L’ex-attaquant, passé pro sur le tard, à 25 ans, revient sur son parcours et ses expériences de joueur et d’entraîneur. Aujourd’hui, à 54 ans, il cherche à revivre le Graal qu’il a notamment connu avec Rodez, après un long passage au Mans. Mais il refuse d’être considéré comme le coach de deux clubs.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

Qui se souvient que Laurent Peyrelade (54 ans), l’ancien attaquant, arrivé dans le foot pro sur le tard – à l’âge de 25 ans – a connu le National à ses débuts ? C’était à l’ESA Brive, à 100 kilomètres de chez lui, à Limoges. C’est là, en Corrèze, où il empilait les buts, que Robert Budzynski, recruteur et directeur sportif du FC Nantes, est venu le chercher, comme il était venu chercher Dominique Casagrande et Eric Carrière à Muret un peu plus tôt.
Prendre les meilleurs joueurs du National de l’époque, Nantes aimait bien ça. Si Laurent Peyrelade s’est souvent demandé « pourquoi moi ? », il n’a pas boudé son plaisir de se retrouver dans le club champion de France en titre, et de côtoyer de très grands footballeurs et un monsieur, Jean-Claude Suaudeau.

En revanche, tout le monde se souvient que Laurent Peyrelade est resté longtemps sur le banc du RAF (Rodez Aveyron Football), presque 8 ans, un club qu’il a façonné et conduit du National 2 à la Ligue 2. L’ancien joueur du LOSC a aussi longtemps exercé sur le banc au Mans, à la préformation d’abord, avec les U17 Nationaux ensuite (4 saisons) avant de devenir l’adjoint d’Arnaud Cormier en Ligue 1 puis en Ligue 2, pendant 2 ans (de décembre 2009 à décembre 2011).

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Devenir entraîneur ? Ce n’était pas forcément le destin de cet étudiant en médecine (2 ans) puis en STAPS, à Clermont, qui se voyait plutôt prof d’université, quelque chose comme ça. Le foot est arrivé plus tard. Du coup, il a profité de chaque instant de sa carrière professionnelle de joueur, qui a duré 10 ans. Sa carrière d’entraîneur, elle, dure depuis près de 20 ans mais est actuellement à l’arrêt : après avoir rempli sa dernière mission « sauvetage » à Grenoble au printemps dernier, il s’est remis en quête d’un nouveau projet.

Depuis son domicile, au Mans, entre deux cessions de sa formation de manager au CDES (au Centre de droit et d’économie du sport) de Limoges, Laurent Peyrelade, un homme ouvert d’esprit, très expressif, communicatif, naturel et qui a beaucoup de personnalité, a remonté le temps : ses débuts à Limoges, son départ à Brive, son court passage à Pau, ses débuts pros à Nantes, son parcours, sa vision du foot, ses souvenirs, ses regrets, ses erreurs, sa personnalité, il a effectué un large tour d’horizon dans une discussion à bâtons rompus, où il a souvent ri et employé le mot « fatalement » et l’expression « d’accord ? », et où il a bien sûr été question de Rodez et du Mans ! Car, et il en est bien conscient, on se souvient plus de son passage sur le banc en Aveyron, très marquant, que de ses trois derniers mois à Grenoble ou de sa courte expérience en National la saison passée à Versailles. Ah les étiquettes, difficile de s’en défaire !

Interview

« À Nantes, je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi » ?! »

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Meilleur souvenir de joueur ?
J’en ai trois ! Je les place sur le même pied d’égalité. La Ligue des champions avec Nantes, et notamment ce premier match contre Porto, ou plutôt l’entraînement de la veille, au stade, on avait fait un peu les cons avec Garcion, Casagrande, Da Rocha ou Renou, on faisait comme dans la cour d’école, on partait d’un but et on allait attaquer l’autre but, à trois contre personne, et on marquait des buts fantastiques. En fait, on était en Ligue des Champions et en même c’était la cour d’école ! J’arrivais de Brive, de découvrais une compétition que je ne pensais jamais découvrir de ma vie, mais cela ne nous avait pas empêché de garder notre âme d’enfant. Il y a aussi l’année de Ligue 1 avec Lille et Vahid (Halilhodzic), on fait 3e (en 2000-2001), on venait de monter de Ligue 2, on avait un super groupe. Un pur bonheur. Et aussi la première montée de Ligue 2 en Ligue 1 avec Le Mans (en 2003), après une saison exceptionnelle, on était dans un projet collectif incroyable.

Justement, au Mans, nous sommes allés voir le stade Léon-Bollée la semaine dernière… du moins ce qu’il en reste …
Vous l’avez reconnu ?

Oui, même s’il ne reste qu’une tribune, le reste est en friche, avec un programme immobilier qui sort de terre…
C’était un stade « centre-ville », comme il y en aura de moins en moins, comme le stade du Ray chez vous à Nice, voilà.

« Je n’écoute plus les scores des autres matchs à la fin »

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Meilleur souvenir d’entraîneur ?
La saison de National avec Rodez, quand on monte en Ligue 2 (saison 2018-2019), on a la sensation d’être imbattable, avec un groupe de joueurs exceptionnel.

Un souvenir d’entraîneur douloureux ?
Quand j’étais adjoint d’Arnaud (Cormier), au Mans, en L2, on mène 2 à 0 à la mi-temps à Vannes et on perd 4 à 3, on rate la montée en Ligue 1 à cause de ça (en 2011). On avait une équipe pour remonter, on rate le coche sur ce match, des choix, la pression, plein de choses…

Pire souvenir de joueur ?
A Lille, à la fin de la première année, on écoute les résultats sur le terrain, on est à la lutte pour la remontée, on gagne à Grimonprez-Jooris notre match mais on n’est pas maître de notre destin : du coup on écoute au stade la fin de l’autre match, et là… Je crois que c’était Martigues (Sochaux en fait). Depuis, je n’écoute jamais ce que font les adversaires après le match. Faisons notre match, et puis voilà.

Comptiez-vous vos buts quand vous étiez joueur ?
Non.

France-Angleterre 1982, la révélation

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Pourquoi avez-vous pratiqué le foot ?
Mon père y jouait, donc chaque week-end, j’allais sur les terrains de foot à Abzac en Charente, près de Confolens : je jouais le samedi à Limoges parce que mes parents travaillaient à Limoges et le dimanche on allait chez mes grands parents, on écumait les terrains autour d’Abzac, donc je ne connaissais que ce sport ! Et puis, ce qui m’a marqué, c’est qu’en 1982, mon père m’a emmené voir le match de l’équipe de France contre l’Angleterre à Bilbao (1-3), en Espagne, et là, magnifique. Mon père est un féru de foot, il était à Glasgow avec des amis en 1976 pour la finale de Saint-Etienne !

Première licence ?
A l’AC Landouge (aujourd’hui Limoges Landouge Foot), à Limoges, où mon père fut président, il est encore président d’honneur et toujours impliqué au club !

Pourquoi n’avez-vous jamais évolué dans le club phare de Limoges, qui venait de connaître la D2 ?
C’est vrai que j’allais voir les matchs en D2 (la dernière saison de Limoges à ce niveau remonte à 1986-1987) avec mon père, c’était l’époque de Francis Smerecki, qui était entraîneur, puis le club est redescendu en D4, et je n’étais pas… comment dire… Disons que j’avais juste cette qualité d’avoir la tête bien pleine, mais je suivais mes potes, j’allais là où ils allaient : c’est comme ça que je suis allé à l’ASPTT Limoges, pour jouer à un meilleur niveau qu’à Landouge, j’avais 17 ans, après je suis allé à Brive à 20 ans parce que Jean-Claude Giuntini, l’entraîneur, m’a contacté et que c’était encore un meilleur niveau, la D3, et on est monté en National 1, on est resté 3 ans à ce niveau. Là encore, le stade était en centre-ville, je n’ai jamais joué dans le nouveau stade de Brive. Mais avec Limoges FC, il n’y a jamais rien eu, pas de contact.

Pourquoi, lors de la saison 1994-1995, votre dernière en National, être parti à Pau puis revenu à Brive à la trêve ?
Parce qu’à Pau, il y avait beaucoup d’ex-pros, le club voulait monter en D2, mais il a explosé financièrement. On ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, donc je suis rentré à Brive, j’ai pu être réintégré au 126e Régiment d’infanterie de Brive pour effectuer mon service. On a fini 3e avec Brive, derrière Lorient et Poitiers qui sont montés en D2.

« Dans les années 90, le National était un championnat de villages »

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Vous avez connu le National dans les années 90 : c’est quoi les différences avec celui d’aujourd’hui ?
Il y en a beaucoup. La première qui me vient à l’esprit, c’était une division amateur, maintenant c’est une division professionnelle. Ensuite, c’était un championnat de villages, maintenant c’est un championnat de villes. La moitié du championnat, là, ce sont des clubs historiques du football français, avec des stades historiques. J’adore Les Herbiers, mais aujourd’hui, c’est quelque chose, avec Valenciennes, Le Mans, Sochaux, Nancy, Dijon, ce sont pas les mêmes enceintes ! Quand je jouais en National à l’époque, j’étais toute la semaine à Clermont, j’allais courir seul, je m’entraînais avec le club le mardi, parfois deux fois par semaine, ils étaient en DH ! J’avais un de mes meilleurs potes de Brive, Christophe Chastang, qui jouait à Clermont, d’ailleurs il y est toujours. Et je rentrais le week-end pour jouer avec Brive. Cela ne nous empêchait pas d’être performant. C’est inconcevable aujourd’hui. Tout a changé, les méthodes d’entraînement, la quantité d’entraînement…

Et le jeu ? C’était comment le National du temps de Brive ?
Déjà, nous, on était une équipe physique, ça correspondait à l’endroit où on était, Brive, une ville de rugby, avec Jean-Claude Giuntini, un entraîneur avec de la poigne, de la gnaque, et on courait ! Comme avec Vahid, attention ! La première année à Brive, j’ai perdu 10 kilos pendant la préparation ! Le championnat était plus physique, mais c’était différent. C’est pareil pour la Ligue 2 : on ne peut pas la comparer avec la D2 du temps où il y avait deux poules.

Votre geste technique préféré sur un terrain, c’était quoi ?
L’extérieur du pied.

« Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le foot moderne »

Vos qualités et vos défauts sur un terrain ?
J’étais adroit devant le but, je me déplaçais bien, j’anticipais bien. Mon défaut, un manque de volume. En fait, je n’avais pas d’énormes qualités, je n’avais pas non plus d’énormes défauts. C’est pour ça, je pense, que je suis passé pro assez tard (à l’âge de 25 ans, Ndlr). Cela a mis du temps pour que tout se mette en place. Je ne suis pas très… comment dire… je ne vais pas très vite ! Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le football moderne. Ah, et je n’aime pas perdre non plus.

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Si vous n’aviez pas signé pro, vous auriez fait quoi ?
J’ai fait deux ans de médecine à Limoges mais c’était trop compliqué, j’ai raté une épreuve la deuxième année, et là, impossible d’être dans le numerus clausus. Ensuite je suis parti en STAPS à Clermont : en fait, la semaine, j’étais à Clermont, et le week-end, je rentrais à Brive pour jouer en championnat. Je n’étais pas prédestiné pour faire le professorat. Je me serais plutôt orienté, je pense, vers des cours en université au niveau STAPS, ou alors prof agrégé d’université, cela aurait pu m’intéresser. Mes parents me disaient de passer les diplômes, et pour le foot, on verrait, parce que quand tu es jeune et que tu marques des buts, des sollicitations, on en a tout le temps, mais je n’avais pas d’agent au début. Il n’y a que deux clubs qui m’auraient fait devenir pro, c’était Nantes et Bordeaux. Voilà. Nantes et Robert Budzynski sont arrivés. C’était Nantes quand même, champion de France, des internationaux partout, une équipe incroyable… Je ne voyais pas trop pourquoi il venait chercher un jeune amateur à Brive-la-Gaillarde à ce moment-là ! Mais ça ne se refuse pas, parce que financièrement, ce que tu vas gagner en passant pro… On est beaucoup mieux payé en pro à Nantes que dans l’éducation nationale. Donc on s’est dit que, même si ça ne marche pas, j’aurai fait 4 ans et je repartirai dans l’éducation nationale.

« C’est incroyable et magique, le foot ! »

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Des regrets ?
Ah non, non, non. Déjà, je ne pensais même pas jouer un jour la Ligue des Champions ! Au bout d’un mois et demi à Nantes, je me suis demandé ce que je faisais là, à l’entraînement, ça allait à 2000 à l’heure. Je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi ? Ils ont vu quelque chose, un truc (rires)?? » parce que ça allait vite, ça pensait vite, ça anticipait vite, et en fait, ça s’est super-bien passé, parce que l’être humain s’adapte, progresse, travaille. Ce que j’ai vécu à Nantes, c’est exceptionnel. D’ailleurs, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’être là, et de faire des matchs de ce niveau-là.

Cette question « Pourquoi Nantes- est-il venu vous chercher à Brive ? », vous avez-vous trouvé la réponse ?
J’étais le 3e attaquant à Nantes. Dans la même poule de National, un an avant, ils avaient pris Casagrande et Carrière à Muret, alors je pense qu’ils ont pris les meilleurs joueurs de National pour les faire grimper dans le groupe et comme cela a bien marché, voire très bien, avec Doumé (Casagrande) et Carrière, je pense qu’ils ont voulu refaire la même chose. J’ai quand même fait 30 matchs, pas tous titulaire bien sûr, mais bon, je passais de Brive à la Ligue des champions ! C’est incroyable et magique le football.

« Je suis en recherche permanente du Graal »

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Le club ou la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
Joueur, au Mans, quand on est monté de L2 en L1 (en 2003). Et coach, la saison en National quand on monte en L2 avec Rodez (en 2019), je suis obligé de dire celle-là, je suis en recherche de ce Graal en permanence, quand toutes les connections et les circonstances sont réunies au même endroit au même moment. Tu cherches ça dans ta vie de tous les jours. J’ai deux objectifs : la recherche des moments de bonheur partagé, dans la vie et dans le sport, et il n’y en a pas tant que ça dans le foot, et là, je ne parle pas de victoire, je parle d’un moment qui sort de l’ordinaire, où tout un club est là. Je suis en recherche d’harmonie aussi, interne et externe. Dans ma vie, dans mon club et avec l’extérieur. Ce sont mes objectifs de vie.

