A 31 ans, Adama Sidibé découvre le National pour la première fois sous les couleurs du Paris 13 Atletico. Un défi personnel qu’il a abordé sans complexe. Attaquant au profil atypique avec ses 95 kilos, il a marqué ses deux premiers buts au mois de décembre et est prêt à relever le challenge du maintien.

Photo Paris 13 Atletico

Comme beaucoup de ses coéquipiers du Paris 13 Atletico qui reprendra le championnat le vendredi 13 janvier face à Cholet, l’avant-centre Adama Sidibé, 31 ans, découvre le National pour la première fois de sa carrière.

Avec Eu, Oissel, Grand-Quevilly (N3), Beauvais et Rouen (N3 puis N2) ou Chartres (N2), il s’est construit une jolie réputation de buteur.

Attaquant puissant au physique imposant (1,91 mètres, 95 kg), il flirte avec la centaine de buts inscrits dans sa carrière. Après une belle saison à Chartres (8 buts), il a choisi de « se mettre en danger » en signant au mois de juin dernier avec le promu en National, le Paris 13 Atletico.

Depuis l’arrivée de Vincent Bordot sur le banc, il a enchaîné les titularisations et inscrit ses premiers buts avant la trêve face à Borgo (4-0) le 9 décembre. Aussi généreux sur le terrain que dans la vie, Adama Sidibé, qui a grandi en Normandie et écumé plusieurs clubs de sa région, évoque son parcours et sa fierté d’avoir relancé le FC Canteleu, le club de son enfance, dont il a été président pendant deux ans. Entretien avec un homme attachant et de conviction.

« Je n’ai jamais fait de complexe d’infériorité »

Photo Bernard Morvan

A 31 ans, c’était inespéré pour vous de jouer en National…
Il y a quelques années, j’avais eu une proposition d’Avranches mais on n’avait pas pu trouver d’accord financier. J’étais bien à Chartres, le coach Jean-Pierre Papin m’a appris des choses dans le placement et la finition. Mais en quittant Chartres, le N2 où ça marchait bien pour moi, j’ai voulu me mettre en danger. Honnêtement, j’aurais certainement gagné plus d’argent en restant en N2 qu’en signant au Paris 13 Atletico. Mais j’ai voulu relever ce challenge. C’est un défi personnel. Je ne dis pas que c’était inespéré pour moi de jouer en National mais à 31 ans, c’était ma dernière chance. Il y a un gros palier entre la N2 et le National, mais je n’ai pas pris ça comme un truc inaccessible. Je savais que cela ne serait pas simple, que je devrais prouver des choses pour répondre aux interrogations à mon sujet. Mais je suis un bosseur, j’ai confiance en moi et je n’ai jamais fait de complexe d’infériorité.

Avec le Paris 13 Atletico, vous avez disputé 12 matchs sur 16 et vous avez été titulaire lors des cinq derniers. Cela veut dire que votre apprentissage s’est bien passé ?
J’ai quand même dû faire ma place. Je savais que je n’étais pas l’attaquant numéro 1. J’ai aussi eu un carton rouge contre Le Puy (le 12 octobre lors de la 9e journée). Mais je me suis accroché. J’avais vraiment hâte de pouvoir enchaîner les matchs et de débloquer enfin mon compteur. C’est arrivé avant la trêve contre Borgo (4-0, le 9 décembre) avec un doublé et une passe décisive. Je suis content mais je ne suis pas du genre à m’endormir sur ça. L’objectif du Paris 13 Atletico, c’est le maintien et je vais tout faire pour y apporter ma contribution. J’ai un profil un peu atypique, je dois être présent dans l’impact et le jeu aérien.

« En France, on aime bien mettre les gens dans des cases »

Photo Grégoire Placca

Depuis les tribunes, votre silhouette, un peu enveloppée en apparence, interpelle souvent…
(éclats de rires).. Les gens pensent toujours que je suis en surpoids, c’est comme ça depuis que je joue au foot. Je fais 95 kg, je n’ai pas un profil qu’on voit souvent. Mais dans le foot français, on aime bien mettre les gens dans des cases. J’entends ce qu’on dit de moi dans les tribunes. Ceux qui ne me connaissent pas pensent que je ne peux pas courir, ni me déplacer à cause de mon poids. Les défenseurs, c’est pareil. Mais je leur mets d’entrée une accélération et ils comprennent à qui ils ont affaire… Toutes proportions gardées car je n’ai pas son talent, je joue un peu comme Lukaku (rires) !

Photo Bernard Morvan

Vous avez été formé à Cannes et même effectué un essai à West Ham quand vous étiez plus jeune…
Je suis resté trois ans à Cannes. J’ai eu David Bettoni, l’adjoint de Zidane, comme coach en U19, puis des coachs très expérimentés, Albert Emon et Victor Zvunka quand je suis monté avec le groupe National. Mais à mon poste, il y avait le Tchèque Jan Koller, un monstre (2,02 m). Je n’ai pu faire que quelques bancs en National sans jamais rentrer en jeu. Il y a eu des soucis financiers à Cannes. Je suis donc rentré chez moi en Normandie, j’ai signé à Eu-Le Tréport, puis Oissel. J’ai ensuite rejoint Beauvais, toujours en N3. Après un premier passage à Rouen, je suis retourné à Beauvais où j’ai joué pour la première fois en National 2 à 26 ans. Je n’ai pas brûlé les étapes. J’ai pris mon temps : N2 à 26 ans, National à 31 ans…

Avez-vous des regrets sur votre parcours ?
Aucun. Je suis content de mon parcours. J’ai pu marquer des buts dans tous les clubs où je suis passé. Je pense avoir laissé une belle image partout car je ne triche jamais. Sur un terrain, je donne tout. Quand j’étais jeune, on me prédisait un avenir au mieux en DH (R1) et à d’autres une carrière au-dessus. Mais au final, c’est moi qui aie le mieux réussi. J’ai la satisfaction d’avoir presque toujours vécu du foot. Ce n’est pas donné à tout le monde.

Cela veut dire que n’avez donc jamais travaillé en dehors du foot ?
Si, juste quelques mois à l’époque de Oissel en N3. C’était une courte expérience. J’ai le permis D donc j’ai été conducteur de bus et chauffeur-livreur. Je suis toujours resté connecté avec la vraie vie.

