À l’exception d’un prêt de 6 mois, le Gardois n’a connu qu’un seul club professionnel dans sa carrière, Montpellier, avec lequel il a été sacré champion de France en 2012 ! Aujourd’hui, l’ex-gardien met son expérience au service du syndicat des joueurs et joueuses pros, et plus particulièrement du football féminin, qu’il accompagne dans son développement.

Par Olesya ARSENIEVA / Photos DR

C’est l’homme d’un seul club. Avec 198 matchs sous le maillot de Montpellier, le gardien de but Laurent Pionnier (42 ans aujourd’hui) fait partie des rares footballeurs à avoir effectué toute leur carrière dans le même club. Sa mentalité irréprochable et son amour du maillot, dans les bons comme les mauvais moments, font qu’il reste à jamais gravé dans le cœur des supporters Montpelliérains et dans l’histoire du club. Après avoir rangé les gants en 2018, il est devenu chargé de missions juridiques et du football féminin au sein de l’UNFP.

« J’ai commencé à 13 ans dans les buts et à 15 ans j’étais international »

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Natif de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, département voisin de l’Hérault, Laurent débute le football à l’Olympique d’Alès en Cévennes. Il enfile les gants à 13 ans seulement pour pallier un manque de gardiens dans son équipe. Tout s’est enchaîné par la suite : sélections en équipe de France jeunes, signature au Montpellier Hérault SC, le sudiste s’est révélé à ce poste de gardien et n’en a plus bougé. « J’ai commencé dans les cages à 13 ans et j’étais international à 15 ! Mais à ce moment-là, Alès a coulé. J’avais été repéré par plusieurs clubs. Avec la facilité d’être à côté, j’ai choisi Montpellier. » C’est en 1997, que Laurent enfile pour la première fois le maillot montpelliérain.

Depuis, à l’exception d’un prêt de 6 mois à Libourne/Saint-Seurin lors de la saison club 2007-2008, en Ligue 2 (17 matchs), il n’a plus bougé de La Paillade jusqu’à la fin de sa carrière en 2018. « C’était mon choix de rester, je n’étais pas en fin de contrat. Les discussions avec Loulou (Louis Nicollin, ex-président MHSC) ça se terminait par « tu restes » et on s’est toujours bien entendu comme ça. J’ai eu envie à certains moments de bouger mais pour moi les planètes n’ont jamais été alignées pour un départ, parce que j’étais bien où j’étais. Tu pèses le pour et le contre et à la fin il en ressort ta décision personnelle. La mienne c’était de rester ici. »

Ses premiers matchs en professionnels, il les dispute lors de la saison 2002-2003 en Ligue 1. A seulement 20 ans, il est lancé dans le grand bain et titularisé à 9 reprises. « A 20 ans jouer en Ligue 1, c’est la fougue, tu vas au charbon, j’étais un soldat. On m’envoyait au front et j’y allais. Tu ne te poses pas de questions. T’as la chance d’être là, tu t’es donné à fond pour y être et c’est le début de quelque chose et si tu veux que ça dure il vaut mieux bien le faire, donc je me suis toujours mis de la pression. Mais j’ai toujours su la gérer d’une manière positive. » Il doit attendre la saison 2005-2006, quand le MHSC évolue en Ligue 2, pour vivre une saison complète comme titulaire (34 matchs joués).

« Je me suis toujours senti utile dans cette équipe »

Dans sa carrière, Laurent a connu le rôle de doublure comme le rôle de titulaire mais cette situation n’a jamais entamé son moral. « J’ai fait la moitié doublure, la moitié « titu », donc j’ai joué la moitié des matchs ! La relation avec les Présidents, Loulou Nicollin et son fils Laurent, me poussait à rester au club quand j’étais doublure. Ce sont des personnes qui te montrent que tu es utile pour le club ou pour l’équipe, que tu joues ou que tu ne joues pas. Donc je me suis toujours senti utile dans cette équipe même quand je ne jouais pas, encore plus quand je jouais. Si à un moment donné je m’étais senti inutile, je serais parti. Il y avait des moments difficiles comme dans toute carrière mais dans ces cas-là, je savais à quelle porte il fallait toquer pour régler des problèmes ou dire ce que je pensais. C’est ça aussi qui a fait que l’histoire a duré longtemps. »

Une fidélité récompensée

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Après avoir connu des descentes en Ligue 2 et des remontées, Laurent remporte le titre de Champion de France devant le Paris-Saint Germain des Qataris récemment arrivés dans la capitale. « La saison du titre (2011-2012), on l’a eu en plusieurs étapes. On a rapidement été sur de bons rails : les trois premiers matchs, on fait trois victoires. On ressort d’une année où on fait la finale de la coupe de la Ligue mais s’il y a deux matchs de plus dans la saison, on descend. Donc on était conscients qu’on avait fait un beau parcours en coupe de la Ligue mais que c’était l’arbre qui cachait la forêt. La saison suivante, on avait quasiment les mêmes joueurs et c’est ce qui a fait notre force. On a commencé à y croire rapidement ! Quand tu es en haut, tu veux y rester. On avait de la chance d’avoir un groupe assez homogène avec des anciens qui arrivaient à ne pas trop mettre la pression sur les jeunes. Quand tu connais la pression de pas descendre, quand tu vis celle d’être champion, elle est quand même plus facile à gérer. La saison d’après, tu joues quand même en Ligue 1. On n’avait pas d’obligation comparé au PSG. La prise de conscience a fait la différence, la prise de conscience que tu peux passer à côté d’une saison et tout foirer pour rien. Les jeunes apprennent vite aussi et tu progresses, c’est plein de facteurs, tu ne passes pas du tout au tout comme ça. Les joueurs qui étaient peut-être en dessous la saison d’avant ont été à leur meilleur niveau et tous en même temps. C’est plein de facteurs qui s’additionnent. »

« Quand tu joues à Montpellier, tu te dis pas que tu vas jouer la Ligue des Champions »

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Le rêve continue. La saison suivante, le MHSC dispute la Ligue des Champions et Laurent dispute un match titulaire à 30 ans (contre l’Olympiakos, défaite 2-1 en 2012) « Tu rêves un jour de jouer la Ligue des Champions, mais quand tu joues à Montpellier, tu ne te dis pas que tu vas la jouer un jour, il ne faut pas se leurrer. Tu réalises tout ça quand tu atteins les points à l’avant-dernière journée. Mais si à l’inter-saison le club se dit « On va mettre les moyens pour exister et recruter des gardiens », toi, tu ne la joueras pas. Parmi les joueurs champions de France en 2012, tous n’ont pas participé à la LDC la saison d’après. Mais les émotions que tu ressens quand tu joues en LDC, c’est la folie. Tu as entendu la musique à la télé et là c’est un rêve de gosse qui se réalise. Tu n’y penses pas tout de suite, je suis quelqu’un qui vit le moment et après je me dis c’est ce qui reste. J’ai gagné un titre, j’ai joué la Ligue des Champions, la Ligue Europa, j’ai joué en Ligue 1, en Ligue 2. Je n’ai pas gagné la coupe de France mais j’ai joué au Stade de France pour la finale de la Coupe de la Ligue. »

« J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin »

Symboliquement, pour ses 20 ans au club (2017), Laurent s’impose dans le rôle de titulaire en Ligue 1 grâce à ses bonnes performances, suite à la blessure de Geoffrey Jourdren (25 titularisations). « Doublure ou titulaire, il n’y a jamais eu aucune différence dans mon travail. Je bossais comme si j’allais jouer. C’est ça qui a fait aussi que, parfois, je ne jouais pas pendant des mois mais sur le terrain je répondais présent. J’ai toujours bossé de « ouf ». »

Lors de sa dernière saison en 2018, il repasse sur le banc et s’occupe parallèlement d’entraîner Dimitry Bertaud (MHSC) qui évolue dans les catégories jeunes. « J’ai bouclé la boucle. En 2015, j’ai passé les diplômes pour être entraineur des gardiens, 3 ans avant la fin de ma carrière. Après, pour être entraîneur des gardiens, il faut avoir l’opportunité et je ne l’ai pas eue. »

Ses missions à l’UNFP

C’est désormais au poste de « chargé de missions juridiques et du football féminin » au sein de l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnels, que Laurent, également secrétaire général et membre du département juridique, s’épanouit dans sa vie professionnelle. « Quand j’ai arrêté, j’ai eu cette opportunité et je l’ai saisie. Il y avait un besoin chez les féminines. J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin parce qu’à Montpellier, Louis Nicollin avait été précurseur, et ça m’a plu de pouvoir aider à développer et régler certaines anomalies, dont certaines ne sont d’ailleurs pas réglées aujourd’hui, mais on est sur la bonne voie. »

« Encore aujourd’hui un lien fort avec Montpellier »

Chouchou des supporters à La Mosson, Laurent conserve toujours des liens avec ceux qui l’ont soutenu au fil des années. « Quand tu passes autant de temps dans un club, quand je pense que je suis le seul joueur à avoir fait toute sa carrière à Montpellier, c’est sûr que j’ai un lien spécial avec les supporters. J’ai toujours fait attention à eux. Par exemple, à Guingamp, on avait perdu mais ces mecs-là, ils ont parcouru la France et je ne pouvais pas rentrer au vestiaire sans les saluer. C’était du respect entre eux et moi. On a eu des discussions houleuses, j’ai toujours dit ce que je pensais mais aussi que j’étais à l’écoute de ce qui se disait, c’est cette sincérité qui fait que, encore aujourd’hui, on a un lien fort. »

Laurent Pionnier du tac au tac

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Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon titre de champion de France 2012 avec Montpellier.

Ton pire souvenir sportif ?
Les descentes avec Montpellier, ça nous touche nous sportivement et ça touche les gens qui travaillent au club. Moi qui suis un peu attaché à ça, c’est un malheur qui touche beaucoup de monde donc ça accentue le tien. Celle qui m’a le plus marqué est la toute dernière (2003-2004).

Combien de clean sheets dans ta carrière ?
Je n’ai pas compté. Quand tu commences, tu comptes les matchs que tu joues mais quand ça commence à faire un peu, après tu ne comptes plus rien. Ça va tellement vite, tu joues tous les 3 jours, t’essayes de faire les comptes à la fin.

Ton plus bel arrêt ?
L’année du titre on a fait un match à Lille, j’ai fait des beaux arrêts sur ce match-là. Je ne sais pas si j’en ai fait des plus beaux à ce match qu’à d’autres mais là, j’en avais fait à la pelle ! T’es invincible sur ce genre de match, t’anticipes toujours du bon côté parce que t’as déjà tout arrêté avant. J’ai pensé à ça parce qu’Eden Hazard a fait son arrêt de carrière à Lille récemment et ce match-là, c’était contre lui. Ils étaient champions de France en titre et je pense qu’il a dû tirer une dizaine de fois au but mais je l’ai dégouté. Même moi, à la fin, j’étais dégouté pour lui (rires). Il y a des matchs comme ça, tu fais même des erreurs de placement mais, bizarrement, ça tombe là où il y a le ballon !

Ton poste préféré sur le terrain (autre que gardien) ?
Avant-centre. Maintenant je suis avant-centre, pas au beach soccer mais au football normal ! Je joue devant, je me suis reconverti.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
J’ai un rapport à ce sport tu ne l’expliques pas. C’est passionnel, depuis tout petit.

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Pourquoi avoir choisi d’être gardien ?
J’y suis arrivé un peu tard. J’ai dû faire gardien à 12 ans. Je suis arrivé là par hasard parce que le gardien de l’équipe était blessé. L’entraîneur, membre de ma famille, m’a dit « Vas-y toi » parce que personne ne veut y aller et je n’en suis plus sorti. Je n’étais pas pré-destiné à ça, je l’ai fait par défi et finalement j’ai kiffé. Toutes mes années avant où j’ai joué dans le champ m’ont servies dans mon jeu au pied.

Ton geste technique préféré ?
La claquette main opposée. Ça n’arrive pas souvent mais quand ça arrive, tu fais lever le stade.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités : jeu au pied, je pense aussi que j’étais bon sur ma ligne. Je n’avais pas un défaut criant mais j’avais peut-être du mal à sortir loin de mon but, il y en a très peu qui vont loin.

La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
La saison du titre (2012). On était beaucoup de joueurs formés au club à hériter de la génération que tout le monde connaît à Montpellier : la génération 90. C’est les mômes qui avaient gagné la Gambardella. Ils sont arrivés quasiment tous à maturité la même année, en 2012. Ils étaient couplés avec des joueurs pas connus à l’époque comme Olivier Giroud, des joueurs plus anciens (Romain Pitau). Moi j’étais un peu entre deux : j’avais 30 ans mais ça commençait un peu à faire. On faisait les conneries tous ensemble. C’était génial à vivre en plus avec mon club à moi.

Le club où tu rêvais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid, avec tout ce que ça comporte, les Socios, l’environnement, l’équipe évidemment… Qui dit Real dit joueurs de rêve, le stade, l’ambiance, la vie de tous les jours là-bas… Quand t’amènes tes enfants, ça doit être la folie.

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Un coéquipier qui t’a marqué ?
Sur le plan du football, forcément Giroud, c’est celui qui a fait la plus grande carrière parmi nous, qui est le plus titré. Humainement je ne peux pas t’en citer un en particulier, mais j’ai veillé à ce que les joueurs aient l’identité du club et il y en a beaucoup qui s’y sont fondus et avec qui je garde d’énormes relations humaines encore aujourd’hui. Il y en a qui sont encore dans le foot, d’autres plus du tout mais j’ai gardé beaucoup de relations avec des joueurs qui sont passés par Montpellier et qui bien souvent habitent Montpellier encore.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
J’ai joué contre Ronaldinho, il me donnait la fièvre lui (rires) ! J’ai joué contre lui quand il était au PSG et je l’ai battu d’ailleurs (2003, PSG – MHSC 1-3). La première fois que j’ai joué contre le PSG de l’époque Ronaldinho, j’avais 19/20 ans mais il se fait expulser le match d’avant. J’ai fêté son expulsion parce que je savais qu’il n’allait pas jouer. Je l’ai rejoué plus tard, c’était le 5 ou 6e match que de ma carrière. Il y avait aussi Jay Jay Okocha, c’était le même que Ronaldinho.

Un coach que t’aimerais revoir ?
J’en revois plein parce qu’il y en a qui sont dans des hautes fonctions dans le football et avec l’UNFP je suis amené à les revoir, Jean-François Domergue qui est à l’UEFA, Jean-Louis Gasset qui habite sur Montpellier, et avec qui j’ai des relations particulières. J’ai des missions à l’UNFP avec des garçons donc je vais voir des matchs et j’en recroise.

Une causerie de coach marquante ?
Quand j’étais en prêt à Libourne, c’était Didier Tholot, un coach extraordinaire tant humainement que sportivement. Je venais d’arriver dans une équipe qui essaye de se sauver. J’arrive dans une causerie, le dernier contre l’avant dernier. Le coach dit « Moi, je ne vais pas vous parler ! Il y a des joueurs expérimentés qui vont arriver donc Laurent va se lever et va faire la causerie. » J’ai dû faire la causerie, c’était en 2008, je n’avais même pas encore 30 ans. J’arrive dans un club, un match avec une énorme pression et le coach me dit que c’est moi qui vais faire la causerie sans m’avoir averti avant. Sur le moment c’est stressant mais c’est un super souvenir !

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Dans l’exécution non mais dans l’utilité oui. Par exemple, quand tu vois les gardiens qui font la sortie en croix je ne comprends toujours pas le ratio efficacité ni l’utilité.

Une anecdote de vestiaire ?
Ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. J’ai vécu des choses magnifiques comme des choses délicates, le vestiaire c’est la vie. De la manière dont tu vis dans le vestiaire en dépendront des résultats.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Olivier Giroud.

Tu étais un joueur plutôt…
…axé sur la mentalité.

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Un modèle de joueur ?
Paolo Maldini, Francesco Totti, mais aussi Loic Perrin à plus petite échelle. Les joueurs fidèles à un club. C’est des vrais soldats.

Une idole de jeunesse ?
Pascal Olmeta, je lui ai dit d’ailleurs (rires) !

Un plat, une boisson ?
Des pâtes et l’eau pétillante, avec l’âge ce n’est pas loin d’être détrôné par la bière (rires).

Tes loisirs en dehors du foot ?
Je joue de la guitare, c’est des moments persos qui me permettent de déconnecter. Sinon la pratique d’un sport quel qu’il soit, c’est un loisir et une nécessité.

Un film culte ?
A star is born.

Le monde du football en deux mots ?
Passionnant mais difficile.

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

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L’entraîneur du club Girondin, rétrogradé début juin en N3, puis exclu des compétitions nationales, revient sur une saison brillante sportivement, qui a masqué de grosses difficultés économiques. Résultat : après avoir rêvé au National, c’est la liquidation judiciaire et la R2 qui menace les Pingouins.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et FC Libourne

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

Avec Simon Adoue, les premiers échanges sur WhatsApp remontent à mi-avril. C’est grâce à Khemissi Khelil, entraîneur adjoint de Julien Faubert à Fréjus/St-Raphaël, en N2, jusqu’au printemps, que le contact est établi (félicitations à « Khem » pour l’obtention de son DES !). A l’époque, le FC Libourne vient de battre Romorantin 2 à 0 et s’apprête à défendre son fauteuil de leader, qu’il partage avec La Roche-sur-Yon, au Paris 13 Atlético. Le rendez-vous est déjà pris pour un entretien, sans savoir que la fin de saison sera minée par les problèmes économiques. Sans savoir que le FC Libourne ne marquera plus qu’un tout petit point lors des quatre dernières journées, pendant que Paris 13, finalement promu en National, en marquera 10 dans le même temps, et que La Roche en marquera 9.

