L’avant-centre, qui a rejoint cet été La Berrichonne, son 11e club, vient de dépasser la barre des 100 buts, toutes divisions nationales confondues. Après des débuts en National au Red Star, son club de coeur, il y a plus de 10 ans, il n’avait pas hésité à redescendre en N2 et même en N3 pour rebondir et devenir aujourd’hui un attaquant incontournable.
Sous le maillot de Châteauroux, qu’il a rejoint cet été, en National. Photo Philippe Le Brech.
« J’ai marqué partout où je suis passé »… Ne voyez aucune suffisance dans les propos de Geoffray Durbant mais un simple constat, confirmé par les chiffres. A 31 ans, l’avant-centre de Châteauroux (National) vient de dépasser la barre des 100 buts en championnat (National, N2, N3) depuis le début de sa carrière. L’international guadeloupéen en compte actuellement 103. « Avec la Coupe, je dois arriver à 150 », sourit Geoffray, qui a inscrit un quadruplé dimanche face à l’ES Bourges Moulon (N3) au 5e tour de la Coupe de France (victoire de Châteauroux 5-0).
Arrivé cet été dans le Berry, il n’a pas manqué ses débuts. Elu meilleur joueur de National du mois d’août, il occupe la tête du classement des buteurs à égalité avec Alain Kérouédan (Avranches) avec six réalisations. Malheureusement pour lui, il va être contraint au repos forcé lors des prochaines semaines. Il a en effet écopé de 3 matchs de suspension. « On n’a pas le droit de parler aux arbitres à la fin des matchs, je ne parlerai donc plus », assure-t-il.
Sous le maillot de Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.
Pour 13HeuresFoot, il a retracé les différentes étapes de sa carrière, marquée par des changements fréquents de clubs.
« Souvent, les gens disent « Durbant, il a fait beaucoup de clubs »… Chacun a un avis. Mais ils ne connaissent pas toujours les tenants et les aboutissants. Déjà, j’ai longtemps signé des contrats d’un an. Et j’ai toujours effectué des choix sportifs, pas financiers. »
S’il est désormais devenu un attaquant qui compte en National, il a fait preuve, au début de sa carrière, d’un gros mental en redescendant en National 2 puis en National 3 après des débuts prometteurs au Red Star, son club formateur.
Villemomble, Bobigny, Beauvais en jeunes (1996-2009)
Le natif de Bondy, la ville de Kylian Mbappé, a grandi dans le 93. « Je n’ai que des bons souvenirs de ces années-là. A Bobigny, ça a commencé à devenir sérieux. C’était un bon club formateur. Il a pris encore une nouvelle dimension depuis qu’il est devenu le FC 93. Ses jeunes attirent de plus en plus de clubs pros. »
A l’époque, il avait été repéré lors du réputé tournoi Anastasio Gomez : « Il y avait beaucoup de recruteurs, j’ai été repéré par Beauvais et Amiens qui étaient en L2. J’ai choisi Beauvais. J’y suis resté deux ans en U16 nationaux. Mais il n’y avait pas de U18 nationaux donc je suis rentré. »
Red Star (2009-2014, National, 2 buts)
Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.
A 17 ans, il rejoint le club phare du 93, le Red Star. « On avait une excellente génération 92 avec Sébastien Robert comme entraineur. » Le 18 mai 2012, lors de l’avant-dernière journée de National, Vincent Doukantie le lance à la 69e minute en remplacement de Cédric Sabin face à Vannes (2-0). Lors de sa deuxième saison à ce niveau, il est souvent dans le groupe (20 apparitions). Pour sa première titularisation le 14 septembre 2012 face à Rouen, il marque le but vainqueur : « ça reste un souvenir incroyable. Première fois titulaire et premier but en National. En plus au stade Bauer, côté gauche face au kop, devant ma famille, mes amis… J’étais considéré comme l’enfant du club donc j’ai vécu un moment magique. »
Mais la saison suivante se passe moins bien (9 matchs, 1 but). « Au début de saison, Laurent Fournier m’a mis à la cave. Gaëtan Laborde, qui était prêté par Bordeaux, était à la cave avec moi… Quand Sébastien Robert a remplacé Fournier, j’ai davantage été appelé dans le groupe. Mais il y avait des Lefaix, Laborde ou Lee devant moi. »
Ces dernières saisons, son retour au Red Star a souvent été évoqué. « Beaucoup de gens ne comprennent pas. Les supporters me le demandent souvent. Je suis un enfant du club, du 93, ça aurait été un beau message que je revienne. Il y a eu quelques discussions mais ce n’est jamais allé plus loin. C’est dommage. Il y a toujours eu des gens qui ont fait que ça a bloqué. Mais moi, je n’ai de problèmes avec personne au Red Star. Quand tu es capable d’enchainer les saisons à plus de 10 buts, ce n’est pas anodin. Mais j’ai bien conscience qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. C’est la vie, et j’ai essayé de tracer mon chemin en étant le plus performant chaque saison. J’ai su m’adapter à des environnements, des mentalités et des modes de vie différents. »
Roye-Noyon (2014-2015, National 2, 7 buts)
Sous le maillot de Châteauroux. Photo Philippe Le Brech.
A l’été 2014, Geoffray Durbant a effectué un choix fort en quittant le Red Star pour Roye en N2. « J’aurais pu rester au Red Star où j’étais chez moi. Mais parfois, tu ressens un sentiment d’injustice quand tu as l’impression de performer mais que tu passes après les autres. J’avais besoin de temps de jeu. C’est ce que je suis allé chercher à Roye. Quand tu commences très haut, jeune, parfois tu sautes les étapes. Il faut aussi avoir la lucidité pour le reconnaître. Je me suis dit « si tu veux retourner au moins en National, il va falloir charbonner »… Au final, cette saison s’est bien passée. J’ai marqué 7 buts et on termine 7e ou 8e. »
Vitré (juillet 2015-septembre 2015, National 2)
« J’ai choisi de signer à Vitré pour me rapprocher de la Bretagne où il y avait beaucoup de clubs pros », explique-t-il. Recruté par le directeur sportif, il va pourtant vite déchanter sur fond d’incompréhension avec le coach Michel Sorin. « Il jouait dans un système de 3-5-2 et m’utilisait comme piston droit. Déjà au départ, il m’avait seulement dit « tu as un contrat fédéral, tu dois être irréprochable ». Rien sur ses attentes vis à vis de moi. J’ai donc joué à droite. Il me faisait toujours sortir vers la 65e… Lors de mon 2e match, j’avais quand même réussi une passe décisive. Le match suivant, on perd 3-1 à domicile contre Romorantin. A la fin, le directeur sportif me dit : « il faut qu’on se parle lundi, le coach ne veut plus de toi et tu dois aller t’entrainer avec la réserve ». Je lui ai répondu que je m’entrainerais plus tant que ma situation ne sera pas réglée. Et j’ai fini par partir. »
UJA-Maccabi Paris (octobre 2015-juin 2016, National 3, 9 buts)
Sous le maillot du Stade Lavallois, l’année de l’accession en L2. Photo Philippe Le Brech.
Il décide de revenir en région parisienne et signe à l’UJA-Maccabi Paris (fusion de l’UJA Alfortville et du Maccabi Paris) qui galère alors en National 3. « Je descendais de niveau mais j’avais des amis dans l’équipe : Moustapha Cissé, Eddy Fernandes, Price Jolibois, Kevin Zonzon. Ils m’ont dit « on a n’a pas d’attaquant », donc j’y suis allé. Mais on ne va pas se mentir, ça a été compliqué au niveau des conditions de travail. On n’avait qu’un demi-terrain pour s’entrainer. Un jour, j’ai demandé au coach, Fabien Valéri, si on pouvait faire des spécifiques attaquants. Il m’a répondu « Tu n’as qu’à prendre un ballon et aller faire des tirs au quartier »… Malgré tout, on a réussi à se maintenir en N3. J’ai mis ma dizaine de buts (9 en championnat). »
Oissel (2016-2017, National 3, 7 buts)
Après l’UJA-Maccabi Paris, direction Oissel, toujours en N3. « Je n’ai pas trop de souvenirs de cette saison; ça s’est bien passé, mais sans plus. On a terminé 3e et on s’est maintenu sans problème. Le coach, c’était Eric Fouda mais il avait été absent plusieurs mois à cause de soucis personnels. »
Dieppe (2017-2018, National 3, 10 buts)
Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.
S’il reste en Normandie, il signe près de la mer à Dieppe, pour une 3e saison en N3. Un souvenir mitigé. « Je me suis blessé à la cheville, une entorse, dès la 1ère journée et j’ai trainé ça longtemps. Mais après la trêve, j’ai bien fini la saison. L’entraineur, c’était Jean-Guy Wallemme. On a réussi à se sauver lors de la dernière journée face à Evreux (3-1) et je marque le premier but d’entrée. Mais avec l’équipe qu’on avait, on aurait pu faire largement mieux. Moi, je me suis dit que je devais arrêter les projets en N3. J’avais 26 ans, c’était le moment ou jamais. Soit je faisais toute ma carrière à ce niveau, soit j’arrivais à rebondir vers le monde pro. Je ne pouvais plus me tromper. »
Lusitanos Saint-Maur (2018-2019, National 2, 13 buts)
Geoffray Durbant retrouve une nouvelle fois la région parisienne en signant aux Lusitanos Saint-Maur. Après trois saisons en N3, il monte également d’un cran en retrouvant le N2. Avec 13 buts, sa saison a été une réussite sur tous les plans. « On a terminé 2e derrière Créteil. J’ai passé une super saison avec Bernard Bouger et Salah Mahdjoub, ça m’a permis d’avoir des contacts au dessus. »
Sedan (2019-2020, National 2, 15 buts)
Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.
Malgré des approches de clubs de National, il choisit de rester en N2 à Sedan. « J’avais déjà effectué un essai à Sedan avec Nicolas Usaï il y a quelques saisons. Le directeur sportif, Julien Fernandez, me suivait aussi depuis longtemps. Les installations, le stade, c’était le niveau pro ! » Quand la saison s’arrête en mars 2020 à cause du Covid, Geoffray Durbant a déjà inscrit 15 buts. C’est le meilleur buteur de N2 tous groupes confondus. « On a fait un beau parcours avec une série de 13 matchs sans prendre de buts. On était les seuls en Europe ! Malheureusement , on avait un peu faibli et le SC Bastia est passé devant juste avant l’arrêt des championnats et a été promu en National. »
S’il avait encore un an de contrat avec Sedan, l’avant-centre a forcément de nouveau suscité les convoitises en National.
Bastia-Borgo (2020-2021, National, 10 buts)
Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.
S’il y avait des clubs plus fortunés sur les rangs (Boulogne, Bourg-en-Bresse, Red Star), Geoffray atterrit finalement au FC Bastia-Borgo. « Je pense qu’ils ont dû payer une petite indemnité à Sedan. Moi, j’avais dit que je ne viendrais jamais jouer en Corse, mais je ne l’ai pas regretté. J’ai vraiment apprécié cette saison et ce club, malgré les longs déplacements en avion. » Sur le terrain, il a formé un duo très performant avec Wilson Isidor, prêté par Monaco. « Tous les deux, on s’est régalé. On se trouvait presque les yeux fermés sur le terrain. Il a mis 16 buts, moi 10 avec en plus 6 passes décisives, essentiellement pour lui. Wilson, c’est mon petit frère. On s’appelle très souvent. »
Laval (2021-2023, 19 buts en National, 4 en L2)
Après sa bonne saison en Corse, il a des contacts en L2 (Pau) et chez la plupart des clubs de National. Il choisit Laval avec un contrat de deux ans (plus une année en option). « Laval, ça me rapprochait de Paris et je voulais relever le défi de la montée. J’y ai réussi la meilleure saison de ma carrière. »
Sous le maillot du Stade Lavallois, l’année de l’accession en L2. Photo Philippe Le Brech.
Laval monte en effet en L2 et avec 19 buts – le meilleur score de sa carrière – il termine 2e buteur de National derrière Pape Meissa Ba (Red Star). Il figure également dans l’équipe type de la saison.
Mais sa saison en L2 s’est moins bien passée. « Je découvrais le monde pro. Mais je suis sorti de cette saison avec un sentiment de frustration et d’injustice. Je pense que j’aurais mérité davantage de temps de jeu et de considération. Olivier Frapolli, le coach, n’a pas toujours été correct avec moi. Moi, je suis quelqu’un d’entier, qui ne triche pas. A la fin, ce n’était plus ce que c’était entre lui et moi…»
Auteur de 4 buts, c’est lui qui a délivré la passe décisive sur le but de Djibril Diaw qui a permis à Laval de se maintenir à la 94e minute lors de la dernière journée à Amiens (2-1). « A ma place, beaucoup auraient tiré. Mais j’ai eu la lucidité de faire la passe. C’était un but capital. Bien sûr, tout le monde m’a remercié. Mais au fond de moi, j’étais très déçu de cette saison. Quand j’étais à la Gold Cup avec la Guadeloupe, j’ai compris que je devais quitter Laval même si j’avais encore un an de contrat. Après, je suis très content de ce qui leur arrive cette saison. Le président, c’est une crème. Je leur souhaite tout le bonheur du monde. On s’est envoyé des beaux messages. Quant à moi, la L2, j’espère que j’y retournerai…»
Châteauroux (depuis juillet 2023, National, 6 buts)
Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.
Cet été, s’il a eu des propositions en L2 (Rodez, Amiens), Geoffray Durbant a choisi de retrouver le National avec Châteauroux, une division où il avait l’embarras du choix. « Les clubs de L2, c’était pour être dans la rotation. La concurrence ne me fait pas peur mais elle doit être saine. Je ne voulais pas revivre une autre saison comme la 2e à Laval. Je ne suis pas un joueur de banc. A Châteauroux, il y a des bonnes installations et des dirigeants au top. Avec le coach Olivier Saragaglia, on se connaît depuis longtemps. J’ai envie d’aider le club à retrouver la L2. On manque un peu d’expérience par rapport à une équipe comme le Red Star et on n’a toujours pas été favorisé par les arbitres. Mais le National, c’est souvent une questions de séries…»
A 31 ans, Geoffray estime avoir « encore des belles années » devant lui. « J’espère continuer sur le même rythme. Maintenant que j’ai franchi la barre des 100 buts, j’espère pouvoir atteindre celle des 150. C’est possible ! Grâce à ma femme (Anne-Cécile Ciofani, internationale française de Rugby à VII, élue meilleure joueuse du Monde en 2021) qui est une sportive de haut niveau, qui prépare les JO de Paris, j’ai la chance d’avoir un très bonne hygiène de vie. On se tire vers le haut. Je suis aussi parfaitement entouré avec mon agent Eddy Torest qui m’a toujours soutenu depuis les années N3. Le foot, c’est d’abord du mental. J’ai souffert mais j’ai vu et j’ai appris. Plus tu montes haut, plus le monde du foot est méchant. Mais moi, j’ai toujours su ce que je voulais. Et je n’ai jamais lâché. »
Geoffray Durbant, du tac au tac
Sous le maillot du Stade Lavallois. Photo Philippe Le Brech.
Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en L2 avec Laval.
Pire souvenir de joueur ?
Ma blessure avec la sélection de Guadeloupe cet été.
Qualités et défauts sur un terrain ?
Le sens du but. Je suis un finisseur. Après, je n’ai pas de pied gauche mais j’ai quand même marqué des sacrés buts du gauche.
Combien de buts marqués ?
103 en championnat. Plus de 150 avec la Coupe.
Votre plus beau but ?
Contre Le Mans en National avec Laval. On était mené 0-1 et on gagne ce derby 2-1. Je mets un doublé avec le but de la victoire à la 85e. Je suis parti du rond central, je récupère le ballon, j’arrive à dribbler 2-3 joueurs puis je prends à contre-pied le gardien en lucarne.
Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.
Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Birama Touré avec Beauvais en U16 nationaux
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Paul Pogba quand il jouait au Havre en U16 nationaux.
Un joueur avec qui vous avez eu le meilleur feeling sur le terrain ?
Wilson Isidor à Bastia-Borgo.
L’entraîneur ou les entraîneurs qui vont ont marqué ?
Jean-Guy Wallemme à Dieppe, Bernard Bouger aux Lusitanos, Sébastien Tambouret à Sedan et Olivier Frapolli à Laval.
Un coach que vous n’avez pas forcément envie de revoir ?
Il n’y en a pas. Même Michel Sorin, avec qui ça s’est mal passé à Vitré, est venu s’excuser quand je l’ai revu à Laval.
Sous le maillot de Bastia-Borgo en National. Photo Philippe Le Brech.
Le ou les présidents qui vous ont marqué ?
J’ai toujours eu de bons rapports avec mes présidents. Ceux qui m’ont le plus marqué, ce sont Laurent Lairy à Laval et Marc Dubois à Sedan. Quand ils disent, ils font..
Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Sedan et Laval.
Le club où vous avez failli signer et que vous regrettez ?
Peut-être Bourg-en-Bresse il y a 4 ans…
Le club où vous n’auriez jamais dû aller ?
Vitré.
Le club qui vous fait rêver ?
Le PSG. Mais mon club de cœur restera toujours le Red Star.
Vos joueurs ou vos joueurs préférés ? Un modèle ?
Ruud Van Nistelrooy et Hernan Crespo.
Un stade mythique où vous avez joué ?
Geoffroy Guichard, en L2 avec Laval.
Vos occupations en dehors du foot ?
Lire, préparer mes formations pour mon après carrière et regarder des séries.
Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Aucune idée… Au début, je me débrouillais, j’étais dans la maintenance industrielle. Là, je termine une formation de créateur d’entreprise.
Le milieu du foot en quelques mots ?
Un peu ingrat parfois…
Normandie, Bretagne, Corse, Pays de la Loire, centre où vous avez joué, ou région parisienne où vous avez grandi ?
J’ai bien kiffé mon année en Corse. Mais je reste attaché à la région parisienne. J’ai déjà fait construire ma maison en Seine-et-Marne.
Vendredi 20 octobre 2023 – Championnat National (11e journée) : FC Martigues – La Berrichonne de Châteauroux, à 19h30, au stade Francis-Turcan.
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Le dirigeant charismatique du FC Borgo (N2) est un personnage truculent qui a su « casser les tabous » et instaurer des valeurs de convivialité, de partage et d’échange avec les autres clubs, même dans l’adversité. Portrait d’un personnage parfois sanguin, souvent attachant, dont la voix et l’aura pèsent.
Photo Philippe Le Brech
Une journée. C’est le temps qu’il faudrait, dixit Stéphane Rossi, pour parler d’Antoine Emmanuelli ! L’entraîneur emblématique du CA Bastia* pendant 18 saisons (*de 2000 à 2003 au Cercle Athlétique Bastia Gallia Lucciana puis de 2003 à 2017 au CA Bastia et enfin au FC Bastia-Borgo en 2021-22) n’a pourtant que dix minutes – c’est le temps qu’on lui a donné ! – pour évoquer « son » président, son ami, son ex-coéquipier aussi !
Les deux hommes sont indissociables de l’histoire et de l’aventure du CABGL (et donc du CA Bastia et du FC Bastia Borgo, vous suivez ?) ! « Des anecdotes sur Antoine ? J’en ai plein ! » Stéphane Rossi, sans club actuellement depuis son départ de Cholet (National) le 1er mai dernier, aime raconter celle-ci : « L’année où on était en Ligue 2 (2013-2014), il s’était auto-exclu du banc de touche ! Il n’était pas d’accord avec l’arbitre, alors il lui a dit « Vous n’avez pas besoin de me mettre de carton rouge, je me le mets tout seul ! » Je lui disais souvent de se calmer sur le banc, j’ai essayé de le canaliser. Antoine, il faut le connaître, il peut péter les plombs, mais c’est toujours pour le bien du club, pour défendre le collectif ».
Chaleureux et impulsif
Avec Stéphane Rossi à Cholet l’an passé. Photo Philippe Le Brech
Quand on lui décrit Emmanuelli comme quelqu’un de charismatique, convivial, chaleureux mais aussi d’impulsif, Rossi acquiesce : « Oui, c’est ça, il est très convivial, charmant. Quand tu passes un moment avec lui ou un repas, tu te régales, mais sur le terrain, il change ! Une fois, à Aix-en-Provence, à mes débuts de joueur, donc ça remonte hein, et alors que l’on était coéquipier, Antoine jouait défenseur et a traversé tout le terrain pour « allonger » un mec qui m’avait marché sur le pied ! Il voulait me défendre ! Du coup, il a dû jouer cinq minutes avant de se faire expulser ! »
Ces épisodes, tellement représentatifs du personnage, c’était avant. Depuis peu de temps, Antoine Emmanuelli ne s’assoit plus, ou beaucoup moins souvent, sur le banc de touche, aux côtés des joueurs et du staff. « Ce n’est pas bon pour le coeur, sourit ce personnage truculent, figure du monde amateur; le professeur m’a posé deux stents, l’un avec un moteur de Porsche et l’autre avec un moteur de Ferrari, donc ça va ! »
Photo Philippe Le Brech
Il est comme ça, Antoine Emmanuelli ! Il a un côté pile et un côté face. Chaleureux, convivial et en même temps impulsif et sanguin. Capable de convier dirigeants et administratifs d’un club adverse à une réception d’avant match autour d’un bon verre de vin rouge et de la charcuterie (produits corses, évidemment !) et dans l’heure suivante de s’énerver après eux ! Mais ça se termine bien, en général. « C’est vraiment un mec entier, poursuit Rossi; il aime bien partager, mais il ne faut pas lui faire à l’envers !On est toujours en contact, bien sûr. Quand il m’a rappelé pour entraîner Bastia-Borgo en cours de saison 2021-22, j’ai retrouvé le même fonctionnement au club. Je n’ai passé que 6 mois cette fois mais j’ai eu l’impression de revenir 15 ans en arrière ! Il y avait de la sérénité dans le travail, au club, malgré la situation sportive difficile. Antoine dégageait de la confiance aussi. Il avait toujours un super-état d’esprit, et ça, je peux vous dire que ça manque aujourd’hui dans le football. »
Impliqué dans la vie régionale et fédérale
Photo Philippe Le Brech
Ce caractère haut en couleur, ces frasques, ont bien sûr contribué à la « notoriété » d’Emmanuelli, mais il serait réducteur de résumer cet homme de 66 ans, attachant, truculent et sensible, à cela. Car Antoine, c’est aussi et surtout les valeurs, le partage, l’échange, la convivialité, même dans l’adversité : « Parfois je m’accroche, c’est vrai, reconnaît-il; mais ensuite, c’est la passion qui nous rapproche. On est arrivé à instaurer ce fonctionnement avec les autres clubs. On s’invite, on se remet un petit présent, ça ce sont les valeurs de partage. Après, le foot c’est le foot ! »
Le Bastiais a tout connu au club, où il a commencé joueur avec une première licence en minimes, pour en devenir le président, en 2013, au temps du CA Bastia. Aujourd’hui, avec José Orsini, il co-préside aux destinées du FC Borgo, la nouvelle entité créé l’année dernière, alors que le club évoluait encore en National (il est descendu en National 2 cette saison). Il est également vice-président de la Ligue de Corse (depuis 12 ans) et ses fonctions fédérales – il est membre du collège des acteurs du football amateur à la Ligue fédérale amateur (LFA) – font de lui un dirigeant écouté, respecté, qui pèse. Même s’il n’aime pas qu’on le dise. Même s’il n’aime pas trop en parler. « J’essaie de m’impliquer pour faire avancer les choses, pour protéger les clubs. Je reste actif, sans prétention. Je reste à ma place. C’est cette passion qui me permet de rester dedans. Je n’oublie pas que c’est Toussaint Rossi, le papa de Stéphane, qui m’a introduit dans le giron fédéral ».
Photo Philippe Le Brech
Défendre ses joueurs, son entraîneur, son club, c’est ce qui a frappé Stéphane Rossi, mais pas seulement : « Antoine, c’est surtout quelqu’un de compétent. Il connaît le foot, il a joué jusqu’en Division 4 à l’époque, il laisse faire les gens, ll leur fait confiance. Je suis bien placé pour le dire. Parfois, on a eu des divergences d’opinion, c’est normal, et parfois même des disputes, mais rien de grave. On allait manger un morceau ou boire un coup et c’était réglé. Pareil, quand je suis revenu au club, en 2021, j’ai senti de la confiance, et si tu ne ressens pas ça, c’est compliqué d’y arriver. Bien sûr, parce que je suis un régional de l’étape, parce que tout le monde me connaissait déjà au club et que je connaissais tout le monde aussi, c’était peut-être plus facile pour moi que pour un autre. Mais avec Antoine, il y a beaucoup de sérénité dans le travail, de confiance. C’est vraiment quelque chose qui m’a marqué. Et malgré la situation sportive difficile dans laquelle on était, c’était franchement très agréable dans le travail et tout ça a rejailli sur les joueurs et sur l’état d’esprit général de l’équipe. Mais pour ça, il faut connaître le football, et ça, Antoine, il sait le faire. »
Interview
« C’est pour ça qu’on est devenu le FC Borgo… »
Avec Alex Torres, l’entraîneur en National la saison passée. Photo Philippe Le Brech
Antoine, votre meilleur souvenir sportif de président ?
C’est la période quand on monte de CFA en National puis de National en Ligue 2, quand on est monté deux fois consécutivement, entre 2011 et 2013. Avec les matchs de la montée à Alfortville d’abord, qui nous propulse en National, et contre Créteil l’année d’après, quand on accède en Ligue 2.
Pire souvenir de président ?
Plus qu’un mauvais souvenir, c’est une réflexion générale, celle de ne pas pouvoir jouer à Bastia. D’être localisé. Sinon, pour les mauvais souvenirs, ce sont les mauvais résultats, mais je garde cette grosse frustration, de voir cette génération de joueurs qui tout connu jusqu’à la Ligue 2 et qui, à la sortie, après tout ça, a été punie, car il a fallu jouer ailleurs, à Porto-Vecchio (le stade Erbajolo n’était plus homologué). On n’a pas pu utiliser les installations bastiaises. Ce qui fait que l’on n’a pas pu développer notre identité bastiaise. Aujourd’hui, la finalité, elle est là. Si on est devenu le FC Borgo, c’est bien pour cette raison.
Photo Philippe Le Brech
Un modèle de président ?
C’est une question difficile. Sur le plan de l’amitié, c’est François Nicolaï. Il a été président de Ligue 1 (au SC Bastia) et c’est mon ami. J’ai participé avec lui à la vie du Sporting mais je suis resté à mon niveau.
Vous avez aussi été dirigeant au Sporting ?
Oui, en même temps qu au CABGL, pendant 5 ans, avec Jean François Filippi. L’entraîneur, c’était Antoine Redin : ma « culture vestiaire », ma « culture banc », ça vient d’Antoine, et j’ai essayé de transmettre ça après. J’ai beaucoup appris à leurs côtés.
Des amis présidents ?
Oui, mais j’ai peur d’en oublier, Gilbert Guérin (Avranches) et Jacques Piriou (Concarneau), on a « grandi » ensemble et pu faire évoluer certaines choses, Jean-Pierre Scouarnec (ancien président de Dunkerque), Pierre Ferracci (Paris FC), Olivier Delcourt (Dijon), Benjamin Erisolgu (Cholet), y’en a beaucoup, Jean-Michel Roussier, sans compter les présidents mythiques, qui ne sont pas mes amis, mais que je respecte beaucoup, comme Jean-Michel Aulas, Noël Le Graët qui, malgré tout ce qu’on a pu dire, est un chef d’entreprise qui a su emmener le foot français à ce niveau, en partant de 80 millions de budget à 240 millions et 2,2 millions de licenciés. J’aurais pu les citer dans la question précédente, comme Marc Keller (Strasbourg) aussi. Et j’en oublie certains, comme Gervais Martel (Lens) ou Joël Coué (ex-président de Niort), que j’ai pu côtoyer lors de notre passage en Ligue 2, ) et aussi Philippe Jean quand il était président de Laval , avec lequel on échangeait beaucoup. Partout où je suis allé, j’ai toujours été bien reçu. L’accueil était très bon. C’était aussi l’objectif recherché, avec les autres présidents, de partager un moment de cohésion, de convivialité. On a eu un très bon accueil quand on est arrivé en Ligue 2, on a eu cette période de convivialité où l’on se recevait les uns les autres, à l’aller comme au retour, on a créé ça, on l’a mis en place, dans une démarche de partage et d’échanges. On a su instaurer des codes qui perdurent aujourd’hui, avec des présidents qui se reçoivent; on a cassé un peu les tabous, malgré la compétition, malgré le contexte de rivalité.