« Le National demande beaucoup plus d’exigences »

Photo Grégoire Placca

Chose rare pour un footballeur en activité, vous êtes en effet devenu en 2020 président d’un club, le FC Canteleu, dans la banlieue rouennaise…
C’est le club de mon enfance, j’y ai grandi et c’est là-bas que j’ai commencé le foot. Quand j’étais à Rouen, je venais le mercredi sur des séances de jeunes. Malheureusement, il y a eu des soucis au niveau de l’équipe première qui a été suspendue plusieurs années et est repartie du plus bas niveau départemental. On m’a sollicité pour prendre la présidence, j’ai hésité car je ne voyais pas président à 30 ans. Mais j’ai cédé et j’y suis allé car j’étais accompagné d’amis dans cette aventure. J’ai été bien entouré. On a essayé de structurer le club au niveau des jeunes. Il y avait du potentiel, cela me faisait mal de les voir galérer. Le bilan est positif, on a passé deux belles saisons. On a fait remonter l’équipe première en D3, on a fait monter les jeunes et on est arrivé en quarts de finale de la Coupe de Normandie. On a bien relancé le FC Canteleu, ce qui me tenait vraiment à cœur. Je suis encore très proche du club. Mais j’ai dû démissionner de mon poste de président cet été.

Pour quelles raisons ?
Quand tu es président, tu es sans cesse sollicité pour X ou Y… C’est un poste qui demande beaucoup de temps. Je devais aussi penser à moi. J’ai donc décidé de démissionner pour me consacrer à 100 % au challenge du Paris 13 Atletico. J’habite désormais à Créteil (Val-de-Marne), je n’avais pas envie de m’éparpiller et causer du tort au final à Canteleu et à moi-même. Le National demande beaucoup plus d’exigences donc je devais mettre tous les atouts de mon côté pour être performant face à des équipes qui ont pour certaines des anciens joueurs de L 1. Les Lemoine, Dossevi que j’ai affronté lors du match contre Versailles, ou des stades comme à Nancy et Jean Bouin, avant je ne les voyais qu’à la télé. Maintenant, je joue sur ces terrains et je peux regarder de tels joueurs droit dans les yeux. C’est vraiment kiffant ! Je ne fais aucun complexe mais je donne tout pour être à la hauteur de tout ça.

Adama Sidibé, du Tac au Tac

Photo Bernard Morvan

Première fois dans un stade ?
L’ancien stade du Havre, le stade Jules-Deschaseaux lors d’un match de L1 contre Auxerre. J’avais 11 ans.

Meilleur souvenir de joueur ?
Le premier triplé de ma carrière avec le FC Rouen en National 3.

Pire souvenir de joueur ?
Un carton rouge qui me suspend 7 matchs lorsque que j’étais au CMS Oissel en National 3.

Une manie, une superstition ?
Non, aucune.

Le geste technique préféré ?
La feinte de frappe. C’est magique quand elle passe.

Qualités et défauts sur un terrain ?
Pour mes qualités, je ne lâche rien et je ne triche jamais. Je donne tout quoi qu’il arrive. Mais je suis un peu grincheux avec mes partenaires par moment. C’est mon défaut. Je devrais plus encourager, j’y travaille au quotidien.

Photo Grégoire Placca

Votre plus beau but ?
Avec le FC Rouen en N3. Je suis dos au but, je contrôle de la poitrine et j’enchaîne une volée sans qu’elle touche le sol à l’extérieur de la surface. Un but zlatanesque !

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Le dernier en date : Amine Boutrah de Concarneau. C’est très fort.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Aziz Kebbal qui a été formé avec moi à l’AS Cannes. Un numéro 10 très très fort techniquement. Il était incroyable.

L’entraineur qui vous a marqué ?
David Bettoni, en U19 à Cannes. Un très bon coach devenu l’entraîneur adjoint de Zidane.

Le président qui vous a marqué ?
Mr Fabrice Tardy, l’ancien président du FC Rouen.

Photo Bernard Morvan

Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
L’AS Beauvais.

Le club que vous avez refusé et que vous avez regretté ?
Je n’ai aucun regret.

Le club où vous n’auriez jamais dû signer ?
Aucun. Toutes mes expériences ont été différentes et enrichissantes au final.

Un joueur préféré ou un modèle ?
Ronaldo le Brésilien. Incontestablement le meilleur attaquant de tous les temps.

Photo Bernard Morvan

Un stade mythique ?
Santiago Bernabeau.

Vos amis dans le foot ?
J’en ai pas mal… Je ne pourrais pas tous les citer.

Vos occupations en dehors du foot ?
Ma famille et la lecture.

 

Propos recueillis par Laurent Pruneta / Twitter : @PrunetaLaurent / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : Grégoire Placca

Photos : Bernard Morvan – Grégoire Placca  – Paris 13 Atletico

Le tout nouveau président de l’USLD (National), arrivé comme défenseur central en 2010, et nommé en décembre dernier en remplacement de Jean-Pierre Scouarnec, évoque son parcours, la vente du club et son attractivité, et la vision de son poste. Il se veut rassembleur, ambitieux et déterminé.

Edwin Pindi n’y pense pas tous les jours en se rasant mais l’anecdote qu’il nous a racontés mérite quand même d’être relevée. Vous en connaissez beaucoup, vous, des présidents de Ligue 1, Ligue 2 ou National qui, avant d’occuper cette fonction suprême, lançait la page Facebook de leur club ?

C’est pourtant ce qu’a fait le Lillois de naissance, âgé de 37 ans, dont la carrière ne saurait, évidemment, être résumée à cela !

Car Edwin Pindi a quasiment tout fait à l’USL Dunkerque, où il est arrivé en 2010 comme joueur en CFA2, après avoir porté les maillots de Calais (CFA2), Wasquehal (CFA) et Lesquin (CFA). Tout fait… Ou presque : il n’a pas vendu les délicieuses frites au pied de l’ancienne tribune d’Honneur du « vieux » stade Tribut qui, depuis, s’est fait un lifting complet. Mais il aurait pu !

Pensionnaire du centre de formation du LOSC

Le nouveau PDG des Maritimes avait un bon prétexte pour lancer cette page officielle Facebook à son arrivée : un stage de fin d’études, passé dans le cadre de la son Master en Management et gestion du sport; à ce moment-là, les réseaux sociaux des clubs amateurs commençaient seulement à émerger et l’ancien pensionnaire du centre de formation du LOSC (1995-2004) ne se doutait pas qu’il occuperait un jour le poste de président. Son poste, à l’époque, c’était défenseur. Un défenseur et aussi un capitaine respecté, charismatique, jamais sur la défensive lorsqu’il s’agit d’évoquer son nouveau costume – il a de toute façon toujours porté un costume ! – mais plutôt réaliste, mesuré, calme, pondéré, et aussi ambitieux.

