Revenu dans son club de coeur en 2022, l’actuel coach des U17 Nationaux, ancien chouchou de Bonal, rembobine le film de sa carrière pro et évoque sa mission à la formation.

Par Augustin Thiéfaine / Photos : fcsochaux.fr

Adulé par le public du stade Bonal entre 1996 et 2009, Michaël Isabey a depuis bien des années raccroché les crampons. Joueur emblématique des Lionceaux, il a remporté la Coupe de la Ligue 2004, participé au sacre de la Coupe de France 2007 et vécu de mémorables soirées européennes à Bonal (voir le Tac au tac).

S’il a depuis 2012 et sa fin de carrière à Dijon pris quelques cheveux blancs, il est revenu dans son club de coeur, son « club de toujours », pendant l’été 2022. Un moment où il a presque découvert « Le Château », l’historique centre de formation Roland Peugeot du club doubiste.

Rencontre avec un joueur à la trajectoire atypique, passé de l’anonymat du National aux sommets de la Ligue 1. Un milieu de terrain dont le nom résonne encore 15 ans plus tard dans les esprits des supporters sochaliens comme l’une des plus belles références du football franc-comtois. Un joueur en qui ils pouvaient s’identifier, qu’ils appréciaient pour sa simplicité et son engagement sur la pelouse. Loin de la démesure et des facéties actuelles du football, il faisait déjà office d’extra-terrestre il y a 20 ans tant sa façon de penser différait de la norme. A ce jour, il est le joueur le plus capé des Lionceaux avec 454 apparitions sous le maillot jaune et bleu !

Si trois clubs ont jalonné sa carrière de joueur – Racing Besançon (BRC), FC Sochaux-Montbéliard et Dijon (DFCO) -, ce sont avec ces trois mêmes institutions qu’il s’est engagé jusqu’à aujourd’hui dans sa reconversion d’entraîneur et de formateur. Fier et fidèle a ses principes, il a un mantra : « Rendre aux clubs ce qu’ils m’ont donné ».

C’est au Château, à Seloncourt, que nous l’avons retrouvé. Un lieu historique et réputé dans le football hexagonal, qui a vu le jour en 1974 et qui a accueilli des générations de jeunes Lionceaux. C’est en fait le coeur de l’institution sochalienne. Paré de son plus beau survêtement, l’actuel entraîneur des U17 Nationaux (49 ans), titulaire du BEFF (Brevet d’entraîneur formateur de football), a accepté de se prêter en exclusivité aux jeux de l’interview et du « Tac au tac », quelles que soient les questions, pendant plus d’une heure et demie. L’ancien capitaine a déterré quelques beaux souvenirs avec le sourire (et de moins beaux aussi), décrypté le présent et son rôle de formateur mais aussi livré son point de vue sur les différentes péripéties qui ont secoué le club aux 96 printemps pendant sa dernière décennie ; de la vente par son fondateur et propriétaire originel, Peugeot, jusqu’au retour de celui qui a revêtu des airs de messie lors de l’été 2023, Jean-Claude Plessis. Rencontre avec une personnalité animée par l’amour du ballon rond et ses valeurs collectives. Un sens de l’esprit d’équipe qu’il tente d’inculquer au quotidien à ses garçons pour les élever jusqu’au monde professionnel.

Interview

« On est toujours redevable de quelque chose »

C’est dans la capitale comtoise que tout avait débuté pour Michaël Isabey, en 1996. Le jeune milieu de terrain avait alors 21 ans et portait anonymement encore le maillot du Racing Besançon (Besançon Racing Club ou BRC à cette époque), tout en suivant des études « pour préparer l’avenir », en STAPS, à l’université de Franche-Comté.
Formation de Ligue 2 au début des années 2000 (2003-2004), le BRC a surtout connu plusieurs périodes en National, une division dans laquelle le club a stagné avant de déposer le bilan en 2012. Un tremplin pour Michaël Isabey qui jouait avant cela chez les jeunes de Pontarlier. Loin du parcours traditionnel en centre de formation, le milieu de terrain s’étoffe dans l’ombre en troisième division. « On a toujours le rêve de devenir footballeur et d’en faire son métier mais plus les années passent, plus on se rend compte qu’on ne rentre pas dans les cases. Quand on passe entre les mailles du filet, on essaie de se rattacher à autre chose. Pour moi, c’était de jouer le plus haut possible dans mon club. En National, c’était déjà un super niveau. »

Sochaux, le tournant de sa carrière

Vif et clairvoyant, le jeune Isabey compense son petit gabarit par son intelligence et sa vision du jeu. Des qualités qui lui permettront d’avoir un petit coup de pouce du destin lorsque le FC Sochaux-Montbéliard, pensionnaire de seconde division, et club le plus important de Franche-Comté, viendra le chercher en 1997. Le véritable tournant de sa carrière professionnelle (à lire dans le Tac au tac).
Alors que Besançon dépose le bilan en 2012 et doit repartir en Régional 2, Michaël Isabey n’hésite pas et s’engage dans la reconstruction du club quelques semaines après avoir clôturé sa carrière de joueur professionnel. « J’ai toujours un peu fonctionné en étant attaché aux personnes et aux valeurs des clubs où je suis passé. Je me dis qu’on est toujours redevable de quelque chose. Quand je reviens dans le club de ma jeunesse, le club qui m’a fait rebondir et permis d’avoir une carrière professionnelle, bien-sûr que c’était important de donner un coup de main et de faire le maximum pour que le club retrouve les couleurs qui étaient les siennes. »

Il rejoue 10 matchs en DHR avec Besançon !

Un « coup de main » dans la restructuration du club afin de le refaire tourner normalement. « Avec François Bruard, on remet tout en place, de l’école de foot jusqu’à l’équipe première. C’est lui qui était encore coach à ce moment-là. Moi, j’étais plus dans un rôle de coordinateur du projet sportif. »
Pour dépanner, Michaël Isabey continue de chausser les crampons. « J’avais une licence amateur et comme le club est reparti avec peu d’effectif, j’ai joué 10 matchs. En fin de saison on est monté en Division d’Honneur (Régional 1) et la seconde année François Bruard a fait remonter l’équipe en CFA 2 (N3). A ce niveau j’ai repris les rênes de l’équipe première tout en ayant la responsabilité du projet sportif. »

Sous sa coupe, le club parvient à se stabiliser à ce niveau. « Lors de la seconde année, le club attendait mieux en terme de résultats, je reconnais que nous n’avions pas les résultats escomptés par les dirigeants et mes fonctions ont été diminuées. J’ai décidé d’arrêter au Racing. Avoir repris un dépôt de bilan c’était long et dur. » Michaël Isabey quitte donc le Doubs au terme de la saisons 2016-2017 et rejoindra la Côte-d’Or au mois d’août pour retrouver un autre club qu’il connaît bien : le DFCO.

Observateur et recruteur à Dijon

« Après Besançon, j’ai eu la chance que le DFCO me téléphone pour intégrer leur cellule de recrutement du centre de formation. C’est quelque chose que je ne connaissais pas. Je partais un peu à la découverte. Ma fonction consistait en l’observation des jeunes talents avant qu’ils ne rentrent peut-être au centre de formation. J’ai eu cette casquette pendant deux ans et je circulais beaucoup dans le secteur Franche-Comté – Alsace. J’allais un peu sur Paris aussi. »

Acteur majeur de la montée en Ligue 1 des Dijonnais au terme de la saison 2009-2010, il est rapidement écarté la saison suivante, celle qui fut donc sa dernière dans le monde pro. Pour autant, le Pontissalien d’origine n’hésite pas à retourner dans la capitale bourguignonne dans son nouveau rôle. « J’observais les matchs, les joueurs, je recrutais. C’était intéressant parce que lorsqu’on est entraîneur, on ne rentre pas dans l’environnement du joueur. On connaît un peu la famille mais on ne creuse jamais vraiment très loin. Quand on est observateur, on voit tout. On voit l’environnement du jeune, son club d’origine, l’endroit où il vit. Tout est plus concret. »

Des jeunes comme Yanis Chahid (ex-Jura Dolois, et attaquant du DFCO aujourd’hui), Saïd Saber (ex-Racing Besançon) ou encore Rayane Messi (parti à Strasbourg) ont été supervisés et recrutés à 13-14 ans par Michaël avant de voir leur formation parachevée en Côte-d’Or pour finalement fréquenter le haut-niveau hexagonal entre Ligue 2 et National par exemple. De jeunes joueurs, qui, avant cela, auront pu retrouver leur ancien recruteur quelques mois plus tard quand celui-ci fut promu à la tête des U19 Nationaux. « Je suis plus un homme de terrain. Cette proposition de reprendre les U19, c’était une super opportunité pour moi. J’avais besoin de retrouver le terrain et c’est une catégorie super à entraîner. J’ai eu la chance de recruter des joueurs de 16-17 ans et de pouvoir les entraîner ensuite en U18-U19. C’était de bonnes saisons sauf la dernière qui était la plus compliquée et où on est rétrogradé en R1. Les deux premières étaient positives, surtout celle du Covid. On était en demi-finale de la Coupe Gambardella, on devait jouer Monaco. Dans ces catégories-là, évidemment qu’il y a l’aspect compétitif où on veut bien figurer en championnat. Bien-sûr la compétition est importante si on veut performer collectivement, l’individu sera lui aussi valorisé dans ses performances. Mais on doit avant tout leur faire franchir des paliers, les faire progresser. Dans les générations que j’ai eues, il y en a quelques-uns qui y sont parvenus et quand on est formateur c’est notre objectif de les accompagner jusqu’à cela. »

« Revenir à Sochaux, une grande émotion »

Avec Jean-Sébastien Mérieux, ex-directeur du Centre.

« Je suis en fin de contrat à Dijon et Jean-Sébastien Mérieux (alors directeur du centre de formation sochalien) me contacte parce-qu’il recherchait un éducateur pour la pré-formation (U15). Je reviens à Sochaux durant l’été 2022 et pendant un an je me suis occupé de cette catégorie et là, c’est ma deuxième saison avec les U17 Nationaux. On ne peut pas avoir la même pédagogie en U15 qu’en U17 et U19. Il y a un discours un peu différent, une manière d’expliquer et de présenter les séances différentes mais il y a un lien. Le lien, c’est la progression du joueur. L’objectif reste le même : on veut emmener le jeune vers la catégorie au-dessus dans les meilleures dispositions physiques, techniques et mentales. »
Au centre de formation sochalien, l’un des plus réputés de France – deux joueurs de l’équipe de France actuelle y ont été formés par exemple, Ibrahima Konaté (Liverpool) et Marcus Thuram (Inter) et bien d’autres avant -, les prodiges se remarquent vite. « On les remarque rapidement. Des joueurs qui ont un plus sur le plan physique ou technique ou dans la compréhension du jeu… Ils ont quelque chose qui se dégage par rapport aux autres. A Sochaux, les caractéristiques des joueurs sont un peu plus différentes. Si je compare Dijon à Sochaux par exemple, ici il y a plus de joueurs de vitesse. Le jeu sochalien est plus basé sur les transitions, sur le jeu rapide alors que Dijon c’est plus un jeu de possession, de réflexion, cela demande des profils différents. Ce sont des écoles différentes. »

« Revenir à Sochaux c’était une grande émotion. J’ai quand même passé 12 ans ici, on a vécu des bons moments, mes enfants sont nés à Montbéliard. Il y a un certain attachement qui est naturel. Avoir un rôle au centre de formation me donne l’impression, comme je le disais pour Besançon, de revenir et rendre la monnaie de sa pièce au club. De dire  »ce que vous m’avez apporté, je vais essayer de l’apporter aux jeunes qui rentrent au centre et c’est ce que je me dis pour tous les clubs dans lesquels je suis passé. La particularité de Sochaux, c’est que j’ai fait ma carrière pro ici et c’est pour ça que les liens sont plus nombreux, plus forts, plus intenses. En tant que formateur, être ici c’est du bonheur. Le cadre est magnifique, il est un peu unique. Quand vous rentrez au Château, il y a quelque chose qui se passe, il y a une atmosphère, un historique qui se dégagent. Il y a tant de grands joueurs qui ont eu de belles carrières après être passés ici. C’est du prestige. Il y a encore beaucoup à faire dans ce club. »

« Quand l’entité Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi »

S’il n’était plus lié au club pendant les années 2010, Michaël Isabey n’a pour autant pas arrêté de suivre l’actualité et les résultats sochaliens. En 2014, quand Peugeot met le club en vente, il est, comme tous les suiveurs, assez circonspect de ce tournant. « Les années Peugeot associés aux clubs ont toujours été de bonnes années. Quand ce grand groupe disparaît du panorama du club, ça fragilise l’institution et ça amène de nouvelles têtes, une nouvelle trajectoire. Pendant ces années-là c’était fou vu de l’extérieur. Parfois on ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait, c’était flou. »

Dans l’extra-sportif, l’ère post-Peugeot tourne souvent au malaise général et aux inquiétudes avec des dirigeants débarqué de Hong-Kong (Wing Sang Li, surnommé « Monsieur Li, président entre 2015 et 2019), » aux manières et attitudes douteuses.
Pendant ce temps, « le club joue en Ligue 2 et on se dit qu’il peut retrouver le haut niveau. Peut-être que l’entité Peugeot, puisqu’elle n’est plus présente, n’a pas permis le retour du club en Ligue 1. Mais quand Peugeot a disparu, l’âme de Sochaux a disparu aussi. »
Et si c’était ça la pièce manquante ? Ce petit rouage qui manquait tant au FCSM, souvent candidat à la montée en début de saison mais victime de trous d’air, de pannes hivernale ou de coups de bambou en fin de calendrier. Un calvaire psychologique pour les supporters saison après saison.

« Au centre, on n’a rien senti venir »

Mais le calme et la pseudo-tranquillité sochalienne, qui n’avaient plus rien de tel depuis presque 10 ans et les multiples rebondissements sportifs et extra-sportifs, sont à nouveau largement tourmentés. Au mois de juin 2023, il manque 22 millions d’euros. La gestion de Samuel Laurent (alors directeur sportif) et sa politique de salaires très élevés sont en cause. Les actionnaires chinois (Nenking) et le président, Frankie Yau, ne peuvent combler le déficit. Le groupe rencontre lui aussi des difficultés de trésorerie. Le 28 juin 2023, la DNCG rétrograde le club doubiste en National. Un moindre mal. Malgré tout, la sanction passe mal. Si les finances ne sont pas rapidement assainies, cela peut finir en dépôt de bilan. C’est le début de l’intersaison la plus éprouvante que le club aux 96 printemps aujourd’hui ait connu. En disant adieu à la Ligue 2 après y avoir figuré en haut de tableau depuis plusieurs saisons, les supporters passent des espoirs d’un retour au Ligue 1 à un quasi-deuil. Le club vend à tour de bras et dans l’urgence, presque tous ses joueurs professionnels sans arriver à combler le trou dans son budget. Le centre de formation ferme ses portes. Le premier club professionnel de France est au centre du réacteur médiatique et la vie s’est presque arrêtée à Montbéliard. L’avenir des Lionceaux semble alors plus que flou.

« Ça a été un traumatisme. Il y avait de l’incompréhension. Comment a t-on pu en arriver là ? Du jour au lendemain, comment un club comme celui-là pourrait presque disparaître ? En interne, la fracture a été difficile. Le matin on devait s’entraîner, à 16h on nous a dit « vous partez ». Bien-sûr qu’il y a eu des erreurs et que les clignotants devaient être rouges. Bien-sûr qu’on en veut aussi aux personnes qui gèrent le club et qui ont peut-être vu la tempête arriver sans faire le nécessaire. Je me dis aussi que quand on est dans cette machine à laver, on peut se dire qu’avec des résultats, ça peut repartir. Nous n’avons pas la connaissance des dirigeants ni tous les éléments. C’est compliqué d’avoir une vraie opinion. On n’était tellement pas préparés à ça que l’incompréhension dominait plus qu’autre chose. Nous, on avait la promesse d’un nouveau centre de formation, donc il n’y avait, à nos yeux, pas de feu rouge. On pouvait se projeter vers l’avenir. C’était structuré et on voyait que des moyens étaient mis pour l’équipe première. On n’a rien senti venir. »

« Sochaux vivra ! »

Pendant ce temps, les supporters se mobilisent. Le 8 juillet, ils sont 400 à défiler dans les rues de Montbéliard. Le 14, ils sont 3 000 à se rassembler au stade Bonal avec un slogan : « Sochaux vivra ! ». Le 22 juillet 2023, les Sociochaux rentrent dans la danse avec un projet d’actionnariat populaire et réunira au total 11 000 socios et plus de 750 000 euros qui rentrent dans le capital du club. « Pendant ce temps, on se dit qu’il faut être patient, que pour un club comme celui-là, il peut peut-être y avoir des solutions. Dans cette patience, plus les jours avancent, plus l’inquiétude grandit. On passe par toutes les étapes, l’espoir, le désespoir. C’est un ascenseur émotionnel. Quand Romain Peugeot (arrière petit-fils de Jean-Pierre Peugeot, le fondateur du club) annonce un plan d’investissement, il y a un espoir. Quand deux jours après celui-ci est refusé, on se dit que c’est fini, que c’est mort. »

Le 17 août le calvaire prend fin. « A partir du moment où Jean-Claude Plessis – président du club lors des titres de 2004 en coupe de la Ligue et de 2007 en coupe de France -, les nouveaux investisseurs et les collectivités décident de faire revivre le club en travaillant pour un projet viable en National en incluant le centre et en préservant nos emplois, on y croit. Voir arriver une personne qui connaît le club, qui en est amoureux, qui emmène des gens avec lui, qui convainc des investisseurs locaux, ça lance un engouement général. Quelque part on n’a pas changé grand-chose dans le fonctionnement malgré ce coup d’arrêt. Il y avait une alchimie générale. Collectivités, investisseurs, Sociochaux, supporters, les salariés du club… ça a permis de propulser l’ensemble. Avec des bases plus saines, un ancrage régional, on peut construire sur le long terme. Sochaux est un club légendaire et a besoin de ça. Il ne peut pas construire avec un projet éphémère. »

Le centre de formation, clé de voûte de l’institution

« Aujourd’hui, on sent bien que le club est encore fragile, qu’il se structure et qu’il a des ambitions et c’est important. Les moyens sont aussi mis pour pérenniser le centre et que celui-ci reste une valeur importante pour l’équipe première et peut-être pour vendre des joueurs formés au club. On sent vraiment qu’il y a des fondations qui sont posées, qui sont rétablies et qui sont assez saines dans le développement d’un club. Il faut préserver le centre avant tout. Si on regarde dans l’effectif actuel il y a des joueurs, qui, comme Martin Lecolier ou Salomon Loubao sont sortis du centre et ont été propulsé en équipe première. Martin est un exemple. Au départ il était là et il bossait. En travaillant il a été récompensé. On voit qu’on forme encore des joueurs capables d’apporter à l’équipe première. On en a encore et on en aura toujours, génération après génération. »

Bernard Genghini, Joël Bats, Yannick Stopyra, Stéphane Paille, Franck Sauzée, Camel Meriem, Benoît Pedretti, Jérémy Menez, Jérémy Mathieu, Marvin Martin et plus récemment les internationaux français Konaté et Thuram sont sortis au fil des décennies du fameux centre pour alimenter les plus grands clubs européens et garnir les rang de l’équipe de France et d’autres sélections internationales (Rassoul N’Diaye, Joseph Lopy, Omar Daf ou encore El-Hadji Diouf, notamment, pour le Sénégal, Danijel Ljuboja pour la Serbie, Ryad Boudebouz et Liassine Cadamuro pour l’Algérie, Mevlut Erding pour la Turquie, Cédric Bakambu pour la RD Congo ou encore Jérôme Onguéné et Jeando Fuchs pour le Cameroun).
Sans compter les Frau, Monsoreau, Butin, Quercia, Prévôt ou Virginius qui ont marqué le club et intégré les Bleuets chez les Espoirs. Bref, la renommée de la formation sochalienne n’est ni à faire, ni à prouver et cette valeur c’est ce que les formateurs souhaitent avant tout préserver.

« La complexité de notre position est que l’équipe première est en National et qu’on forme des bons joueurs… ils ne restent pas forcément (dernièrement Doumbouya à Nice, Vaz et Issanga à Marseille). On serait en Ligue 2 ou en Ligue 1 il y aurait cette passerelle qui permettrait de les conserver, mais actuellement il y a un décalage. On garde quand même des bons joueurs formés au club, mais il y a un côté frustrant à les former et les accompagner avant de les voir partir. On a l’impression de jouer notre rôle de formateur, d’avoir un apport et de travailler pour le joueur et le club sans qu’eux ne le rendent au club. C’est différent. Ce ne sont plus les mêmes mentalités, environnements et demandes extérieures. Avant, il y avait moins d’argent, moins de demandes des clubs étrangers et les joueurs avaient tendance à signer dans leurs clubs formateurs. Aujourd’hui c’est moins le cas. Je me souviens que quand je jouais, quand un jeune arrivait dans un vestiaire pro, il y avait un certain respect. Il y avait une hiérarchie. Aujourd’hui elle est de moins en moins présente. Le jeune qui a de la valeur, il se sent fort. Alors, il se sent au même niveau que des pros qui sont là depuis plusieurs années. C’est ce qui fait aussi que parfois ils ne restent pas. »

« Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité »

Lutter contre les grosses cylindrées qui viennent toquer à la porte est compliqué. « Il y a des Martin, des Solomon, qui font un autre choix de carrière, qui adhèrent au projet porté par le club. Parfois c’est plus compliqué. Le joueur peut être d’accord mais son environnement non. Parfois c’est l’inverse. Nous on espère que certains de nos bons potentiels accepteront nos propositions de jouer en équipe première et faire remonter l’équipe mais on n’est jamais sur de rien. On serait en L2, il y aurait sans doute plus de joueurs qui resteraient. Il y a des réflexions c’est normal. » 

A contrario, il y a des joueurs formés au club qui ont l’amour du maillot. Boris Moltenis et Mathieu Peybernes sont de cette catégorie-là. Les deux défenseurs font partie de l’équipe première. Moltenis, qui a joué ses premiers matchs professionnels à Bonal en Ligue 2 fait même partie des Sociochaux, est revenu lors du mercato hivernal 2023/2024 de Pologne alors que Peybernes (qui jouait au club, en Ligue 1, au début des années 2010), lui est revenu pendant l’été. « C’est important. Il faut saluer ces joueurs qui montrent une mentalité comme celle-ci. Ils sont formés ici mais ils font surtout tout ce qu’ils peuvent pour le club. Ils ont l’amour de ce maillot. De tout temps, il y a toujours eu des garçons attachés au club, parfois même sans qu’ils ne soient formés ici. Lors du départ de Jean-Claude Plessis, il y avait Stéphane Dalmat qui n’a joué que deux ou trois ans ici. Pour autant, il s’est attaché au club. Ça veut dire que même des grands joueurs s’attachent. Cela montre qu’il y a vraiment quelque chose d’engagé et de profond qui se crée quand on arrive à Sochaux. Dans notre génération, il y avait une certaine fidélité. Des Omar Daf, Teddy Richert sont restés des années et ont tout connu ici. C’est une valeur ajoutée pour le centre. Un Moltenis ou un Peybernes, ce sont des moteurs, des exemples des valeurs de ce club. Ce sont eux qui peuvent transmettre ces vertus, c’est aussi leur rôle, comme nous l’avons fait auparavant. »

Il y a aussi l’exemple de Dimitri Liénard. Natif de la région, formé au club, il n’avait, avant l’hiver 2023, jamais porté le maillot jaune et bleu en professionnel et a fait une carrière plus que réussie à Strasbourg en Ligue 1. A 36 ans, il a enfin revêtu le maillot des Lionceaux, en National. « Je crois que cela a toujours été dans un coin de sa tête de porter ce maillot. Il est du coin. De le faire en fin de carrière c’est magnifique et lui aussi a envie de tout donner. Kevin Hoggas dans une autre mesure aussi. Tous les joueurs qui ont un certain amour et engagement envers le club sont des valeurs ajoutées. »

Michaël Isabey du tac au tac

« Les émotions sont le sel du sport »

Meilleur souvenir sportif ?
Je dirais la Coupe de la Ligue 2004. 2004 c’était une super année. En 2003 on était allé en finale et on avait perdu contre Monaco (4-1) et d’avoir réussi à aller au bout un an après, ça reste un super souvenir (Sochaux bat Nantes : 1-1, 5 tab à 4). On avait une force collective.

Pire souvenir ?
C’est de ne pas avoir joué la finale de la Coupe de France en 2007. De ne pas avoir été sur la feuille de match à cause d’un différent avec l’entraîneur de l’époque, Alain Perrin. J’ai fait tous les tours d’avant et je n’ai pas joué la finale. Ça laisse un sentiment d’inachevé, c’était un moment très difficile. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment j’ai fait pour dépasser cette déception. Sur l’instant, ça avait déjà pris quelques minutes pour revenir dans la tribune et après encore plus. Au départ il y a la déception de ne pas pouvoir partager la joie des partenaires. Mais d’avoir le soutien des supporters au retour, ça remet un petit peu de baume au coeur même si ça ne soigne pas la blessure. Dans un second temps c’est aussi une fierté. On a encore gagné un titre pour le club et j’ai pu y participer à tous les tours précédents. Je me disais que Laurent Blanc avait été champion du monde sans jouer la finale, alors Isabey, il peut gagner la finale de la coupe de France sans l’avoir jouée !

Le coéquipier qui vous a le plus marqué ?
Il y en a quelques-uns. C’est surtout Mickaël Pagis, Jérôme Leroy et Stéphane Dalmat. Ils étaient talentueux, pour eux on avait l’impression que le foot était facile. Jouer à côté d’eux, ça aide beaucoup à rendre le foot facile.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
On a toujours eu de très bons entraîneurs au club. La chance qu’on a eue dans cette génération 2000-2007, c’est d’avoir eu en continuité Jean Fernandez et Guy Lacombe. C’est une chance parce que Jean Fernandez c’était la rigueur et le travail, beaucoup de travail. Guy Lacombe, c’était l’aspect technico-tactique et cela permettait de produire du jeu et d’être fort sur le terrain. En fait c’était la rigueur et le travail puis comment bien jouer.

Un modèle de joueur ?
Alain Giresse. Il avait la même taille que moi (rires). A l’époque j’adorais Bordeaux et lui, il était marquant, il était en équipe de France, je l’aimais bien. Je me disais que j’aimerais bien être à sa place. Bon, pour moi, il n’y a pas eu l’équipe de France (rires).

Un joueur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y en a plein que j’aimerais revoir, Jimmy Algerino, Lionel Potillon, Olivier Thomas, Stéphane Pichot. Tout ceux avec qui j’ai eu une complicité, j’aimerais les revoir et on ne se voit pas assez.

Un entraîneur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
J’ai revu dernièrement Jean Fernandez au départ de Monsieur Plessis donc c’était un plaisir. Guy Lacombe, je l’ai revu dernièrement aussi. J’aimerais bien revoir Faruk Hadzibegic. C’est lui qui m’a lancé dans le monde professionnel et c’était quelqu’un qui était très proche de ses joueurs.

Le match qui vous a le plus stressé ?
J’avais toujours un peu de stress avant les matchs mais une fois que j’étais sur le terrain j’avais la tête dans le jeu, dans le projet tactique. Il n’y a donc pas forcément un match spécial.

Un public qui vous a impressionné ?
Le public sochalien ! Encore aujourd’hui il m’impressionne. On a le plus beau public. J’aime leur proximité. J’aime leur patience. Ils ne veulent pas forcément du beau jeu mais ils veulent un peu d’euphorie, des sensations. Ils veulent vivre pleinement la rencontre avec une équipe qui se lâche. Tant qu’il y a ces ingrédients, le public sera derrière l’équipe. Quand il n’y a pas d’euphorie et de sensations… c’est autre chose. J’ai dit Sochaux parce que c’est un super public. J’ai l’impression qu’il y a plus d’ambiance aujourd’hui qu’à mon époque. Peut-être que je pense cela parce qu’aujourd’hui je suis dans la tribune et qu’en étant sur le terrain c’est différent mais ça fout toujours autant les poils ! En France il y a aussi Bollaert. Quand les Lensois chantent Les Corons, on avait toujours les poils qui se hérissaient.

Votre but qui vous a le plus marqué ?
Mon but à Martigues, en Ligue 1, la première année (1997-1998). Je découvrais le monde professionnel. En l’espace d’un an, je passe de National en Ligue 1. On gagne 2-1 en plus. C’est un but sur un centre en retrait, je mets une frappe qui n’est pas très belle mais qui est bien placée, au sol.

Un geste technique préféré ?
Le crochet, crochet-court intérieur ou extérieur. Ça fait toujours la différence sur un terrain. Il fallait que je sois vif sur les premiers mètres et le crochet c’est le dribble qui peut amener quelque chose pour moi. Quand on s’écarte de l’adversaire, on peut frapper, faire une passe ou centrer et c’est un geste qui met de l’action.

Un coéquipier avec qui vous pouviez jouer les yeux fermés ?
Je dirais Mickaël Pagis et Benoît Pedretti. On avait tellement nos cheminements de jeux que quand j’avais le ballon je savais qu’il était sur ma gauche, en diagonale, je n’avais pas besoin de regarder. « Mika », je savais qu’il était dans l’axe et que je pouvais jouer avec de la verticalité. On quadrille le terrain, si chacun est à son poste, on a à peine à tourner la tête pour avoir la prise d’informations.

Le joueur le plus écouté dans le vestiaire ?
Teddy Richert. A Dijon Grégory Malicki. C’est souvent les gardiens, parce qu’ils ont une grosse voix (rires). Ce sont surtout des leaders naturels. Ils sont des exemples parce qu’ils sont travailleurs, ils sont dans la performance. Ils sont écoutés. A ces époques-là, on n’avait pas besoin de se parler, il y avait une prise de conscience collective. On savait.

Un joueur qui mettait toujours l’ambiance dans le vestiaire ?
Au début il y avait (El-Hadji) Diouf (1998-1999) ! Il y avait Sébastien Dallet aussi. Dans les années Fernandez-Lacombe, il y avait William Quevedo. Il en faut bien un dans chaque groupe !

Votre premier entraînement chez les professionnels ?
J’arrivais de Besançon, je me suis garé à Bonal, je ne savais pas trop où aller… J’étais arrivé trois heures avant et je me suis mis dans la tribune des Forges tout seul pendant une heure. Je regardais la pelouse, une galette et je me suis dis « ‘t’es là quoi. Tu vas vivre ton rêve. » Je savais que j’avais une chance inouïe. A l’entrainement j’étais déjà impressionné par la qualité de la pelouse et je regardais les joueurs… Je n’osais pas bouger. J’étais assis dans le vestiaire et j’étais hyper intimidé, comme un gosse.

Les soirées européennes ?
C’était le graal. Et encore nous on jouait la Coupe UEFA mais j’imagine même pas la Ligue des Champions, c’est une autre dimension. Mais dans une vie de footballeur quand on peut toucher aux différents échelons… j’ai touché à la Ligue 1 et à l’UEFA, d’autres la C1 et l’équipe de France c’est encore des steps bien plus haut. Avoir vécu ça à Sochaux, c’est historique. C’est des atmosphères différentes. On rentre dans un rythme différent, des sensations différentes.

