Le président de l’USL Dunkerque (National) revient sur la descente de Ligue 2 en National et évoque une remontée dans les deux ans, avec la certitude que, cette fois, son club sera mieux armé structurellement.
Jean-Pierre Scouarnec est un personnage. Une figure du championnat National. Un championnat qu’il a « délaissé » deux saisons durant, le temps de goûter un peu, trop peu, à la Ligue 2 (2020-2022) et de mesurer le fossé structurel existant entre les deux divisions.
A quelques heures de la rencontre face à Versailles, au stade Jean-Bouin, à Paris, le président de l’USL Dunkerque (depuis 2013) est revenu sur l’épisode douloureux de la descente en mai dernier, mais aussi sur ce début de saison plutôt conforme aux ambitions de son équipe (l’entretien a été réalisé avant la défaite 2 à 0 hier soir).
Réputé aussi pour son tempérament convivial et entier, « JP » comme ses amis l’appellent, assure avoir pris un peu recul sur les événements. S’être assagi. Faut-il vraiment le croire ? Il grille toujours autant de cigarettes et on l’entend toujours autant en tribune pendant les matchs, quand il ne cesse d’encourager son équipe ! « Oui je trépigne, je suis comme ça, j’ai besoin d’extérioriser ! Pendant le confinement, comme ça résonnait dans le stade, les gens disaient qu’ils m’entendaient râler pendant 90 minutes, mais je ne râlais pas, j’encourageais mon équipe ! J’ai besoin de sortir cette énergie. Après, ça plaît, ça ne plaît pas, ça, c’est autre chose. Je peux être impatient aussi. Tenez, j’ai une anecdote d’ailleurs : on est avec Gilbert (Guérin, le président d’Avranches) dans la vieille tribune de Dunkerque, pour un dernier match de championnat contre Avranches (3-0 en mai 2019) : penalty pour nous, 1 à 0, puis encore un deuxième penalty pour nous juste après et 2 à 0, et là, Gilbert est descendu, il est allé dire à l’arbitre ce qu’il pensait ! Alors ça, c’est le truc qui me fera toujours rêver ! Il s’est fait engueuler par le stadier. Moi je ne suis pas capable de faire ça. J’ai une autre anecdote. Dernier match avec Dunkerque de Fabien (Mercadal, l’ancien coach), avant qu’il ne parte entraîner en Ligue 2 (en 2016). On avait passé toute la première mi-temps du match avec Antoine Emmanuelli, Fabien et moi sur le banc de touche, c’était notre manière de lui souhaiter bon vent ! Bien sûr, on avait demandé au délégué avant ! »
« Les erreurs ? Je les garde pour moi… »
Président, récemment, vous disiez, dans un entretien à un média, vous en vouloir par rapport à la saison passée. Pourquoi ?
Parce que, quelque part, je suis le patron entre guillemets et quand ça dysfonctionne, c’est le patron qui est responsable. Après, on peut mettre ça sur le dos de l’entraîneur, du directeur sportif, des joueurs, du directeur général… En fait, je m’en veux car il y a des choses sur lesquelles je n’ai pas demandé que l’on réagisse plus rapidement, et c’est certainement ce qui a fait que l’on soit descendu. Mais ça permettra de ne plus refaire ces erreurs dans l’avenir.
Quelles erreurs ?
Je préfère garder ça pour moi, c’est très personnel.
Avec le recul, l’accession en Ligue 2, en 2020, n’est-elle pas arrivée deux ans trop tôt ?
Deux ans trop tôt je ne pense pas, mais elle est arrivée trop tôt quoi qu’il arrive, pour plusieurs raisons. On ne s’était pas suffisamment préparer à la professionnalisation : le club était considéré comme « amateur » depuis 24 ans même si on sait très bien que les championnats nationaux et notamment le National n’ont rien d’amateur. Mais on ne s’était pas préparé au monde professionnel, même si on s’était bien structuré. Ensuite, le stade n’était pas fini, même si l’on pouvait jouer dedans, et il y a eu le Covid aussi qui a fait que l’on a joué sans public à un moment donné, et enfin, dernière chose, au niveau du centre d’entraînement et du centre de formation, nous n’étions pas prêts. On sera mieux préparé. On a beaucoup plus de chance d’être prêt en fin de saison, cette année, après, sera-t-on pour autant prétendant ou accédant à la Ligue 2, c’est trop tôt pour le savoir même si on a pris le départ que l’on souhaitait prendre (entretien réalisé avant la défaite hier soir à Versailles 2 à 0).
