Le nouvel entraîneur de Bourg-en-Bresse/Péronnas (53 ans), qui possède l’expérience de la formation et la connaissance aussi bien du monde pro que du monde amateur, ne dérogera pas à ses principes : loyauté, honnêteté, respect et jeu !

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

On peut donc entraîner une équipe de National 2, descendre en National 3 avec cette même équipe puis retrouver quelques semaines plus tard un poste en … National. C’est bon à savoir !

C’est surtout une bonne nouvelle pour les nombreux coachs encore sur le marché, voire un signal encourageant, quand on sait que le foot se nourrit de statistiques et qu’il ne regarde souvent pas plus loin que le bout d’un CV.

Le jeu, le jeu, toujours le jeu !

Photo Marion Poirier

Entraîner en N2, descendre en N3 et retrouver un poste en National, c’est exactement ce que vient de vivre David Le Frapper. Après cinq mois en enfer à Besançon, de février à mai dernier, à l’issue desquels le Racing n’a pu éviter la relégation en N3, l’ancien joueur de Niort (D2), Valenciennes (D2 et D1), Châteauroux (D2, accession en D1), Créteil (D2), Laval (Ligue 2) ou Gueugnon (Ligue 2), pensait mettre le ballon un peu de côté pour se ressourcer en famille, auprès des siens.

Mais c’était sans compter sur une longue discussion téléphonique avec Gilles Garnier, le président du FBBP 01. La suite, c’est David Le Frapper qui la raconte dans cet entretien qu’il nous a accordés en début de semaine, après une séance d’entraînement, depuis son bureau de Péronnas. Entretien à l’issue duquel il est facile de comprendre le fonctionnement et la manière d’appréhender le football chez le natif de Montargis, dans le Loiret.

C’est simple, joueur, David Le Frapper était milieu de terrain. Agressif et défensif. Entraîneur, il est tout l’inverse. Son credo ? Le jeu, le jeu, toujours le jeu. C’est non négociable. Tant à la formation (il a entraîné les jeunes à Valenciennes, à Châteauroux et à l’OM notamment, où il s’est occupé de la réserve) que chez les seniors. Tant chez les pros (il a entraîné Valenciennes en Ligue 2) que chez les amateurs (Euga Ardziv à Marseille en National 3 et en R1; Rousset, près d’Aix-en-Provence, en National 3; Carcassonne, pour ses débuts d’entraîneur en DH à l’époque).

Plus de 500 matchs en pro

Photo Marion Poirier

Pour lui, le football est inconcevable sans projet humain. « Humain » : un mot qui, c’est vrai, revient souvent dans le jargon, mais qu’il définit à sa manière, histoire de bien faire comprendre que, sans humain, cela ne peut pas fonctionner, à l’image de ce qu’il a vécu à Besançon les derniers mois, après le changement de présidence (Claude Cuinet a été remplacé par le duo Roland Girard – Joffrey Ghesquier). Le respect est aussi au coeur du message qu’il souhaite faire passer à ses joueurs.

Aujourd’hui, c’est aussi un sentiment d’impatience qui anime l’homme de 53 ans, plus de 500 matchs au compteur en pro, la plupart en D2, et qui a tapé ses premiers ballons à Amilly, puis à Cepoy, à côté de Montargis, avant de partir au centre de formation des Chamois Niortais à l’âge de 16 ans : « Je me languis d’être à Dijon, le 16 août, pour le premier match de championnat ». Et nous donc !

On ne lui a pas posé la question, mais c’est sûr qu’il a dû cocher la journée 10 et la date du 23 octobre prochain, synonyme de retrouvailles avec Valenciennes et le stade du Hainaut, sans doute l’endroit dont il est le plus imprégné : « Avec Valenciennes, on s’est maintenu à la dernière journée en Ligue 2 quand j’ai pris l’équipe, alors que je venais des U19 Nationaux, en février 2015, et alors qu’on avait une dizaine de points de retard à 13 matchs de la fin. Avec Valenciennes toujours, c’est moi qui marque le but de la montée en D1 en 1992 ! »

Interview

« On ne construit pas un projet autour de l’argent »

La saison passée, sur le banc de Besançon en N2. Photo Philippe Le Brech

David, tu es passé par des clubs, disons, pas toujours « simples » : on dirait que c’est un peu une constante dans ton parcours…
Quand j’étais formateur à Valenciennes (il s’occupait des U19 Nationaux), j’ai été propulsé en équipe seniors, en Ligue 2 (à la place de Bernard Casoni), parce que, soyons francs, le club n’avait plus d’argent et il a fallu s’appuyer sur la formation; après, à Marseille, on sait que c’est difficile d’être formateur, parce qu’il y a tellement d’exigence du haut niveau… Ce n’est pas forcément le meilleur centre pour pérenniser ou travailler dans la sérénité. Quand j’étais joueur à Niort, à l’époque, c’était un club stable et sain, qui jouait le haut de tableau. Créteil, c’est vrai, c’était un peu plus compliqué, même si je n’étais pas loin de chez moi; c’était l’époque d’Alain Afflelou, qui avait un projet très ambitieux mais cela n’a pas fonctionné. Pour Gueugnon, là, j’étais en fin de carrière et j’y suis allé parce que mon « fidèle » entraîneur, Victor Zvunka, voulait que je vienne lui donner un coup de main alors que moi, je voulais arrêter : finalement, à Gueugnon, j’ai fait deux saisons au lieu d’une ! J’ai joué aussi à Châteauroux qui reste un bon club.

Le foot reste un rapport d’hommes

Oui mais tous ces clubs, aujourd’hui, quand on regarde sur l’échiquier du foot, ont, pour la plupart, disparu du monde pro…
C’est vrai, oui, c’est plus difficile pour Créteil, Niort, Châteauroux, Valenciennes… Je pense que ces clubs, que je connais bien, ont oublié la valeur humaine : aujourd’hui, on ne construit pas un projet autour de l’argent, mais à travers les hommes, à travers un projet humain. On ne peut pas faire autrement quand un club n’a pas beaucoup de moyens. Il faut trouver autre chose.

La saison passée, sur le banc de Besançon en N2. Photo Philippe Le Brech

C’est quoi « un projet humain », une expression que l’on ressert à toutes les sauces ?
Quand on arrive dans une entreprise, où tout le monde sait ce qu’il a à faire, où il n’y a pas de dépassement de fonction pour se mettre en lumière, c’est déjà un grand pas. Chacun doit rester à son poste. Aujourd’hui, dans le foot, certains postes sont occupés par défaut, on voit qu’il y a des ambitions grandissantes derrière et encore, ça, je peux l’entendre. Mais avant tout, le football reste un rapport d’hommes, même s’il y a les aspects tactique, physique, technique, mental… Le rapport humain doit se faire aussi dans la loyauté, l’honnêteté et le respect de chacun. S’il manque un de ces ingrédients là, c’est difficile d’être dans le projet humain.

Quel type de joueur étais-tu ?
J’étais un milieu défensif agressif. J’aimais tellement jouer au foot… Il n’y avait que ça qui m’intéressait, je ne courais pas après l’argent mais après les temps de jeu, les matchs, les duels, avec l’envie de progresser, quand on est jeune, c’est normal. C’est pour ça que quand on me demande mes meilleurs souvenirs, bien sûr qu’il y en a, comme la montée en D1 avec Valenciennes, mais globalement, tous mes matchs sont des bons souvenirs et des bons épisodes de ma vie !

« À Besançon, j’ai senti que j’étais de trop »

La saison passée, sur le banc de Besançon en N2. Photo Philippe Le Brech

À Besançon, ta dernière expérience avant Bourg, c’était donc difficile sur le plan humain…
Ce n’est pas un secret. J’ai passé deux ans à Besançon dont un an et demi avec un président, Monsieur Cuinet, qui avait un projet, celui de faire grandir le club, mais il a arrêté plus tôt que prévu et derrière, je ne m’y suis pas du tout retrouvé dans le fonctionnement, dans les missions que j’aurais dû faire mais que l’on m’a ôtées, parce que j’ai bien senti que j’étais de trop au club, alors qu’on n’était qu’au mois de février, avec deux matchs en retard, et qu’on était 5es… Même si je savais que la saison allait être encore très longue. Et là, franchement, quand tu sors d’une période comme celle-là, tu n’as qu’une seule envie : rentrer chez toi et retrouver les tiens. Ce fut très difficile. Le rapport humain, pour moi, est très important. Quand on me dit qu’il faut partir, OK, mais il y a un contrat en cours… Mais c’était foutu. J’ai aussi ma part de responsabilité, je n’ai aucun problème à le dire.

Cette expérience à Besançon, qu’est ce que cela t’a appris ?
Je le savais avant, les joueurs, même quand tu les respectes beaucoup, sont difficiles : il faut faire attention avec eux, c’est délicat. On parle du milieu pro mais en amateur aussi c’est difficile, il y a beaucoup de connexions à droite et à gauche, et quand ça ne va pas, c’est toujours la faute de quelqu’un. Je suis une personne qui observe, qui se méfie, à la base, et je me rends compte aujourd’hui que pour bien bosser, il faut que tout le monde soit connecté au même projet. Je peux entendre qu’il y a des carriéristes dans des clubs, mais je pars du principe qu’un club restera toujours, alors que les joueurs, eux, ils partent. Quand il n’y a pas de confiance réciproque, c’est difficile de travailler, ça c’est une certitude. On en revient à la même chose : les rapports humains. Certains présidents pensent qu ils ont la légitimité parce que ils mettent de l’argent… non ! J’ai vécu cinq derniers mois très difficiles. La seule bonne chose que je retiens, au delà de ma relation avec Claude Cunet, c’est la réussite de Maxime Blé qui vient de signer en Ligue 2 à Bastia, qui jouait latéral droit et que j’ai replacé avant-centre; ça, c’est mon côté formateur qui parle !

« Ardziv, Rousset, deux expériences exceptionnelles ! »

Photo Mathieu Sixdennier @MS_design

Et les passages à Ardziv, Rousset, dans le Sud, qu’est-ce que ça t’a appris ?
Avant Ardziv et Rousset, il y a eu l’OM. Et quand je pars de l’OM, cela se termine de façon bizarre, parce j’avais respecté l’objectif du maintien avec des joueurs de 17 ans, et à la clé on a eu des joueurs qui ont signé pro derrière, comme Lucas Perrin, Niels NKounkou, Marley Aké, Alexandre Phliponeau, Christopher Rocchia, Boubacar Kamara, et là je m’entends dire que je suis plus fait pour aller chez les pros que pour former… Bon voilà, je me retrouve un peu « sur le cul », et derrière, je suis resté dans le Sud parce que j’y étais bien, parce que ma fille allait y descendre, et puis il y a eu ces deux expériences exceptionnelles et différentes à Ardziv et à Rousset,. Ardziv, humainement, il y avait des valeurs hyper fortes, et ça, c’est un super outil pour basculer dans le monde pro ensuite, parce que tu es dans la gestion humaine, tu es encore plus dans la connaissance des individus, tu as des problématiques différentes que celles que tu as pu connaître chez les jeunes ou chez les pros. Ardziv, ce fut une belle richesse. Ce qui est paradoxal, c’est que souvent les coachs qui passent leurs diplômes veulent immédiatement entraîner des clubs de National ou de Ligue 2. J’ai un cursus très différent : à 30 ans, j’avais déjà des diplômes, parce que j’avais décidé un jour d’être coach. J’ai commencé entraîneur-joueur à Carcassonne en DH. J’ai connu le monde amateur, le monde pro, la formation, quelle richesse ! Ce n’est pas toujours le même travail mais il y a des choses similaires dans la gestion des hommes. Tout ça me sert aujourd’hui dans mon quotidien. À Besançon, en N2, on avait un fonctionnement semi-pro, quasiment personne ne travaillait à côté du foot, on s’entraînait le matin, on avait les outils qu’il fallait; avec le président Claude Cuinet on avait beaucoup travaillé là-dessus. Quand je suis allé à Rousset, c’était dans l’optique de passer mon BEPF, j’ai hérité d’une équipe que je ne connaissais pas du tout, je ne connaissais pas un joueur, et le recrutement, c’était « nada ». Bref. Et on fait un bon championnat, on se maintient, ça m’a aussi permis de grandir, parce que, là encore, c’est une autre mentalité qu’Ardziv, avec des gens bienveillants à chaque fois, avec la folie du Sud mais le respect. Je considère que je n’ai pas perdu de temps, mais que j’en ai gagné.

La saison passée, sur le banc de Besançon en N2. Photo Philippe Le Brech

Revenons à ton arrivée récente à Bourg : ce n’est pas te faire injure que de dire que ce fut une surprise…
Je sais, je suis descendu avec Besançon, c’est un paradoxe. Mais ceux qui me connaissent savent que je suis un coach qui joue. Voilà. J’aime jouer, je suis à l’opposé de ce que j’étais comme joueur, quand j’étais ce milieu de terrain défensif, plutôt agressif. J’aime faire jouer mes équipes. Et même si cela ne s’est pas bien passé durant les cinq derniers mois à Besançon, on a toujours fait du jeu, et à un moment donné, ça se sait. Je sais bien que, parfois, on associe une descente à la qualité du coach, mais voilà, ce sont des raccourcis hyper-faciles. Ce que je me suis toujours dit c’est que, peu importe les résultats, à partir du moment où l’on est fidèle à sa façon de penser, c’est à dire à la manière de gagner des matchs en produisant du jeu, en trouvant des solutions, en étant dans la réflexion permanente, en récupérant des idées chez les adversaires, ce qui est également une richesse et pas tabou, et bien tout cela fait avancer. Mon équipe, qu’elle soit en formation ou pas, elle doit jouer.

« Toutes les successions sont difficiles à gérer »

À Bourg, tu passes aussi derrière Hervé Della Maggiore, qui a marqué l’histoire du club : pas évident à gérer, ça, non ?
Toutes les successions sont difficiles à gérer. Le plus important est de rester dans la continuité du travail qui a été fait et de très vite s’identifier au club, afin aussi de savoir qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas.

Avec le FBBP 01. Photo @Photomatix

Raconte-nous comment s’est noué le contact avec le FBBP 01 ?
Après Besançon, j’avais plutôt envie de rester tranquille, car j’étais marqué humainement. Mon épouse aussi. Donc je ne voulais pas forcément replonger de suite. Je voulais surtout partir très vite de Besançon, me retrouver auprès de mes enfants et de mes petits enfants. J’ai eu quelques propositions de clubs qui ne m’intéressaient pas forcément. Et puis mon agent me dit qu’il a eu un contact avec Bourg, et me demande si je veux les rencontrer. J’ai dit « Oui », sans rien demander. Parce que j’avais l’image de Bourg, d’un club dont j’avais toujours entendu parler en bien. J’ai d’abord eu le président Gilles Garnier au téléphone, ça a duré 3 heures. Ensuite, je suis venu les rencontrer quelques jours plus tard. Alors, bien sûr, tu ne réussis pas les cinq derniers mois dans un club, tu descends en N3, et tu te retrouves sur un banc en National… Je pense que Gilles (Garnier) a pris ses renseignements de son côté, parce qu’on ne prend pas un coach comme ça, par hasard.

Tu avais aussi affronté Bourg la saison passée, en National 2, donc tu connaissais l’équipe…
Oui, je les ai affrontés deux fois et on leur a posés beaucoup de problèmes dans le jeu sur les deux matchs (victoire de Besançon 2-1 à l’aller et défaite 1 à 0 au retour). Peut-être que cela a joué. Je sais aussi que Hervé (Della Maggiore) a soufflé mon nom pour que je vienne, alors qu’on ne se connaît pas plus que ça. C’est un beau challenge, je me dois de l’honorer par rapport au travail qui a été fait tout d’abord par Jordan (Gonzalez) et ensuite par rapport à Hervé, qui a tout connu ici. C’est un vrai héritage.

L’intersaison de Bourg a été agitée, avec un lourd déficit, une incertitude sportive : cela ne t’a pas fait peur ?
Lors de mon entretien avec le président (Gilles Garnier), je ne lui en ai même pas parlé, parce que je considérais qu’à partir du moment où il me faisait venir pour engager des discussions, c’est qu’il était sûr de lui. D’ailleurs, c’est lui qui a évoqué ce volet, et il a été transparent sur la situation du club. De toute manière, il m’a convaincu. Je savais aussi un peu quel genre d’homme il était, quel genre de président il était. Je n’avais pas de doute.

« On a moins de pression que les autres »

Avec un fidèle du FBBP 01, Boris Berraud, son adjoint. Photo FBBP 01

Le championnat National commence le 16 août : tu as vu sa composition ? C’est du très lourd : ça t’inspire quoi ?
Je le prends là encore comme une belle richesse. On a moins de pression que les autres. Moins d’attente aussi. La plupart des clubs veulent monter, Dijon, Sochaux, ça recrute pour ça, et ce sont des équipes qui n’ont rien à faire en National, tout comme Nancy, Valenciennes aussi. Mais ces équipes sont là, avec nous, aujourd’hui. Après, même s’ils ont plus de moyens que nous pour recruter, je ne suis pas sûr que dans ces gros clubs, il existe le même état d’esprit. Nous, on se doit juste de mieux travailler que les autres, de bien vivre ensemble pour affronter ces grosses écuries, jouer dans ces beaux stades, gérer la pression médiatique aussi, mais je n’ai pas de doute, parce que mon équipe a tellement bien travaillé l’an passé… Parce qu’elle est un peu insouciante, qu’elle apprend vite. Mais on ne passera pas pour des fous chaque week-end : on montrera ce que l’on sait faire, avec les moyens qui sont les nôtres. Et comme je le dis souvent, quand on gagnera des matchs, ce sera parce qu’on l’aura mérité.

Il y a 6 ou 5 ans, Bourg avait un certain statut en National, était une grosse écurie. Aujourd’hui, son statut a bien changé…
C’est sûr qu’en termes de budget, on fait partie des petits poucets. Les joueurs qui nous ont rejoints, ils sont là parce qu’ils avaient envie de venir, déjà. Ils sont là pour un projet humain et sportif. Et puis être vus tous les week-ends à la TV (sur FFF TV, qui retransmet les matchs de National, Ndlr), forcément, ça fait un peu plus rêver, ça donne aux joueurs une certaine visibilité et notoriété. En tout cas, ils savent pourquoi ils sont venus. Bourg a survolé son championnat de N2 l’an passé en terme de jeu, et a prouvé qu’il avait sa place en National. Les joueurs vont apprendre à chaque match, ils vont devoir gérer le public aussi, notamment quand ils iront jouer dans des grands stades comme à Valenciennes, Nancy ou Sochaux. En tout cas, ils nous tarde d’être à Dijon, chez l’un des favoris !

« Quand on laisse les gens travailler, il peut se passer de belles choses »

Le National, tu le suivais l’an passé ?
Je regardais surtout les matchs de Martigues, parce que je vivais dans le Sud et que ça m’intéressait. Et puis je regardais aussi beaucoup Niort, forcément, mon club formateur, où j’ai grandi, où j’avais ma maison. Martigues, c’était solide, efficace, avec des joueurs talentueux et un coach, Grégory Poirier, qui avait des idées bien précises, qui a eu le temps de bien travailler. Niort aussi était une bonne équipe, mais un peu désorganisée à l’extérieur. Il faut se servir de ce qu’a fait Martigues : le temps, le projet, le rapport humain, avec moins de moyens que les autres. C’est un très bon exemple. Avant d’entraîner Martigues, Greg (Poirier, aujourd’hui entraîneur du Red Star en L2) sortait de deux expériences difficiles, à Sedan et à Saint-Malo. Mais il avait des idées de jeu. Avec du temps, quand on laisse les gens travailler, il peut se passer plein de belles choses.

La saison passée, sur le banc de Besançon en N2. Photo Philippe Le Brech

Aujourd’hui, est-ce que tu te considères-tu comme un formateur ou un entraîneur à part entière ?
Je suis un entraîneur qui a gardé en lui un fort pourcentage de la formation, y’a des postures que l’on apprend sur le terrain à la formation et que l’on peut améliorer ensuite, l’orientation, les attitudes, dans le travail technique; pour bien jouer, il faut bien maîtriser sa technique. Je pars du principe que si tu es bien organisé et que si tu as vu, alors, derrière, tu peux jouer. On apprend ça aux plus jeunes, et des fois, dans des clubs comme les nôtres, tu croises des joueurs qui ne sont pas passés par des centres de formation, donc il faut leur apporter ça.

Des souvenirs de belles réussites de formateur ?
En fait, mon métier de formateur, je l’associe à mon métier d’entraîneur; des joueurs comme Lucas Tousart, Moussa Niakhaté, Adrien Tameze, Angelo Fulgini, qui ont réussi, m’ont énormément apporté humainement. La finalisation du contrat de développement avec tous ces joueurs là, c’était une belle réussite, et cela montrait tout le travail que l’on faisait à Valenciennes.

« J’aime les entraîneurs qui apportent des idées nouvelles au jeu »

Tu as des modèles de coach ?
Ce que j’ai gardé de mes années de joueur, c’est la discipline, avec un coach comme Victor Zvunka. On a eu de la réussite avec lui, dans les équipes où j’ai joué. J’ai bien aimé aussi Francis Smerecki, pour sa rigueur et sa vision du foot, très avancée à l’époque, mais je n’ai pas de modèle. J’aime les entraîneurs qui apportent des idées nouvelles au jeu, tous ceux qui construisent les matchs à travers le jeu, là je me régale.

Si tu devais te qualifier , tu dirais que tu es en entraîneur plutôt …
Il y a des choses non négociables chez moi : le respect, le travail, la valeur de l’homme, la cadre de vie à travers le club. C’est la base. Après, je suis très à l’écoute. J’aime échanger, partager. Je prends la décision, bien sûr, mais globalement, il y a un peu de tout : du participatif, du directif… Je suis très à l’écoute des joueurs. Mais attention, je les connais : je ne « prends » pas tout, parce que sinon, ils te rendent fou (rires) ! J’ai beaucoup d’exigence sur le jeu, dans les intensités, dans la façon de défendre, et dans l’utilisation du ballon; il y a des principes qu’il faut mettre en place, tout en gardant le talent du joueur : j’aime qu’il soit créatif. Le talent, tu peux l’enlever à un joueur, mais tu ne peux pas le lui donner. Ces joueurs-là, il faut les laisser jouer, même s’il faut les cadrer parfois. C’est eux qui t’en mettent plein les yeux le week-end, qui bonifient l’équipe, qui bonifient les joueurs.

Tu dis que tu es à l’écoute : à l’écoute de Boris Berraud aussi, ton adjoint, qui est vraiment le personnage emblématique du FBBP 01 ?
Boris, c’est quelqu’un d’une belle richesse, il a le maillot bleu gravé en lui. C’est une belle rencontre. j’ai découvert quelqu’un de très bien. Avec lui, le feeling est passé de suite. Son parcours montre sa fidélité. Je sais qu’avec lui, il n’y a pas d’animosité ou d’envie cachée, voilà. C’est un fidèle. On partage beaucoup de valeurs, comme le respect et le travail, des choses immuables chez nous.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

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Dix-huit ans après son départ, le défenseur central (36 ans), qui a effectué ses débuts à Buxerolles, à 2 kilomètres de Poitiers, revient chez lui, et espère apporter toute son expérience acquise sur les terrains de National et de L2.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech (et Stade Poitevin FC + FC Versailles 78)

Thibault Jaques est né à Bordeaux il y a 36 ans mais il n’y est resté qu’un an. C’est pour cela que, depuis toujours, il est considéré comme « Poitevin », puisqu’il a grandi à Poitiers – « Mais j’ai aussi habité à Pau quand on est parti de Bordeaux ». C’est à deux kilomètres de Poitiers, à Buxerolles, qu’il a grandi et tapé ses premiers ballons, avant de lancer sa carrière seniors en 2005-2006 sous les couleurs – Noire et blanche – du grand club de la préfecture de la Vienne. Thibaud a alors 17 ans et le Stade Poitevin, qui a déjà connu plusieurs noms et plusieurs divisions, évolue en CFA (National 2).

Un joueur très apprécié

L’an passé sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Dix-huit ans plus tard, et après une grande traversée du désert, Poitiers vient de retrouver le National 2… et par la même occasion « son » défenseur central qui, entretemps, s’est construit une solide réputation et a emmagasiné de l’expérience !
Thibault Jaques, c’est 245 matchs de National (Versailles de 2022 à 2024, Bourg, Chambly, Colmar et Boulogne), deux saisons pleines en Ligue 2 avec Chambly (2019-2021), une demi-finale de coupe de France (2018, Chambly) et aussi un quart-de-finale (Boulogne, 2014).

Voilà pour le CV d’un garçon apprécié dans tous les clubs où il est passé, que tous les coachs rêvent d’entraîner, et qui effectue donc, à 36 ans, un retour à la maison, près de 20 ans après le dépôt de bilan qui avait plongé Poitiers en Division d’Honneur, en 2006. Un garçon qui a longtemps écumé le CFA (National 2) avant d’éclore sur le tard, vers l’âge de 25/26 ans, à Boulogne, en National, recruté par un certain John Williams (directeur sportif de l’Amiens SC depuis 10 ans). « J’ai commencé le football à l’ES Buxerolles avant de partir à Poitiers à l’âge de 12 ans, raconte le défenseur central. Ensuite, j’ai rejoint le SOC (Châtellerault) en 14 ans Fédéraux puis en 15 ans Honneur. »

Repéré par Châteauroux, il file à La Berrichonne, où il évolue avec les 16 ans Nationaux. Mais la saison ne se passe pas comme il l’espérait : à partir de janvier, il est écarté, parce que son formateur, Dominique Bougras, estime que, quand il joue, l’équipe encaisse un but… Une « drôle » d’explication qu’il n’a toujours pas comprise ni digérée. « Du coup, à Châteauroux, on m’a dit que je ne jouerais pas la deuxième saison, et c’est là que je suis revenu dans ma ville à Poitiers. Je voulais jouer en adultes, alors j’ai joué en Division d’Honneur puis j’ai intégré la National 2 (entraînée alors par Laurent Croci). C’était la dernière saison avant le dépôt de bilan (2005-2006), poursuit le papa de Gabriel (3 ans), Abel (4 ans) et Dani (7 ans). »

« J’avais 7 ans quand Poitiers était en Division 2 ! »

Photo Stade Poitevin FC

Après la descente aux enfers de Poitiers, Thibault retourne à Châtellerault : « J’y suis revenu en 18 ans Nationaux, on a fait un quart-de-finale de Gambardella, puis en CFA et CFA2. Et ensuite je suis allé à Trélissac, en CFA2, et on est monté en CFA ».
Et Poitiers en Division 2, il s’en souvient ? « Oui, oui, j’étais petit, j’avais 7 ans (la dernière présence de Poitiers en D2 remonte à la saison 1995-1996). On venait d’arriver, et je me souviens de joueurs comme Jérome Billac, Pascal Siklenkla, Philippe Barraud, et d’autres… »

Présent avec sa nouvelle équipe à Poitiers depuis la semaine dernière et officialisé par son club jeudi dernier – On vous conseille de clip de présentation du joueur, très réussi ! – l’ex-capitaine du FC Versailles  a donc quitté son domicile du Chesnay, dans les Yvelines, pour rejoindre une ville qu’il connaît bien et un club qui, lui, a bien changé ! Un retour à la case départ, en somme !

Thibault Jaques, du tac au tac

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
La demi-finale de coupe de France avec Chambly (en 2019, élimination face aux Herbiers, au stade de la Beaujoire, à Nantes).

Pire souvenir ?
Ma blessure aux ligaments croisés en 2017, avec Chambly aussi, en National, début avril je crois. C’était contre Concarneau.

Combien de buts marqués ?
Non, ça, je ne sais pas.

Et ton meilleur score sur une saison ?
Oui, c’est 7 buts, l’année de la montée de National en Ligue 2 avec Chambly.

Sur les six dernières saisons, tu as une moyenne de 5 ou 6 buts marqués par saison, pas mal pour un défenseur central, non ? Ce don, ça vient d’où ?
J’ai toujours bien aimé aller devant. Après, c’est vrai que lors de la première partie de ma carrière, je ne marquais pas trop, je n’étais pas prédisposé à monter sur les corners, car il y avait des garçons plus grands que moi, mais j’ai toujours bien aimé le travail devant le but. Ces dernières années, ça a plutôt bien marché, je sentais bien les coups.

Un but marquant ?
Le doublé à Lyon-Duchère, l’année de la montée avec Chambly toujours, fin mars 2019, on gagne 2 à 1, on s’est tous applaudis dans le vestiaire parce que ce soir-là, on s’est dit que si le défenseur central marquait un doublé, là, dans un match comme à, c’est qu’il ne pouvait plus rien nous arriver, que c’était notre année !

Ci-dessous, le doublé de Thibault Jaques face à Lyon Duchère

Combien de cartons rouges ?
Je pense que j’en ai pris 3 ou 4, dont un cette année avec Versailles.

Photo Stade Poitevin FC

Tu as toujours joué défenseur central ?
Oui, sauf lors de ma première saison en National, à Boulogne, où j’étais arrivé au mois de janvier (2014). J’avais joué un peu milieu défensif, puis après j’ai repris mon poste en défense centrale. Avant Boulogne, à Trélissac (CFA2 puis CFA) et à Châtellerault (CFA puis CFA2) , je jouais déjà défenseur central. Quand j’étais plus jeune, j’avais un peu joué au poste de latéral, mais vite fait.

Comment t’es-tu retrouvé à devoir évoluer au poste de milieu défensif à Boulogne ?
En fait, quand je suis arrivé à Boulogne, en cours de saison, le club était en National et je n’avais aucune expérience du niveau; c’est le coach, Stéphane Le Mignan, qui m’a mis là, au milieu, parce que je pense que, pour lui, j’avais un peu moins de responsabilités en jouant à ce poste. La saison d’après, j’ai joué derrière, et on a fait 1/4 de finale de coupe de France (élimination aux tirs au but contre Saint-Etienne, en mars 2015).

