stade Rennais. Un carré d’as de jeunes sud-finistériens dont la suite des trajectoires à géométrie très variable résume bien les difficultés à faire sa place au soleil d’un ballon rond s’alignant difficilement avec les planètes du foot pro.

Cet été, en amical, avec Avranches. Photo Philippe Le Brech.

Car pour un Julien Ponceau qui joue aujourd’hui en Ligue 1 au FC Lorient, Tom Guillou a lui rejoint ses copains en district à La Forêt-Fouesnant (D1), Baptiste Chailloux joue en R2 à l’Amicale d’Ergué-Gabéric à côté de Quimper, et Alan Kérouédan est passé de la Ligue 2 au Rodez Aveyron Football au championnat de National à l’US Avranches Mont-Saint-Michel où il a peut-être reculé d’une division pour mieux sauter sur un plan de carrière fait de temps de jeu, de passes décisives et de buts. A suivre.

Meilleur buteur et meilleur passeur

Déjà 6 buts et 3 passes décisives en 10 matchs de National (il était absent contre GOAL FC) ! A l’US Avranches, Alan Kérouédan affole les compteurs depuis le début de la saison.

Lors de la saison 2022-23, avec Avranches. Photo Philippe Le Brech.

Avec un but ou une passe décisive en moyenne par match, le Sud-Finistérien de 23 ans caracole en tête des classements individuels alors que son équipe pointe à la 12e place, juste au-dessus de la ligne de flottaison, après son match nul lundi soir en match décalé (0-0) sur la pelouse du FC Rouen.
Auteur de 5 buts et de 9 passes décisives l’an dernier sous les mêmes couleurs, Alan a, depuis quelques matchs, retrouvé le poste de ses débuts, à la pointe de l’attaque. « Quand on a repris la saison, on jouait en début de « prépa » à trois ou quatre au milieu et avec Dany Jean et moi devant, donc sans un vrai 9 dans l’axe. Au début, ça a marché, mais moins bien après. On en avait un peu parlé avec le coach (Damien Ott) et il m’a repositionné en 9. Moi je suis super content car je retrouve mes sensations. En plus, j’ai beaucoup de liberté pour redescendre au milieu, participer au jeu, l’orienter, et prendre la profondeur. Et comme j’ai été décisif dès que je me suis retrouvé en attaquant axial, on continue à jouer comme ça. C’est bien pour l’équipe et c’est bien pour moi. C’est gagnant-gagnant. »

Itinéraire d’un enfant de la balle

Lors de la saison 2022-23, avec Avranches. Photo Philippe Le Brech.

De ses débuts à Mahalon (Sud-Finistère), en passant par sa carrière internationale chez les jeunes, ses années au Stade Rennais et ses deux saisons chez les pros à Rodez, jusqu’à ses six buts depuis le début de cet exercice en National avec Avranches, Alan Kérouédan a accepté de raconter ce qu’il revoyait dans le rétro que 13 heures foot lui a tendu…

  • L’ES Mahalon-Confort (2004-2011). « Je voulais déjà marquer »

« J’ai 4 ans en 2004. Normalement, j’aurais dû attendre un an de plus pour commencer. Il fallait avoir 5 ans minimum mais j’avais trop envie de jouer au foot dans un club et j’ai devancé l’appel. C’est de là que tout est parti. C’est le début de l’aventure. Je ne me souviens plus très bien mais je pense que la veille des matchs je devais dormir avec mon maillot et un ballon. Je ne crois pas que j’avais des posters de joueurs dans ma chambre mais ce que je sais, et ça j’en suis sûr, c’est que je voulais déjà marquer. »

  • Stella-Maris Douarnenez (2011-2014). « On est monté en DH »
Lors de la saison 2022-23, avec Avranches. Photo Philippe Le Brech.

« J’ai 11 ans en 2011. J’avais envie de connaître un niveau au-dessus et de meilleures installations pour les entraînements et les matchs. Dans le coin, près de chez moi, la Stella-Maris de Douarnenez était le club le plus huppé et mon père a donc pris contact avec les dirigeants. Je jouais déjà devant, comme à Mahalon, et je voulais toujours marquer. On s’est bien éclaté avec une bande de potes, et sur le dernier match de la dernière saison, une très bonne saison pour moi, on monte en DH en gagnant contre Morlaix, et je marque. En même temps, j’étais au pôle espoirs à Ploufragan (Côtes d’Armor) où j’ai connu Baptiste Chailloux qui m’a poussé à le rejoindre à l’US Concarneau. »

  • US Concarneau (2014-15). « On a gagné le tournoi international de Plougonvelin »

« J’ai 14 ans en 2014. J’ai déjà des objectifs de carrière et j’en parle avec mes parents. Quand Guillaume Mulak, le responsable de la formation à l’US Concarneau, les appelle, ils sont donc au courant que je vais jouer en DH élite et que c’est une nouvelle étape dans ma progression. C’est comme ça que je me suis retrouvé à faire équipe avec Baptiste (Chailloux), Julien Ponceau, avec qui je rejouerai plus tard en Ligue 2 à Rodez, et Tom Guillou. On s’entendait bien sur le terrain et en dehors mais, en fait, je n’étais à Concarneau que le week-end, pour le match, car le reste de la semaine, j’étais toujours au pôle espoirs à Ploufragan. Cette année-là, avec Concarneau, j’ai marqué 42 buts et j’ai eu une pré-sélection en équipe de France U16. Et on a aussi gagné le tournoi international de Plougonvelin (Baptiste Chailloux avait été sacré meilleur joueur du tournoi) en battant le Stade Rennais en finale (aux tirs au but), mon futur club. »

  • Stade Rennais (2015-2020). « On a été champion de France U19 »
Avec le Stade Rennais, en 2019. Photo Philippe Le Brech.

« J’ai 15 ans en 2015. Trois mois après avoir gagné le tournoi de Plougonvelin avec Concarneau, je me retrouve avec pour partenaires mes anciens adversaires de la finale. J’ai signé un contrat de 3 ans comme aspirant. C’est la première fois que je joue pour un club pro et c’est là que j’ai été sélectionné en équipe de France U16, U17 et U18. En équipe de France, je joue toujours devant mais à Rennes j’ai été repositionné en milieu excentré, sur le côté droit ou gauche. A 18 ans, je signe un contrat de 2 ans comme stagiaire pro. On a gagné plusieurs tournois et on a été champion de France U19 en battant Montpellier en finale (4-0). »

  • Rodez AF (2020-2022). « Je suis resté sur ma faim »

« J’ai 20 ans en 2020. Je signe mon premier contrat pro (2 ans). Et je découvre la Ligue 2. Dès le premier match, je rentre en cours de jeu. C’était contre Grenoble. Là aussi je suis ailier gauche ou droit dans un système en 3-4-3. Et j’étais content quand, la première année, j’ai vu Julien Ponceau arriver. Il était prêté par Lorient et on a fait quelques matchs ensemble. Mais j’ai eu des pépins physiques au niveau des ischios et j’ai été freiné pendant un mois au cours de chacune des deux saisons que j’ai passées à Rodez. A l’arrivée, j’ai participé en tout à 32 matchs, je sais que j’avais le potentiel et qu’il y avait de la place pour que je joue davantage. C’est pour ça que je suis resté sur ma faim. »

  • Avranches (2022-24). « Je rejoue devant »
En coupe de France, avec Avranches, lors de la saison 2022-2023. Photo Philippe Le Brech.

« J’ai 22 ans en 2022. En fin de contrat à Rodez, j’ai cherché un projet où j’aurais du temps de jeu et l’US Avranches s’est alors présentée. Le coach, Damien Ott, m’a appelé. J’ai eu un très bon feeling avec lui. Il recherchait des excentrés allant vite, percutants, aimant aller de l’avant : j’étais dans ses critères et je remplissais toutes les cases. J’ai signé 2 ans. En plus, je savais qu’Avranches avait souvent servi de tremplin à pas mal de joueurs pour rebondir plus haut. C’est ce qui aurait pu arriver à l’intersaison dernière car j’avais de bonnes « stats », j’espérais retourner en Ligue 2 et, avec mon agent, on a aussi envisagé l’étranger. Mais il me restait un an de contrat et c’était peut-être mon destin de ne pas partir. En tout cas, je ne peux avoir de regrets car je rejoue maintenant devant et j’arrive à être décisif à chaque match ou presque. »

  • Equipe de France U16, U17, U18 (35 sélections). « J’ai joué une Coupe du Monde en Inde ! »

« J’ai 15 ans, 16 ans, 17 ans. Et je joue en équipe de France ! 35 sélections au total (5 buts). Je suis allé dans beaucoup de pays. En sélection U17, j’ai même fait un Euro en Croatie et une Coupe du Monde en Inde. C’était un rêve qui se réalisait. Et je jouais à mon poste. En 9. Mais ma plus belle sélection, c’est celle que j’ai connue tout près de chez moi. C’était ma première en U16 (24/09/2015). On était allé en stage à Ploufragan, dans les installations du pôle espoirs que je connaissais forcément très bien, et on avait joué à Loudéac contre le Pays de Galles (0-0). C’était devant ma famille. J’avais des frissons quand la Marseillaise a retenti. Pour moi, c’était la première fois et ça fait bizarre de la chanter. »

Alan Kérouédan, du tac au tac

« Merci pour tout Monsieur Guérin »

En 2015, en équipe de France U16. Photo Philippe Le Brech.

Le meilleur souvenir ?
Ma première sélection en équipe de France U16 en 2015. C’était ma première Marseillaise et le match contre le Pays de Galles (0-0) s’est joué tout près de chez moi, à Loudéac, devant ma famille.

Le plus beau stade comme joueur ?
J’en vois deux. Le Stadium de Toulouse et le Stade Océane au Havre. Les deux fois c’était avec Rodez en Ligue 2.

Le plus beau stade comme spectateur ?
Le Camp Nou. C’était Barcelone contre Levante en 2015. Le Barça avait gagné 5-0 et j’avais eu la chance de voir un triplé de Messi et des buts de Neymar et de Suarez… C’était énorme !

Un joueur pour modèle ?
Oui, Cristiano Ronaldo.

En 2015, en équipe de France U16. Photo Philippe Le Brech.

Votre plus grande émotion ?
Mon premier but en pro : un petit piqué au-dessus du gardien de Caen (2-0). C’était lors du dernier match de ma deuxième saison à Rodez (2021-22), à la 89e minute. Mon dernier match aussi à Rodez. J’ai senti comme une libération. J’attendais ce but depuis 2 ans !

Une anecdote de vestiaire ?
Lors du match précédent. Donc mon avant-dernier à Rodez. Je me souviens surtout d’un grand moment de joie car on venait d’assurer notre maintien en gagnant au SC Bastia (0-1) dans le temps additionnel (90′ +2) et j’avais fait la passe décisive sur le but. C’était fort dans les vestiaires !

En août dernier, contre Marignane-Gignac. Photo Philippe Le Brech.

Une réaction à propos du but égalisateur d’Anthony Beuve, votre gardien, contre Goal FC (1-1) ?
C’est incroyable ce qu’il a fait ! J’ai vu ça des tribunes car j’étais blessé. D’abord il arrête un péno, ensuite, alors qu’il était monté une première fois, il sort un ballon de contre-attaque d’un retourné acrobatique dans un duel avec un attaquant adverse, et il termine en égalisant de la tête sur un coup-franc de Sékou (Fofana) à la dernière seconde du match. Quand on l’a vu remonter encore tout le terrain, j’avais dit aux copains qui étaient autour de moi que c’était impossible qu’il marque et il l’a fait !

Le foot c’est mieux le vendredi ou le samedi ?
Je préfère le samedi car c’est pour moi un rituel depuis toujours. Et en plus, le samedi, c’est la Ligue 2 ! Quand t’arrives au stade, tu vois le monde, les caméras et tout le protocole, on sent qu’il y a un événement au stade. En National, c’est forcément parfois plus anonyme même si ça évolue bien car il y a beaucoup de clubs professionnels. Le niveau s’est bien élevé et quand tu vas par exemple à Sochaux, tu n’as pas l’impression d’être en National.

Avec Avranches, saison 2023-24. Photo Philippe Le Brech.

Un truc que vous faites toujours avant un match ?
Non, rien de particulier.

La chaussette droite ou la gauche en premier ?
Toujours la droite.

La causerie la plus marquante d’un coach avant un match ?
Au Stade Rennais, en équipe réserve (N3), avec Julien Stéphan comme coach. Dans la salle de la causerie, il avait disposé nos chaises de telle sorte qu’elles formaient un « V ». Le « V » de la victoire. On avait gagné mais je ne me souviens plus du contexte.

En août 2013. Photo Philippe Le Brech.

Le partenaire qui vous a le plus marqué ?
Arnaud Tattevin. J’ai joué avec lui à Rennes, en équipe de France (U16 et U17), et quelques mois à Avranches en 2022-23 avant qu’il ne parte à Borgo (National) en Corse. Je n’ai jamais vu un attaquant aussi facile pour dribbler, passer et marquer.

L’adversaire qui vous a gêné le plus ?
Plutôt un coéquipier : Warmed Omari à Rennes. A l’entraînement, je préférais être dans une équipe avec lui que contre.

Votre plus grosse prime de match ?
C’était une prime globale de maintien en Ligue 2 sur les trois matchs de ma dernière saison à Rodez.

Le contact le plus connu dans votre répertoire téléphonique ?
Si c’est quelqu’un que j’appelle souvent : Adrien Truffert (Stade Rennais), un de mes meilleurs potes. Et sinon, Enzo Zidane avec qui j’ai joué à Rodez (2021-22).

Le président qui vous a le plus marqué ?
Je n’en ai réellement côtoyé que deux : Pierre-Olivier Murat à Rodez et bien sûr Gilbert Guérin à Avranches. On le voyait presque tous les jours au centre d’entraînement et à chaque match, que ce soit à domicile ou en déplacement. Il a tellement apporté au football amateur et à l’US Avranches ! Merci à lui pour tout, on fera tout pour que le club reste en National parce que sans lui on ne serait pas là. Merci Président et reposez en paix.

 

Texte : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos

Photos : Philippe Le Brech

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Gilbert Guérin n’avait pas que des amis dans le football. Mais il n’avait pas d’ennemi. Surtout, il ne laissait personne indifférent. Ni un dirigeant, ni un entraîneur, ni un joueur, ni un bénévole, ni un supporter, ni un arbitre, ni un ramasseur, ni un chauffeur de bus, ni un journaliste. Personne.

Sa « grosse voix » et sa manière de dire les choses, souvent sur un ton au débit rapide et assuré qui ne laissait pas toujours place au dialogue, son charisme, son caractère bien trempé, son sens de l’ironie, ont construit sa réputation. Celle d’un homme franc, direct, râleur, exigeant, passionné. Celle d’un dirigeant qui comptait les sous – Il usait beaucoup du système des prêts de joueurs issus de clubs pros – et pesait dans le football amateur, son monde, même s’il a aussi fréquenté le foot « d’en haut », lorsqu’il fut élu membre du comité directeur du Stade Malherbe de Caen en 1988, en Division 1.

« Une fois que j’ai dit les choses, je suis libéré »

Gilbert Guérin était un homme respecté, parfois agaçant, mais toujours serviable et attachant. Il n’avait pas la langue dans sa poche. Ce qui pouvait en exaspérer certains. Il le savait, mais n’en avait cure, comme il l’avait confié dans un long entretien ici même, paru en août 2022 : « J’en suis conscient. Mais une fois que j ai dit les choses, je suis libéré, parce qu’il y a certains présidents de clubs de L1 qui m’exaspèrent. Y’a des types biens, comme Jean-Michel Aulas (Lyon), Marc Keller (Strasbourg) ou Jean-Pierre Caillot (Reims), et puis y’en a d’autres, ceux qui ont été bons à l’école et qui grâce à ça sont devenus présidents d’un club de foot. Moi je pense que cela ne suffit pas d’être bon à l’école pour être président. Il faut un peu de moral, un peu d’éducation même s’ils en ont forcément autant que moi, mais ils n’ont pas ce petit « plus ». Ce sont des directeurs, pas des présidents. Moi, je suis président bénévole. Je ne suis pas persuadé que ces présidents-là auraient réussi à faire ce que j’ai modestement fait à Avranches en 30 ans. »

Gilbert Guérin le répétait souvent : avoir un club dans une ville de 10 000 habitants – Avranches – à un tel niveau, en National (10e saison d’affilée, la 14e au total depuis la création du championnat), quasiment à la 50e place française, c’est une performance. « Noël Le Graët a fait mieux avec Guingamp, car il est monté en Ligue 2 puis en Ligue 1 et a même joué en coupe d’Europe, mais lui, je le mets de côté, il est trop fort, il doit marcher à l’EPO ou au chouchen, je plaisante bien sûr. Mais derrière Guingamp, notre performance est notoire. »

Les jeunes, sa fierté

A l’US Avranches Mont-Saint-Michel, le club qu’il présidait depuis près de 35 ans, Gilbert Guérin laisse une trace indélébile. Si les jeunes étaient sa fierté, son dernier grand fait d’armes fut l’ouverture en 2021 d’un centre d’entraînement « de niveau bas de Ligue 2 », comme il disait. Un centre de 7 hectares avec 5 terrains (4 en herbe, 1 en synthétique), 950m2 de vestiaires, des salles de musculation avec cryothérapie : « On l’a bâti pour l’avenir. On n’a pas construit de stade pour la L2 mais on a construit pour les jeunes. »

Cet ancien chef d’entreprise à la retraite, resté actionnaire d’une (grosse) « boîte » de peinture qu’il a fondée puis revendue (110 salariés tout de même !), aimait bien aussi comparer ses joueurs à son autre passion, les chevaux de course. Cependant sans jamais les traiter de bourrins ! « Je fais souvent un parallèle avec le football, j’en parle même avec les entraîneurs parfois, racontait-il; un cheval, quand il revient de blessure, il fait toujours une première course « sous la fraîcheur » comme on dit, et puis la deuxième est plus moyenne. Dans le foot, c’est pareil. Un garçon qui revient, il est bon au premier match avec l’envie, et au deuxième, il accuse souvent le coup, il n’a pas le rythme. Avec les blessures, c‘est pareil : un cheval blessé pendant 6 mois, il mettra 6 mois à revenir. »

Son dernier combat…

S’il ne rêvait plus trop de Ligue 2, il militait depuis de nombreuses années pour la création d’une nouvelle Ligue 3, afin que les clubs du 3e échelon – dont le sien bien entendu ! – puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux du niveau supérieur. Il l’avait encore clamé haut, fort et longuement dans les colonnes du journal L’Equipe, en juin dernier, allant même jusqu’à lancer « Labrune (le président de la Ligue de football professionnel), il s’en fout des amateurs ! ».

S’il n’aimait pas l’injustice et les décisions arbitrales qui n’allaient pas dans le sens de son équipe, usant même parfois d’un langage fleuri pour dire son mécontentement, il était aussi très investi et très engagé aux côté d’autres présidents tout aussi emblématiques que lui (son grand ami Jacques Piriou, Antoine Emmanuelli, Fulvio Luzi et beaucoup d’autres), toujours pour défendre les clubs du haut de la pyramide fédérale. Ceux du National.

La nuit dernière, à 72 ans, Gilbert Guérin s’en est allé. Son dernier combat, celui de la maladie, fut, finalement, l’un des rares qu’il n’a pas pu gagner.