A l’USLD, Edwin Pindi, qui possède une licence d’anglais, a aussi connu l’accession en CFA, dès sa première saison (2011) puis en National (2013), avant de mettre un terme à sa carrière en 2016 et d’intégrer l’équipe administrative, d’abord comme secrétaire général, puis comme directeur général.

Il a également vécu l’accession en Ligue 2 en 2020, cette fois depuis les bureaux. Et puis, le mois dernier, les actionnaires du club l’ont promu au poste de président, toujours avec la casquette de directeur général, après la démission de l’emblématique Jean-Pierre Scouarnec, en place depuis 2014.

C’est vrai que, depuis de nombreux mois, les rumeurs faisaient état de la vente des parts de deux des quatre actionnaires (Douglas Broucke et Eddy Dobbelaere, 52 % à eux deux), sachant que sur les quatre, trois sont des personnes physiques (le troisième étant Jean-Pierre Scouarnec, à hauteur de 26 %), la quatrième une personne morale (l’association USLD, représentée par son président, le même Eddy Dobbelaere).

Un club qui a pris de la valeur

Mais avant d’être un club à vendre, l’USL Dunkerque est surtout un club qui se porte bien, qui a pris de la valeur, qui possède encore le statut professionnel malgré une descente de Ligue 2 en National en mai dernier et s’appuie sur un budget confortable de l’ordre de 5 millions d’euros.

Surtout, il s’est doté d’un magnifique outil, le nouveau « Tribut », avec 5000 places. Un outil moderne, fonctionnel et modulable. Le stade devrait d’ailleurs attirer la foule des grands jours dimanche, à 18h, pour le 32e de finale de la coupe de France face à l’AJ Auxerre (Ligue 1). Une superbe affiche, pour bien lancer l’année 2023 et préparer cette deuxième partie de saison que les joueurs de Romain Revelli, un temps leaders en début d’exercice, entendent bien poursuivre en haut de tableau (l’USLD est actuellement 5e, avec un match en retard à domicile face à Bourg-en-Bresse, à 5 points du leader Concarneau et à 4 points du second, Versailles).

« En National, on tourne entre 1500 et 2000 spectateurs, commente Edwin Pindi. On a vraiment un bel outil, qui mérite d’être plus rempli. On sait que si on fait un beau début d’année, et une belle 2e partie de saison, le stade se remplira encore plus et on a besoin de cela; ça commence contre Auxerre, c’est une belle affiche, c’est bien pour repartir, et en plus, cela faisait 5 ans que l’on n’était pas allé en 32e de finale ». Paroles de président.

« J’ai toujours aimé manager, être au coeur des décisions »

On doit dire « président » ou « Edwin » ?
Edwin !

Edwin, que de chemin parcouru depuis votre arrivée à Dunkerque, en 2010…
Quand j’y repense… Je suis arrivé comme joueur, et dès la saison suivante, en 2011, j’ai travaillé au club comme administratif. A l’époque, je touchais un peu à tout, et puis c’était aussi un peu les débuts de la com’. Dans ce domaine, il n’y avait pas grand chose, et pour tout dire, donc, la page Facebook actuelle, c’est moi qui l’ai lancée, ça fait drôle ! Ensuite il y a eu le compte Twitter, la refonte du site web; en fait, j’ai commencé par là. J’ai aussi fait du marketing, du commercial, j’ai touché un peu à tout. J’ai proposé à ce moment-là aux dirigeants en place, le président Jean-Christophe Géhin et le manager Nicolas Huysman, d’ouvrir un service communication. Et c’est comme ça que ça a commencé, ça m’a permis de clôturer mon stage de fin d’études, et finalement, dans la foulée, même si j’étais employé comme joueur, j’ai développé d’autres activités administratives, c’est allé crescendo au fil des années.

« En arrivant à Dunkerque, je me suis inscrit dans un projet sportif et associatif »

Vous aviez l’idée de préparer votre reconversion, c’est cela ?
Quand j’arrive à Dunkerque comme joueur, j’ai 25 ans et aussi 7 saisons de CFA derrière moi. Entre l’âge de 22 et 25 ans, j’avais décidé de tirer mes dernières cartouches pour signer un contrat professionnel, mais, voyant à 25 ans que je n’arrivais pas à franchir le cap, que je stagnais en CFA, j’ai décidé de préparer ma reconversion, tout en continuant à jouer. C’est vraiment là que je me suis mis cette idée en tête.

Vous aviez déjà des appétences pour prendre des responsabilités…
J’avais envie de manager, j’ai toujours aimé ça, être au coeur des décisions, même quand j’étais joueur. J’étais capitaine, un peu le relais, et c’est vrai que j’avais envie de prendre des responsabilités dans une organisation sportive, surtout dans un club. Pour la petite histoire, dans le dernier contrat fédéral que je signe, il est convenu que si on monte en Ligue 2, j’obtienne un poste de cadre administratif. C’était prévu comme ça avec l’ancienne direction.

Romain Revelli, l’entraîneur de l’équipe de National.

Juste avant de signer à Dunkerque, vous étiez à Calais…
Oui, c’était en 2009, le club venait de descendre de National, malheureusement, il a été rétrogradé administrativement en CFA2 durant l’été qui a suivi. On est monté en CFA, mais, là encore, le club a été recalé par la DNCG. Pour moi, comme je le disais, c’était mon dernier défi, ma dernière chance d’espérer décrocher un contrat pro, dans un club avec un passé, une histoire : à ce moment-là, Calais pesait plus lourd que Dunkerque sur l’échelle du football, même si Dunkerque avait connu la Ligue 2, mais c’était à une autre époque, dans les années 90. Quand je signe à Dunkerque en CFA2, le club voulait monter, et moi je pensais déjà à ma reconversion. Je me suis tout de suite inscrit dans un projet sportif et associatif. Je me revois en train de monter un dossier pour la communauté urbaine de Dunkerque dans le cadre de l’attribution des subventions, ou de faire le rapport d activités. En fait, je prends du plaisir à faire les deux, à jouer et à commencer à travailler à côté. Parce que, rapidement, le fait de jouer ne me suffisait plus. Comme nous n’étions pas nombreux à l’époque dans les bureaux, j’ai touché à pas mal de choses, d’autant plus que le manager général, lui, était très tourné vers le terrain, vers le sportif. J’ai une autre anecdote : en 2015, quand nous avions reçu Rennes en coupe de France, le matin du match, je gérais les plans de table du salon VIP, la com’ du match aussi, et l’après-midi, je jouais ! Les autres joueurs ne le savaient même pas !