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Ton geste préféré ?
Les crochets ou alors la passe qui casse les lignes !

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, ma technique, comme le « contrôle-passe », le sens du jeu, le placement, l’anticipation, mon côté leadership, de toujours vouloir aller vers l’avant, avancer. Et pour mes défauts, peut-être qu’il m’a manqué un peu de vitesse.

Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis boudeur. Je n’aime pas l’injustice. Dans la vie de tous les jours, je suis susceptible, boudeur, et sinon je suis généreux avec mes amis.

Une idole ?
Zidane ou R9, Ronaldo, le Brésilien.

Un modèle ?
Sergio Ramos, même si ce n’est pas très original. Paolo Maldini aussi.

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Que t’a t-il manqué pour être un joueur de Ligue 2 confirmé ?
J’ai mis du temps à sortir du National 2, à l’époque, c’est John Williams (actuellement directeur sportif à Amiens) qui m’a fait venir à Boulogne, en National. J’ai commencé à 17 ans et demi en National 2 à Poitiers pourtant, mais aujourd’hui, je pense que si je commençais au même âge à ce niveau, j’aurais eu de grandes chances de partir dans un club professionnel. J’ai l’impression que c’était beaucoup plus dur de signer dans un club pro avant. Après, je n’ai aucun regret sur ma carrière.

Justement, c’était la question suivante : pas de regret ?
Non, je n’ai pas de regret, j’ai joué, ce qui était le plus important. Après, ce n’est pas un regret, mais j’aurais juste préféré que l’on monte en Ligue 2 avec Bourg-en-Bresse lors de la saison 2021-2022, parce que je pense que l’on avait une grosse équipe. Mais en aucun cas je regrette d’avoir signé à Bourg.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
A Boulogne, on avait une équipe extrêmement jeune, on s’est régalé, et aussi l’année de la montée en Ligue 2 avec Chambly, pas tant en termes de jeu mais surtout parce qu’on avait un groupe extraordinaire.

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Un club où tu as failli signer ?
Un club à l’étranger peut-être, au Dynamo Bucarest, j’étais parti là-bas, je devais allé en préparation à Antalya en Turquie avec eux, le directeur sportif me dit que c’est bon mais finalement, deux heures après, ce n’était plus bon… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pendant ces deux heures !

Un club, autre que les Girondins ?
L’OM (rires), même si Bordeaux, ça m’intéresse quand même… Mais mon club de coeur, c’est l’OM. A Bordeaux, je n’y ai habité qu’à la naissance, pendant un an.

Un stade mythique ?
Santiago Bernabeu. Mais je n’y suis jamais allé. Mais là, avec le nouveau stade, ça va vraiment valoir le coup.

Avec son ancien coéquipier à Chambly, Joachim Eickmayer (Red Star). Photo Philippe Le Brech

Un stade qui t’a impressionné, en tant que joueur ?
A Strasbourg, quand j’ai joué le derby en National avec Colmar, il y avait 28 000 spectateurs, c’était chaud.

Un coéquipier marquant ?
Jeremain Lens, à Versailles, c’est vraiment la classe, il est très simple, Marvin Martin que j’ai côtoyé à Chambly, idem. Et aussi Medhy Guezoui, pour sa folie !

Un joueur avec qui tu avais un super feeling sur le terrain, dans le jeu ?
Joachim Eickmayer, on jouait les yeux fermés, et aussi Simon Pontdemé et « Anto » Soubervie.

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Un surnom ? Il paraît que certains t’appelaient « Le professeur » ?
On me surnomme « Thib » ! Le Professeur ? Oui, ça c’est Simon (Pontdemé) qui aimait bien chambrer, il m’avait surnommé comme ça…

Combien de vrais amis dans le foot ?
J’en ai 5 ou 6.

Un adversaire qui t’a posé des problèmes ?
A l’époque, avec Poitiers, en National 2, j’avais joué arrière gauche et j’avais affronté Dimitri Payet qui jouait ailier droit, en réserve à Nantes, et là… Waouh ! Il allait vite ! C’était compliqué contre lui, on avait perdu 2 à 0, doublé de Claudio Keserü. Et je me souviens aussi de l’attaquant de Caen, avec Chambly, Alexandre Mendy, très physique.

Un joueur perdu de vue et que tu aimerais revoir ?
C’est au centre de formation à Châteauroux, le petit frère de Morgan Amalfitano, Romain, je n’ai plus de nouvelles depuis plus de 10 ans.

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Eric Maïoroff, mon entraîneur en U14 Fédéraux à Châtellerault.

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir…
De toute façon, maintenant, je peux le dire ! Dominique Bougras, mon coach au centre de formation à Châteauroux : avec lui, j’ai joué la moitié de la saison, puis il m’a dit que ses statistiques montraient que quand je jouais, on prenait un but. Donc je n’ai plus joué à partir de janvier ! A 16 ans, c’est un peu dur à comprendre : moi, j’étais là pour jouer au foot. Un formateur n’est pas là pour ça mais plutôt pour former des footballeurs et aussi des hommes. Je l’ai recroisé plusieurs fois après…

Un président qui t’a marqué ?
Le président Fulvio (Luzi), pour ce qu’il a fait à Chambly, et monsieur (Fabrice) Faure à Trélissac, qui a vraiment donné énormément de son temps et de son argent pour son club, sans jamais réussir à monter en National, un peu comme à Bergerac d’ailleurs, avec Christophe Fauvel.

Une causerie marquante ?
En coupe de France, à la mi-temps contre Monaco avec Chambly, on est mené 2 à 0, le coach Bruno Luzi avait eu des mots un peu crus…

Sous le maillot du FC Versailles 78. Photo Philippe Le Brech

Un président qui ne t’a pas marqué…
A Colmar (saison 2015-2016), je ne sais même plus son nom (Christophe Gryczka)… Un jeudi, la veille d’un match à domicile, il nous dit « ne vous inquiétez pas, je ne vous lâcherai pas, je me bats pour trouver de l’argent », et le lendemain, après le match, il démissionne. Le foot dans toute sa splendeur !

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Non, ou alors, défendre tout le long et espérer marquer sur un coup de pied arrêté; ça, je veux bien le faire un match ou deux, mais pas une saison !

Une appli mobile ?
Instagram.

Une ville, un pays ?
La Colombie et Carthagène.

Souvenir de vacances ?
Bali.

Une anecdote de vestiaire jamais racontée ?
Avec Medhy Guezoui, on a pris un fou rire en pleine causerie de Bruno Luzi, parce qu’on entendait Jean-Michel (Rouet, dirigeant du club) qui tapait à la porte du vestiaire, et qui criait « Ouvrez moi, ouvrez moi » et Medhy explose de rire, on pleurait, le coach nous a vus, Medhy s’est levé, il ne pouvait plus rester en place.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Jeremain Lens et Marvin Martin.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
Le stade de la Beaujoire, à Nantes, pour la demi-finale de coupe de France face aux Herbiers.

Un match référence ?
Le premier match qu’on fait avec Chambly en Ligue 2, on fait tous un gros match, moi aussi, je marque sur penalty, tout avait bien fonctionné, on s’était senti forts.

Pire match ?
Un match amical avec Châtellerault, contre Troyes, on perd 7 à 0 ou 7-1, et là, je me suis dit, « ce n’est pas pour moi » ! Même si ce n’étais qu’un amical, je m’en souviens bien.

Le meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
Bakary Sakho et Razak Boukari à Châteauroux, mais aussi Jeremain (Lens) et Marvin (Martin), qui ont été des internationaux.

Plus grosse prime de match ?
Je crois que c’était un match à 1000 ou 1500 euros.

Photo FC Versailles 78

Un déplacement qui s’est mal passé ?
Il y en a deux. Un avec Chambly, quand le bus est tombé en panne, on revenait de Toulouse : on avait dû mettre 15 heures pour rentrer ! Et puis ce match à Clermont, au moment de la Covid, on avait 12 ou 13 cas de Covid dans notre équipe, le coach était reparti, et on avait dû jouer quand même… Alors qu’à partir de 11 cas, le match aurait dû être reporté…

Des manies ?
Il faut que je regarde avant de sortir de chez moi si mes cheveux, ça va (rires) !

Des vices ?
La nourriture, le chocolat au lait. Je pourrais en manger toutes les cinq minutes ! C’est problématique, parce que je suis obligé de n’acheter que des fruits et des légumes pour mes enfants !

Un plat, une boisson ?
Du Coca et les lasagnes au saumon.

Photo Stade Poitevin FC

Loisirs ?
Les films, les séries, le sport en général, j’en regarde beaucoup. Je suis le basket essentiellement, la NBA. J’ai un peu plus de mal avec le basket français, c’est moins spectaculaire.

Acteurs, actrices, film culte ?
La ligne verte. Acteur, Morgan Freeman.

Dernier match vu en tant que spectateur ?
C’est PSG – Newcastle en Ligue des Champions, au Parc.

Que détestes-tu par-dessus tout ?
Le manque d’investissement.

Couleur préférée ?
Le bleu.

Chiffre ?
Le 29. Ma date de naissance.

Le don de la nature que tu aimerais bien avoir ?
Allez vite comme un sprinteur !

Chanson culte ?
J’écoute de tout, plutôt du rap.

Photo FC Versailles 78

Si tu n’avais pas été footballeur ?
J’avais fait des études de management, mais je n’avais pas un métier en tête, j’ai toujours voulu faire du foot !

On t’a déjà confondu avec Jaques Thibaud ?
(Rires) Non ! Je ne sais pas qui c’est (Jacques Thibaud était un violoniste du début du XXe siècle !)

Pourquoi dans « Jaques » n’y a-til pas de « C » avant le « Q » comme pour tous les « Jacques » ?
Je ne sais pas si c’est vrai, mon grand père était un enfant de la DAS, et le jour où il est arrivé, il lui ont donné le nom de famille de la fête du jour, et ils ont mis ce nom, orthographié comme ça.

Tu es un défenseur plutôt ?
Beau à voir jouer !

Le milieu du foot ?
Je n’irais pas jusqu’à dire que ce n’est pas sain, mais un peu surfait.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe Le Brech (et Stade Poitevin et FC Versailles 78)

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L’ex-entraîneur adjoint de Bryan Bergougnoux à Thonon Evian Grand Genève, passé notamment par l’AS Monaco, raconte son parcours marqué par des expériences hyper-enrichissantes dont il s’est imprégné et inspiré, comme en Italie à Bari, où la notion de travail fut omniprésente, mais aussi en Belgique et aux États-Unis.

Par Olesya Arsenieva / Photos : Thonon Evian GG et DR

Photo Thonon Evian Grand Genève

Pur monégasque, Grégory Campi (48 ans) a été formé à l’AS Monaco, qu’il a rejoint en U11. Malgré un parcours semé d’embûches et freiné par les blessures, il a découvert de nombreux pays (Italie, Belgique, États-Unis) et des styles de jeux différents tout au long de sa carrière, durant laquelle il a évolué à Rouen, au Gazélec Ajaccio, à Lille, à Bari, à l’Impact de Montréal, à La Louvière et à Sanremo.

En 2008, juste après la fin de sa carrière pro, il a créé son premier restaurant « Alden T » (restauration rapide de pâtes) dans son quartier monégasque de Fontvieille. Un jeu de mots qui fait référence aux pâtes « al dente », avec le T pour « mes enfants Théo et Thiago », explique-t-il. Depuis, il a mis son magasin en gérance, football oblige, il a aussi ouvert une autre franchise à Beausoleil en 2022 et s’apprête à en ouvrir une troisième.

Monaco III, Villefranche/St-Jean/Beaulieu

Mais l’ancien milieu offensif ne s’est pas uniquement reconverti comme entrepreneur. Il effectue en parallèle une carrière sur le banc comme entraîneur. Il ambitionne le plus haut niveau et essaye de transmettre son expérience à la nouvelle génération.

Après avoir dirigé l’équipe III de l’AS Monaco (PHB, PHA, DHR et DH) puis l’équipe fanion de la JS Villefranche/Saint-Jean/Beaulieu en National 3, il fut, jusqu’en juin dernier, l’adjoint de Bryan Bergougnoux à Thonon Evian Grand Genève FC, en National 2. Dans l’attente de nouvelles opportunités, il est revenu sur son riche parcours pour 13HeuresFoot.

« Je ne voulais pas être identifié au petit monégasque qui réussit à Monaco »

Sous le maillot de l’AS Monaco. Photo DR

Quand il est pensionnaire du centre de formation de l’AS Monaco, Grégory Campi prend la décision de partir jeune loin de sa région natale. « Je suis parti parce que je ne voulais pas être identifié au petit monégasque qui réussit à Monaco. Je voulais voir un monde différent à 15-16 ans. Il y avait un entraîneur que j’aimais énormément au centre de formation, Carlos Lopez, qui était à Rouen. Il me voulait vraiment et j’avais eu un flash ! Il fallait que je parte là-bas. C’était une ville pour moi très sombre, très noire à l’époque. T’as 15-16 ans, tu viens de Monaco, de la Côte d’Azur… Mais j’étais tellement affamé et je pense que j’ai fait le bon choix. »

Arrivé au FC Rouen en U19, Greg poursuit sa formation dans le club normand. « J’ai joué en équipe réserve qui était en National 2 à l’époque (CFA). Je signe mon premier contrat pro à Rouen et la troisième année quand je dois intégrer l’effectif pro, avec lequel je faisais déjà des apparitions, le club se casse la gueule et disparaît. Du coup je me retrouve libre. » En effet, en 1994, le club rouennais tombe de Division 2 en National avant de déposer le bilan l’année suivante, en 1995.

« J’allais dans les clubs qui me désiraient »

Pour sa première saison comme entraîneur, Grégory Campi remporte la Coupe Côte d’Azur et accède en PHA avec l’AS Monaco III (Photo DR)

À partir de ce moment-là, le jeune milieu de terrain effectue ses choix de manière différente : « Je rebondis au Gazelec Ajaccio en National 1. J’allais dans les clubs qui me désiraient. Je ne forçais jamais mon agent à aller taper aux portes. Dès qu’il y avait un club où je sentais que j’étais désiré, j’y allais…. C’est comme ça qu’il y a eu ce choix bizarre de quitter la Série A pour aller en MLS. C’est juste que le club de l’Impact de Montréal me voulait. Ils s’étaient déplacés pour me voir. Après avec ma femme, on a eu les enfants très tôt et on voulait une culture pour eux. Aujourd’hui mes enfants parlent italien et c’est top. »

Après deux ans pleins passés en Corse, Grégory s’en va une première fois au LOSC. « Quand j’arrive du Gazelec à Lille, je sors de deux belles saisons. Le LOSC me fait signer un an avec Jean-Michel Cavalli, adjoint de Jean Fernandez. Je suis à Lille et en tant que jeune joueur, tu ne joues pas au début en pro, ils m’envoient en réserve. Un match se passe très mal et je prends 6 mois de suspension, ma saison est tronquée. Je m’étais très mal comporté. En fin de saison, le club ne m’a pas renouvelé. »

« Bari, mes plus belles années sportives »

Joueur, entraîneur et … entrepreneur : devant son restaurant Alden T, quartier Fontvieille, à Monaco (Photo DR)

En janvier 1998, le monégasque s’engage dans le club italien de Bari. Un club où il a évolué pendant 4 saisons en Série A sans forcément avoir du temps de jeu. Cette aventure, il la décrit comme la plus belle de sa vie. « Quand je suis arrivé à Bari, j’étais devenu professionnel. J’ai vraiment commencé mon métier de joueur pro à Bari. C’est là que j’ai compris ce qu’était l’exigence, le travail, le doute, la peur, la pression. Je suis tombé dans le truc où tu commences à avoir 2000 ou 3000 personnes qui viennent voir les entraînements, à sortir du stade après les entraînements et prendre 10 minutes pour signer des autographes et faire des photos, etc. C’est là où je me suis dit « là je suis footballeur ! ».

« La notion de travail en Italie est incommensurable par rapport à d’autres championnats, poursuit-il. Le travail physique à l’époque était incroyable, le travail tactique aussi. En arrivant à Bari, j’ai mis beaucoup de temps à accepter que je ne m’amusais plus. J’arrivais à l’entraînement, je savais que j’allais travailler physiquement et tactiquement. Les jeux Banide de Monaco (Gérard Banide, formateur à l’AS Monaco, Ndlr), c’était presque fini. Par contre, tu avais la chance tous les week-ends de jouer contre les meilleurs joueurs du monde. C’était exceptionnel. Même si je n’ai jamais été un titulaire à Bari, je me comportais toujours de la sorte. Je savais que je n’allais pas jouer mais à l’entraînement, je ne lâchais pour être là quand le coach ferait appel à moi. »

Photo DR

« J’ai peut-être fait une petite erreur en restant autant de temps. J’aurais peut-être dû partir en Série B, jouer, me faire mon nom en Italie. Mais j’étais tellement pris par le fait de vouloir y arriver, de vouloir m’imposer en Série A. Je ne regrette rien mais après 4 ans, il y n’avait pas beaucoup de temps de jeu, juste 300 présences sur le banc, ou sur la feuille de match. En Italie, à l’époque, tu pouvais avoir 20 joueurs, quasiment tout le groupe. Tous les week-ends je vivais des moments de rêve dans les plus beaux stades d’Europe. Mais peut être que si c’était à refaire, j’aurais plus écouté mon père et mon agent qui me disaient « Va te faire de la cerise en Série B, va marquer des buts et tu reviendras à Bari après », mais comme j’étais une tête dure, j’ai voulu m’imposer. Je ne regrette rien. »

« Les Etats-Unis, un cadre de vie exceptionnel »

Photo Thonon Evian Grand Genève

À la surprise générale, en 2001, Grégory Campi s’engage à l’Impact de Montréal pour évoluer en MLS. « J’ai signé là-bas parce que je n’avais pas beaucoup de temps de jeu à Bari. J’avais tellement envie de jouer que le premier club où j’ai senti qu’on voulait me faire jouer, j’y suis allé, et c’était l’Impact de Montréal. Je suis arrivé blessé là-bas, je suis revenu trop tôt parce qu’on était en galère de résultats. J’ai repris et je n’ai pas fait la saison que je voulais, un peu parce que j’ai eu du mal à revenir, aussi parce que je me disais que je n’avais pas forcément fait le bon choix. Le choc thermique est incroyable. T’arrives de Série A et tu passes d’un des meilleurs entraîneurs italiens à …. pas tout à fait un prof de gym, mais presque… Maintenant, c’est très structuré là-bas. A l’époque dans les années 2000, les entraîneurs, c’était des Américains. Nous, c’était un Canadien. C’était compliqué. Il n’y avait pas la structure professionnelle que je m’attendais à avoir, le niveau technique encore moins. Ils rattrapaient tout ça par les contrats, l’argent et la vie. Le cadre de vie était exceptionnel. »
Malgré deux ans de contrat, Greg demande à être libéré après une saison pour rebondir en Europe.

« Je passe d’un effectif de Série A à jouer à Schiltigheim ! »

Photo Thonon Evian Grand Genève

Après une quatrième opération au même genou, le monégasque s’engage tout de même avec le LOSC. « Je reviens à Lille après Montréal. Il n’y avait plus un seul dirigeant de l’époque (rires). Je suis revenu avec Claude Puel et Laurent Roussey. J’ai passé une très très belle année mais pareil, ce fut difficile de m’imposer. Sur le moment, je le vis super mal mais je ne lâche rien et si je dois citer une de mes plus belles saisons, c’est celle-là. C’est une saison incroyable. A chaque fois que le coach m’envoyait en réserve, j’y allais bien que quelque temps avant, j’étais dans un effectif de Série A. Là, je me retrouvais à aller jouer à Schiltigheim, à Fleury, etc. Je marque une vingtaine de buts en CFA malgré tout. Claude Puel me fait jouer 4-5 matchs mais je ne lâche rien jusqu’au dernier jour. Ça a été une grande fierté pour moi de me dire « Putain, le coach il t’a fait voir le diable mais toi, t’as jamais rien lâché ». Je m’étais fait opérer pour la quatrième fois du même genou entre Montréal et Lille donc c’est vrai que Lille avait tenté un coup et je pense qu’ils étaient restés sur ça aussi. Sur le fait que j’étais un joueur un peu handicapé. Mais je ne voulais pas entendre parler de ça. C’était l’époque où Lille avait des joueurs de fou (Cheyrou, Bodmer, Moussilou), c’était compliqué mais pas de regrets. »

« A la Louvière, une équipe de mercenaires »

Finalement, c’est en Belgique, à 29 ans, que Greg Campi retrouve du temps de jeu à haut niveau. En 2004, il s’engage à La Louvière en première division Belge (Jupiter Pro League). Il compte 11 titularisations en championnat lors d’une saison riche en émotions. « Je retrouve beaucoup de temps de jeu, avec un coach, Albert Cartier, qui me correspondait, très agressif, qui ne lâchait rien, et des entraînements durs. Forcément, tu joues comme tu t’entraînes et à l’entraînement, c’était des combats. Le coach avait voulu faire une équipe de mercenaires, des joueurs de qualité mais qui avaient galéré comme moi, Gunter Van Handenhoven, Mario Espartero, Wagneau Eloi, Silvio Proto. À Noël, on est premier, on va en demi-finale de la coupe de Belgique, on vit une saison incroyable. »

« Monaco c’est 2 km² »

Photo Thonon Evian Grand Genève

Sa carrière de joueur pleine de rebondissements Greg, il l’achève à Sanremo, en Italie, à 25 kilomètres de Monaco. « J’ai fini là-bas, en Série C, parce que j’avais un kiffe : c’était de jouer à côté de chez moi. C’est à 20 minutes de Monaco, et ce kiffe de partir de chez moi le matin, aller faire mon métier et revenir le soir tout en faisant ma passion et mon métier, il fallait que je le fasse. »

Grégory Campi peut également se considérer comme international. Il compte 4 sélections avec l’équipe de la principauté. « Il y a la sélection nationale monégasque. On ne joue jamais rien parce que ce ne sont pas des footballeurs, ce sont des mecs qui bossent. Par exemple il y a un championnat à Andorre. Monaco, non, c’est 2 km². La sélection nationale existe toujours. Ils m’avaient invité à jouer. Ce ne sont que des amis, on se connait tous. Ça a été une super expérience. On avait joué contre le Vatican mais je peux dire que je suis international (rires). C’est sympa de te retrouver avec tes copains avec qui tu as grandi sur un match international. »

« En France, c’est « Oui mais… » »

Après tous ses voyages, il peut désormais avoir du recul sur le football pratiqué dans les différents pays. « Les mentalités changent complètement selon les pays. L’Italie, c’est vraiment un football malin, vicieux, physique. La Belgique, c’est le don de soi, c’est à l’anglaise, « kick and rush » pendant 95 minutes, ça court, ça défend, ça attaque. La MLS, c’est plus fantaisiste, technique. Là où je me retrouve le moins c’est en France. La France, c’est le « Oui mais ». Le coach dit un truc, le français dit « oui mais ». Je suis comme ça en tant qu’entraîneur : si je te dis que c’est bleu, c’est bleu. Je suis ton référent. Si j’ai un référent et qu’il me dit que c’est bleu, je dois lui faire confiance, il n’y a pas de « Oui mais ». Encore aujourd’hui tu ne retrouves pas ça. Il n’y a pas ce cadre en France. Alors que dans les autres pays où j’ai joué, il y a un cadre, un respect des consignes. »

« Ces années d’amateurisme vont m’aider au plus haut »

Photo Thonon Evian Grand Genève

La saison passée, Grégory Campi fut entraîneur adjoint de l’équipe de National 2 à Thonon Evian Grand Genève, aux côtés du coach Bryan Bergougnoux.

« Quand j’ai commencé à comprendre qu’une équipe pouvait me ressembler, j’ai compris que je voulais être coach. J’ai compris ça quand j’ai commencé à entraîner. Quand je jouais, je ne voulais pas devenir entraîneur. Ma première expérience, je l’ai eue à l’AS Monaco, avec l’équipe 3 du club. On a fait 3 montées et on a gagné deux coupes de la Côte d’Azur. C’est l’équipe Une de l’Association ASMFC. On est montés jusqu’en Régional 1. La première année, le président de l’association me demande de récupérer l’équipe qui était à l’époque en PHB. J’ai fait appel à mes amis anciens pros, comme Stéphane Porato ou Jan Koller pour venir m’aider et prendre encore du plaisir. Et après, sont venus se greffer Gaël Givet, Ludovic Giuly, etc. Une sacrée équipe ! On est monté et là j’ai passé mes diplômes. Je veux aller le plus haut où je peux aller, en faisant les choses proprement, en ne brûlant pas les étapes. Je suis très fier de ça. J’ai commencé en 2011 et chaque année je fais un « step » plus haut. C’est une fierté parce que je pense que si j’ai la chance d’aller au haut niveau, toutes ces années d’amateurisme vont m’aider dans la gestion humaine. »

« Les jeunes pensent plus à leur téléphone qu’à gagner des matchs »

Photo Thonon Evian Grand Genève

Désormais, à 48 ans, il observe avec recul l’évolution dans le football. « Les générations de jeunes ont évolué. Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas conscience de ce que c’est que de perdre un match. Quand je perdais un match, à l’époque, j’avais honte de regarder ma femme et mes enfants dans les yeux. Je l’ai encore aujourd’hui. Mais les jeunes d’aujourd’hui, eux, ce n’est pas leur faute… C’est les nouvelles générations : ils pensent plus à leur téléphone qu’à être sur le terrain pour gagner des matchs. Une descente pour un club, c’est un drame et les jeunes n’en ont pas conscience. Comme ils n’ont pas conscience qu’un titre pour un club, gagner quelque chose, à n’importe quel niveau, c’est exceptionnel. Techniquement, l’aspect physique a également évolué. Nous on était des sportifs de haut niveau mais aujourd’hui c’est des athlètes les mecs. A l’époque, tu jouais contre Ronaldo ou Thierry Henry, ils allaient vite mais t’en avais qu’un ou deux qui allaient vite. Aujourd’hui ils vont tous vite ! Dans une équipe de 10 joueurs, même le gardien va vite. A l’époque nos gardiens, c’était 1m80-85 maximum. Tous les gardiens avec qui j’ai joué, pas un ne dépassait 1m90 et aujourd’hui ils font tous plus d’1m90. »

Grégory Campi, du tac au tac

Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon premier match en Série A Naples – Bari (2-2), le 16 mai 1998. Je rentre à la mi-temps c’était incroyable.

Photo Thonon Evian Grand Genève

Ton pire souvenir sportif ?
C’était la demi-finale de la Coupe de Belgique. Je jouais à La Louvière contre le FC Bruges. Elle m’a fait mal parce que dans toute ma carrière, je n’avais jamais joué de finale et là, en Belgique, j’étais en fin de carrière. Je la voulais tellement cette finale. Quand t’arrives en demi, il ne te reste qu’un match, tu joues le FC Bruges à la maison qui eux jouaient le titre en championnat. Ils n’avaient pas mis une équipe type. J’étais capitaine sur ce match là et on perd (1-0). Je m’étais projeté avant le match au stade du Roi Baudouin pour la finale mais trop se projeter ce n’est pas bon. La chute est terrible.

Tu as marqué combien de buts dans ta carrière ?
Je n’en ai pas mis beaucoup. J’en ai mis beaucoup en National à l’époque au Gazelec d’Ajaccio de 18 à 20 ans. Quand je suis monté en pro, j’ai marqué avec Bari en Coupe d’Italie contre Parme, jamais en championnat. En Coupe de France avec Lille. A La Louvière j’en ai mis deux en championnat.

Photo DR

Ton plus beau but ?
Je l’ai marqué en réserve avec Lille, c’était un coup-franc pleine lucarne de 35 mètres.

Ton poste préféré sur le terrain ?
Milieu offensif.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Je n’ai pas choisi, je n’avais pas d’autre option, j’allais être footballeur. J’étais tellement passionné, je ne me suis jamais projeté pour faire autre chose que du foot.

Ton geste technique préféré ?
Le tacle.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Le défaut de mes qualités : l’agressivité.

L’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
Bari en Série A, avec des joueurs champions du monde en 2006 ; Cassano, Zambrotta, Perrotta. Il y avait des champions du monde allemands comme Thomas Doll. Klas Ingesson aussi. Il n’y avait que des gentlemen. Quatre ans à Bari, ça a été les plus belles années de ma vie.

Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
A l’époque, la Juventus de Turin.

Photo Thonon Evian Grand Genève

Un match qui t’a marqué ?
Une grosse bagarre générale à Mezzavia en National avec le Gazelec d’Ajaccio contre Lyon – la Duchère, en 1995. Je débarquais du centre de formation de Rouen et j’arrivais au Gazelec. Je suis tout jeune. Je vois ce match à Mezzavia qu’il fallait qu’on gagne et les Corses, à l’époque, quand il fallait gagner un match… J’avais été impressionné par ce qu’ils avaient mis en œuvre pour gagner le match. A l’époque on pouvait se permettre des choses qu’on ne peut plus maintenant avec les caméras et les micros.