Sur le banc, avec Jean-André Ottaviani. Photo Philippe Le Brech
C’est ça, la culture du foot amateur ?
Quand vous allez jouer dans un club où il y a des enjeux, et si vous, vous n’en avez plus, et qu’en plus vous gagnez… On vous convie quand même à la fin du match, c’est ça la convivialité. Quelque part, c’est un peu une reconnaissance. C’est ça la culture du football amateur. Même lors de notre passage en Ligue 2, on pouvait passer pour le petit, le candide, mais on avait gardé nos valeurs, notre identité, notre caractère. Avec nos qualités et nos défauts, comme l’impulsivité. mais on était restés nous-mêmes.
Nostalgique de la période Ligue 2 ?
Non. On a profité. On a pris. On a appris. Aujourd’hui, quand je vais voir le président de Granville, d’Aubervilliers ou de Boulogne-sur-Mer, je suis très content. Je garde mes valeurs d’échanges et de partage, peu importe la division, elles sont là. C’est sûr que c’est plus valorisant de jouer en L2 mais ça ne me pose aucun problème de disputer un championnat de National 2 ou de National. J’en profite pour rendre hommage à Julien Boronat et Ange Paolacci qui, lorsque nous sommes montés en Ligue 2, nous ont accompagnés sur le plan administratif.
Vous êtes un président plutôt …. ?
A l’écoute. Je suis un homme de terrain, respectueux des codes et des principes, qui pense que l’entraîneur doit entraîner, que le président doit gérer, en cloisonnant les choses, en mettant des passerelles.
Photo Philippe Le Brech
L’idée une Ligue 3 pro, vous en pensez quoi ?
J’ai lu l’article de Thierry Gomez que vous avez publié. Ce projet de professionnaliser le National, on l’a porté pendant plusieurs années, notamment avec Gilbert Guérin (Avranches) et Jacques Piriou (Concarneau) dans le rôle des principaux acteurs, qui se sont beaucoup investis, comme d’autres aussi. Malheureusement, il y a eu un coup d’arrêt énorme avec l’échec de Mediapro. On a « régionalisé » les 13 Ligues, et on s’aperçoit que certains font marche arrière et veulent reprendre leur « liberté ». On a mis tout notre vécu, toute notre expérience au service de la Fédération pour faire avancer, évoluer les niveaux, protéger les championnats, les joueurs, dans une démarche collective. Mais pour ça, il fallait que le modèle économique suive. La faillite de Mediapro a fait faire un bond en arrière de 10 ans. Et puis la Covid est arrivé aussi… Malgré tout, la Fédération Française de football a accompagné les clubs, au prix du « quoi qu’il en coûte » selon l’expression consacrée, jusqu’à un certain niveau. Il y a eu une certaine solidarité, c’est comme ça que je l’ai ressenti. Mais quand la rivalité nous rattrape, quand le quotidien nous rattrape, on s’aperçoit que l’on refait un bond en arrière.
Avec Jean-André Ottaviani. Photo Philippe Le Brech
La Fédération revient sur des obligations, comme la Licence club, même si elles accompagnent par un signal fort ses clubs, ses licenciés, de manière conséquente, contrairement à d’autres fédérations. Bien sûr, on peut toujours mieux faire, mais il ne faut pas toujours aller dans le « tout licence, toute obligation ». Le danger, c’est que certains clubs risquent de sortir du giron et ne plus accepter la démarche de la Fédération, parce qu’il y a des obligations qui, si elles sont trop fortes, risque de conduire à un désaveu et un décrochage de beaucoup de clubs. La réforme peut arriver au bon moment pour redistribuer un peu l’argent. Il va falloir aussi consolider le National 2 et le National 3, et préparer cette réforme, afin qu’elle « atterrisse » dans de bonnes conditions. Il y a des groupes de travail qui se créent, on est en train de le finaliser ça pour 2025. Après, quid du haut de la pyramide du niveau 1 amateur (le National) ? Qui va payer le fonctionnement ? Aujourd’hui, pour reprendre les propos de Thierry Gomez, le National, c’est 9 clubs pros et 9 clubs amateurs. Et l’année prochaine ? Et qui va gérer ? La LFP ou la FFF ? Si c’est pro, c’est pris en charge par la LFP, donc par le collège de la Ligue 2. Et la courroie de transmission, ce sera le National 2, qui deviendra le haut de la pyramide amateur : et là, il faudra voir comment ces clubs de N2 pourront se projeter pour toucher l’échelon supérieur : est-ce qu’être champion donnera le sésame ? Tout ça, on le met sur la table, calmement, sans polémique.
Photo Philippe Le Brech
La posture « fédérale », c’est une chose, et celle de Borgo… Comment voyez-vous la chose ?
Nous à Borgo, à part la solidarité, à part un transfert d’un joueur à l’étranger, le club n’a rien, contrairement aux clubs professionnels qui peuvent toucher quelque chose sur un transfert dans un autre club français : c’est ça la différence entre les clubs pros du National et les clubs amateurs. Il faut parvenir à trouver l’égalité, l’équilibre. Il faut en discuter, avec le syndicat « foot uni », avec l’U2C2F, etc. Tout le monde travaille de concert. Il faut y intégrer la Ligue 2 jusqu’au National 3 et je le répète souvent, attention, personne n’est à l’abri d’une descente. Aujourd’hui, des clubs sont en Ligue 2 et demain, ils seront peut-être en National 2, donc il faut rester humble, ça va vite dans le foot.
Le National, voire le N2, ce serait donc le purgatoire pour les clubs pros ?
Aujourd’hui, en Ligue 1, pour rester dans le haut du tableau, il faut entre 45 et 50 millions d’euros, en sachant qu’il existe toujours l’incertitude sportive. En Ligue 2, tu as aujourd’hui 10 clubs qui peuvent descendre en National… Si la Ligue 3 pro voit le jour, ce ne sera pas le purgatoire, non, mais il ne faudra pas y vivre à crédit. Je pense, plus généralement, que si vous n’avez pas un projet de territoire, une histoire, un centre de formation, c’est compliqué. Des clubs comme Nancy, Le Mans, Sochaux, essaie de monter en Ligue 2 pour donner une valeur marchande à leur club, c’est légitime. Mais tout le monde est en danger. Quand vous gérez l’humain c’est difficile, il faut rester prudent; économiquement c’est difficile.
Photo Philippe Le Brech
C’est quoi, l’avenir du FC Borgo à long terme ?
C’est de continuer à ce structurer, parce qu’on a l’outil pour. Au niveau des jeunes, c’est franchir les échelons nationaux pour pouvoir être crédibles et attractifs (le club joue en U17 Nationaux), pour construire une équipe en N2 ou en National où l’on puisse se dire, « Voilà, c’est des joueurs qui sortent du sérail », mais ça demande du temps, c’est fragile. Cela demande aussi beaucoup d’investissement et d’engagement de la part de nos partenaires et de la municipalité. Est-ce que l’on pourra y arriver ? Je ne sais pas parce que, à côté de nous, il y a un club qui prend énormément de place, où il y a une énorme attente, et que l’on souhaite revoir en Ligue 1, moi le premier, c’est le Sporting-club de Bastia. J’ai toujours pour habitude de dire « On vit à côté ». Avant, on échangeait, et le SC Bastia nous rendait, nous donnait, mais aujourd’hui, il n’est pas en position de le faire, car il est toujours en phase de construction. Forcément, on subit un peu cette situation-là, dans le sens où on a du mal à échanger naturellement, pas contractuellement, non, car on n’a jamais eu de soucis de ce côté-là, on a toujours su voir l’intérêt de l’un ou de l’autre; par exemple, on récupérait des joueurs qui ne jouaient pas trop chez eux. Mais il devrait y avoir des vases communicants naturels. On pourrait avoir plus de joueurs « locaux », ce qui permettrait d’avoir une plus forte identité, mais on a un peu perdu ça… On nous dit « oui, mais il n y a plus de Corses »… Il faut laisser le temps au temps, laisser les clubs travailler, terminer leur restructuration, et quand on aura retrouvé un équilibre, chacun y trouvera son compte.
Photo Philippe Le Brech
Comment fonctionne le club ?
On n’a pas tout à fait 1 million d’euros de budget, avec plus de 350 licenciés, et des frais de déplacements qui atteignent les 250 à 300 000 euros par saison. Mais on fonctionnera toujours comme ça, avec l’un des plus petits budgets, quelles que soient les divisions dans lesquelles on joue. Ce que l’on souhaite, c’est rester attractif : ici, il y a une qualité de vie, on travaille dans de bonnes conditions et sur de bonnes installations. Il y a une culture sportive et un fonctionnement qui nous permettent tout cela. Depuis 2017, on bénéficie d’un nouveau complexe à Borgo très fonctionnel (complexe Paul-Natali), avec deux terrains et on a aussi le stade Paul-Antoniotti. On a tout ce qu’il faut. Mais le club, c’est beaucoup de sacrifices, d’effort et d’investissement.
Le FC Borgo, c’est un club plutôt…
Bien ancré dans la région, qui a une histoire, qui a su garder sa forte identité, même avec la fusion. Un club où on peut travailler sereinement et progresser.
Le meilleur match de l’histoire du FC Borgo, c’est lequel ?
Celui qui nous a permis de gagner à Saint-Brieuc en National 2 (en 2019), à trois journées de la fin, et de nous positionner pour la montée. En gagnant là-bas, on s’était donner les moyens de monter en National, ce que l’on a réalisé en gagnant ensuite à Vannes à la dernière journée.
Photo Philippe Le Brech
Le pire match de Borgo ?
Je ne sais pas, les mauvais souvenirs, je les efface (sourire). Ce sont toujours des défaites.
La plus grosse prime ?
Allô ? Désolé, je suis un peu sourd (rires) ! Y’a souvent des cloches qui sonnent fort dans les vestiaires !
Votre plus grosse erreur de président ?
D’avoir fait du sentiment à un moment, de ne pas avoir pris la bonne décision à un certain moment. C’était juste après l’épisode de la Ligue 2. Je ne parle pas de Stéphane (Rossi), non, bien sûr.
Plus grande satisfaction de président ?
Un match référence, en 32e de finale de la coupe de France, quand on a battu le SC Bastia 2-0 à Ajaccio (en janvier 2013), qui était en Ligue 1, et une qualification contre Nancy, alors en Ligue 1, à Ajaccio aussi (2 à 0, en février 2017); ça, ce sont des grosses satisfactions, comme des matchs qu’on a joués à Porto-Vecchio où on a trouvé un accueil formidable. Pareil à Ajaccio. C’est important de le dire. L’échange, le partage, c’est ça aussi ma satisfaction.
Votre plus grosse colère de président ?
Tu me pièges là ! Je ne m’en souviens plus (rires) ! Oui, je peux piquer une crise… comme l’année de la montée en Ligue 2, en 2013, à Rouen, après un match contre le FC Rouen (match en retard perdu 3-2, à trois journées de la fin) : je me revois monter sur la table de massage en train de dire mes quatre vérités, mais toujours en restant lucide, sans crier, pour être crédible. Il y a eu une prise de conscience après ce match et moi, je ne suis plus rentré dans le vestiaire lors des trois derniers matchs et on les a remportés les trois, et on est monté à la dernière journée !
Le joueur emblématique du club ?
C’est difficile ! Il y a Stéphane (Rossi), et aussi Nanou (Antoine) Battesti, un joueur qui a eu des statistiques jamais égalées. Il y a aussi Sébastien Lombard, qui est aujourd’hui l’adjoint de Mickaël d’Amore, notre entraîneur en National 2, et Jean-François Grimaldi, bref, toute la génération de copains aussi qui est monté de CFA en Ligue 2. Aujourd’hui, le joueur emblématique, ce serait Cheick Doumbia, car ça fait 8 ans qu’il est au club.
L’entraîneur emblématique ?
L’entraîneur, c’est Stéphane (Rossi), je n’oublie pas Jean-André Ottaviani aussi, avec qui on a eu une relation très forte.
Une devise ?
Non. Une réflexion plutôt : savoir écouter les gens.
Lire aussi (interview de Thierry Gomez, président du Mans FC) :
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Philippe Le Brech
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C’est comment un match de Ligue 2 délocalisé ? Contraints de disputer leurs 19 matchs « à domicile »… à l’extérieur, en raison des travaux du stade Guy-Piriou, les Thoniers ont trouvé trois terres d’accueil à Guingamp, Brest et aussi Lorient où 13heuresfoot a assisté à la journée-type.
La solidarité bretonne a bien fonctionné. Contraints de délocaliser leurs 19 matchs à domicile, en raison des travaux de mise aux normes Ligue 2 de leur stade Guy-Piriou, les Thoniers de l’US Concarneau ont trouvé des terrains d’accueil à Guingamp (deux rencontres, toutes deux déjà jouées), à Brest (9 rencontres) et à Lorient (8 rencontres) où ils viennent de « recevoir » Saint-Etienne (défaite 0-1) et dernièrement Dunkerque (victoire 4-3). 13 heures foot y était.
Lorient, le port à côté
Les bénévoles au départ du bus. Photo DV.
Même si, pour aller jouer au Moustoir, les Concarnois doivent franchir la « frontière » entre le Finistère et le Morbihan, Lorient, c’est le voisin naturel, la porte à côté. « Le port à côté » disent les Thoniers quand ils naviguent dans les eaux territoriales des Merlus.
Les joueurs de Stéphane Le Mignan n’y étaient évidemment pas comme chez eux, mais tout a été organisé pour qu’ils se sentent le mieux possible. « On a été super bien accueilli par le club et par la ville », rapporte Manon Puloch, la responsable marketing et communication à l’US Concarneau.
Contre Saint-Etienne (samedi 23 septembre dernier, 0-1), ce n’était pas la première fois de son histoire que l’US Concarneau jouait « à domicile » à Lorient. En 2015, en quart-de-finale de la Coupe de France, les Thoniers, alors en CFA, avaient déjà « reçu » Guingamp (L1) au Moustoir (élimination 1-2) où ils s’étaient vraiment sentis chez eux. Nicolas Cloarec, leur coach de l’époque, le rappelait dernièrement dans les colonnes du « Télégramme » : « Ce que je retiens, c’est qu’on avait déplacé une ville entière dans un stade. Il y avait 18 000 personnes au Moustoir, pour 19 000 habitants à Concarneau ! Le stade était à nous, c’était fou. »
6010 spectateurs pour Saint-Etienne à Lorient
Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football
Contre Saint-Etienne, ils n’étaient « que » 6010. Le maximum qu’aurait pu accueillir le stade Guy-Piriou s’il avait été aux normes. « Chez nous, cette saison en Ligue 2, tous les matchs se seraient joués quasiment à guichets fermés, c’est ça le plus rageant ! Contre Saint-Etienne, on espérait entre 7 et 8 000 car c’était à Lorient, donc plus près de Concarneau (trois quarts d’heure de route) que Guingamp (deux heures) ou Brest (une heure et demie), mais surtout parce que c’était contre Saint-Etienne », reconnaît Manon Puloch. « Donc même si on a fait beaucoup plus que contre Bastia (1875) et Annecy (922) à Guingamp, ou que contre Caen (3001) à Brest, on était un peu déçu. On s’y attendait quand on avait vu l’avancée de la billetterie, qu’elle soit sur place, à Concarneau, ou en ligne, mais il faut bien admettre que ce n’est pas simple à organiser. Même si Lorient est le site le plus proche de Concarneau, il y a quand même de la route à faire et on ne va pas au match aussi facilement et naturellement que quand on est sur place. »
Contre Dunkerque, samedi dernier, ils n’étaient d’ailleurs plus que 1921 mais, lorsque Pape Ibnou Ba a achevé de renverser complètement le match en arrachant la victoire dans le temps additionnel (4-3, 90′ +4), les supporters ont fait du bruit comme s’ils étaient… 6000 à Guy-Piriou ! « On a vécu beaucoup d’émotions. C’est vrai que ça fait quelques semaines, voire quelques mois qu’on n’avait pas vécu ça, ça remonte à Guy-Piriou. Ce sont des moments très agréables pour une équipe et pour un club », a confié le coach Stéphane Le Mignan au « Télégramme ».
Les déplacements des supporters
Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football
6010 contre Saint-Etienne. 1921 contre Dunkerque… Le déplacement des supporters reste, pour la chargée de marketing et de communication, une des très grandes problématiques de ces matchs délocalisés. « On a passé un partenariat avec une société de co-voiturage, StadiumGO, mais pour l’instant les supporters n’en profitent pas vraiment. Ils préfèrent se déplacer entre eux. On aurait bien aimé aussi organiser des navettes mais c’est difficilement envisageable car il y a tellement de zones d’ombres et d’incertitudes quant au nombre de spectateurs potentiels que c’est très compliqué pour nous à anticiper et à gérer. On n’a pas non plus pu mettre en place de formules d’abonnements en raison de nos matchs dans trois stades différents. On ne se plaint pas mais je crois que les gens ne s’imaginent pas la quantité de travail qu’il faut abattre pour notre première saison en Ligue 2 dans ces conditions. Déjà, du National à la Ligue 2, le cahier des charges de la licence club n’a rien à voir. Il doit répondre aux nombreuses demandes de la LFP, et quand en plus il faut jouer à domicile dans trois stades différents, ça multiplie tout. S’il n’y avait qu’un seul stade encore ça irait, mais trois c’est énorme, rien qu’en déplacement de matériel que l’on ne peut pas stocker. »
Quand ça bouchonne aux entrées…
Contre Saint-Etienne, il y a d’ailleurs eu un « couac » aux entrées où ça a bouchonné pour quelques centaines de spectateurs qui ont raté le début du match. « Ce n’était pas un problème de billetterie mais une question de sécurité », explique Manon Puloch. « On a été lâché par une entreprise de sécurité et il nous a donc manqué 32 agents affectés à la palpation pour sécuriser l’accès au stade. » Contre Dunkerque, tout s’est bien passé mais il y avait aussi malheureusement beaucoup moins de monde…
Quarante bénévoles en bus à Lorient
Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football
« On se déplace à cinq la veille des matchs « à domicile » et on passe toute la journée du vendredi sur place. Le samedi, on a cinq ou six personnes qui viennent le matin pour nous donner un coup de main dans la manipulation de certains panneaux lourds, comme le tableau publicitaire des interviews ou l’arche de la LFP qui est heureusement resté sur place pour nos deux matchs de suite à Lorient, contre Saint-Etienne et Dunkerque », précise Manon Puloch. « Et l’après-midi, on a une quarantaine de bénévoles qui arrivent en car pour s’occuper des buvettes, de la restauration, de l’espace VIP et de l’environnement du terrain. Sans eux, ce serait tout simplement impossible. »
Photo Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football
Le bus pour Lorient lors du match face à Saint-Etienne, c’était une première qui, par sécurité, sera reconduite durant toute la saison. Avant, à Guingamp, contre Bastia (0-0) et Annecy (1-1), et à Brest, face à Caen (défaite 0-2), c’était en mini-bus que les bénévoles se déplaçaient.
Ce qui ne change pas ce sont leur tenue : des marinières estampillées USC. Et le coeur à l’ouvrage est lui aussi toujours présent pour servir à boire ou mettre la main à la pâte, sur les billigs et les planchas, du côté des stands des galettes-saucisses où, contre Saint-Etienne, les 54 douzaines de crêpes et les 340 saucisses se sont envolées comme des petits pains avant le début de la seconde période. Après le match, le retour en bus a pris un peu de retard mais, quand on aime l’USC, on ne compte pas ses heures. Encore moins en Ligue 2 pour « les matchs à domicile à l’extérieur ».
L’habillage du terrain
Sur le terrain proprement dit, à Lorient, comme à Brest d’ailleurs, l’essentiel de la panneautique (panneaux publicitaires des partenaires de l’US Concarneau) se fait en écrans LED, donc ça simplifie les choses. « Mais il ne faut pas oublier l’habillage des vestiaires, de la zone mixte, des couloirs et de la salle de presse avec la communication de la Ligue de Football Professionnel (LFP), ça demande beaucoup de travail et on y passe plusieurs heures. Et il faut s’adapter à la configuration des trois stades et à leur mode de fonctionnement spécifique », rappelle la chargée de com’.
504 Stéphanois dans le parcage « visiteurs »
« Il faut aussi gérer le parcage « visiteurs » qui est plus ou moins occupé. Pour le match de Saint-Etienne à Lorient, les supporters stéphanois étaient 504. Au niveau de la sécurité, c’est à nous de les accueillir, mais à l’intérieur du stade, c’est leur agence qui gère. Ils ont un process bien huilé et nous ça nous convient très bien comme ça. » Contre l’USL Dunkerque, c’était encore plus simple à gérer car il n’y avait aucun supporter dunkerquois dans le parcage « visiteurs » !
Des langoustines dans les loges
« Pour Saint-Etienne, on avait environ 350 partenaires répartis dans différentes loges selon les prestations offertes que l’on essaye de calquer sur la base des formules « Carré or », carré bleu » ou « carré rouge » que l’on proposait quand on était chez nous au stade Guy-Piriou. Mais on ne fonctionne pas de la même façon à Guingamp ou à Brest où on avait accueilli environ deux cents partenaires. On doit s’adapter aux différents lieux et au nombre. » Et l’adaptation fait parfois très bien les choses car contre Saint-Etienne, au Moustoir, certains privilégiés ont même eu droit à des langoustines.
Interview / Guy Jannez (bénévole) :
« On est très bien reçu partout ! »
Guy Jannez, derrière la buvette ! Photo DV
Impossible n’est pas… bénévoles concarnois ! Guy Jannez, le responsable des bénévoles, raconte comment se déroule et s’organise une journée « à domicile… à l’extérieur » !
Guy Jannez, il y a un lien de parenté entre vous et Guillaume Jannez, le capitaine des Thoniers ?
« Non, pas du tout, ça s’écrit de la même façon mais il n’y a aucun lien de parenté. »
Vous êtes le responsable des bénévoles à l’US Concarneau, c’est un travail à plein-temps ?
« Peut-être pas à plein-temps mais c’est vrai que ça demande beaucoup et de plus en plus de temps avec tout le matériel à préparer et à déplacer… »
Combien d’heures par semaine ?
« On est pratiquement aux 35h (sourire) mais il faut le faire et on va le faire jusqu’au bout. »
Comment se passent les matchs « à domicile » à l’extérieur ?
« Déjà la préparation : on envoie le lundi un message aux bénévoles pour savoir s’ils seront absents ou présents. Ensuite, le mercredi, avec l’aide de Sophie Sellin, on liste les postes pour les buvettes et les stands de restauration. Et le vendredi après-midi, avec le soutien de nos partenaires qui nous prêtent deux véhicules pour chaque déplacement, on charge le matériel, c’est-à-dire l’arche sous lequel passent les joueurs à leur entrée sur le terrain, les panneaux BKT, les planchas et les billigs pour la restauration, les gobelets pour les buvettes, de façon à ce que tout soit prêt pour le samedi matin. On est six à partir vers 8h30 / 9h pour aller faire la mise en place avant que les autres bénévoles n’arrivent vers 16h en bus au stade. Et au retour, le bus repart à 21h30 pour que l’on puisse tous se retrouver au stade Guy-Piriou à Concarneau pour faire un petit casse-croûte entre bénévoles. »
C’est lourd à gérer ?
« C’est très très lourd à gérer et heureusement que l’équipe de bénévoles est très soudée et volontaire. »
Quel est le poste le plus compliqué ?
« La restauration et les buvettes. C’est vraiment lourd car on n’est pas chez nous et il faut tout déplacer. »
C’est plus simple à Lorient qu’à Guingamp ou à Brest ?
« Lorient c’est quand même plus près de Concarneau et on a été très bien accueilli. On a à disposition tout ce que l’on a demandé, il n’y a aucun souci. Brest c’est quand même une demi-heure supplémentaire, Guingamp, plus d’une heure encore de plus, mais sinon on a été très bien reçu dans tous les stades où on doit se déplacer. »
Au nombre de galettes-saucisses et de bières vendues, Saint-Etienne à Lorient, c’était équivalent à un gros match à Guy-Piriou ?
« C’est beaucoup moins et ça n’a même rien à voir. Au niveau de la restauration, c’est à peu près l’équivalent, mais pour la boisson c’est beaucoup moins. Il y a la route du retour à faire… Et alors qu’ici, à Concarneau, la buvette du bas restait ouverte une heure ou une heure et demie après le match, là-bas, à Lorient, Guingamp ou Brest, on ferme à la 70e minute. C’est dans le protocole. »
Toute cette troménie (procession lors des fêtes religieuses en Bretagne), c’est le passage obligé pour vous retrouver chez vous en Ligue 2 la saison prochaine ?
« On va faire l’effort. Il faut absolument qu’on y soit. Mais s’il n’y avait pas les bénévoles, je ne sais pas comment le club ferait. C’est vraiment difficile, mais les bénévoles sont présents et je pense qu’ils le seront toujours. »
Faut-il être retraité pour être bénévole à l’USC ?
« Il vaut mieux car on a plus de temps, mais on a aussi des bénévoles actifs, qui sont au boulot toute la semaine et qui font l’effort d’être là en plus le samedi. »
Les bénévoles ne fatiguent-ils pas ?
« Si, ça commence, mais ils en veulent tellement qu’ils s’accrochent et on se motive entre nous. Il y a une très bonne entente. »
Entre bénévoles, cette situation vous éloigne ou vous rapproche ?
« On se serre les coudes donc ça nous rapproche dans la difficulté. Les bénévoles sont très motivés pour donner un coup de main au club, il n’y a aucune défection, tout le monde est présent, c’est encourageant. Et on a aussi la chance d’avoir la direction et les présidents qui nous encouragent. Si on demande quelque chose, automatiquement c’est accepté. »
Mais ne risquez-vous pas de perdre des bénévoles sur la durée d’une saison aussi lourde ?
« On verra cet hiver mais non, pour l’instant c’est même plutôt le sens inverse. On a trois ou quatre nouveaux qui voient bien que c’est très difficile et qui souhaitent donc se rapprocher de nous pour nous aider. »
Comment se passe un samedi-type pour le bénévole ?
« Pour la quarantaine de bénévoles qui viennent à partir du samedi après-midi, le départ se fait à 15h du stade Guy-Piriou. Quand c’est à Lorient, ils y sont une heure après, et là ils se mettent à travailler, à préparer les buvettes, faire la mise en place et les sandwiches, il en faut aussi pour la sécurité et pour les bénévoles eux-mêmes. Il y a deux heures de temps où on est vraiment le nez dans le guidon. »
Arrivez-vous à maintenir l’esprit concarnois à l’extérieur ?
« Au niveau des bénévoles, on a un bon groupe de purs et durs, ils gardent la fibre car le maillot est là (il pose une main sur son coeur). »
Vous devez être pressés de retrouver vos marques à Guy-Piriou ?
« Il est temps. Il est même plus que temps. C’est fatiguant et ça serait bien que quelqu’un du service des sports de la mairie de Concarneau soit présent pour la préparation et le chargement du matériel à chaque match à domicile que l’on doit jouer à l’extérieur. Et que cette personne soit également présente pour assister à la mise en place dans les stades qui nous accueillent et voir ce qu’il s’y passe. C’est énorme. Vraiment énorme. Les quarante bénévoles ne sont pas là pour faire de la figuration. C’est énormément de travail. »
Photo de couverture : Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football (sauf mentions)
Photos Pascal Priol / Ligue de Bretagne de football(et Denis Vergos)
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Le président du Mans FC (National) se confie très longuement, sans tabou, et revient sur son cheval de bataille : la création d’une 3e division professionnelle. Son parcours, ses expériences, sa vision très collective du football : il dit tout !