« J’ai un devoir de mémoire »

Quand vous vous retournez sur ces 12 ans et demi, à quoi pensez-vous ?
C’est une fierté ! J’ai eu le bonheur d’être monté en National puis en Ligue 2 avec le club, comme joueur, comme administratif ou comme directeur général. Je trouve que les gens ne se rendent pas assez compte de tout ce que l’on a fait ces 12 dernières années, où il s’est vraiment passé beaucoup de choses : on a réussi à transformer l’USL Dunkerque en club solide de National et même à le professionnaliser en accédant en Ligue 2 pendant deux saisons avec une équipe au statut pro et de nouvelles infrastructures. Aujourd’hui, là où j’ai un rôle important, c’est que j’ai un devoir de mémoire. Il y a eu une transformation qui s’est opérée en même temps que la professionnalisation, et je me dois de représenter cette passerelle entre le côté amateur que l’on a connu, avec toutes les personnes qui ont travaillé au club ou qui ont oeuvré bénévolement, dont certaines sont décédées, et ce qu’on a mis en place au niveau professionnel.

« Je suis un président dont c’est le métier, cela va dans le sens de l’évolution du foot »

Ce poste de Président directeur général, finalement, il a l’air de bien vous convenir…
Oui ça me convient bien je pense, j’ai conservé la casquette de DG. En fait, je suis un président qui a des actionnaires, et dont c’est le métier. Cela va dans le sens de l’évolution du football, qui est en perpétuelle transformation, et du club, qui s’inscrit dans une vraie professionnalisation. Après le départ de Jean-Pierre (Scouarnec), les actionnaires ont jugé qu’il fallait un professionnel du métier, un professionnel du football, pour gérer la structure au quotidien. En faisant ce choix-là, ils ont fait un pas vers l’avenir : les actionnaires attendent des résultats, ils sont plus dans le projet financier et confient la responsabilité de l’entreprise à une personne dont c’est le métier : c’est ce que l’on voit de plus en plus en L1 et en L2, avec beaucoup de présidents ou présidents délégués salariés; on le voit moins en National mais je pense que ça va arriver de plus en plus. DG, mon rôle était déjà de porter le projet du club; là, j’ai une responsabilité supplémentaire, celle de président, et j’ai été honoré de la proposition, mais finalement, il y a une vraie continuité. Jean-Pierre, lui, n’était pas là tous les jours, il avait d’autres activités à coté, il est chef d’entreprise, il met de l’argent dans le club aussi, il s’appuyait sur un DG. Ce qui ne change pas, c’est mon rôle : je reste un élément moteur, je continue d’animer le projet au quotidien, sachant que l’on ne fait rien tout seul, car j’englobe avec moi mes équipes, que je suis chargé de faire bosser. C’est juste que, maintenant, je dois rendre des comptes à mes actionnaires.

Avec Jocelyn Blanchard le directeur sportif et Jean-Pierre Scouarnec, le président qui a démissionné en novembre dernier.

Après votre nomination, on a lu des commentaires plutôt moqueurs, vous comparant au « fils de Jean-Pierre Scouarnec »…
C’est normal que les gens pensent ça, car on a une très grosse relation avec « JP ». On a tissé des liens importants. Je l’ai connu quand il n’était encore que partenaire du club, à mon arrivée. Cette comparaison, elle se comprend, on a travaillé très longtemps ensemble. Après, la décision de me nommer à ce poste, elle n’est pas seulement le fait de « JP », mais de l’ensemble des actionnaires. Maintenant, j’ai ma personnalité à moi, je ne suis pas comme « JP », je ne le serai jamais, j’essaierai d’apporter ma touche, qui est celle de quelqu’un de terrain, c’est un mode de fonctionnement différent. Mais je suis le président de l’USLD, pas celui de Jean-Pierre Scouarnec, d’ailleurs, j’ai connu un autre président avant lui, on l’oublie ça, et d’autres dirigeants aussi, cela fait quand même 12 ans que je suis là, je connais l’environnement local, toutes les particularités du club, j’ai connu aussi l’ancienne équipe municipale, je connais la nouvelle…

« La vente du club peut prendre des mois et des mois… »

Cette nomination au poste de président, vous l’avez vu venir ?
Non, cela s’est fait progressivement. La démission de « JP » est arrivée assez subitement même si la semaine qui a précédé, les actionnaires l’ont évoquée. Dans la mesure où « JP » n’est pas actionnaire majoritaire, et à partir du moment où certains actionnaires ont décidé de mettre leur part en vente, il ne pouvait plus décider de l’avenir du club, et il a donc estimé qu’il n’avait plus la légitimité de gouverner, donc à partir de là, des discussions ont commencé.

Vous êtes toujours en contact avec lui ?
On est resté en contact, on s’est vu avec l’ensemble des actionnaires. Il souhaite prendre du recul. Il s’est énormément investi dans le club alors qu’il a des activités professionnelles, une vie familiale. Après, je ne peux pas parler à sa place, mais il a dit qu’il souhaitait rester dans l actionnariat.

Ces derniers mois, on a beaucoup entendu parler de la vente du club…
Et c’est justement ça qui change pour Dunkerque et son environnement : ce sont des choses que l’on n’avait jamais entendu auparavant, que le club puisse être racheté. Le club a pris de valeur, on a de belles installations et il y a du potentiel, donc forcément il y a des intérêts. Il y a des discussions, cela peut prendre des mois et des mois, car il y a des choses que l’on ne maîtrise pas, il y a plein de critères qui entrent en ligne de compte, comme s’assurer que la personne respecte l’identité du club, l’environnement local, les relations avec les collectivités. C’est un processus qui peut prendre énormément de temps, même si c’est assumé de la part de nos actionnaires, qui savent que pour pérenniser le club dans le monde pro, il faut l’aide de personnes extérieures qui auront une surface financières plus importante. Mon rôle est de faire en sorte que tout se passe bien, qu’on ait la meilleure équipe possible et le meilleur fonctionnement possible, tout en sachant que le club peut évoluer dans son actionnariat et dans sa propriété, car c’est une réalité du foot pro.

