Quand il a vu que son CV avait été partagé sur le réseau social par l’épouse du président de l’association des Herbiers, le coach passé par l’équipe II du Stade Brestois est entré en contact avec elle. Aujourd’hui, il est en tête de sa poule, en National 2, avec son nouveau club, à qui il impose un style offensif !

Photo Philippe Le Brech

Pour sa première expérience d’entraîneur en seniors, Laurent David fait assez fort : il est actuellement en tête du groupe D de National 2 avec son nouveau club, Les Herbiers.

Arrivé cet été dans le club finaliste de la Coupe de France 2017 contre le PSG, l’ancien pro de 52 ans vit actuellement un rêve éveillé. Samedi, à Lorient, face à la réserve des Merlus, les Vendéens tenteront de conserver leur nouvelle place de leader, après avoir raté l’occasion de creuser un petit écart lors des dernières journées (défaite à domicile contre la réserve d’Angers, nul à Angoulême et nul contre la réserve de Nantes).

Mais comme dans le même temps, GOAL FC, qui a fait la course en tête en première partie de saison, et Bergerac, toujours en embuscade, ont eux aussi marqué le pas, la situation demeure très incertaine en haut de tableau avec ces trois clubs qui se tiennent en trois points !

Après une longue carrière de joueur et sept années passées à la tête de la réserve du Stade Brestois 29, en National 3, le Briochin de naissance profite pleinement de la chance de coacher à ce niveau. Tout en plaisir et passion. Et cela se sent dans ses réponses, sans calcul !

Photo Philippe Le Brech

Laurent, vous vivez une très belle saison en N2 avec Les Herbiers, après un exercice sans club l’an passé…
Ne pas travailler, c’était difficile, dur psychologiquement. J’avais passé 8 ans à Brest, j’étais en fin de contrat. Ne pas être gardé dans son club de cœur, je n’ai pas compris, mais ça fait partie du foot, il faut l’accepter. Durant cette année, j’ai eu la chance de suivre le programme DMVE avec l’Unecatef (Union Nationale des Entraîneurs et Cadres Techniques Professionnels du Football), « dix mois vers l’emploi ». Ca m’a fait beaucoup de bien, ça m’a permis de rencontrer des gens, et des gens différents, ceux qui nous encadraient notamment, nous les dix ou douze coaches sans emploi. Je n’ai pas perdu mon temps. Et puis il y a eu la « folie » du président des Herbiers, qui prend un nouveau coach qui n’a jamais entraîné en N2. Rien que pour ça, ça me donne envie de m’arracher complètement.

« La formation, c’est un put… de laboratoire ! »

Dans Le Télégramme, vous disiez que vous aviez pris un gros coup, mais que vous aviez eu aussi quelques offres, sans que cela ne se concrétise. Désormais, vous profitez. Tout ça vous donne une certaine approche, on imagine…
J’ai eu deux ou trois offres qui sont arrivées très tôt. Je ne me sentais pas prêt. Peut-être que, quelque part, je n’avais pas fait le deuil, entre guillemets. L’autre option, c’est qu’il y avait deux ou trois entraîneurs en pros qui étaient intéressés par mon profil en tant qu’adjoint. J’ai voulu attendre, mais ça ne s’est pas fait, notamment un qui n’a pas retrouvé de club lui-même; ça a été une année blanche, donc. Derrière, il y a eu la discussion et la signature aux Herbiers. Je profite, déjà parce que je viens de la formation. Avec le recul, je pense que quasiment tous les coaches devraient passer par là, parce que, comme je dis, c’est un pu**** de laboratoire, c’est exceptionnel. Par rapport à l’année blanche, être en haut du classement, ça ne change rien pour moi, car je sais ce que c’est que de ne rien avoir. Un jour ou l’autre on est bas, puis en haut quelques mois plus tard. Ça montre vraiment ce qu’est le métier d’entraîneur. Il faut prendre ça avec calme, sérénité. Un peu comme dans une carrière de joueur, il faut profiter des bons moments, savoir savourer.

Photo Philippe Le Brech

Et quelle première en tant que n°1 aux Herbiers, donc ! Racontez-nous un peu cette saison de folie, marquée du sceau de l’offensive, vous qui avez la meilleure attaque de votre poule de N2.
Déjà, c’était un gros chantier dans le recrutement, avec André Gaborit, le coordinateur sportif du club. Il restait six joueurs de la saison dernière cet été. Quand j’ai présenté mon projet de jeu, il a fallu trouver les joueurs qui correspondaient à ce que je voulais mettre en place. Ce fut long, pendant deux mois, ça a été usant. Mais on a réussi à avoir les joueurs qu’on souhaitait. Puis ça a été un énorme travail pour mettre le projet de jeu en place. Je sais que les gens ont pu s’inquiéter car les résultats n’étaient pas forcément là en préparation et sur le début du championnat, mais je sentais que ça prenait. Petit à petit, même si on faisait beaucoup de nuls, il y a quelque chose qui ressortait dans le jeu. Je disais aux joueurs, « on n’est pas loin ». Il fallait continuer à travailler, à s’accrocher, à avoir la banane aux entraînements. Moi, un joueur qui arrive avec le sourire, c’est déjà gagné. Et puis la confiance a augmenté, il y a le match d’Angoulême à la 6e ou 7e journée qui nous a fait basculer, on n’a pas eu peur de continuer à attaquer.

« La priorité, c’est le jeu, le mouvement »

Le jeu offensif, vous aimez ça ?
Quand je suis arrivé l’été dernier, j’ai dit au président « Vous allez voir président, on va marquer beaucoup de buts, même si on en prendra aussi. » J’aime l’offensif. C’est peut-être utopique tout ça, mais ça se confirme. On a pris 22 buts, mais on est la meilleure attaque de notre groupe. Et si on en prenait un peu moins, peut-être qu’on marquerait moins. Le but reste de marquer un but de plus que l’adversaire, c’est ce que je dis souvent aux joueurs, gagner 4-3 c’est beau, ça fait plaisir aux gens, même si quand je dis ça, mon gardien fait la gueule (rires) ! Alors gagner 1-0 c’est bien aussi, mais on a une équipe qui joue, se crée des occasions. La priorité c’est le jeu, le mouvement, et les joueurs s’y retrouvent, prennent du plaisir, et c’est l’essentiel.

Sous le maillot du Stade Brestois. Photo Philippe Le Brech

En Vendée, vous déployez ce jeu avec un groupe jeune, qui va de 18 à 31 ans. Il y a un cercle vertueux : vous prenez du plaisir dans votre nouveau rôle, vos joueurs aussi, et les résultats sont là… ça roule, quoi !
Le groupe a 24 ans de moyenne d’âge. La nouvelle présidence avait dit de recruter jeune, c’est aussi un choix financier, et c’est peut-être quelque part pour ça que je suis venu, comme je viens de la formation. Je m’y retrouve complètement. La jeunesse du groupe, ça leur a permis de ne pas douter malgré les résultats mitigés du début de saison. Quand on a commencé le 12 juillet, je connaissais tous les joueurs, que j’ai eus longtemps au téléphone avant. J’ai d’abord expliqué au staff le projet de jeu que je voulais mettre en place, puis aux joueurs. Après, il faut avoir leur adhésion, et ça leur a plu, je pense. Sûrement même, car ils prennent du plaisir. Ensuite, il faut sans arrêt continuer à travailler sur des choses précises pour continuer à être le plus performant possible. Ce que je dis aux joueurs, c’est que le jeu est fondamental pour moi, ce qu’on peut proposer, ce qu’on met en place. Plus on se crée des situations, plus on a d’occasions, et plus on a de chances de marquer. C’est un gros travail. Je pars du principe que ce qu’on a mis en place dès juillet, on doit s’y atteler pour aller au bout, jusqu’en juin.

« Prendre un entraîneur qui n’a jamais évolué en N2, il faut le faire ! »

Les Herbiers est un club reconnu. Son nouveau président vous a fait venir, avec une « prise de risque » comme vous disiez. Comment ça s’est fait ?
Tout simplement, en fait, il y a… (il cherche ses mots et rit). C’est un peu drôle. Mon CV est partagé sur LinkedIn par une personne, madame Tilly. Je remercie cette dame, et elle me répond que son mari est le président de l’association des Herbiers. Il se passe quelques jours, et je vois qu’il y a des changements aux Herbiers, notamment du coach et du président du club. Je décide donc de chercher qui est ce monsieur Tilly, et j’envoie mon CV par mail. Il en fait part au nouveau président, Dominique Vincendeau. Mais ensuite, je n’ai pas de nouvelles. Je réussis à avoir le numéro de téléphone de Pierre-Louis Tilly pour voir où ça en est, et il me dit qu’ils essaient de me joindre depuis plusieurs jours. Ils ne devaient pas avoir le bon numéro ! Quatre jours plus tard, on se rencontrait avec les deux présidents, monsieur Tilly de l’association donc, et Dominique Vincendeau du club, et je signais. Je remercie ces deux personnes aujourd’hui, bien évidemment, car prendre un entraîneur qui n’a jamais évolué en N2, il faut le faire. Même si moi, j’étais convaincu de pouvoir entraîner à ce niveau, il faut encore avoir la chance de pouvoir le faire, et on m’a donné cette chance-là.

Photo Philippe Le Brech

Votre expérience de coach avant ça, c’était avec la réserve de Brest, où vous avez pu échanger avec Jean-Marc Furlan par exemple : il y avait quand même une connexion avec le monde pro, non ?
Oui, c’est paradoxal, parce que quelque part je suis un jeune entraîneur, car j’ai fini de jouer à 40, 41 ans (il en a 52 aujourd’hui). Mais en même temps, dans ces onze années, j’ai eu la chance de côtoyer très vite des gens de qualité. Le centre de formation, pour moi, ça a été une formation accélérée. Je gérais certaines séances avec les pros quand les coaches partaient en déplacement, j’avais régulièrement des pros avec moi, ça a été tout bénéfice. Une façon déjà de commencer à gérer des personnes plus âgées qu’en formation, avoir un discours différent, d’essayer de les comprendre. Car quand un pro « descend », ce n’est jamais agréable, et je leur disais tout le temps, « j’espère que je ne vais pas te revoir ! ». Ca veut dire que tu rejoues en haut si tu ne reviens pas.

« Ce serait nul si on avait tous le même parcours »

Chez les Pirates, vous avez évolué avec comme coaches de l’équipe pro Alex Dupont, Jean-Marc Furlan, ou encore Oliver Dall’Oglio. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
Alex, c’est celui qui m’a mis le pied à l’étrier, qui m’a fait comprendre que je pouvais entraîner, et qui m’a fait venir au club. J’avais une relation particulière avec lui, on était devenus très proches (Alex Dupont est décédé le 1er août 2020). Jean-Marc, ce qui m’a frappé, au-delà du personnage, c’est la façon dont il mettait en place les choses et dont jouait son équipe. Olivier, ce que j’aime beaucoup chez lui, c’est qu’il vient de la formation, et il a toujours cet œil, il savait y faire avec les jeunes joueurs. Ces entraîneurs sont tous différents, et intéressants. S’inspirer de ces gens-là, et avoir la chance de voir leurs différences, pour moi c’était génial.

Sous le maillot du Stade Brestois. Photo Philippe Le Brech

Récemment, on a des exemples d’entraîneurs passés par la formation ou autre qui réussissent, comme Franck Haise ou Will Still en Ligue 1. Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Ce n’est pas commun, mais ça montre qu’il n’y a pas forcément toujours un seul chemin. Franck, avec qui j’ai joué à Beauvais, est aussi passé par la formation, il est passé par Lorient, il a rebondi à Lens. C’est une question de volonté, de travail, de réussite aussi. Mais ce serait nul, quelque part, si on avait tous le même parcours, c’est ça la richesse du football également. Par contre, on n’a rien sans rien.

Mais oui, moi c’est un peu un chemin atypique, je ne sais pas où il m’emmènera, plus haut, plus bas, on verra. Il faut avoir ce petit coup de pouce, je l’ai eu aujourd’hui, et c’est comme si je débutais une seconde carrière d’entraîneur, avec la N2, quelque chose de complètement différent de ce que j’ai pu connaître avec la réserve de Brest pendant sept ans. Je suis dans le résultat, alors qu’avant, la place finale importait moins; ce qui m’intéressait c’était amener les joueurs chez les pros, avoir ce côté un peu protecteur, père. Quand un gamin signait pro, j’étais hyper heureux, avec la sensation que j’avais participé à quelque chose. Maintenant il faut être le plus performant possible aussi, mais pour un résultat.

« A 40 piges, je jouais encore en National, avec des gars de 20 ans… »

Sous le maillot du Stade Brestois. Photo Philippe Le Brech

Laurent David le joueur a eu une longue carrière, avec un certain pedigree, une montée en Ligue 2 avec Grenoble par exemple, qui peut vous servir aux Herbiers aujourd’hui.
J’ai fait là-aussi une carrière un peu atypique. Je suis à Brest en formation, et malheureusement il y a un dépôt de bilan, et je signe pro à l’opposé, à Sedan. Après, voilà, j’ai presque 600 matches de joués entre D1, D2 et National. Mais il y a aussi le monde amateur, car je finis à 35 ans à Brest, mais je ne veux pas m’arrêter et je vais à Plabennec en CFA 2. Et au bout du compte je prends tellement, tellement de plaisir, car je suis un amoureux du jeu, que j’ai continué jusqu’à plus de 40 ans en amateur complet et finalement jusqu’en National à nouveau. L’avantage de ça aussi, peut-être, c’est qu’à 40 piges je jouais encore en National à Plabennec avec des mecs de 20 ans. Et quelque part, c’est un petit truc qui fait que je peux comprendre les jeunes joueurs maintenant. J’étais en décalé, ils m’appelaient « l’ancien », certains auraient pu être mes fils ! Mais j’ai pris énormément de plaisir à jouer avec ces mecs-là, et j’ai vu, pu observer plein de choses, avec aussi ce décalage. Par contre je devais être très exigeant envers moi-même pour suivre leur rythme, c’était un défi perso. La trêve de Noël par exemple, les jeunes pouvaient s’arrêter, moi j’allais courir tous les matins car je me disais « je vais crever si je m’arrête dix jours ! » (rires).

Pour finir, vous avez été élu deux fois meilleur jouer de National autour de 40 ans d’ailleurs, en 2010 et 2011 !
Oui c’est vrai, bon, je me disais que certains coaches avaient dû voter pour moi car on avait le même âge ! En fait, j’en retiens un truc, même si quelque part j’avais dû faire des bonnes perfs, mais ce n’est pas l’âge, c’est la passion. C’est la passion qui fait que tu peux encore y aller, si tu fais attention à toi. On le voit avec Akrour (Nassim Akrour, ancien joueur de Grenoble qui évolue encore, à 48 ans, à Chambéry en N3), c’est fantastique. Tous les joueurs devraient le regarder, et dire bravo. Il n’y a pas de secret, ça montre l’exigence qu’il faut avoir avec soi-même. C’est ce que j’ai essayé de faire à 40 ans. Je ne voulais pas qu’on dise que je jouais à cet âge en National parce que j’avais évolué avant en Ligue 1 ou Ligue 2, mais car j’étais capable de le faire.

Laurent David, du tac au tac – le joueur

Meilleur souvenir ?
La victoire en Gambardella en 1990 avec Brest. Avec Frédéric Guéguen, aujourd’hui coach adjoint à Grenoble, Erwan Manac’h, qui a fait une belle carrière, et puis Stéphane Guivarc’h, champion du monde 98. On est quatre à être passés pros, mais c’est surtout une aventure, c’est différent, on est jeunes, on découvre tout, c’est pour ça que c’est marquant.

Pire souvenir ?
Un quart de finale de Coupe de France avec Grenoble contre Troyes, où on a la sensation qu’on peut aller au bout de la compétition. Et puis quelques descentes aussi, mais ça fait partie d’une carrière de joueur.

Un président marquant ?
François Yvinec, l’ex-président de Brest (décédé en novembre 2021). Un homme qui m’a fait venir et découvrir le monde professionnel. Il s’est battu pour sauver son club parfois seul, et a réussi des choses fantastiques à l’époque, faire venir des joueurs comme Julio César, et il a développé la formation.

Le joueur affronté qui vous a marqué ?
Safet Susic, lors d’un de mes tous premiers matches avec Brest jeune. Il me semble qu’il jouait au Red Star. Il était en fin de carrière, je commençais. Je suis rentré, et je n’ai jamais touché le ballon du match. Quand j’étais à Martigues, il y a aussi Valdo du PSG qui m’a marqué. Il savait tout faire.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Claude Makélélé, à Brest. C’est quelqu’un qui était un bon mec, très intéressant. Ce serait sympa si on se revoyait avec Claude.

Un stade mythique ?
Lens. En D1 avec Martigues, j’étais remplaçant, et le gardien remplaçant était Franck Rabiot, qui avait joué à Lens en jeunes. Il avait dit « tu vas voir, c’est exceptionnel ». On était sortis avant pour entendre les chants, j’avais trouvé ça incroyable. Et puis il y a d’autres stades, le Parc, ça fait beaucoup de bruit, Marseille, Geoffroy-Guichard aussi. Et puis Brest, quand c’est plein, il y a de l’ambiance.

Laurent David, l’entraîneur

Meilleur souvenir ?
Je suis un jeune entraîneur, donc… La saison que je vis en ce moment. Même si à Brest j’ai vécu de très belles années avec la réserve. Mais la période que je vis depuis l’été 2022 est la plus belle.

Un joueur entraîné marquant ?
Parce qu’il est parti de quasiment zéro, c’est Ibou Sissoko, aujourd’hui à Strasbourg. On l’avait repéré sur Paris, il n’avait pas forcément plus de qualités que les autres, mais c’était une bête de travail. L’exemple-type du joueur « lambda » qui prouve que quand on veut, on peut, avec l’envie et le travail. Il joue un peu moins cette année, il peut me rejoindre s’il a envie (rires) ! Et au-delà du joueur, c’est un mec génial. Un exemple.

Un modèle en tant que coach ?
Je n’ai pas de modèle précis, mais j’ai eu la chance de côtoyer des entraîneurs à Brest dont je me suis inspiré, tous différents, Alex Dupont, Jean-Marc Furlan, Olivier Dall’Oglio. Dont j’ai retenu des choses, soit dans le management, l’entraînement, la façon de procéder, des remontées de balles, plein de petites choses. Au Bataillon de Joinville, le management de Roger Lemerre était fantastique. Je me suis nourri de ce que j’ai vu, et puis mettre en place mes propres idées en ajoutant ce que j’avais vu. Ca me paraît plus concret.

Vous êtes un entraîneur plutôt … ?
Offensif. C’est ce que j’ai dit à mon président aux Herbiers en signant. « On va marquer beaucoup de buts, mais on va en prendre aussi ». Je veux un foot qui me ressemble, j’aime le jeu.

Textes : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos Philippe Le Brech

Programmée pour jouer le haut de tableau en National, la Berrichonne se bat pour ne pas descendre. Son directeur général, revenu aux manettes avec Michel Denisot en 2021 dans les valises de United World, effectue un tour d’horizon et dresse un premier bilan.

Patrick Trotignon n’est pas allé jusqu’à comparer tous les CV de ses homologues du championnat, mais, en scrutant le sien, on peut avancer sans risque d’être contredit qu’il possède assurément l’une des plus belles expériences de dirigeant, sinon la plus belle, en National.

Ce qui, du reste, n’est pas forcément un gage de réussite, les 24 mois compliqués qu’il vient de passer à la Berrichonne de Châteauroux depuis son retour en mars 2021 sont là pour en attester, même si la sortie de l’hiver s’annonce un peu plus radieuse.

Et puis, s’il suffisait d’avoir des compétences en matière de management, d’innovation, d’imagination ou d’esprit entrepreneurial pour réussir dans le foot, cela se saurait depuis longtemps. Quand bien même l’on a passé un DUT de gestion des entreprises et des administrations à Bourges dans sa jeunesse, de quoi apprendre les rudiments du management et de la comptabilité.

« Je me suis fabriqué grâce aux rencontres »

Non, le natif de Saint-Amand-Montrond (Cher), dans le « haut-Berry », qui avait dans un premier temps suivi des études de mécanicien industriel au lycée technique de Vierzon, ne court ni après les lignes d’un CV, ni après un palmarès, ni d’ailleurs avec les titres, lui qui a occupé un peu toutes les fonctions dans le milieu du foot – président, vice-président, président délégué, manager général, conseiller, DG, secrétaire général, administrateur, etc. -, un peu à tous les échelons, en National, en Ligue 2, en Ligue 1 et aussi sur la scène européenne, et qui aime à rappeler qu’il vient de la base : « J’ai tout fait dans ce milieu, dit-il sans prétention; même nettoyer les vestiaires. Je me suis fabriqué, grâce à d’autres, évidemment, j’ai fait des rencontres dans ma vie qui m’ont permis de faire tout ça. »

Ce qui fait avancer le Berrichon du Nord et du Sud, qui fêtera ses 69 ans jeudi, à l’autorité et à la prestance naturelles, qui derrière une façade un peu austère laisse apparaître une réelle empathie à l’égard des autres, un esprit ouvert et accessible, ce sont les rencontres. Celles à venir et celles, nombreuses, qui ont jalonné son parcours, et dont il s’est inspiré et nourri pour acquérir cette fameuse expérience.

Ce qui fait avancer cet homme qui manie parfaitement l’humour et le sens du contact et de la formule, ce sont les projets novateurs, les idées qu’il peut mettre en place et, bien sûr, ces indescriptibles émotions que seules les personnes qui vivent le foot de l’intérieur peuvent ressentir.

Servette de Genève, Evian Thonon Gaillard, Paris FC…

Tout le monde connaît l’histoire, c’est Michel Denisot, qu’on ne présente pas, qui lance la carrière de Patrick Trotignon à Châteauroux. Leur rencontre a lieu un 1er avril, en 1989, lors d’un match de l’ancienne Division 3 entre Bourges et Châteauroux. A l’époque, Patrick Trotignon venait de ranger sa casquette d’éducateur en cadets nationaux pour un poste de secrétaire général au sein du club phare du Cher. Michel Denisot, lui, était en pleine préparation d’un plan de reprise du club castelroussin, alors proche de la relégation en D4. L’histoire dure 8 ans !

La Berri se maintient en D3, accède en D2 (1991), mais, après le passage de deux poules à une poule en D2, il redescend dans le tout nouveau championnat National en 1993. Il en profite pour négocier et obtenir la fameuse aide financière de la Ligue professionnelle accordée aux clubs qui descendent de D2 (L2) en National. Il faut dire que dans le lot des clubs relégués figurent l’En Avant de Guingamp d’un certain Noël Le Graët, président de La Ligue ! Forcément, et sans jeu de mots, ça aide. La Berrichonne de Châteauroux décroche ensuite un titre de champion de National en 1994, retrouve la D2 avant d’accéder en Division 1 en 1997. Le graal.

2021, Denisot-Trotignon, acte III

Patrick Trotignon, lui, passe au Servette de Genève, avant l’acte II du tandem qu’il forme avec Michel Denisot à Châteauroux, entre 2002 et 2008, juste avant l’aventure Croix-de-Savoie / Evian Thonon Gaillard (2008-2013), des passages à Grenoble, au Paris FC (conseiller du président Pierre Ferracci). Et comme il aime bien les retours, il revient dans le Chablais, à Thonon, où tout avait commencé avec Croix-de-Savoie, pour le lancement d’une académie internationale, en 2017.