Un coéquipier qui t’a marqué ?
Benoît Cheyrou au LOSC. Il m’a marqué par sa gentillesse et en terme football le mec savait tout faire. Tu ne restes pas 7 ou 8 ans à l’OM titulaire si tu ne sais pas tout faire et Benoît, que cela soit pied droit pied gauche, offensif, défensif…

Photo DR

Footballistiquement, il m’avait impressionné. C’est plus un joueur de l’ombre. Phil Masinga à Bari m’a marqué en terme de prestance. C’était l’attaquant Sud-Africain. Quand il arrivait dans le vestiaire ou sur le terrain, t’avais presque envie de le vouvoyer. Il m’avait pris sous son aile et pendant 4 ans on a vécu de très belles choses.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Ronaldo (le Brésilien). Quand il était à l’Inter. Le deuxième qui m’a impressionné est très loin derrière, il n’y a pas photo. J’ai joué 4 ans contre l’Inter, je n’ai pas eu la chance de faire ne serait-ce qu’une minute mais du banc je bavais. Le mec incroyable, un joueur aussi fort, je ne savais pas que ça pouvait exister. D’être déjà sur la même feuille de match que lui pour moi c’était un truc de fou. Après t’avais Zidane, on avait échangé le maillot c’était top, mais R9 c’était au-dessus largement.

Photo Thonon Evian Grand Genève

Un coach que tu aimerais revoir ?
Eugenio Fascetti, l’entraîneur de Bari. Il m’a fait démarrer au très haut niveau. Il était déjà âgé à l’époque, il est resté 7 ans à Bari il a fait monter le club et l’a maintenu en Serie A pendant des années. Il a sorti des joueurs comme Cassano, Zambrotta. Aujourd’hui, on s’envoie de temps en temps des messages mais ça serait un plaisir d’aller parler avec lui. A l’époque c’était la Bible du football italien.

Une causerie de coach marquante ?
J’aimais bien les réunions d’avant match de Claude Puel (LOSC). C’était carré. On savait de A à Z ce qu’on devait faire ; pas de fioritures, pas de mots superflus. Que des mots pesés. Ça ne durait pas longtemps mais en termes de motivation, il est pas mal. Laurent Roussey était son adjoint, c’était une doublette incroyable par rapport à ça.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
De ne pas prendre de cartons. Je n’ai jamais compris et je ne dirai jamais à un joueur à moi de ne pas prendre de carton. Je prenais beaucoup de cartons mais je ne comprenais pas pourquoi on me disait ça. Si tu me dis de ne pas en prendre, je ne vais pas jouer avec mes qualités. C’est comme si je dis à un dribbleur de ne pas dribbler.

Photo Thonon Evian Grand Genève

Une anecdote de vestiaire ?
À Bari, Antonio Cassano était dans le groupe, il commençait un peu à éclore. On avait aussi Phil Masinga avec nous. C’étaient les deux attaquants. On avait la salle de soin séparée d’un mur de la salle de sport. En Italie, tu ne t’échauffes pas sur le terrain mais en salle. En haut du mur, il y avait des vitres. Phil était en train de se faire masser. C’était l’avant dernier match on jouait Parme à la maison, il fallait absolument une victoire pour se sauver (1999-2000). Notre force, c’était Phil, meilleur buteur. Antonio s’échauffe en salle avec le ballon, il met une grosse frappe et le ballon part sur la vitre en haut, elle se casse. De l’autre côté il y avait Phil qui se faisait masser, les bouts de verre lui rentrent dans les jambes, il ne peut pas jouer. On perd le match mais on gagne notre maintien le week-end d’après contre l’AC Milan.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Jérôme Rothen.

Une devise un dicton ?
Tu ne peux pas forcer les gens à t’aimer mais tu peux les forcer à te craindre.

Tu étais un joueur plutôt…

Avec le joueur ex-international de la République Tchèque, Jan Koller (en jaune), venu achever sa carrière avec l’équipe III de Monaco. (Photo DR)

…agressif.

Un modèle de joueur ?

Claude Puel.

Une idole de jeunesse ?
Maradona.

Un plat une boisson ?
Pâtes sauce tomate basilic et un verre d’eau.

Tes loisirs ?
Golf, surf, et je joue de batterie.

Un film culte ?
Rocky.

Le monde du football en deux mots ?
Une pourriture mais addictif.

 

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : Thonon Evian Grand Genève et DR

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Le défenseur central des Diables rouges revient sur une saison aux multiples rebondissements, perturbée par un volet extra-sportif incertain. Soulagé depuis l’annonce du maintien en National, il raconte comment son équipe est parvenue à surmonter tous les obstacles.

Par Anthony BOYER / Photos : Bernard Morvan – FCR

Il n’est pas le capitaine du FC Rouen mais c’est tout comme. Il ne revendique pas le brassard et rappelle la hiérarchie établie : « Le capitaine c’est Clément (Bassin), après c’est Mustapha (Benzia) et moi. Je suis dans les trois ! » Respectueux, Valentin Sanson. Qui n’a pas besoin du brassard pour être écouté : ses états de service plaident pour lui. Posé, réfléchi, également. Bien sûr, il n’est pas né au club comme son ami et voisin sur le terrain (et associé dans le projet de développement de la marque Esprit d’Equipe by MarkMeAll76), Clément Bassin.

Mais il est né à Rouen et ça, ça représente quelque chose. Quant aux Diables rouges, il les a rejoints en 2019, après un parcours jamais loin de sa Normandie natale : Pavilly, Quevilly puis QRM, Dieppe et enfin Evreux, en National 3, où il a fini 2e en 2019, derrière… le FCR !

« Je suis comme le bon vin ! »

Et si le grand et longiligne défenseur central (1m89) n’est pas du genre à regarder derrière en se morfondant, il consent toutefois une pointe de regret : « Je n’ai pas saisi l’opportunité de partir de ma région. A un moment donné, quand j’enchaînais les matchs de National avec l’US Quevilly, quand j’avais 19 ou 20 ans, j’aurais peut-être pu prendre mon envol, mais je n’ai pas de regret, parce que je sais d’où je viens ». De l’Olympique Pavillais. Là où, à 6 ans, il a effectué ses premières armes, à une quinzaine de kilomètres de Rouen, d’abord dans les cages, pendant un an ! Puis en défense centrale.

Pavilly, cela a duré jusqu’à l’âge de 17 ans. C’est là qu’il a rejoint l’USQ et écrit l’une des plus belles pages de son CV, sinon la plus belle, avec une finale de coupe de France face à Lyon, en 2012 (0-1) ! Certes il était sur le banc des remplaçants, mais il était là. Et ça…

Mais il était écrit que Valentin porterait un jour le maillot du FCR et s’il a dû attendre ses 26 ans avant d’être enfin prophète en son pays, cinq ans plus tard, le voilà bien installé dans cette équipe. Il a même dû attendre ses 31 ans pour vivre sans doute l’une de ses plus belles saisons, tant sur le plan individuel – « Je suis comme le bon vin, je me bonifie avec l’âge ! Il faut perdurer maintenant ! » – que collectif, avec une place dans le haut de tableau en National et un quart-de-finale de coupe de France ! Une saison qu’il n’est pas près d’oublier et à inscrire dans les annales tant elle fut mouvementée – c’est peu de l’écrire – extra-sportivement : c’est bien simple, la saison du FC Rouen, ce fut Dallas ! Un feuilleton. « On aurait pu faire une série Netflix ! Tu peux le mettre en titre de l’article, ça pourrait être drôle ! » lance Valentin qui, à l’instar de tout un club, d’une ville entière, est passé par tous les états. Pas question ici de remonter le fil d’une saison où il s’est passé quelque chose quasiment chaque jour. Ce serait bien trop long, déjà que les articles de 13heuresfoot sont longs !

Néanmoins, il était intéressant de savoir comment les joueurs et le staff du FCR avaient su faire corps devant autant de difficultés (perte de 5 points à l’hiver, déficit financier abyssal, vente de deux joueurs cadres pour renflouer les caisses, salaires impayés au printemps, menace de rétrogradation et dépôt de bilan, etc.).

« Les gars, on est dans une merde pas possible… »

Photo Bernard Morvan

« On ne va pas se mentir, on a vécu une saison très-très compliquée sur le plan extra-sportif, raconte celui qui sera bientôt papa d’un petit garçon (il est déjà papa d’une petite Anna qui fête ses 3 ans). Sur le plan sportif, jusqu’à ce que l’on perde les 5 points, fin novembre, on ne pensait pas qu’il y avait autant de problèmes. Mais à partir de mi-décembre, le groupe a fait preuve d’une qualité : la résilience. C’était la thématique de notre groupe. On se disait « Oui les gars, ok, on est dans une merde pas possible, mais ce qu’il faut, c’est que l’on prenne du plaisir tous ensemble, que l’on soit solidaire, que l’on se concentre sur ce que l’on aime, c’est-à-dire jouer au football. Donc on s’est focalisé là-dessus, sur le foot, le jour du match. Après, les autres jours, à l’entraînement, en dehors, on ne parlait que de ça. C’était devenu usant à la fin, et c’était pareil quand tu rentrais à la maison ou quand tu retrouvais les amis, la famille, on parlait encore de ça, des problèmes du club. C’est là où on a été bons, on a été résilients. On a surmonté au fur et à mesure les différents obstacles, parce qu’il n’y en a pas eu qu’un seul. On est resté concentré sur nos performances sur le terrain et sur l’idée de prendre du plaisir ensemble. Nos supporters ont dû le voir, on n’a rien lâché, même si, après, il y a eu ce match de trop, contre Dijon, à Diochon, en fin de saison, quand on a pris une volée (0-5, 34e et dernière journée de championnat). Mentalement, c’était dur, nos jambes ne suivaient plus. »

Le FCR, la saison passée, en National. Photo Bernard Morvan

Dijon, le match de trop ? « On aurait pu lâcher dès le match à Niort, mi-décembre, quand on a appris que l’on avait 5 points de pénalité, mais non, parce qu’on a pensé aussi à notre carte personnelle (victoire 2-1 à Niort !). On avait conscience que, en étant bon individuellement sur le terrain, le collectif en ressortirait grandi, que ce serait bénéfique, surtout qu’en National, tu peux te faire repérer, parce que c’est un championnat beaucoup plus suivi que le National 2. On savait qu’en faisant des bonnes performances individuelles, derrière, on aurait, pardon du terme, un peu la sécurité de l’emploi, l’occasion de trouver quelque chose. Le staff a été bon aussi, il a été souple, pas trop rigide, parce que parfois, c’était dur de venir s’entraîner. On n’a pas lâché. Il y a eu une osmose jusqu’au bout. Nos supporters nous l’ont bien rendu, parce qu’il y a eu une super fête malgré tout contre Dijon, et nos repreneurs ont bien vu que, malgré la difficulté, on avait un soutien populaire incroyable. »

Valentin rend aussi hommage à un homme, le coach, Maxime d’Ornano, qui a joué un rôle essentiel, à la fois tout au long de la saison écoulée, et indirectement lors de cette dernière intersaison, en restant à la barre du navire, condition sine qua non de la venue du nouveau repreneur, Iwan Postel. « Maxime d’Ornano a eu un rôle très important, oui. Déjà, il a permis cette reprise du club car les nouveaux dirigeants en avaient fait une de leurs conditions : que le coach reste. Et puis, cette saison, le coach a fait preuve d’une certaine souplesse… Bien sûr, il nous demandait de la rigueur, mais, excuse-moi du terme, il ne nous a pas « cassés les couilles », il savait qu’on était professionnels, il nous a laissés de la liberté et une certaine autonomie. Ce qui est remarquable, c’est que personne, ni le staff ni les joueurs, n’ont lâché malgré les grosses difficultés financières du FCR, malgré les annonces qui, au fil du temps, faisaient état d’un déficit de plus en plus abyssal. »

« On est resté solidaires »

Photo Bernard Morvan

« La saison a été riche sur le plan sportif, poursuit « Val », parce qu’on a fait un beau championnat et un beau parcours en coupe de France. L’extra-sportif, mentalement, ça n’a pas été évident, ça a été usant, ça a été les montagnes russes. On nous promettait des choses, on n’était pas complètement naïfs mais on se disait « allez, ça va le faire », et finalement, ça ne le faisait pas. Mentalement, c’était dur. Et puis la deuxième couche, là, à l’intersaison, avec cette rétrogradation en National 2, n’a pas été facile à vivre non plus. Attendre de savoir si le club allait rester en National, ça a été encore dur pour tout le monde. Les joueurs n’ont rien montré. On est resté solidaires. »

S’est-il servi de son statut « d’ancien » pour prôner un discours positif et tenter de garder le groupe mobilisé ? « Mon rôle, ce n’est pas de me mettre en avant, je ne dirais pas ça, mais je préfère dire que l’on a fait front, avec les anciens, ceux qui connaissent bien le club, et les joueurs avec un peu plus d’expérience, pour tirer tout le monde vers le haut et faire en sorte que le bateau ne coule pas , ne lâche pas. Après, c’est vrai que je prends de l’expérience, je m’aperçois que dans le foot, ça sert. Je prends plus de recul, de légèreté dans tout. »

« Charles Maarek a joué avec nos vies »

Aux côtés du capitaine et ami Clément Bassin. Photo Bernard Morvan

Valentin et les joueurs en veulent-ils à Charles Maarek, l’ex-président, d’avoir mis le club dans cet état et de l’avoir jeté au bord du précipice ? « Bah bien sûr… Parce que je pense que, même s’il a fait de bonnes choses sportivement, notamment en ramenant le club en National, il aurait dû s’entourer de bonnes personnes quand il a vu les difficultés arriver. Si d’autres personnes l’avaient sorti de la merde et aidé, il se serait retrouvé au second plan, et ça ne l’aurait pas fait. Parce que, malheureusement, il n’aime pas qu’on lui prenne la vedette, façon de parler… Il a joué avec nos vies aussi, on n’a pas été payé pendant presque trois mois. On peut se retrouver au chômage… On ne peut pas jouer avec ça. »

Photo Bernard Morvan

A-t-il eu peur que le FCR disparaisse ? « Il y a eu beaucoup de casseroles au fur et à mesure, cela a fait peur à certaines personnes, mais je ne suis pas idiot, certains voulaient aussi la mort du club, pour le reprendre au niveau régional, le restructurer et cela aurait mis 10 ans avant de le faire regrimper au même niveau. Le monde du foot est compliqué, surtout ici, à Rouen. Cela aurait fait plaisir à certains que le FCR meurt, parce que derrière, il y aurait peut-être eu cette fusion (avec QRM), qui a été à deux doigts de se faire, mais là, c’est différent. J’ai connu les deux grosses structures du coin, QRM et le FCR, je connais les personnes, je sais qui gravite autour, je sais comment ça fonctionne, je sais qui sont les gens néfastes et ceux propices à un bon développement… Le pire, c’est quand tu pars en vacances en juin, que tu ne sais pas si tu vas reprendre, si tu dois te tourner vers un autre projet, parce que la plupart des joueurs avait des contacts, moi aussi, donc on les met en stand by… Mais si notre club coule, comment on fait ? On devient un 2e ou un 3e choix dans un autre club ? Franchement, ce n’était pas évident. »

Soulagé par ce « maintien » en National et cette reprise ? « Là, de reprendre le chemin de l’entraînement, c’est une bouffée d’oxygène ! On est reparti, ça y est ! On fait confiance à nos nouveaux dirigeants, ils ne vont pas faire les mêmes erreurs. On est parti main dans la main. Cela va être une année de transition. Simplement, il ne faut pas réitérer les erreurs du passé. »

Valentin Sanson, du tac au tac

« J’aime que tout soit carré ! »

Meilleur souvenir sportif ?

Photo Bernard Morvan

J’en ai deux. La finale de la coupe de France en 2012 avec Quevilly contre l’Olympique Lyonnais, j’étais sur le banc, et la finale des championnats du monde Universitaires remportée en 2013.

Pire souvenir sportif ?
Les rétrogradations. Notamment la saison avec Quevilly en National, quand on est descendu en CFA (saison 2012-13). Et ma grave blessure aux croisés en fin de saison 2012/2013.

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
Je ne sais pas du tout ! Allez, peut-être 15 ou 20 !

Et ton meilleur score sur une saison ?
La saison 2022-2023 avec le FC Rouen, j’ai marqué 5 buts.

Ton plus beau but ?
Cette saison, contre Châteauroux (égalisation à la 90e).

Le but en vidéo (avancez à 1 minute 23) :

Pourquoi pratiques-tu le foot ?

Photo Bernard Morvan

Je suis venu au foot par le biais de mon papa que j’accompagnais le dimanche matin quand il faisait ses matchs en vétérans, et après, c’est devenu mon activité sportive, ensuite un plaisir partagé avec les copains et puis c’est devenu une passion et maintenant un métier ! Mon père vient me voir jouer, c’est très rare qu’il manque un match à Diochon. Et ma maman est un peu stressée, elle vient rarement, mais cette saison, elle est venue quand même.

Ton geste technique préféré ?
La passe cassée !

Qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités, je dirais relance, vision du jeu et duel aérien. Défauts, explosivité, vitesse, ce sont vraiment mes deux lacunes.

Et dans la vie de tous les jours ?
Défauts, je suis un peu de mauvaise foi, ça c’est un message pour mon amie qui me dit souvent ça ! Et aussi de ne pas dire ce que je pense, car je n’aime pas trop le conflit, même si je sais que, plus on laisse attendre, pire cela peut devenir. Qualités, ma gentillesse, je suis investi dans tout ce que je fais, je suis entier.

Le club ou l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir ?

Photo Bernard Morvan

La saison que l’on vient de vivre avec le FC Rouen. Que cela soit en championnat ou en coupe de France. J’ai beaucoup joué. Ce fut une de mes meilleures saisons, tant sur le plan humain que sportif. Même si sur le plan humain, je n’oublie pas la saison avec l’US Quevilly, l’année de la finale de la coupe de France en 2012.

La saison où le club où tu as pris le moins de plaisir ?
Il y a toujours des saisons où tu en prends moins, quand tu joues moins, ou quand tu es moins performant. Mais je n’ai pas une saison, comme ça, en tête, qui me revient. A Dieppe (N3), par exemple, cela a été une saison compliquée, alors qu’on avait une belle somme d’individualités, mais un effectif très réduit, et le collectif a eu du mal à se mettre en route, donc cette saison là, c’est vrai, fut un peu merdique sportivement, mais pas sur le plan humain, c’était sympa, on faisait des repas ensemble, avec Jean-Guy Wallemme comme coach, un super mec, sur le plan humain, et j’étais un peu son relais.

Une erreur de casting ou un regret ?

Photo Bernard Morvan

Non. Peut-être juste le regret de ne pas avoir saisi l’opportunité de partir de ma région. A un moment donné, quand j’enchaînais les matchs de National avec Quevilly, j’aurais peut-être pu prendre mon envol, mais je n’ai pas de regret, parce que je sais d’où je viens, de l’Olympique Pavillais, qui joue au niveau régional et c’est déjà exceptionnel.

Toujours des contacts avec Pavilly ?
Bien sûr ! Quand j’étais conseiller technique au district de Seine-Maritime, il m’est arrivé de faire des interventions là-bas. J’avais pour mission de développer des animations et des pratiques du football, je faisais des animations, des formations, j’intervenais dans des centres de performance, c’était sympa. Aujourd’hui, j’ai arrêté. C’était « soit je passais à plein temps au district » et je tirais un trait sur le foot de haut niveau, « soit je continuais le foot ». Et comme j’ai encore la tête et le corps pour jouer à un bon niveau donc je préfère saisir cette chance-là.

Le club où tu aurais rêvé de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Dans mes rêves les plus fous ? Jouer à Marseille, comme je suis un fervent supporter, cela aurait été magnifique !

Un stade, un club mythique ?
J’en ai plein ! Marseille, River Plate, Boca Juniors, où les ambiances sont magnifiques, et les stades anglais, pour la ferveur.

Un coéquipier marquant ?

Photo Bernard Morvan

Majide Ouahbi (Quevilly), c’était quelque chose à l’époque, techniquement, je le trouvais incroyable, il était au-dessus. Ensuite, plus récemment, Christopher Ibayi (AC Ajaccio), je ne comprenais pas qu’il n’ait pas joué plus haut avant, je trouvais que c’était un attaquant complet. Hicham Benkaid, cette saison, c’est au-dessus de la moyenne. Lamine Sy, prêté par Caen la saison passée, avait des qualités exceptionnelles pour son âge, 19 ans… Ces quatre joueurs-là, déjà… Mais je pourrais en citer d’autres !

Le joueur avec lequel tu as ou tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Clément Bassin, parce que ça fait « X temps » que l’on joue ensemble, aussi bien quand il est sur un côté que dans l’axe. En plus c’est quelqu’un avec qui j’ai des liens qui vont au-delà du foot, c’est un ami. Cela fait six ans que l’on joue ensemble. Plus on joue ensemble, plus on joue les yeux fermés, parce qu’on connaît les défauts et les qualités de chacun.

Combien d’amis véritables dans le foot ?
Quatre.

Un joueur adverse qui t’a impressionné ?

Photo Bernard Morvan

Mamadou Bagayoko, qui jouait à Luzenac (ex-Nantes et Nice), je le trouvais exceptionnel, et aussi Medhy Guezoui, que j’avais affronté quand il était à Sedan, avant d’être son coéquipier à QRM. D’ailleurs, Medhy, j’aurais pu le citer dans les joueurs qui m’ont marqués. Il me charriait mais ce n’étais jamais méchant, c’est un bon mec, il essayait de nous pousser à nous lâcher, et il formait une sacré doublette avec Anthony Rogie, un super talent, qui n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir.

Une équipe qui t’a impressionné ?
Lyon. Quand on a joué contre eux en finale de coupe de France. Sinon, je ne pourrais pas en sortir une en particulier.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
C’est dur comme question. Laisse moi réfléchir. Enzo Basilio (le gardien de Guingamp).

Un coach que tu aimerais bien revoir ?
Bah oui, Régis (Brouard), pour échanger avec lui. On s’est revu y’a deux ans quand il était à Bastia.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Non, aucun, même ceux qui me faisaient moins confiance. Je n’oublie pas mais je ne suis pas quelqu’un de rancunier.

Un président qui t’a marqué ?
Je n’en ai pas eu beaucoup mais ils m’ont tous un peu marqué, différemment, que cela soit Michel Mallet, Fabrice Tardy…

Une causerie qui t’a marqué ?

Photo Bernard Morvan

Celle de Régis Brouard en coupe de France où il jouait sur les caricatures, et aussi une de Manu Da Costa, avec nos familles qui parlaient, avant le match de la montée en National avec Quevilly Rouen, à Croix. Je m’en souviens comme si c’était hier.

Une consigne que tu n’as jamais comprise ?
Non, aucune, et sans prétention, je pense comprendre ce que l’on me demande, après, si je ne la respecte pas, c’est peut-être que je n’ai pas les capacités pour ça (rires) !

Une appli mobile ?
Insta ou X. Par curiosité. Je suis curieux.

Un plat, une boisson ?
L’eau gazeuse et la bière, et le poulet riz coco.

Des loisirs ?
Aller me balader en famille, à la mer, dans la forêt, même si cela a été compliqué là pendant deux ans et demi. Passer du temps en famille, et, quand je peux, jouer au padel avec les copains à Isneauville ou à Petit-Quevilly, à côté du stade Lozai.

Acteurs, actrices, films ?

Photo Bernard Morvan

Liam Neeson, et la série « Taken », je suis à fond ! Un film ? La ligne verte.

Une ville, un pays ?
Annecy, Cannes, la Corse. J’aimerais découvrir les pays d’Amérique latine et scandinaves.

Un souvenir de vacances ?
Les dernières vacances en famille en Corse, à Calvi et Propriano.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Pierrick Capelle, Christopher Ibayi.

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’aime bien avoir mes petites habitudes le jour du match, me lever à la même heure, manger la même chose, mais ce ne sont pas des tocs. Dans la vie de tous les jours, j’aime que tout soit carré.

Une devise ?
Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’ils te fassent ?

Selon toi, que t’a-t-il manqué pour jouer en Ligue 2 ?

Photo Bernard Morvan

Peut-être l’aspect athlétique, la puissance, l’explosivité.

Tu as tiré un trait sur la Ligue 2 ?
Non, parce que je souhaite y parvenir avec mon club, le FC Rouen. Ce n’est pas une obsession, c’est juste que, quand on est compétiteur, on se doit de viser le plus haut.

Termine la phrase en un seul mot : tu es un défenseur plutôt…
Propre.

Un modèle de défenseur ?
Sergio Ramos, à l’époque.

Le dernier match que tu as regardé à la télé ?
La finale de l’Euro, Espagne-Angleterre.

Le dernier match où tu as assisté en tant que spectateur ?
Hou là, tu me poses une colle là !

Allez, dis-le, c’était un match de QRM en Ligue 2 …
Non ! Cela doit être un match de jeunes du FC Rouen.

Le milieu du foot, en deux ou trois mots …
Business, passion et un monde de requins.

Ce que tu détestes par-dessus tout ?
L’injustice.

Un match référence ?

Photo Bernard Morvan

Non ! Je ne suis jamais à me dire ce que j’ai bien fait mais plutôt à relever ce que je dois améliorer. Mais c’est vrai que cette saison, il y a eu des matchs où j’ai été performant, je pense à Toulouse et Monaco en coupe de France, ou Sochaux et le Red Star en championnat.

Inversement, un match où tu t’es trouvé nul ?
Oui, je venais de fêter mes 18 ans, On jouait en coupe de France dans l’Eure, je ne me souviens plus contre qui, c’était avec Régis (Brouard) aussi, j’étais à la rue totale, même si j’avais marqué deux buts et qu’on avait gagné 5 à 0, je m’étais fait enrhumer tout le match. J’avais un peu bu la veille. Qu’est-ce que j’avais été nul !

Ton après foot ?
Avec Clément (Bassin), on a lancé une marque, « Esprit d’équipe », que l’on souhaite promouvoir au profit de l’association de ma femme, « Votre école chez vous », afin de leur apporter une aide financière https://www.markmeall76.fr/ ). Entrepreneur ? Oui, ça pourrait m’intéresser, mais il faut vraiment bien s’entourer. Après, ce qui m’intéresse, c’est d’ être responsable d’un centre de formation ou d’un club, afin de mettre en place plein de projets, de former des éducateurs, ça c’est quelque chose que je maîtrise ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Bernard Morvan – FCR

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Du monde amateur à la Ligue des champions, en passant par l’Inde et aussi la case banque route, l’entraîneur de Blois (44 ans), lucide, retrace sa carrière avec recul et dresse le bilan d’un parcours riche, passionnant, et savoure aujourd’hui son nouveau métier.

Par Clément Maillard / Photo de couverture : A.D. / Photos Blois Foot 41 et NCH Production

Humilité, lucidité, humanité. Ce sont les mots qui résument le mieux Cédric Hengbart. Celui qui est aujourd’hui entraîneur de Blois, en National 2, a pourtant arpenté de nombreux terrains de Ligue 1, Ligue 2, et quelques-unes des plus célèbres pelouses européennes en Ligue des Champions.

Le latéral droit aux plus de 400 matches de L1 et L2, régulièrement buteur et passeur sur ses 215 matches de première division sous les couleurs de Caen et de l’AJ Auxerre, présélectionné en équipe de France en 2010, se définit néanmoins comme un joueur qui a évolué à sa place, à son niveau, derrière d’autres éléments meilleurs que lui.

Entretien avec un homme dont le recul sur sa carrière et les circonvolutions d’une vie est certain, au fil d’un parcours qui l’a emmené de la Normandie à l’Inde et Malte, en passant par un début de carrière de coach marqué par une escroquerie qui l’a ruiné. Mais le joueur et l’entraîneur ont toujours su avancer, accompagnés de leurs valeurs.

Cédric, tu es un vrai gars du Calvados, un enfant de Malherbe. Raconte-nous tes débuts, ton arrivée dans le monde pro à Caen…
Je suis originaire de Falaise, à 30 km de Caen. J’ai été toute ma jeunesse supporter de Malherbe. J’allais au stade de Venoix, l’ancien stade de Caen. J’ai connu la montée à la fin des années 80 (en 1988). Et à côté de ça je jouais au football. J’ai gravi les échelons du foot régional, de la DH (R1), de la CFA 2 et CFA à l’époque avec Mondeville, c’est là que j’ai été repéré par le Stade Malherbe de Caen. J’y suis arrivé à 20 ans, avec l’option au départ de jouer en réserve, et de temps en temps de monter à l’entraînement avec les pros. J’ai eu le déclic avec les pros, on a fait appel à moi pour compléter l’effectif, et puis ça s’est bien passé, je suis resté au club, et j’y ai passé 8 ans.

« Je voulais être prof de sport »

Caen, c’est une grosse partie de ta carrière de joueur. Arriver là en pro, c’était déjà une sorte de rêve qui se réalisait ?
Ce n’était pas forcément un rêve. J’avais fait des essais quand j’étais au collège en 4e et en 3e pour aller dans des lycées et je n’avais pas été pris, donc je connaissais mon niveau. J’étais moyen par rapport à d’autres joueurs. Donc j’ai misé sur la continuité, à l’âge de 19 ans, en CFA à l’époque, je trouvais que j’étais à mon maximum, je faisais des études de STAPS à côté de ça, je voulais être prof de sport. Cela a plus été une opportunité qu’un rêve. J’ai tenté ma chance et ça a fonctionné. Je ne regrette pas ce choix-là, mais je trouvais que j’étais en-dessous.

A ce moment-là, tu cloisonnais football et études ? Tu étais d’ailleurs joueur en France Universitaire !
France Universitaire m’a fait connaître aux yeux du Stade Malherbe de Caen. C’était une très belle période, et je suis content de l’avoir vécue. Aujourd’hui, on en demande beaucoup aux jeunes dans le monde pro, on ne les laisse pas vivre leur vie à côté. Moi, j’ai pu faire les deux, mener ma vie d’étudiant, avec tous les bons et mauvais côtés de l’étudiant (sourire), de jeune, les partiels, les cours, et puis les entraînements, ce qui a développé ce que je suis aussi aujourd’hui. On doit arrêter de mettre les joueurs dans des cases de footballeurs comme on le fait actuellement, de dire ce qu’il faut faire et ne pas faire. Je pense qu’on peut faire autrement, j’en suis un exemple.

