Après avoir longtemps évolué en R1 et N3, Mamadou Sylla (29 ans) avait accompagné l’US Concarneau en Ligue 2 en 2023. Le défenseur central, stoppé dans son élan par une blessure à un genou, se reconstruit avec le Paris 13 Atletico, en National.
Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech et Paris 13 Atletico
Photo de couverture : @phovw_sport

Une rétrogradation par la DNCG après la première saison de National avec Sète, une grave blessure alors qu’il était monté en Ligue 2 et portait le brassard de capitaine à Concarneau… À 29 ans, Mamadou Sylla, qui a signé cet été au Paris 13 Atletico (National), a connu plusieurs gros coups durs dans sa carrière.
Après avoir longtemps évolué en Régional 1 et National 3 à Muret et Blagnac, en périphérie de Toulouse, tout en travaillant dans la vie active, le défenseur central, a réussi à gravir les échelons jusqu’en Ligue 2 grâce à sa persévérance et sa foi. Une force de caractère qui ne l’a jamais quitté, même lorsqu’il était hospitalisé pendant plusieurs semaines à l’automne 2023 pour un vilain staphylocoque, ou même quand les clubs ne voulaient pas le faire signer cet été à cause de son genou…
Devant les magnifiques fresques du stade Pelé du Paris 13 Atletico, il a déroulé pendant plus d’une heure, d’une voix calme et sans quitter son sourire, le fil de sa carrière, jamais linéaire, pour 13HeuresFoot. Un exemple forcément inspirant.
« J’ai fait des petits boulots puis électricien à la mairie de Blagnac »

Mamadou Sylla a grandi dans le quartier du Mirail, à la Cité du Parc. Après des débuts au Toulouse Atlectic Club (TAC) puis à Toulouse Fontaines, il rejoint Muret, un club de la périphérie toulousaine en U17. « On ne voulait pas de moi en U17 Nationaux aux Fontaines. Stéphane Audard , mon professeur à la section foot du Collège Paul Valery m’a dirigé vers Muret. »
Il évolue surtout avec l’équipe B au départ. « J’étais dans le groupe U17 Nationaux mais je n’ai pas fait beaucoup de matchs comme titulaire. Mais cela m’a forgé quand même. En U19, grâce à mon entraîneur Anthony Legiembe, j’ai vraiment progressé. On a terminé 1er en DH Ligue et réussi un bon parcours en Gambardella. »
Jean-Philippe Deneys, l’entraîneur des seniors, alors en DH (ex-R1) le fait naturellement monter dans son groupe.
Après cinq saisons à Muret dont deux en DH, il signe à Blagnac en 2016, alors qu’il a 21 ans. « Je sentais que je stagnais. À Blagnac, j’ai retrouvé des anciens de Muret, des gens de mon quartier, et d’autres que j’avais déjà affrontés. »
« J’ai toujours cru en moi »

Lors de sa première saison, Blagnac accède au National 3 et réalise un gros parcours en Coupe de France avec les éliminations de Béziers (National) et du Red Star (L2). L’aventure s’arrête (0-1) en 32e de finale face à Niort (L2). Parallèlement au foot, le défenseur central, titulaire d’un BTS électrotechnique, travaille dans la vie active. « J’arrivais à un âge où je devais travailler. J’ai fait des petits boulots. Le président Gilbert Grenier m’a fait entrer dans son service à la mairie de Blagnac. J’étais électricien. J’ai aussi posé des compteurs. »
S’il a évolué dans quatre clubs toulousains, il n’a jamais été contacté par le Toulouse FC. « J’y ai quand même fait un essai avec la réserve quand j’étais à Muret. C’était une bonne expérience mais je n’ai pas été pris. Je suis aussi allé au Havre. Quand on est jeune, on a des rêves, des ambitions. Mais la réalité nous rattrape vite. Il y a tellement de facteurs qui font qu’on réussit ou pas… Ça tient parfois à une bonne rencontre au bon moment. Moi, je n’ai pas fait de centre de formation et mes essais à Toulouse et au Havre, je ne les ai pas pris comme des échecs. Au contraire, ils m’ont donné confiance car j’ai pu me mesurer à d’autres joueurs qui, eux, étaient en centre de formation. J’ai toujours cru en moi. J’ai connu des galères, des moments difficiles mais j’ai quand même réussi à gravir quelques échelons dans le foot en partant de très bas. »
« Sète ne s’est pas arrêté à mon CV »

Après quatre ans à Blagnac dont trois saisons en National 3, il quitte pour la première fois Toulouse, à 25 ans, pour découvrir le niveau au-dessus, à Bergerac (National 2), en 2020. C’est la première fois qu’il peut vivre uniquement du foot. « C’est grâce à un coéquipier qui savait que je voulais voir au-dessus. Il m’a mis en contact avec Bergerac. Le coach David Vignes s’est renseigné sur moi et j’ai signé. »
Malheureusement, cette première expérience en National 2 s’achève après huit matchs (et 2 buts) à cause de la Covid. La saison est stoppée fin octobre. « J’ai quand même vécu une bonne expérience. C’était un bon apprentissage pour moi. Il y avait vraiment des tops joueurs. Beaucoup avaient le niveau au-dessus mais ils étaient bien à Bergerac. »
Malgré cette saison tronquée, il connaît un rebond inespéré en signant à Sète en National, une division qu’il va donc découvrir pour la première fois à 26 ans. « C’est grâce à Samir Bakir, un ancien coéquipier de Bergerac. Il connaissait Sandryk Biton, le manager général de Sète, qui a été fantastique avec moi. Il a bien vu que je venais de nulle part mais il ne s’est pas arrêté à mon CV. Il m’a fait confiance. Il a pris un risque. Peu l’auraient fait… »
Sur le terrain tout se passe bien. Mamadou Sylla gagne sa place de titulaire et dispute 30 matchs. Miné par des problèmes internes et financiers, Sète arrache son maintien en s’imposant à Bastia-Borgo (2-1) lors de la dernière journée. « Je n’avais pas d’autres propositions donc j’ai décidé de rester à Sète. Mais pendant la préparation, la DNCG nous a rétrogradés en National 2. Forcément, j’étais très touché. On avait fait le job sur le terrain pour maintenir le club en National, donc c’est dur d’apprendre la descente pour raisons administratives. Dans ma tête, je suis KO. Bien sûr, il y a pire dans la vie. Mais je me retrouve dans le flou. »
« La montée en L2 avec Concarneau, la meilleure année de ma carrière »

