Joueur, entraîneur et maintenant directeur sportif : celui qui revendique ses origines portugaises, véritable amoureux de la France, aime s’enrichir auprès des gens, partager et découvrir au travers d’eux. Il évoque son rôle de garant du nouveau projet cristolien, mis en place l’été dernier avec le changement de président. Passionnant.

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On peut donc commencer « sérieusement » le football sur le tard, à 17 ans, et s’asseoir quelques années plus tard, à 23 ans, sur le banc des remplaçants en Ligue 1, disputer quelques minutes et même goûter à la Ligue des Champions !

Voilà résumée l’histoire de Helder Esteves, l’ancien joueur professionnel devenu entraîneur puis dirigeant, dont les premiers pas ont été effectués dans un club de patronage parisien, à l’AS Bon Conseil, avant d’être repéré, à 17 ans, par Le Havre, et de partir en formation en Normandie. « Je suis né au nord du Portugal, à Bragance, et je suis arrivé en France à l’âge de 5 ans » raconte celui qui a conservé son unique passeport; « J’ai gardé ma culture portugaise et j’ai toujours voulu garder ma nationalité. Même si, pour ma carrière de joueur, cela a été une vraie question, notamment quand j’étais au Havre, avant l’arrêt Bosman, quand on m’a demandé de prendre la nationalité française, j’ai refusé… Mais j’adore les deux pays. Aujourd’hui, on peut dire que je suis un citoyen français, simplement, je sais d’où je viens. »

Quand le Franco-portugais évolue au plus bas niveau, en District, à l’AS Bon Conseil, il ne s’entraîne qu’une fois par semaine. Parfois, pas de la semaine ! « J’ai un parcours atypique. J’ai réellement commencé le foot à l’âge de 17 ans, quand je suis allé au Havre, où je suis passé à trois entraînements par jour, c’est pour ça que je me suis blessé au bout d’une semaine. J’ai eu une une sévère pubalgie, qui m’a écarté un an des terrains. Je l’ai traînée longtemps. Je suis arrivé sur le tard au football. J’en faisais beaucoup trop, j’étais toujours à la limite, mais en même temps c’est ce qui m’a permis d’être là, au Havre, car je n’avais pas forcément les qualités au départ. »

Son troisième passage à Créteil !

Aux côtés de l’entraîneur Stéphane Masala et du nouveau président Bassam Al Homsi. Photo USCL

La suite de sa carrière le conduit à Troyes, à 19 ans, mais c’est véritablement à Saint-Maur-Lusitanos, en National et en CFA, qu’il se révèle, entre 1998 et 2001. Une période entrecoupée d’une courte expérience de 4 moins à Grenoble, en National, dont il dira plus loin qu’elle fut une erreur de casting.

Helder a 23 ans, presque 24, quand il signe un contrat pro à l’AJ Auxerre en juin 2001, au sortir d’une saison à 40 buts en CFA avec Saint-Maur, contribuant largement au retour de son club en National.

Créteil en prêt en Ligue 2, Troyes à nouveau (Ligue 2), Dijon (Ligue 2) sont ses prochaines destinations avant un deuxième retour dans le Var-de-Marne, à Créteil, tombé en National. Il y aura un troisième retour à Duvauchelle, en cours de saison (en novembre 2021), dans un rôle d’observateur, après deux expériences de coach à Annecy (CFA, de 2016 à 2019) et Thonon Evian Grand Genève, en N3, dans une saison 2020-21 avortée par la Covid-19.

Nommé directeur sportif de l’US Créteil-Lusitanos l’été dernier, au moment où Armando Lopes, l’emblématique président (depuis 2002), a cédé son fauteuil, Helder est devenu l’homme fort du nouveau projet sportif porté par une nouvelle direction, avec à sa tête Bassam Al Homsi : cet entrepreneur d’origine syrienne, qui dirige plusieurs sociétés dans les secteurs du BTP, était d’abord partenaire maillot avant de rentrer au capital de la SAOS en 2021. Il a été élu par le comité directeur pour prendre la succession de Lopes.