Vous n’avez pas peur de ne pas retrouver ce Graal dont vous parliez et que vous avez vécu avec Rodez ?
Je ne sais pas. On ne vit pas dans la peur. C’est ça qui est bien. Des très bons moments de vie partagés, il y en aura d’autres. Après, j’en ai eu des moments comme ça, comme quand on se maintient avec Rodez à Bastia à la dernière journée (en mai 2022) en gagnant 1 à 0 à la 90e, ça c’est un moment de bonheur partagé, c’est fluide, c’est limpide, c’est calme, c’est zen. Voilà. Tout se passe dans le bon ordre, comme tu l’avais pensé, tu le fais avec tes joueurs, tes enfants, ta famille, tes proches, ton épouse… Je suis en quête de ça. Mais si cela n’arrive pas, ce n’est pas grave.

« On galvaude le mot bâtisseur »

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Entraîneur, vous avez passé plus de 7 ans à Rodez et plus de 7 ans au Mans, c’est rare. Paradoxalement, vous n’êtes pas resté longtemps à Versailles et à Grenoble. Aujourd’hui, c’est plus dur de durer ?
On ne se rend compte que cela a été long que lorsque l’on se retourne. Tant que je me sens bien, tant que je suis en équilibre, que le travail marche, que l’on n’est pas au bout de ce que l’on pourrait faire, il n’y a pas de raison d’aller voir si l’herbe est plus verte à côté. On sait toujours ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on va gagner. Cela a toujours été ma devise quand j’étais joueur. Je suis conscient que l’équilibre est fragile, que c’est compliqué de travailler dans la continuité avec des dirigeants, avec des joueurs aussi, parce que parfois, ce ne sont pas que les dirigeants qui prennent la décision de se séparer d’un entraîneur.

Vous parlez en connaissance de cause ?
Pas du tout. Je ne peux pas travailler si je ne suis pas en connexion avec mon groupe de joueurs. Je ne peux pas travailler avec des gens que je n’aime pas. Ce qui me dérange le plus, c’est que, parfois, les dirigeants, disent, « On est sur un projet à 3 ans », « On veut construire quelque chose ». OK, moi ça me va, car je suis plutôt un bâtisseur. Et d’un autre côté, on vous dit « Oui mais vous, vous êtes l’homme de deux clubs »… Je l’entends ça parfois, ou alors les gens ne le disent pas mais le pensent, je le ressens, ça me fait sourire, parce que des dirigeants me parlent de construire dans la durée, ce qui est normal, et de l’autre, ils vont prendre des gens qui ne sont pas du tout en phase avec ça, qui sont dans la performance de l’année, et après, les mecs sont surpris, « Mais comment ? il s’en va déjà ? » Cette ambivalence m’agace un peu. On galvaude le mot bâtisseur, l’humain au centre du projet. On travaille dans l’urgence.

« Je suis un intuitif »

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Une erreur de casting dans votre carrière ?
J’assume tous mes choix. Mais j’en ai fait une quand j’étais joueur. J’aurais peut-être dû rester une année supplémentaire avec Suaudeau à nantes, pour apprendre encore plus. J’ai été prêté au Mans dès ma deuxième saison, et c’était super, parce que j’avais envie de jouer, pas de regarder les autres jouer. Mais avec le recul, cela n’aurait pas été mal de rester.

Sinon, j’ai un autre regret : je suis parti de Lille à Sedan parce que je voulais travailler avec Alex (Dupont), or à Lille, où cela faisait 4 ans que j’étais là, j’avais l’impression de ne pas être considéré à ma juste valeur, mais c’est comme ça, les joueurs du club sont toujours moins bien considérés que ceux qui arrivent. C’est une vérité. Je pensais finir ma carrière à Lille. On n’était pas d’accord financièrement et je suis parti par mauvais orgueil à Sedan (rires). Entraîneur, j’ai fait tout ce que je ressentais. Je n’ai rien fait à contre coeur. Je suis un intuitif. Si mon coeur me dit d’y aller, j’y vais. Cela ne veut pas dire que ça va marcher ou que ça va être simple. Non. C’est dur : quand j’arrive à Rodez, en CFA, on est descendu (le club avait terminé 14e et relégable avant d’être repêché).

Qu’est ce qui n’a pas fonctionné à Versailles ?
Ils vont dire que je n’étais pas aligné avec les objectifs, etc., mais je pense que l’on commençait juste à trouver un bon équilibre dans le fonctionnement, que je cernais mieux mon groupe, donc on en revient toujours à la même chose, on part sur un projet de 3 ans et ça s’arrête au bout de trois mois… J’aurais été dernier, à la rue, j’aurais compris. Là, je pense qu’ils (les dirigeants) ont eu peur. On n’était pas relégable. Bon, on n’état pas 3e non plus. On est parti d’une feuille blanche. Avec certains joueurs sous contrat que l’on ne voulait pas forcément conserver. Ce n’est pas facile d’en parler, je suis en procès avec le club.

Un club où vous avez failli signer ?
Avec Slavo Muslin à Bordeaux, que j’avais eu à Pau. Et aussi à Nice, quand Guy David était entraîneur (en 1999-2000).

Et en tant qu’entraîneur ? Vous avez failli revenir au Mans en novembre 2022, pour être coach en National…
Quand j’ai été limogé de Rodez, enfin… limogé, quand j’ai été viré de Rodez, Le Mans est arrivé deux jours après. J’étais fatigué. J’ai été cash. J’ai été reçu, j’aurais pu dire « Super ! Génial ! Ma maison est à un kilomètre du centre d’entraînement du Mans, allez je prends », mais non, je ne voulais pas leur mentir, j’aurais fait de la merde, c’était trop tôt. Il leur fallait quelqu’un de frais, je sortais de près de 8 ans à Rodez, j’avais besoin de digérer ça. Il aurait fallu qu’il m’appelle en janvier. « Vous ne pouviez pas me rappeler au mois de janvier suivant parce que là, ça m’aurait plu (rires) » ! Je préfère être honnête plutôt que de tricher.

Cela vous fait mal de dire que vous avez été viré de Rodez, ou limogé… Vous vous êtes repris quand vous l’avez évoqué…
Sur le moment, c’est douloureux, bien sûr, maintenant, c’est passé, depuis longtemps, je regarde Rodez avec plaisir, j’y ai des amis.

« Je cherche des connexions entre joueurs »

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Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling ?
Djezon Boutoille et Philippe Celdran. J’adorais jouer avec eux. On était connecté. C’est ça que je cherche aujourd’hui en tant qu’entraîneur : des connexions entre joueurs. Avec Boutoille et Celdran, c’était ça. Les uns s’adaptaient aux autres. Je n’avais pas des qualités qui me permettaient de faire des différences individuelles. Entraîneur, ma devise, c’est plus celle de Suaudeau : « Avoir un très bon joueur, c’est cher; avoir deux très bons joueurs, c’est très cher; avoir une connexion entre deux joueurs, ça n’a pas de prix ». C’est pour ça que, par exemple, avec Daniel Cousin, au Mans, je m’adaptais à lui.

Un joueur marquant ?
Alors je citerais d’abord un adversaire, Lilian Thuram. Pfff… On n’était pas sur la même planète. On ne faisait pas le même sport. Bon. Voilà… Sinon, comme coéquipier, Japhet N’Doram. Lui, waouh ! Pfff… C’était incroyable.

Un coach marquant ?
(sans hésiter) Suaudeau. Il a révolutionné la vision que j’avais du foot.

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Comment vous êtes vous construit en tant que coach ?
On se construit au fur et à mesure. J’ai toujours été éducateur dans l’âme. C’est différent du métier d’entraîneur. Cela vient de ton éducation, de ton parcours universitaire. Se poser des questions du style « pourquoi on fait ça ? », je me les posais déjà quand j’étais joueur. Et puis, fatalement, de chaque coach que j’ai eu, j’ai pris quelque chose. Lui c’est sa façon de parler, lui c’est sa vision du foot, lui son exigence, etc. Je me souviens qu’au bout de deux ou trois mois à Nantes, j’ai commencé à noter ce que Suaudeau faisait à l’entraînement. Mais je ne savais pas si j’étais capable de transmettre quelque chose. Quelque soit ton poste, tu n’es pas que manager, tu transmets un patrimoine, des idées aussi. Avoir des idées dans la tête, c’est une chose, savoir les transmettre et les formaliser, c’en est une autre. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur au Mans, les dirigeants m’ont demandé si cela m’intéressait de passer de l’autre côté. J’avais dit « Oui mais si je ne suis pas fait pour ça, si ça ne m’intéresse pas, si je ne prends pas de plaisir, je m’arrêterai et je ferai autre chose », mais comme je n’y avais jamais goûté, je ne savais pas. J’ai fait de la préformation puis je resté 4 ans avec les U17 Nationaux, c’était génial, on commençait avoir des internationaux, il y avait beaucoup d’anciens joueurs du club comme moi au centre de formation, je ne me posais pas la question d’aller avec les pros, ça fonctionnait bien, on faisait de la compétition sans en faire, on n’était pas obnubilé par le fait d’être les meilleurs en championnat. L’idée, c’était d’avoir quelques très très bons joueurs pour les faire progresser, d’être sur le jeu, sur le développement individuel, dans l’intelligence, pas dans la performance immédiate.

« J’aime être proche de mes joueurs »

Vous êtes un coach plutôt …
J’aime le dialogue mais je décide, j’aime que le climat soit propice à l’exigence, je n’aime pas l’à peu-près. On peut avoir de la liberté mais il y a une discipline de groupe, collective et tactique, à avoir. L’intelligence des joueur c’est ça : être capable de créer en fonction de tout le catalogue que te donne l’entraîneur. J’aime être proche de mes joueurs. Mais il ne faut pas confondre proximité et complicité. On peut être proche et dur. Je dis la vérité aux joueurs. Parfois, il vaut mieux une vérité qui fasse mal.

Au printemps dernier, vous avez fait une pige à Grenoble Foot : finalement, vous seriez bien resté là-bas, non ?
Bien sûr ! D’ailleurs, j’ai passé l’entretien avec le président pour rester. J’étais venu pour une mission, parce que Max Marty (le directeur général) me l’a demandé. Cela n’aurait pas été Max, je ne serais pas venu à Grenoble. Parce qu’il m’a rendu des services, c’est un ami. Il m’a donné plein de conseils. Il avait besoin de quelqu’un pour les 9 derniers matchs, je savais que c’était comme ça. J’étais un choix d’urgence. J’ai dit oui. Et après, j’ai passé l’entretien comme les quatre autres coachs, le président a choisi. C’était la première fois que j’allais dans un club pour une période courte, pour un one shot. C’est très différent. Il faut être opérationnel tout de suite, il faut être dans une énergie folle, il faut trouver des solutions, il faut remettre une dynamique de fonctionnement, du dialogue, il y a 10 millions de choses ! C’était une expérience nouvelle et je savais que Max et le staff seraient bienveillants à mon égard. C’est plus agréable que d’y aller sur la pointe des pieds. J’ai croqué dedans. Je savais que ça n’allait peut-être pas durer. Ce fut très formateur. C’est un autre job. Il faut s’adapter au système qui est le meilleur pour l’équipe. Tu t’adaptes aux joueurs que tu as. Tu n’as pas le temps de mettre des principes en place. Je serais prêt à le refaire, bien sûr, mais ça dépend de l’endroit et avec qui.

C’est qui l’attaquant de légende, selon vous ?
Van basten et Maradona.

« C’est So Foot en version bad boys » !

Photo Philippe Le Brech

Si vous deviez décrire le foot en quelques mots à quelqu’un qui ne connaît pas le milieu ?
Waouh ! (Rires) Oh la question ! C’est So Foot en version bad boy (rires) ! Je réfléchis et je reviens ! C’est un milieu d’affaires, qui s’éloigne de la cour d’école, mais qui est capable de générer des émotions collectives grandioses. Mais il y gravite tellement d’argent que, comme dans tous les milieux d’affaires, il y a des dérives pénibles, par rapport à l’ego, la diplomatie, la politique… On ne peut plus dire aujourd’hui tout le temps ce que l’on pense, encore moins avec les réseaux sociaux. Je vis avec, les jeunes vivent avec, la société vit avec. Il faut faire attention.

Vous êtes branché réseaux sociaux ?
Je n’ai pas Facebook, je regarde un peu Instagram, je me tiens infirmé, et puis ma fille est social manager dans la boisson énergisante, donc fatalement… Je fais attention de pas polluer mes pensées. Je préviens toujours mes joueurs en début de saison, il faut se détacher de ça. Après, c’est intéressant pour les contenus, montrer ce que tu fais, comment vit ton groupe, comment ton lui travaille, mais les joueurs ne sont pas là pour répondre à quelqu’un qui les insulte. L’important c’est ce que pensent les proches et la famille des joueurs, pas ceux qu’ils ne connaissent pas.

Depuis l’an passé, vous suivez une formation à Limoges de manager général de club sportif au Centre de droit et d’économie du sport : vous voulez élargir votre palette ?
Oui, on élargit le champ d’action et le champ d’esprit aussi ! Dans le foot, c’est compliqué de faire des choses qui t’ouvrent l’esprit, parce que quand tu es en poste, tu es dedans tout le temps, six jours et demi sur sept, et puis ce n’est pas bien vu de dire à son président, « Je voudrais aller voir tel entraîneur travailler pendant 3 jours ». Là, il te répond « mais pourquoi ? » alors que c’est intéressant d’échanger des idées. Quand j’étais à Rodez, David Vignes (entraîneur de Fleury, actuel leader de sa poule en N2), qui est un ami, est venu une semaine à la maison, quand il était au chômage. C’est super intéressant ces échanges. Les clubs devraient dire à leurs entraîneurs de partir une fois par an, à l’étranger par exemple, pour voir comment ça fonctionne là-bas. Cette formation de manager s’inscrit un peu dans ce sens-là. L’an passé, je suis allé voir des clubs, d’autres disciplines, ça permet de voir comment fonctionne le sport professionnel en général, d’avoir des bonnes idées, de connaître le fonctionnement d’un club pro dans son ensemble, parce que je pense que tout est lié dans un club.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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À la tête des Crocos depuis début avril, l’ancien joueur pro, qui coachait la réserve et les jeunes auparavant, reste ambitieux, à la fois pour son équipe et pour lui. Le successeur de Frédéric Bompard raconte aussi la vie pas toujours simple d’un Nîmois à Nîmes Olympique et rappelle que nul n’est prophète en son pays.