Mais fin juillet, il reçoit un coup de téléphone providentiel de Stéphane Le Mignan. L’entraîneur de l’US Concarneau veut pallier la blessure de son capitaine Guillaume Jannez et cherche un défenseur central. « J’ai toujours vécu à Toulouse ou dans le Sud à deux heures de chez moi, donc la Bretagne, c’était un changement radical. Mais j’étais tellement content de retrouver un club de National ! Un joueur s’est blessé et j’ai su saisir ma chance. Le foot, c’est une question d’opportunités. »
Il s’impose comme titulaire et porte même le brassard de capitaine. « Le coach m’a donné sa confiance et j’ai essayé de la lui rendre. Cette saison, c’est la meilleure année que j’ai connue dans ma carrière avec des coéquipiers qui sont devenus des frères. »
Mais à Avranches, lors de la 30e journée, le 21 avril 2023 (victoire 3-0), il est touché au ménisque juste après la mi-temps. « On a discuté avec les médecins. Il y avait la possibilité de ne pas me faire opérer, juste remuscler le bas du corps. C’est l’option qu’on a choisie. »
La saison se termine sans lui et c’est des tribunes qu’il assiste à l’historique montée de Concarneau en L2. En juillet, il est prêt pour la préparation. Lors du premier match face à Bastia, il reste sur le banc avant de disputer ses premières minutes en pros la semaine suivante à Bordeaux, un match forcément particulier pour le Toulousain. Lors des deux matchs suivants face à Caen et le Paris FC, il est titulaire et porte le brassard de capitaine. Ce match à Troyes contre le Paris FC le 26 août 2023 sera son dernier. « Le ménisque n’a pas tenu. Je n’avais pas forcément de grosse douleur. Mais il valait mieux me faire opérer. C’est là que j’ai chopé un staphylocoque et que les problèmes ont commencé. »
« L’affaire de mon genou revenait tout le temps »

Si son retour avait été annoncé pour début 2024, Mamadou Sylla a dû être opéré à plusieurs reprises. « Je suis resté trois semaines à l’hôpital. J’avais du mal à marcher. Dans ces moments-là, tu ne penses plus au foot. C’est l’homme qui est touché. Ça n’a pas été facile. Heureusement, j’ai eu beaucoup de soutien. »
L’ancien électricien qui jouait encore en National 3 à 24 ans, est foudroyé au moment où il touchait son rêve de jouer chez les pros, en L2. « Les gens qui me connaissent vraiment savent comment j’ai galéré pour en arriver là, faute d’opportunités. Quand on n’a pas de CV, qu’on commence à prendre de l’âge, le foot, c’est comme dans le boulot : on ne te donne pas ta chance. Quand on a un parcours comme le mien et qu’il t’arrive un souci de santé comme ça, on est forcément dégoûté. Mais dans ma religion, on croit beaucoup au destin. La patience prime avant tout. Il y a toujours pire que soi dans la vie. »

Mamadou Sylla a su se relever. Jusqu’à faire partie du groupe de Concarneau lors de la dernière journée de L2 chez le Champion Auxerre (défaite 4-1) le 17 mai. Début juillet, le club du Finistère, relégué en National, annonce son départ. « Il ne faut pas croire certaines choses qui sont sorties. Moi, je me voyais rester et Concarneau voulait me prolonger. Mais on n’est pas tombé à l’accord. »
Il part ensuite au Mans. « Je n’étais pas à l’essai. Le directeur sportif et le président souhaitaient que je vienne. Mais le coach n’a pas respecté les engagements qu’on avait pris au téléphone. Je devais signer si mes tests médicaux étaient bons. Ils ont été bons. Mais je n’ai pas signé. Certaines personnes en ont décidé autrement. »
L’état de son genou suscite des interrogations. « J’essayais d’expliquer les choses par A + B. Mais l’affaire de mon genou revenait tout le temps. Même si toi tu connais vraiment la vérité, même si tu as confiance en toi, les gens te mettent dans une case et oublient vite ce que tu as fait avant. Je voyais bien que certains qui avaient fait une plus grosse carrière que moi s’étaient retrouvés sur le carreau. Moi, je n’avais rien fait dans le foot et je n’avais rien. Forcément, dans cette situation la peur commence à revenir… »
« Au Paris 13 Atletico, j’ai trouvé des gens francs, j’en avais besoin »

