À 36 ans, le capitaine des Tango continue d’emmener tout le monde dans son sillage, comme jadis à Niort ou au Red Star. Entêté du football et leader obstiné, le milieu de terrain décrypte une carrière où il a avancé ardemment, escorté de ses convictions et d’un feu intérieur permanent, et parle de Laval comme d’un club à part.
Par Clément Maillard / Photos Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin
De Nice à Niort, d’une naissance à Paris à deux saisons dans le club de Saint-Ouen au Red Star 30 ans plus tard, de week-ends à pleurer seul dans sa chambre du centre de formation des Aiglons aux soirées d’après-matches pleines d’échanges avec les supporters du Stade Lavallois, Jimmy Roye promène son amour du football depuis bien longtemps déjà.
Le milieu de terrain et capitaine des Tango (36 ans) retrace sa carrière, qui s’étire sur plus de 330 matches de Ligue 2 et 224 de National, avec Calais, le Paris FC, les Chamois Niortais, le Gazélec Ajaccio, le Red Star et enfin Laval. Le droitier, relayeur ou milieu défensif travailleur, s’est toujours accroché à son objectif ultime de devenir joueur professionnel. Une obstination qui lui a permis de réaliser un parcours qu’il juge au-delà de ses espérances, mais pas de ses rêves. Entretien avec un entêté du football.
Interview :
« Ma carrière a dépassé mes espérances, pas mes rêves ! »
Jimmy, comment est-ce qu’un gosse du Val-d’Oise, formé attaquant à Nice, en arrive-t-il à compter plus de 500 matches en tant que milieu de terrain ?
Je suis né à Paris, avant de grandir à La Garenne-Colombes et à Argenteuil, dans le quartier d’Orgemont. J’ai monté les échelons au Racing Club de France, comme on l’appelait à l’époque, jusqu’en U14 Fédéraux. Je jouais attaquant, et c’est là que j’ai été repéré par Nice. Le « monsieur » de l’OGC Nice avait fait l’effort de rencontrer mes parents sur Paris, ça avait été un déclic alors que j’avais effectué des essais à Monaco, Châteauroux, au PSG, Montpellier…
Nice me prenait tout de suite, ça avait fait tilt. Ils avaient payé le billet d’avion, nous avaient fait découvrir les installations, je trouvais que c’était un club où je pouvais progresser, où j’allais me sentir bien. Ce sont déjà des choix difficiles, à 14 ans et demi, de partir, mais il faut les faire. Après des fois ils sont bons, ou pas, mais voilà (rires) !
« Faire carrière, je n’avais que ça en tête »
C’est vrai que ce déracinement, jeune, on n’en parle pas tout le temps. Tu pars donc avec l’idée de faire carrière ?
Je n’avais que ça en tête. L’école, ce n’était pas mon fort. Je ne vivais que pour ça, je voulais faire ça uniquement. Quand je suis arrivé en 14 ans, je voyais que j’avais des capacités au-dessus de la moyenne, je me suis accroché à cela, je n’ai pas lâché l’affaire, malgré pas mal de péripéties.
Mais c’est sûr que le déracinement, quitter ses parents à 14 ans et arriver seul à Nice, c’est dur, ce n’est pas facile. J’ai passé des week-ends à pleurer seul dans ma chambre, ça forge le caractère, on va dire; ça passe ou ça casse, certains y arrivent, comme ça a été le cas pour moi, d’autres non.
Tu as même arrêté tes études dans cet objectif de devenir professionnel…
A Nice, on était plusieurs à faire un BEP vente sur deux ans, je l’ai eu, et ma dernière année de contrat aspirant, j’ai décidé de ne pas continuer l’école et de me concentrer sur ma formation, comme j’avais eu le brevet, aussi. La 3e année, le nouveau directeur du centre de formation n’entendait pas que des joueurs restent dans leurs chambres pendant que d’autres étaient en cours. Ce n’est pas passé. Je voulais me consacrer au ballon rond, j’étais en équipe de France moins de 18 ans à l’époque, il faut remettre ce contexte où Nice laisse partir un jeune qui est en EDF U17, U18, ne lui fait pas signer de contrat stagiaire. Aujourd’hui, ce serait impensable pour un centre de formation de ne pas conserver un jeune international, mais à l’époque ça se faisait.