Alors, évidemment, lorsque l’entraîneur, à la tête des Pingouins depuis novembre 2022, nous donne rendez-vous au café, à quelques centaines de mètres du stade Jean-Antoine-Moueix, les débats tournent autour de lui, de son parcours, bien sûr, mais surtout de la situation du club et des derniers mois compliqués que ses joueurs, son staff et lui ont vécus.

« A Libourne, presque tous les dix ans, il se passe quelque chose ». C’est l’air un peu dépité que le jeune coach (43 ans) qui a permis aux Pingouins d’accéder de National 3 en National 2 à l’issue de la saison 2022/2023 puis de jouer les premiers rôles cette saison (3e après avoir été leaders), résume la vie de « son » club. Ce n’est pas exagéré de dire « son » club comme ce n’est pas faire injure à certains noms du football girondins que de l’appeler « Monsieur Libourne », tant il a connu et vécu de choses ici, au stade Jean-Antoine-Moueix, posé à quelques centaines de mètres du centre-ville.

Près de 30 ans de présence au club

L’histoire entre le FC Libourne et Simon Adoue dure depuis une trentaine d’années. Elle commence lorsque le milieu offensif longiligne quitte le club de son village, Puisseguin, pour rejoindre, à l’âge de 14 ans, le grand club voisin. Elle n’est interrompue que pendant trois saisons, lorsque Libourne / Saint-Seurin (Libourne et Saint-Seurin ont fusionné en 1998 avant de se séparer en 2009) accède en Ligue 2 en 2006 avant de retomber – administrativement – de National en CFA en 2009. Une période durant laquelle Simon, vexé et touché de ne pas faire partie de cette aventure professionnelle, se coupe volontairement du club.

Photo FC Libourne

Désabusé également, Simon Adoue, revenu « chez lui » il y a 15 ans, et qui vient de passer son DES, histoire de se mettre en conformité et de pouvoir entraîner « légalement » jusqu’en N2, vit, à l’instar de tout un club, une situation très compliquée.
Mercredi dernier, lors de l’assemblée générale du club, les paroles se sont déliées. Et les chiffres sont tombés. Implacables. L’on parle d’un déficit de 450 000 euros. D’une probable mise en liquidation judiciaire et de la démission, dans la foulée, du président / homme d’affaires Mondheur Mahdi, arrivé à la tête du club en juillet 2022. L’entrepreneur, qui avait réussi dans la secteur de la boucherie, devait déclarer le club en cessation de paiement auprès du tribunal de grande instance de Libourne (les salaires ne sont plus versés depuis mars). Une situation intenable qui devrait conduire à une chute en Régional 2, au niveau de la réserve, pour les seniors A, alors que la DNCG a déjà tranché dans le vif début juin en rétrogradant administrativement le club en National 3. Bref, un grand nom du football girondin, et un club « historique », comme aime à le rappeler celui que l’on surnomme « Sym » (« Seim ») ou « Sim », va disparaître de la scène nationale…

Le club fondé en 1935 par Georges Kany, exclu ce mardi 25 juin par la DNCG des compétitions nationales, va donc laisser sa place à une nouvelle entité. C’est la fin d’une histoire de près de 90 ans. Triste.

Interview : « Je suis là pour servir le club »

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Simon, peux-tu retracer ton parcours en ballon ?
Je suis arrivé au club, le FC Libourne, en jeunes, à l’âge de 14 ans, pour jouer en U15 Nationaux; auparavant, j’avais joué dans les clubs de campagne, à Saint-Denis-de-Pile et à Puisseguin, dans mon village. Ici, derrière les Girondins de Bordeaux, qui est le club phare de la région, il y avait Libourne, où j’avais passé des tests qui s’étaient avérés concluants : c’est comme ça que j’ai pu intégrer les U15 Nationaux puis les U17 Nationaux. J’étais milieu offensif. Au début, cela a été un peu compliqué car j’ai eu un retard de croissance. Le club m’avait pris pour ma technique, mais pas pour mon physique ! J’ai galéré pendant 2 ou 3 ans et une fois que j’ai grandi, j’ai très vite joué en seniors, en équipe réserve tout d’abord, en DH, à l’âge de 17/18 ans, et dès ma deuxième année de seniors, Jean Marc Furlan, qui venait de faire monter l’équipe Une de CFA2 en CFA (saison 1998-1999), me prend dans le groupe. Je fais la « prépa », je fais des apparitions la première saison et je joue plus régulièrement dès la seconde année de CFA. Ensuite, il y a les épopées en coupe de France, auxquelles je participe, comme ce 1/4 de finale contre Bastia au stade Chaban-Delmas, à Bordeaux (en 2002), ou encore ce 8e de finale contre Rennes en 2003 (après avoir éliminé le champion de France en titre, Lyon, 1 à 0, en 32e de finale !), avant l’apothéose, l’accession en National, en 2003. Paradoxalement, après avoir fait une vingtaine de matchs en CFA l’année de la montée, je joue encore plus souvent la saison suivante en National, malheureusement, en fin d’exercice, Jean-Marc Furlan s’en va à Troyes et quand on change d’entraîneur, avec André Menaut tout d’abord, avec Didier Tholot ensuite, je joue moins. Le club accède en Ligue 2 en 2006 mais je ne suis pas conservé, je ne décroche pas de contrat professionnel.

Un coup dur, pour toi ?
Oui. Et comme je ne suis pas un grand voyageur, que je suis attaché à ma ville et à ma région, j’essaie de trouver un club pas trop loin. J’avais failli signer à Bayonne, qui descendait de National en CFA avec Alain Pochat (avant de remonter deux ans plus tard) mais finalement je suis allé au FC Bassin d’Arcachon pendant 2 ans, en CFA2, puis à Angoulême pendant un an, en CFA2 toujours. Ce fut aussi un moyen d’aller voir un peu ce qui se passait ailleurs.

Tu n’as donc pas connu les périodes « Ligue 2 » de Libourne / Saint-Seurin…
Non. Quand je suis revenu à Libourne en 2009, trois ans plus tard, le club venait de descendre deux fois, de Ligue 2 à CFA. J’ai donc raté les deux saisons en Ligue 2 et la saison de National derrière.

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Tu allais voir des matchs de Ligue 2 tout de même au stade Moueix ?
Non, je n’allais pas au stade. J’étais vexé, déçu, frustré. J’avais effectué ma formation au club, j’avais participé à cette accession, donc c’est vrai que j’avais un peu « les boules ». Je me suis un peu coupé du club, volontairement, même si j’avais gardé mes amis. Je suivais juste les résultats. Je ne dis pas que j’avais le niveau de la Ligue 2 mais avec mon passé, et par rapport à mon histoire avec le club, j’aurais pu avoir plus de reconnaissance. C’était juste un choix sportif. C’est le haut niveau, c’est comme ça. J’aurais pu rester et jouer en réserve, en CFA2, mais j’ai préféré jouer dans une équipe première, en CFA2.

Comment ça s’est passé à ton retour en 2009 ?
Quand je reviens, j’ai 28 ans, le club est tombé en CFA, et j’enchaîne les matchs, et à la fin de mon contrat fédéral, le club me propose un CDI en tant qu’éducateur. C’est là que je commence à passer mes diplômes. J’ai joué jusqu’à l’âge de 37 ans en DH puis en National 3 (2017-2018). Quand j’ai décidé d’arrêter à ce moment-là, je me suis consacré au coaching. Je me suis occupé de l’administratif, de la gestion des éducateurs, de l’entraînement des U14, puis des U15. Ensuite j’ai intégré le staff de l’équipe fanion de Franck Vallade pendant 3 saisons comme adjoint, jusqu’à l’arrivée du nouveau président (Mondheur Mahdi) en 2022.

C’est là que tout s’accélère…
En fait, au bout de six matchs de la saison 2022-2023 (2 victoires, 3 nuls et 1 défaite), en National 3, le président écarte Franck (Vallade) et me met à sa place, sauf que je n’ai pas le diplôme. Du coup, le président trouve un arrangement avec Franck qui reste au club et fait prête-nom. Et nous, en National 3, on fait un parcours incroyable (18 matchs sans défaite, 15 victoires et 3 nuls), on fait une série de clean sheet (11 d’affilée !) et, malgré une fin de saison plus dure (deux défaites pour conclure), on monte en National 2 haut la main ! C’est ce qui me donne la possibilité de passer le DES (diplôme d’Etat supérieur, qu’il vient d’obtenir), je fais les sélections, je suis pris et j’obtiens une dérogation pour entraîneur en National 2 puisque je suis en formation.

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

D’où vient ce goût d’entraîner ?
En fait, je ne suis pas programmé pour ça au départ. Je suis là pour servir le club, afin qu’il bénéficie de mon expérience dans la formation et aussi de mon expérience de joueur. Mais c’est vrai que, quand j’étais éducateur chez les jeunes, ce qui me manquait, c’était l’adrénaline de la compétition de « haut niveau », que je retrouvais moins, même s’il y avait autre chose, comme le fait d’inculquer, de transmettre aux jeunes. Donc j’ai dit « Oui » direct quand on m’a proposé de revenir dans un staff seniors, parce que ça me manquait. Et quand Franck (Vallade) est sorti par le président, je propose même des noms de coachs, parce qu’au départ, je ne pense pas qu’il va me laisser aux commandes de l’équipe. Mais comme, très vite, on enchaîne les victoires… Moi, je pensais juste faire un intérim. Donc, maintenant que l’on gagnait, le président n’a pas pris le risque de prendre un autre coach et de casser la dynamique. Et on est allé au bout ! De mon côté, je me suis pris au jeu aussi, il faut le dire, j’ai une certaine relation avec mes joueurs, dont je suis proche : d’ailleurs, le développement humain est quelque chose d’important pour moi. Je mets vraiment en avant le côté « aventure humaine » et ça a pris rapidement. La dynamique était superbe. Sincèrement, entraîner en National 2 comme cette saison, je n’y pensais pas une seule seconde il y a encore 3 ans de ça ! Mais voilà, c’était peut-être mon destin.

Quelque part, tu es un peu « Monsieur FC Libourne », non ?
On peut dire ça comme ça, oui (rires !) Je suis né ici, à Libourne, j’ai tout vécu ici, même s’il y a aussi Ahmed Berkouch, un ami proche, toujours au club, et aussi quelques anciens joueurs pas loin, comme Régis Castant et « Jeff » Douence : tous deux n’ont plus de fonction au club et bossent aujourd’hui à la mairie.

Tu as gardé des contacts avec d’autres anciens ?
J’ai eu la chance de jouer avec quelques très bons joueurs comme Mathieu Chalmé : j’avais d’ailleurs pensé à lui pour remplacer Franck (Vallade), et avec certains, on se croise de temps en temps. Avec Jean-Marc Furlan, j’étais très lié; au début, j’avais des contacts réguliers avec lui et puis, avec le temps, de moins en moins, mais je sais que si je lui envoie un message demain on va se parler. Mais c’est normal, c’est la vie, chacun fait son chemin.

« Mon équipe était programmée pour monter »

Repro 13HF

Revenons à cette saison de National 2. Le FC Libourne a longtemps fait la course en tête et était encore leader à quatre journées de la fin avant d’exploser : penses-tu que les problèmes économiques sont une des explications à cette fin de saison ?
C’est vrai, on est dans le coup à 4 journées de la fin, et je suis persuadé, connaissant mon équipe, et aussi compte tenu de l’avis d’autres techniciens, certains même de la poule, que mon équipe était programmée pour monter. Je le dis sans prétention. Elle était conçue pour le niveau National 2 et même pour le niveau au-dessus. C’était une équipe puissante, athlétique, et aussi bonne en transition, qui pouvait allier plusieurs systèmes de jeu. On était assez complet. En fait, on s’aperçoit que, quand on perd des points, c’est dans des périodes où mes joueurs ne sont plus payés. Parce qu’il faut savoir que, depuis mars, plus personne n’est payé. Je me souviens que l’on doit jouer un un match important pour la montée au Paris 13 Atlético, qui est encore derrière nous, à 4 journées de la fin, et on part le matin-même du match, à 5 heures du matin, pour jouer à 15 heures ! Au bout d’un quart-d’heure, tu es mené au score, et en plus de ça, mes joueurs ne sont plus payés… J’ai des pères de famille… Pour jouer une montée, il faut mettre les joueurs dans de bonnes conditions. Or là… Alors à un moment donné, tu ne peux plus lutter contre Paris 13 ou La Roche-sur-Yon, même si on fait encore le nul à La Roche, début avril; en fait, ça s’est joué sur les détails. Je pense que si on n’est pas monté, c’est à 70 ou 80 % à cause des problèmes économiques du club.

En début de saison, après un succès à Angoulême. Photo FC Libourne

Comment fait-on, dans ces cas-là, pour « tenir » ?
Les joueurs n’ont pas été payés depuis mars, moi non plus. Mais moi, même si je le vis mal, bien sûr, j’ai quand même un peu plus de bouteille, je suis plus âgé, mais avec mes joueurs, je ne voulais pas me servir de cela comme d’un relais, ni rentrer dans ce truc-là. Parce que cela les aurait mis encore plus fond. Je leur disais que si on montait en National, cela pourrait les aider, les sauver, que cela pourrait peut-être déboucher sur une autre chose. J’étais obligé de jouer sur ces leviers-là, sauf que ces leviers-là, ça fonctionne une ou deux semaines, pas un ou deux mois… Parce que, à un moment donné, le joueur, il va te dire « Oh Simon, t’es gentil, mais bon… », et comme ce n’est pas moi qui les paie. Voilà pourquoi, à la fin, on n’avait plus de ressources.

Ces difficultés financières, tu les as senti arriver ?
Oui. On a eu quelques piqûres auparavant. Quand tu te retrouves très tôt, en août ou en septembre, à avoir des retards de paiement, OK, tu te dis « ça peut arriver », mais bon… Le président disait que c’était des petits retards, on ne sait pas trop dans ces cas-là, que c’était peut-être dû à des subventions qui allaient tomber ou du sponsoring, je n’en sais rien. Bref. Mais à un moment donné, quant tu es payé le 20 du mois au lieu du 5… On s’en doutait mais on a toujours eu un espoir. L’espoir que le club attire des gens, des nouveaux partenaires, mais voilà, depuis mars, personne n’est payé. Alors pour jouer une montée, c’est compliqué. Je ne pensais pas que la situation allait en arriver là, c’est une catastrophe pour le club, pour la ville, pour l’image.

« Je veux prendre la bonne décision »

Photo FC Libourne

Sur le plan personnel, que vas-tu faire ?
Là, le club est menacé de repartir en Régional 2. On retournerait 10 ans en arrière. De toute façon, tous les dix ans, ils se passent un truc comme ça ici ! C’est compliqué pour moi aussi, même si le fait d’avoir effectué un bon parcours avec Libourne depuis 2 ans a suscité de l’intérêt, c’est vrai. On a quand même près de 60 % de victoires en deux ans ! J’ai eu des contacts avec des clubs, maintenant, je me demande juste si je suis capable de quitter la région pour ne faire que ça, s’il y a un projet qui me permettra de franchir ce cap-là, ou alors, est-ce que j’aide le club à repartir ? Après, tout dépend du contexte, du niveau… Quant tu as goûté au National 2, repartir au niveau régional, sans budget, c’est compliqué. Et puis j’ai une petite fille de 4 ans… S’il y a un projet qui m’emballe, peut-être que je l’accepterai. Pour l’instant, j’en ai eu un ou deux, mais je les ai refusés. Il y avait une question de temps aussi, il fallait donner une réponse rapidement. Moi, j’attends de voir avec le club, avec la mairie, je suis dans le doute, je veux prendre la bonne décision. Après, est-ce que je me lance dans ce métier-là, ce qui implique du coup de bouger souvent ? Est-ce que je suis prêt à ça ? Comme je le disais tout à l’heure, je ne suis pas programmé au départ pour être entraîneur. Le club est placé en liquidation judiciaire, donc il y a aussi l’aspect financier, avec pas mal d’argent dehors, qu’il faut récupérer. Pour l’instant, je ne veux pas me précipiter.
Et puis, quand tu ne dépends que d’une seule personne, c’est dur, surtout quand cette personne ne va pas bien (financièrement). Si tu n’es pas costaud, c’est compliqué. On avait 18 joueurs sous contrat fédéral, c’est beaucoup, il fallait quand même les assumer. Hormis deux ou trois jeunes et deux ou trois autres joueurs qui voulaient continuer à bosser à côté, tout le monde ne faisait que du foot.

Es-tu toujours en contact avec Mondheur Mahdi ?
Non. On l’a vu mercredi soir lors de l’assemblée générale, sinon, depuis un mois, on n’a plus trop de contact. Même moi.

La tribune du stade Jean-Antoine-Moueix. Photo FC Libourne

Le club de Libourne n’intéresse personne ?
C’est compliqué pour les chefs d’entreprise parce que déjà, il faut combler un trou : jeudi, à l’AG, on a annoncé un déficit de 450 000 euros. Si quelqu’un met 450 000, cet argent-là, il est perdu. Et après ça, il faut encore bâtir un budget. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ça. Pourtant, Libourne est un club historique, c’est ça qui est navrant. On a souvent été le club phare derrière les Girondins de Bordeaux. Maintenant il y a Pau en Ligue 2, avant c’était nous. Je croyais à cette montée en National qui aurait pu permettre au club de prendre de l’ampleur. Le but était de redevenir ce club phare derrière les Girondins. Je croyais à ça. C’est catastrophique aussi pour nos jeunes. Il va falloir leur faire comprendre que cela va mettre du temps avant de redevenir un club de niveau national. Nos équipes de jeunes sont au niveau régional. On voulait redevenir un club formateur avec des 17 et 19 ans Nationaux, accentuer le travail de formation, afin d’avoir des joueurs dans nos équipes seniors. Tout est remis en cause.