N’attendez pas de Thierry Gomez qu’il fasse de grandes déclarations fracassantes ou qu’il cherche à faire le buzz avec une formule bien sentie. Ce n’est pas trop le style de cet homme de 60 ans, dont l’imposante silhouette laisse transparaître, de prime abord, une certaine forme d’assurance. Le président du Mans FC (depuis 2016) pourrait dérouler son CV bien garni, montrer ses diplômes (Université Paris X Nanterre et Paris Dauphine, Master en économie de gestion et maîtrise en droit et économie), ou faire la leçon. Il n’est pas comme ça.
Plutôt qu’une phrase qui claque, l’ancien président de Troyes (de 2004 à 2009) préfère les slogans. Et là, les idées ne lui ont jamais fait défaut. A l’ESTAC, c’était « Le jeu, la formation, l’accueil ». Simple. Efficace. Cela ressemble à l’une de ses devises : « Travail, jeu, discipline ». Quand il a « monté » sa boîte en 1993, SMC Groupe, spécialisée dans l’événementiel d’entreprises, avec son ami et associé Florent De Bo, fréquenté sur les bancs de l’université Paris Dauphine, il a tout de suite accolé aux trois lettres la formule « Créateur d’émotions partagées ». Une formule parfaitement adaptée à son activité et qu’il aurait tout aussi bien pu décliner dans le milieu du foot. « Au Mans, notre slogan, c’est « Tous acteurs pour réussir » coupe-t-il, comme pour rappeler qu’en marketing, il touche sa bille.
S’il a le sens de la formule et du slogan, le natif de Poissy (Yvelines), la ville où il a aussi tapé ses premiers ballons, a le goût du collectif et du partage. Le goût des autres. C’est simple : réussir en équipe est son fil conducteur. Il ne raisonne jamais pour son intérêt personnel, mais pour l’intérêt général. Un trait de caractère qui transpire chez lui. A Troyes, son ancien secrétaire général, Henri Camous, se souvient qu’il fut le premier président à offrir le sandwich et la boisson aux supporters adverses.
Ce n’est pas tout : le dirigeant, observateur et réfléchi, et amateur de… chocolat, fourmille d’idées – sans doute son côté créatif -, fait preuve à la fois de recul et d’ambition. S’il ne laisse pas trop transparaître ses émotions, celles-ci le rattrapent dès lors qu’il évoque le souvenir de ses parents, le souvenir de son papa, Alfred Gomez, qui lui a inculqué les valeurs et la passion du ballon rond. Comme quoi, on peut être une machine à diriger et rester un être humain avec ses faiblesses. En résumé, avec Thierry Gomez, il ne faut pas se fier aux apparences !
Son parcours professionnel, sa première expérience très formatrice dans le foot au Matra Racing de Jean-Luc Lagardère à la fin des années 80, ses années de présidence à Troyes et au Mans, le football pro et amateur, le National et évidemment la Ligue 3 dont il est devenu, par le biais d’une nouvelle commission, l’un des plus grands défenseurs, Thierry Gomez a, pendant près d’une heure, passé tous ces sujets en revue.
Interview
« Un club, ça doit gagner de l’argent ! »
Dans le journal Ouest France, récemment, vous avez dit « Ce ne sont pas les noms qui font une équipe » : vous êtes dans le foot depuis près de 40 ans, vous avez mis autant de temps pour le comprendre ? (Rires) ! Il n’existe pas de modèle de réussite dans le football, ça c’est une conviction forte. On peut réussir de différentes manières et tant mieux. Après, chacun a sa philosophie. La mienne, c’est l’envie de réussir par cette capacité à créer une dynamique collective forte; ça passe forcément par le talent individuel car c’est ça qui, parfois, arrive à débloquer un match, permet de prendre les quelques points en plus et vous font aller plus haut.
Mais l’idée, je le répète, c’est de créer une dynamique collective qui comprend aussi bien les joueurs, les partenaires, les bénévoles, les dirigeants. C’est très compliqué de faire travailler les gens ensemble, de créer un club où tout le monde va dans le même sens parce qu’un club de football, c’est vraiment des chapelles. C’est pour ça que la dimension collective est importante. Je l’ai vécu de l’intérieur, en 1986, avec le Matra Racing. On avait sans aucun doute l’une des plus belles équipe d’Europe, avec Francescoli, Littbarski, Casoni, Bossis, Olmeta, etc., Et pourtant, on a joué le maintien chaque année, donc j’avais déjà compris que les meilleurs joueurs ne faisaient pas la meilleure équipe. Et au bout de 3 ans, Jean-Luc Lagardère a tiré sa révérence : je me souviens encore de sa conférence de presse de départ, que j’avais organisée; ce fut un moment fort que je n’oublierai pas. On est passé à côté de quelque chose de formidable. Peut-être qu’on a eu raison un peu trop tôt.
« Le Matra en D1, c’était 6 ou 7 salariés ! »
Que voulez-vous dire par « avoir raison trop tôt » ? A un moment donné, au Matra Racing, on a devancé ce qu’est devenu le sport aujourd’hui. Les loges n’existaient pas dans les stades, c’était nouveau; l’importance de l’économie autour du sport, être un acteur très important dans un territoire, ce n’était pas encore ça… Le président était souvent un notable du coin qui allait parfois à la buvette préparer les sandwichs. Les enjeux financiers et médiatiques n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. On ne parlait pas d’entreprise comme quelque chose qui allait devenir un vrai secteur économique d’un pays mais on parlait d’association, d’esprit Coubertin.
Au Matra Racing, on était déjà dans une démarche entrepreneuriale, avec l’idée de développer un réseau d’affaires, de faire du lobbying; ça dépassait le cadre du foot. Un club de foot, aujourd’hui, est un outil beaucoup plus fort et puissant que le simple fait d’aligner onze joueurs sur une pelouse. On peut faire passer plein de messages positifs même si on n’y arrive pas bien encore. Le foot est un des derniers endroits où on peut fédérer, rassembler, quel que soit le sexe, les nationalités, les couleurs. On peut vivre ensemble, partager des moments forts, quelles que soient les origines sociales des uns et des autres.
Ce modèle dont vous parlez, c’est celui que vous essayez de reproduire au Mans ?
Il y a toujours ce débat en France : est-ce que les collectivités doivent financer ou pas un club de football ? On est toujours un peu frileux par rapport à ça. On est frileux de parler d’argent, d’entreprises. Un club de foot doit-il gagner de l’argent ? Un président doit-il parler du sportif ou pas ? Je ne sais pas si c’est un problème français, mais un club de football, aujourd’hui, est une véritable entreprise et il doit gagner de l’argent, il faut le dire haut et fort, car c’est la meilleure sécurité pour les joueurs, les supporters, les partenaires. Il faut l’expliquer, car je ne sais pas si vous avez vu, cet été, en National, 7 clubs sur 18 ont failli mourir. Finalement, 6 s’en sont sortis et Sedan a pris la balle perdue.
C’est pour ça que c’est important de trouver des modèles économiques pour ces clubs de National, parce que chacun joue un rôle très important dans son territoire en terme de communication, en terme économique, de liens social, de cohésion. Il y a plein de gens qui n’ont pas beaucoup de moyens financiers mais à qui on donne un but dans la vie, simplement parce qu’ils savent que le vendredi soir, il y a match. Il ne faut jamais oublier ça. Je dis souvent aux joueurs « N’oubliez pas que vous avez été gamin aussi, que vous aviez sans doute un poster dans votre chambre », je leur demande d’aller à la rencontre de nos supporters, de faire une photo, c’est primordial.
Votre première expérience professionnelle après vos études, au Matra Racing, ça devait être quelque chose, non ?
Quand j’arrive au Matra, c’est formidable, c’est le PSG de l’époque, avec les premiers gros transferts, avec des salaires énormes, dont celui de Maxime Bossis la première année, qui avait défrayé la chronique. Il a rejoint le club en Division 2 alors qu’il jouait en équipe de France ! Le Matra est monté en D1 puis a recruté Luis Fernandez, on partageait le Parc des Princes avec le PSG, ce qui paraît impensable aujourd’hui ! Le Matra Racing, en D1, c’était à l’époque 6 ou 7 salariés !
« Le Matra, le rêve de tout jeune étudiant »
Le stade Marie-Marvingt du Mans FC.
Vous aviez quel rôle exactement au Matra ?
Je m’occupais de tout ce qui ne concernait pas l’aspect financier et sportif, c’est à dire tout le reste : sécurité du stade, gestion des espaces VIP, commercialisation, développement des boutiques, opérations événementielles, relation avec les supporters, programme du match de 32 pages en couleur que l’on éditait tous les 15 jours. C’était une première étape formidable. On était une PME avec des moyens. Le Matra, c’était le rêve de tout jeune étudiant qui vient de finir ses études et qui a envie de tout exploser, et à qui on donne la possibilité de faire plein de choses.
Après l’aventure Matra, qu’avez-vous fait ?
Après, il y a eu l’Aquaboulevard de Paris, dans le domaine des sports et des loisirs. J’ai aussi travaillé 2 ans avec Dominique Rocheteau, dans une société de conseils. Agent ? On peut le dire comme ça, oui, mais je m’occupais surtout de la gestion de patrimoine, de l’assurance, de la communication. On offrait un service complet aux joueurs. Mais au bout de 2 ans, j’ai vu que ce n’était pas fait pour moi. J’ai proposé à Dominique (Rocheteau) de continuer à l’accompagner, et c’est là que j’ai créé ma première agence d’événementiel en 1993.
Un 1er avril, c’est ça ?
Oui ! C’est une belle farce, un beau clin d’oeil à la vie, car 30 ans après, l’agence est toujours là. On ne pensait jamais que ça allait tenir autant.
Vous avez créé SMC avec Florent de Bo, qui était aussi administrateur à Troyes, aujourd’hui administrateur au Mans FC…
Oui. On s’est rencontré à l’Université Paris Dauphine. En 1986, quand j’intègre le Matra Racing, je l’ai fait rentrer pour travailler avec moi et on a crée ensemble en 1993 le groupe de communication événementiel que l’on a toujours aujourd’hui.
« Construire un club, mettre en place une stratégie »
Pourquoi dîtes-vous que ce métier de conseiller n’était pas fait pour vous ? C’est le sentiment de ne pas pouvoir créer quelque chose et de ne pas aller au bout de vos idées : quand vous dirigez un club, vous pouvez mettre en place votre stratégie, encore plus quand vous tombez dans un club comme Le Mans FC, où c’est sain, où vous pouvez mettre en place vos idées, un projet global. Vous essayez de construire pas seulement une équipe, mais un club. C’est différent que de s’occuper d’un joueur.
Revenons au Mans FC : 4 ans en National pour votre club, c’est long non ?
C’est trop, bien sûr, cela met le modèle économique en difficulté. Une réforme a été mise en place l’an passé, avec un objectif : resserrer l’élite, passer la Ligue 1 et la Ligue 2 à 18 clubs, resserrer le National 2 en le passant de 4 à 3 groupes, resserrer le National 3 en le passant de 12 à 8 groupes. Et on a oublié qu’au milieu de tout ça, il y avait le National ! On ne nous a jamais interrogé là-dessus.
La Ligue 2 a réussi à négocier 4 descentes étalées sur deux saisons. Ce qui fait qu’on est la seule division à avoir, pendant deux saisons de suite, 6 descentes sur 18, c’est à dire un tiers des clubs. C’est énorme ! C’est unique, et ça n’a dérangé personne. On nous a complètement oubliés. Vous avez vu le scénario de la saison passée ? Cette reforme aurait pu être l’occasion unique de pouvoir faire grandir le football français en créant une Ligue 3 professionnelle, comme tous les grands championnats européens. On l’aurait fait non pas pour faire plaisir à 18 présidents de clubs de National, mais pour faire grandir l’ensemble du football français.
C’est peut-être parce qu’on n’a pas une Ligue 3 forte que l’on ne gagne pas de coupe d’Europe aujourd’hui. Parce qu’une Ligue 3 forte, ça rendrait une Ligue 2 plus forte et une Ligue 1 plus forte, quand on voit le nombre de joueurs que le National leur fournit, et même en équipe de France, où plusieurs joueurs sont passés par le National. On aurait pu envoyer un message positif et fort au football en créant cette Ligue 3, en disant « Voilà, on est ensemble ». Bon, on nous a accordés, quand même, après un travail de lobbying de plusieurs années, de conserver notre statut pro, parce qu’avant, on ne l’avait que 2 ans quand on descendait de L2 en National. Avec cette réforme et ces descentes de Ligue 2, il y a de plus en plus de clubs professionnels en National. Ce qui veut dire que, dans un an, il y aura plus de clubs professionnels en National que de clubs amateurs (le ratio est de 9 et 9 aujourd’hui). Cela va dans le sens de l’histoire de créer, comme en Angleterre, comme en Allemagne, comme en Italie, comme en Espagne, une troisième division professionnelle.
On a obtenu de garder le statut pro, mais en même temps, on nous a dit « On ne vous aide plus » : aujourd’hui, en N3, un club est aidé, en N2, un club touche environ 45 000 euros, en Ligue 2 entre 3 et 4 millions d’euros et en Ligue 1 entre 13 à 40 millions en fonction de votre classement, et en National, en 4e année pro, comme Le Mans FC, vous touchez zéro. On vous met une licence club pour conserver votre statut pro, et en principe, la création d’une licence club entraîne des droits et aussi des devoirs, sauf que là, le Red Star, Orléans, Le Mans FC, on reçoit zéro, c’est une aberration folle. Alors oui, 4 ans en National pour Le Mans, par rapport à nos infrastructures, à l’attente, à l’histoire du club, nos supporters, c’est trop, et c’est un échec que j’assume, qui est de ma responsabilité.
« Le foot n’est pas une entreprise classique »
Souvent les présidents ne sont pas patients… En fait, c’est l’environnement qui n’est pas patient, pas le président. On ne comprend pas que le football n’est pas une entreprise classique; il y a plein de paramètres extérieurs qui font que sa gestion économique est très différente. Il y a des codes. On a une stratégie, mais parfois on peut se tromper, parce que tout est basé sur l’humain, et il n’y a rien de plus fragile que l’humain. Parfois dans le puzzle, les pièces ne s’imbriquent pas, ça ne matche pas.
En 2009, après 5 ans de présidence à Troyes, vous êtes parti sur une descente en National : vous avez attendu 10 ans avec Le Mans pour connaître cet échelon ?
Non, non, mon départ de Troyes n’était pas lié à la descente !
C’était ironique…
En fait, je suis parti pour d’autres raisons mais je garde de Troyes un très bon souvenir. D’ailleurs, je vais vous faire un confidence : quand j’ai repris Le Mans en 2016, certaines personnes à Troyes ont essayé de me faire revenir, à un an près… A Troyes, il y a quelque chose que je n’ai pas mesuré à l’époque : j’ai repris un club en très grandes difficultés financières, au bord du dépôt de bilan. Notre arrivée s’est faite tardivement, en juillet, on n’avait pas d’équipementier, les premières semaines ont vraiment été compliquées, on a perdu nos premières rencontres, on était mal classés. Je faisais tous les déplacements avec mon père à cette époque là. Le premier déclic, ce fut un match à Niort, un club qui m’a souvent suivi, c’est marrant… Troyes était mort pour certains et 8 mois après, on découvrait la Ligue 1 et ensuite on s’est maintenu derrière. C’était un super groupe avec des supers mecs comme Benjamin Nivet, Carl Tourenne. Une très belle expérience.
« On devrait avoir une vision générale »
Avec les présidents de National et le président de la FFF, Philippe Diallo, le mois dernier.
Récemment, les présidents de National se sont unis et réunis pour rencontrer le président de la FFF et évoquer le sujet de la Ligue 3…
Nous, présidents de clubs, on a un rythme de fou; tous les week-ends, vous remettez votre travail à zéro, vous ne pouvez pas vous cacher. Il y a ce rythme effréné qui fait que, souvent, vous perdez votre lucidité et vous ne raisonnez plus pour le football, mais pour votre club, parce que c’est tellement dur. C’est aussi la difficulté de faire grandir ce football. Logiquement, on devrait d’abord avoir une vision générale pour faire grandir le football, afin de faire grandir nos clubs, mais on est tellement dans ce rythme, avec une pression des partenaires, des supporters, des médias, qui n’ont qu’une chose en tête, « gagner », qu’on en oublie l’essentiel. On met les wagons d’abord et la locomotive derrière, au lieu de faire l’inverse. C’est très compliqué d’expliquer ça. Alors, la première chose que l’on a essayé de faire en National, dans ce championnat hybride, c’est de se parler entre nous, entre les clubs professionnels et les clubs « fédéraux », je préfère les appeler comme ça plutôt que de parler de clubs amateurs. On s’est dit « Ok, on va essayer de faire évoluer ce championnat, mais ensemble ». On n’y arrivera pas si chacun essaie de défendre son bout de gras de son côté.
Donc il faut expliquer, montrer les incohérences de ce championnat, et il y en a beaucoup. Tenez, par exemple, pour jouer en National, les clubs doivent payer un droit d’engagement. En Ligue 1, ils paient environ 58 000 euros, en L2 c’est 18 000 euros, et nous, les clubs pros du National, c’est 50 000 euros ! Donc on paie plus qu’en Ligue 2 et quasiment autant qu’en Ligue 1. On voit bien l’aberration. Les clubs fédéraux, eux, paient zéro. Il y a plein de choses comme ça… Mais ce qui est fou, c’est que plus on l’explique, plus on a l’impression que les gens qui sont « à l’intérieur » ne savent pas !
Les instances sont-elles conscientes de cela ?
On peut légitimement se poser la question. En tout cas, ce qui a été appréciable lors de cette réunion, c’est que la Fédération Française de Football nous a aidés à nous réunir au siège de la FFF. Le président Philippe Diallo a passé plus d’une heure avec nous. On a échangé, on lui a exposé tout ça; on attend un retour de sa part courant octobre, c est le timing que l’on s est donné. On espère organiser une prochaine réunion rapidement avec d’autres clubs pros de L2 et L1 aussi, pour essayer d’expliquer et montrer que la création d’une Ligue 3 pro sera bénéfique à l’ensemble du foot professionnel, Ligue 1 y compris.
« Quand il y a de l’argent, on se déchire »
L’ouverture de l’attribution des droits TV, qui risquent de baisser, le retrait de Canal +, ne sont pas des bons signaux pour vous… C’est le discours de dire aujourd’hui « Voilà, ce sera plus facile de mettre la Ligue 3 sur la table si on obtient le milliard ». Or, par expérience, je sais que dans les deux cas de figure, ce sera pareil : c’est à dire que, s’il y a moins d’argent, ce sera compliqué, et s’il y a plus d’argent, ça sera compliqué aussi parce que les clubs voudront garder leur argent pour eux. C’est comme un héritage : quand il n’a pas d’argent, vous passez un bon moment parce que vous voyez plein de gens que vous n’avez pas vu depuis longtemps, et quand il y a de l’argent, on se déchire. Je ne sais pas si, en cas de milliard d’euros de droits TV, il faut se rassurer ou pas. J’ai vécu de l’intérieur Media Pro : on dépassait le milliard d’euros, on a mis quasiment un an et demi pour décider de sa répartition, ce n’est pas logique, et en plus, à une semaine de la reprise du championnat ! Et ensuite, tout a capoté.
La période Covid, avec les conséquences que cela a eu sur votre club et sur Orléans (rétrogradation en National), est-elle digérée ?
Oui, oui. Il faut continuer à avancer. Bien sûr, j’ai eu des bons et des moins bons moments… Le plus difficile pour moi, en fait, c’est de ne plus aller voir les matchs le week-end avec mon papa, ça c’est compliqué et difficile. Donc la Covid, on l’a tous vécue, on a survécu, et on avance. C’est une vraie responsabilité d’avoir à gérer un club de la dimension et de l’importance du Mans FC. On ne peut pas constamment regarder en arrière.
Le vrai combat, c’est cette création de Ligue 3, avec l’idée de dire « Développons d’abord le football pour développer ensuite nos clubs et les rendre plus forts ». Essayons d’avoir une vision et une projection à 3, à 5 ans : ce serait une vraie force pour l’ensemble du foot français que d’avoir un jour une conférence de presse avec le président de la FFF et le président de la Ligue qui présentent la nouvelle organisation du foot français, la L1, la L2, la L3, et derrière un vrai championnat de France amateur (N2) avec trois groupes et un tournoi final pour décerner un titre de champion de France amateurs comme cela se faisait avant. Créer cette L3, ça ferait comme un plateau d’artistes, avec 54 clubs pros, ce qui veut dire qu’il y aurait un maillage fort, qui représenterait l’ensemble du territoire, ce serait quelque chose de valorisant. On pourrait aussi recréer une coupe de la Ligue professionnelle avec un premier tour régional qui intéresserait davantage les médias.
Cela permettrait aussi à l’ensemble des clubs d’avoir une deuxième chance, après la coupe de France, de vivre une finale au Stade de France, parce que l’on vit aussi pour ça, et nous, présidents, on ne communique pas assez là-dessus. On a toujours cette image d’hommes d’argent : non ! On est aussi dans le foot parce que l’on est passionné de football. J’ai envie de vivre une finale au SDF avec mon club, mes joueurs, mes dirigeants, mes bénévoles, mes partenaires, mes salariés, ma ville, ma région. Une finale, c’est quelque chose de formidable. Tout le monde critiquait la coupe de la Ligue, notamment les grands clubs, sauf quand ils arrivaient en finale. Il y a plein de choses à faire pour faire grandir notre football. Dans un an et demi, il y a des élections : j’espère que ce seront des élections de projets, sans tabou, avec cette capacité de dire « Que veut-on faire de notre football dans 5 ans ou dans 10 ans ? » et non pas une élection d’arrangements particuliers. »
Votre papa, Alfred, c’est lui qui vous a mis le pied à l’étrier… Ah ben oui ! Il a joué à l’Arago d’Orléans, à Quevilly, à Poissy. Mon histoire dit que, un quart-d’heure après ma naissance, mon papa m’emmenait dans un stade pour voir un match ! J’ai des origines espagnoles, par mes deux parents, ma mère de Barcelone, mon père de Madrid, et ça a fait un beau mariage, qui n’aurait pas pu avoir lieu en Espagne, où un Madrilène et un Catalan n’aurait pas pu se marier ! Ils se sont rencontrés à Orléans. Leur déportation et leur arrivée en France pour fuir le régime de Franco a rendu leur rencontre possible, c’est pour ça que j’ai une relation particulière avec Orléans et son président Philippe Boutron, avec ce combat qu’on a mené ensemble en 2000.
Malheureusement, aujourd’hui, je n’ai plus mes parents. C’est pour ça aussi que le match de vendredi dernier à Sochaux a été particulier pour moi car mon père a travaillé pendant plus de 30 ans chez Peugeot et fut recruteur du FC Sochaux-Montbéliard pendant 15 ou 20 ans. C’était un des meilleurs recruteurs de jeunes en France. Il allait chercher les meilleurs joueurs parisiens; à l’époque, Sochaux se « battait » avec Auxerre et Nantes ! Sochaux a été un des premiers clubs à mettre en place un centre de formation. Les Franck Silvestre, Gilles Rousset, Khirat, c’est mon père qui les a fait venir. J’ai vécu ma jeunesse dans l’arrière boutique du FC Sochaux. C’est pour ça que, de retrouver et revoir Jean-Claude Plessis, que je connaissais depuis longtemps, et qui a pu sauver le FCSM avce Pierre Wantier, fut quelque chose de particulier aussi par rapport à mon père.
Thierry Gomez, du tac au tac
« Le coeur de l’entreprise, c’est le sportif »
Aux côtés du maire du Mans, Stéphane Le Foll, et de l’entraîneur Richard Déziré.
Meilleur souvenir sportif de président ?
La montée avec Le Mans FC en Ligue 2 en barrage au Gazelec Ajaccio.
Pire souvenir de président ?
La réunion avec Richard Déziré pour lui annoncer son départ.
Un modèle de président ?
Non.
Un président que vous aimez bien ?
Plusieurs oui. Actuellement, on essaie de développer une relation entre les présidents de clubs de National, et il y a plusieurs présidents avec lesquels j’échange beaucoup. J’ai une histoire particulière avec Philippe Boutron, le président de l’US Orléans, parce qu’on a tous les deux vécu une des grandes injustices sportives, une rétrogradation pendant la Covid, puisqu’on a été le seul sport, la seule fédération, a procédé à des descentes lors de la première année de la Covid. On a partagé ces moments-là avec Orléans, et ça nous a rapprochés.
Des vrais amis dans le foot ?
J’espère ! Les vrais amis, ce sont surtout les amis d’enfance, les copains d’école, que l’on connaît depuis 40 ans ! Après, dans le foot, j’ai vraiment des bons amis avec qui je peux échanger librement, oui.
Vous êtes un président plutôt… Grâce à mon père, le foot est une partie de moi, je suis sur les terrains depuis l’âge de 5 ans, et quasiment chaque week-end, et ils ne se passe pas une journée sans football, sans un appel pour Le Mans FC par exemple, c’est une partie importante de ma vie, après, c’est aussi pour moi compte tenu de mes responsabilités, de gérer un club professionnel, où il y a une grosse attente, c’est aussi quelque chose qu’il faut faire avec sérieux, une vraie volonté de gérer tous les paramètres, et aujourd’hui ce n’est pas simple. J’ai conscience de cela. Et encore plus dans notre championnat qui est déséquilibré, injuste et pas reconnu à sa juste valeur. On va essayer de faire bouger ça.
On dit que vous êtes un président proche des problèmes du club et qui aime toucher à tout ?
J’ai un parcours particulier, je suis sur les terrains depuis tout petit, j’ai joué au foot, j’ai des activités à côté du foot, dans le marketing et l’événementiel notamment dans le monde sportif. J’ai eu le bonheur de vivre ma première grande expérience entrepreneuriale dans le football en 1986 avec le Matra Racing de Paris, et l’aventure de Jean-Luc Lagardère, et en dehors de ça, je n’aime pas quand on veut séparer les choses; le coeur de l’entreprise, c’est le sportif, donc si vous ne vous y intéressez pas, cela veut dire que vous ne vous intéressez pas à ce qui est l’élément moteur de votre stratégie et du métier dans lequel vous êtes, donc je m’intéresse aussi bien au sportif qu’au financier, au marketing, au commercial ou à la communication; c’est ce que l’on accepte d’un PDG dans n’importe quelle entreprise et que l’on n’accepte pas, parfois, dans le football. Ceux qui disent qu’ils ne s’intéressent pas au domaine sportif sont, parfois, ceux qui s’y intéressent le plus (rires) ! Il ne sert à rien de se cacher : on dirige une entreprise de spectacle dans le domaine sportif, donc je ne comprends pas qu’on ne s’intéresse pas à ce domaine.
Le Mans FC, un club plutôt…
C’est une pépite qui dort encore et qui a un fort potentiel. On va tout faire pour la réveiller un peu plus !
Le pire match du Mans sous votre présidence ?
Il y en a eu quelques-uns (rires) ! En National 3, lors de ma première années, je crois qu’on avait enchaîné une troisième défaite consécutive à Bourges, et on avait eu une explication dans le vestiaire. Un non-match. Le match perdu à l’AC Ajaccio aussi en Ligue 2, c’est là que j’ai pris la décision de me séparer de Richard (Déziré). J’ai senti que le groupe n’y était plus.