Quelle a été votre première décision de président ?
Cela a été de voir les parties prenantes en local, déjà, avant que l’on ne communique sur ma nomination. J’ai aussi tenu à voir le staff technique, mes collaborateurs, les joueurs. Ensuite, cela a été de voir les politiques, les supporters, et on devait voir les partenaires pendant le match de Bourg avant Noël mais il a été annulé. Aujourd’hui, si on veut avancer, on a besoin, dans notre microcosme local, d’être vraiment fort : c’est ça la priorité. Il n’y a que comme ça qu’on existera, parce que nous, à Dunkerque, on a une identité forte, et c’est avec cette identité-là que l’on continuera d’avancer.

« On ne fait rien tout seul »

Vous serez un président plutôt…
Un président rassembleur et déterminé. Ambitieux aussi. Qui veut rassurer. Je veux que ma détermination, celle que j’ai et qui fait partie de moi, pour faire grandir le club et aller haut, soit partagée avec tout le monde. Ce n’est pas de la démagogie, mais on ne fait rien tout seul, on ne fait rien si l’on n’a pas l’adhésion des collaborateurs ou de l’environnement local. C’est ce que j’ai dit aux supporters, aux spectateurs, car parfois, un but, celui que l’on va inscrire à la dernière minute car le public a poussé, peut tout changer. On doit faire sentir que c’est dur de venir jouer à Dunkerque.

Un mot sur la première partie de saison en National ?
C’est positif ! Il ne faut pas oublier que l’on descend de Ligue 2, que l’on a intégré 18 nouveaux joueurs. L’été dernier, on a fait le choix de conserver notre entraîneur principal, Romain Revelli, car on a estimé que les responsabilités de la relégation étaient partagées par la direction, le staff et les joueurs. Mais on était en fin de cycle et on a pris le parti de bouleverser l’effectif; ça prend bien et vite. Il y a 6 mois, si on avait dit qu’on serait 5e avec un match en retard, à 5 points du premier, on aurait signé tout de suite (entretien réalisé début janvier). Ce que j’attends, maintenant, c ‘est une progression. Si on veut exister, il faut rester bien placé. L’objectif, c’est d’être là pour le sprint final. Mais le championnat est compliqué. Pendant deux saisons, on aura quatre clubs qui vont descendre de Ligue 2 en National… Ce que l’on veut, c’est retrouver la Ligue 2 dans les deux ans. Quand elle passera à 18, il faudra que l’on y soit. Et plus vite on y sera, mieux ce sera ! Donc il faudra être placé en avril. On a une équipe qui a du talent, des individualités intéressantes, avec plusieurs joueurs qui ont brillé offensivement à tour de rôle. On est capable de faire de gros résultats, on a de la ressource, mais on a manqué de régularité, de constance, et aussi de maturité.

Quelles équipes vous ont fait la meilleure impression ?
Concarneau a une dynamique collective hyper bien huilée, c’est une grosse force. En termes de puissance d’équipe, je les ai trouvés bons. J’ai aussi trouvé le Red Star intéressant même s’ils n’ont pas fait le début de saison attendu. Pour moi, ce sont deux grosses équipes, sans oublier le talent individuel des joueurs de Versailles aussi.

Edwin Pindi, du tac au tac

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en National en 2012/13 avec l’USL Dunkerque.

Pire souvenir sportif ?
La montée en CFA obtenue sur le terrain avec Calais (CRUFC) en 2010 qui est invalidée par la DNCG.

Combien de buts marqués dans ta carrière de joueur ?
Précisément, je ne suis pas sûr, mais une trentaine.

Plus beau but ?
Le but de la victoire contre Chambly lors de la saison 2011/2012. Ma spécialité : coup de tête puissant en pleine lucarne sur un coup-franc excentré !

Pourquoi avais-tu choisi d’être défenseur ?
J’étais grand et costaud et mon idole de l’époque était Basile Boli. Je suis défenseur central depuis mes débuts !

Ta première fois dans un stade de foot ?
Au LOSC à Grimonprez-Jooris, j’avais 10 ans mais impossible de me souvenir de l’affiche du match !

Ton geste technique préféré ?
Le coup de tête défensif, on ne le voit plus assez à mon goût !

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualités : puissance, détente, jeu de tête, leadership, jeu long pied gauche.
Défauts : vitesse d’exécution, vivacité, créativité.

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
Dunkerque !

Le club où tu as failli signer ?
Il y en a eu deux : le Bayer Lerverkusen (la réserve en D3) en 2005. Le contrat était négocié et au dernier moment ils ont gardé le joueur que je devais remplacer. Et Guingamp, en 2007 pour mon 1er contrat pro à la trêve hivernale. J’ai été appelé par le responsable du recrutement qui m’avait observé pendant 6 mois. Je devais signer après un super essai avec la L2. Mais la grave blessure de l’attaquant David Suarez change leurs priorités car ils devaient verser une indemnité à mon club (j’étais à Lesquin sous contrat fédéral).

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Liverpool.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Liverpool et Anfield Road !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un, mais tu as droit à 2 ou 3) ?
Je ne peux pas en citer quelques uns, j’en ai trop !

Le coéquipier avec lequel tu avais le meilleur feeling (entente dans le jeu) ?
Frédéric Gaillard à Calais. Grosse complémentarité en charnière centrale.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
Sylvain Wiltord.

Une causerie de coach marquante ?
Les causeries de Régis Bogaert à Lesquin.

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Ça restera dans le vestiaire !

Les joueurs et les présidents les plus connus de ton répertoire ?
Joueurs ou présidents, j’en ai des très connus mais je ne dis rien !

Un modèle de président ?
Pape Diouf.

Combien de véritables amis dans le foot ?
J’ai de vraies amitiés avec mon parcours, une dizaine.

Combien de cartons rouges ?
3, il me semble.

Des rituels, des tocs (avant un match ou dans la vie de tous les jours) ?
Me regarder dans le miroir avant d’entrer sur le terrain quand je jouais !

Une devise ?
« Contre vents et marées » (la devise de l’USLD) et « Toujours plus haut ».

Un chiffre ?
Le 4, le numéro du vrai « stoppeur ». Mon chiffre à moi.

Un plat, une boisson ?
Le saka saka (plat congolais à base de feuilles de manioc), et un bon Chablis.

Termine la phrase en un mot ou deux : tu étais un défenseur plutôt …
Dur sur l’homme.

Un match de légende pour toi ?
France/Italie en finale de l’Euro 2000.