Le public était lui aussi revenu un peu plus nombreux cette saison…
Oui, on tournait entre 500 et 1000 spectateurs, avec quelques belles affluences. On voyait qu’il y avait un certain engouement. Les gens s’identifiaient à l’équipe.

Après coup, tu penses que Paris 13, qui est montée en National, était la meilleure équipe ?
On avait une équipe complète. Paris 13 a des supers attaquants, nous, on avait de très bons jeunes comme Elydjah Mendy ou Abdulakeem Agoro, qui vont signer plus haut (Agoro a signé à Versailles en National). Je pense qu’on était armé pour aller en National. Mais par rapport à nos concurrents directs, on n’avait pas de paie, pas de prime, pas d’hôtel, nos déplacements étaient compliqués. En fait, on ne boxait pas dans la même catégorie.

Simon Adoue, du tac au tac

Photo FC Libourne

Meilleur souvenir de joueur ?
C’est à la fois mon meilleur et mon pire souvenir ! C’est le 1/4 de finale de la coupe de France contre Bastia (0-1 après prolongation), parce que je loupe une action, une face à face avec le gardien Boumnijel, à la 120e… Il la sort et derrière l’arbitre siffle… Si je marque, on va aux pénos… J’ai eu du mal à m’en remettre et je n’ai jamais voulu revoir les images. On avait dominé. Mais ça reste un grand souvenir, à Chaban-Delmas.

Un joueur marquant ?
Il y a en a plusieurs, Mathieu Chalmé, Mathieu Valbuena, Régis Castant, un surdoué, Kamel Chafni, un ami d’enfance, avec lequel j’ai évolué en jeunes.

Un coach ?
Jean-Marc Furlan. Pour son charisme, sa vision du foot, ses causeries. Il a toujours gardé le même projet de jeu par la suite.

Un joueur perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’aimerais bien reparler avec Mathieu (Valbuena), pourquoi pas, pour qu’il me parle de sa carrière. Quand on a joué ensemble en National, il arrivait de Langon-Castets en CFA2.

Un coach que tu n’as pas envie de revoir ?
J’ai revu Didier Tholot, qui est un ami de Franck Vallade, avec plaisir, alors que quand je l’ai eu comme coach, ça ne s’était pas très bien passé sportivement, mais il faut faire la part des choses, j’avais une bonne relation avec lui.

Un modèle d’entraîneur ?
Je ne suis pas du genre à avoir un entraîneur qui me fascine, et aller jusqu’à vouloir faire la même chose, parce que ça, c’est impossible. On voit plein d’entraîneurs qui veulent faire du Guardiola, mais il faut s’arrêter de s’inviter une vie, Guardiola, c’est un coach exceptionnel qui a des joueurs exceptionnels, tu ne peux pas faire du copier- coller, il faut s’adapter à ses joueurs.

Un dicton ?
Tu as tapé dans le mille, parce que je donne une citation à chaque match, j’essaie toujours, par rapport à un contexte, d’en trouver une qui convient !

Quel type de joueur étais-tu ?
J’étais ailier droit, assez rapide, avec une capacité à éliminer, à centrer, un peu à l’ancienne, genre Christophe Cocard (AJ Auxerre). Je ne marquais pas énormément, je n’étais pas buteur dans l’âme, mais plutôt un ailier virevoltant !

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Quel type de coach es-tu ?
Je ne suis pas un dictateur. J’aime juste que les joueurs abondent dans mon sens par rapport au projet de jeu mis en place et qu’ils s’y retrouvent ; j’aime m’adapter à mes joueurs. Je me nourris de ce que j’ai vécu, j’ai eu des coachs comme Jean-Marc Furlan, Didier Tholot, Thierry Oleksiak, je prends un peu de tout le monde. J’aime bien être costaud défensivement, que mon équipe soit solide. Cette année on changeait souvent de système en fonction de l’adversaire, c’était une force.

En deux ou trois mots, tu es un entraîneur plutôt…
Bienveillant, à l’écoute, organisé (rires), structuré. Je ne change pas d’avis du jour au lendemain. Je suis calme. Rassurant. Stable. Je vis le match comme si j’étais encore un peu joueur dans ma tête.

Le club de Libourne ?
Un club historique qui a connu le monde pro à plusieurs reprises, qui tient une place forte dans la région, mais ici, ça a toujours été un peu dur d’instaurer un esprit familial, parce que c’est un club d’élite au départ. En termes de football, il a toujours eu une bonne image.

As-tu un lien particulier avec les Girondins de Bordeaux ?
Oui, ça m’arrive d’aller voir des matchs à Bordeaux, mais quelque part, et c’est un regret, il n’y a pas cette passerelle entre Libourne et Les Girondins. Cela aurait pu aider cette saison par exemple. Or il n’y a jamais eu de lien assez fort, alors qu’il n’y a que 30 kilomètres d’écart. En Ligue 2, la passerelle, c’était avec l’OM… Cela vient des relations humaines. Un président de Libourne aurait dû dire, à un moment donné, il faut la faire. Mais là, même si je ne suis pas à l’intérieur, Bordeaux se coupe du foot régional, alors que, tôt ou tard, il aura besoin de la région pour former des joueurs, parce que j’en vois beaucoup qui partent à Nantes ou Toulouse. C’est dommage. Il y a un manque. Le président de Bordeaux, à l’heure actuelle, n’est pas de la région, c’est une histoire de relations. A l’époque de (Jean-Louis) Triaud, cela aurait pu se faire.

Le milieu du foot ?
Il m’a tout donné. On ne peut pas cracher dans la soupe. Il faut juste faire attention à son entourage, parce que, parfois, tu rentres dans un monde de requins, comme cette saison, durant laquelle on a vécu des choses qui ne ressemblent pas à l’éducation que j’ai eue, au football que j’aime. Mais ce sport reste incroyable.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Entretien à coeur ouvert avec l’ex-coach d’Evian-Thonon-Gaillard, Toulouse, Caen, Saint-Etienne et Dijon. Le Haut-Savoyard (61 ans), qui partage sa vie entre le Var et son pays natal, retrace son parcours et évoque sa santé, ses parents, ses expériences et clame son envie intacte d’entraîner.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et DFCO/Vincent Poyer

Photo 13heuresfoot

Pascal Dupraz nous a donné rendez-vous au Cadiero. Une brasserie dans la rue principale de La Cadière-d’Azur, près du Castellet, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Toulon. C’est là qu’il a ses habitudes. « Lolo, met nous un café s’il te plaît et un Perrier rondelle sans glaçon ». Visiblement, il est un habitué des lieux ! « On va se tutoyer, hein ?! » a-t-il déjà imposé, quelques jours plus tôt, au téléphone.

Quand il n’est pas en Haute-Savoie, dans son département natal, c’est là, dans le Var, qu’il passe son temps avec Mireille, sa deuxième épouse. Dans ce Havre de paix aux allures de village provençal, Dupraz est chez lui. Il connaît tout le monde. Et tout le monde le connaît, prend de ses nouvelles, s’enquiert de sa santé. « Alors ces hanches, pascal ? » demande un passant.

On aurait dû commencer par là. Par demander des nouvelles de son coeur. Ce que l’on fera un peu plus tard au fil d’un entretien passionné et passionnant, d’une richesse incroyable, de plus d’une heure. « J’ai le temps, je n’ai pas grand chose à faire, juste quelques courses après » réplique-t-il quand la conversation se poursuit pendant plus d’une heure ensuite, en « off » cette fois ! Pascal Dupraz aurait-il des choses à cacher ? Pas du tout ! C’est juste que toutes les questions avaient été posées et surtout préparées : on ne se présente pas devant un tel personnage comme on va acheter un croissant et un pain au chocolat, quand bien même ceux-ci viendraient de la boulangerie d’à côté ! « Ici, le pain au feu de bois, à l’ancienne, est magnifique ! À La Cadière, les gens sont tellement accueillants… Mon coeur balance entre ma Haute-Savoie natale et le Var, avec des atavismes différents. Il y a aussi le terroir : les vignes de Bandol sont sur La Cadière. Et puis je peux venir avec mes baskets pas lacées, on ne va pas me blâmer pour ça ! »

« Mes parents, je leur dois tout »

Photo DFCO/Vincent Poyer

On n’interroge pas l’ancien coach de Dijon comme on interroge le coach d’Annemasse, sa ville natale, ou de Rumilly ! Ah bon, vous ne vous souveniez pas que Pascal Dupraz avait entraîné Dijon en fin de saison 2022-23, en Ligue 2 ? C’est bizarre, nous non plus… Et pourtant, en Côte d’Or, rappelé au chevet d’une équipe lanterne rouge de son championnat à 9 journées de la fin et surtout à 7 points du maintien, il a failli réussir son pari insensé, alignant 4 victoires et 4 nuls lors de ses 8 premiers matchs, avant d’échouer sur le terrain du Havre à la dernière journée, face à un adversaire qui jouait la montée en Ligue 1 !

Si Dijon ne vient pas immédiatement à l’esprit quand on déroule son CV, c’est évidemment parce que cet ancien attaquant (Sochaux, Thonon, Brest, Mulhouse, Toulon, Gueugnon en D1 et en D2) s’est fait connaître quand le FC Gaillard, devenu ensuite Croix-de-Savoie puis Evian-Thonon-Gaillard, est passé du niveau régional à la Ligue 1 sous sa coupe ! L’instigateur du projet, de ce club clanique, régionaliste, identitaire, c’était lui.

Et puis, tout le monde garde en mémoire son exploit avec Toulouse et cette fameuse causerie d’avant-match, qui a tourné en boucle, quand il a sauvé le club de la relégation (en 2016). Il s’est aussi assis sur les bancs de Caen et de Saint-Etienne en Ligue 2. Avant de s’asseoir face à nous, sur cette « cadiero » donc (« cadiero » veut dire « chaise » en provençal). Et on l’a écouté dérouler le fil de sa vie et de sa carrière. On l’a vu parfois se livrer et souvent convoquer le souvenir de ses parents. « Je leur dois tout ».

Interview : « Je suis un chanceux »

Pascal, pourquoi vivre à La Cadière ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Ma deuxième épouse, « Mimi », est avignonnaise, mais elle a passé son enfance à Toulon et sa vie professionnelle est à Sanary. Donc on s’est dit qu’il fallait acheter quelque chose par-ici. Au départ, La Cadière-d’Azur était juste un pied à terre. Ici tout le monde me connaît. Il y 1 500 habitants en coeur de village, et 4 500 en tout, on ne dirait pas ! Cela fait presque 10 ans qu’on est là, dans une vieille bergerie, de l’autre côté de l’autoroute.

Tu retournes souvent en Haute-Savoie ?

Oui, à Saint-Cergues Les Voirons, avec le Mont-Blanc derrière toi, le lac Léman en perspective, là-bas, c’est mon pays, mon village, ma jeunesse, je me revois ramasser les framboises que mon grand-père cultivait. J’ai des frissons rien qu’en en parlant. Je suis un chanceux. Je remercie Dieu chaque matin pour ça, et aussi pour être en vie. Malgré le fait que je fais un boulot qui a des effets pernicieux, j’ai toujours gardé les pieds sur terre, j’ai fait si peu par rapport à d’autre.

« Ce que veulent entendre les gens, c’est la vérité »

Revenons en arrière : tu as bossé à l’ONU, à Genève, quand tu es arrivé au FC Gaillard : qu’est-ce que cela t’a apporté ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

J’ai bossé au haut-commissariat pour les réfugiés à Genève, à l’ONU. Quand j’ai commencé, en 1991, je changeais les néons qui clignotaient et les cuvettes des « chiottes » dans un bâtiment où il y a avait 1200 personnes. Je ne savais pas ce que c’était que l’ONU… Or c’est un univers incroyable, où des gens servent la cause des populations en difficulté; ça m’a touché. On m’a mis là parce que je ne savais rien faire, je ne savais pas bricoler. J’étais nul. Je n’arrivais même pas à replier mon escabeau. J’avais arrêté après le bac. La chance que j’ai eue, c’est que l’on pouvait se former, donc j’ai essayé de m’élever comme ça, parce que très vite, j’avais été pris par le foot. Je n’avais pas continué mes études parce que je commençais à toucher un peu d’argent, au grand dam de ma mère, qui ne comprenait pas que son fils de 18 ans arrête. Je n’avais qu’une seule ambition : faire plaisir à mes parents, notamment à ma maman, très érudite, qui voulait, je ne sais pas pourquoi, que je sois pilote de chasse. Mais j’ai fait footballeur, et ça l’a emmerdé ! Plus tard, elle a été contente, elle a été ma supportrice numéro 1. Quand je suis parti à 14 ans et demi au centre de formation du FC Sochaux, elle m’a dit « Je perds mon fils », et ça… C’est une blessure. Pour mon papa, c’était plus compréhensible, il avait été footballeur. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté ma carrière de footballeur à 30 ans, quand j’étais à Gueugnon : j’aurais pu prolonger, ou aller à Bastia, mais j’ai dit non. Il fallait que je rentre à la maison.

C’était l’appel de la famille ?

Mon père avait une entreprise qui marchait bien. Dans mon esprit, j’allais prendre sa succession. Il faut savoir que mes parents avaient 19 ans et 20 ans de différence avec moi : je les considérais aussi comme des frères et soeurs. Un jour, vers l’âge de 27 ans, à la fin d’une saison sportive, j’ai revu ma maman, elle en avait 47, et pour la première fois de ma vie, j’ai pris conscience qu’elle avait vieilli, et je me suis dit, « Il va falloir que je rentre ». Parfois, chez moi, la spontanéité prend le pas sur la réflexion.

Tu répètes souvent que tu n’as pas fait d’études, pourtant, tu es érudit…

Quand tu as une maman qui te dit, « va chercher le dictionnaire, regarde comment ça c’est écrit, regarde les différent sens des mots… lis aussi les pages… prend un bouquin, soit intéressé, éveille toi »… Aux Nations Unis, c’était important pour moi de savoir ce que je faisais. Au foot, c’est pareil : plus tu te rapproches de l’expertise, moins tu t’endors et plus tu es légitime. Je sais que beaucoup pensent que je n’ai pas d’expertise au foot, mais ce sont des gens jaloux qui disent ça : c’est juste que j’ai pris le partie de ne pas en parler, parce que je pense que le commun des mortels, ce qu’il a envie de savoir, c’est la vérité, pas une soupe qu’on lui sert pour édulcorer une mauvaise performance. Quand je dis « Mon équipe n’est pas descendue du bus », c’est de ma responsabilité, parce que c’était à moi de les faire descendre du bus. Mais si je commence à dire « Nous étions bien en place ou le 3-5-2 n’a pas bien fonctionné »… Ils s’en foutent les gens de ça, à part quelques journalistes-polémistes-éditorialistes. Ce que les gens veulent, c’est la vérité. Souvent, je suis reconnu pour être l’entraîneur du peuple, et ça, ça me plaît. Et si je suis érudit, c’est grâce à ma maman. Merci maman !

Photo DFCO/Vincent Poyer

Ce métier d’entraîneur, cette passion de manager, ça vient d’où ?
J’ai passé le BE1, sur les conseils de ma mère, et aussi un diplôme d’analyste-programmeur. Je n’avais pas envie d’être entraîneur. J’ai passé mon premier degré avant la fin de ma carrière de joueur. En fait, c’est mon père qui m’éveille. L’entraîneur du FC Gaillard de l’époque, Jacky Veggia, qui a été un des coéquipiers de mon papa au foot, veut que je joue dans son équipe. Mon père a percuté, parce que lui, il savait ce que c’était que l’ONU à Genève, où le chef de l’administration était aussi le vice-président du FC Gaillard. Voilà comme tout est parti ! Les dirigeant du club m’ont dit, « Tu joues pour nous et on te fait rentrer aux Nations Unis », alors que je ne savais pas ce que c’était. Je savais juste le salaire. Un magnifique salaire. Je suis rentré dans une organisation internationale le 1er septembre 1991, et là, ils m’ont dit, « Ton épouse rentrera dans un an », et ils ont respecté leur parole. J’ai joué tout d’abord, en PH, mais je m’emmerdais un peu, et puis quand « Jacky » a décidé d’arrêter, ils m’ont demandé d’entraîner. J’ai dit « OK » mais on ne va pas s’entraîner qu’une seule fois par semaine, on va essayer de faire un « vrai » club. Dès l’instant où j’ai pris l’entraînement du FCG, j’ai pondu un projet sportif, qui a été celui que j’ai véhiculé jusqu’à la fin de l’ETG (Evian-Thonon-Gaillard). J’ai fait 20 ans aux Nations Unis, dont 3 ans en disponibilité.