NDLR : le 21 février 2020, Le Mans FC s’était incliné 2-0 sur le terrain de l’AC Ajaccio; à l’issue de cette 16e défaite de la saison (en 26 matchs), Richard Déziré fut remercié ; Stéphane Pichot dirigea le premier match contre Guingamp (victoire é-1) puis Réginald Ray le second à Chambly (match nul 2-2) avant l’arrêt des championnats après la 28e journée pour cause de Covid-19. 19e et avant-dernier, à égalité de points avec le barragiste Niort mais devancé au goal-average, Le Mans FC fut rétrogradé en National.
Le meilleur match sous votre présidence ?
Le match retour au Gazelec Ajaccio en barrage d’accession pour la Ligue 2, je ne sais pas si c’est le meilleur, mais c’est un match particulier… Sinon, le plus beau, c’est en National 2, à Saint-Pryvé-Saint-Hilaire, et la plus belle mi-temps, c’est la première à GOAL FC, il y a trois semaines. En revanche, il faut oublier la deuxième mi-temps.
Votre plus grosse prime de président ?
Il n’y en a jamais eue (rires) ! Il y a une dimension de gestion qui est importante dans le football : on ne peut pas se permettre de mettre en danger les salariés, les partenaires qui nous font confiance, les bénévoles pour qui le club est important, et les gens ne se rendent pas compte de tout ça. Je passe beaucoup de temps à expliquer ce qu’est la gestion d’un club de football et je n’ai pas envie un jour d’aller dans un vestiaire pour dire aux joueurs « voilà, je ne peux pas vous payer ce mois-ci » ou bien « je dois baisser vos salaires », non. Ce serait quelque chose de compliqué à vivre pour moi. En principe, quand je promets quelque chose, il est hors de question de ne pas tenir mes engagements.
Plus grosse erreur de président ?
Gérer un club, c’est accepter des erreurs qui parfois sont des mauvais choix mais pas forcément liés aux personnes parce que, dans le foot, il faut aussi arriver au bon moment, être la bonne personne au bon moment, et parfois, j’ai peut-être pris des gens qui n’étaient pas la bonne personne au bon moment. Ce qui ne veut pas dire que ces gens n’étaient pas compétents.
Votre plus grosse satisfaction de président ?
C’est d’avoir permis au Mans FC de redevenir professionnel en 3 ans.
Thierry Gomez, du temps de sa présidence à Troyes. Photo DR
Plus grosse crise à gérer ?
A Troyes, en Ligue 2, quand on était en très grande difficulté, lors de ma dernière saison.
Votre négociation la plus difficile ?
Les plus difficiles sont souvent les plus belles, parce qu’elles sont longues, et se terminent souvent par des échanges. J’en ai eu des belles, que l’on n’a pas réussi à conclure : avec le gardien de but Anthony Martin (Cholet), cela ne s’est pas fait, mais il s’est créé quelque chose avec lui, comme aussi avec Robert Maah, qui n’est pas venu chez nous, mais on est toujours en contact.
Votre plus grosse colère de président ?
Je dis les choses mais j’essaie toujours de comprendre le pourquoi du comment, je ne suis pas certain que la colère soit bonne conseillère, et dans le foot, il y a tellement d’éléments, de paramètres, c’est tellement un domaine où il n’y a pas de vérité, mais des convictions fortes, que je suis à la fois acteur et très observateur de ce qui se passe. C’est formidable de voir que, parfois, il y a des clubs en grande difficulté en interne et qui ont des résultats, et inversement, d’autres clubs où on a l’impression que tous les voyants sont au vert mais qui n’y arrivent pas. Il faut essayer de comprendre quel est l’élément important pour réussir : ça peut être quelque chose de positif comme de négatif, mais il faut à un moment donné quelque chose qui rassemble les joueurs.
Le joueur emblématique du Mans FC ?
Je n’aime pas nommer un joueur, parce que notre projet est basé sur notre dimension collective. J’adore le groupe, la vie de groupe, l’état d’esprit d’équipe, l’ambiance, comme avec le groupe de National 2, avec lequel on a vécu des moments forts, je pense à un déplacement à La Réunion en coupe de France, à un autre match de coupe de France contre Lille qui nous avait permis de remplir le stade, ce qui n’avait pas été réalisé depuis longtemps au Mans, et ça nous avait permis aussi d’envoyer un message pour dire que Le Mans FC était toujours là et vivant.
Match de légende ?
France-Allemagne en coupe du Monde 1982.
Pas la finale OM-Milan 1993 ?
Non, pourtant j’y étais. Mais mon premier souvenir fort, c’est ce match de 1982, et mon premier souvenir de joueur, c’est Johan Cruyff : ma grande déception, c’est que les Pays-Bas n’aient jamais été champions du Monde. Ils le méritaient la consécration par la qualité du football pratiqué.
Un club de coeur, autre que Troyes et Le Mans ?
C’est le club de mon enfance, l’AS Poissy… Bon, depuis peu de temps, ça a changé, maintenant, c’est le FC Poissy.
Une date importante ?
C ‘est le 6 mars 1996, la naissance de ma fille.
Le stade l’Aube ou le stade Marvingt ?
Le stade Marie-Marvingt est un super stade qui mérite beaucoup mieux que le National, avec des espaces « entreprises » qui correspondent au haut niveau; il est fait pour la Ligue 1. C’est un stade fermé aussi. A Troyes, il est ouvert sur les angles.
Une devise ?
« Tous acteur pour réussir ». La devise du Mans FC. J’aime bien cette phrase, sa dimension collective, de groupe. Gagner tous ensemble, ça me paraît important même si c’est compliqué. J’aime bien dire aussi que la chance sourit davantage à ceux qui osent entreprendre.
Le National ?
En pleine évolution. Le championnat le plus délaissé, oublié, des championnats nationaux.
Le Mans FC ?
Un club avec des rencontres humaines exceptionnelles, hyper-sain, où il fait bon travailler et où l’on peut mettre en place un vrai projet sportif qui part de l’école de foot jusqu’aux professionnels, en passant par les féminines et le futsal. Un club que l’on essaie de développer.
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Le Mans FC
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Propulsé sur le banc en mars dernier pour « sauver » le club provençal de la relégation en Régional 1, l’ancien milieu de terrain (Strasbourg, Orléans, Beauvais, Cannes, Martigues, Béziers) entend redonner ses lettres de noblesse à Istres, où il a connu très jeune la Ligue 1 et la Ligue 2, et s’extirper du National 3.
Paru le 3 octobre 2023 / par Anthony BOYER
Photo Romain Hugues.
Le retour au bercail. Dix ans après avoir laissé Istres en National, en 2009, Anthony Sichi (37 ans) est revenu dans le club où il a connu – un peu – la Ligue 1, où il a évolué en pro en Ligue 2. Pas suffisamment à son goût. Des choix de carrière, des conseillers pas toujours de bon conseil, et un parcours qui l’a ensuite conduit à Orléans, Beauvais, Strasbourg, où il a participé au renouveau du club, Cannes (avec un quart-de-finale de coupe de France contre Guingamp), Martigues puis Béziers, souvent en National, parfois en CFA (N2). Mais plus jamais en Ligue 2.
Pour son retour à Istres, en 2019, il a revêtu un autre costume : celui d’entraîneur. D’abord en U17 nationaux, pour sa première expérience en foot à 11 après avoir effectué ses armes dans le club de son village, au Rove, où il a été formé, puis des seniors National 3.
Mars 2023. Istres est, pour la deuxième saison de suite, mal en point dans son championnat : le président Laurent Thomas fait une nouvelle fois appel à « Antho » pour prendre les rênes de l’équipe et tenter l’opération maintien en N3, à la place de Fabrice Huart, comme il l’avait déjà fait un an plus tôt. Le club grappille des places et se sauve cette fois sur le terrain. En 2022, après avoir remplacé Frédéric Cravero, le désengagement de l’AS Monaco avait profité au Istres FC, relégué sur le terrain en R1 mais finalement repêché !
Le stade Parsemain, à Fos, où évolue le Istres FC en National 3. Photo DR
Revoilà donc le Istres Football-club en N3, un niveau bien loin de ce qu’il a connu, mais on ne se relève pas toujours facilement d’une rétrogradation administrative : tombé de National en CFA en 2015, le club, qui sortait de 30 ans de professionnalisme, a dû repartir en Division d’Honneur Régionale (R2).
Avec le natif de Marignane aux commandes, Istres espère déjà ne plus revivre le scénario compliqué des deux derniers exercices. Celui qui a ensuite grandi au Rove, un petit village niché entre Marseille et l’étang de Berre, n’a qu’une idée en tête : faire grandir son club et s’inspirer de l’AS Cannes, l’équipe qui avait survolé le National 3 la saison passée.
Pour l’heure, la saison est bien partie : en championnat, Istres a remporté ses trois premier matchs et s’est qualifié pour le 5e tour de la coupe de France en éliminant Ardziv (N3) sur le score de 6 à 2.
Sa méthode de travail, sa vision du foot, ses expériences, ses ambitions, son club : Anthony Sichi s’est longuement confié pour 13heuresfoot !
« On doit donner une meilleure image »
Photo Romain Hugues.
Anthony, revenons sur la fin de ta carrière pro, et ton retour dans le milieu amateur…
En 2016, après une saison à Béziers en National, avec Xavier Collin tout d’abord puis Mathieu Chabert ensuite, je suis venu à Fos-sur-Mer, en Régional 2, pour donner un coup de main et on est monté en Régional 1. Ensuite, j’ai pris le parti de basculer sur mon projet de reconversion, c’est pour ça que j’étais d’abord entraîneur-joueur au Rove, chez moi, dans le club où j’avais grandi. Le deal, c’était que je m’occupe des équipes de jeunes et que je donne un coup de main à l’équipe première. Je suis resté quatre saisons.
Comment s’est passé ce retour au Rove ?
En fait, j’emmenais mon fils Andrea au club (13 ans aujourd’hui, et il est aussi papa d’une petite Valentina, 10 ans), et un jour, Christian Rouzault, le président, m’a demandé de donner un coup de main chez les jeunes. La première année, j’avais l’équipe de mon fils, les touts petits, puis j’ai pris la catégorie U11 : on a gagné le tournoi de la Champion’s cup, le tournoi de Jean-Christophe Marquet et Sébastien Piocelle, avec la phase finale au Vélodrome. En finale, on a battu l’OM ! Pour le club, ça a été une génération dorée, on a presque tout gagné, et derrière, beaucoup ont été sollicités par des clubs pros. Ensuite, j’ai continué, on s’est fait « dépouiller » mais bon, on a labellisé le club, on a fait des partenariats comme avec l’OM « next generation », cela a été formateur. L’Olympique Rovenain, c’est le club qui m’a formé, qui m’a vu grandir, où j ai commencé à entraîner, qui m’a permis de monter d’un échelon.
« A Sedan, j’ai fait une dépression… »
Sous le maillot du RC Strasbourg. Photo DR
Tu n’as jamais joué à l’OM…
Non… A la base, j’étais au FC Martigues, sous contrat aspirant stagiaire, quand le club était pro à l’époque, au début des années 2000. J’ai joué en 15 ans Nationaux pendant 2 ans puis le club a été rétrogradé administrativement en CFA (2003). Les joueurs ont été libérés. Je devais signer à Sedan comme stagiaire mais là-haut, j’ai fait une petite dépression, je suis rentré chez moi. Là, un ami de mon père, Jacques Rémy (ancien avant centre d’Istres, Grenoble, Strasbourg, Pau) lui dit « met ton fils à Istres chez les jeunes » et me voilà en U17 Nationaux à Istres. En fait, ici, j’étais tranquille, j’étais épanoui, et derrière, je suis monté avec les pros.
En 2009, tu quittes Istres et tu reviens en 2019 dans un autre rôle…
Le président, Laurent Thomas, m’a appelé. On se connaissait de l’époque, il jouait en réserve. Il m’a demandé si le poste d’entraîneur en U17 ans Nationaux m’intéressait, si je souhaitais prendre la suite de Didier Zanetti, qui partait à Montpellier (il entraîne aujourd’hui la réserve de l’AC Ajaccio). J’ai réfléchi et j’ai dit oui. Les 17 ans Nationaux, c’était un beau challenge, ça a duré 4 ans : la première saison on fait 8e, la 2e saison y’a la Covid, la 3e saison on fait 4e et l’an passé, on était 2e début mars quand je suis passé chez les seniors pour l’opération maintien avec l’équipe Une en National 3, à la place de Fabrice Huart.
Avec les 17 ans Nationaux, on se fixait chaque saison l’objectif d’être le premier club amateur de la poule au minimum, mais ce n’était pas facile au début car d’une part je n’avais jamais entraîné en foot à 11, d’autre part je ne connaissais pas ce niveau, parce que les « Nationaux », c’est relevé quand même… Et puis passer derrière Didier (Zanetti) qui avait fait du très bon boulot et avait placé la barre très haut, ce n’était pas simple. Mais ça s’est bien passé. Je me suis servi de mon expérience avec tous les coachs que j’ai eus pendant ma carrière de joueurs. Je remercie encore mon président pour la confiance qu’il ma donnée.
« On aurait dû descendre en R1… »
Avec les U11 du Rove, vainqueurs de la Champions’cup en 2018 au Vélodrome.
Istres est-il attractif chez les jeunes ?
Oui, on arrive à l’être grâce à nos structures, on a un centre d’hébergement, des horaires aménagés pour les gamins qui s’entraînent à 16h, on a des salles de cours pour les études le soir, ça aide, et ça fait la différence par rapport à d’autres clubs amateurs. On a vraiment des bons jeunes.
Début mars 2023, donc, tu reprends l’équipe Une, relégable en N3…
Oui. On est avant-dernier et pour mon premier match, on va à Cannes, chez le leader. On fait match nul 0-0 et derrière, on arrive à faire une petite série. Finalement, on se sauve, un an après avoir déjà failli descendre en Régional 1 : à l’époque, la réserve de l’AS Monaco n’avait pas souhaité engager son équipe en N3, du coup, on a été repêché et on s’est maintenu comme ça.
Istres en Régional 1, cela aurait constitué un sacré frein au projet…
Cela faisait deux ans que l’équipe de N3 était dans le dur. Maintenant, il faut que ça s’arrête. La situation a été compliquée à un moment donné, là, il fallait qu’on change notre fusil d’épaule, qu’on change notre méthodologie de travail. Même au niveau du club, il fallait changer des choses.
« C’est peut-être l’année ou jamais »
Le projet du Istres FC aujourd’hui, c’est quoi ?
Istres FC, c’est un club qui vit beaucoup grâce à la subvention de la commune d’Istres. On a la chance d’avoir le soutien de la Ville et de son maire, François Bernardini, qui aimerait que le club remonte à un niveau plus en rapport avec son passé. Le président, Laurent Thomas, ne fait pas n’importe quoi, ne fait pas de promesses qu’il ne peut pas tenir. Il fait avec les moyens qu’il a et il gère bien son club sur le plan financier.
Photo Romain Hugues.
On s’est fixé des objectifs à court terme, à moyen terme et à long terme. Le premier objectif, c’est de se maintenir rapidement en N3 pour ne pas revivre les scénarios des précédentes saisons, quand on transpirait jusqu’au bout. Ensuite, c’est la restructuration de la méthodologie de travail : on a rebasculé sur des séances d’entraînement le matin, comme chez les pros. Je me suis rendu compte la saison passée que l’AS Cannes était l’équipe la mieux structurée du championnat, celle qui avait aussi le plus de joueurs à disposition. Je veux m’inspirer un peu de ça. Cannes et Istres, ce sont des clubs un peu similaires, avec un passé, une structure, qui sont attractifs, qui jouent dans un « vrai » stade, même si nous on n’a pas de supporter. Donc il fallait penser à se professionnaliser un peu dans ce championnat amateur, et c’est ce qu’on a réussi à faire.
A La Meinau, à Strasbourg. Photo DR.
Je me suis entouré aussi de personnes, notamment au niveau du recrutement, on a pris quelques joueurs du niveau au-dessus, comme Yohan Mollo, qui était à Hyères la saison passée en N2 (il était pro avant à Monaco, Caen, Nancy, Saint-Etienne, Sochaux notamment), l’attaquant Julien Bègue (ex-Bourg-en-Bresse et Le Mans en L2) et le défenseur Baba Touré (ex-Toulon) qui a joué en National. On a ajouté des bons jeunes, qu’on avait ciblés, des joueurs « régionaux » que l’on connaissait, en y intégrant nos meilleurs jeunes. Le président a validé le projet que je lui ai présenté en amont de la saison. Je voulais un cadre plus pro : en s’entraînant le matin, j’ai des garçons qui sont plus attentifs et pas fatigués d’une journée de boulot, qui ne traînent pas des pieds. J’ai voulu avoir des garçons à disposition, uniquement pour le foot, qui pensent à leur récupération, leur alimentation, leurs soins, leur séance de musculation, etc. Dans le groupe, je dois avoir deux ou trois joueurs qui travaillent, et ils arrivent à s’arranger dans leur planning. On travaille sereinement, dans de bonnes conditions. On a mis en place un partenariat avec la structure « Skillfit Révolution » à Istres, une salle de sport complète. Là, on se rapproche vraiment du professionnalisme. Pour l’instant, ça se passe bien.
Photo Romain Hugues.
J’espère qu’on va pouvoir faire comme nos amis cannois la saison dernière (le club azuréen est monté en N2), on verra, mais déjà, il faut un maintien rapide. On est le « Istres FC », on doit donner une meilleure image. On s’est dit aussi que c’était peut-être l’année ou jamais, qu’il fallait faire un effort : avant, dans notre poule de N3, il y avait six clubs corses, c’était hyper-compliqué. Là, on a basculé avec des clubs de la région Occitanie, il n y a plus de cadors comme Cannes ou le Gazelec Ajaccio les années précédentes. C’est pour ça aussi que je me suis entouré d’Olivier Miannay, le manager général du Puy-en-Velay, que je connais depuis ma saison à Beauvais, où il m’avait fait venir comme joueur en National, puis un peu plus tard à Cannes aussi. C’est quelqu’un que je respecte beaucoup, qui a fait beaucoup d’accessions de N2 en National, et que j’ai présenté à mon président : il nous a aidés sur notre projet administratif et diplômant de formation et nous a donnés un coup de main sur le recrutement.
« Le National dans quelques années »
Avec Strasbourg. Photo DR
Istres a connu la Ligue 1 une saison mais surtout la Ligue 2 : c’est quoi sa place aujourd’hui sur l’échiquier du foot français ?
Aujourd’hui, on ne peut pas parler de retrouver le professionnalisme, il y a trop de paramètres qui entrent en ligne de compte. Mais on a un stade à Fos (Parsemain, 12 000 places), on a des structures d’entraînement avec cinq terrains en gazon au complexe Audibert, un terrain en gazon synthétique et bientôt un second, un centre d’hébergement pour les jeunes qui n’est peut-être pas tout neuf, mais qui est là…
Alors, quand je vois des clubs voisins comme le FC Martigues par exemple, qui fait du très bon boulot en équipe première, je me dis que Istres peut le faire aussi. Quand je retourne à Turcan (Martigues), ça fait plaisir de revoir du monde au stade. S’il y a des résultats et si tu produis du spectacle, à un moment donné, les gens vont revenir; à court terme, on peut remonter en National, mais il va falloir faire entrer des partenaires au club, il faudra d’autres mannes financières. On est un club attractif, où des investisseurs peuvent injecter de l’argent parce qu’il y a déjà une structure en place, des bases, et on a un passé. Maintenant, on ne peut pas parler de Ligue 2 aujourd’hui, parce que là c’est vraiment un palier au-dessus. Déjà, il faut viser le National dans quelques années, qui sera peut-être une Ligue 3 professionnelle. C’est un niveau plus en rapport avec les capacités actuelles du club.
Avec David Lédy, un de ses meilleurs amis, ex-coéquipier à Strasbourg. Photo DR
Tu as cité l’exemple de Martigues, où tu as joué, mais pas Marignane-Gignac-Côte Bleue, où tu es né, et qui évolue en National aussi, comme Martigues…
Marignane, c’est un club qui est en train de se développer, qui fait avec ses moyens. C’est un des plus gros clubs en termes de licenciés, mais ça manque d’infrastructures. Nous, je l’ai dit, on a la chance d’avoir tout sur place, à Audibert, où toutes les équipes du club s’entraînent; à Marignane, ils vont s’entraîner un coup à gauche, un coup à droite, un coup à Carry, un autre à Sausset et puis il y a le stade d’honneur Saint-Exupéry, qui est compliqué pour eux, mais je respecte beaucoup leur travail, ça bosse très bien chez les jeunes. Je connais du monde là-bas. Mais, concrètement, ce n’est pas un club qui nous fait de l’ombre.
Combien pouvez-vous accueillir de jeunes au centre d’hébergement ?
On a une douzaine de chambres, donc on peut accueillir entre 20 et 25 joueurs, ça dépend des saisons. Il faut savoir qu’au Istres FC, on a toutes nos équipes au plus haut niveau régional, 18 R1, 16 R1, 15 R1 et 14 R1. On a aussi les U17 Nationaux et malheureusement on a perdu les U19 nationaux l’an passé.
Avec David Lédy, un de ses meilleurs amis, ex-coéquipier à Strasbourg.
On est une référence en termes de formation chez les jeunes. On est devenu un club tremplin pour les pros, qui viennent se servir chez nous. On ne peut plus conserver nos meilleurs éléments. Mais quand je vois Lucas Mincarelli qui fait ses premiers matchs en L1 avec Montpellier, quand je vois Zakaria Aris dans le groupe à Dijon ou Tony Strata à l’AC Ajaccio, des joueurs qui étaient chez nous ces dernières saisons, c’est une fierté et cela veut dire que l’on fait du bon boulot. Et des gamins comme ça, y’en a d’autres aux centres de formation à Nice ou à Monaco. C’est simple, ces dernières saisons, les gens disaient du FC Istres que c’était très bon chez les jeunes mais très compliqué pour l’équipe fanion seniors. Ils n’ont pas tort. Ces dernières années, sur la Ligue, on était le seul club à avoir toutes les catégories au plus haut niveau, à part l’OM. On est une référence. Martigues, par exemple, a une équipe seniors très performante mais est en difficulté sur les jeunes, et je sais qu’ils veulent restructurer ce secteur. Mais la formation, c’est un travail de longue haleine, sur plusieurs années.
Aujourd’hui, le club fonctionne toujours en association ?
Oui. Mais on pense à créer une SASP en cas de montée. Aujourd’hui, au niveau de l’association, le budget est coupé en deux, avec une partie pour les jeunes et une autre pour l’équipe première.
Photo Romain Hugues
Il y a beaucoup de clubs au bord de l’étang de Berre : un rapprochement avec les voisins pour avoir une équipe pro, c’est envisageable ?
Alors, ce que j’en pense, de loin, parce que je ne suis pas dans ces discussions- là, c’est que, déjà, c’est politique. Les municipalités ne sont pas toutes du même bord. Après, pourquoi ne pas réunir, un jour, Istres et Martigues ? C’est sur que ça ferait le deuxième club sur le bassin marseillais, mais ce n’est pas d’actualité. Si un jour il doit y avoir une fusion, la seule qui puisse être à mon sens, c’est entre Istres et Martigues. Mais pas Fos. Ni Marignane, Ni Berre. On joue à Fos, c’est vrai, mais le stade Parsemain appartient à la Métropole.
On partage le stade avec l’ES Fos, on joue un week-end sur deux et chaque équipe se partage un vestiaire. Avec Fos, on est dans la bienveillance. Je connais bien Fred (Frédéric) Cravero, le coach : son but, et notre but, c’est de jouer nos matchs de championnat sur un bon terrain, donc c’est dans l’intérêt des deux clubs de s’entendre là-dessus. La veille de match, que cela soit Fos ou nous, on a droit à une séance à Parsemain, et pour les semaines avec nos matchs à domicile, on a droit à une séance en plus, mais c’est la séance en trop, finalement… Allez, si on a un match important, OK, mais on n’utilise pas toujours ce créneau, parce que sinon on va « massacrer » ce terrain et ce ne sera pas bénéfique pour nous le week-end. Franchement, il n’y a aucune mauvaise entente avec Fos. J’y ai joué et j’y ai des amis aussi dans ce club, et je suis content qu’il soit monté en N3. Après, si demain on a un stade de 5000 places à Istres, ça suffira largement, et on laissera Parsemain à Fos. Mais chaque chose en son temps.
Anthony Sichi, du tac au tac
« Je n’arrive pas à faire semblant »
Avec ses amies Olivier Giroud et David Lédy. Photo DR
Meilleur souvenir sportif ?
Mes années au Racing-club de Strasbourg avec les deux montées successives de N3 en N2 puis de N2 en National.
Pire souvenir sportif ?
A l’US Orléans, en National, j’ai eu beaucoup de blessures et puis c’était une une saison catastrophique dans tous les sens du terme, que cela soit sur un plan personnel et professionnel.
Plus beau but marqué ?
J’en ai deux en tête : un avec Istres au stade Parsemain contre l’AS Cannes, en National, l’année où on remonte en Ligue 2 (saison 2008-2009) : une reprise de volée en lucarne opposée, en dehors de la surface ! Et l’autre, quasiment du centre du terrain, avec l’AS Beauvais Oise, toujours en National, contre Moulins il me semble.
Olivier Giroud a inscrit 14 buts en National avec Istres en 2007-2008 (ici devant le joueur de Rodez, Greg Ursule). Photo DR
Combien de buts marqués ?
J’étais plutôt un passeur, un milieu relayeur et à Istres, j’ai même joué milieu défensif !
Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Mon père est un fan de l’OM, il m’a emmené au stade Vélodrome très jeune, donc j’ai connu la grande époque de l’OM avec Papin, Waddle, la coupe d’Europe en 93 ! J’ai baigné là-dedans, ça m’a fait rêver et surtout, ça m’a donné envie de jouer. Parfois, je demande même à mon père ce qu’il m’a fait quand j’étais petit, s’il m’a piqué ou quoi (rires) ! Parce que le ballon, c’est toute ma vie ! Sans le football, je serais malheureux aujourd’hui.
Ton geste technique préféré ?
Je n’avais pas un geste en particulier, j’étais juste technique. J’aimais bien percuter balle au pieds, partir de loin.
Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, ma technique, ma vision du jeu, mon sens de l’organisation, mon volume de course, mais c’est vrai que je n’étais pas le plus rapide de l’équipe. En fait, ça dépendait du poste où je jouais : dans l’axe, je n’avais pas forcément besoin d’aller très vite. J’avais plus un rôle d’organisateur.
Photo Istres FC.
Et dans ta vie de tous les jours ?
Je n’arrive pas à faire semblant. Je suis entier, donc quand ça ne va pas avec quelqu’un ou quand je sens qu’une personne m’a trahi, que je n’ai plus sa confiance, alors je vais aller de front, et ça peut me porter préjudice. Après, dans mon travail, je suis impliqué à 200 % dans ce que je fais, je suis déterminé. Quand j’ai décidé quelque chose, je me donne les moyens d’y arriver. Je dirais aussi l’humilité.
Tu es un entraîneur plutôt…
Rigoureux.
C’est quoi la patte Anthony Sichi ?
J’essaie de prendre ce que j’aime de chaque entraîneur, je n’ai pas de style particulier. J’aime l’intensité du football anglais par exemple, alors je vais aller piocher des choses qui m’intéressent, j’aime la rigueur tactique du football italien, comme celle de l’entraîneur Antonio Conte, ou alors l’intensité que Jurgen Klopp mettait à Liverpool, mais je n’ai pas un coach en particulier qui me fasse rêver, je ne suis pas comme ça. Je prends et ensuite je mets avec mes idées football à moi.
Les Violets du Istres FC, le 23 septembre dernier, au Cannet-Rocheville. Photo Romain Hugues.
L’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
(Il réfléchit longuement) Peut-être cette équipe d’Istres l’année où on remonte en Ligue 2. on était pourtant plus fort la saison d’avant, avec Olivier Giroud devant, Stéphane N’Guéma, Walid Mesloub, comme quoi, ça ne veut rien dire d’avoir une grosse équipe…
Le club où tu n’aurais pas dû signer ? L’erreur de casting de ta carrière ?