Dortmund ou l’Inter ?
Tout le monde dirait Dortmund mais moi je dirais l’Inter. Tout le monde dirait Dortmund parce-qu’on a gagné et qu’on est passé mais je veux parler de l’Inter parce que je pense qu’on méritait de gagner. Et puis, se retrouver face aux grands joueurs, Vieri, Recoba… c’est impressionnant. C’est comme toutes les découvertes. Le premier entraînement, le vestiaire pro, Bonal… là c’est un match de coupe d’Europe, vous avez Vieri en face de vous il chausse du 48 et fait 3m10. On rivalise comme on peut.

Votre rêve de carrière aujourd’hui ?
C’est de vivre des émotions à travers un championnat. De jouer les premiers rôles, de vivre des phases finales si on est avec des jeunes. De jouer un titre ou une finale de Coupe en Gambardella. Aujourd’hui je parle des jeunes parce-que c’est le présent. Je ne me projette pas dans le lointain. Les émotions sont le sel du sport.

Le plus grand accomplissement dans votre carrière ?
C’est la longévité. Quand j’ai commencé à 22 ans, que j’ai signé pro, je me suis dit que j’aimerais jouer quelques années. Finalement j’ai joué pendant 15 ans.

En deux mots, que représente le football pour vous ?
Un lieu de rencontre, d’égalité, de solidarité, de partage, de tolérance et de respect. Ça fait plus que deux mots mais c’est ma définition du foot.

Une devise ?
Comtois, rends-toi ! Nenni, ma foi !

Un match de légende ?
France-Brésil 1986 au Mexique. Je trouvais ce match fabuleux. A chaque but je courais dehors et je faisais l’avion. Je ne sais pas pourquoi mais ce match m’est toujours resté dans la tête. Socratès pour le Brésil, Platini pour la France et j’avais 11 ans. C’est le foot qui marque.

Des passions à côté du foot ?
J’avais plein d’idées de passion. J’avais l’idée d’aller au golf mais je n’ai pas le temps. J’avais l’idée de me mettre à de nouvelles pratiques, style le padel, mais c’est pareil. J’aimerais bien vivre. Avoir un peu de temps pour pratiquer ces passions qui m’ont trotté dans la tête… mais je n’ai pas de passion concrète. La seule passion que j’ai c’est de pouvoir profiter de ma famille et de mes enfants et d’avoir le temps de faire des choses avec eux. Ce que je n’ai pas eu tout le temps de faire lorsque j’étais joueur.

Complétez les phrases : Sochaux est un club…
Formateur et historique.

Vous étiez un joueur plutôt…
Partenaire.

Vous êtes un coach plutôt…
Collectif. Le collectif est important. A travers le collectif il y a toujours la facette individuelle qui va se dégager mais le foot c’est un sport collectif. C’est l’essence du foot. Le collectif doit rester supérieur à l’individu. Sans l’équipe derrière, le joueur ne peut pas gagner tout seul.

Quitter Sochaux a t-il été la chose la plus difficile ?
Ce n’est pas moi qui ai pris la décision mais bien sûr c’était un crève coeur. Quelque part je me voyais continuer là, avoir un rôle ici. C’est pour ça qu’aujourd’hui, la chance que j’ai, c’est d’être revenu quelques années plus tard. Dans un premier temps, ça avait été dur à accepter, j’avais 34 ans, j’étais en fin de carrière et le club avait d’autres dessins. Je me sentais encore capable de jouer et c’est pour ça que j’ai signé à Dijon avec qui j’ai participé à la montée en Ligue 1. Sochaux, c’était comme un infini, on se dit que ça ne s’arrêtera pas mais mon contrat a quand même pris fin un jour.

Texte : Augustin THIEFAINE

Photos : fcsochaux.fr

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Deux ans et demi après sa dernière expérience sur un banc, avec l’équipe féminine du PSG, l’ex-entraîneur d’Orléans, Clermont, Nice, Nîmes, Rouen (entre autres !) s’est mis en quête d’un nouveau projet. Il évoque son parcours, ses souvenirs, sa méthode et sa vision du foot.

Par Anthony BOYER / Photos Bernard Morvan

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

C’est l’endroit où il faut être quand on est sur le marché du travail. Et même quand on ne l’est pas d’ailleurs. LinkedIn est ce réseau social, sorte de Facebook professionnel, où l’on peut dérouler son CV, réseauter et, pourquoi pas, trouver ou retrouver un emploi dans votre secteur de prédilection.
C’est en se connectant que l’on a vu s’afficher le profil de Didier Ollé-Nicolle, un coach sans ballon mais pas sans la passion du ballon, et prêt à refouler le terrain après le douloureux épisode du PSG (1), si un projet intéressant se présente à lui.

« LinkedIn ? Oui, c’est mon fils qui s’occupe de ça ! Mon compte était en sommeil mais depuis quelque temps, il l’a réactivé et il est très sollicité. Vous savez, j’ai toujours aimé ce métier d’entraîneur, après il évolue, et y’a plein d’aspects qui ne me conviennent, mais je sais que je peux entraîner demain. J’ai refusé des projets à l’étranger et d’autres en France, en Ligue 2 ou en National. »

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Et Didier Ollé Nicolle, 63 ans aujourd’hui, l’homme parti de Promotion d’Honneur à Raon-l’Etape pour arriver jusqu’en Ligue 1 à Nice, de livrer un demi-scoop. Demi, parce qu’il ne donnera pas le nom de ce « grand club français qui m’a contacté il y a 18 mois », même si l’on a vite fait de comprendre qu’il s’agit des Verts de Saint-Etienne : « J’aurais pu entraîner un des plus grands clubs français en Ligue 1, un club mythique, qui représentait quelque chose dans ma jeunesse, des valeurs du foot. Il y a eu un contact qui s’est fait par l’intermédiaire de Claude Michy, qui fut mon président à Clermont. Ce club allait très mal, et Michy leur a soufflé mon nom. Mais ils ont gagné le match qu’il fallait, à la 88e je crois, sinon, certainement que j’aurais pris la suite, et on n’avait même pas parlé d’argent, j y serais allé en marchant. Aujourd’hui, j’aimerais prendre un club qui corresponde à mes valeurs, ou la relation coach-président est très forte, mais je peux aussi entraîner un club plus bas, amateur, avec des jeunes, revenir dans le foot d’antan, pour faire partager mon expérience, etc. »

Retourner en amateur après avoir goûté au plus haut niveau ? Il n’est pas le seul à y songer, même s’il nourrit encore l’espoir de rester dans le foot pro. Avant lui, des coachs comme Pascal Dupraz ou Fabien Mercadal ont, ici même, évoqué le sujet et laissé des portes ouvertes. « Il faudrait un club où on peut bâtir, former, poursuit celui que l’on surnomme « DON » depuis son passage à Valenciennes (2000 à 2003); cet été, j ai été contacté par Bourges (N2), ils voulaient rebâtir sur le modèle de ce que l’on avait fait à Raon, à Valenciennes, à Nîmes, à Clermont ou même encore récemment à Orléans. J’ai failli dire oui, mais il fallait dire oui très rapidement… Sans doute que n’était pas le bon moment. Dernièrement, Villers-Houlgate, en National 2, m’a contacté, par l’intermédiaire de mon ancien président au FC Rouen, Thierry Granturco (père du président de Villers et ex-maire de Villers), j’ai décliné, mais voilà… »

Deux ans et demi après ses déboires du PSG, Didier Ollé-Nicolle est donc prêt à replonger. Il nous l’a dit. Depuis sa résidence à Clermont, il a ouvert la boîte à souvenirs et a confié qu’il allait bientôt partager son temps entre l’Auvergne et la Bretagne, près de Concarneau. Mais ne cherchez pas, ce ne sont pas des indices. Parce qu’avec le ballon rond, il faut toujours être prêt à déménager et avoir son sac devant la porte. Pour la Bretagne, on repassera plus tard… ou pas !

Interview : « Journaliste sportif, ça m’aurait plu ! »

Photo Bernard Morvan

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Ma nomination en Ligue 1 à l’OGC Nice, en 2009, parce que c’est la première fois que j’entraînais en Ligue 1. C’était l’aboutissement d’une carrière linéaire, qui était partie pratiquement du plus bas au niveau amateur.

Pourtant cela ne s’est pas bien fait fini à Nice (il avait été remercié en mars 2010) …
C’est sûr, j’ai de meilleurs souvenirs en termes de résultats ou de matchs ailleurs, mais là, c’était inattendu, j’entraînais en PH… Je n’aurais jamais pensé à ce moment-là que j’entraînerais en Ligue 1 un jour.

Vous avez gardé des attaches à Nice ?
Oui, bien sûr, quelques supporters, quelques éducateurs avec qui j’ai travaillé. Sincèrement, j’ai gardé un bon souvenir de Nice, notamment quand j’ai signé, même si cela a très certainement été ma plus grosse déchirure quand je me suis fait évincer.

Le pire souvenir d’entraîneur ?
Le décès de Clément Pinault (en janvier 2009) quand j’entraînais Clermont Foot. On avait joué le samedi soir contre Brest, Clément était titulaire et le dimanche en fin d’après-midi… On est resté une semaine à le veiller car il est tombé dans le coma. C’était vraiment le pire moment de ma carrière.

Le club où la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Les trois années passées au Clermont Foot (2006 à 2009). On a travaillé main dans la main avec le président Claude Michy : avec lui, il n’y a jamais eu d’ingérence sur le plan sportif. On est parti d’un projet avec zéro joueurs, on a recruté 22 ou 23 joueurs, plutôt jeunes, et on est monté dès la première saison de National en Ligue 2 en battant tous les records, alors qu’on s’était donné deux ou trois ans pour le faire. Toutes les équipes du club jouaient avec la même organisation, j’ai fait 37 réunions d’éducateurs la première saison. On a signé une charte avec une cinquantaine de clubs amateurs partenaires. On a assis le club en Ligue 2. Tout ce qui a été mis en place a été pérennisé; à Clermont, c’était facile d’entraîner, et en plus, j’avais un groupe qui ne pensait qu’à s’entraîner, qu’à jouer au foot, il aimait encore plus le ballon que moi ! C’était une situation idyllique. Et c’est ce qui m’a permis de signer à Nice, d’avoir pas mal de contacts, comme avec Lens, Montpellier et le Standard de Liège à ce moment-là. Nîmes aussi avait voulu me récupérer.

Le Stade Montpied à Clermont, vous y retournez ?
J’y suis retourné, oui. J’ai tellement aimé Clermont Foot que je me suis installé à Clermont, et dès que j’avais envie d’aller au stade, j’y retournais. Quand j’entraînais Orléans, j’y allais quand nos matchs étaient décalés.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

La saison où vous avez pris le moins de plaisir ?
La fin avec Orléans alors que j’aurais pu parler d’une belle réussite sportive avec ce club où, quand je suis arrivé (à Noël 2016), on était dernier à la trêve avec 11 points, et on s’est sauvé aux barrages, en faisant un parcours retour magnifique. Et ensuite, sur les mêmes bases que j’avais bâties à Clermont, on a été aux portes des barrages d’accession en Ligue 1, on a fait 8e de finale de la Coupe de la Ligue face au PSG, le futur vainqueur, 1/4 de finale de la Coupe de France face à Rennes, le futur vainqueur là encore (saison 2018-2019). Orléans, ce fut une construction, on a bâti le centre de formation, mais le directeur sportif a voulu tout modifier à la fin de cette saison-là, il y a eu la Covid, et après ce fut une année désagréable à vivre (il a été évincé en février 2020).

Une erreur de casting ?
Je ne regrette jamais rien. Même si beaucoup de gens me disent que j’ai fait une erreur en choisissant Nice. Parce que c’était compliqué à l’époque. Mais ce club m’attirait. Le problème, c’est que dès le mois de septembre, Maurice Cohen, le président qui m’avait choisi, s’est fait virer. J’avais proposé ma démission, c’est lui qui m’a dit de ne pas le faire. Mais il savait ce qui allait se passer, que j’allais me faire virer. Alors, peut-être que c’était une erreur de casting dans le sens où ce n’était pas forcément le bon moment. J’avais appelé Fred Antonetti, mon prédécesseur, avant d’arriver, il m’avait dit que ça allait être très compliqué, parce que l’équipe était vieillissante et qu’il n’y avait pas beaucoup de moyens. Je n’avais pas vu le danger arriver, mais ça, on ne le sait qu’après. Je prends aussi dans cet échec ma part de responsabilité, bien sûr.

Des modèles, des coachs, dont vous vous êtes imprégnés ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

J’en citerais deux. Christian Letort, mon coach à Angers, il n’est pas très connu, il entraînait la réserve du SCO en Division 3, dont j’étais le capitaine, et à un moment donné, il a remplacé le coach de l’équipe première, et il m a fait passer de la D3 à la D2 (saison 1983-1984). C’était un jeune entraîneur. Ensemble, on a passé des heures à parler foot. Il m’a fait aimer l’entraînement, il m’a décortiqué les séances, il m’a expliqué les choses, l’organisation d’une équipe, etc. A la base, c’est un prof d’EPS, il n’était pas issu du monde pro. C’était un peu novateur à l’époque. Quand j’entraînais Nîmes en National, on avait éliminé l’OGC Nice 4-0 en 8e de finale de la coupe de France – sûrement un des matchs les plus aboutis de ma carrière -, et à la fin de ce match et du suivant, contre Sochaux, il était venu, il était dans les vestiaires après ! Je pense qu’il aimait mon implication quand j’étais joueur. Il m’a marqué. Et m’a donné envie de faire ce métier. L’autre personne, c’est Arrigo Sacchi, qui m’a reçu dans les années 90 : j’ai eu l’occasion de le rencontrer et d’échanger avec lui, grâce à Fabien Piveteau, qui est devenu mon agent après, et avec qui j’ai joué à Angers. On était allé voir le derby Milanais et la veille du match, j’ai pu assister à l’entraînement, il m’avait ensuite expliqué sa méthode. J’ai retenu la discipline défensive, la façon de définir un cadre défensif, l’alignement des joueurs qui savaient au mètre près comment se placer, et à l’inverse, sa manière de laisser une totale liberté dans l’animation du jeu offensif. Il avait été d’une simplicité vis à vis de moi… C’est marquant. En vous racontant cela, je pense aussi à Guy Roux, qui avait voulu me rencontrer, c’était à l’époque de Nîmes aussi, parce qu’un magazine m’avait surnommé le Guy Roux des Vosges quand j’étais à Raon !

Pourquoi êtes vous devenu entraîneur ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Cela s’est fait tout bêtement. Je jouais à Annecy, le club déposait le bilan, et quand le SCO Angers l’a su, le président de l’époque, Jacques Tondut, qui était le médecin du club quand j’y jouais, m’a fait une proposition. Christophe Dubouillon, l’entraîneur du centre de formation, arrivait en fin de contrat un an après et Jacques Tondut a pensé à moi pour prendre la suite, pour passer mes diplômes. Il avait peut-être dû déceler ça chez moi… C’est vrai qu’on parlait de la matière foot. Mais entretemps, un de mes anciens coéquipiers à Annecy, Lionel Gachon, jouait dans un tout petit club dans les Vosges, à Raon-l’Etape, en PH, et leur coach arrêtait. Il cherchait un entraîneur/joueur, moi j’avais 30 ans, je pouvais encore jouer… J’avais rendez-vous le mardi à Angers, et sur la route, j’ai rencontré les deux présidents Jean-Pierre Rossi et Georges Bilon, qui est décédé depuis, et je ne suis jamais allé à Angers… Voilà comment ça s’est passé ! J’avais un Master d’économie, ils avaient une agence immobilière, ils cherchaient un directeur commercial… Au début, je travaillais la journée et j’entraînais le soir. Raon a été un vrai laboratoire. J’y ai passé mes diplômes. J’ai aimé ça. On est monté jusqu’en National ! J’y ai passé 9 ans. Et à la fin, j’étais à plein temps.

Si vous n’aviez pas été entraîneur de foot…
C’est vrai qu’au départ, je n’avais pas en tête de devenir entraîneur, mais plutôt de travailler dans la vie active. J’aurais pu bosser dans la finance, ou devenir journaliste sportif aussi, ça m’aurait plu (rires).

Qu’est-ce qui vous a plus à Raon-l’Etape ?

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

Tout ! J’ai rencontré des personnes magnifiques, on a monté une usine à gaz, parce qu’on était un petit club, sans moyen, et puis il y a les Vosges, la forêt, la région, superbe ! Mes enfants ont grandi là-bas. Quand j’y suis arrivé, ma fille avait 6 mois, mon fils 3 ans… J’ai rencontré deux présidents, MM. Rossi et Bilon, des hommes à tout faire, qui mettaient les mains dans le cambouis. Tous les joueurs travaillaient, et même à la fin, en National, on avait 3 ou 4 contrats fédéraux seulement, pas plus. On est passé de deux à six entraînements par semaine. On a crée un vrai processus afin de s’entraîner plus et de rivaliser plus. Notre idée, c’était de monter en DH. Et finalement, on est arrivé en CFA2, puis en CFA, et si on nous avait dit qu’un jour on arriverait en National… Voilà, c’était impossible… L’hiver, dans les Vosges il fait moins 10 degrés, il y a 50 cm de neige, on avait trouvé des astuces pour s’entraîner entre midi et deux, en diurne. Un jour quand je passais mes diplômes à Clairefontaine, j’ai rencontré Paul Orsatti : il avait monté l’institut sportif de formation (un centre de formation de football de la seconde chance), à Ajaccio, en Corse, et cherchait à le dupliquer sur le continent; le club de Raon a servi de cobaye. Il faut dire aussi qu’on a eu la chance d’être entouré de clubs comme Metz, Nancy et même Epinal ou Saint-Dié. Mon idée, c’était de récupérer des jeunes joueurs ce ces clubs-là qui n’arrivaient pas à passer pro, mais comme on n’évoluait pas à un très haut niveau, on n’avait pas grand chose à leur proposer : c’est là que l’institut de formation est intervenu; il a permis, en relation avec le Greeta, le ministère de la Jeunesse et des Sports, le conseil régional, etc., de les remettre à niveau sur le plan scolaire, de leur faire passer leur premiers diplômes, initiateur 1, initiateur 2, animateur seniors, etc., jusqu’au tronc commun du brevet d’état pour ceux qui voulaient aller plus loin. On leur proposait des formations et ça leur permettait d’avoir un contrat d’apprentissage. Le club ne payait que des primes de match, et ça nous a permis de récupérer tout un groupe de joueurs qui ont participé à l’ascension du club, avec une vraie génération.

Le meilleur joueur que vous avez entraîné ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je vais en citer deux. Loïc Rémy à Nice. Grâce à son passage à Nice, il a intégré l’équipe de France, et moi je me suis battu pour ne pas le perdre parce que Lyon voulait le récupérer à la trêve. Un bonheur de l’entraîner. Et aussi à Clermont, Mehdi Benatia, une belle pioche pour nous. Il venait de se faire les ligaments croisés. Et on a vu la suite de sa carrière (il a notamment joué à Udinese, Rome, Bayern, Juventus et il est actuellement conseiller sportif de l’OM).

Un président marquant ?
Claude Michy à Clermont. Il tenait le club d’une main de fer sur le plan économique.

Inversement, un président qui ne vous a pas marqué ?
C’est le deuxième que j’ai croisé à Nice, parce que les dés étaient pipés, et je dis ça, sans bien l’avoir connu… On avait 16 ou 17 joueurs concernés par la CAN, on a fait jouer six ou sept jeunes du club, et j’ai été viré en mars. Non, ils ne m’ont pas marqué (sans les citer, Didier Ollé Nicolle parle du tandem Maurice Stellardo, président et Patrick Governatori, DG).

Des rituels avant un match ?
Joueur, j’étais un peu superstitieux, mais avec le temps, le recul, ça change.

Un dicton ?
Oui ! Celui qui renonce à progresser a déjà cessé d’être bon. Je l’ai affiché dans tous mes vestiaires.

Vous êtes un entraîneur plutôt ?
Exigeant, passionné et un peu emmerdeur… Je suis toujours derrière le joueur, pour qu’il progresse.

Y-a-t-il un style Ollé-Nicolle ?

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Je pense. J’ai tout le temps mis en place une équipe très agressive sur le plan défensif, tout en gardant un cadre de travail précis, avec des horaires, une organisation, des principes, et dans ce cadre, j’attends que les joueurs prennent des initiatives. Sans se couper de l’imagination, de la créativité. Je demande beaucoup de rigueur sur le plan défensif, de l’agressivité à la récupération du ballon. J’ai souvent réussi avec des équipes plutôt jeune et dynamique. Au fil du temps, je me suis adapté, j’ai évolué aussi, en recherchant plus l’efficacité, la simplicité, comme aux entraînements par exemple, avec deux points à travailler maximum. Pour aller à l’essentiel. Il faut aussi tenir compte des profils des joueurs, ne pas être têtu sur son organisation, même si c’est vrai que l’animation défensive que je préfère, c’est à 4 derrière plutôt qu’à 3 ou à 5, avec deux attaquants, un point d’ancrage et un joueur qui tourne autour. J’ai beaucoup joué en 4-3-3 aussi, avec une sentinelle, un 8 et un 10. avec de la densité au milieu, pour récupérer le ballon, mettre de l’intensité et produire du jeu court derrière.

Avec le FC Rouen. Photo Bernard Morvan

Le stade qui vous a procuré le plus d’émotion ?
Le Parc des Princes. C’était déjà celui qui m’avait le plus marqué quand j’entraînais en L1, on y avait gagné avec Nice ! C’est une vraie caisse de résonance : du banc de touche, les joueurs ne t’entendent pas. En entraînant le PSG féminin, quand on a affronté le Bayern de Munich, ca m a fait le même effet.

Qu’est-ce qui vous a manqué pour faire une carrière en Ligue 1 ?
J’ai été plus reconnu à l’étranger en L1, quand je suis arrivé à Neuchatel, on s’est qualifié pour la finale de la coupe de Suisse, à Limassol, qui avait éliminé Nice en coupe d’Europe, on s’est qualifié pour l’Europa League… En France, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice. C’était un passage obligé. Mais il y a des étiquettes, et ça je le comprends très bien. Quand j’ai signé avec monsieur Cohen, l’objectif, c’était de finir 15e, parce qu’il y avait une génération de joueurs qui arrivait sur la fin, Echouafni, Letizi, Sablé, etc, on n’avait pas les moyens de recruter, il fallait sauver les meubles cette saison-là, avec les fins de contrats, pour repartir sur quelque chose d’autre l’année d’après. Mon style avec la récupération dynamique et un jeu dynamique aussi, que les dirigeants niçois avaient vu quand j’étais à Nîmes, ça se fait avec un certain profil de joueurs que je n’avais pas et pour qui c’était difficile de répéter les efforts, notamment dans le coeur du jeu. Il aurait fallu passer cette première année.

Certains supporters de Nice disent, en parlant de vous, que vous aviez trop de certitudes…

(étonné) Non, franchement pas du tout. Au contraire, on m’a plutôt dit que j’étais quelqu’un d’abordable… Demandez aux clubs où je suis passé ! Mais peut-être qu’à Nice, je me suis un peu plus enfermé dans ma bulle, avec ce contexte de la Ligue 1, pour me concentrer au haut niveau et à cette nouvelle expérience. Vous savez, ce qui m’a manqué, c’est de réussir à Nice, parce que pratiquement partout ailleurs, j’ai eu des résultats, ça a été positif. Est-ce qu’on peut réussir en Ligue 1 si on n’a pas des convictions ? Et du caractère ? Comment m’imposer sinon ? Et là je ne parle pas de certitudes, parce que s’il y a bien un métier où on ne doit pas en avoir, mais faire preuve d’humilité, c’est bien celui-là. Parce qu’on est tributaire des joueurs et de certaines décisions.

Sur votre CV, il y a Valenciennes, club avec lequel vous êtes descendu de National en CFA avant de remonter la saison suivante : c’est rare comme situation…

Avec l’US Orléans. Photo Bernard Morvan

On repartait avec aucun moyen, il y avait eu l’affaire Va-OM… Monsieur Borloo est venu me chercher, c’est Philippe Seguin, l’ancien maire d’Epinal, qui lui a glissé mon nom, pour rebâtir. On savait que cela allait être très compliqué. Il fallait remettre les compteurs à zéro sur le plan financier. Je me souviens que, quelques années plus tard, quand Valenciennes est venu jouer à Nice en L1, on perdait 2 à 0 à la pause et on avait gagné 3-2 : le président des clubs des supportes de VAFC m’avait rendu hommage dans un article.

Le milieu du foot ?
Avant, une vraie école de la vie, qui permet à tout le monde de réussir, je prends mon exemple, à partir du moment où on bosse, où on croit en soi, il y a moyen de faire des belles choses. Aujourd’hui, je dirais que c’est un milieu bling bling, très superficiel… Quand je dis superficiel, je veux dire que, avant, il y avait l’amour du maillot, de l’entraînement, du club, de l’entraîneur… Aujourd’hui il y a beaucoup de gens très peu scrupuleux autour des joueurs et des joueuses, qui sont prêts à tout pour faire de l’argent.

(1). Didier Ollé Nicolle a été blanchi au printemps dernier par la justice dans une affaire où il avait dû répondre de soupçons d’agression sexuelle lorsqu’il entraînait l’équipe féminine du PSG, soupçons qui lui avaient coûté son poste.

  • Sa carrière de coach
    – 1991-2000 : Union Sportive Raonnaise
    – 2000-2003 : Valenciennes FC
    – 2003-2005 : Nîmes Olympique
    – 2005-2006 : LB Châteauroux
    – 2006-2009 : Clermont Foot
    – 2009-mars 2010 : OGC Nice
    – septembre 2010 – mai 2011 : Neuchâtel Xamax
    – juillet 2011 – novembre 2011 : Apollon Limassol
    – novembre 2011-février 2012 : USM Alger
    – juin 2012-août 2013 : FC Rouen
    – mars 2014-novembre 2014 : Bénin
    – mars 2015-juin 2016 : SR Colmar
    – décembre 2016-février 2020 : US Orléans
    – juin 2020-mai 2021 : Le Mans FC
    – juillet 2021 – mai 2022 : Paris SG Féminin

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Adjoint de Jean-Luc Vasseur en début de saison jusqu’à l’éviction de ce dernier, l’ancien joueur pro, déjà passé sur un banc à Bourgoin-Jallieu et Andrézieux, vit sa première expérience d’intérimaire. Il retrace son parcours et décrypte sa vision du métier.

Par Joël Penet – Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photo FC Versailles

Après une carrière professionnelle qui a démarré à l’Olympique Lyonnais, Jérémy Clément (40 ans), né à Béziers (Hérault), a grandi en Isère avant de rejoindre la prestigieuse école de l’OL à 13 ans. Le milieu de terrain, qu’on a pu comparer à Zidane localement à ses débuts, va ensuite découvrir le très haut niveau, du sacre de champion de France à la découverte de la Ligue des Champions. Un bagage suffisant pour s’exiler, à 21 ans, du côté des Glasgow Rangers.

La parenthèse écossaise refermée, c’est ensuite le Paris Saint-Germain et l’AS Saint-Etienne qui vont faire son quotidien et lui permettre de confirmer un potentiel décelé entre Rhône et Saône avant un dernier défi en Ligue 2 à l’AS Nancy Lorraine. Après 377 matchs en pro, c’est au FC Bourgoin Jallieu qu’il a définitivement raccroché les crampons en National 3 où Jérémy Clément a notamment pu avancer sur son projet de reconversion. En effet, depuis quatre ans maintenant, l’ancien milieu de terrain défensif a embrassé une carrière d’entraîneur au FCBJ, à Andrézieux mais aussi en tant qu’adjoint à Molenbeek (Belgique) et aujourd’hui à Versailles en National où, après avoir été l’adjoint de Jean-Luc Vasseur, remercié le 2 octobre dernier, il assure un intérim au poste de coach principal.

Interview : « On ne peut pas cocher toutes les cases »

Photo Philippe Le Brech

Jérémy, tout d’abord, quels souvenirs gardes tu de tes débuts à Rives SF, là où tout a commencé en amateur ?
Des bons souvenirs bien évidemment. On était jeunes, insouciants. C’est le foot avec les copains, le plaisir avant tout. Entre deux matchs, tu manges des frites (rires). Il en manque toujours un qui finit par être appelé par le speaker (sourires). D’ailleurs, les amis que j’ai aujourd’hui à 40 ans, ce sont mes amis d’enfance !

Vingt ans plus tard, tu boucles ta carrière de joueur du côté de Bourgoin. Que retiens tu de ces deux dernières saisons ?
J’ai beaucoup voyagé pendant ma carrière. Avec mon épouse, on est originaire de Rives et on voulait revenir s’installer ici. Je pouvais continuer à jouer un bon niveau en amateur, faire partie d’un vestiaire, m’entraîner, gagner des matchs. J’avais aussi envie de garder les mêmes habitudes qu’en pro même si en National 3, on s’entraîne le soir, ce qui est parfois compliqué, mais le principal était d’être sur le terrain.

Un environnement qui va te permettre de te reconvertir petit à petit en tant qu’entraîneur… qu’est ce qui t’a poussé à emprunter cette voie ?
L’objectif était surtout de ne pas perdre de temps et j’avais une double idée en arrivant à Bourgoin. Du coup, j’en ai profité pour continuer de jouer mais aussi pour passer mon BEF la même année afin de vite me reconvertir car je n’aime pas rester sans rien faire. Je savais que ma carrière de joueur était derrière moi et il fallait penser à la suite.

Photo FC Versailles

Justement, avec du recul, comment t’es-tu entouré depuis tes débuts ?
Il y a forcément beaucoup de gens qui gravitent autour et c’est encore plus vrai dans le football que dans les autres sports. Mes amis sont restés les mêmes depuis le début mais on rencontre forcément de nouvelles personnes au cours d’une carrière. Le plus important est de garder ses racines pour avoir les pieds sur terres. On ne peut pas aller contre les mauvaises rencontres ou mauvaises intentions, ça fait partie du truc. Le conseil que je pourrais donner, c’est de s’intéresser un minimum à ce qu’on fait : contrat, placement… lire aussi et ne pas toujours « déléguer » car c’est vrai qu’on est conditionné à ne penser qu’au foot quand on se construit.

Avais-tu songé à d’autres scénarios pour ton après-carrière ?
Je pense que quand on est coach, peu importe l’âge, on est toujours dans l’apprentissage. Pour être honnête, je n’ai pas de plan de carrière et je ne peux pas affirmer que je serai toujours coach dans cinq ans par exemple. C’est un métier qui prend beaucoup d’énergie, où on encaisse beaucoup aussi. Il faut être très exigeant. L’être humain est un éternel insatisfait, le sportif de haut niveau aussi. C’est pour ça que je raisonne par rapport à l’instant T.

Photo FC Versailles

C’est aussi comme ça que tu as raisonné quand tu étais joueur professionnel ?
J’ai toujours essayé d’être en adéquation avec mes choix car je trouvais qu’il fallait être épanoui avant tout. Par exemple, en 2006, quand je pars de Lyon pour aller aux Rangers, j’avais ce besoin de m’émanciper à 21 ans… et ça m’a fait du bien ! Ensuite vient la réflexion de revenir à Paris, un club qui est coté en France. C’est très difficile de refuser cette proposition et quand les Qataris arrivent en 2011, je savais que j’allais moins jouer. J’avais 27 ans et c’est là que j’ai l’opportunité de rejoindre Saint-Etienne où j’ai joué à la Coupe d’Europe aussi !