C’est déjà un choix assez fort de ta part à ce moment-là, car aujourd’hui les études sont plus intégrées, ou mieux mises en avant.
Clairement. Aujourd’hui, la nouvelle génération a tout à sa disposition, et c’est très, très bien, je suis content pour eux. Et bien entendu que l’école, c’est primordial. Mais ce n’était pas mon truc. On n’avait pas autant de choix, ce n’était pas autant suivi, j’ai 36 ans, on parle des études dans les centres de formation d’il y a 20 ans. Oui, ça a été un choix fort, que ma famille n’a pas trop compris, mais j’ai assumé, je pensais que c’était le plus bénéfique pour être professionnel.
Une décision qui t’amène à Amiens, donc (2006-2008). Comment arrives-tu là-bas ?
Je quitte l’OGC Nice, on m’annonce qu’on ne me conserve pas pour faire de la place à d’autres joueurs. De là, je n’ai pas d’agent, il y en avait un certain nombre qui tournait autour de moi car j’étais en équipe de France, mais ce monde me faisait peur, je ne leur faisais pas forcément confiance. Mon prof de droit en BEP avait des touches avec le directeur sportif d’Amiens, et il m’envoie faire un essai directement avec les professionnels. Je fais cet essai au début du mois de juillet, et je marque contre Le Havre de Jean-Michel Lesage, on gagne 2-0, je n’ai même pas 18 ans, je crois. Ils m’ont pris, mais je signe stagiaire, pas pro. Je me rapprochais toutefois de la région parisienne et de ma famille.
« Se retrouver 20 ans après avec Malik (Tchokounté), c’est beau ! »
Tu dis que tu es parti de Nice pour faire de la place, tu parles d’Anthony Modeste ? Tu as également été formé avec Malik Tchokounté, avec qui tu rejoues au Stade lavallois !
Malik et son parcours, c’est incroyable. C’est fou de se retrouver maintenant en Ligue 2 dans le même club, alors qu’on se connaissait quand on avait 15 ans. A l’époque, quand je jouais avant-centre, il était plus en équipe B et moi je jouais avec Anthony en A. Anthony a ensuite grimpé les échelons : à 17 ans, il jouait souvent en réserve. Je ne suis pas jaloux de sa réussite. J’ai déjà pu le féliciter en le recroisant. Et pour Malik, quand on voit où il est arrivé, c’est un grand message pour les jeunes : il ne faut pas lâcher. C’est quelqu’un de très gentil, très collectif, toujours avec le sourire, toujours positif, j’adore les gens comme ça, je leur tire mon chapeau. On se tirait la bourre tous ensemble, avec le frère de Malik également. Se retrouver 20 ans après en pro avec Malik, c’est beau. De temps en temps, le coach me replace attaquant sur du travail spécifique à l’entraînement, par doublettes. On se met ensemble comme à la grande époque, on en rigole ! On se connaît bien, on arrive un peu à se trouver les yeux fermés.
Qu’est-ce que tu gardes de ce passage niçois ?
Franchement, c’est un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Les premiers centres de formation, ce sont des souvenirs qu’on n’oublie jamais, qui sont ancrés dans ma tête jusqu’à la fin de ma vie, comme quand je pleure dans ma chambre. Beaucoup de gamins rentraient chez eux, à l’instar de Malik, à Fréjus, Marseille, leurs parents venaient les chercher le vendredi soir.