Par Anthony BOYER / Photos : Philippe LE BRECH

Photo Philippe Le Brech

Bientôt neuf mois qu’Adil Hermach (38 ans) est à la tête de Nîmes Olympique. Après avoir évité une descente en National 2 la saison passée, alors qu’il ne restait que 6 matchs de championnat quand il a été appelé sur le banc et que la position des Crocos n’était pas flatteuse (14e sur 18 et à 2 points du premier non-relégable), l’ancien joueur pro de Lens (2004-2011) et Toulouse notamment, passé aussi par les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, a finalement été reconduit dans ses fonctions cet été, quand bien même il ne possède pas le diplôme requis. Il en coûte donc 7 500 euros d’amende par match, un choix assumé par le club.

La semaine dernière, c’est un Adil Hermach encore sonné par le revers concédé à domicile face à Quevilly Rouen le 8 novembre (0-2, 12e journée) qui a, 45 minutes durant, répondu à nos questions. Cet entretien, il l’avait accepté de longue date. Malgré la période sportive compliquée pour son équipe (13e sur 17), qui reste sur trois défaites de rang, deux en championnat (à Bourg et contre QRM) et une en coupe de France (élimination au 6e tour à Beaucaire, club de N3, sur le score de 3 à 2 après avoir mené 2 à 0), le successeur de Frédéric Bompard sur le banc n’a pas rechigné à répondre à nos questions, nombreuses, sur l’actualité de NO et sur sa personnalité.

Et ce qui est frappant chez lui, c’est son attachement, viscéral, à sa ville et à son club. Adil Hermach est un entraîneur posé, réfléchi, respecté, ambitieux, curieux, cash, et qui a le sens de la (bonne) formule. Un entraîneur qui a juste besoin de gagner des matchs à l’heure actuelle. Un entraîneur qui peut parler de football pendant des heures mais qui zappe dès lors que la politique s’en mêle. Le mélange des genres, ce n’est pas pour lui.

Interview

« Je pense bien représenter ma ville »

Photo Philippe Le Brech

Adil, à la fin de ta carrière de joueur, tu es revenu à Nîmes Olympique : comment cela s’est-il fait ?
Cela s’est fait naturellement, parce j’habite à Nîmes, je suis Nîmois, j’ai aussi mon petit frère qui joue en équipe réserve en Régional 1. J’ai eu l’opportunité d’intégrer le centre de formation, d’abord avec les U16 puis avec les U18. En fait, ça s’est fait de manière naturelle. Là, c’est ma 4e saison au club.

Quand tu étais encore joueur, tu avais envisagé de devenir entraîneur ?
Oui, oui. Lors de mes dernières années comme joueur, j’étais orienté « coaching », « management », et sur la fin, j’étais plus proche des staffs techniques que des joueurs avec lesquels je jouais. Je suis quelqu’un d’ambitieux. Mon objectif était d’intégrer le club, de gravir les échelons, maintenant, c’est vrai que cela a été vite, avec cette mission maintien à accomplir la saison passée avec l’équipe de National. Je ne pouvais pas imaginer que cela se passerait comme ça. Maintenant, je suis content que cela se soit passé comme ça.

C’est une formation accélérée, en quelque sorte ?
Exactement.

« Je ne suis pas quelqu’un qui se projette trop »

Photo Philippe Le Brech

As-tu hésité avant de prendre en main l’équipe de National quand on a fait appel à toi en avril dernier ?
Oui ! Une fraction de seconde ! Cette fraction de seconde a paru éternelle, c’est ça qui est paradoxal. Ce petit blanc que je marque quand je dois répondre à Sébastien Larcier (le directeur sportif), il était long et court à la fois. Il m’a posé des questions et je lui ai posé une ou deux questions aussi. Et une fois que j’ai dit « oui », j’ai dû me remettre au boulot direct.

Est-ce que cela t’a surpris que l’on fasse appel à toi ?
Aussi, oui. Après, je m’occupais de la réserve, j’étais proche de l’équipe première, entre guillemets, et souvent, pour des intérims, dans ces situations-là, on fait appel au coach de l’équipe en-dessous. Là, c’était plus qu’un intérim, il fallait essayer de sauver le club qui était en difficulté en National.

Tu le voyais juste comme un intérim à ce moment-là ? Et cet été, quand des noms ont circulé, comment as-tu vécu la situation ?
C’est clair que la situation était floue. Mais j’ai eu la chance … disons, le président (Rani Assaf) m’a très vite rassuré. Quand j’ai pris l’équipe, je ne regardais pas trop loin non plus quand même. C’était volontaire de ma part aussi de ne pas regarder trop loin. De toute façon, je ne suis pas quelqu’un qui aime trop se projeter trop, déjà que c’est un métier dur, alors si en plus je dois réfléchir à des choses que je ne maîtrise pas, ça devient compliqué…

« J’aimerais dire que je vais faire 20 ans à Nîmes Olympique »

Photo Philippe Le Brech

Si tu continues dans ce métier, tu seras forcément amener à bouger un jour : ça ne te fait pas peur ? Surtout que tu as une famille, trois garçons aussi…
C’est ça, j’ai trois garçons. J’ai bougé déjà très jeune. J’ai quitté Nîmes pour aller à Lens quand j’avais 18 ans, puis je suis allé en Arabie Saoudite. C’est vrai que dans une carrière de joueur, il n’y a pas de stabilité. Maintenant, une carrière d’entraîneur est plus difficile : elle est peut-être plus longue mais il y a encore moins de stabilité que lorsque tu es joueur, parce que tu bouges. Tu vis par rapport aux contrats que tu as. J’aimerais te dire que je vais faire 20 ans au Nîmes Olympique. J’aimerais hein… Maintenant si on me fait signer un contrat de 20 ans, je serais capable d’accepter, parce que je suis d’ici, parce que c’est chez moi et que j’aimerais tout faire ici. Après, il y a la réalité du métier quand même.

Entraîner Nîmes Olympique, c’est une fierté ?
Oui. Déjà, je suis fier de représenter la ville. Tu sais, Nîmes, c’est particulier comme ville. On est très attaché à elle et aussi très exigeant avec ses habitants. C’est une fierté mais ce n’est pas facile. Il y a la réalité du foot qui te rattrape. Et puis nul n’est prophète en son pays, alors quand tu perds deux matchs… Après, ça reste un dicton. Tout dépend de la spirale dans laquelle tu es : quand elle est bonne, tu peux te prendre pour le prince de la ville; là, ce qu’il y a de bien, c’est que c’est du foot et qu’il y a un match à préparer chaque vendredi, et le vendredi, tu peux vite redevenir la personne la plus détestée des fans du Nîmes Olympique. Honnêtement, être le prophète, pour reprendre cette image-là, ce n’est pas ce que je recherche. Je préfère dire que je me sens au service de ma ville, parce que je m’y sens bien, que c’est chez moi. Je me reconnais plus ou moins dans une grosse partie de sa population et j’essaie de faire au mieux pour la représenter. Dans le contexte actuel, sans faire de politique et sans généraliser, je pense que je représente bien ma ville, qui est un peu décriée, qui a la réputation d’être difficile, avec des choses qui se passent… Mais il y a beaucoup de gens, beaucoup plus que ce que l’on croit d’ailleurs, qui essaient de s’en sortir.

« Les supporters se reconnaissent en moi »

Photo Philippe Le Brech

C’est quoi, justement, les inconvénients d’être de Nîmes ?
Certaines familiarités. Les gens ont du mal à faire la différence entre le Adil dehors, une personne très lambda, qui fait preuve d’humilité, et cinq minutes après, le Adil qui prend la posture d’entraîneur. Cette barrière entre ces deux statuts-là, certaines personnes, parce que je connais beaucoup de monde ici, ont du mal à la différencier. Et puis on est peut-être un peu plus « méchant », exigeant, avec le gars du coin, et un peu plus indulgent ou gentil avec un coach « étranger ». Alors bien sûr, au début, quand tu as des résultats, tu es un peu l’étendard de la ville, mais quand ça ne va pas, on est encore un peu plus méchant. Mais c’est le jeu et je l’accepte. Donc être de Nîmes, être un mec du coin, connaître beaucoup de monde ici et entraîner Nîmes Olympique, cela a ses avantages et ses inconvénients, mais je les prends et je ne les changerais pour rien au monde.

Les gens te parlent de foot dans la rue ?
Oui. Pour beaucoup, je suis un exemple, pour les mecs qui arrivent du milieu urbain, même si je viens des villages voisins mais j’ai fait aussi les quartiers populaires à Nîmes. Je suis un exemple aussi pour les petits du clubs, parce que j’ai fait les catégories jeunes, et parce que j’ai joué au club et que, maintenant, j’entraîne au club. Je pense que les supporters savent se reconnaître en moi. On me parle beaucoup de foot, mais tu es tributaire des résultats. Quand ça ne va pas, on tape, et quand ça va bien, tout va bien. C’est comme pour tout. J’ai un cocon d’amis, qui n’est pas branché foot du tout. Ils ne savent même pas que le foot, ça se joue à 11 ! C’est avec eux que je me ressource le plus souvent, et là, je suis très tranquille.

« Si tu n’as pas ton vestiaire avec toi… »

Photo Philippe Le Brech

Tu te reconnais en qui comme coach ?
Parmi les coachs que je ne connais pas, dans les plus grands, j’aime beaucoup Carlo Ancelotti et sa façon de manager. Je suis un garçon qui lit beaucoup, je suis très curieux, cela en devient un vilain défaut ! J’ai lu ses deux livres, dont l’un en anglais. Ancelotti, c’est par rapport à ce qu’il dégage sur son groupe. Après, tu peux être le meilleur tacticien du monde, si tu n’as pas ton vestiaire avec toi, tu n’as pas d’équipe. Aujourd’hui, même au PMU, les gens se prennent pour des coachs… Tous les coachs ont une certaine culture tactique, une connaissance du jeu, mais ce qui les différencie, c’est peut-être le management. Parler à la nouvelle génération, leur faire passer des messages, leur véhiculer des valeurs, ce n’est pas simple et ce n’est pas donné à tout le monde. Après, dans les coachs que j’ai eus, j’ai apprécié le calme de Francis Gillot, qui m’a connu très jeune à Lens, et le charisme d’Eric Gerets (son sélectionneur avec l’équipe nationale du Maroc).

Est-ce que tes joueurs te vouvoient ?
Oui.

Tous ?
Oui. Avec les joueurs, c’est « vous coach ». Par contre, une fois qu’on est sorti du Domaine de la Bastide, ils peuvent m’appeler Adil, il n’y a aucun problème. Au lieu de parler de moi dans la presse, s’ils me croisent dans 10 ans dans la rue, ça me rendrait heureux qu’ils traversent la rue et viennent me dire bonjour. C’est ce qui se passe d’ailleurs aujourd’hui avec certains que j’ai entraînés en U16 ou U18, qui viennent me dire bonjour ou m’envoient encore des messages. Après, le vouvoiement, c’est complètement franco-français ça… Je n’y vois pas une forme de respect, d’ailleurs, il y a des pays où le vouvoiement n’existe pas, et ce n’est pas pour autant que les gens sont moins respectueux. Par contre, dans le cadre du boulot, c’est « Vous coach ». Ce n’est pas ce que je préfère, mais cela permet de poser un cadre.

« Je n’aimerais pas que Rani Assaf m’appelle chaque jour »

Photo Philippe Le Brech

C’est dur d’entraîner Nîmes Olympique ?
Oui, parce que je suis très exigeant avec moi-même, très exigeant avec mon équipe, et quand je dis que c’est dur, c’est aussi parce qu’on n’est pas non plus 35 à bosser. C’est ce qui fait que le métier est difficile. Il y a le président, le directeur sportif, les quatre administratifs, mon staff et moi. Il n’y a pas beaucoup d’intermédiaire, c’est ce qui fait le bon côté des choses mais c’est ce qui fait que l’on a beaucoup plus de travail aussi. Je me sens bien en tout cas.

Est-ce que c’est du d’avoir Rani Assaf comme président ?
Non.

Tu as des contacts avec lui ?
Pour ça, il y a Sébastien Larcier qui fait le relais. J’apprends le métier d’entraîneur. Sébastien me l’apprend aussi, le président aussi, les entraînements et les résultats aussi, mais je n’aimerais pas avoir le président tous les jours au téléphone, c’est certain. J’ai déjà connu des présidents omniprésents… Moi, je sais où je veux aller, et quand j’ai besoin de lui demander quelque chose, je peux lui envoyer un SMS. Mais actuellement, j’ai surtout besoin de gagner des matchs.

« Il faut que tout le monde y mette du sien »

Photo Philippe Le Brech

La situation bloquée entre les supporters et le président t’affecte-t-elle ? En plus, ta position, entre les deux n’est pas facile, elle est même plutôt « bâtarde »…
Tu as raison. La plus belle des choses serait qu’un terrain d’entente soit trouvée. Bien sûr que j’aimerais que l’on joue devant 12 000 personnes à chaque match. Par contre, il faut aussi que l’on écoute le président, qu’on écoute ce qu’il a à dire, que tout le monde y mette du sien, mais honnêtement, j’essaie surtout d’avoir des bons résultats pour l’instant, afin de ramener le public, les supporters, au stade des Antonins. Je suis tout autant supporter qu’eux. Ils ne peuvent pas me dire que je ne respecte pas le club ou que je ne fais pas tout pour le club. Mais c’est très délicat d’en parler : ma position n’est pas bâtarde, mais je préfère un stade qui vit. Par contre, tout le monde doit y mettre du sien. On a vu la saison passée que, quand on a eu besoin de lui pour le maintien, le public avait répondu présent aux Antonins et on a vu que c’était réellement le 12e homme. C’est ça que je veux voir. Pas juste des spectateurs, parce que ça, ça ne m’intéresse pas.

Tu sens un désamour avec ce stade des Antonins ?
Oui, bien sûr, parce que le stade des Costières est mythique, mais bon, il faut évoluer avec son temps. Le président avait un projet de nouveau stade, ce qui aurait pu être un coup de boost pour la Ville. Les Antonins, c’est à nous de nous l’approprier, de le rendre telle une forteresse, mais cela ne va pas être facile.