A sa famille, à ses amis, à ses proches, à l’US Avranches Mont-Saint-Michel, à tous ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin, 13heuresfoot présente ses plus sincères condoléances.

Aux côtés du président Gilbert Guérin, au stade Fenouillère, à Avranches. Photo Ph. Le Brech

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : USAMSM

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🕐⚽😢 Toute la team 13heuresfoot a une immense pensée pour la famille, les amis et les proches de Gilbert Guérin, le président de l’US Avranches Mont-Saint-Michel , décédé des suites d’une maladie. Un personnage incontournable du football amateur s’en est allé et il va beaucoup (nous) manquer.

📲 Lire l’article « carnet » en hommage à Gilbert Guérin : https://13heuresfoot.fr/actualites/cetait-gilbert-guerin/

📲 Lire son interview (août 2022) : https://13heuresfoot.fr/actualites/gilbert-guerin-on-ne-doit-pas-changer-de-braquet/

L’avant-centre, qui a rejoint cet été La Berrichonne, son 11e club, vient de dépasser la barre des 100 buts, toutes divisions nationales confondues. Après des débuts en National au Red Star, son club de coeur, il y a plus de 10 ans, il n’avait pas hésité à redescendre en N2 et même en N3 pour rebondir et devenir aujourd’hui un attaquant incontournable.

Sous le maillot de Châteauroux, qu’il a rejoint cet été, en National. Photo Philippe Le Brech.

« J’ai marqué partout où je suis passé »… Ne voyez aucune suffisance dans les propos de Geoffray Durbant mais un simple constat, confirmé par les chiffres. A 31 ans, l’avant-centre de Châteauroux (National) vient de dépasser la barre des 100 buts en championnat (National, N2, N3) depuis le début de sa carrière. L’international guadeloupéen en compte actuellement 103. « Avec la Coupe, je dois arriver à 150 », sourit Geoffray, qui a inscrit un quadruplé dimanche face à l’ES Bourges Moulon (N3) au 5e tour de la Coupe de France (victoire de Châteauroux 5-0).

Arrivé cet été dans le Berry, il n’a pas manqué ses débuts. Elu meilleur joueur de National du mois d’août, il occupe la tête du classement des buteurs à égalité avec Alain Kérouédan (Avranches) avec six réalisations. Malheureusement pour lui, il va être contraint au repos forcé lors des prochaines semaines. Il a en effet écopé de 3 matchs de suspension. « On n’a pas le droit de parler aux arbitres à la fin des matchs, je ne parlerai donc plus », assure-t-il.

Sous le maillot de Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.

Pour 13HeuresFoot, il a retracé les différentes étapes de sa carrière, marquée par des changements fréquents de clubs.

« Souvent, les gens disent « Durbant, il a fait beaucoup de clubs »… Chacun a un avis. Mais ils ne connaissent pas toujours les tenants et les aboutissants. Déjà, j’ai longtemps signé des contrats d’un an. Et j’ai toujours effectué des choix sportifs, pas financiers. »
S’il est désormais devenu un attaquant qui compte en National, il a fait preuve, au début de sa carrière, d’un gros mental en redescendant en National 2 puis en National 3 après des débuts prometteurs au Red Star, son club formateur.

Villemomble, Bobigny, Beauvais en jeunes (1996-2009)

Le natif de Bondy, la ville de Kylian Mbappé, a grandi dans le 93. « Je n’ai que des bons souvenirs de ces années-là. A Bobigny, ça a commencé à devenir sérieux. C’était un bon club formateur. Il a pris encore une nouvelle dimension depuis qu’il est devenu le FC 93. Ses jeunes attirent de plus en plus de clubs pros. »
A l’époque, il avait été repéré lors du réputé tournoi Anastasio Gomez : « Il y avait beaucoup de recruteurs, j’ai été repéré par Beauvais et Amiens qui étaient en L2. J’ai choisi Beauvais. J’y suis resté deux ans en U16 nationaux. Mais il n’y avait pas de U18 nationaux donc je suis rentré. »

Red Star (2009-2014, National, 2 buts)

Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.

A 17 ans, il rejoint le club phare du 93, le Red Star. « On avait une excellente génération 92 avec Sébastien Robert comme entraineur. » Le 18 mai 2012, lors de l’avant-dernière journée de National, Vincent Doukantie le lance à la 69e minute en remplacement de Cédric Sabin face à Vannes (2-0). Lors de sa deuxième saison à ce niveau, il est souvent dans le groupe (20 apparitions). Pour sa première titularisation le 14 septembre 2012 face à Rouen, il marque le but vainqueur : « ça reste un souvenir incroyable. Première fois titulaire et premier but en National. En plus au stade Bauer, côté gauche face au kop, devant ma famille, mes amis… J’étais considéré comme l’enfant du club donc j’ai vécu un moment magique. »

Mais la saison suivante se passe moins bien (9 matchs, 1 but). « Au début de saison, Laurent Fournier m’a mis à la cave. Gaëtan Laborde, qui était prêté par Bordeaux, était à la cave avec moi… Quand Sébastien Robert a remplacé Fournier, j’ai davantage été appelé dans le groupe. Mais il y avait des Lefaix, Laborde ou Lee devant moi. »

Ces dernières saisons, son retour au Red Star a souvent été évoqué. « Beaucoup de gens ne comprennent pas. Les supporters me le demandent souvent. Je suis un enfant du club, du 93, ça aurait été un beau message que je revienne. Il y a eu quelques discussions mais ce n’est jamais allé plus loin. C’est dommage. Il y a toujours eu des gens qui ont fait que ça a bloqué. Mais moi, je n’ai de problèmes avec personne au Red Star. Quand tu es capable d’enchainer les saisons à plus de 10 buts, ce n’est pas anodin. Mais j’ai bien conscience qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. C’est la vie, et j’ai essayé de tracer mon chemin en étant le plus performant chaque saison. J’ai su m’adapter à des environnements, des mentalités et des modes de vie différents. »

Roye-Noyon (2014-2015, National 2, 7 buts)

Sous le maillot de Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.

A l’été 2014, Geoffray Durbant a effectué un choix fort en quittant le Red Star pour Roye en N2. « J’aurais pu rester au Red Star où j’étais chez moi. Mais parfois, tu ressens un sentiment d’injustice quand tu as l’impression de performer mais que tu passes après les autres. J’avais besoin de temps de jeu. C’est ce que je suis allé chercher à Roye. Quand tu commences très haut, jeune, parfois tu sautes les étapes. Il faut aussi avoir la lucidité pour le reconnaître. Je me suis dit « si tu veux retourner au moins en National, il va falloir charbonner »… Au final, cette saison s’est bien passée. J’ai marqué 7 buts et on termine 7e ou 8e. »

Vitré (juillet 2015-septembre 2015, National 2)

« J’ai choisi de signer à Vitré pour me rapprocher de la Bretagne où il y avait beaucoup de clubs pros », explique-t-il. Recruté par le directeur sportif, il va pourtant vite déchanter sur fond d’incompréhension avec le coach Michel Sorin. « Il jouait dans un système de 3-5-2 et m’utilisait comme piston droit. Déjà au départ, il m’avait seulement dit « tu as un contrat fédéral, tu dois être irréprochable ». Rien sur ses attentes vis à vis de moi. J’ai donc joué à droite. Il me faisait toujours sortir vers la 65e… Lors de mon 2e match, j’avais quand même réussi une passe décisive. Le match suivant, on perd 3-1 à domicile contre Romorantin. A la fin, le directeur sportif me dit : « il faut qu’on se parle lundi, le coach ne veut plus de toi et tu dois aller t’entrainer avec la réserve ». Je lui ai répondu que je m’entrainerais plus tant que ma situation ne sera pas réglée. Et j’ai fini par partir. »

UJA-Maccabi Paris (octobre 2015-juin 2016, National 3, 9 buts)

Sous le maillot du Stade Lavallois, l’année de l’accession en L2. Photo Philippe Le Brech.

Il décide de revenir en région parisienne et signe à l’UJA-Maccabi Paris (fusion de l’UJA Alfortville et du Maccabi Paris) qui galère alors en National 3. « Je descendais de niveau mais j’avais des amis dans l’équipe : Moustapha Cissé, Eddy Fernandes, Price Jolibois, Kevin Zonzon. Ils m’ont dit « on a n’a pas d’attaquant », donc j’y suis allé. Mais on ne va pas se mentir, ça a été compliqué au niveau des conditions de travail. On n’avait qu’un demi-terrain pour s’entrainer. Un jour, j’ai demandé au coach, Fabien Valéri, si on pouvait faire des spécifiques attaquants. Il m’a répondu « Tu n’as qu’à prendre un ballon et aller faire des tirs au quartier »… Malgré tout, on a réussi à se maintenir en N3. J’ai mis ma dizaine de buts (9 en championnat). »

Oissel (2016-2017, National 3, 7 buts)

Après l’UJA-Maccabi Paris, direction Oissel, toujours en N3. « Je n’ai pas trop de souvenirs de cette saison; ça s’est bien passé, mais sans plus. On a terminé 3e et on s’est maintenu sans problème. Le coach, c’était Eric Fouda mais il avait été absent plusieurs mois à cause de soucis personnels. »

Dieppe (2017-2018, National 3, 10 buts)

Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

S’il reste en Normandie, il signe près de la mer à Dieppe, pour une 3e saison en N3. Un souvenir mitigé. « Je me suis blessé à la cheville, une entorse, dès la 1ère journée et j’ai trainé ça longtemps. Mais après la trêve, j’ai bien fini la saison. L’entraineur, c’était Jean-Guy Wallemme. On a réussi à se sauver lors de la dernière journée face à Evreux (3-1) et je marque le premier but d’entrée. Mais avec l’équipe qu’on avait, on aurait pu faire largement mieux. Moi, je me suis dit que je devais arrêter les projets en N3. J’avais 26 ans, c’était le moment ou jamais. Soit je faisais toute ma carrière à ce niveau, soit j’arrivais à rebondir vers le monde pro. Je ne pouvais plus me tromper. »

Lusitanos Saint-Maur (2018-2019, National 2, 13 buts)

Geoffray Durbant retrouve une nouvelle fois la région parisienne en signant aux Lusitanos Saint-Maur. Après trois saisons en N3, il monte également d’un cran en retrouvant le N2. Avec 13 buts, sa saison a été une réussite sur tous les plans. « On a terminé 2e derrière Créteil. J’ai passé une super saison avec Bernard Bouger et Salah Mahdjoub, ça m’a permis d’avoir des contacts au dessus. »

Sedan (2019-2020, National 2, 15 buts)

Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.

Malgré des approches de clubs de National, il choisit de rester en N2 à Sedan. « J’avais déjà effectué un essai à Sedan avec Nicolas Usaï il y a quelques saisons. Le directeur sportif, Julien Fernandez, me suivait aussi depuis longtemps. Les installations, le stade, c’était le niveau pro ! » Quand la saison s’arrête en mars 2020 à cause du Covid, Geoffray Durbant a déjà inscrit 15 buts. C’est le meilleur buteur de N2 tous groupes confondus. « On a fait un beau parcours avec une série de 13 matchs sans prendre de buts. On était les seuls en Europe ! Malheureusement , on avait un peu faibli et le SC Bastia est passé devant juste avant l’arrêt des championnats et a été promu en National. »
S’il avait encore un an de contrat avec Sedan, l’avant-centre a forcément de nouveau suscité les convoitises en National.

Bastia-Borgo (2020-2021, National, 10 buts)

Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.

S’il y avait des clubs plus fortunés sur les rangs (Boulogne, Bourg-en-Bresse, Red Star), Geoffray atterrit finalement au FC Bastia-Borgo. « Je pense qu’ils ont dû payer une petite indemnité à Sedan. Moi, j’avais dit que je ne viendrais jamais jouer en Corse, mais je ne l’ai pas regretté. J’ai vraiment apprécié cette saison et ce club, malgré les longs déplacements en avion. » Sur le terrain, il a formé un duo très performant avec Wilson Isidor, prêté par Monaco. « Tous les deux, on s’est régalé. On se trouvait presque les yeux fermés sur le terrain. Il a mis 16 buts, moi 10 avec en plus 6 passes décisives, essentiellement pour lui. Wilson, c’est mon petit frère. On s’appelle très souvent. »

Laval (2021-2023, 19 buts en National, 4 en L2)

Après sa bonne saison en Corse, il a des contacts en L2 (Pau) et chez la plupart des clubs de National. Il choisit Laval avec un contrat de deux ans (plus une année en option). « Laval, ça me rapprochait de Paris et je voulais relever le défi de la montée. J’y ai réussi la meilleure saison de ma carrière. »

Sous le maillot du Stade Lavallois, l’année de l’accession en L2. Photo Philippe Le Brech.

Laval monte en effet en L2 et avec 19 buts – le meilleur score de sa carrière – il termine 2e buteur de National derrière Pape Meissa Ba (Red Star). Il figure également dans l’équipe type de la saison.
Mais sa saison en L2 s’est moins bien passée. « Je découvrais le monde pro. Mais je suis sorti de cette saison avec un sentiment de frustration et d’injustice. Je pense que j’aurais mérité davantage de temps de jeu et de considération. Olivier Frapolli, le coach, n’a pas toujours été correct avec moi. Moi, je suis quelqu’un d’entier, qui ne triche pas. A la fin, ce n’était plus ce que c’était entre lui et moi…»

Auteur de 4 buts, c’est lui qui a délivré la passe décisive sur le but de Djibril Diaw qui a permis à Laval de se maintenir à la 94e minute lors de la dernière journée à Amiens (2-1). « A ma place, beaucoup auraient tiré.  Mais j’ai eu la lucidité de faire la passe. C’était un but capital. Bien sûr, tout le monde m’a remercié. Mais au fond de moi, j’étais très déçu de cette saison. Quand j’étais à la Gold Cup avec la Guadeloupe, j’ai compris que je devais quitter Laval même si j’avais encore un an de contrat. Après, je suis très content de ce qui leur arrive cette saison. Le président, c’est une crème. Je leur souhaite tout le bonheur du monde. On s’est envoyé des beaux messages. Quant à moi, la L2, j’espère que j’y retournerai…»

Châteauroux (depuis juillet 2023, National, 6 buts)

Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Cet été, s’il a eu des propositions en L2 (Rodez, Amiens), Geoffray Durbant a choisi de retrouver le National avec Châteauroux, une division où il avait l’embarras du choix. « Les clubs de L2, c’était pour être dans la rotation. La concurrence ne me fait pas peur mais elle doit être saine. Je ne voulais pas revivre une autre saison comme la 2e à Laval. Je ne suis pas un joueur de banc. A Châteauroux, il y a des bonnes installations et des dirigeants au top. Avec le coach Olivier Saragaglia, on se connaît depuis longtemps. J’ai envie d’aider le club à retrouver la L2. On manque un peu d’expérience par rapport à une équipe comme le Red Star et on n’a toujours pas été favorisé par les arbitres. Mais le National, c’est souvent une questions de séries…»

A 31 ans, Geoffray estime avoir « encore des belles années » devant lui. « J’espère continuer sur le même rythme. Maintenant que j’ai franchi la barre des 100 buts, j’espère pouvoir atteindre celle des 150. C’est possible ! Grâce à ma femme (Anne-Cécile Ciofani, internationale française de Rugby à VII, élue meilleure joueuse du Monde en 2021) qui est une sportive de haut niveau, qui prépare les JO de Paris, j’ai la chance d’avoir un très bonne hygiène de vie. On se tire vers le haut. Je suis aussi parfaitement entouré avec mon agent Eddy Torest qui m’a toujours soutenu depuis les années N3. Le foot, c’est d’abord du mental. J’ai souffert mais j’ai vu et j’ai appris. Plus tu montes haut, plus le monde du foot est méchant. Mais moi, j’ai toujours su ce que je voulais. Et je n’ai jamais lâché. »

Geoffray Durbant, du tac au tac

Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.

Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en L2 avec Laval.

Pire souvenir de joueur ?
Ma blessure avec la sélection de Guadeloupe cet été.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Le sens du but. Je suis un finisseur. Après, je n’ai pas de pied gauche mais j’ai quand même marqué des sacrés buts du gauche.

Combien de buts marqués ?
103 en championnat. Plus de 150 avec la Coupe.

Votre plus beau but ?
Contre Le Mans en National avec Laval. On était mené 0-1 et on gagne ce derby 2-1. Je mets un doublé avec le but de la victoire à la 85e. Je suis parti du rond central, je récupère le ballon, j’arrive à dribbler 2-3 joueurs puis je prends à contre-pied le gardien en lucarne.

Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Birama Touré avec Beauvais en U16 nationaux

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Paul Pogba quand il jouait au Havre en U16 nationaux.

Un joueur avec qui vous avez eu le meilleur feeling sur le terrain ?
Wilson Isidor à Bastia-Borgo.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vont ont marqué ?
Jean-Guy Wallemme à Dieppe, Bernard Bouger aux Lusitanos, Sébastien Tambouret à Sedan et Olivier Frapolli à Laval.

Un coach que vous n’avez pas forcément envie de revoir ?
Il n’y en a pas. Même Michel Sorin, avec qui ça s’est mal passé à Vitré, est venu s’excuser quand je l’ai revu à Laval.

Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.

Le ou les présidents qui vous ont marqué ?
J’ai toujours eu de bons rapports avec mes présidents. Ceux qui m’ont le plus marqué, ce sont Laurent Lairy à Laval et Marc Dubois à Sedan. Quand ils disent, ils font..

Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Sedan et Laval.

Le club où vous avez failli signer et que vous regrettez ?
Peut-être Bourg-en-Bresse il y a 4 ans…

Le club où vous n’auriez jamais dû aller ?
Vitré.

Le club qui vous fait rêver ?
Le PSG. Mais mon club de cœur restera toujours le Red Star.

Vos joueurs ou vos joueurs préférés ? Un modèle ?
Ruud Van Nistelrooy et Hernan Crespo.

Un stade mythique où vous avez joué ?
Geoffroy Guichard, en L2 avec Laval.

Vos occupations en dehors du foot ?
Lire, préparer mes formations pour mon après carrière et regarder des séries.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Aucune idée… Au début, je me débrouillais, j’étais dans la maintenance industrielle. Là, je termine une formation de créateur d’entreprise.

Le milieu du foot en quelques mots ?
Un peu ingrat parfois…

Normandie, Bretagne, Corse, Pays de la Loire, centre où vous avez joué, ou région parisienne où vous avez grandi ?
J’ai bien kiffé mon année en Corse. Mais je reste attaché à la région parisienne. J’ai déjà fait construire ma maison en Seine-et-Marne.

Vendredi 20 octobre 2023 – Championnat National (11e journée) : FC Martigues – La Berrichonne de Châteauroux, à 19h30, au stade Francis-Turcan.

Regarder le match sur : https://ffftv.fff.fr/video/6314002710112/j11-national-i-fc-martigues-lb-chateauroux-19h15

Texte : Laurent Pruneta / Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech

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Le dirigeant charismatique du FC Borgo (N2) est un personnage truculent qui a su « casser les tabous » et instaurer des valeurs de convivialité, de partage et d’échange avec les autres clubs, même dans l’adversité. Portrait d’un personnage parfois sanguin, souvent attachant, dont la voix et l’aura pèsent.