Formé à l’OL, tu as dû réfléchir au moment de t’y engager, non ?
Forcément, je me suis posé la question mais bon… Je n’avais pas fait le transfert direct. Je trouvais ça dommage de refuser un nouveau projet si les conditions étaient réunies. J’ai été formé à Lyon, j’ai découvert la Ligue des Champions, j’ai été champion de France… Honnêtement, j’ai évolué au sein d’un groupe exceptionnel. À Saint-Etienne, c’est pareil, on avait un très bel effectif. J’ai découvert une ambiance de dingue aussi. D’ailleurs, aujourd’hui, que j’aille à Geoffroy Guichard ou au Groupama, c’est avec toujours autant de plaisir !

Photo FC Versailles

Quelle est ta vision du poste d’entraîneur ?
Des fois, je me dis que j’essaie d’être le coach que j’aurais aimé, moi, avoir en tant que joueur mais on ne peut pas cocher toutes les cases (sourires). Je ne fais pas l’unanimité, personne d’ailleurs ne la fait je pense, donc je reste fidèle à ce que j’étais pendant ma carrière. Bien sûr qu’il y a toujours un « jeu d’acteur » quand on décide de se lancer là-dedans mais il ne faut pas « tricher » ou être quelqu’un d’autre.

Du coup, tu penses que c’est important d’avoir été joueur pour entraîner ?
Il n’y a pas de vérité non plus (sourires). Il y a des très bons coachs qui n’ont pas fait de carrière, d’autres qui ont joué et qui réussissent aussi. Dans mon cas, je trouve que c’est un avantage comme un inconvénient. Il y a des situations qui sont similaires en tant que joueur, on a peut-être plus les codes mais un coach qui n’a pas fait carrière a peut-être d’autres atouts. Est-ce que mon parcours m’aide ? Je pense que oui sur certaines choses, sur d’autres non.

En février 2023, tu choisis de rejoindre Andrézieux, en National 2, où François Clerc, un de tes anciens coéquipiers est président pour maintenir le club…
J’étais avec le Pôle espoir féminin à Lyon à cette époque, je faisais deux / trois séances et en même temps je passais mon certificat d’entraineur « attaquant-défenseur » (il est diplômé du CEAD, certificat d’Entraîneur Attaquant et Défenseur). François avait besoin d’un coach sur du court terme. On s’est appelé et je lui ai expliqué que la compétition me manquait aussi, que j’avais envie de retrouver un groupe seniors, une équipe dirigeante…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Une aventure qui va s’arrêter quelques mois plus tard… le regrettes-tu ?
J’étais venu pour maintenir le club et la mission était réussie. François savait que j’avais d’autres ambitions derrière. On est potes et nous savions très bien que si les résultats s’inversaient une fois le maintien acquis, il y aurait forcément des prises de tête. On a réussi à maintenir le club et c’était mieux de passer à autre chose.

Le club d’Andrézieux est-il à sa place en N2 selon toi ?
C’est déjà énorme d’être toujours en National 2 avec la réforme des championnats. Aujourd’hui, il y a trois poules et c’est comme si tu joues en National à ce niveau. Ce sera compliqué d’aller plus haut pour eux. Je pense surtout qu’ils sont dans l’ombre de Saint-Etienne. Malgré les installations qui sont bonnes, il faut savoir se satisfaire d’être régulier dans le temps.

Tu prends ensuite un nouveau virage en rejoignant l’épineux projet Molenbeek en Belgique un an plus tard. Comment cela s’est fait ?
Épineux, oui, forcément (sourires) mais c’est toujours pareil quand on prend des projets en cours de saison. On récupère un groupe malade mais on se dit qu’on va tenter l’aventure avec Bruno (Irles). Ça ne se passe pas bien et on n’a pas les résultats escomptés…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Que retiens-tu de positif ?
J’ai appris, j’ai vu un nouveau championnat. Molenbeek, c’est un club professionnel qui a la particularité d’être dans une Galaxie. On a essayé de vivre les choses de la meilleure des façons même si c’était compliqué. J’ai bien aimé travailler avec Bruno (Irles), un coach avec des qualités. Quand il s’est fait licencier, je ne me voyais pas rester donc je suis parti avec lui.

Comment arrives-tu à gérer avec ces changements fréquents en termes de famille, déplacements ?
En Belgique comme à Versailles, je me suis installé tout seul. Ma femme est professeure des écoles et elle s’occupe de nos trois enfants dont le dernier qui a 7 ans. Mon métier m’anime mais je suis un peu partagé. C’est aussi pour ça que je dis que je ne ferai pas ça toute ma vie. Tout peut aller très vite. J’avais besoin de travailler, j’avais envie d’explorer ces opportunités mais il y a beaucoup de contraintes dont le côté familial qui me manque.

Rejoindre Versailles cet été, c’était quand même l’occasion de continuer voire d’accélérer ton apprentissage du métier…
Je ne me voyais pas ailleurs que dans le foot pour le moment et je pense que ce n’est pas bon quand on est inactif, peu importe le domaine. C’est une décision que j’ai prise en pesant le pour et le contre. On a besoin d’être stimulé professionnellement et je trouvais que le projet versaillais correspondait à mes attentes.

Être adjoint, c’est donc l’option qui te correspondait le plus à l’heure actuelle ?
À Bourgoin-Jallieu comme à Andrézieux, j’avais toujours eu le rôle d’entraîneur principal avec les responsabilités qui en découlent. J’avais envie de connaître d’autres facettes du coaching car c’est un monde à part. La différence, c’est qu’on est moins impacté et c’est l’entraîneur en chef qui « prend ». Alors lorsqu’il y a des résultats, c’est plutôt sympa à vivre mais quand la dynamique s’inverse… je dirais qu’on a moins de pression en tant qu’adjoint… et ça me va !

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Tu es arrivé à Versailles dans les valises de Jean-Luc Vasseur qui a déjà quitté le club. Quelle a été ta réflexion à ce moment ?
C’est vrai mais je reste quand même salarié du club. Comme à Molenbeek, je me suis posé des questions… quitter le club au moment où Bruno (Irles) partait, c’est un peu la même situation aujourd’hui ! Tu peux avoir le sentiment d’abandonner l’objectif que tu t’étais fixé et tu es partagé. Bien entendu que ce sont des situations qu’on ne veut pas vivre car on a tous envie d’avoir des résultats.

Et aujourd’hui ?
Je suis dans une position assez « bizarre » car on sait que c’est un intérim avec le staff et que ça va s’arrêter à un moment. Je n’ai pas envie de changer ma posture même si la situation n’est pas très confortable. C’est aussi dans ce genre de situations qu’on apprend. La preuve, je n’avais jamais vécu le fait d’être en intérim donc on fait du mieux possible.

Du coup, comment on s’adapte au quotidien ?
Notre rôle c’est de ne pas tout bouleverser non plus. Avec le staff, on a quand même la responsabilité de l’équipe et il faut faire avec nos idées. Je ne remets pas tout en cause, j’essaie d’être moi avec les joueurs, selon ma perception. Ce n’est pas possible de tout révolutionner comme il est compliqué de continuer dans cette configuration. D’ailleurs, si on m’avait proposé de prendre officiellement la place de numéro un, j’aurais refusé car ce n’était pas le but en venant… et je ne serai peut-être plus là avec un nouvel entraîneur (sourires).

Comment caractériserais-tu un club comme Versailles ?
Il y a des idées et on essaye d’amener quelque chose d’un peu novateur : des maillots avec une identité marquée, une série télé sur notre quotidien…  C’est un club qui a une histoire à construire, qui est jeune et où il y a de l’envie. Malheureusement, nous ne sommes pas aidés, on a de nombreuses problématiques structurelles pour s’entraîner. Nous jouons nos matchs à Jean-Bouin mais nous ne sommes ni propriétaires ni prioritaires ! Or ce sont des aspects indispensables pour performer.

Avec ta vision de néo-entraîneur, Versailles a-t-il sa place dans la Ligue 3 dont le débat revient éternellement sur la table ?
Oui, même si pour aller plus haut, il faudra des changements indispensables à plusieurs niveaux… mais pour l’instant, le plus dur est de se maintenir en National comme je l’évoquais avec la réforme des championnats. Pour l’instant, on est 11es avec 11 points, le club veut se donner les moyens de grandir et les joueurs sont mis dans de bonnes conditions pour avoir des résultats.

Jérémy Clément, du tac au tac

Photo FC Versailles

Meilleur souvenir sportif ?
Le football quand j’ai commencé avec les frites entre les matchs, les amis d’enfance que j’ai rencontrés et que j’ai gardé jusqu’à aujourd’hui (sourires).

Pire souvenir sportif ?
Ma blessure en 2013 : une triple fracture ouverte de la malléole.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Est-ce qu’on le choisit ou pas ? Mon père adorait le foot, c’était ma passion et ça l’est toujours ! On est conditionné à aimer le foot dès le plus jeune âge.

Ton but le plus important ?
Il y en a deux : le but que je marque à Monaco avec l’OL parce qu’on est premiers et eux deuxièmes. Celui avec Paris contre Saint Etienne à 1-1, un but très important pour le maintien qui arrive en fin de match.

Ton geste technique préféré ?
Le sombrero.

Photo FC Versailles

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un ou deux.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Bonne question mais comme je l’ai déjà dit, quand on est piqué au foot, c’est compliqué de s’imaginer ailleurs. En tout cas, je ne sais pas si j’aurais pu.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Un joueur fiable avec beaucoup d’abnégation, capable de courir, récupérer… Ce que j’aurais pu améliorer c’est peut-être mon influence dans le jeu, le fait d’être plus décisif, distribuer aussi…

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Dans tous les clubs, j’en ai pris ! A l’OL, on était invincibles, on était meilleurs, c’était une évidence. Paris j’ai adoré parce que c’est la capitale, le Parc des Princes. Saint-Étienne, c’était une putain de bande de potes et même si nous étions moins bons, nous avons réussi à regarder les gros dans les yeux…

Le club où tu as failli signer ?
Franchement ? Aucun !

Photo FC Versailles

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Les clubs qui font rêver, on les connaît tous (sourires) ! Que ce soit le Real en Espagne, le Bayern en Allemagne, l’Inter ou la Juventus en Italie, ce sont tous des clubs qui font rêver mais je n’avais pas le niveau pour signer là-bas (sourires).

Un stade et un club mythique pour toi ?
San Siro à Milan et aussi Ibrox Park en Ecosse, impressionnant !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
J’ai quand même eu la chance de côtoyer des très grands joueurs… Hatem Ben Arfa, lui, c’était vraiment un talent incroyable.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Il y’en a eu plein…

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Yoann Gourcuff.

Photo FC Bourgoin-Jallieu

L’équipe, l’adversaire, qui t’a le plus impressionné ?
Paris à l’époque où il y avait le milieu de terrain Thiago Motta, Marco Verratti et Blaise Matuidi.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Sammy Traoré.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Michel Aulas pour tout ce qu’il représente, son charisme, ce côté patron qu’il dégageait.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Non, parce que sinon j’aurais posé la question (sourires).

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Justement, il faut que ça reste dans le vestiaire (sourires).

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Ça dépend ce qu’on veut dire par connu mais récemment par exemple j’ai échangé avec Hugo Lloris par SMS !

Des rituels, des tocs, des manies ?
Non.

Une devise, un dicton ?
Savoir être avant de savoir-faire.

Tes passions dans la vie ?
J’aime bien manger, bien boire, profiter des gens que j’apprécie.

Un modèle de joueur ?
J’aimais Fernando Redondo, pour les amoureux du football même si les plus jeunes ne verront très certainement pas qui c’est !

Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
Un bon Paris-Marseille ou Lyon-Saint Etienne.

Ta plus grande fierté ?
Avoir la famille que j’ai avec mes trois enfants et ma compagne et dans le foot, je suis fier des liens que j’ai créé avec les footeux !

Championnat National – Journée 11 (vendredi 1er novembre 2024) : FC Villefranche-Beaujolais – FC Versailles

Regarder le match : https://ffftv.fff.fr/video/x93e2yo/j11-i-fc-villefranche-beaujolais-vs-fc-versailles-en-direct-19h15

 

Texte : Joël PENET

Photos : Philippe Le Brech, FC Versailles, FC Bourgoin Jallieu et Andrézieux-Bouthéon FC

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L’homme du renouveau boulonnais, revenu dans le club de sa ville en 2018 après s’être assis sur des bancs régionaux à Dèsvres, où il est éducateur sportif, à Étaples et au Portel, a, en l’espace de 20 mois, sauvé l’USBCO d’une descente en N3 avant de le conduire aujourd’hui en haut de tableau du National. Son credo : le mental. Son mérite : un staff sans faille. Portrait.

Par Anthony BOYER / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0

Photo Philippe Le Brech

C’est à un horaire très matinal – 7h30 – que Fabien Dagneaux nous a donnés rendez-vous, en visio, un mug de café à la main (nous aussi !), depuis son domicile, à Boulogne-sur-Mer, pour un entretien de quarante minutes. C’était la veille de l’entrée en lice en coupe de France à Gamaches (5e tour, qualification 3 à 0).

Quarante minutes durant lesquelles le natif de Boulogne-sur-Mer, qui vient de fêter ses 52 ans, ne s’est jamais attribué la paternité des excellents résultats de l’USBCO depuis sa prise de fonction, début février 2023, à la tête d’une équipe qui occupait alors la dernière place de sa poule en National 2 avec seulement 13 points (en 17 journées) et une 16e et dernière place.

Vincent Boutillier : « Mon choix a été rationnel »

Fabien Dagneaux a préféré mettre en avant le travail d’un staff soudé de quatre personnes. Un staff boulonnais aussi, et ça, dans une ville où l’attachement au club est très fort, c’est quelque chose d’important, comme l’a d’ailleurs expliqué Vincent Boutillier, le président : « À 13 journées de la fin, il fallait gagner 9 matchs pour se maintenir en National 2, et je me suis posé cette question, « qui peut faire gagner l’équipe ? », raconte celui qui a succédé à Reinold Delattre en novembre 2022; je ne voyais qu’une personne connaissant le club, alors quitte à prendre un risque, autant prendre celui-là. Fabien avait déjà réalisé un exploit avec la réserve en N3 quelques années plus tôt, il connaissait cette pression du résultat. Et puis je voulais retrouver les valeurs boulonnaises, qui sont au centre du projet et même du développement du club, basé sur un ADN territorial. Finalement, je vois que mon choix a été rationnel. »

Dans le wagon de tête

Avec Anthony Lecointe. Photo Philippe Le Brech

Depuis sa prise de fonction, il y a plus de 20 mois, Fabien Dagneaux a dirigé 47 matchs de championnat sur le banc : 39 en N2 à cheval sur deux saisons et 9 en National (match de Nîmes compris). Pour seulement 10 défaites.

Fabien Dagneaux n’a pas compté. De toute façon, il préfère retenir les victoires (28). Et savourer. Profiter de l’instant présent. Communier avec le public retrouvé de la Libé.

Vendredi dernier, en battant Orléans 3 à 0 devant près de 4000 spectateurs, dans ce stade qui pue le foot et transpire l’amour de ses couleurs, l’USBCO, 3e du championnat à une longueur des deux co-leaders Nancy et Concarneau (mais avec un match de moins) a effacé la défaite 3-0 concédée à Aubagne lors de la précédente journée (entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0).

Revenu dans « son » club de coeur en 2018, d’abord pour s’occuper des jeunes avant de prendre la réserve, Fabien Dagneaux retrace son parcours et évoque son staff, notamment son adjoint Anthony Lecointe, une figure locale, joueur du CFA jusqu’à la Ligue 1 avec l’USBCO.
Il évoque aussi le public boulonnais, le stade de la « Libé » si particulier, la pêche et son lien indéfectible avec le foot, l’histoire avec un grand H, le plaisir. Le tout avec humilité, passion et émotion parfois.

Interview

« Donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme ! »

Photo Philippe Le Brech

Fabien, vous êtes sans doute le coach le moins « connu » du championnat National, alors… présentez-vous !
J’ai 51 ans. Je suis pur boulonnais. J’habite à Boulogne, dans la ville, mais je suis originaire du haut de la ville, du quartier du chemin Vert. J’ai 4 enfants : deux filles (Caroline, 32 ans, psychologue et Agathe, 20 ans, étudiante en commerce) et deux garçons (François, 26 ans, maître-nageur et Charlie, 17 ans, pensionnaire du centre de formation du SC Bastia).

Votre carrière de joueur ?
J’ai joué à l’US Boulogne de poussins jusqu’à seniors, plutôt en réserve. J’ai été papa très tôt donc j’ai privilégié le travail. J’ai intégré une commune, Dèsvres (à 20km de Boulogne), qui m’a recruté comme éducateur sportif et aussi joueur pour le club local, où j’ai structuré l’école de football, lancé une section sportive avec des classes à horaires aménagés. J’ai passé mon BE1 en 1993, j’étais jeune (il avait 21 ans) !

À quel poste jouiez-vous ?
Je jouais latéral droit ou gauche, parfois en numéro 6. J’étais bon dans les duels, je poussais l’équipe.

Joueur puis entraîneur à Dèsvres

Photo Philippe Le Brech

Dèsvres, c’est donc là que vous faites vos débuts d’entraîneur …
J’y suis resté de 1994 à 2003. J’étais joueur d’abord. Puis j’ai eu un peu toutes les fonctions, entraîneur-joueur, entraîneur, éducateur, puis je suis revenu à Boulogne de 2003 à 2008 pour entraîner les U18 à l’époque de Philippe Montanier. C’est là que j’ai croisé quelques joueurs qui ont fait partie de l’épopée boulonnaise jusqu’en Ligue 1, comme Damien Marcq et Matthieu Labbé. Ensuite je suis parti à Etaples, à côté du Touquet, où j’ai fait deux saisons comme coach en DHR (Régional 2), de 2008 à 2010. On a fait deux belles saisons, on a failli monter en DH. Puis j’ai été contacté par Le Portel (Stade Portelois), club voisin de Boulogne, où j’ai entraîné pendant 7 ans, avec une montée en DH, un 32e de finale de coupe, deux 8e tour de coupe et aussi deux 7e tour. C’était une belle aventure. On s’est maintenu en DH et il y a eu l’arrivée d’un nouveau président, qui a voulu repartir sur autre chose, et moi, dans le même temps, j’ai été contacté par Jacques Wattez, le président de l’USBCO, et par le président de l’association, Clément Iffenecker. Monsieur Wattez voulait que je revienne au club car il manquait quelqu’un pour les U16 qui avaient l’objectif de monter en U17 Nationaux, donc je suis parti dans ce projet mais très vite, au mois de février suivant, j’ai basculé avec la réserve de National 3, parce qu’elle était mal en point. Je suis venu épauler l’entraîneur, Alexis Loreille, que j’avais eu en U18, et avec qui je m’entendais très bien. Et finalement, on a réussi à se sauver à la dernière journée et à maintenir l’équipe en N3 ! Derrière, j’ai enchaîné quatre saisons avec la réserve.

Actuellement, vous êtes en disponibilité de la mairie de Dèsvres, n’est-ce pas ?
Oui. Et je remercie la mairie, parce que depuis deux ans et demi, je peux m’atteler à la tâche de l’USBCO. C’était le deal à l’époque. J’avais des diplômes d’éducateur sportif, le BEESAPT et le BE foot, donc ce que je voulais, c’était devenir éducateur sportif dans une commune, travailler dans des écoles. Puis j’ai passé le concours d’éducateur territorial des APS (activités physiques et sportives, ETAPS), et j’ai encadré les enfants dans les écoles à Dèsvres, dans les centres de loisirs, dans les associations. On a développé pas mal de choses. A Dèsvres, on est trois éducateurs sportifs dans un service qui fonctionne très bien.

« J’ai beaucoup appris au contacts des coachs à l’USBCO »

Photo Philippe Le Brech

Quand vous êtes revenu à Boulogne pour entraîner les U16, n’était-ce pas une forme de « rétrogradation » pour vous qui veniez de passer plusieurs saisons en seniors au Portel ?
Non. Ma passion, avant tout, c’est le foot. J’ai entraîné toutes les catégories d’âge et je prends toujours du plaisir, que ce soit dans la formation des jeunes ou dans l’entraînement des seniors. Forcément, j’avais comme objectif de continuer à progresser, à entraîner, d’être au contact de coachs expérimentés qui pouvaient m’apprendre beaucoup de choses. Et puis c’était l’occasion de retrouver mon club. Ce n’était pas une rétrogradation mais l’envie de prendre du plaisir et de transmettre. Quand l’opportunité d’aller en seniors et de relever le défi du maintien avec Alexis, que j’apprécie beaucoup, est arrivée, c’était aussi un beau challenge, qui m’a conforté dans mon idée que, avant tout, un coach, c’est un staff, et quand il n’y a pas de faille dans le staff, on peut réussir de belles choses, ce qui est le cas aujourd’hui en National.

Vous aimez apprendre des autres coachs : à Boulogne, vous avez dû être servi avec tous ceux qui y sont passés ces dernières saisons…
Forcément, comme j’avais la réserve, j’ai eu beaucoup de contacts avec les coachs de l’époque de l’équipe fanion, Olivier Frapolli, Laurent Guyot, Eric Chelle, Stéphane Jobard. J’ai toujours été proche d’eux, notamment de Laurent et Olivier qui sont restés un peu plus longtemps. On a pu beaucoup échanger et j’ai appris d’eux.

Photo Philippe Le Brech

Vous ne vous êtes jamais dit « Un jour je serai coach de l’équipe fanion de l’USBCO… » ?
C’est vrai que, dans un coin de ma tête, me titillait l’idée d’avoir une expérience, plutôt comme adjoint, à un niveau supérieur, mais j’étais aussi devenu responsable de la formation à l’USBCO, afin de redynamiser l’équipe d’éducateurs et remettre les choses en place. Vous savez, à Boulogne, on a une équipe d’éducateurs très solidaire, où les gens s’apprécient énormément. Donc quand j’ai eu l’opportunité de reprendre l’équipe première, l’année dernière, et en plus avec un de mes meilleurs amis (Antony Lecointe), ça a fait tilt (rires) !

Dans la liste des entraîneurs côtoyés à Boulogne, vous n’avez pas cité votre prédécesseur, Christophe Raymond…
Mais je l’apprécie beaucoup ! C’est un oubli. C’est vrai que cela a duré peu de temps, j’ai beaucoup échangé avec lui. J’ai toujours été au service des coachs quand j’avais la réserve, pareil avec Christophe, qui est un bon coach, malheureusement, avec lui, la mayonnaise n’a pas pris.

« C’est la première fois que je gère des gens dont le foot est le métier »

Avec Anthony Lecointe. Le PhotographeHDF

Parlons de votre staff : vous le mettez sans cesse en avant, notamment votre adjoint, Anthony Lecointe…
Anthony, c’était mon capitaine au Portel, et j’échangeais déjà beaucoup avec lui. On a un fonctionnement bien défini. D’abord, je fais énormément confiance à mon staff, que cela soit Antoine Decaix notre préparateur physique, qui a lui aussi pas mal d’expérience. On a décidé de se faire confiance les uns les autres. Antoine a proposé une méthode de travail au niveau athlétique avec de « l’intégré » et du « dissocié », du travail pur de course parfois, et une planification. J’ai donné quelques lignes directrices. Moi, j’ai beaucoup travaillé sur l’aspect mental et humain, parce qu’avec Anthony (Lecointe), on croit beaucoup en l’humain. Anthony, lui, est plus dans la gestion tactique de l’équipe parce qu’il a une sensibilité, il observe beaucoup les matchs; après, forcément, il a été un joueur de haut niveau. Moi, j’ai déjà géré beaucoup de groupes, beaucoup d’hommes, même si là, c’est la première fois que je gère des homme dont le football est leur métier. On a beaucoup échangé là-dessus. J’ai aussi essayé de me servir des bienfaits des coachs qui m’ont précédé, mais aussi de ce qui me semblait parfois être de petites erreurs.

Un exemple d’erreur ?
Je pense que, quand on est pris par la machine des résultats, on regarde moins certains joueurs qui sont en réserve par exemple, parce qu’on a tendance à dire qu’ils sont à la cave alors que quand l’entraîneur de l’équipe réserve les a avec lui, il peut se rendre compte que, parfois, un mot, un regard, un peu d’attention, permet de relancer la machine : j’en ai eu l’exemple avec un garçon comme Jean Vercruysse, qui aujourd’hui est dans notre équipe en National. Jean était en réserve avec moi pendant 3 mois, il n’avait certainement pas eu la bonne attitude avec le coach de l’équipe Une (titulaire indiscutable en début de saison 2022-23, il avait ensuite été écarté pour « raisons disciplinaires ») et quand il est revenu, c’était un homme neuf. C’est important de s’appuyer sur les expériences de chacun.

« On est un staff sans faille »

Le Photographe HDF

Vous avez parlé d’Anthony, d’Antoine, et il y a aussi Hugo Stevenart dans votre staff…
Oui, c’est l’entraîneur des gardiens, il est plus jeune que mon premier fils (Hugo a 21 ans) ! On travaille tous les quatre en osmose. On est très proches les uns des autres. Je dis souvent à Antoine qu’ils pourraient être mes fils, ils me le rendent bien ! On se dit les choses. On est un staff sans faille.

Vous êtes aussi un staff boulonnais…
Oui, c’est aussi ce qui fait notre force. En terme de soutien populaire, les gens sont très chauvins, et le fait que le staff soit d’ici, avec Anthony forcément, qui est une icône à l’USBCO, avec moi, qui suis du quartier du chemin Vert à Boulogne, on a cette chance-là, d’être « populaires » entre guillemets, et puis on connaît le club de fond en comble, on connaît son histoire, on s’appuie dessus, c’est super-important. Je connais l’USBCO depuis que j’ai 8 ans ! J’ai tout connu, la DH, la Ligue 1…

« J’ai dit oui au président avant même de prévenir ma femme ! »

Un staff sans faille. Photo Philippe Le Brech

Début février 2023, le président Vincent Boutillier vous demande de prendre en charge l’équipe Une, dernière de N2 : avez-vous hésité, avez-vous eu peur ?
(Catégorique) Non. Je n’ai pas hésité. Il m’a appelé un lundi soir et m’a dit qu’il voulait prendre le petit déjeuner avec moi le lendemain matin. Je me suis demandé ce qu’il voulait. Je pensais qu’il me demanderait d’épauler le staff ou de prendre l’équipe Une, mais je n’avais pas d’indication. En fait, je pensais vraiment que l’on allait me demander d’intégrer le staff, parce que je m’entendais bien avec Christophe (Raymond), mais le club a décidé de se séparer de lui et a pensé que je pouvais être l’homme de la situation. Le président m’a demandé, si je prenais l’équipe, avec qui je voudrais travailler, et quand j’ai répondu sans hésiter Anthony (Lecointe), il m’a répondu « ça tombe très bien, j’ai pensé à la même personne que toi ! ». Et il m’a aussi dit : « J’ai besoin de ta réponse, mais tout de suite ». Donc j’ai dit oui, et on est parti voir Anthony, et avant même de prévenir nos femmes, on avait chacun donné notre accord (rires) !

Depuis votre prise de fonction, les résultats sont là, avec peu de défaites, 9 à ce jour, étalées sur trois saisons…
Neuf défaites ? C’est vrai, on a peu de défaites. La saison passée, en National 2, on a perdu 5 matchs je crois. Je savais que l’on était à moins de 10 défaites, mais je ne suis pas trop branché « stats », d’ailleurs, on m’a déjà reproché de ne pas le dire assez souvent. Je sais juste que, à un moment donné, on a avait 26 victoires sur 30 matchs.

« On aime les gens qui donnent tout »

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo USBCO

Y-at-il un style Dagneaux ?
Il n’y a pas de style Dagneaux en particulier, d’autant moins que l’on fonctionne en staff; à la limite, on pourrait plus parler de style Dagneaux-Lecointe. Je suis comme Anthony, nous on aime les gens qui donnent tout. On est dans un principe de ne jamais rien lâcher, de se dire que, sur le terrain, c’est 11 contre 11. Un homme reste un homme, c’est pour ça que l’aspect mental me paraît primordial, même s’il faut s’appuyer sur des aspects tactique et technique.

Voilà pourquoi notre binôme se complète très bien, car nous sommes deux personnes qui maîtrisons parfaitement ces points là, le mental et la tactique. Il faut rendre à César ce qui lui appartient : Anthony a beaucoup de clairvoyance dans le domaine tactique. Et dans l’aspect mental, je suis un meneur d’hommes comme on dit, je peux emmener avec moi des gens dans des défis un peu fous !

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo 13HF

La préparation mentale, c’est quelque chose qui vous a toujours plu ?
Oui. Je reste persuadé que, arrivé à un niveau, tous les joueurs ont le même bagage tactique et technique, et celui qui fait la différence, indépendamment du don, des qualités techniques et athlétiques que tout le monde n’a pas, c’est celui qui a une force mentale incroyable. J’ai vu évoluer des garçons comme Franck Ribéry ou même Anthony (Lecointe), avec tous les deux des caractéristiques différentes, j’ai côtoyé de près Jimmy Gressier, que j’ai eu comme joueur de foot (le champion d’athlétisme est né à Boulogne, quartier du chemin Vert lui aussi, et a joué à l’USBCO; Ndlr) ce sont des gens qui ont une force mentale incroyable, et qui, quand ils se donnent un objectif, le réalisent, parce qu’il parviennent à se surpasser dans la durée. On voit bien l’importance de l’aspect mental dans tous les sports. Se surpasser à l’instant T, tout le monde est capable de le faire, mais pour être un sportif de haut niveau, il faut le faire sur la durée. Une équipe, c’est pareil.

Quand j’ai pris la réserve, dernière de N3, on m’avait dit « Ce n’est pas grave si on ne se maintient pas, on continuera avec toi, etc, etc…  » Et là, j’ai dit « Comment ça si l’équipe réserve ne se maintient pas ? » On avait 14 points en février et j’ai dit « On va se maintenir ». Il n’y avait que deux personnes à y croire, Alexis (Loreille) et moi. On a renversé le mental de cette équipe. Et on y est arrivé. C’est un peu la même expérience que j’ai vécue avec l’équipe première de l’USBCO à ma prise de fonction en N2 : tout le monde nous voyait déjà en National 3 et parlait de reconstruire un projet… En fait, le président, le directeur général (Jérome Fouble), Anthony et moi, étions les seuls à y croire, et très vite, l’aspect mental a basculé, le groupe a vécu différemment, sur de la cohésion, sur l’envie de s’emmener les uns les autres. Anthony a apporté sa touche tactique, c’était vraiment la bonne complémentarité.

D’où vient ce goût pour l’aspect mental ?
Peut-être que ça vient des gênes de notre quartier, parce qu’on est tous ici du même quartier du chemin Vert, à Boulogne, alors quand on veut quelque chose, eh bien on l’obtient !