« S’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique »

Comment as-tu vécu les récentes déclarations de l’adjoint aux sports de Nîmes, l’ex-arbitre Nicolas Rainville, au sujet du club, du président et surtout du stade des Costières ?
Je vais répondre sincèrement et avec beaucoup d’honnêteté. Je n’ai pas vu l’interview de Nicolas Rainville et de toute façon, je ne l’aurais pas lu parce que ça ne m’intéresse pas, parce que ça ne parle pas de foot. Pour l’instant, et s’il y a bien une chose qui ne m’intéresse pas, c’est la politique, parce que je n’y connais rien. Je ne vais pas commencer à donner mon avis ou à m’inventer des trucs… De ne pas m’y intéresser, ça me permet d’avoir du recul par rapport aux choses. C’est un sujet que je ne maîtrise pas, donc je n’essaie pas d’entrer dans la conversation, même si je sais très bien que l’on parle beaucoup de Nîmes, de la situation, du stade, du président, etc., mais moi, je ne parle jamais de ça. Je n’ai pas envie de mettre le nez dedans.

En revanche, on peut te parler de tactique, de technique, de physique et de mental, tout ce qui a manqué à ton équipe contre Quevilly Rouen lors du dernier match de championnat…
C’est ça !

« Mon avis ne changera rien »

Photo Philippe Le Brech

La tactique, la technique, le physique et le mental, c’est ton credo ?
Ce sont les seuls paramètres qui m’importent et sur lesquels j’ai envie d’être jugés. Et pas sur l’ambiance, l’état du terrain, les installations, la relation avec la mairie ou autre… Parce que mon avis ne changera rien et je ne peux rien y faire. Je n’ai aucun pouvoir sur ça. Par contre, les choses sur lesquelles je peux avoir un impact, c’est mon équipe, techniquement, physiquement, tactiquement et mentalement. On peut mettre les quatre critères dans l’ordre que l’on veut, tant que l’on n’a pas ces ingrédients, on perd.

Peut-on parler d’un manque de confiance de ton équipe aussi ?
Je n’oublie pas la confiance, elle est inclue dans l’aspect mental que, personnellement, je mets en numéro 1 : parce que tu peux être le joueur le plus technique du monde, si tu n’as pas la confiance, tu perd la technique. On a vu des joueurs bourrés de talent mais mentalement très faibles ne pas être performants, et ça arrive aux meilleurs joueurs.

« Le joueur doit avoir l’estime de soi »

La saison passée, quand tu as repris l’équipe, tu avais mis l’accent sur le plaisir, la confiance et l’estime de soi, des thèmes affichés dans les vestiaires. Cette saison, c’est quoi ton « slogan » ?
La saison passée, je voulais afficher ça parce que ça doit être quelque chose que l’on doit avoir en soi, notamment l’estime de soi : le joueur de foot a beaucoup d’ego, c’est ce qui fait qu’il y arrive de toute façon, et quand tout va mal dans un club, tout le monde peut le faire passer pour une « merde ». Je voulais redonner confiance à mes joueurs, avec des trucs bateaux, comme aller voir un match des U10 du club, qu’ils se fassent prendre en photo avec les joueurs, que des petits viennent en courant dire bonjour à notre attaquant ou notre capitaine… Je pense que ces gestes simples, ça te rebooste un petit peu, et c’est ce qu’il n’y avait plus au club, où l’on ne parlait que de la mairie, des Costières, des résultats, où l’on disait que le club n allait pas bien, donc tout ça fait que ton ego prend une claque. Moi, je voulais rebooster ça par des actions très basiques : j’ai voulu montrer aux joueurs qu’ils avaient de la qualité, qu’ils n’étaient pas devenus des nuls, qu’on les aimait encore et que c’était eux qui faisaient kiffer les enfants.

Empathique et bienveillant

Photo Philippe Le Brech

Tu dirais que tu es un entraîneur plutôt comment ?
(Il réfléchit) Je suis un entraîneur qui essaie d’être le miroir du joueur que j’ai en face de moi. Je peux être très dur avec certains, mais je parle toujours calmement. Si j ai un garçon hyper-sensible, qui est dans l’émotion, j’essaie de m’adapter. Je suis quelqu’un qui fait preuve d’empathie et qui est bienveillant, ça on ne me l’enlèvera pas. J’essaie d’être à l’écoute. J’aime bien les joueurs autonomes mais dans un cadre duquel il ne faut pas sortir, sinon la sanction peut être très lourde. Il y a phrase qui revient souvent, que j’ai lue y’a pas longtemps, Jérémy Clément (le coach qui a assuré l’intérim récemment à Versailles) disait « J’aimerais être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir », c’est exactement ça. Dans un football idéaliste, je préfère donner des émotions aux gens : si je ne prends plus de plaisir et si mes joueurs n’en donnent pas, je suis capable d’arrêter. Après, je suis très connecté avec les plus jeunes. J’essaie de combler le décalage entre ma génération et la leur, dans la communication, dans les gestes, dans leurs habitudes : quand je jouais, les réseaux sociaux, c’était même pas 5 % de ce qu’il y a aujourd’hui. Le décalage est important. J’essaie de m’adapter, même si ce n’est pas quelque chose que je cautionne ni que j’aime en tout cas.

Joueur, ta force, c’était le mental ?
Je ne pense pas, au contraire, j’étais trop scolaire, j’étais dans une matrice, dans un monde où on te fait croire que dans le football, il y a trop d’enjeux, ou qu’une passe ratée vers l’arrière peut coûter un but… Ce n’est pas un regret vingt ans après, mais j’aurais aimé être un peu plus accompagné sur le plan mental. La première fois qu’on m a parlé d’un psychologue du sport, j’ai dit non, parce qu à 18 ans, tu crois que t’es intouchable. Je pensais que, si je faisais ça, la psychologue irait consulter à son tour une fois qu’elle m’aurait rencontré. Le foot, c’est une machine à laver qui peut faire très mal, et aujourd’hui, avec mon équipe, on est en plein dedans.

« Il faut remettre le jeu à sa place »

Tu as songé à prendre un préparateur mental pour ton équipe ?
Non, non. Pour se sentir écouter, aimer, pour être aidé, je sais qu’il y a des professionnels pour ça mais parfois, tu peux juste parler avec quelqu’un et un climat de confiance peut s’installer, tu peux vider ton sac et après c’est reparti ! Dès fois, c’est tout bête. Chacun fait la démarche qu’il souhaite. Il faut juste remettre le jeu à sa place. Parce que le foot, ça reste un jeu et ça ne doit pas amener de l’anxiété, du stress. Si tu as fait un mauvais match, ça ne doit pas t’empêcher de dormir.

En lisant quelques-unes de tes interviews, j’ai vu que tu avais cité des clubs de National des années 2000 contre lesquels tu as joués, Cherbourg, Romorantin… Tu as donc connu le National avec Nîmes ?
Oui ! J’ai joué avec Nîmes en National il y a 20 ans (saison 2003-2004). C’était mes débuts en pro, c’était mon premier match à 17 ans, un Nîmes – Cherbourg !

« Le National, c’est une Ligue 2 bis »

Photo Philippe Le Brech

Alors tu peux comparer le National d’il y a 20 ans avec celui d’aujourd’hui ?
Ce championnat a toujours eu la réputation d’être très rugueux, très âpre, mais aujourd’hui, on n’est plus dans cette configuration-là. C’est pour ça, c ‘est marrant quand on me dit « Ah le championnat National, ce n’est pas du foot » et ça me fait rire aussi qu’on dise « Pour s’en sortir en National, il faut laisser la balle à l’adversaire »… Ah bon ? Je réponds « Met FFF TV et regarde ce que le Red Star a fait la saison passée. Il faut aussi regarder Concarneau et ce qu’ils ont fait il y a deux saisons pour monter en Ligue 2″… Aujourd’hui, quand tu vois les effectifs des clubs en National, c’est une Ligue 2 bis. C’est pour ça, quand des journalistes me demandent si je vais passer à du jeu plus direct, je leur réponds clairement « Non ». Parce la différence qu’il y a entre le National d’aujourd’hui et celui d’il y a 20 ans, elle est énorme. L’aspect athlétique, il y est bien sûr, mais attention, il ne faut pas se tromper : en National , c’est largement moins athlétique qu’en Ligue 1. Les gens oublient ça et pensent que c’est le contraire. Donc oui, le National était plus difficile avant dans l’engagement physique, mais il y avait moins de joueurs de talents, moins de bons terrains aussi.

Toujours en écoutant tes interviews, on sent aussi de la détermination, de l’ambition et puis tu as un certain sens de la formule, tu as de la réparti…
Rien n’est préparé, je parle naturellement. Quand on me pose une question, si j ai les capacités ou si j’ai envie d’y répondre, j’y réponds, mais si je n’ai pas envie, tu vas le deviner, mais je me prête au jeu des interviews. Mes causeries, par exemple, sont très préparées : je commence à les préparer le lundi pour un match le vendredi et souvent quand on arrive le jour du match, elles ne ressemblent plus du tout à celles du lundi ! Mais c’est toujours le vrai Adil qui parle, le même que celui que tu croises dans la rue, que celui qui s’adresse à ses parents ou à ses amis. C’est pour ça que je réponds de cette manière-là. Je parle comme ça tous les jours. Parfois, ça peut paraître choquant, parfois non, en tout cas, j’essaie de rester moi-même.

« Est-ce que tu imagines un coach qui ne soit pas ambitieux ? »

Photo Philippe Le Brech

C’est vrai que tu as une manière assez cash de parler, en même temps, tu peux dire des choses qui ne plaisent pas, mais de manière douce…
Oui, bien sûr, parce qu’il faut quand même expliquer les choses. J’entends parler de mon ambition… Je dis que j’ai de l’ambition, mais est-ce que tu imagines un coach qui n’est pas ambitieux ? Quel message j’envoie sinon ? Parfois, c’est ce que je dis aux journalistes : « Mais qu’est ce que vous voulez que je vous dise, que je vais finir 16e ? » Non, ce que je dis à mes joueurs, c’est que de leur attitude dépendra l’altitude à laquelle ils voudront aller. Si vous êtes performants, on jouera les premiers rôles, si vous jouez comme contre QRM, alors, on est à notre place et on jouera clairement le maintien en National.

Tu as une devise ?
J’en ai trop ! Je crois que Steve Jobs a dit un truc comme « Quand tu as un choix à faire, fais comme si c’était le dernier jour de ta vie ». J’aime cette phrase, parce que, parfois, il faut s’enlever plein de parasites, ne pas regretter.

Tu étais un joueur plutôt ?
Intelligent et technique. Et endurant.

Aujourd’hui, tu es un coach plutôt…
Endurant dans la détermination, bienveillant.

Le milieu du foot, tu le décris comment à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Je luis dis « Reste bien loin du foot parce que ça serait trop difficile pour toi ».

« A Nîmes, ce sont les supporters qui sont mythiques »

Le joueur mythique de Nîmes Olympique ?
A Nîmes, ce qu’il y a de bien, c’est que, quand tu pars en déplacement ou quand tu es à l’étranger, et que les gens te parlent du club, ils parlent des supporters, des joueurs mythiques aussi. J’ai beaucoup de respect pour Hassan Akesbi, recordman du nombre de buts marqués (114) avec le club, et qui vient de décéder (à l’âge de 89 ans), mais je n’ai jamais vu un des ses buts. Je sais juste que c’est le meilleur buteur de l’histoire du NO donc respect à lui, paix à son âme, mais honnêtement, quand tu es loin de Nîmes et qu’on te parle de Nîmes, on te parle des supporters d’abord. Donc ce sont peut-être eux les joueurs mythiques du club. Pour moi, les supporters du Nîmes Olympique sont mythiques.

Et le match mythique du NO ?
Ah, celui-là, je l’ai parce que j’étais dans les tribunes ! C’est Nîmes-Montpellier, 2 à 0, en demi-finale de la coupe de France, en 1996. J’étais au stade. J’étais fou ! Ce sont des souvenirs incroyables, je venais à pied, on prenait une glace à McDo et on allait au match !

Ton premier match dans les tribunes ?
Je pense que c’était durant cette saison-là.

Le joueur emblématique de Nîmes, ce n’est pas Renaud Ripart ?
C’est aussi un joueur mythique du club. S’il reviendra au club ? Je ne sais pas mais je lui passe un grand bonjour ! De toute façon, il est comme moi, il est Nîmois à vie.

Un Ripart, ce n’est pas ce qui manque à l’équipe ?
Bien sûr, il est Nîmois, et il y en a de moins en moins mais on essaie d’en trouver. Renaud Ripart est très important pour le club mais pour moi, le meilleur joueur que j’ai vu ces dernières années à Nîmes, c’est Téji Savanier.

(1) Dans un entretien donné à Objectif Gard, l’ancien arbitre et actuel adjoint aux sports de la Ville de Nîmes, Nicolas Rainville, a assuré que le club rejouerait dans un stade des Costières rénové, dès lors que le stade redeviendra propriété de la commune et que la date butoir du recours juridictionnel, qui court jusqu’au 31 décembre 2024, et lié au compromis de vente déposé par Rani Assaf pour son immense projet Nemausus, sera passée.

Vendredi 22 novembre 2024, à l’occasion de la 13e journée de National, Nîmes Olympique sera exempt. Prochain match de championnat vendredi 6 décembre, au stade des Antonins, face au Mans (à 19h30). Au total, l’équipe, éliminée de la coupe de France, dont le 8e tour sera disputé durant le week-end du 30 novembre et du 1er décembre, sera restée un mois sans compétition officielle.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH

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Revenu dans son club de coeur en 2022, l’actuel coach des U17 Nationaux, ancien chouchou de Bonal, rembobine le film de sa carrière pro et évoque sa mission à la formation.

Par Augustin Thiéfaine / Photos : fcsochaux.fr

Adulé par le public du stade Bonal entre 1996 et 2009, Michaël Isabey a depuis bien des années raccroché les crampons. Joueur emblématique des Lionceaux, il a remporté la Coupe de la Ligue 2004, participé au sacre de la Coupe de France 2007 et vécu de mémorables soirées européennes à Bonal (voir le Tac au tac).