Photo Philippe Le Brech

Une journée. C’est le temps qu’il faudrait, dixit Stéphane Rossi, pour parler d’Antoine Emmanuelli ! L’entraîneur emblématique du CA Bastia* pendant 18 saisons (*de 2000 à 2003 au Cercle Athlétique Bastia Gallia Lucciana puis de 2003 à 2017 au CA Bastia et enfin au FC Bastia-Borgo en 2021-22) n’a pourtant que dix minutes – c’est le temps qu’on lui a donné ! – pour évoquer « son » président, son ami, son ex-coéquipier aussi !

Les deux hommes sont indissociables de l’histoire et de l’aventure du CABGL (et donc du CA Bastia et du FC Bastia Borgo, vous suivez ?) ! « Des anecdotes sur Antoine ? J’en ai plein ! » Stéphane Rossi, sans club actuellement depuis son départ de Cholet (National) le 1er mai dernier, aime raconter celle-ci : « L’année où on était en Ligue 2 (2013-2014), il s’était auto-exclu du banc de touche ! Il n’était pas d’accord avec l’arbitre, alors il lui a dit « Vous n’avez pas besoin de me mettre de carton rouge, je me le mets tout seul ! » Je lui disais souvent de se calmer sur le banc, j’ai essayé de le canaliser. Antoine, il faut le connaître, il peut péter les plombs, mais c’est toujours pour le bien du club, pour défendre le collectif ».

Chaleureux et impulsif

Avec Stéphane Rossi à Cholet l’an passé. Photo Philippe Le Brech

Quand on lui décrit Emmanuelli comme quelqu’un de charismatique, convivial, chaleureux mais aussi d’impulsif, Rossi acquiesce : « Oui, c’est ça, il est très convivial, charmant. Quand tu passes un moment avec lui ou un repas, tu te régales, mais sur le terrain, il change ! Une fois, à Aix-en-Provence, à mes débuts de joueur, donc ça remonte hein, et alors que l’on était coéquipier, Antoine jouait défenseur et a traversé tout le terrain pour « allonger » un mec qui m’avait marché sur le pied ! Il voulait me défendre ! Du coup, il a dû jouer cinq minutes avant de se faire expulser ! »

Ces épisodes, tellement représentatifs du personnage, c’était avant. Depuis peu de temps, Antoine Emmanuelli ne s’assoit plus, ou beaucoup moins souvent, sur le banc de touche, aux côtés des joueurs et du staff. « Ce n’est pas bon pour le coeur, sourit ce personnage truculent, figure du monde amateur; le professeur m’a posé deux stents, l’un avec un moteur de Porsche et l’autre avec un moteur de Ferrari, donc ça va ! »

Photo Philippe Le Brech

Il est comme ça, Antoine Emmanuelli ! Il a un côté pile et un côté face. Chaleureux, convivial et en même temps impulsif et sanguin. Capable de convier dirigeants et administratifs d’un club adverse à une réception d’avant match autour d’un bon verre de vin rouge et de la charcuterie (produits corses, évidemment !) et dans l’heure suivante de s’énerver après eux ! Mais ça se termine bien, en général. « C’est vraiment un mec entier, poursuit Rossi; il aime bien partager, mais il ne faut pas lui faire à l’envers ! On est toujours en contact, bien sûr. Quand il m’a rappelé pour entraîner Bastia-Borgo en cours de saison 2021-22, j’ai retrouvé le même fonctionnement au club. Je n’ai passé que 6 mois cette fois mais j’ai eu l’impression de revenir 15 ans en arrière ! Il y avait de la sérénité dans le travail, au club, malgré la situation sportive difficile. Antoine dégageait de la confiance aussi. Il avait toujours un super-état d’esprit, et ça, je peux vous dire que ça manque aujourd’hui dans le football. »

Impliqué dans la vie régionale et fédérale

Photo Philippe Le Brech

Ce caractère haut en couleur, ces frasques, ont bien sûr contribué à la « notoriété » d’Emmanuelli, mais il serait réducteur de résumer cet homme de 66 ans, attachant, truculent et sensible, à cela. Car Antoine, c’est aussi et surtout les valeurs, le partage, l’échange, la convivialité, même dans l’adversité : « Parfois je m’accroche, c’est vrai, reconnaît-il; mais ensuite, c’est la passion qui nous rapproche. On est arrivé à instaurer ce fonctionnement avec les autres clubs. On s’invite, on se remet un petit présent, ça ce sont les valeurs de partage. Après, le foot c’est le foot ! »

Le Bastiais a tout connu au club, où il a commencé joueur avec une première licence en minimes, pour en devenir le président, en 2013, au temps du CA Bastia. Aujourd’hui, avec José Orsini, il co-préside aux destinées du FC Borgo, la nouvelle entité créé l’année dernière, alors que le club évoluait encore en National (il est descendu en National 2 cette saison). Il est également vice-président de la Ligue de Corse (depuis 12 ans) et ses fonctions fédérales – il est membre du collège des acteurs du football amateur à la Ligue fédérale amateur (LFA) – font de lui un dirigeant écouté, respecté, qui pèse. Même s’il n’aime pas qu’on le dise. Même s’il n’aime pas trop en parler. « J’essaie de m’impliquer pour faire avancer les choses, pour protéger les clubs. Je reste actif, sans prétention. Je reste à ma place. C’est cette passion qui me permet de rester dedans. Je n’oublie pas que c’est Toussaint Rossi, le papa de Stéphane, qui m’a introduit dans le giron fédéral ».

Photo Philippe Le Brech

Défendre ses joueurs, son entraîneur, son club, c’est ce qui a frappé Stéphane Rossi, mais pas seulement : « Antoine, c’est surtout quelqu’un de compétent. Il connaît le foot, il a joué jusqu’en Division 4 à l’époque, il laisse faire les gens, ll leur fait confiance. Je suis bien placé pour le dire. Parfois, on a eu des divergences d’opinion, c’est normal, et parfois même des disputes, mais rien de grave. On allait manger un morceau ou boire un coup et c’était réglé. Pareil, quand je suis revenu au club, en 2021, j’ai senti de la confiance, et si tu ne ressens pas ça, c’est compliqué d’y arriver. Bien sûr, parce que je suis un régional de l’étape, parce que tout le monde me connaissait déjà au club et que je connaissais tout le monde aussi, c’était peut-être plus facile pour moi que pour un autre. Mais avec Antoine, il y a beaucoup de sérénité dans le travail, de confiance. C’est vraiment quelque chose qui m’a marqué. Et malgré la situation sportive difficile dans laquelle on était, c’était franchement très agréable dans le travail et tout ça a rejailli sur les joueurs et sur l’état d’esprit général de l’équipe. Mais pour ça, il faut connaître le football, et ça, Antoine, il sait le faire. »

Interview

« C’est pour ça qu’on est devenu le FC Borgo… »

Avec Alex Torres, l’entraîneur en National la saison passée. Photo Philippe Le Brech

Antoine, votre meilleur souvenir sportif de président ?
C’est la période quand on monte de CFA en National puis de National en Ligue 2, quand on est monté deux fois consécutivement, entre 2011 et 2013. Avec les matchs de la montée à Alfortville d’abord, qui nous propulse en National, et contre Créteil l’année d’après, quand on accède en Ligue 2.

Pire souvenir de président ?
Plus qu’un mauvais souvenir, c’est une réflexion générale, celle de ne pas pouvoir jouer à Bastia. D’être localisé. Sinon, pour les mauvais souvenirs, ce sont les mauvais résultats, mais je garde cette grosse frustration, de voir cette génération de joueurs qui tout connu jusqu’à la Ligue 2 et qui, à la sortie, après tout ça, a été punie, car il a fallu jouer ailleurs, à Porto-Vecchio (le stade Erbajolo n’était plus homologué). On n’a pas pu utiliser les installations bastiaises. Ce qui fait que l’on n’a pas pu développer notre identité bastiaise. Aujourd’hui, la finalité, elle est là. Si on est devenu le FC Borgo, c’est bien pour cette raison.

Photo Philippe Le Brech

Un modèle de président ?
C’est une question difficile. Sur le plan de l’amitié, c’est François Nicolaï. Il a été président de Ligue 1 (au SC Bastia) et c’est mon ami. J’ai participé avec lui à la vie du Sporting mais je suis resté à mon niveau.

Vous avez aussi été dirigeant au Sporting ?
Oui, en même temps qu au CABGL, pendant 5 ans, avec Jean François Filippi. L’entraîneur, c’était Antoine Redin : ma « culture vestiaire », ma « culture banc », ça vient d’Antoine, et j’ai essayé de transmettre ça après. J’ai beaucoup appris à leurs côtés.

Des amis présidents ?
Oui, mais j’ai peur d’en oublier, Gilbert Guérin (Avranches) et Jacques Piriou (Concarneau), on a « grandi » ensemble et pu faire évoluer certaines choses, Jean-Pierre Scouarnec (ancien président de Dunkerque), Pierre Ferracci (Paris FC), Olivier Delcourt (Dijon), Benjamin Erisolgu (Cholet), y’en a beaucoup, Jean-Michel Roussier, sans compter les présidents mythiques, qui ne sont pas mes amis, mais que je respecte beaucoup, comme Jean-Michel Aulas, Noël Le Graët qui, malgré tout ce qu’on a pu dire, est un chef d’entreprise qui a su emmener le foot français à ce niveau, en partant de 80 millions de budget à 240 millions et 2,2 millions de licenciés. J’aurais pu les citer dans la question précédente, comme Marc Keller (Strasbourg) aussi. Et j’en oublie certains, comme Gervais Martel (Lens) ou Joël Coué (ex-président de Niort), que j’ai pu côtoyer lors de notre passage en Ligue 2, ) et aussi Philippe Jean quand il était président de Laval , avec lequel on échangeait beaucoup. Partout où je suis allé, j’ai toujours été bien reçu. L’accueil était très bon. C’était aussi l’objectif recherché, avec les autres présidents, de partager un moment de cohésion, de convivialité. On a eu un très bon accueil quand on est arrivé en Ligue 2, on a eu cette période de convivialité où l’on se recevait les uns les autres, à l’aller comme au retour, on a créé ça, on l’a mis en place, dans une démarche de partage et d’échanges. On a su instaurer des codes qui perdurent aujourd’hui, avec des présidents qui se reçoivent; on a cassé un peu les tabous, malgré la compétition, malgré le contexte de rivalité.

Sur le banc, avec Jean-André Ottaviani. Photo Philippe Le Brech

C’est ça, la culture du foot amateur ?
Quand vous allez jouer dans un club où il y a des enjeux, et si vous, vous n’en avez plus, et qu’en plus vous gagnez… On vous convie quand même à la fin du match, c’est ça la convivialité. Quelque part, c’est un peu une reconnaissance. C’est ça la culture du football amateur. Même lors de notre passage en Ligue 2, on pouvait passer pour le petit, le candide, mais on avait gardé nos valeurs, notre identité, notre caractère. Avec nos qualités et nos défauts, comme l’impulsivité. mais on était restés nous-mêmes.

Nostalgique de la période Ligue 2 ?
Non. On a profité. On a pris. On a appris. Aujourd’hui, quand je vais voir le président de Granville, d’Aubervilliers ou de Boulogne-sur-Mer, je suis très content. Je garde mes valeurs d’échanges et de partage, peu importe la division, elles sont là. C’est sûr que c’est plus valorisant de jouer en L2 mais ça ne me pose aucun problème de disputer un championnat de National 2 ou de National. J’en profite pour rendre hommage à Julien Boronat et Ange Paolacci qui, lorsque nous sommes montés en Ligue 2, nous ont accompagnés sur le plan administratif.

Vous êtes un président plutôt …. ?
A l’écoute. Je suis un homme de terrain, respectueux des codes et des principes, qui pense que l’entraîneur doit entraîner, que le président doit gérer, en cloisonnant les choses, en mettant des passerelles.

Photo Philippe Le Brech

L’idée une Ligue 3 pro, vous en pensez quoi ?
J’ai lu l’article de Thierry Gomez que vous avez publié. Ce projet de professionnaliser le National, on l’a porté pendant plusieurs années, notamment avec Gilbert Guérin (Avranches) et Jacques Piriou (Concarneau) dans le rôle des principaux acteurs, qui se sont beaucoup investis, comme d’autres aussi. Malheureusement, il y a eu un coup d’arrêt énorme avec l’échec de Mediapro. On a « régionalisé » les 13 Ligues, et on s’aperçoit que certains font marche arrière et veulent reprendre leur « liberté ». On a mis tout notre vécu, toute notre expérience au service de la Fédération pour faire avancer, évoluer les niveaux, protéger les championnats, les joueurs, dans une démarche collective. Mais pour ça, il fallait que le modèle économique suive. La faillite de Mediapro a fait faire un bond en arrière de 10 ans. Et puis la Covid est arrivé aussi… Malgré tout, la Fédération Française de football a accompagné les clubs, au prix du « quoi qu’il en coûte » selon l’expression consacrée, jusqu’à un certain niveau. Il y a eu une certaine solidarité, c’est comme ça que je l’ai ressenti. Mais quand la rivalité nous rattrape, quand le quotidien nous rattrape, on s’aperçoit que l’on refait un bond en arrière.

Avec Jean-André Ottaviani. Photo Philippe Le Brech

La Fédération revient sur des obligations, comme la Licence club, même si elles accompagnent par un signal fort ses clubs, ses licenciés, de manière conséquente, contrairement à d’autres fédérations. Bien sûr, on peut toujours mieux faire, mais il ne faut pas toujours aller dans le « tout licence, toute obligation ». Le danger, c’est que certains clubs risquent de sortir du giron et ne plus accepter la démarche de la Fédération, parce qu’il y a des obligations qui, si elles sont trop fortes, risque de conduire à un désaveu et un décrochage de beaucoup de clubs. La réforme peut arriver au bon moment pour redistribuer un peu l’argent. Il va falloir aussi consolider le National 2 et le National 3, et préparer cette réforme, afin qu’elle « atterrisse » dans de bonnes conditions. Il y a des groupes de travail qui se créent, on est en train de le finaliser ça pour 2025. Après, quid du haut de la pyramide du niveau 1 amateur (le National) ? Qui va payer le fonctionnement ? Aujourd’hui, pour reprendre les propos de Thierry Gomez, le National, c’est 9 clubs pros et 9 clubs amateurs. Et l’année prochaine ? Et qui va gérer ? La LFP ou la FFF ? Si c’est pro, c’est pris en charge par la LFP, donc par le collège de la Ligue 2. Et la courroie de transmission, ce sera le National 2, qui deviendra le haut de la pyramide amateur : et là, il faudra voir comment ces clubs de N2 pourront se projeter pour toucher l’échelon supérieur : est-ce qu’être champion donnera le sésame ? Tout ça, on le met sur la table, calmement, sans polémique.

Photo Philippe Le Brech

La posture « fédérale », c’est une chose, et celle de Borgo… Comment voyez-vous la chose ?
Nous à Borgo, à part la solidarité, à part un transfert d’un joueur à l’étranger, le club n’a rien, contrairement aux clubs professionnels qui peuvent toucher quelque chose sur un transfert dans un autre club français : c’est ça la différence entre les clubs pros du National et les clubs amateurs. Il faut parvenir à trouver l’égalité, l’équilibre. Il faut en discuter, avec le syndicat « foot uni », avec l’U2C2F, etc. Tout le monde travaille de concert. Il faut y intégrer la Ligue 2 jusqu’au National 3 et je le répète souvent, attention, personne n’est à l’abri d’une descente. Aujourd’hui, des clubs sont en Ligue 2 et demain, ils seront peut-être en National 2, donc il faut rester humble, ça va vite dans le foot.

Le National, voire le N2, ce serait donc le purgatoire pour les clubs pros ?
Aujourd’hui, en Ligue 1, pour rester dans le haut du tableau, il faut entre 45 et 50 millions d’euros, en sachant qu’il existe toujours l’incertitude sportive. En Ligue 2, tu as aujourd’hui 10 clubs qui peuvent descendre en National… Si la Ligue 3 pro voit le jour, ce ne sera pas le purgatoire, non, mais il ne faudra pas y vivre à crédit. Je pense, plus généralement, que si vous n’avez pas un projet de territoire, une histoire, un centre de formation, c’est compliqué. Des clubs comme Nancy, Le Mans, Sochaux, essaie de monter en Ligue 2 pour donner une valeur marchande à leur club, c’est légitime. Mais tout le monde est en danger. Quand vous gérez l’humain c’est difficile, il faut rester prudent; économiquement c’est difficile.

Photo Philippe Le Brech

C’est quoi, l’avenir du FC Borgo à long terme ?
C’est de continuer à ce structurer, parce qu’on a l’outil pour. Au niveau des jeunes, c’est franchir les échelons nationaux pour pouvoir être crédibles et attractifs (le club joue en U17 Nationaux), pour construire une équipe en N2 ou en National où l’on puisse se dire, « Voilà, c’est des joueurs qui sortent du sérail », mais ça demande du temps, c’est fragile. Cela demande aussi beaucoup d’investissement et d’engagement de la part de nos partenaires et de la municipalité. Est-ce que l’on pourra y arriver ? Je ne sais pas parce que, à côté de nous, il y a un club qui prend énormément de place, où il y a une énorme attente, et que l’on souhaite revoir en Ligue 1, moi le premier, c’est le Sporting-club de Bastia. J’ai toujours pour habitude de dire « On vit à côté ». Avant, on échangeait, et le SC Bastia nous rendait, nous donnait, mais aujourd’hui, il n’est pas en position de le faire, car il est toujours en phase de construction. Forcément, on subit un peu cette situation-là, dans le sens où on a du mal à échanger naturellement, pas contractuellement, non, car on n’a jamais eu de soucis de ce côté-là, on a toujours su voir l’intérêt de l’un ou de l’autre; par exemple, on récupérait des joueurs qui ne jouaient pas trop chez eux. Mais il devrait y avoir des vases communicants naturels. On pourrait avoir plus de joueurs « locaux », ce qui permettrait d’avoir une plus forte identité, mais on a un peu perdu ça… On nous dit « oui, mais il n y a plus de Corses »… Il faut laisser le temps au temps, laisser les clubs travailler, terminer leur restructuration, et quand on aura retrouvé un équilibre, chacun y trouvera son compte.

Photo Philippe Le Brech

Comment fonctionne le club ?
On n’a pas tout à fait 1 million d’euros de budget, avec plus de 350 licenciés, et des frais de déplacements qui atteignent les 250 à 300 000 euros par saison. Mais on fonctionnera toujours comme ça, avec l’un des plus petits budgets, quelles que soient les divisions dans lesquelles on joue. Ce que l’on souhaite, c’est rester attractif : ici, il y a une qualité de vie, on travaille dans de bonnes conditions et sur de bonnes installations. Il y a une culture sportive et un fonctionnement qui nous permettent tout cela. Depuis 2017, on bénéficie d’un nouveau complexe à Borgo très fonctionnel (complexe Paul-Natali), avec deux terrains et on a aussi le stade Paul-Antoniotti. On a tout ce qu’il faut. Mais le club, c’est beaucoup de sacrifices, d’effort et d’investissement.

Le FC Borgo, c’est un club plutôt…
Bien ancré dans la région, qui a une histoire, qui a su garder sa forte identité, même avec la fusion. Un club où on peut travailler sereinement et progresser.

