À 36 ans, le capitaine des Tango continue d’emmener tout le monde dans son sillage, comme jadis à Niort ou au Red Star. Entêté du football et leader obstiné, le milieu de terrain décrypte une carrière où il a avancé ardemment, escorté de ses convictions et d’un feu intérieur permanent, et parle de Laval comme d’un club à part.

Par Clément Maillard / Photos Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

De Nice à Niort, d’une naissance à Paris à deux saisons dans le club de Saint-Ouen au Red Star 30 ans plus tard, de week-ends à pleurer seul dans sa chambre du centre de formation des Aiglons aux soirées d’après-matches pleines d’échanges avec les supporters du Stade Lavallois, Jimmy Roye promène son amour du football depuis bien longtemps déjà.

Le milieu de terrain et capitaine des Tango (36 ans) retrace sa carrière, qui s’étire sur plus de 330 matches de Ligue 2 et 224 de National, avec Calais, le Paris FC, les Chamois Niortais, le Gazélec Ajaccio, le Red Star et enfin Laval. Le droitier, relayeur ou milieu défensif travailleur, s’est toujours accroché à son objectif ultime de devenir joueur professionnel. Une obstination qui lui a permis de réaliser un parcours qu’il juge au-delà de ses espérances, mais pas de ses rêves. Entretien avec un entêté du football.

Interview :

« Ma carrière a dépassé mes espérances, pas mes rêves ! »

Jimmy, comment est-ce qu’un gosse du Val-d’Oise, formé attaquant à Nice, en arrive-t-il à compter plus de 500 matches en tant que milieu de terrain ?
Je suis né à Paris, avant de grandir à La Garenne-Colombes et à Argenteuil, dans le quartier d’Orgemont. J’ai monté les échelons au Racing Club de France, comme on l’appelait à l’époque, jusqu’en U14 Fédéraux. Je jouais attaquant, et c’est là que j’ai été repéré par Nice. Le « monsieur » de l’OGC Nice avait fait l’effort de rencontrer mes parents sur Paris, ça avait été un déclic alors que j’avais effectué des essais à Monaco, Châteauroux, au PSG, Montpellier…

Nice me prenait tout de suite, ça avait fait tilt. Ils avaient payé le billet d’avion, nous avaient fait découvrir les installations, je trouvais que c’était un club où je pouvais progresser, où j’allais me sentir bien. Ce sont déjà des choix difficiles, à 14 ans et demi, de partir, mais il faut les faire. Après des fois ils sont bons, ou pas, mais voilà (rires) !

« Faire carrière, je n’avais que ça en tête »

C’est vrai que ce déracinement, jeune, on n’en parle pas tout le temps. Tu pars donc avec l’idée de faire carrière ?
Je n’avais que ça en tête. L’école, ce n’était pas mon fort. Je ne vivais que pour ça, je voulais faire ça uniquement. Quand je suis arrivé en 14 ans, je voyais que j’avais des capacités au-dessus de la moyenne, je me suis accroché à cela, je n’ai pas lâché l’affaire, malgré pas mal de péripéties.
Mais c’est sûr que le déracinement, quitter ses parents à 14 ans et arriver seul à Nice, c’est dur, ce n’est pas facile. J’ai passé des week-ends à pleurer seul dans ma chambre, ça forge le caractère, on va dire; ça passe ou ça casse, certains y arrivent, comme ça a été le cas pour moi, d’autres non.
Tu as même arrêté tes études dans cet objectif de devenir professionnel…

A Nice, on était plusieurs à faire un BEP vente sur deux ans, je l’ai eu, et ma dernière année de contrat aspirant, j’ai décidé de ne pas continuer l’école et de me concentrer sur ma formation, comme j’avais eu le brevet, aussi. La 3e année, le nouveau directeur du centre de formation n’entendait pas que des joueurs restent dans leurs chambres pendant que d’autres étaient en cours. Ce n’est pas passé. Je voulais me consacrer au ballon rond, j’étais en équipe de France moins de 18 ans à l’époque, il faut remettre ce contexte où Nice laisse partir un jeune qui est en EDF U17, U18, ne lui fait pas signer de contrat stagiaire. Aujourd’hui, ce serait impensable pour un centre de formation de ne pas conserver un jeune international, mais à l’époque ça se faisait.

C’est déjà un choix assez fort de ta part à ce moment-là, car aujourd’hui les études sont plus intégrées, ou mieux mises en avant.
Clairement. Aujourd’hui, la nouvelle génération a tout à sa disposition, et c’est très, très bien, je suis content pour eux. Et bien entendu que l’école, c’est primordial. Mais ce n’était pas mon truc. On n’avait pas autant de choix, ce n’était pas autant suivi, j’ai 36 ans, on parle des études dans les centres de formation d’il y a 20 ans. Oui, ça a été un choix fort, que ma famille n’a pas trop compris, mais j’ai assumé, je pensais que c’était le plus bénéfique pour être professionnel.

Une décision qui t’amène à Amiens, donc (2006-2008). Comment arrives-tu là-bas ?
Je quitte l’OGC Nice, on m’annonce qu’on ne me conserve pas pour faire de la place à d’autres joueurs. De là, je n’ai pas d’agent, il y en avait un certain nombre qui tournait autour de moi car j’étais en équipe de France, mais ce monde me faisait peur, je ne leur faisais pas forcément confiance. Mon prof de droit en BEP avait des touches avec le directeur sportif d’Amiens, et il m’envoie faire un essai directement avec les professionnels. Je fais cet essai au début du mois de juillet, et je marque contre Le Havre de Jean-Michel Lesage, on gagne 2-0, je n’ai même pas 18 ans, je crois. Ils m’ont pris, mais je signe stagiaire, pas pro. Je me rapprochais toutefois de la région parisienne et de ma famille.

« Se retrouver 20 ans après avec Malik (Tchokounté), c’est beau ! »

Tu dis que tu es parti de Nice pour faire de la place, tu parles d’Anthony Modeste ? Tu as également été formé avec Malik Tchokounté, avec qui tu rejoues au Stade lavallois !
Malik et son parcours, c’est incroyable. C’est fou de se retrouver maintenant en Ligue 2 dans le même club, alors qu’on se connaissait quand on avait 15 ans. A l’époque, quand je jouais avant-centre, il était plus en équipe B et moi je jouais avec Anthony en A. Anthony a ensuite grimpé les échelons : à 17 ans, il jouait souvent en réserve. Je ne suis pas jaloux de sa réussite. J’ai déjà pu le féliciter en le recroisant. Et pour Malik, quand on voit où il est arrivé, c’est un grand message pour les jeunes : il ne faut pas lâcher. C’est quelqu’un de très gentil, très collectif, toujours avec le sourire, toujours positif, j’adore les gens comme ça, je leur tire mon chapeau. On se tirait la bourre tous ensemble, avec le frère de Malik également. Se retrouver 20 ans après en pro avec Malik, c’est beau. De temps en temps, le coach me replace attaquant sur du travail spécifique à l’entraînement, par doublettes. On se met ensemble comme à la grande époque, on en rigole ! On se connaît bien, on arrive un peu à se trouver les yeux fermés.

Qu’est-ce que tu gardes de ce passage niçois ?
Franchement, c’est un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Les premiers centres de formation, ce sont des souvenirs qu’on n’oublie jamais, qui sont ancrés dans ma tête jusqu’à la fin de ma vie, comme quand je pleure dans ma chambre. Beaucoup de gamins rentraient chez eux, à l’instar de Malik, à Fréjus, Marseille, leurs parents venaient les chercher le vendredi soir.

A 15 ans, c’est dur d’être à 1500 km de ses parents. Mais j’ai aussi tissé des liens incroyables là-bas. Mon meilleur ami était au centre avec moi à Nice, je suis le parrain de sa fille, son témoin de mariage, on part en vacances ensemble, on ne s’est jamais perdus de vue, et ça, pour moi, ça n’a pas de prix, ça a beaucoup plus de valeur que le football.

« Ma carrière a dépassé mes espérances »

Comment voyais-tu ta carrière à ce moment-là ?
Quand j’étais au centre, je me souviens avoir inscrit sur un papier que j’ai donné à ma mère que je serais en équipe de France et que je soulèverais une Coupe du monde, c’étaient mes plus grands rêves. Bon, je n’ai pas réussi à remplir ces objectifs, mais c’était clair et net, mon objectif était d’être professionnel. En arrivant à Amiens, quand j’ai vu le monde que c’était, j’ai compris que l’équipe de France, ça allait être compliqué ! Mais je ne voulais pas lâcher le rêve de jouer en Ligue 1, en L2 ou en National. Même en National 2, ça ne m’aurait pas dérangé. En tout cas, à 18 ans, je n’aurais jamais cru faire autant de matches, jouer autant de saisons, et être encore actif aujourd’hui. A cet âge, j’aurais signé tous les jours pour avoir cette carrière. Elle a dépassé mes espérances. Mais elle n’a pas dépassé mes rêves. Ces rêves les plus fous de gamin de 15 ans, jouer en Bleu et soulever une Coupe du monde.

« Eddy Torest m’a sorti de la merde »

Voici donc venir, tout de même, tes grands débuts. Tu quittes Amiens pour Calais, avant de jouer pour le Paris FC et d’exploser définitivement à Niort. Un sacré début de parcours, quand même ?
C’est un peu ça. À Amiens, je m’entraîne avec les pros, je joue avec la réserve, mais le club ne me conserve pas, il ne veut pas me faire signer pro. Je me retrouve une deuxième fois dans la merde (sic) après Nice, clairement, pour dire les choses assez crûment. Je n’avais toujours pas d’argent et je ne leur faisais pas confiance. Arrive le mois de juin, j’ai un agent qui m’appelle, que je ne connais pas du tout, Eddy Torest. C’est encore mon agent aujourd’hui, il m’a sorti de là. Il contribue à me mettre à Calais avec quelqu’un d’autre. J’arrive en outsider derrière des attaquants comme Djezon Boutoille ou Mathieu Hoguet, des pointures dans le Nord et en National à l’époque. Je suis 4e ou 5e attaquant, mais j’arrive un peu à bousculer la hiérarchie et faire mes 30 matches, mettre mes 5 buts. Là, re-patatras, encore un coup dur, le club coule administrativement et nous on descend sportivement.

