L’entraîneur du club Girondin, rétrogradé début juin en N3, puis exclu des compétitions nationales, revient sur une saison brillante sportivement, qui a masqué de grosses difficultés économiques. Résultat : après avoir rêvé au National, c’est la liquidation judiciaire et la R2 qui menace les Pingouins.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et FC Libourne

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

Avec Simon Adoue, les premiers échanges sur WhatsApp remontent à mi-avril. C’est grâce à Khemissi Khelil, entraîneur adjoint de Julien Faubert à Fréjus/St-Raphaël, en N2, jusqu’au printemps, que le contact est établi (félicitations à « Khem » pour l’obtention de son DES !). A l’époque, le FC Libourne vient de battre Romorantin 2 à 0 et s’apprête à défendre son fauteuil de leader, qu’il partage avec La Roche-sur-Yon, au Paris 13 Atlético. Le rendez-vous est déjà pris pour un entretien, sans savoir que la fin de saison sera minée par les problèmes économiques. Sans savoir que le FC Libourne ne marquera plus qu’un tout petit point lors des quatre dernières journées, pendant que Paris 13, finalement promu en National, en marquera 10 dans le même temps, et que La Roche en marquera 9.

Alors, évidemment, lorsque l’entraîneur, à la tête des Pingouins depuis novembre 2022, nous donne rendez-vous au café, à quelques centaines de mètres du stade Jean-Antoine-Moueix, les débats tournent autour de lui, de son parcours, bien sûr, mais surtout de la situation du club et des derniers mois compliqués que ses joueurs, son staff et lui ont vécus.

« A Libourne, presque tous les dix ans, il se passe quelque chose ». C’est l’air un peu dépité que le jeune coach (43 ans) qui a permis aux Pingouins d’accéder de National 3 en National 2 à l’issue de la saison 2022/2023 puis de jouer les premiers rôles cette saison (3e après avoir été leaders), résume la vie de « son » club. Ce n’est pas exagéré de dire « son » club comme ce n’est pas faire injure à certains noms du football girondins que de l’appeler « Monsieur Libourne », tant il a connu et vécu de choses ici, au stade Jean-Antoine-Moueix, posé à quelques centaines de mètres du centre-ville.

Près de 30 ans de présence au club

L’histoire entre le FC Libourne et Simon Adoue dure depuis une trentaine d’années. Elle commence lorsque le milieu offensif longiligne quitte le club de son village, Puisseguin, pour rejoindre, à l’âge de 14 ans, le grand club voisin. Elle n’est interrompue que pendant trois saisons, lorsque Libourne / Saint-Seurin (Libourne et Saint-Seurin ont fusionné en 1998 avant de se séparer en 2009) accède en Ligue 2 en 2006 avant de retomber – administrativement – de National en CFA en 2009. Une période durant laquelle Simon, vexé et touché de ne pas faire partie de cette aventure professionnelle, se coupe volontairement du club.

Photo FC Libourne

Désabusé également, Simon Adoue, revenu « chez lui » il y a 15 ans, et qui vient de passer son DES, histoire de se mettre en conformité et de pouvoir entraîner « légalement » jusqu’en N2, vit, à l’instar de tout un club, une situation très compliquée.
Mercredi dernier, lors de l’assemblée générale du club, les paroles se sont déliées. Et les chiffres sont tombés. Implacables. L’on parle d’un déficit de 450 000 euros. D’une probable mise en liquidation judiciaire et de la démission, dans la foulée, du président / homme d’affaires Mondheur Mahdi, arrivé à la tête du club en juillet 2022. L’entrepreneur, qui avait réussi dans la secteur de la boucherie, devait déclarer le club en cessation de paiement auprès du tribunal de grande instance de Libourne (les salaires ne sont plus versés depuis mars). Une situation intenable qui devrait conduire à une chute en Régional 2, au niveau de la réserve, pour les seniors A, alors que la DNCG a déjà tranché dans le vif début juin en rétrogradant administrativement le club en National 3. Bref, un grand nom du football girondin, et un club « historique », comme aime à le rappeler celui que l’on surnomme « Sym » (« Seim ») ou « Sim », va disparaître de la scène nationale…

Le club fondé en 1935 par Georges Kany, exclu ce mardi 25 juin par la DNCG des compétitions nationales, va donc laisser sa place à une nouvelle entité. C’est la fin d’une histoire de près de 90 ans. Triste.

Interview : « Je suis là pour servir le club »

Photo FC Libourne

Simon, peux-tu retracer ton parcours en ballon ?
Je suis arrivé au club, le FC Libourne, en jeunes, à l’âge de 14 ans, pour jouer en U15 Nationaux; auparavant, j’avais joué dans les clubs de campagne, à Saint-Denis-de-Pile et à Puisseguin, dans mon village. Ici, derrière les Girondins de Bordeaux, qui est le club phare de la région, il y avait Libourne, où j’avais passé des tests qui s’étaient avérés concluants : c’est comme ça que j’ai pu intégrer les U15 Nationaux puis les U17 Nationaux. J’étais milieu offensif. Au début, cela a été un peu compliqué car j’ai eu un retard de croissance. Le club m’avait pris pour ma technique, mais pas pour mon physique ! J’ai galéré pendant 2 ou 3 ans et une fois que j’ai grandi, j’ai très vite joué en seniors, en équipe réserve tout d’abord, en DH, à l’âge de 17/18 ans, et dès ma deuxième année de seniors, Jean Marc Furlan, qui venait de faire monter l’équipe Une de CFA2 en CFA (saison 1998-1999), me prend dans le groupe. Je fais la « prépa », je fais des apparitions la première saison et je joue plus régulièrement dès la seconde année de CFA. Ensuite, il y a les épopées en coupe de France, auxquelles je participe, comme ce 1/4 de finale contre Bastia au stade Chaban-Delmas, à Bordeaux (en 2002), ou encore ce 8e de finale contre Rennes en 2003 (après avoir éliminé le champion de France en titre, Lyon, 1 à 0, en 32e de finale !), avant l’apothéose, l’accession en National, en 2003. Paradoxalement, après avoir fait une vingtaine de matchs en CFA l’année de la montée, je joue encore plus souvent la saison suivante en National, malheureusement, en fin d’exercice, Jean-Marc Furlan s’en va à Troyes et quand on change d’entraîneur, avec André Menaut tout d’abord, avec Didier Tholot ensuite, je joue moins. Le club accède en Ligue 2 en 2006 mais je ne suis pas conservé, je ne décroche pas de contrat professionnel.

Un coup dur, pour toi ?
Oui. Et comme je ne suis pas un grand voyageur, que je suis attaché à ma ville et à ma région, j’essaie de trouver un club pas trop loin. J’avais failli signer à Bayonne, qui descendait de National en CFA avec Alain Pochat (avant de remonter deux ans plus tard) mais finalement je suis allé au FC Bassin d’Arcachon pendant 2 ans, en CFA2, puis à Angoulême pendant un an, en CFA2 toujours. Ce fut aussi un moyen d’aller voir un peu ce qui se passait ailleurs.

Tu n’as donc pas connu les périodes « Ligue 2 » de Libourne / Saint-Seurin…
Non. Quand je suis revenu à Libourne en 2009, trois ans plus tard, le club venait de descendre deux fois, de Ligue 2 à CFA. J’ai donc raté les deux saisons en Ligue 2 et la saison de National derrière.

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Tu allais voir des matchs de Ligue 2 tout de même au stade Moueix ?
Non, je n’allais pas au stade. J’étais vexé, déçu, frustré. J’avais effectué ma formation au club, j’avais participé à cette accession, donc c’est vrai que j’avais un peu « les boules ». Je me suis un peu coupé du club, volontairement, même si j’avais gardé mes amis. Je suivais juste les résultats. Je ne dis pas que j’avais le niveau de la Ligue 2 mais avec mon passé, et par rapport à mon histoire avec le club, j’aurais pu avoir plus de reconnaissance. C’était juste un choix sportif. C’est le haut niveau, c’est comme ça. J’aurais pu rester et jouer en réserve, en CFA2, mais j’ai préféré jouer dans une équipe première, en CFA2.

Comment ça s’est passé à ton retour en 2009 ?
Quand je reviens, j’ai 28 ans, le club est tombé en CFA, et j’enchaîne les matchs, et à la fin de mon contrat fédéral, le club me propose un CDI en tant qu’éducateur. C’est là que je commence à passer mes diplômes. J’ai joué jusqu’à l’âge de 37 ans en DH puis en National 3 (2017-2018). Quand j’ai décidé d’arrêter à ce moment-là, je me suis consacré au coaching. Je me suis occupé de l’administratif, de la gestion des éducateurs, de l’entraînement des U14, puis des U15. Ensuite j’ai intégré le staff de l’équipe fanion de Franck Vallade pendant 3 saisons comme adjoint, jusqu’à l’arrivée du nouveau président (Mondheur Mahdi) en 2022.

C’est là que tout s’accélère…
En fait, au bout de six matchs de la saison 2022-2023 (2 victoires, 3 nuls et 1 défaite), en National 3, le président écarte Franck (Vallade) et me met à sa place, sauf que je n’ai pas le diplôme. Du coup, le président trouve un arrangement avec Franck qui reste au club et fait prête-nom. Et nous, en National 3, on fait un parcours incroyable (18 matchs sans défaite, 15 victoires et 3 nuls), on fait une série de clean sheet (11 d’affilée !) et, malgré une fin de saison plus dure (deux défaites pour conclure), on monte en National 2 haut la main ! C’est ce qui me donne la possibilité de passer le DES (diplôme d’Etat supérieur, qu’il vient d’obtenir), je fais les sélections, je suis pris et j’obtiens une dérogation pour entraîneur en National 2 puisque je suis en formation.

Simon Adoue, jeudi dernier, à Libourne. Photo 13HF

D’où vient ce goût d’entraîner ?
En fait, je ne suis pas programmé pour ça au départ. Je suis là pour servir le club, afin qu’il bénéficie de mon expérience dans la formation et aussi de mon expérience de joueur. Mais c’est vrai que, quand j’étais éducateur chez les jeunes, ce qui me manquait, c’était l’adrénaline de la compétition de « haut niveau », que je retrouvais moins, même s’il y avait autre chose, comme le fait d’inculquer, de transmettre aux jeunes. Donc j’ai dit « Oui » direct quand on m’a proposé de revenir dans un staff seniors, parce que ça me manquait. Et quand Franck (Vallade) est sorti par le président, je propose même des noms de coachs, parce qu’au départ, je ne pense pas qu’il va me laisser aux commandes de l’équipe. Mais comme, très vite, on enchaîne les victoires… Moi, je pensais juste faire un intérim. Donc, maintenant que l’on gagnait, le président n’a pas pris le risque de prendre un autre coach et de casser la dynamique. Et on est allé au bout ! De mon côté, je me suis pris au jeu aussi, il faut le dire, j’ai une certaine relation avec mes joueurs, dont je suis proche : d’ailleurs, le développement humain est quelque chose d’important pour moi. Je mets vraiment en avant le côté « aventure humaine » et ça a pris rapidement. La dynamique était superbe. Sincèrement, entraîner en National 2 comme cette saison, je n’y pensais pas une seule seconde il y a encore 3 ans de ça ! Mais voilà, c’était peut-être mon destin.

Quelque part, tu es un peu « Monsieur FC Libourne », non ?
On peut dire ça comme ça, oui (rires !) Je suis né ici, à Libourne, j’ai tout vécu ici, même s’il y a aussi Ahmed Berkouch, un ami proche, toujours au club, et aussi quelques anciens joueurs pas loin, comme Régis Castant et « Jeff » Douence : tous deux n’ont plus de fonction au club et bossent aujourd’hui à la mairie.

Tu as gardé des contacts avec d’autres anciens ?
J’ai eu la chance de jouer avec quelques très bons joueurs comme Mathieu Chalmé : j’avais d’ailleurs pensé à lui pour remplacer Franck (Vallade), et avec certains, on se croise de temps en temps. Avec Jean-Marc Furlan, j’étais très lié; au début, j’avais des contacts réguliers avec lui et puis, avec le temps, de moins en moins, mais je sais que si je lui envoie un message demain on va se parler. Mais c’est normal, c’est la vie, chacun fait son chemin.

« Mon équipe était programmée pour monter »

Repro 13HF

Revenons à cette saison de National 2. Le FC Libourne a longtemps fait la course en tête et était encore leader à quatre journées de la fin avant d’exploser : penses-tu que les problèmes économiques sont une des explications à cette fin de saison ?
C’est vrai, on est dans le coup à 4 journées de la fin, et je suis persuadé, connaissant mon équipe, et aussi compte tenu de l’avis d’autres techniciens, certains même de la poule, que mon équipe était programmée pour monter. Je le dis sans prétention. Elle était conçue pour le niveau National 2 et même pour le niveau au-dessus. C’était une équipe puissante, athlétique, et aussi bonne en transition, qui pouvait allier plusieurs systèmes de jeu. On était assez complet. En fait, on s’aperçoit que, quand on perd des points, c’est dans des périodes où mes joueurs ne sont plus payés. Parce qu’il faut savoir que, depuis mars, plus personne n’est payé. Je me souviens que l’on doit jouer un un match important pour la montée au Paris 13 Atlético, qui est encore derrière nous, à 4 journées de la fin, et on part le matin-même du match, à 5 heures du matin, pour jouer à 15 heures ! Au bout d’un quart-d’heure, tu es mené au score, et en plus de ça, mes joueurs ne sont plus payés… J’ai des pères de famille… Pour jouer une montée, il faut mettre les joueurs dans de bonnes conditions. Or là… Alors à un moment donné, tu ne peux plus lutter contre Paris 13 ou La Roche-sur-Yon, même si on fait encore le nul à La Roche, début avril; en fait, ça s’est joué sur les détails. Je pense que si on n’est pas monté, c’est à 70 ou 80 % à cause des problèmes économiques du club.

En début de saison, après un succès à Angoulême. Photo FC Libourne

Comment fait-on, dans ces cas-là, pour « tenir » ?
Les joueurs n’ont pas été payés depuis mars, moi non plus. Mais moi, même si je le vis mal, bien sûr, j’ai quand même un peu plus de bouteille, je suis plus âgé, mais avec mes joueurs, je ne voulais pas me servir de cela comme d’un relais, ni rentrer dans ce truc-là. Parce que cela les aurait mis encore plus fond. Je leur disais que si on montait en National, cela pourrait les aider, les sauver, que cela pourrait peut-être déboucher sur une autre chose. J’étais obligé de jouer sur ces leviers-là, sauf que ces leviers-là, ça fonctionne une ou deux semaines, pas un ou deux mois… Parce que, à un moment donné, le joueur, il va te dire « Oh Simon, t’es gentil, mais bon… », et comme ce n’est pas moi qui les paie. Voilà pourquoi, à la fin, on n’avait plus de ressources.

Ces difficultés financières, tu les as senti arriver ?
Oui. On a eu quelques piqûres auparavant. Quand tu te retrouves très tôt, en août ou en septembre, à avoir des retards de paiement, OK, tu te dis « ça peut arriver », mais bon… Le président disait que c’était des petits retards, on ne sait pas trop dans ces cas-là, que c’était peut-être dû à des subventions qui allaient tomber ou du sponsoring, je n’en sais rien. Bref. Mais à un moment donné, quant tu es payé le 20 du mois au lieu du 5… On s’en doutait mais on a toujours eu un espoir. L’espoir que le club attire des gens, des nouveaux partenaires, mais voilà, depuis mars, personne n’est payé. Alors pour jouer une montée, c’est compliqué. Je ne pensais pas que la situation allait en arriver là, c’est une catastrophe pour le club, pour la ville, pour l’image.

« Je veux prendre la bonne décision »

Photo FC Libourne

Sur le plan personnel, que vas-tu faire ?
Là, le club est menacé de repartir en Régional 2. On retournerait 10 ans en arrière. De toute façon, tous les dix ans, ils se passent un truc comme ça ici ! C’est compliqué pour moi aussi, même si le fait d’avoir effectué un bon parcours avec Libourne depuis 2 ans a suscité de l’intérêt, c’est vrai. On a quand même près de 60 % de victoires en deux ans ! J’ai eu des contacts avec des clubs, maintenant, je me demande juste si je suis capable de quitter la région pour ne faire que ça, s’il y a un projet qui me permettra de franchir ce cap-là, ou alors, est-ce que j’aide le club à repartir ? Après, tout dépend du contexte, du niveau… Quant tu as goûté au National 2, repartir au niveau régional, sans budget, c’est compliqué. Et puis j’ai une petite fille de 4 ans… S’il y a un projet qui m’emballe, peut-être que je l’accepterai. Pour l’instant, j’en ai eu un ou deux, mais je les ai refusés. Il y avait une question de temps aussi, il fallait donner une réponse rapidement. Moi, j’attends de voir avec le club, avec la mairie, je suis dans le doute, je veux prendre la bonne décision. Après, est-ce que je me lance dans ce métier-là, ce qui implique du coup de bouger souvent ? Est-ce que je suis prêt à ça ? Comme je le disais tout à l’heure, je ne suis pas programmé au départ pour être entraîneur. Le club est placé en liquidation judiciaire, donc il y a aussi l’aspect financier, avec pas mal d’argent dehors, qu’il faut récupérer. Pour l’instant, je ne veux pas me précipiter.
Et puis, quand tu ne dépends que d’une seule personne, c’est dur, surtout quand cette personne ne va pas bien (financièrement). Si tu n’es pas costaud, c’est compliqué. On avait 18 joueurs sous contrat fédéral, c’est beaucoup, il fallait quand même les assumer. Hormis deux ou trois jeunes et deux ou trois autres joueurs qui voulaient continuer à bosser à côté, tout le monde ne faisait que du foot.

Es-tu toujours en contact avec Mondheur Mahdi ?
Non. On l’a vu mercredi soir lors de l’assemblée générale, sinon, depuis un mois, on n’a plus trop de contact. Même moi.

La tribune du stade Jean-Antoine-Moueix. Photo FC Libourne

Le club de Libourne n’intéresse personne ?
C’est compliqué pour les chefs d’entreprise parce que déjà, il faut combler un trou : jeudi, à l’AG, on a annoncé un déficit de 450 000 euros. Si quelqu’un met 450 000, cet argent-là, il est perdu. Et après ça, il faut encore bâtir un budget. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire ça. Pourtant, Libourne est un club historique, c’est ça qui est navrant. On a souvent été le club phare derrière les Girondins de Bordeaux. Maintenant il y a Pau en Ligue 2, avant c’était nous. Je croyais à cette montée en National qui aurait pu permettre au club de prendre de l’ampleur. Le but était de redevenir ce club phare derrière les Girondins. Je croyais à ça. C’est catastrophique aussi pour nos jeunes. Il va falloir leur faire comprendre que cela va mettre du temps avant de redevenir un club de niveau national. Nos équipes de jeunes sont au niveau régional. On voulait redevenir un club formateur avec des 17 et 19 ans Nationaux, accentuer le travail de formation, afin d’avoir des joueurs dans nos équipes seniors. Tout est remis en cause.

Le public était lui aussi revenu un peu plus nombreux cette saison…
Oui, on tournait entre 500 et 1000 spectateurs, avec quelques belles affluences. On voyait qu’il y avait un certain engouement. Les gens s’identifiaient à l’équipe.

Après coup, tu penses que Paris 13, qui est montée en National, était la meilleure équipe ?
On avait une équipe complète. Paris 13 a des supers attaquants, nous, on avait de très bons jeunes comme Elydjah Mendy ou Abdulakeem Agoro, qui vont signer plus haut (Agoro a signé à Versailles en National). Je pense qu’on était armé pour aller en National. Mais par rapport à nos concurrents directs, on n’avait pas de paie, pas de prime, pas d’hôtel, nos déplacements étaient compliqués. En fait, on ne boxait pas dans la même catégorie.

Simon Adoue, du tac au tac

Photo FC Libourne

Meilleur souvenir de joueur ?
C’est à la fois mon meilleur et mon pire souvenir ! C’est le 1/4 de finale de la coupe de France contre Bastia (0-1 après prolongation), parce que je loupe une action, une face à face avec le gardien Boumnijel, à la 120e… Il la sort et derrière l’arbitre siffle… Si je marque, on va aux pénos… J’ai eu du mal à m’en remettre et je n’ai jamais voulu revoir les images. On avait dominé. Mais ça reste un grand souvenir, à Chaban-Delmas.

Un joueur marquant ?
Il y a en a plusieurs, Mathieu Chalmé, Mathieu Valbuena, Régis Castant, un surdoué, Kamel Chafni, un ami d’enfance, avec lequel j’ai évolué en jeunes.

Un coach ?
Jean-Marc Furlan. Pour son charisme, sa vision du foot, ses causeries. Il a toujours gardé le même projet de jeu par la suite.

Un joueur perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
J’aimerais bien reparler avec Mathieu (Valbuena), pourquoi pas, pour qu’il me parle de sa carrière. Quand on a joué ensemble en National, il arrivait de Langon-Castets en CFA2.

Un coach que tu n’as pas envie de revoir ?
J’ai revu Didier Tholot, qui est un ami de Franck Vallade, avec plaisir, alors que quand je l’ai eu comme coach, ça ne s’était pas très bien passé sportivement, mais il faut faire la part des choses, j’avais une bonne relation avec lui.

Un modèle d’entraîneur ?
Je ne suis pas du genre à avoir un entraîneur qui me fascine, et aller jusqu’à vouloir faire la même chose, parce que ça, c’est impossible. On voit plein d’entraîneurs qui veulent faire du Guardiola, mais il faut s’arrêter de s’inviter une vie, Guardiola, c’est un coach exceptionnel qui a des joueurs exceptionnels, tu ne peux pas faire du copier- coller, il faut s’adapter à ses joueurs.

Un dicton ?
Tu as tapé dans le mille, parce que je donne une citation à chaque match, j’essaie toujours, par rapport à un contexte, d’en trouver une qui convient !

Quel type de joueur étais-tu ?
J’étais ailier droit, assez rapide, avec une capacité à éliminer, à centrer, un peu à l’ancienne, genre Christophe Cocard (AJ Auxerre). Je ne marquais pas énormément, je n’étais pas buteur dans l’âme, mais plutôt un ailier virevoltant !

Le stade Jean-Antoine-Moueix. Photo 13HF

Quel type de coach es-tu ?
Je ne suis pas un dictateur. J’aime juste que les joueurs abondent dans mon sens par rapport au projet de jeu mis en place et qu’ils s’y retrouvent ; j’aime m’adapter à mes joueurs. Je me nourris de ce que j’ai vécu, j’ai eu des coachs comme Jean-Marc Furlan, Didier Tholot, Thierry Oleksiak, je prends un peu de tout le monde. J’aime bien être costaud défensivement, que mon équipe soit solide. Cette année on changeait souvent de système en fonction de l’adversaire, c’était une force.

En deux ou trois mots, tu es un entraîneur plutôt…
Bienveillant, à l’écoute, organisé (rires), structuré. Je ne change pas d’avis du jour au lendemain. Je suis calme. Rassurant. Stable. Je vis le match comme si j’étais encore un peu joueur dans ma tête.

Le club de Libourne ?
Un club historique qui a connu le monde pro à plusieurs reprises, qui tient une place forte dans la région, mais ici, ça a toujours été un peu dur d’instaurer un esprit familial, parce que c’est un club d’élite au départ. En termes de football, il a toujours eu une bonne image.

As-tu un lien particulier avec les Girondins de Bordeaux ?
Oui, ça m’arrive d’aller voir des matchs à Bordeaux, mais quelque part, et c’est un regret, il n’y a pas cette passerelle entre Libourne et Les Girondins. Cela aurait pu aider cette saison par exemple. Or il n’y a jamais eu de lien assez fort, alors qu’il n’y a que 30 kilomètres d’écart. En Ligue 2, la passerelle, c’était avec l’OM… Cela vient des relations humaines. Un président de Libourne aurait dû dire, à un moment donné, il faut la faire. Mais là, même si je ne suis pas à l’intérieur, Bordeaux se coupe du foot régional, alors que, tôt ou tard, il aura besoin de la région pour former des joueurs, parce que j’en vois beaucoup qui partent à Nantes ou Toulouse. C’est dommage. Il y a un manque. Le président de Bordeaux, à l’heure actuelle, n’est pas de la région, c’est une histoire de relations. A l’époque de (Jean-Louis) Triaud, cela aurait pu se faire.

Le milieu du foot ?
Il m’a tout donné. On ne peut pas cracher dans la soupe. Il faut juste faire attention à son entourage, parce que, parfois, tu rentres dans un monde de requins, comme cette saison, durant laquelle on a vécu des choses qui ne ressemblent pas à l’éducation que j’ai eue, au football que j’aime. Mais ce sport reste incroyable.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Entretien à coeur ouvert avec l’ex-coach d’Evian-Thonon-Gaillard, Toulouse, Caen, Saint-Etienne et Dijon. Le Haut-Savoyard (61 ans), qui partage sa vie entre le Var et son pays natal, retrace son parcours et évoque sa santé, ses parents, ses expériences et clame son envie intacte d’entraîner.

Par Anthony BOYER / Photos 13HF et DFCO/Vincent Poyer

Photo 13heuresfoot

Pascal Dupraz nous a donné rendez-vous au Cadiero. Une brasserie dans la rue principale de La Cadière-d’Azur, près du Castellet, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Toulon. C’est là qu’il a ses habitudes. « Lolo, met nous un café s’il te plaît et un Perrier rondelle sans glaçon ». Visiblement, il est un habitué des lieux ! « On va se tutoyer, hein ?! » a-t-il déjà imposé, quelques jours plus tôt, au téléphone.

Quand il n’est pas en Haute-Savoie, dans son département natal, c’est là, dans le Var, qu’il passe son temps avec Mireille, sa deuxième épouse. Dans ce Havre de paix aux allures de village provençal, Dupraz est chez lui. Il connaît tout le monde. Et tout le monde le connaît, prend de ses nouvelles, s’enquiert de sa santé. « Alors ces hanches, pascal ? » demande un passant.

On aurait dû commencer par là. Par demander des nouvelles de son coeur. Ce que l’on fera un peu plus tard au fil d’un entretien passionné et passionnant, d’une richesse incroyable, de plus d’une heure. « J’ai le temps, je n’ai pas grand chose à faire, juste quelques courses après » réplique-t-il quand la conversation se poursuit pendant plus d’une heure ensuite, en « off » cette fois ! Pascal Dupraz aurait-il des choses à cacher ? Pas du tout ! C’est juste que toutes les questions avaient été posées et surtout préparées : on ne se présente pas devant un tel personnage comme on va acheter un croissant et un pain au chocolat, quand bien même ceux-ci viendraient de la boulangerie d’à côté ! « Ici, le pain au feu de bois, à l’ancienne, est magnifique ! À La Cadière, les gens sont tellement accueillants… Mon coeur balance entre ma Haute-Savoie natale et le Var, avec des atavismes différents. Il y a aussi le terroir : les vignes de Bandol sont sur La Cadière. Et puis je peux venir avec mes baskets pas lacées, on ne va pas me blâmer pour ça ! »

« Mes parents, je leur dois tout »

Photo DFCO/Vincent Poyer

On n’interroge pas l’ancien coach de Dijon comme on interroge le coach d’Annemasse, sa ville natale, ou de Rumilly ! Ah bon, vous ne vous souveniez pas que Pascal Dupraz avait entraîné Dijon en fin de saison 2022-23, en Ligue 2 ? C’est bizarre, nous non plus… Et pourtant, en Côte d’Or, rappelé au chevet d’une équipe lanterne rouge de son championnat à 9 journées de la fin et surtout à 7 points du maintien, il a failli réussir son pari insensé, alignant 4 victoires et 4 nuls lors de ses 8 premiers matchs, avant d’échouer sur le terrain du Havre à la dernière journée, face à un adversaire qui jouait la montée en Ligue 1 !

Si Dijon ne vient pas immédiatement à l’esprit quand on déroule son CV, c’est évidemment parce que cet ancien attaquant (Sochaux, Thonon, Brest, Mulhouse, Toulon, Gueugnon en D1 et en D2) s’est fait connaître quand le FC Gaillard, devenu ensuite Croix-de-Savoie puis Evian-Thonon-Gaillard, est passé du niveau régional à la Ligue 1 sous sa coupe ! L’instigateur du projet, de ce club clanique, régionaliste, identitaire, c’était lui.

Et puis, tout le monde garde en mémoire son exploit avec Toulouse et cette fameuse causerie d’avant-match, qui a tourné en boucle, quand il a sauvé le club de la relégation (en 2016). Il s’est aussi assis sur les bancs de Caen et de Saint-Etienne en Ligue 2. Avant de s’asseoir face à nous, sur cette « cadiero » donc (« cadiero » veut dire « chaise » en provençal). Et on l’a écouté dérouler le fil de sa vie et de sa carrière. On l’a vu parfois se livrer et souvent convoquer le souvenir de ses parents. « Je leur dois tout ».