« Mes parents ont été mes premiers managers, mes inspirateurs »

On peut donc dire que c’est ton papa qui est au départ de tout…

Tu connais le décolletage ? C’est un secteur de l’industrie et dans 40 km2 autour de ma région, il y avait 80 % de la production mondiale de la micro-mécanique dans ce domaine. C’est un atavisme chez nous. Mon père vendait des métaux pour les décolleteurs. Il avait cette boîte florissante et un jour, il m’a dit « Si tu viens avec moi, il va falloir que tu bosses, il n’y aura pas de foot, pas de week-end, rien. Par contre, il m’a dit, « à l’ONU, c’est très bien… Tu pourras élever tes enfants, tu auras tes week-ends, tu pourras faire du sport, c’est toi qui voit ». Mes parents… Parfois je donne des conférences sur le management, et j’explique que si j’aime manager, c’est parce que mes parents ont été mes premiers managers, ils m’ont donné ce goût, à ma soeur et à moi. Ils m’ont fait comprendre qu’en travaillant, on pouvait accéder à des rêves plus grands que soi, parce que l’ETG, c’est plus grand que moi, même si j’ai dit à l’époque que je voulais être l’instigateur d’un nouveau club professionnel en Haute-Savoie, puisque Thonon et Annecy l’avaient déjà été dans les années 80. Mais jamais un seul instant je n’imaginais que l’on pourrait aller jusqu’en Ligue 1 avec l’ETG. Je pensais juste que l’on pourrait faire National puis Ligue 2, ce qui était déjà énorme. On ne construit jamais rien sans les autres. Moi je suis l’initiateur, je le revendique, et ça, personne ne peut me l’enlever. Personne n’y avait pensé avant moi. Beaucoup ont emboîté le pas. Moi, je me dis : « On a un million de Savoyards sur les deux départements (Savoie et Haute-Savoie), on a une grosse densité de population, sans compte la Suisse voisine, on peut susciter des vocations, ce n’est antagoniste avec le ski ».

Tes parents, tu penses à eux chaque jour ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Je crois beaucoup aux signes. Je pense que je communique souvent avec mes parents, qui me guident encore, même si j’essaie d’être la meilleure copie possible d’eux, mais je ne serai qu’une version. Ils étaient trop formidables. Je ne leur arrive pas à la cheville mais ils peuvent compter sur moi pour véhiculer les valeurs qu’ils m’ont inculquées. Je pense à eux tous les jours. Je n’ai pas besoin d’aller au cimetière. Quand j’ai perdu ma mère, elle avait 59 ans et j’ai dit à mon père la chose suivante : « Je pense que quand tu vas mourir je ne vais pas souffrir autant… C’est dur de dire ça à son père, et je ne sais pas pourquoi je lui ai dit ça… Je l’ai regretté. Quand mon père est décédé, j’ai eu la même souffrance, pire même… Parce que je me suis senti orphelin. Mais mon père ne m’en a pas voulu d’avoir dit ça. Il n’avait pas la capacité d’en vouloir à ses enfants. Mes parents étaient formidables. Ma mère, waouh… On n’avait pas de rond, hein, je les ai vus commencer le travail, ils n’avaient pas une thune. Je suis dans l’appartement que mes parents louent. Ma mère dit à mon père « Comment on va faire pour payer le loyer ce mois-ci », elle ne sait pas que je l’entends… On est en 1969 ou 1970… Et ils se sont défoncés. Les réunions de famille avec eux, pour prendre les grandes décisions, on était quatre, avec ma soeur, qui a 11 mois de plus que moi. Ce modèle, je l’ai reproduit ensuite avec mes enfants, mes deux épouses, mon père quand il était encore en vie. Comme lorsque que j’étais bien dans ce rôle de directeur sportif à l’ETG, et que l’on s’est demandé s’il fallait que j’entraîne… Le PDG du groupe Danone, Franck Riboud, m’appelle, (Pablo) Correa vient de perdre plusieurs matchs d’affilée, et il me demande de reprendre l’équipe. Derrière, c’est réunion de famille. J’ai vu mon père, quand il avait 52 ou 53 ans, redresser des boîtes en difficulté, parce que c’était sa mission : tu vois, c’est drôle la corrélation. Réunion de famille une fois avec lui, un soir : il nous demande, à ma soeur et à moi, d’être là. Il dit : « J’en ai marre d’avoir un seul patron au-dessus de moi, je veux monter ma boîte, c’est 10 millions de francs ». Ma mère se demande où on va les trouver. Il dit qu’il a trouvé l’argent, qu’on va les emprunter. Ma mère lui dit « fonce », « Suis tes inspirations » ! Et il dit « banco », « on y va ». Voilà. J’essaie de faire pareil avec mes gamins, mais c’est difficile, parce que les générations ont changé. Mes inspirateurs, ce sont mes parents. Donc je pense chaque jour à eux.

« Je me sens plus en danger quand je n’entraîne pas »

Parlons de ta santé. Ces hanches, comment ça va ?

Les hanches, c’est l’usure, la vieillesse.

Et le coeur ?

J’ai eu un premier infarctus à 38 ans. J’ai moins 35 % de la fonction cardiaque depuis ce jour. Quand tu as ça, tu en veux à la terre entière… J’essaie de ne pas y penser, mais ma pathologie me rappelle à l’ordre. Je suis suivi. Tous les trois mois, je vois mon cardio à Toulon, je vois aussi mon rythmologue, parce que je vis avec un défibrillateur.

Est-ce un frein aujourd’hui dans l’éventualité que tu retrouves un banc ?

Non. C’est bizarre, je me sens plus en danger quand je ne fais rien, parce que, dans ces moments-là, je suis plus à l’écoute de mon coeur. Quand j’entraîne, je fais moins attention, je m’entretiens juste, et comme je suis heureux dans mon métier et que j’aime ce que je fais, je me pose moins de questions.

Être sur un banc, ce n’est donc pas dangereux pour toi ?
Non, je n’ai pas de stress, je n’ai pas la pression, c’est un exutoire. Je stresse quand je ne trouve pas de club. Je suis épanoui quand je suis sur un banc. J’ai la pression quand j’ai des soucis de santé, quand mon pronostic vital est engagé. Ma chance, c’est que je suis traité. J’ai intégré que la mort était partie intégrante de la vie. Je préfère mourir sur un rectangle vert qu’à l’EHPAD. Mais ça va… Cette année, c’est la première fois depuis 32 ou 33 ans, hormis la période entre Toulouse et Caen, que je n’entraîne pas. C’est de ma faute. On m’a catalogué comme pompier de service. Alors que ce que j’ai fait avec l’ETG, encore une fois, c’est significatif, mais c’est comme ça. Et ça ne me rend pas malade ne pas entraîner.

Entraîner en National ou N2 ? Oui, mais pas n’importe où

Photo DFCO/Vincent Poyer

Es-tu allé voir des matchs à Toulon ou Hyères cette saison ?
Oui. Je suis notamment allé voir deux matchs cette saison à Bon Rencontre, en N2 : ça m’a fait quelque chose, parce qu’à mon époque, on jouait à Mayol, que l’on partageait avec le rugby, et on s’entraînait à Bon Rencontre. Ce n’est pas normal que ce club-là, pour la 14e ou 15e ville de France (la 12e), ne soit pas chez les pros. Parfois, j’aimerais m’investir, mais je ne peux pas m’inviter à une table. J’ai quand même un savoir-faire, je pourrais aider, mais bon, c’est comme ça…

Est-ce que tu pourrais entraîner en National ou N2 ?
Ouep… Mais ça dépend où. Ici oui. Mais avec le pouvoir sportif. Je n’irais pas… Tu vois… J’ai rencontré le président de Toulon, je le respecte parce qu’il met son argent, mais voilà…

As-tu un regard aujourd’hui sur Thonon Evian Grand Genève, le club qui tente de faire renaître l’ETG de ses cendres ?

Oui, mais dans leur appellation, ils ont enlevé le nom du club fondateur, celui qui a généré les résultats, le FC Gaillard, mais bon, même si je suis quelqu’un de régionaliste, même si l’histoire a voulu qu’à un moment donné, le canton de Genève fasse partie de la Savoie, et bien Genève, ce n’est pas vraiment… Là, on est allé draguer sur le terrain du Servette. Attention, je ne leur veux pas de mal. Je n’ai pas d’amertume. Je suis capable de zapper. Ce ne sont pas les mêmes personnes. J’ai rencontré Bryan (Bergougnoux), leur entraîneur, lors d’un recyclage du BEPF. C’est un garçon très sympa. J’ai vu qu’il n’était pas reconduit. Ils vont remonter.

« La montée de Saint-Etienne m’enlève un poids »

Saint-Etienne vient de remonter, deux ans après ton échec là-bas : tu le vois comme un signe ?

Non, parce que Saint-Etienne retrouve sa place. C’est un grand club. Je suis très heureux de ça, parce que ça m’enlève un poids. J’ai fait de mon mieux, j’ai marqué 20 points en 20 matchs, alors que mon prédécesseur (Claude Puel) n’en a marqué que 12 points en 18 matchs. Quand je dis ça, je me fais défoncer…

Tu as entraîné à Dijon il y a un peu plus d’un an, personne ne s’en souvient vraiment …
J’ai fait neuf matchs. J’arrive un mardi, le club est sur six défaites consécutives, le premier match, c’est le samedi. Et je fais huit matchs sans perdre. Et je meurs à rien… Mais bon…

On dirait que ta carrière s’est arrêtée…
(Il coupe) A Sainté… A la fin du match retour contre Auxerre, en barrage, je me fais gazer par un CRS, je pense qu’il l’a fait exprès. J’ai mis une heure à retrouver l’usage de la vue. Un traumatisme. Je pensais que nous allions y arriver. C’était sûr…

Meilleur souvenir d’entraîneur ?

C’est de savoir mes enfants, mon père et mon épouse dans les tribunes du Stade de France au milieu des 35 000 Savoyards qui sont montés pour la finale de coupe de France (en 2013, contre Bordeaux, défaite 3-2). C’est une fierté. Je le place avant le maintien du Téfécé.

Meilleur souvenir sportif de joueur ?

Même si je suis un peu blessé, c’est mes périodes à Toulon, pour l’ambiance qui régnait dans le vestiaire, pour la qualité de l’équipe. J’ai passé des bons moments aussi lors de mes 4 saisons à Brest. En fait, chaque instant passé où l’élément central est le ballon, c’est un bon souvenir pour moi, quoi qu’il arrive.

Es-tu toujours en contact avec des anciens Toulonnais ?
Oui, Luigi (Alfano), qui est un type merveilleux, Jean-Louis (Bérenguier), je le vois de temps à autre, et j’ai un profond respect pour Bernard Pardo : lui, c’est l’instigateur de ma venue à Toulon. On s’était côtoyé à Brest. Je l’ai de temps en temps au téléphone, mais pas assez souvent. Il m’arrive de m’arrêter à Gardanne, où il réside, quand je remonte en Haute-Savoie. Toulon, c’est un esprit.

« Etre complètement abruti, ça m’est arrivé »

Tu as pris plus de cartons rouges comme joueur ou entraîneur ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Entraîneur ! Mais attention, j’avais des antécédents ! J’ai fait fort ! J’avais 37 ou 38 ans, je jouais en réserve avec le FC Gaillard, et j’ai traité l’arbitre de « Guy Georges », de « Fourniret », et j’ai répété ça à la commission de discipline. J’avais dû prendre six mois, donc être complètement abruti, ça m’est arrivé. Et ça m’a servi. Je suis moins épidermique. Je suis comme tout un chacun, je ne supporte pas l’injustice. Mais mes comportements étaient injustes.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le banc ?
Avec le FC Gaillard, on est resté invaincu pendant près de 5 ans à domicile. La division dont on a mis le plus de temps à s’extirper, c’était la Division d’Honneur, après, on a grimpé assez vite, avec de longues séries d’invincibilité à domicile. La période à Toulouse aussi.

La saison où tu en as pris le moins ?

(catégorique) La dernière saison à l’ETG. Vraiment. On n’avait pas d’argent. Je suis un des seuls à assumer sa responsabilité dans l’affaissement du club. Ce sont ceux qui ont fait qui ont défait. J’ai commis une erreur avec le président délégué (Patrick Trotignon), un usurpateur. J’ai eu du mal à me défaire de l’aspect sentimental.

« Le danger du foot, c’est l’individualisme »

Un match parfait ?
Oui, le 3 à 0 à Sochaux, avec l’ETG, à la dernière journée, parce que tout ce que j’avais initié durant la semaine qui précédait le match s’est produit.

Inversement, le pire match ?

L’année de la descente, avec l’ETG, on joue contre Reims à domicile, on perd, et ça sent la fin… Le deuxième, c’est le barrage retour contre Auxerre, pour le maintien en Ligue 1, avec Saint-Etienne. On doit gagner par trois buts d’écart à Auxerre à l’aller… Par excès d’individualisme, on ne marque qu’un seul but (1-1). Et au retour à domicile idem, on avait des joueurs qui ne jouaient que pour leur gueule, ce sont les dangers du foot moderne. Quand tu ne perçois ton sport, un sport collectif, qu’au travers de ta performance individuelle, c’est un danger. C’est ça le danger du foot, un sport éminemment individuel dans un sport collectif, où la « stat » personnelle est plus importante que le résultat; le problème, c’est que ça se répercute chez les amateurs. Ce n’est pas le meilleur signal que le football donne.

Le stade qui t’a fait vibrer ?
Le Parc des Princes. Il est conçu pour le foot, je parle de l’écrin, de l’esthétique, après, quand tu vas jouer à Marseille, c’est impressionnant. J’ai aussi aimé, même s’il était inesthétique, le parc des sports d’Annecy plein. Si nos politiques nous avaient aidé à construire un stade dans le centre du département, je pense que l’ETG serait encore professionnel.

Le meilleur joueur entraîné ?
Ben Yedder et Poulsen. Y’a match.

« J’ai menti dans ma vie… »

Photo DFCO/Vincent Poyer

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Je dois avoir Giroud, parce qu’à un moment donné, quand il jouait à Grenoble, il m’intéressait, mais il a dû changer depuis ! Je ne sais pas, j’ai Kallenberg, Poulsen, Braithwaite, Leroy… Leroy, quel joueur ! J’ai Caçapa… Quand Claudio Caçapa vient chez nous à la trêve, à l’ETG, mes dirigeants me disent : « mais tu es fou », et il arrive, il stabilise la défense, et on monte en Ligue 1. J’ai pas mal de numéros mais j’ai surtout les numéros de mes trois amis. Ils ne sont pas dans le foot.

Des amis dans le foot ?
Thierry Taberner, qui a joué à Martigues et Auxerre, dont le papa a été champion de France avec Monaco, il a terminé sa carrière dans mon club, à Gaillard, et Pierre Espanol aussi, qui a été entraîneur aux Girondins de Bordeaux.

Le coach le plus connu de ton répertoire ?

Je dois avoir Mourinho… Il a dû changer depuis l’époque où il avait dit un truc sympa sur moi !

Un président marquant ?
Sadran (Toulouse).

Un président qui ne t’a pas marqué ?

(Il réfléchit) Pickeu, à Caen, un président par défaut (rires).

Un coéquipier perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?

Il a été mon entraîneur à Toulon, il était adjoint, et il fut un joueur prestigieux, c’est Delio Onnis. J’ai eu l’immense plaisir de lui parler il y a quelques mois au téléphone, alors qu’il était en Argentine. On a un groupe WhatsApp avec les anciens Toulonnais et à un moment, dans la conversation, Delio dit « Ce numéro, là, c’est Pascal Dupraz ? », puis il écrit « Pascal, est-ce que tu peux m’appeler  » ? Qu’est-ce que j’étais content ! Je ne l’ai pas revu depuis Toulon. J’aimerais revoir aussi « Chaussette » (Jean-Pierre Chaussin), ça va se faire bientôt.

Une devise ?

Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. Et aussi, une autre phrase, que je tiens de ma mère, qui disait : « Pascal, moins tu mentiras dans ta vie, plus tu te souviendras de ce que tu as dit », or j’ai menti dans ma vie. Je m’en suis rendu compte, car je ne me suis plus souvenu des justificatifs que j’avais donnés !

Tu était un joueur plutôt…

Talentueux.

Tu es un coach plutôt…

Consensuel.

Le métier d’entraîneur c’est …

Exceptionnel.

Le milieu du foot, c’est…

Exceptionnel.

Une idole de jeunesse ?

Johan Cruyff et Jean-Claude Killy.

Un homme politique ?

Mon père, mais il n’a pas fait carrière (rires).

Tes passions en dehors du foot ?

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Les trotters. Je suis ami avec la famille d’Eric Raffin qui est l’un des meilleurs drivers français. Je suis allé en Vendée chez eux l’été dernier et j’ai eu l’immense plaisir de monter sur les sulkys et de sortir les chevaux. Je suis passionné par le PMU à partir du moment où ce sont des trotteurs, je fais mon petit quinté.

Des manies au foot ?

J’ai toujours une pince à billet et un jeton dans ma poche, c’est un de mes amis qui bossent chez Vuitton qui me l’a offert, je le garde comme porte-bonheur, et je ne passe jamais sous un échafaudage.

Une appli mobile ?

WhatsApp, sans doute, mais des fois y’a des conversations privées, ça me gonfle…

Dernier livre lu ?

C’est sur la fin de vie, un livre de Thomas Misrachi, Le dernier soir. Lis-le, ça t’interroge, ça fout les poils.

Un film ?

Sur la route de Madison.

Un CD ?

Je suis un fan de Johnny, ou alors un CD d’Eddy Mitchell !

Evian, Thonon ou Gaillard ?

Gaillard !

« Il me manque tout, je n’ai aucun titre ! »

Ce qui manque à ton palmarès ?

(Rires) Il me manque tout, je n’ai aucun titre, sauf des titres de champion de France de CFA2, CFA, National ou Ligue 2, même si c’était « Caso » le coach en Ligue 2, moi, j’étais directeur sportif, mais ça compte !