« Il faut garder cette passion »

Yann Lachuer, ancien joueur d’Auxerre comme toi, nous disait que c’était la société qui avait changé, pas le foot… Tu en penses quoi ?
Je suis tout à fait d’accord. On donne des responsabilités à des jeunes de 16, 17 ans, voire 15, on leur met un poids énorme quand ils arrivent dans les centres de formation, même les parents, c’est une pression qui est même malsaine, je trouve. Aujourd’hui, beaucoup de joueurs ne jouent plus avec la passion, mais avec cette ambition d’être un jour professionnel. Avant tout, il faut garder cette passion. Au bout du compte, on la retrouve plus tard, à 24-25 ans, chez ceux qui n’ont pas réussi et reviennent dans le monde amateur. Je pense qu’il faut se recalibrer là-dessus. Mais les finances dans le monde pro font tourner les têtes de beaucoup de parents et autres, ce qui bloque beaucoup de joueurs.

Entre monde pro et amateur, tu retrouves sûrement un peu de tout ça à Blois, en N2, avec des joueurs au parcours un peu différent ?
C’est enrichissant. C’est ce que je recherche dans mon recrutement, j’évite les joueurs qui sortent tout de suite de centre de formation. Ils n’ont pas encore compris ce qu’est le monde amateur, la manière de jouer. C’est pour ça que je recherche des éléments qui sont peut-être passés par des centres, mais avec des parcours sinueux, qui ont compris que le foot ce n’est pas que le bling-bling, que ce n’est pas que ce qu’on leur a vendu au départ, qu’il y a d’autres chemins pour réussir. A nous, coaches, de leur dire qu’ils peuvent réussir, mais qu’il faut se remettre au travail, que ça ne va pas arriver tout seul.

« Caen, j’ai toujours aimé ce club… »

Tu arrives à Caen à 21 ans en pro. Le début d’un sacré parcours : quand on dit Cédric Hengbart, on pense directement à Malherbe, à un cadre de Ligue 1 et Ligue 2…
C’est une belle partie de ma vie, Caen. J’ai toujours aimé ce club, je m’y suis toujours senti bien. J’ai toujours joué, assez performant, en donnant sans tricher, comme lors toute ma carrière. J’ai tout connu avec Malherbe : deux montées, une descente, une finale de Coupe de la Ligue, des moments importants et des groupes extraordinaires. J’essaie aussi de m’appuyer là-dessus en tant qu’entraîneur maintenant. C’est-à-dire que j’ai connu des groupes où on allait manger ensemble le mercredi, le samedi après le match, où les joueurs, les familles, les épouses, les parents, tout le monde venait, et dans ces moments, il y avait autre chose que le football, on avait créé une famille. Quand on se retrouve aujourd’hui, c’est comme si on ne s’était pas quittés. On n’était peut-être pas la meilleure équipe techniquement, mais en termes de solidarité, je pense qu’on était l’une des meilleures.

Les deux montées en Ligue 1 (2004 et 2007), des moments inoubliables ?
Ça change une vie, une carrière, une montée en Ligue 1, jouer en première division, dans des stades magnifiques, des matches contre des grosses équipes. Changer de monde, à l’époque, c’était, voilà… C’est là où on peut se faire repérer, se faire connaître, changer notre carrière.

« Mes plus beaux moments à Auxerre »

Tu vas ainsi arriver à Auxerre en 2008, l’autre gros club de ta carrière. Comment ça s’est fait ?
A Caen, on descend en L2 en 2005. Mon but était de faire remonter le club en L1, de le stabiliser, ce qu’on a réussi. J’ai pu partir sereinement, en plus dans une période où j’étais au club depuis longtemps, où j’avais besoin de partir pour me rebooster, d’aller tenter. Comme j’avais laissé le club en Ligue 1, je me disais que je pouvais partir. On me propose Auxerre, je me suis dit que ça me correspondait bien, un club familial, avec un super passé, même s’ils n’étaient pas au top en championnat. Jean Fernandez, l’entraîneur, m’appelle, tout se fait assez rapidement. Je signe et j’enchaîne sur cinq saisons dont deux-trois très belles, jusqu’à, malheureusement, une nouvelle descente. Mais là encore, aucun regret dans ce choix, car j’ai connu mes plus beaux moments de footballeur. J’ai évolué au plus haut niveau où je pouvais jouer, en Ligue des champions. Huit ans avant, j’étais étudiant en STAPS et je jouais en DH (R1) !

Belle passe décisive Cédric, merci ! Le pic de ton parcours, c’est cette Ligue des champions en 2010-2011… Un rêve, une folie ?
La saison d’avant était déjà fantastique car je marque en Ligue 1 les deux buts de la qualification pour la C1 contre Sochaux. Et puis après, on joue le Zénith Saint-Pétersbourg en barrages, personne ne nous voyait passer, c’était une très grosse équipe, on se qualifie un peu miraculeusement, avec nos valeurs de jeu. Je crois que la France a vibré pour le petit club qui arrive à dépasser l’ogre russe. Ensuite, il y a le tirage, quasiment aucun joueur de l’équipe n’avait joué de C1, on voulait tirer les plus grosses équipes. Et je crois qu’entre l’Ajax Amsterdam, le Real Madrid et l’AC Milan, on a tiré ce qu’il y avait quasiment de mieux ! Cela nous permettait de voir des grands stades qu’on ne voyait qu’à la télé. Quand les matches son arrivés, on n’avait pas de pression. On était la petite équipe, le petit poucet, on jouait avec nos valeurs, en défendant bien, en jouant le coup pour marquer des buts à fond. C’était vraiment cohérent, on était au maximum, même si sur quelques faits de match certaines parties auraient pu basculer.

« Ajax, Milan, le Real, c’était fantastique ! »

Ce grand monde, c’était une expérience à part ? Auxerre, même pas 40 000 habitants, vs le Real Madrid de Cristiano Ronaldo, un paradoxe et un défi ?
Ouais, c’est ça. Après, quand on parle de notre équipe maintenant, on dit qu’il y avait des grands joueurs car on a fait de belles carrières, mais à l’époque on était beaucoup de joueurs « de Ligue 1 », sans dénigrer. Hormis Benoît Pedretti, le reste, moi-même, Olivier Sorin, Stéphane Grichting et Jean-Pascal Mignot derrière, Coulibaly, Niculae devant, qui venait de Roumanie, Valter Birsa au milieu… Des joueurs avec un bon niveau en L1, mais pas non plus des grandes stars. Et qui allaient faire face à des stars. C’est la première fois qu’on partait l’avant-veille du match d’ailleurs. On visitait la ville la veille, on prenait nos repères, on découvrait un peu d’autres cultures. On ne le faisait jamais avant. Quand on est joueur, on ne voit rien des autres villes, on arrive le jour du match, on va au stade, et on joue. Là, on avait deux jours pour voir, bon, pas grand-chose, mais quand même ! C’était fantastique, de voir l’Amsterdam Arena, San Siro, le Bernabeu, on pouvait ressentir les choses en arpentant ces stades en prenant nos marques. On a pu savourer les deux facettes, le match et les villes, les stades.

Et puis vous battez quand même l’Ajax lors de la 4e journée de cette C1 !
On avait disputé les trois premiers matches et on était frustrés. Le premier, on joue Milan, on perd 2-0. A la pause on peut mener 0-1, et puis Ibrahimovic fait basculer la rencontre en cinq minutes. On sort du match en se disant « On aurait pu faire quelque chose ». Contre le Real à domicile ensuite, on touche la barre à la 82e. Sur la contre-attaque, il y a une main pas sifflée et Di Maria marque. On aurait pu faire nul contre le Real… Pareil contre l’Ajax à l’aller, on se retrouve menés, mais on sentait qu’on n’était pas si loin que ça. On n’avait pas envie de finir ridicules, avec zéro point. Ce 4e match contre l’Ajax, on a enfin un peu tout pour nous, avec de la réussite. On le gagne, c’est une forme de reconnaissance. Ce match restera notre victoire en Ligue des champions, un moment important pour nous individuellement, qui récompense tout notre travail, tous les efforts faits.

Pré-sélectionné en Bleu

La C1, c’est le pic de ta carrière. Aujourd’hui, quand tu fais le bilan, comment juges-tu ton parcours ?
Déjà, c’est une fierté. Après tout ce qu’on a dit, d’où je suis parti, où je suis arrivé, je trouve que ça montre que le travail paie, mais également la réussite, car il y a une part de chance, d’être là au bon moment. Il y a ce côté régularité aussi, car je n’étais peut-être pas un des meilleurs joueurs, je n’avais pas de grosses qualités, mais pas de gros défauts non plus. Par contre j’arrivais à performer dans l’environnement où j’étais. Je suis sûr que si j’avais pu m’entraîner avec le Real Madrid, j’aurais pu me débrouiller. Alors, ne pas être un joueur extraordinaire, pareil, mais j’aurais réussi à me fondre dans le moule. Quand on regarde mon nombre de matches, où je suis arrivé, je pense que je m’en suis bien sorti. Quand j’ai eu une présélection en équipe de France, tout le monde me disait « Tu mérites d’avoir une sélection ». Mais moi, je ne trouvais pas. Les latéraux à ma place étaient meilleurs que moi. Ce n’est pas me dévaluer, je le pense vraiment. Rod Fanni était meilleur, Mathieu Debuchy a fait une belle carrière, et il y avait bien sûr Bacary Sagna. Mathieu Chalmé était aussi au-dessus avec son expérience. Être présélectionné mais pas sélectionné, je trouvais ça normal, c’était déjà une fierté d’avoir ça. Et puis je crois que les gens s’identifiaient à moi à un moment où la Ligue 1 commençait vraiment à se stariser, entre guillemets, et j’étais le joueur qui mouillait le maillot, sans le côté starlette, les gens se référençaient à nous, joueurs d’Auxerre.

Tu as terminé ta carrière loin de France, en Inde et à Malte. Pourquoi ce choix ?
J’ai terminé en France à Ajaccio, j’aurais aussi pu aller à Saint-Etienne, mais ça ne s’est pas fait. Je me retrouvais dans les valeurs à Ajaccio, je me remettais également en danger en partant. La saison ne s’est pas passée comme je l’aurais voulu, mais c’est comme ça, c’est aussi le football. J’y ai connu des gens de valeurs, avec un super président, un club qui mérite, avec des personnes très humaines. Que des très bons souvenirs, à part la descente. J’ai malheureusement fait quelques descentes dans ma vie ! On descend donc en Ligue 2. Et je fais alors le bilan, je me dis que j’ai tout connu en France, la L1, la L2, que ça ne sert à rien de repartir encore sur les même choses, que je vais peut-être avoir moins d’envie. J’étais moins prêt mentalement à le faire. Je me suis dit que c’était le moment de partir à l’étranger, de tenter l’aventure alors que je n’avais réussi à trouver un club à l’étranger. J’étais en fin de carrière. On m’a proposé l’Inde, un championnat qui se crée, avec des joueurs « stars », un peu comme en MLS. Je me suis dit que ça pouvait aussi m’ouvrir des portes pour une après-carrière, des contacts, d’avoir visité un autre continent.

Un peu en totale découverte, finalement ?
Je le tente comme ça, pour vivre une aventure, et potentiellement ouvrir des portes pour l’après. Le championnat durait quatre mois, on prenait moins de risques que sur une année, au pire si c’est compliqué, on fait un effort et on rentre en France. Et j’ai adoré. Footballistiquement, c’était compliqué parce que ça démarrait et c’était un peu bancal, il y avait des joueurs étrangers d’un bon niveau et des joueurs indiens d’un niveau faible. Par contre la vie là-bas, le côté humain, c’était autre chose. J’ai vécu des ambiances formidables, avec des stades de 70 000 personnes, il y avait une effervescence importante, j’ai adoré.

« Pourquoi pas aller coacher en Inde un jour ? »

Même culturellement, ça devait être dingue. Un choc des cultures, entre Auxerre, moins de 40 000 habitants, et l’Inde surpeuplé et si différente de l’Occident ?
C’est ça. J’avais la même approche avant d’y aller. On voit des trucs à la télé, la misère, on se dit « Mince, qu’est-ce que c’est comme vie là-bas ? ». Sur place, il y a des gens très riches et d’autres très pauvres, tout le monde est mélangé, il n’y a pas de trottoirs, avec beaucoup de poussière, de saleté. Mais à côté de ça, il y a des gens qui sont extraordinaires, prêts à te donner plein de choses alors qu’ils n’ont rien. Il y a une simplicité qui est plus marquée que par chez nous. C’est ce que je disais à mon fils de 17 ans à l’époque : « Viens voir ce que c’est que d’avoir des vrais problèmes ». On a un recul sur la vie qui est plus important en allant là-bas, quand on voit comment ils vivent. Tout ça est un peu un choc, mais c’est autant enrichissant que déboussolant, c’est à vif, on ne reste pas indifférent à l’homme. Tout se bouscule : les sentiments où on pense « J’ai envie de rentrer » et les jours où on se dit que le pays est génial. Ce n’est que ça, en alternance, mais au moins il y a quelque chose qui se crée. Et en revenant en France, le sentiment qui prédomine c’est qu’on a vécu des choses incroyables qu’on ne vivra pas ailleurs.

Le foot en Inde, c’était organisé comment ?
On était logés à l’hôtel, mais pareil, les trois étoiles pour eux, ce n’est pas comme en Europe; ça s’est amélioré avec le temps, ils ont compris qu’il le fallait avec les joueurs de haut niveau qui venaient, mais au début c’était compliqué. On était à l’hôtel 24h/24, avec des matches tous les trois jours, des séries de trois-quatre rencontres à domicile, puis à l’extérieur, on partait vadrouiller dans toute l’Inde.

As-tu encore des contacts avec les gens de ce moment de ta carrière ?
Grâce aux réseaux, de temps en temps. J’ai récemment revu Robert Pires au match des légendes de Caen, on en a discuté un petit peu. Je suis aussi en contact avec des entraîneurs en Angleterre, comme David James (ancien gardien des Three Lions et de Portsmouth, notamment), que j’ai de temps en temps par message, et puis je suis encore en contact avec des Indiens. Pourquoi pas aller coacher là-bas un jour aussi, sait-on jamais ?

Victime d’une escroquerie

Tu as aussi fait Malte. Encore un autre football ?
Après l’Inde, je n’ai pas voulu arrêter totalement pour garder le rythme, comme je vieillissais. Je ne connaissais pas Malte, son football, l’île, ce pays… Donc voilà, j’y vais. Arrivé sur place, j’admets que je pensais que ça serait plus professionnel que ça. J’ai débarqué à l’entraînement en jean, m’attendant à ce que des affaires me soient fournies, mais non ! Bon, ils en ont quand même trouvé (sourire). Les entraînements étaient le soir, à 18h, car la majorité des joueurs, amateurs, travaillaient. Ils arrivaient en tenue de travail, se changeaient vite, direction l’entraînement, puis ils repartaient sans se doucher car ils avaient une vie de famille, bossaient le lendemain à 7 heures… C’était différent, je revenais un peu dans le monde amateur. Mais pareil, j’en garde ce côté humain, j’ai connu des gens, visité l’île, qui ne fait que 30km, sur le peu de temps où je suis resté. On a maintenu le club en première division, et j’ai fini ma carrière là-dessus. Je ne suis finalement pas reparti en Inde, car ils me proposaient dix mois et je ne me voyais pas repartir aussi longtemps, cela n’allait pas très bien dans mon couple. J’ai donc choisi d’arrêter ma carrière comme ça.

Tu passes alors d’une carrière de joueur bien remplie à un volet coaching, avec un retour « aux sources » en Bourgogne. C’était une suite logique ?
Ça n’a pas été une vocation, ça a été un chemin. A la fin de ma carrière, j’ai eu pas mal de soucis financiers, je me suis fait escroquer, j’ai été saisi de mes biens immobiliers (Cédric Hengbart avait été victime d’une vaste escroquerie concernant des placements immobiliers, comme d’autres joueurs pros). Il y a eu une remise en question. Je me suis demandé ce que je faisais, logé par le grand-père de ma compagne sur Chablis. J’étais agent mandataire de joueurs, mais ça ne me plaisait pas car je devais rabattre des footballeurs, aller gratter des contrats, je ne suis pas du tout commerçant. J’ai ensuite été coach sportif dans une salle de sport pendant quasiment un an. J’ai aimé, c’était bien, sauf qu’à un moment donné, je n’avais pas d’objectifs à long terme, je m’en suis lassé. Et puis j’étais dans le petit club de l’AS Chablis, ils m’ont payé la formation du BEF, j’ai passé le diplôme. Derrière je me sépare de ma compagne et je cherche un job. Yohan Eudeline m’appelle de Caen, il me dit qu’ils savent ce qui m’arrive, qu’ils peuvent me tendre la main. Et il me propose d’entraîner les U17. J’ai dit oui du jour au lendemain, pris mes bagages et je suis parti sur Caen. Voilà comment commence ma carrière d’entraîneur. Ce n’est pas facile, mais c’est comme cela qu’on se construit aussi. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui je savoure ce que je fais.

« J’ai beaucoup appris comme adjoint »

Ta carrière d’entraîneur débute donc, tant bien que mal, ou tant bien que par hasard !
Je démarre avec les jeunes, mais j’ai tout de suite mis une exigence, je revenais à un niveau « compétition ». Je leur faisais faire des séances de pros, c’était le centre formation, on est à Caen, on a tout. J’ai beaucoup appris en tant qu’adjoint auprès de Mathieu Balmont et Fabrice Vandeputte et j’ai fait les U17, la National 2, un peu la Ligue 2 également, avec Pascal Dupraz, qui m’a ouvert ses portes, m’a autorisé à quasiment être au quotidien avec lui. On parlait beaucoup football, c’est devenu un ami. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, il y a beaucoup de choses dites sur lui, mais c’est une personne très humaine, assez extraordinaire, qui m’a donné envie d’aller dans le monde pro.

Lire aussi / Pascal Dupraz : « Je suis l’entraîneur du peuple ! »

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Cédric, tu es aujourd’hui à Blois, en National 2 : pourquoi ce choix après les jeunes à Caen, et après une carrière et une vie déjà bien remplies ?
Quand j’étais à Caen et que je passais mon diplôme, j’allais voir d’autres adjoints, j’apprenais, mais au bout d’un moment, j’ai senti que je devais en repasser par la base. J’ai donc postulé dans des clubs de N2 et N3. Le but, c’était de partir d’en bas, de trouver un temps plein, de travailler sur du long terme. Le président François Jacob m’a donné cette opportunité à Blois, avec un championnat qui allait se durcir, des descentes plus nombreuses. On a maintenu le club la saison passée, sur une base de travail où je fais comme si on était en pro. J’ai beaucoup de joueurs qui veulent peut-être un jour revenir dans le monde pro, qui sont passés par les centres de formation. C’est à moi de les emmener dans mon projet, et je crois que je ne m’en tire pas trop mal. On avance avec des valeurs de travail et aujourd’hui on s’en sort grâce à ça.

« Le foot doit rester simple, on le complique trop »

Quelles sont tes ambitions, comment travailles-tu ?
Je veux des hommes qui soient bien dans un groupe, pour commencer. Je m’appuie sur mon expérience, il faut de l’humain, un groupe de copains, pour aller loin. Derrière ça, le foot doit rester simple pour moi, on le complique trop souvent. Johan Cruyff disait que le plus dur dans le football, c’est de le rendre simple. C’est ce que je demande à mes joueurs : contrôle, passe, des déplacements, de l’intelligence, du positionnement, de jouer un football simple, mais efficace. Je reste aussi quelqu’un de simple, même en dehors du terrain, il ne faut pas se prendre pour d’autres, je remets mes joueurs à leur place si ce n’est pas le cas et qu’ils se prennent pour des stars. Ce que j’essaie également de leur faire comprendre, c’est qu’il y a plus grave que le football. Que si on perd, il faut comprendre pourquoi on a perdu ce match, travailler, que oui le foot est important, mais que ce n’est pas la fin du monde, il y a d’autres choses à côté.

On a un projet commun, on joue ensemble, humainement j’ai la chance d’être assez proche de mes joueurs, qui me demandent parfois mon avis pour leurs choix de carrière. Après, je trace une ligne, je reste le boss, les décisions du terrain me reviennent. J’adhère à la formule qui dit qu’un coach peut mourir avec ses valeurs. Rester soi-même, c’est un point auquel je ne veux pas déroger. J’avance avec mes valeurs et je n’en changerai pas, c’est important pour moi, je suis entier, unique, c’est comme ça que j’ai fait toute ma carrière, et c’est comme ça que je ferai ma carrière de coach.

Cédric Hengbart du tac au tac

Le meilleur souvenir de ta carrière ?
J en ai tellement ! Difficile d’en sortir un. Je dirais le dernier match contre Sochaux (saison 2009/10) et donc la qualification en Ligue des champions avec en plus deux buts de ma part (dont le second à la 90e !). Comme quoi dans le foot tout est possible !

Pire souvenir ?
La descente en L2 avec Caen en 2005 lors du dernier match à Istres. C’était ma première saison en Ligue 1 et là, descendre sur le dernier match… Tant d’efforts sur un an pour au final tout perdre sur un match.

Un match référence où tout a roulé pour toi, où tu marchais sur l’eau ?
Avec Auxerre, le match retour contre Saint-Petersbourg en tour préliminaire de la Ligue des champions (0-1 à l’aller et 2-0 au retour). Je marque au but de 9 minutes et après c est sûr que dans un tel contexte, ça te met en confiance et ça te galvanise. Et après défensivement je trouve que j ai fait le match parfait comme le reste de l’équipe pour qu on puisse se qualifier.

Un match à oublier ?
La finale de coupe de la Ligue 2005 (Caen-Strasbourg, 1-2). Je devais être remplaçant mais l’avant veille, Frédéric Danjou se blesse. Donc là je me dis c est bon je vais jouer et bah non l’entraîneur (Patrick Remy, NDLR) a préféré mettre Jérémy Sorbon. En plus, je ne suis même pas rentré. Pour couronner le tout, j ai été pris pour aller au contrôle anti-dopage et n’arrivant pas à uriner, je suis sorti du stade deux heures après tout le monde. Une soirée à oublier !

Des modèles de joueurs ?
Benjamin Nivet et Benoît Pedretti. Des joueurs qui mettent en valeur les joueurs autour.

Des mentors ?
Franck Dumas et Bernard Casoni. Des vrais meneurs de groupe. Humainement, je me suis retrouvé en eux.

Philosophie de jeu, style de jeu en tant que coach ?
J’aime le jeu au sol mais je suis assez pragmatique. Si on peut marquer en une passe, je prends aussi. Maintenant je pense avant tout le foot comme un jeu où il faut qu’on retrouve des émotions. C’est ce que je dis à mes joueurs. Mettez de la vie dans le jeu ! Tentez ! Osez !

Un président marquant ?
Jean François Fortin à Caen. Un président qui aimait son club et ses joueurs.

Une anecdote de vestiaire jamais racontée mais que tu peux raconter maintenant ?
Jean-Pascal Mignot, lors d’un match à Sochaux, est arrivé dans le vestiaire et à sorti ses chaussures de foot, il avait pris deux pieds droits ! Pour faire rire tout le monde, ils les a mis. Ça a duré 20 minutes ! Tout le monde était mort de rire. Heureusement, le coach Jean Fernandez ne nous a pas vu sinon on aurait pris une soufflante !

Un mot sur chacun des clubs où tu as joué…

– USON Mondeville
Mes débuts dans le monde seniors. J’etais le petit jeune parmi pleins d anciens. Ils m ont exercé au whisky coca !
– SM Caen
Mon club de cœur. J’y ai tout connu montées et descente et surtout un groupe extraordinaire
– AJAuxerre
Le summum de ma carrière. J’ai appris à être encore plus exigeant grâce à Jean Fernandez
– AC Ajaccio
Un super club, des superbes personnes, malheureusement, rien n’a fonctionné comme prévu avec une relation difficile avec l’entraîneur et des résultats très compliqués, ce qui a conduit à une relégation.
– Kerala (Kochin, Inde) et North East United (Guwahati, Inde)
La découverte d’un pays et d’une culture complètement différente. Footballistiquement je me suis éclaté.
– Mosta FC (Malte)
Une rencontré avec des personnes extraordinaires mais niveau football ça restait amateur.

Des hobbies en dehors du football ?
Le padel et les mots croisés.

Un ami dans le monde du football perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Stephane Grichting, sinon je suis en contact avec tous les autres.

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : A. D., Blois Foot 41 et Nico Huto / NCH Production

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Pour remplacer Olivier Pantaloni parti à Lorient (L2), le club corse a fait confiance au coach de 45 ans, qui est déjà monté trois fois en L2 avec trois clubs différents (Béziers, Bastia et Dunkerque), et qui veut appliquer sa méthode à l’étage supérieur après avoir largement fait ses preuves en National.

Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech et AC Ajaccio

Les nuages de la rétrogradation en National par la DNCG (appel jeudi 11 juillet) n’ont pas altéré son « bonheur » d’avoir signé – pour deux ans – à l’AC Ajaccio (L2). Entraineur le plus performant en National lors des dernières saisons avec un énorme ratio (19 victoires en 24 matchs avec Dunkerque et Le Mans), Mathieu Chabert avait pris le risque de renoncer à son année de contrat dans la Sarthe au printemps dernier pour se mettre sur le marché et tenter de trouver un poste en L2.
Cela aurait pu être à Martigues avec qui il a longtemps discuté, mais ce sera à l’AC Ajaccio. Un retour en Corse pour le Biterrois de 45 ans qui avait permis au SC Bastia de retrouver le monde professionnel avec deux montées, en National (2020) puis en L2 (2021). Il a choisi 13 heuresfoot pour raconter les dernières semaines intenses qu’il vient de vivre, évoquer son évolution personnelle et dévoiler ses attentes avec l’AC Ajaccio, avec qui il a repris l’entrainement ce lundi 8 juillet.

Photo AC Ajaccio

Mathieu, revenons un peu en arrière, pourquoi vous avez choisi de quitter Le Mans malgré l’année supplémentaire de contrat dont vous bénéficiez ?
Quand je suis arrivé au Mans le 1er mars, j’avais en tête de refaire le coup de Dunkerque même si on partait de plus loin. On termine 5e mais la série qu’on a réalisé (7 victoires, 3 nuls, 2 défaites) m’a ouvert les yeux sur le fait que c’était peut-être le moment de prendre le risque de me libérer pour saisir les éventuelles opportunités en Ligue 2. Avec Dunkerque et Le Mans, j’ai 19 victoires en 24 matchs de National. Ma méthode a fonctionné en National et j’ai voulu me donner la chance de la mettre en œuvre en L2.

« J’ai pris un gros risque en partant du Mans »

Photo AC Ajaccio

Vous avez connu trois montées en L2 avec Béziers, Bastia et Dunkerque : estimez-vous avoir fait le tour en National ?
Non, je ne dénigrerai jamais le National. C’est dans cette division que je me suis construit, que j’ai progressé en tant que coach et où j’ai eu des résultats. Un jour, je retournerai peut-être travailler en National. C’est déjà un excellent niveau et ça va encore augmenter Je vois bien la différence par rapport aux saisons où on était monté avec Béziers. Au niveau des clubs, de la structuration et des effectifs, le National est devenu une vraie Ligue 2 bis. Je vais continuer à le suivre avec un grand intérêt, surtout que j’y ai des amis chez les entraîneurs comme Karim Mokeddem (Sochaux) ou « Pat » Videira qui m’a succédé au Mans, et de nombreux joueurs que j’ai entrainés.

Pour en revenir au Mans, beaucoup de supporters ont regretté votre départ alors que vous auriez déclaré « être là pour m’inscrire sur la durée »…
J’ai certainement dit ça au début. Le Mans est un très bon club. J’ai passé trois supers mois là-bas. Je peux admettre que les supporters n’aient pas compris mon choix. Mais je pense avoir été réglo et n’avoir pris personne en traite en annonçant mon départ très tôt, à la mi-mai. A l’époque, je n’avais rien ailleurs. J’aurais pu garder mon année de contrat au Mans et envoyer mes agents travailler en sous-marin. Mais ce n’est pas dans mon caractère. Je suis quelqu’un de franc qui dit les choses. Thierry Gomez (le président) est quelqu’un que j’apprécie et que je respecte beaucoup. Je ne me voyais pas lui faire les choses dans le dos. J’ai choisi, en mon âme et conscience, de prendre ce gros risque de quitter Le Mans et de me retrouver sans rien. Aujourd’hui, je suis content. Le risque a payé et ça m’a conforté dans mon choix.

« C’est la première fois qu’on me fait confiance en L2 »

Photo AC Ajaccio

Avant l’AC Ajaccio, vous avez été très proche de Martigues. Pourquoi n’avez-vous finalement pas signé là-bas ?
J’étais déjà content d’avoir cette opportunité avec Martigues. Mais les discussions ont traîné. On s’était mis d’accord presque sur tout avec le président Columbus Morfaw et l’ancienne direction. Mais il est parti et une nouvelle direction (NDLR : avec Nisa Saveljic et l’agent Jean-Pierre Bernes comme conseillers officieux) est arrivée. Je pense qu’elle avait d’autres idées. Elle avait fait son choix et ne m’aurait pas sélectionné de toute façon. Heureusement pour moi, c’est là que l’AC Ajaccio est arrivé. C’est une fierté pour moi d’avoir été dans les petits papiers de clubs de L2. En toute humilité, par rapport à mon parcours et mes résultats, je pense le mériter.

C’est effectivement la première fois qu’un club de Ligue 2 vient vous chercher…
Oui. J’ai connu la Ligue 2 avec Béziers, Bastia et Dunkerque car j’avais fait monter l’équipe. Là, c’est la première fois qu’un club me fait confiance à ce niveau-là. C’est quelque chose de très important à mes yeux et cela change tout pour moi. Cette marque de confiance me touche beaucoup et décuple mon envie de réussir ici.