Interview : « Je suis un chanceux »

Pascal, pourquoi vivre à La Cadière ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

Ma deuxième épouse, « Mimi », est avignonnaise, mais elle a passé son enfance à Toulon et sa vie professionnelle est à Sanary. Donc on s’est dit qu’il fallait acheter quelque chose par-ici. Au départ, La Cadière-d’Azur était juste un pied à terre. Ici tout le monde me connaît. Il y 1 500 habitants en coeur de village, et 4 500 en tout, on ne dirait pas ! Cela fait presque 10 ans qu’on est là, dans une vieille bergerie, de l’autre côté de l’autoroute.

Tu retournes souvent en Haute-Savoie ?

Oui, à Saint-Cergues Les Voirons, avec le Mont-Blanc derrière toi, le lac Léman en perspective, là-bas, c’est mon pays, mon village, ma jeunesse, je me revois ramasser les framboises que mon grand-père cultivait. J’ai des frissons rien qu’en en parlant. Je suis un chanceux. Je remercie Dieu chaque matin pour ça, et aussi pour être en vie. Malgré le fait que je fais un boulot qui a des effets pernicieux, j’ai toujours gardé les pieds sur terre, j’ai fait si peu par rapport à d’autre.

« Ce que veulent entendre les gens, c’est la vérité »

Revenons en arrière : tu as bossé à l’ONU, à Genève, quand tu es arrivé au FC Gaillard : qu’est-ce que cela t’a apporté ?

Photo DFCO/Vincent Poyer

J’ai bossé au haut-commissariat pour les réfugiés à Genève, à l’ONU. Quand j’ai commencé, en 1991, je changeais les néons qui clignotaient et les cuvettes des « chiottes » dans un bâtiment où il y a avait 1200 personnes. Je ne savais pas ce que c’était que l’ONU… Or c’est un univers incroyable, où des gens servent la cause des populations en difficulté; ça m’a touché. On m’a mis là parce que je ne savais rien faire, je ne savais pas bricoler. J’étais nul. Je n’arrivais même pas à replier mon escabeau. J’avais arrêté après le bac. La chance que j’ai eue, c’est que l’on pouvait se former, donc j’ai essayé de m’élever comme ça, parce que très vite, j’avais été pris par le foot. Je n’avais pas continué mes études parce que je commençais à toucher un peu d’argent, au grand dam de ma mère, qui ne comprenait pas que son fils de 18 ans arrête. Je n’avais qu’une seule ambition : faire plaisir à mes parents, notamment à ma maman, très érudite, qui voulait, je ne sais pas pourquoi, que je sois pilote de chasse. Mais j’ai fait footballeur, et ça l’a emmerdé ! Plus tard, elle a été contente, elle a été ma supportrice numéro 1. Quand je suis parti à 14 ans et demi au centre de formation du FC Sochaux, elle m’a dit « Je perds mon fils », et ça… C’est une blessure. Pour mon papa, c’était plus compréhensible, il avait été footballeur. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté ma carrière de footballeur à 30 ans, quand j’étais à Gueugnon : j’aurais pu prolonger, ou aller à Bastia, mais j’ai dit non. Il fallait que je rentre à la maison.

C’était l’appel de la famille ?

Mon père avait une entreprise qui marchait bien. Dans mon esprit, j’allais prendre sa succession. Il faut savoir que mes parents avaient 19 ans et 20 ans de différence avec moi : je les considérais aussi comme des frères et soeurs. Un jour, vers l’âge de 27 ans, à la fin d’une saison sportive, j’ai revu ma maman, elle en avait 47, et pour la première fois de ma vie, j’ai pris conscience qu’elle avait vieilli, et je me suis dit, « Il va falloir que je rentre ». Parfois, chez moi, la spontanéité prend le pas sur la réflexion.

Tu répètes souvent que tu n’as pas fait d’études, pourtant, tu es érudit…

Quand tu as une maman qui te dit, « va chercher le dictionnaire, regarde comment ça c’est écrit, regarde les différent sens des mots… lis aussi les pages… prend un bouquin, soit intéressé, éveille toi »… Aux Nations Unis, c’était important pour moi de savoir ce que je faisais. Au foot, c’est pareil : plus tu te rapproches de l’expertise, moins tu t’endors et plus tu es légitime. Je sais que beaucoup pensent que je n’ai pas d’expertise au foot, mais ce sont des gens jaloux qui disent ça : c’est juste que j’ai pris le partie de ne pas en parler, parce que je pense que le commun des mortels, ce qu’il a envie de savoir, c’est la vérité, pas une soupe qu’on lui sert pour édulcorer une mauvaise performance. Quand je dis « Mon équipe n’est pas descendue du bus », c’est de ma responsabilité, parce que c’était à moi de les faire descendre du bus. Mais si je commence à dire « Nous étions bien en place ou le 3-5-2 n’a pas bien fonctionné »… Ils s’en foutent les gens de ça, à part quelques journalistes-polémistes-éditorialistes. Ce que les gens veulent, c’est la vérité. Souvent, je suis reconnu pour être l’entraîneur du peuple, et ça, ça me plaît. Et si je suis érudit, c’est grâce à ma maman. Merci maman !

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Ce métier d’entraîneur, cette passion de manager, ça vient d’où ?
J’ai passé le BE1, sur les conseils de ma mère, et aussi un diplôme d’analyste-programmeur. Je n’avais pas envie d’être entraîneur. J’ai passé mon premier degré avant la fin de ma carrière de joueur. En fait, c’est mon père qui m’éveille. L’entraîneur du FC Gaillard de l’époque, Jacky Veggia, qui a été un des coéquipiers de mon papa au foot, veut que je joue dans son équipe. Mon père a percuté, parce que lui, il savait ce que c’était que l’ONU à Genève, où le chef de l’administration était aussi le vice-président du FC Gaillard. Voilà comme tout est parti ! Les dirigeant du club m’ont dit, « Tu joues pour nous et on te fait rentrer aux Nations Unis », alors que je ne savais pas ce que c’était. Je savais juste le salaire. Un magnifique salaire. Je suis rentré dans une organisation internationale le 1er septembre 1991, et là, ils m’ont dit, « Ton épouse rentrera dans un an », et ils ont respecté leur parole. J’ai joué tout d’abord, en PH, mais je m’emmerdais un peu, et puis quand « Jacky » a décidé d’arrêter, ils m’ont demandé d’entraîner. J’ai dit « OK » mais on ne va pas s’entraîner qu’une seule fois par semaine, on va essayer de faire un « vrai » club. Dès l’instant où j’ai pris l’entraînement du FCG, j’ai pondu un projet sportif, qui a été celui que j’ai véhiculé jusqu’à la fin de l’ETG (Evian-Thonon-Gaillard). J’ai fait 20 ans aux Nations Unis, dont 3 ans en disponibilité.

« Mes parents ont été mes premiers managers, mes inspirateurs »

On peut donc dire que c’est ton papa qui est au départ de tout…

Tu connais le décolletage ? C’est un secteur de l’industrie et dans 40 km2 autour de ma région, il y avait 80 % de la production mondiale de la micro-mécanique dans ce domaine. C’est un atavisme chez nous. Mon père vendait des métaux pour les décolleteurs. Il avait cette boîte florissante et un jour, il m’a dit « Si tu viens avec moi, il va falloir que tu bosses, il n’y aura pas de foot, pas de week-end, rien. Par contre, il m’a dit, « à l’ONU, c’est très bien… Tu pourras élever tes enfants, tu auras tes week-ends, tu pourras faire du sport, c’est toi qui voit ». Mes parents… Parfois je donne des conférences sur le management, et j’explique que si j’aime manager, c’est parce que mes parents ont été mes premiers managers, ils m’ont donné ce goût, à ma soeur et à moi. Ils m’ont fait comprendre qu’en travaillant, on pouvait accéder à des rêves plus grands que soi, parce que l’ETG, c’est plus grand que moi, même si j’ai dit à l’époque que je voulais être l’instigateur d’un nouveau club professionnel en Haute-Savoie, puisque Thonon et Annecy l’avaient déjà été dans les années 80. Mais jamais un seul instant je n’imaginais que l’on pourrait aller jusqu’en Ligue 1 avec l’ETG. Je pensais juste que l’on pourrait faire National puis Ligue 2, ce qui était déjà énorme. On ne construit jamais rien sans les autres. Moi je suis l’initiateur, je le revendique, et ça, personne ne peut me l’enlever. Personne n’y avait pensé avant moi. Beaucoup ont emboîté le pas. Moi, je me dis : « On a un million de Savoyards sur les deux départements (Savoie et Haute-Savoie), on a une grosse densité de population, sans compte la Suisse voisine, on peut susciter des vocations, ce n’est antagoniste avec le ski ».

Tes parents, tu penses à eux chaque jour ?

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Je crois beaucoup aux signes. Je pense que je communique souvent avec mes parents, qui me guident encore, même si j’essaie d’être la meilleure copie possible d’eux, mais je ne serai qu’une version. Ils étaient trop formidables. Je ne leur arrive pas à la cheville mais ils peuvent compter sur moi pour véhiculer les valeurs qu’ils m’ont inculquées. Je pense à eux tous les jours. Je n’ai pas besoin d’aller au cimetière. Quand j’ai perdu ma mère, elle avait 59 ans et j’ai dit à mon père la chose suivante : « Je pense que quand tu vas mourir je ne vais pas souffrir autant… C’est dur de dire ça à son père, et je ne sais pas pourquoi je lui ai dit ça… Je l’ai regretté. Quand mon père est décédé, j’ai eu la même souffrance, pire même… Parce que je me suis senti orphelin. Mais mon père ne m’en a pas voulu d’avoir dit ça. Il n’avait pas la capacité d’en vouloir à ses enfants. Mes parents étaient formidables. Ma mère, waouh… On n’avait pas de rond, hein, je les ai vus commencer le travail, ils n’avaient pas une thune. Je suis dans l’appartement que mes parents louent. Ma mère dit à mon père « Comment on va faire pour payer le loyer ce mois-ci », elle ne sait pas que je l’entends… On est en 1969 ou 1970… Et ils se sont défoncés. Les réunions de famille avec eux, pour prendre les grandes décisions, on était quatre, avec ma soeur, qui a 11 mois de plus que moi. Ce modèle, je l’ai reproduit ensuite avec mes enfants, mes deux épouses, mon père quand il était encore en vie. Comme lorsque que j’étais bien dans ce rôle de directeur sportif à l’ETG, et que l’on s’est demandé s’il fallait que j’entraîne… Le PDG du groupe Danone, Franck Riboud, m’appelle, (Pablo) Correa vient de perdre plusieurs matchs d’affilée, et il me demande de reprendre l’équipe. Derrière, c’est réunion de famille. J’ai vu mon père, quand il avait 52 ou 53 ans, redresser des boîtes en difficulté, parce que c’était sa mission : tu vois, c’est drôle la corrélation. Réunion de famille une fois avec lui, un soir : il nous demande, à ma soeur et à moi, d’être là. Il dit : « J’en ai marre d’avoir un seul patron au-dessus de moi, je veux monter ma boîte, c’est 10 millions de francs ». Ma mère se demande où on va les trouver. Il dit qu’il a trouvé l’argent, qu’on va les emprunter. Ma mère lui dit « fonce », « Suis tes inspirations » ! Et il dit « banco », « on y va ». Voilà. J’essaie de faire pareil avec mes gamins, mais c’est difficile, parce que les générations ont changé. Mes inspirateurs, ce sont mes parents. Donc je pense chaque jour à eux.

« Je me sens plus en danger quand je n’entraîne pas »

Parlons de ta santé. Ces hanches, comment ça va ?

Les hanches, c’est l’usure, la vieillesse.

Et le coeur ?

J’ai eu un premier infarctus à 38 ans. J’ai moins 35 % de la fonction cardiaque depuis ce jour. Quand tu as ça, tu en veux à la terre entière… J’essaie de ne pas y penser, mais ma pathologie me rappelle à l’ordre. Je suis suivi. Tous les trois mois, je vois mon cardio à Toulon, je vois aussi mon rythmologue, parce que je vis avec un défibrillateur.

Est-ce un frein aujourd’hui dans l’éventualité que tu retrouves un banc ?

Non. C’est bizarre, je me sens plus en danger quand je ne fais rien, parce que, dans ces moments-là, je suis plus à l’écoute de mon coeur. Quand j’entraîne, je fais moins attention, je m’entretiens juste, et comme je suis heureux dans mon métier et que j’aime ce que je fais, je me pose moins de questions.

Être sur un banc, ce n’est donc pas dangereux pour toi ?
Non, je n’ai pas de stress, je n’ai pas la pression, c’est un exutoire. Je stresse quand je ne trouve pas de club. Je suis épanoui quand je suis sur un banc. J’ai la pression quand j’ai des soucis de santé, quand mon pronostic vital est engagé. Ma chance, c’est que je suis traité. J’ai intégré que la mort était partie intégrante de la vie. Je préfère mourir sur un rectangle vert qu’à l’EHPAD. Mais ça va… Cette année, c’est la première fois depuis 32 ou 33 ans, hormis la période entre Toulouse et Caen, que je n’entraîne pas. C’est de ma faute. On m’a catalogué comme pompier de service. Alors que ce que j’ai fait avec l’ETG, encore une fois, c’est significatif, mais c’est comme ça. Et ça ne me rend pas malade ne pas entraîner.

Entraîner en National ou N2 ? Oui, mais pas n’importe où

Photo DFCO/Vincent Poyer

Es-tu allé voir des matchs à Toulon ou Hyères cette saison ?
Oui. Je suis notamment allé voir deux matchs cette saison à Bon Rencontre, en N2 : ça m’a fait quelque chose, parce qu’à mon époque, on jouait à Mayol, que l’on partageait avec le rugby, et on s’entraînait à Bon Rencontre. Ce n’est pas normal que ce club-là, pour la 14e ou 15e ville de France (la 12e), ne soit pas chez les pros. Parfois, j’aimerais m’investir, mais je ne peux pas m’inviter à une table. J’ai quand même un savoir-faire, je pourrais aider, mais bon, c’est comme ça…

Est-ce que tu pourrais entraîner en National ou N2 ?
Ouep… Mais ça dépend où. Ici oui. Mais avec le pouvoir sportif. Je n’irais pas… Tu vois… J’ai rencontré le président de Toulon, je le respecte parce qu’il met son argent, mais voilà…

As-tu un regard aujourd’hui sur Thonon Evian Grand Genève, le club qui tente de faire renaître l’ETG de ses cendres ?

Oui, mais dans leur appellation, ils ont enlevé le nom du club fondateur, celui qui a généré les résultats, le FC Gaillard, mais bon, même si je suis quelqu’un de régionaliste, même si l’histoire a voulu qu’à un moment donné, le canton de Genève fasse partie de la Savoie, et bien Genève, ce n’est pas vraiment… Là, on est allé draguer sur le terrain du Servette. Attention, je ne leur veux pas de mal. Je n’ai pas d’amertume. Je suis capable de zapper. Ce ne sont pas les mêmes personnes. J’ai rencontré Bryan (Bergougnoux), leur entraîneur, lors d’un recyclage du BEPF. C’est un garçon très sympa. J’ai vu qu’il n’était pas reconduit. Ils vont remonter.

« La montée de Saint-Etienne m’enlève un poids »

Saint-Etienne vient de remonter, deux ans après ton échec là-bas : tu le vois comme un signe ?

Non, parce que Saint-Etienne retrouve sa place. C’est un grand club. Je suis très heureux de ça, parce que ça m’enlève un poids. J’ai fait de mon mieux, j’ai marqué 20 points en 20 matchs, alors que mon prédécesseur (Claude Puel) n’en a marqué que 12 points en 18 matchs. Quand je dis ça, je me fais défoncer…

Tu as entraîné à Dijon il y a un peu plus d’un an, personne ne s’en souvient vraiment …
J’ai fait neuf matchs. J’arrive un mardi, le club est sur six défaites consécutives, le premier match, c’est le samedi. Et je fais huit matchs sans perdre. Et je meurs à rien… Mais bon…

On dirait que ta carrière s’est arrêtée…
(Il coupe) A Sainté… A la fin du match retour contre Auxerre, en barrage, je me fais gazer par un CRS, je pense qu’il l’a fait exprès. J’ai mis une heure à retrouver l’usage de la vue. Un traumatisme. Je pensais que nous allions y arriver. C’était sûr…

Meilleur souvenir d’entraîneur ?

C’est de savoir mes enfants, mon père et mon épouse dans les tribunes du Stade de France au milieu des 35 000 Savoyards qui sont montés pour la finale de coupe de France (en 2013, contre Bordeaux, défaite 3-2). C’est une fierté. Je le place avant le maintien du Téfécé.

Meilleur souvenir sportif de joueur ?

Même si je suis un peu blessé, c’est mes périodes à Toulon, pour l’ambiance qui régnait dans le vestiaire, pour la qualité de l’équipe. J’ai passé des bons moments aussi lors de mes 4 saisons à Brest. En fait, chaque instant passé où l’élément central est le ballon, c’est un bon souvenir pour moi, quoi qu’il arrive.

Es-tu toujours en contact avec des anciens Toulonnais ?
Oui, Luigi (Alfano), qui est un type merveilleux, Jean-Louis (Bérenguier), je le vois de temps à autre, et j’ai un profond respect pour Bernard Pardo : lui, c’est l’instigateur de ma venue à Toulon. On s’était côtoyé à Brest. Je l’ai de temps en temps au téléphone, mais pas assez souvent. Il m’arrive de m’arrêter à Gardanne, où il réside, quand je remonte en Haute-Savoie. Toulon, c’est un esprit.

« Etre complètement abruti, ça m’est arrivé »

Tu as pris plus de cartons rouges comme joueur ou entraîneur ?

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Entraîneur ! Mais attention, j’avais des antécédents ! J’ai fait fort ! J’avais 37 ou 38 ans, je jouais en réserve avec le FC Gaillard, et j’ai traité l’arbitre de « Guy Georges », de « Fourniret », et j’ai répété ça à la commission de discipline. J’avais dû prendre six mois, donc être complètement abruti, ça m’est arrivé. Et ça m’a servi. Je suis moins épidermique. Je suis comme tout un chacun, je ne supporte pas l’injustice. Mais mes comportements étaient injustes.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le banc ?
Avec le FC Gaillard, on est resté invaincu pendant près de 5 ans à domicile. La division dont on a mis le plus de temps à s’extirper, c’était la Division d’Honneur, après, on a grimpé assez vite, avec de longues séries d’invincibilité à domicile. La période à Toulouse aussi.

La saison où tu en as pris le moins ?

(catégorique) La dernière saison à l’ETG. Vraiment. On n’avait pas d’argent. Je suis un des seuls à assumer sa responsabilité dans l’affaissement du club. Ce sont ceux qui ont fait qui ont défait. J’ai commis une erreur avec le président délégué (Patrick Trotignon), un usurpateur. J’ai eu du mal à me défaire de l’aspect sentimental.

« Le danger du foot, c’est l’individualisme »

Un match parfait ?
Oui, le 3 à 0 à Sochaux, avec l’ETG, à la dernière journée, parce que tout ce que j’avais initié durant la semaine qui précédait le match s’est produit.

Inversement, le pire match ?

L’année de la descente, avec l’ETG, on joue contre Reims à domicile, on perd, et ça sent la fin… Le deuxième, c’est le barrage retour contre Auxerre, pour le maintien en Ligue 1, avec Saint-Etienne. On doit gagner par trois buts d’écart à Auxerre à l’aller… Par excès d’individualisme, on ne marque qu’un seul but (1-1). Et au retour à domicile idem, on avait des joueurs qui ne jouaient que pour leur gueule, ce sont les dangers du foot moderne. Quand tu ne perçois ton sport, un sport collectif, qu’au travers de ta performance individuelle, c’est un danger. C’est ça le danger du foot, un sport éminemment individuel dans un sport collectif, où la « stat » personnelle est plus importante que le résultat; le problème, c’est que ça se répercute chez les amateurs. Ce n’est pas le meilleur signal que le football donne.

Le stade qui t’a fait vibrer ?
Le Parc des Princes. Il est conçu pour le foot, je parle de l’écrin, de l’esthétique, après, quand tu vas jouer à Marseille, c’est impressionnant. J’ai aussi aimé, même s’il était inesthétique, le parc des sports d’Annecy plein. Si nos politiques nous avaient aidé à construire un stade dans le centre du département, je pense que l’ETG serait encore professionnel.

Le meilleur joueur entraîné ?
Ben Yedder et Poulsen. Y’a match.

« J’ai menti dans ma vie… »

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Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Je dois avoir Giroud, parce qu’à un moment donné, quand il jouait à Grenoble, il m’intéressait, mais il a dû changer depuis ! Je ne sais pas, j’ai Kallenberg, Poulsen, Braithwaite, Leroy… Leroy, quel joueur ! J’ai Caçapa… Quand Claudio Caçapa vient chez nous à la trêve, à l’ETG, mes dirigeants me disent : « mais tu es fou », et il arrive, il stabilise la défense, et on monte en Ligue 1. J’ai pas mal de numéros mais j’ai surtout les numéros de mes trois amis. Ils ne sont pas dans le foot.

Des amis dans le foot ?
Thierry Taberner, qui a joué à Martigues et Auxerre, dont le papa a été champion de France avec Monaco, il a terminé sa carrière dans mon club, à Gaillard, et Pierre Espanol aussi, qui a été entraîneur aux Girondins de Bordeaux.

Le coach le plus connu de ton répertoire ?

Je dois avoir Mourinho… Il a dû changer depuis l’époque où il avait dit un truc sympa sur moi !

Un président marquant ?
Sadran (Toulouse).

Un président qui ne t’a pas marqué ?

(Il réfléchit) Pickeu, à Caen, un président par défaut (rires).

Un coéquipier perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?

Il a été mon entraîneur à Toulon, il était adjoint, et il fut un joueur prestigieux, c’est Delio Onnis. J’ai eu l’immense plaisir de lui parler il y a quelques mois au téléphone, alors qu’il était en Argentine. On a un groupe WhatsApp avec les anciens Toulonnais et à un moment, dans la conversation, Delio dit « Ce numéro, là, c’est Pascal Dupraz ? », puis il écrit « Pascal, est-ce que tu peux m’appeler  » ? Qu’est-ce que j’étais content ! Je ne l’ai pas revu depuis Toulon. J’aimerais revoir aussi « Chaussette » (Jean-Pierre Chaussin), ça va se faire bientôt.

Une devise ?

Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. Et aussi, une autre phrase, que je tiens de ma mère, qui disait : « Pascal, moins tu mentiras dans ta vie, plus tu te souviendras de ce que tu as dit », or j’ai menti dans ma vie. Je m’en suis rendu compte, car je ne me suis plus souvenu des justificatifs que j’avais donnés !

Tu était un joueur plutôt…

Talentueux.

Tu es un coach plutôt…

Consensuel.

Le métier d’entraîneur c’est …

Exceptionnel.

Le milieu du foot, c’est…

Exceptionnel.

Une idole de jeunesse ?

Johan Cruyff et Jean-Claude Killy.

Un homme politique ?

Mon père, mais il n’a pas fait carrière (rires).

Tes passions en dehors du foot ?

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Les trotters. Je suis ami avec la famille d’Eric Raffin qui est l’un des meilleurs drivers français. Je suis allé en Vendée chez eux l’été dernier et j’ai eu l’immense plaisir de monter sur les sulkys et de sortir les chevaux. Je suis passionné par le PMU à partir du moment où ce sont des trotteurs, je fais mon petit quinté.

Des manies au foot ?

J’ai toujours une pince à billet et un jeton dans ma poche, c’est un de mes amis qui bossent chez Vuitton qui me l’a offert, je le garde comme porte-bonheur, et je ne passe jamais sous un échafaudage.

Une appli mobile ?

WhatsApp, sans doute, mais des fois y’a des conversations privées, ça me gonfle…

Dernier livre lu ?

C’est sur la fin de vie, un livre de Thomas Misrachi, Le dernier soir. Lis-le, ça t’interroge, ça fout les poils.

Un film ?

Sur la route de Madison.

Un CD ?

Je suis un fan de Johnny, ou alors un CD d’Eddy Mitchell !

Evian, Thonon ou Gaillard ?

Gaillard !

« Il me manque tout, je n’ai aucun titre ! »

Ce qui manque à ton palmarès ?

(Rires) Il me manque tout, je n’ai aucun titre, sauf des titres de champion de France de CFA2, CFA, National ou Ligue 2, même si c’était « Caso » le coach en Ligue 2, moi, j’étais directeur sportif, mais ça compte !

As-tu peur d’être oublié par le milieu du foot ?

Non.

Des coachs dont tu te sens proche ?

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Alex Ferguson. C’est le number one, un mythe pour moi. Je ne l’ai pas rencontré. C’est un regret. Je n’ai pas osé. Ce que j’aimais sous son ère, c’est que d’abord, il a été controversé avant d’être adulé, et il avait cet art de faire jouer des jeunes joueurs formés au club avec quelques stars. Quand je regardais MU, j’avais l’impression que quand il défendait, le terrain rétrécissait, et que quand ils attaquaient, le terrain s’agrandissait tellement ils créaient l’espace. C’est ça, le vrai foot, pour moi. J’aime bien quand ça va vite, quand il y a des occasions, des émotions. Je m’en fiche, moi, que mes défenseurs centraux soient les recordmen des passes. Par contre, le numéro 10 qui prend des risques à 30 mètres des cages, ça m’intéresse.

Le foot, un exutoire ?

Non, non, je suis bien dans mes pompes. Le foot, c’est une passion. Mon père, c’était mon idole. Il a joué en Ligue des champions avec le Servette de Genève contre le Dukla de Prague (en 1961/62). C’était un beau joueur, avec une double détente. Je l’ai vu jouer et j’ai même fait des tournois de sixte avec lui (rires). (Il nous montre l’écran de son téléphone, avec ses parents en photo) Voilà, ce sont mes parents. J’ai dit à mes enfants, « Ne m’en voulez pas, c’est parce qu’ils sont décédés », je suis en paix avec moi-même. Je sais qu’on peut mettre deux photos, mais je ne sais pas le faire.

Pourquoi dit-on gaz (gaze), Bontaz (Bontaze) et pas Dupraze (on ne prononce pas le Z de « Dupra ») ?

Parce que ça dépend de la vallée ! Si tu dis « Avoriaze » (au lieu d’ « Avoria »), on voit que tu n’es pas de chez nous, idem pour « Chamonixe » (« Chamoni »).

On t’a déjà appellé monsieur « Dupraze » ?

Ouep, mais ça m’énerve. Je dis aux gens, « On ne prononce pas le Z ». Si t’es de chez moi, tu dis « Dupra », qui vient des prés.

« Je suis un citoyen du monde »

Tu te sens Savoyard ou Savoisien ?

Savoisien et Savoyard. Haut-Savoyard, ça ce sont les Français qui ont appelé ça comme ça, mais je suis un citoyen du monde, j’aime tout le monde, je revendique juste le fait d’être Savoisien. Si un jour mon pays retrouve son indépendance, j’en serai le premier ravi, et nos amis français seront les bienvenus. Napoléon, c’est votre idole, mais pour nous, c’est un fossoyeur, il a tué nos forces vives, on a été le dernier pays colonisé. Mais je n’en veux pas à l’État Français. Je ne suis pas sectaire. Tu viens de Nice ? Vous étiez avec nous, n’oublie pas.

En préparant cet entretien, on a pensé à de nombreux adjectifs qualificatifs pour te décrire : les voici et dis-nous quand tu n’es pas d’accord :

Vas-y, c’est marrant !

Glacial, chaleureux, charismatique…

(Il coupe), Glacial, ce n’est pas ça !

Déconcertant…

Oui !

Cassant …

Oh oui !

Attachant…

Je dirais « attachiant » (rires)

Erudit, émouvant, sensible, gueulard…

Gueulard parfois !

Fédérateur, orateur, séducteur…

Séducteur ? Alors ça voudrait dire que je triche.

Oui mais tu as dit que tu avais déjà menti…

Donc c’est que je dois l’être alors !

Bâtisseur, paranoïaque…

Alors paranoïaque… Plus j’avance, plus ça me quitte : de côtoyer des journalistes lorsque je n’avais pas de boulot, d’aller sur des plateaux télés, ça m’a fait prendre conscience que c’était un vrai métier, que quand le mec dit de ton match que c’était pourri, c’est qu’il l’a étudié. Il ne dit pas ça parce qu’il a une dent contre toi. Donc je suis moins parano que je ne l’ai été, oui.

Authentique, clivant, fascinant, impressionnant…

Impressionnant, fascinant, je ne crois pas…

Maintenant que tu es en face de moi, c’est vrai, beaucoup moins (rires). on continue : tempétueux…

Tempétueux, non.

« Plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses »

Drôle, ironique, comédien…

Tu sais que je viens de tourner une télé-réalité, j’ai coaché une équipe de foot de la région parisienne, dans un championnat du dimanche, et qui n’avait pas gagné un match de l’année, et je les ai maintenus, en vrai ! Un truc de fou ! Et ça sort en septembre. Le producteur m’a dit, « ça va être un bijou » ! Ce qui me plaît dans la vie, c’est que plus j’avance, plus j’ai accès à plein de choses. Jamais je n’aurais imaginé travailler aux Nations Unis, puis jamais je n’aurais imaginé entraîner en pro, puis jamais je n’aurais imaginé aller sur des plateaux télés ou des émissions radio, écrire un bouquin, jamais je n’aurais imaginé tourner dans une télé-réalité… Aujourd’hui, je donne des conférences axées sur le très haut management, le management de crise, j’en fais une dizaine par an. A la fin, les gens se lèvent. Après Toulouse, j’aurais pu en faire deux par jour !

On continue : charmeur, pudique, intimidant, émouvant, nerveux…

Nerveux non, tu peux demander à ma femme.

Démagogue…

Dans les conférences de presse, c’est parce que je joue. c’est du jeu.

Respectueux…

Ah oui, je suis respectueux de ma hiérarchie.

Ta personnalité selon toi ?

Je suis généreux. Bienveillant.

Défauts ?

Rancunier. Mais ce n’est pas une rancune tenace. Avec l’ETG, ma rancune est partie, parce que je ne pense jamais à ces gens-là.

Pascal, y-a-til une question que j’aurais pu te poser et que je ne t’ai pas posée ?

Non, comme ça, je n’en vois pas…

Pascal, quelle question voudrais-tu me poser ?

Est-ce que tu penses sincèrement que tu es plus passionné que moi du football ?

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Après une saison en National 2 au FC Borgo, le Marseillais de 38 ans, professionnel à Toulouse, Tours, Vannes, Laval, Nancy et Bastia, vient de s’engager au Gallia Lucciana, en N3. Il privilégie le plaisir et pense aussi à sa reconversion, sans doute au bord des terrains.

Par Anthony BOYER / Photos Philippe Le Brech et DR

Photo Philippe Le Brech

Ce qui frappe dans le parcours d’Antony Robic, c’est qu’il a mis presque 8 ans, entre le moment où il a soulevé la coupe Gambardella en 2005, à l’âge de 19 ans, avec le Téfécé (succès 6 à 2 face à l’Olympique Lyonnais), et le moment où il s’est véritablement installé dans le milieu pro, en Ligue 2 tout d’abord, à Laval, en 2013, à l’âge de 27 ans.

Non pas que, pendant ces 8 années, « Anto » se soit égaré, loin de là, mais c’est vrai que, durant cette période, il est passé un peu par tous les états. Par toutes les étapes, surtout. Ligue 1 à Toulouse, où il n’a rien fait d’autre que de s’asseoir sur le banc des pros, car jamais lancé dans le grand bain par Elie Baup. National ensuite puis la Ligue 2, toujours à Tours, où après l’accession, il n’a plus trop figuré dans les papiers de son coach Daniel Sanchez.

Stage à l’UNFP avec les chômeurs, entraînements avec des clubs de National (Cassis-Carnoux, Fréjus) viennent ensuite jalonner son parcours du combattant qui le voit s’engager en 2010 pour une demi-saison à Martigues, en CFA, à 30 kilomètres de sa ville natale, Marseille.

De la Ligue 1 au… CFA !

Photo Philippe Le Brech

Au FC Martigues, il retrouve un club qu’il avait déjà fréquenté pendant deux ans chez les jeunes, après des débuts à 5 ans au Pontet, près d’Avignon, et à la MJC Avignon. « Au Pontet, j’ai rencontré un éducateur qui m’a fait aimer le football, Jean-Marc Saboye (ex-pro à Avignon, Rodez et Sète dans les années 80 et 90). Il m’a fait aimer encore plus ce sport et j’espère que, de là-haut, il est fier (il est décédé en 2000). »

Et si son départ au centre de formation de Toulouse, son titre en Gambardella et la signature de son premier contrat pro, en Ligue 1, laissait augurer un avenir doré, la suite fut bien plus compliquée. Finalement, après une demi-saison à Martigues, il est parti à l’âge de 26 ans, en CFA, dans le Loir-et-Cher, à Romorantin, pour se relancer. Et ça a fonctionné. Après une saison à 10 buts (28 matchs), il s’engage à Vannes, en National, qui possède le statu pro après sa relégation, un an plus tôt, de Ligue 2.

Après une bonne saison dans le Morbihan (32 matchs, 6 buts), il s’engage au Stade Lavallois, en Ligue 2. C’est le début de sa deuxième carrière, la meilleure des deux, à 27 ans ! Onze ans plus tard, « Tonton », comme l’appellent ses coéquipiers depuis quelques saisons en Corse, court toujours. Et marque toujours.

Scoot, recruteur, entraîneur-adjoint ….

Photo Philippe Le Brech

Tiraillé durant cette inter-saison entre l’envie de passer à sa reconversion et de continuer à jouer, « Anto » a finalement décidé de rempiler au Gallia Luciana, en National 3 (6e la saison passée), à quelques centaines de mètres de son domicile !
« Je me suis posé la question, mais j’ai encore envie de jouer, j’ai mis pas mal de buts, pas mal de passes décisives, personnellement, j’ai fait une bonne saison à Borgo même si on est descendu, je me sens bien physiquement, alors tant que je peux jouer, je joue. Mais je pense aussi à ma reconversion. J’ai passé une formation de scooting international, je voudrais m’orienter dans ce domaine, dans une cellule de recrutement, ça me plairait, que ce soit pour les jeunes ou les seniors. J’ai mon premier niveau d’analyste vidéo aussi. J’essaie d’être le plus complet aussi, si jamais un jour on m’appelle pour intégrer un staff. Entraîneur-adjoint aussi, c’est quelque chose qui me plairait. En revanche, entraîneur principal, moins. Ce que j’aime, c’est animer, c’est l’humain dans le groupe. Là, je suis en train de voir. De toute façon, je ne voulais pas quitter la Corse. J’habite à Lucciana, mon fils Tiago joue à Borgo, je vais le voir s’entraîner, il va avoir 5 ans (il a aussi une fille de bientôt 7 ans, Charlie). Son éducateur, Ludovic Guaitella, je l’ai rencontré par l’intermédiaire de Johny Placide (SC Bastia). Et « Ludo », il me rappelle mon éducateur au Pontet, Jean-Marc Saboye… »

Antony Robic, du tac au tac

Sans Romorantin, ma carrière aurait été différente !

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
J’en ai beaucoup ! La victoire en finale de la coupe Gambardella avec Toulouse (face à Lyon), parce que, quand tu es jeune, c’est le Graal ! Ensuite, mes deux titres de champion avec Nancy et le Sporting, en Ligue 2 et en National. Avec les jeunes de la Gambardella, on est resté en contact pendant un moment. On a un groupe WhatsApp encore aujourd’hui. Le dernier rassemblement que le Téfécé a organisé, la plupart des vainqueurs était là, mais pas tous. Parce qu’il y a peu de joueurs encore de cette époque en activité. Après, chacun a fait sa vie, a ses activités, mais c’est un plaisir de se revoir.

Qui sont les joueurs de la Gambardella à avoir fait une carrière pro ?
Il y a eu Xavier Pentecôte, qui aurait dû faire l’une des plus belles carrière de notre groupe, mais il s’est blessé; Kevin Constant, qui a quand même joué au Milan AC, Kevin Dupuis qui a joué en Ligue 2 et en National (Châteauroux, Orléans, Lausanne, Rodez), Rémy Lacroix qui a joué en National (Bayonne, Colomiers), Walid Cherfa (Tours), Thomas Ayasse (Arles-Avignon, Nancy, Brest, Le Havre, Troyes, Reims, Cannes), le gardien aussi (Pascal Elissalde). Mais on n’a pas été si nombreux que ça à devenir pro. On était plus un vrai groupe, on avait moins d’individualités que Lyon, par exemple, où il y avait Karim Benzema, Hatem Ben Arfa, Loïc Rémy, Rémy Riou ou encore Anthony Mounier.

Pire souvenir sportif ?
Quand j’ai connu la galère après ma troisième année pro, où je me suis retrouvé presque deux ans sans club, même si j’y ai toujours cru; mais cette période m’a forgé un mental de fou. Elle m’a énormément servi. On m’a souvent dit à l’époque que le plus dur, ce n’était pas de signer pro, mais d’y rester. Et cela a exactement été ça pour moi : j’ai signé pro en Ligue 1, je suis parti à Tours en National, on est monté en Ligue 2, au bout de ma deuxième année pro, et derrière, à Tours, j’ai un peu moins joué, j’ai eu quelques blessures, mais rien de fou, et je me suis retrouvé en galère après.

Le FC Borgo 2023-2024. Photo Philippe Le Brech

Combien de buts marqués ?
Pfiou… Je ne fais pas « pfiou » parce que j’en ai mis 1000 hein !!! Je ne sais pas, c’est dur, je ne les ai pas comptés. Je sais que les belles saisons, j’en ai mis une quinzaine, en Ligue 2, en National, après, dans ma carrière, au moins une centaine. Ma plus saison, je me souviens de mes « stats » : avec le Sporting-club de Bastia, quand on monte de National en Ligue 2, en 2020, avec 11 buts et 7 ou 8 passes décisives. J’avais déjà 33 ou 34 ans, comme quoi… La saison avec Nancy en L2 aussi, quand je mets plus de 10 buts, et qu’on monte en Ligue 1. Après, j’ai fait mes plus belles saisons à partir de mes 28 ans, jusqu’à mes 32 ou 33. Même cette année encore, avec le FC Borgo (N2), j’ai mis 11 buts en championnat, 3 en coupe et 6 passes.

Plus beau but ?
En National contre Colmar, avec Vannes. Le gardien dégage le ballon et le ballon ne touche plus le sol jusqu’à ce que je marque !

Photo Philippe Le Brech

Un but tout fait que tu as raté ?
Un penalty, pour mon triplé ! Le gardien la touche, elle va sur le poteau… Je crois que c’était Anthony Mandrea, le gardien, oui c’est ça, c’était contre Cholet, avec Bastia.

Ton geste technique préféré ?
C’est plutôt mon flair, mon intuition, j’ai mis des buts à la « Pipo » Inzaghi, en mode renard des surfaces, j’arrive assez souvent à me retrouver au bon endroit au bon moment.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Bon techniquement, assez adroit devant le but, et à une période la vitesse, moins aujourd’hui; sinon, pour les défauts, mon tempérament, mon caractère, qui par moments m’ont rendu moins lucide, parce que je me suis énervé ou braqué, j’ai pris des cartons de manière bête, même si je passe vite à autre chose. Avec les arbitres, cela n’a pas toujours été le top mais je ne suis pas rancunier. Je ne suis pas le même en dehors. Sur le terrain, je suis impulsif. En dehors, je suis plus agréable et facile à vivre (rires) même si j’ai mon caractère. Dans un vestiaire, je pense avoir été apprécié, capable de faire le tampon.

Photo Philippe Le Brech

Ton poste de prédilection ?
A la base, j’étais excentré droit et quand je suis passé pro, je suis passé devant, plutôt neuf et demi, le gars qui tourne autour. Après, si je dois être un soldat pour l’équipe, pas de souci, j’ai cette mentalité là, parce que, le plus important, c’est de jouer. Alors oui, j’ai déjà joué piston droit : physiquement c’est différent, c’est plus défensif. Je n’ai pas souvent évolué à ce poste, mais je me souviens d’un but avec Nancy, à Valenciennes, ou c’est moi, en piston droit, qui centre et c’est Vincent Muratori, le piston gauche, qui marque ! Et on gagne 1 à 0 ! Un bon souvenir.

L’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
J’ai eu de la chance, j’ai pris beaucoup de plaisir dans les clubs ou je suis passé, après, si je dois en retenir une, je dirais ma première année pro à Toulouse : il ne m’a manqué qu’une chose, juste la confiance d’Elie Baup. On avait un groupe exceptionnel. Même si je ne jouais pas, je faisais partie du groupe, je ne lâchais rien, le club a fini 3e de Ligue 1, et s’est qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions, c’était incroyable. Je me souviens des Bergougnoux, des Batlles, ils avaient fait une chanson pour moi.

La saison où tu as pris le moins de plaisir ?
(Il réfléchit).

Sous le maillot de Laval.

Tu peux dire cette année, à Borgo…
Non, non ! Malgré les résultats et la descente en N3, j’en ai quand même pris, et c’est parce que j’en ai pris encore cette saison que je vais continuer de jouer. Je dirais mon année à Tours, en Ligue 2 : cette saison-là, je joue moins, ce n’est pas l’entente de fou avec le coach (Daniel Sanchez).

Un club où ça ne s’est pas fait au dernier moment ?
J’ai eu Reims, Strasbourg, Lens, quand ils étaient en Ligue 2, sinon j’ai eu Debrecen, en Hongrie, quand je galérais un peu, ils faisaient la Ligue des Champions et m’ont proposé 5 ans de contrat. Le groupe était élargi, il fallait que ça se passe bien pour que cela soit vraiment intéressant, et j’ai refusé.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Pour un Marseillais, j’ai eu la chance de jouer au Vélodrome déjà ! C’est une fierté, devant la famille. Peut-être, bien sûr, que j’aurais aimé jouer pour l’OM, mais aussi le Barça, Milan AC. Je vais de temps en temps au Vélodrome, je suis allé voir OM-Lens et aussi OM-PSG cette saison.

Sous le maillot du Sporting.

Tes idoles de jeunesse ?
Chevtchenko. C’est le joueur qui m’a le plus marqué, par son humilité, son talent. Le tsar. J’ai eu la chance d’avoir son maillot du Milan AC dédicacé par lui, grâce au journaliste David Astorga, qui était venu faire un reportage sur nous à l’occasion de la Gambardella, quand je jouais à Toulouse : Téléfoot avait fait un reportage sur Ben Arfa de Lyon et moi, mais il n’est jamais passé, parce qu’il y a eu la retraite de Guy Roux qui a pris le dessus sur l’actualité ! Je n’ai jamais vu ce reportage, il n ‘est pas passé, j’aimerais bien que David Astorga me le montre !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
Oh là là, c’est dur, j’en ai plein… Celui qui me vient en tête, c’est Youssou Hadji à Nancy, un super mec, un super joueur, je l’ai eu il n’y a pas longtemps encore… A Toulouse, Dominique Arribagé, il donnait des conseils, il était adorable, malgré la différence d’âge, mais il m’a marqué en début de carrière.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Je le dis souvent, c’est Benoît Pedretti, pour sa vision du jeu, c’est facile de jouer avec lui, le ballon arrive dans les pieds sans que tu aies besoin de lever la main ou de l’appeler.

Sous le maillot de Nancy.

Des amis dans le foot ?
Mes amis, je les ai rencontrés en dehors du football. Certains jouent au foot pour le plaisir, après, dans le foot, j’ai beaucoup de joueurs avec qui je suis en contact régulièrement, mais ce n’est pas la même chose, il y a une différence entre amis et proches. Je suis proche de « Flo » Raspentino par exemple, d’ailleurs, j’ai lu son article récemment, il a oublié de me citer (lol), je vais me le faire (rires).

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
En fait, quand je me demande ce que devient quelqu’un, je cherche à savoir et après, je le recontacte. En général, même s’il y a longtemps que je ne les ai pas eues, des personnes comme Bryan Bergougnoux, avec qui on a vécu des super moments à Toulouse, qui a le coeur sur la main, j’ai des nouvelles de lui. Je ne l’ai pas revu depuis énormément de temps. Mais je sais ce qu’il devient.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Thierry Froger. Je ne l’ai pas eu pendant longtemps. Le feeling était pourtant bien passé, il m’avait donné le brassard à Vannes quand il est arrivé, il me faisait confiance.

Photo DR

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Daniel Sanchez (rires) ! Non, mais le truc, c’est qu’on n’avait pas un feeling de fou, et pourtant, en National, avec lui, j’ai joué quasiment tous les matchs à Tours. Mais il n’avait pas une totale confiance en moi et on a eu quelques petits problèmes, on a eu des discussions, c’est le foot. Je n’en veux à personne, ni à lui, ni à un autre. Régis Brouard aussi, j’ai eu du mal à le cerner, je l’ai eu au Sporting (Bastia), je ne sais pas, on dirait que ces coachs-là sont toujours dans la méfiance, qu’ils doutent de nous. Moi je suis quelqu’un de naturel, j’ai été déçu de certaines choses. Humainement, par exemple, j’ai beaucoup aimé Didier Tholot, pourtant, je n’ai pas joué plus avec lui qu’avec un autre.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Oui, et c’est bien de parler de lui, c’est Jacques Rousselot, à Nancy. Il est très apprécié des joueurs, dont il est proche, il les aime. On s’est beaucoup apprécié. Quand j’ai voulu partir à Laval, à six mois de la fin de mon contrat, il a tout fait pour aller dans mon sens et me rendre heureux. En fait, il fait tout pour que le joueur se sente bien. Grâce à lui, j’ai pu retourner à Laval et si j’ai eu une belle fin de carrière, c’est aussi en partie grâce à lui.

Le joueur le plus connu de ton répertoire téléphonique ?
J’en ai quelques-uns… « Lolo » Kozsielcny, « Dédé » Gignac, Olivier Giroud qui a dû changer de numéro, Clément Lenglet, « Youss » Hadji, et d’autres…

Une causerie marquante ?
Celles de Mathieu Chabert. Avec les joueurs, on faisait un peu le tour du vestiaire et on se demandait ce qu’il allait nous inventer. Ses causeries nous faisaient monter l’adrénaline, et à lui aussi !

Une anecdote de vestiaires marrante que tu n’as jamais racontée ?
(Rires) « Lolo » Batlles va en rire : un jour, les gars lui avait accroché ses affaires en haut du vestiaire pour ne pas qu’il puisse les atteindre et, surtout, ses affaires avaient été découpées au ciseau… Ses T.shirts, ses chemises, ses shorts un peu bizarres… Impossible pour lui de remettre ses fringues après ça ! Bon, moi, j’étais jeune, je regardais, je rigolais, mais je n’étais pas dans le coup. Aujourd’hui, oui, je serais capable de lui faire !

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
J’ai eu la chance de jouer au stade Vélodrome déjà, au Parc des Princes, à Bollaert, à Monaco l’année où ils sont champions de France. J’ai connu plein de beaux stades. Après, dans chaque club, dans chaque stade, j’ai eu des émotions, même un Laval – Le Mans à guichets fermés, où je marque au bout de 10 minutes de jeu, m’a procuré des émotions de fou, c’était la folie, et aussi à Marcel-Picot, à Nancy, le stade est en furie quand je marque et qu’on gagne 1 à 0 contre Lens. A Bastia aussi même si malheureusement il y a eu la Covid, mais la saison suivante, pour le retour en Ligue 2, je me souviens d’un Bastia-Nîmes en ouverture du championnat, dans un stade plein, ça fait beaucoup d’émotion tout ça. En fait, les émotions, ce sont surtout plus des périodes : je me souviens par exemple, le jour de mon anniversaire, contre le Red Star, je rate un penalty… Mais quinze minutes après, je marque… Mon premier derby avec Nancy à Metz aussi… Un déluge sur le terrain ! T’es à 1000 %, t’as envie de t’arracher, de donner aux gens. Après, si je dois citer un stade, c’est le Vélodrome, c’est le Graal. C’est vrai que je suis un grand émotif. Je joue au foot pour ça, pour prendre du plaisir. J’ai toujours privilégié ça par rapport à l’argent. C’est grâce à ça que j’ai pu vivre toutes ces émotions, je n’ai jamais eu peur de redescendre de plus bas pour remonter, pour reprouver des choses. Après Tours, j’ai galéré, je me suis entraîné avec Fréjus, avec Cassis, j’ai signé six mois à Martigues, j’ai joué à OM Loisirs ou je me suis régalé et après j’ai passé une saison incroyable à Romorantin, sans doute l’une des plus belles saisons de ma carrière, du moins en amateur; d’ailleurts, je suis toujours en contact avec des gens là-bas, comme Xavier Dudoit, ou Julien Converso, qui était directeur sportif, ou « Dédé », l’homme à tout faire du club. Sans Romorantin, ma carrière aurait été différente.

Avec Sébastien Da Silva, au FC Borgo. Photo FC Borgo

Un regret ?
J’en ai deux : de ne pas avoir vraiment joué en Ligue 1 avec Toulouse; Elie Baup avait ses 13 ou 14 joueurs et comme ça se passait bien, il ne changeait pas, et nous les jeunes, Alex Bonnet, Kevin Dupuis, Xavier Pentecôte, Walid Cherfa ou moi, on a très peu joué, mais le club a fini 3e de Ligue 1, dont on ne pouvait pas donner tort au coach, c’est juste que nous, on aurait aimé participer un peu plus. Malgré ça, j’ai passé une super saison. Même les joueur avaient fait une chanson pour moi. L’autre regret, c’est mon début de saison en Ligue 1 avec Nancy : journée 1, je marque contre Lyon d’un joli piqué devant Lopez, et le but est signalé hors-jeu, alors que j’avais célébré, je suis certain qu’il n’y avait pas hors-jeu, mais il n’y avait pas le Var, et puis, la journée suivante, à Rennes, je frappe, le défenseur stoppe le ballon de la main, penalty ! Je le tire, je le loupe… J’aurais pu être à deux buts en deux journées… Je suis à zéro. C’est un regret, car je sortais d’une belle saison en Ligue 2. Je pense que j’avais des choses à montrer en Ligue 1.

Que t’a-t-il manqué pour jouer durablement en L1 ?
Un peu plus de chance ! J’avais les qualité pour y jouer, j’avais le mental et la mentalité aussi. Peut-être que si je joue un peu plus à Toulouse avec Elie Baup, je ne vais pas en National à Tours après… On ne sait pas. Il aurait fallu jouer un peu plus. Avec Nancy, je joue en Ligue 1 mais on descend… Je suis arrivé tard, aussi, ça y fait.

Tes loisirs ?
J’aime bien regarder le foot à la télé, parce que je suis passionné. Et puis, ce qui me plairait, c’est d’être dans le recrutement. Là, j’étais à fond dans Roland-Garros. Après, il va y avoir l’Euro et les Jeux Olympiques. Sinon, j’aime bien le padel, pas le paddle sur l’eau, hein, mais le padel avec la raquette ! Et bien sûr profiter de ma famille et de mes amis. J’aime partir en voyage là.

Tu es un attaquant plutôt…
Altruiste.

Le milieu du foot ?
Compliqué, spécial mais passionnant ?

La descente du FC Borgo ?
Il aurait fallu que l’on soit pus régulier à l’extérieur. On a pris beaucoup de buts, presque 50, même si on en a marqué pas mal, mais on n’a pas pris assez de points en déplacement, où on n’a presque pas fait de nul. Notre effectif a été complet en octobre, on avait 1 points après 5 journées, il faut le rattraper tout ça ! On a été trop fébrile, on a pris des buts casquettes, des penalties, on a fait des cadeaux. Alors qu’on avait une équipe, si on avait été au complet d’entrée, pour jouer non pas la montée comme Boulogne, qui était au-dessus, mais dans les 3 ou 4 premières places. On avait un bon groupe mais ça n’a pas pris comme ça aurait dû, à cause des résultats. On avait beaucoup de cadres, de joueurs d’expérience.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Après des expériences en Belgique et au Luxembourg, l’ancien homme fort de Dunkerque a trouvé une nouvelle stabilité en Corse. Avec le FC Balagne, il a réalisé cette saison le doublé montée en National 2 et Coupe de Corse.

Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech

« Depuis que j’ai 16 ans, je vis de ma passion. Je suis dans mon élément. Je ne peux qu’être heureux surtout depuis que je suis en Corse. Je suis bien dans ma peau. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien. »
A 56 ans, Nicolas Huysman est aujourd’hui un homme apaisé. Quand on évoque son nom, on pense forcément à l’USL Dunkerque où il a débuté en Division 2 à l’âge de 16 ans et demi, avant de devenir, pendant quinze ans, un entraîneur et un dirigeant très investi. La fin a été brutale en 2016. Mais l’ancien milieu de terrain au 540 matchs professionnels a su se reconstruire chez les amateurs en Belgique puis au Luxembourg où il a connu la Ligue Europa.

Après un passage rafraichissant avec les U17 de Muret, près de Toulouse, il a rejoint le FC Balagne (National 3) à l’Ile Rousse, en Corse, en novembre 2022. En une saison et demie, son bilan est exceptionnel avec un maintien, une montée en National 2 cette saison et deux Coupes de Corse remportées. Il a prolongé son contrat de deux ans avec le club né de la fusion entre le FC Squadra Calvi et le FB Île Rousse en 2018. Sans langue de bois et avec sincérité, il est longuement revenu sur son parcours et ses convictions pour 13heuresFoot.

Des débuts en Division 2 à 16 ans et demi

Sa première vie a débuté chez lui, à Dunkerque. Il n’a que 16 ans et demi lorsqu’il est lancé en D2 en 1984. Après Dunkerque, il a évolué en Division 1 à Metz (1990-1993), Caen (1993-1995), Le Havre (1995-1999) puis enfin Créteil en L2 (1999-2001). « J’ai joué 540 matchs en pros, marqué 70 buts, c’est une carrière magnifique. J’en suis très fier même si je n’ai pas joué dans les meilleurs clubs du monde. Mais c’était des clubs qui me correspondaient, à taille humaine. Je ne suis pas du tout nostalgique. Tout ça, c’est derrière moi maintenant, et ça m’a permis de me construire dans ma vie tout court et ça m’a apporté dans ma façon de manager. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur assez tôt. Manager était une évidence chez moi. »

Sa reconversion, il l’a débuté en retournant début 2002 chez lui à Dunkerque, là où tout avait commencé. Depuis août 2016 et son licenciement, il a occupé plusieurs fonctions : entraîneur (équipe première et réserve), responsable de la formation, manager général et directeur général. « Une fidélité et une longévité de presque 15 ans dans un club, c’est exceptionnel. J’ai eu la chance de le faire. Surtout que j’étais chez moi, dans ma ville. C’était vraiment des belles années. On a pris ce club en CFA2 et on l’a mené aux portes de la Ligue 2 »

S’il a permis à l’USLD de monter deux fois en CFA comme entraineur, il reste « fier » de son bilan comme directeur général. « C’est un poste que j’ai adoré. J’aimais recruter, discuter salaire. J’aime les dirigeants qui disent non. Quand tu n’as qu’un euro en poche, tu ne vas pas en dépenser deux… Un président ou un manager n’est pas là pour être aimé. On peut raconter ce qu’on veut sur moi. Mais ce club, on l’a bâti, on l’a pérennisé, en lui donnant des fondations économiques. On lui a laissé des fonds propres. Il a continué à vivre et à grandir quand je suis parti et j’en suis fier. Quand on était là, il n’y a pas un joueur à qui on devait un euro ou qui a subi un retard de salaire. Moi, je n’ai rien volé à Dunkerque et je lui ai tout donné. J’ai fait beaucoup plus que certains qui sont juste passés et qui lui ont fait du mal. Moi, j’ai toujours voulu son bien. »

« J’aurais préféré partir autrement de Dunkerque »

Le FC Balagne a terminé en tête de sa poule en N3 cette saison.

Ses derniers mois sous fond de tension interne, ont été néanmoins difficile à vivre. « J’aurais aimé partir autrement. Je n’ai pas aimé la manière. On n’efface pas 15 ans comme ça… Je n’ai jamais triché avec ce club. Mais à un moment, la politique s’en est mêlée. Certains ont voulu, par ego, devenir calife à la place du calife. Malheureusement, beaucoup de gens trahissent pour le pouvoir. Mais finalement, je n’en veux à personne. C’est la vie… Et le milieu du foot, n’est qu’un accélérateur de vie. Moi, je suis quelqu’un d’entier. A un moment, j’ai peut-être été trop naïf. Mais je ne le suis plus. J’ai retenu la leçon. Après, j’ai la satisfaction d’avoir gagné tous mes procès. Ce n’est pas le plus important. Mais au moins, la justice m’a donné raison. Malgré cette fin, Dunkerque est toujours resté dans mon cœur. Quand je reviens, je suis toujours bien accueilli. J’ai gardé des amitiés fortes là-bas, comme partout où je suis passé d’ailleurs, que ce soit en Belgique ou au Luxembourg. »

Jusqu’en 2022, son fils Jérémy a continué à jouer dans l’équipe. « Jérémy, c’est un soldat de Dunkerque. Il a tout donné pour ce club qui le lui a bien rendu. Je ne rate pas beaucoup de matchs de Dunkerque à la télé. C’est toujours un bonheur de regarder cette équipe, surtout dans ce stade Tribut rénové. Je suis content de l’évolution du club depuis son rachat. Je ne connais pas Demba Ba, mais il a fait du bon travail. L’équipe joue et va vers l’avant. C’est un football qui donne mes émotions et ça, ça me plaît. »

« J’ai passé trois magnifiques années en Belgique.»