En mars 2021, Patrick Trotignon revient, pour la troisième fois, à la Berrichonne de Châteauroux. Le club où tout avait commencé pour lui en 1989. Le club où il a, justement, connu ses plus belles émotions. Et il n’arrive pas seul : Michel Denisot est toujours là lui aussi, dans le même wagon, l’ancien journaliste à la présidence, Trotignon au poste de DG.
Le retour de cette doublette qui avait permis à la « Berri » de vivre ses plus belles heures fait naître de réels espoirs, nés aussi de l’arrivée d’un nouveau propriétaire, le groupe saoudien United World, présidé par le prince Abdullah bin Mossad.

Relégable à Noël et en janvier

Depuis mars 2021 et ce nouvel acte III pour l’association Denisot-Trotignon, le club n’a pas décollé, sportivement s’entend, et « ère » toujours en National. Pire, il a manqué le coche la saison passée pour la remontée immédiate en Ligue 2, avant de vivre une saison actuelle 2022-2023 beaucoup plus compliquée.

Englués dans le ventre mou, et même tombés à plusieurs reprises dans la zone de relégation – ils étaient 14es à l’issue de la phase aller et toujours à cette même place après la journée 19 -, les Castelroussins ont, heureusement, redressé la barre depuis.

L’équipe de Maxence Flachez vient d’enchaîner deux victoires consécutives qui lui a non seulement permis de sortir de cette zone dangereuse, et même de s’en éloigner un peu (9e sur 18, avec 34 points, soit 4 longueurs d’avance sur le premier relégable, Bourg-en-Bresse/ Péronnas, 13e).

Du mieux depuis février

Avec la responsable commerciale, Stéphanie Reignoux.

Mieux encore, depuis leur défaite à Martigues, début février, les coéquipiers de Romain Grange semblent indéniablement sur la voie du redressement, à l’image de ce bilan encourageant de 4 victoires en 6 matchs.

Du coup, Châteauroux va mieux. Châteauroux respire un peu. Mais Châteauroux n’est pas sauvé. Vendredi, à Gaston-Petit, face au dernier, Borgo, elle tentera de signer la passe de trois.

Dans une journée à l’emploi du temps hyper-chargé, où une équipe de Foot Unis ( l’interlocuteur des représentants des salariés du football) le filme dans ses moindres faits et gestes, Patrick Trotignon trouve le temps de répondre à nos questions. Un point météo – beau temps à Châteauroux et beau temps à Nice, « Oui mais il y a toujours du vent à Nice ! » (euh… Marseille n’est pas Nice monsieur Trotignon !), une boutade lancée à Stéphanie Reignoux, la responsable commerciale, et c’est parti pour 40 minutes d’entretien !

Interview

« Je n’ai jamais pensé que le football était facile »

Deux ans pile après votre arrivée et celle de United World, quel bilan dressez-vous ?
Au niveau sportif, c’est négatif. Enfin, négatif… non. On a mal abordé le sujet. Quand on est arrivé, le club était encore en Ligue 2 mais presque en National. Il a fallu gérer une descente et tous les problèmes liés à cela, le changement d’effectif, le changement d’entraîneur, sans parler d’héritage… Châteauroux venait de se séparer d’un duo d’entraîneur, Nicolas Usaï puis Olivier Saragaglia, un autre est arrivé, Benoît Cauet, puis il y a eu Marco Simone, bon c’était vraiment… pfff… L’instabilité des cadres techniques, ce n’est jamais bon, car je crois que la stabilité est un des facteurs de la réussite. Alors forcément, là, on s’était tiré non pas une balle mais un boulet dans le pied. C’est dommage, parce que je pense qu’on avait les moyens sportifs et financiers de faire beaucoup mieux l’an passé. C’est pour ça que je dresse un constat d’échec. Et on n’est pas beaucoup mieux cette année.

Si Châteauroux en est là, forcément, c’est qu’il y a eu des erreurs stratégiques…
Mais le football, ce n’est que ça. Ce n’est pas parce qu’on choisit la mauvaise marque de ballon qu’on ne réussit pas. C’est une question de choix des hommes. C’est la complexité du métier, il faut bien choisir les gens avec qui on travaille, en particulier pour la partie sportive, qui est la locomotive du club. Mais il n’y a pas que ça, il y a eu aussi beaucoup de changements au niveau du management; le nouveau propriétaire a mis aussi ses principes en place, c’est légitime, il a fallu s’adapter. Tout cela n’est pas forcément propice à la performance.

« La Ligue 2, c’est une bonne division pour Châteauroux »

Par le passé, Châteauroux n’est jamais resté très longtemps en National : la Ligue 2, c’est vraiment sa place ?
Oui, la Ligue 2, c’est une bonne division pour Châteauroux. Mais si on en est là aujourd’hui, c’est la conséquence de mauvais choix, c’est tout. On est dans un contexte sportif très concurrentiel, avec ce changement de cap, en fin de saison : le National, sincèrement, ça devient illisible. Tout le monde peut battre tout le monde. J’ai regardé lundi dernier Versailles contre Borgo, bon, vous coupez le son, vous ne savez pas qui est dernier et qui est premier (Versailles était repassé leader en s’imposant 1 à 0, Ndlr). Saint-Brieuc qui va gagner récemment 3-1 à Orléans et perd 3 à 0 à domicile contre Dunkerque. Tout est possible dans ce championnat. Vous gagnez deux matchs, vous parlez de montée, et vous perdez deux matchs, vous avez la trouille de descendre. Je n’ose même pas envisager ce qui va se passer la saison prochaine en National : avec quatre clubs de plus qui vont descendre de Ligue 2, ouh là là…

Etes-vous d’accord si on vous dit que Châteauroux n’était pas préparé à jouer le maintien et que, forcément, cela peut jouer mentalement ?
Oui, c’est sûr que c’est un des facteurs qui ne nous est pas favorable, parce que Châteauroux a été formaté pour jouer les premières places, comme la saison passée, où on a terminé 5e en National. Alors on s’est dit que, cette année, avec un effectif de qualité, également formaté pour jouer le haut de tableau, on allait faire pareil, mais non, et à l’arrivée, on se retrouve en bas. Et là, ce ne sont plus tout à fait les même qualités qu’il faut, elles doivent être aussi mentales, car il faut aller « se battre » au Puy, à Avranches, c’est sans doute ce qui rend notre tâche plus difficile que pour des équipes qui étaient programmées pour jouer le maintien.

« Descendre ? Pour moi, ce n’est même pas envisageable »

Le spectre de la descente, est-ce quelque chose qui vous fait peur ?
Si je répondais que cela ne me faisait pas peur, ce serait totalement irresponsable de ma part. Forcément, ça doit nous faire peur, parce que c’est l’avenir d’un club qui est en jeu, l’avenir de familles, l’ensemble du personnel : on a plus d’une centaine de feuilles de paie chaque mois, on est une PME. Ce spectre forcément fait peur. Mais je pense que les joueurs en sont conscients. Alors oui, vous me dîtes que notre effectif est de qualité, mais pour l’instant, nos qualités font qu’on est 10es (l’entretien a été réalisé à la veille du succès à Nancy, qui a permis au club de passer 9e).

Descendre, ce serait une catastrophe industrielle ?
Oui, car ce serait la perte du statut professionnel, la fermeture du centre de formation, ce serait la berezina, mais pour moi, ce n’est même pas envisageable.

Pensiez-vous, à votre retour en 2021, que ce serait aussi compliqué ?
En tout cas, je n’ai jamais pensé que le football était facile. Qu’on soit dirigeant en National 3, National 2 ou en Ligue 2, ce n’est pas écrit dans les datas que vous allez finir 5e ou 10e. L’histoire du football a montré d’énormes surprises par le passé. On n’aurait jamais pensé que, trois mois en arrière, Saint-Etienne serait aux portes du National. C’est comme ça. C’est la vie d’un club. On peut très bien se servir d’une saison comme celle-là pour ensuite rebondir. Mais je ne pensais pas, sincèrement, que l’on se retrouverait dans cette situation. Je ne l’ai pas vu arriver.

« La Ligue 3 va devenir indispensable »

Cette réforme des championnats, vous en pensez quoi ?
En deux ans, y’a quand même 8 clubs de Ligue 2 qui vont descendre en National. Bon, entre les deux saisons, y’en a peut-être qui vont remonter, mais regardez, la remontée immédiate, ça ne se voit quasiment plus. La création de la Ligue 3, on appellera ce championnat comme on le voudra, va devenir indispensable, parce qu’avec la diminution des clubs de L1 et L2, qui vont se retrouver en National, et ceux qui y sont déjà, il va y avoir de sacrés affiches : Châteauroux – Nancy, avant, c’était une affiche de Ligue 2. Et se retrouver en National, cela n’arrive pas qu’aux autres… C’est un championnat qui devient assez excitant.

Vous diriez que Châteauroux, en 2024, aurait plutôt sa place en Ligue 2 ou en Ligue 3 si celle-ci voit le jour ?
Je ne peux pas répondre catégoriquement à cette question mais ce qui est sûr c’est que Châteauroux doit être un club de Ligue 2. Il y a un stade pour, un centre d’entraînement, des infrastructures, un environnement avec des collectivités et des partenaires qui nous suivent.. C’est une ville et un département qui ont besoin de la Ligue 2, et ce serait dommage que Châteauroux n’y retourne pas. Les connaisseurs du football le disent, Châteauroux, c’est un club de Ligue 2. C’est sa place, mais ça devient très difficile.

L’érosion du public à Gaston-Petit, où les affluences stagnent à 2000 spectateurs… ?
C’est moyen, il faut être clair, et cela ne vas pas s’arranger avec le temps; le public y croit toujours un petit peu, alors il vient, mais le National n’est pas un championnat viable, il ne faut pas y rester trop longtemps. Soit la Ligue 3 arrive avec quelques subsides pour compenser les obligations auxquelles doivent faire face les clubs, soit on fera comme les autres, c’est-à-dire que l’on sera obligé de monter ou alors on disparaîtra, un jour ou l’autre.

« Pour l’instant, on n’épate personne »

Avec l’arrivée de United World, le club est pourtant passé dans une autre dimension, au niveau de l’aura et aussi en matière de surface financière…
En matière d’infrastructures, les projets étaient déjà là, avant que « United » n’arrive. En matière d’aura, pas forcément, car ce qui donne de l’aura, c’est le niveau où on évolue, et pour l’instant, on n’épate personne sportivement.

Après, malgré les difficultés sportives que nous connaissons, « United » continue d’épauler le club et de le structurer, il a une vision à longs termes, il ne fonctionne pas en se disant que si on reste en National, il va diminuer la voilure. On a toujours un potentiel administratif bien dimensionné pour en faire un club sérieux, auquel « United » apporte sa contribution.

Chaque département du club est en relation avec un chef de département chez « United » à Genève, et cela apporte une valeur ajoutée dans l’exécution des tâches de chacun.

C’était Indispensable pour un club comme Châteauroux de compter sur l’arrivée de « United World » ?
Je n’en sais rien car je ne peux pas juger la situation du club avant. On peut penser que c’était indispensable, car Châteauroux est une petite ville, où il n’y a plus trop de grosses industries capables de prendre le relais, donc c’est une chance pour elle d’avoir eu cette opportunité. C’est ce que je pense.

Donc United World continuera de vous suivre, quoi qu’il advienne ?
C’est à eux qu’il faut le demander, je ne peux pas parler à la place du Prince. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils sont impliqués et proches du club. Dommage que l’on n’ait pas les résultats sportifs escomptés. Si on pouvait gagner à l’extérieur, ça nous donnerait un peu plus d’air; souvent, on se remet le « c… dans les ronces », en gagnant chez nous et en perdant à l’extérieur, là, il faudrait gagner à Nancy, comme début février avec la victoire à Bourg et contre Le Puy, mais on n’était pas arrivé à enchaîner derrière.

En revenant à Châteauroux, la boucle est-elle bouclée ?
Oui, oui, c’est fini, c’est le dernier tour de piste, même si j’ai encore la foi, même si j’ai du gaz ! Ce qui me plaît dans l’activité au niveau du groupe United World, il y a le club évidemment, mais je suis amené à développer d’autres concepts autour du club; là, par exemple, on est en train de créer une académie privée de foot, comme un centre de formation privé, c’est intéressant, on a loué des installations, des bâtiments, on a commencé à travailler avec des pays du continent africain, où on a signé des conventions pour former des jeunes qui viendraient ensuite à Châteauroux.

Vous aviez fait un peu la même chose à Thonon Evian, en 2017…
Oui mais ce n’était pas le même modèle d’académie. Evian Thonon travaille plutôt sur le continent américain et est très lié au PSG, donc c’est plus une politique « marketing ». United World, eux, sont plus axés sur la qualité et l’excellence.

Patrick Trotignon, du tac au tac

« J’aime construire, entreprendre »

Meilleur souvenir sportif de dirigeant ?
J’en ai deux. Deux finales de coupe de France. Avec la Berrichonne en 2004 et en 2013 avec Evian Thon Gaillard. Tous les 9 ans ! Du coup, j’espérais en refaire une en 2022, cela n’a pas été possible (rires).

Pire souvenir sportif ?
La chute programmée, à laquelle je n’ai pas participé, d’Evian Thonon Gaillard. C’était un projet assez fabuleux, soutenu par le groupe Danone, et qui a volé en éclats à cause de l’indélicatesse et de l’irresponsabilité de quelques personnes. C’était un épisode assez incompréhensible de la bêtise humaine.

Un club de coeur ?
C’est forcément La Berrichonne de Châteauroux. C’est là où j’ai véritablement démarré ma carrière de dirigeant, et c’est quand même ma ville, quoi… C’est vrai que j’ai commencé à Bourges, mais pas longtemps. Le vrai démarrage, ce fut en 1989, lors de ma rencontre avec Michel Denisot, et l’aventure a commencé là avec La Berri, jusqu’à l’accession en Division 1 en 1997. C’était une belle période.

Un stade mythique ?
La Bombonera (Buenos Aires, Argentine). J’ai eu l’occasion d’y aller. J’ai assisté au derby Boca Juniors – River Plate, c’est exceptionnel, j’étais accompagné de Juan Simon, un ancien international argentin, qui a participé à la coupe du monde en Italie, et qui a joué en France, à Strasbourg et à Monaco. Je suis toujours en relation avec lui.

Un match de légende ?
On a toujours tendance à penser que c’est le dernier que l’on a vu, c’est pour ça que la nouvelle génération pense que c’est le dernier France-Argentine en finale de la coupe du Monde, mais je pense que ce match est juste spectaculaire par son scénario, mais ce n’est pas un match de légende. Pour moi, ce sont les matchs de l’Ajax Amsterdam des années 70, avec Cruyff, Neeskens et compagnie. Evidemment, c’est ma génération, j’avais les cheveux longs, comme eux, et la finale de la coupe du Monde 1974, Pays-Bas / Allemagne (1-2) reste dans ma mémoire. Parce que ce fut une grande déception pour moi.

Le président le plus marquant ?
Il faut avoir un respect pour ce qu’a fait Jean-Michel Aulas. Je sais qu’il est parfois clivant, mais on vit dans un pays où les gens qui réussissent sont jalousés. Je suis admiratif de ce qu’il a fait. Durer à ce poste-là, ce n’est pas facile. je dis chapeau. Il a développé son club et il continue à le faire : d’un point de vue entrepreneurial, c’est un grand exemple pour les dirigeants.

Le meilleur joueur côtoyé ?
Je vais en citer deux. Christian Poulsen, que j’ai eu à Evian, et qui est entraîneur-adjoint de l’Ajax Amsterdam aujourd’hui ( et sélectioneur adjoint du Danemark). Il a été international danois et je l’avais récupéré de Liverpool, grâce à l’aimable collaboration de Damien Comolli, et c’est sans doute le meilleur joueur que j’ai eu l’occasion de côtoyer dans un effectif. J’en ai connu d’autres, comme Wilson Oruma ou Alexander Frei au Servette de Genève, où j’ai côtoyé Lucien Favre comme entraîneur, avec qui on a gagné la coupe de Suisse en 2001, mais je n’oublie pas non plus quand même un joueur qui a marqué l’histoire de Châteauroux, c’est Yann Lachuer. C’est l’artisan de l’accession de La Berrichonne en Division 1, qui reste le point culminant de l’histoire du club. J’aurais pu citer Patrick Mboma, qui fut un joueur marquant aussi pour le club.

Votre pire match de dirigeant ?
Le match qui m’a le plus déçu, c’est en coupe de Suisse, un match du premier tour, on joue contre une équipe amateur; on fait jouer un joueur suspendu, et on est éliminé… On était tenant du titre. ça, c’était atroce, un cauchemar.

Le match qui vous a procuré le plus de fierté ?
J’en ai beaucoup. Le football procure des émotions inégalables, il faut être dedans pour les ressentir, alors sincèrement, je dirais la demi-finale de coupe de France entre Châteauroux et Dijon en 2004, ça reste un événement exceptionnel, c’était la fête dans le Berry, on se qualifie pour aller au Stade de France. Je n’oublierai jamais ce match.

Plus grosse fierté de dirigeant ?
Ma fierté, c’est d’avoir globalement bien fait mon travail, avec passion et précision. J’ai connu beaucoup d’accessions, beaucoup de titres. Personne ne s’en rend compte, mais je pense que j’ai fait mon travail, « avec sériosité », comme disait Stefan Kovacs, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France, qui, au lieu de dire « avec sérieux », disait « avec sériosité » (rires).

Plus grosse erreur de dirigeant ?
(Rires) J’en ai collectionné quelques-unes ! C’était souvent des erreurs de stratégie, de recrutement. Parfois, on se trompe sur les hommes. Je pense quand même que l’une de mes plus grosses erreurs, c’est d’avoir fait confiance à certaines personnes à Evian Thonon Gaillard qui ensuite m’ont trahi et conduit le club à la déroute. J’aurais dû écouter mon environnement, qui m’avait dit de me méfier, et je ne l’ai pas fait.

Votre décision de dirigeant la plus difficile à prendre ?
(Long silence) Y’en a beaucoup parce que lorsque l’on est amené à se séparer d’entraîneurs qui ont des valeurs humaines… C’est le job qui fait ça. C’est sans doute la séparation avec Bernard Casoni. J’en reviens encore à Evian mais on s’est séparé prématurément, sans doute pour des problèmes d’incompréhension, on venait d’accéder en Ligue 1, on était même 9e du classement, à la mi-saison, on s’est expliqué, voilà, après attention, on est resté en très bon terme, on s’appelle, mais je pense que c’est une erreur.

Vous êtes un dirigeant plutôt…
Entreprenant, innovant. J’aime construire, entreprendre, c’est mon tempérament, j’aime créer, innover : un exemple, quand j’ai démarré ma carrière de dirigeant à Châteauroux, on a été sans doute l’un des premiers clubs à installer des panneaux publicitaires à défilement, ce n’étaient pas des LED à l’époque. J’avais démontré au CA que c’était plus rentable car on pouvait vendre 3 ou 4 pubs en même temps. Bon, c’est juste un exemple. Je ne veux jamais évacuer aussi le côté humain qu’on doit avoir : malheureusement, dans ce milieu, parfois, il ne faut pas mélanger l’affectif et le business, on gère des hommes, donc forcément on n’est amené à prendre des décisions pas toujours agréables même si, très honnêtement, j’ai toujours essayé de garder ce côté humain. Je suis resté à 90 % en bonnes relations avec les personnes avec lesquelles j’ai travaillé, joueurs, dirigeants, entraîneurs, etc. Je ne pense pas avoir véhiculé de la méchanceté.

Le milieu du foot ?
Impitoyable.

Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr /Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : La Berrichonne de Châteauroux  (et United World)

Intronisé à la tête de l’Etoile FC Fréjus/Saint-Raphaël le 7 mars dernier, l’ancien joueur de Bordeaux revient sur sa nomination, qui s’inscrit dans un cursus de formation au métier d’entraîneur. Pour l’heure, il ne voit pas plus loin que cette fin de saison avec un maintien à assurer. Première étape contre Lyon La Duchère ce week-end.

Photo Alexandre Plumey

Main dans les poches, voix posée et idées claires. A le voir marcher entre la pelouse et les vestiaires du stade Louis-Hon, en passant par son bureau ou la pièce de convivialité, la sérénité accompagne Julien Faubert, nouvel entraîneur de l’Etoile Fréjus Saint-Raphaël FC depuis le 7 mars.

Conscient de la délicate situation comptable du club fréjuso-raphaëlois, qui a d’ailleurs coûté son poste à son prédécesseur (Charly Paquille), l’International tricolore (un match, un but et avec le N°10 qui plus est) se sait attendu. La pression n’effraie pas celui qui fut l’adjoint de Jean-Guy Wallemme à l’Etoile FC (2021-2022). Au contraire.

La survie d’un club qu’il a appris a apprécié depuis son arrivée en tant que joueur en 2019 avant d’entraîner différentes équipes (U15, U17 puis les U18 et la réserve en Régional 2 depuis ce début de saison) l’a suffisamment motivée à accepter le challenge. Au-delà d’ambitions personnelles sur un banc de touche qu’il se refuse d’aborder avant que son unique priorité actuelle ne soit actée : le maintien en National 2.

Photo Alexandre Plumey

La tâche ne sera pas simple sur les dix matches restants. Les Varois sont 9e, à 3 points du premier relégable, Alès, et avec le même nombre de points que le 11e, Toulon, un rang synonyme aussi de descente en fonction des calculs complexes de fin de saison et de la refonte des championnats (*).

Le Havrais (39 ans), formé à l’AS Cannes, se refuse de trop calculer pour l’heure. Il a des matches à regagner. Entretien avant son baptême du feu contre Lyon-la Duchère, demain (samedi à 18h) à la maison. De quoi retrouver le chemin du succès après sept rencontres sans victoire (4 nuls et 3 défaites) ? Ces mêmes Lyonnais qui sont les derniers a avoir perdu contre les Varois en championnat, le 7 janvier, au match aller (2-0).

*Au terme de la saison 2022-2023, les 5 derniers de chaque groupe de National 2 sont relégués en National 3 (équipes classées de la 16e à la 12e place). Les deux moins bons 11es des quatre groupe de N2 descendront également en N3. Pour déterminer ces deux moins bons 11es, un mini-championnat sera calculé avec les équipes classés de 6 à 10 de chaque groupe.

Photo Philippe Corbin

Julien, avez-vous hésitez une seconde avant d’accepter le poste ?
Pas une seconde. On a fait appel à moi car il fallait sortir le club de cette situation délicate. C’est ce qui prime avant tout. Donc j’ai répondu présent. Le club m’a accompagné depuis le début de ma reconversion, ils m’ont mis dans les meilleures conditions pour découvrir mon futur métier et me former. C’est mon éducation : quand on me donne, je rends au centuple.

Trois points d’avance sur le premier relégable : la situation a-t-elle été un moteur ou un frein dans votre réflexion ?
Ce n’est pas une question de moteur ou de frein. Je n’avais pas besoin de moteur ou de motivation. La situation sportive est un facteur important certes. Dans le football, amateur ou professionnel, tout le monde dépend de l’équipe première. Quand l’institution est en danger, c’est tout le club, les joueurs, les 1000 licenciés, les éducateurs ou les employés administratifs… Pour l’avoir vécu même au haut niveau, c’est primordial de sortir ensemble de cette situation.

Photo Alexandre Plumey

Vous n’étiez plus au contact directe l’équipe depuis votre prise en charge de la réserve. Vous gardiez un oeil dessus ?
J’étais en relation avec le coach en place de par mon poste d’entraîneur de la réserve avec les redescentes, etc. Quoi qu’il arrive, j’ai l’esprit club. J’aime à dire que c’est mon club aussi car ils m’ont tendu la main et accompagné dans mon évolution. J’ai continué à venir voir l’équipe A, ce qui est normal quand on fait partie d’un club. J’ai cette culture du monde professionnel et donc cette culture hiérarchique. La vitrine du club, c’est l’équipe première et il faut la soutenir.