« J’ai la reconnaissance du ventre »

Photo AC Ajaccio

A l’heure où l’on parle, l’AC Ajaccio a été rétrogradé en National par la DNCG et passera en appel le 11 juillet. Comment le vivez-vous ?
Ce n’est pas trop à moi de parler de la DNCG. Mais les dirigeants nous ont rassurés. L’AC Ajaccio est un club bien structuré et bien géré. Je prends ça comme une péripétie et je n’y pense pas. Johan Cavalli (coordinateur sportif) a appris la décision de la DNCG pendant notre entretien. Il m’a tout de suite prévenu. J’ai la reconnaissance du ventre. L’ACA m’a fait confiance pour entrainer en Ligue 2. Si par malheur une catastrophe industrielle arrivait, je serai toujours là pour la réparer.

Beaucoup de gens vous ont étiqueté comme un entraîneur de National qui n’a jamais réussi en L2. Qu’avez-vous envie de leur répondre ?
Les gens disent et pensent ce qu’ils veulent. Je n’ai rien à leur prouver. J’ai plus de 250 matchs en pros, en National et en L2 et j’ai dû en perdre 40… Ce que j’ai vécu lors de mes précédentes expériences en L2 fait partie de mon apprentissage et de ma construction personnelle. J’ai eu beaucoup de succès en National et des bons contenus en L2, notamment à Dunkerque où on aurait mérité d’avoir quelques points en plus. Après, on m’a retiré l’équipe après sept matchs. Est-ce qu’on peut me juger après 7 matchs ? Pareil pour Bastia où après deux montées, on m’a sorti au bout de 9 matchs… Qu’est-ce qu’on peut dire ? Et à Béziers, on est passé tout près du miracle du maintien. Il ne faut pas l’oublier. On n’a pas fini avec 20 points mais 38. On rate les barrages seulement pour un point. Maintenant, j’espère refaire en L2, ce que j’ai réalisé en National.

« A Dunkerque, les nouveaux propriétaires ne me voulaient plus »

Photo AC Ajaccio

On a l’impression qu’avec les années, vous vous êtes apaisés alors que vous sembliez plus revanchard et vindicatif par le passé ?
Peut-être… J’ai beaucoup travaillé sur moi-même. J’ai peut être commis des erreurs de communication mais il ne faut pas oublier que j’étais, et je le suis toujours, un jeune entraîneur. Aujourd’hui, tout est calé et clair dans ma tête. Après, l’énorme différence, c’est qu’aujourd’hui un club de L2 m’a choisi. C’est un facteur déterminant dans mon esprit et ça fait une énorme différence par rapport à Dunkerque par exemple. Malgré ce qu’on avait réalisé pour monter, les nouveaux propriétaires ne me voulaient plus. C’est ça la réalité. Les dés étaient pipés avant même que la saison ne recommence.

Sur le banc du Mans FC. Photo Philippe Le Brech

Avez-vous conscience d’être considéré comme un peu clivant parfois ?
Comme je l’ai dit, j’ai travaillé sur l’image que je pouvais renvoyer. Mais le fond reste le même. Car c’est comme ça que j’ai eu des résultats et que mes équipes ont eu des résultats. Ce que j’ai fait ou dit par le passé, je l’assume, je ne le regrette pas et je ne le renie pas. Mais désormais, j’essaye de trouver une meilleure manière de faire passer des messages que je ne le faisais auparavant. Le Mathieu Chabert d’aujourd’hui est beaucoup plus calé, carré sur plein de choses. Tout ça fait partie de mon évolution. C’est normal. Dans la vie, on évolue tous et on progresse. Et moi, j’ai encore beaucoup à progresser.

Vous évoquiez Bastia. Il existe une grosse rivalité entre le SCB et l’ACA. Beaucoup de supporters bastiais se sont aussi un peu émus de votre choix…
Moi, je suis quelqu’un de passionné. Je défends les clubs que j’entraîne avec beaucoup de passion. Avant, cette passion était peut-être trop débordante et exacerbée par manque d’expérience. Aujourd’hui, j’ai gagné en expérience et en certitudes tout en restant toujours un jeune entraîneur. Je continuerai toujours à défendre les club où je travaille avec autant de passion mais peut-être de manière plus mesuré maintenant.

« Si on m’a recruté, c’est pour faire du Mathieu Chabert »

Photo AC Ajaccio

Revenons à l’AC Ajaccio. Passer après Olivier Pantaloni , une légende du club, est une lourde succession…
Olivier a marqué l’histoire de l’AC Ajaccio. Je ne peux que dire chapeau à lui pour tout ce qu’il a réalisé ici. Mais le meilleur moyen de bien faire après lui, c’est de mettre en place ce que moi, j’ai envie de faire. Je ne vais pas faire du Olivier Pantaloni car il n’y a que lui pour le faire le mieux. C’est agréable de se sentir désiré par tout un club. C’est une sensation vraiment motivante. Mais je pense que si on m’a recruté, c’est pour faire du Mathieu Chabert…

Cela consiste en quoi de « faire du Mathieu Chabert » ?
C’est celui de Dunkerque et du Mans. Avec un projet de jeu très clair, des idées de jeu très claires et une manière de manager qui a évolué mais qui est toujours très claire. J’ai des principes forts dans l’organisation, l’animation du jeu, le pressing, le contre-pressing avec une équipe proactive et qui va chercher haut sur le terrain. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de certitudes. Ce projet de jeu a marché à Dunkerque et au Mans. Je veux l’appliquer maintenant en L2. En toute humilité, il n’y a pas de raison qu’il ne marche pas. J’ai évolué dans de nombreux aspects et je suis content qu’on me donne la possibilité de les mettre en œuvre à l’AC Ajaccio. Mon projet sportif s’emboîtait parfaitement avec le projet du club que Johan Cavalli m’a présenté. C’est top !

Photo 13HF

L’AC Ajaccio, c’était donc le club idéal pour vous ?
Oui, ça a été une très bonne rencontre, ça ne peut que coller entre nous. Je pense que c’est le club idéal pour le Mathieu Chabert d’aujourd’hui. C’est un club à taille humaine où il y a un savoir-faire et où ça travaille très bien à tous les niveaux. C’est un vrai club de L2, structuré et avec un centre de formation très performant, ce qui rejaillit forcément sur l’équipe première. Je vais travailler avec le staff qui était déjà là et qui est très compétent. On a les mêmes idées, on est plein d’envie et d’enthousiasme. Quand on est dans cet état d’esprit, ça rejaillit forcément sur le groupe, le club et les supporters. Il y a eu du très bon travail effectué par Olivier (Pantaloni), on va s’appuyer sur ces bonnes choses et Dieu sait qu’il y en a eu, tout en essayant de les améliorer encore. Quand un nouvel entraîneur arrive, on sait aussi que ça peut donner un nouveau coup de boost à certains.

Quels seront vos objectifs ?
Je suis encore en phase d’apprentissage et à 45 ans, j’ai encore du temps. Comme je l’ai dit, c’est mettre mes idées en application en L2. Pour le moment, on est humble et on ne parle que de se maintenir le plus rapidement possible. Il y a déjà une bonne base de joueurs et un bon effectif. Il y a aussi un très bon vivier avec 7-8 jeunes qui ont été formés à l’ACA. L’objectif est de faire monter ces jeunes en les encadrant par des supers joueurs qui ont une très bonne mentalité. Pour le recrutement, il y a aussi un vrai savoir-faire ici. On a quelques dossiers en attente (NDLR, notamment le milieu corse de Dunkerque Julien Anziani) qui seront finalisés quand ça se décantera avec la DNCG. Il y a vraiment tout pour s’éclater et on va s’éclater ! J’ai hâte que ça commence.

Mathieu Chabert du tac au tac

« Le métier d’entraîneur, c’est une machine à laver »

Photo USLD

Votre plus beau souvenir ?
La montée en L2 avec Dunkerque en 2023. On revient de nulle-part, on passe devant tout le monde à la fin avec 10 victoires, 1 nul, 1 défaite depuis le moment où j’étais arrivé. Le scénario du dernier match au Mans, où on mène 2-0, ils reviennent à 2-2 et on met le 3-2. On fait clairement ce métier pour vivre ces moments-là…

Votre pire souvenir ?
Mon départ de Dunkerque après 7 matchs en septembre 2023. Je n’en dirais pas plus..

Pourquoi avez-vous choisi de devenir entraineur ?
À partir du moment où je ne pouvais plus jouer, je me suis tourné vers le coaching pour continuer ma passion. Mais je je pense que j’avais ça en moi. Quand on est gardien, on parle beaucoup, on est des relais spéciaux dans les équipes. A 18 ans, je ne me disais pas que je serais entraineur. Mais les événements de la vie ont fait que la seule solution pour moi de rester dans le milieu du foot, c’était de devenir entraineur. Mon père était entraîneur de rugby. Peut-être que j’avais ça aussi dans mes gènes.

En quoi votre maladie qui a stoppé votre carrière à 24 ans et le fait d’avoir longtemps travaillé dans la vie active ont changé votre regard sur les choses ?
Etre en prise avec la réalité de la vie quotidienne, comme conseiller à Pole-Emploi, m’a certainement donné un peu plus de hauteur dans mon management. En devenant entraîneur à 25 ans, j’ai pris 10 ou 15 ans d’avance.

Photo USLD

Votre plus grande fierté ?
J’ai eu une vie normale où j’allais entrainer tous les soirs après mon travail…Si on m’avait dit que j’en serais là aujourd’hui à 45 ans, je ne l’aurais pas cru. J’entends beaucoup de gens qui se plaignent de l’inaccessibilité des diplômes fédéraux pour devenir entraineur professionnel. Je ne suis pas d’accord, car moi, je suis l’exemple que l’on peut gravir les échelons en partant du bas. J’ai zéro match de L1, de L2 et de National comme joueur. Et j’en suis maintenant à 250 matchs en pros sur un banc. Si on veut passer les diplômes d’entraineur, il faut d’abord gagner des matchs avec son équipe, être promu avec son club. Au bout d’un moment, on ne passe pas au travers des radars quand on a du succès. J’ai entrainé des 18 ans Nationaux à Sète, en DH (R1) à Sète, en DH (R1) et N3 à Pointe Courte de Sète, la réserve de Béziers en DHR (R2) et j’ai été adjoint en N2 et en National à Béziers avant de prendre l’équipe. Le BEPF ne tombe pas du ciel, il faut aller le chercher. Moi, j’ai été admis quand on est monté en L2 avec Béziers en 2018.

Sur le banc du Mans FC. Photo Philippe Le Brech

Votre principale qualité selon vous ?
J’ai la chance d’avoir des facilités pour communiquer. J’aime ça, c’est dans mon caractère, je suis comme ça. Je n’ai jamais pris de cours de management ou de communication. Je n’ai jamais eu de mal pour parler devant des gens que ce soit quand j’étais à Pole-Emploi lors de réunions avec des demandeurs d’emploi ou maintenant dans le foot, et réussir à faire passer des messages. C’est quelque chose qui colle avec la nouvelle génération. La nouvelle génération, moi, je la trouve top. Il faut savoir la prendre, c’est tout. Il faut être capable de leur faire comprendre des choses. Il y a une manière de dire ce qui marche en 2024 mais qui ne marchait pas en 2010… Ça nous pousse à être en perpétuelle évolution et toujours au fait des nouveautés. C’est bien car ça permet de rester jeune.

Vous êtes un entraîneur plutôt…
Je pense être un entraineur humain et accessible pour les joueurs et les gens qui travaillent avec moi. Je suis quelqu’un qui donne sa confiance, j’estime que c’est important pour mon staff, mes joueurs et tout le monde dans le club. Cela ne m’a jamais porté préjudice. Je vais continuer à me comporter comme ça car je suis comme ça.

Sur le banc du Mans FC. Photo Philippe Le Brech

Vos modèles chez les entraîneurs ?
Carlo Ancelotti. C’est la grande classe, c’est la classe internationale absolue dans tout : sa posture, sa manière de gérer une équipe. J’adore comment il gère ses équipes. J’aime beaucoup aussi comme Jurgen Klopp fait jouer ses équipes. C’est un savant mélange entre une animation défensive cohérente et une animation offensive cohérente. C’est un mix entre Pep Guardiola et Diego Simeone. Si Guardiola et Simeone avaient eu un enfant, cela aurait été Klopp…

Avez-vous des joueurs dont vous êtes fier d’avoir participé à l’évolution ?
J’ai fait débuter Andy Delort en U19 à Sète. Il m’envoie toujours des messages. Quand les joueurs que tu as eu te donnent régulièrement des nouvelles, ça fait plaisir. Il y a eu aussi Ibrahim Sissoko, aujourd’hui à Saint-Etienne, qui s’est révélé à Béziers comme Bouba Kanté et Ousmane Kanté, qui venaient des divisions amateurs et qui sont ensuite devenus pros.

Visuel AC Ajaccio

Un président marquant ?
Forcément, Gérard Rocquet à Béziers. Sans lui, je n’en serais pas là. C’est lui qui m’a fait débuter, qui m’a fait confiance et qui m’a maintenu contre vents et marées quand à Béziers, ça n’allait pas. Les gens ne doivent pas oublier tout ce qu’il a fait pour le foot à Béziers et ce que ça a lui coûté. Bien sûr que je trouve triste et dommage de voir Béziers aujourd’hui en Régional 1. Ce qu’on a fait en montant en Ligue 2, personne n’arrivera à le refaire. On est rentré dans l’histoire du club. Mais Béziers est un club qui remontera un jour. Sa vraie place, c’est entre le N2 et le National. En Occitanie, il y a un trou entre Toulouse et Montpellier. Il doit être comblé par un club.

Le club que vous aimeriez entraîner dans vos rêves les plus fous ?
Le Real Madrid. Le poids de ce club et de l’institution, c’est fabuleux. J’aime ces clubs où l’institution est au dessus des joueurs. Pour moi, c’est primordial. Il faut qu’on retrouve ça dans le foot français. L’institution doit repasser devant l’intérêt des joueurs et des coachs. L’AC Ajaccio fait partie de ces clubs où l’institution est au-dessus. Je suis dans mon élément.

Le milieu du foot en quelques mots…
C’est un milieu spécial où il y a des avantages et des inconvénients comme dans tous les milieux. Il faut y trouver sa place. A partir du moment où on l’a trouvé, on peut vivre des bons moments. Je pense qu’on peut trouver sa place en gardant ses valeurs, en étant vrai et sans se renier. Quand je vois des Bruno Genesio ou des Stéphane Gilli qui entrainera un jour en L1, travailler, je me dis qu’on peut réussir en restant soi-même. Il y a une nouvelle vague d’entraîneurs qui arrive. Cette année, beaucoup de clubs de L2 ont fait leur marché en venant chercher des coachs qui étaient en National : Oswald Tanchot, Benoit Tavenot, Greg Poirier, moi… Je trouve que c’est bien. J’ai plein d’amis entraîneurs qui sont un peu en dehors du circuit en ce moment. Je savoure encore plus ma chance d’être dans cette boucle-là.

Vos meilleurs amis chez les entraîneurs ?
Karim Mokeddem. Je suis super content pour lui qu’il ait trouvé un projet comme Sochaux. Il va tout casser là-bas ! J’espère qu’il nous rejoindra très vite en L2. Je suis aussi très pote avec Patrick Videira qui va prendre ma suite au Mans. On s’appelle très régulièrement. J’apprécie aussi beaucoup des entraîneurs comme Laurent Peyrelade et Stéphane Jobard.

Sur le banc du Mans FC. Photo Philippe Le Brech

Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis un mec simple qui aime les choses simples de la vie, être avec mes amis, aller au restaurant. J’aime aussi beaucoup la plage, aller me baigner. Mais je suis aussi très casanier. Je suis capable de rester tout un dimanche enfermé chez moi à regarder des matchs. Je suis un fan des multiplex, je regardais toujours celui de L2. Je viens aussi d’une région de rugby et c’est un sport que j’apprécie beaucoup. Il y a beaucoup de choses à aller chercher dans la mentalité du rugby. Après, je regarde aussi beaucoup de reportages, je chine beaucoup sur internet pour trouver des images et des vidéos qui pourront impacter les joueurs lors de mes causeries. Comme autre sport, j’aime beaucoup le MMA. Tu es seul dans la cage, ce n’est pas la faute à ton copain… Avec mon meilleur ami, on a assisté récemment au combat Dustin Poirier – Islam Makhachev à New-York. C’était grandiose.

Votre ville Béziers, la Corse, le Mans, Châteauroux, Dunkerque où vous avez entrainé ?
Mon pied à terre est à Béziers. Je suis du sud, j’aime la mer et le soleil. Donc, ici à Ajaccio, je suis dans mon élément. Mais je me suis adapté partout où je suis passé. Le métier d’entraîneur, c’est une machine à laver, pas facile sur le plan familial. Mais c’est un rythme de vie que j’adore. Du jour au lendemain, tu prends ta valise, tu arrives dans une ville, un club et tu dois vite t’adapter et trouver les leviers pour ton équipe. C’est ça que j’adore ! Je ne pourrais pas faire métro-boulot-dodo. Ce n’est pas mon truc.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : AC Ajaccio et Philippe Le Brech

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Même sans club depuis mars dernier et son éviction de Villefranche, l’ex-adjoint de Christophe Galtier à Saint-Etienne ne panique pas et mesure la chance qu’il a d’être dans « son » élément. À 46 ans, il attend un nouveau projet, dans lequel il pourra appliquer sa méthodologie et gérer un groupe, ce qu’il aime par-dessus tout.

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Philippe Le Brech / Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

« Merci d’avoir pensé à moi ». Romain Revelli (46 ans) a répété cette phrase à plusieurs reprises, au début, au milieu et aussi à la fin de ce long entretien qu’il nous a accordés, depuis son pied à terre de La Fouillouse, dans la Loire, à une poignée de kilomètres seulement de deux lieux qu’il connaît sur le bout des crampons, celui de l’Envol Stadium, à Andrézieux, et celui de l’Étrat, le camp d’entraînement des Verts de Saint-Etienne. Saint-Etienne, où il a connu le haut-niveau et la Ligue 1, lorsqu’il fut adjoint de Christophe-Galtier (de 2011 à 2015). Andrézieux, où il a connu le foot amateur dans ses grandes largeurs, en National 2 (deux passages en 2017-18 et de 2019 à 2021). Deux mondes si près, si loin…

Mais depuis son départ du Forez, il y a 9 ans déjà, diplôme du BEPF en poche, c’est surtout en National et un peu en Ligue 2 qu’ il s’est forgé une réputation. Celle d’un formateur au départ, devenu entraîneur à part entière. Celle d’un homme humble, très attaché à la vie et à la gestion de groupe. Celle d’un bosseur, d’un épicurien du jeu et de la méthodologie, à tel point qu’il n’hésite jamais à mettre en avant son système favori, le 3-4-1-2, modulable bien sûr, dont il pourrait parler pendant des heures ! Celle d’un garçon terre à terre, conscient de la chance qu’il a d’être dans « son » milieu et de vivre de sa passion. Et aussi celle d’un personnage parfois en dehors de son temps, sans la panoplie complète des nouveaux codes de la communication, cash, sans filtre.

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Depuis le mois de mars dernier, le natif de Saint-Chamond, la patrie d’Alain Prost et d’Antoine Pinay, est sans club. Pourtant, il se voyait bien rester des années à Villefranche, où il s’était engagé l’été dernier, rempli d’enthousiasme, d’ambition, de rêves et d’espoir. Avec ce solide club de National, double barragiste pour la montée en Ligue 2 (Niort en 2021 et Quevilly Rouen en 2022), les objectifs étaient clairs : grimper d’un étage et jouer dans un nouveau stade. Deuxième à Noël, tout roulait. Jusqu’à ce qu’une erreur administrative ne vienne tout remettre en questions (perte de 7 points, 3 matchs à rejouer et un recul à la 9e place)… Un épisode douloureux, sur lequel il revient. Mais pas le plus douloureux : Romain Revelli avait déjà vécu le pire à Evian Thonon Gaillard, en juillet 2016, lorsque le club, qu’il avait repris en Ligue 2 à la suite de Safet Susic, dont il fut d’abord adjoint, disparut définitivement des radars et ne repartit même pas en National… En fait, l’histoire de Romain Revelli, c’est un peu celle de rendez-vous inachevés.

Interview : « Je suis un puriste du football »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Ton meilleur souvenir sportif ?
C’est la victoire en Coupe de la Ligue avec Saint-Etienne (en 2013), parce que les titres, c’est rare. J’ai eu des saisons réussies, bien sûr, des relations avec le vestiaire, parce que c’est ça qui me nourrit, que j’aime par-dessus tout. Mais là, un titre, avec mon club de coeur en plus, comme adjoint numéro 1… Comme je suis un ultra-compétiteur, forcément, c’est important. Je revois la joie au Stade de France, le défilé à Saint-Etienne… On était en haut de la Ligue 1 à l’époque, souvent 4e ou 5e, avec des très grands joueurs, et en même temps, on avait un fonctionnement assez simple, avec les valeurs de l’amateurisme, portées par des joueurs comme Pierre-Emerick Aubameyang, Bayal Sall ou Loïc Perrin. Ce titre a récompensé ces valeurs-là. Et quand tu es un enfant de Saint-Etienne comme moi, ça marque.

Saint-Etienne est de retour en Ligue 1 : as-tu regardé les barrages ?
Oui, oui, j’ai tout regardé ! Tous les matchs de barrages, pas uniquement ceux de Saint-Etienne !

Sur le banc, dans le rôle d’adjoint, à Saint-Etienne. Photo Philippe Le Brech

Et ça t’a fait quoi de voir Saint-Etienne remonter en Ligue 1 ?
Je suis toujours supporter de Saint-Etienne même si, et cela peut paraître paradoxal, j’ai pris beaucoup de recul, même si j’ai un pied à terre à 5 kilomètres du stade ! J’ai quand même fait deux passages à l’ASSE, en jeunes et en seniors, mais le club a beaucoup changé depuis mon dernier passage. Je suis allé les voir jouer, je suis très-très heureux, ça fait du bien aux gens : Saint-Etienne, c’est un club à l’Anglaise, où les gens, les commerçants, vivent au rythme des matchs; la montée, ça redynamise la ville. Quand les Verts ne vont pas bien, quand les Verts sont en Ligue 2, ça se ressent partout, c’est incroyable. Les clubs historiques, il faut qu’ils soient en haut. Tu as vu ce stade, cet engouement ? Bon, ben voilà. Après, je suis content, bien sûr, mais moi, j’ai d’autres souci en ce moment !

« Je suis le fils de Serge Revelli ! »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Quand on entraîne Saint-Etienne et que l’on s’appelle Revelli, est-ce que c’est une pression supplémentaire ?
C’est fou, j’étais aspirant et stagiaire pro à Saint-Etienne, et j’avais un frère, qui a deux ans de moins que moi, qui était aussi aspirant à l’ASSE ! Donc, à un moment, dans les années 90, on était les deux frères Revelli à Saint-Etienne, et on nous a posés la question 10 000 fois ! Je connais Patrick et Hervé Revelli, notamment Patrick et son fils Arnaud, qui était médecin du sport à Andrézieux. En fait, on me demande souvent « Vous êtes le fils de quel Revelli » ? Je réponds toujours, « Je suis le fils de Serge ! » Serge, c’est mon père ! C’est rigolo. Même si on n’est pas de la même famille, ou alors très éloignée, on vient, du côté de nos grands-parents, du même coin, dans le Piémont, pratiquement du même village, en Italie. Mes grands parents sont venus s’installer dans la vallée du Gier, pour travailler. Il y avait de grosses industries à l’époque. Mais mes parents sont nés en France.

Ton pire souvenir sportif ?
Le plus dur que j’ai vécu, c’est le dépôt de bilan à Evian-Thonon-Gaillard, après la descente de Ligue 2 en National (en 2016). J’étais coach principal, en National, on venait de redémarrer, on devait aller à Créteil, en coupe de la Ligue, et puis, d’un seul coup, tout s’arrête. Du jour au lendemain, tu te retrouves seul…. Vivre ça, ça marque. Et la période qui a suivi a été compliquée. J’étais arrivé quand Safet Susic était à la tête de l’équipe. Safet, un monsieur magnifique, exceptionnel, est parti fin janvier, j’ai pris la suite, le 31 janvier, en tant que numéro 1.

« C’est Christophe Galtier qui m’a remarqué »

Pourquoi entraînes-tu ? Comment est-venue cette vocation ?

Sur le banc de Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

L’âge que j’avais quand j’ai arrêté de jouer, environ 25 ans, explique un peu mon parcours. Je suis un privilégié. J’ai toujours été dans le football. Quand j’étais jeune, on habitait Valence (il a joué à l’USJOA Valence) où travaillait mon père, et en foot, j’ai joué à haut niveau dans les catégories de jeunes. Mais je n’ai jamais pu passer pro. On m’a changé de poste, on m’a mis défenseur central où je manquais un peu de taille, bref, je suis parti jouer en seniors au Puy, pendant 5 ans. Je me suis éclaté là-bas, j’étais capitaine, et rapidement, je suis rentré au District de Haut-Loire, pour un poste de conseiller technique, et là, j’ai basculé, j’ai retrouvé des choses que j’avais vécues quand j’étais stagiaire-pro ou aspirant. Au Puy, quand je jouais, j’entraînais déjà les moins de 15 ans Nationaux. J’avais passé mon BE1. J’ai fait un choix, que j’ai regretté au début car le foot me manquait, et finalement, j’ai fait cinq ans de plus en Haute-Loire à ce poste, au District. Je me suis lancé là-dedans, et ça m’a passionné. Le fait d’être conseiller technique, j’étais un peu mon propre patron, j’avais ce côté leader, comme sur le terrain, même si j’avais des directives de la Fédération à appliquer. Mais je pouvais lancer des projets, et ça me plaisait. Finalement, j’ai retrouvé le haut niveau quand Alain Blachon (c’est Alain Blachon qui l’avait détecté chez les jeunes et qui fut bien plus tard son adjoint à Cholet, Ndlr) a repris le centre de formation de Saint-Etienne en 2007 et m’a proposé de m’occuper des U17 Nationaux. Revenir en club m’intéressait, surtout que cela faisait 10 ans que j’étais en Haute-Loire. Je me suis révélé en tant qu’entraîneur-formateur, j’ai trouvé ma place, c’est comme ça que Christophe Galtier m’a remarqué.

C’est bizarre, tu as entraîné « Sainté », Andrézieux, mais jamais Le Puy…
C’est vrai ! Je connais bien monsieur Gauthier (Christophe Gauthier, le président du Puy Foot 43), on s’adore, je connais bien Roland Vieira, qui a entraîné longtemps au Puy, et aussi Stéphane Dief (le coach actuel), mais non, voilà, ça ne s’est jamais fait, peut-être un jour ! J’y suis souvent venu dans la peau de l’adversaire, et j’ai souvent gagné au Puy (rires) ! Quand j’y ai joué, c’était déjà un très bon club amateur, avec Maurice Bouquet comme coach, et monsieur Monnier, l’ancien président, qui était aussi maire, on sentait que ça évoluait, il y avait déjà les prémices de ce que le club est devenu mais à une époque, il était vraiment dans le dur, notamment quand il est tombé en DH. Ensuite, monsieur Gauthier a repris le club, qui est aujourd’hui un gros club de National 2 mais quand ils montent en National, c’est plus difficile.

Tu es toujours en contact avec Christophe Galtier ?

Sur le banc de Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

D’abord, il faut savoir que je suis un « petit » de Roland Romeyer, qui a été mon dirigeant quand j’ai fait mes débuts en équipe réserve de Saint-Etienne, en CFA. Roland voulait que je devienne le directeur du centre de formation. Christophe, qui était alors adjoint d’Alain Perrin, m’avait vu travailler, j’avais des bons résultats avec les 17 ans, et c’est lui qui m’a fait monter d’un coup en équipe Une : ça a surpris tout le monde, parce que j’étais jeune, mais il a cru en moi. Et je me suis révélé à ce poste d’adjoint. Avec Christophe, on était des frères : si je partais dans le sud en vacances sans m’arrêter chez lui à Cassis, il était en colère ! Il m’a énormément apporté, j’ai beaucoup appris à ses côtés, J’ai de la reconnaissance pour lui. Il m’a appris sur le management des joueurs, sur les relations avec les dirigeants, l’anticipation, il me faisait confiance pour le côté technique, tactique et méthodologique, ce qui m’allait bien car je suis un puriste du football. On se complétait bien. On a passé 5 ans ensemble. Après, c’est vrai qu’au bout de 5 ans, c’était la fin de l’histoire, je venais de passer mon BEPF, j’étais un peu usé, l’examen me demandait beaucoup de travail aussi, et on s’est séparé un peu sur des broutilles. On s’est revu, on s’appelle deux ou trois fois par an. Par exemple, quand j’étais à Villefranche, il m’a envoyé un jeune à l’essai. Mais Christophe a pris une telle dimension depuis ! Encore aujourd’hui, des gens me disent, « Mais pourquoi tu ne retravailles pas avec lui ? », or moi, dans ma logique, je suis devenu numéro 1, même en National 2. J’ai entraîné en Ligue 2, en National et en National 2. Surtout en National. Je veux garder ma ligne conductrice. J’aime trop ça. J’ai été formateur, adjoint, j’ai passé mes diplômes, maintenant voilà, avec Christophe, c’était une super-histoire, il m’a beaucoup appris, mais c’est de l’histoire ancienne.

« Mon éviction de Villefranche ? Un uppercut ! »

Tu ne pourrais donc pas retravailler dans un club de Ligue 1 comme adjoint ?
Je ne pense pas que je pourrais. Enfin… Je réponds peut-être un peu vite là ! Déjà, il faut rester humble : il y a quand même l’aspect alimentaire, et puis, peut-être que je pourrais si un coach qui me plaît me sollicitait. Si ça venait de quelqu’un, qui aime ma méthodologie, mes connaissances tactiques et apprécie mon relationnel avec les joueurs, même si j’ai défauts.