A 5 points du nouveau leader, Fleury

Samedi dernier, en National 2, les Béliers se sont imposés dans un derby francilien face au leader, le FC 93 Bobigny-Bagnolet-Gagny (2-1). Un résultat qui a chamboulé la hiérarchie de la poule : Fleury, toujours placé depuis de nombreuses saisons, en a profité pour s’emparer de la première place, et Epinal, qui revient fort, de la deuxième. Créteil, 4e avec 33 points, est en embuscade, à 5 points de Fleury, mais n’est vraiment pas tout seul dans cette quête du National, avec ce trio de tête (Fleury 38 points, Epinal 37 et Bobigny 36).

Pendant de longues minutes, Helder Esteves s’est prêté au jeu du « tac au tac » et a répondu à quelques questions sur l’actualité de l’USCL, sur un ton très posé, mesuré et réfléchi. Il a bien sûr évoqué l’objectif d’accession en National, un niveau plus en rapport avec le standing du club, compte tenu de son histoire, de son passé, de ses infrastructures et de son rayonnement dans le Val-de-Marne, mais pas seulement. La réputation et l’image du club, ainsi que le nouveau projet, ont été au coeur de la discussion. Une chose est certaine : l’ancien attaquant mettra tout en oeuvre pour replacer Créteil là où il l’a connu joueur lors de ses deux précédents passages, au moins en National, et pourquoi pas en Ligue 2 !

« Ce qui me plaît, c’est le partage »

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Helder, vous avez été joueur, puis entraîneur, et maintenant dirigeant : cette nouvelle fonction, c’est celle qui vous plaît le plus ?
Avant tout, je suis un homme de terrain, j’adore ça. Entraîner, je l’ai toujours un peu fait, même en parallèle de ma carrière de joueur. Après, ici, à Créteil, je suis très proche du sportif. Le fait d’avoir été éducateur m’aide beaucoup. Je vis ma fonction avec beaucoup de plaisir et je la partage avec ceux qui sont sur le terrain. Je m’épanouis dans ce que je fais. On a des discussions techniques, que ce soit sur la méthodologie, la stratégie, il y a beaucoup de respect. Et ce qui me plaît, c’est le partage. Même si je suis un homme de terrain, tant que cela se passe comme ça, ça me va très bien.

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Sportivement, que diriez-vous de la saison actuelle de Créteil en championnat de N2 ?
Tout d’abord, il faut rappeler que la saison précédente, en National, j’avais un rôle différent. J’étais missionné sur le recrutement et l’observation de joueurs. Je n’avais pas un poste à responsabilité. J’apportais juste des éclaircissements.

Depuis le mois de juin 2022 et le changement de présidence, je travaille sur le projet que l’on m’a confié. Alors, par rapport à tous ces nombreux changements, récents, je suis satisfait de ce que l’on produit, de l’image que l’on renvoie, du travail qui est effectué, de l’état d’esprit qui est mis en place, surtout après l’échec sportif important de la saison passée.

Mais il ne faut pas tout jeter : il y a des choses qui étaient déjà très bien faites auparavant; le club n’est pas né cette saison, mais on s’est planté, on a commis des erreurs, et je ne parle pas que des résultats, parce que parfois, on travaille bien, mais les résultats ne sont pas là. Il y avait un cadre difficile, qui laissait peu de place à l’expression même du technique et du technicien. J’ai souhaité changer ça. On a corrigé les erreurs. On a changé la plupart des joueurs, on a renouvelé le staff aussi (Stéphane Masala, l’ex-coach des Herbiers, a remplacé Manu Da Costa, aujourd’hui entraîneur adjoint de Laurent Batlles à Saint-Etienne, Ndlr), et on a mis en place une politique technique très différente.

Compte tenu du peu de temps que l’on a eu, on a pu s’apercevoir rapidement, dès la fin de l’été, que c’était déjà une réussite. Depuis, on continue ce travail-là. On est sur une bonne voie selon moi. Il y a beaucoup de sérénité. Parfois, un mauvais résultat fait que l’on en oublie l’essence même de ce sport. Nous fait perdre pied. Nous « emmène » à droite-à gauche.