J’ai écouté les mauvaises personnes quand j’avais 18 ou 19 ans… A 19 ans, j’étais pro et je faisais mes débuts en Ligue 1 avec Istres, et après ça, j’ai fait confiance à des gens qui me conseillaient à l’époque, mais j’aurais dû prendre un peu plus de recul, je n’ai pas fait les bons choix. Si c’était à refaire, je referais différemment.
Un stade mythique pour toi ?
La Meinau (Strasbourg).
Sous le maillot du FC Martigues. Photo DR
Parsemain (stade de Fos, où joue Istres), St-Exupéry (Marignane), Bardin (ancien stade d’Istres) ou Turcan (Martigues) ?
Parsemain, parce que c’est là-bas que j’ai vécu mes premiers grands moments, en L1 puis en L2, j’ai vu le stade plein, mais attention, j’ai un truc aussi pour Turcan, j’ai connu le club en Division 1, j’allais voir les Tholot, les Benarbia !
Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
David Lédy à Strasbourg, Olivier Giroud et Romain Ciaravino à Istres.
Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
David Lédy.
Combien d’amis dans le foot ?
J’ai plein de potes dans le foot, mais mes vrais amis c’est Olivier (Giroud), Dav (Lédy) et Romain (Ciaravino). On est tout le temps en contact.
Le coéquipier qui t’a le plus impressionné ?
Olivier (Giroud) est très fort psychologiquement, c’est ce qui a fait la différence dans sa carrière; sa première saison, il met 14 buts en National avec Istres (en 2007-2008), ils nous a sortis de la panade quelques fois ! On avait Walid Mesloub, il était vraiment fort, et j’avais été impressionné aussi par un joueur au milieu qui avait signé à Bolton après, il arrivait de Lens, je ne me souviens plus de son nom.
Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
A Strasbourg, on a l’association des anciens joueurs, qui nous réunit une ou deux fois par an, et on se revoit avec certains et ça fait toujours plaisir !
Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Je l’ai revu il y a 2 ou 3 ans, quand je m’occupais des 17 ans Nationaux d’Istres et qu’on avait joué à Bordeaux, c’est Jean-Louis Gasset. C’est lui qui m’avait fait signer pro à Istres. C’est quelqu’un d’important pour moi. J’aimerais un jour que l’on puisse se poser autour d’un café, même si on a pu un peu le faire, mais j’ai plein de questions à lui poser, maintenant que je suis passé de l’autre côté de la barrière !
Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Je ne vais pas dire son nom, il doit être encore en activité, mais pas en France. Il est passé par pas mal de clubs pros, pas mal de centres de formation.
Un président ou un dirigeant marquant ?
J’en ai deux. « Mon » président de l’époque à Istres, Bertrand Benoît, qui est malheureusement décédé : il a emmené le club jusqu’en Ligue 1 ! Je le respectais énormément. Et aussi Marc Keller pour tout ce qu’il a fait à Strasbourg, c’est énorme, il a pérennisé le club, il a redonné une identité à ce club qui fait la fierté des Alsaciens.
Une causerie de coach marquante ?
Une causerie de François Keller à Strasbourg, juste avant la montée en National : on n’avait plus le droit à l’erreur sur les quatre derniers matchs je crois, et on affrontait les équipes de tête, comme La Duchère, Grenoble, la réserve du PSG et aussi Raon, le leader, pour le dernier match. Je crois qu’on venait de perdre 4 à 0 à domicile contre Moulins, un truc comme ça. C’était la crise. Le coach et les dirigeants ont eu des mots forts, on a pris conscience des choses et on a remis la machine en route.
Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
J’en ai un paquet ! Avec Istres, on s’entraînait le matin et Olivier (Giroud) lui, arrivait super tôt, une heure avant, alors qu’il venait déjà de se taper une heure de natation à la piscine, c’était un truc de fou ! On se moquait un peu de lui par rapport à ça, mais c’était une machine de guerre !
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Le plus connu c’est Oliv (Giroud).
Que t-a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 ?
Le club d’Istres m’a fait confiance quand on est descendu de Ligue 1 en Ligue 2, j’étais un jeune joueur, j’étais sous contrat, j’ai re-prolongé, j’étais bien parti, mais à un moment donné… Quand je sors de deux saisons en Ligue 2, je joue quasiment titulaire à tous les matchs, j’avais des clubs qui étaient sur moi, j’aurais dû partir. Seulement j’ai voulu rester près de ma famille, avec mes amis à côté. Il aurait fallu que je vole de mes propres ailes : si j’avais fait ça, je pense que j’aurais eu une autre carrière. Et puis, lors de ma dernière saison à Istres, j’ai eu une pubalgie qui m’a perturbé pendant 6 mois, et j’ai eu du mal à revenir. Elle m’a freiné dans ma progression. J’ai dû rebondir en National et derrière, je n’ai pas réussi à retrouver la Ligue 2. Je n’ai pas non plus joué dans des clubs qui sont montés en L2, donc voilà, c’est comme ça.
Des idoles de jeunesse ?
Papin, Waddle, Zizou, Ronaldo le Brésilien.
Un modèle de milieu de terrain ?
Iniesta, Xavi. J’aime bien le jeu combiné, le jeu réduit, avec les redoublements de passe.
Un match de légende, pour toi ?
C’est à la coupe du monde 2006, le 1/4 de finale France-Brésil, Zizou avait été incroyable.
Le métier de coach ?
Un métier où on est impliqué 24 heures sur 24. Cela n’a rien à voir avec la carrière de joueur. Quand on passe de l’autre côté, on se rend compte à quel point c’est prenant, fatigant sur le plan psychologique, alors que l’on n’est pourtant qu’en National 3. Mais quand tu es joueur, tu viens, tu poses ton sac, tu t’entraînes, tu repars, tu fais tes soins, alors que là, tu penses à tout, à la séance, à l’équipe, à la récupération, à la partie athlétique, à la DATA, surtout maintenant, on a de plus en plus d’outils pour travailler, les staffs sont de plus en plus étoffés, on a de plus en plus de choses à penser et quand on va en formation, c’est de plus en plus dur aussi, parce qu’on nous met plein de trucs en tête, mais c’est intéressant. Aujourd’hui, je peux entraîner jusqu’en National 2. Passer le BEPF ? Bien sûr, c’est un objectif, mais il faut prendre le temps, ne pas brûler les étapes. Le plus important, c’est la mise en place professionnel et puis ça va dépendre aussi des résultats de l’équipe et du club dans lequel j’évolue; à partir de là, il y aura peut-être des ouvertures pour se présenter, mais chaque chose en son temps.
Le milieu du foot ?
Je suis inquiet pour le milieu du foot, notamment chez les jeunes : j ai évolué pendant 4 ans en U17 Nationaux et… Aujourd’hui, les parents prennent trop de place et ne sont pas conscients du mal qu’ils font à leur enfant. Tout le monde pense que, si un gamin a un peu de qualités, tout de suite il va réussir à devenir pro. Et avec les réseaux sociaux, ce phénomène s’amplifie. On voit même, parfois, que la scolarité passe au second plan. Mais nous, à Istres, ces jeunes, on essaie d’abord d’en faire des bons citoyens avant d’être des bons footballeurs. On vise le 100 % au bac, parce qu’on a des horaires aménagés pour eux, on a un centre d’hébergement, en fait, on a le même fonctionnement qu’un centre de formation labellisé. On se rend compte que les parents deviennent fous. On le voit autour des terrains, c’est de pire en pire. L’humilité des jeunes aussi, ça a changé… Je me souviens que, quand je suis arrivé dans le milieu pro à 18 ans, avec Jean-Louis Gasset, on devait arriver une demi-heure avant tout le monde à l’entraînement; il nous disait de prendre les plots, de déplacer les cages, mais c’était normal, c’était l’apprentissage. Aujourd’hui, tout ça, ça c’est perdu : tu demandes ça à un jeune, il te dit « je porte pas les buts moi ». Les jeunes générations changent. Les coachs aussi changent.
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Romain Hugues, DR et Istres FC
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Révélation de la coup de France la saison passée, le club nordiste a, dans la foulée de son 16e de finale face au PSG, accédé en N3. Un nouveau monde, semi-professionnel, qu’il faut apprivoiser. Le début de saison de l’USPC est poussif, mais la coupe revient, avec la réception de Croix au 4e tour. Un coup de boost ?
(Reportage réalisé juste avant l’élimination 1-2 en coupe de France, au 4e tour, par Croix, club de N3)
Quelle équipe de National 3 peut se targuer de faire décaler un match de Coupe de France pour ramener du monde au stade ? L’US Pays de Cassel, pardi ! Et c’est grâce à sa nouvelle notoriété, acquise l’an passé avec son épopée en Coupe, qui l’avait vu atteindre les 16es de finale face au PSG.
Il y a quinze jours, au 3e tour de cette nouvelle édition 2023-24, Saint-Martin-Boulogne, équipe de D1 (District), a demandé d’organiser son match le samedi après-midi, afin de jouer à guichets fermés. Du coup, 400 spectateurs ont pu assister au match. Un bel engouement. Les Casselois ont obtenu leur qualification (3-1) et la confirmation, s’il en fallait une, de leur nouveau statut !
Quatre villages, 8000 habitants
L’hiver dernier, la France découvre ce club, niché au cœur des Flandres, entre Lille et Dunkerque, la nuit du 23 janvier 2023 au stade Bollaert-Dellelis à Lens. Ce soir-là, le Paris Saint-Germain du récent vice-champion du monde Kylian Mbappé joue sa place en 8e de finale contre le petit Poucet, alors pensionnaire de Régional 1 (DH).
Dans un stade plein, les hommes de Samuel Goethals, le technicien casselois, subissent logiquement la loi de Mbappé, auteur d’un quintuplé, Neymar et consorts (0-7). Mais l’essentiel est ailleurs. Au sein de l’effectif casselois, certains sont fans du PSG et réalisent le rêve d’une vie. Alexis Zmijak, capitaine de l’équipe et ultra parisien, se voit remettre le maillot des mains du meilleur joueur français ! Sa fille a même dormi avec avant qu’il n’ait eu le temps de le laver !
Depuis, Paris est retourné à son quotidien, pendant que le club nordiste, lui, après avoir bien fêté ça, a récolté les fruits de ce parcours hors-norme pour un club composé de quatre villages, et qui regroupe en tout 8000 habitants !
L’union fait la force
Le stade Joseph Duvet, à Noordpeene.
Quatre petits villages d’irréductibles Flandriens, qui se sont alliés pour exister face aux mastodontes que le Nord abrite. On pense à des structures bien connues du monde amateur comme Croix, Marcq-en-Baroeul ou encore Pays de Valois.
Gabriel Bogaert, directeur sportif du club et homme à tout faire, est l’artisan de ce projet. En 2017, alors à Arnèke, il initie une fusion avec trois autres clubs : Bavinchove-Cassel, Noordpeene-Zuytpeene et Hardifort. Après une année d’âpres négociations, l’Union Sportive Pays de Cassel voit le jour en 2018.
L’entraîneur, Samuel Goethals.
L’équipe, partie de Régional 2, obtient sa montée dès sa deuxième année d’existence en 2020. Après deux nouvelles années à encore maturer le projet, les Jaune et Noir connaissent la saison de leur vie, en 2022-23, grâce à la Coupe de France… et au championnat.
Pourtant, en coupe, rien n’est facile. Les premiers matchs de l’épopée des Casselois sont serrés et se jouent sur des détails. Au 8e tour, ils obtiennent leur qualification pour les 32es de finale aux tirs au but (1-1, 3-2, t.a.b.) contre Drancy (N3). Mais ils doivent patienter avant de le disputer, leur sort étant lié à la triste affaire d’un autre match du 8e tour, entre Reims-Sainte-Anne (N3) et Wasquehal (N2), interrompu à 3 à 0 pour les Rémois après une bagarre générale.
Dans un premier temps, la FFF envisage de disqualifier les deux clubs avant de se raviser et de donner le match à rejouer. Finalement, ce sont les Wasquehaliens qui obtiennent le droit d’affronter le Pays de Cassel en 32e, avec, à la clé, la certitude de retrouver le PSG, déjà qualifié (le tirage au sort a été effectué) en 16e ! Imaginez l’excitation !
Là encore, les Jaune et Noir passent par un trou de souris : menés au score, ils égalisent à la dernière minute au terme d’un match fou avant de se qualifier une nouvelle fois aux tirs au but (1-1; 5-4, t.a.b.). Leur élimination face au PSG appartient désormais à l’histoire et reste dans tous les esprits du Nord et des amoureux du football amateur.
Se reconcentrer sur le championnat
Derrière, plus difficile encore, il a fallu enclencher une dynamique. Combien d’équipes se sont pris les pieds dans le tapis après des épopées en Coupe ? Beaucoup. Pas le Pays de Cassel, comme le raconte le directeur sportif nordiste, Gabriel Bogaert : “On a convoqué les joueurs et on leur a expliqué que ce serait dommage de compromettre une belle fin de saison en championnat avec des résultats négatifs.” Ni une, ni deux, le groupe imprime le message et signe un match nul chez le leader, Marck-en-Calaisis (1-1) : “On méritait de gagner le match”, précise Gabriel Bogaert.
C’est sûr, les joueurs ont “switché”. L’encadrement le voit bien. La quête du titre en Régional 1 est dans toutes les têtes. Les joueurs enchaînent une série de onze matchs sans défaite (sept victoires, quatre nuls), si bien qu’ils valident leur montée en National 3 à quatre journées de la fin ! Ils battent leur dauphin Marck (4-2) à domicile et peuvent fêter une accession qui vient couronner une saison pleine de rebondissements. L’USPC peut revendiquer le titre de meilleure défense (17 buts encaissés) et de co-meilleure attaque du championnat avec 37 buts marqués (ex-aequo avec Grand Calais Pascal, Ndlr).
La phase retour… à domicile !
Le directeur sportif, Gabriel Bogaert. Photo Philippe Le Brech
Une sacrée performance quand on sait que, la saison passée, le club a dû quitter ses installations d’Arnèke pour trouver un terrain de repli sur la commune de Noordpeene. Mais ils ont dû patienter un peu avant de pouvoir bénéficier d’un nouveau terrain en synthétique, inauguré en février dernier avec la venue en championnat de Steenvoorde. Pendant le temps des travaux, la Ligue des Hauts-de-France s’est donc arrangée pour faire disputer la majorité des matchs de la première partie de saison… à l’extérieur !
Le synthétique posé et les vestiaires en préfabriqués installés, le club peut enfin recevoir ces rencontres de Régional 1 sur la phase retour et profiter de l’avantage non négligeable du calendrier : “Il y avait énormément de monde et le fait de jouer sur synthétique par rapport au projet de jeu qu’on a, ça nous a aidé.”
Lors des derniers matchs, près de mille supporters passionnés et enflammés viennent pousser leur équipe, dans une ambiance caractéristique de la ferveur des Flandres. Fanfare, tambours, banderoles, écharpes jaunes, tout est fait pour perpétuer l’identité de cette partie du Nord typique, qui lui donne tout son charme.
Un budget de 350 000 euros
Cette accession à l’échelon supérieur, ce n’était ni une nécessité, ni un objectif dans les têtes casseloises, mais plutôt une “opportunité” qui venait couronner une saison passée sur un nuage. Un nuage duquel il a bien fallu redescendre. Car très vite, les dirigeants casselois ont pu constater l’ampleur de la tâche qui les attendait en N3. Bien sûr, ils ont récolté les fruits de leur parcours ultra-médiatisé en coupe de France. Si les dotations et les recettes de l’organisation de leur match contre PSG restent secrètes, pour Gabriel Bogaert, le gain est ailleurs. Il est même inestimable : “La Coupe de France a été un carton plein en termes d’images. Les gens se sont aperçus qu’on était une équipe sympa qui bossait bien. ”
Du coup, plus facile d’aller chercher de nouveaux partenaires et de construire un nouvel effectif. De plus en plus d’entreprises ont eu envie de s’associer au projet du club, séduites par les valeurs renvoyées. “On est dans un petit village, il n’y a pas de subventions, donc on est livré à nous-mêmes.” Parmi les plus petits du groupe G de National 3, Pays de Cassel a réussi à constituer un budget de 350 000 euros, quand la moyenne se situe aux alentours de 700 000 euros, c’est-à-dire deux fois plus.
Kévin Rocheteau bientôt qualifié
Forcément, l’exposition médiatique a tapé dans l’oeil de certaines équipes plus huppées, qui n’ont pas manqué d’attirer chez elles quelques joueurs : Baptiste Leclerc, qui a ébloui de sa classe le match à Lens, a eu une proposition de Furiani (N2). L’USPC l’a laissé partir, comme convenu. D’autres sont restés au même niveau ou en dessous, mais avec de meilleures conditions financières. “On a un petit budget, donc on ne peut pas partir dans des sommes astronomiques. On ne pouvait tout simplement pas rivaliser sur le plan financier.”
En amont, les profils des recrues sont validés en binôme entre le directeur sportif et son coach, Samuel Goethals. Derrière, c’est Gabriel Bogaert qui s’occupe du financier. Cette nouvelle exposition a aussi, dans le sens inverse, « permis de faciliter l’attraction de nouveaux joueurs”, se félicite le dirigeant.
Côté arrivées, l’US Pays de Cassel a su convaincre par le projet de jeu mis en place par Goethals, basé sur un jeu de position et de possession. Un style attractif, qui donne envie. Gabriel Bogaert évoque “plusieurs belles prises”, affiche sa satisfaction et analyse un mercato composé de “très bons mecs et de bons joueurs de foot”. Avec, en tête de gondole, Kévin Rocheteau, qui connaît bien la région puisqu’il a joué à Dunkerque en Ligue 2 (2020-2022).
Après le premier succès en N3 face à Compiègne.
Ancien joueur de Niort (L2), Rocheteau a choisi de rejoindre son “grand pote” et cadre de la formation, Nicolas Bruneel – lui aussi passé par Dunkerque – et un football de copains. Qualifié à partir du 1er octobre en raison de son contrat pro à Niort, il va grandement renforcer l’attaque nordiste qui a « besoin d’efficacité”.
Romain Jamrozik, ancien pensionnaire de Fréjus-Saint-Raphaël en N2, et natif de la région (il a aussi évolué à Dunkerque en National et au Puy en N2), est également venu renforcer l’effectif casselois. En plus de ces deux noms « ronflants », des joueurs issus de la région et repérés par Gabriel Bogaert sont venus se greffer à l’effectif. “Je pense que si les supporters peuvent s’identifier à des joueurs locaux, c’est quand même bien mieux.”
Comme le club n’a pas le budget suffisant pour mettre en place des superviseurs, c’est le directeur sportif, autodidacte en la matière, qui s’y colle ! “Entre la vie professionnelle et la vie familiale, je vais voir des matchs de N2, N3, R1, R2, R3… Je suis un passionné de foot.”
“On est l’équipe à battre !”
Les supporters avant le 8e tour l’an passé en coupe de France face à Drancy.
Les dirigeants du nouveau venu en N3 apprennent vite et découvrent le fossé qui le sépare du niveau régional. Le N3 est “semi-pro”, mais les Jaune et Noir ne partent ni défaitistes ni timorés : “On se structure, on avance, on s’adapte parce qu’on veut rester dans cette division.”
Le club compte quatre contrats fédéraux à mi-temps et s’entraîne quatre fois par semaine. De plus, il met en place une stratégie de formation chez les jeunes pour un club qui compte 400 licenciés et qui a même dû refuser du monde cet été, faute de place !
Dès les matchs de pré-saison, le regard des adversaires a radicalement changé. “On est plus attendus, on est l’équipe à battre, mais sans méchanceté.” Le début de saison ne se déroule pas forcément comme prévu, mathématiquement s’entend. La différence avec l’exercice précédent est majeure : “L’année dernière, on était dans une saison où tout nous réussissait. On pouvait faire ce qu’on voulait et ça rentrait. Cette année, c’est un peu plus compliqué pour l’instant.”
Les Jaunes ont entamé le championnat par une défaite 3 à 0 à Vimy et une autre à domicile contre Marcq (0-2), malgré une domination outrancière. “Sur les deux matchs, on est meilleurs que nos adversaires. On a 70% de possession et plus d’occasions, on manque juste d’efficacité dans les deux surfaces. A ce niveau, ça ne pardonne pas, mais ça va tourner”, explique le directeur sportif. Finalement, c’est à Valenciennes, face à la réserve de L2, que Pays de Cassel décroche son premier point.
Un choc contre Croix au 4e tour
Souvenir indélébile de la coupe de France 2022-23, au stade Bollaert-Dellelis.
Forts de leur première victoire en Coupe de France, les Flandriens ont surfé sur la dynamique pour s’octroyer leur premier succès en championnat contre Compiègne, samedi dernier, à domicile (3-0), de quoi faire fuir les doutes. L’arrivée dans le groupe de Kévin Rocheteau fera le plus grand bien à l’équipe, alors que Romain Jamrozik a ouvert son compteur le week-end dernier. Quant à Rémi Burnel, recrue intéressante en provenance de Marcq-en-Baroeul, il a déjà inscrit trois buts en championnat. Prometteur !
La prochaine étape, c’est dès demain, avec la réception de Croix, leader invaincu de la poule en N3, pour le compte du 4e tour de la Coupe de France. “Après ce qu’on a connu, on ne demande qu’à revivre ça. Parce qu’on a vécu, c’est surréaliste.” Pour se prendre à rêver, encore une fois à Cassel, et faire vibrer ce pays qui ne demande que ça, il faudra soulever des montagnes. Ça tombe bien, ce peuple et cet effectif ont montré qu’ils en étaient capables.
L’US Pays de Cassel s’est finalement inclinée 2-1 face à Croix au 4e tour de la coupe de France.
Texte : Emile Pawlik / Twitter : @EmilePawlik
Photos : USPC, Patrick Patou, Philippe Le Brech.
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13heuresfoot s’est rendu au stade des Antonins à Nîmes pour voir et comprendre la situation d’un club historique à l’abandon, présidé par Rani Assaf, dont l’absence, le silence, les décisions et l’inaction cristallisent les tensions de toutes parts. Notamment celles de la Ville et des supporters, qui réclament son départ.
Le football regorge d’incertitudes. Celles inhérentes au terrain, au sport, à ses résultats parfois illogiques ou injustes que l’on ne maîtrise pas. Et puis, comme si cela ne suffisait pas, il y a toutes ces incertitudes liées aux « à-côté », celles que l’on appelle « les coulisses », qui font que ce sport est unique par son irrationalité : et à Nîmes Olympique, les coulisses sont très agitées, même si l’équipe, elle, fait de son mieux pour faire fi d’une situation dégradante, pendant que les supporters s’emploient à mettre dehors le boss de l’entité, Rani Assaf.
Victor Hugo disait : « Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu ». A Nîmes Olympique, l’inconnu guette et n’augure rien de bon, en tout cas pas le bonheur recherché. Cet inconnu angoisse les amoureux du club depuis 3 ans. Le feuilleton est interminable. Les acteurs, les pièces et les armes de ce Cluedo sont nombreux. Rani Assaf donc (président), les Costières (stade en friche), les Antonins (stade « provisoire »), le National (championnat), La Bastide (centre d’entraînement délabré), Nemausus (projet du président, du nom antique de la ville), la CNAC (Commission nationale d’aménagement commercial), Coeur de Nîmes (association de commerçants), Jean-Paul Fournier (maire de Nîmes), etc.
A cette liste de mots clés qui reviennent invariablement dans la bouche des « suiveurs » de l’actu nîmoise, on peut y ajouter Frédéric Bompard, le coach qui fait tout ce qu’il peut, ou encore les Gladiators Nîmes 1991, l’un des trois groupes de supporters (avec le Club Central et… Nemausus 2013), en conflit ouvert avec la direction.
Les Costières en friche
Le stade des Costières, en friche. Photo Facebook Norman Jardin
Bref, Nîmes Olympique, c’est Dallas. Il s’y passe toujours quelque chose. Il y a toujours une histoire à raconter, de quoi faire les choux gras de Midi Libre et des autres médias. Dans le rôle de JR Ewing, évidemment, Rani Assaf : l’homme d’affaires franco-libanais de 52 ans préside aux destinées du club depuis 2016. Invisible pendant 4 mois, au point d’agacer Frédéric Bompard, resté sans aucune nouvelle, Assaf est réapparu la semaine dernière, et a même déjeuné au restaurant du camping de La Bastide, à côté du centre d’entraînement, en compagnie du coach, lequel s’est fendu d’un « ça s’est passé », au sujet de leur entrevue, dont rien n’a filtré. On imagine pourtant que l’ancien adjoint de Rudi Garcia (Dijon, Lille, Roma, OM) devait avoir bon nombre de griefs à formuler. Comme celui des conditions d’entraînement et du terrain jugé indigne d’une équipe pro, à La Bastide.
Le stade des Costières n’accueille plus aucun match de l’équipe seniors des Crocos depuis neuf mois. Photo Facebook Normal Jardin
Pour le terrain des Costières, ce n’est pas mieux. En 2019, alors que Nîmes Olympique, pour son retour dans l’élite, 25 ans après sa dernière saison en Division 1 (1992-93), vient d’achever sa saison à une magnifique 9e place, l’ancien directeur technique et responsable du réseau du fournisseur d’accès Internet Free (jusqu’en 2021), également à la création de la célèbre Freebox, envisage de racheter à la Ville le stade des Costières. Un accord est même trouvé autour de 8 millions d’euros. Assaf a un immense projet en tête : raser ce stade qui date de 1989 et construire à la place un vaste complexe à la fois immobilier, commercial et sportif, une sorte d’écoquartier baptisé « Nemausus ». Coût estimé des travaux : 230 millions d’euros, tout à sa charge. L’idée est séduisante, mais pas pour tout le monde.
En attendant, aux Costières, le stade de 18 000 places est à l’abandon. C’est triste à voir. Depuis décembre 2022, il n’accueille plus aucun match du Nîmes Olympique car il ne répond plus au cahier des charges de la Ligue. Sans compter que la Ville ne veut plus prendre en charge le coût annuel de l’entretien de la pelouse (150 000 euros). Quid de l’avenir de ce monument en péril ?
Le projet Nemausus dans l’impasse
Le projet pharaonique « Nemausus ».
Aujourd’hui, le flou règne, surtout depuis que, le 14 septembre dernier, la CNAC – Commission Nationale d’Aménagement Commercial, une instance de recours des CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial) – a émis un avis défavorable quant au projet pharaonique de Rani Assaf. Le principal point d’achoppement ? Le volet commercial. C’est le deuxième coup dur porté à Nemausus, dont la nouvelle concurrence menacerait un centre-ville à la peine, après les recours formulés par la Socri-Reim, un groupe indépendant qui gère le centre commercial de La Coupole des Halles à Nîmes (15 000 m2), et par l’association des commerçants « Cœur de Nîmes ».
Les fumigènes, sources de conflit entre les Gladiators 1991 et Rani Assaf. Photo Gladiators
Ce coup d’arrêt devrait également signifier l’impossibilité (et l’absence de volonté) pour la Ville de délivrer un permis de construire à l’homme d’affaires, dont les contacts sont rompus avec le maire, Jean-Paul Fournier, son premier adjoint (et délégué à l’urbanisme), Julien Plantier, et l’adjoint aux sports et arbitre de foot, Nicolas Rainville.