Je me retrouve fin juillet sans club, à me dire que je vais arrêter le foot et que je vais aller bosser. Et à partir de là, mon agent me rappelle et me dit « écoute, je connais bien Jean-Marc Pilorget au Paris FC, je vais te faire signer là-bas ». Mais je signe pour rien, à 1200 euros nets par mois, je crois, un contrat fédéral. Je me dis, « de toute manière je n’ai que ça, soit j’arrête le foot, soit j’y vais ». J’arrive au Paris FC sur la pointe des pieds. Personne ne me connaît, même si je viens de faire une année de National, mais avec Calais, en finissant derniers ou avant-derniers du championnat, donc voilà. Là entre guillemets, j’explose au Paris FC, Jean-Marc Pilorget me fait confiance, comme Jean-Luc Vannuchi l’année d’après. Je fais 36 puis 37 matches, je mets mes 5-6 buts les deux saisons, à 20 et 21 ans.

Et puis de là, Pascal Gastien, le coach de Niort en National, me contacte et me dit : « Ecoute, on veut faire une équipe pour monter, mais on n’a pas trop de billes, on n’a pas trop d’argent, et surtout on n’a pas de temps, on n’a qu’une année pour monter. » Donc on n’avait qu’une année pour monter, et je me retrouve dans une équipe de fous à Niort, avec un coach de malade, des joueurs incroyables. Une aventure humaine particulière, comme on n’en vit plus beaucoup. On fait monter le club et voilà, après, la carrière prend son élan en Ligue 2.

« À Niort, je me suis épanoui plus, plus, plus »

Tu ouvres ainsi le volet Chamois Niortais. Sept ans de ta vie (2011-18), une montée, un replacement au milieu de terrain, un super groupe. Tu peux détailler un peu tout ça ?

J’arrive chez les Chamois après trois années de National. On a une équipe incroyable avec Quentin Bernard, Johan Gastien, Arnaud Gonzalez, Paul Delecroix… On fait une année, on explose le championnat de National, enfin, on finit 3es, mais on était la meilleure équipe, on jouait le mieux. On arrive à monter en Ligue 2 sur la dernière journée, au Gazélec Ajaccio, où je marque le penalty de la montée ! Je n’ai jamais eu aussi peur d’aller tirer un penalty dans toute ma carrière, avec toute la pression derrière, sur une dernière journée. On gagne 1-0, on fait la fête, on monte. En Ligue 2, on est un club avec très peu de moyens, un stade vétuste, un centre d’entraînement qui n’existe pas. Mais Pascal Gastien, c’est un visionnaire, un amoureux du football et quelqu’un qui arrive à faire progresser tous ses joueurs, même ceux qui ne jouent pas. Et c’est ça qui est le plus fort, faire progresser ceux qui jouent moins, qui ne sont pas titulaires, arriver à les maintenir en vie, entre guillemets, dans le groupe. C’est une période de ma vie incroyable. Footballistiquement, je me suis épanoui « plus, plus, plus »… C’est pour moi l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, de ma carrière.

C’est à ce moment-là que Pascal Gastien te repositionne au milieu de terrain ?
Quand j’arrive en National, il ne me voit pas avant-centre : pas assez rapide, pas assez costaud. Mais il voit que j’arrivais à sentir le foot, que j’étais assez technique, et il me met numéro 10 ou en 9 et demi derrière l’attaquant. Bien lui en a pris, je mets 10 buts et 10 passes décisives en National quand on monte. On a été plusieurs à exploser cette saison-là. Gastien, c’est un visionnaire ce coach, c’est le meilleur que j’ai vu de toute ma carrière. Avec lui, tout passe par le jeu, même en Ligue 2 on s’en sortait par le jeu, en n’ayant pas peur, en prenant des risques. Comme à Clermont, qui avait le plus petit budget en Ligue 1. Mais quand tu as des idées, tu peux déplacer des montagnes.

« Je me suis adouci avec l’âge »

Ton profil se révèle être celui d’un milieu de terrain technique, mais accrocheur, comme le décrit aussi Alain Wathelet, qui t’a connu au centre de formation de Nice. C’est un peu un condensé de ce que tu es, Niort ?
C’est un peu ça, oui. Cela a un peu dévoilé toute ma palette footballistique, mais aussi mentale… C’est-à-dire que je suis un mec qui ne lâche rien, je suis un casse-bonbons. Si vous demandez aux joueurs, 90% vont dire qu’ils ne m’aiment pas. Je n’ai pas de problème avec ça, parce que sur un terrain, ma personne est 200 000 fois à l’opposé de celle que je suis dans la vie.

Mais sur le terrain, je ne lâche rien, c’est vraiment ça. Je mets le pied, je parle beaucoup, je cours beaucoup, j’essaye de tout donner, 100%, à chaque entraînement, chaque match. Je suis aussi un peu râleur, donc forcément, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais j’ai aussi fait ma carrière sur ça. Je n’étais pas le meilleur, mais j’ai un aspect mental qui est un peu meilleur que les autres. Un peu à l’instar de certains basketteurs très exigeants, comme Kobe Bryant ou Kevin Garnett.

Moi, je vais être honnête avec toi : j’étais affreux. Alors je me suis adouci avec l’âge, mais j’étais affreux avec mes adversaires et j’étais affreux avec mes coéquipiers, par moments. Mais affreux dans le bon sens : pas pour être méchant; j’étais dur. Il faut avoir de l’exigence. Je ne conçois pas que les autres ne puissent pas faire pareil. Mais on n’est pas tous faits pareil.

Pour reprendre l’exemple de Kobe Bryant, il était tellement exigeant envers lui-même qu’il en demandait autant aux autres. Avec l’âge, j’ai compris que tu ne pouvais pas en demander autant aux autres qu’à toi-même, parce qu’on est tous différents, on n’a pas tous la même personnalité, on n’a pas tous été élevés de la même manière, on n’a pas tous grandi au même endroit. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dur, j’étais un « chieur », puis je me suis adouci avec l’âge. Aujourd’hui, je comprends un peu mieux les autres, on va dire.

« À Laval, il n’y a que des capitaines ! »

Tu étais capitaine à Niort, tu l’es aussi à Laval, où tu es arrivé il y a 3 ans et demi. Peux-tu parler de ce rôle qui semble très bien t’aller ?
J’ai toujours été un leader, même sans le brassard, ça ne m’a jamais posé de problèmes. C’est ce que je dis aujourd’hui quand je suis en conférence de presse, le brassard à Laval, je ne l’ai pas demandé, on me l’a donné. Aujourd’hui il y a plusieurs capitaines dans le vestiaire. Tu parlais de Malik Tchokounté, c’est un capitaine par sa positivité. Mamadou Samassa (le gardien de but des Tangos), c’est un capitaine par ce qu’il dégage, et Anthony Gonçalvès (latéral ou milieu) est un capitaine par excellence. Et il y a Jordan Adéoti, Yohan Tavares… Il n’y a que des capitaines dans cette équipe, n’importe qui pourrait le prendre.

Même quand je n’avais pas le brassard de capitaine, j’étais un leader, j’avais ça en moi, parler, essayer de tirer le maximum de mes coéquipiers et d’amener l’équipe et le club vers le haut, l’institution vers le haut. Parce que c’est ce que je mets avant tout en en avant, les clubs par lesquels je suis passé. Moi, mon perso, ça ne m’intéresse pas beaucoup, ce sont les clubs qui sont importants, parce qu’on est que de passage dans un club, il faut leur donner le maximum.

Alors oui, j’ai toujours été capitaine dans mes clubs, mais je n’ai jamais rien demandé. En fait, c’est juste que j’ai une personnalité, je suis très exigeant, je donne 100 % à chaque entraînement. Je dis les choses assez clairement, je suis assez cash. Alors avec certains ça passe, avec d’autres ça ne passe pas. Et avec l’âge, j’apprends à tourner ma langue dans ma bouche avant de parler.

« Je ne suis pas facile »

Ce qui n’empêche pas ce retour assez général sur toi : tu es un pénible sur le terrain, mais aussi et avant tout un joueur et une personne très appréciée dans tes vestiaires.
Déjà, donner cette interview, c’est bizarre, je n’aime pas beaucoup parler de moi, mais bon c’est le but. Alors oui je suis aimé, mais je n’ai pas été aimé par tout le monde. Je me suis déjà bagarré avec des coéquipiers, des vraies bagarres, je ne suis pas facile. Mais quand on me connaît, quand on arrive à sortir du personnage que je suis sur le terrain et voir ce que je suis en dehors, on comprend tout de suite qui je suis et voilà.

Beaucoup de gens vont dire que je suis un « merdeux » sur le terrain, mais en dehors, si j’ai un coéquipier qui m’appelle à n’importe quelle heure de la nuit, je serai là pour le dépanner, que j’ai des affinités ou pas avec lui. Dans un vestiaire il y a 28 garçons, on ne va pas manger tous ensemble au restaurant tous les midis, on ne va pas se mentir, mais peu importe qui m’appelle, je lui tendrai la main de bon cœur. C’est aussi pour ça que les gens m’apprécient, ils savent que je ne suis pas quelqu’un qui veut le mal des autres.

Cela permet de rebondir sur les clubs que tu as connus après Niort : le Gazélec Ajaccio et le Red Star, deux entités avec une identité forte, à ton image. Tu y vas aussi pour ça ?
Les Chamois, c’est une super partie de ma carrière. Mais l’engouement n’était pas… (Il cherche ses mots). C’est un club familial, très tranquille, où même quand tu perds, ce n’est pas grave. Quand je suis parti des chamois, c’est aussi quand monsieur Hanouna arrive, et je savais que ça n’allait pas coller. Je me suis assis sur une dernière année de contrat avec un beau salaire, j’ai appelé mon agent, je savais que ça n’allait pas passer.

Je ne demande pas un centime et je pars. J’avais besoin de sortir de ma zone de confort et j’avais besoin de de me remettre en question footballistiquement. Personnellement, je venais de divorcer, j’avais besoin d’un changement. Et je pense que le Gazélec, c’est ce qui me correspondait le plus, c’est aussi simple que cela : un engouement, une identité, un club, une ville, une île, peut-être une mentalité qui me correspondait, aussi. Ça ne s’est pas passé comme j’aurais voulu. J’avais signé trois ans, on descend en National, j’avais une clause pour partir en cas de descente, et pareil, je m’en vais sans un centime.

J’arrive au Red Star, un club complètement à part dans le football. Pour moi, c’était énorme d’aller signer là-bas, j’étais hyper content. Il y a une identité forte, un club, des couleurs… Vraiment magnifique. Et des supporters avec un engouement, quelque chose de fou, fou à décrire. Mais au bout de deux ans, on n’arrive pas à monter en Ligue 2, on jouait sur le synthétique de Bauer, qui était très, très compliqué à l’époque, la Covid a aussi arrêté la saison, ça nous a un peu pénalisés.