Votre relation et cet attachement à l’Etoile FC peut surprendre car vous n’êtes pas natif de la région, ni formé au club. Comment la définiriez-vous ?
Plus que bonne. Je me calque sur ma carrière. On a des résultats, il se passe des choses, on ne progresse que par le travail. Je me remets beaucoup en question. La direction a senti ça en me voyant travailler. Et à l’inverse, j’ai senti que j’avais affaire, malgré ce qu’on peut penser, à des gens humains. C’est un feeling.

Lors de son arrivée à Fréjus/Saint-Raphaël, en 2019. Photo Philippe Corbin.

Qu’avez-vous appris de votre premier passage sur le banc en N2 aux côtés de Jean-Guy Wallemme (2021-22) ?
Je suis en quête d’apprentissage. Je suis persuadé qu’on apprend jusqu’à sa mort. J’apprends de tout le monde, de ce qui va et surtout de ce qui ne va pas. J’aime beaucoup réfléchir, choisir entre le maximum d’options. J’ai appris à son contact, notamment sur le coaching du haut niveau. Mais j’aime aussi avoir mon propre avis sur certaines situations. J’ai appris, j’apprendrai demain et dans dix ans.

Ce n’est pas totalement le même effectif que lors de votre passage en tant qu’adjoint…
C’est une nouvelle histoire. Il y a des joueurs que je connais, des joueurs que je connais moins, d’autres que j’ai connu en réserve. On crée un relationnel, un échange. Et j’essaie d’imposer ma patte tactique. On sait qu’on a peu de temps mais il faut la mettre en place.

Quelle est-elle justement ?
Le football se joue avec le coeur, la passion, avec la définition de détester perdre et d’aimer défendre. Je ne vais pas m’étendre sur l’aspect tactique mais j’ai quelques principes dans ma tête que j’ai pu apprendre pendant ma carrière et appliquer avec mes équipes pendant ma formation.

Lors de son arrivée à Fréjus/Saint-Raphaël, en 2019. Photo Philippe Corbin.

Joueur, vous qui étiez tantôt défenseur ou attaquant sur votre couloir droit : l’entraineur est plus offensif ou défensif ?
J’aime avoir un équilibre dans une équipe. Il faut avoir la volonté d’attaquer pour marquer des buts parce que c’est le but du football, mais si on en n’encaisse pas, on ne perd pas. Il faut essayer de trouver un équilibre : ne pas s’économiser pour attaquer et tout faire pour défendre.

Dans la situation actuelle, c’est surtout ne pas perdre…
Pas perdre oui et non parce qu’avec des nuls on n’avance pas. L’aspect psychologique sera essentiel. Les joueurs ont des qualités. Elles ne se sont pas envolées. La volonté de ne pas perdre doit exister mais ne doit pas nous brider. Travailler sur l’aspect mental est important, encore plus aujourd’hui.

Adjoint, on vous a vu très actif sur le banc, moins quand vous étiez à la tête des U17. Est-ce lié à la fonction ou à la catégorie ?
Au statut. Adjoint, on se doit d’épauler son entraîneur quand on a un regard et un recul différent. En sachant nos limites, on peut se permettre d’intervenir quand il le faut. J’ai un peu ce profil, j’ai pas ce souci d’intervenir. Je suis persuadé qu’on a plus de solutions avec deux paires d’yeux et deux cerveaux. C’est à moi de trancher mais j’aime avoir plusieurs avis.

En passant vos diplômes, devenir numéro 1, c’était un coin de votre tête ? A quelle échéance ?
Je n’avais qu’une seule échéance : apprendre. Comme dans mon métier de footballeur, je ne fais pas les choses à moitié. Je viens du monde pro, j’aime quand c’est calibré, préparé. Me projeter ? J’ai d’abord besoin d’apprendre et de passer des étapes. Mon but premier c’est de sortir le club de cette situation.

Chaque année le club annonce vouloir monter, le président Alexandre Barbero l’a rappelé avec ses mots à la soirée des partenaires cet été et ça coince. Cette saison encore plus. Pourquoi ?
Je n’ai pas d’analyse sur ça parce que ce n’est pas le moment. Je le répète, mais actuellement c’est la situation comptable qui est au dessus de tout. L’institution est en danger et d’abord il faut faire ce travail et on verra par la suite. La première pensée n’est pas d’analyser ce qui va ou ne pas, c’est d’être le plus performant possible sur ces dix derniers matches.

Votre carrière, vous en parlez aux joueurs ?
Ça peut m’arriver mais je parle surtout de l’aspect passion, du don de soi à 120 ou 150%. Je ne vais pas les saouler avec mon passé de joueur. Ce sont eux les acteurs sur le terrain. Mon passé de joueur n’y fera pas grand chose, c’est mon présent d’entraîneur qui peut leur apporter des repères, des consignes pour que ce soit important pour eux.

Julien Faubert, du tac au tac

« Grant nous a diffusé Gladiator tout le long de la causerie sans dire un mot. Même pas une consigne. »

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Pour la passion. J’avais réellement toujours un ballon sur moi. Je passais des heures à jouer dehors, juste pour le plaisir. Quand j’ai compris que je pouvais en faire mon métier, un des meilleurs métiers du monde selon moi, c’est venu naturellement.

Meilleur souvenir sportif ?
Mon premier match professionnel avec Bordeaux contre Marseille. J’ai dû rentrer cinq minutes au Vélodrome (7 août 2004).

Pire souvenir sportif ?
Une défaite en demi-finale du championnat d’Europe avec les Espoirs en 2006 (contre les Pays-Bas).

Plus beau but ?
Un but à Saint-Etienne avec Bordeaux, une demi-volée en lucarne (avril 2006, 1-1).

https://www.youtube.com/watch?v=sJ_HI0lISWI&t=76s

Ton geste technique préféré ?
Le centre.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Ma vitesse comme qualité et sinon je suis un râleur.

L’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?!
Bordeaux, les deux saisons (2005-2006 et 2006–2007) où on joue la Ligue des Champions et celle d’avant où on termine deuxième.

Et le moins ?
En Ecosse, à Kilmarnock en 2015-2016.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
J’ai joué au Real donc je l’ai fait.

Le club où tu n’aurais pas pu jouer ?
Tottenham.

Un public qui t’a marqué ?
Besiktas, en Turquie.

Le coéquipier avec lequel tu avais le meilleur feeling ?
Rio Mavuba.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Cristiano Ronaldo.

Un coéquipier ou coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Riccardo, mon coach à Bordeaux de 2005 à 2007.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Avram Grant à West Ham. Avant un match, il nous a diffusé Gladiator tout le long de la causerie sans dire un mot. Même pas une consigne.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Marcelo, du Réal Madrid.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Rêve et méfiance.

L’Etoile FC, en un mot ?
Potentiel.

Texte : Alexandre Plumey / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter @AlexandrePlumey et @13heuresfoot
Photos : Philippe Corbin et Alexandre Plumey

Son expérience au Paris 13 Atletico (National) n’a duré que 4 mois : l’ex-coach de Sannois-Saint-Gratien et du Red Star explique les raisons de son départ et assure être prêt pour une nouvelle aventure… en Province.

Photo Philippe Le Brech

Ne vous fiez pas aux apparences, elles sont parfois trompeuses ! Derrière ses airs un peu froid, méfiant et distant se cache un grand bavard, un garçon charismatique, convivial, qui aime rire, échanger, partager et aussi manager. Un vrai mordu du métier de coach ! « C’est vrai, quand on ne me connaît pas, je ne vais pas vers les gens, je n’aime pas les déranger, du coup, on pense que je suis hautain ! C’est comme quand je vais voir un match de foot, je préfère rester dans mon coin. Mais je suis quelqu’un d’assez simple. Quand je connais les gens, je suis même assez déconneur ! Avec un staff, j’aime blaguer, chambrer ! »

Vincent Bordot est à l’autre bout du fil, enfin, plutôt à l’autre bout de l’écran, et pendant de longues minutes, il déroule le fil de sa carrière d’entraîneur qu’il a, d’un commun accord avec le président de Paris 13 Atlético (National), décidé de mettre en stand-by en février dernier, quatre mois seulement après son arrivée sur le banc du club promu en National, en remplacement de Jean-Guy Wallemme.

Le Mans, sa ville, son club

Photo Philippe Le Brech

Mais avant d’être coach, le natif du Mans, dans la Sarthe, a été joueur. A Coulaines, près du Mans, où il a passé 15 ans, puis dans le grand club de « SA » ville, pendant 4 ans, où il a même goûté à la Division 2, entre 1997 et 1999, dans l’ancien stade Léon-Bollée, là où il a connu ses premières grandes émotions de football. « Là-bas, j’y ai connu Marc Westerloppe, un entraîneur que j’apprécie beaucoup et avec qui j’aime discuter, mais je ne discute pas assez avec lui ! J’ai toujours peur de le déranger ! Azzedine Meguellatti aussi, que j’ai connu au Racing, m’a appris énormément de choses comme coach. »

Le Mans, il pourrait en parler pendant des heures (pendant 24 heures ?!) « Mon père commentait les matchs pour une radio locale, alors je le suivais, j’étais fan de ce qu’il faisait, j’allais voir les matchs avec lui ! J’ai eu la chance d’y jouer pendant 4 ans. C’est mon club. Même si j’ai passé beaucoup plus de temps à Coulaines. »

Il n’a jamais caché que s’asseoir sur le banc du Mans FC est l’un de ses deux rêves de coach, même s’il sait aussi que nul n’est prophète en son pays ! « Entraîner Le Mans, cela a failli se faire, à l’été 2021, raconte celui qui fêtera ses 48 ans le 9 avril prochain; J’avais deux ambitions, c’était d’entraîner le Red Star et Le Mans. Le Red Star, c’est fait ! Le Mans, c’est ma ville, c’est mon club, c’est ma famille, je pense que j’ai des choses à faire valoir là-bas. J’avais passé aussi un entretien avec Annecy à la même période, qui s’était bien passé, j’avais trouvé des gens en face de moi d’une grande compétence, où on sentait chez eux que, diriger, c’était présider simplement et non pas rentrer dans le sportif. Mais, comment dire, je me voyais plutôt au Mans où on parlait beaucoup de moi. Le président (Thierry Gomez) a pris une autre option et a engagé Cris, c’est comme ça. Et finalement, je suis resté au Red Star. »

Entraîneur-joueur à Saint-Pryvé / Saint-Hilaire

Photo Philippe Le Brech

Après avoir également porté les maillots de Coulaines à nouveau (DH), Thouars (National), Tours (CFA), Paris FC (CFA) et Beauvais (National), le voilà qu’il débarque à Saint-Pryvé /Saint-Hilaire, près d’Orléans, à 30 ans, en CFA2.

« Je viens pour y finir ma carrière de joueur, et au bout de 2 ans, le président, Laurent Piquemal, me convoque et me propose le poste d’entraîneur, mais entraîneur-joueur ! Il voyait quelque chose en moi. J’avais passé mes diplômes, j’avais déjà entraîné des jeunes. J’avais envie de ça, aussi. Je savais qu’en acceptant, j’allais gagner beaucoup de temps, même si c’était beaucoup de travail et d’investissement, d’autant que j’habitais à Paris. J’ai vu que j’aimais diriger, manager, que j’aimais les relations au quotidien avec un staff, être avec les joueurs. Si le président ne me propose pas ce poste, je ne suis pas sûr que d’autres opportunités se seraient présentées. Entraîneur-joueur, c’est très dur. Heureusement, je connaissais les joueurs depuis deux saisons, j’avais une proximité avec eux, qu’on a gardé en dehors du terrain. Ce qui a changé, c’est sur le terrain, et ils l’ont très bien compris. Ce poste, il a accéléré ma progression : je me souviens que je voulais tout faire, tout gérer, que je ne voulais pas laisser de place aux autres alors qu’on sait que la place d’un adjoint, justement, est primordiale. Mais j’ai appris. »

Révélation à Sannois-Saint-Gratien

Photo Grégoire Placca / Paris 13 Atletico

Après le Loiret, où il a aussi rencontré, outre son président, d’autres dirigeants qui l’ont marqué comme Pierre Augis et Jean-Bernard Legroux, direction le Val d’Oise, à l’entente Sannois/Saint-Gratien. C’est là qu’il se révèle en faisant grimper le club de CFA2 en National, son meilleur souvenir sportif à ce jour (il avait déjà connu une accession en CFA avec Saint-Pryvé) : « La montée en National avec Sannois, en 2017, c’est vraiment extraordinaire, parce qu’on n’était pas programmé pour ça, même si on voulait jouer le haut de tableau. On a vécu un truc fabuleux. C’était une bande de potes. Les joueurs mangeaient à 10 ou 11, entre eux, le midi. C’est ce qui a crée une osmose, une complicité. Je n’avais jamais vu ça en région parisienne. Quand on rentrait sur le terrain, on dégageait une force. »

Cette accession fut d’autant plus mémorable qu’elle fut suivie d’une saison compliquée en National, qui s’est terminée par un authentique exploit à Grenoble : « C’est bizarre… Cette saison-là, onze fois lors de la phase retour, on perd ou on se fait égaliser dans les cinq dernières minutes, et lors de la dernière journée, à Grenoble, qui joue l’accession en Ligue 2, il fallait gagner pour se maintenir ! On mène 3 à 1, ils reviennent à 3-2, et à la 89e minute, je revois cette action, je m’en souviens encore, Grenoble centre, je me retourne vers mon staff et je dis « On va encore le prendre » et le ballon fait poteau sortant ! Ce maintien, c’est un bon moment, bien sûr, mais en même temps, j’ai appris quelques heures après, que le club allait enregistrer une perte de 200 000 euros de budget, alors que l’on pensait au contraire qu’on allait avoir plus de moyens. Donc le bonheur n’a pas duré longtemps. Mon sentiment était mitigé. Et puis, il y a eu aussi l’envahissement du terrain par les supporters grenoblois qui a gâché un peu le plaisir. »

Il est éducateur à Montreuil et coach à Sannois

Le jour de la montée en National avec Sannois/Saint-Gratien. Photo Philippe Le Brech

En parallèle de son métier de coach, Vincent donne un coup de main au club de football de Montreuil, la commune où il réside. Il entraîne les jeunes du… Red Star Club de Montreuil (ça ne s’invente pas !), où évolue son fils : « Le président, Eric Lacomat, est un de mes amis. Il m’a demandé de prendre une équipe alors que j’étais en poste à Sannois. Deux fois par semaine, j’entraînais les gamins le soir et le samedi matin, parfois en sortant du TGV Gare de Lyon, après les matchs de championnat du vendredi soir, j’allais aux matchs, avec les U8, les U9 ou les U10, c’était beaucoup d’énergie ! J’ai fait ça pendant 3 ans. »

C’est évidemment à Sannois qu’il a rencontré son président le plus marquant, Christian Fouché, et aussi Marc Mohamed, le directeur sportif : « Quand on passe 8 ans dans un club, c’est aussi parce qu’il y a une osmose, comme avec les dirigeants. J’aime les présidents qui président et laissent les entraîneurs travailler. On voit bien que c’est de plus en plus difficile aujourd’hui de trouver des dirigeants comme ça. J’ai aimé aussi travailler avec le président du Red Star, Patrice Haddad, qui est très intelligent. Un jour, ce club sera plus haut qu’en National. Dans la communication et dans la stratégie du club, ce que Patrice Haddad a mis en place est exceptionnel. Il est critiqué alors qu’il construit un super stade. Il a lutté. Il a une vraie stratégie de développement pour faire grandir le club : c’est exceptionnel ce qui va se passer là-bas. »

La patience, sa marque de fabrique

Photo Philippe Le Brech

C’est pourtant ce même Patrice Haddad qui, au lendemain d’une déroute 6 à 0 à Annecy, en septembre 2021, limoge le Sarthois, après deux saisons et six autres journées de championnat lors de la saison III : « Au bout de 15 minutes de jeu, à 2-0, on se dit « ça va être dur », on sent qu’il n’y a rien à faire. Laurent Guyot, le coach d’Annecy, m’avait appelé après le match et sorti une stat’ : il m’a dit « Vincent, on a tiré six fois et on a marqué six fois ». Je me souviens que Jean-Marc Furlan aussi a encaissé un 6 à 0 avec Auxerre (le 16 octobre 2021 à Toulouse en L2) et cela ne l’a pas empêché de monter en L1 en fin de saison. Je pense qu’on avait encore des choses à faire avec le Red Star, mais cette troisième saison-là, on a pris du retard dans notre recrutement, on a aussi eu l’attaquant Pape Ba qui a été absent six semaines pendant la préparation, un latéral droit qui est arrivé une semaine avant la reprise du championnat, un latéral gauche deux semaines avant, donc on n’était pas prêt. Si j’avais pris Pape Ba, c’est que je savais qu’il allait marquer beaucoup de buts, et il en a mis 21 dans la saison. Avant ce match à Annecy, on gagne 1 à 0 contre Orléans après un super match, le premier à Bauer de la saison, puisque sur les six premiers matchs, on a joué cinq fois à l’extérieur. Le score à Annecy, 6 à 0, donne beaucoup de pression au président, et il fait ce choix-là, alors qu’on n’était pas encore compétitif. Après, je peux comprendre qu’il ait paniqué, même si moi, ma marque de fabrique, c’est d’être assez patient et de prendre du temps. J’ai quand même fait presque deux ans et demi au Red Star, c’est très lourd (rires). »

Les regrets du Red Star

Photo Philippe Le Brech

« Le seul regret que j’ai, c’est qu’on pouvait prétendre à la montée avec le Red Star, poursuit-il; c’était l’objectif, je ne l’ai pas atteint, mais on a quand même bien bossé, on a fait deux belles saisons. La première, il y a eu la Covid, et la deuxième, la coupe de France nous a pénalisés je pense, même si on ne peut pas empêcher les joueurs d’affronter Lens ou Lyon (le Red Star élimine Lens, club de L1, 3-2, en 16e et s’incline aux tirs au but en 8e face à Lyon, 2-2, 5-4 TAB). Quand je suis arrivé, le club venait de descendre de Ligue 2, on voit bien que c’est difficile, regardez Nancy, Châteauroux ou Le Mans, ils ont des difficultés. On a fini 4e et 6e après avoir été dans les 3 premiers, et même 2e. Je pense que je dois être celui qui a duré le plus longtemps sur les dernières années. »

La page Bauer tournée, pour la première fois de sa vie d’entraîneur, Vincent Bordot se retrouve au chômage. Un peu plus d’un an après son éviction, il replonge. Toujours en National. Toujours dans la région parisienne. Au Paris 13 Atletico, qui vient de limoger Jean-Guy Wallemme après seulement cinq mois sur le banc. Vincent, lui, restera quatre mois.

Mais qu’est-ce qui l’a poussé à y aller ? « C’est l’opportunité que j’ai eu en premier en National, se justifie-t-il. J’en ai eu d’autres après, mais quand le président du Paris 13 (Frédéric Pereira) m’a appelé, c’était le seul club qui cherchait un entraîneur. Et puis, même si j’ai aujourd’hui l’ambition d’aller entraîner en Province, c’était en région parisienne. Cela faisait un an que j’étais au chômage, que je n’avais pas de club, même si j’étais dans le circuit. Je me suis dit « pourquoi pas essayer de les maintenir ? ».

Paris 13 Atletico : l’expérience tourne court

Photo Philippe Le Brech

Mais l’expérience tourne court. Il dirige 11 matchs de championnat et 2 matchs de coupe de France. Bilan : 3 victoires (dont 2 en championnat à son arrivée, à Bourg-en-Bresse 2 à 0 en novembre et contre Borgo 4 à 0 en décembre), 4 nuls et 5 défaites. Le mois de janvier est compliqué. Et le mois de février fait couler beaucoup d’encre : le club est le plus actif de toutes les divisions nationales sur le marché des transferts, pendant le mercato, et annonce la bagatelle de huit nouvelles recrues.

Quelques jours après, la nouvelle tombe. Les deux parties – Frédéric Pereira et Vincent Bordot – ont pris la décision de se séparer. L’entraîneur ne le dira jamais dans ses propos, mais on sent qu’il n’était pas sur la même longueur d’ondes que son boss.

« Ce club est monté très vite, en plus, il n’avait pas de stade pour jouer en National, donc déjà c’était difficile au niveau des infrastructures. On a bien démarré, on a eu des bons résultats jusqu’à fin décembre, c’était très intéressant. Je pense qu’avec mon staff, on a apporté quelque chose à cette équipe. Après, voilà, moi je… Avec le président, on a pris cette décision-là parce que c’était nécessaire pour les deux parties, cela ne servait à rien de continuer pour continuer. Il a emmené son club de Régional 2 en National, on ne peut pas lui enlever ça. Simplement, je ne me suis pas vu aller plus loin même si, avec ce groupe, j’aurais pu, là n’est pas le problème. Je n’étais pas en adéquation avec le fonctionnement du club. Je suis parti, je n’ai aucun regret. Je sais que beaucoup de personnes n’ont pas compris que j’aille là-bas, mais je n’avais pas envie de rester deux ans sans club. On me disait sans cesse « ça va bouger, ça va bouger », oui, OK, mais y’a tellement de monde, y’a tellement d’entraîneurs, alors si ça bouge et que les clubs prennent quelqu’un d’autre… Il fallait que je regoûte à ça, parce que c’est ma passion. J’avais envie d’entraîner à nouveau. Après, on ne peut pas toujours choisir le club… Avec le président, si on se croise demain, on se parlera, y’a pas de problème, c’est juste que sportivement, au niveau de l’organisation, ce n’était plus possible. J’ai senti que les choses n’allaient pas dans ma direction. »

« Mon ambition, c’est de partir en Province »

Photo Philippe Le Brech

Ce bref passage de quatre mois aux Gobelins (l’ancien nom du Paris 13 Atletico) ne risque-t-il pas de laisser des traces ou d’écorner son image ? L’intéressé ne le pense pas : « Non, parce qu’en quatre mois, je pense que j’ai montré ce que l’on était capable de faire avec cette équipe-là, même si, au mois de janvier, ça a été difficile en termes de résultats. Mais on faisait des matchs cohérents. Après, bien sûr, je savais que ça allait être dur. Je ne suis pas parti en froid avec le président ou avec le club… Si les gens s’arrêtent à ça, c’est dommage. Je pense que, à Sannois ou au Red Star, j’ai laissé une bonne image. Ce n’est pas comme si j’étais parti avec des problèmes, non. J’essaie de rester droit dans mes bottes. »

Photo Philippe Le Brech

Aujourd’hui, Bordot ne cache pas son désir d’officier ailleurs qu’en région parisienne. Il est prêt. « Oui, depuis deux ans, déjà, j’ai muri cette réflexion. Mon ambition, c’est de partir en Province ou à l’étranger. J’ai vécu jusqu’à l’âge de 24 ans en Province, c’est ma vie familiale qui m’a emmené à Paris : à l’époque, j’étais marié avec une femme qui travaillait en région parisienne, c’est à ce moment-là que je suis venu jouer au Paris FC. Ensuite, en jouant à Beauvais et à Orléans, je n’étais pas loin. J’ai fait 8 saisons coach à Sannois… 8 ans, c’est le temps d’une vie presque ! Et ensuite, le Red Star m’a appelé… Y’a pas beaucoup de clubs qui sont beaucoup plus importants que le Red Star donc je suis resté ici, mais maintenant, je suis ouvert à tout. Quand j’étais à Sannois, j’avais déjà été contacté par des clubs de Province, mais à ce moment-là, j’avais besoin que mon fils grandisse à mes côtés. C’est différent aujourd’hui, parce qu’en région parisienne, j’ai fait le tour. Bien sûr, il y a énormément de clubs ici, mais le problème, ce sont les conditions d’entraînement et les installations. C’est souvent très compliqué pour les coachs. A part Sannois, Créteil, y’a pas de stade. Même le stade Charléty, au Paris FC… S’ils veulent monter en Ligue 1, je ne vois pas un engouement populaire qui leur permettrait de se transcender à un moment donné, sur certaines rencontres. »

« Pour entraîner en Ligue 2, il faut monter avec son club »

Photo Philippe Le Brech

Il ne cache pas non plus son envie d’entraîner un jour en Ligue 2. Mais pour ça, il sait qu’il n’existe qu’un seul chemin : « Il faut monter avec son équipe ! Les présidents de l’étage supérieur ne font pas spécialement confiance à des coachs issus du National, on l’a vu encore dernièrement à Niort (Bernard Simondi). C’est comme ça, et c’est logique aussi. C’est valable aussi pour plein de coachs de N2 qui mériterait d’entraîner en National. Mais c’est de plus en plus dur : il y a aussi de plus en plus d’entraîneurs de Ligue 2 qui viennent en National, sans compter les entraîneurs étrangers qui arrivent. J’ai toujours l’ambition d’entraîner un gros club de National et de l’amener en Ligue 2, je sais que j’en suis capable. Avec le Red Star, on n’est pas passé loin, poursuit celui qui se définit comme un entraîneur « pragmatique ».