Fin juillet, le Paris 13 Atletico lui a tendu la main. « Je ne voulais pas prendre le risque d’enchaîner deux saisons blanches. J’ai fait le bon choix qui me permet de rester dans le circuit. Peut-être que certains n’ont pas compris pourquoi j’avais signé au Paris 13 Atletico. Mais moi, je ne me prends pas pour un autre. Je vais là où l’on me veut. Au Paris 13 Atletico, j’ai trouvé des gens francs, le coach Fabien Valeri, le président Frédéric Pereira, le directeur général Namori Keita. Ils disent les choses, ils parlent sans détour et sont honnêtes. C’est ce dont j’avais besoin. Je suis très content d’avoir retrouvé le terrain. »
Deux ans après avoir joué la montée avec Concarneau, le défenseur central a endossé le rôle du grand frère dans un groupe jeune où la plupart des joueurs n’ont jamais évolué en National. « Il y a aussi Germain (Sanou), Moussa (Diarra), Flo (Dexet), Lassana (Diako) ou Ambroise (Oyongo). J’essaye d’amener ce que je peux mais je reste aussi à ma place. On n’a pas beaucoup d’aisance financière, pas trop d’infrastructures mais cela ne fait pas tout. Il y a beaucoup de jeunes qui manquent encore de vécu. Il y a des bons profils, il faut juste qu’ils emmagasinent un peu plus d’expérience. Je suis persuadé qu’on sera vite au niveau pour aller décrocher le plus vite possible notre maintien. »
Contre Sochaux, il y a quinze jours (1-1), il a montré l’exemple en partant de son camp et donnant une passe décisive à Issiaka Karamoko, après un beau une-deux entre les deux joueurs.
Quand il se retourne sur son parcours, Mamadou Sylla ne veut pas encore « tirer de bilan ». « On fera les comptes à la fin de ma carrière. Je suis fier d’avoir gravi les échelons, R1, N3, N2, National, Ligue 2. On peut penser que ma blessure m’a ralenti et qu’elle est arrivée au pire moment. Mais il y a pire dans la vie. Je suis surtout content de laisser, partout où je passe, une bonne image en termes de comportement. Il y a le footeux mais on est des hommes avant tout. C’est ce qu’on retient aussi. Une carrière, c’est aussi une aventure humaine. Ça fait toujours plaisir qu’on valide aussi bien le footeux que l’homme quand on parle de moi. Aujourd’hui, je suis juste heureux d’avoir pu retrouver les terrains et le plaisir pour me mettre au service du collectif. »
Mamadou Sylla du tac au tac

Votre meilleur souvenir ?
Forcément la montée en L2 avec Concarneau qui a été incroyable. Mais je l’ai vécu de façon particulière puisque j’étais blessé et je n’ai pas disputé les 4 derniers matchs. Il était pour moi important d’accompagner le groupe, même en déplacement. Lors du dernier match à domicile contre Bourg-en-Bresse (avant-dernière journée, le 23 mai 2023), j’avais demandé à être sur le banc mais ça n’a pas été possible. J’étais donc près de la main-courante en mode supporter. Quand Antoine Rabillard a marqué le but du 3-2 à la 90e +4, ça été l’explosion. J’ai fait tomber mon portable, ma monnaie. Après, à la 90e +5, Bourg-en-Bresse a obtenu un coup-franc. Je ne voulais pas regarder. Et ils ont tapé sur la barre transversale… On a vécu un scénario de fou. Ce match contre Bourg-en-Bresse a vraiment été le moment le plus fort émotionnellement.
Votre pire souvenir ?
Sincèrement, je n’en ai pas. Je ferai les comptes à la fin de ma carrière. Même ma blessure, je n’ai pas envie d’en parler comme d’un pire souvenir. Quand j’y repense, je n’ai pas de tristesse. C’est plus l’homme qui a été touché car j’ai dû être opéré plusieurs fois. Mais je vois cette blessure davantage comme une épreuve qui me rendra plus fort. Il y a forcément une petite voix en moi qui va dire : « ah si je ne m’étais pas blessé »… Certes, c’est humain. Mais il fait combattre ça. Car si tu n’es pas fort mentalement, tu peux vite t’enfoncer. Moi, je n’ai aucune honte à dire, aujourd’hui, je joue au Paris 13 Atletico et j’en suis très heureux, même si certains ne vont pas le comprendre.
Vos qualités et vos défauts ?
Ce que je sais, c’est que mentalement je suis blindé. Je n’ai jamais douté de moi. Après, je n’aime pas parler de moi. Je laisse les gens juger de mes qualités. Pour mes défauts, je dois encore travailler mon jeu long et mes relances longues. Chez nous, on a Enzo Valentim qui a un jeu long magnifique. On l’a vu sur notre but contre Versailles (1-1, 2e journée) où il met une longue ouverture pour Issiaka Karamoko. S’il pouvait me donner un peu de son jeu long, je serais content.
Votre geste défensif préféré ?
Je ne suis pas le défenseur qui va mettre beaucoup de tacles. Mais j’aime tout ce qui est fait d’anticipation. L’anticipation, c’est une prise de risque. Mais ça donne confiance quand ça marche.