L’objectif, c’est donc de remonter immédiatement ?
Les mots ont été mal interprétés. J’avais dit « immédiatement » mais pour moi, immédiatement, c’est dans les deux années qui viennent, évidemment.
Revenons sur la saison passée en Ligue 2 : lors de la 28e journée, l’USLD sort enfin de la zone rouge (17e sur 20) avant de s’effondrer littéralement et de terminer avec un nul et neuf défaites. Comment l’expliquer ?
Cette deuxième saison de Ligue 2, je m’en souviens par coeur. On avait des difficultés internes dans le domaine sportif, mais ça, c’était sur l’ensemble de la saison, pas que sur la fin. C’est vrai qu’il y a eu une période de mieux à un moment donné, mais on s’effondre, on ne s’en remet pas. Je vous le redis, beaucoup de choses en interne au niveau sportif n’étaient pas top.
« Le fossé L2-National n’est pas si important mais il va se creuser »
Maintenant que vous avez l’expérience de la Ligue 2, le fossé avec le National, que vous connaissez par coeur, est-il réel ?
La Ligue 2, on n’y a passé que deux ans… Mais je ne pense pas qu’il y ait un gouffre si important que cela entre les deux divisions. Il y a beaucoup de joueurs en National qui sont capables de jouer en L2, on en a la preuve régulièrement. En fait, le fossé, le gouffre, il est surtout au niveau organisationnel et financier. Elle est là la différence. Et ce fossé va s’agrandir avec la réforme des championnats. C’est pour cela qu’il faudra vraiment énormément travailler et être prêt si on veut retourner là haut (en L2) et s’y établir.
Si Dunkerque joue en Ligue 3 en 2024, ça vous embêterait ?
Non. C’est un championnat que je respecte. Je pense que c’est un des championnats français les plus difficiles avec le National 2, où, là, il faut être exclusivement premier pour en sortir. En National, on côtoie trois catégories de clubs : des associations qui n’ont pas eu l’obligation par la DNCG de passer en société, des sociétés qui sont des structures « amateurs », avec des contrats fédéraux, comme nous l’étions avant de monter en 2020, et enfin des clubs sous statut professionnel, pour ceux qui descendent de l’étage supérieur. C’est pour cela que ce championnat sort autant de joueurs de qualités. Gilbert (Guérin, le président d’Avranches) le disait dans l’entretien que vous lui avez consacré, il y a énormément de joueurs qui sont sortis du National pour aller en Ligue 1 et même en équipe de France. Donc quelque part, pour le haut niveau, le National est une source, un fournisseur de très bons joueurs. Et puis, il y a la problématique des clubs amateurs, qui peuvent perdre un joueur et ne rien percevoir.
L’USLD a conservé son statut pro malgré la descente…
Le statut pro, c’est prévu qu’il reste à la discrétion du club, mais un club peut redevenir amateur s’il le souhaite. La première année après la descente, c’est mieux de conserver le statut pro par rapport à ce que la Ligue reverse. Mais un club perd le Centre de formation s’il redevient amateur, donc…
‘L’actionnariat ? Il se dit beaucoup de bêtises… »
Le coach actuel, Romain Revelli, a été très souvent « attaqué » l’an passé, notamment sur les réseaux sociaux. Comment avez-vous géré cela ?