S’il a depuis 2012 et sa fin de carrière à Dijon pris quelques cheveux blancs, il est revenu dans son club de coeur, son « club de toujours », pendant l’été 2022. Un moment où il a presque découvert « Le Château », l’historique centre de formation Roland Peugeot du club doubiste.

Rencontre avec un joueur à la trajectoire atypique, passé de l’anonymat du National aux sommets de la Ligue 1. Un milieu de terrain dont le nom résonne encore 15 ans plus tard dans les esprits des supporters sochaliens comme l’une des plus belles références du football franc-comtois. Un joueur en qui ils pouvaient s’identifier, qu’ils appréciaient pour sa simplicité et son engagement sur la pelouse. Loin de la démesure et des facéties actuelles du football, il faisait déjà office d’extra-terrestre il y a 20 ans tant sa façon de penser différait de la norme. A ce jour, il est le joueur le plus capé des Lionceaux avec 454 apparitions sous le maillot jaune et bleu !

Si trois clubs ont jalonné sa carrière de joueur – Racing Besançon (BRC), FC Sochaux-Montbéliard et Dijon (DFCO) -, ce sont avec ces trois mêmes institutions qu’il s’est engagé jusqu’à aujourd’hui dans sa reconversion d’entraîneur et de formateur. Fier et fidèle a ses principes, il a un mantra : « Rendre aux clubs ce qu’ils m’ont donné ».

C’est au Château, à Seloncourt, que nous l’avons retrouvé. Un lieu historique et réputé dans le football hexagonal, qui a vu le jour en 1974 et qui a accueilli des générations de jeunes Lionceaux. C’est en fait le coeur de l’institution sochalienne. Paré de son plus beau survêtement, l’actuel entraîneur des U17 Nationaux (49 ans), titulaire du BEFF (Brevet d’entraîneur formateur de football), a accepté de se prêter en exclusivité aux jeux de l’interview et du « Tac au tac », quelles que soient les questions, pendant plus d’une heure et demie. L’ancien capitaine a déterré quelques beaux souvenirs avec le sourire (et de moins beaux aussi), décrypté le présent et son rôle de formateur mais aussi livré son point de vue sur les différentes péripéties qui ont secoué le club aux 96 printemps pendant sa dernière décennie ; de la vente par son fondateur et propriétaire originel, Peugeot, jusqu’au retour de celui qui a revêtu des airs de messie lors de l’été 2023, Jean-Claude Plessis. Rencontre avec une personnalité animée par l’amour du ballon rond et ses valeurs collectives. Un sens de l’esprit d’équipe qu’il tente d’inculquer au quotidien à ses garçons pour les élever jusqu’au monde professionnel.

Interview

« On est toujours redevable de quelque chose »

C’est dans la capitale comtoise que tout avait débuté pour Michaël Isabey, en 1996. Le jeune milieu de terrain avait alors 21 ans et portait anonymement encore le maillot du Racing Besançon (Besançon Racing Club ou BRC à cette époque), tout en suivant des études « pour préparer l’avenir », en STAPS, à l’université de Franche-Comté.
Formation de Ligue 2 au début des années 2000 (2003-2004), le BRC a surtout connu plusieurs périodes en National, une division dans laquelle le club a stagné avant de déposer le bilan en 2012. Un tremplin pour Michaël Isabey qui jouait avant cela chez les jeunes de Pontarlier. Loin du parcours traditionnel en centre de formation, le milieu de terrain s’étoffe dans l’ombre en troisième division. « On a toujours le rêve de devenir footballeur et d’en faire son métier mais plus les années passent, plus on se rend compte qu’on ne rentre pas dans les cases. Quand on passe entre les mailles du filet, on essaie de se rattacher à autre chose. Pour moi, c’était de jouer le plus haut possible dans mon club. En National, c’était déjà un super niveau. »

Sochaux, le tournant de sa carrière

Vif et clairvoyant, le jeune Isabey compense son petit gabarit par son intelligence et sa vision du jeu. Des qualités qui lui permettront d’avoir un petit coup de pouce du destin lorsque le FC Sochaux-Montbéliard, pensionnaire de seconde division, et club le plus important de Franche-Comté, viendra le chercher en 1997. Le véritable tournant de sa carrière professionnelle (à lire dans le Tac au tac).
Alors que Besançon dépose le bilan en 2012 et doit repartir en Régional 2, Michaël Isabey n’hésite pas et s’engage dans la reconstruction du club quelques semaines après avoir clôturé sa carrière de joueur professionnel. « J’ai toujours un peu fonctionné en étant attaché aux personnes et aux valeurs des clubs où je suis passé. Je me dis qu’on est toujours redevable de quelque chose. Quand je reviens dans le club de ma jeunesse, le club qui m’a fait rebondir et permis d’avoir une carrière professionnelle, bien-sûr que c’était important de donner un coup de main et de faire le maximum pour que le club retrouve les couleurs qui étaient les siennes. »

Il rejoue 10 matchs en DHR avec Besançon !

Un « coup de main » dans la restructuration du club afin de le refaire tourner normalement. « Avec François Bruard, on remet tout en place, de l’école de foot jusqu’à l’équipe première. C’est lui qui était encore coach à ce moment-là. Moi, j’étais plus dans un rôle de coordinateur du projet sportif. »
Pour dépanner, Michaël Isabey continue de chausser les crampons. « J’avais une licence amateur et comme le club est reparti avec peu d’effectif, j’ai joué 10 matchs. En fin de saison on est monté en Division d’Honneur (Régional 1) et la seconde année François Bruard a fait remonter l’équipe en CFA 2 (N3). A ce niveau j’ai repris les rênes de l’équipe première tout en ayant la responsabilité du projet sportif. »

Sous sa coupe, le club parvient à se stabiliser à ce niveau. « Lors de la seconde année, le club attendait mieux en terme de résultats, je reconnais que nous n’avions pas les résultats escomptés par les dirigeants et mes fonctions ont été diminuées. J’ai décidé d’arrêter au Racing. Avoir repris un dépôt de bilan c’était long et dur. » Michaël Isabey quitte donc le Doubs au terme de la saisons 2016-2017 et rejoindra la Côte-d’Or au mois d’août pour retrouver un autre club qu’il connaît bien : le DFCO.

Observateur et recruteur à Dijon

« Après Besançon, j’ai eu la chance que le DFCO me téléphone pour intégrer leur cellule de recrutement du centre de formation. C’est quelque chose que je ne connaissais pas. Je partais un peu à la découverte. Ma fonction consistait en l’observation des jeunes talents avant qu’ils ne rentrent peut-être au centre de formation. J’ai eu cette casquette pendant deux ans et je circulais beaucoup dans le secteur Franche-Comté – Alsace. J’allais un peu sur Paris aussi. »

Acteur majeur de la montée en Ligue 1 des Dijonnais au terme de la saison 2009-2010, il est rapidement écarté la saison suivante, celle qui fut donc sa dernière dans le monde pro. Pour autant, le Pontissalien d’origine n’hésite pas à retourner dans la capitale bourguignonne dans son nouveau rôle. « J’observais les matchs, les joueurs, je recrutais. C’était intéressant parce que lorsqu’on est entraîneur, on ne rentre pas dans l’environnement du joueur. On connaît un peu la famille mais on ne creuse jamais vraiment très loin. Quand on est observateur, on voit tout. On voit l’environnement du jeune, son club d’origine, l’endroit où il vit. Tout est plus concret. »

Des jeunes comme Yanis Chahid (ex-Jura Dolois, et attaquant du DFCO aujourd’hui), Saïd Saber (ex-Racing Besançon) ou encore Rayane Messi (parti à Strasbourg) ont été supervisés et recrutés à 13-14 ans par Michaël avant de voir leur formation parachevée en Côte-d’Or pour finalement fréquenter le haut-niveau hexagonal entre Ligue 2 et National par exemple. De jeunes joueurs, qui, avant cela, auront pu retrouver leur ancien recruteur quelques mois plus tard quand celui-ci fut promu à la tête des U19 Nationaux. « Je suis plus un homme de terrain. Cette proposition de reprendre les U19, c’était une super opportunité pour moi. J’avais besoin de retrouver le terrain et c’est une catégorie super à entraîner. J’ai eu la chance de recruter des joueurs de 16-17 ans et de pouvoir les entraîner ensuite en U18-U19. C’était de bonnes saisons sauf la dernière qui était la plus compliquée et où on est rétrogradé en R1. Les deux premières étaient positives, surtout celle du Covid. On était en demi-finale de la Coupe Gambardella, on devait jouer Monaco. Dans ces catégories-là, évidemment qu’il y a l’aspect compétitif où on veut bien figurer en championnat. Bien-sûr la compétition est importante si on veut performer collectivement, l’individu sera lui aussi valorisé dans ses performances. Mais on doit avant tout leur faire franchir des paliers, les faire progresser. Dans les générations que j’ai eues, il y en a quelques-uns qui y sont parvenus et quand on est formateur c’est notre objectif de les accompagner jusqu’à cela. »

« Revenir à Sochaux, une grande émotion »

Avec Jean-Sébastien Mérieux, ex-directeur du Centre.

« Je suis en fin de contrat à Dijon et Jean-Sébastien Mérieux (alors directeur du centre de formation sochalien) me contacte parce-qu’il recherchait un éducateur pour la pré-formation (U15). Je reviens à Sochaux durant l’été 2022 et pendant un an je me suis occupé de cette catégorie et là, c’est ma deuxième saison avec les U17 Nationaux. On ne peut pas avoir la même pédagogie en U15 qu’en U17 et U19. Il y a un discours un peu différent, une manière d’expliquer et de présenter les séances différentes mais il y a un lien. Le lien, c’est la progression du joueur. L’objectif reste le même : on veut emmener le jeune vers la catégorie au-dessus dans les meilleures dispositions physiques, techniques et mentales. »
Au centre de formation sochalien, l’un des plus réputés de France – deux joueurs de l’équipe de France actuelle y ont été formés par exemple, Ibrahima Konaté (Liverpool) et Marcus Thuram (Inter) et bien d’autres avant -, les prodiges se remarquent vite. « On les remarque rapidement. Des joueurs qui ont un plus sur le plan physique ou technique ou dans la compréhension du jeu… Ils ont quelque chose qui se dégage par rapport aux autres. A Sochaux, les caractéristiques des joueurs sont un peu plus différentes. Si je compare Dijon à Sochaux par exemple, ici il y a plus de joueurs de vitesse. Le jeu sochalien est plus basé sur les transitions, sur le jeu rapide alors que Dijon c’est plus un jeu de possession, de réflexion, cela demande des profils différents. Ce sont des écoles différentes. »

« Revenir à Sochaux c’était une grande émotion. J’ai quand même passé 12 ans ici, on a vécu des bons moments, mes enfants sont nés à Montbéliard. Il y a un certain attachement qui est naturel. Avoir un rôle au centre de formation me donne l’impression, comme je le disais pour Besançon, de revenir et rendre la monnaie de sa pièce au club. De dire  »ce que vous m’avez apporté, je vais essayer de l’apporter aux jeunes qui rentrent au centre et c’est ce que je me dis pour tous les clubs dans lesquels je suis passé. La particularité de Sochaux, c’est que j’ai fait ma carrière pro ici et c’est pour ça que les liens sont plus nombreux, plus forts, plus intenses. En tant que formateur, être ici c’est du bonheur. Le cadre est magnifique, il est un peu unique. Quand vous rentrez au Château, il y a quelque chose qui se passe, il y a une atmosphère, un historique qui se dégagent. Il y a tant de grands joueurs qui ont eu de belles carrières après être passés ici. C’est du prestige. Il y a encore beaucoup à faire dans ce club. »

« Quand l’entité Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi »

S’il n’était plus lié au club pendant les années 2010, Michaël Isabey n’a pour autant pas arrêté de suivre l’actualité et les résultats sochaliens. En 2014, quand Peugeot met le club en vente, il est, comme tous les suiveurs, assez circonspect de ce tournant. « Les années Peugeot associés aux clubs ont toujours été de bonnes années. Quand ce grand groupe disparaît du panorama du club, ça fragilise l’institution et ça amène de nouvelles têtes, une nouvelle trajectoire. Pendant ces années-là c’était fou vu de l’extérieur. Parfois on ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait, c’était flou. »

Dans l’extra-sportif, l’ère post-Peugeot tourne souvent au malaise général et aux inquiétudes avec des dirigeants débarqué de Hong-Kong (Wing Sang Li, surnommé « Monsieur Li, président entre 2015 et 2019), » aux manières et attitudes douteuses.
Pendant ce temps, « le club joue en Ligue 2 et on se dit qu’il peut retrouver le haut niveau. Peut-être que l’entité Peugeot, puisqu’elle n’est plus présente, n’a pas permis le retour du club en Ligue 1. Mais quand Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi. »
Et si c’était ça la pièce manquante ? Ce petit rouage qui manquait tant au FCSM, souvent candidat à la montée en début de saison mais victime de trous d’air, de pannes hivernale ou de coups de bambou en fin de calendrier. Un calvaire psychologique pour les supporters saison après saison.

« Au centre, on n’a rien senti venir »

Mais le calme et la pseudo-tranquillité sochalienne, qui n’avaient plus rien de tel depuis presque 10 ans et les multiples rebondissements sportifs et extra-sportifs, sont à nouveau largement tourmentés. Au mois de juin 2023, il manque 22 millions d’euros. La gestion de Samuel Laurent (alors directeur sportif) et sa politique de salaires très élevés sont en cause. Les actionnaires chinois (Nenking) et le président, Frankie Yau, ne peuvent combler le déficit. Le groupe rencontre lui aussi des difficultés de trésorerie. Le 28 juin 2023, la DNCG rétrograde le club doubiste en National. Un moindre mal. Malgré tout, la sanction passe mal. Si les finances ne sont pas rapidement assainies, cela peut finir en dépôt de bilan. C’est le début de l’intersaison la plus éprouvante que le club aux 96 printemps aujourd’hui ait connu. En disant adieu à la Ligue 2 après y avoir figuré en haut de tableau depuis plusieurs saisons, les supporters passent des espoirs d’un retour au Ligue 1 à un quasi-deuil. Le club vend à tour de bras et dans l’urgence, presque tous ses joueurs professionnels sans arriver à combler le trou dans son budget. Le centre de formation ferme ses portes. Le premier club professionnel de France est au centre du réacteur médiatique et la vie s’est presque arrêtée à Montbéliard. L’avenir des Lionceaux semble alors plus que flou.