Ce dernier, qui officiait au centre hier soir (mardi) en Ligue 2, lors du match Caen-Grenoble, l’a d’ailleurs confirmé lundi dans le média Objectif Gard : « Rani Assaf est retombé dans ses travers. La communication est rompue avec la mairie. Les évènements nous poussent à dire qu’il n’est plus l’homme de la situation. Il ne vient plus aux matchs et je ne suis pas convaincu qu’il veuille investir un euro de plus dans l’équipe. »
Quant à Julien Plantier, premier adjoint à la Ville de Nîmes, il s’est aussi exprimé de manière catégorique sur ce dossier, vendredi, sur France Bleu Gard Lozère : « Rani Assaf méprise le peuple nîmois » a-t-il déclaré. C’est simple, aujourd’hui, la Ville lui signifie la porte et ne veut plus de son projet. Idem du côté des supporters, qui ont lancé le collectif « Sauvons le Nîmes Olympique ». Leur objectif ? Se débarrasser du président, bien entendu (on se souvient des banderoles « Assaf casse toi ! »), et créer une levée de fonds via un actionnariat de « socios », sur le modèle de ce qui a été fait au SC Bastia, afin « d’accompagner » un futur repreneur.
Première aux Antonins !
Première victoire des Nîmois aux Antonins vendredi dernier en National.
Pendant que le stade des Costières se meurt lentement mais sûrement, le stade des Antonins, dit « stade de substitution » ou « stade de repli », accueille les rencontres du Nîmes Olympique depuis le 26 décembre 2022. Un stade de 8000 places situé juste de l’autre côté de l’autoroute A9, tout près des Costières, et construit en un temps record de 7 mois par la SAS Nemau, créée justement par Rani Assaf dans la cadre de son nouveau projet Nemausus.
C’est là que les joueurs, entraînés par Frédéric Bompard, ont disputé un peu plus de la moitié de leurs rencontres de Ligue 2 la saison passée : le stade avait été inauguré juste après Noël, lors du « boxing day français », contre Guingamp (1-2, journée 16). Ils n’y avaient remporté que 4 matchs (Niort, QRM, Annecy et Pau) avant, enfin, de débloquer leur compteur « 3 points » vendredi dernier, dans ce nouvel exercice 2023-24.
Car avant de battre Nancy, les Crocos n’avaient pas encore gagné en National, un championnat que le club n’avait plus fréquenté depuis 2012. Finalement, face à la dernière équipe invaincue cette saison, NO s’est – enfin – imposé (1-0). Un soulagement et surtout un grand moment de joie et de bonheur pour les joueurs et le staff, qui n’ont pas hésité à partager ce succès avec leurs supporters, autour du terrain. On aurait dit que l’équipe venait de remporter un titre !
Bompard : « Le foot, ce sont des stades pleins »
Frédéric Bompard, le coach des Nîmois. Photo NO
Aux Antonins, s’il n’y avait pas ces sièges rouges qui composent l’essentiel des quatre tribunes en « praticables » (dont trois couvertes) , qui égaient et donnent une identité et un semblant d’âme, et sans ces panneaux en LED installés presque tout autour de l’aire de jeu, ce stade ne ressemblerait pas à grand-chose. Et sans cette ambiance que seule une frange de supporters nîmois, les plus fidèles, sont capables de mettre, franchement, cela ressemblerait à un cimetière !
Malgré les difficultés du club, malgré les déboires juridico-administratifs, malgré les résultats depuis trois ans, malgré le flou permanent, les supporters – même interdits de stade de manière aléatoire – sont toujours derrière leur équipe. Ils sont toujours derrière leurs joueurs, quand bien même ces derniers viennent d’arriver à l’intersaison, souvent en provenance de divisions inférieures.
Ce chauvinisme, cette ferveur, difficile de ne pas la ressentir : car ce qui frappe, à Nîmes, c’est que le spectateur n’est pas dans la critique. Il encourage, il crie, il applaudit. Qu’importe le flacon, pourvu que les supporters aient l’ivresse, et ça, le coach Frédéric Bompard n’y est pas insensible : « J’ai senti (contre Nancy) que les gens étaient derrière nous, même si le public n’était pas nombreux (un millier environ). Ils étaient contents du spectacle, contents de voir une équipe se bouger. Après, je me suis déjà exprimé sur le sujet : pour moi, le football, ce n’est pas ça. Le football, ce sont des stades pleins. Et à Nîmes, y’a le potentiel pour ça. Je ne désespère pas de voir le stade plein au prochain match à domicile (sic). Le foot, c’est la fête, qui plus est à Nîmes, où c’est la grinta. Il faut aussi qu’il y ait des gens derrière, pour pousser. J’espère que cette victoire face à Nancy contribuera à les faire revenir. Voir des garçons mouiller le maillot comme ils l’ont fait ce soir (vendredi) face à Nancy, comme ils le font depuis le début de saison, et croyez moi je ne les lâche pas depuis la reprise du 3 juillet, cela mérite qu’il y ait un peu plus de monde dans le stade. »
Bompard ne boudait pas son plaisir après ce premier succès de la saison, le premier aux Antonins donc : « Dans le vestiaire, j’avais l’impression qu’on avait gagné une coupe, un championnat, à les voir fêter la victoire comme ça, mais c’est bien de voir les joueurs heureux ! C’est aussi pour ça que l’on fait ce métier. »
Relégable, à 1 point du 5e !
Rani Assaf, président du NO.
Après avoir accueilli l’OM, PSG, Monaco et le gratin de la L1, il faudra s’y faire : NO va désormais se frotter à Marignane, Villefranche, Avranches et Versailles, au 3e niveau de la hiérarchie française, où se mélangent les pros (9 clubs) et les amateurs (9 clubs). Bien sûr, le National s’est « professionnalisé » depuis 2012 et son dernier passage dans l’antichambre du monde pro, mais sur la forme essentiellement. Car sur le fond, cette compétition hybride est toujours aussi peu viable.
Le club gardois conserve néanmoins l’avantage d’un statut pro qu’il perdrait en cas de descente en National 2. Ne riez pas, c’est très sérieux. Car avec 6 descentes sur 18, regarder derrière est une obligation. Assurer au plus vite ses arrières est vital. Certes l’équipe n’a perdu qu’un seul de ses sept premiers matchs, mais elle est tout de même en position de relégable, et ça, « ça en dit long sur l’homogénéité de ce championnat, commentait Bompard après la rencontre face à Nancy. On est encore relégable mais à un point du 5e, vous vous rendez-compte ? «
Le coach n’est pas au bout de ses peines… Car des victoires, il va en falloir encore beaucoup pour, au moins, se maintenir : une bonne douzaine au total si le club ne veut pas trop souffrir et regarder derrière (avec 10 succès, Nancy est descendu la saison passée avant d’être repêché administrativement).
A Nîmes, les joueurs jouent, les supporters supportent, l’entraîneur entraîne mais le président, lui, est absent. C’est bien là tout le problème…
Valentin (supporter de NO) :
« C’est triste, mais on fait avec »
Valentin, 16 ans, et 16 ans d’amour pour le NO.
Valentin a 16 ans. Il supporte Nîmes Olympique depuis… 16 ans. Depuis, plus précisément, le 24 août 2007, jour de sa naissance, comme inscrit sur son compte Twitter (compte X dorénavant !), où il est également stipulé « supporter nîmois jusqu’à la mort » ! Avec, en photo de profil, un montage que ne renieraient pas les Gladiators 1991, Nemausus 2013 ou le Club Central : un dessin du président Rani Assaf, avec un nez de clown, et l’inscription « Rani casse toi ! ».
Comme le millier de spectateurs présents, Valentin attendait le premier succès de SON équipe aux Antonins cette saison en championnat. Il est finalement arrivé, dans la douleur, vendredi dernier face à Nancy (1-0), un adversaire qui lui n’avait pas encore perdu. Un soulagement. Un peu de baume au coeur dans une année compliquée, marquée par la relégation de Ligue 2 en National et de nombreux problèmes juridico-administratifs.
Car à Nîmes, c’est bien moins l’actualité sportive qui fait la Une du Midi-Libre, que celle qui se joue en coulisses. Une situation qui peine Valentin, à fond derrière son équipe, mais pas derrière son président. Avec une éloquence impressionnante pour son jeune âge, le futur cuisinier, qui voulait d’abord être journaliste, fait un état des lieux de la situation. Ces propos sont clairs et limpides. Bon, s’il est aussi à l’aise dans le rôle de l’intervieweur que de l’interviewé, rien ne l’interdit de revoir sa copie pour, peut-être un jour, écrire des articles sur NO et parler de l’actualité de son club au micro, ou troquer sa toque contre sa plume !
Le stade des Antonins. Photo NO
Valentin, tu dis supporter Nîmes Olympique depuis ta naissance… Oui, depuis 16 ans ! Depuis ma naissance ! Bon, vraiment, depuis 10 ans en fait. Mais j’ai toujours eu cette passion pour le club. Elle vient de mes parents, de mes frères. D’ailleurs, j’ai un de mes frères qui a joué un peu au foot, mais à un très bas niveau. En fait, c’est surtout de regarder les matchs que j’aime. Mon premier match ? C’était avec mon père aux Costières, forcément. Je supporte Nîmes et que Nîmes. C’est ma passion. Je viens à tous les matchs à domicile, seul, comme ce soir (contre Nancy) ou avec des amis.
Tu fais des déplacements parfois ? Non, je n’en ai pas encore fait, mais j’envisage d’en faire un.
Alors comment fais-tu pour suivre NO quand l’équipe joue à l’extérieur ? Cette saison, je regarde les matchs sur FFF TV, qui diffuse le National. Sinon, l’an passé, sur Prime vidéo. Mais je suis toujours présent pour les rencontres à domicile.
Tu ne fais partie d’aucune association de supporters, comme les Gladiators ? Non, je ne fais pas partie des Gladiators, mais je les soutiens dans mon coin on va dire ! Il y a trois associations de supporters, Gladiators, Nemausus 2013 et le club central des supporters du NO.
Tu vas aux entraînements aussi ? J’essaie d’aller en voir quelques-uns mais c’est compliqué parce que j’ai cours. Et puis le camp d’entraînement de La Bastide est délabré. Les joueurs sont obligés de manger à la cantine du camping à côté, et certains font leur sieste dans leur voiture, on n’a jamais vu ça.
Alors, il est où Rani Assaf ? Tu l’as déjà vu ? Bonne question ! Non, je ne l’ai jamais vu mais on sait qu’il est revenu de vacances dernièrement et cette semaine je crois (la semaine dernière), il a rencontré le coach.
Et ce projet Nemausus, il en est où ? Alors, au niveau des Costières, le problème, c’est que Rani Assaf veut racheter le complexe pour pouvoir le raser et faire son nouveau stade, mais son projet, qui est plutôt un projet immobilier et commercial que sportif, s’est vu opposer un refus donc il est obligé de revoir sa copie pour essayer de le faire accepter. Pour qu’il puisse racheter les Costières et bâtir son projet.
Cette situation, ça t’inspire quoi ? Elle m’attriste, moi qui ai connu Nîmes Olympique au plus haut niveau… Mais tant que Rani Assaf sera à la tête du club, cela ne bougera pas trop. Il est en conflit permanent avec les groupes de supporters. L’opposition est grande. C’est malheureux, ça plombe l’ambiance. Nîmes Olympique, on l’appelait « Le petit Marseille » avant… donc… On est en plein dedans. Nîmes, c’est une grosse ambiance normalement, c’est la ferveur. C’était comme ça y’a encore pas longtemps. Là, c’est triste, mais on fait avec.
Malgré tout, il y avait un peu d’ambiance aux Antonins, où l’on a vraiment senti les spectateurs derrière leur équipe… Oui, parce qu’on est tous concernés. On est tous attristés, on est tous pareils, mais on vient pour encourager et supporter nos joueurs, pour leur montrer que l’on est derrière eux, même si le contexte est difficile.
Ce stade des Antonins, tu en penses quoi ? J’aime bien l’architecture du stade, mais c’est provisoire, donc ce n’est pas très « solide », dans le sens où l’on ne va pas jouer là-dedans pendant dix ans. En principe.
Tu arrives à t’identifier à équipe 2023-24, qui a beaucoup changé ? C’est vrai qu’à part quelques-uns, il y a quand même beaucoup de nouveaux joueurs, qui viennent pour la plupart de N2 et de N3. On s’y fait. C’est sûr que, comme ça bouge beaucoup, on n’arrive pas trop à voir où va cette équipe mais elle a un beau potentiel, regardez ce soir, contre Nancy, on l’a bien vu. Malheureusement, ce potentiel est encore un peu « caché ».
C’est quoi, ton rêve pour Nîmes Olympique aujourd’hui ? Mon rêve, c’est de remonter, de retrouver l’ambiance qu’il y avait aux Costières. On ne demande pas la coupe d’Europe, mais au moins la Ligue 1, avec de l’ambiance, de la ferveur. Aux Costières, j’avais des frissons, j’avais les larmes aux yeux, tellement c’était beau.
Ton plus beau souvenir depuis que tu supporters NO ? La victoire face à Montpellier lors de la dernière saison en Ligue 1, ou les victoires face à l’OM.
C’est qui le joueur emblématique du NO, selon toi ? Renaud Ripart. Je pense que tous les supporters du NO sont d’accord avec moi ! Renaud, c’est le symbole nîmois de ces dernières années.
Fin 2019, après la première saison en Ligue 1, quand tu as vu partir tous ces joueurs, qu’as-tu pensé ? On a senti que c’était le déclin. Après la première saison en L1, tout le monde est parti, et on a recruté très peu de joueurs. Donc les difficultés, la chute, sont parties de là. Lors de la deuxième saison, c’est la Covid qui nous sauve, mais après, la 3e saison, même si on n’a pas fait un mauvais championnat, cela n’a pas suffi.
C’était comment la saison passée, en Ligue 2 ? C’était compliqué. On a eu défaite sur défaite, on a vu peu de beaux matchs, même si on en a eu quelques-uns comme face à Amiens ou Bordeaux.
Quant tu critiques Rani Assaf, tu n’as pas peur d’être interdit de stade après ? Personne ne va m’interdire de venir supporter mon club, de venir au stade. Je sais qu’il est en conflit avec les Gladiators 1991 car il leur a interdit une pancarte récemment.
C’est quoi, le problème entre le président et les Gladiators ? En fait, les Gladiators sont réputés pour mettre de l’ambiance au stade et aussi pour craquer des fumigènes, or craquer des fumigènes, ça coute de l’argent au club en amendes, et Assaf a dit stop. Malheureusement, les Gladiators ne veulent pas cesser de faire ça, donc Rani Assaf leur a fermé la tribune. Aux Antonins, ils ont recommencé, alors des interdictions de stade leur ont été envoyées, mais elles ont été envoyées à certaines personnes au hasard ! La situation n’évolue pas. Je peux vous dire que l’ambiance qu’ils mettaient, ça manque beaucoup, notamment pour pousser notre équipe, et Frédéric Bompard, le coach, les a réclamés. Il faut pousser son équipe, il faut de l’ambiance, Il faut encourager cette équipe qui manque un peu d’expérience, qui est jeune.
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : DR, 13HF et NîmesOlympique
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Originaire de La Réunion, le gardien de 30 ans, qui évolue à Thonon Evian Grand Genève (N2), a effectué tous ses choix de carrière en fonction de la sélection nationale de Madagascar, dont il est fier de défendre les couleurs.
Très impliqué dans le développement du poste de gardien de but à La Réunion, le joueur de Thonon Evian Grand Genève (N2), qu’il a rejoint en 2022 après des passages à Créteil, Mouscron, Amiens AC, Mulhouse, Louhans-Cuiseaux et Martigues, compte près de 150 matchs en National 2. Travailleur acharné, ambitieux, il a soif de titres. Rencontre.
« La porte est ouverte aux jeunes, c’est la force de notre île. »
Sous le maillot de Madagascar, en 2019. Photo Philippe Le Brech
Issu d’une famille de sportifs, c’est tout naturellement que Melvin s’est tourné vers le football. « A La Réunion, c’est le sport numéro 1 ! Quand on n’a rien à faire tous les week-ends on va voir le foot avec les parents. Tous mes amis, mes oncles, mon père, ma mère jouaient au foot. J’ai commencé le foot, tout petit, comme ça. »
Originaire de la ville du Port, il découvre ce sport sur son île. « Les infrastructures sont bien, ça reste la France. Il y a beaucoup d’opportunités parce qu’il y a beaucoup de clubs. Même si un petit n’a pas beaucoup de qualités, les clubs lui donnent l’opportunité de s’épanouir. Peu importe les classes sociales, la porte est ouverte aux jeunes, c’est ce qui fait la force de notre île. Je viens d’une famille avec pas beaucoup de moyens et c’étaient mes entraîneurs qui venaient me chercher pour aller à l’entraînement. »
« A l’école, on me disait que ce footballeur n’était pas un métier. »
Avec Thonon Evian GG. photo DR
Pour réaliser son rêve d’enfant Melvin décide de venir en Métropole à ses 14 ans chez son oncle à Nîmes. « Quand on me posait la question à l’école, j’ai toujours dit que je voulais être footballeur, ils me disaient que ce n’était pas un métier. » Après des essais infructueux à Montpellier et une luxation à l’épaule, le manque de la famille se fait sentir. « C’était très compliqué donc je suis reparti à La Réunion pour finir mes études. » Avec plus de maturité, le Réunionnais décide de retenter sa chance, à Paris cette fois-ci. « Mon entraîneur de la sélection réunionnaise, Claude Barrabé (sélectionneur de l’équipe de France de Beach Soccer, ancien gardien pro au PSG, Brest, Caen, Montpellier, Créteil), m’a donné l’opportunité de m’entraîner à Créteil (National) avec Jean-Luc Vasseur. Après le premier entraînement le coach de Créteil a dit « lui il ne rentre plus, il reste avec nous ». De base j’étais venu ici pour travailler, pour pouvoir devenir un homme responsable, trouver de la stabilité et aider ma famille. J’ai eu l’opportunité d’avoir le foot. La première personne que j’ai appelée c’était mon père, puis mes coachs de La Réunion, ils m’ont dit « t’as les qualités pour réussir, t’as le mental, le foot c’est ce qui t’as fait grandir, qui t’as donné une éducation, tentes ta chance ». »
« En 6 mois, j’ai fini N°2. J’ai travaillé, je me suis donné les moyens »
Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech
Après quelques mois passés avec le groupe professionnel à Créteil, Melvin rentre à La Réunion pour un match de gala qui rassemblait les footballeurs réunionnais : Dimitri Payet, Fabrice Abriel, Guillaume Hoarau, Thomas Fontaine, Ronny Rodelin… « Il y avait un agent de joueur qui travaillait avec ces mecs-là. J’ai pris contact avec lui, il m’a dit « je vais t’aider, toi t’es footballeur et moi je suis agent, je vais faire mon travail ». » J’ai travaillé et au final il m’a envoyé pour un essai à Mouscron en Belgique (D2). L’essai a duré d’une semaine, au final je suis resté. J’ai signé mon premier contrat pro en Belgique mais à Lille au domaine de Luchin. Le club appartenant au LOSC, on s’entrainait là-bas. Cette année là on a réussi à monter en D1 Belge. »
Dans la première division du championnat Belge, des normes s’appliquent avec un nombre de joueurs maximum français sur la feuille de match. « Quand t’es gardien français tu perds un petit peu ta place. » Mais après une grosse préparation avec la réserve du LOSC, le coach de Mouscron décide de garder le portier en tant que numéro 4. « En 6 mois, j’ai fini numéro 2. J’ai travaillé, je me suis donné les moyens, toujours présent à l’entraînement, toujours pro. On a joué les barrages pour aller en Europa League, c’était beau. »
« Tu joues au foot pour ce moments-là ! »
Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech
En 2016, Melvin Adrien rentre en France et signe à Amiens AC en National 2. « La sélection avait fait appel à moi. Pour être appelé en sélection, il faut jouer, il faut être vu. Claude Barrabé, qui m’a toujours aidé jusqu’à maintenant, m’a dit : « si tu choisis la sélection, va jouer ». Donc j’ai décidé de retourner dans le monde amateur pour être numéro 1 dans un club et préparer cette place en sélection. C’était une stratégie payante. »
Plus de 140 matchs en National 2 plus tard, le portier ne regrette pas son choix. « J’avais des opportunités en National ou un peu plus haut à l’étranger, mais je voulais toujours jouer par rapport à mon jeune âge et pour me préparer pour représenter l’équipe nationale. Dans tous les clubs où je suis passé j’étais numéro 1. Cela m’a permis d’arriver en sélection prêt et avec un certain volume de jeu. »
De nombreux réunionnais ayant des origines malgaches, la sélection de Madagascar comporte de nombreux réunionnais d’origine dans ses rangs. Pour le Portois, c’était le fruit d’une longue réflexion. « Le père de ma mère était malgache, moi je ne l’ai pas connu. J’ai appelé mes parents, mes entraîneurs, pendant 2 mois c’était de longues discussions. Au final ce n’était pas un choix difficile parce que jouer pour son pays c’est incroyable, tu joues au foot pour ces moments-là. J’ai débuté comme ça contre les Comores en amical le 11 novembre 2017. Après je n’ai plus été rappelé pendant un an. C’était un moment difficile parce que j’ai choisi de rester dans le monde semi-professionnel pour pouvoir aller en sélection. »
« Je vais leur montrer que j’existe et je vais exister pour ce pays »
Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech
Arrivé à Martigues en 2018, Melvin continue de privilégier le temps de jeu. « Ma femme, mon entourage, ma famille m’ont toujours dit d’y croire. Thomas Fontaine (FC Sochaux) était en sélection quand je n’y étais pas, il m’appelait après toutes les sélections pour me dire « fais ta saison et tu vas voir tu seras là. »
Madagascar s’est qualifié pour la Coupe d’Afrique des Nations 2019 en Egypte, la première de son histoire, sans lui. Mais Melvin a enchaîné une superbe deuxième partie de saison avec le club sudiste et se voit convoqué pour disputer la compétition. « Ils se sont qualifiés à la CAN 2019 sans moi, ça m’a fait du mal. Avec le gardien qui jouait (Ibrahima Dabo) on était amis depuis Créteil. On s’est préparé pendant un mois, et tout ce temps j’avais en tête d’être numéro 1. Rudy Jeanne-Rose (entraîneur des gardiens) m’a tout de suite mis dans le vif du sujet. Juste avant le premier match contre la Guinée, je ne savais pas que j’allais jouer. J’ai vu mon nom à la causerie j’étais le plus content pour moi mais aussi pour mon père et ma mère. Je me suis dis » l’heure est arrivée et je dois donner le meilleur de moi-même. Je suis prêt, je vais leur montrer que j’existe dans cette équipe et je vais exister pour ce pays ». »
« On a écrit l’histoire, j’espère qu’il y aura encore d’autres pages »
Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech
Le réunionnais a joué toute la compétition titulaire. Avec des victoires contre le Burundi (1-0), le Nigeria (2-0) et la République Démocratique du Congo (4-2 aux t.a.b), 2-2), le parcours de l’équipe de Madagascar a été une première historique pour cette petite nation du football. Leur aventure s’est arrêtée en quarts de finale face à la Tunisie (0-3).
« On avait un super groupe de copains, c’était plus qu’une amitié. Quand on m’a donné ma chance dans une très grande compétition comme celle-ci, reconnue mondialement, je me suis donné les moyens en travaillant avec beaucoup d’humilité, beaucoup de patience, j’ai fait mon maximum, j’ai donné le meilleur de moi-même, parce que mes coéquipiers se donnaient aussi pour moi. Pour le pays qu’on est, ça n’a pas de prix de donner le sourire aux gens qui ont vécu ça avec nous. On a écrit l’histoire, j’espère qu’il y aura encore d’autres pages. »
« Les gardiens réunionnais ont ce côté revanchard »
Melvin s’implique beaucoup sur son île natale pour développer le poste de gardien de but. Pour la quatrième saison consécutive, il organise des stages de perfectionnement avec comme invité cette année Steve Mandanda (Stade Rennais).
« Je n’ai pas eu cette opportunité en étant jeune ; les gens qui m’accompagnent sont des gens avec des valeurs sur qui je peux compter : Rudy Jeanne-Rose (entraîneur gardiens U17, PSG), Riffi Mandanda (ancien gardien pro, agent de joueur), Steve Elana (ancien gardien pro, directeur d’une académie de gardiens à Aix-en-Provence). C’est une structure assez stratégique pour donner les moyens aux jeunes quand ils viennent en métropole. Ils peuvent être accompagnés d’un agent, d’une académie et d’un formateur. Le but est d’essayer de sortir de bons gardiens de La Réunion, parce que mentalement on est costauds. Les gardiens on a ce côté revanchard, on a cette opportunité de réussir grâce à notre mental. »
Melvin Adrien, du tac au tac
Photo DR
Meilleur souvenir sportif ?
La CAN 2019
Pire souvenir sportif ?
La non-qualification à la CAN 2021
Combien de clean sheets ?
Ouh là, pas mal (rires)
Plus belle boulette ? Avec Martigues contre Fréjus / Saint-Raphaël en 2018-2019, en N2. Une sortie aérienne, je boxe le ballon et ça tape la tête d’un joueur adverse.
Plus bel arrêt ?
Du bout des doigts dans les prolongations en 8e de finale de la CAN 2019 contre la République Démocratique du Congo.
Avec l’Amiens AC, en CFA (N2), en 2017. Photo Philippe Le Brech
Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
C’était un rêve de gosse.
Ton geste technique préféré ?
Un arrêt main opposée.
Qualités défauts sur un terrain selon toi ?
Je suis charismatique mais vite en colère.
Le club ou l’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
J’en j’en prend dans tous les clubs où je joue.
Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech
Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
L’Olympique de Marseille.
Un match qui t’a marqué ?
Face à la Côte d’Ivoire en qualif CAN 2021.
Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Franck Kessié (Côte d’Ivoire).
Un coéquipier avec qui t’aimerais rejouer ?
Ronny Rodelin (Mouscron D1 Belge)
Un coach que t’aimerais revoir ?
Eric Chelle, que j’ai eu à Martigues et actuel sélectionneur du Mali.
Avec la sélection de Madagascar en 2018. Photo Philippe Le Brech
Une causerie de coach marquante ?
Une causerie de mon coach de La Réunion, Thierry Zitte.
Une anecdote de vestiaire ?
Le vestiaire de Madagascar avant les matchs avec les danses et les chants était animé.
Une devise, un dicton ?
Tant qu’on est en vie, on a toujours de l’espoir.
Termine la phrase, tu es un gardien plutôt…
Complet.
Photo Philippe Le Brech
Un modèle de joueur ?
Steve Mandanda.
Une idole de jeunesse ?
Emmanuel Ledoyen.
Un plat une boisson ?
Rougail morue et cot citron.
Tes loisirs ?
La coiffure et la moto.
Un film culte ?
Never back down.
Dernier match que tu as vu ?
Servette FC contre Glasgow Rangers (qualification LDC)
Thonon Evian Grand Genève en deux mots ?
Ambitieux et professionnel.
Photos Philippe Le BrechPhoto Philippe Le BrechPhoto Philippe Le Brech
Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO
Photos : Philippe Le Bech (sauf mentions spéciales)
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Après huit saisons en National, l’ancien coach de Luçon, des Herbiers et d’Avranches, connu pour son amour du beau jeu, a permis à La Roche-sur-Yon de retrouver, 20 ans après, le N2. Sans jamais se départir de ses principes. Sans jamais renier sa personnalité.
Photo Philippe Le Brech
De Frédéric Reculeau, l’on sait au moins une chose : il ne faut pas compter sur lui pour faire de la « com » ! A l’heure du tout digital, des réseaux sociaux, de l’image et du paraître, cela peut constituer un frein dans une carrière.
L’intéressé, qui ne sera jamais taxé de nomophobie, le confirme et assume. Cela lui a d’ailleurs peut-être coûté un poste en National cet été, où un projet sportif l’intéressait, moins celui de la communication, dont le club voulait faire un axe fort. Et ça, ce n’est pas son truc : « C’est vrai, je ne suis pas très téléphone, pas très média et tout ça, reconnaît-il. Même si je sais très bien que la communication, aujourd’hui, c’est important. Un club de National voulait aussi baser son projet là-dessus : je leur ai dit « attention, je ne suis pas non plus un entraîneur qui communique et s’exprime beaucoup sur les réseaux. J’ai préféré être clair et honnête. Je n’ai pas envie de vendre du rêve. Voilà, le projet m’intéressait, mais cela m’a sans doute coûté la place ».