As-tu peur d’être oublié par le milieu du foot ?

Non.

Des coachs dont tu te sens proche ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Alex Ferguson. C’est le number one, un mythe pour moi. Je ne l’ai pas rencontré. C’est un regret. Je n’ai pas osé. Ce que j’aimais sous son ère, c’est que d’abord, il a été controversé avant d’être adulé, et il avait cet art de faire jouer des jeunes joueurs formés au club avec quelques stars. Quand je regardais MU, j’avais l’impression que quand il défendait, le terrain rétrécissait, et que quand ils attaquaient, le terrain s’agrandissait tellement ils créaient l’espace. C’est ça, le vrai foot, pour moi. J’aime bien quand ça va vite, quand il y a des occasions, des émotions. Je m’en fiche, moi, que mes défenseurs centraux soient les recordmen des passes. Par contre, le numéro 10 qui prend des risques à 30 mètres des cages, ça m’intéresse.

Le foot, un exutoire ?

Non, non, je suis bien dans mes pompes. Le foot, c’est une passion. Mon père, c’était mon idole. Il a joué en Ligue des champions avec le Servette de Genève contre le Dukla de Prague (en 1961/62). C’était un beau joueur, avec une double détente. Je l’ai vu jouer et j’ai même fait des tournois de sixte avec lui (rires). (Il nous montre l’écran de son téléphone, avec ses parents en photo) Voilà, ce sont mes parents. J’ai dit à mes enfants, « Ne m’en voulez pas, c’est parce qu’ils sont décédés », je suis en paix avec moi-même. Je sais qu’on peut mettre deux photos, mais je ne sais pas le faire.

Pourquoi dit-on gaz (gaze), Bontaz (Bontaze) et pas Dupraze (on ne prononce pas le Z de « Dupra ») ?

Parce que ça dépend de la vallée ! Si tu dis « Avoriaze » (au lieu d’ « Avoria »), on voit que tu n’es pas de chez nous, idem pour « Chamonixe » (« Chamoni »).

On t’a déjà appellé monsieur « Dupraze » ?

Ouep, mais ça m’énerve. Je dis aux gens, « On ne prononce pas le Z ». Si t’es de chez moi, tu dis « Dupra », qui vient des prés.

« Je suis un citoyen du monde »

Tu te sens Savoyard ou Savoisien ?

Savoisien et Savoyard. Haut-Savoyard, ça ce sont les Français qui ont appelé ça comme ça, mais je suis un citoyen du monde, j’aime tout le monde, je revendique juste le fait d’être Savoisien. Si un jour mon pays retrouve son indépendance, j’en serai le premier ravi, et nos amis français seront les bienvenus. Napoléon, c’est votre idole, mais pour nous, c’est un fossoyeur, il a tué nos forces vives, on a été le dernier pays colonisé. Mais je n’en veux pas à l’État Français. Je ne suis pas sectaire. Tu viens de Nice ? Vous étiez avec nous, n’oublie pas.

En préparant cet entretien, on a pensé à de nombreux adjectifs qualificatifs pour te décrire : les voici et dis-nous quand tu n’es pas d’accord :

Vas-y, c’est marrant !

Glacial, chaleureux, charismatique…

(Il coupe), Glacial, ce n’est pas ça !

Déconcertant…

Oui !

Cassant …

Oh oui !

Attachant…

Je dirais « attachiant » (rires)

Erudit, émouvant, sensible, gueulard…

Gueulard parfois !

Fédérateur, orateur, séducteur…

Séducteur ? Alors ça voudrait dire que je triche.

Oui mais tu as dit que tu avais déjà menti…

Donc c’est que je dois l’être alors !

Bâtisseur, paranoïaque…

Alors paranoïaque… Plus j’avance, plus ça me quitte : de côtoyer des journalistes lorsque je n’avais pas de boulot, d’aller sur des plateaux télés, ça m’a fait prendre conscience que c’était un vrai métier, que quand le mec dit de ton match que c’était pourri, c’est qu’il l’a étudié. Il ne dit pas ça parce qu’il a une dent contre toi. Donc je suis moins parano que je ne l’ai été, oui.

Authentique, clivant, fascinant, impressionnant…

Impressionnant, fascinant, je ne crois pas…

Maintenant que tu es en face de moi, c’est vrai, beaucoup moins (rires). on continue : tempétueux…

Tempétueux, non.

« Plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses »

Drôle, ironique, comédien…

Tu sais que je viens de tourner une télé-réalité, j’ai coaché une équipe de foot de la région parisienne, dans un championnat du dimanche, et qui n’avait pas gagné un match de l’année, et je les ai maintenus, en vrai ! Un truc de fou ! Et ça sort en septembre. Le producteur m’a dit, « ça va être un bijou » ! Ce qui me plaît dans la vie, c’est que plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses. Jamais je n’aurais imaginé travailler aux Nations Unis, puis jamais je n’aurais imaginé entraîner en pro, puis jamais je n’aurais imaginé aller sur des plateaux télés ou des émissions radio, écrire un bouquin, jamais je n’aurais imaginé tourner dans une télé-réalité… Aujourd’hui, je donne des conférences axées sur le très haut management, le management de crise, j’en fais une dizaine par an. A la fin, les gens se lèvent. Après Toulouse, j’aurais pu en faire deux par jour !

On continue : charmeur, pudique, intimidant, émouvant, nerveux…

Nerveux non, tu peux demander à ma femme.

Démagogue…

Dans les conférences de presse, c’est parce que je joue. c’est du jeu.

Respectueux…

Ah oui, je suis respectueux de ma hiérarchie.

Ta personnalité selon toi ?

Je suis généreux. Bienveillant.

Défauts ?

Rancunier. Mais ce n’est pas une rancune tenace. Avec l’ETG, ma rancune est partie, parce que je ne pense jamais à ces gens-là.

Pascal, y-a-til une question que j’aurais pu te poser et que je ne t’ai pas posée ?

Non, comme ça, je n’en vois pas…

Pascal, quelle question voudrais-tu me poser ?

Est-ce que tu penses sincèrement que tu es plus passionné que moi du football ?

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Après une saison en National 2 au FC Borgo, le Marseillais de 38 ans, professionnel à Toulouse, Tours, Vannes, Laval, Nancy et Bastia, vient de s’engager au Gallia Lucciana, en N3. Il privilégie le plaisir et pense aussi à sa reconversion, sans doute au bord des terrains.

Par Anthony BOYER / Photos Philippe Le Brech et DR

Photo Philippe Le Brech

Ce qui frappe dans le parcours d’Antony Robic, c’est qu’il a mis presque 8 ans, entre le moment où il a soulevé la coupe Gambardella en 2005, à l’âge de 19 ans, avec le Téfécé (succès 6 à 2 face à l’Olympique Lyonnais), et le moment où il s’est véritablement installé dans le milieu pro, en Ligue 2 tout d’abord, à Laval, en 2013, à l’âge de 27 ans.

Non pas que, pendant ces 8 années, « Anto » se soit égaré, loin de là, mais c’est vrai que, durant cette période, il est passé un peu par tous les états. Par toutes les étapes, surtout. Ligue 1 à Toulouse, où il n’a rien fait d’autre que de s’asseoir sur le banc des pros, car jamais lancé dans le grand bain par Elie Baup. National ensuite puis la Ligue 2, toujours à Tours, où après l’accession, il n’a plus trop figuré dans les papiers de son coach Daniel Sanchez.

Stage à l’UNFP avec les chômeurs, entraînements avec des clubs de National (Cassis-Carnoux, Fréjus) viennent ensuite jalonner son parcours du combattant qui le voit s’engager en 2010 pour une demi-saison à Martigues, en CFA, à 30 kilomètres de sa ville natale, Marseille.

De la Ligue 1 au… CFA !

Photo Philippe Le Brech

Au FC Martigues, il retrouve un club qu’il avait déjà fréquenté pendant deux ans chez les jeunes, après des débuts à 5 ans au Pontet, près d’Avignon, et à la MJC Avignon. « Au Pontet, j’ai rencontré un éducateur qui m’a fait aimer le football, Jean-Marc Saboye (ex-pro à Avignon, Rodez et Sète dans les années 80 et 90). Il m’a fait aimer encore plus ce sport et j’espère que, de là-haut, il est fier (il est décédé en 2000). »

Et si son départ au centre de formation de Toulouse, son titre en Gambardella et la signature de son premier contrat pro, en Ligue 1, laissait augurer un avenir doré, la suite fut bien plus compliquée. Finalement, après une demi-saison à Martigues, il est parti à l’âge de 26 ans, en CFA, dans le Loir-et-Cher, à Romorantin, pour se relancer. Et ça a fonctionné. Après une saison à 10 buts (28 matchs), il s’engage à Vannes, en National, qui possède le statu pro après sa relégation, un an plus tôt, de Ligue 2.

Après une bonne saison dans le Morbihan (32 matchs, 6 buts), il s’engage au Stade Lavallois, en Ligue 2. C’est le début de sa deuxième carrière, la meilleure des deux, à 27 ans ! Onze ans plus tard, « Tonton », comme l’appellent ses coéquipiers depuis quelques saisons en Corse, court toujours. Et marque toujours.

Scoot, recruteur, entraîneur-adjoint ….

Photo Philippe Le Brech

Tiraillé durant cette inter-saison entre l’envie de passer à sa reconversion et de continuer à jouer, « Anto » a finalement décidé de rempiler au Gallia Luciana, en National 3 (6e la saison passée), à quelques centaines de mètres de son domicile !
« Je me suis posé la question, mais j’ai encore envie de jouer, j’ai mis pas mal de buts, pas mal de passes décisives, personnellement, j’ai fait une bonne saison à Borgo même si on est descendu, je me sens bien physiquement, alors tant que je peux jouer, je joue. Mais je pense aussi à ma reconversion. J’ai passé une formation de scooting international, je voudrais m’orienter dans ce domaine, dans une cellule de recrutement, ça me plairait, que ce soit pour les jeunes ou les seniors. J’ai mon premier niveau d’analyste vidéo aussi. J’essaie d’être le plus complet aussi, si jamais un jour on m’appelle pour intégrer un staff. Entraîneur-adjoint aussi, c’est quelque chose qui me plairait. En revanche, entraîneur principal, moins. Ce que j’aime, c’est animer, c’est l’humain dans le groupe. Là, je suis en train de voir. De toute façon, je ne voulais pas quitter la Corse. J’habite à Lucciana, mon fils Tiago joue à Borgo, je vais le voir s’entraîner, il va avoir 5 ans (il a aussi une fille de bientôt 7 ans, Charlie). Son éducateur, Ludovic Guaitella, je l’ai rencontré par l’intermédiaire de Johny Placide (SC Bastia). Et « Ludo », il me rappelle mon éducateur au Pontet, Jean-Marc Saboye… »

Antony Robic, du tac au tac

Sans Romorantin, ma carrière aurait été différente !

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
J’en ai beaucoup ! La victoire en finale de la coupe Gambardella avec Toulouse (face à Lyon), parce que, quand tu es jeune, c’est le Graal ! Ensuite, mes deux titres de champion avec Nancy et le Sporting, en Ligue 2 et en National. Avec les jeunes de la Gambardella, on est resté en contact pendant un moment. On a un groupe WhatsApp encore aujourd’hui. Le dernier rassemblement que le Téfécé a organisé, la plupart des vainqueurs était là, mais pas tous. Parce qu’il y a peu de joueurs encore de cette époque en activité. Après, chacun a fait sa vie, a ses activités, mais c’est un plaisir de se revoir.

Qui sont les joueurs de la Gambardella à avoir fait une carrière pro ?
Il y a eu Xavier Pentecôte, qui aurait dû faire l’une des plus belles carrière de notre groupe, mais il s’est blessé; Kevin Constant, qui a quand même joué au Milan AC, Kevin Dupuis qui a joué en Ligue 2 et en National (Châteauroux, Orléans, Lausanne, Rodez), Rémy Lacroix qui a joué en National (Bayonne, Colomiers), Walid Cherfa (Tours), Thomas Ayasse (Arles-Avignon, Nancy, Brest, Le Havre, Troyes, Reims, Cannes), le gardien aussi (Pascal Elissalde). Mais on n’a pas été si nombreux que ça à devenir pro. On était plus un vrai groupe, on avait moins d’individualités que Lyon, par exemple, où il y avait Karim Benzema, Hatem Ben Arfa, Loïc Rémy, Rémy Riou ou encore Anthony Mounier.

Pire souvenir sportif ?
Quand j’ai connu la galère après ma troisième année pro, où je me suis retrouvé presque deux ans sans club, même si j’y ai toujours cru; mais cette période m’a forgé un mental de fou. Elle m’a énormément servi. On m’a souvent dit à l’époque que le plus dur, ce n’était pas de signer pro, mais d’y rester. Et cela a exactement été ça pour moi : j’ai signé pro en Ligue 1, je suis parti à Tours en National, on est monté en Ligue 2, au bout de ma deuxième année pro, et derrière, à Tours, j’ai un peu moins joué, j’ai eu quelques blessures, mais rien de fou, et je me suis retrouvé en galère après.

Le FC Borgo 2023-2024. Photo Philippe Le Brech

Combien de buts marqués ?
Pfiou… Je ne fais pas « pfiou » parce que j’en ai mis 1000 hein !!! Je ne sais pas, c’est dur, je ne les ai pas comptés. Je sais que les belles saisons, j’en ai mis une quinzaine, en Ligue 2, en National, après, dans ma carrière, au moins une centaine. Ma plus saison, je me souviens de mes « stats » : avec le Sporting-club de Bastia, quand on monte de National en Ligue 2, en 2020, avec 11 buts et 7 ou 8 passes décisives. J’avais déjà 33 ou 34 ans, comme quoi… La saison avec Nancy en L2 aussi, quand je mets plus de 10 buts, et qu’on monte en Ligue 1. Après, j’ai fait mes plus belles saisons à partir de mes 28 ans, jusqu’à mes 32 ou 33. Même cette année encore, avec le FC Borgo (N2), j’ai mis 11 buts en championnat, 3 en coupe et 6 passes.

Plus beau but ?
En National contre Colmar, avec Vannes. Le gardien dégage le ballon et le ballon ne touche plus le sol jusqu’à ce que je marque !

Photo Philippe Le Brech

Un but tout fait que tu as raté ?
Un penalty, pour mon triplé ! Le gardien la touche, elle va sur le poteau… Je crois que c’était Anthony Mandrea, le gardien, oui c’est ça, c’était contre Cholet, avec Bastia.

Ton geste technique préféré ?
C’est plutôt mon flair, mon intuition, j’ai mis des buts à la « Pipo » Inzaghi, en mode renard des surfaces, j’arrive assez souvent à me retrouver au bon endroit au bon moment.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Bon techniquement, assez adroit devant le but, et à une période la vitesse, moins aujourd’hui; sinon, pour les défauts, mon tempérament, mon caractère, qui par moments m’ont rendu moins lucide, parce que je me suis énervé ou braqué, j’ai pris des cartons de manière bête, même si je passe vite à autre chose. Avec les arbitres, cela n’a pas toujours été le top mais je ne suis pas rancunier. Je ne suis pas le même en dehors. Sur le terrain, je suis impulsif. En dehors, je suis plus agréable et facile à vivre (rires) même si j’ai mon caractère. Dans un vestiaire, je pense avoir été apprécié, capable de faire le tampon.

Photo Philippe Le Brech

Ton poste de prédilection ?
A la base, j’étais excentré droit et quand je suis passé pro, je suis passé devant, plutôt neuf et demi, le gars qui tourne autour. Après, si je dois être un soldat pour l’équipe, pas de souci, j’ai cette mentalité là, parce que, le plus important, c’est de jouer. Alors oui, j’ai déjà joué piston droit : physiquement c’est différent, c’est plus défensif. Je n’ai pas souvent évolué à ce poste, mais je me souviens d’un but avec Nancy, à Valenciennes, ou c’est moi, en piston droit, qui centre et c’est Vincent Muratori, le piston gauche, qui marque ! Et on gagne 1 à 0 ! Un bon souvenir.

L’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
J’ai eu de la chance, j’ai pris beaucoup de plaisir dans les clubs ou je suis passé, après, si je dois en retenir une, je dirais ma première année pro à Toulouse : il ne m’a manqué qu’une chose, juste la confiance d’Elie Baup. On avait un groupe exceptionnel. Même si je ne jouais pas, je faisais partie du groupe, je ne lâchais rien, le club a fini 3e de Ligue 1, et s’est qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions, c’était incroyable. Je me souviens des Bergougnoux, des Batlles, ils avaient fait une chanson pour moi.

La saison où tu as pris le moins de plaisir ?
(Il réfléchit).

Sous le maillot de Laval.

Tu peux dire cette année, à Borgo…
Non, non ! Malgré les résultats et la descente en N3, j’en ai quand même pris, et c’est parce que j’en ai pris encore cette saison que je vais continuer de jouer. Je dirais mon année à Tours, en Ligue 2 : cette saison-là, je joue moins, ce n’est pas l’entente de fou avec le coach (Daniel Sanchez).