Le meilleur match de l’histoire du FC Borgo, c’est lequel ?
Celui qui nous a permis de gagner à Saint-Brieuc en National 2 (en 2019), à trois journées de la fin, et de nous positionner pour la montée. En gagnant là-bas, on s’était donner les moyens de monter en National, ce que l’on a réalisé en gagnant ensuite à Vannes à la dernière journée.

Photo Philippe Le Brech

Le pire match de Borgo ?
Je ne sais pas, les mauvais souvenirs, je les efface (sourire). Ce sont toujours des défaites.

La plus grosse prime ?
Allô ? Désolé, je suis un peu sourd (rires) ! Y’a souvent des cloches qui sonnent fort dans les vestiaires !

Votre plus grosse erreur de président ?
D’avoir fait du sentiment à un moment, de ne pas avoir pris la bonne décision à un certain moment. C’était juste après l’épisode de la Ligue 2. Je ne parle pas de Stéphane (Rossi), non, bien sûr.

Plus grande satisfaction de président ?
Un match référence, en 32e de finale de la coupe de France, quand on a battu le SC Bastia 2-0 à Ajaccio (en janvier 2013), qui était en Ligue 1, et une qualification contre Nancy, alors en Ligue 1, à Ajaccio aussi (2 à 0, en février 2017); ça, ce sont des grosses satisfactions, comme des matchs qu’on a joués à Porto-Vecchio où on a trouvé un accueil formidable. Pareil à Ajaccio. C’est important de le dire. L’échange, le partage, c’est ça aussi ma satisfaction.

Votre plus grosse colère de président ?
Tu me pièges là ! Je ne m’en souviens plus (rires) ! Oui, je peux piquer une crise… comme l’année de la montée en Ligue 2, en 2013, à Rouen, après un match contre le FC Rouen (match en retard perdu 3-2, à trois journées de la fin) : je me revois monter sur la table de massage en train de dire mes quatre vérités, mais toujours en restant lucide, sans crier, pour être crédible. Il y a eu une prise de conscience après ce match et moi, je ne suis plus rentré dans le vestiaire lors des trois derniers matchs et on les a remportés les trois, et on est monté à la dernière journée !

Le joueur emblématique du club ?
C’est difficile ! Il y a Stéphane (Rossi), et aussi Nanou (Antoine) Battesti, un joueur qui a eu des statistiques jamais égalées. Il y a aussi Sébastien Lombard, qui est aujourd’hui l’adjoint de Mickaël d’Amore, notre entraîneur en National 2, et Jean-François Grimaldi, bref, toute la génération de copains aussi qui est monté de CFA en Ligue 2. Aujourd’hui, le joueur emblématique, ce serait Cheick Doumbia, car ça fait 8 ans qu’il est au club.

L’entraîneur emblématique ?
L’entraîneur, c’est Stéphane (Rossi), je n’oublie pas Jean-André Ottaviani aussi, avec qui on a eu une relation très forte.

Une devise ?
Non. Une réflexion plutôt : savoir écouter les gens.

Lire aussi (interview de Thierry Gomez, président du Mans FC) :

https://13heuresfoot.fr/actualites/thierry-gomez-la-ligue-3-cest-le-sens-de-lhistoire/

 

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Philippe Le Brech

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C’est comment un match de Ligue 2 délocalisé ? Contraints de disputer leurs 19 matchs « à domicile »… à l’extérieur, en raison des travaux du stade Guy-Piriou, les Thoniers ont trouvé trois terres d’accueil à Guingamp, Brest et aussi Lorient où 13heuresfoot a assisté à la journée-type.

La solidarité bretonne a bien fonctionné. Contraints de délocaliser leurs 19 matchs à domicile, en raison des travaux de mise aux normes Ligue 2 de leur stade Guy-Piriou, les Thoniers de l’US Concarneau ont trouvé des terrains d’accueil à Guingamp (deux rencontres, toutes deux déjà jouées), à Brest (9 rencontres) et à Lorient (8 rencontres) où ils viennent de « recevoir » Saint-Etienne (défaite 0-1) et dernièrement Dunkerque (victoire 4-3). 13 heures foot y était.

Lorient, le port à côté

Les bénévoles au départ du bus. Photo DV.

Même si, pour aller jouer au Moustoir, les Concarnois doivent franchir la « frontière » entre le Finistère et le Morbihan, Lorient, c’est le voisin naturel, la porte à côté. « Le port à côté » disent les Thoniers quand ils naviguent dans les eaux territoriales des Merlus.

Les joueurs de Stéphane Le Mignan n’y étaient évidemment pas comme chez eux, mais tout a été organisé pour qu’ils se sentent le mieux possible. « On a été super bien accueilli par le club et par la ville », rapporte Manon Puloch, la responsable marketing et communication à l’US Concarneau.

Contre Saint-Etienne (samedi 23 septembre dernier, 0-1), ce n’était pas la première fois de son histoire que l’US Concarneau jouait « à domicile » à Lorient. En 2015, en quart-de-finale de la Coupe de France, les Thoniers, alors en CFA, avaient déjà « reçu » Guingamp (L1) au Moustoir (élimination 1-2) où ils s’étaient vraiment sentis chez eux. Nicolas Cloarec, leur coach de l’époque, le rappelait dernièrement dans les colonnes du « Télégramme » : « Ce que je retiens, c’est qu’on avait déplacé une ville entière dans un stade. Il y avait 18 000 personnes au Moustoir, pour 19 000 habitants à Concarneau ! Le stade était à nous, c’était fou. »

6010 spectateurs pour Saint-Etienne à Lorient

Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football

Contre Saint-Etienne, ils n’étaient « que » 6010. Le maximum qu’aurait pu accueillir le stade Guy-Piriou s’il avait été aux normes. « Chez nous, cette saison en Ligue 2, tous les matchs se seraient joués quasiment à guichets fermés, c’est ça le plus rageant ! Contre Saint-Etienne, on espérait entre 7 et 8 000 car c’était à Lorient, donc plus près de Concarneau (trois quarts d’heure de route) que Guingamp (deux heures) ou Brest (une heure et demie), mais surtout parce que c’était contre Saint-Etienne », reconnaît Manon Puloch. « Donc même si on a fait beaucoup plus que contre Bastia (1875) et Annecy (922) à Guingamp, ou que contre Caen (3001) à Brest, on était un peu déçu. On s’y attendait quand on avait vu l’avancée de la billetterie, qu’elle soit sur place, à Concarneau, ou en ligne, mais il faut bien admettre que ce n’est pas simple à organiser. Même si Lorient est le site le plus proche de Concarneau, il y a quand même de la route à faire et on ne va pas au match aussi facilement et naturellement que quand on est sur place. »

Contre Dunkerque, samedi dernier, ils n’étaient d’ailleurs plus que 1921 mais, lorsque Pape Ibnou Ba a achevé de renverser complètement le match en arrachant la victoire dans le temps additionnel (4-3, 90′ +4), les supporters ont fait du bruit comme s’ils étaient… 6000 à Guy-Piriou ! « On a vécu beaucoup d’émotions. C’est vrai que ça fait quelques semaines, voire quelques mois qu’on n’avait pas vécu ça, ça remonte à Guy-Piriou. Ce sont des moments très agréables pour une équipe et pour un club », a confié le coach Stéphane Le Mignan au « Télégramme ».

Les déplacements des supporters

Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football

6010 contre Saint-Etienne. 1921 contre Dunkerque… Le déplacement des supporters reste, pour la chargée de marketing et de communication, une des très grandes problématiques de ces matchs délocalisés. « On a passé un partenariat avec une société de co-voiturage, StadiumGO, mais pour l’instant les supporters n’en profitent pas vraiment. Ils préfèrent se déplacer entre eux. On aurait bien aimé aussi organiser des navettes mais c’est difficilement envisageable car il y a tellement de zones d’ombres et d’incertitudes quant au nombre de spectateurs potentiels que c’est très compliqué pour nous à anticiper et à gérer. On n’a pas non plus pu mettre en place de formules d’abonnements en raison de nos matchs dans trois stades différents. On ne se plaint pas mais je crois que les gens ne s’imaginent pas la quantité de travail qu’il faut abattre pour notre première saison en Ligue 2 dans ces conditions. Déjà, du National à la Ligue 2, le cahier des charges de la licence club n’a rien à voir. Il doit répondre aux nombreuses demandes de la LFP, et quand en plus il faut jouer à domicile dans trois stades différents, ça multiplie tout. S’il n’y avait qu’un seul stade encore ça irait, mais trois c’est énorme, rien qu’en déplacement de matériel que l’on ne peut pas stocker. »

Quand ça bouchonne aux entrées…

Contre Saint-Etienne, il y a d’ailleurs eu un « couac » aux entrées où ça a bouchonné pour quelques centaines de spectateurs qui ont raté le début du match. « Ce n’était pas un problème de billetterie mais une question de sécurité », explique Manon Puloch. « On a été lâché par une entreprise de sécurité et il nous a donc manqué 32 agents affectés à la palpation pour sécuriser l’accès au stade. » Contre Dunkerque, tout s’est bien passé mais il y avait aussi malheureusement beaucoup moins de monde…

Quarante bénévoles en bus à Lorient

Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football

« On se déplace à cinq la veille des matchs « à domicile » et on passe toute la journée du vendredi sur place. Le samedi, on a cinq ou six personnes qui viennent le matin pour nous donner un coup de main dans la manipulation de certains panneaux lourds, comme le tableau publicitaire des interviews ou l’arche de la LFP qui est heureusement resté sur place pour nos deux matchs de suite à Lorient, contre Saint-Etienne et Dunkerque », précise Manon Puloch. « Et l’après-midi, on a une quarantaine de bénévoles qui arrivent en car pour s’occuper des buvettes, de la restauration, de l’espace VIP et de l’environnement du terrain. Sans eux, ce serait tout simplement impossible. »

Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football

Le bus pour Lorient lors du match face à Saint-Etienne, c’était une première qui, par sécurité, sera reconduite durant toute la saison. Avant, à Guingamp, contre Bastia (0-0) et Annecy (1-1), et à Brest, face à Caen (défaite 0-2), c’était en mini-bus que les bénévoles se déplaçaient.

Ce qui ne change pas ce sont leur tenue : des marinières estampillées USC. Et le coeur à l’ouvrage est lui aussi toujours présent pour servir à boire ou mettre la main à la pâte, sur les billigs et les planchas, du côté des stands des galettes-saucisses où, contre Saint-Etienne, les 54 douzaines de crêpes et les 340 saucisses se sont envolées comme des petits pains avant le début de la seconde période. Après le match, le retour en bus a pris un peu de retard mais, quand on aime l’USC, on ne compte pas ses heures. Encore moins en Ligue 2 pour « les matchs à domicile à l’extérieur ».

L’habillage du terrain

Sur le terrain proprement dit, à Lorient, comme à Brest d’ailleurs, l’essentiel de la panneautique (panneaux publicitaires des partenaires de l’US Concarneau) se fait en écrans LED, donc ça simplifie les choses. « Mais il ne faut pas oublier l’habillage des vestiaires, de la zone mixte, des couloirs et de la salle de presse avec la communication de la Ligue de Football Professionnel (LFP), ça demande beaucoup de travail et on y passe plusieurs heures. Et il faut s’adapter à la configuration des trois stades et à leur mode de fonctionnement spécifique », rappelle la chargée de com’.

504 Stéphanois dans le parcage « visiteurs »

« Il faut aussi gérer le parcage « visiteurs » qui est plus ou moins occupé. Pour le match de Saint-Etienne à Lorient, les supporters stéphanois étaient 504. Au niveau de la sécurité, c’est à nous de les accueillir, mais à l’intérieur du stade, c’est leur agence qui gère. Ils ont un process bien huilé et nous ça nous convient très bien comme ça. » Contre l’USL Dunkerque, c’était encore plus simple à gérer car il n’y avait aucun supporter dunkerquois dans le parcage « visiteurs » !

Des langoustines dans les loges

« Pour Saint-Etienne, on avait environ 350 partenaires répartis dans différentes loges selon les prestations offertes que l’on essaye de calquer sur la base des formules « Carré or », carré bleu » ou « carré rouge » que l’on proposait quand on était chez nous au stade Guy-Piriou. Mais on ne fonctionne pas de la même façon à Guingamp ou à Brest où on avait accueilli environ deux cents partenaires. On doit s’adapter aux différents lieux et au nombre. » Et l’adaptation fait parfois très bien les choses car contre Saint-Etienne, au Moustoir, certains privilégiés ont même eu droit à des langoustines.

Interview / Guy Jannez (bénévole) :

« On est très bien reçu partout ! »

Guy Jannez, derrière la buvette ! Photo DV

Impossible n’est pas… bénévoles concarnois ! Guy Jannez, le responsable des bénévoles, raconte comment se déroule et s’organise une journée « à domicile… à l’extérieur » !

Guy Jannez, il y a un lien de parenté entre vous et Guillaume Jannez, le capitaine des Thoniers ?
« Non, pas du tout, ça s’écrit de la même façon mais il n’y a aucun lien de parenté. »

Vous êtes le responsable des bénévoles à l’US Concarneau, c’est un travail à plein-temps ?
« Peut-être pas à plein-temps mais c’est vrai que ça demande beaucoup et de plus en plus de temps avec tout le matériel à préparer et à déplacer… »

Combien d’heures par semaine ?
« On est pratiquement aux 35h (sourire) mais il faut le faire et on va le faire jusqu’au bout. »

Comment se passent les matchs « à domicile » à l’extérieur ?
« Déjà la préparation : on envoie le lundi un message aux bénévoles pour savoir s’ils seront absents ou présents. Ensuite, le mercredi, avec l’aide de Sophie Sellin, on liste les postes pour les buvettes et les stands de restauration. Et le vendredi après-midi, avec le soutien de nos partenaires qui nous prêtent deux véhicules pour chaque déplacement, on charge le matériel, c’est-à-dire l’arche sous lequel passent les joueurs à leur entrée sur le terrain, les panneaux BKT, les planchas et les billigs pour la restauration, les gobelets pour les buvettes, de façon à ce que tout soit prêt pour le samedi matin. On est six à partir vers 8h30 / 9h pour aller faire la mise en place avant que les autres bénévoles n’arrivent vers 16h en bus au stade. Et au retour, le bus repart à 21h30 pour que l’on puisse tous se retrouver au stade Guy-Piriou à Concarneau pour faire un petit casse-croûte entre bénévoles. »

C’est lourd à gérer ?
« C’est très très lourd à gérer et heureusement que l’équipe de bénévoles est très soudée et volontaire. »

Quel est le poste le plus compliqué ?
« La restauration et les buvettes. C’est vraiment lourd car on n’est pas chez nous et il faut tout déplacer. »

C’est plus simple à Lorient qu’à Guingamp ou à Brest ?
« Lorient c’est quand même plus près de Concarneau et on a été très bien accueilli. On a à disposition tout ce que l’on a demandé, il n’y a aucun souci. Brest c’est quand même une demi-heure supplémentaire, Guingamp, plus d’une heure encore de plus, mais sinon on a été très bien reçu dans tous les stades où on doit se déplacer. »

Au nombre de galettes-saucisses et de bières vendues, Saint-Etienne à Lorient, c’était équivalent à un gros match à Guy-Piriou ?
« C’est beaucoup moins et ça n’a même rien à voir. Au niveau de la restauration, c’est à peu près l’équivalent, mais pour la boisson c’est beaucoup moins. Il y a la route du retour à faire… Et alors qu’ici, à Concarneau, la buvette du bas restait ouverte une heure ou une heure et demie après le match, là-bas, à Lorient, Guingamp ou Brest, on ferme à la 70e minute. C’est dans le protocole. »

Toute cette troménie (procession lors des fêtes religieuses en Bretagne), c’est le passage obligé pour vous retrouver chez vous en Ligue 2 la saison prochaine ?
« On va faire l’effort. Il faut absolument qu’on y soit. Mais s’il n’y avait pas les bénévoles, je ne sais pas comment le club ferait. C’est vraiment difficile, mais les bénévoles sont présents et je pense qu’ils le seront toujours. »

Faut-il être retraité pour être bénévole à l’USC ?
« Il vaut mieux car on a plus de temps, mais on a aussi des bénévoles actifs, qui sont au boulot toute la semaine et qui font l’effort d’être là en plus le samedi. »

Les bénévoles ne fatiguent-ils pas ?
« Si, ça commence, mais ils en veulent tellement qu’ils s’accrochent et on se motive entre nous. Il y a une très bonne entente. »

Entre bénévoles, cette situation vous éloigne ou vous rapproche ?
« On se serre les coudes donc ça nous rapproche dans la difficulté. Les bénévoles sont très motivés pour donner un coup de main au club, il n’y a aucune défection, tout le monde est présent, c’est encourageant. Et on a aussi la chance d’avoir la direction et les présidents qui nous encouragent. Si on demande quelque chose, automatiquement c’est accepté. »

Mais ne risquez-vous pas de perdre des bénévoles sur la durée d’une saison aussi lourde ?
« On verra cet hiver mais non, pour l’instant c’est même plutôt le sens inverse. On a trois ou quatre nouveaux qui voient bien que c’est très difficile et qui souhaitent donc se rapprocher de nous pour nous aider. »

Comment se passe un samedi-type pour le bénévole ?
« Pour la quarantaine de bénévoles qui viennent à partir du samedi après-midi, le départ se fait à 15h du stade Guy-Piriou. Quand c’est à Lorient, ils y sont une heure après, et là ils se mettent à travailler, à préparer les buvettes, faire la mise en place et les sandwiches, il en faut aussi pour la sécurité et pour les bénévoles eux-mêmes. Il y a deux heures de temps où on est vraiment le nez dans le guidon. »

Arrivez-vous à maintenir l’esprit concarnois à l’extérieur ?
« Au niveau des bénévoles, on a un bon groupe de purs et durs, ils gardent la fibre car le maillot est là (il pose une main sur son coeur). »

Vous devez être pressés de retrouver vos marques à Guy-Piriou ?
« Il est temps. Il est même plus que temps. C’est fatiguant et ça serait bien que quelqu’un du service des sports de la mairie de Concarneau soit présent pour la préparation et le chargement du matériel à chaque match à domicile que l’on doit jouer à l’extérieur. Et que cette personne soit également présente pour assister à la mise en place dans les stades qui nous accueillent et voir ce qu’il s’y passe. C’est énorme. Vraiment énorme. Les quarante bénévoles ne sont pas là pour faire de la figuration. C’est énormément de travail. »

 

Textes : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos / Contact : dvergos@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football (sauf mentions)

Photos Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football (et Denis Vergos)

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Le président du Mans FC (National) se confie très longuement, sans tabou, et revient sur son cheval de bataille : la création d’une 3e division professionnelle. Son parcours, ses expériences, sa vision très collective du football : il dit tout !

N’attendez pas de Thierry Gomez qu’il fasse de grandes déclarations fracassantes ou qu’il cherche à faire le buzz avec une formule bien sentie. Ce n’est pas trop le style de cet homme de 60 ans, dont l’imposante silhouette laisse transparaître, de prime abord, une certaine forme d’assurance. Le président du Mans FC (depuis 2016) pourrait dérouler son CV bien garni, montrer ses diplômes (Université Paris X Nanterre et Paris Dauphine, Master en économie de gestion et maîtrise en droit et économie), ou faire la leçon. Il n’est pas comme ça.