Mais revenons en arrière et à son départ forcé à l’été 2016. « Le jour où je partais de Dunkerque, je savais que je ne pourrais aller qu’à l’étranger. » C’est aux Royal Francs-Borains en 3e division amateur belge (le 5e niveau donc) que Nicolas Huysman va se reconstruire et refermer la cicatrice de l’USLD. Le club est situé près de la frontière, entre Valenciennes et Mons. « Ça ressemble un peu à Lens, il y a les mines, les corons. Les gens ont souffert, ce n’est pas très riche. Il y a beaucoup d’Italiens comme David Lasaracina, un dirigeant vraiment passionné et compétent. Tu as envie de tout leur donner. J’ai vécu une magnifique aventure humaine là-bas. Ce qui m’anime, c’est construire. J’étais dans mon élément. On a créé une vraie osmose avec mon staff, les dirigeants, les supporters. C’est une fierté collective. »

Son bilan à la tête du RFB, c’est 91 matchs, 57 victoires, 19 nuls et seulement 15 défaites. « La première année, on rate de peu la montée. On termine 2e derrière le RWD Molenbeek qui est un très beau club. La deuxième année, on monte en 2e division amateur. Et là troisième, on joue les play-offs pour monter en première division amateur. Aujourd’hui, le club a retrouvé la 2e division professionnelle. J’en suis très heureux. Je me suis vraiment régalé en Belgique. C’est une terre de foot où il fait bon vivre, où les gens se mélangent et sont ouverts. J’ai passé trois magnifiques années.»
Il a pourtant repoussé une offre de prolongation. « Tout le monde voulait que je reste. Mais c’était le moment de partir surtout que pour des raisons personnelles, je suis allé habiter à Nancy. »

La Ligue Europa au Luxembourg

En juin 2019, il découvre un autre pays, le Luxembourg. En concurrence avec plusieurs autres coachs (Noël Tosi, Damien Ott, Lionel Zanini), c’est lui qui est choisi par la Jeunesse Esch qui dispute le premier tour préliminaire de la Ligue Europa face aux Kazakh de Tobol Kostanay. « Jouer la Coupe d’Europe, c’est quand même intéressant. On s’est qualifié (0-0, 1-1), ça reste un bon souvenir. Au tour suivant, on est tombé sur Guimaraes qui était plus fort (0-1, 0-4). »

Six mois après son arrivée, il est écarté de son poste avec un bilan de 6 victoires, 5 nuls, 8 défaites. « C’était la première fois que je me faisais virer. Le Luxembourg, ça ne me correspondait pas trop. Il n’y a pas de culture foot, on ne peut pas construire. C’est de l’amateurisme avec beaucoup d’argent. Le foot luxembourgeois a aussi beaucoup progressé. Les meilleurs clubs pourraient jouer en National en France. »

Malgré cette première expérience mitigée au Luxembourg, il replonge en BGL Ligue en signant à l’Union Titus Pétange en octobre 2020. « C’était la deuxième saison perturbée par le Covid, c’était compliqué. Mais le club était mieux structuré. »
Il choisit de quitter son poste à la fin de mars : « ça s’est fait de manière très correcte avec les dirigeants. Moi, je suis quelqu’un de fidèle. Une personne m’avait venir à Pétange. Elle est partie, donc moi, je pars moi aussi avec lui. Je trouve ça normal. »

« Je me suis régalé avec les U17 de Muret »

De retour sur le marché français cinq ans après son départ de Dunkerque, il a peu de possibilités. « Quand tu pars à l’étranger et que tu reviens, en France, tu n’es plus personne. Il a fallu presque que je me reconstruise un nom. »
Après avoir vécu dans le Nord et dans l’Est, il décide de tenter sa chance dans le Sud. « J’ai fait un choix de vie. Je suis parti sans rien. J’avais coché trois villes que j’ai visité. Je me suis arrêté à Toulouse qui est une ville magnifique. »

Il garde un pied dans le milieu en entraînant les U17 de Muret. « Je me suis régalé avec eux. C’était une super expérience. Mais Toulouse, c’est le pays du rugby, pas du foot. Il n’y a pas toujours de la compétence. C’est dommage car il y a beaucoup de bons clubs dans le coin en N3 ou R1 avec des bons joueurs. Je suis persuadé que si un de ces clubs prenait un peu d’ampleur, il pourrait aller jusqu’en National. »

Après les U17 à Muret, Nicolas Huysman fut prêt de rebondir à Blois (N2). « J’ai fait une belle rencontre avec le président François Jacob. Mais sur le plan financier, le contrat était un peu trop juste pour que je m’y retrouve. J’ai aussi failli rentrer à la Fédération Française de Football au pôle espoir féminin de Castelnaudary. Mais je me suis fait avoir comme un gamin par certaines personnes. »

« Le FC Balagne, une belle rencontre, au bon moment »

En novembre 2022, l’appel des dirigeants du FC Balagne (club issu du rapprochement entre le FC Squadra Calvi et le FB Île Rousse en 2018) va changer le cours de sa vie. « C’est une belle rencontre qui est arrivée au bon moment pour moi, résume-t-il. Aujourd’hui, je revis une histoire humaine forte avec des gens vrais. J’aime les gens honnêtes qui avancent et qui ont des valeurs. J’ai trouvé tout ça ici en Balagne, une région magnifique, avec des personnes qui ont une identité et du caractère. Je cherchais ce projet basé sur l’humain pour construire. Construire, ça a toujours été ce qui m’a animé dans le foot. »
Quand il est arrivé, le club corse était avant-dernier et relégable dans son groupe en National 3. « On n’a pas vécu que des choses positives. J’ai perdu mon premier match puis on a fait deux nuls. Après la trêve, on s’est vraiment remis au « taff », on a fait quelques changements dans le groupe et on a enchainé une série d’invincibilité de 11 matchs. » Grâce à un bilan de 7 victoires, 6 nuls et 3 défaites, le FC Balagne se maintient confortablement (4e). Il remporte même la Coupe de Corse en battant l’AS Casinca (R1) après prolongations (3-2). « La Coupe de Corse, ici, ça veut vraiment dire quelque chose. C’est très important pour un club. Chaque région a son identité et pour les supporters, c’est une question de fierté. On fait du foot pour donner du plaisir et vivre ce genre d’émotion. »

« Terminer premiers, avec nos moyens limités, c’est une grosse performance »

Le 31 mai dernier, les Balanins ont conservé leur trophée en battant en finale Corte (N3) grâce à un but de Khalil Gannoun (1-0, 89e), qui a inscrit 30 buts en deux saisons. « Quand il est arrivé chez nous, ce n’était pas le même joueur. On l’a aidé à progresser. Je préviens les autres clubs : il a déjà resigné chez nous ! On a quelques Parisiens comme lui, Chevalier ou Siby. Ça fait un bon équilibre. »

Cette deuxième coupe de Corse a ponctué une saison historique pour le FC Balagne qui a réussi le doublé. Premier du groupe H de N3, le club corse va évoluer en N2. « On est vraiment allé chercher cette montée avec cet effectif de fous (sourire). On a eu nos deux meilleurs joueurs, Cropanese en août et Darrieux en janvier, qui se sont faits les croisés. Mais on n’a rien lâché. Ça a été un mano a mano avec Sainte-Geneviève qui est resté très longtemps invaincu (NDLR : jusqu’à la 22e journée à Brétigny). A l’aller, ils sont venus gagner 6-0 chez nous et à un moment on était à six points d’eux. Mais ils ont perdu à Brétigny puis on est allé gagner chez eux (2-1) la semaine d’après. On est repassé devant. Mais après, le ballon pesait mille tonnes.. A Saran (1-1), à l’avant-dernière journée, on n’est pas bons. Heureusement, on finit contre Ivry (4-1) dans une ambiance de folie. Avec les derbys corses et les huit équipes parisiennes, c’était vraiment un groupe très difficile. On a des moyens limités financièrement, donc terminer premier, c’est une grosse performance. Ce qui est important, c’est que le FC Balagne, ce n’est pas seulement le club de l’Ile-Rousse, c’est le club de toute la Balagne. »

Sous le maillot du Havre en division 1 (1997-98)

Nicolas Huysman a pu compter sur son staff composé de Julien Bouzin (27 ans), qu’il a connu à Muret, et Pierre Moulard, ancien coach de Santa Reparata. « Avec eux, je suis dans le partage et l’échange. A la fin, c’est moi qui tranche mais j’aime bien aussi la confrontation des idées. Un entraîneur doit savoir reconnaître qu’il s’est trompé. Il faut savoir anticiper et écouter les autres. Ce n’est que comme ça qu’on avance. »

Dans son élément en Corse, Nicolas Huysman a prolongé son contrat jusqu’en 2026. « J’ai ce beau projet, la qualité de vie, la beauté de l’endroit, le côté humain que je recherche. A mon âge, qu’est ce que je vais demander de plus ? Dans l’aspect humain, il y a une forme de similitude entre la mentalité du Nord et la mentalité corse. On retrouve la même solidarité et entraide. L’humain, c’est au coeur de ma vie. Je ne vois pas l’intérêt d’être entraîneur aujourd’hui, s’il n’y a pas ce côté humain, les relations, les échanges. Créer un groupe en tirant le maximum de chaque individualité, c’est ce qu’il y a de plus fort. Quand je vois Carlo Ancelotti dans les bras de ses joueurs… Dans certains endroits, ces valeurs humaines se perdent parfois. Mais pour moi, c’est la valeur essentielle pour réussir dans un club et y laisser une empreinte aussi. Le foot n’est pas moins beau en N2 ou N3 qu’en L1. En haut, il y a, certes, des contraintes. Mais je tire mon chapeau à tous les entraineurs amateurs. On fait un métier magnifique mais il faut avoir l’énergie, un ego fort et les capacités à gérer l’humain. Un entraîneur qui a un peu de bouteille aura, certes, moins d’énergie qu’un entraîneur plus jeune mais son expérience peut le rendre plus performant. »

Nicolas Huysman, du tac au tac

Meilleurs souvenirs ?

Sous le maillot de Créteil en division 2 en 2000-01.

J’en ai quelques-uns mais je vais en ressortir quatre qui sont merveilleux : cette saison déjà avec ce doublé fantastique, la montée en National avec Dunkerque, la Belgique où j’ai vécu des choses extraordinaires et la qualification en Coupe d’Europe avec la Jeunesse d’Esch. Tout ça c’est l’aboutissement d’un travail avec un staff et la récompense de ce qui a été fait. Je l’ai vécu dans presque dans tous les clubs où je suis passé.

Le pire souvenir ?
Le pire souvenir du foot, ce sont des gens qui n’ont pas été corrects… Je regrette d’être mal parti de Dunkerque quand j’étais directeur général. La manière ne m’a pas plu. Après, en tant qu’entraineur, quand j’ai été licencié de Jeunesse d’Esch. Mais on dit toujours « Tu ne seras pas un grand entraîneur tant que tu ne seras pas fait virer. » Donc voilà…
Vous êtes un entraineur plutôt…
Rigoureux. Il est indispensable d’établir un cadre. Cette rigueur, je me l’impose à moi-même. Je la transmets à mes joueurs par mes attitudes et mes actes. Je suis toujours dans l’échange, le dialogue et le partage. Les joueurs savent qu’ils pourront toujours compter sur moi, que je serai toujours là pour eux. Mais je dois aussi amener de la distance, je ne suis pas leur copain. Il faut savoir allier la baguette et la caresse. Comme on dit, une main de fer dans un gant de velours.

Les entraîneurs qui vont ont inspiré ?
Alex Dupont qui m’a formé et m’a fait jouer mon premier match en pro. C’est quelqu’un qui était proche de ma famille. Il m’a toujours accompagné et a toujours été là pour moi. Comme Francis Smerecki qui a toujours été bienveillant avec moi, notamment dans la carrière d’entraîneur en me permettant d’accéder à certains diplômes. Il y a aussi Guy David qui m’a entrainé au Havre. Il était magnifique humainement. Il passait presque plus de temps à discuter avant et après les matchs qu’à l’entraînement. Ces trois personnes qui ne sont malheureusement plus là aujourd’hui m’ont marqué et ont beaucoup compté pour moi dans l’évolution de ma carrière joueur-entraineur. Ils ont participé à ma formation. Je suis également toujours en contact avec Joël Muller.

Un modèle d’entraîneur ?
Jurgen Klopp. C’est un modèle dans sa façon d’être au niveau de l’engagement et la fidélité. Quand on voit ce qu’il a fait à Dortmund et à Liverpool… Pour moi, c’est une référence dans la construction d’un club, la durée et les émotions qu’il a pu transmettre aux gens et à ses joueurs.

Les dirigeants qui vous ont marqué ?
Quand j’étais joueur, forcément Carlo Molinari à Metz. Ça a été un président magnifique. À Dunkerque, j’ai été proche de mes présidents Jo Dairin, Jean-Christophe Géhi et Jean-Pierre Scouarnec avant qu’il ne parte en vrille. C’est dommage, c’est une bonne personne mais qui n’a pas été réglo à un moment. Mais c’est comme ça, c’est la vie du foot… J’ai aussi connu des entraîneurs qui n’ont pas été réglos. Au FC Balagne, j’ai une très bonne relation avec mon président René Navarro. C’est lui qui gère l’aspect financier et il a trouvé un bon équilibre. Cette saison, on n’avait que quatre contrats fédéraux. Des « petits » fédéraux. Moi, je ne m’occupe que du sportif. Il y aussi Jonathan Portillo, le directeur sportif, un ancien joueur qui a été mon adjoint l’année dernière. Il connaît le foot, il est compétent, il est très aimé des gens et il a un réseau intéressant. On travaille main dans la main pour essayer de construire et d’avancer avec le président et les dirigeants. Ça a été cohérent cette année et il faut continuer dans cette voie-là, car le plus dur arrive.

Les joueurs que vous avez le plus fait progresser ?
À Dunkerque, j’ai le souvenir de Clément Tainmont qu’on était allé chercher à Lesquin en CFA. Il a ensuite joué en Ligue 2 à Reims et fait une très belle carrière en Belgique, à Charleroi, notamment. Il y en a d’autres qui ont grandi avec le club de Dunkerque comme mon fils Jerémy, ou Junior Senneville. On a aussi fait sortir Mouaad Madri, qui a commencé en CFA 2 avec nous et qui a ensuite joué à l’AC Ajaccio et à Lens. À Dunkerque, on a toujours eu un groupe de joueurs qu’on a fait progresser. Mais on n’a pas un énorme vivier. Dunkerque, c’est une ville enclavée, avec la mer d’un côté et la Belgique de l’autre. Les Belges, ils allaient pas venir chez nous, ils gagnaient plus chez eux. Et à l’époque, il y avait Lens, Lille, Valenciennes bien devant. Dunkerque n’était pas le club qu’il est devenu aujourd’hui. C’est un bon petit club maintenant. Le stade Tribut a bien évolué. Il leur manque juste un centre d’entraînement. Entre parenthèses, le projet du centre à Vallières, c’est moi qui y avait pensé il y a 15 ans. Comme quoi je connais assez bien ma région pour savoir que c’était le bon endroit… A l’époque, le maire n’y croyait pas. Ils y sont revenus mais ils ont perdu 10 ans.

Vos amis dans le foot ?
Je suis proche de beaucoup de gens. J’ai beaucoup de potes mais je vais citer en premier Ludovic Pollet, un ami de 30 ans. On a joué ensemble au Havre et on a partagé beaucoup de choses. Il a toujours été là pour moi et j’ai été toujours là pour lui. Des vrais amis, tu n’en a pas 100 000… Après, j’ai 4-5 amis très forts hors foot, dont un policier et un chef d’entreprise sur Pau. Je suis quelqu’un qui va plutôt vers les gens dont j’ai jamais eu trop de mal à faire des rencontres.

Vos occupations en dehors du foot ?
Des choses simples de la vie. J’aime bien être avec les gens que j’aime, mon amie qui est à Saint-Tropez. C’est beaucoup de repos et de sport. Je cours 8-10 kilomètres tous les deux jours. J’aime les balades, marcher aussi les pieds dans l’eau. Le matin, j’apprécie de prendre mon café avec mes potes. Après, le foot, ça prend quand même beaucoup de temps. Le matin, on est au bureau, on prépare les séances, les matchs, la vidéo, le suivi des joueurs et l’après-midi on s’entraîne. La saison prochaine, en National 2, on doublera certains jours, on fera entraînement le matin et l’après-midi.

Le Nord ou la Corse ?
Dunkerque, c’est chez moi, c’est ma ville. Mais je ne pense pas revenir y habiter. J’étais à Toulouse, qui est aussi une ville magnifique, pendant deux ans et maintenant je suis ici en Corse. Quand on est dans le sud, c’est difficile de remonter après. En Corse, je me sens bien. La qualité de vie, la beauté de l’endroit, le côté humain des gens… J’arrive à un âge où c’est tout ce que je demande. Je vieillis mais je suis bien dans ma peau. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi bien. J’ai trouvé un paradis de vie. Là, j’ai le soleil devant les yeux et je vois la mer en face de moi… Mais je ne l’ai pas trouvé tout de suite. On ne me l’a pas donné.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech

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L’attaquant de 40 ans, passé par Sochaux, Clermont, Reims et Cannes, revenu terminer sa carrière il y a 11 ans à Belfort, chez lui, là où tout a commencé, a décidé de raccrocher après un parcours bien rempli. Il devrait intégrer la direction sportive de l’ASMB, maintenue de justesse en National 3.

Par Anthony BOYER / Photos DC Sport Com et Philippe Le Brech

À Belfort, Thomas Régnier est connu comme le loup blanc. Peut-être même encore plus que le célèbre lion de Bartholdi, emblème de la ville, qui repose au pied de la falaise de la citadelle.

À Belfort, l’ancien joueur professionnel de Sochaux est aussi, à son échelle, un emblème : celui de son club, l’ASMB, où il a tout vu et tout connu, pendant 20 années, réparties en deux périodes, l’une de 9 ans, lorsqu’il était ce gamin insouciant qui rêvait de marquer des buts comme Jean-Pierre Papin avant de partir au centre de formation du voisin sochalien. L’autre de 11 ans, de son retour en 2013, après une belle carrière qui l’a successivement vu signer dans des clubs pros et amateurs (Clermont, re-Sochaux, Châtellerault, Cannes, Mulhouse, Reims, re-Mulhouse, Colmar, Lille B), entre Ligue 2 et CFA (National 2), jusqu’à cette fin de saison. Une fin de saison éprouvante, à l’issue de laquelle son club de coeur s’est maintenu in extremis en National 3.

Le stade Serzian, sa deuxième maison

Avec Belfort, en National, contre Amiens. Photo Philippe Le Brech

Ce maintien, il n’a tenu qu’à un fil… et à un retour, presque 6 ans après, de l’emblématique entraîneur Maurice Goldman, en remplacement d’Anthony Hacquard. Goldman, 68 ans, retraité actif et toujours attentif aux performances de « son » club, consultant sur FFF TV les soirs des matchs de … Sochaux à Bonal, fut celui qui avait conduit l’ASMB du CFA2 (N3) en National, entre 2010 et 2015. Il fut surtout celui qui est resté assis sur le banc, au stade Serzian, sa deuxième maison, de 2002 à 2018 sans interruption. Il fut aussi le coach qui a un temps fait rêver toute une ville à une improbable accession en Ligue 2 : c’était en décembre 2015 lorsque, à la trêve de Noël, les Lions du Territoire jouaient les premiers rôles, champions d’Automne devant les favoris Strasbourg, Orléans et Amiens.

Cette saison-là, finalement, l’ASMB céda son fauteuil de leader dès la reprise de janvier, lors de la dernière journée de la phase aller, contre Strasbourg, avant de complètement craquer lors de la phase retour, terminant à la 14e place (sur 18), retombant la saison suivante en National 2.

Thomas Régnier faisait déjà partie des meubles à cette époque : avec ses 15 buts en 30 matchs lors de la saison 2014-2015, ses coéquipiers et lui, dont un certain Kevin Hoggas, avaient largement contribué à cette accession historique, avant d’inscrire à nouveau une quinzaine de buts, étalés sur deux saisons cette fois, entre 2015 et 2017, en National.

Employé à la Ville

Photo Philippe Le Brech

À Belfort, donc, l’attaquant, qui portait le brassard de capitaine ces trois dernières saisons, est aussi très connu en ville. Parce qu’en dehors du football, il travaille à la Ville, au service des eaux. C’est aussi parce que ce rythme – travail de 8h à 16h puis entraînement avec son club, retour à la maison vers 21h -, est devenu une charge plus difficile à « supporter », l’âge aidant, qu’il a choisi de mettre un terme à sa carrière à l’issue du dernier match de championnat le mois dernier à Raon-l’Etape, un maintien en National 3 à la clé, assuré de justesse, au bénéfice de la place de meilleur 11e. « ll fallait un électrochoc. Le changement de coach n’a pas été fait de gaieté de coeur mais on sentait que, sans ça, on allait descendre. Au final, cela a été une bonne chose puisque l’on s’est maintenu ».

Mission accomplie donc, pour le Belfortain, qui a bouclé la boucle : « Oui, j’arrête, le club le sait, annonce Thomas; je devrais intégrer la direction du club. On va se revoir avec le président (Jean-Paul Simon). J’ai envie de faire progresser le club sur certains aspects. Il n’y avait pas de directeur sportif jusqu’à présent. Je souhaite épauler les dirigeants et le nouveau coach, Alexandre Demougeot, puisque Maurice (Goldman) ne reste pas. Il était venu juste pour les trois derniers matchs. Je pense qu’on est sur la même longueur d’ondes. J’ai 11 ans de club, sans compter les 8 ou 9 années de présence en jeunes. En fait, j’ai 20 ans de club ! Ce serait une suite logique. »

« J’ai envie de m’investir dans le club »

Photo DC Sport Com

40 ans, le bel âge pour arrêter ? Pas sûr… Demandez à Nassim Akrour, 50 ans, toujours bon pied bon oeil en National 3 à Chambéry ! Depuis sa chambre d’hôtel à Marrakech, où il passe des vacances, Thomas concède : « C’est vrai que je me suis demandé si je devais vraiment arrêter. Même encore aujourd’hui, je ne sais pas si j’ai pris la bonne décision. Mais je pense que je suis arrivé à un stade où j’ai envie de faire autre chose et, surtout, je n’ai pas envie de faire l’année de trop. J’ai quasiment joué tous les matchs cette saison. J’ai 40 ans, et à cet âge-là, au poste d’attaquant, c’est plus difficile que de jouer derrière, parce que tu affrontes des jeunes qui vont à 2000 à l’heure. Je sais bien que Nassim (Akrour) joue encore à 50 ans, mais lui, il est incroyable ! Et puis j’ai envie de m’investir dans ce club, d’une manière différente. »

Indéniablement, Thomas est très attaché à sa ville et à son club : « Oui mais j’ai aussi adoré Cannes, où je ne suis resté qu’une saison, et Lille. Mais à Belfort, j’ai tous mes amis, toute ma famille, je travaille à la Ville, franchement, j’aurais du mal à en partir. »

À l’ASMB, il a aussi vécu un quart de finale de coupe de France en 2020 (élimination face à Rennes) après avoir sorti, devant 3000 personnes à Serzian, Montpellier (L1) et aussi Nancy (L2). Aujourd’hui, il aimerait participer à la restructuration du club, dans un rôle de directeur sportif : « On peut retrouver le National un jour, mais pas tout de suite. Il y a du travail d’abord. Si on est descendu en National 3 la saison passée, ce n’est pas un hasard. Cela veut dire qu’il y a des choses à modifier, à restructurer. Simplement, il faut du temps. On a toujours été suivi au niveau des collectivités. Il y a une certaine attente. Donc oui, on peut faire quelque chose, mais d’abord il faut poser les fondations. »

Thomas Régnier, du tac au tac

« Petit, je me prenais pour Papin ! »

Photo DC Sport Com

Meilleur souvenir sportif ?
Quand j’ai fait mon premier match en coupe d’Europe de l’UEFA avec les pros de Sochaux, contre Olympiakos (en février 2005, Thomas était en jeu à la 74e à la place de Jaouad Zairi, face au Pirée où évoluait Rivaldo).

Pire souvenir sportif ?
Ce n’est pas évident… La descente de National en CFA avec l’ASM Belfort, en 2017. Mais je n’ai pas eu beaucoup de mauvais souvenirs dans ma carrière.

Combien de buts marqués ?
Je ne les compte pas mais je dirais depuis mes années seniors, près de 200, et chez les jeunes, à Sochaux, je marquais pas mal aussi.

Plus beau but ?
C’était à Belfort contre Boulogne en National, Sofiane Khadda m’avait envoyé un ballon, je l’avais contrôlé en pleine course et j’avais envoyé un extérieur du pied en pleine lucarne !
Le but (avancer à la 25e seconde) :

Un but tout fait que tu as raté ?
Il y a trois ans, à Haguenau, j’ai raté un penalty, et juste avant, alors qu’on avait des joueurs désignés pour le tirer, ça s’était un peu chamaillé pour savoir qui allait le prendre, et au final,  ça m’a sorti du match et j’ai tiré complètement à côté !

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Des cartons rouges ?
Oui, j’en ai pris trois, mais c’était plus de la maladresse qu’autre chose.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Mon père voulait m’inscrire au judo mais je ne voulais pas en faire. Je voulais faire du foot. Je regardais les matchs à la télé, je voyais Jean-Pierre Papin et quand j’ai commencé, à l’entraînement, je me prenais pour lui (rires) ! J’ai effectué mes débuts à Valdoie, juste à côté de Belfort : j’y ai joué 3 ou 4 ans, puis ensuite j’ai rejoint l’ASM Belfort.

Ton geste technique préféré ?
C’est le double contact, « inter-extér », attention, pas celui de Ronaldinho « exter-inter », qui est un peu plus facile (rires) ! Mais généralement, je ne fais pas trop de gestes techniques, je suis plus dans la simplicité.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités, celles d’aujourd’hui, pas celles que j’avais à mes 18 ans ? C’est le jeu aérien et je suis à l’aise techniquement. Mes défauts, je suis un peu fainéant, nonchalant, mais j’ai toujours été nonchalant.

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Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis maniaque. Et fidèle.

Que t’a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 selon toi ?
Je pense que ça ne s’est pas joué à grand-chose : des choix de carrière peut-être… Quand je suis parti à Clermont, j’étais le 4e ou 5e attaquant du groupe pro à Sochaux, et ils se blessent tous, donc le club a fait monter deux jeunes, Erding et Quercia, et finalement ce sont eux qui jouent. Après, je n’ai aucun regret, parce que j’ai fait une carrière correcte, cela aurait pu être moins bien aussi.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Quand je suis revenu à Mulhouse, en 2008-2009, après ma saison en National à Cannes, j’ai pris beaucoup de plaisir, je suis seul devant, dans une équipe qui ne jouait que pour moi, et j’avais mis 24 buts, ce qui m’avait permis de rebondir derrière.

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Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
L’année à Reims. Après Mulhouse, donc, j’avais plusieurs clubs qui me voulaient : il y avait Dijon en Ligue 2 mais il fallait attendre car un attaquant devait partir, j’avais Evian Thonon Gaillard, en National, avec Stéphane Paille, que j’avais eu deux ans plus tôt à Cannes, et finalement, j’ai signé à Reims, en National, sans savoir qui allait être le coach, et deux semaines après, c’est Marc Collat qui est arrivé… Marc Collat, tu le connais ? C’est le coach que j’avais eu à Clermont-Ferrand en Ligue 2 quelques années plus tôt et ça ne s’était pas très bien passé. Donc j’ai des regrets par rapport à ça. Je regrette de ne pas être allé à Evian ou à Dijon. Et aujourd’hui, je dis à tout le monde, « Ne signez pas dans un club sans savoir qui va être le coach, parce que si l’entraîneur ne vous veut pas… » Après, pour moi, ça ne s’était pas mal passé à Reims, mais bon… Ce sont les antécédents que j’avais avec Marc Collat qui ont fait que…

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Le club où tu as failli signer ?
J’ai eu beaucoup de propositions quand j’étais jeune, j’ai même eu le Werder de Brême quand j’étais à Sochaux, mais ça n’était pas allé plus loin que ça, j’ai eu des D1 suisses aussi. Mais jamais de clubs où ça ne s’est pas fait au dernier moment. Je disais oui ou non et voilà.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le club mythique pour moi c’est le Real Madrid, depuis tout petit, alors je suis content qu’ils aient gagné la quinzième Ligue des Champions samedi !