Le club ou l’endroit où vous vous êtes senti le mieux ?
Sur le plan football, Concarneau. La saison de la montée en Ligue 2, on se trouvait presque les yeux fermés sur le terrain. Mais c’est plus facile de jouer une montée que le maintien. C’est dans l’adversité que se révèle la force d’un groupe. C’est quand on est, passez-moi l’expression, dans la merde, qu’on voit si un on est solidaire ou non. Cette solidarité, je l’ai vraiment senti lors de la saison à Sète où l’on s’était sauvé à la dernière journée (NDLR: avant d’être rétrogradé en N2 par la DNCG). Il y avait une vraie osmose entre nous. Humainement, on avait un groupe magnifique. Mais il y avait aussi beaucoup de qualités. Ce n’est pas un hasard si on retrouve aujourd’hui beaucoup de joueurs en Ligue 2, à l’étranger ou dans des clubs pros de National. On a un gardé un groupe WhatsApp, on fait des conférences à plusieurs.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Je me souviens d’un gros duel avec Jeffrey Quarshie quand j’étais à Bergerac. Lui était à Bourges. Il m’avait vraiment étonné, il était très fort dos au but. J’avais vraiment kiffé notre duel. D’ailleurs après ça, il avait signé pro à Bourg-en-Bresse.
Les joueurs les plus forts avec qui vous avez joué ?
Je n’ai pas envie de faire des jaloux. C’est compliqué de choisir comme ça. Des bons joueurs, j’en ai vu beaucoup ! Faïssal Mannaï m’a touché particulièrement, j’ai beaucoup aimé évolué avec lui. C’est un vrai joueur, mais il a surtout le sens du sacrifice pour l’équipe. Il est vraiment altruiste. Amine Boutrah et Amine Sbai sont très complets. Alexandre Phliponeau, Gaoussou Traoré, Alec Georgen, Tom Lebeau, Axel Urie, ils sont très forts techniqiuement aussi. Christian Koffi est train de prouver ses grosses qualités, il était aux oubliettes et il est maintenant à Chicago.
Les entraîneurs qui vous ont marqué ?

Il y en a beaucoup. En U19 à Muret, j’ai eu Anthony Legiembe qui m’a appris beaucoup de choses tactiquement. Grâce à lui, on peut s’adapter à n’importe quel système. Je le remercierai à vie de tout ça. Il y a aussi eu Wilfried Niflore que j’ai eu à Muret et à Blagnac. Ensuite, David Vignes m’a fait passer un cap à Bergerac. A Sète, Nicolas Guibal m’a poussé mentalement. Stéphane Le Mignan à Concarneau, c’était le haut-niveau. Cela ne me surprend pas de le voir à Metz. J’espère qu’ils seront patients avec lui. Si Metz est patient, ça peut bien finir cette histoire… J’ai aussi beaucoup apprécié ses adjoints Hugues Prevost et Danilson Da Cruz. Au Paris 13, je découvre Fabien Valeri qui a aussi des vraies idées.
Les présidents ou dirigeants qui vont ont marqué ?
Gilbert Grenier à Blagnac. Même si ça c’est mal fini entre nous, on avait une vraie relation. C’est une personne qui a fait énormément pour moi. A Bergerac, c’était très familial avec Christophe Fauvel et son fils Paul. Mon passage là-bas a été court à cause du covid mais intense. A Sète, j’ai connu Sandryk Biton qui était manager général, une personne hors-norme, un vrai monsieur. J’ai été marqué aussi par la passion des bénévoles à Concarneau qui ont fait beaucoup de sacrifices la saison dernière en Ligue 2 alors qu’on ne jouait pas chez nous. Je suis toujours en contacts avec des gens du personnel administratif à Concarneau.