« Ça a été un traumatisme. Il y avait de l’incompréhension. Comment a t-on pu en arriver là ? Du jour au lendemain, comment un club comme celui-là pourrait presque disparaître ? En interne, la fracture a été difficile. Le matin on devait s’entraîner, à 16h on nous a dit « vous partez ». Bien-sûr qu’il y a eu des erreurs et que les clignotants devaient être rouges. Bien-sûr qu’on en veut aussi aux personnes qui gèrent le club et qui ont peut-être vu la tempête arriver sans faire le nécessaire. Je me dis aussi que quand on est dans cette machine à laver, on peut se dire qu’avec des résultats, ça peut repartir. Nous n’avons pas la connaissance des dirigeants ni tous les éléments. C’est compliqué d’avoir une vraie opinion. On n’était tellement pas préparés à ça que l’incompréhension dominait plus qu’autre chose. Nous, on avait la promesse d’un nouveau centre de formation, donc il n’y avait, à nos yeux, pas de feu rouge. On pouvait se projeter vers l’avenir. C’était structuré et on voyait que des moyens étaient mis pour l’équipe première. On n’a rien senti venir. »

« Sochaux vivra ! »

Pendant ce temps, les supporters se mobilisent. Le 8 juillet, ils sont 400 à défiler dans les rues de Montbéliard. Le 14, ils sont 3 000 à se rassembler au stade Bonal avec un slogan : « Sochaux vivra ! ». Le 22 juillet 2023, les Sociochaux rentrent dans la danse avec un projet d’actionnariat populaire et réunira au total 11 000 socios et plus de 750 000 euros qui rentrent dans le capital du club. « Pendant ce temps, on se dit qu’il faut être patient, que pour un club comme celui-là, il peut peut-être y avoir des solutions. Dans cette patience, plus les jours avancent, plus l’inquiétude grandit. On passe par toutes les étapes, l’espoir, le désespoir. C’est un ascenseur émotionnel. Quand Romain Peugeot (arrière petit-fils de Jean-Pierre Peugeot, le fondateur du club) annonce un plan d’investissement, il y a un espoir. Quand deux jours après celui-ci est refusé, on se dit que c’est fini, que c’est mort. »

Le 17 août le calvaire prend fin. « A partir du moment où Jean-Claude Plessis – président du club lors des titres de 2004 en coupe de la Ligue et de 2007 en coupe de France -, les nouveaux investisseurs et les collectivités décident de faire revivre le club en travaillant pour un projet viable en National en incluant le centre et en préservant nos emplois, on y croit. Voir arriver une personne qui connaît le club, qui en est amoureux, qui emmène des gens avec lui, qui convainc des investisseurs locaux, ça lance un engouement général. Quelque part on n’a pas changé grand-chose dans le fonctionnement malgré ce coup d’arrêt. Il y avait une alchimie générale. Collectivités, investisseurs, Sociochaux, supporters, les salariés du club… ça a permis de propulser l’ensemble. Avec des bases plus saines, un ancrage régional, on peut construire sur le long terme. Sochaux est un club légendaire et a besoin de ça. Il ne peut pas construire avec un projet éphémère. »

Le centre de formation, clé de voûte de l’institution

« Aujourd’hui, on sent bien que le club est encore fragile, qu’il se structure et qu’il a des ambitions et c’est important. Les moyens sont aussi mis pour pérenniser le centre et que celui-ci reste une valeur importante pour l’équipe première et peut-être pour vendre des joueurs formés au club. On sent vraiment qu’il y a des fondations qui sont posées, qui sont rétablies et qui sont assez saines dans le développement d’un club. Il faut préserver le centre avant tout. Si on regarde dans l’effectif actuel il y a des joueurs, qui, comme Martin Lecolier ou Salomon Loubao sont sortis du centre et ont été propulsé en équipe première. Martin est un exemple. Au départ il était là et il bossait. En travaillant il a été récompensé. On voit qu’on forme encore des joueurs capables d’apporter à l’équipe première. On en a encore et on en aura toujours, génération après génération. »

Bernard Genghini, Joël Bats, Yannick Stopyra, Stéphane Paille, Franck Sauzée, Camel Meriem, Benoît Pedretti, Jérémy Menez, Jérémy Mathieu, Marvin Martin et plus récemment les internationaux français Konaté et Thuram sont sortis au fil des décennies du fameux centre pour alimenter les plus grands clubs européens et garnir les rang de l’équipe de France et d’autres sélections internationales (Rassoul N’Diaye, Joseph Lopy, Omar Daf ou encore El-Hadji Diouf, notamment, pour le Sénégal, Danijel Ljuboja pour la Serbie, Ryad Boudebouz et Liassine Cadamuro pour l’Algérie, Mevlut Erding pour la Turquie, Cédric Bakambu pour la RD Congo ou encore Jérôme Onguéné et Jeando Fuchs pour le Cameroun).
Sans compter les Frau, Monsoreau, Butin, Quercia, Prévôt ou Virginius qui ont marqué le club et intégré les Bleuets chez les Espoirs. Bref, la renommée de la formation sochalienne n’est ni à faire, ni à prouver et cette valeur c’est ce que les formateurs souhaitent avant tout préserver.

« La complexité de notre position est que l’équipe première est en National et qu’on forme des bons joueurs… ils ne restent pas forcément (dernièrement Doumbouya à Nice, Vaz et Issanga à Marseille). On serait en Ligue 2 ou en Ligue 1 il y aurait cette passerelle qui permettrait de les conserver, mais actuellement il y a un décalage. On garde quand même des bons joueurs formés au club, mais il y a un côté frustrant à les former et les accompagner avant de les voir partir. On a l’impression de jouer notre rôle de formateur, d’avoir un apport et de travailler pour le joueur et le club sans qu’eux ne le rendent au club. C’est différent. Ce ne sont plus les mêmes mentalités, environnements et demandes extérieures. Avant, il y avait moins d’argent, moins de demandes des clubs étrangers et les joueurs avaient tendance à signer dans leurs clubs formateurs. Aujourd’hui c’est moins le cas. Je me souviens que quand je jouais, quand un jeune arrivait dans un vestiaire pro, il y avait un certain respect. Il y avait une hiérarchie. Aujourd’hui elle est de moins en moins présente. Le jeune qui a de la valeur, il se sent fort. Alors, il se sent au même niveau que des pros qui sont là depuis plusieurs années. C’est ce qui fait aussi que parfois ils ne restent pas. »

« Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité »

Lutter contre les grosses cylindrées qui viennent toquer à la porte est compliqué. « Il y a des Martin, des Solomon, qui font un autre choix de carrière, qui adhèrent au projet porté par le club. Parfois c’est plus compliqué. Le joueur peut être d’accord mais son environnement non. Parfois c’est l’inverse. Nous on espère que certains de nos bons potentiels accepteront nos propositions de jouer en équipe première et faire remonter l’équipe mais on n’est jamais sur de rien. On serait en L2, il y aurait sans doute plus de joueurs qui resteraient. Il y a des réflexions c’est normal. » 

A contrario, il y a des joueurs formés au club qui ont l’amour du maillot. Boris Moltenis et Mathieu Peybernes sont de cette catégorie-là. Les deux défenseurs font partie de l’équipe première. Moltenis, qui a joué ses premiers matchs professionnels à Bonal en Ligue 2 fait même partie des Sociochaux, est revenu lors du mercato hivernal 2023/2024 de Pologne alors que Peybernes (qui jouait au club, en Ligue 1, au début des années 2010), lui est revenu pendant l’été. « C’est important. Il faut saluer ces joueurs qui montrent une mentalité comme celle-ci. Ils sont formés ici mais ils font surtout tout ce qu’ils peuvent pour le club. Ils ont l’amour de ce maillot. De tout temps, il y a toujours eu des garçons attachés au club, parfois même sans qu’ils ne soient formés ici. Lors du départ de Jean-Claude Plessis, il y avait Stéphane Dalmat qui n’a joué que deux ou trois ans ici. Pour autant, il s’est attaché au club. Ça veut dire que même des grands joueurs s’attachent. Cela montre qu’il y a vraiment quelque chose d’engagé et de profond qui se crée quand on arrive à Sochaux. Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité. Des Omar Daf, Teddy Richert sont restés des années et ont tout connu ici. C’est une valeur ajoutée pour le centre. Un Moltenis ou un Peybernes, ce sont des moteurs, des exemples des valeurs de ce club. Ce sont eux qui peuvent transmettre ces vertus, c’est aussi leur rôle, comme nous l’avons fait auparavant. »

Il y a aussi l’exemple de Dimitri Liénard. Natif de la région, formé au club, il n’avait, avant l’hiver 2023, jamais porté le maillot jaune et bleu en professionnel et a fait une carrière plus que réussie à Strasbourg en Ligue 1. A 36 ans, il a enfin revêtu le maillot des Lionceaux, en National. « Je crois que cela a toujours été dans un coin de sa tête de porter ce maillot. Il est du coin. De le faire en fin de carrière c’est magnifique et lui aussi a envie de tout donner. Kevin Hoggas dans une autre mesure aussi. Tous les joueurs qui ont un certain amour et engagement envers le club sont des valeurs ajoutées. »

Michaël Isabey du tac au tac

« Les émotions sont le sel du sport »

Meilleur souvenir sportif ?
Je dirais la Coupe de la Ligue 2004. 2004 c’était une super année. En 2003 on était allé en finale et on avait perdu contre Monaco (4-1) et d’avoir réussi à aller au bout un an après, ça reste un super souvenir (Sochaux bat Nantes : 1-1, 5 tab à 4). On avait une force collective.

Pire souvenir ?
C’est de ne pas avoir joué la finale de la Coupe de France en 2007. De ne pas avoir été sur la feuille de match à cause d’un différent avec l’entraîneur de l’époque, Alain Perrin. J’ai fait tous les tours d’avant et je n’ai pas joué la finale. Ça laisse un sentiment d’inachevé, c’était un moment très difficile. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment j’ai fait pour dépasser cette déception. Sur l’instant, ça avait déjà pris quelques minutes pour revenir dans la tribune et après encore plus. Au départ il y a la déception de ne pas pouvoir partager la joie des partenaires. Mais d’avoir le soutien des supporters au retour, ça remet un petit peu de baume au coeur même si ça ne soigne pas la blessure. Dans un second temps c’est aussi une fierté. On a encore gagné un titre pour le club et j’ai pu y participer à tous les tours précédents. Je me disais que Laurent Blanc avait été champion du monde sans jouer la finale, alors Isabey, il peut gagner la finale de la coupe de France sans l’avoir jouée !

Le coéquipier qui vous a le plus marqué ?
Il y en a quelques-uns. C’est surtout Mickaël Pagis, Jérôme Leroy et Stéphane Dalmat. Ils étaient talentueux, pour eux on avait l’impression que le foot était facile. Jouer à côté d’eux, ça aide beaucoup à rendre le foot facile.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
On a toujours eu de très bons entraîneurs au club. La chance qu’on a eue dans cette génération 2000-2007, c’est d’avoir eu en continuité Jean Fernandez et Guy Lacombe. C’est une chance parce que Jean Fernandez c’était la rigueur et le travail, beaucoup de travail. Guy Lacombe, c’était l’aspect technico-tactique et cela permettait de produire du jeu et d’être fort sur le terrain. En fait c’était la rigueur et le travail puis comment bien jouer.

Un modèle de joueur ?
Alain Giresse. Il avait la même taille que moi (rires). A l’époque j’adorais Bordeaux et lui, il était marquant, il était en équipe de France, je l’aimais bien. Je me disais que j’aimerais bien être à sa place. Bon, pour moi, il n’y a pas eu l’équipe de France (rires).

Un joueur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y en a plein que j’aimerais revoir, Jimmy Algerino, Lionel Potillon, Olivier Thomas, Stéphane Pichot. Tout ceux avec qui j’ai eu une complicité, j’aimerais les revoir et on ne se voit pas assez.

Un entraîneur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
J’ai revu dernièrement Jean Fernandez au départ de Monsieur Plessis donc c’était un plaisir. Guy Lacombe, je l’ai revu dernièrement aussi. J’aimerais bien revoir Faruk Hadzibegic. C’est lui qui m’a lancé dans le monde professionnel et c’était quelqu’un qui était très proche de ses joueurs.

Le match qui vous a le plus stressé ?
J’avais toujours un peu de stress avant les matchs mais une fois que j’étais sur le terrain j’avais la tête dans le jeu, dans le projet tactique. Il n’y a donc pas forcément un match spécial.

Un public qui vous a impressionné ?
Le public sochalien ! Encore aujourd’hui il m’impressionne. On a le plus beau public. J’aime leur proximité. J’aime leur patience. Ils ne veulent pas forcément du beau jeu mais ils veulent un peu d’euphorie, des sensations. Ils veulent vivre pleinement la rencontre avec une équipe qui se lâche. Tant qu’il y a ces ingrédients, le public sera derrière l’équipe. Quand il n’y a pas d’euphorie et de sensations… c’est autre chose. J’ai dit Sochaux parce que c’est un super public. J’ai l’impression qu’il y a plus d’ambiance aujourd’hui qu’à mon époque. Peut-être que je pense cela parce qu’aujourd’hui je suis dans la tribune et qu’en étant sur le terrain c’est différent mais ça fout toujours autant les poils ! En France il y a aussi Bollaert. Quand les Lensois chantent Les Corons, on avait toujours les poils qui se hérissaient.

Votre but qui vous a le plus marqué ?
Mon but à Martigues, en Ligue 1, la première année (1997-1998). Je découvrais le monde professionnel. En l’espace d’un an, je passe de National en Ligue 1. On gagne 2-1 en plus. C’est un but sur un centre en retrait, je mets une frappe qui n’est pas très belle mais qui est bien placée, au sol.

Un geste technique préféré ?
Le crochet, crochet-court intérieur ou extérieur. Ça fait toujours la différence sur un terrain. Il fallait que je sois vif sur les premiers mètres et le crochet c’est le dribble qui peut amener quelque chose pour moi. Quand on s’écarte de l’adversaire, on peut frapper, faire une passe ou centrer et c’est un geste qui met de l’action.