« Je suis content que l’on m’ait donné ma chance »

Les valeurs de l’USBCO, affichées devant le couloir menant aux vestiaires. Photo 13HF

Cette saison, vous découvrez le National dans le rôle de l’acteur, mais vous aviez eu le temps de vous faire une idée de ce championnat, quand vous étiez spectateur …
C’est sûr que là, en National, on est monté d’un cran en termes d’exigence. On essaie d’être encore plus pointilleux dans notre travail, encore plus dans le détail. On s’est rendu compte très vite que c’était un autre monde, ne serait-ce que dans les infrastructures, dans la qualité des joueurs, dans l’approche tactique des équipes. On sent qu’on est dans le monde pro, où tout au moins qu’on est très près du monde pro. On essaie de vite s’adapter au niveau aussi, parce qu’on a beaucoup de joueurs qui n’ont jamais joué en National. C’est vraiment un beau championnat et on espère y rester ! Par le passé, j’ai vu beaucoup de matchs de Boulogne en National même si, quand j’étais au Portel, je m’entraînais le vendredi soir, mais depuis que je suis revenu, j’ai vu tous les matchs, j’ai fait aussi deux intérims, quand Laurent (Guyot) et Stéphane (Jobard) ont eu la Covid, j’avais touché un peu le banc. Même quand Boulogne jouait à l’extérieur, je regardais les matchs chez moi, comme j’étais le coach de la réserve en plus… C’est là aussi où j’ai beaucoup appris : par exemple, avec Laurent (Guyot), le lundi, on discutait souvent du match de l’équipe réserve et aussi de son match, on échangeait.

Entraîner l’équipe Une de l’USBCO, c’est une revanche pour vous qui étiez déjà parti deux fois du club ?
Non. Il n’y a aucun côté revanchard. Je suis juste très content qu’on ait pu me donner ma chance, d’avoir parcouru tous les étages du club. Je vais vous faire une confidence : le jour du maintien en National 2… J’en suis encore ému rien qu’en en parlant… Ce jour-là, je me suis revu quand j’étais petit, quand je venais au stade, quand j’étais poussin, et là, je sauve le club d’une descente en N3. C’est l’image qui me revient et qui me restera. Et je me suis redit la même chose au printemps dernier, quand on est monté en National : « Voilà, t’as réussi un pari, avec des joueurs du cru, avec mon ami Anthony »… Parce qu’Anthony, je suis aussi son témoin de mariage. Là encore, plein d’images me sont passées par la tête, quand j’étais petit, mes entraîneurs, mes dirigeants. J’ai dû m’isoler un moment quand tout le monde était sur le terrain, parce que tout m’est revenu en tête.

« Le stade de la Libé transpire plein de choses chez moi »

Pour Fabien Dagneaux, « Boulogne est une vraie ville de foot ». Photo 13HF

Qu’est ce qu’il a de si particulier ce stade de la Libération ?
Il y a toujours eu une ferveur ici. Quand j’étais petit, le club était en DH, et même à ce niveau, il y avait du monde, alors qu’il avait joué en Division 2 juste avant. J’y ai tout connu. J’y ai joué dessus en foot à 7, en pupilles, forcément, il transpire plein de choses chez moi. Les gens lui sont fidèles. L’ambiance est bonne. C’est un stade qui regorge d’anecdotes, d’images, de souvenirs, qui nous fait vibrer, et aujourd’hui, de le voir rempli comme ça, de voir cette ambiance … D’ailleurs je remercie les supporters, parce qu’on a une vraie et belle ambiance, que je ne retrouve pas partout ailleurs.

Et ce public… On a l’impression qu’il encourage en toutes circonstances, qu’il est toujours derrière son équipe même quand ça joue mal…
Le public boulonnais, c’est un peu comme le monde de la pêche : il a surtout envie que les joueurs mouillent le maillot même si on est moins forts, même si on joue moins bien; ça, on l’avait beaucoup expliqué aux joueurs quand on avait repris l’équipe. Ici, ce n’est pas parce qu’on va jouer comme le Barça que le public sera content. Ce que les gens veulent, c’est des joueurs qui mouillent le maillot, qui se dépassent, et là, le public applaudira aussi bien un tacle, un but sauvé sur la ligne, un ballon dégagé en touche pour ne pas prendre de risque, qu’un beau geste technique ou plusieurs passes consécutives. Tout ça, c’est aussi quelque chose que l’on a mis dans les valeurs de notre équipe. On a le droit d’être moins bons que l’adversaire, mais on n’a jamais le droit de lâcher. Par exemple, récemment, contre Le Mans, on fait une bonne première période (2-0 à la pause), on est malmené en deuxième (Le Mans revient à 2-2) mais les joueurs n’ont pas lâché, et même si on avait fait 2 à 2, le public aurait été content, il aurait applaudi aussi, parce que les joueurs n’ont pas lâché (l’USBCO a finalement gagné 3-2 à la 90e). C’est une de nos vertus.

« Les valeurs de solidarité, comme quand on va en mer à la pêche »

Photo 13HF

Boulogne, vraie ville de foot ?
Oui, je pense que c’est une ville de foot plus qu’à Dunkerque, par exemple, qui est une grosse ville, et où il y a beaucoup de sports, Calais était une ville de foot aussi, d’ailleurs quand on était jeune, les derbys Boulogne-Calais, c’était quelque chose ! Il y a avait une rivalité bon enfant. Calais et Boulogne sont des vraies villes de foot. Dunkerque est plus omnisports.

Boulogne est connue pour être un port de pêche très actif économiquement : existe-t-il un lien avec le foot ?
Oui. Quand j’étais junior, j’ai été papa très jeune et j’ai travaillé très tôt avec monsieur Wytz dans une boîte d’import-export de poissons, dans la zone Capécure, et quand monsieur Wattez (président de la société COPALIS, spécialisée dans la valorisation des produits de la pêche) est arrivé à l’USBCO, tout le secteur de la pêche était derrière le club. Tous les Boulonnais ont un membre de leur famille qui ont un lien de travail avec la pêche, j’avais un oncle qui travaillait à la marée, comme on dit, des marins-pêcheurs dans la famille, Anthony a aussi travaillé à Capécure. Tous les Boulonnais ont un lien avec la pêche et le club de foot a une histoire avec elle, avec ces valeurs humaines très importantes, ces valeurs de solidarité quand on va en mer.

En ville, les gens vous reconnaissent-ils plus facilement ?
C’est l’avantage et l’inconvénient d’être un pur boulonnais ! Où que j’aille, il y a toujours des gens qui vous parlent de foot, ils sont contents de voir des Boulonnais à la tête du club, bien sûr, et quand on a des résultats, comme en ce moment, on a des encouragements. Les gens parlent avec nous ou nous disent juste bonjour, on sent qu’on leur donne du plaisir, et ça, c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché, idem pour les autres membres du staff : on a donné du plaisir aux gens, et ça, le mérite en revient aussi à l’équipe. On se rend compte que le foot peut vraiment être un vecteur de joie. On sent vraiment que le regard des Boulonnais envers le club est différent, qu’ils sont joyeux, derrière nous, et ça fait chaud au coeur quand on est natif d’ici. Parce qu’on connaît les problèmes sociaux que certains rencontrent. On a été au coeur de ça. Alors donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme. On me répète souvent aux joueurs : « Prenez du plaisir mais n’oubliez pas d’en donner aux autres ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Vous avez manqué :

– Vincent Boutillier : « J’ai envie de reconstruire une histoire à Boulogne (novembre 2022) :

https://13heuresfoot.fr/actualites/vincent-boutillier-jai-envie-de-reconstruire-une-histoire-a-boulogne/

– Sébastien Flochon : « À Boulogne, on respire le foot ! » (mai 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-2-sebastien-flochon-a-boulogne-on-respire-le-foot/

– Sylvain Jore : « À Calais, les gens n’attendent que ça » (septembre 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-3-sylvain-jore-a-calais-les-gens-nattendent-que-ca/

 

Arrivé début avril, le nouveau président de l’USO a déjà dû gérer pas mal de dossiers chauds dont celui des féminines, un épisode qui a laissé des traces. Il devra aussi se pencher sur celui des infrastructures, une nécessité économique selon lui.

Par Anthony BOYER / Photos : US Orléans

Avec le rachat au printemps dernier de l’US Orléans par Cyril Courtin, chef d’entreprise et président de HR Path, une société basée à Paris, spécialisée dans les ressources humaines et la « tech », et reconnue à l’échelle internationale, une page de l’histoire s’est tournée. Et si Philippe Boutron, qui a passé près de 15 ans à la tête de l’USO, n’a pas cédé aux sirènes de ces fonds d’investissement étrangers, c’est tout à son honneur, surtout que Cyril Courtin, 52 ans, est né à Orléans, a fréquenté les bancs du lycée voisin de La Source à Voltaire, y a encore des amis et des attaches familiales, et ça, finalement, c’est le signe d’une stabilité et d’un désir de ne pas perdre son identité et son ancrage local.

L’USO est a priori entre de nouvelles bonnes mains et Cyril Courtin, un homme chaleureux, disponible, ouvert et à l’écoute, qui ne manque pas d’idées, n’est pas venu tout seul : il est accompagné d’un co-actionnaire, François Boulet, co-fondateur et co-président de HR Path, dont on peut désormais voir le logo sur les maillots.

Vendredi dernier, depuis ses locaux parisiens, Cyril Courtin a répondu à nos questions à bâtons rompus et accepté de revenir sur certains dossiers « chauds » de l’actualité récente de l’USO. Il faut dire que, pour un club à la réputation « tranquille », il s’est passé énormément de choses en six mois : maintien en National à assurer, chèque de 2 millions à signer pour terminer la saison, départ de l’attaquant Kevin Fortuné en avril, passage devant la DNCG (le club était sous la menace d’une rétrogradation administrative en N2), départ du coach Karim Mokeddem pour Sochaux, coupe franche chez les féminines avec une demande de rétrogradation de D2 en D3, arrivée d’un nouveau coach (Hervé Della Maggiore), mercato, la buvette qui prend feu, le rugby qui veut jouer à La Source, etc. Suffisant pour faire dire à Cyril Courtin, qui a extrêmement mal vécu l’épisode de la section féminine, au point d’avoir songé à revoir son engagement, qu’il est « blindé ».
Il raconte ses premiers mois à la tête de l’USO et son désir de voir un nouveau stade sortir de terre. Il en va, selon lui, de l’avenir du club et de sa pérennité économique.

Interview : C’était un rêve de gosse !

Vous étiez déjà actionnaire de l’USO entre 2015 et 2018. Pourquoi être revenu en force au printemps, en rachetant le club ?
On n’a qu’une vie ! C’était un rêve de gosse de pouvoir m’impliquer, d’une façon ou d’une autre, dans le monde du sport, du football en particulier. Effectivement, j’avais eu cette expérience inachevée entre 2015 et 2018, parce qu’un ami m’avait présenté Philippe Boutron (l’ex-président). Cela avait été une expérience très positive et puis, un peu avant l’été 2023, ça m’a vraiment trotté dans la tête : j’ai 51 ans à l’époque, ce n’est pas dans 20 ans qu’il faudra le faire ! J’avais envie de voir autre chose. J’ai initié quelques contacts via Vincent Labrune (le président de la LFP est un de ses amis d’enfance), et pour être très transparent, je me suis aperçu que l’une des contraintes de l’US Orléans, c’était que cela ne soit pas tout près de chez moi, à Paris, du coup j’ai d’abord regardé un peu plus en région parisienne, sans que cela n’aboutisse à quoi que ce soit. Et puis il y a eu l’alignement des planètes : voilà un an, Philippe Boutron, avec qui j’avais gardé de très bons rapports, m’a appelé, et m’a signifié qu’il allait raccrocher. Il m’a demandé si c’était quelque chose qui pouvait m’intéresser. Cela tombait bien puisque c’était un vrai projet, donc je lui ai répondu oui. Une fois que je lui ai dit ça, il a fallu voir les conditions, le planning pour me laisser un peu de temps, les finances, et on a échangé entre octobre 2023 et mars 2024 pour arriver jusqu’à cette fameuse vente du 5 avril dernier. Cela a été un peu une course contre la montre. Le club était vraiment en grosses difficultés, il lui fallait absolument un repreneur. C’est là où je suis arrivé avec plein de bonnes ondes.

Pourquoi le choix de l’US Orléans ?
Cela cochait toutes les cases sauf l’extrême proximité. Il y avait tout le reste : le foot, mon club de coeur, ma ville natale, donc c’est comme ça que je suis arrivé.

La situation financière critique dans laquelle était le club, cela ne vous a pas effrayé ?
Oui, la situation était compliquée financièrement, elle l’est toujours parce qu’elle n’a pas beaucoup changé. Mais c’est surtout que, sportivement, à mon arrivée, on jouait le maintien, parce qu’avec les 6 descentes en National 2, jouer sans attaquant… Il y a eu une histoire avec notre attaquant principal (Kevin Fortuné) qui a dû quitter le club, on avait d’autres attaquants blessés, donc on a réussi à faire des 0-0 jusqu’à l’avant-dernier match à domicile contre le Red Star où, là, on gagne 2-1, tout en étant conscient aussi que notre adversaire était déjà assuré d’être en Ligue 2. Ce fut ma première onde positive.

« C’est Vincent (Labrune) qui a parlé de moi à Philippe (Boutron) »

Philippe Boutron a présidé l’USO de 2010 à avril dernier.

Pourquoi, selon vous, Philippe Boutron a pensé à vous ?
Parce que j’avais demandé des infos à Vincent Labrune sur des clubs potentiellement intéressés par une vente ou l’arrivée d’autres actionnaires, et comme il y a des réunions assez régulières entre les présidents de clubs professionnels, Philippe a croisé Vincent et il lui en a parlé, et puis Vincent lui a dit « tu devrais appeler Cyril, ça peut l’intéresser ». C’est comme ça que le contact s’est fait.

Quand vous dites que, géographiquement, vous n’êtes par à Orléans, vous n’êtes cependant pas loin non plus…
C’est vrai, mes bureaux sont à Paris, j’habite Sèvres, donc je suis du bon côté ! J’ai une heure et quart porte à porte, ça se fait assez bien, et puis j’ai de la famille et des amis à Orléans. Mercredi dernier, par exemple, j’étais au match à La Source (contre Valenciennes, match en retard, victoire 4-1) et je suis resté dormir chez ma maman. Mais bon, je ne suis pas tous les jours au club, parce mon activité principale reste mon entreprise. C’est pour ça, de ne pas pouvoir consacrer assez de temps à l’USO est une de mes frustrations, et de ne pas pouvoir y consacrer plus de moyens aussi, mais ça va, ce n’est pas si lourd.

Orléans, ce n’est pas non plus si éloigné que ça de vos bureaux à Paris…
Oui c’est vrai. Et puis je crois, même si je ne suis pas sûr du chiffre, qu’il y a environ 5000 personnes d’Orléans qui bossent à Paris, et même dans les deux sens maintenant. Depuis la Covid, beaucoup de Parisiens sont venus s’installer vers Orléans, mais à moyen terme, cela risque d’être un peu compliqué, parce que les boîtes sont en train de revenir en arrière. D’ailleurs, je ne suis pas le dernier à penser que l’on ne peut pas tous travailler à 100 % derrière un PC.

Racontez-nous votre histoire : vous êtes né à Orléans ?
Oui et j’y suis resté jusqu’à la fin de ma maîtrise, puis j’ai fait un an à Grenoble, je suis revenu à Orléans où j’ai fait un service civil, puis j’ai été recruté par une boîte dans les études économiques d’urbanisme à Orléans, j’y suis resté un an et puis ma petite amie de l’époque, qui est mon épouse aujourd’hui, faisait ses études à Paris, c’était l’époque des démarrages forts autour des activités de la SAP (outil RH), c’est comma ça que j’ai été recruté en 1998 à Paris.

« Changer les habitudes, ce n’est pas évident »

Avec le co-actionnaire de l’USO et co-fondateur de HR Path, François Boulet.

Succéder à Philippe Boutron, qui a marqué le club pendant près de 15 ans, c’est difficile ?
Difficile, pas tant que ça. Philippe m’a proposé de m’accompagner, mais ne s’immisce pas. Il vient très régulièrement aux matchs, d’ailleurs, il est mon invité permanent au stade de la Source, il le sait. Vous savez, j’ai un immense respect pour tout ce qu’il a fait. Le fait qu’il ait choisi mon offre, qu’elle soit prioritaire, que je sois Français, Orléanais… Cela a facilité les choses. La seule difficulté, mais elle est humaine, ce sont les habitudes : parce qu’il y a au club des personnes en place depuis 30 ans ou 40 ans, et changer les habitudes, ce n’est pas évident, mais ça, c’est valable partout. Les Français y sont réfractaires. Il faut y aller petit à petit, je ne suis pas un bulldozer. J’ai un super DG (Reynald Berghe, directeur général), mais il faut améliorer, professionnaliser, donner des moyens humains et financiers. Quand je suis arrivé, j’ai rencontré les plus gros partenaires. Il y en a un, qui s’appelle « partnaire » justement (Agence d’intérim Partnaire, un des principaux sponsors et partenaire maillot), qui n’a pas continué, mais ce n’était pas contre moi, c’est juste qu’il était là par amitié pour Philippe, d’ailleurs je savais qu’il allait stopper son engagement quand j’ai signé le rachat de l’USO. Sinon, j’ai été plutôt bien accueilli. Après, on est dans le foot, donc je sais très bien que, quand cela ne va pas bien, c’est l’entraîneur et le président qui trinquent. Là, les résultats sportifs sont positifs, les gens sentent qu’il y a un dynamisme et une volonté de changement, d’aller vers le haut, de dépoussiérer, de ne pas rester dans une routine sur un certain nombre de sujets.

Adolescent, vous alliez voir les matchs à La Source ?
Je suivais le club, oui, mais je ne suis pas allé voir beaucoup de matchs quand j’étais petit, pour une raison logistique : j’habitais Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, mes parents arboriculteurs bossaient sept jours sur sept et ne pouvaient pas m’emmener au stade. Donc jusqu’au bac, j’allais au lycée en bus, à Voltaire, à La Source justement, et je rentrais. J’ai joué au foot jusqu’à 12 ans dans le club de Saint-Hilaire et dans les regroupements de clubs avec Dry, avec Mareau (Mareau-au-Près), etc, je faisais de la musique en parallèle, je n’ai pas eu le choix, j’ai dû arrêter le foot, j’ai continué la musique. Et le samedi, on se donnait rendez-vous à 15h au stade du Donjon à Olivet, on jouait de la musique avec un groupe de potes, Vincent (Labrune) venait de temps en temps, c’est là que j’ai rencontré plein de gens. C’était devenu une institution. Mais je n’ai pas eu la possibilité d’aller voir beaucoup de matchs. Après, quand j’étais actionnaire, je venais au conseil d’administration mais je n’allais pas régulièrement au stade, mes enfants étaient plus petits aussi.

« La réalité a dépassé ce que j’imaginais »

Avec Jean-Michel Aulas.

L’USO, c’est un peu un échappatoire ? Une façon d’évacuer, de sortir du cadre de votre entreprise, de voir autre chose ?
Oui, oui ! Bien sûr, il y a la volonté de bien faire, mais aussi de voir autre chose. Mon associé le sait : en rachetant l’USO, j’avais tout évalué, même l’option de complètement sortir de ma boîte actuelle, mais finalement, après avoir échangé avec les associés de manière transparente, on a trouvé ce modèle qui me va bien sur le papier, même si on fait plus que 100 % mais ça, c’est la vie, parce que j’avais envie de connaître autre chose. La réalité a dépassé ce que j’imaginais. Et puis, quelque part, de se mettre un peu « à risque », d’apprendre de nouvelles choses… D’ailleurs, j’ai plus appris en six mois à l’USO que pendant un certain nombre d’années dans ma boîte où tout est bien rodé. Là, quand vous arrivez dans le foot, qu’on vous parle de la DNCG, des budgets, des règles entre l’association et la SASP… J’apprends et je fais tout ça avec beaucoup d’humilité. Je fais confiance à des gens. Je voulais voir deux mondes différents, changer de costume, avec aussi des choses qui se rapprochent, parce qu’un club de foot reste une entreprise, et d’être impliqué.

C’est important pour vous d’avoir François Boulet avec vous dans l’aventure ?
Oui, c’est important, parce qu’on est très-très différent, c’est ça un binôme, même s’il me laisser gérer. François (Boulet), mon associé, même s’il n’est pas visible, est aussi mon co-actionnaire. Cela faisait partie des cases que je souhaitais. On est solidaire. Et quand il y a eu cette histoire avec l’équipe féminine, heureusement que j’avais mes proches et lui, qui m’ont soutenu. J’ai pris sur moi-même. Quelle injustice ! Pendant quelques jours, personnellement, j’allais très mal. Il m’a forcé la main pour prendre une boîte de communication afin de mieux gérer certaines situations. François, je le remercie chaque jour de m’avoir proposé, de m’avoir imposé même son soutien. C’est un vrai plus. Il m’a dit « On le fait ensemble ».

« Personne ne m’a mis des menottes »

Les joueurs de l’USO ont battu Valenciennes mercredi dernier et pointent à la 3e place du National après 8 journées.

Maintenant que vous êtes dans le foot, c’est comment de l’intérieur ?
(Catégorique) C’est compliqué. C’est magique aussi. J’en parlais justement l’autre jour avec Hervé (Della Maggiore), notre entraîneur, qui disait : « le foot, c’est 20 % de bonheur et 80 % d’emmerdes ». Je dirais plutôt « 10 % de bonheur et 90 % d’emmerdes », parce que, jusqu’à présent, je peux compter sur les doigts de la main les vrais moments de plaisir. Bien sûr, je prends du plaisir au quotidien, mais ce qui est compliqué, c’est d’être en National parce qu’il n’y a pas de moyens financiers. Certains clubs arrivent à équilibrer leur budget, ou alors ce sont des budgets moins élevés ou alors ils ont des gros fonds d’investissement qui mettent beaucoup d’argent. Et puis, il y a les liens avec l’association : il ne faut jamais oublier qu’il y a beaucoup de personnes qui sont bénévoles, qui donnent de leur temps après leur travail, ce n’est pas évident de faire avancer la machine, parce qu’on ne peut pas non plus trop pousser des personnes qui ne sont pas salariées. Ma plus grosse frustration, elle est là : c’est d’être contraint par des budgets; même si on met beaucoup d’argent dans le club, ce n’est jamais assez, ce n’est pas comme dans mon entreprise, qui a des moyens, qui est rentable, qui a des budgets de développement consacrés au marketing et à la com’, qui a des méthodes de management, alors qu’à l’USO, on regarde, on se dit « il faudrait faire ça », « ça coûte tant », « dommage on ne va pas pouvoir le faire ». Pour synthétiser, c’est plus dur que ce que je ne le pensais, mais je l’ai choisi, je ne m’en plains pas. Personne ne m’a mis des menottes. Après, il ne faut pas trop venir « m’emmerder » non plus !

« Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre »

Avec l’un des deux membres du groupe La Jarry, qui a composé le nouvel hymne de l’USO.

Depuis votre arrivée, vous n’avez pas eu le temps de vous ennuyer, avec déjà pas mal de « crises » et de choses à gérer…
Ah oui oui ! D’ailleurs, en plaisantant, Philippe (Boutron) me dit, « t’es un champion du monde », et mes potes me chambrent en ce moment, ils me disent : « Que se passe-t-il à l’USO, c’est bien calme en ce moment ?! » En fait, quand je suis arrivé, on ne pensait d’abord qu’à se sauver en National. Et il y a eu ce match face au Red Star, un super-moment. Une fois ce maintien assuré, cela a été pire après, car il a fallu se plonger dans les budgets. j’en avais présenté un sur 3 ans à la DNCG, je me suis promis avec mon associé d’être en conformité avec ça, mais que je ne ferais pas plus, sinon à court terme, cela pouvait enlever une année, mais il a fallu faire des réajustements, et je ne détermine pas les règles du foot… Le seul moyen de parvenir à avoir plus de ressources, c’est de monter en Ligue 2 mais je n’ai pas la prétention de garantir que l’on va y arriver donc on ne pouvait pas sanctionner l’équipe masculine alors on a regardé vers les féminines, mais contrairement à ce que les médias ont dit, il n’a jamais été question de supprimer la section féminine, mais de la descendre d’un niveau (de D2 en D3). J’ai sous-estimé l’impact médiatique mais j’ai été aussi maladroit. Certaines personnes de l’association m’ont un peu lynché, et elles ont préféré quitter le navire plutôt que d’affronter leurs responsabilités. Dans le même moment, Karim (Mokeddem, l’ex-entraîneur) décide de partir, il faut reconstruire l’équipe, il faut présenter un budget devant la DNCG… voilà, c’était un enfer.

Cette polémique sur les féminines, on sent que cela vous a vraiment marqué…
Oui, et je ne cache pas que … Je n’étais pas très loin de… (Il se reprend) Parce que là, ce n’est pas le club que l’on attaquait, mais moi. Je trouvais ça décalé de la réalité. C’est allé très loin, jusqu’à la ministre des Sports. Ce n’était pas ma décision, mais une décision « club ». J’ai quand même tout fait pour essayer de le sauver, donc je n’ai pas dormi pendant une semaine. Je n’étais pas loin d’aller devant la DNCG, de défendre le budget de l’année prochaine, de mettre l’argent pour l’année prochaine, et après de dire « maintenant vous vous démerdez ». Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre. Et là, qui est venu sauver ma tête ? Jean-Michel Aulas (président de la nouvelle Ligue féminine de football professionnel) ! C’est lui qui est intervenu. C’est un grand monsieur. Il m’a appelé. Il m’a écouté. Il m’a compris. Il m’a aidé. Il a vu que je n’avais pas le choix. Il a calmé tout le monde, y compris la ministre qui ensuite est venue apporter son aide. Il faut bien comprendre que les aides ne peuvent pas être éternelles s’il n’y a pas des ressources supplémentaires qui arrivent, c’est pour cela qu’il faudra refaire des choix l’an prochain, réfléchir à des solutions alternatives. Je suis un entrepreneur, on n’est pas au casino, je ne vais pas faire « All in » (tapis), je ne peux pas miser sur une montée en Ligue 2. Ma réflexion n’a pas changé par rapport à ça.

« Ces premiers mois m’ont endurci »

Avec le président du District du Loiret, Benoît Laine.

Vous n’avez pas encore 7 mois de présence dans le foot et vous êtes déjà blindé !
Vous avez raison ! Le point positif, c’est que cela m’a endurci. Je n’apprécie pas énormément le conflit et là, j’ai pris cher, mais cela m’a beaucoup apporté d’un point de vue personnel. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise pour affronter la presse. C’est vrai que ces dernières années, les médias n’avaient plus trop parlé de l’USO. Là, des gens m’ont dit « au moins cela fait parler d’Orléans ». J’aurais préféré que l’on parle du club différemment. J’avais deux choix : soit j’allais au fight, mais je n’en avais pas la capacité, soit on prônait la solution de se faire aider en matière de communication et c’est ce que l’on a fait, donc je n’ai pas parlé directement, et aujourd’hui il y a des règles, on passe par la com’. Et puis les médias ont senti qu’ils étaient allés un peu trop loin, peut-être parce qu’ils ne me connaissaient pas, parce qu’ensuite, il y a eu des articles un peu plus de fond. Aujourd’hui, ma relation est très correcte avec eux. Mon téléphone reste ouvert. Quand je les croise on échange, parfois même en off, ça ne sort pas. J’aurais vraiment préféré que ces événements n’arrivent pas. Tout le club aurait pu être en péril parce que la DNCG, qu’est-ce qu’elle aurait dit si on n’avait pas fait ce choix ? Elle aurait rétrogradé les garçons. Cela a été une expérience douloureuse. Je suis sur que j’appréhenderai mieux les prochains événements difficiles.

« Mon objectif est sportif et économique »

Changeons de sujet : lundi 7 octobre, les présidents de National se sont réunis à la FFF et ont à nouveau évoqué la Ligue 3…
J’ai rencontré les présidents. Il y a des personnalités très très différentes, tant en termes d’âge que d’expérience, et je remercie Thierry (Gomez, président du Mans FC), qui est l’instigateur de tout ça, parce qu’on est beaucoup de présidents à être arrivés tout récemment. On a un groupe WhatsApp et on partage ces points communs : une énorme solidarité, l’envie d’avoir cette Ligue 3, d’être tous soudés, de pouvoir passer du temps ensemble de manière conviviale, de bien recevoir et d’être bien accueilli quand se déplace les uns chez les autres, parce que des matchs, on va tous en perdre et on va tous en gagner. Certains présidents sont plus dans le sportif, d’autres dans le développement du marketing et de la communication, c’est intéressant de partager toutes ces idées.

Avec le coach Hervé Della Maggiore.

Orléans, de l’extérieur, semble une ville tranquille, paisible, et son club de foot a traversé des périodes sombres, avec un historique lourd…
Orléans, c’est vrai, est une ville tranquille, bourgeoise, un peu « cul serré », où tout le monde se connaît et où tout le monde sait tout sur tout. C’est aussi pour ça que je suis content d’être à Paris, je n’ai pas de lien politique avec la ville, je suis un peu agnostique par rapport à ça. Après, c’est une très belle ville, qui s’est beaucoup améliorée en termes d’architecture ou d’un point de vue des transports ces dernières années, elle est attractive, parce qu’elle est à 100 gros kilomètres de Paris. Elle est attractive aussi pour les joueurs. Après, historiquement, l’US Orléans n’a jamais été en Ligue 1 et mon associé me dit souvent, en plaisantant, « On va aller jusqu’à la Ligue 1 et la Ligue des champions !!! » Non, mon seul objectif, il est sportif bien sur mais principalement économique. En National, il y a des grosses écuries. Regardez, vous avez vu les noms des clubs ? Je suis sûr que si l’on demandait à quelqu’un de pas très connaisseur la liste des clubs de Ligue 2 et de National, il se tromperait pour composer les deux championnats ! Le National, on dirait une Ligue 2, il y a de très bons clubs, le niveau de jeu est quand même très bon, alors bien sûr, il y a parfois des mauvais matchs, mais en Ligue 1 aussi parfois on se fait chier devant la télé.

« Ma vrai bataille, ce sont les infrastructures »

Le stade de la Source, à Orléans.

On dit que pour qu’un club puisse « tenir », il faut qu’il ait le bassin économique, la popularité, le soutien des instances et les infrastructures : l’USO a-t-elle tout cela ?
C’est un vrai sujet. Le bassin économique, on l’a, on est une métropole de plus ou moins 300 000 habitants tout de même. Orléans est une ville très étudiante, avec de grosses universités, des écoles, donc de ce point de vue-là, je ne suis pas inquiet. Il y a beaucoup de sport aussi à Orléans, le basket, le hand, le rugby, et c’est très bien, il n’y a pas de rivalité.

En fait, ma vraie bataille, ce sont les infrastructures. Je suis en train d’activer des réflexions, de pousser les murs. Je veux que l’USO ait un nouveau stade. Le mois dernier, la buvette a brûlé, il y a forcément des travaux à faire pour en reconstruire une. Ok, je ne suis pas fermé à des idées de rénovation, mais je pense que c’est une connerie (sic) de faire des millions de travaux dans un stade qui a plusieurs décennies, qui n’est pas forcément situé au bon endroit, même s’il y a beaucoup de transports. Après, il ne faut pas se leurrer non plus, on ne pourra pas construire un stade en centre-ville. Il faut juste bien le situer. C’est une nécessité économique. Le monde du sport évolue et si, pour des raisons X ou Y, l’USO doit rester encore quelque temps en National, il faudra trouver des ressources, or les seules ressources, ce sont les partenaires publics.