« J’aime m’adapter aux équipes que j’ai et au niveau où l’on évolue. Avoir un jeu de possession de balle en National…. Non… Je pense que c’est trop compliqué de faire 15 ou 20 passes pour déstabiliser un adversaire. J’aime avoir une équipe compacte, des joueurs qui courent, et être dans la transition. C’est là qu’on fait le plus mal. PSG met 70 % de ses buts sur des phases de transition rapide. En National, les équipes sont tellement bien en place, y’a tellement de monde dans les 30 derniers mètres que c’est très dur de trouver des décalages. Y’a du pressing tout terrain. Pour moi, c’est très dur d’allier possession et efficacité : hormis Concarneau et aussi Avranches je trouve, je ne vois pas d’autres équipes qui y parviennent. »

Klopp, Renard, Garcia…

Photo Philippe Le Brech

Ses modèles ? Jürgen Klopp. Et Hervé Renard, qui « dégage quelque chose d’impressionnant, une énergie incroyable, il emmène ses joueurs, c’est ce que j’aime aussi, dans les causeries, emmener de l’émotion chez les joueurs. J’aime beaucoup Rudy Garcia aussi, je ne sais pas comment il fait pour que les critiques glissent sur lui. Klopp, Renard, Garcia, ce sont des coachs qui m’inspirent, que j’écoute, que je regarde. J’ai rencontré Hervé Renard grâce à un ami, je suis ressorti de l’entrevue avec lui… Pfff… On voit les choses différemment ensuite ! Quelle simplicité ! »

Avec Hervé Renard, il a de qui tenir en matière de causeries, l’une des facettes du métier de coach qu’il avoue apprécier : « La causerie d’avant match, c’est la plus dure ! Faut pas que ce soit long, mais impactant, et ça dépend de votre humeur, de votre état de fatigue. Il faut penser à tout. Je fais mon plan de causerie la veille, je sais comment je vais emmener les choses par rapport à la semaine passée, à l’adversaire, ce n’est pas évident, devant 20 ou 22 personnes, mais j’aime bien. Le plus important, c’est le travail que l’on a préparé la semaine. Après, mon staff vient souvent me voir et me dit « T’as ciblé le truc, t’as été impactant, on a aimé, t’a donné de l’énergie », et parfois, arrive le match, on est claqué (rires) ! Des fois on prépare des choses, tout est fluide, des fois non. J’essaie d’en remettre une couche deux minutes avant le match, pour donner encore de l’énergie et être mobilisé des le début. Après, y’a plein d’autres choses qui vont faire que le match va bien se passer ou pas, les joueurs vont louper une passe, se mettre dans le trou, ça arrive. Nous, on doit essayer d’être le plus performant possible dans nos causeries, dans nos entraînements, dans nos choix. Je sens quand une causerie est moins impactante. Mon staff peut se permettre de me le dire, car je suis sans filtre. J’essaie de le concerner au maximum. Il peut se permettre de me dire s’il a manqué un truc, s’il faut remettre un peu de sauce. Je lui demande aussi ce qu’il voit dans ma composition d’équipe, on échange, on n’est pas toujours d’accord, c’est normal. »

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot

Photos de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mention spéciale)

 

Son parcours, sa méthode, sa vision : l’entraîneur de La Duchère, âgé de seulement 32 ans, revient sur toutes les expériences qui ont jalonné son parcours et l’ont élevé à ce rang. Entretien long format avec un touche-à-tout, au profil atypique.

Jouer la montée en National à 32 ans n’est pas commun. C’est pourtant ce que s’échine à faire chaque week-end Jordan Gonzalez, l’entraîneur de Lyon-La Duchère, 3e de sa poule de N2, à 3 unités du leader Jura Sud.

Pur lyonnais, celui-ci évoque un parcours déjà riche de plusieurs expériences, entre directeur sportif, entraîneur d’équipes de jeunes, analyste vidéo ou responsable de pôle socio-éducatif. Qui font de lui un jeune coach en pleine réussite aujourd’hui.

Jordan, à 32 ans, vous êtes à la tête d’une équipe de National 2. Qui êtes-vous ?
J’ai commencé assez tôt à entraîner, vers 18 ans, à Givors (Rhône), un petit club de district de quartier. Avec les jeunes, j’avais la fibre, l’envie de partager, d’apporter un plus. Quand je jouais, j’étais défenseur, donc habitué à beaucoup parler, communiquer, guider. Souvent on me donnait le brassard de capitaine. C’était assez naturel. J’ai commencé à vouloir me professionnaliser, travailler dans le sport de manière global. J’ai eu une proposition du Cascol (à Oullins), qui était en reconstruction, un bon club formateur de la région lyonnaise. Ils me proposaient une alternance en passant un diplôme d’entraîneur, j’ai accepté, ce qui m’a permis de rentrer dans le monde du sport, professionnellement parlant. A l’issue du diplôme, j’ai enchaîné là-bas avec mon brevet d’état, à 21 ans.

« On m’a rapidement donné des responsabilités »

Des gens coachent assez jeunes, dans leur club, mais vous ça s’est accompagné rapidement d’autres responsabilités. Comment ça s’est passé ?
J’ai rapidement eu des casquettes dans ces deux clubs auxquelles je n’étais pas préparé. A 18 ans, j’avais déjà des 15 ans-16 ans à entraîner, et en arrivant au Cascol, j’ai eu un poste à responsabilité dans la direction, avec des décisions, du management, des projets socio-éducatifs à mener. J’ai touché à tout.

Je suis resté 7 ans au Cascol et j’ai pu entraîner à tous les niveaux, en district, en ligue, en seniors, en jeunes, toutes les catégories, avec toutes les casquettes, à la fois responsable socio-éducatif, directeur sportif, ou responsable de l’école de foot. Ça m’a permis d’expérimenter, de voir beaucoup de choses, d’échanger, de créer un réseau. Et de pouvoir me former de manière assez autodidacte, entre guillemets. J’ai fait des erreurs qui m’ont permis d’évoluer, me corriger, pour ne pas les reproduire. Et puis après 7 ans, j’arrivais un peu au bout de l’histoire. J’ai décidé de partir au FC Lyon, un très gros club formateur de la région lyonnaise.

Le début d’une – déjà – deuxième partie de carrière de coach, quelque part…
Au FC Lyon, j’ai eu en charge les U19 la première année, avec un objectif de montée en U19 nationaux. On finit premiers, mais on ne monte pas, à cause d’un calcul avec les cinq premiers de poule en France qui ne nous a pas profité. Mais on avait fait une très grosse saison. Le club décide de se séparer de l’entraîneur des U17 Nationaux la saison d’après, qui est l’équipe phare sur les jeunes, et ils m’ont proposé le poste. J’ai accepté la mission, ce qui a d’ailleurs permis de mettre en lumière mon travail, celui de mon staff, et les joueurs. On finit premiers de la poule C devant six centres de formation. Après ces 2 ans, je suis parti à Lyon-La Duchère, qui m’a sollicité et m’a offert une double-casquette, celle de deuxième adjoint et analyste vidéo de l’équipe en National, et celle de coach des U18. Cela fait maintenant quatre ans que j’y suis.

J’ai fait trois années, ou plutôt deux années et demie avec les U19 Nationaux, puis j’ai remplacé le coach des seniors en N2 l’an passé (en décembre 2021) après six mois avec les U19. Le club m’a sollicité pour mettre un nouveau projet en place : il voulait quelqu’un en interne, de frais, avec de nouvelles idées. Ils ont retenu mon profil pour le poste avec l’objectif de maintenir l’équipe en National 2, elle qui venait de descendre de National. On a réussi à l’avant-dernière journée, et cette année on est repartis sur des bases nouvelles, avec un projet où ça se passe plutôt bien, on ne va pas se plaindre !

« Le côté social et humain, c’est primordial pour moi »

Beaucoup d’entraîneurs ont été joueurs, puis coachs… Vous, on a presque l’impression que vous avez été joueur pour acquérir de l’expérience et devenir entraîneur !
Quand je commence à 18 ans, je ne me dis pas que je vais devenir entraîneur de foot professionnel et en vivre. Je suis plutôt dans une optique où je travaille dans le club de mon quartier, coach plus animateur de quartier à côté, que je vais devenir professionnel du sport, mais de manière générale. Et puis j’ai commencé à y prendre goût quand j’ai commencé à évoluer en termes de clubs, ça donne une certaine vocation, j’ai aussi vu différents profils (de postes). Et puis j’ai passé mes diplômes, je me suis senti à l’aise, et j’ai commencé à me professionnaliser.

On va dire que le déclic, ça a été après mon brevet d’Etat, vers 22-23 ans : là, je me dis que je vais en faire mon métier, que je vais vivre de ça. Être entraîneur en N2, à 32 ans, je ne m’y attendais pas en toute honnêteté, ce n’est pas quelque chose que j’avais programmé !

Ce côté « coach des jeunes » dans un club de quartier ou directeur de pôle socio-éducatif, ce n’est pas commun : on imagine que ces expériences irriguent aussi votre profil et façon de faire aujourd’hui…
Oui, après voilà, j’ai un profil assez atypique. Joueur, j’avais un niveau régional, et je n’ai jamais évolué à un haut niveau. J’ai arrêté très tôt car j’ai privilégié l’entraînement. Les deux horaires se chevauchaient, et j’ai dû faire un choix, difficile, car je reste avant tout un footeux, j’aime le foot et jouer au foot (sourire).

Mais c’est sûr que mes différentes expériences, mon vécu, c’est ce qui fait de moi aujourd’hui la personne que je suis, humainement, et je n’oublie pas d’où je viens. Je veux que mes équipes transpirent ça, dans le relationnel avec mes joueurs, le côté social, le côté humain, c’est pour moi primordial. C’est pour ça que je me sens bien à La Duchère, c’est un club qui fait beaucoup sur ces plans-là.

« J’avais une certaine appréhension, je me suis mis une pression »

Par rapport au relationnel, comment ça se passe avec votre âge ?
Quand j’ai signé 2e adjoint en National à La Duchère, j’ai eu cette barrière de l’âge, où même moi je me suis mis une pression par rapport à ça. Je me suis dit « je suis plus jeune, je vais être au contact de joueurs plus âgés que moi, qui ont joué pour certains en Ligue 1, ont un vécu, un niveau de jeu que je n’ai jamais eu, quelle crédibilité j’allais avoir pour leur parler, les conseiller, leur faire des remarques ? »

C’est vrai que j’avais une certaine appréhension. Mais mes deux années dans le rôle de 2e adjoint, j’avais une proximité avec les joueurs, un relationnel différent, et ça m’a permis de voir quels étaient leurs besoins, leurs attentes, comment ils évoluent dans le vestiaire à ce niveau-là, connaître les exigences du National, même les contrats, les primes, etc. Ça m’a permis de prendre pas mal d’informations, j’étais à l’affût de tout, je regardais tout ce qui se passait, les relations dans le staff, avec les joueurs, entre les joueurs. Et après on se sent de plus en plus à l’aise, et on ne fait plus attention à l’âge.

Quand je suis passé numéro 1 l’an passé, je n’ai pas parlé de mon âge, j’ai mis un cadre en place, je n’ai pas changé, je suis resté le même qu’avec les jeunes de 16 ou 17 ans. J’essaie de rester proche de mes joueurs. Après, je mets des barrières, et le respect doit être le même, que j’ai 50 ans ou 32 ans. Ça se passe bien, honnêtement, je suis ouvert et je dis les choses aux joueurs, et j’accepte aussi d’en entendre (rires).

« Avoir coaché des jeunes avant me sert beaucoup aujourd’hui »

Coach en jeunes, analyste vidéo, coach en N2. Déjà un sacré parcours…
L’aspect entraîneur de jeunes me sert beaucoup aujourd’hui. On a des générations qui changent, elles sont en décalage avec celles plus âgées, et avoir été coach me permet entre guillemets d’être à la page, me permet d’appréhender celle qui arrivent, ce ne sont plus les mêmes codes, que je connais. Je ne dirais peut-être plus ça dans vingt ans, mais aujourd’hui j’en profite (rires) !

Quand j’étais coach en jeunes, j’étais à outrance sur l’aspect jeu, avec le développement et la formation du joueur. J’essaie d’avoir un équilibre au niveau N2, avec les résultats, la pression de la direction. Mais j’essaie de garder cet aspect formateur.

L’outil vidéo, celui d’analyste, je l’avais ciblé, je voulais être formé sur ça, pour moi c’était important de le maîtriser. Il me sert également avec les nouvelles générations. C’est un métier qui est exigeant, usant, mais j’ai beaucoup appris. Les coaches nous écoutent, on a du recul, un œil différent; ça m’a permis d’ouvrir mon champ de vision, ma palette. J’ai « mangé » beaucoup de matches, tactiquement on voit des choses, flagrantes ensuite quand on les voit sur le terrain, ça m’a permis de gagner en traitement d’informations. Dans un match maintenant j’ai des habitudes qui me permettent de voir des choses de manière assez efficace par rapport à avant.

Quelles sont vos méthodes de travail à La Duchère ?
Déjà, j’ai un staff qui m’entoure. Je bosse beaucoup avec eux et je délègue beaucoup. L’idée, c’est que chacun trouve sa place et s’épanouisse dans son rôle. J’essaie d’alterner des séances où j’anime et où je prends du recul. Je n’anime que 30 ou 40% de la séance. Pour avoir un avis différent, être dans un relationnel et rôle différent, une fois donner des ordres, d’autres des conseils, être plus dans le recul et l’analyse.

Sinon, en méthode, je travaille tout avec ballon, jusqu’en veille de match. En lien avec le modèle de jeu qu’on met en place en début de saison, auquel on se tient et on se réfère. On le présente aux joueurs, pour qu’ils aient un outil et un fil conducteur, qu’ils sachent pourquoi ils font ça, pourquoi ils jouent, dans quel intérêt, quel objectif, avec une participation. Pour que ça leur donne un intérêt et une notion de plaisir, une envie d’être impliqué. Je trouve qu’ils sont plus réceptifs.

On a pas mal de temps dans la semaine où le projet de jeu est partie prenante, et des temps où on travaille sur le match et l’adversaire. Le plaisir est aussi au cœur du jeu, il y a beaucoup de travail porté sur l’offensif. Sur ma méthode, je mets un grand accent sur la transition. J’alterne aussi avec des entretiens individuels, sur l’aspect mental du joueur, des fois on va aller chercher le positif, ou aller chercher le positif pour ceux qui sont dans le négatif, et le travail sur la vidéo également, sur l’adversaire ou sur notre équipe, comment on peut s’améliorer.

« Je vois le foot comme un sport de spectacle, de plaisir »

Et ça marche ! Vous faites une excellente saison, dans une énorme bataille pour la montée, où vous êtes une des meilleures attaques de N2. C’est un cercle vertueux.
Comme je dis souvent aux joueurs, moi je n’ai pas connu le milieu professionnel, et je vois le football comme un sport de spectacle, de plaisir. On est tous des passionnés de ce sport, à la base, quand on s’inscrit pour jouer. C’est quelque chose pour moi qui doit se retranscrire et se voir sur le terrain. Une équipe qui ne prend pas de plaisir, c’est difficile.

Après, on adapte : aujourd’hui le championnat de N2 et l’exigence des résultats le requièrent aussi. Il faut faire le dos rond, délaisser parfois le ballon. Mais l’idée principale c’est d’être une équipe qui aime avoir le ballon, qui aime jouer, prendre du plaisir de manière collective, qui aime donner du plaisir aux personnes qui viennent voir le match, et donc du coup avec l’idée de vouloir marquer plus que l’adversaire.

On regarde avant tout l’aspect offensif, mais il y a également l’aspect défensif (sourire)… Cette saison, c’est vrai qu’on n’avait pas programmé un début de saison comme ça, en toute honnêteté. Il fallait reconstruire un groupe, avec des nouvelles recrues, 15 départs à l’intersaison, remettre une identité lyonnaise, avec des Lyonnais, repartir avec des jeunes aussi, remettre en avant la formation qui travaille bien ces dernières années. On a fait une première partie encourageante; à l’origine on jouait le maintien avec ces six descentes. Et de fil en aiguille, on a montré un visage offensif, des contenus encourageants, et on s’est dit qu’on avait quelque chose à jouer. Avec quelques renforts permis par les actionnaires, on est repartis sur les mêmes bases en 2023, avec des buts, on garde le côté offensif.

L’idée, c’est de faire durer ça sur les matches qui restent pour essayer d’aller chercher la montée, même si ce n’était pas programmé au début. Aujourd’hui, on va la jouer jusqu’au bout, essayer de gagner du temps dans le projet du club qui est de retrouver le National.

Moi, au quotidien, ce n’est que du plaisir, je suis avec un staff que j’ai choisi, avec qui ça se passe bien, j’ai une relation de confiance avec le club et ma direction. Le club est reparti sur une dynamique positive après deux saisons compliquées, dans le sillage de notre saison actuelle, qui redonne du baume au cœur. Le club travaille bien comme sur les jeunes, tous nos feux sont au vert, on avance dans le bon sens, avec un gros effort de restructuration les dix dernières saisons. Cela paie aujourd’hui. Ils m’ont donné les clefs de l’équipe fanion pour que Lyon-La Duchère retrouve la place qu’il mérite, a minima le National, avec la volonté de mettre le club en Ligue 2 à moyen-long terme. C’est quelque chose qui est dans les têtes de tout le monde. Pour le National, ce n’était pas prévu cette année, mais si on peut aller chercher le Graal de la montée, tant mieux, on ne va pas se priver (sourire)…

Jordan Gonzalez, du Tac au Tac

Meilleur souvenir ?
La belle saison au FC Lyon avec les U17 nationaux. On avait atteint la 1ere place du championnat et les play-offs, une première en Rhône-Alpes et dans la poule où on était. Devant Auxerre, l’ASSE, l’OL, Clermont, pour un petit club amateur c’était fort et valorisant pour les jeunes.

Pire souvenir ?
Une élimination en Gambardella lors de ma 1ere année à Lyon-La-Duchère. On joue le TFC, on perd 3-0. C’était un match où on a été en difficulté et je n’ai jamais su trouver la solution, répondre à la problématique posée, contre une équipe qui avait très bien préparé son match.

Vous êtes un coach plutôt ?…
Offensif-agressif (rires).

Des modèles ?
Je m’inspire de beaucoup de coaches. Après j’ai beaucoup aimé le travail de Bielsa depuis des années, avant qu’il soit à Marseille, depuis qu’il était à Bilbao, sa philosophie, justement portée sur l’offensif mais avec un état d’esprit agressif… J’aime ensuite Diego Simeone, dans un registre différent, son côté agressif aussi, et après Guardiola, Arteta.

Un président marquant ?
Mon président actuel, Jean-Christophe Vincent. Il m’a donné ma chance à un niveau où très peu de monde l’aurait fait. C’est quelqu’un envers qui j’ai une très grande reconnaissance.

Un joueur favori ?!
Le joueur qui me fait rêver, c’est Carles Puyol.

Un joueur que vous avez entraîné qui vous a marqué ?
Isaac Hemans, qui a fait l’OL, le PSG, là actuellement à Bastia-Borgo en National, et Farès Chaïbi, au TFC aujourd’hui.

Un stade de rêve ?
Le stade de Boca, qui marque par son ambiance, son architecture. Et sinon, où j’ai joué, le stade de Laval, sa qualité. L’ambiance, une pelouse de qualité, etc. !

Un club où vous rêveriez de coacher ?
Le FC Barcelone.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos : Lyon – La Duchère

S’il décroche son maintien, le club de la proche banlieue de Périgueux, qui s’est imposé dans le derby face à Bergerac (2-1), devra s’adapter dans de nombreux domaines afin de répondre aux exigences du nouveau format des championnats amateurs. Grandir passera peut-être par une ouverture sur l’agglo.

Ce n’était pas le pot de terre contre le pot de fer, mais un peu tout de même ! Le derby de la Dordogne, entre Trélissac et Bergerac, deux villes que tout sépare, mais proche de 50 kilomètres, a finalement tourné en faveur de « l’équipe de village », sans péjoration aucune.

Après tout, Trélissac et ses 7000 habitants, située dans la proche banlieue de la préfecture, Périgueux, ressemble bien moins à une ville que Bergerac, son adversaire du soir, et ses 27 000 habitants !

Samedi dernier, le Trélissac-Antonne Périgord FC, qui a succédé en 2020 au Football-club de Trélissac – Les Maurilloux après sa fusion avec l’ASSAC (Association sportive Antonne le Change), a remporté son « clasico » face à son voisin, avec qui la hache de guerre a été enterrée depuis quelque temps, comme l’ont d’ailleurs affirmé les deux présidents, Christophe Fauvel d’un côté (Bergerac), Fabrice Faure de l’autre (Trélissac).

Une saison irrespirable

Erwan Lannuzel et Hervé Loubat, les deux coachs.

En fait, de rivalité, il n’en est question que pendant 90 minutes, le temps du match, et encore, celle-ci se fait surtout sentir dans les tribunes, où les « anciens » de Trélissac – le public du stade Firmin-Daudou n’est pas tout jeune, c’est une réalité – ne manquent pas de chambrer, c’est de bonne guerre.

La prestation des joueurs de Hervé Loubat (47 ans) leur a d’ailleurs donné l’occasion de le faire sans ménagement. Les coéquipiers de d’Ange Gnaleko , un ancien de la maison d’en face, ont pris l’avantage au score en début de seconde période après avoir égalisé juste avant la pause. Ils ont ensuite tenu ce résultat (2-1) qui leur permet à la fois de conserver leur invincibilité à domicile cette saison et de « souffler » un peu au classement.

Photo Lisa Laval

Encore que, il n’est pas vraiment possible de respirer tant l’air du National 2 est à ce point… irrespirable : avec 27 points au compteur, Trélissac vient certes de grimper dans la première partie de tableau (8e sur 16), mais n’a que 3 points d’avance sur la 12e place, occupée par Romorantin, et synonyme de relégation (l’écart est le même avec la 11e place, qui peut également être synonyme de relégation en fin de saison).

En grande discussion pendant près d’une trentaine de minutes avant la rencontre, les deux coachs, Hervé Loubat et Erwann Lannuzel (34 ans), ont en tout cas confirmé que l’on pouvait être adversaire, a fortiori lors d’un derby, mais aussi collègues de travail : les deux hommes se sont souvent affrontés par le passé, en N3 tout d’abord, entre 2017 et 2019, quand ils officiaient respectivement en National 3, Loubat à Angoulême et Lannuzel à Bayonne, puis en National 2, quand ce dernier s’est assis sur le banc de Bergerac, en 2021.