Un coéquipier avec qui vous pouviez jouer les yeux fermés ?
Je dirais Mickaël Pagis et Benoît Pedretti. On avait tellement nos cheminements de jeux que quand j’avais le ballon je savais qu’il était sur ma gauche, en diagonale, je n’avais pas besoin de regarder. « Mika », je savais qu’il était dans l’axe et que je pouvais jouer avec de la verticalité. On quadrille le terrain, si chacun est à son poste, on a à peine à tourner la tête pour avoir la prise d’informations.

Le joueur le plus écouté dans le vestiaire ?
Teddy Richert. A Dijon Grégory Malicki. C’est souvent les gardiens, parce qu’ils ont une grosse voix (rires). Ce sont surtout des leaders naturels. Ils sont des exemples parce qu’ils sont travailleurs, ils sont dans la performance. Ils sont écoutés. A ces époques-là, on n’avait pas besoin de se parler, il y avait une prise de conscience collective. On savait.

Un joueur qui mettait toujours l’ambiance dans le vestiaire ?
Au début il y avait (El-Hadji) Diouf (1998-1999) ! Il y avait Sébastien Dallet aussi. Dans les années Fernandez-Lacombe, il y avait William Quevedo. Il en faut bien un dans chaque groupe !

Votre premier entraînement chez les professionnels ?
J’arrivais de Besançon, je me suis garé à Bonal, je ne savais pas trop où aller… J’étais arrivé trois heures avant et je me suis mis dans la tribune des Forges tout seul pendant une heure. Je regardais la pelouse, une galette et je me suis dis « ‘t’es là quoi. Tu vas vivre ton rêve. » Je savais que j’avais une chance inouïe. A l’entrainement j’étais déjà impressionné par la qualité de la pelouse et je regardais les joueurs… Je n’osais pas bouger. J’étais assis dans le vestiaire et j’étais hyper intimidé, comme un gosse.

Les soirées européennes ?
C’était le graal. Et encore nous on jouait la Coupe UEFA mais j’imagine même pas la Ligue des Champions, c’est une autre dimension. Mais dans une vie de footballeur quand on peut toucher aux différents échelons… j’ai touché à la Ligue 1 et à l’UEFA, d’autres la C1 et l’équipe de France c’est encore des steps bien plus haut. Avoir vécu ça à Sochaux, c’est historique. C’est des atmosphères différentes. On rentre dans un rythme différent, des sensations différentes.

Dortmund ou l’Inter ?
Tout le monde dirait Dortmund mais moi je dirais l’Inter. Tout le monde dirait Dortmund parce-qu’on a gagné et qu’on est passé mais je veux parler de l’Inter parce que je pense qu’on méritait de gagner. Et puis, se retrouver face aux grands joueurs, Vieri, Recoba… c’est impressionnant. C’est comme toutes les découvertes. Le premier entraînement, le vestiaire pro, Bonal… là c’est un match de coupe d’Europe, vous avez Vieri en face de vous il chausse du 48 et fait 3m10. On rivalise comme on peut.

Votre rêve de carrière aujourd’hui ?
C’est de vivre des émotions à travers un championnat. De jouer les premiers rôles, de vivre des phases finales si on est avec des jeunes. De jouer un titre ou une finale de Coupe en Gambardella. Aujourd’hui je parle des jeunes parce-que c’est le présent. Je ne me projette pas dans le lointain. Les émotions sont le sel du sport.

Le plus grand accomplissement dans votre carrière ?
C’est la longévité. Quand j’ai commencé à 22 ans, que j’ai signé pro, je me suis dit que j’aimerais jouer quelques années. Finalement j’ai joué pendant 15 ans.

En deux mots, que représente le football pour vous ?
Un lieu de rencontre, d’égalité, de solidarité, de partage, de tolérance et de respect. Ça fait plus que deux mots mais c’est ma définition du foot.

Une devise ?
Comtois, rends-toi ! Nenni, ma foi !

Un match de légende ?
France-Brésil 1986 au Mexique. Je trouvais ce match fabuleux. A chaque but je courais dehors et je faisais l’avion. Je ne sais pas pourquoi mais ce match m’est toujours resté dans la tête. Socratès pour le Brésil, Platini pour la France et j’avais 11 ans. C’est le foot qui marque.

Des passions à côté du foot ?
J’avais plein d’idées de passion. J’avais l’idée d’aller au golf mais je n’ai pas le temps. J’avais l’idée de me mettre à de nouvelles pratiques, style le padel, mais c’est pareil. J’aimerais bien vivre. Avoir un peu de temps pour pratiquer ces passions qui m’ont trotté dans la tête… mais je n’ai pas de passion concrète. La seule passion que j’ai c’est de pouvoir profiter de ma famille et de mes enfants et d’avoir le temps de faire des choses avec eux. Ce que je n’ai pas eu tout le temps de faire lorsque j’étais joueur.

Complétez les phrases : Sochaux est un club…
Formateur et historique.

Vous étiez un joueur plutôt…
Partenaire.

Vous êtes un coach plutôt…
Collectif. Le collectif est important. A travers le collectif il y a toujours la facette individuelle qui va se dégager mais le foot c’est un sport collectif. C’est l’essence du foot. Le collectif doit rester supérieur à l’individu. Sans l’équipe derrière, le joueur ne peut pas gagner tout seul.

Quitter Sochaux a t-il été la chose la plus difficile ?
Ce n’est pas moi qui ai pris la décision mais bien sûr c’était un crève coeur. Quelque part je me voyais continuer là, avoir un rôle ici. C’est pour ça qu’aujourd’hui, la chance que j’ai, c’est d’être revenu quelques années plus tard. Dans un premier temps, ça avait été dur à accepter, j’avais 34 ans, j’étais en fin de carrière et le club avait d’autres dessins. Je me sentais encore capable de jouer et c’est pour ça que j’ai signé à Dijon avec qui j’ai participé à la montée en Ligue 1. Sochaux, c’était comme un infini, on se dit que ça ne s’arrêtera pas mais mon contrat a quand même pris fin un jour.

Texte : Augustin THIEFAINE

Photos : fcsochaux.fr

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Deux ans et demi après sa dernière expérience sur un banc, avec l’équipe féminine du PSG, l’ex-entraîneur d’Orléans, Clermont, Nice, Nîmes, Rouen (entre autres !) s’est mis en quête d’un nouveau projet. Il évoque son parcours, ses souvenirs, sa méthode et sa vision du foot.

Par Anthony BOYER / Photos Bernard Morvan

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

C’est l’endroit où il faut être quand on est sur le marché du travail. Et même quand on ne l’est pas d’ailleurs. LinkedIn est ce réseau social, sorte de Facebook professionnel, où l’on peut dérouler son CV, réseauter et, pourquoi pas, trouver ou retrouver un emploi dans votre secteur de prédilection.
C’est en se connectant que l’on a vu s’afficher le profil de Didier Ollé-Nicolle, un coach sans ballon mais pas sans la passion du ballon, et prêt à refouler le terrain après le douloureux épisode du PSG (1), si un projet intéressant se présente à lui.

« LinkedIn ? Oui, c’est mon fils qui s’occupe de ça ! Mon compte était en sommeil mais depuis quelque temps, il l’a réactivé et il est très sollicité. Vous savez, j’ai toujours aimé ce métier d’entraîneur, après il évolue, et y’a plein d’aspects qui ne me conviennent, mais je sais que je peux entraîner demain. J’ai refusé des projets à l’étranger et d’autres en France, en Ligue 2 ou en National. »

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Et Didier Ollé Nicolle, 63 ans aujourd’hui, l’homme parti de Promotion d’Honneur à Raon-l’Etape pour arriver jusqu’en Ligue 1 à Nice, de livrer un demi-scoop. Demi, parce qu’il ne donnera pas le nom de ce « grand club français qui m’a contacté il y a 18 mois », même si l’on a vite fait de comprendre qu’il s’agit des Verts de Saint-Etienne : « J’aurais pu entraîner un des plus grands clubs français en Ligue 1, un club mythique, qui représentait quelque chose dans ma jeunesse, des valeurs du foot. Il y a eu un contact qui s’est fait par l’intermédiaire de Claude Michy, qui fut mon président à Clermont. Ce club allait très mal, et Michy leur a soufflé mon nom. Mais ils ont gagné le match qu’il fallait, à la 88e je crois, sinon, certainement que j’aurais pris la suite, et on n’avait même pas parlé d’argent, j y serais allé en marchant. Aujourd’hui, j’aimerais prendre un club qui correspondent à mes valeurs, ou la relation coach-président est très forte, mais je peux aussi entraîner un club plus bas, amateur, avec des jeunes, revenir dans le foot d’antan, pour faire partager mon expérience, etc. »

Retourner en amateur après avoir goûté au plus haut niveau ? Il n’est pas le seul à y songer, même s’il nourrit encore l’espoir de rester dans le foot pro. Avant lui, des coachs comme Pascal Dupraz ou Fabien Mercadal ont, ici même, évoqué le sujet et laissé des portes ouvertes. « Il faudrait un club où on peut bâtir, former, poursuit celui que l’on surnomme « DON » depuis son passage à Valenciennes (2000 à 2003); cet été, j ai été contacté par Bourges (N2), ils voulaient rebâtir sur le modèle de ce que l’on avait fait à Raon, à Valenciennes, à Nîmes, à Clermont ou même encore récemment à Orléans. J’ai failli dire oui, mais il fallait dire oui très rapidement… Sans doute que n’était pas le bon moment. Dernièrement, Villers-Houlgate, en National 2, m’a contacté, par l’intermédiaire de mon ancien président au FC Rouen, Thierry Granturco (père du président de Villers et ex-maire de Villers), j’ai décliné, mais voilà… »

Deux ans et demi après ses déboires du PSG, Didier Ollé-Nicolle est donc prêt à replonger. Il nous l’a dit. Depuis sa résidence à Clermont, il a ouvert la boîte à souvenirs et a confié qu’il allait bientôt partager son temps entre l’Auvergne et la Bretagne, près de Concarneau. Mais ne cherchez pas, ce ne sont pas des indices. Parce qu’avec le ballon rond, il faut toujours être prêt à déménager et avoir son sac devant la porte. Pour la Bretagne, on repassera plus tard… ou pas !

Interview : « Journaliste sportif, ça m’aurait plu ! »

Photo Bernard Morvan

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Ma nomination en Ligue 1 à l’OGC Nice, en 2009, parce que c’est la première fois que j’entraînais en Ligue 1. C’était l’aboutissement d’une carrière linéaire, qui était partie pratiquement du plus bas au niveau amateur.

Pourtant cela ne s’est pas bien fait fini à Nice (il avait été remercié en mars 2010) …
C’est sûr, j’ai de meilleurs souvenirs en termes de résultats ou de matchs ailleurs, mais là, c’était inattendu, j’entraînais en PH… Je n’aurais jamais pensé à ce moment-là que j’entraînerais en Ligue 1 un jour.

Vous avez gardé des attaches à Nice ?
Oui, bien sûr, quelques supporters, quelques éducateurs avec qui j’ai travaillé. Sincèrement, j’ai gardé un bon souvenir de Nice, notamment quand j’ai signé, même si cela a très certainement été ma plus grosse déchirure quand je me suis fait évincer.

Le pire souvenir d’entraîneur ?
Le décès de Clément Pinault (en janvier 2009) quand j’entraînais Clermont Foot. On avait joué le samedi soir contre Brest, Clément était titulaire et le dimanche en fin d’après-midi… On est resté une semaine à le veiller car il est tombé dans le coma. C’était vraiment le pire moment de ma carrière.

Le club où la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Les trois années passées au Clermont Foot (2006 à 2009). On a travaillé main dans la main avec le président Claude Michy : avec lui, il n’y a jamais eu d’ingérence sur le plan sportif. On est parti d’un projet avec zéro joueurs, on a recruté 22 ou 23 joueurs, plutôt jeunes, et on est monté dès la première saison de National en Ligue 2 en battant tous les records, alors qu’on s’était donné deux ou trois ans pour le faire. Toutes les équipes du club jouaient avec la même organisation, j’ai fait 37 réunions d’éducateurs la première saison. On a signé une charte avec une cinquantaine de clubs amateurs partenaires. On a assis le club en Ligue 2. Tout ce qui a été mis en place a été pérennisé; à Clermont, c’était facile d’entraîner, et en plus, j’avais un groupe qui ne pensait qu’à s’entraîner, qu’à jouer au foot, il aimait encore plus le ballon que moi ! C’était une situation idyllique. Et c’est ce qui m’a permis de signer à Nice, d’avoir pas mal de contacts, comme avec Lens, Montpellier et le Standard de Liège à ce moment-là. Nîmes aussi avait voulu me récupérer.

Le Stade Montpied à Clermont, vous y retournez ?
J’y suis retourné, oui. J’ai tellement aimé Clermont Foot que je me suis installé à Clermont, et dès que j’avais envie d’aller au stade, j’y retournais. Quand j’entraînais Orléans, j’y allais quand nos matchs étaient décalés.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

La saison où vous avez pris le moins de plaisir ?
La fin avec Orléans alors que j’aurais pu parler d’une belle réussite sportive avec ce club où, quand je suis arrivé (à Noël 2016), on était dernier à la trêve avec 11 points, et on s’est sauvé aux barrages, en faisant un parcours retour magnifique. Et ensuite, sur les mêmes bases que j’avais bâties à Clermont, on a été aux portes des barrages d’accession en Ligue 1, on a fait 8e de finale de la Coupe de la Ligue face au PSG, le futur vainqueur, 1/4 de finale de la Coupe de France face à Rennes, le futur vainqueur là encore (saison 2018-2019). Orléans, ce fut une construction, on a bâti le centre de formation, mais le directeur sportif a voulu tout modifier à la fin de cette saison-là, il y a eu la Covid, et après ce fut une année désagréable à vivre (il a été évincé en février 2020).