« J’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois »

Après deux ans, tu arrives donc à Laval en 2021. C’est un retour dans un club plus familial ?
Laval m’appelle, le président, le coach, le directeur sportif. Surtout, on m’appelle en me proposant un projet familial, mais aussi pour reconstruire une identité qui correspond à la Mayenne. C’est un club où il y a toujours eu du monde, un engouement et des couleurs, mais où les gens de la ville se dissociaient du club. Plus les années passaient et moins les gens venaient au stade. On m’a clairement dit que j’avais le profil pour reconquérir le peuple lavallois, ça m’a parlé tout de suite.

J’ai divisé mon salaire par deux, je ne suis pas venu pour l’argent, mais pour ce projet. Un projet qui n’était même pas sportif, mais plus global, je ne sais même pas comment on peut dire, un projet pour la ville… Remettre la ville et ses administrés au cœur du club de Laval. Et ça a marché directement. On avait et on a une équipe de fou, un groupe de fous. Je n’ai jamais vu autant de joueurs aller dans les espaces partenaires, et/ou même pas partenaires, aller avec les supporters, boire des coups, manger, c’est fou-fou-fou. On a ramené 10 000 personnes à chaque match quasiment. Pour moi, ce sera la plus grosse fierté que j’aurai le jour où ça s’arrêtera à Laval.

« Step by step »

Le Stade Lavallois, c’est un club historique, mais dans votre groupe, il y a plein d’histoires dans la grande histoire, comme celle du maintien à la dernière seconde il y a deux ans, quelques semaines après le décès du papa d’Olivier Frapolli…

Il se passe toujours quelque chose à Laval. En tout cas, depuis que je suis arrivé. Le coach m’avait appelé, il n’y avait pas de leaders, le groupe était amorphe un peu, c’est un club qui vivotait dans les dans les bas-fonds du National, ou en milieu de tableau.

Il cherchait une équipe avec de la personnalité, avec des leaders, des mecs qui en avaient, entre guillemets (rires). Et ça a matché tout de suite. On parlait de Pascal Gastien tout à l’heure, mais Olivier Frapolli sera le deuxième coach de ma carrière, il m’a beaucoup marqué. On a une relation particulière, je suis son capitaine, on a vécu des choses incroyables, une montée, un maintien à la dernière seconde, son papa lui avait dit qu’on se maintiendrait, il n’avait pas menti.

Il vit des belles choses au club, moi je vis des belles années avec lui, le club vit de belles choses, pourvu que ça dure. Mais il se passe toujours quelque chose à Laval. La première année, on est champions en National, le premier titre du club, le premier trophée de son histoire. Et en Ligue 2, on se maintient à 17 secondes de la fin, sur la dernière journée, on marque à la 93e plus 43 secondes.

L’année d’après, on est premiers quasi tout le championnat, on fait un parcours de fou en Coupe de France, on élimine Nantes chez eux. Et puis cette année on est à notre place, dans la première partie de tableau en Ligue 2. C’est un club qui se structure, qui progresse, qu’on est en train de structurer, entre guillemets. Et qu’on veut, petit à petit, amener vers le sommet, « step by step ». C’est mon expression ça !

Ce « step by step », l’humain, le sportif, kiffer jour après jour, c’est ça qui te permet de continuer encore, à 36 ans ?
Je suis en fin de contrat, mais je ne demande rien, je ne veux pas de garanties. Je veux jouer au foot, prendre du plaisir, garder le sourire. S’ils sont contents de moi, eh bien on prolongera l’aventure, sinon on se serrera la main et je leur dirai merci sans rien attendre en retour. Rien d’autre. J’aurai juste à dire merci pour l’histoire ensemble.

Mais oui, tout ça, c’est ce qui me maintient. C’est ce qui me maintient en vie et c’est ce qui me donne envie d’aller m’arracher tous les jours à l’entraînement. C’est l’humain, ce sont les gens… Il faut se rendre compte de ce qu’on vit ici. L’autre jour j’étais au sport avec mon fils, partout où je vais les gens me parlent de foot, ils connaissent le sport, suivent l’équipe, c’est ultra bienveillant, c’est hyper agréable, ils encouragent, nous disent de continuer, que c’est super ce qu’on fait. Ils vivent avec le club, et les émotions qu’on leur procure, ils nous les rendent fois mille.

J’ai encore un exemple, hier j’étais à la Ligue de Football Professionnel pour la présentation du trophée de Ligue 2, et il y a un membre de la DNCG qui était là, qui est venu me saluer, que je n’avais jamais vu de ma vie. Il me dit « Bonjour, félicitations pour ce que vous faites ». Je lui réponds « Eh bien merci, mais vous êtes qui ? » (rires). Il me dit qu’il est Lavallois, qu’il travaille à la DNCG donc, qu’il vient tous les 15 jours / trois semaines, au stade, et qu’il tenait à me féliciter, à me dire bravo pour l’image du club… Voilà, moi avec juste des petits mots comme ça, je pourrais jouer encore 15 ans (rires) !

« Je dis aux gens Venez, venez à Le Basser, et vous verrez ! »

Les Tangos re-dansent avec vous, avec cette équipe ?

J’encourage les gens à venir à Le Basser. Et pas que les Lavallois. Je dis aux gens « Venez. Venez et vous verrez ». La sandwicherie Chez Bouboule, c’est top, le stade, c’est top, on voit les joueurs à la fin des matches, ils sont dans les espaces partenaires ou autres. Moi après chaque match je vais dans un groupe de supporters, on boit la bière de l’amitié, on débriefe, qu’on gagne, qu’on perde, les gens sont bienveillants, il y a une bonne ambiance.

Pour conclure, ce que tu évoques de Laval semble démonstratif du joueur et de la personne que tu es. De Nice à Laval, en passant par Niort, quel bilan tu fais de ta carrière ?
Ma carrière, je n’ai pas assez de mots pour la décrire… C’est beau, c’est… En fait, je veux juste dire merci, voilà. Merci au football, c’est tout. Merci aux gens, merci à toutes les rencontres, merci à toutes les aventures humaines. J’espère que ça va continuer encore une année, ou deux, ou trois, mais je veux juste dire merci au foot. Le football, ce sont des émotions, et on y joue pour avoir des émotions et vivre des moments magnifiques.
Ma carrière m’a fait vivre des moments incroyables, des moments beaucoup plus difficiles, mais j’ai envie de dire qu’elle est un peu comme la vie de chacun, avec des hauts, des bas. Mais si mentalement tu ne lâches pas et que tu respectes tout le monde, à un moment donné tu es récompensé.

Jimmy Roye, du tac au tac

Le ou les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

Les deux montées en Ligue 2 avec Niort (2011-2012) et Laval (2021-2022) … 10 ans d’intervalle !

Le pire souvenir ?
La descente avec le Gazélec Ajaccio en 2018-2019 ! J’ai toujours pas regardé le barrage retour (contre Le Mans) à l’heure actuelle.

Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
J’en mets trois : Marhez, Thuram et Ferreira Carrasco, et en bonus Javier Pastore en Coupe de France.

Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Hugo Lloris a l’OGC Nice.

As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Eric Cantona, Lionel Messi.

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
A Niort, Didier Lamkel Zé, de loin !!!

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Il y en a beaucoup … Je dirais toute l’équipe de Calais autour d’une bonne bouffe !

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Niort lors de la saison 2010-2011. Très très forte, cette équipe !

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Sûrement l’armée ou les forces de l’ordre.

L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore raconté mais que tu vas raconter ici ?
Il y en a tellement … Je vais dire à Calais, les veilles de match, dans les chambres d’hôtel, c’était du grand n’importe quoi ! Whisky, bière, vodka, on parle là d’une veille de match quand même … Mais je ne donnerais pas de noms. Les mecs pensaient à demander des glaçons à l’hôtel pour remplir les éviers de la chambre et mettre les bières au frais !!! C’était une autre époque.

Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Pascal Gastien, un maître en la matière.

Un président marquant ?
Laurent Lairy, mon président actuel à Laval, avec des idées innovantes et différentes dans le football.

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade Bollaert (Lens)… Incroyable.

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
Monaco en Ligue 2, saison 2012-2013, que des stars !

Un match où tu t’es senti intouchable ?
Je n’ai pas de match en particulier en tête, mais une saison, celle de 2011-2012 avec Niort ! On était injouable, presque.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le PSG, bien sûr.

Une causerie de coach marquante ?
Pascal Gastien pour le match du maintien saison 2012-2013.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Pedro Miguel Pauleta.

Pour finir, une devise, un dicton ?
« On n’a que ce qu’on mérite dans la vie. »

Coupe de France (32e de finale) – vendredi 20 décembre 2024 : Mérignac (R1) – Stade Lavallois MFC (L2), à 20h45, au stade Robert-Brettes, à Mérignac.

 

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : Stade Lavallois MFC – Nicolas Geslin

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Le manager général du club provençal, promu cette saison en N2, estime que, compte tenu de son budget, l’équipe « rivalise avec ses moyens ». Le dirigeant évoque aussi la place d’Istres sur les bords de l’étang de Berre, la mutualisation des moyens, le stade Parsemain, la formation, la fin du football « village »  et … Bordeaux, un cas particulier qu’il ne comprend pas.

Par Anthony BOYER

Reportage effectué avant le match Istres FC / Andrézieux (0-0)

Laurent Thomas. Photo 13HF

Forcément, quand on accuse 46 ans de vie associative et sportive istréenne, ou presque, il peut arriver que l’on se mélange les pinceaux ! Et que l’on en vienne à se tromper lorsqu’il s’agit de parler de « son » club. Pendant les 45 minutes qu’a duré cet entretien, Laurent Thomas, le manager général du « Istres Football-club », 46 ans donc, a toujours parlé – par erreur – du « FC Istres ». « J’ai dit FC Istres ? C’est parce que je suis nostalgique (rires) ! Avant, c’était le FC Istres Ouest-Provence, le FC Istres Ville Nouvelle… Bon, c’est vrai qu’aujourd’hui, c’est Istres Football-club. »

Si l’on a titillé le dirigeant provençal sur le sujet, c’est parce que, quelques instants plus tôt, l’on évoquait ensemble la nostalgie qui, parfois, peut freiner le développement de certains clubs qui vivent dans le passé ou ne parviennent pas à se défaire d’une époque dorée révolue.
Ce n’est pas le cas à Istres, d’autant moins qu’ici, on joue plutôt la carte de l’humilité, même si le professionnalisme a bercé trente ans de vie sur les bords de l’étang de Berre, entre 1985 et 2015. Trente ans durant lesquels le club a joué dans la cour des grands (10 saisons de National) et même des très grands (19 saisons de Ligue 2 et une saison de Ligue 1, en 2004-2005). C’était l’époque du stade Bardin, le petit chaudron provençal, où l’on pouvait basculer d’un match de foot à un match de handball juste en descendant sous la tribune couverte de 2200 places, où se trouvait la salle omnisports.