Les bénévoles en force

Il est 17 heures. Le stade Firmin-Daudou commence à se remplir. A l’entrée, au guichet, Daniel, 30 ans de présence au club, et Dominique, appréhendent un peu l’arrivée des supporters adverses : « Le problème, c’est que Bergerac a un public beaucoup plus jeune ». Bon, si ce n’est que ça le problème… !

Dans les allées, les stands sont nombreux et confèrent à l’ensemble une ambiance « village ». Anthony, le responsable marketing et communication (il est également joueur au club), présente le salon des exposants, où de nombreuses associations et entreprises sont venues assurer la promotion de leurs activités. Une initiative sympa qui anime et ambiance la soirée.

Au micro, Michel, le speaker, donne le tempo : il est l’un des très nombreux bénévoles de Trélissac – c’est l’une des forces du club, avec près de 80 bénévoles – à oeuvrer ce soir. Une page leur est même dédiée sur le site web du club, preuve qu’on ne les oublie pas à Trélissac.

Il est 18 heures, le derby peut commencer. « Enlève ton jupon le 2 », « Il a mangé trop de tartiflette, le 2 » : les supporters de Bergerac « branchent » et ont trouvé leur souffre-douleur, le Trélissacois Thibault Hamel, qui répond à l’un d’eux : « Viens sur le terrain ! ». Le numéro 2 des Jaunes et Bleus sera un peu l’homme de ce match : c’est lui qui égalisera avant la pause et qui sera expulsé après le 2e but de son équipe. Le derby se terminera donc à 10 contre 10.

Bergerac laisse passer l’occasion

Ce derby du 24 ne fut pas d’un grand niveau technique, en revanche, sur le plan de l’intensité, le public – environ 800 spectateurs – en a eu pour son argent (5 euros l’entrée seulement, 2,50 en demi-tarif). Quel engagement !

Mis au courant depuis la veille des résultats de ses deux principaux concurrents à l’accession en National, GOAL FC et Les Herbiers (le premier a été battu 2 à 0 à Andrézieux et le second a fait 0-0 à Angoulême), le Bergerac Périgord FC savait que, en cas de succès, il prendrait pour la première fois de la saison les commandes du championnat !

Des commandes que les Bergeracois ont finalement laissé échapper même si, pendant près d’une demi-heure, après l’ouverture du score un peu contre le cours du jeu de Victor Elissalt dès la 15e minute de jeu, ils ont endossé le maillot de leader… jusqu’à l’égalisation logique de Trélissac avant la pause par Thibault Hamel (44′). Entre ces deux buts, Sam Ducros a écopé d’un rouge côté bergeracois (33′). Ce qui n’a pas douché plus que ça l’enthousiasme des supporters adverses : « On va leur montrer qu’à 10, on sait jouer au ballon aussi ! ».

Le BPFC allait finalement perdre cette rencontre après un penalty transformé par Jorris Romil au retour des vestiaires. Dominateur dans la dernière demi-heure, il aurait aimé repartir avec les 3 points mais il a payé un lourd tribut la saison passée pour savoir que tout peut se jouer à la dernière minute du temps additionnel de la dernière journée, et « même après le championnat » comme l’a rappelé Erwan Lannuzel, référence à l’incroyable scénario du 28 mai dernier, quand Bergerac, vainqueur sur le fil de la réserve de Montpellier (2-1), attendait le coup de sifflet final au Puy, alors tenu en échec par Colomiers, pour fêter sa montée. Et puis, il y eut ce penalty ponot à la 90’+6 au stade Massot, transformé par Mamadou Ndiaye, qui envoyait les Auvergnats en National !

L’arbitrage en question

Finalement, ni le résultat ni le scénario d’un match où l’arbitrage a pesé de tout son poids ne sont venus remettre en cause la relation entre les deux clubs : Loubat et Lannuzel se sont retrouvés sur la pelouse après la rencontre et ont, ensemble, pendant un bon quart-d’heure, refait le match où il fut essentiellement question de « tactique ». Rare et rafraîchissant. Et sans quelques obligations, médiatiques ou « commerciales », les deux hommes y seraient sans doute encore !

De leur côté, les deux présidents ont confirmé ce que tout le monde savait déjà dans le Périgord : les relations sont au beau fixe. « Depuis 2 ou 3 ans, elles sont très bonnes » a confirmé Fauvel, toujours aussi omniprésent sur son réseau social préféré, Twitter. D’ailleurs, dès le lendemain du derby, il s’est fendu de deux tweets de remerciements. L’un, sincère, où il a remercié son homologue Fabrice Faure et ses dirigeants, « Pour leur sympathique accueil tout au long de la soirée ». L’autre, ironique, à l’endroit de l’arbitre, Pierre Retail, coupable d’avoir annulé le but bergeracois de Freddy Colombo dans le temps additionnel pour une position de hors-jeu au départ de l’action du capitaine Damien Fachan. Position qui n’y était pas, photo à l’appui. « Incompétence ou malhonnêteté ? », n’a pas hésité à écrire Fauvel. On ne se refait pas !

Fabrice Faure (président de Trélissac) :

« Pourquoi ne pas devenir le club de l’agglo de Périgueux ? »

Président de Trélissac depuis 2009, Fabrice Faure est revenu sur les relations avec son voisin et a évoqué l’avenir. Un avenir en pointillé dû à la réforme des championnats nationaux.

Président, on a vu que les rapports avec Bergerac étaient apaisés…
Oui, par rapport au passé, la situation s’est apaisée, tant du côté de Bergerac et de son président Christophe Fauvel que du mien, de toute façon, nous avons tous les deux un intérêt commun au niveau du championnat de National 2. Déjà, c’est bien dans un département comme le nôtre, en Dordogne, d’avoir deux clubs à ce niveau-là. Beaucoup n’ont pas conscience de cela, de cette chance. Il y a beaucoup d’autres départements de Nouvelle-Aquitaine, je pense à la Corrèze, à la Haute-Vienne, au Lot-et-Garonne, Les Landes aussi, qui n’ont pas de club en National 2, et même dans le bassin bordelais, hormis le Stade Bordelais qui a du mal à se maintenir. Donc, c’est déjà une belle performance qu’un département comme le nôtre ait deux clubs en N2. Après, effectivement, chacun des deux a son bassin économique, et il y a toujours cette petite rivalité autour du derby. Mais il n’y a pas de problème particulier.

Quels peuvent être les objectifs pour un club comme Trélissac, avec ce resserrement de l’élite ?
C’est là toute notre difficulté, par rapport justement à cette réforme des championnats amateurs. La saison prochaine, on va passer de 4 poules de 16 à trois poules de 16 en National 2 : si on a la chance de se maintenir, on sera quand même dans le top 100 des clubs français, et quand on sait qu’il y a 15 000 clubs en France, ça situe le niveau… Et si on veut continuer à se maintenir après, effectivement, cela demandera des moyens supplémentaires. Il faudra suivre en matière de contrats fédéraux, de planning d’entraînement avec des séances le matin ou l’après midi, de structures, de staffs, de kiné, d’ostéo ou de préparateur mental, tout ça devra être pris en compte. Le National 2 sera quasiment professionnel. Nous sommes en train de faire les démarches au niveau des collectivités mais on a du mal à leur faire prendre conscience que c’est vraiment une performance d’être à ce niveau-là aujourd’hui. J’aimerais bien que les élus nous aident pour que l’on se maintienne. Je ne pense pas uniquement à la mairie, je pense à l’agglo (Grand Périgueux) et au Département.

Le terrain de Firmin-Daudon, utilisé aussi pour le rugby, est… catastrophique…
Il nécessite des travaux, on a un problème de drainage, la municipalité a prévu de faire ça. Vous voyez bien dans quel état il est. Quand il pleut, l’eau n’est pas drainée… Mais ce n’est pas le problème.

Peu de gens savent que Trélissac se situe juste à côté de Périgueux : pourquoi ne pas associer le nom de la préfecture ?
Demandez à l’Olympique de Marseille s’ils ne connaissent pas Trélissac ! On les a rencontrés trois fois depuis que je suis président (rires) ! Plus sérieusement, ça fait partie des discussions, des pistes, que l’on a avec les élus. C’est certain que, à un moment donné, pour une commune comme Trélissac, avec ses 7000 habitants, les moyens sont limités. Un club comme le nôtre doit être porté par l’agglo, le Grand Périgueux. Demain, le club peut très bien devenir le club de Grand Périgueux Foot, je ne sais pas. Je dis souvent que l’on ne gère pas un musée. C’est dans l’intérêt du club d’avoir une locomotive de haut niveau pour tirer le reste vers le haut et de se maintenir en National 2. On a 570 licenciés, tous répartis sur l’agglo, et beaucoup viennent de Périgueux.

On dit que vous mettez plus de moyens chez les jeunes que chez les seniors…
Oui. J’essaie de préserver ça; la plupart des présidents mettent plus de moyens pour leur équipe fanion au détriment des jeunes et de la formation, mais ce n’est pas ma volonté, et je pense aussi au secteur féminin, qui est important, et à la préformation. Ce soir, sur le terrain, il y avait un garçon comme Yanis Leriche, qui a été formé à Trélissac, c’est une fierté, et une volonté, et quand ils sont très bons, ils partiront plus haut. On a deux équipes seniors en Régional 1 et Régional 3 avec une majorité de Trélissacois. J’ai autant de plaisir à regarder les résultats de notre équipe de National 2 que ceux des autres équipes du club, même le foot animation, je regarde tout !

Hervé Loubat (entraîneur de Trélissac) :

« La N2 va devenir beaucoup plus exigeante »

Arrivé sur le banc voilà un peu plus d’un an, l’ex-coach d’Angoulême, de Moulins et d’Yzeure (avant la fusion), a assuré le maintien la saison passée. Et il est bien parti pour en faire de même cette saison. Modeste joueur de DH (Régional 1), il avait effectué ses classes de coach pendant 7 ans avec la réserve de l’AS Moulins, la propulsant de première division de district jusqu’en CFA2 (N3) ! Joueur, il avoue avoir « joué sous fausse licence à Saint-Georges-les-Ancizes », quand le club évoluait en CFA : « On était 25 mutés alors qu’on n’avait droit qu’à 6 ! » . Loubat n’a que peu goûté au niveau CFA : « J’étais surtout un bon joueur de DH, un numéro 10 ! J’étais un joueur d’entraînement, il me manquait le mental ! »

Comment qualifiez-vous le club de Trélissac ?
C’est un club très sain, avec un président honnête et intègre : par exemple, ici, y’a un maximum de frais kilométriques qu’on ne dépasse pas, ce n’est pas comme ailleurs (sourire), y’a pas de triche comme cela existe parfois. C’est un club très familial avec un gros noyau de dirigeants, qui sont plutôt des retraités. Quand j’étais avant-dernier, je n’ai pas eu de pression, le président ne m’a pas convoqué dans son bureau, il me laisse travailler. Il me fait confiance. Il sait très bien que cela va être dur. Après, au niveau du sportif, du fonctionnement, il faut qu’on passe à la vitesse supérieure si on a la chance de se maintenir cette année, parce que la saison prochaine, le National 2 ressemblera plus au National 1, avec les six descentes de l’étage au dessus, et idem la saison d’après. Il faudra avoir un fonctionnement plus professionnel, et ce ne sera pas un gage ou une garantie, mais bon… Sur un effectif de 23 joueurs, j’en ai 9 qui bossent, ce qui fait que l’on s’entraîne le soir, à 18h, et encore, je n’ai pas toujours toujours le monde car j’ai deux « pions » qui sont internes, donc par rapport aux autres « machines de guerre » du championnat comme Angoulême, Les Herbiers, Bourges, GOAL FC ou même Bergerac, ce n’est pas comparable. J’étais à Angoulême y’a encore un an : là-bas, c’est un fonctionnement très pro. Nous, on a un kiné qui vient deux fois deux heures dans la semaine, un entraîneur des gardiens aussi, qui ne vient que deux fois, mon adjoint fait les montages pour la vidéo, je fais les découpages, bon voilà… ça va, mais la future N2 sera beaucoup plus exigeante.

Le club doit donc se structurer…
Oui, c’est dans son intérêt. On a un terrain annexe qui est injouable, le terrain d’honneur est « dégueulasse », vous l’avez vu ce soir : à 11 contre 10, on aurait dû avoir la maîtrise du jeu, mais… C’est pour ça aussi que je joue en 3-5-2, parce que à un moment donné, on a besoin de prendre des points, en plus, on a perdu en janvier notre attaquant Adama Diakité, qui est parti à Clermont. Il a fallu pallier son absence et réfléchir à un autre système, et on voit que cela porte ses fruits, même si on a perdu à Bourges récemment, 1 à 0, mais on avait fait un bon match malgré un expulsé tôt dans le match… Ce qui nous fait avancer aujourd’hui, c’est notre état d’esprit, et c’est ça qui doit nous permettre d’aller chercher le maintien.

On vous a vu en grande discussion avec le coach de Bergerac, avant et après le match. Il n’y a donc aucune rivalité ?
Les deux présidents se respectent mais chacun veut gagner contre l’autre club de Dordogne, c’est normal, et les anciens de chez nous aussi, veulent gagner ce match, alors ce soir, on les a « refaits ». De mon côté, non, je ne ressens pas de rivalité, je n’ai pas axé ma causerie là-dessus, je l’ai axé sur nous, je voulais qu’on soit très bon mentalement et tactiquement, et c’est ce qui s’est passé. Bergerac, c’est un club tendance, comme Angoulême : ce sont des clubs qui ont gagné du temps, qui sont dans le vrai, avec un fonctionnement sportif et extra-sportif bien supérieurs au nôtre; chez eux, c’est festif après les matchs, avec des bodegas, ils ont 10 ans d’avance sur nous, on est limité aussi ici pour recevoir nos partenaires, l’espace est petit. Il y a un boulot énorme ici pour que le club s’émancipe.

Dépeint comme cela, on imagine mal Trélissac durer en National 2 et encore moins viser plus haut (le club a déjà évolué en National en 2002-03 et entre 1995 et 1997)…
Aujourd’hui, Trélissac ne peut pas envisager d’aller plus haut à part s’il y a un vrai projet de construction d’infrastructures. On s’entraîne une fois ici, une fois là-bas, on n’a pas d’identité, on ne se sent pas chez nous, on n’a pas de vestiaire, on a un fonctionnement plus proche d’un club de R1 ou de R2. Franchement, on a un président extraordinaire, mais la municipalité ne l’aide pas trop, alors notre président le mériterait : il met des moyens humains et financiers, je pense d’ailleurs qu’il doit être le seul à ce niveau à mettre beaucoup plus de moyens chez les jeunes que chez les seniors, où les équipes ont le même pack qu’en N2, avec un éducateur et un adjoint à chaque fois au moins, il aime les jeunes, il aime la formation.

Sportivement, Trélissac va mieux…
Il nous faut 3 victoires et 1 nul, je pense, pour assurer notre maintien. L’an passé, on a fini 10e avec 35 points, là, on a 27 points, alors je me dis qu’avec 36 ou 37, on sera maintenu, on devrait être au moins 10e. La reforme du championnat ? Là, c’est l’ego qui parle, c’est normal, on veut se maintenir, même si pour Trélissac et ses 7000 habitants, ce ne serait pas scandaleux de descendre, compte tenu du peu de moyens que l’on a. Mais je suis très animé pour maintenir le club !

Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Lisa Laval

Photos : Trélissac-Antonne FC / Lisa Laval et 13HF

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Le milieu de terrain ardennais raconte comment son équipe s’est extirpée du bas de tableau, au point de venir titiller celles du haut. L’ex-capitaine de Drancy, homme de vestiaire, en est persuadé : Sedan aura de nouvelles occasions de se rapprocher de la tête du classement cette saison.

Aziz Dahchour n’a pas bien compris le concept de l’interview « Du tac au tac ». Ou plutôt si, il a tout compris ! Le milieu de terrain et capitaine du CS Sedan Ardennes a donné des réponses comme certains adressent des lettres de remerciements ! Quand il faut répondre par un mot, il répond par une longue phrase. Quand il faut répondre par un nom, il cite tout le monde, de peur d’en oublier ! Et s’il oublie quelqu’un, il n’hésite pas à vous envoyer un message, puis un deuxième !

Le natif de Sens, dans l’Yonne, est comme ça : il ne laisse rien au hasard. Il est perfectionniste et veut (presque) tout maîtriser. Mais que tout le monde sa rassure en lisant ses réponses : non, il ne faut pas lire entre les lignes. Quand bien même, parfois, un remerciement peut laisser croire à un au revoir !

Parce que, à 37 ans, l’infatigable milieu de terrain sait bien que la fin de sa carrière approche. Oui, mais quand ? « Je n’ai pas encore pris ma décision », affirme-t-il.

Parce que, à bientôt 38 ans (le mois prochain), , l’ex-joueur emblématique de la Jeanne d’Arc de Drancy joue moins cette saison avec les Sangliers, qu’il a rejoints en 2019. Beaucoup moins. Seulement cinq matchs de National cette saison. C’est peu, mais c’est la loi du football : « J’ai une âme de compétiteur… Bien sûr, c’est bizarre de ne plus jouer, mais il faut voir la réalité en face et se poser les bonnes questions, j’ai 37 ans. Même si je sais que je suis encore capable de jouer à un certain niveau… Mais voilà, moi, je ne peux pas montrer un autre visage que celui que j’ai aujourd’hui, par rapport à mes coéquipiers. Si je joue, je dois répondre présent comme je l’ai déjà fait, et si je ne joue pas, je dois toujours jouer mon rôle de capitaine et accompagner les autres, sinon, mon discours serait faussé par rapport à tout le travail que j’ai effectué depuis que je joue au foot. Ce n’est pas un problème d’entraîneur, il faut respecter son choix, je m’entends très bien avec Olivier Saragaglia et avec son staff. Il reste des matchs, je sais qu’il fera appel à moi, un match ou cinq matchs ou 45 minutes, et je répondrai présent. »

Cité en exemple par son président

Marc Dubois, le président du CSSA.

Le soldat Dahchour n’a pas d’état d’âme. Il sait que son rôle est toujours important dans le vestiaire, même si c’est le gardien, Geoffrey Lembet, qui porte le brassard lorsqu’il doit s’asseoir sur le banc des remplaçants. Tellement important que son président, Marc Dubois, dans les colonnes de 13heuresfoot, n’avait pas hésité à le citer en exemple lorsqu’il fut interrogé sur les joueurs emblématiques de Sedan (il avait également cité Paco Borgniet). Des joueurs bien partis pour accompagner le club sur la durée.

« Ce qui a été convenu, c’est de travailler après ma carrière au CS Sedan Ardennes. Mais je n’ai pas encore arrêté de jouer, poursuit, malicieux, le cadre de l’équipe; Je vais commencer à passer mes diplômes d’entraîneur. Cette année, j’accompagne aussi les 18 ans en tant qu’adjoint, je suis toujours en contact avec mon ex-coach à Drancy et son adjoint, Malik Hebbar et Yannick Floch, qui m’aident et me « donnent des billes », de même que mon coach à Sedan, OIivier Saragaglia. Et depuis novembre, je suis un peu plus proche de Marc Dubois. Je suis un peu son référent. Il m’apporte beaucoup de choses, notamment en matière de management. Paco (Borgniet) est en reconversion, et même s’il joue dans un autre club maintenant, à Prix-lès-Mézières, en N3, il est commercial au CSSA. Je trouve que le président et les dirigeants en général ont des valeurs : ils pensent à leurs joueurs et les accompagnent. Cela s’inscrit dans le projet global du club, dans ce que veut faire le président qui, bientôt, présentera un projet d’avenir pour la jeunesse; ce sera quelque chose de grand. »

« Je me se suis bien débrouillé »

Lors du match du Centenaire, en 2019.

Préparer sa reconversion, c’est quelque chose qu’il a déjà commencé à faire, avec son épouse : tous deux ont ouvert un institut de beauté, puis un second. « J’ai toujours eu quelques sollicitations, mais j’ai voulu préserver un équilibre familial, d’une part à cause de mon épouse et de son travail, d’autre part à cause du reste de ma famille, restée à une heure de Paris, à Sens, dans l’Yonne. J’ai privilégié cet aspect là, cet équilibre-là. Car je sais que, pour quelqu’un comme moi, qui n’est pas passé par un centre de formation, c’est important de bien construire l’après carrière, de ne pas partir n’importe où, de ne pas faire n’importe quoi. Je savais que je ne jouerais pas en Ligue 1 mais je savais que j’allais m’en sortir dans le milieu semi-professionnel, ce que j’ai fait. Je me suis bien débrouillé, j’ai pu faire des choses à côté, je ne regrette pas mon parcours. »

Un parcours qui a essentiellement conduit ce grand bavard à Sens, à Marck et à Drancy, en National 3, en National 2 et même en National avec la JAD, invitée surprise à cet échelon au terme d’un exercice 2017-2018 impressionnant, terminé juste devant…. Sedan (15 victoires, 14 nuls et une seule défaite). A à 33 ans, voilà qu’il découvrait l’antichambre des pros. « En National, Drancy n’était pas prêt. Le club a pataugé pour remplir le cahier des charges, pour l’organisation des déplacements, et puis il y a un fossé, là, on commence vraiment à parler de football, on affronte des clubs professionnels, il n’y a que des bonnes équipes. »

« J’avais fait mon travail avec Drancy »

Alors Drancy a calé (seulement 5 victoires en 34 matchs). Mais pas Aziz, qui s’est fait remarquer : « Cette saison-là, bizarrement, alors qu’on était derniers, c’est celle où j’ai eu le plus de sollicitations en N2 et en National. En fin de saison, j’avais envie de voir un autre projet. Je pense que j’avais fait mon travail avec Drancy, où je suis resté pendant 9 saisons. Je voulais me lancer un challenge. J’avais la possibilité d’aller en National mais finalement je suis resté en N2, à Sedan : le club a fait appel à moi à la dernière minute, et les négociations avec le directeur sportif, Julien Fernandez, ont été longues, mais il a su, avec son discours, me faire venir, et je ne le regrette pas ! »

Hier, Aziz et ses coéquipiers ont pris le bus, direction l’Auvergne. Ce soir, ils affronteront Le Puy-en-Velay dans le cadre de la 23e journée de National. Depuis le match aller (0-0), les Sangliers ont bien redressé la barre : ils sont tout d’abord sortis de la zone rouge avant de venir titiller les équipes de haut de tableau. Au point de s’être vu offrir, la semaine dernière, contre Martigues, à Dugauguez, une occasion énorme de recoller à seulement un point du 2e ! Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme ça : Sedan s’est incliné 1 à 0 face aux Provençaux.

« Personne ne va gagner les 12 derniers matchs… »

« En début de saison, tout le monde nous voyait mort, raconte Aziz; on est resté dans les derniers pendant deux mois, et c’est ça que j’ai bien aimé : on a montré du caractère pour sortir de cette zone rouge, et on sait que c’est compliqué. Rien que ça, c’est déjà une grosse performance. Là, on a fait un faux pas contre Martigues, je pense qu’un match nul aurait été équitable, mais je suis certain que l’occasion de recoller en haut de tableau va se représenter. D’autres équipes du haut vont peut-être caler, et on verra si elles auront la même force mentale que la nôtre pour relever la tête parce que quand vous êtes toujours 1er ou 2e et qu’à un moment donné, ça ne va plus, comment le groupe va-t-il réagir ? Peut-être que certaines équipes n’auront pas les billes nécessaires pour relever la tête. Il reste douze matchs, et personne ne va gagner les douze… A nous de faire le travail pour titiller les équipes du haut. »

Evidemment, cela passe par un résultat au Puy, une équipe qui prend souvent Sedan en exemple et qui aimerait s’inspirer de son parcours : « On sait que ça ne va pas être facile du tout, parce que l’on a été dans leur situation, et que c’est aussi une belle équipe qui n’est pas à sa place. On est prévenu. »

Aziz Dahchour, du tac au tac

« Etre à l’heure, c’est déjà être en retard ! »

Meilleur souvenir sportif ?
La montée historique en National en 2018 avec Drancy, on a fait un truc de « barges » avec les mecs ! Le coach Malik Hebbar nous avait mis ça en tête et on l’a suivi. Humainement, ce fut quelque chose de fort à vivre. On avait battu des records cette saison-là, avec une seule défaite.