On a fait une réunion avec les supporters en fin d’année civile, où l’on a essayé de montrer que Romain n’était pas celui que l’on décrivait sur les réseaux sociaux. C’est vrai, je les regarde, je lis les commentaires, parfois j’en fais, mais je prends de plus en plus de recul par rapport à tout ça. J’ai remarqué que, en fait, quand tu gagnes, tu as 80 commentaires sur Facebook et quand tu perds, tu en as 110, mais ces 110-là ne sont jamais là quand tu gagnes et sur les 80 qui commentent quand tu gagnes, y’en a 2 ou 3 qui viennent défendre l’équipe quand elle perd. Je pense tout simplement qu’il y a des gens aigris qui profitent des défaites pour « baver » sur l’ensemble des personnes du club. En fait, c’est ça les réseaux sociaux !
Le journal La Voix du Nord a récemment évoqué l’actionnariat du club et la possible vente de leur part de deux des quatre actionnaires de la SAS : vous confirmez ?
Alors effectivement cette information est sortie début août dans La voix du Nord, j’ai lu ça quand j’étais en vacances. Je vais vous répondre exactement la même phrase qu’au journal : il se dit beaucoup de bêtises !
Vous dîtes que vous avez pris un peu de détachement, du recul, on a quand même du mal à l’imaginer…
J’ai pris du détachement par rapport à certaines choses. Au début, tu arrives dans tes nouvelles fonctions de président, tu gères pour faire en sorte que ça fonctionne, etc, et tu ne fais pas à trop attention à l’environnement mais tout ça, très vite, te rattrape, et donc, tu as tendance à réagir. Mais en fait, non, il ne faut pas réagir. Il faut rester soi-même. A la fin de la saison dernière, les Ultras ne voulaient pas quitter le stade tant qu’Edwin (Pindi) et moi n’allions pas les voir. Alors nous sommes allés les voir, on a discuté avec eux, calmement. J’ai aussi appris à prendre du recul sur le résultat match, à ne pas réagir à chaud, à l’analyser après, et à en parler avec les joueurs le lundi, car ça ne sert à rien de le faire tout de suite. Sinon on peut dire des choses qui peuvent dépasser la pensée. En foot, les émotions immédiates ne sont pas forcément les bonnes. Même si, parfois, il faut que cela sorte, comme lors de ce match face à Bourg-en-Bresse/Péronnas (lire plus bas). J’ai plus de recul. De la sagesse ? Non, d’ailleurs je ne sais pas si je deviendrai sage un jour. Si les joueurs ont fait le maximum sur le terrain, si l’équipe a fait ce qu’elle a pu, cela ne sert à rien d’en rajouter.
« On a une équipe homogène qui porte les valeurs de Dunkerque »
Un mot sur la saison actuelle : comment la voyez-vous ?
Le travail qui a été mené, et il inclut le dernier recrutement de Junior Senneville en provenance de Boulogne, est intelligent, homogène, et cela permet d’avoir une stabilité par rapport à des joueurs de qualité qui connaissent le National. Surtout, ces joueurs correspondent à l’USLD dans l’état d’esprit. De plus, les jeunes qui viennent du dessous sont aussi des joueurs de talent qui ne demandent qu’à s’exprimer, comme Rayan Ghrieb par exemple. On a une équipe homogène, qui a surtout toutes les valeurs de Dunkerque, des valeurs que l’on a un avait un peu perdues pendant notre deuxième saison de Ligue 2 : je pense à l’engagement physique, où on ne lâche rien, où on joue pendant 90 minutes. L’exemple du match à Nancy, où on gagne à la fin, ça s’est Dunkerque ! Je ne peux que féliciter Jocelyn Blanchard, le responsable de la cellule recrutement et aussi responsable du secteur sportif, l’entraîneur Romain Revelli et bien sûr, Edwin (Pindi, directeur général) qui compte les sous et qui dit ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire, puisque je ne mets pas mon nez dedans ! Mais je peux quand même dire « les gars, vous faites une connerie ».
Vraiment, vous ne mettez pas le nez dans le recrutement ?
Non. Les noms des recrues, je les apprends par Edwin. La seule chose sur laquelle je pourrais intervenir, c’est pour les gardiens (rires), mais le reste, ce n’est pas mon métier (rires) ! (Jean-Pierre Scouarnec a joué gardien de but).