Bien sûr, il y a les partenaires privés aussi mais vous avez vu les loges à La Source ? On est très perfectible dans le domaine du réceptif. Le foot doit être un moment de convivialité, où on vient en famille, avec des clients, à un prix raisonnable. Avec le nouveau complexe CO’Met Arena, l’OFB basket arrive à avoir 8000 ou 10 000 spectateurs à chaque match : je suis très content pour eux mais est-ce que le basket ou d’autres sports attirent plus de spectateurs que le foot en général ? Deux ou trois fois par an, CO’Met est loué pour le handball, comme vendredi dernier, quand les « Septors » (Saran Loiret handball) ont joué devant 10 000 spectateurs (9069 billets vendus !) pour un match de handball de Pro D2, ils ont battu le record d’affluence de la division, avec un showcase, Big Flo et Oli, le bénéfice est énorme même si cela a un cout élevé. Et le président du Rugby (Didier Bourriez, président du RCO, Nationale 2) a déjà annoncé qu’il voulait joueur au stade de la source dès la saison prochaine… OK, je n’y suis pas opposé, je suis en bonne relation avec lui, mais là, on a balancé ça comme ça, alors qu’il n’y a rien d’officiel sur le sujet. Il y a quand même des contraintes.

Voilà, moi, je ne suis pas du tout opposé à l’idée de lancer la création d’un nouveau stade qui serait partagé par deux sports et de laisser le centre d’entraînement de l’USO au stade de la Source. J’espère un jour que l’on pourra lancer un centre de formation, en améliorant certaines choses. Je trouve que ce serait plus cohérent que de faire du rafistolage. Et je ne demande pas un gros stade. Entre 10 ou 15 000 places, avec du vrai réceptif, des commerces autour, bien situé, avec des transports.

« La Source n’est plus homologuée pour la L2 »

CO’Met Arena, un nouveau complexe à Orléans : la semaine dernière, un match de handball de Pro D2 a attiré 10 000 spectateurs.

Vous avez une vision à long terme, pas celle d’un président qui n’est là que pour deux ou trois ans…
En fait, s’il n’y a pas de nouvelles ressources, dans deux ans, je suis parti, parce qu’il faut savoir être raisonnable. Je ne vais pas dire à ma femme « Il faut vendre la maison ». J’espère qu’on y arrivera. Cela ne dépendra pas que de moi, parce que je prends beaucoup de plaisir mais aujourd’hui, avec les nouvelles règles de la Licence Pro, le stade de la Source n’est plus homologuée pour la Ligue 2. C’est ma vraie bataille. Et je vois que certains ne trouvent pas cette idée complètement idiotes : un stade, pour sortir de terre, il faut 3 ans. Indirectement, cela amènera des ondes positives pour tout le monde et apportera une nouvelle dynamique.

Sentez-vous le soutien des partenaires et des collectivités ?
Quand je suis arrivé au club, c’est l’une des premières questions que l’on m’a posées : allez-vous construire votre stade ? Bon, je ne suis pas milliardaire ! Je ne suis pas complètement fermé à une option mixte, en s’associant comme on le fait dans ma boîte, en faisant appel à des tours de table privés, avec une dette sur 20 ans parce qu’il peut y avoir des revenus; après, les collectivités, je les comprends, il y a des budgets, tout le monde demande de l’argent, ce n’est pas simple. La porte n’est pas complètement fermée de leur côté, mais elle n’est pas encore ouverte. Il faut y réfléchir, faire un avant-projet, voir s’il y a du foncier, voir combien ça coûte, etc. Il y a des personnes dans les collectivités qui sont réceptives à ce projet et prêtes à apporter une partie du financement.

Ce n’est pas tabou de vous demander le budget de l’USO cette saison ?
Un peu moins de 5,5 millions.

« Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise »

Vous êtes dans les Ressources humaines, le parallèle est tout fait avec le foot, où vous avez déjà dû gérer des crises…
Il y a des similitudes, en effet. Mon activité me sert. Des conflits, des soucis, il y en a eus et il y en a régulièrement. On n’est pas là pour partir en vacances ensemble, on est là pour travailler, dans le respect, la confiance. À Orléans, tout se sait, mais tout ce qui se passe dans le club doit rester dans le club. Je prends un exemple : un salarié de l’USO me demande « Est-ce que mon poste est à risque ? »… Non ! Après, on est une organisation, on veut aller dans un sens, et si des personnes n’adhèrent pas, et bien c’est comme dans mon entreprise, la porte est ouverte. Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise. La petite différence, c’est que dans ma boîte, il y a des gros salaires, du turnover, parce qu’ils sont beaucoup « chassés », il y a un certain niveau je dirais, sans dénigrer le foot où faire sortir les gens de leur routine, avoir de nouvelles idées, changer les habitudes, les faire grandir et travailler ensemble, sont des choses que l’on essaie de faire. Je voudrais que ça aille plus vite, que l’on fasse plus de choses. Après, je suis un peu frustré, parce que je voudrais aussi renforcer cette équipe de salariés, mais ce que je veux, c’est que les gens prennent beaucoup d’autonomie, qu’ils n’aient pas peur : avoir une idée, critiquer mais proposer une solution pour améliorer la situation, c’est ça le coté RH et pour ça, j’ai un super DG (Reynald Berghe), qui a plus de 30 ans de foot avec les années du LOSC. Il est hyper carré et veut mettre en place des process. Ce n’est pas le plus grand des communicants mais il est parti de loin et est arrivé jusqu’en Ligue des champions.

Hervé Della Maggiore, votre coach, n’est pas non plus le plus grand des communicants…
Non, mais Hervé, je l’aime beaucoup. Moi non plus, je ne suis pas un grand communicant. Prendre le micro, à la fin du match, à quoi ça sert ? Hervé reste paisible mais peut être assez piquant dans ses mots, je l’ai vu dans les vestiaires. Ce n’est pas quelqu’un qui parle trop en tout cas et moi ça me va.

« Président, donnez moi plus d’argent ! »

Votre dernière grande joie, c’est la victoire en match en retard face à Valenciennes (4-1), avec le nouvel hymne en plus !
Oui, c’est la 2e plus belle soirée sportive sur le nouveau projet ! On n’était pas sur de jouer ce match à rejouer à cause des conditions climatiques. Contre Dijon, on avait fait la même prestation mais on n’avait pas gagné. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir jouer mon équipe, ça compense largement le reste ! Quant à l’hymne, y a toujours des gens qui n’aiment pas mais je voulais le faire, en y associant des gens d’Orléans, « La Jarry » : ce sont des Orléanais, qui sont un peu plus connus aux États Unis et au Canada. On n’a pas fait du rap, mais du rock. Même si j’essaie de faire venir un public plus jeune, je ne voulais pas non plus froisser nos partenaires actuels et notre public aussi. Même les joueurs se passent l’hymne dans le vestiaire, ils aiment bien le passage « Président, donnez moi plus d’argent ! » Un clip va sortir et il va aussi y avoir le tramway aux couleurs de l’USO, comme pour les autres disciplines, le 23 octobre, ce n’est pas anodin. Il faut que ça rayonne !

Ecoutez l’hymne :

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’artisan de l’accession historique d’Aubagne en National, qui se revendique du football amateur, a retrouvé « son » Sporting cet été, où il avait laissé de bons souvenirs il y a 8 ans. Le Marseillais à la carrure imposante et au caractère entier se confie, sans filtre. Mais pas sans accent !

Par Anthony BOYER

Photo 13HF

Mohamed Sadani a l’accent provençal bien prononcé et la faconde des gens du sud. Le nouvel entraîneur du Sporting-club de Toulon a aussi le tutoiement facile, le sens de la formule et de l’autodérision, et sait charmer son interlocuteur.

Bref, Sadani a, comme tout bon marseillais qui se respecte, la gouaille, comme on dit. « Mais c’est dur d’être Marseillais à Toulon », lance-t-il ! On pourrait lui répondre que l’inverse doit sans doute être vrai aussi. Et puis, avec son franc-parler, il en rajoute une couche : « C’est dur d’être marseillais et arabe à Toulon, tu comprends… ! »

Premier bail toulonnais de 2013 à 2016

Pour celui que ses amis surnomment évidemment « Momo », et même certains joueurs – « Je sais que ça peut déranger mais je n’y vois aucun inconvénient » – « l’adjectif « nouvel » (pour nouvel entraîneur) n’est pas tout à fait exact.
L’ancien coach emblématique de La Penne-sur-Huveaune, à 5 kilomètres d’Aubagne, qui va fêter ses 53 ans dans quelques jours, s’est déjà assis pendant trois saisons sur le banc des Azur et or, entre 2013 et 2016. Trois saisons couronnées de succès puisque le Sporting était passé de la Division d’Honneur au CFA (N2). Le début du renouveau toulonnais, pensait-on à l’époque. Tu parles…

Retour à la case départ, en N2

Photo 13HF

Huit ans après, Mohamed Sadani a retrouvé le club là où il l’avait laissé, en National 2. Un niveau dont Toulon n’est pas parvenu à s’extirper, excepté à l’issue de la saison 2018/19, emmené par le coach Fabien Pujo, artisan de l’accession en National. Mais, une fois retrouvée l’antichambre de la Ligue 2, un début de saison très moyen et la Covid-19 ont rapidement brisé les espoirs de maintien (la saison fut stoppée par la FFF à neuf journées de la fin).

Depuis, Toulon végète en National 2. Stagne. S’enlise. Ne s’en sort pas. Joue devant 500 spectateurs dans ce stade de Bon-Rencontre d’un autre temps, qui peut contenir 15 fois plus de personnes, qui renvoie constamment aux images du passé, et qui ne demande qu’à vibrer à nouveau. Parce que, détrompez-vous, avant d’être une ville de rugby, Toulon est une ville de foot.

Beaucoup plus qu’Aubagne, ça c’est certain. Mais ce que Mohamed Sadani a réussi à faire la saison dernière dans la ville de Marcel Pagnol a renforcé son crédit : qui aurait misé sur l’accession en National du club provençal ? Personne. Pas même lui. Et qui aurait pensé que, quelques semaines après cette saison historique, il quitterait le banc de l’AFC, alors que le National lui tendait les bras ?

L’épisode de l’intersaison et les récentes déclarations de son ancien président, Lionel Jeanningros, ont ravivé le douloureux souvenir d’un départ qui, c’est facile de le comprendre, n’était pas programmé. Mohamed Sadani a accepté de revenir sur cet épisode, précisant toutefois que Lionel Jeanningros n’était pas la source du désaccord.

Sadani, l’homme de la montée d’Aubagne, libre, le Sporting-club de Toulon a sauté sur l’occasion après le revirement de dernière minute du coach de Jura Sud, Valentin Guichard. Claude Joye, le président du Sporting, qui n’avait jamais coupé les ponts avec lui, a pris son téléphone. La suite, c’est Sadani qui la raconte.

Interview : « J’ai fait une vie de foot ! « 

Repro 13HF

« Momo », commençons par un constat : tu n’as jamais entraîné en National, est-ce un regret ? Un objectif ?
Ni un regret, ni un objectif. Après la saison qu’on a réalisée à Aubagne, improbable, c’est vrai que j’aspirais à le faire, mais je n’étais pas en accord avec une personne du club, qui n’est pas le président Lionel Jeanningros contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Le président Jeanningros qui, voilà quelques jours, en a rajouté une petite couche sur toi…
Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. C’est n’importe quoi ! On a dit que j’étais parti à Toulon parce que le Sporting m’a fait une offre supérieure à celle que me proposait Aubagne : c’est complètement faux. Je gagne moins ma vie à Toulon qu’à Aubagne. Voilà. Je n’ai pas l’habitude de mentir. Je vais te dire comment ça s’est passé : le lundi, j’étais en désaccord avec Aubagne, le mercredi Claude Joye, le président de Toulon, qui a appris que je quittais Aubagne, m’a appelé, et le vendredi on s’est vu. Et le samedi, j’ai accepté. J’ai accepté parce que je connaissais la maison. Maintenant, pour en revenir au National, entraîner à ce niveau, ça serait une consécration. Mais à aucun moment je ne serais parti d’Aubagne si j’avais eu la possibilité de le faire à Aubagne, je serais resté, bien sûr…

« Tant que je me régale »

Mais avec l’accession d’Aubagne, une opportunité comme celle-là ne se représentera peut-être jamais…
Je peux te répondre en « marseillais » ? Je m’en tape. C’est ma 28e année d’entraîneur d’affilée… Tant que je me régale… Tu as vu mon parcours ? Il est atypique. J’ai fait beaucoup de montées, mais je n’ai pas de plan de carrière. Je n’aspire pas à aller au haut niveau. Maintenant, si je dois y aller, c’est le destin qui m y emmènera. Et si jamais demain je n’entraîne plus en N2 ou si je n’entraîne pas au-dessus, cela ne me gênera pas d’aller en Régional 1 si je sens le truc, si je prends plaisir.

Visuel SC Toulon.

Oui mais tu connais le milieu, on colle des étiquettes, et toi, tu as celle d’un coach qui a fait certes beaucoup de montées, mais de PH, de DH, de CFA2… Pour les gens, c’est facile de monter à ces échelons…
Je ne suis pas d’accord avec cette vision. Il faut vivre avec son temps et replacer les choses dans leur contexte. Quand je suis monté en PHA ou en DHR avec La Penne-sur-Huveaune, le club avait 5300 euros de subvention : c’est un exploit ce qu’on a fait, et je ne te parle même pas de notre accession en CFA2 avec La Penne. Un exploit. Après, quand je dis « Je suis monté », ce n’est pas moi tout seul, ce sont mes joueurs, mon staff, mes dirigeants, qui m’ont permis de monter. Moi seul, je n’ai rien fait. C’est un ensemble de choses, et j’englobe les gens du club. Je pense que toutes les montées sont bonnes : pourquoi minimiser une montée en PHA ? Aujourd’hui, on dit la D1 (District 1, ex-PHA), la D2, c’est faible, mais toi, tu as connu la PHA d’avant, il fallait y aller, au charbon, pour sortir de ces divisions ! Toutes les montées ont chacune leur importance. Je n’en minimise aucune. Maintenant, si tu me demandes si la montée de National est la plus belle, sincèrement non, j’en ai une en tête qui est plus belle, et c’était à un petit niveau. Après, tu as des coachs qui entraînent pendant 15 ou 20 ans sans jamais connaître de montée. J’ai eu la chance de toutes les faire, en commençant par la première division de district, puis PHB deux fois, PHA, DHR, DH, CFA2 trois fois, CFA, j’ai fait aussi deux montées avec les jeunes parce qu’à une époque, comme j’étais fada, j’entraînais les 17 ans en même temps que les seniors ! Mon parcours amateur, c’est quand même, sans orgueil déplacé, une belle référence, même si cela ne reste que du foot et que ce n’est finalement pas grand chose à côté de ce que l’on voit dans la vie de tous les jours. J’ai montré que, à chaque fois que j’accédais à un niveau supérieur, je savais m’adapter. Et si je ne suis pas aujourd’hui à un niveau au-dessus, comme le National, c’est parce que … Peut-être qu’il y a des choses que je n’accepte pas, voilà. C’est pour ça que si je ne suis pas allé plus haut que le milieu amateur, ou semi-professionnel comme le National 2, c’est parce que ces concessions, je n’ai pas voulu les faire.

Un exemple ?
Parfois, j’ai un fonctionnement atypique. Je suis entraîneur-manager. Je m’occupe de beaucoup de choses, du recrutement, de la gestion du joueur, de la gestion contractuelle, et maintenant, avec l’âge, j’ai un peu relâché au niveau de l’entraînement que je délègue beaucoup au staff qui est assez large. C’est un peu comme un fonctionnement, toutes proportions gardées, à la Ferguson ou à la Wenger, encore que, cette saison, alors que j’ai un bon staff, je dirige beaucoup plus l’entraînement qu’à Aubagne où j’avais beaucoup délégué les séances. En fait, chaque année, je m’adapte.

Repro 13HF

Tu as eu des propositions après la montée avec Aubagne ?
Oui, j’ai eu des clubs, j’ai eu des possibilités mais quand il t’arrive une consécration comme ça, tu ne te vois pas aller ailleurs. Regarde mon parcours, il est hyper régional. Pour des raisons personnelles, je préfère rester ici. Mais je le répète, à aucun moment je n’ai été en négociation avec Toulon, ça m’énerve que l’on puisse penser ça ou que les médias aient pu l’écrire. Bien sûr que l’on échangeait avec Claude Joye parfois, mais on n’avait jamais évoqué un quelconque retour jusqu’à ce fameux mercredi et son appel, deux jours après mon départ d’Aubagne. Toulon était sur le point d’enrôler Valentin Guichard (Jura Sud), qui a laissé tomber, ils m’ont appelé le mercredi et le samedi j’ai donné mon accord. Voilà comment ça s’est fait. A Aucun moment Toulon ne m’a fait une proposition supérieure à ce que j’avais à Aubagne. Je n’avais aucun intérêt ni financier ni sportif à quitter Aubagne. Il faut arrêter de dire n’importe quoi, que je suis parti pour une meilleure offre, non. Regarde, je suis à deux minutes trente du stade Saint-Exupéry, à La Penne, c’est juste à côté, je n’avais aucun frais de déplacement, c’est mon secteur, je faisais les entraînements, les gens passaient au stade, tout le monde me connaissait, j’étais vraiment chez moi, il y avait mes enfants à côté… Je pensais que ce serait le moment pour moi de montrer mes capacités en National. Alors, c’est vrai que l’on peut dire qu’une montée en DHR, en DH ou en CFA2, c’est facile, mais à chaque fois que l’on est monté d’un échelon avec mes équipes, on s’est adapté, c’est ça qui est le plus dur. S’adapter au niveau. Comprendre l’environnement. Etre hyper pragmatique. Créer une idée de jeu et un esprit de jeu adaptés à la division dans laquelle tu es. Je pense que c’est là-dessus que, pour ma part, j’ai évolué.

« Partir loin ? Je ne sais pas… »

Tu es aussi étiqueté « entraîneur du sud »…
Tu as raison, les gens collent facilement des étiquettes, mais je pense que mon parcours parle pour moi : je suis issu du foot amateur et je le revendique. Demain, si je suis en Ligue 2, je mettrai en avant le foot amateur, qui a bien changé, mais ça, c’est un autre débat. Avant j’étais un entraîneur de DHR, après on m’a dit je suis un entraîneur de DH… peut-être que si demain j’entraîne en National on va m’estampiller entraîneur de National…

Un jour, seras-tu prêt à partir loin du 13 ou du 83 ?
Je ne sais pas. Je ne dis pas que je ne le ferai pas. Il y a ma famille aussi…

Photo 13HF

A Aubagne, tu aurais pu faire fi de ce « problème » et choisir la solution de facilité en restant …
Non. Il y a de vraies raisons, qui n’ont rien à voir avec un manque d’ambition de ma part. Il y a des choses que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas écrire. J’ai un fort caractère. Mais je reste quelqu’un de discret, je n’ai pas envie de remuer la merde (sic), je dis souvent à mes joueurs, « Li fet met », ce qui signifie « le passé est mort »; je leur sors ça à tous, quelles que soient leurs origines, ça veut dire que, une fois que tu as fini un match, pense à celui qui vient après. Quoi de plus beau qu’une montée en National improbable avec Aubagne ? Improbable (il répète). Alors, ce cadeau que je leur ai laissé, je ne leur ai pas donné tout seul, j’avais un staff et des joueurs. Quand une personne te fait un cadeau comme ça, je pense qu’il faut la respecter. Je n’ai plus envie de parler de ça, j’ai envie de passer à autre chose.

Pour terminer avec Aubagne, tu es toujours en contact avec Lionel Jeanningros le président ?
Non. Je ne l’ai pas non plus appelé après sa dernière déclaration. Je ne vois pas l’intérêt. Mais si je le croise demain, je lui dirai bonjour, je suis respectueux quand même et bien élevé. Mais je trouve qu’il n’avait pas à dire ça, surtout que cela ne le concernait pas. Mais on s’apprécie.

« Je n’ai jamais envoyé un seul CV »

Quand tu signes à Toulon, tu te dis quoi ?
Quand je signe à Toulon, c ‘est pour aller en National, et je sais que deux cas de figure peuvent se produire : soit le président me vire avant la fin de la saison, soit je vais très haut avec ce club. Si on arrivait à accéder en National, quel parcours ce serait ! Mais Toulon mérite encore mieux. Toulon mérite la Ligue 2.

Tu avais remis Toulon sur les rails en 2016, pourquoi être parti après deux accessions de DH en CFA ?
Tu remues la merde toi (rires) !

Simple question…
Toulon, c’est dur, c’est usant. J’étais fatigué, j’avais aussi un point de désaccord avec le président, Claude Joye, mais on s’est quitté en bon terme, la preuve, c’est que les années qui ont suivi mon départ, j’ai fait un match amical de préparation contre Toulon, que cela soit avec Côte Bleue ou Marignane. On s’appelait avant la préparation pour parler de ça, on avait de bons rapports.

Le staff technique du SCT. Photo SC Toulon.

Claude Joye, réputé pour souvent changer de coach, t’a rappelé : c’est bon signe, non ?
Tu sais que j’ai le record sur le banc à Toulon ! 3 ans ! Le record toutes catégories (rires) ! Après l’accession en CFA (N2) en 2016, je voulais vraiment faire une année sabbatique mais Christophe Celdran (le président de Côte Bleue à l’époque), qui est un ami, m’a appelé, et finalement, j’ai embarqué dans l’aventure Côte Bleue. J’ai passé des moments exceptionnels avec lui. Je regrette juste de l’avoir déçu en partant de Marignane (le club de Côte Bleue est devenu Marignane Gignac Côte Bleue en 2022). Je pense que je lui ai fait du mal. Parce que s’il y a bien des choses auxquelles je suis attaché, ce sont les valeurs humaines, le respect, le partage, l’entraide, et avec lui, j’avais trouvé ça. C’est ça qui donne de l’énergie, quand tout le monde va dans le même sens. C’est le fondement de mon équipe.

A ton avis, pourquoi Claude Joye t’a fait revenir ?
Aujourd’hui, beaucoup de présidents veulent des noms, des coachs qui ont joué à un certain niveau, OK, d’accord, mais qu’est-ce qu’ils ont fait de plus ? Je connais les noms des coachs qui ont postulé à Toulon… Si tu savais ! Moi, je n’ai jamais envoyé un seul CV à ce jour pour entraîner, ni appelé un président. Et cela fait 28 ans que j’entraîne.

Photo SC Toulon.

Alors pourquoi Claude Joye t’a t-il appelé ?
Le club en situation d’urgence. Le destin. Le coach pressenti qui fait volte-face. Claude Joye me connaît. Il a en confiance en moi. On a fait deux montées ensemble en trois saisons. Je connais la maison. Je connais tout le monde ici, les éducateurs, les administratifs, les supporters. J’ai laissé un bon souvenir. Je pense que si je suis là, c’est parce qu’il croit en moi. Il a entendu que je partais d’Aubagne, le téléphone arabe a fonctionné, il m’a appelé, je lui ai confirmé que c’était vrai, il m’a appelé le mercredi, il m’a demandé si je voulais revenir, je lui ai dit que c’était encore trop frais, on a eu une discussion le vendredi, et le samedi je lui ai donné mon accord.

« Toulon reviendra »

On dit Claude Joye intrusif… Tu confirmes ?
98 % des présidents sont intrusifs. Ils aiment leur club, ils mettent des moyens, ils veulent savoir, comprendre, ce n’est pas gênant. Le problème qui peut arriver, c’est quand un président te dit quoi faire. Là, c’est une source de conflit. Après, libre à chaque entraîneur de l’accepter ou pas. Jamais Claude Joye, qui me connaît très bien, n’a fait ça avec moi.

Plus généralement, pourquoi Toulon n’y arrive pas ?
Vaste question. Je ne sais pas… Dans le foot, il y a des cycles. Je pense que Toulon reviendra. Il faut de la stabilité. Pérenniser. Construire. Aller à l’étage supérieur.

Photo 13HF

Par le passé, Toulon avait bâti sa réputation grâce à une image d’équipe rugueuse : or l’équipe version 2024-25 ne semble pas dans cette lignée-là…
Le foot a changé. Toi et moi, on a connu le football rugueux, où tu faisais des tacles à la gorge sans que l’arbitre ne siffle. Aujourd’hui, tu effleures un joueur, tout de suite, c’est coup de sifflet. Et au moindre acte d’anti-jeu, au moindre excès d’agressivité, même si le joueur prend le ballon, c’est carton jaune. Le football s’est aseptisé, on ne peut plus revenir en arrière. L’époque que l’on a connu, il y a 30 ans, c’est terminé. Ce n’est pas une mauvaise chose que les attaquants, les créateurs, soient protégés. Je prends l’exemple de Messi, que beaucoup trouvent meilleur que Maradona. Je pose la question : est-ce que Messi aurait pu jouer à l’époque de Maradona ? Avec tous les coups que Maradona se prenait ? Parce que c’était une boucherie parfois ! Notre football aujourd’hui, c’est du spectacle, de la vitesse, et l’excès d’engagement est réprimandé : on ne peut plus faire ce que l’on faisait il y a 20 ou 30 ans.

Bien connaître la poule sud de N2 et le foot dans ta région, est-ce avantage selon toi ?
Non. Parce que dans la poule, je ne connais pas certains clubs, je pense aux nouveaux clubs qui viennent d’arriver. Bergerac, par exemple, je les connais moins, même si j’ai regardé leurs matchs. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde regarde tout le monde. Mais ici, dans mon environnement, je connais les joueurs, les staffs, les présidents, les terrains…

« Je ne suis pas gros, mais bien portant ! »

Parlons de ton physique imposant, dont tu parles avec une certaine autodérision : tu joues un peu de ça, non ?
(Rires) Alors je ne suis pas gros, je suis bien portant ! Je vais te raconter une anecdote : en déplacement, à chaque fois que l’on arrive dans un hôtel avec mon équipe, je suis souvent devant, le premier à rentrer, et à chaque fois, on nous prend pour une équipe de rugby ! Plus sérieusement, le foot c’est tellement prenant, je suis dedans à fond, ça me plaît, j’ai cette passion. J’ai envie de dire, quoi de plus beau que de vivre de sa passion ? C’est extraordinaire. Je vais avoir 53 ans, je n’ai toujours fait que du foot. Je sais que, pour certains, le foot est primaire, ce sont des gens qui courent derrière un ballon… Quand j’ai arrêté de jouer, j’ai compensé avec la nourriture, je mange bien. Il y a des périodes ou, quand je vais le décider, je vais perdre 12 à 15 kilos en un mois et demi, et je vais en reprendre 17 en deux semaines !

Le stade de Bon Rencontre ne demande qu’à vibrer. Photo 13HF

C’est vrai que tes frères et toi avez été joueurs aussi : raconte-nous le parcours des Sadani…
On est une famille de footeux ! Mon grand frère Abdallah a joué à Béziers et Niort, en D2, c’était un top joueur, qui n’a pas toujours été sérieux. Il y a aussi Mokhtar, mon petit frère, un crack, un top joueur ! Lui, il a joué à Cannes. Quand il est arrivé dans le monde pro à 18 ans, Guy Lacombe, qui l’aimait beaucoup, a été évincé et ils ont mis Adick Koot à sa place, et ça n’a pas fonctionné. Mokhtar n’a pas fait la carrière qu’on lui promettait. J’avais acheté une voiture pour venir le voir deux ou trois par semaine à Cannes ! C’était la belle époque de la formation cannoise avec aussi Richard Bettoni, avec qui je suis toujours en contact. Bien sûr, il y a les plus connus, Zidane, Vieira et Micoud, mais il y a aussi tous les autres, Mickaël Marsiglia, Adel Boutobba, Zaïr Mehah, tellement de joueurs talentueux.

Et toi ?
Moi j’étais un joueur doué aussi, j’ai eu beaucoup de clubs qui me voulaient quand j’étais jeune, Toulon, Strasbourg, Monaco, Istres, mais j’ai fait le choix familial de rester auprès de ma maman. Et puis, comme je gagnais un peu d’argent à 16 ou 17 ans en jouant au foot, en seniors, je suis resté comme ça, une sorte de soutien de famille. Je me suis occupé de mes frères et soeurs. J’ai joué aux Caillols à Marseille quand j’étais jeune, j’ai joué en seniors à La Ciotat et à Cassis aussi, en DH. J’étais attaquant ! Là tu me vois un peu gros, tu te dis « Lui, il jouait en défense », mais non, j’allais à 2000 à l’heure ! j’étais un gros dribbleur. Et puis un jour, quand La Penne-sur-Huveaune était en première division de District, je me suis dit, « avec un groupe de collègues, on retourne tous au club ! ». J’avais passé mon BE et j’ai fait entraîneur-joueur. On n’avait pas de moyens, on voulait essayer de monter en DHR. La première année, on monte en PHB mais ensuite, on redescend en District, et là, je prends conscience que, seul, je ne peux pas y arriver, qu’il me faut un staff. J’ai pris l’équipe des 17 ans en plus des seniors, j’ai commencé à faire les deux, j’ai intégré ceux qui avaient du potentiel en seniors, j’ai demandé à Jean-Pierre Garibian, le président, qui avait une grosse entreprise à La Penne (OGAPUR), de venir nous aider, et on a fait Première division, PHB, PHA très vite. Ensuite, on est resté 3 ans en PHA avant de monter en DHR. Là, pareil, on est resté 3 ans avant de monter en DH, et la dernière année, on est monté en CFA2. A chaque fois, on a pris le temps, on s’est adapté au niveau, on a progressé, et on a franchi un cap. Quand tu n’as pas de moyen, tu n’as que le temps et le travail pour y arriver.

Mohamed Sadani, du tac au tac

Photo SC Toulon.

Ton meilleur souvenir de coach ?
La montée en PHA avec La Penne-sur-Huveaune. L’équipe était moyenne mais elle était généreuse, valeureuse et avait du coeur. C’est l’une des équipes qui avait le moins de potentiel, de toutes celles que j’ai entraînées.

Pire souvenir ?
La première descente en 1998-99, avec La Penne, on venait de monter en PHB, et on est redescendu. C’était dur. J’étais seul. Je faisais entraîneur-joueur. J’étais frustré. Mais j’ai compris beaucoup de choses après ça : j’ai construit un vrai staff, je suis allé chercher des partenaires, j’ai pris ce rôle de manager assez vite. Et à partir de là, l’adage « seul on va vite, à plusieurs, on va loin » s’est vérifié. Je n’ai rien réussi tout seul. Je dois remercier tous les joueurs qui se sont donnés à fond pour moi, les staffs et les présidents que j’ai eus, qui m’ont aidé et soutenu.

Un club où tu as failli signer ?
Consolat. Mais je suis resté à La Penne.

Un modèle de coach ?
J’aime le management d’Ancelotti, la capacité à transmettre de Guardiola même si je ne suis pas fan de sa façon de jouer, avec cette possession… Je préfère un jeu de transition : je suis plus Klopp, avec un jeu rapide vers l’avant. Sinon j’aime les grands managers, Wenger, Ferguson.