Mulhouse, Belfort, Sochaux ou Strasbourg ?
Euh… c’est compliqué…. Je dirais Belfort. Pour la longévité !

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Un coéquipier marquant ?
Celui qui m’a marqué, quand j’étais jeune, c’est Jérémy Menez, par rapport à ses qualités, il était au-dessus de la moyenne.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Quand j’étais à Cannes, j’étais ami avec Jérémy De Magalhaes, et avec le temps, je me suis éloigné de lui, je ne sais pas ce qu’il est devenu. J’aimerais bien savoir. On s’entendait super-bien.

– Jérémy est directeur technique de l’académie Michel-Hidalgo à Antibes et a entraîné l’équipe II du Cannet-Rocheville, au Cannet, à côté de Cannes, et là, il vient de reprendre l’équipe de Régional 2 de Mouans-Sartoux…
– Ah je ne savais pas. On s’entendait bien en dehors du terrain, on allait toujours manger ensemble, c’est à lui que j’ai pensé en premier.

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Le joueur avec lequel tu avais un super feeling dans le jeu ?
Il faut que je réfléchisse là… c’était en jeunes, Badara Sène, on a été formé ensemble, je marquais beaucoup de buts grâce à lui, alors qu’il était numéro 6, mais il m’envoyait beaucoup de ballons dans la profondeur, derrière la défense, et comme j’allais très vite à l’époque… J’ai dû mettre 50 buts avec lui entre les jeunes et la CFA ! Ensuit il a joué en pro à Sochaux, à Guingamp et au Mans; là, il est sur Montbéliard.

Un adversaire qui t’a impressionné ?
En jeunes, en CFA, avec Sochaux, on jouait contre l’OL. On était renforcé avec Jérémy Mathieu, Ibrahim Tall, et Lyon avait aligné une très grosse équipe avec Bergougnoux, Nilmar, Jérémy Clément, Diatta, Vercoutre dans les buts, on avait perdu 2 à 1. Ils m’avaient impressionné.

Jean-Paul Simon, le président. Photo DC Sport Com

Le défenseur qui t a posé le plus de problème ?
C’était à l’entraînement, Souleymane Diawara, c’était un roc, c’était très dur, très compliqué contre lui.

Un match référence ?
Je n’en ai pas.

Ton pire match ?
Avec la réserve de Sochaux, j’avais loupé deux penalties : je tire le premier, je le loupe, il est donné à retirer par l’arbitre et je loupe encore…

Le meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
Jérémy Menez.

Plus grosse prime de match ?
Avec Sochaux, en coupe de France, en plus, j’avais des primes individuelles, en 16e de finale à 2005, on avait gagné 1 à 0 à Saint-Symphorien. Combien j’avais pris ? Je ne sais plus (rires). C’était une belle prime, négociée avant dans le contrat. Mais ce ne sont pas non plus les primes de maintenant !

L’entraîneur emblématique du club, Maurice Goldman, est revenu pour les trois derniers matchs. Photo DC Sport Com

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Malheureusement il n’est plus des nôtres, c’est Stéphane Paille. Avant qu’il ne décède, je me disais « Je vais l’appeler », et je ne l’ai pas fait, c’est un énorme regret. J’étais proche de lui à l’époque.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Marc Collat, même si je n’ai rien contre lui.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Mon président actuel, Jean-Paul Simon, pour sa longévité.

Photo DC Sport Com

Une causerie de coach marquante ?
Les causeries de Maurice Goldman à Belfort. C’est un entraîneur atypique. Tu perds 4 à 0 à la pause mais lui, il va te faire croire que tu vas gagner 5 à 4. Il est très fort dans ce domaine, dans le mental. C’est une de ses qualités. D’ailleurs, quand il nous a repris à trois journées de la fin du championnat cette saison, alors que franchement, on était au plus mal, il a su redonner confiance au groupe, et il l’a fait, on l’a fait, on s’est maintenu en N3 ! Il n’y a que lui qui pouvait faire ça !

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
Avec Maurice Goldman, forcément : Je vais te raconter : à la mi-temps, il arrivait toujours 5 minutes après tout le monde parce que d’abord, il allait écouter aux portes du vestiaire des visiteurs pour savoir ce qui se disait ! Il se planquait dans les toilettes qui communiquaient avec les vestiaires adverses ! Et quand il arrivait, il disait « Bon, ils disent ceci, cela, Régnier, tu te fais bouffer dans les duels… » (rires) C’est un exemple. Mais il fallait toujours l’attendre à cause de ça.

Anthony Hacquard a été écarté à trois journées de la fin. Photo DC Sport Com

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Je n’ai plus de joueurs connus dans mon répertoire, de joueurs qui performent aujourd’hui en Ligue 1 ou en Ligue 2. Sinon, parmi les plus « anciens », c’est Bernard Genghini.

Des rituels, des tocs, des manies ?
Plus quand j’étais jeune. Il fallait que je rentre en posant un certain pied en premier sur le terrain, mais plus tu vieillis, moins tu en as. Le foot est devenu moins important aujourd’hui. Les rituels, tu les fais moins. Au fil des années, j’ai perdu tout ça.

Tes modèles de jeunesse ?
Roberto Carlos, alors que c’était un arrière gauche. Quand j’étais tout petit, c’était Papin, et ensuite, en grandissant, Ronaldo, le Brésilien, R9 !

Tes passions dans la vie (en dehors du foot) ?
Ma famille, mes amis. J’aime bien passer du bon temps avec eux. Je suis quelqu’un d’assez simple.

Tu es un attaquant plutôt…
Habile.

Une devise, un dicton ?
Chaque catastrophe est une opportunité.

Une appli mobile ?
WhatsApp.

Une ville, un pays ?
Marrakech. J’y vais souvent. Barcelone aussi. J’aimerais bien aller à Hô Chi Minh-Ville au Vietnam, j y suis allé une fois. Mais c’est loin (rires).

Un plat, une boisson ?
j’aime bien le coca et les coquillettes à la viande hachée.

Cinéma ?
Je suis fan de Denzel Washington.

Un film culte ?
Man on fire (avec Denzel Washington).

Dernier match vu à la télé ?
Les deux derniers c’est Saint-Etienne – Metz, le barrage aller, et Real – Dortmund.

La dernière fois que tu as assisté à un match pro ?
Je suis allé voir Sochaux – Rennes en coupe de France en 8e de finale cette saison à Bonal (1-6).

Un sport (autre que le foot) que tu aimes bien ?
Le padel.

Ce que tu détestes par-dessus tout dans la vie ?
Le mensonge.

Un chiffre ?
Le 7. J’adorais ce numéro, que j’avais à Mulhouse. Et quand je suis arrivé à Belfort, on m’a donné le 9, il y a 11 ans, alors que ce n’est pas mon chiffre préféré, mais je l’ai gardé.

Une couleur ?
Le bleu. Non, pardon, le vert !

Un surnom ?
La Régnance ! (Contacté, Jérémy De Magalhaes dit qu’on le surnommait « Tintin » !)

Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas. C’était… football sinon rien !

Le milieu du foot ?
Ingrat.

Le club de Belfort ?
Fraternel.

Sa fiche : né le 11 mars 1984 à Belfort (40 ans). Poste : attaquant.
Parcours : Valdoie, ASM Belfort, Sochaux (L1, 2004-05), Clermont Foot (Ligue 2, 2005), Sochaux B (CFA, 2005-06), Châtellerault (National, 2006-07), Cannes (National, 2007-2008), Mulhouse (CFA, 2008-2009), Reims (National, 2009-2010), Colmar (National, 2010-dec 10), Mulhouse (CFA, janv. 2011-juin11); Lille B (CFA, 2011-2013), Belfort (CFA, National, N2 puis N3, 2013-2024).

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Pour sa deuxième expérience de coach après Amnéville, l’ex-joueur de Metz, passé aussi par Le Havre, Grenoble, Tours et le Gazelec Ajaccio, a conduit l’USTL du Régional 2 au National 2 en seulement trois saisons. Avec une recette simple : ambition, adaptation, exigence, rigueur et professionnalisme.

Par Augustin Thiéfaine / Photo Paul Collinet

Quelques heures avant de fêter l’accession historique en National 2 de son équipe et le titre de champion du groupe I de National 3 contre la réserve du Stade de Reims, Julien François, l’entraîneur de l’US Thionville Lusitanos, est revenu sur sa fabuleuse épopée avec l’entité mosellane.

De son antre de Guentrange (le nom du stade de Thionville) à deux pas du Luxembourg jusqu’aux confins de la Nouvelle-Calédonie en Coupe de France, en passant par un face-à-face historique avec l’Olympique de Marseille 0-1 en 32e de finale, le 7 janvier dernier), le jeune coach (44 ans) s’est confié sur les clés qui ont mené l’USTL à un niveau jamais atteint auparavant. Une réussite accomplie en seulement trois petites années, 36 mois après la fusion des deux clubs de la cité thionvilloise (le Thionville Football Club et l’AS Portugais Saint-François) alors en Régional 2.

FC Metz, GFC Ajaccio…

Julien François, c’est plus de 300 matchs de Ligue 2 comme joueur, des montées en Ligue 1 avec le FC Metz, son club formateur (il y a évolué dans toutes les catégories jeunes) et aussi le Gazélec Ajaccio, son club de coeur. Une riche et passionnante histoire d’amour entre lui et le ballon rond, des années au plus haut niveau et surtout une personnalité humble mais pas moins ambitieuse qui ne voue un culte qu’à la victoire.

Mosellan de naissance et fils d’un ancien conseiller technique du département, il a tapé dans ses premiers ballons à 5 ans. Il n’a ensuite jamais perdu cette petite flamme intérieure qui le lie au football, un sport dans lequel il le dit lui-même il a « toujours baigné ».

Une carrière de joueur réussie

Aujourd’hui, s’il a rangé les crampons, il ne s’est pour autant pas mis en retrait des terrains : désormais, c’est sur le banc que cet ancien rugueux milieu défensif officie. C’est d’ailleurs dans ses contrées originelles que le « jeune » entraîneur a fait ses gammes : à Amnéville, en National 3 déjà, entre décembre 2019 et avril 2021, puis 15 kilomètres plus au nord, dans la sous-préfecture mosellane, à Thionville, où il vient d’achever sa troisième saison. Trois années qui l’ont propulsé son équipe et lui du Régional 2 au National 2, un niveau qu’il (re)découvrira dans quelques semaines.

Du Régional 2 aux sommets du National 3, son groupe n’a finalement que très peu changé, avec à la baguette de joueurs du cru, régionaux, et dévoués au souhait de la Ville et de son maire, Pierre Cuny, de voir performer une équipe thionvilloise dans le petit monde du ballon rond français. A tel point que les entités locales ont été poussées à la fusion en 2021. Le FC Thionville et l’AS Portugais Saint-François donnèrent naissance à l’US Thionville Lusitanos, dont les rênes ont été confiées d’entrée à Julien François.

« Le seule chose qui compte, c’est de gagner des matchs »

Fort de son expérience, de sa connaissance et de la rigueur du plus haut niveau, le coach, passé aussi par Tours, Grenoble et Le Havre durant sa carrière de joueur, auparavant adjoint de Jean-Luc Vanucchi ou d’Albert Cartier notamment au Gazélec d’Ajaccio, voulait voir plus grand en arborant la casquette d’entraîneur principal.

« Mon envie d’entraîner est arrivée de manière plutôt naturelle. Quand j’étais sur mes dernières années de joueur, je ne m’étais pas trop posé de questions. J’ai été capitaine pratiquement dans tous les clubs dans lesquels je suis passé. J’ai le tempérament pour coacher, ce leadership que j’ai envie de communiquer, d’imprégner à mes joueurs. Quand vous êtes sur le terrain, on ne vous donne jamais le brassard par hasard. Donc quand vous êtes entraîneur et que vous choisissez votre capitaine, c’est que vous voyez en lui un relais, une personne de confiance capable de passer des messages en interne et de diffuser une énergie, une force sur la pelouse. Être entraîneur c’est aussi ça, c’est être entraînant. Au plus haut niveau, c’est être un manager et on nous forme aussi à ça. C’est un métier où il faut être curieux et passionné. Je le suis. Il faut aussi lire, écouter. Il faut regarder, changer et savoir se remettre en cause. Il y a toujours une différence entre avoir des certitudes et être trop sûr de soi. Les garçons attendent que vous soyez juste avec eux, qu’ils aient 18 ou 33 ans. Dans tous les cas, il faut donner un cadre, des aspects et des tactiques dans lesquels croire et dans lesquels on sent les joueurs capables de restituer le meilleur chaque semaine. Se présenter comme un apôtre du beau jeu, oui pourquoi pas… mais aujourd’hui, la seule chose qui compte c’est de gagner des matchs et ça reste l’essence de notre projet. »

« Mon ambition est de retrouver le plus haut niveau »

« Au départ, sur les deux premières années, on était un peu surdimensionné : la première année, en R2, on termine avec 18 points d’avance, on marque 100 buts, on n’en concède même pas 15. L’année suivante en R1, on monte encore avec 15 points d’avance. Cette année, en N3, c’était peut-être moins évident, mais au final on a été leader de la première à la dernière journée et on a fait un parcours en Coupe de France assez énergivore qui a été autant un tremplin que des difficultés supplémentaires à gérer. »

En point d’orgue, ce périlleux déplacement au 7e tour, à 16 000 kilomètres, en Nouvelle-Calédonie, couronné de succès face à Hienghène Sport (4-0). Ce souvenir est à jamais gravé dans les esprits thionvillois.

Les Mosellans seront ensuite renversants à domicile où ils se hissent en 32e de finale en éliminant le demi-finaliste de l’édition précédente, le FC Annecy (Ligue 2). Leur parcours s’achèvera face à l’Olympique de Marseille, contre qui ils auront fait plus que résister (élimination 1-0). Ces embûches et ces états de forme ou de fraîcheur (allant jusqu’au décalage horaire !) auront poussé Julien François hors de sa zone de confort pour trouver les bonnes formules et ainsi préserver les Thionvillois vers leur véritable objectif : la montée en National 2.

« Finalement ce ne sont pas trois ans de perdu tant le club grandit, même si d’un point de vue plus personnel, j’en ai perdu deux dans les échelons régionaux par rapport à mes pré-requis pour le BEPF (brevet d’entraîneur professionnel), ce qui reste aujourd’hui mon objectif personnel ultime. »

Car s’il a côtoyé le milieu du football professionnel pendant près de deux décennies, Julien ne songe qu’à une chose : pouvoir le retrouver. « Je vais le dire sans prétention, mais mon ambition est de pouvoir retrouver le plus haut niveau. Atteindre le National 2, c’est déjà très bien, c’est la dernière étape avec le diplôme que j’ai actuellement. »

« On joue pour la gagne »

« Compte tenu de l’effectif à ma disposition pendant les deux premières saisons – une équipe dotée d’une supériorité technique et physique, joueuse, qui aime avoir le ballon, qui a toujours beaucoup marqué -, c’était forcément plus simple. Cette année en National 3 on termine 2e meilleure attaque (53 réalisations derrière le Stade de Reims II et ses 64 buts) et meilleure défense (28 buts encaissés). J’ai toujours plaidé pour un jeu de possession efficace en étant bon dans les transitions. Aujourd’hui, le football moderne se joue beaucoup sur ces axes, avec du pressing et du contre-pressing notamment mais à la fin les qualités individuelles des joueurs font la différence. Quand on a des bons joueurs sans avoir trop de principes de jeu, vous arrivez quand même à vous en sortir. En l’occurrence, à Thionville Lusitanos, on a les deux. On ne concède pas qu’un seul but à l’Olympique de Marseille sans ça ! Contre Annecy c’est pareil, on était mené 1 à 0 et on est revenu avant de passer devant. Aujourd’hui je n’ai aucune prétention à dire qu’on joue comme ci ou comme ça. On joue pour la gagne. »

« On mérite ce qu’il nous arrive »

C’est aussi pour cela que la réussite est totale : à l’USTL, et même si tout va très vite, il y a de véritables ambitions de succès à court terme. « On joue dans un projet dans lequel on est attendu où en terme de résultats on doit répondre de manière rapide. Tout s’est passé très vite mais pour autant nous n’avons rien volé. Forcément, cette montée va s’accompagner avec des niveaux d’exigences et de performances encore plus élevés. J’ai un staff restreint mais j’ai la chance d’avoir avec moi mon adjoint, Stéphane Borbiconi qui est aussi un ancien professionnel (FC Metz) et qui connaît aussi très bien les rouages du foot. On est un peu en décalage avec le monde amateur et avec le niveau de discipline que l’on voudrait insuffler à tout le groupe. Enfin, c’est surtout valable pour moi ! Mais je crois que c’était l’un des souhaits du président (François Ventrici) lorsqu’il nous a incorporés au projet : de vouloir faire les choses de façon très carré, avec une certaine rigueur. Il ne faut quand même pas oublier qu’on entraîne des joueurs amateurs : c’est difficile de demander à des mecs qui arrivent à 19h30 à l’entraînement, qui ont eu une journée de travail avant, d’être aussi performants que ce que l’on aimerait. Finalement, on ne s’en est pas si mal sorti et chacun a donné le meilleur de soi pour réussir. Je me souviens, à mon arrivée à Amnéville, on jouait en 4-3-3 avec un bloc bas pour pouvoir contrer parce qu’on n’était pas dominants et que devant, on avait des joueurs plutôt rapides. Le changement de stratégie s’est très vite opéré dans ce nouveau projet à Thionville où à l’inverse, il fallait prendre notre destin en mains et rentrer dans un rapport de force où on devait être dominateurs. Donc même si on était promu et qu’on arrivait avec plein d’humilité, on avait une belle pancarte dans le dos vu les moyens utilisés. Après le parcours en Coupe de France, on ne pouvait plus se cacher. On a assumé. On perd contre Marseille puis à Reims et Troyes. On a redressé la tête et on a renoué avec une nouvelle série de victoires et plus de régularité. On mérite ce qu’il nous arrive. »

Continuité et compréhension

Évidemment, pour s’extirper de sa poule de National 3, Julien François n’a pas pu compter que sur 11 joueurs toute l’année. Il a du trouver les bons équilibres, les bons ajustements pour réussir ce qui peut presque s’apparenter à un exploit tant le cinquième échelon hexagonal est piégeux. Parce que terminer en tête dès la première saison dans un groupe comptant cinq réserves professionnelles (Troyes, Reims, Strasbourg, Nancy et Metz) et des gros morceaux comme Reims Sainte-Anne et Belfort, est un sacré tour de force ! « C’est plus du management mais ça fait partie du métier. Il faut construire en fonction des uns et des autres, s’adapter sans cesse mais la façon dont on cadre notre groupe est forcément la même pour chaque joueur. Ils acceptent de rentrer dans ce moule et doivent faire avec, malgré les impondérables de leurs vies personnelles. C’est pas mal d’organisation. Par contre, pour la semaine en Nouvelle-Calédonie, tout le monde était assez motivé pour se libérer de son travail ! »

Une partie de son groupe a aussi une vie en-dehors du cuir et de l’USTL. « Dans l’effectif, on a un kiné, un professeur de sport, un chauffagiste ou des garçons qui travaillent dans les bureaux, il faut composer avec. C’est le lot quotidien de pas mal d’équipes et quand on est entraîneur, ça demande des capacités d’adaptation et de compréhension afin de faire les bons choix en fonction de ce que l’on voit et de ce que l’on ressent. Il a fallu constituer et forger ce groupe, étudier les complémentarités. On a 24 joueurs avec 3 gardiens et des postes doublés. Avec certains, on travaille ensemble depuis 4 ans et demie (pour ceux qui étaient déjà à Amnéville avec lui), ils connaissent mon fonctionnement. Un tiers de l’effectif de cette année est là depuis la R2, deux tiers depuis la R1, donc ça permet une certaine forme de continuité. Ce sont des joueurs qui se connaissent depuis longtemps, qui sont de la région et qui ont beaucoup d’affinités; ça a aidé à la qualité de ce qu’on a mis en place, c’est un accélérateur de réussite. On surfait sur une dynamique de victoires avant de perdre contre Marseille. On était invaincu depuis la pré-saison. On s’est mis en tête cette exigence et ce principe de gagne. Tous nos attaquants marquent des buts et on n’est dépendant de personne, c’est le collectif qui est mis en avant.»

Le Gazélec Ajaccio : amour et désillusion

Si tout le rattache à la Moselle, Julien François s’est trouvé une patrie d’adoption : la Corse. Où il fut joueur au Gazélec Ajaccio entre 2000 et 2002 (il était prêté par Metz) puis de 2013 à 2015. Il y a, dans les faits, commencé et terminé sa carrière de joueur. C’est aussi chez les Gaziers qu’il a débuté en tant qu’adjoint. « J’ai eu une grande chance, celle d’avoir commencé mes carrières de joueur et d’entraîneur dans un club comme ça. Le Gazélec d’Ajaccio, c’est une leçon de vie, une leçon d’humilité et une leçon du tout est possible, dans le bon comme dans le moins bon. C’est un club qui a forgé mes valeurs, qui m’a appris sur moi et sur les autres, qui m’a montré ce que j’aurais pu ou dû faire à certains moments. La descente à l’issue des barrages de Ligue 2 contre Le Mans en 2019 est et restera une cicatrice qui ne se refermera jamais (ndlr : les Corses s’étaient inclinés 2-0 à domicile alors qu’ils avaient remporté le match aller 2-1, avant d’être finalement relégués en National). Quand je rentre tous les étés en Corse, chez moi, j’avoue que 5 ans après, j’ai du mal à relever la tête quand je me balade en ville. Pour moi, ce club est une référence dans le sens où avec peu de moyens, on peut faire des choses extraordinaires. Je me souviens quand j’y suis retournée comme joueur en National là-bas (2013-2014), on était le plus petit budget et on est monté en Ligue 2 ! On n’avait pas de terrain d’entraînement. Une fois que vous êtes passé là-bas, vous ne vous plaignez de pas grand chose. Si vous avez bien compris l’état d’esprit de ce club, vous êtes armés pour tout ce qui « valeurs dans la combativité ». J’avais déjà ce tempérament là et il s’est encore plus affirmé. C’est une expérience qui me sert parce-que je suis très exigeant avec mes joueurs, comme je le suis d’ailleurs avec moi. Je crois que notre réussite actuelle à Thionville, au-delà des qualités du groupe, est aussi dû à ces valeurs là qui sont la base de nos succès. »

Entre élan populaire et nouveau défi

« Je suis un entraîneur qui laisse toujours assez de distance avec les joueurs. Je ne suis pas l’entraîneur copain. Je suis rigoureux et exigeant mais j’ai besoin de cette complémentarité avec mon adjoint. Lui est justement plus dans l’humain. L’autre clé, c’est de pouvoir repérer des joueurs qui nous correspondent. Je vais prendre l’exemple d’un Chafik Gourichy que j’ai connu il y a quatre ans à Amnéville qui est un joueur sur lequel j’avais insisté auprès du club pour qu’on le recrute car je connaissais son énorme potentiel. Quand on fait le tour de la région, le tour des matchs, le tour des adversaires, on peut vite cerner les capacités des uns et des autres. Finalement, on a réussi à créer un lien avec les joueurs et les nouveaux se mettent vite au diapason. Ils sont encouragés dans le vestiaire grâce à des relais comme mon adjoint ou mon capitaine. »

La découverte du National 2

C’est un échelon où il n’a pas encore évolué en tant qu’entraîneur. Un championnat réputé pour son exigence et sa difficulté. Le quatrième échelon hexagonal est un peu l’antichambre du monde professionnel, un tremplin pour certains, une seconde chance pour d’autres. Dans tous les cas, pour un bon nombre d’acteurs du National 2, cette division peut être un accélérateur de carrière. Alors que le championnat National se professionnalise de plus en plus, la N2 s’apparente comme le dernier palier avant d’être un peu plus en vue dans le monde du football français. « La réalité c’est qu’on ne connaît pas trop la N2. C’est un championnat dans lequel j’ai joué il y a 25 ans, donc ça a forcément dû évoluer depuis. On ira sans se prendre la tête et avec la conviction que derrière on va avoir une ville, car cette année on était à plus de 1 000 spectateurs de moyenne à Guentrange. Ça veut dire que le projet a pris et que les gens sont derrière nous. Il y a un élan populaire. »

« On tend vers une forme de professionnalisation »

« J’entraîne à temps-plein et je voulais un groupe de qualité en capacité de répondre à ces exigences même si on ne s’entraînait que jusqu’à trois fois par semaine jusqu’à l’année dernière. Les niveaux d’entraînement et d’exigence ont progressé année après année. On abordera le N2 de la même manière que les précédentes promotions. Globalement, il y aura un petit tiers de départs et un petit tiers d’arrivées. A ceci près que, comme dit, on va basculer dans un fonctionnement plus « professionnel » avec des entraînements tous les jours, tous les matins. Je sais que cela va condamner certains joueurs qui travaillent mais pour eux, il y aura une ouverture avec l’équipe réserve, même si ce n’est vraiment pas de gaieté de coeur que je vais me séparer d’eux. Ils ont porté le club et mériteraient de continuer. C’est par exemple le cas de mon capitaine, Adrien Ferino, mais c’est quelque chose que j’assume. J’estime qu’on rentre dans un niveau assez supérieur à ce qu’on a pu connaître. La pyramide s’affine et c’est de plus en plus compétitif. On n’a pas de garanties qu’en faisant cela ça va forcément bien se passer, mais on tend vers une forme de professionnalisation. Comme les joueurs, je me suis battu pour qu’on arrive à ce niveau. Désormais, on y est ! Il faut tout mettre en oeuvre à tous les niveaux du club pour être plus compétitif. Cette fois, on sera plutôt sur une moitié de changement plutôt qu’un tiers. »

Julien François, du tac au tac

Une devise ?

Je vais reprendre la devise du club que j’avais d’ailleurs utilisé lors de mon passage au DES (Diplôme d’Etat Supérieur) : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». C’est très bateau, mais ça veut aussi dire beaucoup. Sur le long terme, le collectif reste toujours le plus fort. Notre réussite est collective.

Un sportif admiré ?

J’aime bien la course à pied, je cours beaucoup aussi. Il n’y a pas un coureur en particulier que j’admire mais j’aime tout ce qui a trait à l’endurance, la résilience. Ils ont cette capacité à tomber mais à savoir se relever et c’est ce que j’admire chez ce genre de sportifs.

Un match de légende ?

Je fais un peu partie de la génération 98, donc la première coupe du monde était marquante. Je suis de 1979, on avait 18-19 ans, donc le France-Brésil renvoie à tout ça.

En tant que joueur ?

Globalement les bons moments sont les années où on monte. Je suis monté avec Metz, je suis monté deux fois avec le GFC Ajaccio. Mais le match plus marquant, c’est Gazélec – Red Star de 2014, qui nous permet de monter de National en Ligue 2.

Et avec Thionville ?

Pour le coup j’en vois deux ! Il y a le déplacement en Coupe de France cette année en Nouvelle-Calédonie. C’était des conditions de fou, avec un hôtel de malade. On était parti une semaine avant le match. C’était une semaine hors du temps. En plus on a fait un super match (victoire 4-0) contre une équipe qui peut paraître plus petite, mais je n’avais surtout pas envie qu’on aille se faire « rétamer ». J’ai déjà vu des clubs de N2 ou de N3 partir en Martinique ou à La Réunion et revenir avec des souvenirs dans les valises mais sans la qualification. Je retiens la liesse des joueurs à la fin du match. On avait l’impression d’avoir gagné une grande compétition ! Le second, c’est le tour suivant contre Annecy (L2) où cette fois on est chez nous et ce jour-là on fait un match énorme. A la fin on avait l’impression de ne pas avoir fait un exploit tellement les joueurs ont été bons. Beaucoup parleraient du match de Marseille avec le folklore autour, mais en terme de performance sportive, c’était dix fois mieux contre Annecy.

Un joueur marquant que vous avez côtoyé ?

Miralem Pjanic à Metz. Il est rentré dans le groupe pro à 17 ans, on était en train de galérer en Ligue 1 dans une saison horrible où on termine avec 24 points. Quand il jouait avec nous, c’était quand même hallucinant de voir la maturité et la qualité qu’il avait. A l’époque je devais avoir 27 ans, donc 10 ans de plus et on se retrouve assez bête quand on joue à côté d’un joueur, d’un gamin comme ça. C’est un joueur dont je n’ai pas forcément de nouvelles aujourd’hui, mais c’était assez intéressant à observer et quand on voit la carrière qu’il a eue… C’est vraiment quelqu’un qui m’a marqué dans sa qualité d’homme et de joueur.

Même question, mais à Thionville ?