Esthète et chantre du beau jeu
Photo Philippe Le Brech
Dans l’entretien que le Vendéen – il est né à Fontenay-le-Comte – de 51 ans nous a accordés, Frédéric Reculeau ne fait jamais de com’. L’on comprend très vite que, son truc à lui, l’esthète, le chantre du beau jeu, c’est le terrain, le jeu (si possible bien léché), le ballon.
Après plusieurs semaines de brefs échanges par SMS, le coach, qui avait immédiatement donné son aval pour cet entretien en visio avant d’être plus difficile à joindre (soyons francs, on lui avait dit que ce n’était pas pressé !), évoque le foot en Vendée et à La Roche-sur-Yon bien sûr, son nouveau club, qu’il a fait grimper de N3 en N2 au printemps dernier, un échelon que les habitués du stade Henri-Desgrange n’avaient plus connu des lustres. Depuis 20 ans ! Et encore, l’on ne vous parle pas de l’époque des années 80/90, lorsque la préfecture du 85 avait vu ses deux clubs – Le FC Yonnais et l’AEPB (Amicale des écoles publiques du Bourg-sous-la-Roche) – se croiser en Division 2, avant que le second n’absorbe le premier, pour devenir La Roche Vendée Football en 1989.
Luçon, la révélation
Photo Philippe Le Brech
Frédéric Reculeau revient aussi sur l’épisode douloureux des Herbiers, où il fut limogé en janvier 2018, quatre mois avant ce qui allait devenir l’un des plus grands exploits du foot amateur en coupe de France (le club herbretais, alors en National, s’est hissé jusqu’en finale, battu par le PSG, avant d’être relégué en N2 quatre jours plus tard, lors de l’ultime journée).
Il remue également le douloureux passé avec ce projet de fusion avorté en 2016 entre La Roche-sur-Yon et Luçon, cette petite bourgade de 9500 habitants qu’il avait contribuée, avec son père Michel, président, et ses joueurs, à placer sur la carte de France… Ce même père, au coeur du projet sportif aujourd’hui à La Roche (il est vice-président chargé des seniors) et qui l’a fait venir 2022 pour entraîner la N3.
Mieux encore, le Luçon Vendée Football s’était forgé une sacrée réputation : celle d’une équipe reconnue pour la qualité de son jeu, au point de se voir affûbler du surnom de « Barça du National » par Bruno Luzi, l’ex-entraîneur de Chambly, aujourd’hui en poste à Compiègne en N3.
Cette étiquette, celle d’un entraîneur esthète, qui aime les relances courtes à en mourir, il en parle avec d’autant plus de facilité que c’est son ADN. Sa raison d’entraîner. Reculeau se nourrit de beau jeu et de plaisir, au point de comparer ça à un « délire ». Au point, parfois, d’agacer ses dirigeants, comme son ancien président à Avranches, où il a passé quatre saisons en National. Après une défaite à domicile contre Sedan, en février 2022, voilà ce que Gilbert Guérin avait dit : « notre système de jeu est très ambitieux. Un système de jeu beau à voir et sans doute très efficace quand on est le PSG mais difficile à appliquer à Avranches… ».
Interview
« J’ai haï la télé, la presse, tout le monde… »
Repro 13HF
Frédéric, quand on regarde l’historique agité du foot en Vendée depuis plus de 30 ans, on se croirait dans les Bouches-du-Rhône, non ? La Roche-sur-Yon, ce n’est pas un peu l’OM de l’Ouest ?
(Rires) Oui, c’était un peu ça ! Il y a eu des histoires de clubs en Vendée. Avec Les Herbiers, la notoriété du Puy du fou et un président connu (Philippe de Villiers). Avec Le Poiré-sur-Vie, le président Cougnaud et son entreprise : eux aussi ont loupé de peu l’accession en Ligue 2, comme Luçon, où c’était une une histoire d’hommes, avec mon papa, Michel, président, qui a cru à un projet et qui m’a mis en place comme entraîneur ; ça a pris, on n’est pas passé loin non plus de la Ligue 2. Et il y a eu Fontenay-le-Conte aussi en CFA (N2). C’est vrai que la Vendée est une terre de football, c’est ce qui fait sa force. Sa faiblesse est, peut-être, de ne pas s’être uni à un moment donné pour pouvoir créer quelque chose de fort.
Vous faites référence à la fusion avortée en 2016 entre Luçon et La Roche ?
Oui. Il y a 7 ans, avec Luçon, on a sollicité La Roche-sur-Yon pour se rapprocher parce que le maire de notre commune voyait que le cahier des charges en National devenait très compliqué, entre l’éclairage, la capacité d’accueil, les infrastructures, etc., Elle ne pouvait pas suivre. L’équipe technique de Luçon avait mis en place quelque chose de fort au niveau « sportif », qui fonctionnait bien, mais il manquait la structure et la capacité financière pour relever un défi, celui d’aller chercher le monde pro. On a voulu se rapprocher de La Roche Vendée Football, logiquement, parce que c’est LA ville et le club référence en Vendée, mais on s’est vu opposer un refus de la part des gens en place à La Roche, et qui sont d’ailleurs toujours en place aujourd’hui.
Repro 13HF
Vous parlez du président Christophe Chabot, celui qui, finalement, a fait venir votre papa et vous à La Roche ?
Oui, voilà, donc quand il est venu me chercher il y a un an et demi, c’était nos premiers échanges et forcément je lui en voulais. Parce que j’étais convaincu que, sportivement, l’on pouvait faire quelque chose de fort ensemble à l’époque. Surtout que le refus de se réunir, de mettre en place ce projet, n’avait jamais été clair à l’époque, on n’a jamais vraiment su pourquoi cela ne s’était pas fait, même si je sais que c’est une histoire d’hommes, parce que ça fonctionne comme ça dans le football. Nous, en tout cas, à Luçon, on était habité par ce projet. On était convaincu que c’était la solution. On voulait juste unir nos forces pour que la Vendée ait un club fort. Je lui en ai voulu. Bon, voilà, il m’a soumis ses regrets de ne pas avoir soutenu le truc à l’époque. Là, on essaie de repartir dans un projet vendéen, avec La Roche-sur-Yon. Cela faisait 20 ans que le club attendait de retrouver le National 2. On y est parvenu en un an. Maintenant, la difficulté, c’est de se maintenir, parce que le club est en construction.
« Un des chantiers, c’est le public »
Photo Philippe Le Brech
Ça veut dire quoi, un club en construction ?
Il y a beaucoup de travail. La Roche Vendée Football n’est pas prêt, actuellement, pour aller chercher le haut niveau. Mais le club a un vrai potentiel : il faut juste mettre les choses en place pour l’exploiter. Ici, il y a tout à faire, sans manquer de respect aux personnes qui étaient là avant. On sent une adhésion, une adrénaline qui se met en route. Quand on va voir les jeunes, les matchs, les clubs voisins, on sent une attente. Les gens ont envie de revoir un club vendéen au plus haut niveau. À un moment donné, on a cru que Les Herbiers seraient en capacité de le faire : ils n’ont pas réussi, et aujourd’hui, nous sommes au même niveau qu’eux. Donc on se donne la possibilité de mettre ça en place.
En National 2, vos joueurs s’entraînent le matin, comme en National ?
Oui et c’était ma volonté. La saison précédente (2021-2022), avec Charles Devineau, les joueurs s’entraînaient 3 ou 4 fois par semaine le soir. Moi, j’avais dit au président que, si je venais, je voulais faire mon métier, c’est à dire que l’on réussisse à avoir des joueurs en National 3 à disposition, afin de s’entraîner tous les jours et d’anticiper une éventuelle montée, de manière à ce que personne ne soit surpris en National 2. L’an passé, en N3, j’avais entre 14 et 18 joueurs tous les matins, et le groupe entier avec ceux qui travaillaient, sur un ou deux soirs à 17 heures. Là, cette année, on a mis en place toutes les séances le matin pour se projeter sur quelque fort de fort. Alors oui, on s’entraîne comme en National, mais je sais aussi qu’en N2, même s’il n’en reste pas beaucoup, il y a encore quelques clubs qui s’entraînent le soir.
Le public adhère à La Roche ?
Le gros chantier, c’est le public aussi. Il faut retrouver une adhésion de la part des gens, pour les faire venir au stade. On a fait un petit millier sur nos premiers matchs. Mais par exemple, pour le match de la montée en N2 la saison passée, on a fait entre 4000 et 5000 spectateurs, donc le potentiel est là. Ici, c’est une terre de foot, le club a évolué en Division 2. Maintenant, il faut que les résultats soient là, que le club s’ouvre et inspire la sérénité aussi, parce que ça fait 20 ans que le foot, c’est compliqué à La Roche. Donc il faut remettre pas mal de choses en place. Il y a un vrai travail de fond et on sait bien que cela ne se fera pas en 6 mois. Déjà, il faut se maintenir. Ensuite, essayer d’aller chercher une division supplémentaire, pour faire revenir les gens au stade.
« Avec Stéphane Masala, il n ‘y a pas eu de retour… »
Photo Philippe Le Brech
Avec votre adjoint, Benjamin Guillou, vous avez une histoire en commun…
Oui, j’ai été son coach à Luçon ! « Benji » a ensuite été l’adjoint de Stéphane Masala aux Herbiers. C’est encore une histoire de vie : quand je l’ai appelé, cela n’a pas été simple pour lui. J’étais son coach, alors devenir mon adjoint… Sur l’homme, je n’avais pas de réticence, je le connaissais, je savais comment il était, ses valeurs me correspondaient. Sur la capacité à avoir le même message que le mien et ne pas en passer des différents aux joueurs, sur la même vision du foot, il fallait voir si cela allait fonctionner : très vite, on a compris qu’on pouvait faire des choses ensemble et se mettre au service de l’autre. On n’a pas eu de difficulté à se projeter. Je sais bien qu’il existe des staffs qui ne sont pas forcément en phase, mais pour moi, ce n’est pas possible, je ne le conçois pas. Il me faut quelqu’un en phase avec moi, surtout que je suis un peu « foufou » dans mon approche du foot, je suis quelqu’un d’un peu différent. Donc il fallait que l’adjoint adhère à ça.
Surtout que vous aviez eu l’expérience des Herbiers, avec Stéphane Masala…
Avec « Stef » aussi, on avait la même vision. C’est un garçon qui est venu d’abord en tant que joueur à Luçon et que j’ai tout de suite nommé capitaine. C’était mon relais. Et puis, très vite, le feeling est passé entre nous. On s’est rapproché. On est devenu des amis. En fait, lui n’était pas dans ce football-là : c’est d’ailleurs la différence entre nous. Il arrivait du monde pro, de Reims, et moi je ne connaissais que le monde amateur. Et cette différence, c’est justement ce qui a fait notre force. Avec sa vision très pragmatique du foot et ma vision, mes idées, ça a matché tout de suite et c’est ce qui a fait que l’on a fait de belles choses ensemble, après, il s’est passé ce qui s’est passé…
Photo Philippe Le Brech
Quand vous avez été débarqué des Herbiers, début 2018, le club était déjà qualifié pour les 16es de finale de coupe de France avant d’aller en finale : c’était dur ?
C’était très dur. C’était une période très compliquée. J’ai haï la télé, j’ai haï la presse, j’ai haï tout le monde. Mais je ne me disais pas « Je devrais être là », parce que mon licenciement, je vais être très honnête, je ne dis pas que je méritais ça, mais ce n’était pas anodin non plus, j’avais des problèmes personnels qui m’ont fait prendre des choix. Je n’ai pas délaissé mon métier d’entraîneur mais je sais qu’à un moment donné, j’étais moins dans la qualité parce que j’ai fait un choix de vie d’accompagner des gens… Forcément, ce licenciement… Forcément que j’en veux à … parce que je sais qu’il y a une raison, et avec l’histoire qui s’est passée après, avec la coupe de France, cela a été très compliqué. Avec « Stef » (Stéphane Masala, son adjoint aux Herbiers), on ne s’est pas revu depuis, donc, y’a ça aussi, y’a une histoire de vie, je suis le parrain de sa fille, ce n’est pas rien. C’est le contexte dans son ensemble : la coupe de France bien sûr, mais c’est surtout l’histoire d’hommes qui a été compliquée.
C’est toujours cassé entre vous et Masala ?
(Silence). Ouep… Pour l’instant il n’y a pas eu de retour…
Photo Philippe Le Brech
Après avoir longtemps coaché en National (Luçon, Les Herbiers, Avranches), redescendre en N3 n’a-t-il pas été compliqué ?
Si. Il y a eu des moments de doute. Des moments où je me suis dit « ce n’est pas le même football, ce n’est pas la même vie ». Maintenant, en signant à La Roche, je revenais chez moi, aux Sables (d’Olonne), où j’ai un équilibre de vie, où je revois mes amis, où je revois ma famille, et c’est tout ça qui a compensé au départ. Et puis j’ai eu un groupe de joueurs hyper intéressant en N3, le feeling est passé rapidement. On s’entraînait le matin aussi, donc je faisais mon métier. Bon, c’est vrai que je sortais d’un club très structuré à Avranches et d’un niveau de compétition supérieur, mais le fait est que l’on a pris beaucoup de plaisir la saison passée. On avait ce défi de la montée à relever, je me suis mis ça en tête, et on tous partis là-dedans. Je n’allais pas passer mon temps à regretter mon choix, sinon, on n’aurait pas eu les résultats que l’on a eus. Avec « Benji » (Guillou), c’est vrai que parfois, dans certains stades, ça m’a fait bizarre, mais je savais ou je mettais les pieds, même cela n’a pas été simple les premières semaines. C’est sûr que quand je vois le National cette saison, avec 9 clubs pros, avec Sochaux, Dijon, Nancy, le Red Star, Le Mans, etc., c’est extraordinaire ! On fait ce métier aussi pour ça, pour les ambiances ! Je ne serais pas allé à l’autre bout de la France pour un projet de N3. Je ne l’aurais pas accepté ailleurs qu’en Vendée.
« Parfois, on a pris des tampons avec Luçon »
La particularité de la saison passée en N3, c’était les nombreux derbys aussi…
Pfff… C’était la grande difficulté de ce championnat et c’était aussi ce qui m’avait fait réfléchir, parce que j’avais vu que La Roche avait perdu beaucoup de points dans ces matchs-là auparavant. Cela a été un vrai point de réflexion, car ce sont des choses qui peuvent mettre à mal un projet. Parce que les derbys, on a beau les préparer, on ne les maîtrise pas. Ce sont des matchs différents, avec de la ferveur, et je savais que ces matchs-là allaient être compliqués. Mais voilà, revenir chez moi, face à des clubs vendéens, montrer que mon expérience allait me permettre de contourner cette adversité, que j’étais en capacité de réussir, c’était aussi un challenge pour moi. Heureusement, on y est arrivé !
L’équipe de La Roche Vendée 2022-23, championne de N3. Montage La Roche Vendée Foot
L’an passé, quand La Roche a perdu sa place de leader au profit du FC Challans, à trois journées de la fin, vous avez douté ?
Oui, sûrement, je ne sais plus ! En tout cas, on s’est remis en question. De toute façon, cette place de leader était difficile à tenir toute la saison, sur la durée. On savait très bien que Challans pouvait la récupérer et qu’ils pouvaient se relâcher ensuite, qu’ils n’allaient pas être en capacité d’assumer ce rôle-là, et c’est ce qui s’est passé. J’avais eu ensuite David Fereira, leur coach la saison passée, et il m’a dit « dès qu’on est passé leaders, au premier entraînement qui a suivi, mes garçons n’étaient plus dans le même état ». Mais j’avais pris des joueurs expérimentés, j’avais fait un recrutement par rapport à ça, avec des Romuald Marie, des Jason Buaillon, etc. On savait bien qu’on n’allait pas avoir 10 points d’avance toute la saison, qu’on pouvait se faire doubler mais que, sur l’expérience des joueurs et du staff, on pouvait retrouver cette première place, et c’est ce qui s’est passé. En fait, on avait anticipé le fait que cela puisse arriver. C’est pour ça que l’on n’a pas été perturbé, même si on a eu des doutes. Notre force a été de ne rien lâcher, et on a fait trois gros derniers matchs pour finir la saison, pendant que Challans a perdu quelques points, parce que, justement, la difficulté d’être leader…
« Mr Guérin m’a dit que j’étais têtu et obstiné »
Photo Philippe Le Brech
A l’époque de Luçon, Bruno Luzi, l’entraîneur de Chambly, avait dit de votre équipe qu’elle était « le Barça du National » : est-ce que cela vous a servi ou desservi ?
Cela m’a servi pour ma confiance en moi, pour garder ma projection sur ma vision du football, pour la confiance des joueurs aussi, parce que ça valorisait tout ce que l’on faisait à l’entraînement. C’est vrai qu’à l’époque, vouloir jouer dans l’excès, c’était critiqué : j’ai connu des entraîneurs et des présidents qui m’ont dit que mon football était de l’utopie, un football de rêveur, c’est pour ça qu’avec Luçon, on a raté de peu l’accession en Ligue 2. J’aurais voulu prouver que ce football-là n’était pas juste un football de rêveur. Mais cela nous a desservis face à certaines équipes qui se sont servies de ça, en disant « voilà, vous allez affronter des joueurs qui se prennent pour d’autres ». Quand on se déplaçait, je lisais toujours la même chose dans les journaux, qu’on était le Barça du National : forcément, certains en ont profité pour « monter » leurs joueurs contre nous, et ça nous a desservis sur certains matchs, où on sentait que c’était malsain. Mais nous, on n’avait rien demandé, on ne cherchait pas à avoir une étiquette, on était simplement Luçon, on voulait jouer, prendre du plaisir et gagner nos matchs à travers un projet de jeu, une philosophie. Sur certains matchs, on rentrait dans une opposition qui ressemblait à un conflit, et là, ce n’était plus du foot. C’était un rapport de force. On a pris des vrais tampons et on a passé des matchs pas vraiment sympas où on s’est fait secouer, où on sentait qu’en face, c’était plus une guerre de rivalité. Je ne fais pas du foot pour ça.
Photo Philippe Le Brech
Justement, cette réputation ne vous a-t-elle pas joué des tours ? Votre jeu était connu, au point même de fatiguer votre président, Gilbert Guérin, à Avranches ?
(Rires) Cela a été très compliqué de faire rentrer ce protocole de jeu dans sa tête mais quand il a vu aussi, surtout la deuxième saison, que les joueurs avaient adhéré, que son équipe était mise en avant, il a adhéré au truc, il a senti que ça fonctionnait et quelque part lui aussi s’est senti valorisé. Sur la première année, et sur la troisième année, avec un recrutement basé sur des prêts, ça a moins pris, il y avait moins de talent, il y a eu moins d’adhésion : forcément, là, il y a eu des réticences, le projet avait moins de sens, l’élaboration sur le terrain était moins visible et moins qualitative. C’est pour ça aussi que j’ai changé non pas mon projet de jeu mais mon approche, que j’ai demandé à certains joueurs de prendre moins d’initiative. Mais je sais que la majorité des joueurs que j’ai eus ont adhéré. Je ne suis pas fou non plus : si à un moment donné j’avais vu un vrai rejet de la part de mon équipe, j’aurais adapté mon discours. L’adhésion au projet de jeu, c’est une chose, la capacité à pouvoir le réaliser, c’est autre chose : de temps en temps, c’est vrai que la difficulté était là parce que la qualité des joueurs ne permettait pas de le mettre en avant. Certains présidents m’ont dit, « la patte Reculeau, OK, on en entend parler, mais tu as fait monter combien d’équipes ? » J’en suis conscient. Mon regret, c’est de ne avoir eu une équipe de pros et pour leur démontrer que j’étais capable de faire des choses avec un vrai groupe de qualité, pour leur montrer que ce football là, que ce que je prônais, ma façon de faire, pouvait amener des résultats. J’aurais voulu relever ce défi-là. Je ne suis pas passé loin à Luçon et même à Avranches la deuxième année.
« Je ne suis pas complètement con ! »
Mais votre football n’a-t-il pas ses limites ?
Il s’est passé plein de choses avec ce football-là et il existe à d’autres niveaux et avec plein d’autres entraîneurs. C’est vrai que Monsieur Guérin (président d’Avranches) m’a dit que j’étais têtu, obstiné à vouloir ne pas déroger à mon football, et je lui ai répondu que c’était ce que je faisais de mieux et que je maîtrisais le mieux, et que c’est pour ça que je voulais continuer. J’ai prouvé qu’on pouvait le faire mais comme je le disais, je ne suis pas idiot, de temps en temps je sais m’adapter face à des adversaires, face à des moments de saison où l’on est moins bien, je sais changer de système ou d’animation, je ne suis pas complètement « con » !
Photo Philippe Le Brech
Avec votre style, une équipe de National peut monter en L2 ?
Les équipes qui sont montées dernièrement, Rodez, Pau, avaient pour beaucoup d’entre elles un système à 5 derrière, et jouaient en 5-3-2 ou 3-5-2, ou 5-4-1. Elles étaient hyper rugueuses défensivement, rigoureuses, disciplinées… Alors c’est vrai, il y a très peu d’équipes joueuses qui montent, même s’il y a beaucoup d’entraîneurs qui ont envie de jouer. De tout cela, j’en était conscient. C’est pour ça, je me répète, que si j’avais eu des joueurs d’un vrai bon niveau, profilé, avec une vraie construction de groupe, un club plus structuré, avec plus de moyens, j’aurais eu des possibilités. On a prouvé avec des clubs comme Avranches, Les Herbiers ou Luçon qu’on pouvait le faire, qu’on n’était pas loin. Mais si on est frileux, et qu’on dit « je vais essayer pour voir », c’est sûr que là, c’est voué à l’échec. Si l’on est complètement investi, habité par son projet et que l’on y croit, on peut réussir. J’aurais voulu tenter ce pari-là. En National, c’est vrai que l’on dit que, soit on a une équipe joueuse avec un vrai potentiel de joueurs, et là, on peut jouer, mais que si on essaie de jouer mais que l’on est une équipe moyenne, alors, face aux équipes mieux disciplinées et hyper structurées, ça ne passe pas. Moi, il m’a manqué une structure complète pour pouvoir jouer le haut de tableau et imposer un fort projet de jeu.
Photo La Roche Vendée Football
Entraîner en pro, vous pensez que cela vous arrivera ?
Ce n’est pas une ambition. J’ai 51 ans. Je sais que cela peut encore se faire. A Nantes, ou ailleurs, je n’y suis pas allé par réflexion, par choix, par crainte aussi. Si je n’y vais pas, je ne me lamenterai pas sur mon sort.
Vous pensez que c’est plus difficile pour un coach comme vous, de toucher le monde pro ?
Par expérience, je vois que ceux qui y sont allés, ce sont ceux qui sont montés avec leur club, je pense aux Nicolas Usaï, Hervé Della Maggiore, par exemple, qui sont montés avec leurs clubs amateurs, de National en Ligue 2. Ils ont pu profiter de leur dynamique de de l’ascension de leur club, et c’est logique, car ils ont fait du bon travail. J’aurais peut-être pu avoir cette opportunité avec Avranches lors de ma 2e année là-bas, quand la Covid a stoppé la saison, mais je sais très bien qu’un club pro qui vient chercher un entraîneur amateur avec un CV « vide » de toute expérience dans le monde professionnel, c’est plus compliqué. J’en suis conscient.
Pourtant, en 2017, vous avez failli partir à Nantes : pourquoi est-ce que cela ne s’est pas fait ?
Nantes, ce n’était pas pour prendre les pros, mais l’équipe réserve. Je pense que j’aurais dû passer le cap, oui. On était deux à décider, avec « Stef » (Stéphane) Masala, mais bon, c’est comme ça. C’est un regret. Je suis resté aux Herbiers. Après, je ne dis pas ça parce que cela s’est mal passé ensuite aux Herbiers. C’est juste que c’était une vraie opportunité d’intégrer un club pro, de continuer mon apprentissage. Peut-être que cela m’aurait permis de faire évoluer ma carrière différemment. Mais ce n’est pas un regret dans le sens « carriériste », car je ne suis pas carriériste.
Frédéric Reculeau, du tac au tac
« Entraîneur, cela a toujours été une vocation »
Avec le président Christophe Chabot. Photo La Roche Vendée Football
Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Le 16e de finale de coupe de France à La Beaujoire avec le Vendée Luçon football, contre Lyon (en janvier 2012).
Pire souvenir ?
Une blessure, quand j’étais joueur, à Luçon, en 32e de finale de coupe de France, contre le PSG, après un choc au ménisque au bout de 13 minutes.
La saison où vous avez pris le plus de plaisir sur un banc d’entraîneur ?
Quand on est monté de CFA en National avec Luçon. C’était une saison particulière. Je n’ai pas l’année, désolé (en 2013, Ndlr) !
Inversement, la saison où vous avez pris le moins de plaisir ?
C’est quand j’étais joueur à Luçon, quand j’ai vécu une descente, c’était compliqué là.
Un match référence avec vous sur le banc ?
J’ai pris beaucoup de plaisir avec toutes les équipes que j’ai dirigées, aux Herbiers aussi où j’ai fait deux 1/16es de finale de coupe de France même si ça s’est mal passé ensuite, on a éliminé deux équipes de Ligue 2 la première année. Quand j’ai été licencié, on était encore en 16e, mais je n’ai pas de match référence. Ma référence, c’était mon football et mon projet de jeu à travers l’équipe et les joueurs que j’avais au quotidien.
L’adjoint, Benjamin Guillou. Photo La Roche Vendée Football
Une erreur de casting dans votre carrière de coach ?
Oui, celle de ne pas accepter des clubs, par crainte, ou bien parce que je ne voulais pas sortir de ma zone de confort. A un moment, j’aurais peut-être dû y aller… Comme à Nantes.
Le club où vous rêveriez d’entraîner, dans vos rêves les plus fous ?
Honnêtement, je garde les pieds sur terre, je n’ai pas de folie comme ça ! C’est de l’utopie. Mais je suis admiratif, bien sûr, de certains clubs.
Un modèle de coach ?
Guardiola pour son football et Ancelotti pour son charisme. Ce sont deux coachs qui me parlent.
Meilleur joueur entraîné ?
(Rires !) Je vais mettre le feu là (rires) ! Le dernier, c’est « Azz » (Azzedine) Ounahi (OM), forcément, avec Avranches, j’ai eu plein de joueurs talentueux, avec des profils différents, Mohamed Larbi aussi, ce sont surtout des garçons qui ont pris leur saison à Avranches ou à Luçon comme un tremplin pour repartir vers le monde pro.
Lors du dernier match face à Saumur. Photo La Roche Vendée Football
Pourquoi avez-vous choisi d’être entraîneur ?
Cela a toujours été une vocation. Dès mes 14 ou 15 ans, j’étais éducateur, accompagnant. J’avais cette volonté de vouloir entraîner. À 16 ou 17 ans, j’encadrais des équipes de jeunes. C’était une logique de vie.
Un coach marquant ?
Oui, Vincent Bracigliano, qui a fait une pige à Luçon. J’étais impressionné par son charisme, sa sérénité et sa façon de voir le football. J’en ai beaucoup qui m’ont inspiré mais c’est vrai que lui, j’aimais sa façon d’être posé, de parler aux joueurs, de faire passer des messages. Vincent m’a marqué.
Un coach perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
Vincent, justement ! Faire un repas avec lui, ce serait l’occasion de ressasser pas mal de souvenirs, ce serait agréable de parler football et de passer du temps avec lui.
Un coach que vous n’avez pas envie de croiser ?
Ah ! Si je le dis, là, je vais mettre le feu. Il est à Luçon, je le croise le moins possible… Je n’ai pas envie de le voir.
Lors de la victoire inaugurale face à Bourges, cette saison, en N2. Photo La Roche Vendée Football
Combien d’amis entraîneurs ?