Tu es un entraîneur plutôt…
(Il réfléchit). Généreux. J’aime sincèrement les gens. Si j’ai eu de la réussite, je pense que c’est parce que les gens, les joueurs, m’ont trouvé sincère. Et ils me l’ont rendu sur le terrain. C’est mon entièreté.

Photo SC Toulon.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
Y’en a tellement… J’ai eu des Kebbal, des Gomis, mais les deux qui sortent du lot, qui m’ont beaucoup accompagné dans mon parcours, ce sont Lamine Djaballah, d’ailleurs je regrette qu’il ne soit pas venu avec moi à Toulon cette saison, et Belkacem Dali Amar, que j’ai récupéré en CFA2 à Côte Bleue, et qui vient de signer pro à QRM en National. Ce sont deux joueurs qui ont été importants dans mon parcours. Djaballah, dans ses appels, je n’ai jamais trouvé un joueur plus fort, et Dali Amar, il a le niveau pour jouer beaucoup plus haut.

Un joueur que t’as entraîné perdu de vue ?
Justement, bientôt, à La Penne sur-Huveaune, on va faire une fête pour les 95 ans du club, comme un jubilé, et on va en profiter pour faire venir tous les joueurs passés par le club. Ce qui ressort de toutes ces années pennoises, de ces accessions jusqu’en CFA2, c’est que tous les joueurs passés par ce club te disent que ce sont leurs meilleures années sportives de leur vie. Il faut qu’on arrive à organiser ça en 2026.

Le style Sadani ?
Je suis plus dans le 4-3-3, je n’aime pas le 4-2-3-1, après, c’est l’animation qui fait l’équipe. A partir du moment où tu perds le ballon, tu joues d’une certaine façon, quand tu l’as récupéré, tu joues d’une autre, même si tu es à 4 derrière, tu peux très bien sortir ta balle à 5, il y a plein de paramètres qui entrent en ligne de compte. Mais je suis ouvert. J’ai un football offensif, quand même. Et pour aller vers l’offensive, il faut avoir des certitudes et de la confiance, et ça, il faut l’élaborer. J’aime bien la percussion, le dribble, le jeu vers l’avant, ces choses-là. Joueur, j’étais un attaquant dribbleur mais paradoxalement, j’aime bien les joueurs qui courent.

Un président marquant ?
Deux ont été capitaux, Jean Pierre Garibian, qui a fait tout ce parcours à La Penne-sur-Huveaune avec moi, et Christophe Celdran, avec qui on avait noué une relation familiale à Côte Bleue puis Marignane.

Ton club de coeur ?
L’ES Pennoise !

Ton idole de jeunesse ?
Garintxa, Maradona, Zidane… Je suis de l’église « Maradonnienne ».

Tes passions ?
Ma famille, mon épouse et mes enfants. On vit foot, on mange foot, on dort foot : tu te rends compte, mes trois enfants jouent au foot, chacun dans un club différent ! Je me régale ! Le petit joue à l’ES Pennoise, le deuxième en 17 Nationaux à l’ASPTT Marseille et le troisième à Gémenos en Régional 1. Ils sont pas mal ! Parfois, le dimanche, quand je rentre de déplacement, même si un de mes fils joue à 1h30 de route, je reprends la route, pour aller le voir !

Le milieu du foot ?
A l’image de la société. Avec ses plaisirs et ses défauts. Dans sa perte des valeurs. Dans son injustice. Mais il ne faut pas se prendre la tête, il faut avancer et se faire plaisir, on n’est que de passage comme je dis souvent. Quand j’étais jeune, je n’ai jamais pensé devenir professionnel ou aller dans un centre de formation. Mon frère et moi, on a été contacté par des clubs, Mokhtar a été international, c’était un crack, il a eu des propositions financières; moi j’ai été contacté par Toulon à l’époque, ils m’ont fait dormir dans les chambres du centre de formation, ils voulaient me faire signer, mais j’ai refusé. Un recruteur de Strasbourg, Jean-Louis Leonetti, était venu pour voir un joueur et il m’a vu moi, il voulait m’envoyer là-bas; avec ma mère, on a dit « Jamais de la vie ». Aujourd’hui, il n’y a que l’oseille. Après, je ne crache pas dessus, mais les petits à 5 ans pensent à Mbappé, à faire de l’oseille… C’est la société, le capitalisme… Il n’y a plus que ça qui compte. Ce n’est pas une fin en soi. Moktar, on l’a fait signer à Cannes parce qu’à l’époque, c’était le meilleur centre de formation, mais en termes de proposition financière, c’était inexistant, alors que les autres propositions étaient extraordinaires. On a privilégié le sportif à l’argent. Aujourd’hui, on n’aurait pas fait ça. On aurait d’abord vu l’oseille, on aurait battu le fer tant qu’il était chaud. Aujourd’hui, Mokhtar habite en Belgique, depuis une quinzaine d’années, il gère une académie. C’est un top formateur. Moi je suis plus dans la compétition. Le grand frère, lui, vit avec ma mère et heureusement qu’il est là, parce que ma mère est fatiguée. Il nous soulage, avec ma soeur Keira aussi. Mon grand frère et ma soeur sont vraiment ceux qui se sacrifient le plus.

C’est donc ça, cet esprit de famille, dont tu parlais…
Mon pays, c’est La Penne-sur-Huveaune. J’ai perdu mon papa quand j’avais 10 ans. Ma maman a élevé seule ses quatre enfants pour ainsi dire. Moi, je suis le troisième de la famille, Moktar, c’est le petit dernier, il est né en 1979. En Belgique, il se régale. Il a 4 garçons. On en a fait des Sadani !

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’histoire d’un ancien maçon-charpentier qui a pris son envol sur le tard et qui, à force de mental, de travail et de persévérance, s’est construit une solide réputation d’attaquant, au point de devenir professionnel. Un parcours fait de hauts et de bas, inspirant pour de nombreux « galériens ».

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Marion Poirier – FBBP 01

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

Dans la vie, il y a deux choses que sait très bien faire Ottman Dadoune. C’est construire une maison et marquer des buts ! Construire une maison, travailler sur les toits, toucher à la charpente et à la maçonnerie, c’est ce que le natif de Nîmes (Gard) a longtemps fait avant d’embrasser une carrière de joueur de foot à plein temps, à l’âge de 23 ans.

Un âge tardif pour éclore mais le grand attaquant d’1,92 mètres (81kg) s’est bien rattrapé. Certes son décollage n’a pas été immédiat mais depuis sa demi-saison très réusie à Louhans-Cuiseaux en National 3 en 2018 (15 matches, 12 buts), il s’est forgé une belle réputation, surtout en National.
Premier contrat fédéral à 23 ans et demi.

Bien sûr, tout n’a pas été rose non plus depuis la signature de son premier contrat fédéral à Louhans à l’âge de 23 ans et demi, parce que la carrière d’un football, a fortiori celle d’un avant-centre dont chaque statistique est scrutée de près. Parce que l’ancien joueur de Bourgoin-Jallieu, où il a effectué ses débuts à l’âge de 19 ans en seniors, en CFA2 (N3, 2 matchs seulement la première saison), a aussi souffert d’un manque de confiance de la part du coach de l’époque. Mais il s’en est plutôt bien sorti.

Louhans puis Chambly en National (2018-19, accession en Ligue 2), puis Villefranche (2019-20, National), puis Quevilly-Rouen (2020-22, National puis accession en Ligue 2 avec un premier contrat professionnel) puis…. Puis les blessures, une expérience très mitigée au Puy-en-Velay, encore en National, une demi-saison « bizarre » à l’Olympique Charleroi, en Belgique (N1), un retour à la trêve, en janvier dernier, à Fréjus/Saint-Raphaël, en National 2, pour retrouver un peu de confiance et du temps de jeu…

Debuts à 10 ans et demi

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Le parcours d’Ottman est un peu en dent de scie. Avec des hauts et des bas, comme quand vous montez et descendez en ascenseur.

Et si l’on vous parle d’ascenseur, c’est parce qu’Ottman a aussi bossé dans le domaine, comme il le raconte dans cet entretien à coeur ouvert, où il n’hésite pas à parler de sa famille, du rôle de son oncle en particulier, de sa vie d’avant, de son mental, du travail, de la diététique, etc. De sa passion, tout simplement.

Le parcours d’Ottman, 30 ans aujourd’hui, est classique d’un joueur qui n’est pas passé par un centre de formation et qui, fait rare, n’a jamais joué dans le club de la ville où il est né, à Nîmes. A cela, une explication : « Si je n’ai jamais joué à Nîmes Olympique, c’est parce qu’avec ma maman, on a déménagé à Bourgoin-Jallieu, la ville dont elle est originaire, quand j’avais 10 ans et demi, et à cet âge-là, je n’avais pas encore démarré le foot. Je m’y suis mis, justement, à mon arrivée là-bas, au club de Nivolas-Vermelle, un club de district, juste à côté de Bourgoin. »

Rebond au FBBP 01

Malgré deux dernières saisons plus compliquées, donc, le FBBP 01 et son coach David Le Frapper l’ont choisi pour animer le front de l’attaque dans une équipe promue de National 2, et dont les infrastructures, magnifiques, sont l’héritage des saisons passées en Ligue 2 au milieu des années 2010 et d’une culture rugby également (l’Union sportive bressane Pays de l’Ain évolue en « Nationale », l’équivalent de la 3e division, après avoir plusieurs fois fréquenté la Pro D2).

Retrouver le National est une chance pour Ottman, qui entend bien la saisir et n’a pas tiré un trait sur la division supérieure, qu’il a trop peu goûtée à Quevilly Rouen, freiné par les blessures.

La délivrance au Mans

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Pour lui, la délivrance est intervenue à la 6e journée, au Mans, quand il a inscrit son premier but, avec la complicité du gardien certes, vingt minutes après son entrée en jeu en 2e période. Il aurait même pu « mettre » un doublé s’il n’avait pas manqué un face à face juste après. Un échec qui n’a pas eu de répercussion sur le résultat final puisque son équipe s’était imposée 2-1 après s’être déjà imposée à Dijon en ouverture de la saison.

Pour s’inscrire dans la durée en National et éventuellement retrouver le monde pro, « Otto » le sait : il devra être performant, enquiller les buts (4 titularisations, 1 but cette saison), et, s’il y parvient, son club ne devrait, lui non plus, pas être loin en fin de saison de son unique objectif de maintien. Quand bien même le FBBP 01 reste sur une « grosse » défaite à domicile, au stade Marcel-Verchère, face à Paris 13 Atlético (0-3). Mais vous connaissez le National : parfois, vous perdez quand on vous attend le moins, parfois vous gagnez aussi quand on ne vous attend pas…

Interview :

« Je me suis repassé le film 50 fois dans ma tête… »

Photo Marion Poirier / FBBP 01

Ottman, raconte-nous ta vie d’avant… Celle que tu avais quand tu travaillais.
J’ai commencé à bosser tôt. Après mon bac pro maintenance, je bossais dans les ascenseurs. Le problème, c’est que c’est un travail où les déplacements sont nombreux, et comme je ne voulais pas rater le foot, j’ai mis une croix là-dessus. J’ai choisi la solution de facilité en rentrant dans l’entreprise de mon oncle Ahmid, BAK Maçonnerie-Charpente (à Cessieu), comme maçon-charpentier; ça m’a garanti d’être chaque soir à l’entraînement ou à la salle, et j’ai fait ça pendant 3 ans. J’étais sur les chantiers jusqu’au moment d’aller à Louhans-Cuiseaux.

Donc si je te demande de me construire une maison, tu en es capable ?
Oui, même si j’ai perdu un peu la main ! Mais je me souviens de pas mal de choses. J’avais la chance d’être avec mon oncle qui m’a donné des responsabilités. Avec le recul, même si c’était un métier dur et physique, cela reste une super expérience; ça m’a forgé. On travaillait dans le chaud, dans le froid… Je n’aimais pas forcément ça, parce que dans ma tête, je ne pensais qu’au foot, mais comme j’étais avec mon oncle, et que j’ai une excellente relation avec lui, ça allait. Parfois j’étais absent, je prenais des « brasses » de sa part, il m’engueulait, mais sur le plan physique et surtout mental, ça m’a aidé. J’ai le souvenir d’avoir bossé sur des toits par moins 7 ou moins 9 degrés… J’avais les mains et les pieds gelés, ou inversement, l’été, on transpirait énormément, c’est pour ça aussi que j’ai beaucoup de respect pour ceux qui font ce métier-là.

« Mon oncle a été un repère et un exemple »

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Tu parles beaucoup de ton oncle…
Oui, c’est le frère de ma mère. C’est quelqu’un dont je suis très proche. J’ai passé énormément de temps avec lui. Et quand je bossais dans son entreprise, je vivais chez lui. Mes parents m’ont éduqué d’une certaine manière, et lui, il a eu un autre rôle. Il est très compétiteur, même sur le chantier, il est maniaque, il ne lâche jamais. Par exemple, quand il faisait super-froid, il te disait « Non, il ne fait pas froid, c’est dans ta tête »… Des choses simples, comme ça, qui aident à te forger mentalement. Parfois, quand je n’arrivais pas à faire quelque chose, quand je voyais une barrière, il me poussait. C’était à la dure. Mais ça fait partie de mon parcours. Et quand j’ai eu cette opportunité de partir à Louhans, il m’a dit « Fonce ». Et depuis, il me suit tout le temps, il regarde mes matchs à la télé, il se déplace quand il peut.

On a l’impression que ton oncle a joué un peu le rôle d’un second papa, non ?
Non, parce que malgré la distance, mon père Abdelkader a toujours bien joué son rôle. C’est juste que, « physiquement », forcément, mon oncle, je le voyais tous les jours, comme j’étais tout le temps avec lui. Et puis j’étais dans une période de ma vie, à l’adolescence, où j’avais besoin d’avoir une éducation. Ma mère a fait mon éducation, mon père aussi, à distance, et mon oncle a été un repère sur d’autres choses. Il a été aussi un exemple. Ce qu’il a fait, partir de rien, puis avoir son entreprise… Quand je vois tout ce qu’il a bâti, je me dis que, quand on se donne les moyens d’y arriver, on y arrive.

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Le parallèle avec le foot est tout trouvé…
Moi, ma passion, c’est le foot, et lui, sa passion, c’est la maçonnerie-charpente, on se « vanne » beaucoup avec ça ! Il a apporté sa pierre à l’édifice dans mon éducation. D’ailleurs, dans la famille, on lui dit en rigolant, « ton fils, c’est Ottman » (rires), et à moi, on me dit « Tu vas chez ton père », alors que l’on est oncle et neveu (rires), c’est une belle relation.

Tu as grandi à Nîmes, puis tu es parti à Bourgoin-Jallieu : pourquoi ?
Mes parents se sont séparés, c’est pour ça, et à l’âge de 10 ans, on a déménagé. Ma mère, Yasmina, est originaire de Bourgoin. Elle y est retournée pour s’installer. Je suis toujours en relation avec mon père, bien sûr, il est dans le Sud, près de Cavaillon. On échange beaucoup.

Pourquoi fais-tu du foot ?
Parce que c’est ma passion. Même si j’ai commencé tard, j’ai accroché avec ce sport. J’ai toujours eu l’objectif d’être footballeur.

Un désaccord avec Bourgoin Jallieu

Photo @_ms._.design_

Revenons sur ton parcours : à quel âge as-tu commencé ?
Vers 10 ans et demi – 11 ans, à Nivolas-Vermelle. J’y suis resté jusqu’à mes 18 ans avant d’intégrer les 19 ans Ligue Honneur de Bourgoin-Jallieu. Je fais une saison avec eux, je termine meilleur buteur et j’intègre les seniors en PHR, où je fais plusieurs saisons. Je suis performant mais l’entraîneur de l’équipe de CFA2 ne compte pas sur moi. Et petit à petit, je commence à faire des entraînements avec l’équipe une, puis des bancs, puis des rentrées, et puis je fais une saison (2016-17) avec 7 rentrées et je marque 7 buts. Mais je devenais de moins en moins patient, j’avais 22 ans, je voulais partir. Mais cela n’a pas été évident, parce que je n’avais pas trop de « stats », pas trop de temps de jeu, pas trop de vidéos non plus, donc en fait, je n’avais pas grand chose à montrer aux autres clubs, et finalement j’ai eu un coup de chance : le coach de Bourgoin (Laurent Rugel) se fait virer et ils font venir Fabien Tissot. Avec lui, je suis aligné dès les matchs de préparation et c’est parti ! Je suis titulaire en championnat, je suis meilleur buteur de la poule, je suis appelé en sélection du Rhône-Alpes, et à la trêve (12 matchs, 7 buts), on est premier invaincu, mais à ce moment-là, j’ai un désaccord sur le plan contractuel avec le club : je travaillais encore dans l’entreprise de mon oncle et on s’était mis d’accord pour que je démissionne pour me consacrer au foot, on était tombé d’accord sur une somme, mais cet accord n’a pas été tenu. J’ai attendu jusqu’à la trêve et là, j’ai eu Louhans-Cuiseaux, qui m’offrait un contrat fédéral, donc j’y suis allé, je mets 13 buts avec eux, ce qui fait 20 buts en cumulé sur une saison. Et là, je pars à Chambly, en National.

Ton meilleur souvenir sportif ?
Mes deux montées en Ligue 2, avec Chambly (2019) et avec Quevilly Rouen (2021). Mais je placerais celle de QRM un peu devant, parce que j’avais fait une grosse saison (32 matchs, 14 buts), alors qu’à Chambly, j’étais souvent remplaçant (30 matchs, 6 buts). Chambly, c’était ma première saison en National, j’étais arrivé dans un rôle de « super sub », mais j’avais quand même fait une bonne saison en termes de ratio buts/temps de jeu, mais à QRM, j’étais un joueur sur lequel on comptait, j’étais un des joueurs les plus utilisés.

Visuel FBBP 01

Pire souvenir sportif ?
Ma saison blanche tronquée par une blessure après la montée avec QRM, en Ligue 2. J’ai eu Bruno Irles comme coach jusqu’à Noël avant qu’il ne parte à Troyes, on avait travaillé un an et demi ensemble. Puis Fabien Mercadal est arrivé. Il a été avait été très correct, il me connaissait du National, il aimait bien mon profil : quand il est arrivé à la trêve, il m’a donné ma chance et permis de revenir, malheureusement, j’avais une déchirure aux quadriceps mais les protocoles n’étaient pas bons et à chaque fois ça « re-pétait », malgré ça, j’ai eu un peu de temps jeu (8 matchs) mais ça a « repété » et là, j’ai décidé d’aller me faire soigner au Centre de médecine du sport à Lyon par le kiné de l’équipe de France, Alexandre Germain, qui m’a repris en main. Depuis, je n’ai plus jamais rien eu.

Combien de buts marqués ?
Franchement, je ne saurais pas dire. Même sur Internet, je pense que ce n’est pas bon, car on ne voit mes « stats » qu’à partir de CFA2, à mes débuts, avec Bourgoin-Jallieu. Je ne les compte pas.

Mais ta meilleure saison, tu as compté ?
Oui c’était 14 en championnat, avec Quevilly Rouen en National. La coupe ? Je ne compte pas. J’ai fait pas mal de passes dé aussi.

Plus beau but ?
Contre le Red Star à Bauer en septembre 2019, je jouais à Villefranche : je reçois un ballon en « une » de Thomas Robinet, et je la mets en piqué, c’était David Oberhauser le gardien je crois. On avait gagné 2 à 0 et j’avais mis un doublé.

Voir le doublé en vidéo :

Ton plus beau raté ?
C’était ce week-end (entretien réalisé juste après le succès du FBBP 01 au Mans, avant la rencontre face au Paris 13 Atletico), au Mans, après avoir ouvert le score : je pars de mon camp, je fais une longue course, je passe devant le défenseur, j’arrive devant le gardien, je tergiverse un peu et le gardien la sort du genou. Je dois mieux finir, c’était un face à face cadeau.

À Charleroi, j’ai fait exprès de prendre un rouge !

Visuel QRM

Le club où la saison tu as pris le plus de plaisir ?
Quevilly Rouen.

Une erreur de casting ?
Oui. Le Puy-en-Velay… Euh non, Charleroi ! Charleroi, parce qu’au Puy, il y a quand même eu des bonnes choses, et puis j’ai rencontré Olivier Miannay là-bas, un super-mec.

Que s’est-il passé à Charleroi ?
Je sors d’une saison compliquée au Puy en National, je me dis que c’est peut-être le moment d’aller à l’étranger, j’avais beaucoup d’amis qui avaient goûté à ça, alors je me dis « pourquoi pas » ? L’Olympique Charleroi en National 1 (D3) veut me recruter (à ne pas confondre avec le Sporting Charleroi, en Division 1), je me renseigne sur le club, tout le monde ne m’en dit que du bien, donc allez ! J’arrive là-bas, jour de match, je suis dans le groupe, on est dans le vestiaire, et là, je vois le président rentrer avec un sac à dos, il s’assoit, il se change, il met ses crampons, son maillot… Putain… là je me dis… Et en fait, il se met titulaire sur la feuille de match, à mon poste. Le président ! 42 ans ! Alors ok, il avait eu une belle carrière, il avait joué en pro, en Division 1, mais j’ai pris ça comme un manque de respect, il ne s’entraînait pas avec nous. En fait, lui, il vient, il kiffe, il se fait plaisir, c’est son club… Là, je me dis « On n’est pas en France ». J’échange avec lui, on se brouille un peu. En plus, il y avait beaucoup d’écarts dans les date au moment où on devait recevoir les salaires. J’ai pensé que ce serait mieux de partir, d’autant que Fréjus/Saint-Raphaël (N2) voulait me recruter. Donc je suis parti là-bas.

Photo @ugopch_

Pourquoi cela n’a-t-il pas marché au Puy ?
Je sortais de ma saison blanche avec QRM en Ligue 2, j’avais déjà été contact avec le club via Olivier (Miannay), ça avait matché direct, le coach (Roland Vieira) me voulait depuis quelque temps déjà, mais je suis arrivé en méforme. Il m’a fallu du temps. Je pense que j’ai commencé à retrouver mon niveau en novembre/décembre par-là; avant ça, parfois, je faisais un bon match, parfois j’étais moyen, parfois j’étais nul, je n’étais pas constant, je sentais que je n’étais pas dans ma meilleure forme, mais à la trêve, le coach voit que je reviens bien, me remet titulaire, mais je n’avais pas la confiance, je suis quelqu’un qui marche à l’affect, alors une fois que ça n’a pas matché entre nous deux… Je n’arrive pas à faire semblant, je suis brut de décoffrage. Si je suis énervé, tu le vois, si je suis joyeux, tu vas le voir aussi. Une fois que c’est cassé, c’est cassé. Après, quand la descente en National 2 a été actée mathématiquement, à cinq journée de la fin, j’ai été écarté, tout comme d’autres joueurs. Olivier a fait en sorte d’être bienveillant avec moi, pour éviter les embrouilles. Le club a été très droit avec moi; ça arrive dans une carrière, avec moi, ça s’est toujours bien passé dans tous les vestiaires, mais ça n’a pas matché avec le coach, ça fait partie d’une carrière. Il fallait des coupables, peut-être que, compte tenu de mon vécu en National, on attendait beaucoup plus de moi, et d’autres aussi qui ont été tenus pour responsables. De la première à la dernière journée, on n’est jamais sorti de la zone rouge. Voilà, c’est un constat. Chacun a son avis.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un seul en Belgique, mais c’était dans un contexte particulier, parce que j’ai fait exprès de le prendre : je voulais ma lettre de sortie pour me tirer (sic), je venais de faire deux passes décisives et de mettre un but dans ce match, donc je me suis dit « Si je termine le match, ils ne vont pas vouloir me libérer, ils vont me dire qu’ils comptent sur moi », du coup, je suis allé vers un joueur adverse, je lui ai mis une claque, et j’ai pris carton rouge (rires).

J’ai pris 2000 euros net de prime en deux matchs à Fréjus !

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

Ta plus grosse prime de match ?
2000 euros net, à Fréjus/Saint-Raphaël la saison passée : il restait deux matchs de championnat, le président a dit « si vous gagnez les deux derniers matchs, vous aurez 2000 euros net, si vous n’en gagnez qu’un, vous aurez 1000 euros net », et on a gagné les deux !

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Je ne me suis jamais posé la question, mais après le foot, j’aimerais rester dans le milieu.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid (rires !).

Tu es né à Nîmes mais tu n’y a jamais joué : c’est un regret ?
Oui. Un petit regret. Nîmes Olympique, c’est un club que je suivais beaucoup mais comme après, j’ai quitté la ville… Je n’ai jamais joué contre eux. Cela ne me fera rien de particulier d’aller y jouer, surtout que ce ne sera pas au stade des Costières (Nîmes évolue au stade des Antonins depuis deux ans).

Tu as vu l’état du stade des Costières, à l’abandon…
(Il marque un temps d’arrêt) Ça fait mal au coeur.

Photo @ugopch_

Un coéquipier marquant (tu as droit à deux ou trois ?
Pour sa folie Medhy Guezoui, que j’ai côtoyé à Chambly, et puis aussi, il était impressionnant par son altruisme. J’ai une anecdote à son sujet : il vient d’arriver à Chambly en cours de saison, avec un statut fort, on joue contre Tours, on mène 2 à 0, il n’avait pas encore marqué depuis son arrivée, et là, je rentre en jeu. Il y a une contre-attaque, la défense de Tours abandonne, il se retrouve tout seul face au gardien, je suis à côté, il peut marquer facile s’il met un plat du pied et il décide de me faire une offrande, je n’ai plus qu’à la pousser dans le but vide… Chapeau ! (Il répète une deuxième fois) Chapeau ! Lui il m’a impressionné sur ça. C’est quelqu’un de bon vivant, qui est toujours de bon conseil. Après, Kalidou Sidibé, Joachim Eickmeyer, Joris Correa, je pourrais en citer plein. Techniquement Yassne Bahassa et Manoubi Haddad m’ont impressionné à QRM, on a formé une doublette fantastique avec Andrew Jung, franchement, y’en a.

Un défenseur marquant ?
Mickaël Nadé, avec qui j’ai joué à Saint-Etienne.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
Bayal Sall, quand il était à Lyon-Duchère, tu sentais que lui… Bon, bah, c’était « Le ballon-Le joueur »…

Le coéquipier avec lequel tu tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Andrew Jung.

Combien as-tu de vrais amis dans le football ?
Je les compte sur le doigt d’une main.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Quand je retourne à Bourgoin, je revois les anciens coéquipiers… (Il réfléchit) Oui, Thibault Jaques, avec qui j’ai joué à Chambly, les frères Doucouré aussi, Joachim Eickmeyer.

« Avec Bruno Irles, c’était exceptionnel »

Photo FBBP 01

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Bruno Irles, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Laurent Rugel à Bourgoin.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Michel Mallet à QRM.

Une causerie de coach marquante ?
J’ai connu deux styles de causeries différentes, les causeries de Bruno Luzi, c’était vraiment avec le coeur, un meneur d’hommes, où l’aspect humain était mis en avant, et celles de Bruno Irles, très pro, toujours ciblées et c’était toujours très juste. Mais ma réponse est faussée parce que, ce que j’ai vécu avec Bruno Irles, c’était exceptionnel, on avait une super relation aussi. Donc forcément, je le mets devant.

Visuel FBBP 01

Ton appli mobile favorite ?
Instagram.

Un souvenir de vacances ?
À Zanzibar.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Youssef Belaïli.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
Comme spectateur, je dirais le Groupama Stadium à Lyon, sinon comme joueur, Le Havre. Quand j’y ai joué avec QRM, y’avait du monde.

Des manies, tes rituels avant un match ?
Non. Je ne suis pas superstitieux.

Une devise, un dicton ?
J’aime bien les citations sur le mental, sur le travail. Quelqu’un avait dit, « Le talent ne suffit pas, parce qu’un jour, le travail dépasse le talent ». Quand j’ai commencé le foot, je faisais partie des plus nuls, et à force de travail, de travail, de travail (il répète), j’ai dépassé certains joueurs qui étaient passés par des centres de formation, parce que j’ai connu des joueurs très talentueux, mais il n’y avait pas de travail derrière. Au bout d’un moment, le travail et la persévérance te font aller au-delà du talent.

Râleur et mauvais perdant

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

C’est un complexe de ne pas être passé par un centre de formation ?
Pas du tout.

Tes traits de caractère dans la vie de tous les jours et sur un terrain ?
Je suis impatient, râleur, et sur un terrain, je suis râleur aussi, trop exigeant, très mauvais perdant.

Selon toi, que t’a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 ?
Je me suis déjà repassé le film cinquante fois dans ma tête ! Si je n’avais pas eu mes soucis physiques l’année où on monte en Ligue 2 avec QRM, j’aurais peut-être pu montrer de belles choses, parce que je suis convaincu que j’ai les qualités, et puis ce n’est pas comme si c’était un fossé entre le National et la Ligue 2. J’ai été prolongé à QRM quand on est monté en Ligue 2, après je me suis fait mal pendant la préparation, j’ai perdu trop de temps, j’ai manqué jusqu’en avril quasiment. Donc je n’ai rien pu montrer en Ligue 2; à partir de là, je sais que ça va être compliqué de retrouver ce niveau.

Photo A. B. / QRM

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu es un attaquant plutôt …
Généreux.

Un modèle de joueur ?
Cristiano Ronaldo.

Un match de légende ?
Les « Real Madrid – Barcelone » de la grande époque.

Un plat, une boisson ?
La viande, je ne suis pas fan de poisson, sinon les gratins. Je suis un gros mangeur, je consomme ! Mais je fais attention. J’ai appris à découvrir la nutrition, d’ailleurs, c’était Sarah, l’épouse de Bruno Irles, qui m’a aidé à me perfectionner dans ce domaine. Je m’y tiens toujours. Bon, j’ai toujours mon pêché mignon, l’Ice Tea à la pêche. Mais je n’ai jamais eu de problème de poids, au contraire, quand j’étais plus jeune, j’étais trop maigre, j’ai dû prendre des compléments alimentaires pour en prendre.

Tu as le temps pour des passions ?
Non, je suis quelqu’un de très casanier. Quand je reviens à Bourgoin, avec mes frères, on joue au badminton, au padel.

Photo FBBP 01

Films ou séries ?
Film. Training day, avec Denzel Washington, ou Je suis une légende avec Will Smith.

Dernier match regardé à la télé ?
Lyon-Marseille (entretien réalisé 72 heures après le match OL-OM).

Dernier match pro que tu as vu en live ?
Lyon-PSG, quand Neymar jouait encore.

Un chiffre ?
Le 21. Le jour de la naissance de ma fille, Neïlya, qui a 5 mois.

Le FBBP 01 en deux mots ?
Un club sain, familial, avec des gens bienveillants, avec de très belles installations, bien meilleures que dans beaucoup de clubs. On a tout pour bien travailler.

Le milieu du foot, en deux mots ?
C’est le plus beau métier du monde mais (il réfléchit)… Et un milieu de… Non, sinon je vais être vulgaire.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Après un long passage à Valenciennes, où il a touché un peu à tout, jusqu’aux pros en Ligue 2, l’ancien latéral gauche, formé à Lyon, a terminé son apprentissage et s’est assis cet été sur le banc du SAS, où il a misé à la fois sur l’ancrage local et sur l’expérience.