Un club où ça ne s’est pas fait au dernier moment ?
J’ai eu Reims, Strasbourg, Lens, quand ils étaient en Ligue 2, sinon j’ai eu Debrecen, en Hongrie, quand je galérais un peu, ils faisaient la Ligue des Champions et m’ont proposé 5 ans de contrat. Le groupe était élargi, il fallait que ça se passe bien pour que cela soit vraiment intéressant, et j’ai refusé.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Pour un Marseillais, j’ai eu la chance de jouer au Vélodrome déjà ! C’est une fierté, devant la famille. Peut-être, bien sûr, que j’aurais aimé jouer pour l’OM, mais aussi le Barça, Milan AC. Je vais de temps en temps au Vélodrome, je suis allé voir OM-Lens et aussi OM-PSG cette saison.

Sous le maillot du Sporting.

Tes idoles de jeunesse ?
Chevtchenko. C’est le joueur qui m’a le plus marqué, par son humilité, son talent. Le tsar. J’ai eu la chance d’avoir son maillot du Milan AC dédicacé par lui, grâce au journaliste David Astorga, qui était venu faire un reportage sur nous à l’occasion de la Gambardella, quand je jouais à Toulouse : Téléfoot avait fait un reportage sur Ben Arfa de Lyon et moi, mais il n’est jamais passé, parce qu’il y a eu la retraite de Guy Roux qui a pris le dessus sur l’actualité ! Je n’ai jamais vu ce reportage, il n ‘est pas passé, j’aimerais bien que David Astorga me le montre !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
Oh là là, c’est dur, j’en ai plein… Celui qui me vient en tête, c’est Youssou Hadji à Nancy, un super mec, un super joueur, je l’ai eu il n’y a pas longtemps encore… A Toulouse, Dominique Arribagé, il donnait des conseils, il était adorable, malgré la différence d’âge, mais il m’a marqué en début de carrière.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Je le dis souvent, c’est Benoît Pedretti, pour sa vision du jeu, c’est facile de jouer avec lui, le ballon arrive dans les pieds sans que tu aies besoin de lever la main ou de l’appeler.

Sous le maillot de Nancy.

Des amis dans le foot ?
Mes amis, je les ai rencontrés en dehors du football. Certains jouent au foot pour le plaisir, après, dans le foot, j’ai beaucoup de joueurs avec qui je suis en contact régulièrement, mais ce n’est pas la même chose, il y a une différence entre amis et proches. Je suis proche de « Flo » Raspentino par exemple, d’ailleurs, j’ai lu son article récemment, il a oublié de me citer (lol), je vais me le faire (rires).

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
En fait, quand je me demande ce que devient quelqu’un, je cherche à savoir et après, je le recontacte. En général, même s’il y a longtemps que je ne les ai pas eues, des personnes comme Bryan Bergougnoux, avec qui on a vécu des super moments à Toulouse, qui a le coeur sur la main, j’ai des nouvelles de lui. Je ne l’ai pas revu depuis énormément de temps. Mais je sais ce qu’il devient.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Thierry Froger. Je ne l’ai pas eu pendant longtemps. Le feeling était pourtant bien passé, il m’avait donné le brassard à Vannes quand il est arrivé, il me faisait confiance.

Photo DR

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Daniel Sanchez (rires) ! Non, mais le truc, c’est qu’on n’avait pas un feeling de fou, et pourtant, en National, avec lui, j’ai joué quasiment tous les matchs à Tours. Mais il n’avait pas une totale confiance en moi et on a eu quelques petits problèmes, on a eu des discussions, c’est le foot. Je n’en veux à personne, ni à lui, ni à un autre. Régis Brouard aussi, j’ai eu du mal à le cerner, je l’ai eu au Sporting (Bastia), je ne sais pas, on dirait que ces coachs-là sont toujours dans la méfiance, qu’ils doutent de nous. Moi je suis quelqu’un de naturel, j’ai été déçu de certaines choses. Humainement, par exemple, j’ai beaucoup aimé Didier Tholot, pourtant, je n’ai pas joué plus avec lui qu’avec un autre.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Oui, et c’est bien de parler de lui, c’est Jacques Rousselot, à Nancy. Il est très apprécié des joueurs, dont il est proche, il les aime. On s’est beaucoup apprécié. Quand j’ai voulu partir à Laval, à six mois de la fin de mon contrat, il a tout fait pour aller dans mon sens et me rendre heureux. En fait, il fait tout pour que le joueur se sente bien. Grâce à lui, j’ai pu retourner à Laval et si j’ai eu une belle fin de carrière, c’est aussi en partie grâce à lui.

Le joueur le plus connu de ton répertoire téléphonique ?
J’en ai quelques-uns… « Lolo » Kozsielcny, « Dédé » Gignac, Olivier Giroud qui a dû changer de numéro, Clément Lenglet, « Youss » Hadji, et d’autres…

Une causerie marquante ?
Celles de Mathieu Chabert. Avec les joueurs, on faisait un peu le tour du vestiaire et on se demandait ce qu’il allait nous inventer. Ses causeries nous faisaient monter l’adrénaline, et à lui aussi !

Une anecdote de vestiaires marrante que tu n’as jamais racontée ?
(Rires) « Lolo » Batlles va en rire : un jour, les gars lui avait accroché ses affaires en haut du vestiaire pour ne pas qu’il puisse les atteindre et, surtout, ses affaires avaient été découpées au ciseau… Ses T.shirts, ses chemises, ses shorts un peu bizarres… Impossible pour lui de remettre ses fringues après ça ! Bon, moi, j’étais jeune, je regardais, je rigolais, mais je n’étais pas dans le coup. Aujourd’hui, oui, je serais capable de lui faire !

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
J’ai eu la chance de jouer au stade Vélodrome déjà, au Parc des Princes, à Bollaert, à Monaco l’année où ils sont champions de France. J’ai connu plein de beaux stades. Après, dans chaque club, dans chaque stade, j’ai eu des émotions, même un Laval – Le Mans à guichets fermés, où je marque au bout de 10 minutes de jeu, m’a procuré des émotions de fou, c’était la folie, et aussi à Marcel-Picot, à Nancy, le stade est en furie quand je marque et qu’on gagne 1 à 0 contre Lens. A Bastia aussi même si malheureusement il y a eu la Covid, mais la saison suivante, pour le retour en Ligue 2, je me souviens d’un Bastia-Nîmes en ouverture du championnat, dans un stade plein, ça fait beaucoup d’émotion tout ça. En fait, les émotions, ce sont surtout plus des périodes : je me souviens par exemple, le jour de mon anniversaire, contre le Red Star, je rate un penalty… Mais quinze minutes après, je marque… Mon premier derby avec Nancy à Metz aussi… Un déluge sur le terrain ! T’es à 1000 %, t’as envie de t’arracher, de donner aux gens. Après, si je dois citer un stade, c’est le Vélodrome, c’est le Graal. C’est vrai que je suis un grand émotif. Je joue au foot pour ça, pour prendre du plaisir. J’ai toujours privilégié ça par rapport à l’argent. C’est grâce à ça que j’ai pu vivre toutes ces émotions, je n’ai jamais eu peur de redescendre de plus bas pour remonter, pour reprouver des choses. Après Tours, j’ai galéré, je me suis entraîné avec Fréjus, avec Cassis, j’ai signé six mois à Martigues, j’ai joué à OM Loisirs ou je me suis régalé et après j’ai passé une saison incroyable à Romorantin, sans doute l’une des plus belles saisons de ma carrière, du moins en amateur; d’ailleurts, je suis toujours en contact avec des gens là-bas, comme Xavier Dudoit, ou Julien Converso, qui était directeur sportif, ou « Dédé », l’homme à tout faire du club. Sans Romorantin, ma carrière aurait été différente.

Avec Sébastien Da Silva, au FC Borgo. Photo FC Borgo

Un regret ?
J’en ai deux : de ne pas avoir vraiment joué en Ligue 1 avec Toulouse; Elie Baup avait ses 13 ou 14 joueurs et comme ça se passait bien, il ne changeait pas, et nous les jeunes, Alex Bonnet, Kevin Dupuis, Xavier Pentecôte, Walid Cherfa ou moi, on a très peu joué, mais le club a fini 3e de Ligue 1, dont on ne pouvait pas donner tort au coach, c’est juste que nous, on aurait aimé participer un peu plus. Malgré ça, j’ai passé une super saison. Même les joueur avaient fait une chanson pour moi. L’autre regret, c’est mon début de saison en Ligue 1 avec Nancy : journée 1, je marque contre Lyon d’un joli piqué devant Lopez, et le but est signalé hors-jeu, alors que j’avais célébré, je suis certain qu’il n’y avait pas hors-jeu, mais il n’y avait pas le Var, et puis, la journée suivante, à Rennes, je frappe, le défenseur stoppe le ballon de la main, penalty ! Je le tire, je le loupe… J’aurais pu être à deux buts en deux journées… Je suis à zéro. C’est un regret, car je sortais d’une belle saison en Ligue 2. Je pense que j’avais des choses à montrer en Ligue 1.

Que t’a-t-il manqué pour jouer durablement en L1 ?
Un peu plus de chance ! J’avais les qualité pour y jouer, j’avais le mental et la mentalité aussi. Peut-être que si je joue un peu plus à Toulouse avec Elie Baup, je ne vais pas en National à Tours après… On ne sait pas. Il aurait fallu jouer un peu plus. Avec Nancy, je joue en Ligue 1 mais on descend… Je suis arrivé tard, aussi, ça y fait.

Tes loisirs ?
J’aime bien regarder le foot à la télé, parce que je suis passionné. Et puis, ce qui me plairait, c’est d’être dans le recrutement. Là, j’étais à fond dans Roland-Garros. Après, il va y avoir l’Euro et les Jeux Olympiques. Sinon, j’aime bien le padel, pas le paddle sur l’eau, hein, mais le padel avec la raquette ! Et bien sûr profiter de ma famille et de mes amis. J’aime partir en voyage là.

Tu es un attaquant plutôt…
Altruiste.

Le milieu du foot ?
Compliqué, spécial mais passionnant ?

La descente du FC Borgo ?
Il aurait fallu que l’on soit pus régulier à l’extérieur. On a pris beaucoup de buts, presque 50, même si on en a marqué pas mal, mais on n’a pas pris assez de points en déplacement, où on n’a presque pas fait de nul. Notre effectif a été complet en octobre, on avait 1 points après 5 journées, il faut le rattraper tout ça ! On a été trop fébrile, on a pris des buts casquettes, des penalties, on a fait des cadeaux. Alors qu’on avait une équipe, si on avait été au complet d’entrée, pour jouer non pas la montée comme Boulogne, qui était au-dessus, mais dans les 3 ou 4 premières places. On avait un bon groupe mais ça n’a pas pris comme ça aurait dû, à cause des résultats. On avait beaucoup de cadres, de joueurs d’expérience.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Après des expériences en Belgique et au Luxembourg, l’ancien homme fort de Dunkerque a trouvé une nouvelle stabilité en Corse. Avec le FC Balagne, il a réalisé cette saison le doublé montée en National 2 et Coupe de Corse.

Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech

« Depuis que j’ai 16 ans, je vis de ma passion. Je suis dans mon élément. Je ne peux qu’être heureux surtout depuis que je suis en Corse. Je suis bien dans ma peau. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien. »
A 56 ans, Nicolas Huysman est aujourd’hui un homme apaisé. Quand on évoque son nom, on pense forcément à l’USL Dunkerque où il a débuté en Division 2 à l’âge de 16 ans et demi, avant de devenir, pendant quinze ans, un entraîneur et un dirigeant très investi. La fin a été brutale en 2016. Mais l’ancien milieu de terrain au 540 matchs professionnels a su se reconstruire chez les amateurs en Belgique puis au Luxembourg où il a connu la Ligue Europa.

Après un passage rafraichissant avec les U17 de Muret, près de Toulouse, il a rejoint le FC Balagne (National 3) à l’Ile Rousse, en Corse, en novembre 2022. En une saison et demie, son bilan est exceptionnel avec un maintien, une montée en National 2 cette saison et deux Coupes de Corse remportées. Il a prolongé son contrat de deux ans avec le club né de la fusion entre le FC Squadra Calvi et le FB Île Rousse en 2018. Sans langue de bois et avec sincérité, il est longuement revenu sur son parcours et ses convictions pour 13heuresFoot.

Des débuts en Division 2 à 16 ans et demi

Sa première vie a débuté chez lui, à Dunkerque. Il n’a que 16 ans et demi lorsqu’il est lancé en D2 en 1984. Après Dunkerque, il a évolué en Division 1 à Metz (1990-1993), Caen (1993-1995), Le Havre (1995-1999) puis enfin Créteil en L2 (1999-2001). « J’ai joué 540 matchs en pros, marqué 70 buts, c’est une carrière magnifique. J’en suis très fier même si je n’ai pas joué dans les meilleurs clubs du monde. Mais c’était des clubs qui me correspondaient, à taille humaine. Je ne suis pas du tout nostalgique. Tout ça, c’est derrière moi maintenant, et ça m’a permis de me construire dans ma vie tout court et ça m’a apporté dans ma façon de manager. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur assez tôt. Manager était une évidence chez moi. »

Sa reconversion, il l’a débuté en retournant début 2002 chez lui à Dunkerque, là où tout avait commencé. Depuis août 2016 et son licenciement, il a occupé plusieurs fonctions : entraîneur (équipe première et réserve), responsable de la formation, manager général et directeur général. « Une fidélité et une longévité de presque 15 ans dans un club, c’est exceptionnel. J’ai eu la chance de le faire. Surtout que j’étais chez moi, dans ma ville. C’était vraiment des belles années. On a pris ce club en CFA2 et on l’a mené aux portes de la Ligue 2 »

S’il a permis à l’USLD de monter deux fois en CFA comme entraineur, il reste « fier » de son bilan comme directeur général. « C’est un poste que j’ai adoré. J’aimais recruter, discuter salaire. J’aime les dirigeants qui disent non. Quand tu n’as qu’un euro en poche, tu ne vas pas en dépenser deux… Un président ou un manager n’est pas là pour être aimé. On peut raconter ce qu’on veut sur moi. Mais ce club, on l’a bâti, on l’a pérennisé, en lui donnant des fondations économiques. On lui a laissé des fonds propres. Il a continué à vivre et à grandir quand je suis parti et j’en suis fier. Quand on était là, il n’y a pas un joueur à qui on devait un euro ou qui a subi un retard de salaire. Moi, je n’ai rien volé à Dunkerque et je lui ai tout donné. J’ai fait beaucoup plus que certains qui sont juste passés et qui lui ont fait du mal. Moi, j’ai toujours voulu son bien. »

« J’aurais préféré partir autrement de Dunkerque »

Le FC Balagne a terminé en tête de sa poule en N3 cette saison.

Ses derniers mois sous fond de tension interne, ont été néanmoins difficile à vivre. « J’aurais aimé partir autrement. Je n’ai pas aimé la manière. On n’efface pas 15 ans comme ça… Je n’ai jamais triché avec ce club. Mais à un moment, la politique s’en est mêlée. Certains ont voulu, par ego, devenir calife à la place du calife. Malheureusement, beaucoup de gens trahissent pour le pouvoir. Mais finalement, je n’en veux à personne. C’est la vie… Et le milieu du foot, n’est qu’un accélérateur de vie. Moi, je suis quelqu’un d’entier. A un moment, j’ai peut-être été trop naïf. Mais je ne le suis plus. J’ai retenu la leçon. Après, j’ai la satisfaction d’avoir gagné tous mes procès. Ce n’est pas le plus important. Mais au moins, la justice m’a donné raison. Malgré cette fin, Dunkerque est toujours resté dans mon cœur. Quand je reviens, je suis toujours bien accueilli. J’ai gardé des amitiés fortes là-bas, comme partout où je suis passé d’ailleurs, que ce soit en Belgique ou au Luxembourg. »

Jusqu’en 2022, son fils Jérémy a continué à jouer dans l’équipe. « Jérémy, c’est un soldat de Dunkerque. Il a tout donné pour ce club qui le lui a bien rendu. Je ne rate pas beaucoup de matchs de Dunkerque à la télé. C’est toujours un bonheur de regarder cette équipe, surtout dans ce stade Tribut rénové. Je suis content de l’évolution du club depuis son rachat. Je ne connais pas Demba Ba, mais il a fait du bon travail. L’équipe joue et va vers l’avant. C’est un football qui donne mes émotions et ça, ça me plaît. »

« J’ai passé trois magnifiques années en Belgique.»