Avec son staff, Stéphane Borbiconi (à droite) et Tanel Touir (à gauche), qui a prolongé l’aventure après l’accession en N2.

J’ai une affection particulière pour Chafik (Gourichy), ce n’est sans doute pas à moi de le dire, je préférerais que ce soit lui, mais quand je l’avais dans mon groupe il y a quatre ans à Amnéville, on était en N3 et il devait avoir 18-19 ans et je me vois un jour lui dire : « soit tu prends un jour conscience de tes qualités et dans 2 ans t’es en Ligue 2, soit tu ne le fais pas et dans deux ans t’es en Régional 2 à Woippy avec tes potes. » Quatre ans plus tard, il signe en Division 3 allemande à Sarrebruck. J’espère que c’est une étape pour lui et qu’il continuera d’évoluer et prouver qu’il a les qualités nécessaires. Dans notre rôle d’entraîneur, il y a aussi une casquette d’éducateur, surtout à ce niveau. C’est important d’accompagner et de pouvoir révéler des jeunes. C’est valorisant. Chafik est un « petit jeune » bien entouré; s’il continue comme ça, il peut aller loin.

Des passions en dehors du football ?

Comme je l’ai dit, j’aime beaucoup la course à pied. Mais en dehors du sport, je suis aussi papa d’une grande fille et d’un petit garçon et c’est aussi une passion. Passer du temps avec ses enfants c’est quelque chose d’équilibrant. Sinon avec, mon adjoint, Stéphane Borbiconi (un ancien joueur du FC Metz également), on pêche, c’est un plaisir simple mais efficace pour décompresser et prendre des temps calmes.

Choisissez un stade : Saint-Symphorien, Ange-Casanova, Guentrange ou Jules-Deschaseaux ?

On va rester dans la lignée de tout ce qui a été dit précédemment et de ce match contre le Red Star, donc Ange-Casanova à Ajaccio ! C’est très identitaire comme club donc c’est un stade très particulier avec forcément une atmosphère très particulière. C’est pas un grand stade, c’est pas un stade moderne, mais j’adorais les échauffements avec la musique corse ; c’était quelque chose de très porteur pour moi. Les Corses sont un peuple qui défendent leurs idées, leurs valeurs, comme les Bretons ou les Basques. C’est un environnement particulier, c’est sûr que parfois ça déborde un peu et il n’y a pas que des bons exemples. On ne peut pas le cacher. Quand on va là-bas, on s’invente un peu une vie. J’ai vu des joueurs très gentils sur le continent devenir un peu plus agressifs à Ajaccio. J’ai toujours été un peu comme ça aussi (rires). Pour être honnête, j’ai même le regret de ne pas avoir essayé de jouer en deuxième ou troisième division anglaise pour être dans ce tempérament, dans ce type de football là, à l’étranger.

Complétez la phrase suivante : l’US Thionville est un club…

En devenir. C’est un club en pleine croissance, il faut faire attention à ne pas grandir trop vite non plus mais c’est un club moderne, humble, ambitieux et qui donne la part belle aux jeunes comme aux seniors. A nous de développer tout ça.

Avez-vous des qualités dans vos défauts ?

Je suis de nature plutôt impatiente mais j’ai fait un choix dans ma carrière il y a trois ans et cela peut être un bon apprentissage pour moi dans le sens où en reculant un peu, en prenant le temps, on arrive à bâtir des choses. C’est sûr que je suis plus épanoui et à ma place en tant que numéro 1. Quand vous êtes joueur, vous pouvez faire deux bons matchs et votre carrière change du tout au tout. Être entraîneur, c’est différent. Aujourd’hui, on vit des bons moments, et peut-être, sûrement même, qu’il faudra en absorber des plus compliqués. Être entraîneur c’est un métier de passion et de patience et le projet thionvillois m’a fait du bien aussi.

Le milieu du football en deux mots ?

Ma vie.

 

Texte : Augustin Thiéfaine / Twitter : @gus_tfn

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L’entraîneur évincé d’Avranches en mars dernier se livre à coeur ouvert. Il espère rebondir dans le monde pro ou, à défaut, en National. Pour séduire son futur employeur, il mise sur sa singularité, son authenticité et son énergie débordante. Et beaucoup d’autres choses encore !

Par Anthony BOYER / Photos Bernard MORVAN (sauf mentions spéciales)

Photo Bernard Morvan

Ce qui frappe quand on creuse un peu dans la personnalité de Damien Ott, c’est ce décalage entre son âge, 58 ans, et son désir toujours intact d’apprendre et de se nourrir des autres. Son discours transpire la soif de progresser alors même que le natif de Bale – « Mais je ne suis pas Suisse, rectifie-t-il d’emblée ! » – entraîne depuis bientôt 25 ans !

Son CV (il a entraîné à tous les échelons de DH à Ligue 1) et son expérience (11 saisons en National tout de même…) pourraient être un moyen facile de se reposer sur ses lauriers mais le Haut-Rhinois, qui revendique la fibre alsacienne, a toujours envie d’aller plus haut, et rêve même, secrètement, de s’asseoir sur un banc de Ligue 2 dans un rôle de numéro 1 (il était adjoint en L2 et L1). « Malgré mon expérience, je veux encore progresser ».

A 58 ans, Damien Ott parle football comme quelqu’un de 38 ans, même s’il est conscient que la concurrence est féroce avec une nouvelle génération de jeunes coachs qui émerge sur le marché. Une génération qu’il qualifie de « très bonne, talentueuse et respectueuse ».

Un coach identitaire

A 58 ans, donc, l’ancien professeur d’éducation physique et sportive – sa mise en disponibilité a pris fin cette année et il a démissionné de l’Education nationale – est encore frais. Physiquement aussi, il fait bien plus jeune que son âge – ça doit être le vélo ! – mais sait qu’il doit se battre contre ce qui pourrait apparaître comme un frein, même s’il y a de sacrés contre-exemples : « Eric Roy fait des trucs incroyables avec Brest, tout comme Didier (Santini) à Rodez ».

Photo Bernard Morvan

Pourtant, pour la première fois depuis qu’il entraîne, le téléphone sonne moins chez lui à Colmar, là où il est retourné après son éviction d’Avranches, en mars dernier, un épisode douloureux sur lequel il revient dans cet entretien. « Il faut qu’un président mise sur l’authenticité et la singularité. J’ai confiance en la méritocratie. Je ne me mets aucune barrière, au contraire, j’ai envie de découvrir d’autres façon de fonctionner. »

Pendant 45 bonnes minutes, Damien Ott, qui s’était notamment révélé sur le banc avec les Sports Réunis de Colmar à la fin des années 2000 et au début des années 2010, en CFA puis en National, revient sur sa personnalité « singulière » et sur des notions qui lui sont chères, qui le caractérisent, le poursuivent et, osons l’écrire, l’habitent : transmission (un de ses mots préférés), énergie, valeurs, vibration, émotion, travail, rigueur, fidélité, humilité, authenticité, générosité, résilience, et, bien entendu, passion. Cela fait beaucoup de mots pour un seul homme. Un homme complexe, qui a pu, à un moment donné dans sa carrière, être complexé, mais qui se sent libéré aujourd’hui. Un homme envoûtant qui, un peu malgré lui, a fait de ses causeries sa marque de fabrique. Cette image qui lui colle à la peau, réductrice selon lui, le coach, qui se définit comme identitaire, explique également comment il est parvenu à s’en défaire, après avoir enrichi sa palette tactique.

Interview

« Transmettre ma passion et mon énergie »

Damien, revenons sur tes débuts de joueur tout d’abord…

Avec Maxime d’Ornano, le coach du FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Après mes études de STAPS à Nancy, j’ai été muté à Péronne dans la Somme pour enseigner, et comme il y avait Saint-Quentin pas loin, j’y suis allé, je me suis entraîné avec eux et j’ai signé en Division 3 ! C’était vraiment une autre époque ! Le club venait de descendre de D2. Mais je n’ai jamais réussi à franchir ce palier, à jouer en pro. Pour moi, le franchir dans le rôle d’entraîneur, c’est un défi. C’est pour cela que je ne lâche rien. Il me manque ce statut d’entraîneur principal en Ligue 2, même si j’ai connu ce niveau, et aussi la L1, mais comme adjoint (de Laurent Batlles à Troyes). Mais cela n’a pas la même valeur. Quand tu es adjoint, tu accompagnes un projet, tu n’as pas les mêmes émotions.

A quel poste jouais-tu ?
J’étais meneur de jeu, milieu relayeur, mais il m’a manqué de l’agressivité, de la hargne, des choses que, paradoxalement, j’ai en tant qu’entraîneur. En fait, comme entraîneur, je suis exactement l’inverse de ce que j’étais joueur !

D’où vient cette envie d’être entraîneur de foot ?
C’est ma fibre, c’est ma passion des gens, des joueurs, c’est l’amour de transmettre. Mes défis, c’est ça : c’est réussir en misant sur le collectif, en associant des gens, une équipe, et mettre du ciment dans les briques que constituent l’effectif.

« Mon parcours, c’est ma richesse »

Comment as-tu basculé de professeur d’EPS à entraîneur de foot ?

Photo Bernard Morvan

D’abord, le sport, c’est ma passion. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, je voulais rester dans ce milieu, parce que j’étais passionné par le foot. J’avais des facultés à pouvoir transmettre. J’ai toujours voulu transmettre ma passion et mon énergie.

Tu n’avais pas encore de plan de carrière ?
Aucun ! Même si entraîner était ma passion et même si j’avais cette fibre de transmettre, je ne savais pas où ça allait me mener. C’est pour ça que j’ai commencé avec des jeunes à Mulhouse, puis avec la réserve, puis avec la Une, puis je suis passé par une équipe de District, et ensuite il y a eu Colmar… J’ai touché un peu à toutes les catégories, 17 ans Nationaux, DH, N3, N2, National, mon parcours, c’est d’une richesse incroyable. J’y suis allé progressivement.

« Aller chercher des ressources insoupçonnées »

Tu es un entraîneur plutôt…
Je suis un entraîneur de transmission d’énergie, de valeurs. C’est ça qui me caractérise avant tout, au-delà de l’aspect purement tactique. J’arrive à faire que les joueurs se dépassent. J’aime vibrer. On est là aussi pour transmettre des émotions, c’est pour ça que ma référence, c’est Klopp : quelle énergie ! Je veux que mes équipes transpirent cette générosité, cette passion, cette hargne. C’est ça qui me motive. Je suis un coach qui ne lâche rien. Ce qui me caractérise aussi, c’est la résilience.

Justement, toute cette énergie, parviens-tu à la canaliser ? Toutes ces émotions, parviens-tu à les gérer, à ne pas te laisser déborder ?
Sur le terrain, je pense que je me canalise bien, je n’ai jamais été suspendu, j’ai toujours été respectueux. Après, ce qui me passionne, ce sont les causeries d’avant match : c’est là où je vais emmener les joueurs avec moi, où je vais les faire se dépasser, où je vais transmettre quelque chose. Je veux qu’ils aillent là où ils ne pensaient pas pouvoir aller. J’ai envie de ce football généreux, énergique. Je suis dans l’émotion. On apprend mieux dans l’émotion, on s’en sert pour aller chercher des ressources insoupçonnées. Pour moi, c’est ça le rôle de l’entraîneur.

« Je suis un entraîneur beaucoup plus complet aujourd’hui »

Mais on ne peut pas te résumer à un entraîneur uniquement bon en causeries ?

Photo Bernard Morvan

J’ai pris conscience que c’était ma force au début et c’est devenu parfois une faiblesse parce que les générations ont évolué et ont besoin de découvrir d’autres choses. C’est pour ça que la découverte de la Ligue 2 et de la Ligue 1 avec Laurent (Batlles) à Troyes m’a beaucoup apporté dans l’approche tactique notamment, qui certainement m’a manqué dans la première partie de ma carrière.

Maintenant, je pense être un entraîneur beaucoup plus complet. Parfois, j’ai l’impression que je dois me battre contre ça. Effectivement, c’est un souci, mais j’ai réussi à passer cette étape-là depuis mon passage à Troyes et aussi mon dernier passage à Avranches, parce que, peu de gens en parlent, mais la saison précédente, si on ne perd pas des points sur tapis vert, on est 6e… 6e ! Avec les moyens que l’on avait, avec le projet de jeu que l’on avait ficelé. Non, sincèrement, j’ai réussi à passer cette étape là.

« Je souffrais toujours du syndrome de l’imposteur »

Photo USAMSM

Est-ce que cela signifie qu’avant, tu faisais un complexe ?
Oui. J’ai dû aller chercher ma légitimité et je l’ai obtenue grâce au BEPF et à cette aventure avec Laurent en L2 et en L1, parce que je souffrais toujours du syndrome de l’imposteur. J’étais le mec qui venait de nulle part. Je faisais des complexes. Je souffrais d’un manque de confiance en moi. C’est hyper paradoxal parce que de la confiance, j’en donnais aux autres. C’est sans doute pour ça que j’ai des difficultés à retrouver quelque chose, parce que ce côté singulier fait réfléchir les dirigeants.

Puisque l’on parle de « causeries », celle avec Avranches face au PSG en coupe (2017, 1/4 de finale) a tourné en boucle : as-tu conscience que beaucoup t’ont jugé là-dessus ?
Tout le monde parle de cette causerie parce qu’elle était filmée mais ce n’était pas la plus impactante. C’était une causerie parmi tant d’autres, sauf que là, on affrontait le PSG, donc elle a été médiatisée, et on a vu que je véhiculais des émotions. Au tour précédent, contre Strasbourg, j’étais complètement habité, la préparation du match avait été beaucoup plus intense et importante.

« Mon CV et ma singularité parlent pour moi »

Y a-t-il eu une erreur de casting dans ta carrière de coach ?

A ses débuts en National, avec Colmar. Photo Bernard Morvan

Pas une erreur mais une grosse déception : ma période à Bourg-en-Bresse, un club magnifique. J’aurais bien voulu m’y installer mais cela n’a duré qu’un an. J’ai mal évalué la difficulté d’un club qui descend de Ligue 2 en National. Je pensais que ça serait facile de remonter et cela ne l’a pas été. Sans avoir eu de véritables problèmes avec qui ce soit au club, je me suis rendu compte que je n’étais pas à ma place là-bas. Je suis déçu de ne pas y avoir réussi.

Le club où tu as failli signer ?
Aucun. Je n’ai jamais eu affaire à des agents jusqu’à présent, parce que j’ai toujours eu un coup de téléphone qui a fait que j’ai pu rebondir, et ça fait 20 ans maintenant… Bon, j’ai un agent, mais… On n’en parle pas (rires) ! Mais en moment, le téléphone ne sonne pas : ça ne m’affole pas, non, mais ça m’inquiète. Je suis conscient que la niche de clubs potentiels qui peuvent me correspondre n’est pas énorme. Mon CV et ma singularité parlent pour moi, par contre, pas ma communication parce que je me mets rarement en valeur, je ne suis pas quelqu’un qui va sur les réseaux sociaux ou qui entretient mon image, et peut-être que ça me joue des tours.

« Tout ce que j’ai vécu, c’est d’une richesse incroyable »

Photo USAMSM

Ton meilleur souvenir sportif ?
J’en ai beaucoup ! Mon quart de finale contre le PSG en coupe de France (2017) et aussi le fait d’avoir éliminé le RC Strasbourg au tour précédent, parce que c’était particulier pour moi, c’était quelque chose de grandiose, il y avait une certaine émotion. Il y a eu aussi toute mon aventure aux SR Colmar, avec cette accession en National (en 2010) et ces cinq saisons qui ont suivi (2010 à 2015) : je suis un entraîneur très identitaire et je me suis retrouvé dans cet esprit colmarien, alsacien. J’étais très imprégné de ce club là. Dans les bons souvenirs, il y a aussi l’obtention de mon BEPF, pour moi qui venait de nulle part. J’ai toujours franchi des étapes, progressé, à force de travail, alors, être accepté à ce diplôme, ne pas avoir lâché, c’est sans doute ma plus belle fierté. Tout ce que j’ai vécu, c’est d’une richesse incroyable. En fait, mes meilleurs souvenirs, c’est tout ce que j’ai vécu.

Ton pire souvenir sportif ?
Le limogeage de Colmar. Pour être un bon entraîneur, dit-on, il faut avoir été viré une fois. Effectivement, cela a été la fin du monde au début mais finalement, ce fut un mal pour un bien puisque j’ai découvert d’autres horizons, d’autres méthodes de travail, et j’ai enrichi mon CV, je me suis enrichi de plein d ‘expériences, Avranches, Bourg, Troyes… Là aussi, je me dis que ce n’est pas la fin de la route, il va forcément se passer quelque chose, même si je me rends compte que c’est difficile de rebondir.

Colmar, c’était ton premier limogeage ?
Oui, au bout de sept saisons, ça s’est mal terminé sur la fin. Finalement, j’ai trouvé un parallèle avec Avranches où il y a eu une longue période aussi dans ce club, et il y a eu ce mois de mars, comme à Colmar… Deux clubs ont paniqué, et voilà. C’est cruel, tout de même, en fin de saison, comme ça, surtout que je n’ai toujours pas les explications.

« On ne peut jamais bien digérer un limogeage »

Photo Bernard Morvan

Le départ d’Avranches, en mars dernier, c’est digéré ?
Non. On ne peut jamais bien digérer un limogeage comme ça. Il y a deux sentiments : l’ego en prend un coup et je dois forcément faire un constat d’échec, car des choses n’ont pas fonctionné. Et il y a aussi un sentiment de soulagement, celui d’être sorti de cette atmosphère de travail négative et de cette relation toxique que j’avais avec le directeur sportif (Xavier Gravelaine, Ndlr).

Et Colmar ?
Colmar, ce sont mes racines, c’est ancré en moi, j’avais du sang vert qui coulait dans mes veines, pas seulement parce que le club jouait en vert, mais parce que j’avais cette fibre alsacienne. J’agis beaucoup sur le développement d’une énergie, d’une âme, sur ce sentiment d’appartenance, et Colmar, c’était ça, c’était moi et je m’y retrouvais. La cicatrice ne s’est jamais refermée, alors qu’avec Avranches, je vais passer à autre chose. Ce que j’appréciais beaucoup à Avranches, c’était ma relation avec mon président Gilbert Guérin (décédé en octobre dernier), cette amitié profonde qui dépassait le cadre sportif.

Voir Colmar qui redescend en National 3, même s’il peut y avoir un repêchage, ça te fait quoi ?
j’ai encore quelques relations là-bas, mais les amis que j’ y avais n’y sont plus. C’est un club alsacien mais je ne suis plus du tout concerné par leur projet.

« La fidélité a disparu à Avranches »

Pourquoi est-ce que Mulhouse n’y arrive pas ?

A ses débuts en National avec Colmar. Photo Bernard Morvan

C’est un problème d’hommes. Il n’y a jamais eu les bonnes personnes. Les projets n’ont jamais été bien portés. Le club n’a pas été bien géré. Et j’ai l’impression aussi que le sport à Mulhouse n’est pas considéré par la municipalité : tous les sports de haut niveau y ont disparu. Quand j’y étais, j’avais une relation paternelle avec Joseph Klifa, le président. La situation de Mulhouse m’attriste. Ce club a toujours vécu dans le passé et a été géré par des hommes du passé, qui ne donnait pas trop la confiance à des jeunes.

C’est quoi les valeurs de l’Alsace dont tu parlais ?
Ce sont des valeurs de travail, de rigueur, de fidélité, des valeurs que parfois on oublie comme l’humilité. Des valeurs de résilience qui me correspondent. Mon projet de jeu est basé sur ça, sur ces valeurs essentielles d’authenticité, de générosité, d’humilité, d’unité. Sans ça, je ne peux pas fonctionner. Colmar était un vrai bon club, identitaire, on jouait comme on pensait. Je n’ai pas pu le faire autant à Avranches, parce que je n’étais pas de là-bas, même si Gilbert (Guérin) avait ces valeurs-là, notamment de fidélité. Malheureusement, la fidélité a disparu avec la nouvelle direction.

Tu veux dire que Gilbert Guérin ne t’aurait pas limogé ?
On ne sait pas, mais en tout cas, cela ne se serait jamais passé comme ça. Je ne veux pas en rajouter.

« Après Avranches, j’ai reçu des messages magnifiques »

Photo Bernard Morvan

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Toutes les saisons où on s’est maintenu. J’ai toujours entraîné des clubs programmés pour jouer le maintien, à petits budgets, donc ce sont mes 11 saisons de maintien.

Serais-tu prêt à aller en N2, un championnat qui va prendre une grosse dimension sportive ?
Je m’accorde une saison. Je préfère attendre un coup de fil pour la reprise, sinon on verra s’il y a des clubs en difficulté. Si je n’ai rien, j’attendrai un an et à ce moment là, je serai à l’écoute aussi des clubs de N2 et N3. Mais pas pour le moment.

Comment juges-tu l’évolution du National par rapport à tes débuts en 2010 ?
Avant, le jeu de transition et la maîtrise d’un jeu de contre efficace suffisaient, mais aujourd’hui, il faut maîtriser le jeu de possession, le jeu placé, les sorties de balles, etc. J’essaie de faire ce « mix » entre les deux. Le foot est influencé par les années Guardiola et il n’y a pratiquement plus que ça; quand tu discutes avec les joueurs, ils te disent qu’ils savent faire beaucoup de choses quand ils ont la balle, mais pas quand ils ne l’ont pas. Donc pour faire des efforts, quand ils n’ont pas le ballon, ça devient beaucoup plus difficile.

Photo USAMSM

Le meilleur joueur entraîné ?
Sur le plan de la carrière c’est Jonathan Clauss, sinon, ce sont surtout des joueurs créatifs, comme Mehdi Boussaïd récemment à Avranches, Cédric Faivre que j’ai eu à Colmar, Jéremy Grimm, des joueurs qui me correspondaient, Salem Mezriche à Colmar, Victor Daguin à Avranches, et aussi Formose Mendy, un leader.

Des amis dans le foot ?
J’ai beaucoup de relations très très amicales avec de nombreux entraîneurs. Je me suis rarement embrouillé avec un coach. Suite à mon éviction d’Avranches, j’ai reçu des messages qui m’ont magnifiquement surpris, même de la part de coachs que je ne connais pas très bien, ça m’a fait chaud au coeur. Et puis il y a mes collègues du BEPF avec lesquels on a crée des liens incroyables, on a un groupe WhatsApp; récemment, j’étais avec l’un d’eux à Pau, avec Nico (Usai), qui était dans la même promotion. Tous, on s’entendait à merveille.

« Affronter Strasbourg a toujours été un défi »

Photo USAMSM

Tes idoles de jeunesse ?
Les Verts de 76 m’ont marqué. Rocheteau, c’était mon idole absolu. Et puis il y a eu le RC Strasbourg de 1979 (champion de France) qui a définitivement acté ma passion pour le foot.

Tu es plutôt Strasbourg, Nancy ou Sochaux ?
Strasbourg ! J’ai la fibre alsacienne. J’aime bien Nancy parce que j’y ai fait mes études, et Sochaux parce géographiquement, c’était plus proche de Saint-Louis, où j’habitais. Mais c’est le Racing qui m’a fait vivre mes plus belles émotions.

Cela a dû te faire quelque chose à chaque fois que tu as affronté le RC Strasbourg…
Oui, quand on les élimine en coupe avec Avranches, et aussi, j’ai un souvenir avec Colmar, en National, quand on gagne à La Meinau, alors que l’on perdait 1 à 0 à la pause. J’avais pété une durite, j’avais changé 3 joueurs et on avait gagné 2-1 ! Quel souvenir ! En fait, affronter Strasbourg, ça a toujours été un défi pour moi; je voulais leur montrer que j’existais.

« J’ai une inspiration débordante »

Tes passions en dehors du foot et de la famille ?
Le vélo, ça permet d’évacuer, de réfléchir. C’est une source d’inspiration exceptionnelle, un échappatoire, on a en besoin quand on est entraîneur. Toutes mes causeries viennent du vélo, elles sont préparées mais aussi intuitives. Il faut que ça vienne du coeur, de mes tripes. Le vélo m’aère, me stimule. J’ai une inspiration débordante. Quand j’en fait, je suis libéré. Je roule tous les jours au moins une heure et je fais une grosse sortie une fois par semaine. C’est chronophage mais j’en ai besoin pour mon équilibre professionnel et familial.

Pourrais-tu de nouveau occuper ce rôle d’adjoint, comme à Troyes ?
J’avais accepté ce poste parce qu’à l’époque je devais apprendre encore beaucoup de choses. Je l’ai fait dans un souci d’apprentissage, de progression. Là, maintenant, même s’il ne faut jamais dire jamais, ce n’est plus mon objectif. Je pense que j’ai plus à donner en tant que numéro 1. Mais à Troyes, j’ai trouvé ma place, j’ai appris des choses avec Laurent (Batlles), il y avait une relation de confiance et d’échanges, on a passé des supers moments, il me donnait des responsabilités, j’existais, j’avais l’impression de lui apporter quelque chose également. J’ai apprécié travailler avec lui et le reste du staff, on était devenu une vraie famille.

« Ce sont les relations humaines qui me guident »

Sur ton CV, il est indiqué que tu as entraîné à Village-Neuf (2002-2004) …
(Large sourire) C’est mon village, à côté de Saint-Louis ! Quand Mulhouse ne m’a pas conservé, je me suis demandé pourquoi ils ne me faisaient plus confiance alors je me suis lancé un défi. J’ai décidé d’aller dans le club de mon village, en District, pour essayer de transmettre ce que je savais, en essayant d’adapter mon discours à des joueurs de division 7 ou 8, dont le football n’était pas leur métier. C’était mon défi. On avait vécu une aventure humaine exceptionnelle. Les joueurs avaient adhéré. J’ai encore des contacts avec des joueurs de l’époque, d’ailleurs, l’un d’eux m’a invité récemment à manger chez lui ! Je suis resté deux ans à Village-Neuf et Mulhouse est revenu me rechercher en me disant « Viens nous aider »… « Donc maintenant, je viens vous aider, alors qu’avant j’étais un moins que rien ? » J’ai accepté, c’était une fierté qu’ils me rappellent, « Ah tiens enfin un peu de reconnaissance »… Le club était descendu entre-temps, je me suis mis un challenge personnel et on est monté de N3 en N2, là encore en adaptant mon discours. Ensuite, j’ai fait la même chose à Colmar, en passant de National 2 en National, avec ce défi de toujours faire progresser les joueurs et moi-même aussi. Village-Neuf, c’est de là que tout est parti en fait. Ma maman y habite encore. Les relations humaines y étaient incroyables, ce sont elles qui me guident.

Peut-on coacher en Ligue 1 ou Ligue 2 comme en National ?
Il y a des tas de codes et des principes à respecter en L1 et L2, mais sinon, c’est pareil. Il ne faut pas traiter le joueur en fonction de son statut; ce qui ma toujours guidé, c’est la méritocratie. En L1/L2, peut-être que, parfois, c’est moins évident. Ce qui est sûr, c’est que le binôme coach-président-directeur sportif doit fonctionner.

Un dicton ?
Oui, il y a en a un qui m’a toujours aidé orienté, c’est : « On ne transmet pas ce que l’on sait, on transmet ce que l’on est ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’entraîneur qui avait permis à Bourg-en-Bresse/Péronnas de découvrir la Ligue 2 en 2015, et qui vient à nouveau de conduire son club en National, se livre à une introspection. Il évoque sa personnalité et son image, loin des codes du milieu actuel, et regrette de ne pas être jugé sur ses résultats.

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Photo Benjamin Prudhomme

L’image. La communication. Les réseaux. Autant de critères dont tient compte aujourd’hui la plupart des dirigeants au moment de choisir un entraîneur.

L’image, la communication, les réseaux, ce n’est pas vraiment la tasse de thé d’Hervé Della Maggiore.

Le natif de Rillieux-la-Pape, près de Lyon, préfère ou préférerait qu’on le choisisse pour ses qualités d’entraîneur, celles qui lui ont permis de conduire Bourg-Péronnas (devenu ensuite le FBBP 01) du CFA2 à la Ligue 2 ! Celles qui lui ont permis, aussi, d’accéder en National voilà quinze jours, toujours à la tête du FBBP01, dont il a repris les rênes en février dernier après le départ de Jordan Gonzalez pour l’OL Academy, plus de cinq ans et demi après son dernier match sur le banc du club burgien, un barrage perdu face à Grenoble.