Sous le maillot d’Andrézieux. Photo Philippe Le Brech

Des défauts ? Lesquels ?
Je ne passe pas assez de temps pour certaines choses comme la communication… Je ne suis pas trop dans ces trucs-là, les réseaux sociaux et tout ça… Là on fait un article ensemble, mais ça fait trois mois que je regarde des matchs et que j’écris des schémas de jeu, je ne donne pas d’interview. Et puis je sais que, parfois, ma relation avec les dirigeants… Là, à Villefranche, j’étais dans un super-projet, avec un monsieur exceptionnel, monsieur Terrier (président du FCVB). On n’a pas fait d’erreur, ni lui ni moi. Je pensais vraiment que j’avais trouvé le projet de ma vie, avec une super équipe. On avait des résultats. Mais des gens se sont interposés entre lui et moi, et peut-être que moi, je n’ai pas su lui expliquer certaines choses. Je ne suis pas dans le conflit, mais peut-être que je ne prends pas assez de temps pour expliquer les choses, pour expliquer pourquoi on travaille ceci ou cela à l’entraînement, parler… Je suis tellement passionné que j’en oublie certains aspects, des choses qui sont importantes aujourd’hui. Je sais que je dois faire des efforts là-dessus. A Villefranche, j’ai trop laissé les gens s’interposer, et mon départ, je l’ai vécu comme un uppercut, vu la saison qu’on faisait.

Avec Philippe Terrier, ça s’est pas toujours bien terminé ces dernières saisons, avec ses coachs…
Humainement, il est top, familial, pas tordu. Peut-être que lui aussi doit s’intéresser un peu plus à ce que fait l’entraîneur. Mais je le redis, on a laissé trop de gens pas sérieux au milieu. Honnêtement, je me projetais sur les 100 ans du club dans 3 ans, j’étais parti pour aller en Ligue 2. On avait 30 points à Noël. 30 points ! Et 36 points au bout de 20 matchs, et puis, il y a eu l’affaire administrative qui a fait beaucoup de mal, parce que, quand tu es 2e et que, d’un coup, tu te retrouves à jouer le maintien… C’est là que je me suis retrouvé un peu seul. Si on m’avait dit que, fin mars, j’allais être viré… Je t’avoue, j’ai eu beaucoup de mal à digérer. Je me sentais bien à Villefranche.

« Le foot, c’est une affaire d’équité, de justice »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

N’as-tu pas souffert aussi de certaines de tes déclarations ?
Oui, c’est un article, début mars, qui a tout déclenché, mais ça, c’est tout moi. En fait, en février, on nous a trimballés. Un jour on allait au CNOSF, un autre jour la FFF nous mettait les matchs à rejouer, un autre jour t’as le président du FC Rouen qui te dit qu’il ne veut pas rejouer, et personne au club ne réagissait : on est parti rejouer à Rouen, et là, le CNOSF nous dit que, en fait, ces matchs à rejouer ne vont peut-être pas compter, et nous, on nous demande de jouer tous les trois jours. C’est là que je suis intervenu, pour défendre mon club, sans en parler à mon président. Je me suis retrouvé un peu livré à moi-même. Des gens qui auraient dû être là ont profité de ça pour s’engouffrer là-dedans. J’étais dans le feu avec les joueurs. Le foot, c’est une affaire d’équité, de justice.

Et à Dunkerque, l’an passé, on a eu l’impression que tu ne te projetais pas…
A Dunkerque aussi, j’ai eu mes torts. Je n’ai pas eu trop de chance non plus. On fait une année en Ligue 2, on vend un joueur Ibrahim Cissé à Caen et Harouna Sy à Amiens, et on ne me met pas a courant. On s’accroche mais on avait une équipe faible. Le président Jean-Pierre Scouarnec me dit qu’il veut me garder en National, qu’il me laisse faire mon équipe et franchement, on fait une équipe exceptionnelle, avec Ghrieb, Baghdadi, on a aussi Mboné, bref, à Noël on est super-bien, mais au club, entre monsieur Scouarnec et les deux actionnaires qui mettent en vente le club, qui étaient ceux qui nous mettaient un peu la misère en Ligue 2 (sic), c’est chaud. Malheureusement, moi, j’étais dans le dur avec ces gens-là. Je ne sais pas faire semblant. Je devrais peut-être faire le dos rond, faire plus de politique. C’est mon axe de travail. Après tout, je reste un jeune entraîneur.

Tu es un coach plutôt…
Je suis un puriste du football, peut-être trop même ! J’adore des coachs comme Bielsa, qui vivent football ! J’ai mon projet de jeu, que j’affine. Je suis adaptatif. J’essaie de bien faire jouer mes équipes. Je suis passionné des joueurs, de la gestion d’un vestiaire et de la mise en place sur terrain, c’est vraiment ce qui me caractérise. Je sais très vite, en 6 ou 8 semaines, organiser et mettre en place une équipe et des principes de jeu, voir des profils, recruter, prendre en charge un groupe, le fédérer, l’emmener « à la guerre » et l’amener jusqu’à ce que ce projet de jeu, ce projet de vie, lui appartienne.

« Je dois apprendre à mieux communiquer »

On ne voit pas beaucoup ton nom ces temps-ci dans les short lists, ça t’inquiète ?

Avec Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

En fait, ce qui se passe là, cet été : c’est que les gens retiennent plus ces traits de caractère, sans regarder les clubs un peu difficiles dans lesquels j’ai travaillé. Evian qui dépose le bilan, Cholet, Dunkerque… Et oublie l’histoire de Villefranche quand on perd 7 points, parce que ce n’est pas moi qui les ai perdus ces 7 points là. Administrativement, ça ne fait pas sérieux, alors qu’on est 2e du championnat. Moi, j’ai été élevé avec une certaine exigence, celle de la Ligue 1. Les gens retiennent que je me suis fait virer mais j’étais 2e à Noël avec Villefranche, et à Dunkerque j’ai fait 39 points en 20 matchs avant que mon collègue Mathieu Chabert ne me remplace et finisse le boulot. Cet été, j’ai eu une touche en National, je n’ai pas été pris, et j’ai refusé un beau projet en N2, mais je reste calme, confiant, sans perdre de vue mon cap.
Et puis il y a les présidents, dont certains qui veulent diriger : peut-être que ma personnalité leur fait peur, mais les puristes savent comment je fais jouer mes équipes et comment je gère un groupe, j’emmène mes joueurs avec moi, avec ma force de conviction. Sauf qu’aujourd’hui, cela ne suffit plus. Je dois apprendre à mieux communiquer, à être plus proche de mon président, surtout quand ça va mal, plutôt que de tout vouloir révolutionner.

Tu as une certaine authenticité…
Oui et c’est ça qui m’aide à gérer mes vestiaires, mes joueurs. L’histoire des 7 points de Villefranche, c’est quand même un truc très rare. Au final, on rejoue les matchs, mais il faut tenir le vestiaire, qui coule. Je me remets en question, mais peut-être trop. J’ai voulu trop en faire, en dire. J’ai voulu sauver le club mais je n’ai pas lâché les gens qui ont commis ces erreurs, et au final ce sont eux qui m’ont mis le coup de poignard et m’ont fait partir, c’est aussi ça le foot.

Avec le président du SO Cholet, Benjamin Erisoglu. Photo Philippe Le Brech

C’est comment, de travailler à Cholet avec Benjamin Erisoglu ?
D’abord, à Cholet, la plus belle saison en National, c’était avec moi (7e en 2018-2019). On s’est battu pendant longtemps pour les barrages avec Laval et Le Mans, alors que Rodez et Chambly était loin devant. J’ai payé aussi là-bas certaines choses, comme vouloir expliquer à mon président (Benjamin Erisoglu), un super-gars, qu’en football, il y avait des codes, et après deux matchs nuls pour commencer le championnat suivant, il m’a fait partir ! Parce que tout ce que je lui avais expliqué la saison précédente a rejailli. Rocheteau, Mexique, Guivarch, Mazikou, avec Yasine Kernou, on a fait une super équipe.

« Peut-être que je n’aurais pas dû retourner à Andrézieux… »

Une erreur de casting dans ton parcours ?

Avec Villefranche. Photo Bernard Morvan.

Après Cholet, par amour des gens, j’ai voulu aider Andrézieux pour les maintenir en National 2, mais il y a eu la Covid, on a été arrêté en mars 2020, puis en septembre la saison suivante. J’aurais peut-être dû patienter un peu plus avant de replonger directement en N2, pour aller dans un autre club de National. Ce choix de coeur, ce retour à Andrézieux, où j’avais déjà fait un premier passage, au final, m’a coûté deux ans. Je le regrette un petit peu mais je ne regarde pas le passé, un peu comme avec mes enfants : je ne regarde jamais de vidéos ou de photo d’eux quand ils étaient petits. Je suis quelqu’un du présent, qui voit les choses de manière positive.

Un mot sur Andrézieux : d’un oeil extérieur, pourquoi ce club n’arrive-t-il pas à accéder en National ?
D’abord, l’année où je suis arrivé, on n’est pas monté de peu : c’est Villefranche qui nous passe devant à la fin, mais bon, ils nous avaient battus deux fois. Ensuite, il y a eu beaucoup d’entraîneurs. Peut-être qu’ils veulent aller trop vite, alors que dans ces niveaux, il y a plein de gros projets, tout le monde est armé. Il y a une jeune équipe d’actionnaires que je connais bien, avec François Clerc notamment; après, à l’image de ce qu’a fait Le Puy, peut-être qu’il faut un peu de patience, qu’il y a un manque de continuité. Les effectifs tournent beaucoup aussi, je trouve.

« Rechercher, lire, regarder… »

Avec le SO Cholet. Photo Philippe Le Brech

Tu es un entraîneur ou un formateur ?
Je suis un entraîneur parce qu’aujourd’hui, il n’y a plus que la compétition et le projet de jeu qui m’animent. J’ai « fait » quand même beaucoup de points à Villefranche et à Dunkerque. Après, je suis un formateur dans le sens où j’ai ma méthodologie, mon envie de faire progresser les joueurs. Si je revenais à la formation, j’aurais ce manque du match de National du vendredi soir ou du samedi en Ligue 2, c’est pour ça que je me considère comme un entraîneur.

Un coach marquant, inspirant ?
J’adore la recherche, je lis beaucoup, je regarde beaucoup de matchs, mon projet de jeu n’est jamais fermé, j’ai connu le haut niveau quand même avec 250 matchs en Ligue 1 et en coupe d’Europe, donc j’ai eu le temps d’analyser et de voir ce qui se passait, j’ai fait des stages à l’étranger pour mon BEPF, je me suis nourri de méthodologie… Je citerais Guy Lacombe et Alain Blachon, pour certains principes de jeu, pour certaines valeurs. Ils m’ont marqué, m’ont aidé à me construire, à évoluer, mais sinon je n’ai pas forcément de coach, je ne vais pas chercher à copier Guardiola : J’ai mon 3-4-1-2 avec des particularités, comme des sorties de balle par l’axe, la position des pistons, j’ai automatisé des choses. Rechercher, lire, regarder, c’est comme ça que je me construis.

Avec le SO Cholet. Photo Philippe Le Brech

As-tu un dicton ?
Pas un dicton, mais un mot, que je sors souvent, c’est « humilité ». Parce que j’ai toujours une crainte, même quand tu gagnes des matchs. L’humilité te fait dire que tu es en danger quand tu gagnes, parce que tu prends de la confiance, et là je peux changer et utiliser mon plan B, un 4-3-3 qui ressemble un peu à mon premier système de jeu. Je fais ça pour piquer mes joueurs; à Noël, avec Villefranche, j’aurais peut-être dû changer et au final, je la sentais un peu, cette légèreté dans le club… Inversement, quand on perd, je ne change pas de système, pour ne pas noyer mes joueurs.

Le meilleur joueur entraîné ?
Stéphane Diarra; il n a pas eu la carrière qu’il aurait dû faire, même s’il a joué en Ligue  à Lorient. J’étais allé le voir à un entraînement avec les U19 d’Evian, et j’ai découvert un talent. Une semaine après, je le faisais débuter en Ligue 2. J’ai eu l’impression de découvrir le gros talent ! Il a fait sa carrière après. J’ai entraîné aussi des grands joueurs à Saint-Etienne, un joueur comme Loïc Perrin m’impressionnait, il avait tout. J’ai eu des Aubameyang aussi, quand tu le vois à la vitesse grand V au bord du terrain, waouh ! Quelle intensité, et ses appuis, ses contrôles….

Une question que je ne t’ai pas posée et que j’aurais pu te poser ?

Avec Villefranche. Photo Bernard Morvan.

Tu aurais pu me demander de te détailler pourquoi jusqu’à la médiane mes pistons ils restent à la telle hauteur, ou pourquoi tu sors la balle par l’axe, ou pourquoi tu prends de la vitesse très haut dans le terrain et là on aurait fait un entretien de 3 heures ! Ou pourquoi c’est la jungle amazonienne dans ta tête (rires) ?!

Quelle question aimerais-tu me poser ?u
Tu sais que je voulais être journaliste sportif quand j’étais petit ! Je me demande pourquoi tu n’as pas un maillot sur le dos, pourquoi tu n’es pas dans un club ? Pourquoi tu ne repars pas au feu dans la com’ d’un club, parce que l’amour du maillot, tout le monde est ensemble, c’est magnifique ! Je me souviens, une fois, avec Saint-Etienne, le gars de de la com pleurait quand on perdait ! Tu vibres, c’est un projet, faut que je retrouve cette excitation.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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À l’exception d’un prêt de 6 mois, le Gardois n’a connu qu’un seul club professionnel dans sa carrière, Montpellier, avec lequel il a été sacré champion de France en 2012 ! Aujourd’hui, l’ex-gardien met son expérience au service du syndicat des joueurs et joueuses pros, et plus particulièrement du football féminin, qu’il accompagne dans son développement.

Par Olesya ARSENIEVA / Photos DR

C’est l’homme d’un seul club. Avec 198 matchs sous le maillot de Montpellier, le gardien de but Laurent Pionnier (42 ans aujourd’hui) fait partie des rares footballeurs à avoir effectué toute leur carrière dans le même club. Sa mentalité irréprochable et son amour du maillot, dans les bons comme les mauvais moments, font qu’il reste à jamais gravé dans le cœur des supporters Montpelliérains et dans l’histoire du club. Après avoir rangé les gants en 2018, il est devenu chargé de missions juridiques et du football féminin au sein de l’UNFP.

« J’ai commencé à 13 ans dans les buts et à 15 ans j’étais international »

Photo DR

Natif de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, département voisin de l’Hérault, Laurent débute le football à l’Olympique d’Alès en Cévennes. Il enfile les gants à 13 ans seulement pour pallier un manque de gardiens dans son équipe. Tout s’est enchaîné par la suite : sélections en équipe de France jeunes, signature au Montpellier Hérault SC, le sudiste s’est révélé à ce poste de gardien et n’en a plus bougé. « J’ai commencé dans les cages à 13 ans et j’étais international à 15 ! Mais à ce moment-là, Alès a coulé. J’avais été repéré par plusieurs clubs. Avec la facilité d’être à côté, j’ai choisi Montpellier. » C’est en 1997, que Laurent enfile pour la première fois le maillot montpelliérain.

Depuis, à l’exception d’un prêt de 6 mois à Libourne/Saint-Seurin lors de la saison club 2007-2008, en Ligue 2 (17 matchs), il n’a plus bougé de La Paillade jusqu’à la fin de sa carrière en 2018. « C’était mon choix de rester, je n’étais pas en fin de contrat. Les discussions avec Loulou (Louis Nicollin, ex-président MHSC) ça se terminait par « tu restes » et on s’est toujours bien entendu comme ça. J’ai eu envie à certains moments de bouger mais pour moi les planètes n’ont jamais été alignées pour un départ, parce que j’étais bien où j’étais. Tu pèses le pour et le contre et à la fin il en ressort ta décision personnelle. La mienne c’était de rester ici. »

Ses premiers matchs en professionnels, il les dispute lors de la saison 2002-2003 en Ligue 1. A seulement 20 ans, il est lancé dans le grand bain et titularisé à 9 reprises. « A 20 ans jouer en Ligue 1, c’est la fougue, tu vas au charbon, j’étais un soldat. On m’envoyait au front et j’y allais. Tu ne te poses pas de questions. T’as la chance d’être là, tu t’es donné à fond pour y être et c’est le début de quelque chose et si tu veux que ça dure il vaut mieux bien le faire, donc je me suis toujours mis de la pression. Mais j’ai toujours su la gérer d’une manière positive. » Il doit attendre la saison 2005-2006, quand le MHSC évolue en Ligue 2, pour vivre une saison complète comme titulaire (34 matchs joués).

« Je me suis toujours senti utile dans cette équipe »

Dans sa carrière, Laurent a connu le rôle de doublure comme le rôle de titulaire mais cette situation n’a jamais entamé son moral. « J’ai fait la moitié doublure, la moitié « titu », donc j’ai joué la moitié des matchs ! La relation avec les Présidents, Loulou Nicollin et son fils Laurent, me poussait à rester au club quand j’étais doublure. Ce sont des personnes qui te montrent que tu es utile pour le club ou pour l’équipe, que tu joues ou que tu ne joues pas. Donc je me suis toujours senti utile dans cette équipe même quand je ne jouais pas, encore plus quand je jouais. Si à un moment donné je m’étais senti inutile, je serais parti. Il y avait des moments difficiles comme dans toute carrière mais dans ces cas-là, je savais à quelle porte il fallait toquer pour régler des problèmes ou dire ce que je pensais. C’est ça aussi qui a fait que l’histoire a duré longtemps. »

Une fidélité récompensée

Photo DR

Après avoir connu des descentes en Ligue 2 et des remontées, Laurent remporte le titre de Champion de France devant le Paris-Saint Germain des Qataris récemment arrivés dans la capitale. « La saison du titre (2011-2012), on l’a eu en plusieurs étapes. On a rapidement été sur de bons rails : les trois premiers matchs, on fait trois victoires. On ressort d’une année où on fait la finale de la coupe de la Ligue mais s’il y a deux matchs de plus dans la saison, on descend. Donc on était conscients qu’on avait fait un beau parcours en coupe de la Ligue mais que c’était l’arbre qui cachait la forêt. La saison suivante, on avait quasiment les mêmes joueurs et c’est ce qui a fait notre force. On a commencé à y croire rapidement ! Quand tu es en haut, tu veux y rester. On avait de la chance d’avoir un groupe assez homogène avec des anciens qui arrivaient à ne pas trop mettre la pression sur les jeunes. Quand tu connais la pression de pas descendre, quand tu vis celle d’être champion, elle est quand même plus facile à gérer. La saison d’après, tu joues quand même en Ligue 1. On n’avait pas d’obligation comparé au PSG. La prise de conscience a fait la différence, la prise de conscience que tu peux passer à côté d’une saison et tout foirer pour rien. Les jeunes apprennent vite aussi et tu progresses, c’est plein de facteurs, tu ne passes pas du tout au tout comme ça. Les joueurs qui étaient peut-être en dessous la saison d’avant ont été à leur meilleur niveau et tous en même temps. C’est plein de facteurs qui s’additionnent. »

« Quand tu joues à Montpellier, tu te dis pas que tu vas jouer la Ligue des Champions »

Photo UNFP

Le rêve continue. La saison suivante, le MHSC dispute la Ligue des Champions et Laurent dispute un match titulaire à 30 ans (contre l’Olympiakos, défaite 2-1 en 2012) « Tu rêves un jour de jouer la Ligue des Champions, mais quand tu joues à Montpellier, tu ne te dis pas que tu vas la jouer un jour, il ne faut pas se leurrer. Tu réalises tout ça quand tu atteins les points à l’avant-dernière journée. Mais si à l’inter-saison le club se dit « On va mettre les moyens pour exister et recruter des gardiens », toi, tu ne la joueras pas. Parmi les joueurs champions de France en 2012, tous n’ont pas participé à la LDC la saison d’après. Mais les émotions que tu ressens quand tu joues en LDC, c’est la folie. Tu as entendu la musique à la télé et là c’est un rêve de gosse qui se réalise. Tu n’y penses pas tout de suite, je suis quelqu’un qui vit le moment et après je me dis c’est ce qui reste. J’ai gagné un titre, j’ai joué la Ligue des Champions, la Ligue Europa, j’ai joué en Ligue 1, en Ligue 2. Je n’ai pas gagné la coupe de France mais j’ai joué au Stade de France pour la finale de la Coupe de la Ligue. »

« J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin »

Symboliquement, pour ses 20 ans au club (2017), Laurent s’impose dans le rôle de titulaire en Ligue 1 grâce à ses bonnes performances, suite à la blessure de Geoffrey Jourdren (25 titularisations). « Doublure ou titulaire, il n’y a jamais eu aucune différence dans mon travail. Je bossais comme si j’allais jouer. C’est ça qui a fait aussi que, parfois, je ne jouais pas pendant des mois mais sur le terrain je répondais présent. J’ai toujours bossé de « ouf ». »

Lors de sa dernière saison en 2018, il repasse sur le banc et s’occupe parallèlement d’entraîner Dimitry Bertaud (MHSC) qui évolue dans les catégories jeunes. « J’ai bouclé la boucle. En 2015, j’ai passé les diplômes pour être entraineur des gardiens, 3 ans avant la fin de ma carrière. Après, pour être entraîneur des gardiens, il faut avoir l’opportunité et je ne l’ai pas eue. »

Ses missions à l’UNFP

C’est désormais au poste de « chargé de missions juridiques et du football féminin » au sein de l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnels, que Laurent, également secrétaire général et membre du département juridique, s’épanouit dans sa vie professionnelle. « Quand j’ai arrêté, j’ai eu cette opportunité et je l’ai saisie. Il y avait un besoin chez les féminines. J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin parce qu’à Montpellier, Louis Nicollin avait été précurseur, et ça m’a plu de pouvoir aider à développer et régler certaines anomalies, dont certaines ne sont d’ailleurs pas réglées aujourd’hui, mais on est sur la bonne voie. »

« Encore aujourd’hui un lien fort avec Montpellier »

Chouchou des supporters à La Mosson, Laurent conserve toujours des liens avec ceux qui l’ont soutenu au fil des années. « Quand tu passes autant de temps dans un club, quand je pense que je suis le seul joueur à avoir fait toute sa carrière à Montpellier, c’est sûr que j’ai un lien spécial avec les supporters. J’ai toujours fait attention à eux. Par exemple, à Guingamp, on avait perdu mais ces mecs-là, ils ont parcouru la France et je ne pouvais pas rentrer au vestiaire sans les saluer. C’était du respect entre eux et moi. On a eu des discussions houleuses, j’ai toujours dit ce que je pensais mais aussi que j’étais à l’écoute de ce qui se disait, c’est cette sincérité qui fait que, encore aujourd’hui, on a un lien fort. »

Laurent Pionnier du tac au tac

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Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon titre de champion de France 2012 avec Montpellier.

Ton pire souvenir sportif ?
Les descentes avec Montpellier, ça nous touche nous sportivement et ça touche les gens qui travaillent au club. Moi qui suis un peu attaché à ça, c’est un malheur qui touche beaucoup de monde donc ça accentue le tien. Celle qui m’a le plus marqué est la toute dernière (2003-2004).

Combien de clean sheets dans ta carrière ?
Je n’ai pas compté. Quand tu commences, tu comptes les matchs que tu joues mais quand ça commence à faire un peu, après tu ne comptes plus rien. Ça va tellement vite, tu joues tous les 3 jours, t’essayes de faire les comptes à la fin.

Ton plus bel arrêt ?
L’année du titre on a fait un match à Lille, j’ai fait des beaux arrêts sur ce match-là. Je ne sais pas si j’en ai fait des plus beaux à ce match qu’à d’autres mais là, j’en avais fait à la pelle ! T’es invincible sur ce genre de match, t’anticipes toujours du bon côté parce que t’as déjà tout arrêté avant. J’ai pensé à ça parce qu’Eden Hazard a fait son arrêt de carrière à Lille récemment et ce match-là, c’était contre lui. Ils étaient champions de France en titre et je pense qu’il a dû tirer une dizaine de fois au but mais je l’ai dégouté. Même moi, à la fin, j’étais dégouté pour lui (rires). Il y a des matchs comme ça, tu fais même des erreurs de placement mais, bizarrement, ça tombe là où il y a le ballon !

Ton poste préféré sur le terrain (autre que gardien) ?
Avant-centre. Maintenant je suis avant-centre, pas au beach soccer mais au football normal ! Je joue devant, je me suis reconverti.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
J’ai un rapport à ce sport tu ne l’expliques pas. C’est passionnel, depuis tout petit.

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Pourquoi avoir choisi d’être gardien ?
J’y suis arrivé un peu tard. J’ai dû faire gardien à 12 ans. Je suis arrivé là par hasard parce que le gardien de l’équipe était blessé. L’entraîneur, membre de ma famille, m’a dit « Vas-y toi » parce que personne ne veut y aller et je n’en suis plus sorti. Je n’étais pas pré-destiné à ça, je l’ai fait par défi et finalement j’ai kiffé. Toutes mes années avant où j’ai joué dans le champ m’ont servies dans mon jeu au pied.

Ton geste technique préféré ?
La claquette main opposée. Ça n’arrive pas souvent mais quand ça arrive, tu fais lever le stade.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités : jeu au pied, je pense aussi que j’étais bon sur ma ligne. Je n’avais pas un défaut criant mais j’avais peut-être du mal à sortir loin de mon but, il y en a très peu qui vont loin.

La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
La saison du titre (2012). On était beaucoup de joueurs formés au club à hériter de la génération que tout le monde connaît à Montpellier : la génération 90. C’est les mômes qui avaient gagné la Gambardella. Ils sont arrivés quasiment tous à maturité la même année, en 2012. Ils étaient couplés avec des joueurs pas connus à l’époque comme Olivier Giroud, des joueurs plus anciens (Romain Pitau). Moi j’étais un peu entre deux : j’avais 30 ans mais ça commençait un peu à faire. On faisait les conneries tous ensemble. C’était génial à vivre en plus avec mon club à moi.

Le club où tu rêvais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid, avec tout ce que ça comporte, les Socios, l’environnement, l’équipe évidemment… Qui dit Real dit joueurs de rêve, le stade, l’ambiance, la vie de tous les jours là-bas… Quand t’amènes tes enfants, ça doit être la folie.

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Un coéquipier qui t’a marqué ?
Sur le plan du football, forcément Giroud, c’est celui qui a fait la plus grande carrière parmi nous, qui est le plus titré. Humainement je ne peux pas t’en citer un en particulier, mais j’ai veillé à ce que les joueurs aient l’identité du club et il y en a beaucoup qui s’y sont fondus et avec qui je garde d’énormes relations humaines encore aujourd’hui. Il y en a qui sont encore dans le foot, d’autres plus du tout mais j’ai gardé beaucoup de relations avec des joueurs qui sont passés par Montpellier et qui bien souvent habitent Montpellier encore.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
J’ai joué contre Ronaldinho, il me donnait la fièvre lui (rires) ! J’ai joué contre lui quand il était au PSG et je l’ai battu d’ailleurs (2003, PSG – MHSC 1-3). La première fois que j’ai joué contre le PSG de l’époque Ronaldinho, j’avais 19/20 ans mais il se fait expulser le match d’avant. J’ai fêté son expulsion parce que je savais qu’il n’allait pas jouer. Je l’ai rejoué plus tard, c’était le 5 ou 6e match que de ma carrière. Il y avait aussi Jay Jay Okocha, c’était le même que Ronaldinho.

Un coach que t’aimerais revoir ?
J’en revois plein parce qu’il y en a qui sont dans des hautes fonctions dans le football et avec l’UNFP je suis amené à les revoir, Jean-François Domergue qui est à l’UEFA, Jean-Louis Gasset qui habite sur Montpellier, et avec qui j’ai des relations particulières. J’ai des missions à l’UNFP avec des garçons donc je vais voir des matchs et j’en recroise.

Une causerie de coach marquante ?
Quand j’étais en prêt à Libourne, c’était Didier Tholot, un coach extraordinaire tant humainement que sportivement. Je venais d’arriver dans une équipe qui essaye de se sauver. J’arrive dans une causerie, le dernier contre l’avant dernier. Le coach dit « Moi, je ne vais pas vous parler ! Il y a des joueurs expérimentés qui vont arriver donc Laurent va se lever et va faire la causerie. » J’ai dû faire la causerie, c’était en 2008, je n’avais même pas encore 30 ans. J’arrive dans un club, un match avec une énorme pression et le coach me dit que c’est moi qui vais faire la causerie sans m’avoir averti avant. Sur le moment c’est stressant mais c’est un super souvenir !

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Dans l’exécution non mais dans l’utilité oui. Par exemple, quand tu vois les gardiens qui font la sortie en croix je ne comprends toujours pas le ratio efficacité ni l’utilité.

Une anecdote de vestiaire ?
Ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. J’ai vécu des choses magnifiques comme des choses délicates, le vestiaire c’est la vie. De la manière dont tu vis dans le vestiaire en dépendront des résultats.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Olivier Giroud.

Tu étais un joueur plutôt…
…axé sur la mentalité.

Photo UNFP

Un modèle de joueur ?
Paolo Maldini, Francesco Totti, mais aussi Loic Perrin à plus petite échelle. Les joueurs fidèles à un club. C’est des vrais soldats.

Une idole de jeunesse ?
Pascal Olmeta, je lui ai dit d’ailleurs (rires) !

Un plat, une boisson ?
Des pâtes et l’eau pétillante, avec l’âge ce n’est pas loin d’être détrôné par la bière (rires).