Un modèle de défenseur ?
Marcel Desailly.

Une idole de jeunesse ?
Desailly, Thuram et Boli.

Ta plus grande fierté ?
Mes enfants.

Tes passions en dehors du foot ?
Ma famille, pas le temps pour une autre passion !

Si tu n’avais pas été footballeur…. qu’aurais-tu aimé faire ?
Avocat.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Passionnant et fou.

Dimanche 8 janvier 2023, 32e de finale de la coupe de France : USL Dunkerque (National) – AJ Auxerre (L1) à 18h au stade Marcel-Tribut. 

 

Textes : Anthony BOYER

Photos : USLD

Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Le coach de l’Amiens SC (Ligue 2) évoque les difficultés, les caractéristiques et l’évolution de son métier, qu’il a embrassé en 1997 à Louhans-Cuiseaux après une longue carrière de joueur dans son club de coeur, le FC Metz.

L’entraîneur d’Amiens, Philippe Hinschberger, est un enfant de Metz. Unique club fréquenté pendant sa carrière de joueur, le coach de 63 ans a aussi été à la tête de la formation messine comme tacticien, glanant une montée en Ligue 1, en 2016. Mais son parcours ne se conjugue pas qu’en grenat. Grenoble (2018-21), Laval (2007-14), Le Havre (2004-05) ou Niort (2001-04 puis 2005-07), ce sont de nombreuses équipes que le Lorrain, qui a commencé sa carrière de coach à Louhans-Cuiseaux en Division 2, a dirigées, souvent avec réussite. Entretien avec un entraîneur pas tout à fait comme les autres, disponible et sans langue de bois.

Photo Amiens SC

Quand on dit Philippe Hinschberger, souvent, on associe votre nom au FC Metz…
Je suis arrivé à Metz à 15 ans, j’en suis parti à 36 ans. 21 ans dont douze-treize ans en professionnel, puis comme responsable du centre de formation. Et j’y suis revenu après pour les faire monter en Ligue 1, et les maintenir en finissant 14e, comme entraîneur de 2015 à 2017. Ce n’est qu’après que je me suis fait virer à la 10e journée (saison 2017-18), ce n’est qu’à ce moment que ça a été difficile. Mais, oui, c’est mon club. C’est mon club. Je jouais beaucoup contre le FC Metz en jeunes, mon père vient du basket, mais il était sportif avant tout, et plutôt pour le FC Metz.

Et puis il y a Laval également, et forcément, sept saisons de 2007 à 2014, une montée en L2, plusieurs maintiens, deux nominations comme meilleur entraîneur de Ligue 2. Un autre club phare de votre carrière.
Je suis arrivé à Laval après Niort. Ils m’ont appelé, ils venaient de descendre en National un an auparavant, et j’y ai travaillé pendant 7 ans. Avec Philippe Jan comme président, un modèle de relation entraîneur-président, avec du respect, de l’amitié, mais sans jamais partager d’autre chose qu’un verre ou qu’un resto. A mon arrivée, on a mis deux ans pour monter, et puis on s’est maintenus pendant cinq ans. C’est un moment très riche de ma vie, d’autant plus que j’y ai rencontré ma seconde femme, avec qui je suis toujours.

Rester longtemps dans un club, ce n’est pas si fréquent pour un coach. Pourtant, on retrouve ça quasiment à chacun de vos passages…
En général, quand je suis dans un club, j’y suis bien, les gens m’apprécient plutôt, je suis quelqu’un de sympa, d’ouvert, de rond, pas chiant, je reste dans mon rôle. J’ai fait quatre ans à Louhans-Cuiseaux à mes débuts d’entraîneur, cinq ans à Niort (en deux fois ndlr), avec une montée en Ligue 2, où j’ai apprécié la région, et Grenoble, j’y suis resté trois ans, et j’y serais peut-être encore si Amiens n’était pas venu me chercher. J’ai l’habitude de rester assez longtemps dans un club. Pour bien travailler, on a besoin de deux, trois ans. Quand on arrive, le temps de comprendre l’effectif, comment le club marche, la saison est déjà passée. Pour moi, c’est aussi une fierté. Quand vous rester sept ans à Laval, ça veut dire que vous prolongez trois fois. Partout où je suis passé, j’ai prolongé, ça veut dire que les gens ne se lassaient pas de moi. J’en retire une certaine fierté.

Photo Amiens SC

Comment faire pour durer dans un même club et dans un même environnement, se réinventer de saison en saison, pendant aussi longtemps parfois ?
Quand je suis quelque part, je me donne à fond. Déjà, je n’ai pas du tout envie de repartir tout de suite à chaque fois. Je suis aussi passé par des plus petits clubs, où on a moins la pression des premières places, à Laval ou Niort. On est dans la difficulté en tant que coach, c’est vrai, on est toujours dans la machine à laver. Mais quand vous renouvelez un tiers de l’effectif chaque année, ce ne sont pas les mêmes saisons, la 3e année, vous avez changé tout l’effectif. La nouveauté crée aussi de la surprise, de l’émulation, des choses nouvelles. On a besoin de se renouveler en termes d’effectifs, sur les séances d’entraînement. Moi, avec mes adjoints, Francis De Percin à Amiens, je me libère presque complètement avec les années et je fais de moins en moins de séances, les joueurs se disent « tiens c’est quelqu’un d’autre qui dirige ». On évolue aussi. Aujourd’hui, on a aussi des gens autour de nous qui nous permettent de nous renouveler, avec des compétences, quand ce n’est pas toujours vous en première ligne, quand ensuite vous prenez la parole, ça a peut-être un peu plus d’impact.

En tout cas, la méthode a fait ses preuves ! On a évoqué Metz, Laval, Amiens, mais vos lettres de noblesse ont commencé à s’écrire avant ça, à Niort, avec un titre France Football de coach de l’année de L2 en 2003. Et puis il y a Grenoble dernièrement, avec qui vous jouiez la montée…
Niort ce n’est pas compliqué. J’y suis resté trois ans, trois ans pour avoir l’effectif que je voulais. A Grenoble, avec Max Marty qui s’occupait du recrutement, j’avais un groupe de joueurs exceptionnels, que des bons mecs, avec qui on n’a jamais eu d’anicroches, des gars qui pouvaient presque s’auto-gérer. Quand vous avez des Monfray, des Nestor, des Maubleu, Mombris, Ravet, Benet… C’étaient des crèmes. Donc voilà.
Après, comment on se renouvelle, qu’est-ce qu’on fait… Chaque expérience est différente. Regardez à Amiens, l’année passée, saison difficile, vestiaire difficile, on a tout changé, la moitié du vestiaire, on n’a mis que des jeunes, et cette année à la 11e journée on était premiers. Il n’y a pas non plus de mystère, il faut que l’entraîneur puisse avoir les conditions dont il a envie. Moi, je n’aime pas avoir trente joueurs à l’entraînement, je ne suis pas bon. Vous me filez 24 joueurs, je suis meilleur, vous ne vous perdez pas en organisation, en choses qui ne devraient pas exister. L’an passé on avait beaucoup plus de talent que cette année, mais un groupe merdique. Il faut aussi que les planètes soient alignées. Elles l’étaient à Grenoble, sur la dernière année. La réussite, elle s’auto-crée, à vrai dire.