Plutôt qu’une phrase qui claque, l’ancien président de Troyes (de 2004 à 2009) préfère les slogans. Et là, les idées ne lui ont jamais fait défaut. A l’ESTAC, c’était « Le jeu, la formation, l’accueil ». Simple. Efficace. Cela ressemble à l’une de ses devises : « Travail, jeu, discipline ». Quand il a « monté » sa boîte en 1993, SMC Groupe, spécialisée dans l’événementiel d’entreprises, avec son ami et associé Florent De Bo, fréquenté sur les bancs de l’université Paris Dauphine, il a tout de suite accolé aux trois lettres la formule « Créateur d’émotions partagées ». Une formule parfaitement adaptée à son activité et qu’il aurait tout aussi bien pu décliner dans le milieu du foot. « Au Mans, notre slogan, c’est « Tous acteurs pour réussir » coupe-t-il, comme pour rappeler qu’en marketing, il touche sa bille.

S’il a le sens de la formule et du slogan, le natif de Poissy (Yvelines), la ville où il a aussi tapé ses premiers ballons, a le goût du collectif et du partage. Le goût des autres. C’est simple : réussir en équipe est son fil conducteur. Il ne raisonne jamais pour son intérêt personnel, mais pour l’intérêt général. Un trait de caractère qui transpire chez lui. A Troyes, son ancien secrétaire général, Henri Camous, se souvient qu’il fut le premier président à offrir le sandwich et la boisson aux supporters adverses.

Ce n’est pas tout : le dirigeant, observateur et réfléchi, et amateur de… chocolat, fourmille d’idées – sans doute son côté créatif -, fait preuve à la fois de recul et d’ambition. S’il ne laisse pas trop transparaître ses émotions, celles-ci le rattrapent dès lors qu’il évoque le souvenir de ses parents, le souvenir de son papa, Alfred Gomez, qui lui a inculqué les valeurs et la passion du ballon rond. Comme quoi, on peut être une machine à diriger et rester un être humain avec ses faiblesses. En résumé, avec Thierry Gomez, il ne faut pas se fier aux apparences !

Son parcours professionnel, sa première expérience très formatrice dans le foot au Matra Racing de Jean-Luc Lagardère à la fin des années 80, ses années de présidence à Troyes et au Mans, le football pro et amateur, le National et évidemment la Ligue 3 dont il est devenu, par le biais d’une nouvelle commission, l’un des plus grands défenseurs, Thierry Gomez a, pendant près d’une heure, passé tous ces sujets en revue.

Interview

« Un club, ça doit gagner de l’argent ! »

Dans le journal Ouest France, récemment, vous avez dit « Ce ne sont pas les noms qui font une équipe » : vous êtes dans le foot depuis près de 40 ans, vous avez mis autant de temps pour le comprendre ?
(Rires) ! Il n’existe pas de modèle de réussite dans le football, ça c’est une conviction forte. On peut réussir de différentes manières et tant mieux. Après, chacun a sa philosophie. La mienne, c’est l’envie de réussir par cette capacité à créer une dynamique collective forte; ça passe forcément par le talent individuel car c’est ça qui, parfois, arrive à débloquer un match, permet de prendre les quelques points en plus et vous font aller plus haut.

Mais l’idée, je le répète, c’est de créer une dynamique collective qui comprend aussi bien les joueurs, les partenaires, les bénévoles, les dirigeants. C’est très compliqué de faire travailler les gens ensemble, de créer un club où tout le monde va dans le même sens parce qu’un club de football, c’est vraiment des chapelles. C’est pour ça que la dimension collective est importante. Je l’ai vécu de l’intérieur, en 1986, avec le Matra Racing. On avait sans aucun doute l’une des plus belles équipe d’Europe, avec Francescoli, Littbarski, Casoni, Bossis, Olmeta, etc., Et pourtant, on a joué le maintien chaque année, donc j’avais déjà compris que les meilleurs joueurs ne faisaient pas la meilleure équipe. Et au bout de 3 ans, Jean-Luc Lagardère a tiré sa révérence : je me souviens encore de sa conférence de presse de départ, que j’avais organisée; ce fut un moment fort que je n’oublierai pas. On est passé à côté de quelque chose de formidable. Peut-être qu’on a eu raison un peu trop tôt.

« Le Matra en D1, c’était 6 ou 7 salariés ! »

Que voulez-vous dire par « avoir raison trop tôt » ?
A un moment donné, au Matra Racing, on a devancé ce qu’est devenu le sport aujourd’hui. Les loges n’existaient pas dans les stades, c’était nouveau; l’importance de l’économie autour du sport, être un acteur très important dans un territoire, ce n’était pas encore ça… Le président était souvent un notable du coin qui allait parfois à la buvette préparer les sandwichs. Les enjeux financiers et médiatiques n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. On ne parlait pas d’entreprise comme quelque chose qui allait devenir un vrai secteur économique d’un pays mais on parlait d’association, d’esprit Coubertin.

Au Matra Racing, on était déjà dans une démarche entrepreneuriale, avec l’idée de développer un réseau d’affaires, de faire du lobbying; ça dépassait le cadre du foot. Un club de foot, aujourd’hui, est un outil beaucoup plus fort et puissant que le simple fait d’aligner onze joueurs sur une pelouse. On peut faire passer plein de messages positifs même si on n’y arrive pas bien encore. Le foot est un des derniers endroits où on peut fédérer, rassembler, quel que soit le sexe, les nationalités, les couleurs. On peut vivre ensemble, partager des moments forts, quelles que soient les origines sociales des uns et des autres.

Ce modèle dont vous parlez, c’est celui que vous essayez de reproduire au Mans ?

Il y a toujours ce débat en France : est-ce que les collectivités doivent financer ou pas un club de football ? On est toujours un peu frileux par rapport à ça. On est frileux de parler d’argent, d’entreprises. Un club de foot doit-il gagner de l’argent ? Un président doit-il parler du sportif ou pas ? Je ne sais pas si c’est un problème français, mais un club de football, aujourd’hui, est une véritable entreprise et il doit gagner de l’argent, il faut le dire haut et fort, car c’est la meilleure sécurité pour les joueurs, les supporters, les partenaires. Il faut l’expliquer, car je ne sais pas si vous avez vu, cet été, en National, 7 clubs sur 18 ont failli mourir. Finalement, 6 s’en sont sortis et Sedan a pris la balle perdue.

C’est pour ça que c’est important de trouver des modèles économiques pour ces clubs de National, parce que chacun joue un rôle très important dans son territoire en terme de communication, en terme économique, de liens social, de cohésion. Il y a plein de gens qui n’ont pas beaucoup de moyens financiers mais à qui on donne un but dans la vie, simplement parce qu’ils savent que le vendredi soir, il y a match. Il ne faut jamais oublier ça. Je dis souvent aux joueurs « N’oubliez pas que vous avez été gamin aussi, que vous aviez sans doute un poster dans votre chambre », je leur demande d’aller à la rencontre de nos supporters, de faire une photo, c’est primordial.

Votre première expérience professionnelle après vos études, au Matra Racing, ça devait être quelque chose, non ?
Quand j’arrive au Matra, c’est formidable, c’est le PSG de l’époque, avec les premiers gros transferts, avec des salaires énormes, dont celui de Maxime Bossis la première année, qui avait défrayé la chronique. Il a rejoint le club en Division 2 alors qu’il jouait en équipe de France ! Le Matra est monté en D1 puis a recruté Luis Fernandez, on partageait le Parc des Princes avec le PSG, ce qui paraît impensable aujourd’hui ! Le Matra Racing, en D1, c’était à l’époque 6 ou 7 salariés !

« Le Matra, le rêve de tout jeune étudiant »

Le stade Marie-Marvingt du Mans FC.

Vous aviez quel rôle exactement  au Matra ?
Je m’occupais de tout ce qui ne concernait pas l’aspect financier et sportif, c’est à dire tout le reste : sécurité du stade, gestion des espaces VIP, commercialisation, développement des boutiques, opérations événementielles, relation avec les supporters, programme du match de 32 pages en couleur que l’on éditait tous les 15 jours. C’était une première étape formidable. On était une PME avec des moyens. Le Matra, c’était le rêve de tout jeune étudiant qui vient de finir ses études et qui a envie de tout exploser, et à qui on donne la possibilité de faire plein de choses.

Après l’aventure Matra, qu’avez-vous fait ?
Après, il y a eu l’Aquaboulevard de Paris, dans le domaine des sports et des loisirs. J’ai aussi travaillé 2 ans avec Dominique Rocheteau, dans une société de conseils. Agent ? On peut le dire comme ça, oui, mais je m’occupais surtout de la gestion de patrimoine, de l’assurance, de la communication. On offrait un service complet aux joueurs. Mais au bout de 2 ans, j’ai vu que ce n’était pas fait pour moi. J’ai proposé à Dominique (Rocheteau) de continuer à l’accompagner, et c’est là que j’ai créé ma première agence d’événementiel en 1993.

Un 1er avril, c’est ça ?
Oui ! C’est une belle farce, un beau clin d’oeil à la vie, car 30 ans après, l’agence est toujours là. On ne pensait jamais que ça allait tenir autant.

Vous avez créé SMC avec Florent de Bo, qui était aussi administrateur à Troyes, aujourd’hui administrateur au Mans FC…
Oui. On s’est rencontré à l’Université Paris Dauphine. En 1986, quand j’intègre le Matra Racing, je l’ai fait rentrer pour travailler avec moi et on a crée ensemble en 1993 le groupe de communication événementiel que l’on a toujours aujourd’hui.

« Construire un club, mettre en place une stratégie »

Pourquoi dîtes-vous que ce métier de conseiller n’était pas fait pour vous ?
C’est le sentiment de ne pas pouvoir créer quelque chose et de ne pas aller au bout de vos idées : quand vous dirigez un club, vous pouvez mettre en place votre stratégie, encore plus quand vous tombez dans un club comme Le Mans FC, où c’est sain, où vous pouvez mettre en place vos idées, un projet global. Vous essayez de construire pas seulement une équipe, mais un club. C’est différent que de s’occuper d’un joueur.

Revenons au Mans FC : 4 ans en National pour votre club, c’est long non ?
C’est trop, bien sûr, cela met le modèle économique en difficulté. Une réforme a été mise en place l’an passé, avec un objectif : resserrer l’élite, passer la Ligue 1 et la Ligue 2 à 18 clubs, resserrer le National 2 en le passant de 4 à 3 groupes, resserrer le National 3 en le passant de 12 à 8 groupes. Et on a oublié qu’au milieu de tout ça, il y avait le National ! On ne nous a jamais interrogé là-dessus.

La Ligue 2 a réussi à négocier 4 descentes étalées sur deux saisons. Ce qui fait qu’on est la seule division à avoir, pendant deux saisons de suite, 6 descentes sur 18, c’est à dire un tiers des clubs. C’est énorme ! C’est unique, et ça n’a dérangé personne. On nous a complètement oubliés. Vous avez vu le scénario de la saison passée ? Cette reforme aurait pu être l’occasion unique de pouvoir faire grandir le football français en créant une Ligue 3 professionnelle, comme tous les grands championnats européens. On l’aurait fait non pas pour faire plaisir à 18 présidents de clubs de National, mais pour faire grandir l’ensemble du football français.

C’est peut-être parce qu’on n’a pas une Ligue 3 forte que l’on ne gagne pas de coupe d’Europe aujourd’hui. Parce qu’une Ligue 3 forte, ça rendrait une Ligue 2 plus forte et une Ligue 1 plus forte, quand on voit le nombre de joueurs que le National leur fournit, et même en équipe de France, où plusieurs joueurs sont passés par le National. On aurait pu envoyer un message positif et fort au football en créant cette Ligue 3, en disant « Voilà, on est ensemble ». Bon, on nous a accordés, quand même, après un travail de lobbying de plusieurs années, de conserver notre statut pro, parce qu’avant, on ne l’avait que 2 ans quand on descendait de L2 en National. Avec cette réforme et ces descentes de Ligue 2, il y a de plus en plus de clubs professionnels en National. Ce qui veut dire que, dans un an, il y aura plus de clubs professionnels en National que de clubs amateurs (le ratio est de 9 et 9 aujourd’hui). Cela va dans le sens de l’histoire de créer, comme en Angleterre, comme en Allemagne, comme en Italie, comme en Espagne, une troisième division professionnelle.

On a obtenu de garder le statut pro, mais en même temps, on nous a dit « On ne vous aide plus » : aujourd’hui, en N3, un club est aidé, en N2, un club touche environ 45 000 euros, en Ligue 2 entre 3 et 4 millions d’euros et en Ligue 1 entre 13 à 40 millions en fonction de votre classement, et en National, en 4e année pro, comme Le Mans FC, vous touchez zéro. On vous met une licence club pour conserver votre statut pro, et en principe, la création d’une licence club entraîne des droits et aussi des devoirs, sauf que là, le Red Star, Orléans, Le Mans FC, on reçoit zéro, c’est une aberration folle. Alors oui, 4 ans en National pour Le Mans, par rapport à nos infrastructures, à l’attente, à l’histoire du club, nos supporters, c’est trop, et c’est un échec que j’assume, qui est de ma responsabilité.

« Le foot n’est pas une entreprise classique »

Souvent les présidents ne sont pas patients…
En fait, c’est l’environnement qui n’est pas patient, pas le président. On ne comprend pas que le football n’est pas une entreprise classique; il y a plein de paramètres extérieurs qui font que sa gestion économique est très différente. Il y a des codes. On a une stratégie, mais parfois on peut se tromper, parce que tout est basé sur l’humain, et il n’y a rien de plus fragile que l’humain. Parfois dans le puzzle, les pièces ne s’imbriquent pas, ça ne matche pas.

En 2009, après 5 ans de présidence à Troyes, vous êtes parti sur une descente en National : vous avez attendu 10 ans avec Le Mans pour connaître cet échelon ?
Non, non, mon départ de Troyes n’était pas lié à la descente !

C’était ironique…
En fait, je suis parti pour d’autres raisons mais je garde de Troyes un très bon souvenir. D’ailleurs, je vais vous faire un confidence : quand j’ai repris Le Mans en 2016, certaines personnes à Troyes ont essayé de me faire revenir, à un an près… A Troyes, il y a quelque chose que je n’ai pas mesuré à l’époque : j’ai repris un club en très grandes difficultés financières, au bord du dépôt de bilan. Notre arrivée s’est faite tardivement, en juillet, on n’avait pas d’équipementier, les premières semaines ont vraiment été compliquées, on a perdu nos premières rencontres, on était mal classés. Je faisais tous les déplacements avec mon père à cette époque là. Le premier déclic, ce fut un match à Niort, un club qui m’a souvent suivi, c’est marrant… Troyes était mort pour certains et 8 mois après, on découvrait la Ligue 1 et ensuite on s’est maintenu derrière. C’était un super groupe avec des supers mecs comme Benjamin Nivet, Carl Tourenne. Une très belle expérience.

« On devrait avoir une vision générale »

Avec les présidents de National et le président de la FFF, Philippe Diallo, le mois dernier.

Récemment, les présidents de National se sont unis et réunis pour rencontrer le président de la FFF et évoquer le sujet de la Ligue 3…
Nous, présidents de clubs, on a un rythme de fou; tous les week-ends, vous remettez votre travail à zéro, vous ne pouvez pas vous cacher. Il y a ce rythme effréné qui fait que, souvent, vous perdez votre lucidité et vous ne raisonnez plus pour le football, mais pour votre club, parce que c’est tellement dur. C’est aussi la difficulté de faire grandir ce football. Logiquement, on devrait d’abord avoir une vision générale pour faire grandir le football, afin de faire grandir nos clubs, mais on est tellement dans ce rythme, avec une pression des partenaires, des supporters, des médias, qui n’ont qu’une chose en tête, « gagner », qu’on en oublie l’essentiel. On met les wagons d’abord et la locomotive derrière, au lieu de faire l’inverse. C’est très compliqué d’expliquer ça. Alors, la première chose que l’on a essayé de faire en National, dans ce championnat hybride, c’est de se parler entre nous, entre les clubs professionnels et les clubs « fédéraux », je préfère les appeler comme ça plutôt que de parler de clubs amateurs. On s’est dit « Ok, on va essayer de faire évoluer ce championnat, mais ensemble ». On n’y arrivera pas si chacun essaie de défendre son bout de gras de son côté.

Donc il faut expliquer, montrer les incohérences de ce championnat, et il y en a beaucoup. Tenez, par exemple, pour jouer en National, les clubs doivent payer un droit d’engagement. En Ligue 1, ils paient environ 58 000 euros, en L2 c’est 18 000 euros, et nous, les clubs pros du National, c’est 50 000 euros ! Donc on paie plus qu’en Ligue 2 et quasiment autant qu’en Ligue 1. On voit bien l’aberration. Les clubs fédéraux, eux, paient zéro. Il y a plein de choses comme ça… Mais ce qui est fou, c’est que plus on l’explique, plus on a l’impression que les gens qui sont « à l’intérieur » ne savent pas !

Les instances sont-elles conscientes de cela ?
On peut légitimement se poser la question. En tout cas, ce qui a été appréciable lors de cette réunion, c’est que la Fédération Française de Football nous a aidés à nous réunir au siège de la FFF. Le président Philippe Diallo a passé plus d’une heure avec nous. On a échangé, on lui a exposé tout ça; on attend un retour de sa part courant octobre, c est le timing que l’on s est donné. On espère organiser une prochaine réunion rapidement avec d’autres clubs pros de L2 et L1 aussi, pour essayer d’expliquer et montrer que la création d’une Ligue 3 pro sera bénéfique à l’ensemble du foot professionnel, Ligue 1 y compris.

« Quand il y a de l’argent, on se déchire »

L’ouverture de l’attribution des droits TV, qui risquent de baisser, le retrait de Canal +, ne sont pas des bons signaux pour vous…
C’est le discours de dire aujourd’hui « Voilà, ce sera plus facile de mettre la Ligue 3 sur la table si on obtient le milliard ». Or, par expérience, je sais que dans les deux cas de figure, ce sera pareil : c’est à dire que, s’il y a moins d’argent, ce sera compliqué, et s’il y a plus d’argent, ça sera compliqué aussi parce que les clubs voudront garder leur argent pour eux. C’est comme un héritage : quand il n’a pas d’argent, vous passez un bon moment parce que vous voyez plein de gens que vous n’avez pas vu depuis longtemps, et quand il y a de l’argent, on se déchire. Je ne sais pas si, en cas de milliard d’euros de droits TV, il faut se rassurer ou pas. J’ai vécu de l’intérieur Media Pro : on dépassait le milliard d’euros, on a mis quasiment un an et demi pour décider de sa répartition, ce n’est pas logique, et en plus, à une semaine de la reprise du championnat ! Et ensuite, tout a capoté.

La période Covid, avec les conséquences que cela a eu sur votre club et sur Orléans (rétrogradation en National), est-elle digérée ?
Oui, oui. Il faut continuer à avancer. Bien sûr, j’ai eu des bons et des moins bons moments… Le plus difficile pour moi, en fait, c’est de ne plus aller voir les matchs le week-end avec mon papa, ça c’est compliqué et difficile. Donc la Covid, on l’a tous vécue, on a survécu, et on avance. C’est une vraie responsabilité d’avoir à gérer un club de la dimension et de l’importance du Mans FC. On ne peut pas constamment regarder en arrière.