Pire souvenir sportif ?
A Drancy, mais au final, cela nous a souri : en 2013, le club était interdit de recrutement. On était deux seuls rescapés de l’équipe avec Martin Ekani, et on jouait en CFA avec des 18 ans, cela n’a vraiment pas été facile, mais on s’est maintenu à la dernière journée. C’est un mauvais souvenir qui s’est terminé en bout souvenir !

Combien de cartons rouges ?
Trois, dont deux à Sedan (rires). Un qui n’était pas mérité, un deuxième jaune, contre Saint-Maur Lusitanos, en N2, et l’autre, lors de ce fameux match retour contre le Sporting club de Bastia à Dugauguez (0-0), à la 33e. Je m’en suis grave voulu.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
ça s’est fait naturellement. J’ai commencé comme tout le monde, dans mon quartier, devant la maison, et puis mes grands frères jouaient au foot, donc je les suivais. J’ai commencé à 6 ans, j’en ai 37 aujourd’hui. Pour moi, y’a rien de plus beau que le football. J’ai commencé à Sens (Yonne), en milieu de terrain, et puis mon coach en seniors, Lionel Charbonnier, en CFA2, m’a dit que si je voulais franchir un cap, il fallait que je joue latéral droit, j’avais 17 ou 18 ans, donc j’ai changé de poste, j’y ai pris au goût, mais à un moment donné, je voulais être dans le coeur du jeu, donc il m’a remis au milieu. A Drancy, à un moment où on était en galère de joueurs, j’ai aussi dépanné au poste de latéral.

Première fois dans un stade en tant que spectateur ?
Stade Abbé-Deschamps à Auxerre, je crois que c’était contre Lens.

Un stade mythique pour toi ?
Le Parc des Princes.

Un club ?
Quand j’étais gamin, je supportais l’AJ Auxerre, et aussi PSG, Lens et, bizarrement, Sedan ! Je le raconte souvent, j’aimais l’engouement, à l’époque de Mionnet, Ndiefi, tout ça, ça me parle… Sedan, c’est un club historique, un club mythique ! Y a une ferveur de fou, on l’a encore vu contre Martigues la semaine dernière. Et même quand on était derniers en début de saison, ils étaient là. C’est vraiment une force à Sedan.

Photo JAD.

Ton geste technique préféré ?
Les coups de pied arrêtés.

Qualités et défauts selon toi ?
Qualités, c’est de tirer tout le monde vers le haut. Je suis quelqu’un qui parle beaucoup sur un terrain, j’ai toujours été capitaine dans les équipe où je suis passé. C’est vrai que je parle et je joue, mais c’est naturel, j’ai toujours été comme ça. Parfois, ça énerve les adversaires. Défauts, j’en ai beaucoup… Je suis un mauvais perdant.

Le club où tu as failli signer ?
Amiens.

Le club où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
La saison 2017-18 avec Drancy et aussi la première année avec Sedan, en N2, en 2019-2020, notamment les treize premiers matchs avec ces treize victoires de suite, c’était du jamais vu, même en Italie ils parlaient de ce record !

La saison où tu as pris le moins de plaisir ?
La saison où l’on n’a pas pu recruter avec Drancy (2013-14). J’avais vraiment mal à la tête cette saison-là, j’essayais de ne pas le montrer aux jeunes.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Je ne rêve pas beaucoup (rires) ! Le Real Madrid.

Un coéquipier marquant ?
Un seul ? ça va être dur… Yasser Baldé (Laval), Loic Ghili (Viry), Martin Ekani, ancien joueur professionnel formé à Lens et qui, aujourd’hui, a un rôle important au club de Chantilly N3, Ralph Noncent, aujourd’hui entraîneur des U17 Nationaux à Drancy, Djamel Boudjema (côtoyé à Drancy), Geoffray Durbant (Laval), je ne peux pas citer tout le monde malheureusement ! La liste est trop longue ! J’ai gardé le contact avec presque tous les joueurs que j’ai pu côtoyer durant mes différentes saisons.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling ?
Guillaume Khous.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Quand on avait joué la réserve du PSG, Rabiot m’avait impressionné, et avec Drancy, on avait affronté Boulogne en National, et y’avait Ngolo Kanté, il était partout !

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Je revois assez souvent mes anciens coachs… Je dirais Lionel Charbonnier.

Lors du match du Centenaire, en 2019, avec Geoffray Durbant.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Aucun en particulier, non… Je n’ai eu que des bons coachs (rires) ! Bon, d’ailleurs, j’aimerais les remercier tous : Malik Hebbar et son adjoint Yannick Floch à Drancy, mon coach actuel à Sedan, Olivier Saragaglia, et aussi Lionel Charbonnier, Jean-Louis Granier, que j’ai eu à Sens aussi, Éric Vercoutre à l’AS Marck et Sébastien Tambouret (Sedan). Je les remercie pour leur loyauté, leur professionnalisme, leur accompagnement, leur bienveillance et leur management. Mais surtout pour leur côté humain, pas seulement vis à vis de moi, mais aussi à l’égard de tous mes coéquipiers.

Un président marquant ?
Je n’en ai pas eus beaucoup, alors je les cite tous : Alain Melaye à Drancy avec qui je suis toujours en contact et que j’ai revu il n’y a pas longtemps, un homme de parole, Maurice Raymond à Sens, qui est le papa de Raphaël, l’ancien journaliste (devenu aujourd’hui responsable des relations médias avec l’équipe de France, Ndlr), Didider Capelle de l’AS Marck, qui nous a malheureusement quittés, et forcément Marc Dubois, à Sedan, un travailleur acharné, qui se bat pour le club, qui a des valeurs et qui nous fait passer des bons messages. Les supporters ne doivent pas oublier que sans ce monsieur, il n’y aurait plus de club à Sedan. On a la chance de l’avoir.

Une causerie de coach marquante ?
Ce n’est pas une causerie mais un discours de Malik Hebbar, en début de saison, en 2017, avec Drancy : il nous a mis dans la tête avant le début de championnat qu’on allait monter. On pensait qu’il rigolait, et nous aussi, on rigolait, on était septiques, et au fil des matchs, on est allé dans son sens, et quelque part, on était bien obligés !! On s’est pris au jeu et on a réussi à emmener tout le monde avec nous, toute la Seine-Saint-Denis !

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
La première fois que je suis arrivé à Sedan, lors d’un stage en Belgique, les nouveaux devaient chanter, et moi, comme ça faisait 9 ans que je jouais à Drancy, je ne savais plus trop qu’il fallait faire ça, alors j’ai trouvé une parade pour ne pas chanter. Alors j’ai fait un discours, en demandant à chacun « Pourquoi tu es venu à Sedan ? Pourquoi tu es là ? », etc. Je leur ai dit « Moi je ne suis pas venu pour chanter, je suis venu pour monter. » J’ai eu un peu ce discours-là. En même temps, je voulais aussi emmener tout le monde dans la même direction. Au moins, on ne s’est pas raconté de salade ! On savait pourquoi on était là. Et j’ai contourné le truc, en disant « Je chanterai à Dugauguez quand on montera en National ». Y’a eu la Covid, on a fini 2e derrière Bastia… On n’est pas monté et finalement, on a été repêché un an après en National, après une deuxième saison encore avortée par la Covid. Donc il a fallu que je chante, deux ans après, lors d’une veille de match. Mais je n’ai pas chanté à Dugauguez !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Bakari Sagna. Il est de Sens. Comme moi. Et aussi Nadir Belhadj.

Des manies, des tocs, avant un match ?
La veille du match, j’essaie de me projeter, je me conditionne, je me donne des ondes positives. Jouer un match de foot, c’est énorme. C’est quelque chose de fort. On ne peut pas négliger un match. C’est tellement beau le football… C’est un rapport de forces.

Une devise ?
« Etre à l’heure, c’est déjà être en retard ! » Parfois je dis ça à certains coéquipiers (rires).

Un chiffre ?
Le 7.

Un plat, une boisson ?
Souris d’agneau. Et de l’eau plate, je ne veux pas avoir de problèmes avec ma direction !

Tu es un milieu de terrain plutôt…
Chiant à jouer !

Ton match référence ?
Le match du centenaire à Sedan, devant 10 000 spectateurs, contre Sainte-Geneviève, on avait gagné 1 à 0, but de Geoffray Durbant (le 14 septembre 2019, Ndlr). L’ambiance était excellente, on n’avait pas le droit de passer à côté.

Ton pire match ?
Forcément, y’a eu des mauvais matchs, mais pas au point de me dire que j’allais arrêter le football !

Une idole ?
Mendieta, Ronaldo aussi, l’attaquant, le vrai, Ronaldinho aussi.

Ton match de légende ?
France – Brésil, 3-0, en 1998.

Tes passions, tes hobbies, en dehors du foot ?
Aller me promener avec mes enfants. J’en ai 3, ils ont 10 ans, 8 ans et 2 ans. Y’en a deux qui jouent au CSSA ! J’aime profiter de ma famille, de mon épouse.

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Bonne question ! Je pense que j’aurais été… footballeur !

Le milieu du foot, en deux mots ?
Le plus beau métier du monde mais parfois cruel. Et aussi un rapport de forces. Je le répète souvent aux joueurs. Y a des duels à gagner dans sa zone, y’a des choses à aller chercher. C’est toi ou c’est l’adversaire…

  • A lire aussi, deux articles sur Marc Dubois et Yasser Baldé :

https://13heuresfoot.fr/actualites/marc-dubois-il-faut-developper-lattractivite-de-sedan/

https://13heuresfoot.fr/actualites/yasser-balde-je-nai-que-des-superlatifs-pour-parler-de-laval/

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : CS Sedan Ardennes

Joueur, entraîneur et maintenant directeur sportif : celui qui revendique ses origines portugaises, véritable amoureux de la France, aime s’enrichir auprès des gens, partager et découvrir au travers d’eux. Il évoque son rôle de garant du nouveau projet cristolien, mis en place l’été dernier avec le changement de président. Passionnant.

Photo USCL

On peut donc commencer « sérieusement » le football sur le tard, à 17 ans, et s’asseoir quelques années plus tard, à 23 ans, sur le banc des remplaçants en Ligue 1, disputer quelques minutes et même goûter à la Ligue des Champions !

Voilà résumée l’histoire de Helder Esteves, l’ancien joueur professionnel devenu entraîneur puis dirigeant, dont les premiers pas ont été effectués dans un club de patronage parisien, à l’AS Bon Conseil, avant d’être repéré, à 17 ans, par Le Havre, et de partir en formation en Normandie. « Je suis né au nord du Portugal, à Bragance, et je suis arrivé en France à l’âge de 5 ans » raconte celui qui a conservé son unique passeport; « J’ai gardé ma culture portugaise et j’ai toujours voulu garder ma nationalité. Même si, pour ma carrière de joueur, cela a été une vraie question, notamment quand j’étais au Havre, avant l’arrêt Bosman, quand on m’a demandé de prendre la nationalité française, j’ai refusé… Mais j’adore les deux pays. Aujourd’hui, on peut dire que je suis un citoyen français, simplement, je sais d’où je viens. »

Quand le Franco-portugais évolue au plus bas niveau, en District, à l’AS Bon Conseil, il ne s’entraîne qu’une fois par semaine. Parfois, pas de la semaine ! « J’ai un parcours atypique. J’ai réellement commencé le foot à l’âge de 17 ans, quand je suis allé au Havre, où je suis passé à trois entraînements par jour, c’est pour ça que je me suis blessé au bout d’une semaine. J’ai eu une une sévère pubalgie, qui m’a écarté un an des terrains. Je l’ai traînée longtemps. Je suis arrivé sur le tard au football. J’en faisais beaucoup trop, j’étais toujours à la limite, mais en même temps c’est ce qui m’a permis d’être là, au Havre, car je n’avais pas forcément les qualités au départ. »

Son troisième passage à Créteil !

Aux côtés de l’entraîneur Stéphane Masala et du nouveau président Bassam Al Homsi. Photo USCL

La suite de sa carrière le conduit à Troyes, à 19 ans, mais c’est véritablement à Saint-Maur-Lusitanos, en National et en CFA, qu’il se révèle, entre 1998 et 2001. Une période entrecoupée d’une courte expérience de 4 moins à Grenoble, en National, dont il dira plus loin qu’elle fut une erreur de casting.

Helder a 23 ans, presque 24, quand il signe un contrat pro à l’AJ Auxerre en juin 2001, au sortir d’une saison à 40 buts en CFA avec Saint-Maur, contribuant largement au retour de son club en National.

Créteil en prêt en Ligue 2, Troyes à nouveau (Ligue 2), Dijon (Ligue 2) sont ses prochaines destinations avant un deuxième retour dans le Var-de-Marne, à Créteil, tombé en National. Il y aura un troisième retour à Duvauchelle, en cours de saison (en novembre 2021), dans un rôle d’observateur, après deux expériences de coach à Annecy (CFA, de 2016 à 2019) et Thonon Evian Grand Genève, en N3, dans une saison 2020-21 avortée par la Covid-19.

Nommé directeur sportif de l’US Créteil-Lusitanos l’été dernier, au moment où Armando Lopes, l’emblématique président (depuis 2002), a cédé son fauteuil, Helder est devenu l’homme fort du nouveau projet sportif porté par une nouvelle direction, avec à sa tête Bassam Al Homsi : cet entrepreneur d’origine syrienne, qui dirige plusieurs sociétés dans les secteurs du BTP, était d’abord partenaire maillot avant de rentrer au capital de la SAOS en 2021. Il a été élu par le comité directeur pour prendre la succession de Lopes.

A 5 points du nouveau leader, Fleury

Samedi dernier, en National 2, les Béliers se sont imposés dans un derby francilien face au leader, le FC 93 Bobigny-Bagnolet-Gagny (2-1). Un résultat qui a chamboulé la hiérarchie de la poule : Fleury, toujours placé depuis de nombreuses saisons, en a profité pour s’emparer de la première place, et Epinal, qui revient fort, de la deuxième. Créteil, 4e avec 33 points, est en embuscade, à 5 points de Fleury, mais n’est vraiment pas tout seul dans cette quête du National, avec ce trio de tête (Fleury 38 points, Epinal 37 et Bobigny 36).

Pendant de longues minutes, Helder Esteves s’est prêté au jeu du « tac au tac » et a répondu à quelques questions sur l’actualité de l’USCL, sur un ton très posé, mesuré et réfléchi. Il a bien sûr évoqué l’objectif d’accession en National, un niveau plus en rapport avec le standing du club, compte tenu de son histoire, de son passé, de ses infrastructures et de son rayonnement dans le Val-de-Marne, mais pas seulement. La réputation et l’image du club, ainsi que le nouveau projet, ont été au coeur de la discussion. Une chose est certaine : l’ancien attaquant mettra tout en oeuvre pour replacer Créteil là où il l’a connu joueur lors de ses deux précédents passages, au moins en National, et pourquoi pas en Ligue 2 !

« Ce qui me plaît, c’est le partage »

Photo USCL

Helder, vous avez été joueur, puis entraîneur, et maintenant dirigeant : cette nouvelle fonction, c’est celle qui vous plaît le plus ?
Avant tout, je suis un homme de terrain, j’adore ça. Entraîner, je l’ai toujours un peu fait, même en parallèle de ma carrière de joueur. Après, ici, à Créteil, je suis très proche du sportif. Le fait d’avoir été éducateur m’aide beaucoup. Je vis ma fonction avec beaucoup de plaisir et je la partage avec ceux qui sont sur le terrain. Je m’épanouis dans ce que je fais. On a des discussions techniques, que ce soit sur la méthodologie, la stratégie, il y a beaucoup de respect. Et ce qui me plaît, c’est le partage. Même si je suis un homme de terrain, tant que cela se passe comme ça, ça me va très bien.

Photo USCL

Sportivement, que diriez-vous de la saison actuelle de Créteil en championnat de N2 ?
Tout d’abord, il faut rappeler que la saison précédente, en National, j’avais un rôle différent. J’étais missionné sur le recrutement et l’observation de joueurs. Je n’avais pas un poste à responsabilité. J’apportais juste des éclaircissements.

Depuis le mois de juin 2022 et le changement de présidence, je travaille sur le projet que l’on m’a confié. Alors, par rapport à tous ces nombreux changements, récents, je suis satisfait de ce que l’on produit, de l’image que l’on renvoie, du travail qui est effectué, de l’état d’esprit qui est mis en place, surtout après l’échec sportif important de la saison passée.

Mais il ne faut pas tout jeter : il y a des choses qui étaient déjà très bien faites auparavant; le club n’est pas né cette saison, mais on s’est planté, on a commis des erreurs, et je ne parle pas que des résultats, parce que parfois, on travaille bien, mais les résultats ne sont pas là. Il y avait un cadre difficile, qui laissait peu de place à l’expression même du technique et du technicien. J’ai souhaité changer ça. On a corrigé les erreurs. On a changé la plupart des joueurs, on a renouvelé le staff aussi (Stéphane Masala, l’ex-coach des Herbiers, a remplacé Manu Da Costa, aujourd’hui entraîneur adjoint de Laurent Batlles à Saint-Etienne, Ndlr), et on a mis en place une politique technique très différente.

Compte tenu du peu de temps que l’on a eu, on a pu s’apercevoir rapidement, dès la fin de l’été, que c’était déjà une réussite. Depuis, on continue ce travail-là. On est sur une bonne voie selon moi. Il y a beaucoup de sérénité. Parfois, un mauvais résultat fait que l’on en oublie l’essence même de ce sport. Nous fait perdre pied. Nous « emmène » à droite-à gauche.

Maintenant, je vais vous dire, à Créteil, compte tenu de notre statut, on espère monter, mais on n’est pas les seuls, même si on se donne les moyens d’y arriver. Mon analyse, mon jugement, se fait sur la production, sur ce que l’on fait, si on est juste dans ce que l’on fait, si on arrive à se projeter, sur le factuel; c’est ça qui m’intéresse, qui me parle. Pas le fait de gagner un match ou de le perdre, ce qui est, pour le coup, moins factuel, avec des paramètres que l’on ne maîtrise pas. Malgré tout, j’aurais aimé que, aujourd’hui, on soit un peu mieux classé, pourquoi pas leader, je pense qu’on en a les capacités. Maintenant, il faut tenir compte de la réalité liée à un timing qui fait qu’aujourd’hui, on est là où on est. Mais il faut continuer, persévérer pour espérer une montée au plus vite.

« L’an passé, on a accumulé trop d’erreurs stratégiques »

Qu’entendez-vous par « l’image » et « les erreurs » ?
Quand vous signez à Créteil, vous vous rendez compte que c’est une famille. La ville est derrière son club. Les gens essaient de faire de leur mieux. Il y a un contraste important entre ce qu’est l’US Créteil quand on le vit et l’US Créteil de l’extérieur, avec quelques casseroles en termes de communication ou de cadre de travail, où l’on n’a pas forcément toujours mis en avant les éléments principaux liés à la a réussite. Mais bon, ce n’est pas propre à nous. Tout le monde a le droit de se tromper.

Mais on a accumulé trop d’erreurs stratégiques récemment qui ont fait que, lorsque les résultats n’étaient pas là, cela a tout remis en question. Ce qui est important, c’est de savoir ce que l’on fait de ces erreurs, si on s’attache à en faire des solutions pour évoluer. Moi, ce que j’aime, c’est quand les gens viennent au travail avec le sourire : et lorsqu’il y a un problème, eh bien derrière, on le transforme en solution. Malheureusement, l’an passé, avec les résultats, cela n’a pas été le cas.

« Je ne suis pas né de la dernière pluie »

Photo USCL

Et au sujet de l’image du club : on entend souvent dire que Créteil, c’est le club des Portugais, qu’ils sont là, que c’est difficile en interne, il y a même eu des déclarations fracassantes à ce sujet l’an passé…
Je ne suis pas né de la dernière pluie… Quand on parlait de l’image… Je n’ai jamais connu un club où il n’y avait pas de signe d’appartenance. Dans tous les clubs où j’ai joués, et j’en ai fait quelques-uns, il y a des anciens, qui sont là depuis qu’ils sont nés ou presque, qui ont une histoire en commun avec le club. Il faut perpétuer cette identité, mais dans le bon sens : un club ne nous appartient pas et on n’a pas le droit de le faire naviguer à droite à gauche. On doit simplement contribuer à son développement, tout en maintenant une identité propre, voulue par une commune ou une présidence en place depuis longtemps.

Mais aujourd’hui, je ne suis pas d’accord quand on parle de Créteil comme un club de Portugais : le président a changé, et dans notre équipe, on a trois joueurs d’origine portugaise, c’est tout. C’est juste que, à un moment donné, cette présence se faisait trop ressentir, et que cela a donné cette image. Chez nous, un joueur, qu’il soit portugais, sénégalais, français où ce que l’on veut, et bien c’est un joueur de l’US Créteil avant tout.

Pour en revenir à l’image dont vous me parlez, je ne la partage pas forcément. Ce n’est pas plus vrai ici qu’ailleurs. A Annecy, par exemple, où j’ai entraîné (2016-19), on a aussi des personnes, je pense à Pierre Paclet, qui sont très importantes là-bas, qui sont au comité directeur, qui sont des Annéciens, qui influencent la politique interne du club.

Avec le coach Stéphane Masala. Photo USCL

Plus encore que l’image, il s’agit de réputation : par le passé, Créteil a parfois défrayé la chronique avec des faits divers, de la violence…
Nous sommes dans la banlieue parisienne, et comme dans la banlieue lyonnaise ou marseillaise, si nous n’avons pas de deuxième grand club, c est aussi dû à ça. Nous connaissons les mêmes problèmes que d’autres, comme le Red Star. Nos problèmes sont peut-être liés à ça, ceci dit, je travaille avec des gens qui ont envie de réussir.

Après, je peux comprendre l’agacement, il y a eu des choses anormales, c’est clair. Mais c est l’histoire d’un club de la banlieue parisienne, et nous devons tenir compte de ce contexte-là, apporter des solutions pour que ce contexte ne soit pas défavorable dans le temps. On a des exemples, avec le Paris FC, qui s’est un peu « isolé » de ce contexte, qui s’est beaucoup structuré et a mis en place un projet de haut niveau qui, je pense, à termes, permettra de trouver la solution pour aller dans l’élite française. Au Red Star aussi il y a des choses qui sont faites : vous avez vu, au stade Bauer, c’est exceptionnel, alors que le secteur, dans le 93, a des fragilités sur certains aspects, comme en matière de sécurité.

Nous, en gardant nos atouts, nous devons faire ça, on y réfléchit. Mais il ne faut pas pointer du doigt les Cristoliens. Maintenant, c’est vrai que, parfois, quand vous avez des gens qui sont là depuis 30 ou 40 ans, ils voient arriver des personnes qui veulent complètement changer l’identité du club et font des erreurs importantes, ils voient le club descendre de niveau, ne pas remplir tout le cahier des charges qui fait la réussite d’un projet sportif, alors, je peux comprendre l’agacement qui en découle, parfois avec des manifestations anormales, comme avec de la violence, et c’est ça qui n’est pas acceptable.