C’était l’époque du football de villages, celui qui a de moins en moins sa place aujourd’hui dans les hautes divisions françaises, à quelques exceptions près, comme le regrette d’ailleurs le dirigeant des « Violet et noir ».

C’était l’époque où, lorsque l’on arrivait dans cette commune, située à 15 km de Martigues, nichée entre Fos (10 km) et Miramas (10 km), le panneau d’entrée annonçait la couleur : « Istres ville nouvelle ».

Du stade Bardin à Parsemain…

Le stade Parsemain, à Fos

Les panneaux ont disparu. Mais qu’est-ce ce slogan « ville nouvelle » voulait bien dire ? « Notre maire, François Bernardini, qui est à la tête de la ville depuis longtemps, et qui est une vraie personnalité politique sans égale sur les pourtours de l’étang de Berre (il fut notamment député européen), a eu à l’époque une vision avant-gardiste, explique Laurent Thomas; il a devancé tout le monde et fait passer sa ville de 10/15 000 habitants à 45 000 habitants, en développant le bassin économique. Il a fait de son gros village une ville et, automatiquement, dans ses discours, il a parlé de « ville nouvelle ». L’expression est venue de là. »

C’était aussi l’époque du déménagement du nouveau FCIOP à Fos-sur-Mer en 2005, dans un stade Parsemain froid et impersonnel de 13 000 places assises, ouvert aux quatre vents et surtout aux moustiques. Un stade construit à la va-vite pour y accueillir le club en Ligue 1 (il n’y disputa que ses quatre derniers matchs « à domicile » de la saison), et dans lequel il évolue toujours, devant plusieurs centaines de spectateurs, parfois un peu plus d’un millier comme ce fut le cas récemment lors de la réception d’une Ligue 2, Grenoble, en coupe de France. Et pour les matchs de championnat, le stade est partagé avec l’ES Fos, club de National 3.

L’ancien gardien de but, qui n’a fait qu’une seule infidélité à l’étang de Berre – il est parti 3 ans à Narbonne mais a surtout porté les couleurs d’Istres en jeunes, Martigues et Fos ensuite en seniors avant de revenir à Istres – connaît parfaitement le microcosme local.

Le stade, le National 2, les jeunes, les infrastructures, la place du football istréen, l’avenir, le passé, les clubs voisins, les finances, le sportif, Bordeaux, Mollo, Laurent Thomas, chef du service gestion et concours aux associations à la ville d’Istres – « On est force de proposition dans les budgets associatifs de la Ville, on gère toutes les demandes de subvention » – a passé en revue tous les sujets. Sans jamais user de la langue de bois. Mais toujours avec son accent chantant. L’accent provençal, bien sûr !

Interview

« Aujourd’hui, il est impossible d’aller en National »

Laurent Thomas. Photo 13HF

Laurent, revenons sur votre carrière de joueur et votre arrivée en tant que dirigeant à Istres…
J’ai joué jusqu’à l’âge de 31 ans. J’ai été formé à Istres, j’y suis resté jusqu’à l’âge de 19 ans, j’y ai côtoyé l’effectif de National à l’époque sans jouer, car j’étais 2e ou 3e gardien. Comme je pensais que l’herbe était plus verte ailleurs, je suis parti à Martigues, chez le voisin, pendant deux saisons, où j’étais second gardien, en CFA2. J’ai ensuite privilégié ma carrière professionnelle tout en me faisant plaisir dans le foot, c’est pour ça que je suis parti 3 ans à Narbonne avant de revenir à Istres, dans ma ville, en 2002, où j’ai eu la possibilité d’intégrer la municipalité, tout en jouant à Fos pendant 4 ans, avec une accession en CFA2 et un titre en Coupe de Provence. Enfin, j’ai bouclé la boucle en signant à Istres, où j’ai rendu service en « accompagnant » les jeunes de la réserve, que j’ai entraînée aussi pendant une saison. Je m’entraînais avec le groupe National. Ensuite, j’ai coupé avec le foot. J’ai lancé une autre activité dans la restauration et puis je suis revenu dans le foot quand mon fils a commencé à jouer, à l’âge de 7 ans (il en a 15 aujourd’hui). Je suis devenu éducateur à la Jeunesse Sportive Istréenne, où il jouait, puis il a intégré le Istres Football-club (il fait actuellement partie de l’effectif U17 Nationaux), du coup, je me suis intéressé au club, et quand il a connu des aléas, des tracas, j’ai eu la possibilité de le reprendre et j’en suis devenu le président, pendant 6 saisons. Puis, compte tenu de mon activité à la mairie, il y avait un conflit d’intérêt donc je suis passé manager général, il y a 2 ans maintenant.

Vous êtes le manager, ok, mais aussi encore un peu président, non ?
Non, le président c’est Youssef Moumaris. On travaille en étroite collaboration. Je l’ai fait venir voilà 5 ou 6 ans. On marche main dans la main. Même si je suis plus proche du sportif et de l’aspect technique, il a toute responsabilité dans la bonne marche du club.

« À chaque jour suffit sa peine »

L’ex-pro Foued Kadir, capitaine du Istres FC. Photo Kevin Mesa / ASC

Vous avez joué à Martigues, à Fos, à Istres : c’est où le mieux pour faire du foot ?
On n’est pas dans les mêmes formats de clubs. Istres jouit d’une réputation de club formateur sur la région PACA et bien au-delà. On a des jeunes qui intègrent des structures professionnelles tous les ans. Il y a un énorme travail de fait dans ce domaine. Quand j’ai pris la responsabilité du club, il y avait deux façons de voir les choses : soit on axait le budget en priorité sur une équipe seniors comme certains clubs sur l’étang de Berre, soit on axait sur la formation. Mais on se rend bien compte que tout miser sur une équipe, c’est fragile, que ce sont des châteaux de cartes qui s’effondrent. Regardez l’Atletico Marseille (ex-Consolat), qui a failli accéder en Ligue 2, mais derrière l’équipe fanion, c’était une coquille vide, rien n’était mis en place pour assurer un renouvellement des générations. Quand je suis arrivé à Istres, on a alloué un budget, qui était ce qu’il était, en utilisant le système D. On a privilégié ce volet formation, et le reste du budget était alloué à l’équipe une sur laquelle on nourrissait de l’ambition, sans jamais mettre en péril l’édifice. A Fos, en jeunes, on parle d’équipes de District, de faible niveau, mais l’équipe Une réalise de bons championnats en National 3. Quant à Martigues, on le voit aujourd’hui, ils ont des difficultés financières et une structure jeunes proche du néant, sans aucune équipe au niveau national. C’est même compliqué pour eux au niveau Ligue. Après, chacun voit midi à sa porte : nous, on a souhaité un format axé sur la formation tout en gardant une ambition pour la vitrine. Certains trouvent que les choses ne vont pas assez vite, je leur réponds qu’à chaque jour suffit sa peine.

L’équipe fanion évolue en National 2 pour la première fois de son histoire : c’est sa place aujourd’hui ?
Avant cela, on a passé 6 ans en National 3. Là, on est dans le top 100 français. Compte tenu de notre budget, le plus petit de la notre poule en National 2, avec 1,2 million d’euros, on est au même niveau qu’Anglet, mais Anglet n’a pas d’équipes de jeunes en national. 60 % sont alloués à l’équipe Une, mais pas 80 ou 90 %. Quand on négocie pour des joueurs, on voit bien ce que peuvent proposer financièrement d’autres clubs, mais nous, on veut conserver une certaine homogénéité dans le vestiaire afin de ne pas créer de trop gros déséquilibres au niveau des salaires. Celui qui vient à Istres, il sait pourquoi : il vient pour rebondir, pour le niveau aussi, dans un écrin qui donne quand même envie et sur des installations d’entraînement certes vieillissantes, au complexe Audibert, mais correctes, où sont hébergés à l’année 20 garçons des générations 2008 et 2009, avec du soutien scolaire, de la restauration, du gardiennage, des transports, etc. Et tout ça a un coût. Le joueur qui nous rejoint, il sait qu’il ne fera pas une affaire financière. Mais on peut être un tremplin pour lui. C’est ça l’idée. Après, on peut attirer des garçons comme Foued Kadir (41 ans) cette saison, qui jouait encore à Martigues en National l’an passé (ex-OM, Rennes, Valenciennes, Betis Seville, Getafe), et qui a envie de boucler la boucle pas loin de chez lui, en prenant du plaisir, dans un club structuré. On n’a rien inventé. On assure juste une continuité. On essaie de consolider l’ensemble.

« Pour une mutualisation, il faut une volonté politique »

Anthony Sichi, le coach de l’équipe de N2. Photo Istres FC

Autour de l’étang, avec tous ces clubs, un rapprochement n’est-il pas envisageable pour, un jour, avoir un deuxième « gros » club derrière l’OM ?
Vous parlez de mutualisation… Ce type de projets émanent de volontés politiques. Avec Fos, il y a eu à un moment donné une volonté de se rapprocher mais comme on le dit, dans une fusion, il y a un « cocu », et peut-être qu’à ce moment là, les politiques ou les techniciens de clubs se sont sentis en infériorité. Pour avoir un deuxième club des Bouches-du-Rhône derrière l’OM, il faut passer par une mutualisation des infrastructures, des moyens financiers, des compétences, des ressources humaines, etc. J’ai toujours été ouvert à ça. D’ailleurs, au sein de ma ville, j’ai voulu mutualiser les quatre clubs de football d’Istres, mais j’ai échoué : j’ai tendu la main aux autres clubs qui ne l’ont pas saisie. A Istres, le foot représente un potentiel de 1200 licenciés, pour une ville de 45 000 habitants, ce n’est pas rien. Cette mutualisation aurait permis d’être « perfusé » par une seule et même ville. C’est pour ça que c’est compliqué de mettre autour de la table plusieurs interlocuteurs de différentes villes, car il peut y avoir des conflits d’intérêt ou des conflits de personnes, des questions d’ego. Pour en revenir à une mutualisation du football du bassin de l’étang de Berre, il faut une volonté politique : ce ne sont pas les techniciens ou les dirigeants qui vont décider de cela.