Avec Villefranche, en 2021. Philippe LE BRECH

Pour le coach de 51 ans, qui cumule la fonction de manager général au FBBP 01, ne pas être « dans le moule » ou « funky » est un problème aujourd’hui. Et ce n’est pas le seul écueil. Si la simple évocation du nom « Della Maggiore » devrait obligatoirement faire penser à l’épopée de Bourg-en-Bresse, où il a passé dix saisons consécutives de 2008 à 2018 avec les succès que l’on sait, la réalité est parfois différente. Et cruelle. Parce qu’elle vous rattrape. Et cette réalité, ce sont ces quatre barrages perdus : avec Bourg donc (2018), le Gazelec Ajaccio (2019) et Villefranche deux fois (2021 et 2022). Facile, donc, de le réduire à ça. Trop facile selon lui. Injuste même. « Je ne suis pas un homme de barrages, mais je suis un homme de derbys ! »  en plaisante-t-il aujourd’hui, même si la cicatrice n’est pas refermée.

Son image, sa carrière, les fameux barrages donc, Hervé Della Maggiore parle de tout ça avec une franchise et une lucidité déconcertante. Il parle aussi de ce qui l’anime : vivre des émotions, même s’il ne les montre pas toujours. Partager des aventures humaines. Et retrouver le monde professionnel : s’il y parvient, c’est que celui qui l’aura choisi ne se sera pas fié aux apparences et aura cherché à briser la glace. C’est ça que Della Maggiore, sur le marché compte tenu de l’avenir incertain du FBBP01, demande. Qu’on le prenne pour ses qualités. Qu’on le comprenne.

Interview / « J’ai un sentiment inachevé »

Photo Philippe Le Brech

Hervé, quand vous avez repris le FBBP 01, début février, vous avez perdu 4-0 à domicile contre Fleury… Comme départ, on a connu mieux…
Forcément, on ne s’y attendait pas trop, même si les derniers matchs avant mon arrivée et avant le départ du coach (Jordan Gonzalez) avaient été un peu plus compliqués, dans le contenu et dans les résultats. Mais là, en prendre 4…. On se dit « merde », ça fait un peu tâche, surtout qu’on était quand même régulier.

En fait, les joueurs étaient très affectés pour moi. Ils avaient fait du lobbying pour que cela soit moi qui prenne la suite de Jordan, parce que ce n’était pas forcément l’idée de départ ni ma volonté.

Avec le FBBP 01 en 2017. Photo Philippe Le Brech

Vous ne vouliez pas retrouver le banc ?
Ce n’est pas tant que je ne voulais pas, mais c’était surtout par rapport à mon planning déjà chargé (il occupe le poste de manager général depuis juillet 2023). Après, le 0-4, cela ne m’a pas affecté plus que cela. Je savais très bien que c’était un accident. On était tombé sur une très belle équipe de Fleury ce jour-là, d’ailleurs, leur coach, David Vignes, m’avait dit qu’il venait de faire leur meilleur match de la saison. On avait payé cash nos erreurs. Mais je n’avais pas été catastrophé. Je savais que les joueurs allaient repartir de l’avant.

« Je me suis construit tout seul »

A vos débuts d’entraîneur de l’équipe première à Bourg, en CFA2, en 2008, vous aviez aussi enchaîner quelques défaites…
Oui, mais on ne peut pas comparer avec mes débuts, c’est une autre histoire, un autre contexte.

Revenons justement à vos débuts : le premier club que vous avez entraîné, c’est Saint-Maurice-de-Gourdans ?
Oui, en 3e division de district. Dans le club de mon village, près de Meximieux, dans l’Ain. Je m’étais engagé là-bas sans penser que j’en ferais mon métier. Ensuite j’ai entraîné en Promotion d’Excellence (2e échelon départemental) au FC Luénaz, un regroupement de plusieurs communes (La Boisse, Montluel, Niévroz, Thil), parce que j’avais des collègues qui jouaient là-bas. D’ailleurs, c’est fou, parce que certains joueurs de l’époque me suivent encore et viennent voir des matchs à Bourg. Pour certains, ce sont encore mes amis. En fait, moi, je me suis formé et construit par moi-même. Je n’étais pas destiné à rester dans le foot mais à reprendre l’entreprise de mon père, ce que j’ai fait par la suite.

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Comment êtes-vous ensuite arrivé à Bourg-Péronnas ?
Le club cherchait un coach pour la réserve en DHR; à l’époque, il se reconstruisait. Le problème, c’est que je devais gérer mon entreprise en parallèle même s’il y avait encore mon père pour s’en occuper un peu (Della Maggiore Déco Passion) et j’étais aussi à 40 km. Mais j’avais envie de vivre une aventure humaine, et ça s’est bien passé : on a fini 1ers et on est monté en DH. Puis le coach de l’équipe Une (Pierre Mauron) a démissionné. Le président Gilles Garnier s’est mis à la recherche d’un nouveau coach. Là, j’ai été plébiscité par les joueurs, en l’occurrence Boris Berraud. Ils voulaient que ce soit moi. Dans un premier temps, j’ai refusé, j’ai hésité. Il fallait que je passe les diplômes, ce qui allait me prendre du temps, et puis j’ai accepté. On a perdu les 3 ou 4 premiers matchs je crois et après ça, j’ai dit au président, « Ce n’est pas pour moi ». Là encore, les joueurs ont fait du lobbying et le président m’a dit de ne pas lâcher. Derrière, on a enchaîné les victoires, et on est monté en CFA. Trois ans plus tard, en National. Et trois ans plus tard en Ligue 2. En parallèle, j’ai passé mes diplômes, même si j’avais forcément une dérogation pour entraîner quand je faisais monter l’équipe. J’ai vendu l’entreprise familiale quand on est montée en L2, lors de la 3e année en National, en 2015, et on est resté 3 ans à ce niveau.

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Vous parliez de Boris Berraud, joueur emblématique du club dans les années 90-2000 : il est un de vos adjoints cette saison ?
Oui. C’est un fidèle. Même à l’époque, c’était déjà le cas : car tous les clubs pros lui tournaient autour, mais il n’a jamais voulu partir. Il est encore passé au bureau ce matin pour prendre les dernières nouvelles. Même si le club jouait en 3e division de district, il serait là… C’est un amoureux du club, il sera toujours là.

C’était donc déjà Gilles Garnier le président à vos débuts en 2008 ?
Oui, je crois qu’il était président depuis un an ou deux, mais il était déjà partenaire du club et membre du bureau avant. Avec Gilles, on a une relation qui dépasse le cadre du football : et si je suis revenu au club en début de saison dernière, c’est aussi pour lui. Il a insisté. Je voulais l’aider sur le projet de reprise (Gilles Garnier est revenu à la tête du club l’été dernier, cinq ans après avoir démissionné du poste de président).

Revenons à votre retour sur le banc cet hiver : après Fleury, vous avez enchaîné les bons résultats…
Oui, la suite a été bien plus glorieuse. On a fait 7 victoires et 2 nuls avant de s’incliner une deuxième fois à Auxerre, à l’avant-dernière journée.

« Le foot a pas mal dégusté à Bourg »

Photo Mathieu Sixdennier

Cette accession en National, c’est une revanche, une fierté ?
Il n’y a pas de revanche. Mais de la fierté. Celle d’avoir remis le club sur les rails, sportivement du moins. Parce que c’est vrai qu’ici, à Bourg, le football a pas mal « dégusté » ces dernières saisons. On a retrouvé des valeurs identitaires, des valeurs d’humilité, celles qui nous avaient déjà permis à l’époque d’accéder jusqu’en Ligue 2. Mais de là à dire qu’on allait monter… Ce n’était vraiment pas programmé. On a bâti le staff et l’effectif en une quinzaine de jours avec le président, mais tout le monde a bien appréhendé le contexte. On a eu un groupe exceptionnel, qui sait aujourd’hui la difficulté dans laquelle on est. On ne leur a jamais caché les choses. Le club, on l’a repris alors qu’il était en difficulté. On ne savait pas si financièrement on allait pouvoir le relever, mais grâce à ces valeurs, on a obtenu des résultats sportifs.

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Pas de sentiment de revanche, vraiment ?
Non. Si l’on regarde mes saisons précédentes, à Villefranche, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir : quand j’arrive là-bas, on est 14e, et on est arrivé à faire les barrages d’accession en Ligue 2 en fin de saison. La deuxième saison, tout le monde pensait que l’on n’arriverait pas à digérer les barrages perdus (contre Niort, qu’on aurait dû mal à se maintenir, et en fin de compte on refait les barrages (contre QRM), ce qui était exceptionnel. La troisième saison a été plus compliquée, surtout au début, mais on a fini en trombe et terminé 6e après avoir fini deux fois 3e.

« On ne cache rien : le trou est de 600 000 euros »

Avant Villefranche, il y a eu le Gazelec Ajaccio…
Le Gazelec, ça a été une aventure qui m’a beaucoup fait progresser : je me suis aperçu là-bas de ce qu’était le monde professionnel. Je sortais de Bourg où j’étais avec des amis plus qu’avec des collègues de travail. Même si on a fait 3 saisons de Ligue 2 avec Bourg, c’était un contexte familial, alors qu’au Gazelec, je suis passé d’un monde où « tout le monde est beau, tout le monde est gentil » à un football plus professionnel et ça m’a fait mûrir. A Villefranche, le contexte était un peu similaire à ce que j’avais vécu à Bourg-en-Bresse. Aujourd’hui, je me retrouve à Bourg, à l’instant T, dans une situation difficile, même si sportivement on a fait tout ce qu’il fallait pour remettre le club sur les rails.

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Vous parliez des difficultés actuelles du FBBP01 : dans les médias, l’on parle d’un dépôt de bilan…
On a ce problème d’actifs qui nous plombe : en fait, on a appris le jour de notre dernier match de la saison (contre Saint-Quentin, victoire 5-3) que le bail emphytéotique qui liait l’agglomération avec le centre d’entraînement de Péronnas, était arrivé à son terme. Et que donc, le centre n’appartient plus au club. Donc on sort de nos actifs et voilà… Ce n’est même pas une histoire d’argent, je peux vous le dire, parce qu’on a été dans l’économie cette saison, où certains joueurs ne touchaient pas grand-chose. On a réussi à équilibrer les comptes en fin de saison, ce que nous a demandé la DNCG, et ce malgré les moratoires que l’on rembourse tous les mois, par rapport aux dettes antérieures.

Par contre, la perte de cet actif plombe notre bilan. On ne cache rien : le trou est de 600 000 euros. Pour un club de National, ce n’est pas non plus une somme rocambolesque, ce qui explique que l’on soit très sollicité par des investisseurs, mais le foot est un milieu de spéculation, donc on reste très attentif à ça, on ne veut pas que le club perde son identité et ses valeurs qui lui ont permis par le passé et encore cette saison de gravir des échelons. Avec des anciens, on est revenu au club l’an passé pour réincarner ça, et on s’aperçoit que ça marche à nouveau. On n’a pas fait tout ça pour tout casser. On essaie de trouver des solutions en interne, de mobiliser, mais ce n’est pas simple.

« J’ai du mal à comprendre certains choix de clubs »

En 2017, en discussion avec Rafik Boujedra, un de ses anciens joueurs au FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Hervé, revenons aux barrages : ça vous affecte que votre nom soit lié à ces quatre barrages perdus en cinq ans ?
Pfff… Voilà, dans ma carrière, j’ai été sollicité, j’ai fait des entretiens avec des clubs quand j’étais dans des périodes sans travail, ou quand j’étais en fin de contrat, ou même encore un, là, tout récemment, il y a trois semaines : aujourd’hui, j’ai du mal à comprendre certains choix de clubs. Je ne vous cache pas que je me demande si les clubs regardent les parcours, les CV, s’il essaient de connaître le coach qu’ils ont en face d’eux. Ils couchent des noms sur des listes, sans trop étudier la personne. Il y a sans doute du lobbying, je ne sais pas trop comment cela se passe, mais je suis assez surpris de la manière dont les choses se passent et des choix qui sont faits. J’ai du mal à me faire à ça, car je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de reconnaissance du travail. Il y a beaucoup de recherche de médiatisation, c’est pour ça que ça me fait plaisir quand je vois des garçons comme Pierre Sage, qui a été mon adjoint à Bourg, qui vient de nulle part, être capable de faire ce qu’il fait à l’OL. Un profil comme lui qui émerge, ça fait du bien à la profession, sinon personne n’ouvrirait les yeux. Pour en revenir aux barrages… Je les aurais gagnés, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui…

Photo Vincent Chabrier – @2v.production

Racontez-nous ces barrages…
Le premier, en 2018, c’est avec Bourg (contre Grenoble) : bon, celui-là, ça ne m’a pas surpris, on était au bout d’une histoire, on sortait d’une saison très difficile, à un moment donné on était même relégable et on est arrivé à accrocher la place de barragiste, ce qui était déjà un exploit. Je jouais avec le 3e ou le 4e gardien, en défense j’avais des milieux offensifs, on a fini sur les rotules… C’était une déception parce qu’on quittait la Ligue 2 mais pas forcément une surprise. Après ça, je me suis retrouvé au chômage. J’ai eu quelques sollicitations, d’ailleurs j’en avais déjà eues avant, mais je n’avais jamais voulu partir de Bourg, parce que j’étais dans le confort, et sans doute que je ne voulais pas me mettre en danger. J’aurais peut-être dû partir… C’est peut-être un de mes regrets. Une erreur sans doute même.

« Ce scénario, je ne le souhaite à personne »

Au Mans, avec l’ex-entraîneur du Mans FC, Richard Déziré. Photo Philippe Le Brech

Et puis il y a eu le Gazelec Ajaccio…
Oui, j’ai l’équipe en cours de saison, en Ligue 2. Quand on ne choisit pas le groupe avec lequel on travaille, c’est un peu plus délicat pour mettre les choses en place, malgré tout, il fallait « se serrer les fesses » pour se maintenir en Ligue 2 et ensuite j’aurais eu carte blanche pour construire mon groupe, mais ça ne s’est pas passé comme ça et on a subi un coup du sort, auquel je ne m’attendais pas du tout, car on s’est retrouvé barragiste à l’issue de la dernière journée de championnat alors que l’on n’avait jamais été dans cette position, ni même jamais relégable. On a a loupé 4 penalties sur les 5 dernières journées… On en aurait marqué un ou deux, on aurait eu un ou deux points de plus…

Ce scénario des barrages avec le Gazelec (face au Mans), qui s’est joué à la dernière seconde, je ne le souhaite à personne. Un scénario fou. Un scénario catastrophe (Le Mans avait marqué à la dernière seconde par Soro, auteur d’un ciseau acrobatique, alors que sur l’action précédente, le Gazelec avait manqué un penalty). Il ne peut pas vous arriver pire. On fait ce qu’il faut en gagnant le match aller au Mans (2-1), et bon, vous connaissez le foot, à ce moment-là, tout le monde se dit, pour le match retour, que d’aller gagner au Gazelec… Bon, la cote du Mans devait être très élevée. Et on a vécu un scénario à la Hitchcock, et c’est le pire moment de votre carrière, de très très loin, qui arrive. Quel coach a vécu ça ? Aucun.

Sur le banc de Villefranche, en 2021. Photo Philippe Le Brech

Ensuite, le troisième barrage, avec Villefranche, c’est différent, et puis c’est dans l’autre sens, c’est pour une accession cette fois. Malgré le succès 3 à 1 à l’aller face à Niort, ça ne passe pas : le club a manqué d’expérience, on s’est peut-être enflammé trop vite, je ne le sentais pas bien pour le match retour.

Et pour le 4e barrage, toujours avec Villefranche, face à Quevilly Rouen, là, il n’y a pas discussion, pas photo, on sent l’adversaire beaucoup plus armé que nous. Donc moins de regret. Alors je ne suis peut-être pas un homme des barrages, mais je suis un homme des derbys ! Avec le Gazelec, on a gagné à l’aller et au retour contre l’AC Ajaccio, chose qu’ils n’avaient réalisé; à Villefranche ou avec Bourg, j’ai toujours remporté les derbys. Quand j’ai su que les barrages allaient être supprimés avec la refonte, là au moins je me suis dit, je n’aurai plus ça (rires) ! Après, ce n’est pas tant le fait de perdre ces barrages, c’est de se dire que l’on est proche de la Ligue 2 à chaque fois et qu’aujourd’hui, je suis à Bourg et j’entraîne en National 2, ça se joue à peu de choses… J’en reviens à ce que je vous disais : les clubs font des entretiens, puis font des choix, c’est usant, parce que la reconnaissance du travail n’est pas là.

Oui mais vous savez aussi comment c’est de nos jours : il faut aussi être vu, faire parler de soi, se montrer sur les réseaux, faire de la « com »…

Sur le banc du Gazelec Ajaccio, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Exactement. Mais tant mieux pour ceux qui savent faire ça. Moi, ce n’est pas ma nature. J’ai envie que l’on me choisisse par rapport au travail que je fais. Quand j’ai des entretiens, que je vois les entraîneurs avec lesquels je suis en concurrence, que je regarde leur parcours, et quand je vois que je ne suis pas choisi, j’ai un peu de mal, mais ce sont sans doute eux qui ont raison, puisqu’ils sont choisis, avec moins de résultats que moi. J’ai été impliqué dans plusieurs projets, des clubs pros qui veulent remonter en L2, des clubs de N2 qui végètent et veulent monter rapidement, des choses que j’ai déjà réalisées, mais je ne sais pas…

« Je suis souvent dans des short-lits, mais… »

Pourquoi n’êtes-vous pas choisi à votre avis ?
Je n’ai pas joué en pro, je n’ai pas créée de réseau avec les gens du milieu… Je suis réservé dans la vie, assez introverti. Je n’aime pas me mettre en avant… Par exemple, vous ne me verrez jamais poser en photo avec mes joueurs en train de lever les bras, je ne suis pas très expressif ou démonstratif. C’est vrai que je ne suis pas expansif, pas avenant. Même dans la vie de tous les jours, on me le dit. Je suis réservé, je ne suis pas trop « média », pas trop souriant, donc forcément, ça me joue des tours. Pourtant, j’ai de la personnalité. Mais attention, je « tiens » les entretiens normalement, là c’est différent, en général ça se passe bien, mais à l’arrivée, je ne suis pas pris. En, trois ans, j’ai fait énormément d’entretiens d’embauche. De toute manière, à chaque fois qu’il y a un coach qui part, même en Ligue 2, je suis souvent sur des short lists. Maintenant, je préviens les clubs, je leur dis de me juger sur le travail, sur les performances, sur ce que je peux amener. L’an passé j’ai fait 4 entretiens, j’ai eu de bons échos et à l’arrivée, j’ai pris une gifle. Je n’ai peut-être pas tout bien fait par rapport au fait de me mettre en avant, par rapport au lobbying, alors que c’est important dans ce métier, et c’est certainement quelque chose qui m’a manqué et qui me manque.

Ne souffrez-vous pas d’un manque de notoriété tout simplement ?

Avec Réginald Ray, un autre ex-coach du Mans. Photo Philippe Le Brech

Peut-être que je suis peu connu. A Villefranche, l’an passé, quand j’y étais, je devais être l’un des seuls à avoir 4 saisons de Ligue 2 pour moi, il n’y avait qu’un seul coach je crois qui avait déjà entraîné en Ligue 2, malgré tout, mon nom sort rarement dans les médias. Parfois, je suis dans des short lists, j’ai des entretiens, et pourtant, dans les journaux, sur les réseaux, mon nom n’apparaît pas. Peut-être que les journalistes ne me connaissent pas, alors qu’en National, j’ai peut-être l’un des plus gros parcours de coach, j’ai mes résultats pour moi, comme avec Villefranche, deux fois 3e, une fois 6e, mais mon nom ressort très peu, c’est comme ça.

Vous parliez de votre parcours, qui n’a pas été celui d’un joueur pro : justement, c’était quoi le vôtre ?
J’ai commencé à Montluel puis je suis parti à 12 ans à l’OL, j ai suivi un sports études, jusqu’à 18 ans, où je n’ai pas franchi le palier, et je n’avais pas été conservé. Ensuite je suis parti dans l’ancienne Division 3 à Lyon-Duchère, où j’ai passé 5 ans : on était même monté en Division 2 en 1990- 91 mais l’accession avait été refusée. Puis j’ai passé 5 ans à Saint-Priest, entre CFA et National, et au même moment, je suis rentré dans l’entreprise en bâtiment de mon père, ce qui me permettait de m’entraîner le soir. J’avais fait des études pour être conducteur de travaux. J’ai repris l’entreprise de mon père, j ai eu jusqu’à 10 salariés. A Saint-Priest, la plupart des joueurs était de Lyon, c’est ça qui faisait le charme. Ensuite, j’ai joué un an à Ain Sud foot et deux ans pour terminer à Plastics Vallée, le club d’Oyonnax, en DH. J’étais milieu de terrain polyvalent, puis j’ai fini latéral droit.

« Un sentiment d’inachevé »

Avec le FBBP 01, en 2017. Photo Philippe Le Brech

Votre aventure avec Bourg-Péronnas, c’est votre meilleur souvenir ?
Forcément, avec cette montée en Ligue 2 en 2015, qui est l’aboutissement d’un rêve. Surtout que la plupart des joueurs, à l’époque, n’avait jamais été professionnel. Un joueur comme le capitaine Yannick Goyon a même signé pro pour la première fois grâce à cette montée, à 34 ans !

J’aime les aventures humaines. C’est ce qui m’anime. C’est pour ça que je suis revenu dans ce club-là, à Bourg, l’été dernier. Mais chaque saison, j’ai vécu quelque chose, dans le monde amateur aussi, à mes débuts, ça a été aussi marquant qu’une saison en Ligue 2, même si ce n’est pas le même plaisir et les contraintes sont différentes.

Aujourd’hui, c’est quoi votre ambition ?
Ma volonté, c’est de retrouver la Ligue 2. Je suis persuadé que j’ai le niveau. J’aimerais bien revivre ça, parce que pour moi, c’est un sentiment inachevé.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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À 32 ans, l’attaquant vient de boucler sa 3e saison d’affilée en Ligue 2, chez lui, au Sporting. Le chasseur de buts, amoureux de chasse, de pêche et de nature, retrace son parcours, fait de hauts et de bas.

Par Anthony Boyer – photos : SC Bastia

Un jour, quelqu’un a dit, « Si Chambly était en Corse, j’y aurais fait toute ma carrière de footballeur ! » Mais Chambly n’est pas en Corse, cette île que Benjamin Santelli, l’attaquant du Sporting-club de Bastia, chérit plus que tout. Cette île qu’il ne quitte que pour effectuer les déplacements sur le continent avec son club, le Sporting-club de Bastia, avec lequel il entretient une relation fusionnelle.

Pourtant, avec le Sporting, LE club de la Corse, l’histoire n’a pas toujours été simple : un passage en jeunes au centre de formation, un départ à 16 ans car non retenu, un retour en National 3 quelques années plus tard, un nouveau départ, le premier sur le continent, un retour en National… Avec celui que tout le monde surnomment « Benji », c’est un peu « Le guide du routard » !

Et comme dans « routard », il y a « tard », c’est sur le tard, à 27 ans, après dix ans passés entre la Division d’Honneur (Régional 1 aujourd’hui) et le National, que le natif de Bastia a découvert la Ligue 2. Non pas qu’au CA Bastia, ce ne fut pas « pro », mais à l’époque, le club voisin sortait à peine d’une saison en Ligue 2 (2013-2014), ce qui lui avait permis de conserver le statut en National.

Et puis, comme il le confie dans l’entretien qu’il nous a accordés avant la 38e et dernière journée de Ligue 2 BKT face au Paris FC à Furiani (1-1), il n’a pas toujours pris le foot au sérieux, du moins pas suffisamment pour en faire son métier plus jeune, sans doute parce qu’il considérait le ballon comme une passion, un plaisir, celui de jouer avec ses amis. Il n’en tire aucun regret, seulement un constat. C’est tout simplement son histoire. Celle d’un attaquant qui allait très vite chez les jeunes sur son côté gauche, qui ne ménageait pas ses efforts, et qui est devenu le numéro 9 du Sporting-club de Bastia en National mais surtout en Ligue 2, après la remontée dans l’antichambre professionnelle du peuple bleu en 2021 (101 matchs de L2 avec le Sporting, 23 buts en championnat). L’histoire de Benjamin Santelli, c’est celle d’un passionné de chasse, de pêche, de nature et de football. C’est celle d’un chasseur de buts ! Cette histoire, il nous la raconte.

Interview / « J’ai eu des moments difficiles »

Meilleur souvenir sportif ?
Il y en a deux. Ce sont deux épopées en coupe de France avec L’Île Rousse et avec le Sporting-club de Bastia. Les deux clubs étaient en National 3 à ce moment-là. Avec Bastia, on avait été éliminés en 8e de finale contre Caen qui était en Ligue 1, j’avais égalisé (élimination aux tirs au but), ça reste un très bon souvenir. Et avec l’Île Rousse, on avait également atteint les 8es de finale après avoir éliminé Bordeaux, en 2014. On avait perdu contre Guingamp (0-2) sur le terrain d’Ajaccio (François-Coty).

Pire souvenir sportif ?
Quand je me suis fait les croisés, à Beauvais (en novembre 2019, au 7e tour de la coupe de France), avec Chambly, alors que je faisais un bon début de saison en Ligue 2, pour mon retour; et ça m’a un peu « tué ».

Combien de buts marqués ?
Franchement, je ne sais pas… Si je compte les années pros, avec le National ? (Il réfléchit) Non, je ne sais pas du tout. Vous le savez, vous ?

C’était pour savoir si tu les comptais ?
Si, si, je les compte, mais en pros, depuis quelques années, depuis que je suis à Bastia, mais dans le monde amateur, je ne sais pas, ce n’était pas forcément comptabilisé au début.

Ton plus beau but ?
Ma tête contre Caen, en 8e de finale de la coupe de France, avec le Sporting. C’est le but qui m’a fait le plus vibrer. Mais y’en a d’autres aussi qui sont pas mal !

Pourquoi pratiques-tu le football ?
Tout petit, avec mes amis, on jouait au foot, dans la rue, dans le jardin, dans les champs, au village, et ma famille est passionnée de foot aussi, donc voilà… Tout ça m’a poussé à jouer au foot. Je viens d’un petit village, Isolaccio-di-Fiumorbo, c’est toujours en Haute-Corse mais plus dans les terres, à 1h15 de Bastia, où je suis né.

Tu n’as pas toujours joué attaquant, n’est-ce pas ? Comment as-tu basculé de piston à numéro 9 ?
J’avais déjà joué piston gauche avant les années à Chambly, c’était au CA Bastia, avec Stéphane Rossi, parce que j’avais déjà cette polyvalence; le coach me faisait jouer un peu piston, un peu attaquant. Piston, c’est un poste que j’aime bien aussi même si ce n’est pas du tout le même registre que numéro 9, mais je m’adapte, ça ne m’a jamais dérangé.

Mais comment s’est fait la bascule ?
Jeune, je jouais numéro 9, et c’est après que j’ai joué piston, parce j’ai un gros volume, je suis un joueur qui court beaucoup, et je suis un attaquant qui défend beaucoup aussi, j’avais des bases pour défendre : Stéphane Rossi avait apprécié ça je pense, et j’avais commencé piston gauche au CA Bastia. Et en cours de saison, je suis passé attaquant. Il s’est passé la même chose à Chambly, où le coach Bruno Luzi, avec qui j’avais une belle relation aussi, m’a d’abord fait jouer piston gauche, et puis avant que je ne me fasse les croisés, j’avais joué attaquant les derniers matchs.

Cette polyvalence ne t’a jamais dérangé ?
Non, ça ne me dérange pas, même si mon poste de prédilection, c’est numéro 9. Mais je peux jouer côté, je peux dépanner, même si ne n’ai plus 20 ans et que je ne peux plus enchaîner les matchs pour jouer sur le côté, comme en étant ailier par exemple, encore que, cette année, j’ai beaucoup joué sur le côté. Piston ou ailier, c’est différent, même si beaucoup pensent que c’est pareil. Piston, offensivement, tu apportes, mais tu défends beaucoup plus. Ma polyvalence, c’est un avantage, mais cela peut aussi être un inconvénient dans une carrière.

Tu penses que cette polyvalence t’a freiné ? T’a desservi ?
Sincèrement, avec le recul que j’ai aujourd’hui, je pense que oui, mais je ne regrette rien, cela fait partie du foot, de mon histoire. Peut-être que, à un moment donné, dans ma tête, si je m’étais dit « voilà, aujourd’hui, je joue piston, ou bien voilà, je joue attaquant », il aurait fallu alors choisir. Mais je suis content de ce que j’ai vécu jusqu’à présent, je ne regrette rien, c’est comme ça, c’est le foot.

Ton geste technique préféré ?
Avant, c’était le grand pont (rires), quand j’étais devant, je faisais quasiment tout le temps ça, mais aujourd’hui, je n’ai pas un geste technique particulier, je ne suis pas un joueur technique, ce n’est pas mon point fort.