Maintenant, je vais vous dire, à Créteil, compte tenu de notre statut, on espère monter, mais on n’est pas les seuls, même si on se donne les moyens d’y arriver. Mon analyse, mon jugement, se fait sur la production, sur ce que l’on fait, si on est juste dans ce que l’on fait, si on arrive à se projeter, sur le factuel; c’est ça qui m’intéresse, qui me parle. Pas le fait de gagner un match ou de le perdre, ce qui est, pour le coup, moins factuel, avec des paramètres que l’on ne maîtrise pas. Malgré tout, j’aurais aimé que, aujourd’hui, on soit un peu mieux classé, pourquoi pas leader, je pense qu’on en a les capacités. Maintenant, il faut tenir compte de la réalité liée à un timing qui fait qu’aujourd’hui, on est là où on est. Mais il faut continuer, persévérer pour espérer une montée au plus vite.

« L’an passé, on a accumulé trop d’erreurs stratégiques »

Qu’entendez-vous par « l’image » et « les erreurs » ?
Quand vous signez à Créteil, vous vous rendez compte que c’est une famille. La ville est derrière son club. Les gens essaient de faire de leur mieux. Il y a un contraste important entre ce qu’est l’US Créteil quand on le vit et l’US Créteil de l’extérieur, avec quelques casseroles en termes de communication ou de cadre de travail, où l’on n’a pas forcément toujours mis en avant les éléments principaux liés à la a réussite. Mais bon, ce n’est pas propre à nous. Tout le monde a le droit de se tromper.

Mais on a accumulé trop d’erreurs stratégiques récemment qui ont fait que, lorsque les résultats n’étaient pas là, cela a tout remis en question. Ce qui est important, c’est de savoir ce que l’on fait de ces erreurs, si on s’attache à en faire des solutions pour évoluer. Moi, ce que j’aime, c’est quand les gens viennent au travail avec le sourire : et lorsqu’il y a un problème, eh bien derrière, on le transforme en solution. Malheureusement, l’an passé, avec les résultats, cela n’a pas été le cas.

« Je ne suis pas né de la dernière pluie »

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Et au sujet de l’image du club : on entend souvent dire que Créteil, c’est le club des Portugais, qu’ils sont là, que c’est difficile en interne, il y a même eu des déclarations fracassantes à ce sujet l’an passé…
Je ne suis pas né de la dernière pluie… Quand on parlait de l’image… Je n’ai jamais connu un club où il n’y avait pas de signe d’appartenance. Dans tous les clubs où j’ai joués, et j’en ai fait quelques-uns, il y a des anciens, qui sont là depuis qu’ils sont nés ou presque, qui ont une histoire en commun avec le club. Il faut perpétuer cette identité, mais dans le bon sens : un club ne nous appartient pas et on n’a pas le droit de le faire naviguer à droite à gauche. On doit simplement contribuer à son développement, tout en maintenant une identité propre, voulue par une commune ou une présidence en place depuis longtemps.

Mais aujourd’hui, je ne suis pas d’accord quand on parle de Créteil comme un club de Portugais : le président a changé, et dans notre équipe, on a trois joueurs d’origine portugaise, c’est tout. C’est juste que, à un moment donné, cette présence se faisait trop ressentir, et que cela a donné cette image. Chez nous, un joueur, qu’il soit portugais, sénégalais, français où ce que l’on veut, et bien c’est un joueur de l’US Créteil avant tout.

Pour en revenir à l’image dont vous me parlez, je ne la partage pas forcément. Ce n’est pas plus vrai ici qu’ailleurs. A Annecy, par exemple, où j’ai entraîné (2016-19), on a aussi des personnes, je pense à Pierre Paclet, qui sont très importantes là-bas, qui sont au comité directeur, qui sont des Annéciens, qui influencent la politique interne du club.

Avec le coach Stéphane Masala. Photo USCL

Plus encore que l’image, il s’agit de réputation : par le passé, Créteil a parfois défrayé la chronique avec des faits divers, de la violence…
Nous sommes dans la banlieue parisienne, et comme dans la banlieue lyonnaise ou marseillaise, si nous n’avons pas de deuxième grand club, c est aussi dû à ça. Nous connaissons les mêmes problèmes que d’autres, comme le Red Star. Nos problèmes sont peut-être liés à ça, ceci dit, je travaille avec des gens qui ont envie de réussir.