Le vrai combat, c’est cette création de Ligue 3, avec l’idée de dire « Développons d’abord le football pour développer ensuite nos clubs et les rendre plus forts ». Essayons d’avoir une vision et une projection à 3, à 5 ans : ce serait une vraie force pour l’ensemble du foot français que d’avoir un jour une conférence de presse avec le président de la FFF et le président de la Ligue qui présentent la nouvelle organisation du foot français, la L1, la L2, la L3, et derrière un vrai championnat de France amateur (N2) avec trois groupes et un tournoi final pour décerner un titre de champion de France amateurs comme cela se faisait avant. Créer cette L3, ça ferait comme un plateau d’artistes, avec 54 clubs pros, ce qui veut dire qu’il y aurait un maillage fort, qui représenterait l’ensemble du territoire, ce serait quelque chose de valorisant. On pourrait aussi recréer une coupe de la Ligue professionnelle avec un premier tour régional qui intéresserait davantage les médias.

Cela permettrait aussi à l’ensemble des clubs d’avoir une deuxième chance, après la coupe de France, de vivre une finale au Stade de France, parce que l’on vit aussi pour ça, et nous, présidents, on ne communique pas assez là-dessus. On a toujours cette image d’hommes d’argent : non ! On est aussi dans le foot parce que l’on est passionné de football. J’ai envie de vivre une finale au SDF avec mon club, mes joueurs, mes dirigeants, mes bénévoles, mes partenaires, mes salariés, ma ville, ma région. Une finale, c’est quelque chose de formidable. Tout le monde critiquait la coupe de la Ligue, notamment les grands clubs, sauf quand ils arrivaient en finale. Il y a plein de choses à faire pour faire grandir notre football. Dans un an et demi, il y a des élections : j’espère que ce seront des élections de projets, sans tabou, avec cette capacité de dire « Que veut-on faire de notre football dans 5 ans ou dans 10 ans ? » et non pas une élection d’arrangements particuliers. »

Votre papa, Alfred, c’est lui qui vous a mis le pied à l’étrier…
Ah ben oui ! Il a joué à l’Arago d’Orléans, à Quevilly, à Poissy. Mon histoire dit que, un quart-d’heure après ma naissance, mon papa m’emmenait dans un stade pour voir un match ! J’ai des origines espagnoles, par mes deux parents, ma mère de Barcelone, mon père de Madrid, et ça a fait un beau mariage, qui n’aurait pas pu avoir lieu en Espagne, où un Madrilène et un Catalan n’aurait pas pu se marier ! Ils se sont rencontrés à Orléans. Leur déportation et leur arrivée en France pour fuir le régime de Franco a rendu leur rencontre possible, c’est pour ça que j’ai une relation particulière avec Orléans et son président Philippe Boutron, avec ce combat qu’on a mené ensemble en 2000.

Malheureusement, aujourd’hui, je n’ai plus mes parents. C’est pour ça aussi que le match de vendredi dernier à Sochaux a été particulier pour moi car mon père a travaillé pendant plus de 30 ans chez Peugeot et fut recruteur du FC Sochaux-Montbéliard pendant 15 ou 20 ans. C’était un des meilleurs recruteurs de jeunes en France. Il allait chercher les meilleurs joueurs parisiens; à l’époque, Sochaux se « battait » avec Auxerre et Nantes ! Sochaux a été un des premiers clubs à mettre en place un centre de formation. Les Franck Silvestre, Gilles Rousset, Khirat, c’est mon père qui les a fait venir. J’ai vécu ma jeunesse dans l’arrière boutique du FC Sochaux. C’est pour ça que, de retrouver et revoir Jean-Claude Plessis, que je connaissais depuis longtemps, et qui a pu sauver le FCSM avce Pierre Wantier, fut quelque chose de particulier aussi par rapport à mon père.

Thierry Gomez, du tac au tac

« Le coeur de l’entreprise, c’est le sportif »

Aux côtés du maire du Mans, Stéphane Le Foll, et de l’entraîneur Richard Déziré.

Meilleur souvenir sportif de président ?
La montée avec Le Mans FC en Ligue 2 en barrage au Gazelec Ajaccio.

Pire souvenir de président ?
La réunion avec Richard Déziré pour lui annoncer son départ.

Un modèle de président ?
Non.

Un président que vous aimez bien ?
Plusieurs oui. Actuellement, on essaie de développer une relation entre les présidents de clubs de National, et il y a plusieurs présidents avec lesquels j’échange beaucoup. J’ai une histoire particulière avec Philippe Boutron, le président de l’US Orléans, parce qu’on a tous les deux vécu une des grandes injustices sportives, une rétrogradation pendant la Covid, puisqu’on a été le seul sport, la seule fédération, a procédé à des descentes lors de la première année de la Covid. On a partagé ces moments-là avec Orléans, et ça nous a rapprochés.

Des vrais amis dans le foot ?
J’espère ! Les vrais amis, ce sont surtout les amis d’enfance, les copains d’école, que l’on connaît depuis 40 ans ! Après, dans le foot, j’ai vraiment des bons amis avec qui je peux échanger librement, oui.

Vous êtes un président plutôt…
Grâce à mon père, le foot est une partie de moi, je suis sur les terrains depuis l’âge de 5 ans, et quasiment chaque week-end, et ils ne se passe pas une journée sans football, sans un appel pour Le Mans FC par exemple, c’est une partie importante de ma vie, après, c’est aussi pour moi compte tenu de mes responsabilités, de gérer un club professionnel, où il y a une grosse attente, c’est aussi quelque chose qu’il faut faire avec sérieux, une vraie volonté de gérer tous les paramètres, et aujourd’hui ce n’est pas simple. J’ai conscience de cela. Et encore plus dans notre championnat qui est déséquilibré, injuste et pas reconnu à sa juste valeur. On va essayer de faire bouger ça.

On dit que vous êtes un président proche des problèmes du club et qui aime toucher à tout ?
J’ai un parcours particulier, je suis sur les terrains depuis tout petit, j’ai joué au foot, j’ai des activités à côté du foot, dans le marketing et l’événementiel notamment dans le monde sportif. J’ai eu le bonheur de vivre ma première grande expérience entrepreneuriale dans le football en 1986 avec le Matra Racing de Paris, et l’aventure de Jean-Luc Lagardère, et en dehors de ça, je n’aime pas quand on veut séparer les choses; le coeur de l’entreprise, c’est le sportif, donc si vous ne vous y intéressez pas, cela veut dire que vous ne vous intéressez pas à ce qui est l’élément moteur de votre stratégie et du métier dans lequel vous êtes, donc je m’intéresse aussi bien au sportif qu’au financier, au marketing, au commercial ou à la communication; c’est ce que l’on accepte d’un PDG dans n’importe quelle entreprise et que l’on n’accepte pas, parfois, dans le football. Ceux qui disent qu’ils ne s’intéressent pas au domaine sportif sont, parfois, ceux qui s’y intéressent le plus (rires) ! Il ne sert à rien de se cacher : on dirige une entreprise de spectacle dans le domaine sportif, donc je ne comprends pas qu’on ne s’intéresse pas à ce domaine.

Le Mans FC, un club plutôt…
C’est une pépite qui dort encore et qui a un fort potentiel. On va tout faire pour la réveiller un peu plus !

Le pire match du Mans sous votre présidence ?
Il y en a eu quelques-uns (rires) ! En National 3, lors de ma première années, je crois qu’on avait enchaîné une troisième défaite consécutive à Bourges, et on avait eu une explication dans le vestiaire. Un non-match. Le match perdu à l’AC Ajaccio aussi en Ligue 2, c’est là que j’ai pris la décision de me séparer de Richard (Déziré). J’ai senti que le groupe n’y était plus.

NDLR : le 21 février 2020, Le Mans FC s’était incliné 2-0 sur le terrain de l’AC Ajaccio; à l’issue de cette 16e défaite de la saison (en 26 matchs), Richard Déziré fut remercié ; Stéphane Pichot dirigea le premier match contre Guingamp (victoire é-1) puis Réginald Ray le second à Chambly (match nul 2-2) avant l’arrêt des championnats après la 28e journée pour cause de Covid-19. 19e et avant-dernier, à égalité de points avec le barragiste Niort mais devancé au goal-average, Le Mans FC fut rétrogradé en National.

Le meilleur match sous votre présidence ?
Le match retour au Gazelec Ajaccio en barrage d’accession pour la Ligue 2, je ne sais pas si c’est le meilleur, mais c’est un match particulier… Sinon, le plus beau, c’est en National 2, à Saint-Pryvé-Saint-Hilaire, et la plus belle mi-temps, c’est la première à GOAL FC, il y a trois semaines. En revanche, il faut oublier la deuxième mi-temps.

Votre plus grosse prime de président ?
Il n’y en a jamais eue (rires) ! Il y a une dimension de gestion qui est importante dans le football : on ne peut pas se permettre de mettre en danger les salariés, les partenaires qui nous font confiance, les bénévoles pour qui le club est important, et les gens ne se rendent pas compte de tout ça. Je passe beaucoup de temps à expliquer ce qu’est la gestion d’un club de football et je n’ai pas envie un jour d’aller dans un vestiaire pour dire aux joueurs « voilà, je ne peux pas vous payer ce mois-ci » ou bien « je dois baisser vos salaires », non. Ce serait quelque chose de compliqué à vivre pour moi. En principe, quand je promets quelque chose, il est hors de question de ne pas tenir mes engagements.

Plus grosse erreur de président ?
Gérer un club, c’est accepter des erreurs qui parfois sont des mauvais choix mais pas forcément liés aux personnes parce que, dans le foot, il faut aussi arriver au bon moment, être la bonne personne au bon moment, et parfois, j’ai peut-être pris des gens qui n’étaient pas la bonne personne au bon moment. Ce qui ne veut pas dire que ces gens n’étaient pas compétents.

Votre plus grosse satisfaction de président ?
C’est d’avoir permis au Mans FC de redevenir professionnel en 3 ans.

Thierry Gomez, du temps de sa présidence à Troyes. Photo DR

Plus grosse crise à gérer ?
A Troyes, en Ligue 2, quand on était en très grande difficulté, lors de ma dernière saison.

Votre négociation la plus difficile ?
Les plus difficiles sont souvent les plus belles, parce qu’elles sont longues, et se terminent souvent par des échanges. J’en ai eu des belles, que l’on n’a pas réussi à conclure : avec le gardien de but Anthony Martin (Cholet), cela ne s’est pas fait, mais il s’est créé quelque chose avec lui, comme aussi avec Robert Maah, qui n’est pas venu chez nous, mais on est toujours en contact.

Votre plus grosse colère de président ?
Je dis les choses mais j’essaie toujours de comprendre le pourquoi du comment, je ne suis pas certain que la colère soit bonne conseillère, et dans le foot, il y a tellement d’éléments, de paramètres, c’est tellement un domaine où il n’y a pas de vérité, mais des convictions fortes, que je suis à la fois acteur et très observateur de ce qui se passe. C’est formidable de voir que, parfois, il y a des clubs en grande difficulté en interne et qui ont des résultats, et inversement, d’autres clubs où on a l’impression que tous les voyants sont au vert mais qui n’y arrivent pas. Il faut essayer de comprendre quel est l’élément important pour réussir : ça peut être quelque chose de positif comme de négatif, mais il faut à un moment donné quelque chose qui rassemble les joueurs.

Le joueur emblématique du Mans FC ?
Je n’aime pas nommer un joueur, parce que notre projet est basé sur notre dimension collective. J’adore le groupe, la vie de groupe, l’état d’esprit d’équipe, l’ambiance, comme avec le groupe de National 2, avec lequel on a vécu des moments forts, je pense à un déplacement à La Réunion en coupe de France, à un autre match de coupe de France contre Lille qui nous avait permis de remplir le stade, ce qui n’avait pas été réalisé depuis longtemps au Mans, et ça nous avait permis aussi d’envoyer un message pour dire que Le Mans FC était toujours là et vivant.

Match de légende ?
France-Allemagne en coupe du Monde 1982.

Pas la finale OM-Milan 1993 ?
Non, pourtant j’y étais. Mais mon premier souvenir fort, c’est ce match de 1982, et mon premier souvenir de joueur, c’est Johan Cruyff : ma grande déception, c’est que les Pays-Bas n’aient jamais été champions du Monde. Ils le méritaient la consécration par la qualité du football pratiqué.

Un club de coeur, autre que Troyes et Le Mans ?
C’est le club de mon enfance, l’AS Poissy… Bon, depuis peu de temps, ça a changé, maintenant, c’est le FC Poissy.

Une date importante ?
C ‘est le 6 mars 1996, la naissance de ma fille.

Le stade l’Aube ou le stade Marvingt ?
Le stade Marie-Marvingt est un super stade qui mérite beaucoup mieux que le National, avec des espaces « entreprises » qui correspondent au haut niveau; il est fait pour la Ligue 1. C’est un stade fermé aussi. A Troyes, il est ouvert sur les angles.

Une devise ?
« Tous acteur pour réussir ». La devise du Mans FC. J’aime bien cette phrase, sa dimension collective, de groupe. Gagner tous ensemble, ça me paraît important même si c’est compliqué. J’aime bien dire aussi que la chance sourit davantage à ceux qui osent entreprendre.

Le National ?
En pleine évolution. Le championnat le plus délaissé, oublié, des championnats nationaux.

Le Mans FC ?
Un club avec des rencontres humaines exceptionnelles, hyper-sain, où il fait bon travailler et où l’on peut mettre en place un vrai projet sportif qui part de l’école de foot jusqu’aux professionnels, en passant par les féminines et le futsal. Un club que l’on essaie de développer.

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Le Mans FC

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Propulsé sur le banc en mars dernier pour « sauver » le club provençal de la relégation en Régional 1, l’ancien milieu de terrain (Strasbourg, Orléans, Beauvais, Cannes, Martigues, Béziers) entend redonner ses lettres de noblesse à Istres, où il a connu très jeune la Ligue 1 et la Ligue 2, et s’extirper du National 3.

Paru le 3 octobre 2023 / par Anthony BOYER

Photo Romain Hugues.

Le retour au bercail. Dix ans après avoir laissé Istres en National, en 2009, Anthony Sichi (37 ans) est revenu dans le club où il a connu – un peu – la Ligue 1, où il a évolué en pro en Ligue 2. Pas suffisamment à son goût. Des choix de carrière, des conseillers pas toujours de bon conseil, et un parcours qui l’a ensuite conduit à Orléans, Beauvais, Strasbourg, où il a participé au renouveau du club, Cannes (avec un quart-de-finale de coupe de France contre Guingamp), Martigues puis Béziers, souvent en National, parfois en CFA (N2). Mais plus jamais en Ligue 2.

Pour son retour à Istres, en 2019, il a revêtu un autre costume : celui d’entraîneur. D’abord en U17 nationaux, pour sa première expérience en foot à 11 après avoir effectué ses armes dans le club de son village, au Rove, où il a été formé, puis des seniors National 3.

Mars 2023. Istres est, pour la deuxième saison de suite, mal en point dans son championnat : le président Laurent Thomas fait une nouvelle fois appel à « Antho » pour prendre les rênes de l’équipe et tenter l’opération maintien en N3, à la place de Fabrice Huart, comme il l’avait déjà fait un an plus tôt. Le club grappille des places et se sauve cette fois sur le terrain. En 2022, après avoir remplacé Frédéric Cravero, le désengagement de l’AS Monaco avait profité au Istres FC, relégué sur le terrain en R1 mais finalement repêché !

Le stade Parsemain, à Fos, où évolue le Istres FC en National 3. Photo DR

Revoilà donc le Istres Football-club en N3, un niveau bien loin de ce qu’il a connu, mais on ne se relève pas toujours facilement d’une rétrogradation administrative : tombé de National en CFA en 2015, le club, qui sortait de 30 ans de professionnalisme, a dû repartir en Division d’Honneur Régionale (R2).

Avec le natif de Marignane aux commandes, Istres espère déjà ne plus revivre le scénario compliqué des deux derniers exercices. Celui qui a ensuite grandi au Rove, un petit village niché entre Marseille et l’étang de Berre, n’a qu’une idée en tête : faire grandir son club et s’inspirer de l’AS Cannes, l’équipe qui avait survolé le National 3 la saison passée.
Pour l’heure, la saison est bien partie : en championnat, Istres a remporté ses trois premier matchs et s’est qualifié pour le 5e tour de la coupe de France en éliminant Ardziv (N3) sur le score de 6 à 2.

Sa méthode de travail, sa vision du foot, ses expériences, ses ambitions, son club : Anthony Sichi s’est longuement confié pour 13heuresfoot !

« On doit donner une meilleure image »

Photo Romain Hugues.

Anthony, revenons sur la fin de ta carrière pro, et ton retour dans le milieu amateur…
En 2016, après une saison à Béziers en National, avec Xavier Collin tout d’abord puis Mathieu Chabert ensuite, je suis venu à Fos-sur-Mer, en Régional 2, pour donner un coup de main et on est monté en Régional 1. Ensuite, j’ai pris le parti de basculer sur mon projet de reconversion, c’est pour ça que j’étais d’abord entraîneur-joueur au Rove, chez moi, dans le club où j’avais grandi. Le deal, c’était que je m’occupe des équipes de jeunes et que je donne un coup de main à l’équipe première. Je suis resté quatre saisons.

Comment s’est passé ce retour au Rove ?
En fait, j’emmenais mon fils Andrea au club (13 ans aujourd’hui, et il est aussi papa d’une petite Valentina, 10 ans), et un jour, Christian Rouzault, le président, m’a demandé de donner un coup de main chez les jeunes. La première année, j’avais l’équipe de mon fils, les touts petits, puis j’ai pris la catégorie U11 : on a gagné le tournoi de la Champion’s cup, le tournoi de Jean-Christophe Marquet et Sébastien Piocelle, avec la phase finale au Vélodrome. En finale, on a battu l’OM ! Pour le club, ça a été une génération dorée, on a presque tout gagné, et derrière, beaucoup ont été sollicités par des clubs pros. Ensuite, j’ai continué, on s’est fait « dépouiller » mais bon, on a labellisé le club, on a fait des partenariats comme avec l’OM « next generation », cela a été formateur. L’Olympique Rovenain, c’est le club qui m’a formé, qui m’a vu grandir, où j ai commencé à entraîner, qui m’a permis de monter d’un échelon.

« A Sedan, j’ai fait une dépression… »

Sous le maillot du RC Strasbourg. Photo DR

Tu n’as jamais joué à l’OM…
Non… A la base, j’étais au FC Martigues, sous contrat aspirant stagiaire, quand le club était pro à l’époque, au début des années 2000. J’ai joué en 15 ans Nationaux pendant 2 ans puis le club a été rétrogradé administrativement en CFA (2003). Les joueurs ont été libérés. Je devais signer à Sedan comme stagiaire mais là-haut, j’ai fait une petite dépression, je suis rentré chez moi. Là, un ami de mon père, Jacques Rémy (ancien avant centre d’Istres, Grenoble, Strasbourg, Pau) lui dit « met ton fils à Istres chez les jeunes » et me voilà en U17 Nationaux à Istres. En fait, ici, j’étais tranquille, j’étais épanoui, et derrière, je suis monté avec les pros.