Un regret d’avoir échoué dans votre entreprise de regrouper les clubs de football à Istres ?
Le truc, c’est que s’il doit n’en rester qu’un seul, ce sera le gros… Les collectivités ont de moins en moins de moyens aujourd’hui, les aides financières diminuent pour les associations, cela devient compliqué pour tout le monde, c’est pour ça que mutualiser était, je pense, une belle vision, une belle projection, un beau signal, et ça aurait permis de grandir, de grossir, de jouer sous la même égide, avec le soutien de la municipalité. Là, chacun reste dans son coin. Aujourd’hui, on en est à point où un club est content de récupérer 50 licenciés chez lui mais la saison d’après, comme l’éducateur est parti dans un autre club, ces 50 licenciés-là sont partis et l’ont suivi. En fait, le « diviser pour mieux régner » est bénéfique aux clubs des alentours, mais pas aux nôtres. Le Istres FC, c’est 520 licenciés, par rapport aux structures existantes, c’est bien. On est presque à un plafond de verre.

Une convention d’occupation à Parsemain

Le stade Parsemain va quitter le giron de la Métropole Aix-Marseille-Provence au 1er janvier et redevenir propriété de la ville de Fos : allez-vous être SDF ?
Non, parce qu’on a un maire qui est prévoyant, qui a une vraie ferveur pour le sport de sa ville. Il avait anticipé et signé une convention d’occupation qui garantit la continuité pendant les 10 prochaines années au moins. Cela laisse le temps voir venir (sourire). De ce côté là, on est tranquille.

L’ancien stade Bardin d’Istres.

Le point noir, c’est le public : 500 personnes dans un stade de 13 000 places, ça sonne creux…
On le sait, c’est là où le bas blesse, sur Istres et ses alentours. Ici, ce n’est pas comme à Nîmes où la ferveur est historique. Le stade Parsemain, on est content de l’avoir, même si on aimerait l’avoir différemment. Mais pas de querelle de clochers : il est à Fos, et voilà. C’est vrai qu’on préférerait qu’il soit à Istres, mais il a fallu parer au plus pressé et gérer l’urgence quand le club est monté en L1 en 2004. Alors c’est vrai, ça manque de chaleur, on s’en plaint un peu, il n’est pas à taille humaine, on est loin de la surface de jeu, mais ne faisons pas la fine bouche, c’est un atout majeur quand même par rapport à beaucoup de clubs.

À Bardin, quand il y avait 1 000 personnes, on avait l’impression que le stade était plein. Là, avec nos 1200 spectateurs contre Grenoble, on avait l’impression que c’était vide. Jouer à Parsemain est un avantage d’un côté, parce que l’outil est de qualité, mais c’est un inconvénient par rapport à son format et sa localisation, pour créer un lien avec les partenaires, les licenciés, il n’est pas équipé pour ça. Et quand il y a du mistral, ça ne donne pas envie aux gens de venir à Parsemain. C’était déjà le cas en National voire en Ligue 2. Alors imaginez en National 2 ! Et puis on a un peu de concurrence avec Marignane en N2 et Martigues même s’ils n’ont pas encore joué chez eux cette saison en Ligue 2. Sans oublier le foot à la télé, il y en a tous les jours, à toutes les heures. Alors quand vous avez un peu froid en hiver et que vous avez la possibilité de regarder un match bien installé dans votre canapé au chaud, du coup vous n’allez pas au stade.

Cette saison, évoluer en National 2 me permet de voir ce qui se fait ailleurs, notamment dans des régions où l’on n’a pas l’habitude d’aller : je vois que certains stades sont plus adaptés, attirent les gens et permettent de créer ce lien, d’attirer. J’ai vu par exemple à Saint-Priest et à Bergerac des outils accueillants et adaptés pour le niveau. Hyères, Fréjus, Grasse, on les connaît, je ne parle pas de Jura Sud où on a joué sur un terrain de repli digne d’un club de R1, idem quand on a joué à Fréjus, alors là, où on a eu la malchance de jouer sur un terrain de repli, alors là, je trouve ça scandaleux et honteux, et je me demande comment ce terrain a pu être homologué pour le N2… A Grasse, hormis la surface synthétique, l’outil est agréable, à taille raisonnable par rapport au format club.

« Chacun mène sa barque, sans jalousie »

Après la victoire face à Toulon, fin novembre. Photo Istres FC

L’idée, c’est de continuer à cohabiter avec Fos ?
On a un peu une priorité en championnat compte tenu de notre niveau (Fos évolue en N3), on essaie de jouer en alternance, et quand il y doublon, Fos a la chance d’avoir un autre terrain aux normes, le stade de l’Allée des Pins. La situation s’est déjà produite. Je ne dis pas que c’est l’entente que l’on souhaiterait mais elle est cordiale et les choses se font en bonne intelligence.

Et l’entente avec les autres clubs du bassin ?
Dire que l’on se serre les coudes tous entre-nous serait faux-cul, ce n’est pas vrai, on l’a vu en N3 l’an passé, cela a été des matchs tendus. En fait, il n y a pas d’entente particulière entre les clubs, sauf quand on n’est pas au même niveau : par exemple, avec Martigues, on s’entend très bien, j’échange régulièrement avec le manager général, Djamal Mohamed, avec qui j’entretiens de très bonnes relations, pareil avec l’ancien président Alain Nersessian, avec qui j’échangeais beaucoup; bon, là, on n’a pas de contact avec la nouvelle direction, c’est leur volonté mais ils sont tellement plus haut que nous que, peut-être, ils n’ont pas besoin de nous et puis on ne va pas se le cacher, on n’a peut-être pas besoin d’eux. En jeunes, y’a pas photo… On est largement devant. Chacun mène sa barque, sans jalousie, sans aigreur, il n’y a de toute façon pas de quoi en avoir. À Fos, l’entraîneur a travaillé chez nous (Frédéric Cravero) et beaucoup de joueurs sont passés dans les deux clubs, il n’y a pas de problème.

Évoquons votre équipe fanion de National 2, entraînée par Anthony Sichi : clairement, l’objectif, c’est de se maintenir…
De toute façon, dès que l’on est monté, on a dit que l’on allait jouer le maintien, ce qui veut tout dire et rien dire en même temps. Un maintien ambitieux, c’est déjà de laisser trois clubs au minimum derrière nous au classement (Istres, tenu en échec par Andrézieux le 13 décembre dernier 0-0, est actuellement 12e sur 16). Après, si on peut gagner quelques places, ce sera bien. Là, après 12 journées, on voit qu’un championnat à deux vitesses se dessinent, avec des forces en présence, et d’autres équipes qui manquent d’homogénéité et d’automatismes. Pour moi, le maintien va se jouer entre six et sept équipes. Je nourris des regrets sur notre parcours à l’extérieur : on pourrait avoir 2 ou 3 points de plus. On a perdu à Saint-Priest sans démériter, on a perdu à Bergerac sans combattre et à Cannes, samedi dernier, contre une équipe qui doutait, on a une grosse occasion d’entrée et si on marque, on ne sait pas ce qui peut se passer : là, on les a assis à la table et on leur a servi le repas… Maintenant, on ne va pas comparer les moyens de l’AS Cannes avec nos moyens. Mais on se rend compte que les matches ne tiennent pas à grand chose.

« Il faut être réaliste »

Photo Istres FC

Istres a été professionnel pendant 30 ans, jusqu’en 2015 : le club peut-il un jour retrouver le monde pro ? Comprenez-vous la nostalgie ?
La nostalgie est inévitable. Regardez l’AS Cannes et son passé, on parle d’un club qui a joué la Coupe d’Europe et qui a longtemps fait partie des deux ou trois meilleurs clubs formateurs en France. Oui, parfois on est frustré, le niveau de National 2 est ce qu’il est, et quand on a connu le niveau au-dessus, comme c’est le cas chez nous, on a envie d’y retourner, mais il y a une réalité financière : alors OK, oui, aujourd’hui, sans moyens financiers, on peut y arriver, car l’argent ne garantit pas le résultat, mais par contre il réduit l’incertitude de ce résultat. Aujourd’hui, avec nos moyens, il est impossible d’accéder au National. Parce que la marche financière est trop haute. Dans notre poule, en National 2, les budgets s’étalent pour la plupart entre 1,5 et 2,5 millions d’euros, avec des exceptions comme Cannes où c’est beaucoup plus, on parle de 4 millions quand même ! Essayons d’être moins mauvais que les autres déjà, avec nos moyens, afin d’exister sportivement, tout en sachant que l’on n’a pas de marge de manoeuvre. Actuellement, nos résultats sont en adéquation par rapport à ce que l’on a à disposition. Peut-être que l’on pourrait avoir 3 ou 4 places au-dessus, mais on est là, on existe, on ne doit pas avoir la frustration de ne pas être dans les trois premiers, il faut être réaliste aussi.

Laurent Thomas. Photo 13HF

Aubagne la saison passée, Marignane deux fois lors des dernières saisons, Consolat, Martigues en 2022, sont parvenus à monter en National : pourquoi pas Istres un jour ?
Bien évidemment qu’une année peut s’avérer exceptionnelle et que le sportif peut prendre le dessus sur la réalité économique, mais on se rend compte que les équilibres sont fragiles. On le sait, la seconde année ou la troisième est toujours plus difficile, en général, et souvent, quand ce type d’équipes-là montent, des joueurs ou des coachs ont de ces mêmes équipes ont des sollicitations et ne restent pas, regardez Eric Chelle ou Nicolas Usai à Consolat, c’est normal, ils sont attirés par le niveau au-dessus, et regardez où en est Consolat (Atletico Marseille) aujourd’hui…

Je pense qu’il ne faut pas occulter le rêve mais rester réaliste : on pourrait « brûler la caisse » et tout tenter sur une saison, quitte à mettre en péril l’édifice, mais ce n’est pas mon idée. Le Istres FC attire quand même, des gens auront peut-être envie d’investir, il y a un stade, c’est déjà un atout majeur; à Nîmes, cela a couté 10 à 12 millions au président (Rani Assaf) de construire un stade (Les Antonins) pour jouer en National. Qui, en arrivant dans un club de N2 ou en N3, va mettre de telle somme pour construire un stade ? Il y a une autre solution : trouver en interne des solutions, mettre plus d’eau au moulin. N’oublions pas que Martigues, avant de monter en L2, c’est 10 ans de purgatoire en N2. Franchement, on n’a aucune frustration à avoir : on est un club serein, stable sur l’aspect sportif et financier. Devant la DNCG Fédérale, on passe sans encombre, on a juste un encadrement de la masse salariale mais ça, c’est propre à tous les clubs qui accèdent. On a attendu 6 ans en N3 avant de monter, et une année, on devait même descendre en R1 mais on a été repêché parce que Monaco ne s’est pas engagé.