Après, je peux comprendre l’agacement, il y a eu des choses anormales, c’est clair. Mais c est l’histoire d’un club de la banlieue parisienne, et nous devons tenir compte de ce contexte-là, apporter des solutions pour que ce contexte ne soit pas défavorable dans le temps. On a des exemples, avec le Paris FC, qui s’est un peu « isolé » de ce contexte, qui s’est beaucoup structuré et a mis en place un projet de haut niveau qui, je pense, à termes, permettra de trouver la solution pour aller dans l’élite française. Au Red Star aussi il y a des choses qui sont faites : vous avez vu, au stade Bauer, c’est exceptionnel, alors que le secteur, dans le 93, a des fragilités sur certains aspects, comme en matière de sécurité.

Nous, en gardant nos atouts, nous devons faire ça, on y réfléchit. Mais il ne faut pas pointer du doigt les Cristoliens. Maintenant, c’est vrai que, parfois, quand vous avez des gens qui sont là depuis 30 ou 40 ans, ils voient arriver des personnes qui veulent complètement changer l’identité du club et font des erreurs importantes, ils voient le club descendre de niveau, ne pas remplir tout le cahier des charges qui fait la réussite d’un projet sportif, alors, je peux comprendre l’agacement qui en découle, parfois avec des manifestations anormales, comme avec de la violence, et c’est ça qui n’est pas acceptable.

« Accompagner les jeunes plus longtemps »

Créteil cultive aussi l’image d’un club avec un immense vivier de jeunes, de joueurs, vous confirmez ?
Oui, ne serait-ce que géographiquement : à 20 minutes autour du stade Duvauchelle, on a un vivier de 500 000 personnes. Le district du Val-de-Marne est très important au niveau national, avec beaucoup de gros clubs, et Créteil, avec ses infrastructures, du fait de sa posture aussi, pourrait être le centre de cette activité footballistique. En tout cas, il devrait en bénéficier d’avantage, comme c’est déjà arrivé : clairement, aujourd’hui, nos catégories de jeunes sont à un niveau inférieurs à ceux souhaités, ce qui freine un peu notre développement. Il faut améliorer ça dans le temps.

On cherche aussi à toucher le maximum de Cristoliens, car l’idée c’est de brasser au maximum dans le territoire qui peut nous offrir beaucoup de talents, de qualité; on aimerait pouvoir le faire davantage, mais il nous faudrait plus de moyens.

La SAOS (Société anonyme à objet sportif) et l’association, parfois, inconsciemment, ont des actions opposées : or, un club ne doit avoir qu’un seul projet, avec des sous projets qui tendent tous dans la même direction. Si on fonctionne comme ça, avec des circuits bien précis, comme le sport de masse, où notre rôle est très important vis à vis de la commune et des enfants de la commune, et l’élite, à termes, on a des résultats à tous les niveaux.

Malgré ça, on voit bien qu’on a eu des jeunes joueurs qui ont commencé à Créteil et qui ont fini au haut niveau. Ce que j’aimerais, c’est que l’on puisse accompagner ces joueurs un peu plus longtemps. Qu’ils aillent au plus haut niveau, c’est tout à fait normal, simplement, ils nous échappent trop vite aujourd’hui, car ce que l’on propose en termes de niveau dans nos catégorie de jeunes en post-formation ne correspond pas au niveau que l’on souhaiterait. Il faut corriger ça.

Pour terminer, ce grand stade Duvauchelle a toujours eu du mal à attirer le public en championnat : c’est quoi la solution ?
C’est un vrai sujet d’actualité chez nous, mais il faut procéder par étapes. Là, on est à 8 mois depuis le début du nouveau projet. Aujourd’hui, notre priorité, c’est de mettre en place une ligne de conduite sur l’aspect sportif. Sans omettre la formation. Quand j’ai signé à Dijon en 2003, le club venait de monter en L2, il est passé de 1500 à 8000 abonnés, il y a eu beaucoup d’actions de communication qui ont été réalisées et qui ont permis son développement. Ici, à Créteil, nous avons un public en sommeil, dont une partie a pu être déçu, parfois par des directions prises par le club, parfois parce qu’il ne s’est pas toujours identifié. Nous devons étudier cela avec attention et en mettre en place des moyens pour donner envie aux gens de revenir et éduquer les nouvelles générations à venir au stade.