Encore une question … une question qui fâche : quand est-ce que vous allez vous rabibocher avec Fabien Mercadal ?
Euh on n’est pas… enfin, moi à titre personnel, je n’ai rien contre lui. On a refait une saison ensemble, et j’ai demandé à la fin à ce que l’on se sépare. Cette saison (2020-2021) a été longue, fatigante, douloureuse, pour tout le monde, pour lui aussi. J’ai vu qu’il était le parrain de « 13heuresfoot », j’ai lu son interview ici, et il a raison sur une chose quand il dit qu’il a maintenu le club en Ligue 2, factuellement ça c’est vrai, sur le reste, je ne suis pas sûr qu’il avait raison sur tout. Mais Fabien est quelqu’un que je respecte, c’est un garçon entier, vrai, et ce qui il a fait à Quevilly Rouen a encore prouvé sa qualité d’entraîneur. Ce qui m’embête le plus, c’est de le savoir loin du foot, mais je pense qu’il y a des choses qu’il doit gommer, de la même manière que moi aussi, j’ai des choses à améliorer, mais à part ça, ça m’embête, parce qu’il manque au football. Il a des qualités indéniables pour ce métier là. Mais si le football ne lui manque pas…. J’ai su bien après malheureusement qu’il avait perdu son papa… J’ai vécu ça aussi, ça marque, je ne l’ai pas su, c’est dommage. C’était quelqu’un de très important pour lui, donc je peux comprendre comment il fonctionne aujourd’hui. Fabien, il manque au football !
Jean-Pierre Scouarnec, du tac au tac
Le questionnaire « Président »
Meilleur souvenir de président ?
C’est l’année de la montée en Ligue 2.
Le pire souvenir ?
La légère bagarre sur le terrain entre Marc Fachan, Damien Fachan et l’ancien avant-centre de Lyon-Duchère (Cédric Tuta, Ndlr) pour tirer un penalty… Je n’avais jamais vu ça de ma vie, ça a fait le tour des réseaux sociaux dans le monde entier. C’est incroyable pour une telle connerie.
Meilleur joueur passé sous les couleurs dunkerquoises sous votre présidence ?
Je vais en citer deux : Cyril Mandouki, et celui qui aurait dû être encore plus …. Alex Araujo.
Joueur le plus emblématique ?
Jérémy Huysman.
Le coach qui a marqué le club ?
Fabien Mercadal.
Le match mémorable ?
C’est Dunkerque contre Les Herbiers je crois, en National, on a terminé à 9, et Fabien (Mercadal) me donne sa démission sur le banc de touche !
Le pire match de l’USLD sous votre présidence ?
Y’en n’a pas eus, même si j’ai encore en mémoire en fin de saison dernière, deux matchs qui m’ont irrité, les deux derniers à domicile, j’ai même fini le dernier match dans les vestiaires à la mi-temps, ce qui ne m’était jamais arrivé.
Plus grosse fierté de président ?
Que le club fonctionne, perdure, que ça se passe bien entre l’Agglomération, la Ville, le club, les supporters, qu’il y ait cette osmose entre toutes les composantes, sans esclandre. C’est un ensemble. Le nouveau stade Tribut ? Oui, aussi, mais il fait partie de cet ensemble, il fait partie de l’évolution du club et aussi des relations avec l’agglo. On est en train de faire un Centre de formation aussi. C’est très important.
Le président de club le plus sympa ?
C’est dur de donner des noms, forcément, en National, je retrouve Gilbert (Guérin, président d’Avranches) et Jacques (Piriou, président de Concarneau), mais je vais en vexer si je ne donne que ces noms-là, parce qu’il y en a plein d’autres, et j’espère que mon ami Fulvio (Luzi, président de Chambly) va vite revenir avec nous pour reformer l’équipe ! Après je peux en citer en L1 ou en L2, « Lolo » Nicollin à Montpellier, Max Marty à Grenoble (Directeur général), POM à Rodez (Pierre-Olivier Murat, président du RAF), j’apprécie aussi Patrice Haddad au Red Star, etc. Je n’ai pas de problème relationnel avec les présidents de clubs, je ne me crois pas m’être fâché avec l’un d’entre eux.