A 15 ans, c’est dur d’être à 1500 km de ses parents. Mais j’ai aussi tissé des liens incroyables là-bas. Mon meilleur ami était au centre avec moi à Nice, je suis le parrain de sa fille, son témoin de mariage, on part en vacances ensemble, on ne s’est jamais perdus de vue, et ça, pour moi, ça n’a pas de prix, ça a beaucoup plus de valeur que le football.
« Ma carrière a dépassé mes espérances »
Comment voyais-tu ta carrière à ce moment-là ?
Quand j’étais au centre, je me souviens avoir inscrit sur un papier que j’ai donné à ma mère que je serais en équipe de France et que je soulèverais une Coupe du monde, c’étaient mes plus grands rêves. Bon, je n’ai pas réussi à remplir ces objectifs, mais c’était clair et net, mon objectif était d’être professionnel. En arrivant à Amiens, quand j’ai vu le monde que c’était, j’ai compris que l’équipe de France, ça allait être compliqué ! Mais je ne voulais pas lâcher le rêve de jouer en Ligue 1, en L2 ou en National. Même en National 2, ça ne m’aurait pas dérangé. En tout cas, à 18 ans, je n’aurais jamais cru faire autant de matches, jouer autant de saisons, et être encore actif aujourd’hui. A cet âge, j’aurais signé tous les jours pour avoir cette carrière. Elle a dépassé mes espérances. Mais elle n’a pas dépassé mes rêves. Ces rêves les plus fous de gamin de 15 ans, jouer en Bleu et soulever une Coupe du monde.
« Eddy Torest m’a sorti de la merde »
Voici donc venir, tout de même, tes grands débuts. Tu quittes Amiens pour Calais, avant de jouer pour le Paris FC et d’exploser définitivement à Niort. Un sacré début de parcours, quand même ?
C’est un peu ça. À Amiens, je m’entraîne avec les pros, je joue avec la réserve, mais le club ne me conserve pas, il ne veut pas me faire signer pro. Je me retrouve une deuxième fois dans la merde (sic) après Nice, clairement, pour dire les choses assez crûment. Je n’avais toujours pas d’argent et je ne leur faisais pas confiance. Arrive le mois de juin, j’ai un agent qui m’appelle, que je ne connais pas du tout, Eddy Torest. C’est encore mon agent aujourd’hui, il m’a sorti de là. Il contribue à me mettre à Calais avec quelqu’un d’autre. J’arrive en outsider derrière des attaquants comme Djezon Boutoille ou Mathieu Hoguet, des pointures dans le Nord et en National à l’époque. Je suis 4e ou 5e attaquant, mais j’arrive un peu à bousculer la hiérarchie et faire mes 30 matches, mettre mes 5 buts. Là, re-patatras, encore un coup dur, le club coule administrativement et nous on descend sportivement.
Je me retrouve fin juillet sans club, à me dire que je vais arrêter le foot et que je vais aller bosser. Et à partir de là, mon agent me rappelle et me dit « écoute, je connais bien Jean-Marc Pilorget au Paris FC, je vais te faire signer là-bas ». Mais je signe pour rien, à 1200 euros nets par mois, je crois, un contrat fédéral. Je me dis, « de toute manière je n’ai que ça, soit j’arrête le foot, soit j’y vais ». J’arrive au Paris FC sur la pointe des pieds. Personne ne me connaît, même si je viens de faire une année de National, mais avec Calais, en finissant derniers ou avant-derniers du championnat, donc voilà. Là entre guillemets, j’explose au Paris FC, Jean-Marc Pilorget me fait confiance, comme Jean-Luc Vannuchi l’année d’après. Je fais 36 puis 37 matches, je mets mes 5-6 buts les deux saisons, à 20 et 21 ans.