Photo Amiens SC

On se souvient d’une séquence « frissons » dans les vestiaires, en avant-match, lors des play-off d’accession contre le Paris FC (2-0, mai 2018), où l’un de vos adjoints avait apostrophé le groupe avant le combat, enjoignant les « Narvalos » à la chasse : « Allez les Narvalos, en chasse messieurs, bonne chasse ! »…
Oui, c’était Michaël Diaferia (préparateur physique), ça vient d’un stage de préparation, et on avait fait un jeu du loup-garou avec les joueurs, le jeu de rôles. Mika s’est mis cette routine de réunir les joueurs avant le match pour leur dire quelques mots, et on ne sait pas pourquoi, à la suite de cette histoire du loup-garou, c’est parti autour de ça, la meute, les loups, on a faim, on va leur mordre les mollets, et après les « Narvalos », c’est venu sur la fin de la saison, c’est un terme de Grenoble. C’était une super équipe, un groupe exceptionnel. Plus globalement sur ma venue, le GF38 m’avait appelé car ils sortaient de plusieurs années de disette. Je connais la région, Voiron, une très, très belle région. J’étais content que le club fasse appel à moi. On a fini deux fois 9e, et puis la dernière année a été une apothéose… Encore une fois, quand on laisse aux entraîneurs le temps de travailler, il n’y a pas de mystère, on peut faire les choses plus facilement. Aujourd’hui, tous les clubs marchent différemment par rapport à il y a vingt ans.

Quel est votre regard sur l’évolution du football et de la Ligue 2 depuis vos débuts en 1977 ?
L’évolution est énorme. Les clubs, les stades, les joueurs qui y évoluent, c’est extraordinaire, vous regardez les pelouses, certaines sont équivalentes à la Ligue 1, à Amiens on a un billard. On parle de clubs moins « reluisants » comme Pau, Rodez, mais attendez, les attaquants de Pau, on parle de mecs forts. Le spectacle est vraiment au rendez-vous, et il y a tellement de clubs aujourd’hui qui prétendent à monter ou le veulent, les Caen, les Le Havre, les Sochaux, et puis je ne parle même pas de Saint-Etienne, Bordeaux ou Metz. D’ailleurs l’un d’entre eux ne montera pas, mais bon c’est tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à pas voter pour un championnat à 18 clubs ! (rires). Quand on voit les effectifs, non, c’est fantastique. Combien de joueurs de Ligue 2 vont grossir les clubs de Ligue 1. Quand vous vous dites qu’un joueur comme Gaëtan Weissbeck, qui est pour moi le meilleur joueur de Ligue 2, est à Sochaux, ça vous donne une idée de la Ligue 2.

Photo Amiens SC

Pour en revenir à vous, vous êtes donc passé de joueur à dirigeant du centre de formation à Metz. Vraiment le parcours d’une autre époque…
On était quatre ou cinq je pense, à avoir fait toute notre carrière dans un seul club, comme Claude Puel, on n’avait pas d’agents, pas de raison de changer. Chez les entraîneurs c’est la même chose, des Guy Roux, des Jean-Claude Suaudeau, c’est fini. Aujourd’hui vous restez quatre-cinq saisons, c’est un miracle. Obligatoirement il y a des coups de moins bien, vous perdez des matches, vous voyez le truc. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, j’ai été directeur du centre de formation, mais je ne me voyais jamais partir ! Mais quand vous embrassez la carrière d’entraîneur, vous êtes obligés de bouger, si vous voulez trouver du boulot. Mon premier départ de Metz, ça a été un crève-cœur, je ne pensais jamais m’en remettre. Mais aujourd’hui j’ai une maison sur L’île de Ré, j’ai connu Grenoble avec ses montagnes, sa neige et son soleil, je suis allé à Laval, dans l’ouest, alors que je n’avais jamais été plus loin que Troyes, mes enfants sont à Niort et à Poitiers et nés à Metz, c’est une grande richesse je pense.

Avec le recul, maintenant que vous êtes également coach, quel regard portez-vous sur votre carrière de joueur, globalement ?
Incroyable. Je n’étais pas forcément programmé pour être footballeur professionnel, j’ai passé mon bac, j’ai fait une école, des études, j’ai signé pro à 21 ans. La longévité, c’est le fait d’avoir fait chaque année 30-35 matches, d’avoir toujours eu la confiance des coaches, voilà. J’ai fait quelques matches sur le banc jeune, mais après j’étais toujours titulaire, chaque jour de l’année, il fallait être présent, répondre aux exigences du coach, du public, et c’est ça ma grande fierté. J’ai fait presque 500 matches pour le FC Metz, ce qui est quand même énorme. Cette longévité, c’était une autre époque. J’ai commencé à jouer, on était un effectif de quinze joueurs et deux gardiens, j’ai revu une photo d’effectif l’autre jour, avec quatorze joueurs pour la saison (rires) ! A Metz, on était un effectif, allez, de vingt, avec dix-huit Lorrains. C’était une autre mentalité, un autre jeu. Quand j’ai commencé, notre entraîneur, c’était Marcel Husson, l’entraîneur adjoint c’était René Moura, lui était prof de sport au lycée sport études, et donc il n’était pas là tous les jours là, car il avait cours, et notre entraîneur des gardiens, il travaillait à la boucherie du supermarché, non, mais je ne déconne pas ! Quand je vous dis que ça a évolué… Quand on jouait contre le Paris Saint-Germain, on s’échauffait à Metz, vous n’avez pas connu, mais sur le terrain rouge, en schiste, car les terrains étaient fragiles, on n’avait pas le droit avant le match. Quand on jouait contre Marseille avec Jean-Pierre Papin ou Chris Waddle, non mais écoutez-moi, j’allais taper une bise à mes parents qui étaient au bord de la courante, pendant l’échauffement, entre deux passes ! Les gens étaient sur le terrain, pas de sécurité, ils nous parlaient, ils nous regardaient, aujourd’hui ce ne serait pas possible. On est trop cons dans le foot !