Un club de coeur ?
Le club qui m’a donné mes premiers émois sportifs c’est Saint-Etienne, mais le club de mon coeur, celui de ma plus tendre enfance, où j’ai commencé à jouer au foot, c’est le Stade Lesnevien qui maintenant s’appelle le RC Lesnevien, à Lesneven, dans le Finistère.
Un stade mythique ?
L’ancien stade du Havre, le stade Jules-Deschaseaux.
Un modèle de président ?
Noël Le Graët et Jean-Pierre Hureau quand ils étaient respectivement président de Guingamp et président du Havre.
Une négociation difficile ?
Je n’en ai pas eue.
Votre plus grosse prime de match ?
Ce n’est pas mon mode de fonctionnement.
Votre plus grosse colère de président ?
Y’en a eues ! La plus grosse, après un match contre Bourg-Péronnas à Dunkerque, en National, où on est mal, avec Edwin (Pindi), on avait « laminé » le vestiaire à nous deux. On se dit à ce moment-là qu’on va descendre en National 2, et finalement on se sauve à Chambly à l’avant-dernière journée de championnat. Je ne suis pas coléreux. Je suis entier. C’est juste que quand il y a des choses qui me déplaisent, notamment avec les joueurs, je leur dis dans les yeux, et à ma manière. Ils le savent, de toute façon, en début de saison, je les préviens, car je les considère, quelque soit l’âge qu’ils ont, comme mes enfants.
Une tactique de coach que vous n’avez jamais comprise ?
Alors comme j’ai un peu de vécu dans le football, je les ai toutes comprises (rires).
Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : USL Dunkerque
Farid Fouzari s’est présenté devant la caméra – l’entretien a été réalisé en visio ! – avec son CV à la main, histoire de ne rien oublier de son parcours et de ses très nombreuses expériences, de joueur tout d’abord, à Sedan et à Charleville, où il a connu la Division 2 au début des années 90, et d’entraîneur bien entendu.
« De 1998 à 2001, je suis resté trois saisons avec Patrick Remy, on a même joué l’intertoto. Ensuite j’ai travaillé un an et demi à la formation avant d’être rappelé en mars 2003 avec Dominique Bathenay, puis avec Serge Romano de 2004 à 2006. J’ai connu un an de chômage avant de partir au Paris FC en National en 2007-2008 avec Jean-Guy Wallemme, puis avec Jean-Marc Pilorget l’année suivante jusqu’en octobre 2009. Tout le monde a été surpris que je parte à paris mais je me suis très vite adapté ! Le pauvre « paysan », entre guillemets, qui arrive ! J’ai une faculté à m’adapter. Et puis je garde un excellent souvenir des personnes avec qui j’ai travaillé, j’ai vu l’évolution du club, je suis vraiment content pour eux. En novembre 2009, je retourne à Sedan comme adjoint de Landry Chauvin, avec qui j’ai beaucoup appris également, jusqu’en 2011, et avec Laurent Guyot la saison d’après.