Vos amis dans le foot ?
Je suis quelqu’un qui m’entends très bien avec tout le monde donc j’en ai plein. C’est dur de tous les citer. Désolé pour ceux que je vais oublier… Amadou Seydi qui est à Concarneau, c’est mon frère. Il vient de Toulouse aussi et on a joué ensemble à Sète. Il était au Paris 13 Atletico ces deux dernières saisons, il m’a forcément parlé du club. A Sète, j’ai eu beaucoup de frères de galère : Alexis Mané, Yacouba Seydi, Christian Koffi, Amine Sbai, Steve Solvet… J’ai aussi gardé beaucoup d’amis de Concarneau avec qui je parle très souvent : Amine Boutrah, Faïssal Mannaï, Gaoussou Traoré, Alec Georgen, Tom Lebeau, Axel Urie, Fahd El Khoumisti, Issouf Paro.
Avez-vous des modèles dans le foot ?
J’aime bien les parcours de joueurs qui ont connu la souffrance et qui grâce à ça, ont ensuite franchi un cap. Ils ont été mis à l’épreuve mais en sont ressortis plus fort. On est des footballeurs mais derrière, il y a surtout des hommes. C’est ça que je regarde d’abord. Après, pour parler juste football, moi je suis à l’ancienne. Je vais citer John Terry, l’ancien capitaine de Chelsea et le Portugais Pepe. Deux joueurs dans l’anticipation, comme j’en parlais un peu avant.
Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je suis issu d’une famille nombreuse. On n’a jamais roulé sur l’or. On n’a pas le temps de se plaindre. Moi, j’ai toujours été dans la débrouille. Je sais ce que c’est de travailler et de se lever le matin même si on n’en a pas envie. Être passé par là me fait mesurer ma chance de gagner aujourd’hui ma vie grâce au foot. Mais si ça n’avait pas été le cas, je n’aurais eu aucun problème à travailler pour subvenir aux besoins de ma famille.
Comment occupez-vous votre temps libre en dehors du foot ?
Moi, ça toujours été maison, famille et foot. Ma femme et mes deux enfants sont restés à Toulouse. On a beaucoup bougé et ils avaient besoin de stabilité. Le club m’a trouvé un logement à Orly (Val-de-Marne). Là, je m’occupe de bien l’emménager. La vie parisienne, ça change. Mais je m’adapte. Il y a beaucoup de choses à faire. J’ai aussi de la famille proche en région parisienne. Je profite d’eux et j’essaye aussi de me reposer à maximum. J’ai aussi de la famille et des amis de Toulouse qui viennent me voir. Là, il y avait ma mère et ma sœur. Paris, c’est plus accessible que Concarneau.
Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent
Photos : Philippe Le Brech / Paris 13 Atletico
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À Virton, je viens pour donner un coup de main au club, mais je n’ai pas de regret parce que c’était un truc impossible (le club était dernier à son arrivée et n’a pu éviter la relégation, Ndlr). J’en profite pour m’éloigner et voyager. Ce qui rend les choses moins douloureuses. Je suis allé voir des footballs différents. Sortir de cette lessiveuse pour apprécier le jeu et remarquer des détails que l’on ne voit pas quand on est en plein dedans. Par exemple, il y a quelques années, je suis allé voir l’Atlético Madrid sur une semaine d’entraînement : ça m’a confirmé l’idée selon laquelle l’intensité de l’entraînement détermine l’intensité en match le week-end.
Dans un coin de la tête, autant quand l’équipe va mal que bien, on pense à ce qu’ils nous appellent pour donner un coup de main. Mais à ce moment-là (été 2023), je faisais ma vie en Uruguay car j’étais au chevet de ma maman à qui l’on avait diagnostiquée une maladie grave. Je me déconnecte un peu et je sors avec elle. J’étais parti au pays sans l’idée de revenir car la priorité était de l’accompagner. Mi-novembre, je reçois un appel de Nicolas Holveck (le président, décédé le 8 avril dernier à l’âge de 52 ans, Ndlr) – que Dieu le garde quelque part – qui me dit “On a besoin de toi”. Ça ne me surprend pas parce que je connais Nicolas, il sait que je saurai mettre un énorme investissement pour le club. Je ne dis pas ça pour me vanter, mais je suis le seul coach en National avec une expérience en Ligue 1. Je n’aurais pas donné suite si une autre équipe de National m’avait appelé. Je lui ai dit : “Si tu as vraiment besoin de moi, je prends l’avion et je rentre, mais ne me faites pas rentrer pour rien.” J’ai prévenu ma maman qui m’a dit d’y aller, car elle connaît l’attachement que j’ai pour la ville et l’ASNL. C’est la dernière fois que je la vois, que je peux l’embrasser et je savais qu’elle était en paix avec elle-même. Et je rentre à Nancy sans me poser de questions.
Lors de mon premier entraînement, au bout de cinq minutes, je prends à part un joueur qui vient de faire une passe en arrière et j’arrête tout. Je lui dis : “Pourquoi tu joues derrière ? Si on veut faire mal à l’adversaire, c’est devant que ça se passe.” Je dois alors m’adapter au groupe que j’ai et je dois améliorer tout de l’intérieur. Je leur dis que j’accepte le déchet, à condition d’aller vers l’avant. Finalement, ce sont des mots assez simples qui font que les joueurs se prennent au jeu. Il faut aussi savoir tirer le positif de chaque situation négative et gérer les frustrations individuelles des joueurs. D’ailleurs, si vous regardez notre victoire contre Rouen (victoire 1 à 0 le 24 novembre 2023), lors de mon premier match, on voit tout ce qu’on ne voyait pas avant. Et là, j’ai dit aux joueurs : “Voilà, vous en êtes capables et je vais vous accompagner”.
On peut utiliser des phrases comme “La vie continue”, mais ce n’est pas vrai. Il y a toute une remise en question. Une partie de vous-même qui revient à la surface. Il y a un ce côté injuste, incompréhensible… On se demande pourquoi… Et il y a l’autre côté, où je suis coach même si pour moi on ne peut pas détacher l’homme de l’entraîneur. À Sochaux (après le décès de Nicolas Holveck), je n’avais pas de mots pour mes joueurs. On dit que le show doit continuer, mais je fais semblant. Le foot vient en deuxième partie, mais c’est à l’image de la société : quand on montre nos émotions, c’est mal. Si ça ne dépendait que de moi, je me serais arrêté, mais je dois respecter les propriétaires du club et le club.
Je déteste m’enfermer dans un système. L’adaptation à la compétition fait partie de ça. Je veux que mes joueurs soient capables d’assimiler plusieurs systèmes. Je suis anarchiste sur le terrain et dans le système de jeu. Quand vous êtes condamnés à jouer dans le même style, vous rendez service à l’adversaire. Je savais déjà, dès le début de la saison, que le groupe était déséquilibré. Très vite, j’ai aussi compris que c’était un groupe encore traumatisé par la descente (en mai 2023) de National en National 2 (avant que le club ne soit repêché).
C’est dur à dire si tôt dans la saison. Je suis très content de la manière dont vit le groupe. On sait qu’une bonne année est liée à des choses qui naissent dans le vestiaire. La crainte était que la mayonnaise ne prenne pas. On a fait beaucoup de travail sur la cohésion, sur le physique. Même avec la communication qu’on a avec les joueurs, on ne peut pas faire en sorte que tout le monde s’entende. Ça me fait plaisir de voir les joueurs rigoler ensemble. On a dit à toutes nos recrues : “On veut redevenir le Nancy que l’on a connu”. S’ils accrochaient au projet, on y allait et on savait que c’était le bon choix.
Il faut leur faire confiance d’abord. Dans ce championnat, il y a beaucoup de joueurs qui n’ont pas été au bon endroit au bon moment. Des joueurs victimes du conditionnement du football français. Je prends l’image de l’entonnoir : lorsqu’il déborde pour le haut-niveau, les joueurs tombent dans un autre entonnoir, celui des divisions inférieures. Si vous regardez bien, ce n’est pas le cas que de Nancy. L’élément déterminant de cette adaptation, c’est le joueur lui-même, en fait. Nous sommes des accompagnateurs et nous leur apportons des choses, selon moi. Car finalement, le jeu appartient au joueur, et j’espère que cela reste comme ça.
Carlos Aguilera, qui a joué à Cagliari, un attaquant de petite taille, technique. A Nancy, Tony Cascarino était un coéquipier modèle. C’était vraiment l’attaquant irlandais qui savait jouer avec ses défauts et qui se donnait à 100%, qui allait chercher le ballon haut sur le terrain. Par contre, il demandait toujours un congés le jour de la Saint-Patrick parce qu’on sait ce que ça représente pour eux.
Je suis sûr que vous pensez à la coupe de la Ligue (en 2006), mais pour moi c’est notre victoire contre Schalke 04 en tour préliminaire de l’Europa League (saison 2006/07). Au moment de notre victoire en Coupe, je savais qu’on allait tirer un plus grand club que le nôtre. On arrive à Schalke et on ne le savait pas encore, mais on vivait le plus beau moment de notre histoire. En plus, on vit cette période avec plus de la moitié de notre effectif qui vient du centre de formation. Ce match aller-retour en Coupe d’Europe est plus fort que la Coupe de la Ligue qui, elle, est plus le fruit d’un parcours. On perd 1-0 à l’aller en Allemagne et je me souviens avoir dit “On peut les taper chez nous”. Je l’avais dit comme ça pour marquer le coup. Et au match retour, on les surprend par notre tactique, notre intensité et notre mouvement. On leur est juste « rentré dedans » et on les a battus 3-1. Voir des joueurs que l’on a connus au centre de formation à 15-16 ans arriver en Coupe d’Europe sous le maillot de Nancy, ça a doublé ma joie.
Tout d’abord, il y a les graves blessures de vos joueurs. Vous vous sentez coupables de voir certains arrêter leur carrière à cause de ça et on se sent totalement impuissant. Au-delà de ça, on revient à la violence à l’extérieur du stade. Pour notre premier match de Coupe d’Europe à Nancy, Feyenoord se déplace chez nous. Avant le match, ils ont tout cassé gratuitement dans la ville et au stade en lançant des sièges sur la pelouse vers la fin du match. L’ordre du préfet est arrivé demandant de vider le stade pour pouvoir finir le match. Tout le monde pleurait à cause des gaz lacrymogènes, et là je me suis dit que c’était terriblement injuste. Parce que les 1000 ou 2000 abrutis (il se reprend), pardon, supporters, eux sont restés au stade pour des raisons de sécurité. On a mis 3-0 à Feyenoord. Au revoir et merci, sauf que non. On a fait payer à des gens qui sont innocents et on a volé ce moment aux supporters qui attendaient ça depuis les années 1970. C’est de la faute de ces personnes qui ont eu un comportement de sauvage, je suis désolé, mais on demande juste du respect. Ce qui est terrible, c’est que les dirigeants et représentants de Feyenoord étaient aussi impuissants face à tout ça. (Feyenoord a été exclu de la compétition et ses supporters interdits de déplacement durant plusieurs années).
Oui, à Evian-Thonon-Gaillard (2012), c’est une bonne erreur de casting. Je connais les deux propriétaires Richard Tumbach et Esfandiar Bakhtiar, même des gens qu’on appelle les petites mains, d’ailleurs on devrait les appeler les grandes mains. C’était trop bling-bling, on était trop concentré sur des choses pas importantes pour le football moderne. Et trop de gens interféraient et faisaient du mal au club. J’arrive et on me présente un seul terrain, qui n’est pas praticable : on a fini par faire des tennis-ballon sur un parking. Je prenais la suite de Bernard Casoni, donc ça nous appartient à tous les deux, et on finit 9e de Ligue 1, pour une première c’est pas mal. Mais j’avais alerté les propriétaires sur des éléments qui allaient les mener à la chute. Pour l’anecdote, je reviens (pour la deuxième fois, Ndlr) à Nancy en 2013/14 et quand on doit retrouver la Ligue 1 en 2016, pour notre dernier match à Picot, on bat Evian (1-0, le 6 mai 2016, Ndlr) et on les condamne en quelque sorte. J’étais heureux de retrouver la Ligue 1 avec Nancy, mais aussi peiné par ce sentiment d’avoir condamné ce club dans lequel il y avait de très belles personnes.
Ma communication hors vestiaire m’a énormément desservie. Mais quelque part, je m’en fous. La communication, moi je m’en fous. Je suis d’ailleurs un grand fan de cirque ! Pour moi, le football, ce n’est pas un spectacle, ça dépend de trop de choses, ce n’est pas un numéro que l’on répète. Ce que je voulais dire, c’est qu’on peut toujours essayer d’inculquer une idée de jeu, mais il y a un adversaire et il faut l’accepter. Et moi, je voyais que l’on vivait un moment faste et les supporters sifflaient les composantes d’un club qui ont fait les années les plus belles de l’histoire du club. Mais je savais que mes joueurs donnaient tout, mais par moment, le football c’est le football, et on ne peut pas réussir notre numéro. D’ailleurs, le football est un très très grand cirque ! Chaque équipe est un cirque dans lequel chacun veut jouer son numéro, sauf qu’il n’est pas confronté à la difficulté ou la dangerosité du numéro, mais à l’obligation de résultat. Je pense qu’il y a plusieurs voies pour arriver à un résultat, et j’ai laissé cette étiquette de la combativité au détriment de mes joueurs qui faisaient de belles choses. On avait les moyens d’une équipe promue et on faisait toujours milieu de tableau de Ligue 1 : on ne fait pas ça qu’en attendant devant son but.
Les chaussettes nous mangeaient presque le talon, sans protège-tibias. Un football beaucoup plus identifié en institutions. Un autre rythme, parce qu’aujourd’hui c’est beaucoup plus physique. Mais c’était quand même plus fort parce qu’il y avait cette notion d’amoindrir l’adversaire par le contact physique. Aujourd’hui, le football va beaucoup plus vite avec le 4e arbitre, la VAR… A mon époque, on pouvait aller boire une bière avec les supporters, mais ça n’était qu’une bière. Aujourd’hui, c’est impensable, c’est incomparable.



