Rassurez-moi, vous prenez encore du plaisir dans le football, même sans ce charme-là ?!
La carrière de joueur, c’était vraiment un grand plaisir. Celle d’entraîneur, c’est dur. Il faut une passion de tous les jours, avoir la foi, le feu, l’étincelle, la moelle à transmettre à vos joueurs quand vous avez perdu plusieurs matches. Ce métier est très sympa quand on gagne, mais il est horrible quand vous perdez. Horrible. Horrible. Tout le monde donne son avis, le machin, le bidule, le joueur qui tire la gueule, il faut savoir se détacher tous les matins de la victoire comme de la défaite, mais dès fois, ce métier, ce n’est pas possible. Les gens qui expliquent comment faire jouer l’équipe, alors que pas un seul n’est entraîneur; et alors, ils ne veulent pas passer le diplôme ?! Bosser les samedis, les dimanches, rentrer tard le soir ? Par contre ils veulent bien votre salaire !

Philippe Hinschberger, du tac au tac – le joueur

Photo Amiens SC

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière de joueur ?
Il y en a beaucoup, mais forcément, la coupe de France 1988 avec Metz, qu’on remporte contre Sochaux aux pénaltys, avec le péno de Madar, et où j’étais capitaine.

Votre pire souvenir ?
Il y a un 9-2 encaissé à Saint-Etienne, pour le dernier match de Michel Platini avec les Verts. Mais il y a aussi deux 7-0 contre Monaco, là-bas et à Saint-Symphorien (Metz), bizarrement en tant que joueur, puis comme entraîneur plusieurs années après… Ce n’est quand même pas commun, je ne suis pas sûr que cela soit déjà arrivé à quelqu’un d’autre !

Joueur le plus fort affronté ?
Alors il y en a pas mal, j’ai joué le Marseille de Waddle, Papin… Mais sans aucun doute, Georges Weah, il était impressionnant, très impressionnant.

Le coéquipier le plus fort fréquenté ?
Bernard Zénier, meilleur buteur avec 17 ou 18 buts en 1987, pendant longtemps le plus petit total pour un meilleur buteur. Il était très fort, un sens du jeu et du but énormes.

Le coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y en a plusieurs, pas forcément un en particulier, c’est plus un groupe, la bande de l’épopée de 1988 avec Metz. Michel Ettorre, Frédéric Pons, Jean-Louis Zanon… Toute la clique de 88 ! Carlos Lopez, Vincent Bracigliano…

Un président marquant ?
Carlo Molinari, un deuxième père pour moi, un père sportif.

Un entraîneur marquant ?
Chaque entraîneur. Mais il y a ceux qui donnent une direction, comme Marcel Husson, le coach de la coupe de France 88. Il y a Joël Müller aussi.

Un souvenir de causerie mémorable ?
Les plus remarquables étaient celles d’Henryk Kasperczak. Henri était Polonais ne parlait pas très bien français, donc il donnait des consignes avec son accent, on éclatait de rire, il ne comprenait pas pourquoi. Un jour il a dit « aujourd’hui il faut jouer comme monolithe », on s’est dit « mais putain qu’est-ce qu’il raconte ? », il a sorti « Pourquoi vous rire, pourquoi vous rire ?? ». Quelqu’un a regardé dans un dico, en polonais monolithe veut dire bloc, il voulait dire qu’on devait jouer en bloc. On était explosés de rire, mais ce n’était jamais méchant, il ne maîtrisait juste pas la langue.

Le club où vous avez failli signer ?
Aucun. Nantes s’était renseigné plusieurs fois sur moi je crois, mais non, pas du tout, il n’y a pas de club où j’aurais pu signer.

Un stade marquant dans votre carrière ?
Il y a Saint-Symphorien à Metz, logiquement, mon stade de cœur. J’ai vu son évolution depuis toutes ces années, les tribunes construites ou reconstruites. Et puis même si j’adore Le Parc des Princes, il y a Le Vélodrome. C’est un stade, woaw, il y a une ambiance avec ces 60 000 personnes.

Du tac au tac – L’entraîneur

Votre meilleur souvenir en tant que coach ?
La montée en Ligue 1 avec Metz, à Lens en 2016, alors que j’avais 57 ans. Mais c’est aussi mon pire souvenir ! Car sur ce match je fais un mini-ulcère, avec des ennuis gastriques les jours suivants.

Le meilleur joueur entraîné ?
Sans hésitation Robert Pires quand j’étais au centre de formation de Metz, il arrivait de Reims. Et aussi Romain Hamouma.

Un collègue entraîneur qui vous a impressionné ?
C’est plus une idée, mais j’ai toujours été impressionné par ces coaches qui s’adaptent à mon équipe. Je ne sais pas faire ça personnellement, mais voilà, un entraîneur adverse qui arrive et sait changer son système pour contrer son adversaire, ça m’impressionne. C’est aussi quelque part une fierté, qu’un autre change ses plans pour me contrer.

Un modèle de coach ?
Le Lorient de Christian Gourcuff, en 4-4-2.

Quelle est votre philosophie de jeu ?
Un jeu à une touche au sol, basé sur un jeu de passes, avec une philosophie offensive.

Le match où tout a roulé pour vous (performance, consignes, plan de jeu…) ?
Il y a plusieurs matches où il y a eu l’aboutissement de ce qu’on veut faire. Peut-être Laval-Beauvais il y a plusieurs années. On perd 3-0 au bout de 20 minutes, je fais plusieurs changements avant la mi-temps. En seconde mi-temps, tout se passe bien, on gagne 4-3 avec un dernier but à la 94e minute.

Vous êtes un coach plutôt ?…
Posé, avec de l’expérience maintenant.

Vos passions en-dehors du foot ?!
La guitare, que je pratique depuis que j’ai 15 ans. La musique et la guitare c’est une des passions de ma vie. Je la sors quand je fais des soirées entre potes, je joue et je chante, un répertoire français principalement, du Francis Cabrel, etc… Et puis j’aime la cuisine aussi, les bonnes choses, le pinard, les planchas en été. Alors attention, je cuisine des choses simples, sans prétention.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos : Amiens SC