On voit bien qu’avec le rétrécissement de l’élite, cela cela va devenir de plus en plus difficile, parce qu’aujourd’hui il ne faut pas se le cacher, la Fédération et la LFP (Ligue) ne veulent plus de ces clubs qui réalisent ces « exploits », ils veulent des divisions fermées, alors on diminue les descentes et les accessions. On parle de la création d’une Ligue 3 : mais vous avez vu les clubs en National ? Sochaux, Nancy, Le Mans, Dijon, Valenciennes, Châteauroux… ce sont des clubs qui ont connu le très haut niveau, le monde pro, structurés, avec des budgets exorbitants. Alors, que ces clubs-là soient frustrés de jouer en National, je l’entends, mais nous, on ne peut pas avoir de frustration : compte tenu de nos moyens, Istres est à sa place. Pour ce qui est de demain, là, on ne sait pas.

« Pourquoi a-t-on fait de Bordeaux un cas particulier ? »

Photo Istres FC.

Votre constat rejoint l’opinion de pas mal de dirigeants de clubs amateurs…
Quand je vous dis que la FFF ne veut plus de ces clubs qui font des exploits, qu’elle fait tout pour les écarter… Mais après, j’ai envie de vous dire que c’est le football français qui va mal. Regardez les droits télés. Et puis il ne se passe plus une commission de DNCG sans qu’il y ait une rétrogradation administrative à titre conservatoire, des clubs qui prennent des points de pénalité ou des interdictions de recruter.

L’exemple flagrant, c’est Bordeaux : comment se fait-il que ce club soit en National 2 avec la dette qu’il a (le 23 juillet 2024, la DNCG évaluait l’endettement de Bordeaux à 118 millions d’euros) ? Ce n’est pas normal. Je n’ai rien contre les Girondins de Bordeaux, un club qui a fait rêver, parce que moi, j’aime le foot pour le foot, mais là, on a fait un cas particulier. Pourquoi ? Après, on me dit, « Oui, mais Bordeaux, c’est un grand club », ok, et Sedan ? C’est pas un grand club ? Et Niort ? Sedan et Niort ont été rétrogradés de National et de Ligue 2 directement en Régional ? Nous, à notre petite échelle, à Istres, on est descendu de National en DHR pour une dette de 400 000 euros en 2015, ça me paraît aberrant !

Des exemples comme ça, y’en a plein ! Aujourd’hui, les Girondins sont en train de boxer dans une autre catégorie en National 2 et mettent en difficulté d’autres clubs qui désirent accéder au National. Ils devraient être trois ou quatre niveaux en dessous. Le constat est affligeant. Tous ces clubs qui ont joué la surenchère ont fait mal au foot amateur, comme Hyères il y a 2 ans, qui donnait des salaires de Ligue 2, et regardez cette saison à Cannes, certains ont des salaires de Ligue 2, et nous on arrive avec notre réalité économique. Avec la réforme des championnats, en passant de 4 à 3 poules, 400 joueurs de N2 se sont retrouvés sans club. Nous, on est là, avec notre « salary cap », je n’aime pas employer cette expression, que l’on a mis en place, qui est trois, quatre ou cinq fois inférieur à certains de la poule. On rivalise avec nos moyens. Cela ne veut pas dire que l’on ne va pas y arriver.

Pour terminer, un mot sur le récent départ de Yohan Mollo à Alès (N3) ?
C’est un bien pour tout le monde. Il était amené à un peu moins jouer. Il a l’âge qu’il a (35 ans). Il en a plus fait que ce qu’il allait en faire. Quand il est venu chez nous l’an passé, alors que Hyères ne souhaitait pas le conserver, il a enclenché sur un projet à côté de chez lui, on ne lui a pas promis monts et merveilles, on a assuré notre objectif qui était de monter en N2. Là, il a pris un an de plus et il y a des jeunes qui émergent, comme Abdezerrek Saïdi, qui a 19 ans, que l’on est allé chercher à Béziers en 19 ans nationaux, et qui a pris une place prépondérante dans les compositions d’équipe. Yohan aurait été amené à moins jouer. La possibilité pour lui d’aller à Alès, avec un projet sur 18 mois et financièrement plus attrayant que le nôtre, j’ai envie de dire, c’est une opportunité commune. Cela nous libère d’un salaire et j’espère pour lui qu’il pourra retrouver un temps de jeu plus conséquent, à un niveau moindre parce qu’entre le National 3 et le National 2, je le vois bien, il y a un palier. Après, que Yohan ait un peu d’aigreur envers le club, envers moi, ce n’est pas grave, c’est comme ça. Dans le foot, les gens passent, il est passé, je passerai aussi, mais l’institution reste. On n’est pas là pour se faire des amis; à partir du moment où vous avez des responsabilités dans un club, que vous vous avez des décisions à prendre, vous ne pouvez pas embrasser tout le monde sur la bouche. On fait des contents, on fait des mécontents, c’est comme ça.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Tout savoir et tout comprendre sur l’historique, le contexte, la rivalité et la situation actuelle des deux clubs de l’agglomération rouennaise, aux antipodes l’un de l’autre et pourtant à deux doigts de fusionner l’été dernier, et appelés à s’affronter dans un derby normand très attendu, mais placé sous haute surveillance !

Par Anthony BOYER / Photos Bernard MORVAN-FCR et QRM / Photo de couverture : Philippe Le Brech

Fusion. Nom féminin. Réunion en un seul groupe de divers éléments distincts. Exemple, la fusion de deux partis politiques. Larousse aurait pu prendre un autre exemple pour cette définition, comme la fusion de deux clubs de football. Surtout quand celle-ci est… politique !

Trois ans et demi après leur dernière confrontation officielle, en coupe de France, pendant la période Covid-19, le FC Rouen et Quevilly Rouen Métropole se retrouvent, cette fois en championnat. Ce qui n’était plus arrivé depuis la saison 2012/2013, du temps de l’US Quevilly.

Au 8e tour de la coupe de France, le 13 février 2021, à Diochon, un solide et sérieux QRM en passe de retrouver la Ligue 2 et entraîné par Bruno Irles, s’était difficilement imposé 1 à 0 (but d’Andrew Jung) face à un FC Rouen alors en National 2, mais dont les prémices du renouveau étaient perceptibles, sous la houlette de David Giguel d’abord, sous celle surtout, quelques mois plus tard, de Maxime d’Ornano.

Maxime d’Ornano, faiseur de miracles

Maxime d’Ornano a conduit le FCR en National et en 1/4 de finale de la Coupe. Photo FCR.

Ce dernier, déjà faiseur de miracle au Stade Briochin, qu’il avait conduit en National en 2020, allait rééditer la même performance avec le FC Rouen en mai 2023, un an et demi après son arrivée en Normandie. Un retour dans l’antichambre du monde professionnel attendu par le peuple rouennais depuis 10 ans et un depôt de bilan avait précipité la chute en Division d’Honneur.

Voilà résumé en quelques mots ce qui différencie sportivement ces deux clubs géographiquement séparés d’un peu plus de 3 kilomètres seulement si l’on se réfère à la distance Diochon – Lozai, mais que tout oppose sportivement. Quant au rapport de force, il est vite vu : Le Petit-Quevilly et ses 23 000 habitants ne fait pas le poids à côté de Rouen et de ses 115 000 habitants.

Cohabitation et colocation

Le FC Rouen. Photo Bernard Morvan.

Le FCR et QRM sont des voisins qui se côtoient, parfois, qui cohabitent, le plus souvent. Ce sont des colocataires qui partagent le même stade, le mythique Robert-Diochon, et les mêmes installations d’entraînement, le fameux « terrain de la ferme », objet de convoitises et de querelles pendant de longues années.

Depuis cette saison, maintenant que les deux clubs évoluent au même échelon, quand bien même l’un a le statut pro (QRM) et l’autre le statut amateur, un turn-over est opéré. Quand le FCR joue à domicile le vendredi en National, c’est lui qui s’entraîne à « La ferme » toute la semaine qui précède le match, pendant que QRM retourne chez lui, là où il a grandi, là où ses détracteurs aimeraient qu’il retourne, à Lozai, où les locaux administratifs y sont spacieux et magnifiques. Et vice versa lorsque QRM joue à domicile, il prend possession de « La ferme » toute la semaine pendant que le FCR file sur ses terrains de repli, tantôt à La petite Bouverie, à 12 kilomètres de Diochon, au nord-est de Rouen, tantôt juste à côté, à 300 mètres, au complexe Pierre Le François. Pas simple.

Le micmac des vestiaires

Pour l’occupation des vestiaires, là encore, c’est tout un micmac. Surtout le soir des matchs de National du FC Rouen, quand les deux équipes, celle qui reçoit et celle qui visite, créent des embouteillages quand elles se croisent dans le même couloir long et étroit du stade, à droite en rentrant dans le hall. Une situation née de l’attribution à QRM, au moment de sa création en 2015, du grand vestiaire à gauche pour le nouvel occupant, avec les bureaux pour le staff, ceux-là même occupés par le FCR au temps de sa splendeur !

Une situation ubuesque

Le terrain d’entraînement de la Ferme, à Diochon. Photo Bernard Morvan.

Le stade, le partage des installations, les vestiaires, les couleurs, l’appellation du club, les supporters, la rivalité, la fusion, la sécurité, sont quelques-uns des dossiers chauds nés de cette situation unique dans les annales en France, au point de donner lieu à des scènes ubuesques, la plus « célèbre » d’entre elles étant la configuration du siège social des deux entités.

Au fond du parking « officiel » du stade Diochon se trouve le « bunker » qui abrita jadis le centre de formation du FCR quand il fut professionnel, ça remonte ! Aujourd’hui, le bâtiment hébergent les bureaux administratifs des deux entités, qui se regardent en chien de faïence : à gauche en rentrant, ceux de la SAS (Société par actions simplifiées) QRM, et à droite ceux de la SAS FCR. Les salariés s’ignorent le plus souvent ou se saluent courtoisement, du moins ceux qui ont envie. Les staffs se respectent. Les dirigeants aussi. Mais gare à ne pas trop « fricoter » avec le voisin de palier, cela pourrait être mal vu.

Michel Mallet, le gestionnaire

Michel Mallet, président de QRM. Photo QRM

L’on pourrait, comme ça, citer d’autres exemples de cette situation intenable sur la durée, née de la création du projet Quevilly Rouen Métropole en 2015. Un projet dont l’instigateur s’appelle Michel Mallet, chef d’entreprise respecté dans l’agglomération rouennaise et loué pour ses qualités de gestionnaire : c’est simple, quand Michel Mallet, ex-membre du ComEx à la Fédération, possède un euro dans les caisses, il ne dépense généralement jamais plus de 90 centimes. Voilà pour le portrait dressé par ceux qui ont côtoyé l’ancien président de l’US Quevilly, un club amateur au palmarès long comme le bras, devenu hyper-respecté grâce à deux campagnes mémorables en coupe de France en trois ans seulement, avec une demi-finale en 2010 et surtout une finale en 2012 !