Et puis de là, Pascal Gastien, le coach de Niort en National, me contacte et me dit : « Ecoute, on veut faire une équipe pour monter, mais on n’a pas trop de billes, on n’a pas trop d’argent, et surtout on n’a pas de temps, on n’a qu’une année pour monter. » Donc on n’avait qu’une année pour monter, et je me retrouve dans une équipe de fous à Niort, avec un coach de malade, des joueurs incroyables. Une aventure humaine particulière, comme on n’en vit plus beaucoup. On fait monter le club et voilà, après, la carrière prend son élan en Ligue 2.
« À Niort, je me suis épanoui plus, plus, plus »
Tu ouvres ainsi le volet Chamois Niortais. Sept ans de ta vie (2011-18), une montée, un replacement au milieu de terrain, un super groupe. Tu peux détailler un peu tout ça ?
J’arrive chez les Chamois après trois années de National. On a une équipe incroyable avec Quentin Bernard, Johan Gastien, Arnaud Gonzalez, Paul Delecroix… On fait une année, on explose le championnat de National, enfin, on finit 3es, mais on était la meilleure équipe, on jouait le mieux. On arrive à monter en Ligue 2 sur la dernière journée, au Gazélec Ajaccio, où je marque le penalty de la montée ! Je n’ai jamais eu aussi peur d’aller tirer un penalty dans toute ma carrière, avec toute la pression derrière, sur une dernière journée. On gagne 1-0, on fait la fête, on monte. En Ligue 2, on est un club avec très peu de moyens, un stade vétuste, un centre d’entraînement qui n’existe pas. Mais Pascal Gastien, c’est un visionnaire, un amoureux du football et quelqu’un qui arrive à faire progresser tous ses joueurs, même ceux qui ne jouent pas. Et c’est ça qui est le plus fort, faire progresser ceux qui jouent moins, qui ne sont pas titulaires, arriver à les maintenir en vie, entre guillemets, dans le groupe. C’est une période de ma vie incroyable. Footballistiquement, je me suis épanoui « plus, plus, plus »… C’est pour moi l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, de ma carrière.
C’est à ce moment-là que Pascal Gastien te repositionne au milieu de terrain ?
Quand j’arrive en National, il ne me voit pas avant-centre : pas assez rapide, pas assez costaud. Mais il voit que j’arrivais à sentir le foot, que j’étais assez technique, et il me met numéro 10 ou en 9 et demi derrière l’attaquant. Bien lui en a pris, je mets 10 buts et 10 passes décisives en National quand on monte. On a été plusieurs à exploser cette saison-là. Gastien, c’est un visionnaire ce coach, c’est le meilleur que j’ai vu de toute ma carrière. Avec lui, tout passe par le jeu, même en Ligue 2 on s’en sortait par le jeu, en n’ayant pas peur, en prenant des risques. Comme à Clermont, qui avait le plus petit budget en Ligue 1. Mais quand tu as des idées, tu peux déplacer des montagnes.
« Je me suis adouci avec l’âge »
Ton profil se révèle être celui d’un milieu de terrain technique, mais accrocheur, comme le décrit aussi Alain Wathelet, qui t’a connu au centre de formation de Nice. C’est un peu un condensé de ce que tu es, Niort ?
C’est un peu ça, oui. Cela a un peu dévoilé toute ma palette footballistique, mais aussi mentale… C’est-à-dire que je suis un mec qui ne lâche rien, je suis un casse-bonbons. Si vous demandez aux joueurs, 90% vont dire qu’ils ne m’aiment pas. Je n’ai pas de problème avec ça, parce que sur un terrain, ma personne est 200 000 fois à l’opposé de celle que je suis dans la vie.
Mais sur le terrain, je ne lâche rien, c’est vraiment ça. Je mets le pied, je parle beaucoup, je cours beaucoup, j’essaye de tout donner, 100%, à chaque entraînement, chaque match. Je suis aussi un peu râleur, donc forcément, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais j’ai aussi fait ma carrière sur ça. Je n’étais pas le meilleur, mais j’ai un aspect mental qui est un peu meilleur que les autres. Un peu à l’instar de certains basketteurs très exigeants, comme Kobe Bryant ou Kevin Garnett.