En 2009, tu quittes Istres et tu reviens en 2019 dans un autre rôle…
Le président, Laurent Thomas, m’a appelé. On se connaissait de l’époque, il jouait en réserve. Il m’a demandé si le poste d’entraîneur en U17 ans Nationaux m’intéressait, si je souhaitais prendre la suite de Didier Zanetti, qui partait à Montpellier (il entraîne aujourd’hui la réserve de l’AC Ajaccio). J’ai réfléchi et j’ai dit oui. Les 17 ans Nationaux, c’était un beau challenge, ça a duré 4 ans : la première saison on fait 8e, la 2e saison y’a la Covid, la 3e saison on fait 4e et l’an passé, on était 2e début mars quand je suis passé chez les seniors pour l’opération maintien avec l’équipe Une en National 3, à la place de Fabrice Huart.

Avec les 17 ans Nationaux, on se fixait chaque saison l’objectif d’être le premier club amateur de la poule au minimum, mais ce n’était pas facile au début car d’une part je n’avais jamais entraîné en foot à 11, d’autre part je ne connaissais pas ce niveau, parce que les « Nationaux », c’est relevé quand même… Et puis passer derrière Didier (Zanetti) qui avait fait du très bon boulot et avait placé la barre très haut, ce n’était pas simple. Mais ça s’est bien passé. Je me suis servi de mon expérience avec tous les coachs que j’ai eus pendant ma carrière de joueurs. Je remercie encore mon président pour la confiance qu’il ma donnée.

« On aurait dû descendre en R1… »

Avec les U11 du Rove, vainqueurs de la Champions’cup en 2018 au Vélodrome.

Istres est-il attractif chez les jeunes ?
Oui, on arrive à l’être grâce à nos structures, on a un centre d’hébergement, des horaires aménagés pour les gamins qui s’entraînent à 16h, on a des salles de cours pour les études le soir, ça aide, et ça fait la différence par rapport à d’autres clubs amateurs. On a vraiment des bons jeunes.

Début mars 2023, donc, tu reprends l’équipe Une, relégable en N3…
Oui. On est avant-dernier et pour mon premier match, on va à Cannes, chez le leader. On fait match nul 0-0 et derrière, on arrive à faire une petite série. Finalement, on se sauve, un an après avoir déjà failli descendre en Régional 1 : à l’époque, la réserve de l’AS Monaco n’avait pas souhaité engager son équipe en N3, du coup, on a été repêché et on s’est maintenu comme ça.

Istres en Régional 1, cela aurait constitué un sacré frein au projet…
Cela faisait deux ans que l’équipe de N3 était dans le dur. Maintenant, il faut que ça s’arrête. La situation a été compliquée à un moment donné, là, il fallait qu’on change notre fusil d’épaule, qu’on change notre méthodologie de travail. Même au niveau du club, il fallait changer des choses.

« C’est peut-être l’année ou jamais »

Le projet du Istres FC aujourd’hui, c’est quoi ?
Istres FC, c’est un club qui vit beaucoup grâce à la subvention de la commune d’Istres. On a la chance d’avoir le soutien de la Ville et de son maire, François Bernardini, qui aimerait que le club remonte à un niveau plus en rapport avec son passé. Le président, Laurent Thomas, ne fait pas n’importe quoi, ne fait pas de promesses qu’il ne peut pas tenir. Il fait avec les moyens qu’il a et il gère bien son club sur le plan financier.

Photo Romain Hugues.

On s’est fixé des objectifs à court terme, à moyen terme et à long terme. Le premier objectif, c’est de se maintenir rapidement en N3 pour ne pas revivre les scénarios des précédentes saisons, quand on transpirait jusqu’au bout. Ensuite, c’est la restructuration de la méthodologie de travail : on a rebasculé sur des séances d’entraînement le matin, comme chez les pros. Je me suis rendu compte la saison passée que l’AS Cannes était l’équipe la mieux structurée du championnat, celle qui avait aussi le plus de joueurs à disposition. Je veux m’inspirer un peu de ça. Cannes et Istres, ce sont des clubs un peu similaires, avec un passé, une structure, qui sont attractifs, qui jouent dans un « vrai » stade, même si nous on n’a pas de supporter. Donc il fallait penser à se professionnaliser un peu dans ce championnat amateur, et c’est ce qu’on a réussi à faire.

A La Meinau, à Strasbourg. Photo DR.

Je me suis entouré aussi de personnes, notamment au niveau du recrutement, on a pris quelques joueurs du niveau au-dessus, comme Yohan Mollo, qui était à Hyères la saison passée en N2 (il était pro avant à Monaco, Caen, Nancy, Saint-Etienne, Sochaux notamment), l’attaquant Julien Bègue (ex-Bourg-en-Bresse et Le Mans en L2) et le défenseur Baba Touré (ex-Toulon) qui a joué en National. On a ajouté des bons jeunes, qu’on avait ciblés, des joueurs « régionaux » que l’on connaissait, en y intégrant nos meilleurs jeunes. Le président a validé le projet que je lui ai présenté en amont de la saison. Je voulais un cadre plus pro : en s’entraînant le matin, j’ai des garçons qui sont plus attentifs et pas fatigués d’une journée de boulot, qui ne traînent pas des pieds. J’ai voulu avoir des garçons à disposition, uniquement pour le foot, qui pensent à leur récupération, leur alimentation, leurs soins, leur séance de musculation, etc. Dans le groupe, je dois avoir deux ou trois joueurs qui travaillent, et ils arrivent à s’arranger dans leur planning. On travaille sereinement, dans de bonnes conditions. On a mis en place un partenariat avec la structure « Skillfit Révolution » à Istres, une salle de sport complète. Là, on se rapproche vraiment du professionnalisme. Pour l’instant, ça se passe bien.

Photo Romain Hugues.

J’espère qu’on va pouvoir faire comme nos amis cannois la saison dernière (le club azuréen est monté en N2), on verra, mais déjà, il faut un maintien rapide. On est le « Istres FC », on doit donner une meilleure image. On s’est dit aussi que c’était peut-être l’année ou jamais, qu’il fallait faire un effort : avant, dans notre poule de N3, il y avait six clubs corses, c’était hyper-compliqué. Là, on a basculé avec des clubs de la région Occitanie, il n y a plus de cadors comme Cannes ou le Gazelec Ajaccio les années précédentes. C’est pour ça aussi que je me suis entouré d’Olivier Miannay, le manager général du Puy-en-Velay, que je connais depuis ma saison à Beauvais, où il m’avait fait venir comme joueur en National, puis un peu plus tard à Cannes aussi. C’est quelqu’un que je respecte beaucoup, qui a fait beaucoup d’accessions de N2 en National, et que j’ai présenté à mon président : il nous a aidés sur notre projet administratif et diplômant de formation et nous a donnés un coup de main sur le recrutement.

« Le National dans quelques années »

Avec Strasbourg. Photo DR

Istres a connu la Ligue 1 une saison mais surtout la Ligue 2 : c’est quoi sa place aujourd’hui sur l’échiquier du foot français ?
Aujourd’hui, on ne peut pas parler de retrouver le professionnalisme, il y a trop de paramètres qui entrent en ligne de compte. Mais on a un stade à Fos (Parsemain, 12 000 places), on a des structures d’entraînement avec cinq terrains en gazon au complexe Audibert, un terrain en gazon synthétique et bientôt un second, un centre d’hébergement pour les jeunes qui n’est peut-être pas tout neuf, mais qui est là…

Alors, quand je vois des clubs voisins comme le FC Martigues par exemple, qui fait du très bon boulot en équipe première, je me dis que Istres peut le faire aussi. Quand je retourne à Turcan (Martigues), ça fait plaisir de revoir du monde au stade. S’il y a des résultats et si tu produis du spectacle, à un moment donné, les gens vont revenir; à court terme, on peut remonter en National, mais il va falloir faire entrer des partenaires au club, il faudra d’autres mannes financières. On est un club attractif, où des investisseurs peuvent injecter de l’argent parce qu’il y a déjà une structure en place, des bases, et on a un passé. Maintenant, on ne peut pas parler de Ligue 2 aujourd’hui, parce que là c’est vraiment un palier au-dessus. Déjà, il faut viser le National dans quelques années, qui sera peut-être une Ligue 3 professionnelle. C’est un niveau plus en rapport avec les capacités actuelles du club.

Avec David Lédy, un de ses meilleurs amis, ex-coéquipier à Strasbourg. Photo DR

Tu as cité l’exemple de Martigues, où tu as joué, mais pas Marignane-Gignac-Côte Bleue, où tu es né, et qui évolue en National aussi, comme Martigues…
Marignane, c’est un club qui est en train de se développer, qui fait avec ses moyens. C’est un des plus gros clubs en termes de licenciés, mais ça manque d’infrastructures. Nous, je l’ai dit, on a la chance d’avoir tout sur place, à Audibert, où toutes les équipes du club s’entraînent; à Marignane, ils vont s’entraîner un coup à gauche, un coup à droite, un coup à Carry, un autre à Sausset et puis il y a le stade d’honneur Saint-Exupéry, qui est compliqué pour eux, mais je respecte beaucoup leur travail, ça bosse très bien chez les jeunes. Je connais du monde là-bas. Mais, concrètement, ce n’est pas un club qui nous fait de l’ombre.

Combien pouvez-vous accueillir de jeunes au centre d’hébergement ?
On a une douzaine de chambres, donc on peut accueillir entre 20 et 25 joueurs, ça dépend des saisons. Il faut savoir qu’au Istres FC, on a toutes nos équipes au plus haut niveau régional, 18 R1, 16 R1, 15 R1 et 14 R1. On a aussi les U17 Nationaux et malheureusement on a perdu les U19 nationaux l’an passé.

Avec David Lédy, un de ses meilleurs amis, ex-coéquipier à Strasbourg.

On est une référence en termes de formation chez les jeunes. On est devenu un club tremplin pour les pros, qui viennent se servir chez nous. On ne peut plus conserver nos meilleurs éléments. Mais quand je vois Lucas Mincarelli qui fait ses premiers matchs en L1 avec Montpellier, quand je vois Zakaria Aris dans le groupe à Dijon ou Tony Strata à l’AC Ajaccio, des joueurs qui étaient chez nous ces dernières saisons, c’est une fierté et cela veut dire que l’on fait du bon boulot. Et des gamins comme ça, y’en a d’autres aux centres de formation à Nice ou à Monaco. C’est simple, ces dernières saisons, les gens disaient du FC Istres que c’était très bon chez les jeunes mais très compliqué pour l’équipe fanion seniors. Ils n’ont pas tort. Ces dernières années, sur la Ligue, on était le seul club à avoir toutes les catégories au plus haut niveau, à part l’OM. On est une référence. Martigues, par exemple, a une équipe seniors très performante mais est en difficulté sur les jeunes, et je sais qu’ils veulent restructurer ce secteur. Mais la formation, c’est un travail de longue haleine, sur plusieurs années.

Aujourd’hui, le club fonctionne toujours en association ?
Oui. Mais on pense à créer une SASP en cas de montée. Aujourd’hui, au niveau de l’association, le budget est coupé en deux, avec une partie pour les jeunes et une autre pour l’équipe première.

Photo Romain Hugues

Il y a beaucoup de clubs au bord de l’étang de Berre : un rapprochement avec les voisins pour avoir une équipe pro, c’est envisageable ?
Alors, ce que j’en pense, de loin, parce que je ne suis pas dans ces discussions- là, c’est que, déjà, c’est politique. Les municipalités ne sont pas toutes du même bord. Après, pourquoi ne pas réunir, un jour, Istres et Martigues ? C’est sur que ça ferait le deuxième club sur le bassin marseillais, mais ce n’est pas d’actualité. Si un jour il doit y avoir une fusion, la seule qui puisse être à mon sens, c’est entre Istres et Martigues. Mais pas Fos. Ni Marignane, Ni Berre. On joue à Fos, c’est vrai, mais le stade Parsemain appartient à la Métropole.

On partage le stade avec l’ES Fos, on joue un week-end sur deux et chaque équipe se partage un vestiaire. Avec Fos, on est dans la bienveillance. Je connais bien Fred (Frédéric) Cravero, le coach : son but, et notre but, c’est de jouer nos matchs de championnat sur un bon terrain, donc c’est dans l’intérêt des deux clubs de s’entendre là-dessus. La veille de match, que cela soit Fos ou nous, on a droit à une séance à Parsemain, et pour les semaines avec nos matchs à domicile, on a droit à une séance en plus, mais c’est la séance en trop, finalement… Allez, si on a un match important, OK, mais on n’utilise pas toujours ce créneau, parce que sinon on va « massacrer » ce terrain et ce ne sera pas bénéfique pour nous le week-end. Franchement, il n’y a aucune mauvaise entente avec Fos. J’y ai joué et j’y ai des amis aussi dans ce club, et je suis content qu’il soit monté en N3. Après, si demain on a un stade de 5000 places à Istres, ça suffira largement, et on laissera Parsemain à Fos. Mais chaque chose en son temps.

Anthony Sichi, du tac au tac

« Je n’arrive pas à faire semblant »

Avec ses amies Olivier Giroud et David Lédy. Photo DR

Meilleur souvenir sportif ?
Mes années au Racing-club de Strasbourg avec les deux montées successives de N3 en N2 puis de N2 en National.

Pire souvenir sportif ?
A l’US Orléans, en National, j’ai eu beaucoup de blessures et puis c’était une une saison catastrophique dans tous les sens du terme, que cela soit sur un plan personnel et professionnel.

Plus beau but marqué ?
J’en ai deux en tête : un avec Istres au stade Parsemain contre l’AS Cannes, en National, l’année où on remonte en Ligue 2 (saison 2008-2009) : une reprise de volée en lucarne opposée, en dehors de la surface ! Et l’autre, quasiment du centre du terrain, avec l’AS Beauvais Oise, toujours en National, contre Moulins il me semble.

Olivier Giroud a inscrit 14 buts en National avec Istres en 2007-2008 (ici devant le joueur de Rodez, Greg Ursule). Photo DR

Combien de buts marqués ?
J’étais plutôt un passeur, un milieu relayeur et à Istres, j’ai même joué milieu défensif !

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Mon père est un fan de l’OM, il m’a emmené au stade Vélodrome très jeune, donc j’ai connu la grande époque de l’OM avec Papin, Waddle, la coupe d’Europe en 93 ! J’ai baigné là-dedans, ça m’a fait rêver et surtout, ça m’a donné envie de jouer. Parfois, je demande même à mon père ce qu’il m’a fait quand j’étais petit, s’il m’a piqué ou quoi (rires) ! Parce que le ballon, c’est toute ma vie ! Sans le football, je serais malheureux aujourd’hui.

Ton geste technique préféré ?
Je n’avais pas un geste en particulier, j’étais juste technique. J’aimais bien percuter balle au pieds, partir de loin.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, ma technique, ma vision du jeu, mon sens de l’organisation, mon volume de course, mais c’est vrai que je n’étais pas le plus rapide de l’équipe. En fait, ça dépendait du poste où je jouais : dans l’axe, je n’avais pas forcément besoin d’aller très vite. J’avais plus un rôle d’organisateur.

Photo Istres FC.

Et dans ta vie de tous les jours ?
Je n’arrive pas à faire semblant. Je suis entier, donc quand ça ne va pas avec quelqu’un ou quand je sens qu’une personne m’a trahi, que je n’ai plus sa confiance, alors je vais aller de front, et ça peut me porter préjudice. Après, dans mon travail, je suis impliqué à 200 % dans ce que je fais, je suis déterminé. Quand j’ai décidé quelque chose, je me donne les moyens d’y arriver. Je dirais aussi l’humilité.

Tu es un entraîneur plutôt…
Rigoureux.

C’est quoi la patte Anthony Sichi ?
J’essaie de prendre ce que j’aime de chaque entraîneur, je n’ai pas de style particulier. J’aime l’intensité du football anglais par exemple, alors je vais aller piocher des choses qui m’intéressent, j’aime la rigueur tactique du football italien, comme celle de l’entraîneur Antonio Conte, ou alors l’intensité que Jurgen Klopp mettait à Liverpool, mais je n’ai pas un coach en particulier qui me fasse rêver, je ne suis pas comme ça. Je prends et ensuite je mets avec mes idées football à moi.

Les Violets du Istres FC, le 23 septembre dernier, au Cannet-Rocheville. Photo Romain Hugues.

L’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
(Il réfléchit longuement) Peut-être cette équipe d’Istres l’année où on remonte en Ligue 2. on était pourtant plus fort la saison d’avant, avec Olivier Giroud devant, Stéphane N’Guéma, Walid Mesloub, comme quoi, ça ne veut rien dire d’avoir une grosse équipe…

Le club où tu n’aurais pas dû signer ? L’erreur de casting de ta carrière ?
J’ai écouté les mauvaises personnes quand j’avais 18 ou 19 ans… A 19 ans, j’étais pro et je faisais mes débuts en Ligue 1 avec Istres, et après ça, j’ai fait confiance à des gens qui me conseillaient à l’époque, mais j’aurais dû prendre un peu plus de recul, je n’ai pas fait les bons choix. Si c’était à refaire, je referais différemment.

Un stade mythique pour toi ?
La Meinau (Strasbourg).

Sous le maillot du FC Martigues. Photo DR

Parsemain (stade de Fos, où joue Istres), St-Exupéry (Marignane), Bardin (ancien stade d’Istres) ou Turcan (Martigues) ?
Parsemain, parce que c’est là-bas que j’ai vécu mes premiers grands moments, en L1 puis en L2, j’ai vu le stade plein, mais attention, j’ai un truc aussi pour Turcan, j’ai connu le club en Division 1, j’allais voir les Tholot, les Benarbia !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
David Lédy à Strasbourg, Olivier Giroud et Romain Ciaravino à Istres.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
David Lédy.

Combien d’amis dans le foot ?
J’ai plein de potes dans le foot, mais mes vrais amis c’est Olivier (Giroud), Dav (Lédy) et Romain (Ciaravino). On est tout le temps en contact.

Le coéquipier qui t’a le plus impressionné ?
Olivier (Giroud) est très fort psychologiquement, c’est ce qui a fait la différence dans sa carrière; sa première saison, il met 14 buts en National avec Istres (en 2007-2008), ils nous a sortis de la panade quelques fois ! On avait Walid Mesloub, il était vraiment fort, et j’avais été impressionné aussi par un joueur au milieu qui avait signé à Bolton après, il arrivait de Lens, je ne me souviens plus de son nom.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
A Strasbourg, on a l’association des anciens joueurs, qui nous réunit une ou deux fois par an, et on se revoit avec certains et ça fait toujours plaisir !

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Je l’ai revu il y a 2 ou 3 ans, quand je m’occupais des 17 ans Nationaux d’Istres et qu’on avait joué à Bordeaux, c’est Jean-Louis Gasset. C’est lui qui m’avait fait signer pro à Istres. C’est quelqu’un d’important pour moi. J’aimerais un jour que l’on puisse se poser autour d’un café, même si on a pu un peu le faire, mais j’ai plein de questions à lui poser, maintenant que je suis passé de l’autre côté de la barrière !

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Je ne vais pas dire son nom, il doit être encore en activité, mais pas en France. Il est passé par pas mal de clubs pros, pas mal de centres de formation.