Tes qualités et tes défauts sur un terrain ?
Je ne renie pas les efforts, je suis toujours à 200 %, je cours beaucoup, même trop parfois, ce qui fait que je peux perdre en lucidité devant le but. J’aime les duels. Je suis un attaquant qui aime bien garder le ballon, qui essaie de caler le ballon, j’ai un bon pied gauche. Mes défauts ? J’ai un pied droit très faible, qui ne sert pas à grand-chose, je ne vais pas très très vite, même si je ne suis pas lent non plus. Le truc, c’est que dans le foot d’aujourd’hui, la vitesse est importante. Donc c’est sur que par rapport aux attaquants modernes, qui vont vite, qui sont puissants… Je ne suis pas ce profil-là. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, pas sûr que les clubs chercheraient un profil comme le mien, je pense. Mais des attaquants costauds, comme moi, j’espère que ça existera encore.

Et dans la vie de tous les jours ?
Je suis un mec cool, ouvert, bon vivant, j’ai toujours le sourire, mais je ronchonne un peu pour rien. Mais sans prétention, je rigole tout le temps, je fais souvent des blagues.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Récemment, sur le plan individuel, c’était lors ma première saison en Ligue 2, à Bastia (2021-22), où j’ai souvent été décisif. Sur le plan collectif et émotionnel, c’est la saison passée avec Bastia, quand on a fini 4e de Ligue 2, on avait un super-groupe. En amateur, j’ai eu de belles saisons aussi, je pense à celle en National 3 avec le Sporting (en 2018-2019), quand on est monté en National 2. Là aussi, sur le plan personnel, j’avais fait une bonne saison, j’avais mis une trentaine de buts, coupe et championnat confondus, mais ce n’était que de la N3, je suis lucide aussi, je n’ai pas mis 30 buts en Ligue 2 ! Dans l’équipe, il y avait beaucoup de Corses, beaucoup d’amis et de joueurs que je connaissais depuis des années. On s’est régalé.

Une erreur de casting dans ta carrière ?
Sincèrement, je n’ai pas de regret. Je n’ai pas non plus fait beaucoup de clubs non plus. Je suis parti deux fois à Chambly où je me suis fait deux grosses blessures mais de quitter la Corse et le cocon familial, ça m’a fait découvrir beaucoup de choses. J’ai appris et ça m’a fait grandir sur certains aspects. Et puis, à Chambly, j’ai connu de bonnes personnes. Et aujourd’hui, ce sont des personnes avec lesquelles je suis encore en contact. Donc aucun regret.

Tu avais besoin de quitter la Corse ?
C’est grâce à mon départ de la Corse que j’ai pu goûter au monde professionnel, même si avant, à 22 ans, j’avais déjà signé pro au CA Bastia, mais c’était en National, quand le club venait juste de tomber de Ligue 2. Là, à Chambly, je découvrais la Ligue 2 sur le continent. C’était un « plus » pour moi. C’était une belle expérience. Après, je ne vous cache pas que l’on est mieux chez nous, en Corse, mais bon (rires)… Je pense que ça m’a aidé, même s’il y a eu ces deux blessures.

Il paraît que, dans une interview en Picardie, tu as dit que si Chambly avait été en Corse, tu y aurais passé toute ta carrière, c’est vrai ?
Oui, c’est vrai, c’est vrai ! J’avais dit ça dans un article ! Nous, on est très famille, après, je ne sais pas trop comment ça se passe ailleurs, car hormis Chambly, je n’ai pas beaucoup bougé de l’île, et là-bas, quand je suis arrivé, je m’y suis tout de suite retrouvé, car c’est familial. Le club était en construction. J’ai kiffé la mentalité là-bas, même si au niveau du cadre de vie, on est à l’opposé de la Corse. J’ai aimé la mentalité des gens là-haut, et je suis encore en contact avec beaucoup de personnes.

En fait, tu as besoin de sentir un esprit « famille » ?
Aujourd’hui, le foot, c’est mon métier, et je suis très content de pouvoir vivre de ma passion. Mais à la base, c’est une passion. J’aime le foot pour ces moments-là, le côté familial, amical, on est heureux d’aller à l’entraînement, de voir ses potes, et quand tu arrives dans le monde pro, il y a beaucoup d’enjeu. Et même si, personnellement, je n’ai jamais eu de pression de ma vie, là, en pro, il y a une pression générale que l’on ressent, qui fait qu’il faut des résultats, par rapport au club, à ses objectifs. Mentalement, il faut être fort. C’est différent du monde amateur.

Le Sporting-club de Bastia parvient à garder cet esprit familial, même en Ligue 2 ?
Oui, on reste toujours un club famille car on connaît beaucoup de monde ici, on côtoie beaucoup de gens, tous les jours, mais c’est sur que c’est plus professionnel, c’est logique, sinon, on n’y arrive pas, on n’avance pas. Bien sûr, ce n’est pas la même chose que lorsque je jouais en amateur ou même à Chambly, qui venait de gravir les échelons, et qui découvrait le monde pro. C’est ça la grande différence avec le Sporting : je ne vais pas vous le dire, mais Bastia, c’est un club historique. Il faut que ça soit professionnel et avec un esprit un peu famille.

Un club où tu aurais rêvé de jouer ?
Je rêvais de jouer au Sporting-club de Bastia ! Sinon, je suis fan du Milan AC, c’est ça le rêve fou que j’avais quand j’étais petit. Et j’aime le Real Madrid aussi. Mais j’ai été formé au Sporting. Je suis très fier de porter les couleurs du Sporting et de faire partie de l’histoire du club.

Avec le Sporting, tu as une histoire singulière : tu y as été formé, tu en es parti, tu es revenu, puis reparti…
Oui, j’ai un parcours très atypique, je sais. J’ai commencé dans mon club de village, puis j’ai fait 3 ans en jeunes à Bastia, en 14 ans et 16 ans Nationaux, mais ça ne passait pas : quand j’avais 15 ans, le club ne m’a pas gardé. J’ai rebondi pendant un an en 16 ans Nationaux, au Gazelec Ajaccio, parce que je voulais encore jouer à ce niveau. Puis je suis retourné chez moi, à Ghisonaccia. Et là, à 18 ans, j’ai commencé à jouer en amateur, à l’Ile Rousse, en DH puis en CFA2, puis au CA Bastia en National… Tous les ans, j’ai un peu évolué, je suis parti à Chambly en National, et puis je suis revenu en Corse quand je me suis blessé la première fois là-bas (pubalgie). Avec le Sporting, on fait une super saison en N3 et je repars à Chambly, qui me rappelle, en Ligue 2 ! Le tremplin était important : j’avais 28 ans et je passais du National 3 à la Ligue 2, et là, je me fais les croisés… Je ne vous cache pas que j’ai eu des moments difficiles… Partir, revenir, partir, ça a été dur, mais je ne regrette rien. Je n’avais jamais joué en pro en Ligue 2, j’avais juste été pro au CA Bastia mais en National. Je ne pouvais pas refuser ! Ma carrière, c’est les montagnes russes.

Tu as eu des moments de découragement ?
Après les croisés, mentalement, c’était dur, j’avais 28 ans. Aujourd’hui, je suis bien physiquement et, je vais vous dire, sincèrement, je pense que je suis mieux aujourd’hui physiquement qu’à 28 ans. Par contre, à 28 ans, je me demandais comment j’allais revenir de cette grosse blessure, je n’avais jamais connu ça. Mentalement, c’était dur. Et c’est vrai que le fait de revenir en Corse, en N3, la première fois, après ma pubalgie, et d’être dans ce projet de faire remonter le club, ça m’a aidé.

Un coéquipier marquant ?
Quand je suis arrivé au CA Bastia, il y avait Julien Toudic… Il était impressionnant à l’époque. Devant le but, c’était une gâchette, ça m’avait marqué. J’arrivais du monde amateur. Chaouki Ben Saada aussi, dont je suis proche, même s’il était en fin de carrière à Bastia : je voyais vraiment la différence. Après, en sélection corse aussi, la « Squadra Corsa », quand je l’ai intégrée, à 20 ou 21 ans, j’ai côtoyé des sacrés joueurs, qui évoluaient en Ligue 1.

Un coéquipier avec lequel tu pouvais jouer les yeux fermés ?
Il y en a quelques-uns ! Dernièrement, je dirais Sébastien Salles-Lamonge (parti au Mexique l’été dernier) : pendant 2 ans, j’ai joué avec lui, et pour un attaquant, avoir un numéro 10 comme ça… C’est le joueur qui m’a fait le plus de passes décisives je pense. Quand je faisais un appel, je savais que j’allais recevoir le ballon dans de bonnes conditions, dans les pieds. Chaouki Ben Saada aussi, même s’il a moins joué.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Aucun en particulier, parce que je suis quasiment en contact avec tout le monde. Et puis on est en Corse, c’est petit ici, tout le monde se connaît, ici, et on sait où sont les uns et les autres. La plupart de mes coéquipiers en amateur ont presque tous arrêté le foot; déjà ils ont tous mon âge ou sont un peu plus vieux !

Un entraîneur perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Je n’ai pas eu beaucoup de coachs, mais je sais où ils sont, comme Stéphane Rossi, qui est à Bourges, Bruno Luzi, avec qui j’ai eu une très bonne relation à Chambly, et qui a démissionné de Compiègne, j’ai eu Benoît Tavenot aussi pendant 6 mois à Bastia-Borgo. Récemment, j’ai revu Christian Graziani, l’ex-coach de l’Ile Rousse, ça reste un ami, je l’ai connu grâce au foot.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
J’ai toujours été bien avec les coachs. Sincèrement.

Un président marquant ?
Antoine Emmanuelli au CA Bastia, qui m’a appris beaucoup de choses. Je l’apprécie beaucoup, c’est lui qui m’a lancé on peut dire, lui avec le coach Stéphane Rossi aussi. Et sur le plan affectif, le président de Chambly, Fulvio Luzi. Et puis Claude Ferrandi bien sûr, le président du Sporting, je l’apprécie énormément : je suis parti, je suis revenu, il a toujours été correct avec moi. En choisir un ? Mon président actuel alors.

Une causerie d’un coach ?
La causerie de Stéphane Rossi avant Caen, en coupe de France.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Rémy Cabella.

Une appli mobile ?
Insta.

Des rituels, des tocs ?
Oui, j’en ai quelques-uns, mais rien de fou… Je suis superstitieux, c’est vrai…

Une devise, un dicton ?
« One life ». Je dis toujours ça à mes amis. On n’a qu’une seule vie.

Que t-a t-il manqué pour jouer en L1 ?
Être un peu plus sérieux, plus professionnel, même quand je jouais en amateur. Plus jeune, je jouais au foot pour m’amuser, même si je voulais réussir et être pro, mais je ne mettais pas de pression. Je me disais que si je ne réussissais pas, j’irais travailler. Je me disais que ce n’était pas grave. En fait, j’aurais dû me donner plus les moyens à cette époque, et peut-être que j’aurais signé pro plus tôt. J’aurais peut-être dû partir sur le continent plus tôt. Mais j’aimais trop la Corse, je n’avais pas envie de partir. Si j’étais parti plus tôt, ma carrière aurait peut-être été différente.

Tu es un attaquant plutôt…
C’est dur comme question ! Combatif.

Combien de cartons rouges ?
Je crois que j’en ai pris 3 ou 4. 3 il me semble.

Passions ?
J’aime la chasse, la pêche… ma famille, mes familles, au village, pratiquent ces activités. Je suis né là-dedans. J’aime bien la montagne. Je suis proche de la nature. Les balades, les randonnées… On a l’impression d’être libre, d’être seul au monde. On a la montagne et la mer dix minutes après ici, donc c’est cool, mais je préfère la montagne.

Un surnom ?
« Benji ». D’ailleurs, les gens pensent que je m’appelle « Benji », ça me suit depuis très longtemps !

Le milieu du foot ?
Spécial, difficile, mais ça reste un super-milieu, parce que quand même, on côtoie beaucoup de monde, on fait des rencontres.

Le Sporting-club de Bastia ?
Historique, mythique. c’est LE club toute de la Corse.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Sporting-club de Bastia

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En mai 2018, le milieu de terrain était le capitaine des Herbiers, finaliste de la Coupe de France contre le PSG. Six ans plus tard, sous les mêmes couleurs (rouge et noir), il a été l’un des acteurs majeurs de la remontée de Boulogne-sur-Mer, en National.

Par Jean-Michel Rouet / Photos Philippe Le Brech

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Personne n’a oublié la scène et cette photo entrée dans la légende de la Coupe de France : nous sommes le 8 mai 2018, et, dans la corbeille du Stade de France, Sébastien Flochon, capitaine du Vendée Herbiers Football, brandit le trophée en même temps que Thiago Silva, capitaine du PSG, qui rend ainsi hommage à l’héroïque résistance du club de National (2-0 pour le PSG).

Dans L’Equipe, il hérite même de la meilleure note de sa formation (7/10) pour sa prestation au milieu du terrain face aux Adrien Rabiot ou Thiago Motta. Au terme d’un parcours incroyable (éliminations d’Auxerre, Lens, Chambly), Les Herbiers renvoient une image magnifique du troisième échelon du football français. Un troisième échelon que vient juste de retrouver l’US Boulogne-Côte d’Opale, un autre club en rouge et noir, champion du groupe C de N2, dont l’un des leaders s’appelle … Sébastien Flochon, 31 ans désormais et le plus expérimenté de la bande (37 matches de Ligue 2, 116 matches de National).

Pourtant, le milieu relayeur n’est ni vendéen, ni nordiste, mais un Lyonnais pur jus (d’ascendance sarde par sa mère) qui a toujours l’OL dans le sang. Récit d’un battant à la trajectoire parfois en dents de scie, mais avec heureusement beaucoup plus de joies que de peines.

Douze ans à l’Olympique Lyonnais

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Sébastien Flochon a tapé ses premiers ballons à l’âge de 6 ans, au FC Ménival, club de quartier du 5e arrondissement de Lyon. Le club aussi de Karim Mokeddem, l’actuel entraîneur d’Orléans. « J’ai toujours des liens là-bas, j’y retourne dès que je rends visite à ma famille, explique Flochon. Le FC Ménival, c’est aussi un peu ma famille, avec un président formidable. C’est un club qui fait honneur au football ».

Au FC Ménival, Flochon joue en débutants avec son ami d’enfance, le futur champion du monde Samuel Umtiti. Ce sont les surdoués u club et, en poussins, tous les deux sont recrutés par l’Olympique Lyonnais. « C’était le grand OL, rappelle Flochon, celui multi champion de France, demi finaliste de la Ligue des Champions, l’OL de Juninho qui faisait rêver tous les gamins de Lyon. Mon père m’emmenait à tous les matches à Gerland. C’était magnifique. »

Sébastien Flochon restera 12 ans à l’Olympique Lyonnais, des poussins à l’équipe réserve en CFA (N2 aujourd’hui). Il est de la génération 1993, celle des Nabil Fekir, Alassane Plea et Samuel Umtiti, donc. Mais il jouera aussi avec ses jeunes aînés, Alexandre Lacazette ou Anthony Lopes. « J’ai fait toutes les catégories jusqu’aux seniors, souvent avec le brassard de capitaine, et on a notamment gagné en 2011 le championnat de France des réserves qui existait encore. »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Il dispose alors d’un contrat stagiaire. Mais il ne signera jamais pro à Lyon. Il raconte : « Ce fut un traumatisme, j’étais l’enfant du club, j’étais tout près, mais je suis resté à la porte. Je pense qu’on aurait pu me faire signer un an, pour voir… J’avais même eu des assurances, mais ça ne s’est pas fait, et il y avait énormément de très bons joueurs avec moi. Aujourd’hui, je ne retiens que le positif : pendant 12 ans, j’ai porté le maillot de l’Olympique Lyonnais et c’est un très grand privilège. »

« J’ai choisi Le Havre mais ce fut une erreur »

En 2013, Sébastien passe quand même professionnel : il signe un contrat de trois ans, mais au Havre AC (Ligue 2). « J’avais deux offres de Ligue 2, Le Havre et l’AJ Auxerre, dit-il. J’ai choisi Le Havre car le contrat était plus intéressant. Ce fut une erreur majeure. Auxerre me voulait plus. Sportivement j’aurais dû y aller. »

Au début, les choses ne se passent pas trop mal au Havre. Il joue cinq matches de Ligue 2, dont le tout premier avec pour coéquipier Riyad Mahrez. « Et puis je me suis retrouvé à la cave, sans explication, dit-il. Ça se passait mal avec le coach (Erick Mombaerts). J’avais 20 ans, c’était brutal. J’ai résilié ma troisième année de contrat pour avoir du temps de jeu en National. »

Au CA Bastia, il retrouve la joie de jouer

En 2015, libre, il se retrouve pourtant en National, au CA Bastia (devenu Borgo FC). « Quand tu sors de l’OL et du Havre, le CA Bastia, c’est un virage à 180 degrés, sourit-il. Pourtant, c’est là que j’ai retrouvé le plaisir du foot. Le club descendait de Ligue 2 et avait donc encore le statut pro. C’était un club bien organisé avec un président génial, Antoine Emmanuelli, qui a beaucoup compté pour moi. Une très belle personne comme on n’en rencontre pas beaucoup dans le milieu du foot. J’ai eu deux bons coaches, Christian Bracconi et Stéphane Rossi, on jouait bien… Mes coéquipiers corses m’avaient adopté, peut être à cause de mon sang sarde (par sa mère), car les corses et les sardes c’est presque pareil…. (Rire). »

L’ascenseur émotionnel aux Herbiers

Sébastien se plaît en Corse mais, à 23 ans, son ambition reste de retrouver la Ligue 2. Il pense y arriver au Tours FC, mais le club est dans la tourmente : il ne signe finalement pas et pour quelques semaines, le voila chômeur, jusqu’au coup de fil d’André Gaborit, le recruteur des Herbiers (National), fin 2016 : « ça s’est fait vite avec Frédéric Reculeau, le coach, et Stéphane Masala, son adjoint, avec qui le courant est tout de suite passé. Et j’y ai aussi retrouvé mon ami Matthieu Pichot, le gardien avec qui je jouais à Bastia. J’ai tout de suite trouvé ma place dans le football de possession prôné par le staff. Ça me rappelait l’OL »

Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.

Sa deuxième saison en Vendée (2017-18) restera inoubliable. Sur le banc, Stéphane Masala a succédé à Frédéric Reculeau en janvier. En Coupe de France, le VHF élimine Auxerre à l’Abbé Deschamps (3-0), puis Lens (tirs au but) et Chambly (2-0) en demi-finale à Nantes, dans une Beaujoire à guichets fermés. Contre Lens, Sébastien inscrit même le tir au but de la qualification.

Direction donc le Stade de France, une finale épique contre le PSG (0-2), 80 000 spectateurs, la Une des journaux… Et trois jours plus tard, la catastrophe, la relégation en N2. « Un ascenseur émotionnel extrêmement violent et en même temps un fort sentiment d’inéquité sportive, dit-il aujourd’hui. On a disputé la finale le mardi à 21h et le vendredi 18h on jouait le maintien à Béziers qui lui jouait la montée en Ligue 2… On aurait au moins pu nous accorder 24 heures supplémentaires, surtout qu’on ne voyageait pas comme une équipe de Ligue 1. On a passé une demi journée dans le train entre Paris et Béziers, et on était vidés, physiquement et mentalement… On a pris 4-1, mais il fallait quand même une conjonction improbable de résultats pour qu’on descende… et le pire scénario s’est produit. »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

« Ce fut terrible ! Quand je vois qu’aujourd’hui on reporte les matches du PSG et de l’OM pour les aider… On a été la vitrine du foot amateur pendant plusieurs semaines, on nous encensait partout, mais personne ne nous a tendu la main pour qu’on puisse au moins jouer notre maintien dans des conditions équitables. Mais ce n’est pas à cause de la Coupe de France qu’on a été relégués, on a simplement payé notre mauvais début de saison… Après quoi, on est revenus fort au classement, en marge de la Coupe, mais il a manqué un point… Résultat, tout le monde est parti, ou presque, alors que nous avions un groupe de grande qualité qui aurait fait mal la saison suivante en National, j’en suis certain. »
Six ans plus tard, Les Herbiers est toujours en National 2.

« En famille dans une autre famille, à Chambly »

Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

La page « Les Herbiers » se tourne donc dans la douleur. « Mais je préfère ne garder que les très bons souvenirs de ce très beau club à qui je dois l’essentiel de ma petite notoriété » dit le joueur, qui se retrouve ainsi à nouveau sur le marché : « Avec l’exposition de la Coupe et mes matches réussis contre des équipes pros, je pensais aller en Ligue 2. J’ai eu plusieurs approches qui n’ont pas abouti. Chambly (National) s’était tout de suite manifesté avec une proposition concrète. Quelqu’un a beaucoup compté dans mon choix, il se reconnaîtra (sourire). Et puis à Chambly, je retrouvais une âme italienne avec Fulvio et Bruno Luzi (président et entraîneur), ça me plaisait. Des hommes et des bâtisseurs incroyables ! Il y avait un très beau projet, sérieux et structuré, et en plus Chambly a recruté plusieurs de mes coéquipiers des Herbiers (Eickmayer, Dequaire, David, D. Fofana). Je suis resté en famille dans une autre famille ».

Dans l’Oise, Flochon va traverser trois saisons riches et intenses : une accession de National en Ligue 2 pour commencer, en 2019, un bon maintien en L2 la première saison (10e) et malheureusement une relégation actée à cinq minutes de la fin du dernier match avec une défaite au Paris FC (0-3), en jouant de surcroît ses matches « à domicile » à Beauvais où Charléty (faute de stade aux normes) et la plupart à huis clos en pleine période Covid.

Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.

Il soupire : « L’accession en Ligue 2 et ses festivités, je n’en avais pas vraiment profité hélas car à deux mois de la fin de saison, contre Cholet, j’ai subi une double fracture de la cheville à la suite d’un violent tacle par derrière. Vraiment une sale blessure. J’ai énormément souffert. Je me suis battu comme un fou pour revenir avec notamment deux mois de rééducation à Clairefontaine. En octobre, je rejouais avec Chambly en Ligue 2 contre Sochaux ! On avait un super groupe avec un staff au top, et l’atmosphère très familiale compensait les infrastructures modestes. Le championnat a été arrêté en mars par le Covid, à dix journées de la fin, alors qu’on venait de gagner à Lorient, chez le leader (2-1), pour être classé finalement dans la première partie du tableau (10e) devant Auxerre, Nancy, Caen, Sochaux, le Paris FC… Énorme pour Chambly. Malheureusement la deuxième saison a été plus compliquée. On n’avait toujours pas de stade à nous, c’était un gros handicap, Concarneau s’en est aperçu cette saison. Mais on a lutté jusqu’à la dernière seconde et Caen s’est sauvé à nos dépens d’extrême justesse. Le groupe s’est disloqué avec la relégation, comme aux Herbiers, c’était la fin d’un cycle. »

« J’ai toujours cru au projet de Boulogne »

Sous le maillot du FC Chambly. Photo Philippe Le Brech.

De Chambly à Boulogne-sur-Mer, le chemin est direct via l’Autoroute A16. A l’été 2021, Sébastien Flochon va pourtant faire un petit et rapide détour par l’Île de France et Créteil (National). Ce ne sera pas le meilleur souvenir de sa vie, c’est un euphémisme : « Ce n’était pas un club pour moi », résume-t-il.

Direction le Pas-de-Calais. Flochon arrive en cours de saison et l’USBCO, toujours en National, a changé d’entraîneur (Stéphane Jobard à la place d’Eric Chelle) sans parvenir à échapper à la relégation en National 2. Un nouveau coach débarque, Christophe Raymond, et la spirale négative s’amplifie. À mi-saison, Boulogne a un pied et demi en National 3 …. avant d’opérer un rétablissement extraordinaire, pour se sauver au dernier match et poursuivre sur sa lancée avec le même groupe de joueurs pour finalement dominer de bout en bout son groupe de National 2 cette saison et retrouver le National !

Sous le maillot de Chambly Photo Philippe Le Brech.

L’explication ? « La réponse est facile : le coach, c’est une évidence, sourit Flochon. En pleine tempête, les dirigeants ont eu le bon sens de nommer un homme du cru, Fabien Dagneaux, qui connaissait parfaitement le club pour avoir dirigé les jeunes et la réserve. Et ils l’ont associé à Anthony Lecointe, une légende à Boulogne, unanimement connu sous le surnom de « Ti Mousse », présente dans l’équipe de Boulogne qui est montée en Ligue 1 à l’issue de la saison 2009-2010. Ils ont tout de suite été adoptés, par le vestiaire, par le public… Ils ont été pragmatiques et ont remis au goût du jour les valeurs de Boulogne. Le club a retrouvé soudainement son identité. A Boulogne, on respire le foot. C’est une vraie ville de foot, le club a une âme, des installations (stade de la Libération, centre d’entraînement de la Waroquerie) dignes d’un club pro. »
Alléchés par un parcours quasi sans faute, les supporters sont revenus en masse et l’USBCO affiche la plus forte affluence de National 2, tous groupes confondus, et de loin (2628 spectateurs de moyenne).

Sur la Côte d’Opale, le Lyonnais est chez lui. « J’adore Boulogne, la ville, les gens, le club… J’ai acheté une maison, ma femme et mes deux petits garçons y sont heureux, ça compte aussi beaucoup bien sur. C’est pour ça que je n’ai pas donné suite l’été dernier à quelques approches, dont un club de National. J’ai toujours cru au projet de Boulogne. »

Sébastien Flochon, du tac au tac

« Pourquoi pas retrouver la L2 avec Boulogne ? »

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.

Ton meilleur souvenir ?
Le Stade de France, bien sûr ! Jouer une finale de Coupe de France devant 80 000 personnes, contre le PSG, devant ta famille, tes amis, avec le brassard de capitaine et le Président de la République sur la pelouse avant le match… Pfff… Incroyable !

Le plus mauvais ?
Le 28 mars 2019, à Chambly, contre Cholet. Un tacle par derrière, double fracture de la cheville… Ma carrière aurait pu s’arrêter là.

Le meilleur joueur avec qui tu as joué ?
J’en citerais deux : Samuel Umtiti et Nabil Fekir a l’OL. Mais j’ai aussi joué mon premier match pro au Havre avec Riyad Mahrez.

L’entraîneur qui t’a le plus marqué ?
Stéphane Masala, aux Herbiers. Son leadership et son managérat.

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.

Un président plus qu’un autre ?
Antoine Emmanuelli au CA Bastia.

Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
Aucun. Même les mauvaises expériences m’ont servi à avancer.

Tes meilleurs amis dans le foot ?
Samuel Umtiti et Matthieu Pichot, mon ancien coéquipier (gardien de but) à Bastia et aux Herbiers, qui est aujourd’hui dans la Gendarmerie.

Ta vie hors du foot ?
Ma famille. Je fais en sorte de consacrer beaucoup de temps à ma femme et mes enfants. Et puis le sport en général… Je lis L’Equipe tous les jours.

Un sport plus qu’un autre ?
La boxe ! J’ai toujours été un passionné. Avec Chambly, en Ligue 2, Bruno Luzi et son staff nous avaient emmené faire une séance de boxe au club de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise. J’ai adoré. Je me suis lié d’amitié avec l’entraîneur du club, Giovanni Boggia (encore un italien !) et Yvan Mendy, le champion d’Europe.

Sous le maillot de l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

J’y suis ensuite retourné seul pour m’entraîner, mettre les gants. Et en décembre 2022, ils m’ont emmené avec eux au Tottenham Hotspur Stadium, à Londres, ou Yvan Mendy a défendu son titre européen devant 80 000 spectateurs en encadrement d’un championnat du monde de Tyson Fury. J’étais dans le coin de Mendy, incroyable ! J’ai même pu échanger quelques mots avec le poids lourd ukrainien Olexsandr Usyk, qui va faire le championnat du monde contre Tyson Fury, ce samedi 18 mai. J’étais comme un gosse ! Quel souvenir !

Des projets de reconversion ?
J’aimerais rester dans le foot. Grâce à mon club de Boulogne et via l’UNFP, je prépare le DUGOS (Diplôme Universitaire de Gestion des Organisations Sportives), un diplôme qui peut m’ouvrir des perspectives intéressantes; j’y consacre pas mal de temps en ce moment. Mais j’espère encore jouer un bon moment. Et pourquoi pas retrouver la Ligue 2 avec Boulogne ?

National 2 / Samedi 18 mai 2024 – 26e et dernière journée : US Boulogne Côte d’Opale – FC Lorient B, à 18h, au stade de la Libération.

Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot des Herbiers, après la demi-finale de coupe de France 2018, avec Stéphane Masala. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot du FC Chambly. Photo Philippe Le Brech.
Sous le maillot des Herbiers. Photo Philippe Le Brech.
Avec Les Herbiers. Photo Philippe Le Brech.
Avec l’USBCO cette saison. Photo Philippe Le Brech.

Texte : Jean-Michel Rouet

Photos Philippe Le Brech