Par Augustin Thiéfaine / Photo de couverture : SAS Epinal

Nouveau maître à bord d’un vaisseau spinalien relégué en National 2 à l’issue de la saison 2023-2024 (17e de National), Nicolas Rabuel a rallié la préfecture des Vosges pendant la trêve estivale et commencé à vivre sa deuxième saison en tant qu’entraîneur principal.

Fort de presque dix ans d’expérience – dont une à la tête de Valenciennes, club dans lequel il a tout connu, de la formation au banc de Ligue 2 (comme numéro 1) en passant par le poste d’adjoint après une riche carrière de joueur (à retrouver dans le tac au tac), ce Burgien d’origine a su développer au fil des saisons sa propre philosophie du ballon rond.

Sa manière de manager, sa trajectoire, son parcours qui l’a mené de la formation lyonnaise jusqu’à la cité des Images en passant par le Nord et l’Ouest de la France, Nicolas Rabuel s’est confié peu avant la réception de Biesheim (6e journée de N2) le 21 septembre dernier, au stade de la Colombière (défaite 4-2). Tour d’horizon.

VAFC : « Un enrichissement »

Avec Epinal cette saison. Photo Justine Touvenot / SAS Epinal

À 46 ans, Nicolas Rabuel n’est finalement encore qu’un petit jeunot sur les bancs du football français. Longtemps adjoint ou coach au centre de formation valenciennois, il s’est lentement mais sûrement préparé à un avenir tout tracé en qualité d’entraîneur principal.

Son diplôme professionnel (BEPF) en poche, le moment est venu pour cet ancien arrière gauche de métier, un certain 1er juillet 2022, de prendre officiellement et sans intérim la tête de sa première formation de haut niveau : Valenciennes, qui était alors en Ligue 2. « Sur ma première expérience à la tête de VAFC, je suis satisfait. Je suis satisfait parce que je m’étais préparé à ça. Ça faisait longtemps que je préparais le BEPF et que je voulais avoir l’équipe. Quelque part, c’était un peu la suite logique dans mon cursus que je puisse devenir numéro 1. Je m’y étais préparé en ayant coaché les jeunes à Boulogne, les U19 et la réserve à Valenciennes et en ayant effectué quelques intérims. Je savais exactement à quoi je devais m’attendre ».

Voilà Nicolas Rabuel lancé dans le grand bain de l’élite. « C’est une saison qui a été très riche en apprentissages. On fait une bonne première partie puisqu’on est 5es à la trêve. »

Photo SAS Epinal

Malheureusement et pour des raisons qu’il préfère taire, la phase retour ne sera pas du même acabit pour ses joueurs et lui. Valenciennes termina son exercice 16e, au bord du précipice et des quatre relégations causées par la refonte des championnats et le passage à 18. Nicolas Rabuel, lui, ne pourra pas en dire autant : il aura entre-temps été licencié par ses dirigeants mi-avril 2023 (après une série de huit matchs sans victoire) et remplacé par Ahmed Kantari, à 8 journées de la fin.

Après presque dix ans de bons et loyaux services, il quitte le Hainaut par la petite porte. Une expérience qu’il a finalement jugé, à froid, comme étant « très enrichissante » car il a appris. Oh oui, il a beaucoup appris. « À la fois sur la façon de bâtir un effectif et de pouvoir performer mais aussi sur le management des joueurs, du staff et de la direction, ce qui est un élément très important. »

Mais avant de reprendre sa carrière où elle en est aujourd’hui, au Stade Athlétique Spinalien (SAS), continuons de remonter le temps. Nicolas Rabuel termine sa carrière de joueur à l’USBCO et reste dans un premier temps à Boulogne-sur-Mer avant de rallier Valenciennes en qualité d’adjoint en 2015. Un club qu’il ne quittera donc qu’en 2023.

Avec Epinal cette saison. Photo Justine Touvenot / SAS Epinal

Avant d’arriver au guidon du club nordiste, il fera ses gammes dans le centre de formation à la tête des U19 puis de la réserve et fera même quelques intérims. Il voit passer un paquet de jeunes joueurs prometteurs. De jeunes talents sur lesquels, à un moment, l’équipe première s’est forcément appuyée.

« C’était une fierté. J’ai vu beaucoup de jeunes passer du centre de formation au monde professionnel. Fierté aussi de réussir à les emmener à ça, de pouvoir les préparer à ce monde-là et de les voir évoluer. Chacun à un parcours différent, certains grandissent en même temps que le club. D’autres grandissent plus vite que le club et ça en fait des joueurs qui sont « bankables ». C’est une fierté et à la fois un petit regret. À Valenciennes on était contraint chaque saison de devoir vendre nos meilleurs jeunes pour équilibrer le budget et on a rarement eu l’occasion d’avoir un pécule suffisant pour dire qu’en vendant nos joueurs on améliorait le quotidien du club. Je parle plutôt d’améliorer les infrastructures du centre de formation, de pouvoir développer les staffs d’éducateurs. Pour avoir de bons jeunes il faut aussi un bon encadrement. »

Épinal : le pari de l’ancrage local

Photo SAS Epinal

L’ancrage local. Pourquoi est-ce important de souligner cela ? Déjà parce que cela fait partie intégrante de son chemin de croix jusqu’au BEPF et de son actuelle fonction à Epinal mais aussi parce que ce sont sur ces jeunes du cru valenciennois qu’il a misé, en partie, dans ses plans de reconstruction du SAS.
Mué en véritable architecte, sa mission a été, tout d’abord, de mettre en place un staff resserré mais cohérent avant de bâtir son effectif. Ainsi, l’équipe encadrante déjà en place a-t-elle été conservée – John Panfili, entraîneur des gardiens), Loïc Soria (préparateur physique) et Romain Gotté (team manager et analyste vidéo, entre autres). Tous sont fins connaisseurs du club et constituent une base solide de l’ancrage local souhaité par les dirigeants du club vosgien.

Pour Nicolas Rabuel, l’une des clés pour réussir quand on est entraîneur dans le football moderne, c’est être capable « de bien s’entourer. Il faut évidemment des compétences tactiques mais il faut savoir s’entourer des meilleurs experts ». Il n’y avait pas de meilleurs experts avec lesquels collaborer pour réussir sa tâche en plein coeur des Vosges.

Avec Jean Antunes, le coach de Feignies-Aulnoye, en n2, cette saison. Photo Thierry Colas / SAS Epinal

Pour autant, une place est restée vacante : celle de l’entraîneur adjoint. A son arrivée en juin dernier, le président, Yves Bailly, lui a laissé le choix de pouvoir intégrer une personnalité extérieure au club dans son équipe. Seulement, s’il faisait venir quelqu’un de l’extérieur, le coût de son arrivée amputerait le budget alloué pour le recrutement des joueurs et le premier édile du club avait déjà une petite idée dans un coin de tête. Il propose à son nouveau coach le nom de Yannis Rouani, responsable jusqu’alors des U18 R1 du SAS (qui ont notamment réussi un fabuleux parcours jusqu’en 32e de finale de Coupe Gambardella l’an passé et affronté le PSG d’Ethan Mbappé).

Rouani, qui a joué au club, fils de Slimane Rouani, un des historiques du SAS (ex-joueur de Division 2 notamment au milieu des années 90), est aussi un expert. Il connaît tous les joueurs et tous les jeunes.
L’idée fait mouche. Rabuel ne voit pas de meilleure personnalité que lui. « Il cochait toutes les cases. C’est une ressource interne indispensable. C’est un gain de temps énorme d’avoir quelqu’un, qui, en plus de John et Loïc, connaît les jeunes, en plus, on en a intégré six ! ».

Photo SAS Epinal

Promu au poste d’adjoint Rouani complète donc le staff spinalien. Nicolas Rabuel s’est ensuite penché sur l’effectif. Une fois encore, il a le choix. « Pour rebâtir, il y avait deux options : profiter du fait que l’effectif comportait beaucoup de joueurs qui arrivaient en fin de contrat et pouvoir repartir sur une page blanche. Ou alors s’appuyer sur la base spinalienne. Comme on l’a dit, au club, il y a un ancrage local très fort. C’est ce que j’ai préféré choisir en essayant de conserver un maximum de joueurs qui étaient en National la saison dernière. J’estimais qu’il y avait un potentiel à exploiter. On n’a pas pu garder tout le monde, certains joueurs avaient exprimé des envies d’ailleurs et/ou la volonté de rester à un niveau supérieur mais on a quand même réussi à s’appuyer sur un socle d’anciens joueurs du club. »

Le SAS a notamment su conserver des cadres importants comme le capitaine Sébastien Chéré, son gardien Salim Ben Boina ou encore l’indéboulonnable Jérémy Collin. Paul Léonard, Muamer Aljic, Baptiste Aloé, Abdoulaye Niang et Karim Coulibaly ont aussi été conservés. Des jeunes sont montés et des recrues sont arrivées. La gloire locale, Gaëtan Bussmann (Nancy) est revenu; Fredler Christophe (Strasbourg), le gardien international béninois Dava David Agossa, Bastien Launay (Avranches), Aeron Zinga, Jawad Kalai (ex-Valenciennes) et Valdir Fonseca – qui a aussi été formé au VA mais arrive en provenance de Bergerac – ont débarqué. Ces derniers ont déjà été coachés par Rabuel dans le passé. Enfin, Marvyn Vialaneix arrive lui aussi du club nordiste mais n’a jamais officié sous les ordres de son nouvel entraîneur. Une liste à laquelle s’ajoute le nom de Baptiste Aloé, prêté par Marseille au VAFC entre 2015 et 2017, et qui avait déjà, lui aussi, côtoyé son « nouveau » coach au stade du Hainaut.

« Chacun doit se sentir investi »

Photo Thierry Colas / SAS Epinal

« L’objectif était vraiment de constituer ce groupe avec 16 joueurs confirmés et polyvalents, ça va aussi de paire avec nos moyens actuels. On ne pouvait pas recruter 20 joueurs. » Au-delà des moyens, l’idée d’avoir un groupe qui compte jusqu’à 25 têtes maximum en comptant les trois gardiens est la base de la conception souhaitée par Nicolas Rabuel. « Dans le projet de jeu, j’ai demandé un groupe restreint. On sait que 80% du temps de jeu est aujourd’hui partagé entre 15-16 joueurs, or pour que les joueurs se sentent entièrement investis, il faut qu’ils aient un minimum de minutes. Si chaque week-end 5 ou 6 garçons restent à la maison et n’apparaissent jamais sur la durée, ça devient beaucoup plus difficile à gérer car ce sont des joueurs qui vont lâcher et qui ne se sentiront pas impliqués dans le projet. Et pour que le système soit performant, chacun doit se sentir investi. »

Un credo aussi valable pour son staff. « Chacun doit être capable d’apporter des couleurs et des saveurs différentes dans les séances d’entraînement, tout en partageant des valeurs compatibles. J’aime avoir un staff qui soit aussi une force de proposition, qui puisse me confronter à certaines idées et certains choix dans le but de faire avancer la réflexion. En signant ici à Epinal, il y a un slogan, c’est « grandir ensemble » : que ce soit dans la relation avec les joueurs ou le staff, à la fin de la saison, il faut que l’on soit tous plus grands, qu’on se soit enrichit les uns les autres et qu’on ait pu apprendre de chacun. »

C’est ainsi qu’Epinal aborde sa reconstruction et pourquoi pas une rapide remontée. Habitué à faire l’ascenseur depuis une dizaine d’années, champion de son groupe de National 2 il y a encore deux ans, le niveau s’est depuis relevé et tout est à recommencer pour une équipe qui vise, à court voire moyen terme, de remonter.

La loi des séries pour la saison à venir

Avec Stanislas Oliveira, à Diochon, face à QRM, quand il était adjoint en L2 à Valenciennes (saison 2017-2018). Photo Bernard Morvan.

Si le projet sportif est défini et le plan de jeu établi, le vestiaire a fixé ses propres règles de vie. Sur le terrain, les Spinaliens version 2024-2025 vont devoir montrer de quel bois ils se chauffent avec un effectif expérimenté et qualitatif.

« Oui, on est ambitieux mais on aborde la saison avec beaucoup d’humilité en gardant en mémoire tout ce qu’il s’est passé la saison dernière. Une descente est toujours un évènement difficile à digérer psychologiquement. Malgré ça, on est contents par rapport à notre recrutement et la qualité du groupe. On a faim dans notre championnat, dans certainement la poule la plus difficile de National 2 mais on reste encore aussi dans une phase de découverte avec la refonte qui est passée par là. C’est difficile de se projeter, les adversaires se sont aussi renforcés, il ne faut pas l’oublier. Est-ce qu’on a le potentiel de remonter dès la première saison ? Pour le moment, on a décidé avec le staff de découper la saison par séries de quatre ou six matchs en fonction du calendrier afin de se fixer des objectifs de points sur ces séries-là. On pourra faire un premier bilan à la trêve une fois qu’on aura rencontré tous nos adversaires et faire une projection sur la deuxième partie de saison en chiffrant nos objectifs de fin de saison. »

Après six journées, le club vosgien pointe au 9e rang, en milieu de tableau (7 points, 2 victoires, 1 nul et 3 défaites). Si certains peuvent juger ce début de saison décevant, il faut savoir laisser le temps au temps et accepter une période de rodage. Beaucoup de choses ont changé et chacun doit trouver sa place dans ce projet. Épinal semble malgré tout sur de bons rails en interne alors que son nouveau stratège continue de cimenter la cohésion de son groupe. Pour autant, rien ne sera facile dans ce championnat, avec une seule montée, et puis, vous connaissez la chanson : tous les points compteront en fin de saison !

Nicolas Rabuel, du tac au tac

« Mon rêve, c’était un parcours à la Maldini ! »

Ton meilleur souvenir de carrière ?
La montée en Ligue 1 avec Boulogne-sur-Mer (2008-2009). Et aussi la montée en Ligue 2 avec le FC Rouen (2003-2004), elle a été marquante mais forcément quand tu touches le Graal… Sorti de l’OL, après ma formation, ça faisait 10 ans que j’attendais de jouer en Ligue 1 et je touchais ça du doigt dans un contexte de dingue avec un engouement populaire énorme à Boulogne. C’est valable pour les deux clubs d’ailleurs ! Mais le meilleur souvenir, reste la montée en Ligue 1.

Ton pire souvenir ?

Avec Valenciennes, dans le staff de la Ligue 2, face à QRM, en 2018. Photo Bernard Morvan.

C’est la sortie de ma formation à Lyon où on m’a promis un contrat professionnel d’un an. Mon modèle de carrière c’était ‘’je suis formé à Lyon, je fais ma carrière à Lyon’’. Mon rêve c’était un parcours à la Paolo Maldini avec Milan. Pendant les vacances, à quelques jours de la reprise, l’OL était qualifié pour la première fois en Ligue des Champions. À ce moment-là, Jean-Michel Aulas recrute Sonny Anderson et Tony Vairelles et il y avait un joueur de trop dans l’effectif. Comme je n’avais pas encore signé mon contrat, eh bien je ne l’ai jamais signé. Ça a été très douloureux à digérer, je n’aurais peut-être jamais joué en Ligue des Champions avec Lyon, je ne sais pas, mais en tout cas, je me suis retrouvé en CFA à Angoulême et il m’a fallu dix ans pour retrouver la Ligue 1. J’ai eu la nouvelle tellement tardivement que finalement tous les effectifs de Ligue 2 et de National étaient bouclés et il fallait bien jouer au football.

Un joueur avec lequel tu as évolué qui t’as marqué ?
J’en ai vu un paquet mais je crois que celui qui m’a toujours mis sur le derrière (sic) c’est Sidney Govou. Tout le monde sait qu’il n’avait pas la meilleure hygiène de vie mais c’était un dragster sur le terrain. Peu importe ce qu’il faisait la semaine, peu importe ce qu’il faisait la veille d’un match, il était toujours à 100% et performant. C’est quelqu’un qui en plus est arrivé sur le tard, il n’a pas fait de centre de formation, il venait du monde amateur et c’était un extra-terrestre.

Un entraîneur qui t’a marqué ?

Avec le FC Rouen, en L2, au stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

Ça va de paire avec la montée en Ligue 1, c’est Philippe Montanier. On était le tout petit Boulogne et Philippe avait cette capacité de réussir à transcender le groupe. Il réussissait à nous faire croire qu’on était capable de taper n’importe qui en Ligue 2 malgré notre 20e budget. On pouvait jouer n’importe qui, se bagarrer contre Montpellier, Lens, Strasbourg et gagner ! Jouer la montée n’était absolument pas programmé. L’année précédente, on s’était maintenu à la dernière seconde de la dernière rencontre ! »

Un modèle, une idole ?
Je ne suis pas trop dans ce modèle-là. Par contre, j’avais un petit carnet pendant ma carrière de joueur et je notais toutes les grandes idées que j’aimais bien chez chaque coach, les principes de jeu, les entraînements et même les préparations estivales. Je résonnais en mode ‘’ça, ça me plait, je prends et je garde ou ça je n’aime pas, je ne le ferai jamais‘’. C’était un capteur d’idées et de management pour tout ce qui était approche du terrain et du vestiaire.

Un entraîneur que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir ?
C’est un entraîneur qui a malheureusement disparu : René Marsiglia que j’ai eu à l’AS Cannes. C’est quelqu’un qui m’avait toujours suivi, on était en contact et pour une fois, on a pu travailler ensemble. Malheureusement, il s’était fait virer après quatre ou cinq journées… Aujourd’hui, je suis sûr que c’est quelqu’un avec qui j’aurais aimé reprendre contact pour parler foot.

Un coéquipier avec qui tu pouvais jouer les yeux fermés ?
Il n’y a pas besoin de réfléchir : c’est Alexandre Cuvillier. On était à Boulogne et on était proches sur le terrain et dans la vie. On l’est toujours dans la vie d’ailleurs. J’étais latéral gauche, lui excentré gauche et si le match durait 90 minutes, nous on se parlait pendant 120 ! Je savais que quand je montais, il prenait ma place. Quand j’avais le ballon, je savais quand et où il allait me le demander. Finalement, on a fait trois saisons ensemble (deux en Ligue 2 et une en Ligue 1), mais la connexion s’est faite très rapidement, on était un vrai binôme. Des années plus tard, on s’était retrouvé dans un match de gala à Boulogne et la connexion était toujours là. C’était drôle parce que j’avais arrêté le foot, lui jouait encore mais rien n’avait changé !

Choisis un stade : Le Hainaut (Valenciennes), La Libération (Boulogne), Robert-Diochon (Rouen), Coubertin (Cannes) ou Les Costières (Nîmes) ?

Avec le FC Rouen, en L2, au stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

Cette fois, je dirais quand même Diochon. Ce n’est pas pour l’infrastructure en elle-même mais vraiment pour l’ambiance, surtout que c’était l’année où on monte avec le FC Rouen de National en Ligue 2. Il y avait aussi une super ambiance à la « Libé » l’année de la montée avec Boulogne mais c’était un cran au-dessus à Diochon. J’ai le souvenir d’une ambiance à l’anglaise, où dès qu’on passait le milieu du terrain, tu sentais que ça vibrait, que le public te portait. Tu passais le milieu et tu étais persuadé que tu pouvais marquer un but tant la ferveur était folle. Les gens te portaient vraiment jusqu’au but.

Le public qui t’a le plus impressionné ?
Il y en a deux… et même si je suis Lyonnais, je vais devoir le dire. Il faut être objectif, aujourd’hui, quand tu vas à Saint-Étienne et à Lens et qu’ensuite tu rentres chez toi, pendant deux jours tu as encore les chants dans la tête. Ils appuient sur « lecture » au début du match et pendant 90 minutes ça n’arrête pas. Ailleurs, les chants s’arrêtent puis repartent; là, c’est un concert. J’espère que les Bad Gones ne m’en voudront pas (rires) !

Ton plus beau but ?
Je n’en ai pas marqué des masses mais le choix est dur. Il y en a un avec la réserve d’Angoulême. Mon fils naît la veille, soit un jour de match et je ne peux pas jouer avec l’équipe première. Le coach me demande si je veux jouer avec la réserve le lendemain et je dis oui. Je marque un but de 25-30 mètres, je reçois un ballon dos au jeu, je me retourne et je frappe de l’extérieur du pied gauche et elle arrive en pleine lunette ! Le but parfait. Il y a aussi un but dans le derby contre Le Havre avec Rouen, on gagne 4-0 à Diochon et je mets le premier but de loin et du gauche. Enfin, j’ai aussi marqué un doublé avec Louhans-Cuiseaux contre Guingamp en Coupe de France. Ce sont ces trois situations qui me sont tout de suite venu en tête.

Tu découvres la Ligue 1 en fin de carrière, est-ce que c’est un final en apothéose ?

Avec Valenciennes, dans le staff de la Ligue 2, face à QRM, en 2018. Photo Bernard Morvan.

Oui et quelque part je pense que ça m’a coûté ma fin de carrière. Quand je suis au centre de formation de l’OL, j’ai un problème au dos pour lequel on me dit que je pourrai pas faire carrière et que le foot va devoir s’arrêter. Je continue et à partir de ce moment-là, quand je ne signe pas mon contrat pro à Lyon, je me suis dis « il faut que je joue en Ligue 1 ». C’est mon objectif. Le cerveau est compliqué. Lorsque j’atteins la Ligue 1, je fais la saison mais on redescend en Ligue 2 et à partir de là mes problèmes de dos se sont amplifiés. Je suis convaincu que j’avais tellement programmé mon cerveau pour la Ligue 1 que, une fois l’objectif atteint, il m’a dit « tu as mis le GPS sur la Ligue 1, la destination est atteinte, maintenant stop ». J’ai arrêté en octobre la saison d’après.

Le football en deux mots ?
Humilité et ambition.

Qu’aimes-tu faire à côté du football ?
J’aime bien passer du temps en famille et aussi avec mes amis : avec eux c’est pétanque, pêche, poker et un apéro de temps en temps ! J’ai besoin de ça dans mon équilibre. J’ai besoin de mon épouse et de mes enfants. J’ai besoin de sortir du contexte du foot et de prendre du temps pour moi et pour les autres. J’ai beaucoup travaillé la-dessus car avant, quand j’avais un peu de temps, c’était toujours foot. Je m’impose des coupures comme le dimanche, quand on a joué le samedi : et s’il faut reprendre le match, je le ferai le lundi. Ça a été difficile à faire au départ, désormais ça devient de plus en plus naturel. C’est indispensable.

Epinal est un club…
Où on grandit ensemble. C’est le slogan du club en plus !

Tu es un coach plutôt…
A l’écoute. C’est le premier truc qui me vient !

Texte : Augustin THIEFAINE

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De retour « chez lui » au nouveau Racing-club de Calais, et dans le rôle de directeur sportif cette fois, l’ancien gardien de but et entraîneur entend contribuer au réveil du football dans une ville et une région en forte demande.

Par Anthony BOYER

Devant le stade de l’Épopée. Photo Radio6

En « renversant » la France du football en 2000 avec sa finale inoubliable de coupe de France, Calais s’est construit une notoriété qui, vingt-quatre ans après, perdure. Une notoriété telle que, à chaque nouvelle édition de l’épreuve reine du football, l’on reparle de cette épopée qui a donné son nom au nouveau stade de 12 000 places, inauguré en septembre 2008. Comme un refrain que l’on n’oublie pas. Comme un tube indémodable, que les nouveaux acteurs reprennent en chœur inlassablement. Comme si, finalement, peu importe la division dans laquelle les Calaisiens opèrent, il n’y en aurait que pour Dame Coupe.

Mais, sans vouloir faire de mauvaise allusion, la vie du ballon rond n’a jamais été un long fleuve tranquille au bord d’une Manche très agitée qui, elle non plus, ne laisse personne tranquille, et surtout pas ces nombreux migrants qui tentent très régulièrement de la traverser dans des embarcations de fortune, au péril de leur vie.

Une instabilité chronique

Avec Espaly, lors de la montée en N3. Photo Lucas Jacquet / LEveil43

Les temps ont changé. Aujourd’hui, Calais est plus connu pour ses « faits divers » au large de ses côtes que pour ses performances footballistiques. Il faut dire aussi que, depuis la disparition du célèbre CRUFC (Calais Racing Union Football-club), en 2017, le citoyen s’est un peu perdu avec ces fusions, ces ennuis administratifs (deux rétrogradations de National en CFA2 en 2001 et 2009 et une liquidation judiciaire en 2017, et une dernière rétrogradation en juin dernier de R1 en R2 avant que la commission d’appel de la DNCG n’infirme cette décision), ces changements d’appellation, bref, cette instabilité presque chronique.

Certes Calais a changé l’image que l’on pouvait avoir du monde amateur en 2000, au point de révolutionner le football, mais il s’est aussi beaucoup perdu au fil du temps.
Mais s’il a connu des heures compliquées, le foot à Calais n’est pas mort. Et, un peu à l’instar de ce qu’il se passe à 35 kilomètres plus au nord, à Boulogne-sur-Mer, le football est en train de reprendre sa place, celle-là même qu’il n’aurait jamais dû perdre.

Des attaches aussi en Haute-Loire

Avec Espaly. Photo La Commère 43.

Sylvain Jore, lui aussi, est en train de reprendre sa place à Calais, façon de parler. Lui le Boulonnais de 49 ans a vécu ses plus belles heures au CRUFC, qu’il a entraîné de 2000 à 2008, juste après la fameuse finale de coupe perdue au Stade de France face à Nantes (2-1). Il n’était donc pas de la fameuse épopée.

L’ancien gardien de but de l’USBCO dans les années 90 (en CFA), passé par le centre de formation du RC Lens pendant deux saisons et aussi par Amiens – « Je m’entraînais avec les pros d’Arnaud Dos Santos en Division 2 mais je n’avais pas de contrat pro », est revenu « chez lui » l’an passé, après une dernière saison 2022/23 sur le banc, à Espaly-Saint-Marcel, juste à côté du Puy-en-Velay, où il a fait grimper l’équipe de Régional 1 à National 3.

Espaly, Le Puy, deux destinations qui lui sont chères et qui l’ont profondément marqué, au point d’y avoir conservé de sérieuses attaches. C’est d’ailleurs au Puy Foot 43 qu’il avait poursuivi sa carrière de coach après ses huit saisons sur le banc du CRUFC et une autre à Saint-Omer (CFA2), faisant grimper l’équipe fanion de DH en CFA2 (N3), avant de « rentrer » une première fois à Calais pour tenir pendant près de sept ans un bar-tabac, le Victorien, après une seconde expérience sur le banc de Saint-Omer, en DH cette fois.

Son troisième retour à Calais !

Capture d’écran 13HF

Il avait ensuite tenté un deuxième retour dans le foot calaisien, en 2018, dans le nouveau club, le Calais Grand Pascal, en Régional 2, mais l’expérience n’avait duré que quelques mois : après seulement un match de coupe et un match de championnat, il avait prématurément quitté son poste.

Cette fois, son troisième retour à Calais, en février dernier, dans le tout nouveau club, le Racing-club de Calais, et dans un rôle différent, celui de directeur sportif, semble s’inscrire dans la durée et lui convenir à merveille, même s’il découvre une autre facette des métiers du foot.

Et puis, comme tout va très vite dans le foot, un an après une nouvelle fusion et la création du « Racing », que Sylvain Jore évoque dans l’entretien à suivre, et quelques semaines après son intronisation au club, les seniors d’Olivier Laridon ont quitté le Régional 1 et retrouvé le National 3 après une mémorable séance de tirs au but face à Arras (finale d’accession, 2-2 à l’issue du temps réglementaire, 4 tirs au but à 3 !), dans un stade de l’Epopée garni de plus de 5000 spectateurs ! Preuve qu’il y a bien une attente sur la Côte d’Opale, entre les deux « anciennes » places fortes que furent Le Touquet et Boulogne.

Interview

« Calais est une ville de foot ! »

A Espaly (ici aux côtés de Lionel Vaillant, son successeur à la tête de l’équipe de N3). Photo La Commère 43.

Sylvain, tu es arrivé sur le banc de Calais en 2000, juste après l’inoubliable épopée en coupe : mais où étais-tu cette saison-là ?
J’étais à Boulogne !

Du coup, cette finale Calais-Nantes, tu l’as vécue comment ?
J’étais très heureux ! Je me souviens que j’encadrais l’équipe féminine 15/16 ans de la Ligue à l’époque, avec Gérard Sergent, on était en coupe Nationale à La Pommeraye, on avait vu la demi-finale de la coupe contre Bordeaux avec la Ligue d’Aquitaine, on était tous comme des fous ! On est allé au stade de France pour les supporter en finale, bien entendu !

Quand tu as affronté Nantes en 1/4 de finale de la coupe de France, en 2006, avec Calais, 6 ans plus tard, tu t’es dit quoi ?
Je me suis dit que c’était un joli clin d’oeil, mais je n’ai pas pensé à une quelconque revanche. De mémoire, il y avait encore Cédric Schille, Jérôme Dutitre, Fabrice Baron, Mathieu Millien, Réginald Becque (entraîneur de la réserve), j’espère que je n’en oublie pas, on n’est pas passé loin, on a perdu 1 à 0 sur un but à la fin de Da Rocha, devant 30 000 personnes. C’était une belle aventure.

Il y a moins d’un an et demi, tu as fait monter Espaly en National 3 : pourquoi être parti ?
Pour raisons familiales. Mon épouse est fille unique, les enfants étaient restés dans le Nord, ma fille est à Boulogne, on a un garçon qui est à Nancy, c’était compliqué à gérer pour elle, avec la distance… Donc voilà, on a rapidement pris la décision de « rentrer », sans savoir que je travaillerais au RC Calais. Il y avait deux possibilités. On a tenu un bar tabac pendant six ans et demi à Calais, Le Victorien, donc soit on se projetait pour retravailler dans ce milieu des buralistes, soit je retournais dans le foot, et puis il y a eu cette opportunité au RC Calais, qui recherchait un directeur sportif, donc j’ai candidaté, j’ai été reçu comme d’autres, j’ai exposé ma vision des choses, j’ai la chance aussi de connaître les gens ici, donc cela s’est fait naturellement, au début de l’année. Quant à mon épouse, elle retravaille au Victorien. Comme quoi, cela nous colle à la peau !

« La disparition du CRUFC a fait mal »

Photo RC Calais

De l’extérieur, le foot à Calais donne vraiment l’image d’une grande instabilité : est-ce que tu peux nous éclaircir là-dessus ?
C’est exactement ça. C’est vrai que la disparition du CRUFC en 2017 a fait très mal au football calaisien, parce que c’était le club phare, le club « repère » des Calaisiens, et après, tout le monde s’est un peu perdu, entre guillemets. Et puis l’Amicale Pascal, autre club historique sur le bassin calaisien, un des meilleurs clubs régionaux de la région, a pris ce projet du club phare calaisien. Parallèlement, le club « Calais Haut de France » s’est crée et a fait un gros travail sur la formation des jeunes. Puis en 2019, le Grand Calais Pascal FC est né de la fusion de l’Amicale Pascal Calais et du FC Grand Calais. Puis, logiquement, avec l’aval de la mairie et avec l’arrivée des certaines personnes venues apporter leur expérience, il y a eu cette fusion des deux nouveaux clubs, Calais Grand Pascal et Calais Haut de France. Maintenant, il n’y a plus qu’un seul nom, il n’y a plus qu’un seul club phare calaisien : le RC Calais. Je pense que tout le monde s’y retrouve. On va pouvoir avancer sereinement. La médiatisation et l’accession des seniors en National 3 en juin dernier ont permis de poser les jalons.