Un président ou un dirigeant marquant ?
J’en ai deux. « Mon » président de l’époque à Istres, Bertrand Benoît, qui est malheureusement décédé : il a emmené le club jusqu’en Ligue 1 ! Je le respectais énormément. Et aussi Marc Keller pour tout ce qu’il a fait à Strasbourg, c’est énorme, il a pérennisé le club, il a redonné une identité à ce club qui fait la fierté des Alsaciens.

Une causerie de coach marquante ?
Une causerie de François Keller à Strasbourg, juste avant la montée en National : on n’avait plus le droit à l’erreur sur les quatre derniers matchs je crois, et on affrontait les équipes de tête, comme La Duchère, Grenoble, la réserve du PSG et aussi Raon, le leader, pour le dernier match. Je crois qu’on venait de perdre 4 à 0 à domicile contre Moulins, un truc comme ça. C’était la crise. Le coach et les dirigeants ont eu des mots forts, on a pris conscience des choses et on a remis la machine en route.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
J’en ai un paquet ! Avec Istres, on s’entraînait le matin et Olivier (Giroud) lui, arrivait super tôt, une heure avant, alors qu’il venait déjà de se taper une heure de natation à la piscine, c’était un truc de fou ! On se moquait un peu de lui par rapport à ça, mais c’était une machine de guerre !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Le plus connu c’est Oliv (Giroud).

Que t-a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 ?
Le club d’Istres m’a fait confiance quand on est descendu de Ligue 1 en Ligue 2, j’étais un jeune joueur, j’étais sous contrat, j’ai re-prolongé, j’étais bien parti, mais à un moment donné… Quand je sors de deux saisons en Ligue 2, je joue quasiment titulaire à tous les matchs, j’avais des clubs qui étaient sur moi, j’aurais dû partir. Seulement j’ai voulu rester près de ma famille, avec mes amis à côté. Il aurait fallu que je vole de mes propres ailes : si j’avais fait ça, je pense que j’aurais eu une autre carrière. Et puis, lors de ma dernière saison à Istres, j’ai eu une pubalgie qui m’a perturbé pendant 6 mois, et j’ai eu du mal à revenir. Elle m’a freiné dans ma progression. J’ai dû rebondir en National et derrière, je n’ai pas réussi à retrouver la Ligue 2. Je n’ai pas non plus joué dans des clubs qui sont montés en L2, donc voilà, c’est comme ça.

Des idoles de jeunesse ?
Papin, Waddle, Zizou, Ronaldo le Brésilien.

Un modèle de milieu de terrain ?
Iniesta, Xavi. J’aime bien le jeu combiné, le jeu réduit, avec les redoublements de passe.

Un match de légende, pour toi ?
C’est à la coupe du monde 2006, le 1/4 de finale France-Brésil, Zizou avait été incroyable.

Le métier de coach ?
Un métier où on est impliqué 24 heures sur 24. Cela n’a rien à voir avec la carrière de joueur. Quand on passe de l’autre côté, on se rend compte à quel point c’est prenant, fatigant sur le plan psychologique, alors que l’on n’est pourtant qu’en National 3. Mais quand tu es joueur, tu viens, tu poses ton sac, tu t’entraînes, tu repars, tu fais tes soins, alors que là, tu penses à tout, à la séance, à l’équipe, à la récupération, à la partie athlétique, à la DATA, surtout maintenant, on a de plus en plus d’outils pour travailler, les staffs sont de plus en plus étoffés, on a de plus en plus de choses à penser et quand on va en formation, c’est de plus en plus dur aussi, parce qu’on nous met plein de trucs en tête, mais c’est intéressant. Aujourd’hui, je peux entraîner jusqu’en National 2. Passer le BEPF ? Bien sûr, c’est un objectif, mais il faut prendre le temps, ne pas brûler les étapes. Le plus important, c’est la mise en place professionnel et puis ça va dépendre aussi des résultats de l’équipe et du club dans lequel j’évolue; à partir de là, il y aura peut-être des ouvertures pour se présenter, mais chaque chose en son temps.

Le milieu du foot ?
Je suis inquiet pour le milieu du foot, notamment chez les jeunes : j ai évolué pendant 4 ans en U17 Nationaux et… Aujourd’hui, les parents prennent trop de place et ne sont pas conscients du mal qu’ils font à leur enfant. Tout le monde pense que, si un gamin a un peu de qualités, tout de suite il va réussir à devenir pro. Et avec les réseaux sociaux, ce phénomène s’amplifie. On voit même, parfois, que la scolarité passe au second plan. Mais nous, à Istres, ces jeunes, on essaie d’abord d’en faire des bons citoyens avant d’être des bons footballeurs. On vise le 100 % au bac, parce qu’on a des horaires aménagés pour eux, on a un centre d’hébergement, en fait, on a le même fonctionnement qu’un centre de formation labellisé. On se rend compte que les parents deviennent fous. On le voit autour des terrains, c’est de pire en pire. L’humilité des jeunes aussi, ça a changé… Je me souviens que, quand je suis arrivé dans le milieu pro à 18 ans, avec Jean-Louis Gasset, on devait arriver une demi-heure avant tout le monde à l’entraînement; il nous disait de prendre les plots, de déplacer les cages, mais c’était normal, c’était l’apprentissage. Aujourd’hui, tout ça, ça c’est perdu : tu demandes ça à un jeune, il te dit « je porte pas les buts moi ». Les jeunes générations changent. Les coachs aussi changent.

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Romain Hugues, DR et Istres FC

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Révélation de la coup de France la saison passée, le club nordiste a, dans la foulée de son 16e de finale face au PSG, accédé en N3. Un nouveau monde, semi-professionnel, qu’il faut apprivoiser. Le début de saison de l’USPC est poussif, mais la coupe revient, avec la réception de Croix au 4e tour. Un coup de boost ?

(Reportage réalisé juste avant l’élimination 1-2 en coupe de France, au 4e tour, par Croix, club de N3)

Quelle équipe de National 3 peut se targuer de faire décaler un match de Coupe de France pour ramener du monde au stade ? L’US Pays de Cassel, pardi ! Et c’est grâce à sa nouvelle notoriété, acquise l’an passé avec son épopée en Coupe, qui l’avait vu atteindre les 16es de finale face au PSG.

Il y a quinze jours, au 3e tour de cette nouvelle édition 2023-24, Saint-Martin-Boulogne, équipe de D1 (District), a demandé d’organiser son match le samedi après-midi, afin de jouer à guichets fermés. Du coup, 400 spectateurs ont pu assister au match. Un bel engouement. Les Casselois ont obtenu leur qualification (3-1) et la confirmation, s’il en fallait une, de leur nouveau statut !

Quatre villages, 8000 habitants

L’hiver dernier, la France découvre ce club, niché au cœur des Flandres, entre Lille et Dunkerque, la nuit du 23 janvier 2023 au stade Bollaert-Dellelis à Lens. Ce soir-là, le Paris Saint-Germain du récent vice-champion du monde Kylian Mbappé joue sa place en 8e de finale contre le petit Poucet, alors pensionnaire de Régional 1 (DH).

Dans un stade plein, les hommes de Samuel Goethals, le technicien casselois, subissent logiquement la loi de Mbappé, auteur d’un quintuplé, Neymar et consorts (0-7). Mais l’essentiel est ailleurs. Au sein de l’effectif casselois, certains sont fans du PSG et réalisent le rêve d’une vie. Alexis Zmijak, capitaine de l’équipe et ultra parisien, se voit remettre le maillot des mains du meilleur joueur français ! Sa fille a même dormi avec avant qu’il n’ait eu le temps de le laver !

Depuis, Paris est retourné à son quotidien, pendant que le club nordiste, lui, après avoir bien fêté ça, a récolté les fruits de ce parcours hors-norme pour un club composé de quatre villages, et qui regroupe en tout 8000 habitants !

L’union fait la force

Le stade Joseph Duvet, à Noordpeene.

Quatre petits villages d’irréductibles Flandriens, qui se sont alliés pour exister face aux mastodontes que le Nord abrite. On pense à des structures bien connues du monde amateur comme Croix, Marcq-en-Baroeul ou encore Pays de Valois.

Gabriel Bogaert, directeur sportif du club et homme à tout faire, est l’artisan de ce projet. En 2017, alors à Arnèke, il initie une fusion avec trois autres clubs : Bavinchove-Cassel, Noordpeene-Zuytpeene et Hardifort. Après une année d’âpres négociations, l’Union Sportive Pays de Cassel voit le jour en 2018.

L’entraîneur, Samuel Goethals.

L’équipe, partie de Régional 2, obtient sa montée dès sa deuxième année d’existence en 2020. Après deux nouvelles années à encore maturer le projet, les Jaune et Noir connaissent la saison de leur vie, en 2022-23, grâce à la Coupe de France… et au championnat.

Pourtant, en coupe, rien n’est facile. Les premiers matchs de l’épopée des Casselois sont serrés et se jouent sur des détails. Au 8e tour, ils obtiennent leur qualification pour les 32es de finale aux tirs au but (1-1, 3-2, t.a.b.) contre Drancy (N3). Mais ils doivent patienter avant de le disputer, leur sort étant lié à la triste affaire d’un autre match du 8e tour, entre Reims-Sainte-Anne (N3) et Wasquehal (N2), interrompu à 3 à 0 pour les Rémois après une bagarre générale.

Dans un premier temps, la FFF envisage de disqualifier les deux clubs avant de se raviser et de donner le match à rejouer. Finalement, ce sont les Wasquehaliens qui obtiennent le droit d’affronter le Pays de Cassel en 32e, avec, à la clé, la certitude de retrouver le PSG, déjà qualifié (le tirage au sort a été effectué) en 16e ! Imaginez l’excitation !

Là encore, les Jaune et Noir passent par un trou de souris : menés au score, ils égalisent à la dernière minute au terme d’un match fou avant de se qualifier une nouvelle fois aux tirs au but (1-1; 5-4, t.a.b.). Leur élimination face au PSG appartient désormais à l’histoire et reste dans tous les esprits du Nord et des amoureux du football amateur.

Se reconcentrer sur le championnat

Derrière, plus difficile encore, il a fallu enclencher une dynamique. Combien d’équipes se sont pris les pieds dans le tapis après des épopées en Coupe ? Beaucoup. Pas le Pays de Cassel, comme le raconte le directeur sportif nordiste, Gabriel Bogaert : “On a convoqué les joueurs et on leur a expliqué que ce serait dommage de compromettre une belle fin de saison en championnat avec des résultats négatifs.” Ni une, ni deux, le groupe imprime le message et signe un match nul chez le leader, Marck-en-Calaisis (1-1) : “On méritait de gagner le match”, précise Gabriel Bogaert.

C’est sûr, les joueurs ont “switché”. L’encadrement le voit bien. La quête du titre en Régional 1 est dans toutes les têtes. Les joueurs enchaînent une série de onze matchs sans défaite (sept victoires, quatre nuls), si bien qu’ils valident leur montée en National 3 à quatre journées de la fin ! Ils battent leur dauphin Marck (4-2) à domicile et peuvent fêter une accession qui vient couronner une saison pleine de rebondissements. L’USPC peut revendiquer le titre de meilleure défense (17 buts encaissés) et de co-meilleure attaque du championnat avec 37 buts marqués (ex-aequo avec Grand Calais Pascal, Ndlr).

La phase retour… à domicile !

Le directeur sportif, Gabriel Bogaert. Photo Philippe Le Brech

Une sacrée performance quand on sait que, la saison passée, le club a dû quitter ses installations d’Arnèke pour trouver un terrain de repli sur la commune de Noordpeene. Mais ils ont dû patienter un peu avant de pouvoir bénéficier d’un nouveau terrain en synthétique, inauguré en février dernier avec la venue en championnat de Steenvoorde. Pendant le temps des travaux, la Ligue des Hauts-de-France s’est donc arrangée pour faire disputer la majorité des matchs de la première partie de saison… à l’extérieur !

Le synthétique posé et les vestiaires en préfabriqués installés, le club peut enfin recevoir ces rencontres de Régional 1 sur la phase retour et profiter de l’avantage non négligeable du calendrier : “Il y avait énormément de monde et le fait de jouer sur synthétique par rapport au projet de jeu qu’on a, ça nous a aidé.”

Lors des derniers matchs, près de mille supporters passionnés et enflammés viennent pousser leur équipe, dans une ambiance caractéristique de la ferveur des Flandres. Fanfare, tambours, banderoles, écharpes jaunes, tout est fait pour perpétuer l’identité de cette partie du Nord typique, qui lui donne tout son charme.

Un budget de 350 000 euros

Cette accession à l’échelon supérieur, ce n’était ni une nécessité, ni un objectif dans les têtes casseloises, mais plutôt une “opportunité” qui venait couronner une saison passée sur un nuage. Un nuage duquel il a bien fallu redescendre. Car très vite, les dirigeants casselois ont pu constater l’ampleur de la tâche qui les attendait en N3. Bien sûr, ils ont récolté les fruits de leur parcours ultra-médiatisé en coupe de France. Si les dotations et les recettes de l’organisation de leur match contre PSG restent secrètes, pour Gabriel Bogaert, le gain est ailleurs. Il est même inestimable : “La Coupe de France a été un carton plein en termes d’images. Les gens se sont aperçus qu’on était une équipe sympa qui bossait bien. ”

Du coup, plus facile d’aller chercher de nouveaux partenaires et de construire un nouvel effectif. De plus en plus d’entreprises ont eu envie de s’associer au projet du club, séduites par les valeurs renvoyées. “On est dans un petit village, il n’y a pas de subventions, donc on est livré à nous-mêmes.” Parmi les plus petits du groupe G de National 3, Pays de Cassel a réussi à constituer un budget de 350 000 euros, quand la moyenne se situe aux alentours de 700 000 euros, c’est-à-dire deux fois plus.

Kévin Rocheteau bientôt qualifié

Forcément, l’exposition médiatique a tapé dans l’oeil de certaines équipes plus huppées, qui n’ont pas manqué d’attirer chez elles quelques joueurs : Baptiste Leclerc, qui a ébloui de sa classe le match à Lens, a eu une proposition de Furiani (N2). L’USPC l’a laissé partir, comme convenu. D’autres sont restés au même niveau ou en dessous, mais avec de meilleures conditions financières. “On a un petit budget, donc on ne peut pas partir dans des sommes astronomiques. On ne pouvait tout simplement pas rivaliser sur le plan financier.”

En amont, les profils des recrues sont validés en binôme entre le directeur sportif et son coach, Samuel Goethals. Derrière, c’est Gabriel Bogaert qui s’occupe du financier. Cette nouvelle exposition a aussi, dans le sens inverse, « permis de faciliter l’attraction de nouveaux joueurs”, se félicite le dirigeant.

Côté arrivées, l’US Pays de Cassel a su convaincre par le projet de jeu mis en place par Goethals, basé sur un jeu de position et de possession. Un style attractif, qui donne envie. Gabriel Bogaert évoque “plusieurs belles prises”, affiche sa satisfaction et analyse un mercato composé de “très bons mecs et de bons joueurs de foot”. Avec, en tête de gondole, Kévin Rocheteau, qui connaît bien la région puisqu’il a joué à Dunkerque en Ligue 2 (2020-2022).

Après le premier succès en N3 face à Compiègne.

Ancien joueur de Niort (L2), Rocheteau a choisi de rejoindre son “grand pote” et cadre de la formation, Nicolas Bruneel – lui aussi passé par Dunkerque – et un football de copains. Qualifié à partir du 1er octobre en raison de son contrat pro à Niort, il va grandement renforcer l’attaque nordiste qui a « besoin d’efficacité”.

Romain Jamrozik, ancien pensionnaire de Fréjus-Saint-Raphaël en N2, et natif de la région (il a aussi évolué à Dunkerque en National et au Puy en N2), est également venu renforcer l’effectif casselois. En plus de ces deux noms « ronflants », des joueurs issus de la région et repérés par Gabriel Bogaert sont venus se greffer à l’effectif. “Je pense que si les supporters peuvent s’identifier à des joueurs locaux, c’est quand même bien mieux.”

Comme le club n’a pas le budget suffisant pour mettre en place des superviseurs, c’est le directeur sportif, autodidacte en la matière, qui s’y colle ! “Entre la vie professionnelle et la vie familiale, je vais voir des matchs de N2, N3, R1, R2, R3… Je suis un passionné de foot.”

“On est l’équipe à battre !”

Les supporters avant le 8e tour l’an passé en coupe de France face à Drancy.

Les dirigeants du nouveau venu en N3 apprennent vite et découvrent le fossé qui le sépare du niveau régional. Le N3 est “semi-pro”, mais les Jaune et Noir ne partent ni défaitistes ni timorés : “On se structure, on avance, on s’adapte parce qu’on veut rester dans cette division.”

Le club compte quatre contrats fédéraux à mi-temps et s’entraîne quatre fois par semaine. De plus, il met en place une stratégie de formation chez les jeunes pour un club qui compte 400 licenciés et qui a même dû refuser du monde cet été, faute de place !

Dès les matchs de pré-saison, le regard des adversaires a radicalement changé. “On est plus attendus, on est l’équipe à battre, mais sans méchanceté.” Le début de saison ne se déroule pas forcément comme prévu, mathématiquement s’entend. La différence avec l’exercice précédent est majeure : “L’année dernière, on était dans une saison où tout nous réussissait. On pouvait faire ce qu’on voulait et ça rentrait. Cette année, c’est un peu plus compliqué pour l’instant.”

Les Jaunes ont entamé le championnat par une défaite 3 à 0 à Vimy et une autre à domicile contre Marcq (0-2), malgré une domination outrancière. “Sur les deux matchs, on est meilleurs que nos adversaires. On a 70% de possession et plus d’occasions, on manque juste d’efficacité dans les deux surfaces. A ce niveau, ça ne pardonne pas, mais ça va tourner”, explique le directeur sportif. Finalement, c’est à Valenciennes, face à la réserve de L2, que Pays de Cassel décroche son premier point.

Un choc contre Croix au 4e tour

Souvenir indélébile de la coupe de France 2022-23, au stade Bollaert-Dellelis.

Forts de leur première victoire en Coupe de France, les Flandriens ont surfé sur la dynamique pour s’octroyer leur premier succès en championnat contre Compiègne, samedi dernier, à domicile (3-0), de quoi faire fuir les doutes. L’arrivée dans le groupe de Kévin Rocheteau fera le plus grand bien à l’équipe, alors que Romain Jamrozik a ouvert son compteur le week-end dernier. Quant à Rémi Burnel, recrue intéressante en provenance de Marcq-en-Baroeul, il a déjà inscrit trois buts en championnat. Prometteur !

La prochaine étape, c’est dès demain, avec la réception de Croix, leader invaincu de la poule en N3, pour le compte du 4e tour de la Coupe de France. “Après ce qu’on a connu, on ne demande qu’à revivre ça. Parce qu’on a vécu, c’est surréaliste.” Pour se prendre à rêver, encore une fois à Cassel, et faire vibrer ce pays qui ne demande que ça, il faudra soulever des montagnes. Ça tombe bien, ce peuple et cet effectif ont montré qu’ils en étaient capables.

 

L’US Pays de Cassel s’est finalement inclinée 2-1 face à Croix au 4e tour de la coupe de France.

 

Texte : Emile Pawlik / Twitter : @EmilePawlik

Photos : USPC, Patrick Patou, Philippe Le Brech.

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