Tes loisirs en dehors du foot ?
Je joue de la guitare, c’est des moments persos qui me permettent de déconnecter. Sinon la pratique d’un sport quel qu’il soit, c’est un loisir et une nécessité.

Un film culte ?
A star is born.

Le monde du football en deux mots ?
Passionnant mais difficile.

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : DR

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L’entraîneur du club Girondin, rétrogradé début juin en N3, puis exclu des compétitions nationales, revient sur une saison brillante sportivement, qui a masqué de grosses difficultés économiques. Résultat : après avoir rêvé au National, c’est la liquidation judiciaire et la R2 qui menace les Pingouins.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et FC Libourne

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

Avec Simon Adoue, les premiers échanges sur WhatsApp remontent à mi-avril. C’est grâce à Khemissi Khelil, entraîneur adjoint de Julien Faubert à Fréjus/St-Raphaël, en N2, jusqu’au printemps, que le contact est établi (félicitations à « Khem » pour l’obtention de son DES !). A l’époque, le FC Libourne vient de battre Romorantin 2 à 0 et s’apprête à défendre son fauteuil de leader, qu’il partage avec La Roche-sur-Yon, au Paris 13 Atlético. Le rendez-vous est déjà pris pour un entretien, sans savoir que la fin de saison sera minée par les problèmes économiques. Sans savoir que le FC Libourne ne marquera plus qu’un tout petit point lors des quatre dernières journées, pendant que Paris 13, finalement promu en National, en marquera 10 dans le même temps, et que La Roche en marquera 9.

Alors, évidemment, lorsque l’entraîneur, à la tête des Pingouins depuis novembre 2022, nous donne rendez-vous au café, à quelques centaines de mètres du stade Jean-Antoine-Moueix, les débats tournent autour de lui, de son parcours, bien sûr, mais surtout de la situation du club et des derniers mois compliqués que ses joueurs, son staff et lui ont vécus.

« A Libourne, presque tous les dix ans, il se passe quelque chose ». C’est l’air un peu dépité que le jeune coach (43 ans) qui a permis aux Pingouins d’accéder de National 3 en National 2 à l’issue de la saison 2022/2023 puis de jouer les premiers rôles cette saison (3e après avoir été leaders), résume la vie de « son » club. Ce n’est pas exagéré de dire « son » club comme ce n’est pas faire injure à certains noms du football girondins que de l’appeler « Monsieur Libourne », tant il a connu et vécu de choses ici, au stade Jean-Antoine-Moueix, posé à quelques centaines de mètres du centre-ville.

Près de 30 ans de présence au club

L’histoire entre le FC Libourne et Simon Adoue dure depuis une trentaine d’années. Elle commence lorsque le milieu offensif longiligne quitte le club de son village, Puisseguin, pour rejoindre, à l’âge de 14 ans, le grand club voisin. Elle n’est interrompue que pendant trois saisons, lorsque Libourne / Saint-Seurin (Libourne et Saint-Seurin ont fusionné en 1998 avant de se séparer en 2009) accède en Ligue 2 en 2006 avant de retomber – administrativement – de National en CFA en 2009. Une période durant laquelle Simon, vexé et touché de ne pas faire partie de cette aventure professionnelle, se coupe volontairement du club.

Photo FC Libourne

Désabusé également, Simon Adoue, revenu « chez lui » il y a 15 ans, et qui vient de passer son DES, histoire de se mettre en conformité et de pouvoir entraîner « légalement » jusqu’en N2, vit, à l’instar de tout un club, une situation très compliquée.
Mercredi dernier, lors de l’assemblée générale du club, les paroles se sont déliées. Et les chiffres sont tombés. Implacables. L’on parle d’un déficit de 450 000 euros. D’une probable mise en liquidation judiciaire et de la démission, dans la foulée, du président / homme d’affaires Mondheur Mahdi, arrivé à la tête du club en juillet 2022. L’entrepreneur, qui avait réussi dans la secteur de la boucherie, devait déclarer le club en cessation de paiement auprès du tribunal de grande instance de Libourne (les salaires ne sont plus versés depuis mars). Une situation intenable qui devrait conduire à une chute en Régional 2, au niveau de la réserve, pour les seniors A, alors que la DNCG a déjà tranché dans le vif début juin en rétrogradant administrativement le club en National 3. Bref, un grand nom du football girondin, et un club « historique », comme aime à le rappeler celui que l’on surnomme « Sym » (« Seim ») ou « Sim », va disparaître de la scène nationale…

Le club fondé en 1935 par Georges Kany, exclu ce mardi 25 juin par la DNCG des compétitions nationales, va donc laisser sa place à une nouvelle entité. C’est la fin d’une histoire de près de 90 ans. Triste.

Interview : « Je suis là pour servir le club »

Photo FC Libourne

Simon, peux-tu retracer ton parcours en ballon ?
Je suis arrivé au club, le FC Libourne, en jeunes, à l’âge de 14 ans, pour jouer en U15 Nationaux; auparavant, j’avais joué dans les clubs de campagne, à Saint-Denis-de-Pile et à Puisseguin, dans mon village. Ici, derrière les Girondins de Bordeaux, qui est le club phare de la région, il y avait Libourne, où j’avais passé des tests qui s’étaient avérés concluants : c’est comme ça que j’ai pu intégrer les U15 Nationaux puis les U17 Nationaux. J’étais milieu offensif. Au début, cela a été un peu compliqué car j’ai eu un retard de croissance. Le club m’avait pris pour ma technique, mais pas pour mon physique ! J’ai galéré pendant 2 ou 3 ans et une fois que j’ai grandi, j’ai très vite joué en seniors, en équipe réserve tout d’abord, en DH, à l’âge de 17/18 ans, et dès ma deuxième année de seniors, Jean Marc Furlan, qui venait de faire monter l’équipe Une de CFA2 en CFA (saison 1998-1999), me prend dans le groupe. Je fais la « prépa », je fais des apparitions la première saison et je joue plus régulièrement dès la seconde année de CFA. Ensuite, il y a les épopées en coupe de France, auxquelles je participe, comme ce 1/4 de finale contre Bastia au stade Chaban-Delmas, à Bordeaux (en 2002), ou encore ce 8e de finale contre Rennes en 2003 (après avoir éliminé le champion de France en titre, Lyon, 1 à 0, en 32e de finale !), avant l’apothéose, l’accession en National, en 2003. Paradoxalement, après avoir fait une vingtaine de matchs en CFA l’année de la montée, je joue encore plus souvent la saison suivante en National, malheureusement, en fin d’exercice, Jean-Marc Furlan s’en va à Troyes et quand on change d’entraîneur, avec André Menaut tout d’abord, avec Didier Tholot ensuite, je joue moins. Le club accède en Ligue 2 en 2006 mais je ne suis pas conservé, je ne décroche pas de contrat professionnel.

Un coup dur, pour toi ?
Oui. Et comme je ne suis pas un grand voyageur, que je suis attaché à ma ville et à ma région, j’essaie de trouver un club pas trop loin. J’avais failli signer à Bayonne, qui descendait de National en CFA avec Alain Pochat (avant de remonter deux ans plus tard) mais finalement je suis allé au FC Bassin d’Arcachon pendant 2 ans, en CFA2, puis à Angoulême pendant un an, en CFA2 toujours. Ce fut aussi un moyen d’aller voir un peu ce qui se passait ailleurs.

Tu n’as donc pas connu les périodes « Ligue 2 » de Libourne / Saint-Seurin…
Non. Quand je suis revenu à Libourne en 2009, trois ans plus tard, le club venait de descendre deux fois, de Ligue 2 à CFA. J’ai donc raté les deux saisons en Ligue 2 et la saison de National derrière.

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Tu allais voir des matchs de Ligue 2 tout de même au stade Moueix ?
Non, je n’allais pas au stade. J’étais vexé, déçu, frustré. J’avais effectué ma formation au club, j’avais participé à cette accession, donc c’est vrai que j’avais un peu « les boules ». Je me suis un peu coupé du club, volontairement, même si j’avais gardé mes amis. Je suivais juste les résultats. Je ne dis pas que j’avais le niveau de la Ligue 2 mais avec mon passé, et par rapport à mon histoire avec le club, j’aurais pu avoir plus de reconnaissance. C’était juste un choix sportif. C’est le haut niveau, c’est comme ça. J’aurais pu rester et jouer en réserve, en CFA2, mais j’ai préféré jouer dans une équipe première, en CFA2.

Comment ça s’est passé à ton retour en 2009 ?
Quand je reviens, j’ai 28 ans, le club est tombé en CFA, et j’enchaîne les matchs, et à la fin de mon contrat fédéral, le club me propose un CDI en tant qu’éducateur. C’est là que je commence à passer mes diplômes. J’ai joué jusqu’à l’âge de 37 ans en DH puis en National 3 (2017-2018). Quand j’ai décidé d’arrêter à ce moment-là, je me suis consacré au coaching. Je me suis occupé de l’administratif, de la gestion des éducateurs, de l’entraînement des U14, puis des U15. Ensuite j’ai intégré le staff de l’équipe fanion de Franck Vallade pendant 3 saisons comme adjoint, jusqu’à l’arrivée du nouveau président (Mondheur Mahdi) en 2022.

C’est là que tout s’accélère…
En fait, au bout de six matchs de la saison 2022-2023 (2 victoires, 3 nuls et 1 défaite), en National 3, le président écarte Franck (Vallade) et me met à sa place, sauf que je n’ai pas le diplôme. Du coup, le président trouve un arrangement avec Franck qui reste au club et fait prête-nom. Et nous, en National 3, on fait un parcours incroyable (18 matchs sans défaite, 15 victoires et 3 nuls), on fait une série de clean sheet (11 d’affilée !) et, malgré une fin de saison plus dure (deux défaites pour conclure), on monte en National 2 haut la main ! C’est ce qui me donne la possibilité de passer le DES (diplôme d’Etat supérieur, qu’il vient d’obtenir), je fais les sélections, je suis pris et j’obtiens une dérogation pour entraîneur en National 2 puisque je suis en formation.

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

D’où vient ce goût d’entraîner ?
En fait, je ne suis pas programmé pour ça au départ. Je suis là pour servir le club, afin qu’il bénéficie de mon expérience dans la formation et aussi de mon expérience de joueur. Mais c’est vrai que, quand j’étais éducateur chez les jeunes, ce qui me manquait, c’était l’adrénaline de la compétition de « haut niveau », que je retrouvais moins, même s’il y avait autre chose, comme le fait d’inculquer, de transmettre aux jeunes. Donc j’ai dit « Oui » direct quand on m’a proposé de revenir dans un staff seniors, parce que ça me manquait. Et quand Franck (Vallade) est sorti par le président, je propose même des noms de coachs, parce qu’au départ, je ne pense pas qu’il va me laisser aux commandes de l’équipe. Mais comme, très vite, on enchaîne les victoires… Moi, je pensais juste faire un intérim. Donc, maintenant que l’on gagnait, le président n’a pas pris le risque de prendre un autre coach et de casser la dynamique. Et on est allé au bout ! De mon côté, je me suis pris au jeu aussi, il faut le dire, j’ai une certaine relation avec mes joueurs, dont je suis proche : d’ailleurs, le développement humain est quelque chose d’important pour moi. Je mets vraiment en avant le côté « aventure humaine » et ça a pris rapidement. La dynamique était superbe. Sincèrement, entraîner en National 2 comme cette saison, je n’y pensais pas une seule seconde il y a encore 3 ans de ça ! Mais voilà, c’était peut-être mon destin.

Quelque part, tu es un peu « Monsieur FC Libourne », non ?
On peut dire ça comme ça, oui (rires !) Je suis né ici, à Libourne, j’ai tout vécu ici, même s’il y a aussi Ahmed Berkouch, un ami proche, toujours au club, et aussi quelques anciens joueurs pas loin, comme Régis Castant et « Jeff » Douence : tous deux n’ont plus de fonction au club et bossent aujourd’hui à la mairie.

Tu as gardé des contacts avec d’autres anciens ?
J’ai eu la chance de jouer avec quelques très bons joueurs comme Mathieu Chalmé : j’avais d’ailleurs pensé à lui pour remplacer Franck (Vallade), et avec certains, on se croise de temps en temps. Avec Jean-Marc Furlan, j’étais très lié; au début, j’avais des contacts réguliers avec lui et puis, avec le temps, de moins en moins, mais je sais que si je lui envoie un message demain on va se parler. Mais c’est normal, c’est la vie, chacun fait son chemin.

« Mon équipe était programmée pour monter »

Repro 13HF

Revenons à cette saison de National 2. Le FC Libourne a longtemps fait la course en tête et était encore leader à quatre journées de la fin avant d’exploser : penses-tu que les problèmes économiques sont une des explications à cette fin de saison ?
C’est vrai, on est dans le coup à 4 journées de la fin, et je suis persuadé, connaissant mon équipe, et aussi compte tenu de l’avis d’autres techniciens, certains même de la poule, que mon équipe était programmée pour monter. Je le dis sans prétention. Elle était conçue pour le niveau National 2 et même pour le niveau au-dessus. C’était une équipe puissante, athlétique, et aussi bonne en transition, qui pouvait allier plusieurs systèmes de jeu. On était assez complet. En fait, on s’aperçoit que, quand on perd des points, c’est dans des périodes où mes joueurs ne sont plus payés. Parce qu’il faut savoir que, depuis mars, plus personne n’est payé. Je me souviens que l’on doit jouer un un match important pour la montée au Paris 13 Atlético, qui est encore derrière nous, à 4 journées de la fin, et on part le matin-même du match, à 5 heures du matin, pour jouer à 15 heures ! Au bout d’un quart-d’heure, tu es mené au score, et en plus de ça, mes joueurs ne sont plus payés… J’ai des pères de famille… Pour jouer une montée, il faut mettre les joueurs dans de bonnes conditions. Or là… Alors à un moment donné, tu ne peux plus lutter contre Paris 13 ou La Roche-sur-Yon, même si on fait encore le nul à La Roche, début avril; en fait, ça s’est joué sur les détails. Je pense que si on n’est pas monté, c’est à 70 ou 80 % à cause des problèmes économiques du club.

En début de saison, après un succès à Angoulême. Photo FC Libourne

Comment fait-on, dans ces cas-là, pour « tenir » ?
Les joueurs n’ont pas été payés depuis mars, moi non plus. Mais moi, même si je le vis mal, bien sûr, j’ai quand même un peu plus de bouteille, je suis plus âgé, mais avec mes joueurs, je ne voulais pas me servir de cela comme d’un relais, ni rentrer dans ce truc-là. Parce que cela les aurait mis encore plus fond. Je leur disais que si on montait en National, cela pourrait les aider, les sauver, que cela pourrait peut-être déboucher sur une autre chose. J’étais obligé de jouer sur ces leviers-là, sauf que ces leviers-là, ça fonctionne une ou deux semaines, pas un ou deux mois… Parce que, à un moment donné, le joueur, il va te dire « Oh Simon, t’es gentil, mais bon… », et comme ce n’est pas moi qui les paie. Voilà pourquoi, à la fin, on n’avait plus de ressources.

Ces difficultés financières, tu les as senti arriver ?
Oui. On a eu quelques piqûres auparavant. Quand tu te retrouves très tôt, en août ou en septembre, à avoir des retards de paiement, OK, tu te dis « ça peut arriver », mais bon… Le président disait que c’était des petits retards, on ne sait pas trop dans ces cas-là, que c’était peut-être dû à des subventions qui allaient tomber ou du sponsoring, je n’en sais rien. Bref. Mais à un moment donné, quant tu es payé le 20 du mois au lieu du 5… On s’en doutait mais on a toujours eu un espoir. L’espoir que le club attire des gens, des nouveaux partenaires, mais voilà, depuis mars, personne n’est payé. Alors pour jouer une montée, c’est compliqué. Je ne pensais pas que la situation allait en arriver là, c’est une catastrophe pour le club, pour la ville, pour l’image.

« Je veux prendre la bonne décision »

Photo FC Libourne

Sur le plan personnel, que vas-tu faire ?
Là, le club est menacé de repartir en Régional 2. On retournerait 10 ans en arrière. De toute façon, tous les dix ans, ils se passent un truc comme ça ici ! C’est compliqué pour moi aussi, même si le fait d’avoir effectué un bon parcours avec Libourne depuis 2 ans a suscité de l’intérêt, c’est vrai. On a quand même près de 60 % de victoires en deux ans ! J’ai eu des contacts avec des clubs, maintenant, je me demande juste si je suis capable de quitter la région pour ne faire que ça, s’il y a un projet qui me permettra de franchir ce cap-là, ou alors, est-ce que j’aide le club à repartir ? Après, tout dépend du contexte, du niveau… Quant tu as goûté au National 2, repartir au niveau régional, sans budget, c’est compliqué. Et puis j’ai une petite fille de 4 ans… S’il y a un projet qui m’emballe, peut-être que je l’accepterai. Pour l’instant, j’en ai eu un ou deux, mais je les ai refusés. Il y avait une question de temps aussi, il fallait donner une réponse rapidement. Moi, j’attends de voir avec le club, avec la mairie, je suis dans le doute, je veux prendre la bonne décision. Après, est-ce que je me lance dans ce métier-là, ce qui implique du coup de bouger souvent ? Est-ce que je suis prêt à ça ? Comme je le disais tout à l’heure, je ne suis pas programmé au départ pour être entraîneur. Le club est placé en liquidation judiciaire, donc il y a aussi l’aspect financier, avec pas mal d’argent dehors, qu’il faut récupérer. Pour l’instant, je ne veux pas me précipiter.
Et puis, quand tu ne dépends que d’une seule personne, c’est dur, surtout quand cette personne ne va pas bien (financièrement). Si tu n’es pas costaud, c’est compliqué. On avait 18 joueurs sous contrat fédéral, c’est beaucoup, il fallait quand même les assumer. Hormis deux ou trois jeunes et deux ou trois autres joueurs qui voulaient continuer à bosser à côté, tout le monde ne faisait que du foot.

Es-tu toujours en contact avec Mondheur Mahdi ?
Non. On l’a vu mercredi soir lors de l’assemblée générale, sinon, depuis un mois, on n’a plus trop de contact. Même moi.

La tribune du stade Jean-Antoine-Moueix. Photo FC Libourne

Le club de Libourne n’intéresse personne ?
C’est compliqué pour les chefs d’entreprise parce que déjà, il faut combler un trou : jeudi, à l’AG, on a annoncé un déficit de 450 000 euros. Si quelqu’un met 450 000, cet argent-là, il est perdu. Et après ça, il faut encore bâtir un budget. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ça. Pourtant, Libourne est un club historique, c’est ça qui est navrant. On a souvent été le club phare derrière les Girondins de Bordeaux. Maintenant il y a Pau en Ligue 2, avant c’était nous. Je croyais à cette montée en National qui aurait pu permettre au club de prendre de l’ampleur. Le but était de redevenir ce club phare derrière les Girondins. Je croyais à ça. C’est catastrophique aussi pour nos jeunes. Il va falloir leur faire comprendre que cela va mettre du temps avant de redevenir un club de niveau national. Nos équipes de jeunes sont au niveau régional. On voulait redevenir un club formateur avec des 17 et 19 ans Nationaux, accentuer le travail de formation, afin d’avoir des joueurs dans nos équipes seniors. Tout est remis en cause.

Le public était lui aussi revenu un peu plus nombreux cette saison…
Oui, on tournait entre 500 et 1000 spectateurs, avec quelques belles affluences. On voyait qu’il y avait un certain engouement. Les gens s’identifiaient à l’équipe.

Après coup, tu penses que Paris 13, qui est montée en National, était la meilleure équipe ?
On avait une équipe complète. Paris 13 a des supers attaquants, nous, on avait de très bons jeunes comme Elydjah Mendy ou Abdulakeem Agoro, qui vont signer plus haut (Agoro a signé à Versailles en National). Je pense qu’on était armé pour aller en National. Mais par rapport à nos concurrents directs, on n’avait pas de paie, pas de prime, pas d’hôtel, nos déplacements étaient compliqués. En fait, on ne boxait pas dans la même catégorie.

Simon Adoue, du tac au tac

Photo FC Libourne

Meilleur souvenir de joueur ?
C’est à la fois mon meilleur et mon pire souvenir ! C’est le 1/4 de finale de la coupe de France contre Bastia (0-1 après prolongation), parce que je loupe une action, une face à face avec le gardien Boumnijel, à la 120e… Il la sort et derrière l’arbitre siffle… Si je marque, on va aux pénos… J’ai eu du mal à m’en remettre et je n’ai jamais voulu revoir les images. On avait dominé. Mais ça reste un grand souvenir, à Chaban-Delmas.

Un joueur marquant ?
Il y a en a plusieurs, Mathieu Chalmé, Mathieu Valbuena, Régis Castant, un surdoué, Kamel Chafni, un ami d’enfance, avec lequel j’ai évolué en jeunes.

Un coach ?
Jean-Marc Furlan. Pour son charisme, sa vision du foot, ses causeries. Il a toujours gardé le même projet de jeu par la suite.

Un joueur perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’aimerais bien reparler avec Mathieu (Valbuena), pourquoi pas, pour qu’il me parle de sa carrière. Quand on a joué ensemble en National, il arrivait de Langon-Castets en CFA2.

Un coach que tu n’as pas envie de revoir ?
J’ai revu Didier Tholot, qui est un ami de Franck Vallade, avec plaisir, alors que quand je l’ai eu comme coach, ça ne s’était pas très bien passé sportivement, mais il faut faire la part des choses, j’avais une bonne relation avec lui.

Un modèle d’entraîneur ?
Je ne suis pas du genre à avoir un entraîneur qui me fascine, et aller jusqu’à vouloir faire la même chose, parce que ça, c’est impossible. On voit plein d’entraîneurs qui veulent faire du Guardiola, mais il faut s’arrêter de s’inviter une vie, Guardiola, c’est un coach exceptionnel qui a des joueurs exceptionnels, tu ne peux pas faire du copier- coller, il faut s’adapter à ses joueurs.

Un dicton ?
Tu as tapé dans le mille, parce que je donne une citation à chaque match, j’essaie toujours, par rapport à un contexte, d’en trouver une qui convient !

Quel type de joueur étais-tu ?
J’étais ailier droit, assez rapide, avec une capacité à éliminer, à centrer, un peu à l’ancienne, genre Christophe Cocard (AJ Auxerre). Je ne marquais pas énormément, je n’étais pas buteur dans l’âme, mais plutôt un ailier virevoltant !

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Quel type de coach es-tu ?
Je ne suis pas un dictateur. J’aime juste que les joueurs abondent dans mon sens par rapport au projet de jeu mis en place et qu’ils s’y retrouvent ; j’aime m’adapter à mes joueurs. Je me nourris de ce que j’ai vécu, j’ai eu des coachs comme Jean-Marc Furlan, Didier Tholot, Thierry Oleksiak, je prends un peu de tout le monde. J’aime bien être costaud défensivement, que mon équipe soit solide. Cette année on changeait souvent de système en fonction de l’adversaire, c’était une force.

En deux ou trois mots, tu es un entraîneur plutôt…
Bienveillant, à l’écoute, organisé (rires), structuré. Je ne change pas d’avis du jour au lendemain. Je suis calme. Rassurant. Stable. Je vis le match comme si j’étais encore un peu joueur dans ma tête.

Le club de Libourne ?
Un club historique qui a connu le monde pro à plusieurs reprises, qui tient une place forte dans la région, mais ici, ça a toujours été un peu dur d’instaurer un esprit familial, parce que c’est un club d’élite au départ. En termes de football, il a toujours eu une bonne image.

As-tu un lien particulier avec les Girondins de Bordeaux ?
Oui, ça m’arrive d’aller voir des matchs à Bordeaux, mais quelque part, et c’est un regret, il n’y a pas cette passerelle entre Libourne et Les Girondins. Cela aurait pu aider cette saison par exemple. Or il n’y a jamais eu de lien assez fort, alors qu’il n’y a que 30 kilomètres d’écart. En Ligue 2, la passerelle, c’était avec l’OM… Cela vient des relations humaines. Un président de Libourne aurait dû dire, à un moment donné, il faut la faire. Mais là, même si je ne suis pas à l’intérieur, Bordeaux se coupe du foot régional, alors que, tôt ou tard, il aura besoin de la région pour former des joueurs, parce que j’en vois beaucoup qui partent à Nantes ou Toulouse. C’est dommage. Il y a un manque. Le président de Bordeaux, à l’heure actuelle, n’est pas de la région, c’est une histoire de relations. A l’époque de (Jean-Louis) Triaud, cela aurait pu se faire.

Le milieu du foot ?
Il m’a tout donné. On ne peut pas cracher dans la soupe. Il faut juste faire attention à son entourage, parce que, parfois, tu rentres dans un monde de requins, comme cette saison, durant laquelle on a vécu des choses qui ne ressemblent pas à l’éducation que j’ai eue, au football que j’aime. Mais ce sport reste incroyable.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Entretien à coeur ouvert avec l’ex-coach d’Evian-Thonon-Gaillard, Toulouse, Caen, Saint-Etienne et Dijon. Le Haut-Savoyard (61 ans), qui partage sa vie entre le Var et son pays natal, retrace son parcours et évoque sa santé, ses parents, ses expériences et clame son envie intacte d’entraîner.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et DFCO/Vincent Poyer

Photo 13heuresfoot

Pascal Dupraz nous a donné rendez-vous au Cadiero. Une brasserie dans la rue principale de La Cadière-d’Azur, près du Castellet, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Toulon. C’est là qu’il a ses habitudes. « Lolo, met nous un café s’il te plaît et un Perrier rondelle sans glaçon ». Visiblement, il est un habitué des lieux ! « On va se tutoyer, hein ?! » a-t-il déjà imposé, quelques jours plus tôt, au téléphone.

Quand il n’est pas en Haute-Savoie, dans son département natal, c’est là, dans le Var, qu’il passe son temps avec Mireille, sa deuxième épouse. Dans ce Havre de paix aux allures de village provençal, Dupraz est chez lui. Il connaît tout le monde. Et tout le monde le connaît, prend de ses nouvelles, s’enquiert de sa santé. « Alors ces hanches, pascal ? » demande un passant.

On aurait dû commencer par là. Par demander des nouvelles de son coeur. Ce que l’on fera un peu plus tard au fil d’un entretien passionné et passionnant, d’une richesse incroyable, de plus d’une heure. « J’ai le temps, je n’ai pas grand chose à faire, juste quelques courses après » réplique-t-il quand la conversation se poursuit pendant plus d’une heure ensuite, en « off » cette fois ! Pascal Dupraz aurait-il des choses à cacher ? Pas du tout ! C’est juste que toutes les questions avaient été posées et surtout préparées : on ne se présente pas devant un tel personnage comme on va acheter un croissant et un pain au chocolat, quand bien même ceux-ci viendraient de la boulangerie d’à côté ! « Ici, le pain au feu de bois, à l’ancienne, est magnifique ! À La Cadière, les gens sont tellement accueillants… Mon coeur balance entre ma Haute-Savoie natale et le Var, avec des atavismes différents. Il y a aussi le terroir : les vignes de Bandol sont sur La Cadière. Et puis je peux venir avec mes baskets pas lacées, on ne va pas me blâmer pour ça ! »

« Mes parents, je leur dois tout »

Photo DFCO/Vincent Poyer

On n’interroge pas l’ancien coach de Dijon comme on interroge le coach d’Annemasse, sa ville natale, ou de Rumilly ! Ah bon, vous ne vous souveniez pas que Pascal Dupraz avait entraîné Dijon en fin de saison 2022-23, en Ligue 2 ? C’est bizarre, nous non plus… Et pourtant, en Côte d’Or, rappelé au chevet d’une équipe lanterne rouge de son championnat à 9 journées de la fin et surtout à 7 points du maintien, il a failli réussir son pari insensé, alignant 4 victoires et 4 nuls lors de ses 8 premiers matchs, avant d’échouer sur le terrain du Havre à la dernière journée, face à un adversaire qui jouait la montée en Ligue 1 !

Si Dijon ne vient pas immédiatement à l’esprit quand on déroule son CV, c’est évidemment parce que cet ancien attaquant (Sochaux, Thonon, Brest, Mulhouse, Toulon, Gueugnon en D1 et en D2) s’est fait connaître quand le FC Gaillard, devenu ensuite Croix-de-Savoie puis Evian-Thonon-Gaillard, est passé du niveau régional à la Ligue 1 sous sa coupe ! L’instigateur du projet, de ce club clanique, régionaliste, identitaire, c’était lui.

Et puis, tout le monde garde en mémoire son exploit avec Toulouse et cette fameuse causerie d’avant-match, qui a tourné en boucle, quand il a sauvé le club de la relégation (en 2016). Il s’est aussi assis sur les bancs de Caen et de Saint-Etienne en Ligue 2. Avant de s’asseoir face à nous, sur cette « cadiero » donc (« cadiero » veut dire « chaise » en provençal). Et on l’a écouté dérouler le fil de sa vie et de sa carrière. On l’a vu parfois se livrer et souvent convoquer le souvenir de ses parents. « Je leur dois tout ».

Interview : « Je suis un chanceux »

Pascal, pourquoi vivre à La Cadière ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Ma deuxième épouse, « Mimi », est avignonnaise, mais elle a passé son enfance à Toulon et sa vie professionnelle est à Sanary. Donc on s’est dit qu’il fallait acheter quelque chose par-ici. Au départ, La Cadière-d’Azur était juste un pied à terre. Ici tout le monde me connaît. Il y 1 500 habitants en coeur de village, et 4 500 en tout, on ne dirait pas ! Cela fait presque 10 ans qu’on est là, dans une vieille bergerie, de l’autre côté de l’autoroute.

Tu retournes souvent en Haute-Savoie ?