Helder Esteves, du tac au tac

« La suffisance est l’ennemi de la performance »

Meilleur souvenir sportif ?
La saison 2000/2001 avec Saint-Maur Lusitanos en CFA (ex-N2), ma dernière en amateur avant de passer pro. On était monté en National. J’avais marqué 40 buts cette saison-là en championnat.

Pire souvenir sportif ?
Il remonte à ma dernière année de formation au Havre. C’est un match amical où j’avais été très mauvais, en dessous de tout, et à l’issue duquel j’ai eu une grosse remise en question. Et finalement, ce match m’a aidé car je me suis donné les moyens par la suite de ne plus reproduire ce genre de match; ça fait partie de la formation. J’étais très exigeant avec moi-même.

Combien de cartons rouges ?
Un seul, à Rouen, en CFA, lors d’un match pour le titre, l’année juste avant la montée avec Saint-Maur. Y’a une faute sur moi dans la surface et l’arbitre m’a ri au nez, alors que j’avais vraiment été bousculé; je me suis relevé et derrière, je suis allé tacler le défenseur qui repartait avec le ballon et là, rouge ! J’en oublie un deuxième, avec Créteil, à Caen, en Ligue 2, j’avais bousculé un joueur qui voulait gagner du temps.

Vous étiez un joueur nerveux ?
Non, je savais me maîtriser, mais j’avais du caractère. Je ne me laissais pas faire.

Votre première fois dans un grand stade de football ?
Au Parc des Princes, mais je ne me souviens pas du match.

Votre geste technique préféré ?
La feinte de frappe.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Le volume de jeu en défaut, même si je l’ai compensé un peu. Ma qualité ? l’aspect compétiteur. J’allais à l’essentiel, donc forcément, pour un attaquant, c’est de frapper au but ou de donner un ballon de but, et la finition.

Vous avez le plus souvent joué en Ligue 2, en National et en CFA : que vous a-t-il manqué pour être un bon joueur de L1 ?
Déjà, j’ai eu ce parcours atypique dont on parlait. J’ai eu de la malchance aussi et je n’ai pas toujours fait les bons choix, comme celui d’aller à Auxerre après ma saison où je marchais sur l’eau à Saint-Maur. Guy Roux est un entraîneur qui fait très peu de changements dans son équipe. Je me doutais bien que je n’allais pas prendre la place de Guivarc’h et que j’allais passer par la case « banc de touche », mais quand même… J’avais joué et marqué en matchs amicaux, mais je n’ai pas vu le terrain pendant les 14 premiers matchs de championnat. Donc ça m’a coupé les jambes. Je suis reparti de zéro. Il m’a manqué la continuité au bon moment. J’aurais peut-être pu enchaîner. Et puis il y a eu l’éclosion de Djibril Cissé, qui était exceptionnel, et derrière, je me blesse, je ne joue pas pendant 6 mois, la confiance est impactée. Peut-être que dans un autre club, j’aurais davantage performé, en plus, j’avais le choix à ce moment-là… Avec mon abnégation, ma volonté, j’aurais pu faire un peu plus, mais bon, c’est sans regret.

Vous avez pratiqué d’autres sports ?
J’ai commencé par le judo et j’ai fait un peu de handball.

Le club ou où vous avez pris le plus de plaisir ?
Saint-Maur.

Le club où vous en avez pris le moins ?
A Grenoble. J’ai fait un petit passage là-bas, en National (1999), juste après une première saison, déjà, en National, avec Saint-Maur (1998-1999). Malheureusement, cela ne s’est pas très bien passé. J’avais été recruté par une direction et pas par un entraîneur (Alain Michel, Ndlr), ce qui fait que j’ai très peu joué. J’ai compris ce jour-là qu’il fallait être le choix d’un coach, pas forcément d’un club.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
Il ne joue plus au football. C’est Cyril De Barros, un joueur formé au PSG. On s’est rencontré à Troyes en post-formation. La vie nous a malheureusement séparés. C’était un ami.