Moi, je vais être honnête avec toi : j’étais affreux. Alors je me suis adouci avec l’âge, mais j’étais affreux avec mes adversaires et j’étais affreux avec mes coéquipiers, par moments. Mais affreux dans le bon sens : pas pour être méchant; j’étais dur. Il faut avoir de l’exigence. Je ne conçois pas que les autres ne puissent pas faire pareil. Mais on n’est pas tous faits pareil.
Pour reprendre l’exemple de Kobe Bryant, il était tellement exigeant envers lui-même qu’il en demandait autant aux autres. Avec l’âge, j’ai compris que tu ne pouvais pas en demander autant aux autres qu’à toi-même, parce qu’on est tous différents, on n’a pas tous la même personnalité, on n’a pas tous été élevés de la même manière, on n’a pas tous grandi au même endroit. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dur, j’étais un « chieur », puis je me suis adouci avec l’âge. Aujourd’hui, je comprends un peu mieux les autres, on va dire.
« À Laval, il n’y a que des capitaines ! »
Tu étais capitaine à Niort, tu l’es aussi à Laval, où tu es arrivé il y a 3 ans et demi. Peux-tu parler de ce rôle qui semble très bien t’aller ?
J’ai toujours été un leader, même sans le brassard, ça ne m’a jamais posé de problèmes. C’est ce que je dis aujourd’hui quand je suis en conférence de presse, le brassard à Laval, je ne l’ai pas demandé, on me l’a donné. Aujourd’hui il y a plusieurs capitaines dans le vestiaire. Tu parlais de Malik Tchokounté, c’est un capitaine par sa positivité. Mamadou Samassa (le gardien de but des Tangos), c’est un capitaine par ce qu’il dégage, et Anthony Gonçalvès (latéral ou milieu) est un capitaine par excellence. Et il y a Jordan Adéoti, Yohan Tavares… Il n’y a que des capitaines dans cette équipe, n’importe qui pourrait le prendre.
Même quand je n’avais pas le brassard de capitaine, j’étais un leader, j’avais ça en moi, parler, essayer de tirer le maximum de mes coéquipiers et d’amener l’équipe et le club vers le haut, l’institution vers le haut. Parce que c’est ce que je mets avant tout en en avant, les clubs par lesquels je suis passé. Moi, mon perso, ça ne m’intéresse pas beaucoup, ce sont les clubs qui sont importants, parce qu’on est que de passage dans un club, il faut leur donner le maximum.
Alors oui, j’ai toujours été capitaine dans mes clubs, mais je n’ai jamais rien demandé. En fait, c’est juste que j’ai une personnalité, je suis très exigeant, je donne 100 % à chaque entraînement. Je dis les choses assez clairement, je suis assez cash. Alors avec certains ça passe, avec d’autres ça ne passe pas. Et avec l’âge, j’apprends à tourner ma langue dans ma bouche avant de parler.
« Je ne suis pas facile »
Ce qui n’empêche pas ce retour assez général sur toi : tu es un pénible sur le terrain, mais aussi et avant tout un joueur et une personne très appréciée dans tes vestiaires.
Déjà, donner cette interview, c’est bizarre, je n’aime pas beaucoup parler de moi, mais bon c’est le but. Alors oui je suis aimé, mais je n’ai pas été aimé par tout le monde. Je me suis déjà bagarré avec des coéquipiers, des vraies bagarres, je ne suis pas facile. Mais quand on me connaît, quand on arrive à sortir du personnage que je suis sur le terrain et voir ce que je suis en dehors, on comprend tout de suite qui je suis et voilà.