Oui, à Saint-Cergues Les Voirons, avec le Mont-Blanc derrière toi, le lac Léman en perspective, là-bas, c’est mon pays, mon village, ma jeunesse, je me revois ramasser les framboises que mon grand-père cultivait. J’ai des frissons rien qu’en en parlant. Je suis un chanceux. Je remercie Dieu chaque matin pour ça, et aussi pour être en vie. Malgré le fait que je fais un boulot qui a des effets pernicieux, j’ai toujours gardé les pieds sur terre, j’ai fait si peu par rapport à d’autre.

« Ce que veulent entendre les gens, c’est la vérité »

Revenons en arrière : tu as bossé à l’ONU, à Genève, quand tu es arrivé au FC Gaillard : qu’est-ce que cela t’a apporté ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

J’ai bossé au haut-commissariat pour les réfugiés à Genève, à l’ONU. Quand j’ai commencé, en 1991, je changeais les néons qui clignotaient et les cuvettes des « chiottes » dans un bâtiment où il y a avait 1200 personnes. Je ne savais pas ce que c’était que l’ONU… Or c’est un univers incroyable, où des gens servent la cause des populations en difficulté; ça m’a touché. On m’a mis là parce que je ne savais rien faire, je ne savais pas bricoler. J’étais nul. Je n’arrivais même pas à replier mon escabeau. J’avais arrêté après le bac. La chance que j’ai eue, c’est que l’on pouvait se former, donc j’ai essayé de m’élever comme ça, parce que très vite, j’avais été pris par le foot. Je n’avais pas continué mes études parce que je commençais à toucher un peu d’argent, au grand dam de ma mère, qui ne comprenait pas que son fils de 18 ans arrête. Je n’avais qu’une seule ambition : faire plaisir à mes parents, notamment à ma maman, très érudite, qui voulait, je ne sais pas pourquoi, que je sois pilote de chasse. Mais j’ai fait footballeur, et ça l’a emmerdé ! Plus tard, elle a été contente, elle a été ma supportrice numéro 1. Quand je suis parti à 14 ans et demi au centre de formation du FC Sochaux, elle m’a dit « Je perds mon fils », et ça… C’est une blessure. Pour mon papa, c’était plus compréhensible, il avait été footballeur. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté ma carrière de footballeur à 30 ans, quand j’étais à Gueugnon : j’aurais pu prolonger, ou aller à Bastia, mais j’ai dit non. Il fallait que je rentre à la maison.

C’était l’appel de la famille ?

Mon père avait une entreprise qui marchait bien. Dans mon esprit, j’allais prendre sa succession. Il faut savoir que mes parents avaient 19 ans et 20 ans de différence avec moi : je les considérais aussi comme des frères et soeurs. Un jour, vers l’âge de 27 ans, à la fin d’une saison sportive, j’ai revu ma maman, elle en avait 47, et pour la première fois de ma vie, j’ai pris conscience qu’elle avait vieilli, et je me suis dit, « Il va falloir que je rentre ». Parfois, chez moi, la spontanéité prend le pas sur la réflexion.

Tu répètes souvent que tu n’as pas fait d’études, pourtant, tu es érudit…

Quand tu as une maman qui te dit, « va chercher le dictionnaire, regarde comment ça c’est écrit, regarde les différent sens des mots… lis aussi les pages… prend un bouquin, soit intéressé, éveille toi »… Aux Nations Unis, c’était important pour moi de savoir ce que je faisais. Au foot, c’est pareil : plus tu te rapproches de l’expertise, moins tu t’endors et plus tu es légitime. Je sais que beaucoup pensent que je n’ai pas d’expertise au foot, mais ce sont des gens jaloux qui disent ça : c’est juste que j’ai pris le partie de ne pas en parler, parce que je pense que le commun des mortels, ce qu’il a envie de savoir, c’est la vérité, pas une soupe qu’on lui sert pour édulcorer une mauvaise performance. Quand je dis « Mon équipe n’est pas descendue du bus », c’est de ma responsabilité, parce que c’était à moi de les faire descendre du bus. Mais si je commence à dire « Nous étions bien en place ou le 3-5-2 n’a pas bien fonctionné »… Ils s’en foutent les gens de ça, à part quelques journalistes-polémistes-éditorialistes. Ce que les gens veulent, c’est la vérité. Souvent, je suis reconnu pour être l’entraîneur du peuple, et ça, ça me plaît. Et si je suis érudit, c’est grâce à ma maman. Merci maman !

Photo DFCO/Vincent Poyer

Ce métier d’entraîneur, cette passion de manager, ça vient d’où ?
J’ai passé le BE1, sur les conseils de ma mère, et aussi un diplôme d’analyste-programmeur. Je n’avais pas envie d’être entraîneur. J’ai passé mon premier degré avant la fin de ma carrière de joueur. En fait, c’est mon père qui m’éveille. L’entraîneur du FC Gaillard de l’époque, Jacky Veggia, qui a été un des coéquipiers de mon papa au foot, veut que je joue dans son équipe. Mon père a percuté, parce que lui, il savait ce que c’était que l’ONU à Genève, où le chef de l’administration était aussi le vice-président du FC Gaillard. Voilà comme tout est parti ! Les dirigeant du club m’ont dit, « Tu joues pour nous et on te fait rentrer aux Nations Unis », alors que je ne savais pas ce que c’était. Je savais juste le salaire. Un magnifique salaire. Je suis rentré dans une organisation internationale le 1er septembre 1991, et là, ils m’ont dit, « Ton épouse rentrera dans un an », et ils ont respecté leur parole. J’ai joué tout d’abord, en PH, mais je m’emmerdais un peu, et puis quand « Jacky » a décidé d’arrêter, ils m’ont demandé d’entraîner. J’ai dit « OK » mais on ne va pas s’entraîner qu’une seule fois par semaine, on va essayer de faire un « vrai » club. Dès l’instant où j’ai pris l’entraînement du FCG, j’ai pondu un projet sportif, qui a été celui que j’ai véhiculé jusqu’à la fin de l’ETG (Evian-Thonon-Gaillard). J’ai fait 20 ans aux Nations Unis, dont 3 ans en disponibilité.

« Mes parents ont été mes premiers managers, mes inspirateurs »

On peut donc dire que c’est ton papa qui est au départ de tout…

Tu connais le décolletage ? C’est un secteur de l’industrie et dans 40 km2 autour de ma région, il y avait 80 % de la production mondiale de la micro-mécanique dans ce domaine. C’est un atavisme chez nous. Mon père vendait des métaux pour les décolleteurs. Il avait cette boîte florissante et un jour, il m’a dit « Si tu viens avec moi, il va falloir que tu bosses, il n’y aura pas de foot, pas de week-end, rien. Par contre, il m’a dit, « à l’ONU, c’est très bien… Tu pourras élever tes enfants, tu auras tes week-ends, tu pourras faire du sport, c’est toi qui voit ». Mes parents… Parfois je donne des conférences sur le management, et j’explique que si j’aime manager, c’est parce que mes parents ont été mes premiers managers, ils m’ont donné ce goût, à ma soeur et à moi. Ils m’ont fait comprendre qu’en travaillant, on pouvait accéder à des rêves plus grands que soi, parce que l’ETG, c’est plus grand que moi, même si j’ai dit à l’époque que je voulais être l’instigateur d’un nouveau club professionnel en Haute-Savoie, puisque Thonon et Annecy l’avaient déjà été dans les années 80. Mais jamais un seul instant je n’imaginais que l’on pourrait aller jusqu’en Ligue 1 avec l’ETG. Je pensais juste que l’on pourrait faire National puis Ligue 2, ce qui était déjà énorme. On ne construit jamais rien sans les autres. Moi je suis l’initiateur, je le revendique, et ça, personne ne peut me l’enlever. Personne n’y avait pensé avant moi. Beaucoup ont emboîté le pas. Moi, je me dis : « On a un million de Savoyards sur les deux départements (Savoie et Haute-Savoie), on a une grosse densité de population, sans compte la Suisse voisine, on peut susciter des vocations, ce n’est antagoniste avec le ski ».

Tes parents, tu penses à eux chaque jour ?

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Je crois beaucoup aux signes. Je pense que je communique souvent avec mes parents, qui me guident encore, même si j’essaie d’être la meilleure copie possible d’eux, mais je ne serai qu’une version. Ils étaient trop formidables. Je ne leur arrive pas à la cheville mais ils peuvent compter sur moi pour véhiculer les valeurs qu’ils m’ont inculquées. Je pense à eux tous les jours. Je n’ai pas besoin d’aller au cimetière. Quand j’ai perdu ma mère, elle avait 59 ans et j’ai dit à mon père la chose suivante : « Je pense que quand tu vas mourir je ne vais pas souffrir autant… C’est dur de dire ça à son père, et je ne sais pas pourquoi je lui ai dit ça… Je l’ai regretté. Quand mon père est décédé, j’ai eu la même souffrance, pire même… Parce que je me suis senti orphelin. Mais mon père ne m’en a pas voulu d’avoir dit ça. Il n’avait pas la capacité d’en vouloir à ses enfants. Mes parents étaient formidables. Ma mère, waouh… On n’avait pas de rond, hein, je les ai vus commencer le travail, ils n’avaient pas une thune. Je suis dans l’appartement que mes parents louent. Ma mère dit à mon père « Comment on va faire pour payer le loyer ce mois-ci », elle ne sait pas que je l’entends… On est en 1969 ou 1970… Et ils se sont défoncés. Les réunions de famille avec eux, pour prendre les grandes décisions, on était quatre, avec ma soeur, qui a 11 mois de plus que moi. Ce modèle, je l’ai reproduit ensuite avec mes enfants, mes deux épouses, mon père quand il était encore en vie. Comme lorsque que j’étais bien dans ce rôle de directeur sportif à l’ETG, et que l’on s’est demandé s’il fallait que j’entraîne… Le PDG du groupe Danone, Franck Riboud, m’appelle, (Pablo) Correa vient de perdre plusieurs matchs d’affilée, et il me demande de reprendre l’équipe. Derrière, c’est réunion de famille. J’ai vu mon père, quand il avait 52 ou 53 ans, redresser des boîtes en difficulté, parce que c’était sa mission : tu vois, c’est drôle la corrélation. Réunion de famille une fois avec lui, un soir : il nous demande, à ma soeur et à moi, d’être là. Il dit : « J’en ai marre d’avoir un seul patron au-dessus de moi, je veux monter ma boîte, c’est 10 millions de francs ». Ma mère se demande où on va les trouver. Il dit qu’il a trouvé l’argent, qu’on va les emprunter. Ma mère lui dit « fonce », « Suis tes inspirations » ! Et il dit « banco », « on y va ». Voilà. J’essaie de faire pareil avec mes gamins, mais c’est difficile, parce que les générations ont changé. Mes inspirateurs, ce sont mes parents. Donc je pense chaque jour à eux.

« Je me sens plus en danger quand je n’entraîne pas »

Parlons de ta santé. Ces hanches, comment ça va ?

Les hanches, c’est l’usure, la vieillesse.

Et le coeur ?

J’ai eu un premier infarctus à 38 ans. J’ai moins 35 % de la fonction cardiaque depuis ce jour. Quand tu as ça, tu en veux à la terre entière… J’essaie de ne pas y penser, mais ma pathologie me rappelle à l’ordre. Je suis suivi. Tous les trois mois, je vois mon cardio à Toulon, je vois aussi mon rythmologue, parce que je vis avec un défibrillateur.

Est-ce un frein aujourd’hui dans l’éventualité que tu retrouves un banc ?

Non. C’est bizarre, je me sens plus en danger quand je ne fais rien, parce que, dans ces moments-là, je suis plus à l’écoute de mon coeur. Quand j’entraîne, je fais moins attention, je m’entretiens juste, et comme je suis heureux dans mon métier et que j’aime ce que je fais, je me pose moins de questions.

Être sur un banc, ce n’est donc pas dangereux pour toi ?
Non, je n’ai pas de stress, je n’ai pas la pression, c’est un exutoire. Je stresse quand je ne trouve pas de club. Je suis épanoui quand je suis sur un banc. J’ai la pression quand j’ai des soucis de santé, quand mon pronostic vital est engagé. Ma chance, c’est que je suis traité. J’ai intégré que la mort était partie intégrante de la vie. Je préfère mourir sur un rectangle vert qu’à l’EHPAD. Mais ça va… Cette année, c’est la première fois depuis 32 ou 33 ans, hormis la période entre Toulouse et Caen, que je n’entraîne pas. C’est de ma faute. On m’a catalogué comme pompier de service. Alors que ce que j’ai fait avec l’ETG, encore une fois, c’est significatif, mais c’est comme ça. Et ça ne me rend pas malade ne pas entraîner.

Entraîner en National ou N2 ? Oui, mais pas n’importe où

Photo DFCO/Vincent Poyer

Es-tu allé voir des matchs à Toulon ou Hyères cette saison ?
Oui. Je suis notamment allé voir deux matchs cette saison à Bon Rencontre, en N2 : ça m’a fait quelque chose, parce qu’à mon époque, on jouait à Mayol, que l’on partageait avec le rugby, et on s’entraînait à Bon Rencontre. Ce n’est pas normal que ce club-là, pour la 14e ou 15e ville de France (la 12e), ne soit pas chez les pros. Parfois, j’aimerais m’investir, mais je ne peux pas m’inviter à une table. J’ai quand même un savoir-faire, je pourrais aider, mais bon, c’est comme ça…

Est-ce que tu pourrais entraîner en National ou N2 ?
Ouep… Mais ça dépend où. Ici oui. Mais avec le pouvoir sportif. Je n’irais pas… Tu vois… J’ai rencontré le président de Toulon, je le respecte parce qu’il met son argent, mais voilà…

As-tu un regard aujourd’hui sur Thonon Evian Grand Genève, le club qui tente de faire renaître l’ETG de ses cendres ?

Oui, mais dans leur appellation, ils ont enlevé le nom du club fondateur, celui qui a généré les résultats, le FC Gaillard, mais bon, même si je suis quelqu’un de régionaliste, même si l’histoire a voulu qu’à un moment donné, le canton de Genève fasse partie de la Savoie, et bien Genève, ce n’est pas vraiment… Là, on est allé draguer sur le terrain du Servette. Attention, je ne leur veux pas de mal. Je n’ai pas d’amertume. Je suis capable de zapper. Ce ne sont pas les mêmes personnes. J’ai rencontré Bryan (Bergougnoux), leur entraîneur, lors d’un recyclage du BEPF. C’est un garçon très sympa. J’ai vu qu’il n’était pas reconduit. Ils vont remonter.

« La montée de Saint-Etienne m’enlève un poids »

Saint-Etienne vient de remonter, deux ans après ton échec là-bas : tu le vois comme un signe ?

Non, parce que Saint-Etienne retrouve sa place. C’est un grand club. Je suis très heureux de ça, parce que ça m’enlève un poids. J’ai fait de mon mieux, j’ai marqué 20 points en 20 matchs, alors que mon prédécesseur (Claude Puel) n’en a marqué que 12 points en 18 matchs. Quand je dis ça, je me fais défoncer…

Tu as entraîné à Dijon il y a un peu plus d’un an, personne ne s’en souvient vraiment …
J’ai fait neuf matchs. J’arrive un mardi, le club est sur six défaites consécutives, le premier match, c’est le samedi. Et je fais huit matchs sans perdre. Et je meurs à rien… Mais bon…

On dirait que ta carrière s’est arrêtée…
(Il coupe) A Sainté… A la fin du match retour contre Auxerre, en barrage, je me fais gazer par un CRS, je pense qu’il l’a fait exprès. J’ai mis une heure à retrouver l’usage de la vue. Un traumatisme. Je pensais que nous allions y arriver. C’était sûr…

Meilleur souvenir d’entraîneur ?

C’est de savoir mes enfants, mon père et mon épouse dans les tribunes du Stade de France au milieu des 35 000 Savoyards qui sont montés pour la finale de coupe de France (en 2013, contre Bordeaux, défaite 3-2). C’est une fierté. Je le place avant le maintien du Téfécé.

Meilleur souvenir sportif de joueur ?

Même si je suis un peu blessé, c’est mes périodes à Toulon, pour l’ambiance qui régnait dans le vestiaire, pour la qualité de l’équipe. J’ai passé des bons moments aussi lors de mes 4 saisons à Brest. En fait, chaque instant passé où l’élément central est le ballon, c’est un bon souvenir pour moi, quoi qu’il arrive.

Es-tu toujours en contact avec des anciens Toulonnais ?
Oui, Luigi (Alfano), qui est un type merveilleux, Jean-Louis (Bérenguier), je le vois de temps à autre, et j’ai un profond respect pour Bernard Pardo : lui, c’est l’instigateur de ma venue à Toulon. On s’était côtoyé à Brest. Je l’ai de temps en temps au téléphone, mais pas assez souvent. Il m’arrive de m’arrêter à Gardanne, où il réside, quand je remonte en Haute-Savoie. Toulon, c’est un esprit.

« Etre complètement abruti, ça m’est arrivé »

Tu as pris plus de cartons rouges comme joueur ou entraîneur ?

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Entraîneur ! Mais attention, j’avais des antécédents ! J’ai fait fort ! J’avais 37 ou 38 ans, je jouais en réserve avec le FC Gaillard, et j’ai traité l’arbitre de « Guy Georges », de « Fourniret », et j’ai répété ça à la commission de discipline. J’avais dû prendre six mois, donc être complètement abruti, ça m’est arrivé. Et ça m’a servi. Je suis moins épidermique. Je suis comme tout un chacun, je ne supporte pas l’injustice. Mais mes comportements étaient injustes.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le banc ?
Avec le FC Gaillard, on est resté invaincu pendant près de 5 ans à domicile. La division dont on a mis le plus de temps à s’extirper, c’était la Division d’Honneur, après, on a grimpé assez vite, avec de longues séries d’invincibilité à domicile. La période à Toulouse aussi.

La saison où tu en as pris le moins ?

(catégorique) La dernière saison à l’ETG. Vraiment. On n’avait pas d’argent. Je suis un des seuls à assumer sa responsabilité dans l’affaissement du club. Ce sont ceux qui ont fait qui ont défait. J’ai commis une erreur avec le président délégué (Patrick Trotignon), un usurpateur. J’ai eu du mal à me défaire de l’aspect sentimental.

« Le danger du foot, c’est l’individualisme »

Un match parfait ?
Oui, le 3 à 0 à Sochaux, avec l’ETG, à la dernière journée, parce que tout ce que j’avais initié durant la semaine qui précédait le match s’est produit.

Inversement, le pire match ?

L’année de la descente, avec l’ETG, on joue contre Reims à domicile, on perd, et ça sent la fin… Le deuxième, c’est le barrage retour contre Auxerre, pour le maintien en Ligue 1, avec Saint-Etienne. On doit gagner par trois buts d’écart à Auxerre à l’aller… Par excès d’individualisme, on ne marque qu’un seul but (1-1). Et au retour à domicile idem, on avait des joueurs qui ne jouaient que pour leur gueule, ce sont les dangers du foot moderne. Quand tu ne perçois ton sport, un sport collectif, qu’au travers de ta performance individuelle, c’est un danger. C’est ça le danger du foot, un sport éminemment individuel dans un sport collectif, où la « stat » personnelle est plus importante que le résultat; le problème, c’est que ça se répercute chez les amateurs. Ce n’est pas le meilleur signal que le football donne.

Le stade qui t’a fait vibrer ?
Le Parc des Princes. Il est conçu pour le foot, je parle de l’écrin, de l’esthétique, après, quand tu vas jouer à Marseille, c’est impressionnant. J’ai aussi aimé, même s’il était inesthétique, le parc des sports d’Annecy plein. Si nos politiques nous avaient aidé à construire un stade dans le centre du département, je pense que l’ETG serait encore professionnel.

Le meilleur joueur entraîné ?
Ben Yedder et Poulsen. Y’a match.

« J’ai menti dans ma vie… »

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Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Je dois avoir Giroud, parce qu’à un moment donné, quand il jouait à Grenoble, il m’intéressait, mais il a dû changer depuis ! Je ne sais pas, j’ai Kallenberg, Poulsen, Braithwaite, Leroy… Leroy, quel joueur ! J’ai Caçapa… Quand Claudio Caçapa vient chez nous à la trêve, à l’ETG, mes dirigeants me disent : « mais tu es fou », et il arrive, il stabilise la défense, et on monte en Ligue 1. J’ai pas mal de numéros mais j’ai surtout les numéros de mes trois amis. Ils ne sont pas dans le foot.

Des amis dans le foot ?
Thierry Taberner, qui a joué à Martigues et Auxerre, dont le papa a été champion de France avec Monaco, il a terminé sa carrière dans mon club, à Gaillard, et Pierre Espanol aussi, qui a été entraîneur aux Girondins de Bordeaux.

Le coach le plus connu de ton répertoire ?

Je dois avoir Mourinho… Il a dû changer depuis l’époque où il avait dit un truc sympa sur moi !

Un président marquant ?
Sadran (Toulouse).

Un président qui ne t’a pas marqué ?

(Il réfléchit) Pickeu, à Caen, un président par défaut (rires).

Un coéquipier perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?

Il a été mon entraîneur à Toulon, il était adjoint, et il fut un joueur prestigieux, c’est Delio Onnis. J’ai eu l’immense plaisir de lui parler il y a quelques mois au téléphone, alors qu’il était en Argentine. On a un groupe WhatsApp avec les anciens Toulonnais et à un moment, dans la conversation, Delio dit « Ce numéro, là, c’est Pascal Dupraz ? », puis il écrit « Pascal, est-ce que tu peux m’appeler  » ? Qu’est-ce que j’étais content ! Je ne l’ai pas revu depuis Toulon. J’aimerais revoir aussi « Chaussette » (Jean-Pierre Chaussin), ça va se faire bientôt.

Une devise ?

Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. Et aussi, une autre phrase, que je tiens de ma mère, qui disait : « Pascal, moins tu mentiras dans ta vie, plus tu te souviendras de ce que tu as dit », or j’ai menti dans ma vie. Je m’en suis rendu compte, car je ne me suis plus souvenu des justificatifs que j’avais donnés !

Tu était un joueur plutôt…

Talentueux.

Tu es un coach plutôt…

Consensuel.

Le métier d’entraîneur c’est …

Exceptionnel.

Le milieu du foot, c’est…

Exceptionnel.

Une idole de jeunesse ?

Johan Cruyff et Jean-Claude Killy.

Un homme politique ?

Mon père, mais il n’a pas fait carrière (rires).

Tes passions en dehors du foot ?

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Les trotters. Je suis ami avec la famille d’Eric Raffin qui est l’un des meilleurs drivers français. Je suis allé en Vendée chez eux l’été dernier et j’ai eu l’immense plaisir de monter sur les sulkys et de sortir les chevaux. Je suis passionné par le PMU à partir du moment où ce sont des trotteurs, je fais mon petit quinté.

Des manies au foot ?

J’ai toujours une pince à billet et un jeton dans ma poche, c’est un de mes amis qui bossent chez Vuitton qui me l’a offert, je le garde comme porte-bonheur, et je ne passe jamais sous un échafaudage.

Une appli mobile ?

WhatsApp, sans doute, mais des fois y’a des conversations privées, ça me gonfle…

Dernier livre lu ?

C’est sur la fin de vie, un livre de Thomas Misrachi, Le dernier soir. Lis-le, ça t’interroge, ça fout les poils.

Un film ?

Sur la route de Madison.

Un CD ?

Je suis un fan de Johnny, ou alors un CD d’Eddy Mitchell !

Evian, Thonon ou Gaillard ?

Gaillard !

« Il me manque tout, je n’ai aucun titre ! »

Ce qui manque à ton palmarès ?

(Rires) Il me manque tout, je n’ai aucun titre, sauf des titres de champion de France de CFA2, CFA, National ou Ligue 2, même si c’était « Caso » le coach en Ligue 2, moi, j’étais directeur sportif, mais ça compte !

As-tu peur d’être oublié par le milieu du foot ?

Non.

Des coachs dont tu te sens proche ?

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Alex Ferguson. C’est le number one, un mythe pour moi. Je ne l’ai pas rencontré. C’est un regret. Je n’ai pas osé. Ce que j’aimais sous son ère, c’est que d’abord, il a été controversé avant d’être adulé, et il avait cet art de faire jouer des jeunes joueurs formés au club avec quelques stars. Quand je regardais MU, j’avais l’impression que quand il défendait, le terrain rétrécissait, et que quand ils attaquaient, le terrain s’agrandissait tellement ils créaient l’espace. C’est ça, le vrai foot, pour moi. J’aime bien quand ça va vite, quand il y a des occasions, des émotions. Je m’en fiche, moi, que mes défenseurs centraux soient les recordmen des passes. Par contre, le numéro 10 qui prend des risques à 30 mètres des cages, ça m’intéresse.

Le foot, un exutoire ?

Non, non, je suis bien dans mes pompes. Le foot, c’est une passion. Mon père, c’était mon idole. Il a joué en Ligue des champions avec le Servette de Genève contre le Dukla de Prague (en 1961/62). C’était un beau joueur, avec une double détente. Je l’ai vu jouer et j’ai même fait des tournois de sixte avec lui (rires). (Il nous montre l’écran de son téléphone, avec ses parents en photo) Voilà, ce sont mes parents. J’ai dit à mes enfants, « Ne m’en voulez pas, c’est parce qu’ils sont décédés », je suis en paix avec moi-même. Je sais qu’on peut mettre deux photos, mais je ne sais pas le faire.

Pourquoi dit-on gaz (gaze), Bontaz (Bontaze) et pas Dupraze (on ne prononce pas le Z de « Dupra ») ?

Parce que ça dépend de la vallée ! Si tu dis « Avoriaze » (au lieu d’ « Avoria »), on voit que tu n’es pas de chez nous, idem pour « Chamonixe » (« Chamoni »).

On t’a déjà appellé monsieur « Dupraze » ?

Ouep, mais ça m’énerve. Je dis aux gens, « On ne prononce pas le Z ». Si t’es de chez moi, tu dis « Dupra », qui vient des prés.

« Je suis un citoyen du monde »

Tu te sens Savoyard ou Savoisien ?

Savoisien et Savoyard. Haut-Savoyard, ça ce sont les Français qui ont appelé ça comme ça, mais je suis un citoyen du monde, j’aime tout le monde, je revendique juste le fait d’être Savoisien. Si un jour mon pays retrouve son indépendance, j’en serai le premier ravi, et nos amis français seront les bienvenus. Napoléon, c’est votre idole, mais pour nous, c’est un fossoyeur, il a tué nos forces vives, on a été le dernier pays colonisé. Mais je n’en veux pas à l’État Français. Je ne suis pas sectaire. Tu viens de Nice ? Vous étiez avec nous, n’oublie pas.

En préparant cet entretien, on a pensé à de nombreux adjectifs qualificatifs pour te décrire : les voici et dis-nous quand tu n’es pas d’accord :

Vas-y, c’est marrant !

Glacial, chaleureux, charismatique…

(Il coupe), Glacial, ce n’est pas ça !

Déconcertant…

Oui !

Cassant …

Oh oui !

Attachant…

Je dirais « attachiant » (rires)

Erudit, émouvant, sensible, gueulard…

Gueulard parfois !

Fédérateur, orateur, séducteur…

Séducteur ? Alors ça voudrait dire que je triche.

Oui mais tu as dit que tu avais déjà menti…

Donc c’est que je dois l’être alors !

Bâtisseur, paranoïaque…

Alors paranoïaque… Plus j’avance, plus ça me quitte : de côtoyer des journalistes lorsque je n’avais pas de boulot, d’aller sur des plateaux télés, ça m’a fait prendre conscience que c’était un vrai métier, que quand le mec dit de ton match que c’était pourri, c’est qu’il l’a étudié. Il ne dit pas ça parce qu’il a une dent contre toi. Donc je suis moins parano que je ne l’ai été, oui.

Authentique, clivant, fascinant, impressionnant…

Impressionnant, fascinant, je ne crois pas…

Maintenant que tu es en face de moi, c’est vrai, beaucoup moins (rires). on continue : tempétueux…

Tempétueux, non.

« Plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses »

Drôle, ironique, comédien…

Tu sais que je viens de tourner une télé-réalité, j’ai coaché une équipe de foot de la région parisienne, dans un championnat du dimanche, et qui n’avait pas gagné un match de l’année, et je les ai maintenus, en vrai ! Un truc de fou ! Et ça sort en septembre. Le producteur m’a dit, « ça va être un bijou » ! Ce qui me plaît dans la vie, c’est que plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses. Jamais je n’aurais imaginé travailler aux Nations Unis, puis jamais je n’aurais imaginé entraîner en pro, puis jamais je n’aurais imaginé aller sur des plateaux télés ou des émissions radio, écrire un bouquin, jamais je n’aurais imaginé tourner dans une télé-réalité… Aujourd’hui, je donne des conférences axées sur le très haut management, le management de crise, j’en fais une dizaine par an. A la fin, les gens se lèvent. Après Toulouse, j’aurais pu en faire deux par jour !

On continue : charmeur, pudique, intimidant, émouvant, nerveux…

Nerveux non, tu peux demander à ma femme.

Démagogue…

Dans les conférences de presse, c’est parce que je joue. c’est du jeu.

Respectueux…

Ah oui, je suis respectueux de ma hiérarchie.

Ta personnalité selon toi ?

Je suis généreux. Bienveillant.

Défauts ?

Rancunier. Mais ce n’est pas une rancune tenace. Avec l’ETG, ma rancune est partie, parce que je ne pense jamais à ces gens-là.

Pascal, y-a-til une question que j’aurais pu te poser et que je ne t’ai pas posée ?

Non, comme ça, je n’en vois pas…

Pascal, quelle question voudrais-tu me poser ?

Est-ce que tu penses sincèrement que tu es plus passionné que moi du football ?

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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