Combien de véritables amis aujourd’hui dans le football ?
Ils ne jouent plus. Deux.

Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling sur le terrain ?
Jorge Placido, à Saint-Maur.

L’adversaire qui vous a le plus impressionné ?
Quand j’étais à Auxerre, en Ligue des champions, j’étais sur le banc, face à Arsenal, et c’était très impressionnant. Une très grosse équipe. Même remplaçant, on apprend beaucoup. J’étais là, même si je n’étais pas sur le terrain. Auxerre courait autant qu’Arsenal, sauf qu’eux, ils couraient mieux que nous !

Le club où, dans vos rêves les plus fous, vous auriez aimé joué ?
C’est paradoxal parce que j’ai eu l’occasion d’y aller quand j’ai signé à Auxerre et je n’y suis pas allé : c’est le Benfica Lisbonne. J’aurais été très fier. Mais j’ai pensé qu’il me fallait une étape avant d’y aller, et j’avais choisi Auxerre.

Un stade mythique ?
L’ancien stade de La Luz à Lisbonne avant qu’il ne soit reconstruit, et aussi Santiago Bernabeu, à Madrid. J’ai aussi été surpris à Dortmund. Mais le stade qui m’a procuré le plus d’émotion, c’est le Parc des Princes. Quand on a été supporter de Paris comme moi… J’y ai joué et j’y ai même marqué.

Un coach marquant ?
Ils m’ont tous marqué, de manière différente. Certains sur l’aspect tactique, comme Alain Perrin et sa science du jeu, d’autres sur l’aspect management comme Guy David, il avait une grande sensibilité à ce niveau-là, je l’adorais, paix à son âme. Noël Tosi pour sa stratégie aiguisée. Guy Roux pour sa sagesse, son intelligence, son côté minutieux, sa prise de conscience de tous les éléments autour du terrain, il ne laissait rien au hasard. Il était même avant-gardiste à l’époque à Auxerre.

Votre plus beau but ?
Symboliquement, je vais dire le but à Tours en 2000-2001, avec Saint-Maur, de 60 mètres ! C’est aussi ce jour-là où, en voulant fêter ce but avec les supporters, je me suis sectionné le doigt (son alliance s’est coincée au grillage et lui a arraché le muscle et l’os du doigt, Ndlr). J’ai dû faire un choix après ça : garder le doigt où l’enlever afin de poursuivre ma carrière (il s’est fait opérer et amputer dans la nuit).

Cet accident, on vous en parle tous les joueurs ?
Quand j’étais joueur, oui, on pouvait même en rigoler, ça ne me dérangeait pas. Aujourd’hui, on m’en parle beaucoup moins, les nouveaux joueurs n’ont pas connu cet épisode.

Une idole ?
Maradona. Le joueur était exceptionnel. Il m’a donné envie de jouer au football, de me dépasser.

Un modèle d’attaquant ?
Cavani, pour ses déplacements, sa générosité, son sens du but. Pauleta aussi.

Vos passions, vos hobbies en dehors du foot ?
J’aime bien les gens, les rapports humains, découvrir de nouvelles cultures. J’aime la gastronomie, cuisiner. J’aime bien le sport en général. J’aime que les gens m’enrichissent et m’apportent par leur qualité humaine.

Une devise ?
La suffisance est l’ennemi de la performance. Je me suis appliqué cette devise à moi-même pour être plus performant, parce que je ne prenais pas forcément conscience de certaines choses sur un terrain quand j’étais jeune. Je vois aujourd’hui beaucoup de jeunes joueurs qui ont de la qualité mais qui n’ont pas cette capacité dans le temps de maintenir un niveau d’exigence qui leur permettrait très certainement d’aller plus haut. J’aime l’exigence.

Si vous n’aviez pas été footballeur…
Je ne sais pas ce que j’aurais fait, mais je sais ce que j’aurais aimé faire, c’est de la musique. Le football crée beaucoup d’émotions. Mais la musique aussi.

Terminez la phrase en un mot : vous étiez un attaquant plutôt …
Opportuniste et déterminé.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Magnifique et parfois décevant.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : USCL