Bastia-Borgo (2021 – Janv. 22, National). « Je suis content, parce que je retrouve le National, alors que je sortais d’une saison blanche à Rouen. Il est 19h, je suis aux toilettes, je vois le téléphone qui sonne, je ne décroche pas; j’écoute le message, « Bonjour c’est Antoine Emmanuelli, le président de Bastia-Borgo… » et là, je suis comme un fou. « Il me dit qu’Albert Cartier, le coach, va m’appeler… » Moi, Albert Cartier, je le voyais en 3D ! J’échange avec Cartier, ça s’est super bien passé, je me dis « Je vais faire mes valises » alors que j’avais encore deux ans de contrat à Rouen, mais c’était l’opportunité de me relancer en National, je n’avais rien à perdre. Mais bon… J’étais installé dans un logement de vacances, j’avais mes affaires personnelles dans un box, mes enfants ont mis trois mois avant de me rejoindre, c’était long. En fait, c’est compliqué d’être performant sur le terrain si tu n’as pas ton équilibre de vie, ton équilibre familial. J’ai bien commencé mais j’ai pris carton rouge, puis je me suis blessé, et le coach s’est fait virer en décembre. Quand Stéphane Rossi est arrivé, je ne faisais pas partie de ses plans. Et je pars au Puy. »