Une brèche laissée ouverte par le FCR

Ces exploits à répétition donnent des idées de grandeur et de développement à Michel Mallet : si l’US Quevilly attire 40 000 supporters venus de Normandie au Stade de France, qu’est-ce qui peut empêcher d’en attirer ne serait-ce que 4 000 (ce n’est qu’un exemple) issus de l’agglomération rouennaise pour ses matchs de championnat ? Plusieurs conditions sont nécessaires à cela : grosso modo, rallier le monde professionnel et la Ligue 2 (Quevilly a goûté à l’ancienne Division 2 de 1970 à 1972), unir les forces en présence et quitter Lozai. Au moment du lancement de QRM, en 2015, le club est en CFA, l’équivalent du N2.

La ferveur ne « s’achète » pas

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR à domicile. Photo Bernard Morvan

En fait, Quevilly profite de la chute administrative et sportive du FC Rouen – dont les déboires financiers ne cessent de s’accumuler depuis 30 ans – pour s’engouffrer dans la brèche. Pour s’assurer le monopole. Pour prendre une place dans le coeur de la population de la douzième agglomération de France (500 000 habitants). Sauf qu’il ne parviendra jamais à prendre la place du FCR dans le coeur des supporters rouennais, mais ça, il ne le sait pas encore.

L’idée de départ est bonne. Le projet est séduisant et ambitieux. Sauf que l’on ne tire pas un trait sur l’Histoire comme ça. Sauf que le coeur et la ferveur ne « s’achètent » pas. Pas plus qu’ils ne se décrètent. Et c’est peut-être l’une des erreurs commises à ce moment-là par Michel Mallet et son consortium d’investisseurs, qui ont, dans l’esprit des fervents supporters du FCR, voulu « passer en force », en faisant fi notamment de l’histoire, du logo et des couleurs de Rouen.

Quand QRM réveille le FCR

L’équipe de QRM. Photo QRM

C’est pour cela que, dès l’arrivée dans le microcosme du football amateur hexagonal de Quevilly Rouen Métropole, une appellation qui n’a jamais été acceptée dans le camp d’en face, l’accueil des supporters rouennais est hostile pour ne pas dire virulent. Sur les réseaux sociaux du FCR, les communicants, les contributeurs ou les « commentateurs » n’écrivent jamais le « vrai » nom de « l’ennemi », mais se font toujours un malin plaisir à écrire – volontairement – le terme « Quevilly » tout seul. Révélateur.

En réunissant les logos des deux clubs en un seul et même fanion, en optant pour les couleurs « Rouge et jaune » (l’US Quevilly évoluait en jaune et noir, le FCR en rouge), en s’appropriant le stade Diochon, antre des Diables Rouges, seulement « prêté » à l’USQ pour certaines affiches de coupe de France lorsque le club de Petit-Quevilly était vu d’un bon oeil et considéré comme un gentil voisin pas trop encombrant, Quevilly Rouen Métropole, QRM pour les intimes, s’attire les foudres du voisin. Pire, il réveille le camp d’en face, endormi et résigné depuis l’époque Thierry Granturco et la rétrogradation de National en DH en 2013.

Des fiançailles avant un mariage

Alors bien sûr, dans le projet QRM initial, figure la caution morale (et financière) Fabrice Tardy, le président de l’association FCR, celle-là même qui est « sauvée » par QRM lors du « rapprochement ». Car c’est bien d’un rapprochement dont il s’agit, et non pas d’une fusion. Les dirigeants parlent souvent de fiançailles avant le mariage.

La présence de Tardy, actionnaire de QRM, ne suffit pas à calmer les revendications et les velléités des supporters de Rouen, qui moquent constamment les affluences du voisin, et dont certains se rendent coupables d’actes d’incivilités – on ne compte plus le nombre de tags dans les travées du stade. Ceux-ci sont contre l’idée d’une fusion qui enverrait l’Histoire d’un monument du foot français aux oubliettes. Surtout avec un nom pareil ! Et ils sont « pour » que l’on retire la couleur jaune à Diochon…

Le volte-face de Fabrice Tardy

Clément Bassin, le capitaine du FCR. Photo Bernard Morvan

Mais tout ne se passe pas comme prévu. En 2017, alors que QRM vient de grimper d’une division dès sa deuxième année d’existence et qu’il est en passe d’en gravir un second d’affilée, le volte-face de Fabrice Tardy change la donne. De fusion, il n’en sera plus question… jusqu’à l’été dernier. Et dire que QRM avait déjà la bague au doigt.

Pendant sept ans, chacun roule sa bosse. Vit sa vie. Avec Manu Da Costa aux manettes (un ancien du … FCR !), resté sept saisons sur le banc, Quevilly Rouen accède rapidement en National (2016) et dans la foulée en Ligue 2 (2017) avant de redescendre aussi sec (2018).

Avec Bruno Irles, parti à Troyes à Noël 2022, il remonte encore en L2 (2021), assure deux maintiens avec Fabien Mercadal et Olivier Echouafni (2022 et 2023) mais Jean-Louis Garcia ne peut éviter la rechute (en 2024). Le FCR, pendant ce temps, comble progressivement son retard : National 3 en 2017, National 2 en 2019 puis National en 2023.

Rivaux en National, 12 ans après !

La tribune Lenoble, un soir de match du FCR. Photo Bernard Morvan.

Le clou de l’histoire intervient à l’été 2024, quand QRM rejoint en National un FCR renaissant, qui a cru quant à lui pouvoir se mêler à la lutte pour l’accession en Ligue 2. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu si un tel scénario s’était produit. Comme lors de la saison 2012-2013, la dernière qui a vu les deux clubs s’affronter officiellement en championnat (en National déjà), il va donc y avoir un nouveau derby, ce vendredi. Le 14 décembre 2012, devant 3 789 spectateurs à Diochon, le FCR, alors entraîné par Didier Ollé Nicolle, s’était imposé 1 à 0 grâce à son buteur maison Julien Jahier face à l’USQ de Farid Fouzari.

Au match retour, le 4 mai 2013, devant 1 425 spectateurs au stade Lozai, Quevilly et Rouen faisaient match nul 1-1 (but de Rémy Dugimont à la 6e pour le FCR et égalisation d’Oussoumane Fofana à la 87e pour l’USQ). Le point commun entre ces deux derbys ? Valentin Sanson. L’actuel défenseur du FC Rouen (32 ans) était dans le camp des Jaune à l’époque. Il était même de la partie en finale de coupe de France, présent sur le banc au Stade de France avec l’USQ face à Lyon, lancé la même saison en National par un certain Régis Brouard.

Régis Brouard, du jaune au rouge

Régis Brouard. Photo Bernard Morvan.

Dans un récent entretien, ici même, à la question « L’entraîneur que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir » Sanson avait répondu « Régis » (Brouard). Douze ans après, et même s’ils s’étaient recroisés à Diochon lorsque Bastia est venu y jouer en Ligue 2, les « vraies » retrouvailles ont donc eu lieu puisque l’ex-coach du Sporting a remplacé Maxime d’Ornano le 4 novembre dernier.

Et dire que Régis Brouard était la priorité de Michel Mallet l’été dernier lorsqu’il s’est agi de trouver un successeur à Jean-Louis Garcia et de repartir d’une feuille blanche ! C’est vrai que Brouard, qui a entraîné l’USQ de 2008 à 2012, club avec lequel il a vécu tant de belles choses – accession en National, maintien en National, demi-finale puis finale de coupe de France ! – n’a laissé que des bons souvenirs dans la maison quevillaise. Et même si la séparation avait été douloureuse – les deux hommes ont été un peu fâchés avant de se rabibocher -, l’idée de revenir 12 ans en arrière avait de la gueule, même si dans le foot, comme dans la vie en général, il n’est jamais évident de revenir à ses premières amours.

Un derby qui ne manque pas de sel

« Le Druide », comme on le surnommait à Lozai, a décliné poliment. Le retrouver aujourd’hui dans le camp d’en face, sur le banc du FC Rouen, un club hyper-populaire comme il les aime (Bastia, Red Star, Nîmes…), rajoute forcément du sel à ce derby qui n’en manque déjà pas et qui fera, contrairement à la saison 2012/2013, le plein à Diochon (guichets fermés et 8000 spectateurs attendus). La « faute » évidemment à tout ce que l’on vient de raconter et qui n’a fait qu’exacerber une rivalité nouvelle, pour ne pas dire une haine viscérale des Rouge envers les Jaune.

En octobre dernier, dans l’émission sportive du quotidien Paris Normandie, « Parlons Sport », Michel Mallet l’a dit : « On sera attentif à l’organisation du match. Ce qui me va bien, c’est que le FCR recoive à l’aller (…). On verra comment les choses se passent. Il y a eu quelques excès ces dernières saisons, à l’extérieur du stade. C’est dommageable. Ma hantise, c’est qu’il y ait un incident un jour. »

La fusion avortée cet été

Iwan Postel (à gauche) et Tarkan Ser. Photo Bernard Morvan.

N’y voyez aucune menace. Ce n’est pas le style du chef d’entreprise dont la prise de parole, en plus d’être rare, est toujours mesurée et pondérée. Sauf que là, pour une fois, Michel Mallet – qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview – a quelque peu dérogé à sa règle : la fusion avortée cet été, la rivalité, les projets, l’avenir, l’approche du derby, les objectifs, les finances, la sécurité (1) – le derby fait l’objet d’un arrêté préfectoral – et la communication agressive et provoc’ de son homologue du FCR, Iwan Postel, les sujets n’ont pas manqué et il n’a rien éludé face aux deux journalistes « questionneurs », Victorien Lenud et Grégory Caru-Thomas.

Ces derniers ont obtenu quelques infos et parfois même des aveux, comme lorsque Michel Mallet est revenu sur la fusion « épisode II », avortée : « L’idée, c’était d’allier la ferveur populaire du FC Rouen, parce qu’il faut reconnaître l’évidence, Rouen est porteur de plus d’engouement, avec la rigueur de Quevilly. Vous savez, quand j’étais petit, j’ai vu tous les matchs du FCR en Division 1 et en Division 2 », disait-il. « La fusion, c’était le deal de départ, en 2015. Le projet avait été validé par les politiques, dont le maire de Rouen de l’époque (Yvon Robert) et par Fabrice Tardy (ex-président du FCR), qui est revenu en arrière contre toute attente. Si on veut aller au haut niveau, il ne faut qu’un seul club, ça coule de sens. Maintenant, si on veut rester en National… On peut continuer comme ça pendant longtemps, avec deux clubs… On s’est rapproché fortement pour que les planètes s’alignent. On n’est pas passé loin l’été dernier. Il y a eu des erreurs, on en a sans doute fait au départ en 2014 ou 2015. »

Des concessions… sauf sur le nouveau nom

Valentin Sanson a porté le maillot de QRM avant celui du FCR. Photo Bernard Morvan

Visiblement, le président de QRM, pourtant enclin à faire des concessions sur de nombreux sujets (numéro d’affiliation du FCR, retour aux couleurs rouges et blanches, etc.) et à revoir sa copie de départ, en a gros sur la patate. Il n’a pas digéré que l’actuel président de la Métropole, qui est aussi le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, donne un blanc-seing au duo composé du Turc Tarkan Ser et du Néerlandais Iwan Postel, respectivement fondateur et vice-président de la société turque Black Eagle, spécialisée dans l’achat et la vente de jets privés, pour la reprise du FCR.