J’entretiens des relations avec quelques-uns que j’ai côtoyés en National, ceux que j’ai côtoyés au BEPF aussi et qui m’ont beaucoup appris et aidé, mais ce sont des « connaissances football », je ne peux pas parler d’amis. J’ai beaucoup de respect pour eux, pour un garçon aussi comme Mickaël Landreau. Je suis capable de prendre mon téléphone, de l’appeler en cas de besoin ou autre, je sais qu’il sera toujours bienveillant à mon égard.
Un style de jeu ?
J’aspire à avoir une équipe joueuse. À Luçon, je sais que l’on avait atteint un niveau de jeu et une étiquette qui me collaient parfaitement. Qui me correspondaient. Avec les joueurs, on était arrivés à aller chercher un plaisir « hors norme ». On avait la volonté et la capacité de vouloir donner du plaisir aux spectateurs. Et ça embêtait nos adversaires. On était rentré dans un délire peut-être excessif, d’ailleurs, certaines personnes jugeaient notre football un peu provocateur, mais ce n’était pas de la provocation, mais simplement une envie d’éclater. On a su faire parler de nous par rapport à ça, on a fait de belles choses et j’en suis assez fier, parce qu’emmener une équipe de 20 ou 25 joueurs à suivre son entraîneur dans ce délire-là, ce n’est pas simple. C’était un vrai plaisir.
Un adversaire qui vous a impressionné ?
Avec Luçon, en National, je me souviens de certaines équipes comme Strasbourg, Amiens aussi, c’étaient des machines, construites pour monter en Ligue 2. On rivalisait mais on sentait malgré tout que cela restait des poids lourds.
Un président marquant ? Non. J’ai beaucoup de respect pour les présidents que j’ai côtoyés. J’ai ce respect de la hiérarchie. Pour moi, cela reste des patrons, avec leurs qualités et leurs défauts. Je les apprécie. Après, je n’ai pas eu beaucoup de présidents, le tour est vite fait ! J’ai eu mon père donc… J’ai gardé des relations avec le président d’Avranches, Gilbert Guérin. Forcément, avec celui des Herbiers de l’époque (Michel Landreau), avec un licenciement au bout, c’est plus dur de garder des relations…
Le joueur ou l’entraîneur le plus connu de votre répertoire téléphonique ?
David Bettoni, que j’ai connu au BEPF, qui était l’adjoint de Zidane au Real Madrid, Mickaël Landreau donc… En joueurs, Azz (Ounahi), Ludo Ajorque, et d’autres.
Votre meilleure recrue, c’était qui ?
Par rapport à mon cursus, j’ai toujours eu des clubs avec des fonctionnement entre guillemets « de clubs amateurs moyens ». On faisait du bricolage, des coups, des paris, comme avec « Momo » Larbi, des prêts, comme Youssef Maziz de Metz, « Azz » de Strasbourg, Ludo Ajorque d’Angers, etc. On était des clubs tremplins pour eux. Par rapport au football proposé, cela leur permettait de rebondir, de se relever ou de continuer leur ascension. Ce sont plus des paris qui ont fonctionné que des recrutements.
Une bonne causerie, elle dure combien de temps ?
Malheureusement les miennes sont longues. Parce que je suis habité par mes causeries. Je vais être très pragmatique, entre 10 et 12 minutes, c’est ce qu’on dit dans les livres, moins de 5 minutes pour une petite causerie, mais c’est vrai que généralement, les miennes font plus de 15 minutes.
Lors de la reprise de la saison 2023-24, en N2. Photo La Roche Vendée Football.
Une devise ?
J’en ai une qui ne plaît pas aux joueurs : on joue comme on s’entraîne. Il y a des joueurs qui ne l’acceptent pas. Je déteste entendre « Je suis un joueur de match ». Je m’appuie beaucoup là-dessus car je crois à ça, même si ce n’est pas une vérité. Je fais même beaucoup de retours auprès des joueurs, quand je sens qu’il y a un relâchement, pour leur faire comprendre qu’il faut s’entraîner et s’investir. Des joueurs d’entraînement ? Oui, ça existe, après, peut-être que ceux-là manquent de confiance et n’arrivent pas à se libérer en match. J’ai envie de leur faire comprendre que ce n’est pas une vérité. Il faut bien s’entraîner. Si un garçon pense qu’en s’entraînant moins il sera meilleur en match, non : s’il ne travaille pas la semaine, il sera capable d’être performant certes sur quelques matchs mais pas sur la durée. Ce ne sera pas viable. Il faut habituer son corps à travailler, à s’investir.
Un sportif de haut niveau que vous admirez ?
Je suis branché sport collectif, ou tennis, alors c’est plutôt un sportif ou une équipe qui fait l’actualité, quand ils brillent. Forcément que la coupe du Monde rugby, ça me plaît, Dupont est un joueur hors-norme qui me fascine, mais je suis un spectateur lambda, qui suit l’actu, qui aime bien suivre nos champions Français, au Tour de France, à Roland-Garros.
Un match de foot de légende ?
Je ne sais pas pourquoi, le match France – Allemagne 1982, en demi-finale de la Coupe du monde, m’a marqué, avec ces images de Battiston et Schumacher, ce scénario… Bien sûr, il pourrait y avoir des match beaucoup plus récents, avec le Barça de Xavi, Iniesta et Messi, qui m’a fait dresser les poils, mais c’est comme ça, ce match-là revient régulièrement dans ma tête, alors que j’avais 10 ans, et que je ne suivais pas cette équipe…
Un joueur de légende ?
C’est Maradona.
Le joueur de légende de La Roche-sur-Yon ?
Petit, même si je n’étais pas loin, à 30 kilomètres seulement de La Roche-sur-Yon, je ne suivais pas trop cette équipe. Mais c’était Abdou Founini, je ne l’ai pas vu jouer souvent mais voilà, longiligne, technicien, le genre de joueur qui me plaisait. Mon papa m’emmenait à Nantes, à Saupin (stade Marcel-Saupin), c’est pour ça que j’ai toujours été proche de Nantes.
Vos passions en dehors du foot ?
Je suis très famille. Je suis papy de deux petits enfants.
Vous avez été papa à 20 ans ?
Oui, j’ai connu mon épouse quand j’avais 17 ans, et très rapidement je lui ai demandé que l’on se marie et que l’on ait des enfants. Je n’avais pas tout à fait 20 ans, oui. C’était une volonté. Je voulais vivre avec mes enfants, profiter d’eux.
Choisissez un stade : Jean-de-Mouzon (Luçon), Massabielle (Les Herbiers), Henri-Degrange (La Roche) ou René-Fenouillère (Avranches) ? De Mouzon.
Terminez la phrase : La Roche Vendée est un club ….?
En construction.
Vos qualités de défauts ?
Je suis quelqu’un de compliqué, qui garde beaucoup les choses pour moi, qui n’échange pas beaucoup même si maintenant je le fais un peu plus. J’ai la capacité à m’ouvrir mais aussi à me fermer. Après, je suis honnête, généreux, compréhensif. Mais je n’aime pas l’hypocrisie et les menteurs : avec moi, il faut que cela soit très clair, c’est pour ça que je vous dis, dans le football, je ne m’y retrouve pas trop, et c’est peut-être aussi pour ça que le monde pro ne me manque pas trop, parce que je sais que dans ce monde-là, il faut être en capacité d’avaler beaucoup de couleuvres, de faire passer beaucoup de messages qui ne sont pas forcément vrais ou honnêtes, et ça ne me correspond pas. Je ne suis peut-être pas en phase avec tout ça.
Le milieu du foot, en deux mots ?
Compliqué. Pas honnête. C’est mon côté pessimiste qui ressort là.
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions)
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C’est l’une des principales victimes de la liquidation judiciaire de l’AS Poissy (National 2), lâchée par sa mairie qui a recréé un nouveau club reparti en 1re division de district seniors. Resté jusqu’au bout malgré d’autres propositions, l’entraineur de 45 ans se retrouve aujourd’hui sans club.
En 2022, avec l’AS Poissy. Photo Philippe Le Brech
À 45 ans, pour la première fois de sa carrière de joueur et d’entraîneur, Walid Aïchour se retrouve au chômage après la liquidation de l’AS Poissy le 4 août dernier, suite à son exclusion des championnats nationaux par la DNCG.
Proche de ses amis du club d’Aubervilliers (N2), il attend « patiemment » un nouveau projet : « J’ai plus de temps pour ma famille et je vais aussi voir des matchs et des entraînements en région parisienne, explique-t-il. Cette période me permet de bien récupérer et de souffler, car l’année a été éprouvante avec beaucoup de péripéties en interne, jusqu’à cette disparition de l’AS Poissy. »
Après une carrière pro pas vraiment programmée qui l’a mené d’Auxerre à Rouen, en passant par le Red Star, Noisy-le-Sec, Istres et Cannes, le petit milieu offensif (1,71m) a vite retrouvé le milieu amateur à Blois et à Viry-Châtillon où il entamé sa reconversion comme entraîneur.
Pour 13HeuresFoot, il est longuement revenu sur son riche parcours de joueur et d’entraîneur.
« Être footballeur pro n’a jamais été une vocation »
En 2022, avec l’AS Poissy. Photo Philippe Le Brech
Tout a commencé pour lui en Seine-Saint-Denis à Villepinte et à Tremblay-en-France. Il a 19 ans et évolue en première division de district quand il est recruté par Auxerre (Ligue 1). « Je n’ai jamais voulu être pro, ce n’était pas une vocation, avoue-t-il. Auxerre, c’est un peu tombé du ciel, je ne sais pas comment j’ai fait pour arriver là-bas… Un de mes dirigeants à Tremblay connaissait Guy Roux. Il m’a fait venir pour trois jours, j’y suis resté un an. Dès mon arrivée, j’ai rejoint le groupe pro et participé au stage de préparation en Suisse. Sur le plan football, tout se passait bien. »
Mais en dehors, son quotidien est plus compliqué. « Au bout de deux jours, je voulais déjà rentrer, explique-t-il. Il a fallu que des gars de Tremblay viennent se relayer auprès de moi pour me persuader de rester. » À l’AJA, il évolue en réserve (CFA) et rencontre Antoine Sibierski, qui est resté l’un de ses meilleurs amis. « A la fin de la saison, Auxerre m’a proposé de prolonger pour un an mais je voulais rentrer en région parisienne. »
En 1998, le milieu offensif signe au Red Star où il a alterné entre l’équipe première, descendue en National et la réserve (CFA2). Après trois saisons à Saint-Ouen, il rejoint un autre club du 9-3, Noisy-le-Sec, où il explose en National. C’est là qu’Istres, alors en Ligue 2, vient le chercher. En une saison et demie, il dispute 35 matchs de L2 avant de rejoindre Cannes à la trêve de janvier 2004. Il passe ensuite une saison en National à Rouen avant de signer à Blois (CFA). « A 28 ans, je suis revenu dans le monde amateur. J’aurais peut-être pu me donner les moyens et être plus ambitieux. Mais j’étais déjà satisfait d’être à ce niveau-là. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais voulu être pro. Je n’ai donc aucun regret. Aller à Viry, c’était un choix de ma part. »
« À Viry, on a réussi de belles choses avec pas grand-chose »
Avec Viry-Châtillon, en coupe de France. Photo Philippe Le Brech
Son retour en région parisienne dans le club de l’Essonne en 2007 s’est en effet avéré décisif pour la suite de sa carrière. Lors de sa première saison, Viry-Châtillon monte en CFA. Avec 63 buts marqués en cinq saisons en CFA, Aïchour est le capitaine et le guide de l’équipe du 91. Progressivement, son rôle s’élargit et il devient entraineur-joueur. « À Tremblay et Villepinte, j’entraînais déjà les jeunes. J’ai commencé à passer mes diplômes quand j’avais 15 ans. Devenir entraîneur était donc une suite logique. Mais pour être sincère, je n’avais jamais rien fait d’autre dans ma vie à part livreur de pizzas quand je jouais à Tremblay ! »
Pourtant, Aïchour reconnaît « avoir une mentalité qui se rapproche davantage des sports de combats que du foot ». Pendant deux ans, quand il était plus jeune, il avait d’ailleurs arrêté le foot pour pratiquer la boxe thaï. « J’aime les sports de combats et les pratiquer. Je m’y retrouve davantage. Le foot, c’est malsain, individualiste. C’est le plus individualiste des sports collectifs. A mes yeux, les sports de combats sont plus collectifs. Il y a le boxeur avec une équipe autour de lui. Quand il perd, il est aussi déçu pour eux. Au foot, on a tendance à penser d’abord à soi. »
En 2021, avec l’AS Poissy. Photo Philippe Le Brech
À Viry, Aïchour a inculqué ses principes collectifs avec une certaine réussite. « On a réussi de belles choses avec pas grand-chose. Humainement et professionnellement, j’ai beaucoup appris. » Le club est néanmoins dans le collimateur de la DNCG qui lui retire des points chaque saison avant de le rétrograder en DH (Régional 1) en 2018. « Au niveau budget, Viry n’avait pas forcément sa place en N2. C’était certain qu’on allait plonger…»
Malgré cette rétrogradation, il a continué. « C’était la volonté de mon président Pascal Mazeau qui m’avait demandé de rester pour reconstruire. C’est lui qui m’avait donné ma chance. J’ai eu des contacts pour partir mais je suis resté à Viry par reconnaissance. »
Si Walid Aïchour n’a pas réussi à faire remonter le club en N3, il a emmené sa très jeune équipe en 16e de finale de la Coupe de France en janvier 2019. Après avoir réussi un exploit majuscule en éliminant Angers (L1) qui évoluait donc cinq divisions au-dessus grâce à un but de Mahamadou Sacko (51e), Viry était tombé au tour suivant face à une autre équipe de L1, Caen (0-6).
« À Poissy, je me voyais travailler sur la durée »
La photo collector en 2022 avec Karl Olive, l’ancien maire et président de Poissy, aujourd’hui député, et le président Olivier Szewczuk. Photo Philippe Le Brech
Après 14 ans comme joueur puis coach à Viry, un record de longévité, il répond à l’appel d’Olivier Szewczuk, président de Poissy (N2), en octobre 2020. Dirigée alors par Laurent Fournier, l’équipe était dernière de son groupe. Mais lors de sa première saison, il n’a pu diriger aucun match.
« L’arrêt du covid a finalement été un mal pour un bien. Quand je suis arrivé, l’équipe comptait 9 défaites et un nul. Cela aurait été compliqué de s’en sortir. Cette saison sans match m’a permis de prendre mes marques car il y avait tout un état d’esprit à changer. Poissy était ambitieux, avec des moyens supérieurs à ceux que j’avais connus à Viry même s’ils étaient en baisse. Il y avait tout pour réussir. Je me voyais, rester et travailler sur la durée. »
En 2021, avec l’AS Poissy. Photo Philippe Le Brech
Mais après deux bonnes saisons en N2 (12e et 6e), tout s’est donc arrêté cet été. L’AS Poissy a été liquidé et lâché par sa mairie qui a recréé un nouveau club, le Poissy FC, reparti en 1ère division de district pour son équipe première. Walid, qui avait deux ans de contrat se retrouve au chômage. Au mois de juin, il avait reçu deux propositions de clubs de N2, l’un en région parisienne et l’autre en province. Mais il les a déclinées.
« Je pensais qu’avec l’arrivée du repreneur, on allait s’en sortir. Moi, j’ai des principes et des valeurs, je ne quitte pas un navire tant qu’il n’a pas coulé. J’avais fait pareil à Viry. Je n’ai pas la mémoire courte. Je vais au bout avec les gens qui m’ont fait confiance », expliquait-il récemment dans les colonnes du Parisien où il donné sa version des événements sans mâcher ses mots. « Je ne suis pas un gestionnaire, je suis un entraîneur de foot donc je reste à ma place et je ne mets pas le nez dans le financier. J’ai subi cette situation. Sportivement, les feux étaient au vert. Mais on a nous a coupés dans notre élan. Il y a eu un mélange d’incompétence et de choses malsaines qui se sont passées en interne. C’est la première fois que je vois un club de N2 liquidé pour 200 000 euros. » Dans le Parisien, il est également revenu sur la perte de 7 points sur tapis vert pour défaut de tampon d’un médecin sur deux licences de joueurs de N2. « On n’est pas dupe. La Ligue de Paris ne reçoit pas de coup de fil par hasard, comme ça… ».
Il a aussi pointé le rôle de la mairie. « Je suis atterré par la communication de la mairie de Poissy. J’ai lu ce qu’avait dit la maire. C’est faux et ce n’est pas bien de mentir aux gens. La mairie savait qu’il y avait trois repreneurs potentiels, dès janvier pour l’un, en avril et en mai pour les autres. La mairie n’a jamais voulu les rencontrer. Un des repreneurs avait également envoyé un mail à Karl Olive (député et ancien maire et président de Poissy). Il n’a jamais eu de réponse. Si on se refait le film, on se dit que tout cela était déjà programmé. On ne refait pas une nouvelle structure en claquant des doigts. Depuis longtemps, ils avaient autre chose en tête. »
« Ça ne me dérangerait pas de partir en Province »
Photo Philippe Le Brech
Malgré ces derniers mois éprouvants, il aspire désormais à avancer. « Je me suis exprimé dans le Parisien car il me semblait important de donner ma version des faits. Mais je ne suis pas du tout aigri ni abattu. C’est juste une épreuve professionnelle à surmonter. Ce n’est pas grand-chose. Le plus important, c’est que ma famille et moi soient en bonne santé. Le reste… Dans la vie, tout ce qui nous arrive n’est pas le fruit du hasard. Pour avancer, il faut toujours prendre les choses positivement. Comme disait Nelson Mandela : Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends… Mentalement, je n’ai aucun souci. Je suis costaud. Je me sens prêt à vite rebondir. Je peux aller n’importe où mais ce sera toujours un projet au service et dans l’intérêt du collectif. »
Pour cela, il est prêt à partir en Province. « Je suis Parisien et je me sens bien ici. Mais cela ne me dérangerait pas de partir. Beaucoup pensent qu’un entraîneur parisien ne peut pas réussir en Province. Je ne suis pas d’accord. C’est étonnant que des Abdellah Mourine ou Malik Hebbar, des entraîneurs compétents, qui ont eu des résultats avec peu de moyens à Aubervilliers et Drancy, n’aient pas pu rebondir et qu’aucun club en dehors de Paris n’ait fait appel à eux. En région parisienne, on doit travailler un peu plus la gestion humaine, on apprend beaucoup plus vite et ça nous donne un vrai bagage. Tout ça, on est capable de l’exporter ailleurs »
Walid Aïchour, du tac au tac
Le joueur
En 2019, avec Viry-Châtillon. Photo Philippe Le Brech
Votre meilleur souvenir ?
Mon but à Troyes (30 août 2003) avec Istres en L2. A ce moment-là, j’étais un peu en instance de départ, le président voulait recruter un joueur à mon poste. Il était pour que je parte. Le coach Mécha Bazdarevic non. Mais avec ce but, c’était fini, je suis resté à Istres.
Votre pire souvenir ?
Ma blessure, une pubalgie, à Rouen. La seule de ma carrière mais qui est arrivée au pire moment. C’était la fin de saison et du coup, je suis resté un peu sur le carreau.
Votre plus beau but ?
Un but lors de ma première saison avec Viry. C’était en N3 à Dreux. Je mets un piqué pied gauche à l’entrée de la surface dans un angle impossible. Il n’y avait que ce geste à faire et derrière on gagne le match.
Votre geste technique préféré ?
J’en avais deux : le double-contact et la semelle-petit pont en me mettant dos au joueur. Ça passait presque tout le temps. La semelle-petit pont, c’était un geste qu’il fallait faire avec malice, cacher le geste jusqu’au dernier moment, faire croire au joueur qu’il avait le ballon et l’emmener… Au final, c’était efficace car tu éliminais le joueur, le temps qu’il se retourne, toi tu étais déjà parti. Je faisais déjà ça au city-stade dans mon quartier et même en L2, ça passait encore !
L’adversaire le plus fort que vous avez rencontré ?
Achille Emana, l’ancien milieu de Toulouse. Je l’ai affronté deux années de suite, en National avec Noisy-le-Sec puis en L2 avec Istres. Il avait une puissance incroyable. Je me souviens qu’à Istres, mon latéral gauche Christophe Dumolin l’avait accroché à la taille mais il continuait à courir. Il allait plus vite que les autres défenseurs même avec Dumolin accroché à sa taille !
Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Laurent Courtois à Istres. Un joueur exceptionnel qui n’a jamais été reconnu à sa juste valeur. Je l’ai vu faire la misère à beaucoup de joueurs. Je dirais aussi Xavier Gravelaine, également à Istres, mais c’est diffèrent car il était déjà connu. A l’entraînement, on ne le voyait pas trop mais en match, il était très fort.
L’entraîneur qui vous a marqué ?
Patrice Lecornu au Red Star. Il était très exigeant. On avait l’impression qu’il n’était pas très sympathique mais au fond il était adorable et nous faisait beaucoup progresser. J’ai bien aimé aussi Mécha Bazdarevic à Istres. Quand il est arrivé, il a repris le même effectif qui s’était sauvé de peu la saison précédente et il l’a fait monter en L1.
L’entraineur avec lequel cela s’est moins bien passé ?
Pierre Repellini au Red Star. J’avais le sentiment qu’il ne m’appréciait pas trop. J’avais fini meilleur buteur de la réserve la saison précédente avec 20 buts et 10 passes décisives. Tout le monde avait signé pro et moi, on ne m’a pas proposé de contrat alors que je jouais milieu et j’avais des « stats » supérieures aux attaquants. C’est venu de Repellini. Quand il est parti, Jean-Luc Girard m’a fait jouer en National, pareil avec Jacky Lemée. Mais quand Repellini est revenu au Red Star, il m’a enlevé de nouveau. Il est à l’UNECATEF (le syndicat des entraineurs) maintenant, mais on n’a jamais reparlé de cette période.
Les présidents qui vous ont marqué ?
A Cannes, Marcel Salerno. Un vrai personnage mais humainement attachant. Et forcément à Viry, Pascal Mazeau qui m’a donné ma chance en tant qu’entraîneur.
Le club où vous regrettez d’avoir signé ?
Le seul regret que j’ai, c’est peut-être d’être allé à Cannes à la trêve en janvier 2004. On était premier en L2 avec Istres, j’étais toujours dans le groupe et parfois titulaire. Mécha Bazdarevic voulait me garder absolument. Mais je voulais prolonger mon contrat à Istres, ça n’avançait pas et sur un coup de tête, je me suis engagé à Cannes. J’ai ce regret de ne pas être allé au bout avec Istres. J’aurais peut-être pu découvrir la L1.
La saison où vous vous êtes senti le mieux ?
Avec Tremblay en 1ère division de district. J’avais 18 ans, j’étais surclassé en seniors. Le stade était plein, il y avait tous tes potes de la cité, des familles entières qui venaient. Une ambiance exceptionnelle à chaque match. Je découvrais le monde des seniors. Cette saison m’a marquée, il y n’y avait que des anciens avec moi.
Un stade ?
Geoffroy-Guichard. J’y ai joué deux fois avec Istres. Une fois 0-0 et l’autre fois on a pris 3-0 sur un triplé du Brésilien Alex. On avait pris le bouillon mais une ambiance de folie !
L’entraîneur Votre meilleur souvenir ?
Avec Viry quand on élimine Angers en 32es de finale de la Coupe de France en 2019. On était mauvais en R1, j’avais une équipe en reconstruction avec des jeunes, des joueurs qui n’avaient pas joué depuis longtemps. Ce qu’on a réussi, c’était impensable en fait. Un truc incroyable.
Votre pire souvenir ?
La fin avec Poissy. J’avais une autre fin en tête. Terminer de cette manière une telle saison, je n’y ai jamais pensé, même dans mes pires cauchemars.
Un modèle chez les coachs ?
Je prends de tout le monde. Mais une chose m’a marqué chez un entraîneur en particulier. C’était en demi-finale de la Ligue des Champions. Son équipe menait 2-0 mais était archi-dominée. Il a décidé de faire sortir deux joueurs à vocation offensive pour en faire rentrer deux à vocation offensive. A sa place, beaucoup d’entraîneur auraient décidé de renforcer son équipe défensivement. Mais ses changements, ont changé le cours du match. Son équipe a marqué le but du 3-0. Cet entraineur, c’était Zidane dans un match du Real Madrid. Ce jour-là, il a montré que ce n’était pas seulement un joueur exceptionnel, mais aussi un entraîneur exceptionnel.
Vous êtes un grand consommateur de foot ?
Je regarde tout : L1, L2, étranger, National et le N2… Je me couche très tard, je ne dors pas beaucoup. Il faut bien que je m’occupe. Mais c’est aussi enrichissant, ça permet d’emmagasiner des choses. Je peux voir le départ d’une action et savoir déjà comme elle se terminera. Depuis que je suis entraineur, je regarde les matchs d’un autre œil, de manière collective, en me disant aussi ce que moi j’aurais pu faire pour résoudre une problématique tactique. En revanche, je ne vais pas trop au stade en région parisienne. Je suis discret, ce n’est pas mon truc de montrer ma tête. Je n’ai jamais su me vendre.
Vous êtes un entraîneur plutôt..
Juste me paraît être le bon terme. Je sais être dur quand il le faut et doux si c’est nécessaire. Il faut savoir s’adapter à chaque situation et aux personnalités. Le coaching, c’est de la gestion humaine. Si tu gueules sur certains, tu sais que tu vas les perdre. D’autres, en revanche, ça va les booster. J’estime que si un joueur ne progresse pas, il pénalisera l’équipe car il ne le fera pas progresser.
Une causerie marquante ?
Celle à la mi-temps du match de Coupe de France contre Angers. Mon discours a été tout autre que celui avant le match. Bien sûr que tu prépares le match, tu conditionnes tes joueurs mais tu sais que tu es à des années lumières d’une équipe de L1. Tu espères déjà ne pas être ridicule. Mais on était arrivé à 0-0 à la mi-temps. J’ai dit à mes joueurs : « Tous les doutes que vous aviez au début du match, maintenant, c’est Angers qui les ont. Vous êtes devant les 45 minutes de votre vie. Si vous voulez marquer votre histoire dans le foot, c’est aujourd’hui…» Mes joueurs ont été réceptifs. On marque à la 50e, et on a tenu jusqu’au bout et les 7 minutes d’arrêt de jeu. En face, c’était la vraie équipe d’Angers, pas les remplaçants.
Des joueurs marquants, que vous avez réussi à emmener plus haut ?
J’ai deux exemples. D’abord Cheikh Touré qui a signé cette saison à Nancy en National. Je l’ai pris au-dessous en district et je l’ai lancé en N2 à Viry. La saison dernière, il a marqué 21 buts avec Poissy, ce qui lui a permis de jouer plus haut. L’autre, c’est Samba Dembélé qui joue à Chambly (N2). Je l’ai aussi lancé à Viry puis je l’ai retrouvé à Poissy. A 18 ans, il était déjà aussi fort qu’à 25 ans. Lui aurait pu finir plus haut. Pour moi, c’est un mystère qu’il soit passé à travers les radars. Si j’étais un entraîneur de Ligue 2, je le prendrais tous les jours.
Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis très famille. Je m’occupe de mes trois enfants. Après, j’ai mes potes dans le foot, Antoine Sibierski dont je suis proche depuis Auxerre. En région parisienne, je suis aussi très proches de plusieurs entraîneurs comme Rachid Youcef (Aubervilliers), Ismaël Badaoui (Sartrouville), Karim Ziani, Abdellah Mourine, Malik Hebbar… On se voit en dehors du foot. Il y a aussi le comédien et comique Booder, qui nous a toujours suivi.
Joueur avec Viry-Châtillon, ici en 2012. Photo Philippe Le BrechJoueur avec Viry-Châtillon, ici en 2008. Photo Philippe Le Brech