Oui, j’ai eu les U19 à Bourg (FBBP 01), on est monté en championnat de France. J’ai eu la chance aussi de détecter des joueurs à potentiel et de les accompagner à mon échelle vers le monde professionnel comme Amine El Ouazzani (actuellement à Braga) ou Malcom Bokélé (actuellement à Göztepe, en Turquie, et passé par les Girondins de Bordeaux). Puis j’ai eu les seniors II à Rumilly où j’étais également responsable technique du club en parallèle. Puis je suis allé à l’UF Mâconnais, où j’étais là aussi responsable technique, où on a développé un projet de club, et j’ai eu la charge des seniors Régional 1 et on est monté jusqu’en National 2, en deux ans. Et enfin, il y a eu ces 3 derniers mois de la saison passée avec Alain Pochat à Villefranche-Beaujolais, en National.
Je suis un entraîneur qui échange beaucoup avec les personnes de l’entourage, les joueurs, les dirigeants, le staff, afin d’ avoir un maximum d’éléments sur le contexte, l’environnement autour du groupe. J’ai des idées bien précises sur ce que je veux que l’équipe soit capable de produire : nous devons imposer ce que nous voulons faire sur le terrain, en étant acteur et entreprenant. J’aime faire évoluer mon équipe dans un projet de jeu ambitieux avec une certaine maîtrise pour poser des difficultés aux adversaires. J’aime donner beaucoup de liberté aux joueurs pour ne pas les inhiber dans la prise de décision, ce qui permet notamment aux plus créatifs de pouvoir s’épanouir et de déstabiliser les adversaires. Je suis convaincu qu’un groupe peut réussir de bonnes choses quand la notion de plaisir se retrouve au centre de la pratique, que ce soit plaisir de faire des efforts, d’évoluer ensemble, d’utiliser le ballon, de marquer des buts, mais aussi de défendre collectivement. Pour mettre en place tous ces éléments, il faut bien évidemment avoir le ballon le plus possible, et utiliser des espaces à des endroits précis du terrain pour gagner en efficacité offensivement.
Vous avez mis le doigt sur un trait de ma personnalité. Je suis convaincu que les choses arrivent pour une bonne raison. Quand je suis dans un projet, j’ai toujours pour ambition que le club dans son ensemble soit mieux quand je pars que lorsque j’arrive, au niveau sportif et au niveau structurel aussi. Bien sûr, il y a toujours mieux ailleurs, j’ai pour habitude de dire qu’il arrive de bonnes choses aux bonnes personnes, avec toute l’humilité que je me dois d’avoir. J’essaie d’être une bonne personne, j’essaie d’être le meilleur possible, avec mes proches, avec les personnes avec lesquelles je travaille, avec mes amis. Alors en effet, j’ai la chance que cela se passe toujours bien, mais en même temps, j’entretiens toujours cette volonté là : quand j’ai eu des périodes plus dures, comme j’en ai connues récemment à Mâcon, je sais que c’est pour une bonne raison, je sais qu’il va y avoir quelque chose de mieux ou de différent. Je sais que ma famille et moi, parce que j’associe toujours ma famille à mon parcours de vie, on y retrouvera toujours notre compte. J’accorde beaucoup d’importance aux relations avec les personnes, plus même qu’à l’aspect purement professionnel de notre travail, parce que je pense que c’est ce qui nous nourrit et nous enrichit le plus. Cela colle aussi avec ma façon de manager les joueurs : je pense qu’avant d’entraîner des joueurs, il faut connaître les hommes afin de gagner en efficacité et adapter son management. Je suis convaincu que cette manière d’être amène cet enchaînement de bonnes choses : regardez, je me suis fait « arrêter » à Mâcon et j’ai rebondi à Villefranche en National à 10 kilomètres de chez moi pour un challenge hyper-excitant, avec Alain Pochat, un coach que j’apprécie et que je continue d’apprécier, un passionné et quelqu’un d’entraînant. Et avec des gens que je connaissais depuis 15 ans parce que Villefranche, c’est à côté de chez moi. Et puis il y a eu ce match Furiani-Macon…