« Accompagner les jeunes plus longtemps »

Créteil cultive aussi l’image d’un club avec un immense vivier de jeunes, de joueurs, vous confirmez ?
Oui, ne serait-ce que géographiquement : à 20 minutes autour du stade Duvauchelle, on a un vivier de 500 000 personnes. Le district du Val-de-Marne est très important au niveau national, avec beaucoup de gros clubs, et Créteil, avec ses infrastructures, du fait de sa posture aussi, pourrait être le centre de cette activité footballistique. En tout cas, il devrait en bénéficier d’avantage, comme c’est déjà arrivé : clairement, aujourd’hui, nos catégories de jeunes sont à un niveau inférieurs à ceux souhaités, ce qui freine un peu notre développement. Il faut améliorer ça dans le temps.

On cherche aussi à toucher le maximum de Cristoliens, car l’idée c’est de brasser au maximum dans le territoire qui peut nous offrir beaucoup de talents, de qualité; on aimerait pouvoir le faire davantage, mais il nous faudrait plus de moyens.

La SAOS (Société anonyme à objet sportif) et l’association, parfois, inconsciemment, ont des actions opposées : or, un club ne doit avoir qu’un seul projet, avec des sous projets qui tendent tous dans la même direction. Si on fonctionne comme ça, avec des circuits bien précis, comme le sport de masse, où notre rôle est très important vis à vis de la commune et des enfants de la commune, et l’élite, à termes, on a des résultats à tous les niveaux.

Malgré ça, on voit bien qu’on a eu des jeunes joueurs qui ont commencé à Créteil et qui ont fini au haut niveau. Ce que j’aimerais, c’est que l’on puisse accompagner ces joueurs un peu plus longtemps. Qu’ils aillent au plus haut niveau, c’est tout à fait normal, simplement, ils nous échappent trop vite aujourd’hui, car ce que l’on propose en termes de niveau dans nos catégorie de jeunes en post-formation ne correspond pas au niveau que l’on souhaiterait. Il faut corriger ça.

Pour terminer, ce grand stade Duvauchelle a toujours eu du mal à attirer le public en championnat : c’est quoi la solution ?
C’est un vrai sujet d’actualité chez nous, mais il faut procéder par étapes. Là, on est à 8 mois depuis le début du nouveau projet. Aujourd’hui, notre priorité, c’est de mettre en place une ligne de conduite sur l’aspect sportif. Sans omettre la formation. Quand j’ai signé à Dijon en 2003, le club venait de monter en L2, il est passé de 1500 à 8000 abonnés, il y a eu beaucoup d’actions de communication qui ont été réalisées et qui ont permis son développement. Ici, à Créteil, nous avons un public en sommeil, dont une partie a pu être déçu, parfois par des directions prises par le club, parfois parce qu’il ne s’est pas toujours identifié. Nous devons étudier cela avec attention et en mettre en place des moyens pour donner envie aux gens de revenir et éduquer les nouvelles générations à venir au stade.

Helder Esteves, du tac au tac

« La suffisance est l’ennemi de la performance »

Meilleur souvenir sportif ?
La saison 2000/2001 avec Saint-Maur Lusitanos en CFA (ex-N2), ma dernière en amateur avant de passer pro. On était monté en National. J’avais marqué 40 buts cette saison-là en championnat.

Pire souvenir sportif ?
Il remonte à ma dernière année de formation au Havre. C’est un match amical où j’avais été très mauvais, en dessous de tout, et à l’issue duquel j’ai eu une grosse remise en question. Et finalement, ce match m’a aidé car je me suis donné les moyens par la suite de ne plus reproduire ce genre de match; ça fait partie de la formation. J’étais très exigeant avec moi-même.

Combien de cartons rouges ?
Un seul, à Rouen, en CFA, lors d’un match pour le titre, l’année juste avant la montée avec Saint-Maur. Y’a une faute sur moi dans la surface et l’arbitre m’a ri au nez, alors que j’avais vraiment été bousculé; je me suis relevé et derrière, je suis allé tacler le défenseur qui repartait avec le ballon et là, rouge ! J’en oublie un deuxième, avec Créteil, à Caen, en Ligue 2, j’avais bousculé un joueur qui voulait gagner du temps.

Vous étiez un joueur nerveux ?
Non, je savais me maîtriser, mais j’avais du caractère. Je ne me laissais pas faire.

Votre première fois dans un grand stade de football ?
Au Parc des Princes, mais je ne me souviens pas du match.

Votre geste technique préféré ?
La feinte de frappe.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Le volume de jeu en défaut, même si je l’ai compensé un peu. Ma qualité ? l’aspect compétiteur. J’allais à l’essentiel, donc forcément, pour un attaquant, c’est de frapper au but ou de donner un ballon de but, et la finition.

Vous avez le plus souvent joué en Ligue 2, en National et en CFA : que vous a-t-il manqué pour être un bon joueur de L1 ?
Déjà, j’ai eu ce parcours atypique dont on parlait. J’ai eu de la malchance aussi et je n’ai pas toujours fait les bons choix, comme celui d’aller à Auxerre après ma saison où je marchais sur l’eau à Saint-Maur. Guy Roux est un entraîneur qui fait très peu de changements dans son équipe. Je me doutais bien que je n’allais pas prendre la place de Guivarc’h et que j’allais passer par la case « banc de touche », mais quand même… J’avais joué et marqué en matchs amicaux, mais je n’ai pas vu le terrain pendant les 14 premiers matchs de championnat. Donc ça m’a coupé les jambes. Je suis reparti de zéro. Il m’a manqué la continuité au bon moment. J’aurais peut-être pu enchaîner. Et puis il y a eu l’éclosion de Djibril Cissé, qui était exceptionnel, et derrière, je me blesse, je ne joue pas pendant 6 mois, la confiance est impactée. Peut-être que dans un autre club, j’aurais davantage performé, en plus, j’avais le choix à ce moment-là… Avec mon abnégation, ma volonté, j’aurais pu faire un peu plus, mais bon, c’est sans regret.

Vous avez pratiqué d’autres sports ?
J’ai commencé par le judo et j’ai fait un peu de handball.

Le club ou où vous avez pris le plus de plaisir ?
Saint-Maur.

Le club où vous en avez pris le moins ?
A Grenoble. J’ai fait un petit passage là-bas, en National (1999), juste après une première saison, déjà, en National, avec Saint-Maur (1998-1999). Malheureusement, cela ne s’est pas très bien passé. J’avais été recruté par une direction et pas par un entraîneur (Alain Michel, Ndlr), ce qui fait que j’ai très peu joué. J’ai compris ce jour-là qu’il fallait être le choix d’un coach, pas forcément d’un club.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
Il ne joue plus au football. C’est Cyril De Barros, un joueur formé au PSG. On s’est rencontré à Troyes en post-formation. La vie nous a malheureusement séparés. C’était un ami.

Combien de véritables amis aujourd’hui dans le football ?
Ils ne jouent plus. Deux.

Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling sur le terrain ?
Jorge Placido, à Saint-Maur.

L’adversaire qui vous a le plus impressionné ?
Quand j’étais à Auxerre, en Ligue des champions, j’étais sur le banc, face à Arsenal, et c’était très impressionnant. Une très grosse équipe. Même remplaçant, on apprend beaucoup. J’étais là, même si je n’étais pas sur le terrain. Auxerre courait autant qu’Arsenal, sauf qu’eux, ils couraient mieux que nous !

Le club où, dans vos rêves les plus fous, vous auriez aimé joué ?
C’est paradoxal parce que j’ai eu l’occasion d’y aller quand j’ai signé à Auxerre et je n’y suis pas allé : c’est le Benfica Lisbonne. J’aurais été très fier. Mais j’ai pensé qu’il me fallait une étape avant d’y aller, et j’avais choisi Auxerre.

Un stade mythique ?
L’ancien stade de La Luz à Lisbonne avant qu’il ne soit reconstruit, et aussi Santiago Bernabeu, à Madrid. J’ai aussi été surpris à Dortmund. Mais le stade qui m’a procuré le plus d’émotion, c’est le Parc des Princes. Quand on a été supporter de Paris comme moi… J’y ai joué et j’y ai même marqué.

Un coach marquant ?
Ils m’ont tous marqué, de manière différente. Certains sur l’aspect tactique, comme Alain Perrin et sa science du jeu, d’autres sur l’aspect management comme Guy David, il avait une grande sensibilité à ce niveau-là, je l’adorais, paix à son âme. Noël Tosi pour sa stratégie aiguisée. Guy Roux pour sa sagesse, son intelligence, son côté minutieux, sa prise de conscience de tous les éléments autour du terrain, il ne laissait rien au hasard. Il était même avant-gardiste à l’époque à Auxerre.

Votre plus beau but ?
Symboliquement, je vais dire le but à Tours en 2000-2001, avec Saint-Maur, de 60 mètres ! C’est aussi ce jour-là où, en voulant fêter ce but avec les supporters, je me suis sectionné le doigt (son alliance s’est coincée au grillage et lui a arraché le muscle et l’os du doigt, Ndlr). J’ai dû faire un choix après ça : garder le doigt où l’enlever afin de poursuivre ma carrière (il s’est fait opérer et amputer dans la nuit).

Cet accident, on vous en parle tous les joueurs ?
Quand j’étais joueur, oui, on pouvait même en rigoler, ça ne me dérangeait pas. Aujourd’hui, on m’en parle beaucoup moins, les nouveaux joueurs n’ont pas connu cet épisode.

Une idole ?
Maradona. Le joueur était exceptionnel. Il m’a donné envie de jouer au football, de me dépasser.

Un modèle d’attaquant ?
Cavani, pour ses déplacements, sa générosité, son sens du but. Pauleta aussi.

Vos passions, vos hobbies en dehors du foot ?
J’aime bien les gens, les rapports humains, découvrir de nouvelles cultures. J’aime la gastronomie, cuisiner. J’aime bien le sport en général. J’aime que les gens m’enrichissent et m’apportent par leur qualité humaine.

Une devise ?
La suffisance est l’ennemi de la performance. Je me suis appliqué cette devise à moi-même pour être plus performant, parce que je ne prenais pas forcément conscience de certaines choses sur un terrain quand j’étais jeune. Je vois aujourd’hui beaucoup de jeunes joueurs qui ont de la qualité mais qui n’ont pas cette capacité dans le temps de maintenir un niveau d’exigence qui leur permettrait très certainement d’aller plus haut. J’aime l’exigence.

Si vous n’aviez pas été footballeur…
Je ne sais pas ce que j’aurais fait, mais je sais ce que j’aurais aimé faire, c’est de la musique. Le football crée beaucoup d’émotions. Mais la musique aussi.

Terminez la phrase en un mot : vous étiez un attaquant plutôt …
Opportuniste et déterminé.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Magnifique et parfois décevant.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : USCL

A 24 ans, le défenseur central s’épanouit dans l’Oise, en National 2, et construit patiemment sa carrière après une grosse désillusion à Clermont. Il raconte son parcours, pas vraiment rectiligne, qui a commencé chez lui, à Villejuif (Val-de-Marne), ville à laquelle il est très attaché.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

« Chez moi à Villejuif, on m’appelle  La Mentale. Je ne lâche jamais rien. A part mes frères, personne n’aurait misé sur moi… Mais même si j’ai eu des galères, je suis toujours là et j’avance. » Le regard et la voix de Lassana Diako trahissent son immense détermination. A 24 ans, le défenseur de Chambly (National 2) a caressé le rêve professionnel à Clermont (alors en Ligue 2) mais la belle histoire s’est très mal terminée. Il est resté sans club pendant une saison avant de rebondir aux Lusitanos Saint-Maur (N2) puis d’éclater à Chambly.

Diako est très proche de joueurs comme Oumar Solet ( RB Salzbourg) ou Yacine Adli (Milan AC) qu’il a connu à Villejuif. Il y a une dizaine de jours, il avait assisté au match aller RB Salzbourg – AS Roma) des 16es de finale de la Ligue Europa.

« Avec Oumar (Solet), on est très proches. On part en vacances ensemble. On joue au même poste. Il me donne beaucoup de conseils et me soutient. Lui aussi croit en moi. Yacine (Adli) est aussi un exemple pour moi. Il me dit toujours de ne rien lâcher, que j’ai des qualités. Leurs carrières, ce sont des belles sources d’inspiration pour moi. On sait tous d’où on vient et on ne l’a pas oublié. »

Sous le maillot de Viry-Châtillon. Photo DR

« Villejuif, c’est ma ville et l’US Villejuif, mon club de coeur »

Villejuif, 9-4, quartier Verrolot. C’est là que Lassana Diako a grandi.

« Villejuif, c’est ma ville, j’y habite toujours, l’US Villejuif, c’est mon club de cœur. C’est devenu, l’un des meilleurs clubs de jeunes de la région parisienne. Mes amis Yacine Adli et Oumar Solet ont donné une belle image. Maintenant, de plus en plus de jeunes partent dans les centres de formations pros. Ismaël Bamba (le responsable technique) qui est un grand frère pour tout le monde ici, réalise  un immense travail. Souvent, il vient me demander de parler aux petits, de raconter mon histoire, il me dit que je suis un exemple car j’ai l’image du joueur  qui n’a jamais rien lâché malgré les difficultés. Dès que je peux, je viens aux entraînements et aux matchs. »

Les Diako et l’US Villejuif, c’est aussi une histoire de famille.

Lors de la remise du trophée de meilleur joueur de Chambly en décembre 2022. Photo DR

L’un de ses grands frères, Silly, est capitaine de l’équipe première (Régional 1), et un autre de ses frères, Bakary, est quant à lui dirigeant référent des seniors et des féminines. Et son petit frère Mamadou joue équipe réserve à Orléans. « On est une vraie famille de footballeurs. J’ai aussi un grand frère, Abdoulaye, qui était gardien aux Gobelins (Paris 13 Atletico) et au Red Star. Mais il a arrêté. Ma famille, c’est tout pour moi. Mes frères ont toujours cru en moi, ils ont toujours été derrière moi pour m’aider. »

En novembre, le départ de l’entraineur de Villejuif, Mohamed Tazamoucht, avait  fait beaucoup de bruit en Ile-de-France. « Sincèrement, il faisait du bon boulot et il était apprécié. Mais ses mots lors de son départ (il a expliqué avoir reçu des insultes provenant des tribunes) ont été ressenties comme un choc. On a été très déçus de lire de tels propos. Mais le club doit continuer à avancer. Il est toujours leader de son groupe en R1. Dans l’équipe, il y a de la qualité, avec des joueurs qui ont joué plus haut. Il faut viser la montée en N3. »

« Quand j’ai signé à Viry, parfois je n’avais pas de train pour rentrer le soir »

Avec ses frères. Photo DR

Lassana Diako avait, lui, pris sa première licence assez tard à l’US Villejuif. « J’ai longtemps joué dans mon quartier en bas de chez moi. Mais à 13 ans, un de mes frères m’a emmené au club. »

En U19, il choisit de franchir un palier en signant à Viry-Châtillon. « C’est un entraîneur qui m’avait repéré. Mais beaucoup se demandaient comment j’allais faire avec la distance. C’est là que je leur ai prouvé ma détermination. J’en avais pour 1 h 30 en transport en commun. Parfois, quand je rentrais le soir, il n’y avait même plus de train… Mais je n’ai jamais lâché. J’ai toujours été à l’heure aux entraînements et je n’en ai jamais raté. »

Le 13 mai 2017, il effectue à 18 ans,  ses débuts en équipe première lors d’un match de N2, Lusitanos Saint-Maur – Viry (1-1). La saison suivante, il effectue une dizaine d’apparitions en National 2. « Sur un match, j’ai été repéré par Clermont. J’ai signé un contrat amateur. J’avais 20 ans. Partir dans un club pro, c’était presque inespéré. Mais moi, j’ai toujours été têtu. J’ai toujours cru que j’allais réussir. »

« A Clermont, je suis passé du rêve au cauchemar »

Du cocon de son quartier à Villejuif au calme de l’Auvergne, le dépaysement est total pour lui. « Je partais à l’aventure, je me suis retrouvé seul dans une ville qui n’avait rien à voir avec la région parisienne. Mais je savais pourquoi j’étais à Clermont. Je devais saisir ma chance. »

A Clermont, il a fait une belle rencontre avec Frédéric Zago, le directeur du centre de formation et entraîneur de la réserve (N3). « Je le considère comme un second père. Je lui dois beaucoup. En réserve, ça s’est bien passé. J’ai marqué 3 buts et donné 8 passes décisives. Je suis vite monté avec le groupe pro. »

Sous le maillot de Clermont Foot. Photo DR

Le 23 avril 2019, il est convoqué pour la première fois en Ligue 2 pour le déplacement à Béziers. Il reste sur le banc comme 15 jours plus tard à Lens au stade Bollaert. « Mais d’où je venais, c’était déjà beau d’être avec la L2 dès ma première saison. Avec Pascal Gatien, ça se passait bien aussi. Pour ma famille, c’était  déjà une belle fierté de me voir à la télévision sur BeIN même si j’étais resté sur le banc. »

Pourtant, à l’issue de sa première saison à Clermont, il ne signe pas de contrat pro. « J’étais bien sûr un peu déçu mais on est reparti dans les mêmes conditions. Moi, ça m’allait quand même. » Toujours performant en réserve, il est encore convoqué à quatre reprises en Ligue 2 (16e, 18e, 19e, 20e journées).

Mais un évènement lui porte préjudice : le départ de Frédéric Zago pour Auxerre. « Après son départ, tout a changé pour moi. On m’avait promis des choses qui ne se sont jamais réalisées. Je méritais pourtant de jouer. J’avais même décliné la sélection du Mali pour rester à Clermont. J’avais aussi un autre club qui me voulait mais Clermont me l’a caché. Il y a eu un manque de respect à mon égard. C’était dur.  A Clermont, je suis passé du rêve au cauchemar. »

« J’ai fait un break avec le foot »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le Covid et le confinement stoppent tout dans le foot français. A l’été 2020, Lassana Diako se retrouve sans club. « Je pensais signer en Espagne avec mes anciens agents, mais ça ne s’est pas fait. J’étais en grosse galère. Tout, ça je l’ai vécu comme un KO en pleine face. J’ai vu une autre réalité du foot. Je n’osais pas en parler à ma famille. C’était chaud. J’avais mal. »

En France, les championnats de N2 et N3 se sont vite arrêtés. « J’ai fait un break avec le foot. J’ai failli tout arrêter. »  Il change d’agent et prend comme conseiller Aurelien Penda, qui est de Villejuif comme lui et qui s’occupe également de l’attaquant Johanne Akassou (passé par Versailles, Red Star, Chambly, Orléans). Son nouvel agent l’envoie au Racing Club de France (alors en N3) où il s’entraîne plusieurs mois avec le groupe de Guillaume Norbert. « Dans ma tête, je n’étais encore pas très bien, avoue Diako. J’étais encore dans l’optique de me répéter ce que Clermont m’avait fait… Signer en N3, c’était un peu dur pour moi. J’ai préféré aller aux Lusitanos Saint-Maur. »

Mais les débuts sont délicats. « L’entraineur (Aderito Moreira) me voyait encore comme un petit jeune sans expérience  qui arrivait d’un centre de formation pro. Mais j’avais 22 ans pourtant. Au départ, je ne rentrais pas dans ses plans. Mais encore une fois, je me suis accroché et j’ai réussi à l’impressionner (sourire). Je suis devenu un joueur important pour l’équipe. »

« A Chambly, il y a des personnes qui donnent envie de mouiller le maillot »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Ses bonnes performances en National 2 ne passent pas inaperçues. En janvier 2022, il rejoint Chambly, en difficulté en National. Mais Diako signe son premier contrat pro dans le club de l’Oise.  « J’y étais enfin arrivé, c’était un petit aboutissement pour moi. »

S’il s’impose dans la défense de Chambly, le club est relégué en National 2 au mois de mai.  « Avec l’équipe qu’on avait, on n’auraiy jamais dû descendre. Mais la sauce n’a pas pris sur le terrain. Ça a été une grosse déception pour moi. »

Cet été, Chambly effectue un gros ménage. Ils ne sont que quatre joueurs à rempiler. « J’avais d’autres possibilités mais j’ai décidé de rester. J’aime ce club de Chambly et les personnes qui y sont. Pour eux, on a envie de mouiller le maillot. Pour la montée, on  a pris trop de retard. Mais je suis quand même content de cette saison. J’ai été élu deux fois joueur du mois (octobre, décembre) à Chambly. C’est une satisfaction. Je continue de progresser. »

Lassana Diako, du tac au tac

« Je suis en constante progression »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Première fois dans un stade en  tant que spectateur ?
C’était en 2015 pour un match de l’équipe de France au Stade de France. On avait gagné des places par la ville de Villejuif après un tournoi de quartier.

Meilleur souvenir de joueur ?
La signature de mon premier contrat professionnel à Chambly le 6 janvier 2022.

Pire souvenir de joueur ?
La fin de mon aventure à Clermont et la relégation en National 2 avec Chambly.

Une manie, une superstition ?
Avant chaque match,  j’aime bien prendre un petit temps pour me recentrer sur moi-même.

Le geste technique préféré ?
J’aime bien les feintes de corps.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Qualités et défauts sur un terrain ?
La confiance et le leadership. Mais mon défaut, c’est que parfois, je suis trop serein.

Votre plus beau but ?
Un coup franc avec Villejuif en quarts de finale de la Coupe de Paris U17 face  à Saint-Brice.

Votre geste défensif le plus mémorable ?
Une anticipation sur un attaquant de Rouen cette saison (0-0). J’étais le dernier défenseur, j’ai taclé, sinon il marquait.

Jouer défenseur central, c’est un choix ?
Non, à Villejuif je jouais attaquant. C’est à Viry que les coachs m’ont mis en défense centrale et en latéral droit. Ça ne m’a pas trop gêné. Je savais que j’avais les qualités pour jouer derrière. Ça a été un bon choix. Avec le recul, je me dis que j’aurais eu du mal chez les pros si j’étais resté attaquant.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Remy Cabella lors d’un match amical Clermont – Saint-Etienne.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Hakeem Achour à Viry-Châtillon .

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
En jeunes, Moulay Chebab et Karim Benaly à Villejuif. Chez les pros, Frédéric Zago à Clermont.

Une causerie marquante d’un coach ?
Mourad Jalliti lors d’une finale de Coupe de l’Essonne U19 avec Viry-Châtillon face à Fleury. C’était notre dernière saison tous ensemble. Et il avait eu des paroles très touchantes, en disant en gros qu’il nous aimait… On a gagné la finale 3-2.

Un président marquant ?
Je dirais Fulvio Luzi à Chambly. C’est un club familial où les dirigeants sont très proches de nous.

Le club où vous pris le plus de plaisir ?
Clermont, quand j’ai intégré le groupe Ligue 2.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le club qui vous fait rêver ?
Le FC Barcelone.

Vos joueurs préférés ou joueurs modèles ?
Lionel Messi comme joueur préféré. Comme modèles, Sergio Ramos et Thiago Silva qui jouent à mon poste.

Un stade mythique ?
Anfield Road à Liverpool.

Vos amis dans le foot ?
Je ne vais pas tous les citer mais parmi eux il y a Omar Solet ( Red Bull Salzbourg ), Yacine Adli ( Milan AC ) et Bryan Teixeira ( SK Sturmgraz).

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Omar Solet et Yacine Adli.

Vos occupations en dehors du foot ?
J’aime passer beaucoup de temps avec ma famille et mes proches.

Votre plus grande fierté ?
D’avoir la chance de pouvoir jouer au foot et d’en vivre. Je pense à ceux qui n’ont pas la santé. On est des privilégiés. Ma plus grande fierté c’est surtout aussi de pouvoir rendre fier ma famille.