Mais revenons en arrière et à son départ forcé à l’été 2016. « Le jour où je partais de Dunkerque, je savais que je ne pourrais aller qu’à l’étranger. » C’est aux Royal Francs-Borains en 3e division amateur belge (le 5e niveau donc) que Nicolas Huysman va se reconstruire et refermer la cicatrice de l’USLD. Le club est situé près de la frontière, entre Valenciennes et Mons. « Ça ressemble un peu à Lens, il y a les mines, les corons. Les gens ont souffert, ce n’est pas très riche. Il y a beaucoup d’Italiens comme David Lasaracina, un dirigeant vraiment passionné et compétent. Tu as envie de tout leur donner. J’ai vécu une magnifique aventure humaine là-bas. Ce qui m’anime, c’est construire. J’étais dans mon élément. On a créé une vraie osmose avec mon staff, les dirigeants, les supporters. C’est une fierté collective. »

Son bilan à la tête du RFB, c’est 91 matchs, 57 victoires, 19 nuls et seulement 15 défaites. « La première année, on rate de peu la montée. On termine 2e derrière le RWD Molenbeek qui est un très beau club. La deuxième année, on monte en 2e division amateur. Et là troisième, on joue les play-offs pour monter en première division amateur. Aujourd’hui, le club a retrouvé la 2e division professionnelle. J’en suis très heureux. Je me suis vraiment régalé en Belgique. C’est une terre de foot où il fait bon vivre, où les gens se mélangent et sont ouverts. J’ai passé trois magnifiques années.»
Il a pourtant repoussé une offre de prolongation. « Tout le monde voulait que je reste. Mais c’était le moment de partir surtout que pour des raisons personnelles, je suis allé habiter à Nancy. »

La Ligue Europa au Luxembourg

En juin 2019, il découvre un autre pays, le Luxembourg. En concurrence avec plusieurs autres coachs (Noël Tosi, Damien Ott, Lionel Zanini), c’est lui qui est choisi par la Jeunesse Esch qui dispute le premier tour préliminaire de la Ligue Europa face aux Kazakh de Tobol Kostanay. « Jouer la Coupe d’Europe, c’est quand même intéressant. On s’est qualifié (0-0, 1-1), ça reste un bon souvenir. Au tour suivant, on est tombé sur Guimaraes qui était plus fort (0-1, 0-4). »

Six mois après son arrivée, il est écarté de son poste avec un bilan de 6 victoires, 5 nuls, 8 défaites. « C’était la première fois que je me faisais virer. Le Luxembourg, ça ne me correspondait pas trop. Il n’y a pas de culture foot, on ne peut pas construire. C’est de l’amateurisme avec beaucoup d’argent. Le foot luxembourgeois a aussi beaucoup progressé. Les meilleurs clubs pourraient jouer en National en France. »

Malgré cette première expérience mitigée au Luxembourg, il replonge en BGL Ligue en signant à l’Union Titus Pétange en octobre 2020. « C’était la deuxième saison perturbée par le Covid, c’était compliqué. Mais le club était mieux structuré. »
Il choisit de quitter son poste à la fin de mars : « ça s’est fait de manière très correcte avec les dirigeants. Moi, je suis quelqu’un de fidèle. Une personne m’avait venir à Pétange. Elle est partie, donc moi, je pars moi aussi avec lui. Je trouve ça normal. »

« Je me suis régalé avec les U17 de Muret »

De retour sur le marché français cinq ans après son départ de Dunkerque, il a peu de possibilités. « Quand tu pars à l’étranger et que tu reviens, en France, tu n’es plus personne. Il a fallu presque que je me reconstruise un nom. »
Après avoir vécu dans le Nord et dans l’Est, il décide de tenter sa chance dans le Sud. « J’ai fait un choix de vie. Je suis parti sans rien. J’avais coché trois villes que j’ai visité. Je me suis arrêté à Toulouse qui est une ville magnifique. »

Il garde un pied dans le milieu en entraînant les U17 de Muret. « Je me suis régalé avec eux. C’était une super expérience. Mais Toulouse, c’est le pays du rugby, pas du foot. Il n’y a pas toujours de la compétence. C’est dommage car il y a beaucoup de bons clubs dans le coin en N3 ou R1 avec des bons joueurs. Je suis persuadé que si un de ces clubs prenait un peu d’ampleur, il pourrait aller jusqu’en National. »

Après les U17 à Muret, Nicolas Huysman fut prêt de rebondir à Blois (N2). « J’ai fait une belle rencontre avec le président François Jacob. Mais sur le plan financier, le contrat était un peu trop juste pour que je m’y retrouve. J’ai aussi failli rentrer à la Fédération Française de Football au pôle espoir féminin de Castelnaudary. Mais je me suis fait avoir comme un gamin par certaines personnes. »

« Le FC Balagne, une belle rencontre, au bon moment »

En novembre 2022, l’appel des dirigeants du FC Balagne (club issu du rapprochement entre le FC Squadra Calvi et le FB Île Rousse en 2018) va changer le cours de sa vie. « C’est une belle rencontre qui est arrivée au bon moment pour moi, résume-t-il. Aujourd’hui, je revis une histoire humaine forte avec des gens vrais. J’aime les gens honnêtes qui avancent et qui ont des valeurs. J’ai trouvé tout ça ici en Balagne, une région magnifique, avec des personnes qui ont une identité et du caractère. Je cherchais ce projet basé sur l’humain pour construire. Construire, ça a toujours été ce qui m’a animé dans le foot. »
Quand il est arrivé, le club corse était avant-dernier et relégable dans son groupe en National 3. « On n’a pas vécu que des choses positives. J’ai perdu mon premier match puis on a fait deux nuls. Après la trêve, on s’est vraiment remis au « taff », on a fait quelques changements dans le groupe et on a enchainé une série d’invincibilité de 11 matchs. » Grâce à un bilan de 7 victoires, 6 nuls et 3 défaites, le FC Balagne se maintient confortablement (4e). Il remporte même la Coupe de Corse en battant l’AS Casinca (R1) après prolongations (3-2). « La Coupe de Corse, ici, ça veut vraiment dire quelque chose. C’est très important pour un club. Chaque région a son identité et pour les supporters, c’est une question de fierté. On fait du foot pour donner du plaisir et vivre ce genre d’émotion. »

« Terminer premiers, avec nos moyens limités, c’est une grosse performance »

Le 31 mai dernier, les Balanins ont conservé leur trophée en battant en finale Corte (N3) grâce à un but de Khalil Gannoun (1-0, 89e), qui a inscrit 30 buts en deux saisons. « Quand il est arrivé chez nous, ce n’était pas le même joueur. On l’a aidé à progresser. Je préviens les autres clubs : il a déjà resigné chez nous ! On a quelques Parisiens comme lui, Chevalier ou Siby. Ça fait un bon équilibre. »

Cette deuxième coupe de Corse a ponctué une saison historique pour le FC Balagne qui a réussi le doublé. Premier du groupe H de N3, le club corse va évoluer en N2. « On est vraiment allé chercher cette montée avec cet effectif de fous (sourire). On a eu nos deux meilleurs joueurs, Cropanese en août et Darrieux en janvier, qui se sont faits les croisés. Mais on n’a rien lâché. Ça a été un mano a mano avec Sainte-Geneviève qui est resté très longtemps invaincu (NDLR : jusqu’à la 22e journée à Brétigny). A l’aller, ils sont venus gagner 6-0 chez nous et à un moment on était à six points d’eux. Mais ils ont perdu à Brétigny puis on est allé gagner chez eux (2-1) la semaine d’après. On est repassé devant. Mais après, le ballon pesait mille tonnes.. A Saran (1-1), à l’avant-dernière journée, on n’est pas bons. Heureusement, on finit contre Ivry (4-1) dans une ambiance de folie. Avec les derbys corses et les huit équipes parisiennes, c’était vraiment un groupe très difficile. On a des moyens limités financièrement, donc terminer premier, c’est une grosse performance. Ce qui est important, c’est que le FC Balagne, ce n’est pas seulement le club de l’Ile-Rousse, c’est le club de toute la Balagne. »

Sous le maillot du Havre en division 1 (1997-98)

Nicolas Huysman a pu compter sur son staff composé de Julien Bouzin (27 ans), qu’il a connu à Muret, et Pierre Moulard, ancien coach de Santa Reparata. « Avec eux, je suis dans le partage et l’échange. A la fin, c’est moi qui tranche mais j’aime bien aussi la confrontation des idées. Un entraîneur doit savoir reconnaître qu’il s’est trompé. Il faut savoir anticiper et écouter les autres. Ce n’est que comme ça qu’on avance. »

Dans son élément en Corse, Nicolas Huysman a prolongé son contrat jusqu’en 2026. « J’ai ce beau projet, la qualité de vie, la beauté de l’endroit, le côté humain que je recherche. A mon âge, qu’est ce que je vais demander de plus ? Dans l’aspect humain, il y a une forme de similitude entre la mentalité du Nord et la mentalité corse. On retrouve la même solidarité et entraide. L’humain, c’est au coeur de ma vie. Je ne vois pas l’intérêt d’être entraîneur aujourd’hui, s’il n’y a pas ce côté humain, les relations, les échanges. Créer un groupe en tirant le maximum de chaque individualité, c’est ce qu’il y a de plus fort. Quand je vois Carlo Ancelotti dans les bras de ses joueurs… Dans certains endroits, ces valeurs humaines se perdent parfois. Mais pour moi, c’est la valeur essentielle pour réussir dans un club et y laisser une empreinte aussi. Le foot n’est pas moins beau en N2 ou N3 qu’en L1. En haut, il y a, certes, des contraintes. Mais je tire mon chapeau à tous les entraineurs amateurs. On fait un métier magnifique mais il faut avoir l’énergie, un ego fort et les capacités à gérer l’humain. Un entraîneur qui a un peu de bouteille aura, certes, moins d’énergie qu’un entraîneur plus jeune mais son expérience peut le rendre plus performant. »

Nicolas Huysman, du tac au tac

Meilleurs souvenirs ?

Sous le maillot de Créteil en division 2 en 2000-01.

J’en ai quelques-uns mais je vais en ressortir quatre qui sont merveilleux : cette saison déjà avec ce doublé fantastique, la montée en National avec Dunkerque, la Belgique où j’ai vécu des choses extraordinaires et la qualification en Coupe d’Europe avec la Jeunesse d’Esch. Tout ça c’est l’aboutissement d’un travail avec un staff et la récompense de ce qui a été fait. Je l’ai vécu dans presque dans tous les clubs où je suis passé.

Le pire souvenir ?
Le pire souvenir du foot, ce sont des gens qui n’ont pas été corrects… Je regrette d’être mal parti de Dunkerque quand j’étais directeur général. La manière ne m’a pas plu. Après, en tant qu’entraineur, quand j’ai été licencié de Jeunesse d’Esch. Mais on dit toujours « Tu ne seras pas un grand entraîneur tant que tu ne seras pas fait virer. » Donc voilà…
Vous êtes un entraineur plutôt…
Rigoureux. Il est indispensable d’établir un cadre. Cette rigueur, je me l’impose à moi-même. Je la transmets à mes joueurs par mes attitudes et mes actes. Je suis toujours dans l’échange, le dialogue et le partage. Les joueurs savent qu’ils pourront toujours compter sur moi, que je serai toujours là pour eux. Mais je dois aussi amener de la distance, je ne suis pas leur copain. Il faut savoir allier la baguette et la caresse. Comme on dit, une main de fer dans un gant de velours.

Les entraîneurs qui vont ont inspiré ?
Alex Dupont qui m’a formé et m’a fait jouer mon premier match en pro. C’est quelqu’un qui était proche de ma famille. Il m’a toujours accompagné et a toujours été là pour moi. Comme Francis Smerecki qui a toujours été bienveillant avec moi, notamment dans la carrière d’entraîneur en me permettant d’accéder à certains diplômes. Il y a aussi Guy David qui m’a entrainé au Havre. Il était magnifique humainement. Il passait presque plus de temps à discuter avant et après les matchs qu’à l’entraînement. Ces trois personnes qui ne sont malheureusement plus là aujourd’hui m’ont marqué et ont beaucoup compté pour moi dans l’évolution de ma carrière joueur-entraineur. Ils ont participé à ma formation. Je suis également toujours en contact avec Joël Muller.

Un modèle d’entraîneur ?
Jurgen Klopp. C’est un modèle dans sa façon d’être au niveau de l’engagement et la fidélité. Quand on voit ce qu’il a fait à Dortmund et à Liverpool… Pour moi, c’est une référence dans la construction d’un club, la durée et les émotions qu’il a pu transmettre aux gens et à ses joueurs.

Les dirigeants qui vous ont marqué ?
Quand j’étais joueur, forcément Carlo Molinari à Metz. Ça a été un président magnifique. À Dunkerque, j’ai été proche de mes présidents Jo Dairin, Jean-Christophe Géhi et Jean-Pierre Scouarnec avant qu’il ne parte en vrille. C’est dommage, c’est une bonne personne mais qui n’a pas été réglo à un moment. Mais c’est comme ça, c’est la vie du foot… J’ai aussi connu des entraîneurs qui n’ont pas été réglos. Au FC Balagne, j’ai une très bonne relation avec mon président René Navarro. C’est lui qui gère l’aspect financier et il a trouvé un bon équilibre. Cette saison, on n’avait que quatre contrats fédéraux. Des « petits » fédéraux. Moi, je ne m’occupe que du sportif. Il y aussi Jonathan Portillo, le directeur sportif, un ancien joueur qui a été mon adjoint l’année dernière. Il connaît le foot, il est compétent, il est très aimé des gens et il a un réseau intéressant. On travaille main dans la main pour essayer de construire et d’avancer avec le président et les dirigeants. Ça a été cohérent cette année et il faut continuer dans cette voie-là, car le plus dur arrive.

Les joueurs que vous avez le plus fait progresser ?
À Dunkerque, j’ai le souvenir de Clément Tainmont qu’on était allé chercher à Lesquin en CFA. Il a ensuite joué en Ligue 2 à Reims et fait une très belle carrière en Belgique, à Charleroi, notamment. Il y en a d’autres qui ont grandi avec le club de Dunkerque comme mon fils Jerémy, ou Junior Senneville. On a aussi fait sortir Mouaad Madri, qui a commencé en CFA 2 avec nous et qui a ensuite joué à l’AC Ajaccio et à Lens. À Dunkerque, on a toujours eu un groupe de joueurs qu’on a fait progresser. Mais on n’a pas un énorme vivier. Dunkerque, c’est une ville enclavée, avec la mer d’un côté et la Belgique de l’autre. Les Belges, ils allaient pas venir chez nous, ils gagnaient plus chez eux. Et à l’époque, il y avait Lens, Lille, Valenciennes bien devant. Dunkerque n’était pas le club qu’il est devenu aujourd’hui. C’est un bon petit club maintenant. Le stade Tribut a bien évolué. Il leur manque juste un centre d’entraînement. Entre parenthèses, le projet du centre à Vallières, c’est moi qui y avait pensé il y a 15 ans. Comme quoi je connais assez bien ma région pour savoir que c’était le bon endroit… A l’époque, le maire n’y croyait pas. Ils y sont revenus mais ils ont perdu 10 ans.

Vos amis dans le foot ?
Je suis proche de beaucoup de gens. J’ai beaucoup de potes mais je vais citer en premier Ludovic Pollet, un ami de 30 ans. On a joué ensemble au Havre et on a partagé beaucoup de choses. Il a toujours été là pour moi et j’ai été toujours là pour lui. Des vrais amis, tu n’en a pas 100 000… Après, j’ai 4-5 amis très forts hors foot, dont un policier et un chef d’entreprise sur Pau. Je suis quelqu’un qui va plutôt vers les gens dont j’ai jamais eu trop de mal à faire des rencontres.

Vos occupations en dehors du foot ?
Des choses simples de la vie. J’aime bien être avec les gens que j’aime, mon amie qui est à Saint-Tropez. C’est beaucoup de repos et de sport. Je cours 8-10 kilomètres tous les deux jours. J’aime les balades, marcher aussi les pieds dans l’eau. Le matin, j’apprécie de prendre mon café avec mes potes. Après, le foot, ça prend quand même beaucoup de temps. Le matin, on est au bureau, on prépare les séances, les matchs, la vidéo, le suivi des joueurs et l’après-midi on s’entraîne. La saison prochaine, en National 2, on doublera certains jours, on fera entraînement le matin et l’après-midi.

Le Nord ou la Corse ?
Dunkerque, c’est chez moi, c’est ma ville. Mais je ne pense pas revenir y habiter. J’étais à Toulouse, qui est aussi une ville magnifique, pendant deux ans et maintenant je suis ici en Corse. Quand on est dans le sud, c’est difficile de remonter après. En Corse, je me sens bien. La qualité de vie, la beauté de l’endroit, le côté humain des gens… J’arrive à un âge où c’est tout ce que je demande. Je vieillis mais je suis bien dans ma peau. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi bien. J’ai trouvé un paradis de vie. Là, j’ai le soleil devant les yeux et je vois la mer en face de moi… Mais je ne l’ai pas trouvé tout de suite. On ne me l’a pas donné.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech

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L’attaquant de 40 ans, passé par Sochaux, Clermont, Reims et Cannes, revenu terminer sa carrière il y a 11 ans à Belfort, chez lui, là où tout a commencé, a décidé de raccrocher après un parcours bien rempli. Il devrait intégrer la direction sportive de l’ASMB, maintenue de justesse en National 3.

Par Anthony BOYER / Photos DC Sport Com et Philippe Le Brech

À Belfort, Thomas Régnier est connu comme le loup blanc. Peut-être même encore plus que le célèbre lion de Bartholdi, emblème de la ville, qui repose au pied de la falaise de la citadelle.

À Belfort, l’ancien joueur professionnel de Sochaux est aussi, à son échelle, un emblème : celui de son club, l’ASMB, où il a tout vu et tout connu, pendant 20 années, réparties en deux périodes, l’une de 9 ans, lorsqu’il était ce gamin insouciant qui rêvait de marquer des buts comme Jean-Pierre Papin avant de partir au centre de formation du voisin sochalien. L’autre de 11 ans, de son retour en 2013, après une belle carrière qui l’a successivement vu signer dans des clubs pros et amateurs (Clermont, re-Sochaux, Châtellerault, Cannes, Mulhouse, Reims, re-Mulhouse, Colmar, Lille B), entre Ligue 2 et CFA (National 2), jusqu’à cette fin de saison. Une fin de saison éprouvante, à l’issue de laquelle son club de coeur s’est maintenu in extremis en National 3.