Beaucoup de gens vont dire que je suis un « merdeux » sur le terrain, mais en dehors, si j’ai un coéquipier qui m’appelle à n’importe quelle heure de la nuit, je serai là pour le dépanner, que j’ai des affinités ou pas avec lui. Dans un vestiaire il y a 28 garçons, on ne va pas manger tous ensemble au restaurant tous les midis, on ne va pas se mentir, mais peu importe qui m’appelle, je lui tendrai la main de bon cœur. C’est aussi pour ça que les gens m’apprécient, ils savent que je ne suis pas quelqu’un qui veut le mal des autres.
Cela permet de rebondir sur les clubs que tu as connus après Niort : le Gazélec Ajaccio et le Red Star, deux entités avec une identité forte, à ton image. Tu y vas aussi pour ça ?
Les Chamois, c’est une super partie de ma carrière. Mais l’engouement n’était pas… (Il cherche ses mots). C’est un club familial, très tranquille, où même quand tu perds, ce n’est pas grave. Quand je suis parti des chamois, c’est aussi quand monsieur Hanouna arrive, et je savais que ça n’allait pas coller. Je me suis assis sur une dernière année de contrat avec un beau salaire, j’ai appelé mon agent, je savais que ça n’allait pas passer.
Je ne demande pas un centime et je pars. J’avais besoin de sortir de ma zone de confort et j’avais besoin de de me remettre en question footballistiquement. Personnellement, je venais de divorcer, j’avais besoin d’un changement. Et je pense que le Gazélec, c’est ce qui me correspondait le plus, c’est aussi simple que cela : un engouement, une identité, un club, une ville, une île, peut-être une mentalité qui me correspondait, aussi. Ça ne s’est pas passé comme j’aurais voulu. J’avais signé trois ans, on descend en National, j’avais une clause pour partir en cas de descente, et pareil, je m’en vais sans un centime.
J’arrive au Red Star, un club complètement à part dans le football. Pour moi, c’était énorme d’aller signer là-bas, j’étais hyper content. Il y a une identité forte, un club, des couleurs… Vraiment magnifique. Et des supporters avec un engouement, quelque chose de fou, fou à décrire. Mais au bout de deux ans, on n’arrive pas à monter en Ligue 2, on jouait sur le synthétique de Bauer, qui était très, très compliqué à l’époque, la Covid a aussi arrêté la saison, ça nous a un peu pénalisés.
« J’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois »
Après deux ans, tu arrives donc à Laval en 2021. C’est un retour dans un club plus familial ?
Laval m’appelle, le président, le coach, le directeur sportif. Surtout, on m’appelle en me proposant un projet familial, mais aussi pour reconstruire une identité qui correspond à la Mayenne. C’est un club où il y a toujours eu du monde, un engouement et des couleurs, mais où les gens de la ville se dissociaient du club. Plus les années passaient et moins les gens venaient au stade. On m’a clairement dit que j’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois, ça m’a parlé tout de suite.
J’ai divisé mon salaire par deux, je ne suis pas venu pour l’argent, mais pour ce projet. Un projet qui n’était même pas sportif, mais plus global, je ne sais même pas comment on peut dire, un projet pour la ville… Remettre la ville et ses administrés au cœur du club de Laval. Et ça a marché directement. On avait et on a une équipe de fou, un groupe de fous. Je n’ai jamais vu autant de joueurs aller dans les espaces partenaires, et/ou même pas partenaires, aller avec les supporters, boire des coups, manger, c’est fou-fou-fou. On a ramené 10 000 personnes à chaque match quasiment. Pour moi, ce sera la plus grosse fierté que j’aurai le jour où ça s’arrêtera à Laval.
« Step by step »
Le Stade Lavallois, c’est un club historique, mais dans votre groupe, il y a plein d’histoires dans la grande histoire, comme celle du maintien à la dernière seconde il y a deux ans, quelques semaines après le décès du papa d’Olivier Frapolli…
Il se passe toujours quelque chose à Laval. En tout cas, depuis que je suis arrivé. Le coach m’avait appelé, il n’y avait pas de leaders, le groupe était amorphe un peu, c’est un club qui vivotait dans les dans les bas-fonds du National, ou en milieu de tableau.