Cédric, peux-tu nous raconter ton parcours de footballeur, joueur puis entraîneur…
Quand j’étais à Décines, je faisais des études de nutritionniste à Chambéry, et j’ai obtenu un DUT de diététique, du coup, j’ai eu l’opportunité de travailler à l’hopital de Chambéry, ma ville. Mes parents sont de Aiguebelette-Le-Lac, c’est juste à côté, à 15 minutes. Je suis attaché à cette ville, je suis Savoyard ! Aujourd’hui, je suis toujours fonctionnaire, mais en « dispo ».
Je suis un bon mangeur mais en volume, je ne mange pas des masses, je privilégie la qualité et puis je sais ce qu’il faut manger, ce qui est bon pour le corps. La nutrition, c’est dans les moeurs ! Et puis j’ai été prépa physique aussi, donc les deux mélangés, forcément… On essaie de s’entretenir !
Le métier d’entraîneur, c’est des cycles. Comme dans une entreprise, tu arrives, tu montes, tu stabilises, tu redescends, et au bout d’un moment, il faut partir quand on ne s’y retrouve plus totalement, même si changer de club n’est pas évident; Chambéry est, comme Rumilly, aussi un club très familial. Avec beaucoup de bénévoles aussi, très bien organisé chez les jeunes. Mais en termes de ressources financières, ce ne sont pas les forces de Rumilly-Vallières. Les deux clubs se ressemblent vraiment, la différence se fait sur les moyens, en particulier sur les moyens mis en place pour l’équipe Une.
On ne connaît pas la puissance de ce club. J’ai longtemps été opposé à Rumilly quand j’entraînais Chambéry, j’ai vu la différence depuis l’association des deux communes, Rumilly et Vallières. Le club a pris une grande dimension. Parce que j’ai connu l’époque quand Vallières jouait en Régional 2, d’ailleurs on les avait doublés à la dernière minute du championnat avec Chambéry pour monter en Régional 1, et j’ai connu l’époque quand Rumilly jouait en Régional 3 !
Je pense que le club ne connaissait pas suffisamment le National 2. Les infrastructures étaient en cours de développement mais ce n’était pas encore ça; le staff était plus resserré et tout était concentré sur l’entraîneur (Fatsah Amghar), c’était les prémices du staff médical, bref, tout était « en cours de », et en National 2, si tu es « en cours de »… c’est dur. Ils avaient surtout joué en coupe de France la saison d’avant, et pas beaucoup en N2 à cause de la Covid. Et ici, cette épopée en coupe, ça a soudés les gens, on le ressent, cela a été une étape importante dans l’histoire du club.

C’est ça ! Mes étapes sont : créer une ambiance, une cohésion de groupe. Ensuite, créer un système dans lequel le joueur se sent bien, dans lequel je suis très organisé, parfois trop, parce que je suis un dingue de l’organisation. Enfin, c’est assembler les joueurs dans ce système. Après ça, on peut commencer à travailler sereinement sur différents secteurs comme les secteurs tactique, physique, athlétique, mental. On a un préparateur mental d’ailleurs : c’est 25 % de la performance. Bien souvent, dans les clubs amateurs, c’est une personne du staff qui le fait mais chez nous, c’est une tierce personne. J’en reviens à la cohésion et au système : quand tu as ces deux choses-là, après, tu peux travailler sereinement.




























Pierre-Emmanuel Allard : « Le passé pèse positivement et négativement. Il ne faut pas que cela soit un boulet. On ne doit pas l’oublier. Simplement, il faut trouver un équilibre, entre respect et humilité, et inversement, il faut innover et développer, ce n’est pas facile, surtout quand on reprend un club. Cela nécessite de faire des choix. Parfois douloureux. Parfois, on fait bouger les meubles pour le bien du club, parce que l’environnement bouge. »
Pierre-Emmanuel Allard : « On a retrouvé un club pillé quand on est arrivé, qui venait de traverser deux dépôts de bilan et il n’y avait pas beaucoup de monde présent pour aider à reconstruire… Après, plus ça devient solide, plus les étages sont grimpés, plus les gens adhèrent et nous aident, mais ce n’est pas évident. On a un noyau d’anciennes gloires dans le Grand Angoulême, ravis de répondre présents quand on organise des manifestations, ils sont les premiers à reconnaître le travail que réalise Patrick, mais aujourd’hui, le foot demande une énergie telle qu’il ne leur est plus possible de s’investir, de retourner dans le milieu. »




