Le stade Serzian, sa deuxième maison

Avec Belfort, en National, contre Amiens. Photo Philippe Le Brech

Ce maintien, il n’a tenu qu’à un fil… et à un retour, presque 6 ans après, de l’emblématique entraîneur Maurice Goldman, en remplacement d’Anthony Hacquard. Goldman, 68 ans, retraité actif et toujours attentif aux performances de « son » club, consultant sur FFF TV les soirs des matchs de … Sochaux à Bonal, fut celui qui avait conduit l’ASMB du CFA2 (N3) en National, entre 2010 et 2015. Il fut surtout celui qui est resté assis sur le banc, au stade Serzian, sa deuxième maison, de 2002 à 2018 sans interruption. Il fut aussi le coach qui a un temps fait rêver toute une ville à une improbable accession en Ligue 2 : c’était en décembre 2015 lorsque, à la trêve de Noël, les Lions du Territoire jouaient les premiers rôles, champions d’Automne devant les favoris Strasbourg, Orléans et Amiens.

Cette saison-là, finalement, l’ASMB céda son fauteuil de leader dès la reprise de janvier, lors de la dernière journée de la phase aller, contre Strasbourg, avant de complètement craquer lors de la phase retour, terminant à la 14e place (sur 18), retombant la saison suivante en National 2.

Thomas Régnier faisait déjà partie des meubles à cette époque : avec ses 15 buts en 30 matchs lors de la saison 2014-2015, ses coéquipiers et lui, dont un certain Kevin Hoggas, avaient largement contribué à cette accession historique, avant d’inscrire à nouveau une quinzaine de buts, étalés sur deux saisons cette fois, entre 2015 et 2017, en National.

Employé à la Ville

Photo Philippe Le Brech

À Belfort, donc, l’attaquant, qui portait le brassard de capitaine ces trois dernières saisons, est aussi très connu en ville. Parce qu’en dehors du football, il travaille à la Ville, au service des eaux. C’est aussi parce que ce rythme – travail de 8h à 16h puis entraînement avec son club, retour à la maison vers 21h -, est devenu une charge plus difficile à « supporter », l’âge aidant, qu’il a choisi de mettre un terme à sa carrière à l’issue du dernier match de championnat le mois dernier à Raon-l’Etape, un maintien en National 3 à la clé, assuré de justesse, au bénéfice de la place de meilleur 11e. « ll fallait un électrochoc. Le changement de coach n’a pas été fait de gaieté de coeur mais on sentait que, sans ça, on allait descendre. Au final, cela a été une bonne chose puisque l’on s’est maintenu ».

Mission accomplie donc, pour le Belfortain, qui a bouclé la boucle : « Oui, j’arrête, le club le sait, annonce Thomas; je devrais intégrer la direction du club. On va se revoir avec le président (Jean-Paul Simon). J’ai envie de faire progresser le club sur certains aspects. Il n’y avait pas de directeur sportif jusqu’à présent. Je souhaite épauler les dirigeants et le nouveau coach, Alexandre Demougeot, puisque Maurice (Goldman) ne reste pas. Il était venu juste pour les trois derniers matchs. Je pense qu’on est sur la même longueur d’ondes. J’ai 11 ans de club, sans compter les 8 ou 9 années de présence en jeunes. En fait, j’ai 20 ans de club ! Ce serait une suite logique. »

« J’ai envie de m’investir dans le club »

Photo DC Sport Com

40 ans, le bel âge pour arrêter ? Pas sûr… Demandez à Nassim Akrour, 50 ans, toujours bon pied bon oeil en National 3 à Chambéry ! Depuis sa chambre d’hôtel à Marrakech, où il passe des vacances, Thomas concède : « C’est vrai que je me suis demandé si je devais vraiment arrêter. Même encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’ai pris la bonne décision. Mais je pense que je suis arrivé à un stade où j’ai envie de faire autre chose et, surtout, je n’ai pas envie de faire l’année de trop. J’ai quasiment joué tous les matchs cette saison. J’ai 40 ans, et à cet âge-là, au poste d’attaquant, c’est plus difficile que de jouer derrière, parce que tu affrontes des jeunes qui vont à 2000 à l’heure. Je sais bien que Nassim (Akrour) joue encore à 50 ans, mais lui, il est incroyable ! Et puis j’ai envie de m’investir dans ce club, d’une manière différente. »

Indéniablement, Thomas est très attaché à sa ville et à son club : « Oui mais j’ai aussi adoré Cannes, où je ne suis resté qu’une saison, et Lille. Mais à Belfort, j’ai tous mes amis, toute ma famille, je travaille à la Ville, franchement, j’aurais du mal à en partir. »

À l’ASMB, il a aussi vécu un quart de finale de coupe de France en 2020 (élimination face à Rennes) après avoir sorti, devant 3000 personnes à Serzian, Montpellier (L1) et aussi Nancy (L2). Aujourd’hui, il aimerait participer à la restructuration du club, dans un rôle de directeur sportif : « On peut retrouver le National un jour, mais pas tout de suite. Il y a du travail d’abord. Si on est descendu en National 3 la saison passée, ce n’est pas un hasard. Cela veut dire qu’il y a des choses à modifier, à restructurer. Simplement, il faut du temps. On a toujours été suivi au niveau des collectivités. Il y a une certaine attente. Donc oui, on peut faire quelque chose, mais d’abord il faut poser les fondations. »

Thomas Régnier, du tac au tac

« Petit, je me prenais pour Papin ! »

Photo DC Sport Com

Meilleur souvenir sportif ?
Quand j’ai fait mon premier match en coupe d’Europe de l’UEFA avec les pros de Sochaux, contre Olympiakos (en février 2005, Thomas était en jeu à la 74e à la place de Jaouad Zairi, face au Pirée où évoluait Rivaldo).

Pire souvenir sportif ?
Ce n’est pas évident… La descente de National en CFA avec l’ASM Belfort, en 2017. Mais je n’ai pas eu beaucoup de mauvais souvenirs dans ma carrière.

Combien de buts marqués ?
Je ne les compte pas mais je dirais depuis mes années seniors, près de 200, et chez les jeunes, à Sochaux, je marquais pas mal aussi.

Plus beau but ?
C’était à Belfort contre Boulogne en National, Sofiane Khadda m’avait envoyé un ballon, je l’avais contrôlé en pleine course et j’avais envoyé un extérieur du pied en pleine lucarne !
Le but (avancer à la 25e seconde) :

Un but tout fait que tu as raté ?
Il y a trois ans, à Haguenau, j’ai raté un penalty, et juste avant, alors qu’on avait des joueurs désignés pour le tirer, ça s’était un peu chamaillé pour savoir qui allait le prendre, et au final,  ça m’a sorti du match et j’ai tiré complètement à côté !

Photo DC Sport Com

Des cartons rouges ?
Oui, j’en ai pris trois, mais c’était plus de la maladresse qu’autre chose.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Mon père voulait m’inscrire au judo mais je ne voulais pas en faire. Je voulais faire du foot. Je regardais les matchs à la télé, je voyais Jean-Pierre Papin et quand j’ai commencé, à l’entraînement, je me prenais pour lui (rires) ! J’ai effectué mes débuts à Valdoie, juste à côté de Belfort : j’y ai joué 3 ou 4 ans, puis ensuite j’ai rejoint l’ASM Belfort.

Ton geste technique préféré ?
C’est le double contact, « inter-extér », attention, pas celui de Ronaldinho « exter-inter », qui est un peu plus facile (rires) ! Mais généralement, je ne fais pas trop de gestes techniques, je suis plus dans la simplicité.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, celles d’aujourd’hui, pas celles que j’avais à mes 18 ans ? C’est le jeu aérien et je suis à l’aise techniquement. Mes défauts, je suis un peu fainéant, nonchalant, mais j’ai toujours été nonchalant.

Photo DC Sport Com

Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis maniaque. Et fidèle.

Que t’a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 selon toi ?
Je pense que ça ne s’est pas joué à grand-chose : des choix de carrière peut-être… Quand je suis parti à Clermont, j’étais le 4e ou 5e attaquant du groupe pro à Sochaux, et ils se blessent tous, donc le club a fait monter deux jeunes, Erding et Quercia, et finalement ce sont eux qui jouent. Après, je n’ai aucun regret, parce que j’ai fait une carrière correcte, cela aurait pu être moins bien aussi.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Quand je suis revenu à Mulhouse, en 2008-2009, après ma saison en National à Cannes, j’ai pris beaucoup de plaisir, je suis seul devant, dans une équipe qui ne jouait que pour moi, et j’avais mis 24 buts, ce qui m’avait permis de rebondir derrière.

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Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
L’année à Reims. Après Mulhouse, donc, j’avais plusieurs clubs qui me voulaient : il y avait Dijon en Ligue 2 mais il fallait attendre car un attaquant devait partir, j’avais Evian Thonon Gaillard, en National, avec Stéphane Paille, que j’avais eu deux ans plus tôt à Cannes, et finalement, j’ai signé à Reims, en National, sans savoir qui allait être le coach, et deux semaines après, c’est Marc Collat qui est arrivé… Marc Collat, tu le connais ? C’est le coach que j’avais eu à Clermont-Ferrand en Ligue 2 quelques années plus tôt et ça ne s’était pas très bien passé. Donc j’ai des regrets par rapport à ça. Je regrette de ne pas être allé à Evian ou à Dijon. Et aujourd’hui, je dis à tout le monde, « Ne signez pas dans un club sans savoir qui va être le coach, parce que si l’entraîneur ne vous veut pas… » Après, pour moi, ça ne s’était pas mal passé à Reims, mais bon… Ce sont les antécédents que j’avais avec Marc Collat qui ont fait que…

Photo DC Sport Com

Le club où tu as failli signer ?
J’ai eu beaucoup de propositions quand j’étais jeune, j’ai même eu le Werder de Brême quand j’étais à Sochaux, mais ça n’était pas allé plus loin que ça, j’ai eu des D1 suisses aussi. Mais jamais de clubs où ça ne s’est pas fait au dernier moment. Je disais oui ou non et voilà.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le club mythique pour moi c’est le Real Madrid, depuis tout petit, alors je suis content qu’ils aient gagné la quinzième Ligue des Champions samedi !

Mulhouse, Belfort, Sochaux ou Strasbourg ?
Euh… c’est compliqué…. Je dirais Belfort. Pour la longévité !

Photo DC Sport Com

Un coéquipier marquant ?
Celui qui m’a marqué, quand j’étais jeune, c’est Jérémy Menez, par rapport à ses qualités, il était au-dessus de la moyenne.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Quand j’étais à Cannes, j’étais ami avec Jérémy De Magalhaes, et avec le temps, je me suis éloigné de lui, je ne sais pas ce qu’il est devenu. J’aimerais bien savoir. On s’entendait super-bien.

– Jérémy est directeur technique de l’académie Michel-Hidalgo à Antibes et a entraîné l’équipe II du Cannet-Rocheville, au Cannet, à côté de Cannes, et là, il vient de reprendre l’équipe de Régional 2 de Mouans-Sartoux…
– Ah je ne savais pas. On s’entendait bien en dehors du terrain, on allait toujours manger ensemble, c’est à lui que j’ai pensé en premier.

Photo DC Sport Com

Le joueur avec lequel tu avais un super feeling dans le jeu ?
Il faut que je réfléchisse là… c’était en jeunes, Badara Sène, on a été formé ensemble, je marquais beaucoup de buts grâce à lui, alors qu’il était numéro 6, mais il m’envoyait beaucoup de ballons dans la profondeur, derrière la défense, et comme j’allais très vite à l’époque… J’ai dû mettre 50 buts avec lui entre les jeunes et la CFA ! Ensuit il a joué en pro à Sochaux, à Guingamp et au Mans; là, il est sur Montbéliard.

Un adversaire qui t’a impressionné ?
En jeunes, en CFA, avec Sochaux, on jouait contre l’OL. On était renforcé avec Jérémy Mathieu, Ibrahim Tall, et Lyon avait aligné une très grosse équipe avec Bergougnoux, Nilmar, Jérémy Clément, Diatta, Vercoutre dans les buts, on avait perdu 2 à 1. Ils m’avaient impressionné.

Jean-Paul Simon, le président. Photo DC Sport Com

Le défenseur qui t a posé le plus de problème ?
C’était à l’entraînement, Souleymane Diawara, c’était un roc, c’était très dur, très compliqué contre lui.

Un match référence ?
Je n’en ai pas.

Ton pire match ?
Avec la réserve de Sochaux, j’avais loupé deux penalties : je tire le premier, je le loupe, il est donné à retirer par l’arbitre et je loupe encore…

Le meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
Jérémy Menez.

Plus grosse prime de match ?
Avec Sochaux, en coupe de France, en plus, j’avais des primes individuelles, en 16e de finale à 2005, on avait gagné 1 à 0 à Saint-Symphorien. Combien j’avais pris ? Je ne sais plus (rires). C’était une belle prime, négociée avant dans le contrat. Mais ce ne sont pas non plus les primes de maintenant !

L’entraîneur emblématique du club, Maurice Goldman, est revenu pour les trois derniers matchs. Photo DC Sport Com

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Malheureusement il n’est plus des nôtres, c’est Stéphane Paille. Avant qu’il ne décède, je me disais « Je vais l’appeler », et je ne l’ai pas fait, c’est un énorme regret. J’étais proche de lui à l’époque.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Marc Collat, même si je n’ai rien contre lui.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Mon président actuel, Jean-Paul Simon, pour sa longévité.

Photo DC Sport Com

Une causerie de coach marquante ?
Les causeries de Maurice Goldman à Belfort. C’est un entraîneur atypique. Tu perds 4 à 0 à la pause mais lui, il va te faire croire que tu vas gagner 5 à 4. Il est très fort dans ce domaine, dans le mental. C’est une de ses qualités. D’ailleurs, quand il nous a repris à trois journées de la fin du championnat cette saison, alors que franchement, on était au plus mal, il a su redonner confiance au groupe, et il l’a fait, on l’a fait, on s’est maintenu en N3 ! Il n’y a que lui qui pouvait faire ça !

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
Avec Maurice Goldman, forcément : Je vais te raconter : à la mi-temps, il arrivait toujours 5 minutes après tout le monde parce que d’abord, il allait écouter aux portes du vestiaire des visiteurs pour savoir ce qui se disait ! Il se planquait dans les toilettes qui communiquaient avec les vestiaires adverses ! Et quand il arrivait, il disait « Bon, ils disent ceci, cela, Régnier, tu te fais bouffer dans les duels… » (rires) C’est un exemple. Mais il fallait toujours l’attendre à cause de ça.

Anthony Hacquard a été écarté à trois journées de la fin. Photo DC Sport Com

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Je n’ai plus de joueurs connus dans mon répertoire, de joueurs qui performent aujourd’hui en Ligue 1 ou en Ligue 2. Sinon, parmi les plus « anciens », c’est Bernard Genghini.

Des rituels, des tocs, des manies ?
Plus quand j’étais jeune. Il fallait que je rentre en posant un certain pied en premier sur le terrain, mais plus tu vieillis, moins tu en as. Le foot est devenu moins important aujourd’hui. Les rituels, tu les fais moins. Au fil des années, j’ai perdu tout ça.

Tes modèles de jeunesse ?
Roberto Carlos, alors que c’était un arrière gauche. Quand j’étais tout petit, c’était Papin, et ensuite, en grandissant, Ronaldo, le Brésilien, R9 !

Tes passions dans la vie (en dehors du foot) ?
Ma famille, mes amis. J’aime bien passer du bon temps avec eux. Je suis quelqu’un d’assez simple.

Tu es un attaquant plutôt…
Habile.

Une devise, un dicton ?
Chaque catastrophe est une opportunité.

Une appli mobile ?
WhatsApp.

Une ville, un pays ?
Marrakech. J’y vais souvent. Barcelone aussi. J’aimerais bien aller à Hô Chi Minh-Ville au Vietnam, j y suis allé une fois. Mais c’est loin (rires).

Un plat, une boisson ?
j’aime bien le coca et les coquillettes à la viande hachée.

Cinéma ?
Je suis fan de Denzel Washington.

Un film culte ?
Man on fire (avec Denzel Washington).

Dernier match vu à la télé ?
Les deux derniers c’est Saint-Etienne – Metz, le barrage aller, et Real – Dortmund.

La dernière fois que tu as assisté à un match pro ?
Je suis allé voir Sochaux – Rennes en coupe de France en 8e de finale cette saison à Bonal (1-6).

Un sport (autre que le foot) que tu aimes bien ?
Le padel.

Ce que tu détestes par-dessus tout dans la vie ?
Le mensonge.

Un chiffre ?
Le 7. J’adorais ce numéro, que j’avais à Mulhouse. Et quand je suis arrivé à Belfort, on m’a donné le 9, il y a 11 ans, alors que ce n’est pas mon chiffre préféré, mais je l’ai gardé.

Une couleur ?
Le bleu. Non, pardon, le vert !

Un surnom ?
La Régnance ! (Contacté, Jérémy De Magalhaes dit qu’on le surnommait « Tintin » !)

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas. C’était… football sinon rien !

Le milieu du foot ?
Ingrat.

Le club de Belfort ?
Fraternel.

Sa fiche : né le 11 mars 1984 à Belfort (40 ans). Poste : attaquant.
Parcours : Valdoie, ASM Belfort, Sochaux (L1, 2004-05), Clermont Foot (Ligue 2, 2005), Sochaux B (CFA, 2005-06), Châtellerault (National, 2006-07), Cannes (National, 2007-2008), Mulhouse (CFA, 2008-2009), Reims (National, 2009-2010), Colmar (National, 2010-dec 10), Mulhouse (CFA, janv. 2011-juin11); Lille B (CFA, 2011-2013), Belfort (CFA, National, N2 puis N3, 2013-2024).

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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