Il cherchait une équipe avec de la personnalité, avec des leaders, des mecs qui en avaient, entre guillemets (rires). Et ça a matché tout de suite. On parlait de Pascal Gastien tout à l’heure, mais Olivier Frapolli sera le deuxième coach de ma carrière, il m’a beaucoup marqué. On a une relation particulière, je suis son capitaine, on a vécu des choses incroyables, une montée, un maintien à la dernière seconde, son papa lui avait dit qu’on se maintiendrait, il n’avait pas menti.
Il vit des belles choses au club, moi je vis des belles années avec lui, le club vit de belles choses, pourvu que ça dure. Mais il se passe toujours quelque chose à Laval. La première année, on est champions en National, le premier titre du club, le premier trophée de son histoire. Et en Ligue 2, on se maintient à 17 secondes de la fin, sur la dernière journée, on marque à la 93e plus 43 secondes.
L’année d’après, on est premiers quasi tout le championnat, on fait un parcours de fou en Coupe de France, on élimine Nantes chez eux. Et puis cette année on est à notre place, dans la première partie de tableau en Ligue 2. C’est un club qui se structure, qui progresse, qu’on est en train de structurer, entre guillemets. Et qu’on veut, petit à petit, amener vers le sommet, « step by step ». C’est mon expression ça !
Ce « step by step », l’humain, le sportif, kiffer jour après jour, c’est ça qui te permet de continuer encore, à 36 ans ?
Je suis en fin de contrat, mais je ne demande rien, je ne veux pas de garanties. Je veux jouer au foot, prendre du plaisir, garder le sourire. S’ils sont contents de moi, eh bien on prolongera l’aventure, sinon on se serrera la main et je leur dirai merci sans rien attendre en retour. Rien d’autre. J’aurai juste à dire merci pour l’histoire ensemble.
Mais oui, tout ça, c’est ce qui me maintient. C’est ce qui me maintient en vie et c’est ce qui me donne envie d’aller m’arracher tous les jours à l’entraînement. C’est l’humain, ce sont les gens… Il faut se rendre compte de ce qu’on vit ici. L’autre jour j’étais au sport avec mon fils, partout où je vais les gens me parlent de foot, ils connaissent le sport, suivent l’équipe, c’est ultra bienveillant, c’est hyper agréable, ils encouragent, nous disent de continuer, que c’est super ce qu’on fait. Ils vivent avec le club, et les émotions qu’on leur procure, ils nous les rendent fois mille.
J’ai encore un exemple, hier j’étais à la Ligue de Football Professionnel pour la présentation du trophée de Ligue 2, et il y a un membre de la DNCG qui était là, qui est venu me saluer, que je n’avais jamais vu de ma vie. Il me dit « Bonjour, félicitations pour ce que vous faites ». Je lui réponds « Eh bien merci, mais vous êtes qui ? » (rires). Il me dit qu’il est Lavallois, qu’il travaille à la DNCG donc, qu’il vient tous les 15 jours / trois semaines, au stade, et qu’il tenait à me féliciter, à me dire bravo pour l’image du club… Voilà, moi avec juste des petits mots comme ça, je pourrais jouer encore 15 ans (rires) !
« Je dis aux gens Venez, venez à Le Basser, et vous verrez ! »
Les Tangos re-dansent avec vous, avec cette équipe ?
J’encourage les gens à venir à Le Basser. Et pas que les Lavallois. Je dis aux gens « Venez. Venez et vous verrez ». La sandwicherie Chez Bouboule, c’est top, le stade, c’est top, on voit les joueurs à la fin des matches, ils sont dans les espaces partenaires ou autres. Moi après chaque match je vais dans un groupe de supporters, on boit la bière de l’amitié, on débriefe, qu’on gagne, qu’on perde, les gens sont bienveillants, il y a une bonne ambiance.