Une erreur de casting ?
Je ne regrette jamais rien. Même si beaucoup de gens me disent que j’ai fait une erreur en choisissant Nice. Parce que c’était compliqué à l’époque. Mais ce club m’attirait. Le problème, c’est que dès le mois de septembre, Maurice Cohen, le président qui m’avait choisi, s’est fait virer. J’avais proposé ma démission, c’est lui qui m’a dit de ne pas le faire. Mais il savait ce qui allait se passer, que j’allais me faire virer. Alors, peut-être que c’était une erreur de casting dans le sens où ce n’était pas forcément le bon moment. J’avais appelé Fred Antonetti, mon prédécesseur, avant d’arriver, il m’avait dit que ça allait être très compliqué, parce que l’équipe était vieillissante et qu’il n’y avait pas beaucoup de moyens. Je n’avais pas vu le danger arriver, mais ça, on ne le sait qu’après. Je prends aussi dans cet échec ma part de responsabilité, bien sûr.

Des modèles, des coachs, dont vous vous êtes imprégnés ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

J’en citerais deux. Christian Letort, mon coach à Angers, il n’est pas très connu, il entraînait la réserve du SCO en Division 3, dont j’étais le capitaine, et à un moment donné, il a remplacé le coach de l’équipe première, et il m a fait passer de la D3 à la D2 (saison 1983-1984). C’était un jeune entraîneur. Ensemble, on a passé des heures à parler foot. Il m’a fait aimer l’entraînement, il m’a décortiqué les séances, il m’a expliqué les choses, l’organisation d’une équipe, etc. A la base, c’est un prof d’EPS, il n’était pas issu du monde pro. C’était un peu novateur à l’époque. Quand j’entraînais Nîmes en National, on avait éliminé l’OGC Nice 4-0 en 8e de finale de la coupe de France – sûrement un des matchs les plus aboutis de ma carrière -, et à la fin de ce match et du suivant, contre Sochaux, il était venu, il était dans les vestiaires après ! Je pense qu’il aimait mon implication quand j’étais joueur. Il m’a marqué. Et m’a donné envie de faire ce métier. L’autre personne, c’est Arrigo Sacchi, qui m’a reçu dans les années 90 : j’ai eu l’occasion de le rencontrer et d’échanger avec lui, grâce à Fabien Piveteau, qui est devenu mon agent après, et avec qui j’ai joué à Angers. On était allé voir le derby Milanais et la veille du match, j’ai pu assister à l’entraînement, il m’avait ensuite expliqué sa méthode. J’ai retenu la discipline défensive, la façon de définir un cadre défensif, l’alignement des joueurs qui savaient au mètre près comment se placer, et à l’inverse, sa manière de laisser une totale liberté dans l’animation du jeu offensif. Il avait été d’une simplicité vis à vis de moi… C’est marquant. En vous racontant cela, je pense aussi à Guy Roux, qui avait voulu me rencontrer, c’était à l’époque de Nîmes aussi, parce qu’un magazine m’avait surnommé le Guy Roux des Vosges quand j’étais à Raon !

Pourquoi êtes vous devenu entraîneur ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Cela s’est fait tout bêtement. Je jouais à Annecy, le club déposait le bilan, et quand le SCO Angers l’a su, le président de l’époque, Jacques Tondut, qui était le médecin du club quand j’y jouais, m’a fait une proposition. Christophe Dubouillon, l’entraîneur du centre de formation, arrivait en fin de contrat un an après et Jacques Tondut a pensé à moi pour prendre la suite, pour passer mes diplômes. Il avait peut-être dû déceler ça chez moi… C’est vrai qu’on parlait de la matière foot. Mais entretemps, un de mes anciens coéquipiers à Annecy, Lionel Gachon, jouait dans un tout petit club dans les Vosges, à Raon-l’Etape, en PH, et leur coach arrêtait. Il cherchait un entraîneur/joueur, moi j’avais 30 ans, je pouvais encore jouer… J’avais rendez-vous le mardi à Angers, et sur la route, j’ai rencontré les deux présidents Jean-Pierre Rossi et Georges Bilon, qui est décédé depuis, et je ne suis jamais allé à Angers… Voilà comment ça s’est passé ! J’avais un Master d’économie, ils avaient une agence immobilière, ils cherchaient un directeur commercial… Au début, je travaillais la journée et j’entraînais le soir. Raon a été un vrai laboratoire. J’y ai passé mes diplômes. J’ai aimé ça. On est monté jusqu’en National ! J’y ai passé 9 ans. Et à la fin, j’étais à plein temps.

Si vous n’aviez pas été entraîneur de foot…
C’est vrai qu’au départ, je n’avais pas en tête de devenir entraîneur, mais plutôt de travailler dans la vie active. J’aurais pu bosser dans la finance, ou devenir journaliste sportif aussi, ça m’aurait plu (rires).

Qu’est-ce qui vous a plus à Raon-l’Etape ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Tout ! J’ai rencontré des personnes magnifiques, on a monté une usine à gaz, parce qu’on était un petit club, sans moyen, et puis il y a les Vosges, la forêt, la région, superbe ! Mes enfants ont grandi là-bas. Quand j’y suis arrivé, ma fille avait 6 mois, mon fils 3 ans… J’ai rencontré deux présidents, MM. Rossi et Bilon, des hommes à tout faire, qui mettaient les mains dans le cambouis. Tous les joueurs travaillaient, et même à la fin, en National, on avait 3 ou 4 contrats fédéraux seulement, pas plus. On est passé de deux à six entraînements par semaine. On a crée un vrai processus afin de s’entraîner plus et de rivaliser plus. Notre idée, c’était de monter en DH. Et finalement, on est arrivé en CFA2, puis en CFA, et si on nous avait dit qu’un jour on arriverait en National… Voilà, c’était impossible… L’hiver, dans les Vosges il fait moins 10 degrés, il y a 50 cm de neige, on avait trouvé des astuces pour s’entraîner entre midi et deux, en diurne. Un jour quand je passais mes diplômes à Clairefontaine, j’ai rencontré Paul Orsatti : il avait monté l’institut sportif de formation (un centre de formation de football de la seconde chance), à Ajaccio, en Corse, et cherchait à le dupliquer sur le continent; le club de Raon a servi de cobaye. Il faut dire aussi qu’on a eu la chance d’être entouré de clubs comme Metz, Nancy et même Epinal ou Saint-Dié. Mon idée, c’était de récupérer des jeunes joueurs ce ces clubs-là qui n’arrivaient pas à passer pro, mais comme on n’évoluait pas à un très haut niveau, on n’avait pas grand chose à leur proposer : c’est là que l’institut de formation est intervenu; il a permis, en relation avec le Greeta, le ministère de la Jeunesse et des Sports, le conseil régional, etc., de les remettre à niveau sur le plan scolaire, de leur faire passer leur premiers diplômes, initiateur 1, initiateur 2, animateur seniors, etc., jusqu’au tronc commun du brevet d’état pour ceux qui voulaient aller plus loin. On leur proposait des formations et ça leur permettait d’avoir un contrat d’apprentissage. Le club ne payait que des primes de match, et ça nous a permis de récupérer tout un groupe de joueurs qui ont participé à l’ascension du club, avec une vraie génération.

Le meilleur joueur que vous avez entraîné ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je vais en citer deux. Loïc Rémy à Nice. Grâce à son passage à Nice, il a intégré l’équipe de France, et moi je me suis battu pour ne pas le perdre parce que Lyon voulait le récupérer à la trêve. Un bonheur de l’entraîner. Et aussi à Clermont, Mehdi Benatia, une belle pioche pour nous. Il venait de se faire les ligaments croisés. Et on a vu la suite de sa carrière (il a notamment joué à Udinese, Rome, Bayern, Juventus et il est actuellement conseiller sportif de l’OM).

Un président marquant ?
Claude Michy à Clermont. Il tenait le club d’une main de fer sur le plan économique.

Inversement, un président qui ne vous a pas marqué ?
C’est le deuxième que j’ai croisé à Nice, parce que les dés étaient pipés, et je dis ça, sans bien l’avoir connu… On avait 16 ou 17 joueurs concernés par la CAN, on a fait jouer six ou sept jeunes du club, et j’ai été viré en mars. Non, ils ne m’ont pas marqué (sans les citer, Didier Ollé Nicolle parle du tandem Maurice Stellardo, président et Patrick Governatori, DG).

Des rituels avant un match ?
Joueur, j’étais un peu superstitieux, mais avec le temps, le recul, ça change.

Un dicton ?
Oui ! Celui qui renonce à progresser a déjà cessé d’être bon. Je l’ai affiché dans tous mes vestiaires.

Vous êtes un entraîneur plutôt ?
Exigeant, passionné et un peu emmerdeur… Je suis toujours derrière le joueur, pour qu’il progresse.

Y-a-t-il un style Ollé-Nicolle ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je pense. J’ai tout le temps mis en place une équipe très agressive sur le plan défensif, tout en gardant un cadre de travail précis, avec des horaires, une organisation, des principes, et dans ce cadre, j’attends que les joueurs prennent des initiatives. Sans se couper de l’imagination, de la créativité. Je demande beaucoup de rigueur sur le plan défensif, de l’agressivité à la récupération du ballon. J’ai souvent réussi avec des équipes plutôt jeune et dynamique. Au fil du temps, je me suis adapté, j’ai évolué aussi, en recherchant plus l’efficacité, la simplicité, comme aux entraînements par exemple, avec deux points à travailler maximum. Pour aller à l’essentiel. Il faut aussi tenir compte des profils des joueurs, ne pas être têtu sur son organisation, même si c’est vrai que l’animation défensive que je préfère, c’est à 4 derrière plutôt qu’à 3 ou à 5, avec deux attaquants, un point d’ancrage et un joueur qui tourne autour. J’ai beaucoup joué en 4-3-3 aussi, avec une sentinelle, un 8 et un 10. avec de la densité au milieu, pour récupérer le ballon, mettre de l’intensité et produire du jeu court derrière.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Le stade qui vous a procuré le plus d’émotion ?
Le Parc des Princes. C’était déjà celui qui m’avait le plus marqué quand j’entraînais en L1, on y avait gagné avec Nice ! C’est une vraie caisse de résonance : du banc de touche, les joueurs ne t’entendent pas. En entraînant le PSG féminin, quand on a affronté le Bayern de Munich, ca m a fait le même effet.

Qu’est-ce qui vous a manqué pour faire une carrière en Ligue 1 ?
J’ai été plus reconnu à l’étranger en L1, quand je suis arrivé à Neuchatel, on s’est qualifié pour la finale de la coupe de Suisse, à Limassol, qui avait éliminé Nice en coupe d’Europe, on s’est qualifié pour l’Europa League… En France, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice. C’était un passage obligé. Mais il y a des étiquettes, et ça je le comprends très bien. Quand j’ai signé avec monsieur Cohen, l’objectif, c’était de finir 15e, parce qu’il y avait une génération de joueurs qui arrivait sur la fin, Echouafni, Letizi, Sablé, etc, on n’avait pas les moyens de recruter, il fallait sauver les meubles cette saison-là, avec les fins de contrats, pour repartir sur quelque chose d’autre l’année d’après. Mon style avec la récupération dynamique et un jeu dynamique aussi, que les dirigeants niçois avaient vu quand j’étais à Nîmes, ça se fait avec un certain profil de joueurs que je n’avais pas et pour qui c’était difficile de répéter les efforts, notamment dans le coeur du jeu. Il aurait fallu passer cette première année.

Certains supporters de Nice disent, en parlant de vous, que vous aviez trop de certitudes…

(étonné) Non, franchement pas du tout. Au contraire, on m’a plutôt dit que j’étais quelqu’un d’abordable… Demandez aux clubs où je suis passé ! Mais peut-être qu’à Nice, je me suis un peu plus enfermé dans ma bulle, avec ce contexte de la Ligue 1, pour me concentrer au haut niveau et à cette nouvelle expérience. Vous savez, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice, parce que pratiquement partout ailleurs, j’ai eu des résultats, ça a été positif. Est-ce qu’on peut réussir en Ligue 1 si on n’a pas des convictions ? Et du caractère ? Comment m’imposer sinon ? Et là je ne parle pas de certitudes, parce que s’il y a bien un métier où on ne doit pas en avoir, mais faire preuve d’humilité, c’est bien celui-là. Parce qu’on est tributaire des joueurs et de certaines décisions.

Sur votre CV, il y a Valenciennes, club avec lequel vous êtes descendu de National en CFA avant de remonter la saison suivante : c’est rare comme situation…

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

On repartait avec aucun moyen, il y avait eu l’affaire Va-OM… Monsieur Borloo est venu me chercher, c’est Philippe Seguin, l’ancien maire d’Epinal, qui lui a glissé mon nom, pour rebâtir. On savait que cela allait être très compliqué. Il fallait remettre les compteurs à zéro sur le plan financier. Je me souviens que, quelques années plus tard, quand Valenciennes est venu jouer à Nice en L1, on perdait 2 à 0 à la pause et on avait gagné 3-2 : le président des clubs des supportes de VAFC m’avait rendu hommage dans un article.

Le milieu du foot ?
Avant, une vraie école de la vie, qui permet à tout le monde de réussir, je prends mon exemple, à partir du moment où on bosse, où on croit en soi, il y a moyen de faire des belles choses. Aujourd’hui, je dirais que c’est un milieu bling bling, très superficiel… Quand je dis superficiel, je veux dire que, avant, il y avait l’amour du maillot, de l’entraînement, du club, de l’entraîneur… Aujourd’hui il y a beaucoup de gens très peu scrupuleux autour des joueurs et des joueuses, qui sont prêts à tout pour faire de l’argent.

(1). Didier Ollé Nicolle a été blanchi au printemps dernier par la justice dans une affaire où il avait dû répondre de soupçons d’agression sexuelle lorsqu’il entraînait l’équipe féminine du PSG, soupçons qui lui avaient coûté son poste.

  • Sa carrière de coach
    – 1991-2000 : Union Sportive Raonnaise
    – 2000-2003 : Valenciennes FC
    – 2003-2005 : Nîmes Olympique
    – 2005-2006 : LB Châteauroux
    – 2006-2009 : Clermont Foot
    – 2009-mars 2010 : OGC Nice
    – septembre 2010 – mai 2011 : Neuchâtel Xamax
    – juillet 2011 – novembre 2011 : Apollon Limassol
    – novembre 2011-février 2012 : USM Alger
    – juin 2012-août 2013 : FC Rouen
    – mars 2014-novembre 2014 : Bénin
    – mars 2015-juin 2016 : SR Colmar
    – décembre 2016-février 2020 : US Orléans
    – juin 2020-mai 2021 : Le Mans FC
    – juillet 2021 – mai 2022 : Paris SG Féminin

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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