De cette période, le défenseur garde un goût amer dans la bouche. « Le football, c’est du talent, mais aussi de la chance, souffle-t-il. Chambly a toujours été correct et réglo avec moi, j’étais écouté et respecté. Mais, et peut-être que je me trompe, quand quelqu’un devait sauter, c’était Maf (NDLR : son surnom). J’ai parfois eu l’impression d’être considéré comme le bon soldat, celui qu’on envoie au casse-pipe, la dernière roue du carrosse. Bien sûr, ce n’est pas l’unique explication de ma blessure, mais j’avais joué en National le vendredi, puis j’avais renforcé la réserve le dimanche. Pendant ce temps, la plupart de mes coéquipiers étaient soit sur le banc, soit au repos. C’était déjà la même chose avant Strasbourg. »
Impossible, comme l’idée de voir son rêve de signer un contrat pro avec son club, même s’il veut alors y croire en son for intérieur. « Quand, la saison précédente, il a fallu se casser le cul (sic) pour aller maintenir le club dans des matchs tels que Marseille-Consolat, je ne m’étais jamais caché. Après tout, le club serait sans doute descendu sans ses soldats. Alors, j’avais l’espoir que pour services rendus… Mais il n’y a pas de sentiments dans le foot. J’ai tout à fait compris : on peut tout me dire, tant que ça ne touche pas à l’être humain. Le président (NDLR : Fulvio Luzi) m’a dit que je n’avais pas été utilisé, donc qu’il ne m’offrirait pas de contrat. J’ai juste répondu que je n’avais pas choisi de ne pas être utilisé, et j’ai essayé de comprendre si j’avais fait quelque chose de mal pour passer de 15 matchs à zéro. Rien de grave, juste un peu de fierté… »
La vie de footballeur est ainsi faite de sinuosités, de sommets, de moments de creux, de rêves et d’espoirs déçus. Tous les prétendants ne réussissent pas à se frayer un chemin dans le terrible monde professionnel, et tous ne contemplent pas les mêmes vertiges dans leur carrière.


Nous sommes à un jet de ballon du somptueux Château de Chantilly et de l’Hippodrome des Condés où se tiennent les Prix de Diane et du Jockey Club. Dans la forêt, entre Chantilly et Senlis, dans l’Oise, Avilly-Saint-Léonard, 884 habitants, est un village cossu, aux maisons en pierre blanche qui, avant-hier (dimanche 4 septembre), sort de sa torpeur de fin d’été brûlant grâce à son club de foot qui dispute le deuxième tour de la Coupe de France par 28 degrés à l’ombre !
Le CS Avilly-Saint-Léonard (Départemental 1) reçoit le CS Chaumont-en-Vexin (Régional 1). Les deux clubs ont leur célébrité. Dernièrement le chanteur Grégoire (Toi + Moi, Rue des Étoiles) est venu en voisin de Senlis disputer un match de bienfaisance sous le maillot d’Avilly contre le Variétés Club de France. « Il m’a promis qu’il allait prendre une licence cette saison » raconte Luc Perigault, le président.
Trois divisions séparent Avilly de Chaumont mais en réalité bien plus que ça. D’un côté (Avilly), les joueurs ont deux semaines d’entraînement dans les jambes et un match de préparation pour les mieux rodés, une séance ou deux seulement pour ceux qui rentrent de vacances.
Thomas Benoit fait partie de la bonne demi-douzaine de joueurs d’Avilly-Saint-Léonard qui ont évolué au dessus, en N3 ou R1, à Chantilly, Creil ou Senlis, et qui sont venus terminer leur carrière entre potes dans ce club de 140 licenciés (55 seniors) et six équipes, et dont le budget annuel est l’équivalent du salaire mensuel d’un bon joueur de Ligue 2 (15 000 euros).
Clément Lenglet est lui même originaire de ce coin du sud ouest de l’Oise, dont l’équipe joue en Ligue des Hauts de France, même si Chaumont-en-Vexin flirte géographiquement avec le département normand de l’Eure et le Val d’Oise francilien.
Dans la famille Kita, au FC Nantes, il y a Waldemar, le père (président) et Franck, le fils (directeur général). Un tel duo de dirigeants existe aussi au Bergerac Périgord FC où, la saison dernière, les Fauvel, père (Christophe, président) et fils (Paul, directeur-général) ont hissé leur club de National 2 en 1/4 de finale de la Coupe de France (élimination aux tirs au but face à Versailles), 4 ans après un premier 8e de finale perdu face à Lille. En championnat, ils sont passés à plusieurs reprises tout près de l’accession en National, comme en 2017, lorsqu’ils ont terminé à 3 points de Cholet, et surtout en mai dernier, quand ils ont loupé la dernière marche avant de mourir à 2 points du Puy-en-Velay. Rencontre avec ces deux amoureux de leur club, de leur ville, de leur territoire et de football !