Pour conclure, ce que tu évoques de Laval semble démonstratif du joueur et de la personne que tu es. De Nice à Laval, en passant par Niort, quel bilan tu fais de ta carrière ?
Ma carrière, je n’ai pas assez de mots pour la décrire… C’est beau, c’est… En fait, je veux juste dire merci, voilà. Merci au football, c’est tout. Merci aux gens, merci à toutes les rencontres, merci à toutes les aventures humaines. J’espère que ça va continuer encore une année, ou deux, ou trois, mais je veux juste dire merci au foot. Le football, ce sont des émotions, et on y joue pour avoir des émotions et vivre des moments magnifiques.
Ma carrière m’a fait vivre des moments incroyables, des moments beaucoup plus difficiles, mais j’ai envie de dire qu’elle est un peu comme la vie de chacun, avec des hauts, des bas. Mais si mentalement tu ne lâches pas et que tu respectes tout le monde, à un moment donné tu es récompensé.
Jimmy Roye, du tac au tac
Le ou les meilleurs souvenirs de ta carrière ?
Les deux montées en Ligue 2 avec Niort (2011-2012) et Laval (2021-2022) … 10 ans d’intervalle !
Le pire souvenir ?
La descente avec le Gazélec Ajaccio en 2018-2019 ! J’ai toujours pas regardé le barrage retour (contre Le Mans) à l’heure actuelle.
Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
J’en mets trois : Marhez, Thuram et Ferreira Carrasco, et en bonus Javier Pastore en Coupe de France.
Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Hugo Lloris a l’OGC Nice.
As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Eric Cantona, Lionel Messi.
Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
A Niort, Didier Lamkel Zé, de loin !!!
Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Il y en a beaucoup … Je dirais toute l’équipe de Calais autour d’une bonne bouffe !
Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Niort lors de la saison 2010-2011. Très très forte, cette équipe !
Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Sûrement l’armée ou les forces de l’ordre.
L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore raconté mais que tu vas raconter ici ?
Il y en a tellement … Je vais dire à Calais, les veilles de match, dans les chambres d’hôtel, c’était du grand n’importe quoi ! Whisky, bière, vodka, on parle là d’une veille de match quand même … Mais je ne donnerais pas de noms. Les mecs pensaient à demander des glaçons à l’hôtel pour remplir les éviers de la chambre et mettre les bières au frais !!! C’était une autre époque.
Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Pascal Gastien, un maître en la matière.
Un président marquant ?
Laurent Lairy, mon président actuel à Laval, avec des idées innovantes et différentes dans le football.
Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade Bollaert (Lens)… Incroyable.
Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
Monaco en Ligue 2, saison 2012-2013, que des stars !
Un match où tu t’es senti intouchable ?
Je n’ai pas de match en particulier en tête, mais une saison, celle de 2011-2012 avec Niort ! On était injouable, presque.
Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le PSG, bien sûr.
Une causerie de coach marquante ?
Pascal Gastien pour le match du maintien saison 2012-2013.
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Pedro Miguel Pauleta.
Pour finir, une devise, un dicton ?
« On n’a que ce qu’on mérite dans la vie. »
Coupe de France (32e de finale) – vendredi 20 décembre 2024 : Mérignac (R1) – Stade Lavallois MFC (L2), à 20h45, au stade Robert-Brettes, à Mérignac.
Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD
Photos : Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin
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Interview / Malik Tchokounté : https://13heuresfoot.fr/actualites/malik-tchokounte-jaurais-pu-rester-un-joueur-de-cfa/
Interview / Alexy Bosetti : https://13heuresfoot.fr/actualites/alexy-bosetti-fc-annecy-la-mentalite-de-notre-equipe-est-exceptionnelle/
Interview / Anthony Robic : https://13heuresfoot.fr/actualites/antony-robic-le-parcours-dun-combattant/