Mallet défendait un dossier « local » porté par des chefs d’entreprises de la région : « J’aurais aimé que le maire de Rouen mette autant d’énergie pour qu’une fusion des deux clubs s’envisage avec des acteurs locaux qu’il ne l’a fait pour permettre l’arrivée d’autres personnes non issues de la région ».

Toujours au cours de cette même émission animée par Paris Normandie, Michel Mallet a reconnu avoir évolué dans sa réflexion et que le nom du futur club était un point d’achoppement, mais pas la raison de la non-fusion. L’on est donc passé tout près de voir la création d’un FC Rouen Quevilly, comme il le souhaitait, puisqu’il n’était pas enclin à retirer le mot « Quevilly ».

« Faire un FC Rouen Quevilly, c’était tout a fait envisageable. C’était répondre au sens de l’histoire, avait-il confié lors de cet entretien; c’était reconnaître à Rouen sa prédominance dans la hiérarchie, et on conservait aussi Quevilly pour tout ce qu’il a représenté dans le football normand. Quand on a joué nos campagnes en coupe de France, il y avait plein de Rouennais présents à Caen ou au Stade de France. Le FC Rouen a été fondé en 1899, Quevilly juste après, en 1902, avec chacun des beaux palmarès, l’un plutôt chez les professionnels, l’autre plutôt chez les amateurs. L’idée, c’était d’associer deux forces, d’allier la ferveur populaire de Rouen avec la rigueur de Quevilly. Pas de faire disparaître l’un ou l’autre des deux clubs. Pour moi, c’est un rendez-vous manqué. »

Le feu et la glace

Avant, pendant ou après les matchs, Iwan Postel aime saluer les supporters du FCR. Photo Bernard Morvan.

Aujourd’hui, Michel Mallet ronge son frein. Et s’est résolu à repartir non pas d’une feuille blanche, parce que les fondations sont là et solides – même avec un directeur général (Arnaud Saint-André) parti au chevet des Girondins de Bordeaux avec encore quelques doigts de pied à QRM -, mais pour un ou plusieurs tours en National, avec l’objectif que QRM, l’un des dix clubs professionnels du championnat (6 millions d’euros de budget), retrouve un jour la Ligue 2.

Pendant ce temps, Iwan Postel, son homologue du FCR, se pavane sur tous les stades, multiplie les selfies avec les supporters et fait le buzz sur les réseaux sociaux où il distille les « petites phrases » et les déclarations plus provocatrices les unes que les autres. La plus célèbre ? « L’ambition, c’est minimum d’être en Ligue 2 et à moyen terme d’être en Ligue 1. Tous les deux ans, nous devons franchir un palier. Les gens vont dire que je suis fou mais j’ambitionne que le FC Rouen soit en Ligues des champions d’ici sept ans. » C’était en octobre. Et cela ne nécessite aucun commentaire. Pourtant, Postel, qui vit à l’hôtel, continue d’en faire sur sa page Facebook, comme pour justifier ses prises de position et son ton cash. On a peut-être déniché un nouveau Donald Trump, roi en matière de communication. Ce qui est certain, c’est que tout oppose les deux hommes forts, dont l’image colle parfaitement à leur club : Postel, c’est le feu, Mallet, la glace.

Iwan Postel, ce communiquant

L’on sait que cette nouvelle façon de communiquer du successeur de Charles Maarek à la tête des Diables rouges ne plaisait pas trop à Maxime d’Ornano, une personne plutôt discrète. Pas sûr que cela plaise non plus à Régis Brouard, même si avoir de l’ambition n’a jamais été une tare… sauf peut-être en France où il a toujours été mal vu de l’afficher. Question de culture, sans doute. Du moment que l’omnipotent Iwan Postel n’interfère pas dans le travail du nouveau technicien rouennais, il ne devrait pas y avoir de problème. Comme le dit l’adage, « Chacun son métier, et les moutons seront bien gardés » ! On verra aussi quelle sera sa communication après le passage du club devant la DNCG, fin décembre.

« Parfois, ça me fait sourire » a confié à ce sujet Régis Brouard sur le plateau de Kop Normandie, l’émission de BFM Normandie, le 25 novembre dernier. Ce soir-là, le nouveau coach rouennais, qui n’a jamais caché sa position au sujet d’une fusion – « Je l’ai toujours dit, même au temps de l’USQ, c’est inéluctable, il faut un seul club » – était interrogé par les consultants David Fouquet, son ancien adjoint pendant 4 ans à l’US Quevilly, et Romain Djoubri, ex-coach du FC Rouen en DH (2014-2017) et des féminines du Havre. La communication de Postel ? Brouard : « J’entends, j’écoute, on me dit… Mais moi, je ne suis concentré que sur mes objectifs, et ils sont clairs, c’est la montée dans six mois ou dans un an et demi. »

Qui veut faire un nouveau stade ?

La tribune d’Honneur (Horlaville) du stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

La Ligue 2, le FC Rouen et ses 4 millions d’euros de budget annoncé – dont 630 000 euros de subvention de la Métropole Rouen Normandie, la même que celle allouée à QRM depuis cette saison (il touchait 210 000 l’an passé) – ambitionne aussi d’y accéder, comme l’a clamé Postel, et surtout de ne pas y rester. Et ce n’est pas le début de saison poussif et décevant de son équipe qui lui a coupé les ailes. Même s’il a conduit à un changement d’entraîneur.

On rappellera juste que le club n’a plus goûté à la Ligue 2 depuis la saison 2003-2004, ce qui ne lui interdit pas de rêver et d’y retourner. Cette saison ou la suivante. Après tout, et c’est Michel Mallet qui a pris cet exemple, le Paris FC était très loin au classement à la trêve lors de la fameuse saison 2016-2017 – celle qui a vu QRM accéder en L2 – avant d’effectuer une superbe phase retour et de monter (grâce à un repêchage après des barrages pourtant perdus face à Orléans). Un exemple valable pour les deux clubs, qui possèdent le même nombre de points en championnat (15), à 7 longueurs d’Orléans (2e) et à 6 de Dijon (3e et barragiste).

On rappellera aussi que le stade Diochon, certes historique et véritable monument, partagé par trois clubs (les rugbymen, relégués de Pro D2 et actuels leaders de Nationale, y évoluent également), conserve toujours ce côté vétuste qui sera forcément un frein à ses grandes ambitions, compte tenu de sa capacité et des normes – notamment de sécurité – toujours plus drastiques imposées chaque saison par la LFP. Là encore, Iwan Postel a la solution : acheter un terrain et en construire un nouveau stade, si possible un grand, à la « portée internationale », modulable, de 40 à 50 000 places, avec « une main d’oeuvre étrangère » pour aller « cinq fois plus vite ». C’est dit.

La Métropole entre en piste

De son côté, la Métropole a lancé voilà quelques mois le projet de construction d’un futur stade « à spectacle », d’une capacité de 15 000 à 25 000 places, construit à l’emplacement de l’actuel parking du Zénith et du Parc des Expositions, à 2 kilomètres de Diochon, à 8 kilomètres du centre-ville, juste à côté de l’autoroute A13 pour Paris.

Mais le projet ne se fera pas du jour au lendemain : « Ce n’est pas une affaire d’un an », a rappelé le président de la Métropole, Nicolas Mayer-Rossignol, lors d’une réunion de la Fédération des culs rouges (2), en septembre dernier, avant d’évoquer une échéance « large » à 8 ans, même si « ça sera peut-être moins », et de parler d’agrandir Diochon dans le même temps.

Place au derby, place au jeu !

David Carré, le coach de QRM. Photo QRM.

Hier (mercredi), dans le quotidien Paris Normandie, le vice-président de la Métropole et chargé des sports, David Lamiray, déjà là au moment des premières discussions en 2014 autour du projet QRM, s’est montré plus précis : « Depuis 2015, la Métropole a injecté 10 millions d’euros pour la mise aux normes de Diochon (…), on lance des études à la fois sur la construction d’un nouveau stade et l’agrandissement de Diochon (…) On travaille sur les installations pour avoir un terrain (d’entraînement) supplémentaire ». L’élu métropolitain a également évoqué le volet sécuritaire autour du derby de ce vendredi en National et « une très forte appréhension des supporters de QRM et de ses dirigeants ».

Oui, parce qu’avec tout ça, on l’aurait presque oublié, il va y avoir un match de football dans un stade Diochon en ébullition entre un FC Rouen qui a opéré son redressement (2 victoires de suite depuis l’arrivée du nouvel entraîneur, 3 avec la coupe) et un QRM au profil plus « physique », qui a trouvé son rythme de croisière : 8 points pris lors des 4 derniers matchs et une qualification en coupe sur le terrain du leader de la L2, le Paris FC.

Dans ce laps de temps, QRM aurait même dû s’imposer à Aubagne (1-1) et contre Orléans (1-1) ! Quatre points de perdu pour l’équipe de David Carré, sans quoi elle figurerait logiquement dans le premier tiers du classement. Et maintenant, place à l’essentiel, le jeu !

1. La préfecture de la Seine-Maritime, qui a classé ce match « à risques », a réduit à 200 le nombre de supporters de QRM autorisés dans le stade, sur les 700 places, environ, que compte le parcage visiteurs de Diochon. Et neuf supporters du FC Rouen ont été suspendus de matchs pendant 6 mois.

2. La Fédération des culs est une association influente régie selon la loi 1901, fondée en 2013, qui regroupe des amoureux du FCR afin de peser sur l’avenir du club.

Championnat National (J14) – vendredi 6 décembre 2024, à 19h30, au stade Diochon : FC Rouen – Quevilly Rouen Métropole. Regardez le match en cliquant ici : https://ffftv.fff.fr/video/x93cyz2/j14-national-i-fc-rouen-1899-vs-qrm-en-direct-19h15

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Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

– Photos : Bernard MORVAN / FCR et QRM

– Photo de couverture : Philippe Le Brech

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