Dans quelles circonstances vous a-t-on reproché d’avoir pris votre fils comme Directeur général ?
A force d’effectuer des allers-retours entre la Vendée et le reste de la France, il allait finir par s’épuiser et surtout par revenir ! A 34 ans, Romuald Marie, l’un des protagonistes de la finale de la Coupe de France 2018 face au PSG avec Les Herbiers, a opté pour un troisième retour dans cette région que son amie et lui adorent, à La Roche-sur-Yon, après des passages au Poiré-sur-Vie, en National, et bien sûr aux Herbiers, en National et aussi en National 2.
Le National 2, l’équipe du nouvel entraîneur Frédéric Reculeau (ex-Luçon et Avranches en National), présent au 5e échelon français depuis 2013, l’a tutoyé de très près ces trois dernières saisons. En 2019-2020 tout d’abord, mais c’est le quotient qui a départagé La Roche-sur-Yon et Châteaubriant pour la montée. Ensuite, en 2020-2021, la Covid-19 est venue casser son élan alors qu’elle était en tête et invaincue. Enfin, en mai dernier, Saumur l’a devancée d’une courte tête (3 points) pour la première place. Imaginez un peu la frustration et le sentiment d’injustice.
L’image restera à la postérité, dans la grande légende de la Coupe de France : Thiago Silva et Sébastien Flochon réunis dans la corbeille du Stade de France pour soulever ensemble le trophée en cette mémorable soirée du mardi 8 mai 2018.
En ce printemps 2018, le VHF, club de National, a tout renversé sur son passage notamment, dans la dernière ligne droite, l’AJ Auxerre au Stade Abbé Deschamps en huitièmes (3-0), le RC Lens au stade de la Beaujoire à Nantes en quarts (0-0, 4 tirs au but à 2) et le FC Chambly-Oise (2-0), toujours à la Beaujoire, en demies.
Il y en a tellement… Des émotions incroyables, le cœur qui bat fort, un sentiment puissant de fierté, une finale au Stade de France devant 80 000 personnes, avec toute ma famille dans les tribunes, avec toute une région et plus de 30 000 vendéens derrière nous. Je me souviens comme si c’était hier des vestiaires du Stade de France, du protocole avec le Président de la République Emmanuel Macron, de La Marseillaise… On ne joue pas La Marseillaise pour n’importe quel match, n’est-ce pas ? On ne nous enlèvera jamais ça. Les Herbiers, c’est pour toute la vie. Je n’ai pas pu passer pro avec mon club formateur, l’Olympique Lyonnais, mais j’ai vécu quelque chose que beaucoup de footballeurs pros ne vivront jamais : une finale de Coupe de France au Stade de France.
Fin avril 2020, en pleine période de Covid-19, il a lancé un compte – championnatnationalFFF – qui a pris une ampleur folle ! A tel point qu’aujourd’hui, il frôle les 20 000 abonnés. A tel point qu’il est devenu incontournable, reléguant au rang de faire-valoir ceux qui avaient tenté de mettre un pied dans la niche.
C’est à Boulogne-sur-Mer, au stade de la Libération, que Corentin a véritablement découvert le championnat National, en 2012, après la descente de son club de coeur, l’USBCO, tombé de Ligue 2, deux ans après son unique passage en Ligue 1 (2009-10) : « Ma passion est venue grâce à Boulogne. Je suis fan de foot et mon père m’emmenait au stade, il est partenaire, d’ailleurs il y va toujours ! Inutile de te dire que le match de la montée en L1 en 2009 reste l’un des plus beaux moments que j’ai vécus. «
Chez lui, le sport est un besoin, une drogue, un art de vivre, une religion : « J’ai dû arrêter le foot quand je suis parti travailler à Créteil, mais je n’ai pas arrêté le sport ! A l’hôpital, je peux faire de la musculation, je peux courir sur un tapis, pour garder le cardio. Je fais des « five » une fois par semaine, je fais du gainage aussi, du renforcement musculaire. En fait, quand je rentre chez moi le soir, si je n’ai pas fait mon sport, je ne suis pas bien ! »