Lors de sa signature à Clermont. Photo DR

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je serais sûrement resté  dans le domaine sportif .

Le milieu du foot en deux mots ?
Endurance et Mental.

A 24 ans, qu’est-ce qui vous manque encore pour jouer à niveau plus élevé ?
C’est une question de détails maintenant. J’ai tout fait plus tard que les autres donc je prends mon temps. Je suis en progression constante. Le National, j’y ai déjà goûté la saison dernière à Chambly. Je sais que j’en ai le niveau et même plus haut, la L2, la L1…

Texte : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter @PrunetaLaurent

Photos : Eric Cremois / EC Photosports (sauf mentions spéciales)

Photo de couverture : Eric Cremois / EC Photosports

Le défenseur franco-sénégalais de 28 ans a su affronter les difficultés et les épreuves de la vie. Originaire de Marseille, il est épanoui en Lorraine et cela se ressent dans ses performances. Portrait.

Photo ASNL

“Il y a Prince sur le terrain, « vocal », et Prince en dehors du terrain, plutôt réservé.” Réservé… mais pas trop quand même.

Dans un entretien d’une heure, accordé mercredi après une séance de récupération au centre Michel Platini, sur les hauteurs de Nancy, Prince est apparu décontracté, en confiance, avec son sourire communicatif, et pas si réservé ; d’ailleurs, il s’est livré sans retenue sur sa carrière, sa famille et le monde du football en général.

Premiers pas difficiles (2002-2011)

L’histoire de Jules Mendy, dit « Prince » Mendy, commence le 14 novembre 1994 à Boutoupa, la ville de sa naissance, dans le sud du Sénégal. Il vit à Ziguinchor avec sa mère et ses grands-parents. A l’âge de 5 ans, il a la douleur de perdre sa mère. C’est à ce moment-là qu’il se rend en France afin de retrouver son père, accompagné de son petit frère et de ses grands-parents.

Chez les Mendy, on connaît bien le foot : son oncle est pensionnaire du centre de formation de l’OM avant d’entraîner les jeunes à Marseille Consolat. C’est comme ça qu’il commence le foot ! Le jeune Prince effectue ses classes aux Pennes-Mirabeau, juste à côté de Marseille : il y joue de poussins jusqu’aux U13. En 2010, à 16 ans, il intègre le FC Sochaux-Montbéliard, en pré-formation.

Loin de Marseille, de sa famille et du soleil, Prince connaît les premiers déboires de sa jeune carrière de footballeur. Entre blessures au genou récurrentes et acclimatation délicate, le Sénégalais vit une “période difficile”. Lorsque le mois de décembre arrive, il est “traumatisé par la neige”, souvent présente dans le Doubs à cette période de l’année.

Des blessures récurrentes

Photo ASNL

En pleine croissance, Prince inquiète par la fréquence de ses blessures : les deux parties se séparent. Après cet échec, il consulte de nombreux spécialistes qui ne trouvent pas la nature de sa blessure. “Ça a été long, personne ne savait ce que j’avais”, raconte le grand gaillard 1,90m.

Il s’engage à Cannes, joue pendant six mois, et se blesse de nouveau. Puis il se rend chez un spécialiste à Monaco qui lui diagnostique un syndrome de Sinding Larsen, une inflammation de la rotule. “Il m’a fait un peignage et après ça je n’avais plus mal.”

Puis, pendant son année à Air Bel (Marseille), en 2011, il effectue des tests, dont l’un à Monaco : « Je voulais signer là-bas parce que ça s’était bien passé, mais le changement de propriétaire a fait que ça a traîné.” Tellement traîné que Prince, alors en négociations avec l’Olympique de Marseille, son club de cœur, décide de signer un contrat de 2 ans.

Pour l’anecdote, alors qu’il sort de la Commanderie, le joueur reçoit un appel du directeur de la formation de Monaco qui lui signifie que son contrat l’attend : “J’ai signé à l’OM donc je n’étais pas déçu, même si je sais qu’ici, c’est plus dur de sortir du centre, car mon oncle avait eu une mauvaise expérience à l’époque.”, raconte avec fierté le Sénégalais.

OM : de l’espoir à la douche froide (2012-14)

En 2012, Prince intègre les U19 Nationaux du club phocéen. Il y joue tantôt milieu défensif, tantôt défenseur central. Les joueurs de sa génération, comme Baptiste Aloé ou Laurent Abergel, évoluent déjà avec la réserve en CFA. Au centre de formation, il tape déjà dans l’œil du coach de la réserve et “navigue entre les deux groupes”.

La saison suivante, il joue exclusivement avec la réserve au poste de défenseur central avec son pote Baptiste Aloé. Mais le rêve olympien prend fin pour des raisons disciplinaires : « En parallèle, je préparais le BPJEPS, diplôme pour devenir éducateur sportif. La première année, je travaille bien mon dossier et je finis tout mon sujet. La deuxième année, les profs me disent de venir voir quand même, mais que j’avais fini. Donc moi, dans ma tête, je ne vais pas en cours, une fois, deux fois, trois fois. Vu qu’il y en avait beaucoup qui faisaient ça, le directeur du centre a décidé de faire un exemple et il m’a viré. J’étais à 15 jours de savoir si je signais pro ou amateur. Je l’ai mal vécu, mais je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.” Prince relativise tout de même : “Je ne pense pas que je serais passé pro, parce que j’avais fait peu d’entraînements avec l’équipe première.”

Fréjus-Saint-Raphaël : la pire année de sa carrière (2014-15)

Photo ASNL

Après cet échec, le défenseur part pour un essai dans l’équipe réserve de Getafe, en Espagne. Tout est prêt; le joueur se plaît et le club le veut, « Mais je me suis fait avoir par un agent gourmand qui voulait gratter des commissions sur mon salaire.”

De retour en France, il effectue un nouvel essai à Fréjus/Saint-Raphaël (National) en amical contre l’OGC Nice, et il signe directement. “La prépa se passe super bien, je suis titulaire à tous les matchs et pour le premier match de National, je ne suis pas dans le groupe. Je n’ai jamais su pourquoi.”

Le jeune défenseur central, alors âgé de 20 ans, vit très mal cette situation. Son entraîneur, Michel Estevan ne le convoque que pour deux bancs et une minute au Red-Star. “A peine je suis rentré que l’arbitre a sifflé la fin du match.”

Prince ronge son frein avec la réserve en DH. La situation est tendue. Humainement, avec le coach, ça ne se passe pas bien. “Ça me rendait fou. J’ai failli en venir aux mains plusieurs fois avec lui”, fulmine-t-il. Mais il a su relativiser sa situation grâce à la qualité de vie et à la proximité avec Marseille. “Ça m’a dégoûté du foot. Je pourrais écrire un livre avec toutes les dingueries qu’on m’a faites. Heureusement que je signe à Marseille Consolat dans la foulée.”

Marseille Consolat, de l’ombre à la lumière (2015-17)

Sous le maillot de Consolat, face à QRM, son futur club ! Photo Bernard Morvan

Après cette mauvaise expérience varoise, Prince saisit une main tendue de Nicolas Usaï, entraîneur de Consolat (National). “Il m’a redonné goût au football. Il m’a pris dans son groupe parce qu’il cherchait un latéral droit et il a misé sur moi.”
Il apprend alors un nouveau poste. Il doit centrer et faire parler ses qualités de vitesse. Il découvre pour de vrai le National en tant que titulaire.

Il retrouve aussi une ambiance propice à la performance et à l’épanouissement. “J’ai trouvé un nouvel état d’esprit. C’était une famille. C’est difficile de mettre des mots sur ce que j’ai vécu pendant 2 ans. C’étaient les quartiers de Marseille mélangés avec des joueurs qui venaient de partout en France.”

A Consolat, Jean-Luc Mingallon est un président proche de ses joueurs. Les anecdotes avec lui ne manquent pas. “Il faisait les trajets en bus avec nous. Des fois, il venait en disant “si vous perdez ce match, je ne vous paye pas”, tout ça en rigolant bien sûr.” Le groupe vit bien ; “on « vannait » les coachs, et ils nous « vannaient » en retour, on avait une superbe cohésion”, raconte avec nostalgie le nouveau latéral droit de métier.

Après deux saisons achevées à la 4e place, à un rang seulement de la la montée en Ligue 2, aux côtés de joueurs comme Julien Lopez, Umut Bozok ou encore Youssouf M’Changama, il fait le forcing pour partir et découvrir la Ligue 2. Ce sera chose faite en rejoignant Quevilly-Rouen sur le gong, à l’âge de 23 ans. “Je les avais rendus fous quand on les avait joués en National”, s’amuse Mendy.

L’affirmation d’un taulier : ses années à QRM (2017-20)

Sous le maillot de QRM (photo Philippe Le Brech)

A une semaine de l’ouverture du championnat de Ligue 2, le coach Emmanuel Da Costa l’appelle pour qu’il les rejoigne. “J’arrive lundi et samedi je joue à Lorient le match d’ouverture de Ligue 2. Là, je me dis “Enfin”. Mais l’été mouvementé qu’il a vécu ne l’aide pas. Après sept matchs d’affilée, son manque de préparation physique se ressent. Il doit aussi faire face à une concurrence pressante, celle d’un certain Jonathan Clauss. “En décembre je voulais me barrer, mais le coach me retient. La première année était vraiment mitigée.”
Le déclic a lieu lors de la préparation de la saison suivante, en 2018-2019. Le club est retombé en National, et le coach le propulse vice-capitaine. “Je suis devenu son soldat en défense centrale”, explique-t-il.

QRM finit 9e. Un bilan “mitigé”, selon lui. “On merde sur les matchs clés. La saison suivante (14e, championnat arrêté par la Covid), on avait une équipe de jeunes, c’était pas assez expérimenté pour le National. Vu que j’étais capitaine, c’était plus du centre aéré”, s’en amuse le roc de la défense. Il quitte Quevilly Rouen au bout de trois saisons, mais il a engrangé beaucoup d’expérience.

De Laval à la D2 portugaise (2020-22)

Il rejoint ensuite Laval. Il est à Marseille lorsque le coach, Olivier Frapolli, l’appelle. Sans club après deux transferts avortés à Guingamp et à Châteauroux, où Nicolas Usaï l’a contacté, il file finalement en Mayenne. « C’était très bien ! J’arrive je suis directement vice-capitaine.”

Il se blesse rapidement à la cheville. En décembre, le président, Philippe Jan souhaite le prolonger, mais l’organigramme change et la proposition n’est plus la même. “Laurent Lairy me fait une proposition… C’est du manque de respect, alors rien que pour ça, je ne reste pas. Cette proposition, elle ne récompense pas ma saison. Si je suis seul, je l’accepte. Mais là, je viens d’avoir mon fils, ma femme ne travaille pas, je ne peux pas accepter un salaire aussi bas.”, regrette le Marseillais. “Sans le changement de président, je serais encore à Laval je pense, tellement ça se passait bien.”

Eté 2021. Retour à Marseille. A nouveau sans club. Son agent lui trouve un club au Portugal, Vilafranquense, en D2. Il débarque en banlieue de Lisbonne en juillet. “Lorsque j’arrive, on était 12 à l’entraînement, j’ai failli ne pas signer, mais avec le temps c’était mieux, les joueurs sont arrivés et on se maintient à 4 journées de la fin.” Néanmoins, il décide de ne pas prolonger. Il passe alors des vacances… à Marseille et retourne aussi au Sénégal, quitte à rater des appels.

Nancy : “C’est pas le même National !”

Photo ASNL

Il apprend par son ami, Thomas Robinet, rencontré à Laval, qu’Albert Cartier, le coach de l’ASNL, cherche à le joindre. “Le 15 juin, j’arrive à 12h à Marseille, à 14h, Albert Cartier m’appelle. Il m’avait déjà contacté quand il était à Bastia-Borgo, mais ça ne m’intéressait pas. Pour moi, retourner en National, ça aurait été un échec. Mais Nancy, ce n’est pas le même National. On a parlé 20 minutes et j’ai accepté directement. Le 1er juillet, je signe un contrat de 2 ans, parce qu’à chaque fois que j’ai quitté des clubs, ils sont montés direct après (NDLR : QRM et Laval montent en Ligue 2 respectivement en 2021 et 2022). »

Prince effectue tous les matchs de préparation avec Aloé, son pote de formation à Marseille, en charnière centrale, dans des circonstances particulières. “Ma femme avait un accouchement à risque, donc pendant tous les matchs, le coach avait mon téléphone sur le terrain, au cas-où.”

Photo ASNL

Après un début de saison poussif (deux défaites et un nul), le tournant à la fois collectif et personnel intervient la semaine du match contre Concarneau, en Bretagne. “Le mercredi avant le match, Baptiste Aloé se fait les croisés à l’entraînement donc on n’a pas de solution de repli et je dois être là.” Or, le médecin annonce aux Mendy que l’accouchement va arriver dans les prochaines heures. L’heureux événement se produit à 5 heures du matin, le jeudi; le groupe, lui, doit prendre le train à 6 heures. “Le coach me dit de partir avec eux, mais je reste un peu avec elle et je prends un autre train à 13h heures, tout seul. Je les rejoins à l’hôtel, et le lendemain on gagne le match (2-1) à 10 contre 11, c’était incroyable”, détaille le souriant Mendy.

Il fait aussi connaissance avec le public du stade Marcel Picot. “Ça fait plaisir. Il y a des moments où on était moins bien, ils nous boostent direct. Des fois, je fais des interventions et ça crie derrière moi. Ça me donne encore plus de force”, explique le taulier de la défense nancéienne.

Un cadre du vestiaire

Photo ASNL

Après un moi de septembre faste (3 victoires et 2 nuls), la suite de la saison est plus compliquée et voit, en janvier dernier, l’éviction d’Albert Cartier, après la défaite de trop contre l’US Orléans de Nicolas Usaï, que Mendy a plaisir à retrouver. Benoît Pedretti prend à nouveau les rênes du groupe professionnel de l’ASNL, un peu plus d’un an après avoir dirigé son dernier match. “C’est différent, ce n’est pas la même philosophie”, répond Mendy lorsqu’on lui demande ce qui a changé.

Dès son intronisation, le coach lorrain nomme une liste de relais et de cadres sur le terrain; le Sénégalais en fait partie, fort de son expérience et de sa sérénité sur le terrain. “C’est important, ça montre qu’il compte sur moi et qu’il a confiance en moi, donc ça me pousse à encore plus me donner pour les autres”, détaille le défenseur central, véritable cadre de l’équipe, et qui forme avec son compère d’Ajaccio Lucas Pellegrini un solide duo de sudistes, complété par un excellent portier, Martin Sourzac.

Pour le premier match de Pedretti à Dunkerque, Nancy, encore à 11 contre 10, s’impose enfin (3-2). Son arrivée a changé la donne : “On n’avait pas de consignes de pressing, le coach nous a juste dit de jouer.”

La semaine suivante, au Mans, Nancy remporte une victoire avec les tripes, malgré une double peine infligée à Mayoro Ndoye après un arrêt de la main, alors qu’il est… milieu de terrain. “Quand il y a eu le penalty au Mans, j’ai dit “Martin va l’arrêter”, et quand il l’a arrêté, je savais que Le Mans n’allait pas marquer”, raconte le taulier lorrain.

Il s’agit maintenant pour les joueurs au Chardon de poursuivre cette belle série qui suscite un enthousiasme mesuré dans le vestiaire. “On parle de gagner le plus de matchs possibles. Prendre match après match. On ne va pas se voiler la face, ça va être dur de viser le haut de tableau parce que les équipes sont loin, mais on ne s’interdit rien. On verra où on sera le 26 mai.”

Gagner le plus de match possible, et pourquoi pas dès ce soir, en Corse, à Borgo, où Lucas Pellegrini refoulera le stade qu’il a fréquenté l’an passé, et où Prince Mendy retrouvera Raphaël Diarra, avec qui il a joué à QRM : « il est comme un frère”.

Entretien réalisé avant le match nul 0-0 à Borgo.

Prince Mendy, du tac au tac

« Je ne sais pas tacler ! »

Meilleur souvenir sportif ?
Mes deux années à Marseille Consolat, en National. Avec des moyens très limités, on a réussi à faire de grandes choses.

Pire souvenir sportif ?
Mon année à Fréjus, c’est la première fois, après le centre de formation de l’OM, que je ne joue pas du tout, alors que je méritais de jouer. Ma pire expérience. Humainement, avec le coach, c’était zéro.

Jules ou Prince ?
Prince, mon père m’a appelé comme ça.

Combien de cartons rouges ?
2 ou 3 pas plus.

Pourquoi as-tu choisi d’être défenseur central ?
Nicolas Usai m’a dit que j’avais les qualités pour jouer latéral, donc j’ai joué à ce poste là. Quand je suis arrivé en Ligue 2, j’ai joué latéral droit, j’étais en concurrence avec Jonathan Clauss. Le coach m’a remis en défense centrale. Aujourd’hui je préfère être défenseur central.

Première fois dans un grand stade en tant que spectateur ?
Au Vélodrome, pour un Olympico dans les années où Lyon fracassait tout le monde, Marseille avait perdu.

Ton geste technique préféré ?
Jeu simple, passes courtes et jeu long.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Le défaut, c’est de subir le match. Après, moi, il faut que je parle, que je sois confiant et serein, je pense que ce sont de bonnes qualités.

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
Marseille Consolat, j’ai vraiment repris goût au football.

Inversement, le club où tu en as pris le moins ?
Fréjus / Saint-Raphaël, ça a failli me dégoûter du foot.

Le club où tu as failli signer ?
Saint-Etienne, à la sortie de la première année de Consolat. J’ai failli signer à « Sainté », Toulouse était aussi sur le coup, mais ça ne s’est pas fait à cause d’un changement de coach.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ? L’Olympique de Marseille, c’est ma ville, mon club formateur.

Le club où tu ne pourrais pas jouer ?
Je ne te dirais pas Paris, parce que le foot, c’est un métier. Au bout d’un moment, si Paris m’appelle, j’y vais ! Même si pour moi y’a toujours la rivalité Paris-Marseille. Quand « on » a gagné en coupe dernièrement, j’ai appelé et envoyé des messages à ma famille et à mes amis sur Paris, ils ne m’ont pas répondu (rires).

Un prono pour le Classique dimanche ?
Je pense qu’on va gagner 2-1.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Stade Vélodrome et l’OM.

Un public qui t’a marqué ?
Nancy.

Un coéquipier marquant ?
Chaque club où je suis passé, je me suis toujours bien entendu avec les personnes, donc j’en ai énormément. A Quevilly Rouen, j’ai joué avec Raphaël Diarra, c’est comme un frère pour moi, je vais le retrouver contre Borgo. Le gardien des Comores, Salim Ben Boina, avec qui j’ai joué à Consolat (il évolue à Epinal). Mais je pourrais en citer tellement.

Le coéquipier avec lequel tu avais (ou tu as) le meilleur feeling ?
Baptiste Aloé, parce qu’on a été formé ensemble à l’OM. Avec Lucas Pellegrini, je m’entends bien derrière, parce que moi j’aime bien jouer simple et lui il est plus dans la percussion et la prise de risques balle au pied.

A bientôt 28 ans, qu’est-ce qu’il te manque pour jouer plus haut ?
Marquer des buts sur coups de pied arrêtés offensifs, et prendre plus de risques balle au pied.

Le coéquipier le plus drôle avec qui tu aies joué ?
Ici, Nangis et Etcheverria, on rigole bien.

Le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
Nicolas Pépé quand il était à Orléans, il m’a fatigué lui ! Et Kolo Muani quand il était à Boulogne, heureusement qu’il n’a joué que dix minutes !

Ton meilleur match cette saison ?
Le Mans (1-0), à l’aller.

Ton pire match ?
Villefranche (défaite 2-0), et ma deuxième mi-temps au Red Star (défaite 1-0), je n’avais plus de jambes.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Jeff Louis. C’est un ancien joueur de Nancy, que j’ai croisé à QRM. On avait passé une journée ensemble, et avec lui, t’es sûr de rigoler du matin au soir.

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Eric Chelle, actuel sélectionneur du Mali, que j’ai connu à Consolat.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Michel Estévan, mon coach à Fréjus.

Un président marquant ?
Jean-Luc Mingallon, président de Marseille Consolat. Il faisait les déplacements avec nous dans le bus, on n’avait jamais d’impayés avec le peu de moyen, il se débrouillait pour trouver les sponsors, franchement il était vraiment top.

Un président à oublier ?
Je me suis entendu avec tous mes présidents. Peut-être juste le président Laurent Lairy qui a pris la suite de M. Jan à Laval, il m’a un peu manqué de respect avec une offre pas à la hauteur de mes espérances en 2021 qui a fait que j’ai décidé de quitter le club.

Une causerie de coach marquante ?
Nicolas Usai a sorti les mots qu’il fallait avant de jouer un match aux Herbiers qui était important pour rester dans la course pour la montée. Malheureusement, on n’a pas gagné, mais son discours était marquant.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
L’année dernière au Portugal, j’avais du mal à comprendre la langue et donc les consignes n’étaient pas forcément claires. En plus, ils ont une conception de la défense différente là-bas, ils ne veulent pas que tu anticipes la profondeur. Heureusement, un membre du staff parlait portugais et français et me traduisait.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Nampalys Mendy, mon cousin, qui joue à Leicester.

Combien de véritables amis dans le foot ?
J’en ai pas mal, c’est ce qu’on me reproche souvent. Ce sont des mecs avec qui on ne parle pas tous les jours, mais on prend souvent des nouvelles des enfants, de la famille, etc.

Un chiffre ?
Le 15, parce que c’est la date d’anniversaire de mon meilleur ami qui est décédé.

Un plat, une boisson ?
Un plat sénégalais, le tieb.

Termine la phrase en un mot ou deux adjectifs : tu es un défenseur plutôt …
Rapide et bon dans l’anticipation.

Tacle glissé ou intervention à l’épaule ?
Intervention à l’épaule ! Je ne sais pas tacler et un défenseur ça doit toujours rester debout, je pense.

Un match de foot de légende pour toi ?
La remontada Barça-PSG (6-1), en tant que Marseillais c’était incroyable.

Un modèle de défenseur ?
Chancel Mbemba (Marseille), et j’aime bien Antonio Rüdiger (Real Madrid) aussi , même s’il est un peu fou. Un défenseur que je regarde beaucoup c’est Kalidou Koulibaly (Chelsea), il est bon techniquement, pied droit, pied gauche, rapide, agressif, bon de la tête. C’est le vrai exemple de défenseur.

Une idole de jeunesse ?
J’étais fan de Mamadou Niang quand j’étais petit. Mais je n’ai pas forcément d’idole ultime.

Ta plus grande fierté ?
Mes deux enfants âgés de 2 ans et 6 mois.

Tes passions en dehors du foot ?
Passer du temps avec ma famille.

Regarder un match de Ligue 1 ou regarder un film ?
Regarder un film, sauf s’il y a un gros match de Ligue des Champions. Après le foot, fini le foot ! Après le match, le vendredi je coupe totalement les applications du groupe de l’équipe et je passe du temps avec ma famille.

Laval, Rouen ou Nancy ?
J’ai kiffé Rouen. C’était bien et chaleureux, un peu comme Nancy. Laval, le club est bien, mais la ville est petite, il n’y a pas de Zara ou H&M. (rires)

Ton endroit préféré à Nancy ?
Le Parc de la Pépinière, j’y vais pour emmener mon fils jouer.

Si tu n’avais pas été footballeur…. qu’aurais-tu aimé faire ?
Chef cuisinier.

L’ASNL en deux mots ?
Magique, un grand club qui n’a pas sa place en National.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Un monde de serpents.

Texte : Emile Pawlik / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : EmilePawlik

Photos : AS Nancy Lorraine