« Participer au renouveau de la formation calaisienne »

Soir d’accession en N3 avec Calais, en juin dernier, au stade de l’Épopée. Photo Radio6

Le Racing-club de Calais, cela rappelle énormément le Racing-club de Lens, tout de même… C’est osé, non ?
Oui, et cela ne fait pas que des contents à Calais, parce que, historiquement, avant, on avait l’US Calais et le Racing Calais, et la fusion des deux (en 1974) a donné naissance au CRUFC, donc nos anciens de l’US Calais font un peu « la gueule », mais qu’ils ne s’inquiètent pas, on va faire en sorte que le football calaisien redevienne ce qu’il était.

Ton rôle de directeur sportif, c’est différent ?
C’est un rôle que je découvre. J’apprends énormément de choses, je commets des erreurs aussi, c’est très enrichissant. De toute façon, à partir du moment où je suis revenu à Calais, je ne me voyais pas entraîner, d’autant moins qu’il y avait des gens en place et qui faisaient du bon boulot. Je n’ai pas de problème avec ça. Il y a eu cette opportunité d’être directeur sportif et ça m’a intéressé, parce que j’ai envie de participer au renouveau de la formation calaisienne et j’espère pouvoir le faire. C’est un beau challenge, c’est beaucoup de boulot, mais c’est aussi une chance de pouvoir retravailler dans le foot.

« Ici, on parle du dépassement de soi, du courage, de l’agressivité »

Capture d’écran 13HF

Il y a une vraie culture de la formation à Calais ?
Oui, il y a une identité propre ici, on parle du dépassement de soi, du courage, de l’agressivité dans le bon sens du terme. Je me souviens que, quand je portais les couleurs de Boulogne, on ne passait pas de bons moments quand on venait jouer à Calais. Et quand j’entraînais, les équipes adverses ne passaient pas de bons moments non plus au stade Julien-Denis. Beaucoup de joueurs sont sortis, Djezon Boutoille, mais aussi l’attaquant Laurent Dufrenne, le gardien Karim Boukrouh, sans oublier cette épopée en coupe de France, où il y avait une majorité de Calaisiens dans cette équipe. C’est très long à construire, à bâtir, on a beaucoup de projets avec la section sportive pour remettre cette formation calaisienne sur le devant de la scène, on a des clubs alentours qui montent de niveau, comme Calais Beau Marais en Régional 1, l’AS Marck aussi qui a toujours été présente (au 3e tour de la Coupe de France, le RC Calais s’est qualifié 1 à 0 sur le terrain de l’AS Marck, club de R2), on va essayer d’être patient, de poser les bonnes bases et d’avancer.

« Travailler dans son coin, c’est compliqué »

Vous travaillez avec les clubs voisins ?
Ce n’est jamais facile de travailler avec eux, mais on va essayer, aujourd’hui. Travailler tout seul, dans son coin, c’est de plus en plus compliqué, les moyens sont de plus en plus réduits; tout le monde se connaît dans le bassin calaisien, donc c’est aussi mon job d’aller voir les copains dans les clubs aux alentours, d’écouter leurs positions.

Photo 13HF

Justement, quelle perception les clubs voisins ont-ils du RC Calais ?
Tous les clubs phares, dans une région, ont un déficit d’amour, parce qu’ils vont chercher les meilleurs jeunes chez les voisins, mais on nous impose tellement de choses aussi… Pourquoi va-t-on chercher des gamins tôt ? Parce qu’il y a un cahier des charges aussi pour atteindre le niveau Ligue. Parce qu’il y a des enjeux financiers avec les indemnités de préformation et de formation. C’est pour ça que je pense qu’il y a un travail à faire de la part de nos instances : il faudrait avoir des règlements qui permettent de laisser les gamins dans leurs clubs autour; peut-être faudrait-il aussi que nous, on ait moins d’équipes dans notre club pour laisser les gamins autour… Voilà, je suis assez ouvert, je veux que les clubs voisins fonctionnent. Et puis j’ai eu l’exemple au Puy-en-Velay, pourtant c’est une petite ville de 18 000 habitants, ils sont montés deux fois en National, et à côté, il y a beaucoup de clubs en Régional 1 et Espaly en National 3, parce qu’il y a cette émulation avec le club phare et ils bénéficient du travail effectué par Le Puy Foot. Nous, on va devoir aussi aller discuter avec les clubs voisins. On a des arguments.

Que reste-t-il de la coupe de France 2000 : y’a t-il des ex-joueurs chez les éducateurs ?
Cédric Schille vient de revenir au club comme entraîneur des gardiens chez les jeunes, et Samuel Marque, qui fut de l’épopée 2006, a remis un pied dans l’observation et le recrutement. Après, il y a des anciens qui viennent aux matchs, mais pas tous, parce que certains sont plus loin, vers Dunkerque.

En ce moment, ton travail consiste en quoi ?
C’est l’organisation sportive du club dans son ensemble. La mise en place d’un cahier des charges bien défini.

En National 3, vous avez des Calaisiens dans l’équipe ?
On a Tristan Schille, le fils de Cédric, Robin Knockaert, on aimerait en avoir d’autres. On a le petit Alexis Seize, qui est natif de Calais, Jules Darré, qui est aussi calaisien.

L’objectif des seniors N3, c’est le maintien ?
On a un bon groupe de joueurs, le début de saison est moyen mais à Valenciennes (2-2), on méritait de gagner, et contre Drancy, on s’est fait égaliser chez nous samedi dans le temps additionnel (1-1). Mais sinon, oui, l’objectif est de se maintenir cette saison. Déjà, l’an passé, pour une première année de fusion, accéder en N3 fut extraordinaire. Cela prouve qu’il y a eu un gros travail de fait.

« La coupe, c’est l’ADN du club »

Avec Espaly, lors de la montée en N3. Photo Lucas Jacquet / LEveil43

Aujourd’hui, ton rêve, ce serait quoi ? Quelle est la place du RC Calais dans le foot contemporain ?
Le souhait, c’est de refaire un parcours en coupe de France, parce que ça fait partie de l’ADN calaisien, de l’histoire du club, on l’a encore vu la saison passée quand on a affronté Caen au 8e tour, cela a déclenché la venue de 6000 personnes au stade. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir ce bel outil – le stade de l’Épopée – alors qu’à l’époque, on jouait les gros matchs de coupe à Boulogne. L’autre souhait, ce serait aussi de retrouver un jour le National, même si le National 2 serait déjà une très belle vitrine pour le football calaisien, surtout quand on voit ces nouveaux championnats nationaux, dont la complexité a été accrue en raison de la réforme fédérale. La N3 est devenue une petite N2. Et la N2 se professionnalise de plus en plus. Se stabiliser en National 2 serait déjà bien.

Le National serait donc le plafond de verre ?
On voit bien que le National est très compliqué, même si on a la structure pour le faire. Regarde Boulogne, qui vient de remonter : mais le club est passé par des années compliquées. On voit bien aussi que les clubs pros engagés en National ont du mal. Mais on reste des compétiteurs, on a envie d’aller le plus haut possible. L’an passé, il y a eu la fusion, l’objectif était de se maintenir en R1, la préparation a été très compliquée, le coach a dû composer, mais la mayonnaise a pris ! Michel Estevan est arrivé en Ligue 1 en très peu de temps avec Arles-Avignon. Philippe Montanier à Boulogne aussi. L’important est de mettre les bases, de structurer et de professionnaliser le club, mais cela ne se fait pas comme ça.

« Le stade Julien-Denis était un chaudron »

Le derby Boulogne – Calais, ça manque un peu, non ?
En coupe ça serait bien !

Ce stade de l’Épopée, il est bien, certes, mais il n’a pas le charme de Julien-Denis : tu es nostalgique ?
Oui, je suis très nostalgique de Julien-Denis, qui était un chaudron. Dès qu’on mettait un pied dans ce stade, le coeur battait à 1000 à l’heure. La deuxième année de National, en 2008/2009, a coïncidé avec le déménagement au stade de l’Épopée, et on a eu du mal à digérer ce changement, alors que la saison précédente, quand on jouait encore à Julien-Denis, on s’était maintenu. L’après Julien-Denis a été très difficile à gérer.

Sylvain Jore, du tac au tac

Soir d’accession en N3 au stade de l’Épopée, en juin dernier. Photo Radio6

Ton meilleur souvenir sportif ?
Comme entraîneur, c’est avec le CRUFC et les parcours en coupe de France : on a fait un 1/4 de finale, un 8e de finale, des 32es de finale…

Ton pire souvenir sportif ?
Je n’en ai pas beaucoup. Je dirais la séparation avec le CRUFC, en 2009, après la deuxième saison en National. Cela faisait 8 ans que j’entraînais, et c’est vrai que l’on n’était pas loin d’être à bout de souffle. Et puis c’était la deuxième saison en National (2008/09), elle avait été très compliquée, des tensions étaient apparues, cela n’avait pas été facile à vivre.

« J’aimerais bien revoir Johan Thery »

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Sans hésiter) Djezon Boutoille.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
J’ai arrêté ma carrière de joueur tôt, à l’âge de 26 ans, donc je vais plutôt parler d’un souvenir d’entraîneur : je vais dire, plutôt qu’une saison, une rencontre, celle avec Christophe Gauthier, le président du Puy-en-Velay. Cela a été pour moi une très-très belle rencontre. J’ai passé deux très bonnes années au Puy Foot, ça m’a permis ensuite de faire d’autres belles rencontres, comme celle avec Christian Perbet, le président d’Espaly, où j’ai entraîné il y a deux ans.

Avec le président du RC Calais, Nicolas Bouloy. Photo RC Calais

L’erreur de casting de ta carrière ?
Sincèrement aucune. Dans chaque club où je suis passé, j’ai eu la chance, tout d’abord, d’avoir des résultats, d’être suivi par mes joueurs et mes dirigeants, et d’avoir des bons groupes de joueurs.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
C’est surtout un ami, un proche que je n’ai pas vu depuis longtemps, c’est Johann Therry, qui a aussi joué à Valenciennes, Boulogne, on a été « élevé » ensemble à Lens, on était tout le temps ensemble.

Un coach perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
J’en croise beaucoup, comme Bruno Dupuis (son coach à Boulogne en 1999/2000), que je vois quand il est à Boulogne. Allez, je vais dire Jean-Michel Vandamme. Je l’ai eu un an à Lens. Il a été proche de moi, toujours été à l’écoute, il m’a expliqué les choses, notamment pourquoi cela ne marchait pas.

« Manu Pires m’a mis le pied à l’étrier »

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Joker !

Le stade de l’Épopée à Calais. Photo Radio6

Un président marquant ?
André Roches, à Calais (décédé en 2019). Il a eu cette audace de me nommer entraîneur à Calais après Manu Abreu, malheureusement disparu lui aussi, paix à son âme, parce qu’à ce moment-là, j’avais 26 ans. Donc il fallait avoir les c… pour lancer un gamin comme entraîneur et après ça, j’ai fait 8 ans sur le banc à Calais, j’ai tout connu, deux accessions, de CFA2 à CFA puis de CFA à National, on a fait quatre 32es de finale de coupe de France, deux 16es et et un quart-de-finale, en 8 ans, c’est pas mal.

Un président qui ne t’a pas marqué…
Joker, parce que c’est très compliqué de parler de ça. J’ai connu beaucoup de présidents, ils ont toujours été à l’écoute de ce que je demandais. Humainement, j’ai toujours connu des bonnes personnes.

Une rencontre ?
Celle avec Manu Pires à Amiens, qui est devenu mon ami. C’est lui qui m’a lancé, qui m’a poussé à passer mes diplômes, je peux lui dire merci ! Lui et des gens comme Jean-Carl Tonin à Amiens et ensuite à Lens forcément m’ont élevé ou presque dans le monde « éducateur ». Manu, c’est LE personnage important dans ma carrière. J’ai rencontré beaucoup de coachs, mais lui, il m’a donné les billes et les armes pour aller vers ce métier de coach et m’a mis le pied à l’étrier (Manu Pires fut notamment directeur du centre de formation de l’OGC Nice).

Tu étais un gardien de but plutôt…
Autoritaire. J’aimais bien diriger. Je connais mes défauts aussi : à une certaine période, je n’ai pas eu le mental pour passer ce cap du monde pro, et ça, je l’ai appris ensuite en tant qu’entraîneur. Et puis, il y a aussi le travail. Arsène Wenger le dit très bien : il faut avoir cette volonté de vouloir travailler, et quand on est jeune, quand on intègre un centre de formation, on pense que tout est acquis, que tout est beau, alors qu’il faut avoir cette envie de toujours travailler, et ça, malheureusement, je ne l’avais pas.

« Proche des joueurs »

Olivier Laridon, le coach de la N3 du RC Calais. Photo RC Calais

Tu étais un entraîneur plutôt…
Proche des joueurs.

Tes passions en dehors du foot ?
La famille. Aujourd’hui, on s’aperçoit que c’est la chose la plus importante qui puisse exister.

Boulogne ou Calais ?
Oh put… Tu me fous dans la merde ! Mon papa était dirigeant à l’USBCO toute sa vie et moi j’entraînais Calais… J’ai vraiment une affection pour les deux. D’ailleurs, j’ai souvent Fabien Dagneaux, leur coach en National, je leur souhaite tout le bonheur. Je suis marié avec une Calaisienne, et ma vie, c’est Calais, c’est ce club, et on va essayer de travailler du mieux possible pour le faire évoluer.

Le Pas-de-Calais ou la Haute-Loire ?
Le Pas-de-Calais, mais j’aime énormément la Haute-Loire !

« Parfois, le passé ne nous rend pas service »

Le RC Calais, en quelques mots ?
C’est un jeune club, qui a seulement un an d’existence, avec 700 licenciés dans une ville de 78 000 habitants, un nombre de bénévoles conséquent, des gens qui bossent… Avec une école de foot assez remplie. En foot à 11, on est présent dans toutes les catégories, on a trois équipe seniors. Je suis bien entouré, j’ai un bon pole d’éducateurs qui fait un super boulot. Calais est une ville de foot. Quand on voit que l’on est capable de faire 5 500 spectateurs la saison passée pour un match de Régional 1, cela veut bien dire qu’il y a une ferveur. Les gens n’attendent que ça. On a la chance d’avoir la municipalité qui nous suit. On est un club, qui démarre, et je pense qu’il y a de bonnes bases.

Qu’est-ce que tu entends par « Les gens n’attendent que ça » ?
Que le foot reprenne comme avant. En National 3, on fait 2800 personnes, dont 1000 qui ont suivi le premier match de N3 en live vidéo, alors bien sûr, c’est entrée gratuite au stade de l’Epopée, mais il y a une attente, qui est logique, parce qu’il y a un passé ici, et malheureusement, ce passé par moments ne rend pas toujours service. On a un nouveau et jeune président, Nicolas Bouloy, qui est une bête de travail et un passionné de foot.

Un modèle de joueur ?
Mon modèle, c’était Bernard Lama, que j’observais beaucoup quand j’étais jeune. J’ai eu cette chance de rentrer au centre de formation de Lens quand il était gardien de l’équipe de Division 1. Je l’ai vu travailler avec André Lannoy. Dans le Pas-de-Calais, on est tous fans de Lens, alors quand on a cette chance de porter ce maillot, même chez les jeunes, et de voir de près des gardiens comme ça, c’est fabuleux.

Un modèle d’entraîneur ?
Philippe Montanier, quand il était à Boulogne : c’était l’époque où je démarrais en tant qu’entraîneur à Calais. Il est arrivé avec Hubert Fournier : tous deux ont vraiment posé les bases à l’USBCO pour que cela devienne un grand club sur le plan sportif, même s’il y a eu le travail des dirigeants également, comme Jacques Wattez, mais pour moi qui ai côtoyé Philippe Montanier sur la Côte d’Opale, il a été quelqu’un d’important.

Le milieu du foot ?
Passionnant et cruel.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Le club normand, blotti entre Deauville et Cabourg, est une anomalie dans l’antichambre du National. Mais il a gagné sa place sur le terrain, en grimpant de six échelons en huit ans. Et pour la conserver, il a misé sur Bruno Luzi, le coach faiseur de miracles avec Chambly.

Par Anthony BOYER

Le stade André-Salusse à Villers-sur-Mer. Photo 13HF

C’est peut-être parce que l’affiche annonçait un début de rencontre à 18h30 (au lieu de 17h30, heure officielle) que les Jaune et vert de Villers-Houlgate (prononcez « Vilère ») ont mis une heure pour lâcher les chevaux et face à Thionville Lusitanos, samedi dernier, dans cette affiche de promus en National 2 !

Ce n’est pas tout : le journal local, Le Pays d’Auge, avait pour sa part annoncé un coup d’envoi à… 18h. Même nous, d’ailleurs, n’étions pas informés du bon horaire : il aura fallu un message du jeune président Victor Granturco pour nous confirmer que le coup d’envoi était bien à 17h30. L’on comprend mieux pourquoi le champêtre stade André-Salusse a mis du temps à se remplir.

C’est un détail, bien sûr, mais qui a son importance, surtout quand on sait que le foot, a fortiori quand il se rapproche du semi-professionnalisme, est une somme de détails qui, additionnés les uns aux autres, font qu’un club va parvenir à ses objectifs ou non.

150 places en tribune

Le stade de Villers-sur-Mer, à quelques centaines de mètres à peine de la mer, à 10 kilomètres de Deauville et autant de Cabourg, dépareille un peu dans ce National 2 « 2.0 ». Les petites bourgades sont de plus en plus rares à ce niveau-là et, par la force des choses, seront de plus en plus rares. Une petite tribune d’à peine 150 places, trois mains courantes, une herbe certes verte mais un peu haute, un terrain difficile, bref, ça ressemble, sans vouloir être péjoratif, à une rencontre du dimanche après-midi en Régional.

D’ailleurs, on n’est pas loin de la vérité : voilà seulement, quinze mois, l’AS Villers-Houlgate évoluait encore en Régional 1. Et voilà seulement quatre ans, l’ASVH évoluait encore en … Départemental ! Quelle ascension !

Chambly, l’exemple

Juste avant le coup d’envoi entre l’ASVH et Thionville-Lusitanos. Photo 13HF

Il est 16h15. C’est l’ouverture des portes du stade, ou plutôt, du portique devant l’unique guichet. L’un des tous premiers spectateurs n’est autre que Thierry Granturco, l’ex-président du club (de 2016 à 2022, année où il a cédé son fauteuil à son fils aîné Victor), l’ex-maire de Villers, l’ex-président du FC Rouen, l’avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, l’homme d’affaires, n’en jetez plus, bref, un homme influent au CV long comme le bras, qui paie sa place et fait marcher la buvette !

Le temps est estival sur la côte fleurie, mais apparemment, cela n’a pas été vraiment le cas ces dernières semaines : « T’as de la chance, c’est le premier jour de grand beau temps depuis un mois » lance Bruno Luzi, le nouveau coach, le Druide, dont on apprendra plus tard que sa venue récente était d’abord un rêve pour les dirigeants : quand ces derniers ne sont pas tombés d’accord avec Benjamin Morel, l’homme des accessions, ils se sont mis en quête d’un profil à la Bruno Luzi … sans savoir que, quelques semaines plus tard, ce n’est pas son clone qui débarquerait sur les bords de la Manche, mais le vrai Luzi en personne ! Celui dont les exploit avec Chambly ont résonné dans toute la France et et donné des idées aux « petits » clubs. Parce que Chambly est un exemple, Villers-Houlgate, qui se trouve des points communs avec le club de l’Oise, veut s’en inspirer pour continuer de se structurer, de grandir, de performer dans l’anti-chambre du National.

Chambly, la ressemblance

Photo 13HF

16h45. L’échauffement commence. Julien, l’un des bénévoles du club, est debout devant le « tunnel » des joueurs. C’est la deuxième fois qu’il vient. Il est de Saint-Lô, dans la Manche, à 1h30 de route. C’est le gardien de l’ASVH, Gaëtan Boisroux, qui l’a entraîné dans cette aventure. La passion également. C’est drôle, parce que ces deux garçons-là se complètent bien : si Julien fait office de « monsieur sécurité » le soir des matchs, Gaëtan, lui, est « monsieur assurance tout risque » pendant le match : le gardien multiplie les parades – il ne s’est incliné que sur un penalty imparable du Mosellan Amine Groune (0-1, 23e) – ce qui permit à ses coéquipiers de « rester en vie »… jusqu’à cette égalisation en fin de deuxième période, à la 80e, signée du « vétéran » Oumar Konté, entré en jeu dix minutes plus tôt !

L’équipe de Thionville, en bleu, a gâché des occasions face à Villers. Photo 13HF

Sur le banc, avant la rencontre, Bruno Luzi fume sa clope. Comme d’hab’. Il discute avec Patrice Garande, l’ex-coach de Caen, venu en voisin. Luzi parle d’abord de la pluie et du beau temps : « Ici, on n’a pas de problème d’arrosage ! ». Puis, forcément, de Chambly. L’on ne sait plus trop pour quelle raison les souvenirs de l’accession en National (2014) et du premier match remontent à la surface : « C’était contre Istres, à Fos-sur-Mer, au stade Parsemain, dans un stade de 12 000 places quasiment désert ! On avait pris un but très rapidement sur une grossière erreur et là, on s’était tous regardé sur le banc en se demandant combien on allait en prendre ! » Ce soir-là, Chambly en avait pris 2, mais en avait mis 3 ! Les débuts d’une belle histoire en National qui se poursuivit même jusqu’en Ligue 2 !

Mais Villers-Houlgate n’est pas Chambly, quand bien même la ressemblance existe : petite ville, petit budget, petit stade, petite tribune, petits moyens, gros coeur et esprit de famille. La ressemblance est frappante.

Le dinosaure, emblème de la ville

Le dinosaure, emblème de la ville de Villers, sur le front de mer. Photo 13HF

Au bord du terrain, les Granturco sont là. Il y a Thierry, le papa. Et Victor, le fils. Le premier nous raconte l’histoire du dinosaure, emblème de la ville qu’il a administrée : « Nous sommes à côté des Falaises des Vaches Noires, qui sont un gisement paléontologique, et sur ces terres argileuses ont été découverts des fossiles de dinosaures ».

Le second nous dit OK pour un entretien à la fin du match, « 20 minutes si on gagne, 10 minutes si on fait match nul, par téléphone si on perd », plaisante-t-il. L’entretien durera 23 minutes !

Il est 17h30. Le président de la Ligue de Normandie, Pierre Leresteux, est présent pour remettre le trophée de champion de N3. Le match commence. Julien François, le coach de Thionville, suspendu, est debout en tribune, juste derrière le banc de touche de son staff. Il donne énormément de la voix. Son équipe a vraiment le match en mains, mais ne concrétise pas au tableau d’affichage, sauf sur penalty. « Il aurait dû y avoir 2 à 0 pour Thionville à la pause », dira Luzi après la rencontre.

Les dirigeants de l’ASVH tablaient sur 500 personnes au stade : grosso modo, ce fut ça, avec beaucoup plus de monde autour de la main courante que dans la tribune, il est vrai vite remplie car petite.
En face, un groupe de supporters fait beaucoup de bruit et attire l’attention du délégué, qui leur fait rappeler qu’il est interdit de s’asseoir sur la main courante. Ce sont des supporters du Havre, venus encourager le numéro 9 de Thionville, Ibrahim Baradji, un ancien de Gonfreville ! Ils ont même prévu quelques fumigènes !

« Retourne faire des spaghettis ! »

La fin du match approche. Il y a bien longtemps que l’arbitre de la rencontre, Alexandra Collin, ne tient plus le match. Ses décisions sont de plus en plus contestées et contestables. « Retourne faire des spaghettis » entend-on depuis le terrain : on taira volontairement l’auteur de ces propos, l’intéressé se reconnaîtra !

Pour ne pas avoir su plier le match, Thionville Lusitanos concède finalement l’égalisation après que l’équipe de Bruno Luzi a enfin un peu lâché les chevaux et mis l’intensité dans la dernière demi-heure. Les Jaune et vert croyaient eux aussi que le match commençait à 18h30…

Interview 1

Victor Granturco : « Une énorme fierté d’être en N2 ! »

Victor Granturco, président de l’ASVH depuis 2022, a succédé à son père Thierry. Photo 13HF

S’il est né à Bruxelles, en Belgique, Victor Granturco a de sérieuses attaches à Villers-sur-Mer, sur la côte fleurie, où a grandi sa mère. Et depuis la Covid, il est venu s’installer dans cette petite ville de 2500 âmes, où il a ouvert des restaurants, et où sa passion pour le foot l’a conduit au club, qu’il préside « officiellement depuis 2022, mais je suis présent depuis le lancement du projet 2016, j’étais d’abord secrétaire général ».

C’est quoi le « projet » du club ?
C’est un projet d’amour pour le foot et un projet familial. Quand on est arrivé, le club était en Départemental 2 (l’équivalent de la PHB). On est venu donner un coup de main dans une ville où l’on vit, où l’on connaît les gens, et que l’on aime bien. Et vous savez comment c’est : on commence par donner un peu, puis beaucoup puis énormément, et on se prend au jeu !

Cette fusion avec Houlgate (la fusion a été actée en 2017), elle est née comment ?
En fait, on s’est aperçu que l’on était une copie conforme du club voisin de Houlgate, avec une école de foot en souffrance, une baisse des licenciés seniors, etc. On s’est dit qu’il fallait fusionner, et pour l’équipe seniors, on a pris 4 ou 5 joueurs. Sur ce territoire dépourvue de gros clubs, ou tout au moins de clubs structurés, on a senti qu’il y avait un boulevard. On a lancé une école de foot qui a été labellisée, on a fait une école des devoirs, on a acheté des mini-bus, on a lancé une section féminine, tout ça est allé au-delà de l’équipe première. Un gros travail a été effectué. Le nombre de partenaires et licenciés a évolué. On est monté jusqu’en Régional 2 et il y a la Covid qui nous stoppe alors qu’on est 2e derrière une équipe que l’on avait battu 12 ou 14 à 0 (rires) ! On a rongé notre frein. On a continué à structurer, à développer le club, on a fait revenir Eric Ledeux, l’entraîneur qui a fait plusieurs accessions de suite, qui est aujourd’hui adjoint en N2, comme quoi nous n’avons pas la mémoire courte à Villers. On sait faire des clins d’oeil et remercier ceux qui ont donné. Et puis on est passé de Régional 2 à National 2 en trois ans…

On a quand même l’impression que c’est surtout le club de Villers plutôt que celui de Houlgate…
Houlgate, c’est 1800 habitants. Je vais vous faire une confidence : on a fait valider cet été en AG le retrait du nom de Houlgate dans l’appellation du club. Parce qu’en fait, la Ville d’Houlgate ne fait aucune effort et n’apporte pas un euro. Ils avaient l’avantage d’avoir le CREPS, qui est devenu le CSN (Centre sportif de Normandie), mais avec les Jeux Olympiques (le Centre a accueilli des délégations dans le cadre de leur préparation), il y a eu de gros travaux, on n’y a même pas accès, donc cela n’a plus aucun sens. Il ne reste presque plus rien d’Houlgate. Juste quelques bénévoles.

Le portier de Villers, Gaëtan Boisroux, ne s’est incliné que sur un penalty de Groune face à Thionville. Photo 13HF

Et la municipalité de Villers, dont votre papa fut maire avant de démissionner, elle vous suit ?
La nouvelle municipalité nous suit, mais j’ai envie de dire, encore heureux ! Si elle n’avait pas suivi, il aurait fallu qu’elle soit sacrément costaude dans ses explications. Le stade est sous dérogation cette saison, un synthétique est sorti de terre juste à côté, des travaux ont commencé sur notre pelouse, on va mettre le terrain aux normes, il faut des locaux pour l’infirmerie, le contrôle anti-dopage. Et puis il faut aussi pouvoir assurer la sécurité des supporters adverses… C’est vrai qu’on va recevoir le supporter de Biesheim et le mettre en parcage derrière quatre grilles (ironique)… Encore une fois, il y a les textes de la FFF et l’application de ces textes. Donc la municipalité suit, à son niveau, c’est pour ça que la création d’un club de territoire multiplierait les ressources par deux ou trois… Avant, il y a 30 ans, on pouvait monter en CFA, le football ne coutait pas aussi cher. Aujourd’hui, tout coûte cher, mais c’est juste un kiffe. Sur le chemin du retour de Créteil, on était content, et pourtant, on avait perdu 3 à 0. On était en 2e division de District quand ils étaient en Ligue 2, on a été accueilli par Sammy Traoré, par le DG de Créteil Rui Pataca, moi j’avais les packs d’eau sous le bras, et c’est pour ça que le profil de Bruno est important, on ne voulait pas quelqu’un qui pense que la Côte Fleurie, c’est riche, que c’est un puis de pétrole, que le président allait allonger la planche à billets… Il ne fallait pas un coach qui se prenne pour une star.

Le N2, justement, c’est un autre monde pour vous, non ?
L’histoire est merveilleuse, mais, c’est vrai, d’un coup, on se rend compte qu’on est dans un autre monde. À Créteil, on avait des étoiles plein les yeux… On a fait des photos du stade, des vestiaires, des bancs de touche en se disant « peut-être qu’un jour on aura des bancs de touche comme ça », on a pris en photos les écrans géants… C’est difficile de regarder des clubs comme ça dans les yeux. Il y a une réelle différence de niveau, surtout avec la réforme de la FFF. D’ailleurs, Bruno Luzi, le nouveau coach, nous a dit à l’intersaison, « On ne monte pas d’une division, mais d’une division et demie » ! Il a bien résumé le truc.

La remise du trophée de champion de N3, juste avant le coup d’envoi. Photo Ligue de Normandie

Comment êtes-vous perçu en N2 ?
D’abord, derrière cette success story familial, parce que j’ai pris la suite de mon père, parce que mon petit frère est attaquant chez les jeunes, il y a un gros travail de fait. On n’a jamais voulu se prendre pour des pros mais on a toujours voulu imposer une rigueur et un fonctionnement pas commun dans les clubs amateurs. C’est sans doute pour ça qu’on a étonné voire agacé les clubs alentours. Villers, c’est 2500 habitants. On a les féminines en R1, une équipe B masculine en R2, une équipe C masculine en D1, les U18 en Région, le club est doublement labelisé (école foot + section féminines), un stade qui se met aux normes… Et comme l’appétit vient en mangeant, cette National 2, on a envie d’y rester, d’y performer. En tout cas, je peux vous dire que c’est une énorme fierté d’être là. D’autres clubs comme Dives-Cabourg ou Deauville sont en N3 depuis des décennies mais n’ont jamais joué en CFA ou en N2. Dans le Calvados, il y a eu Lisieux en CFA (N2) y’a 30 ans, Mondeville il y a 20 ans et Vire la saison passée, qui a fait l’ascenseur, et c’est tout.

Justement, quid du rapprochement avec Dives-Cabourg ?
Il faut rappeler que l’on est sur un territoire aisé, certes, mais composé de résidences secondaires, avec une population de personnes âgées. Le bassin ici est dépourvu de grandes industries; à Villers, on a surtout des artisans, des bars, des restos, des hôtels : c’est pour ça qu’on a discuté avec Dives-Cabourg. On est conscient qu’on est le trouble fête, entre Deauville-Trouville (R1) d’un côté, et Dives-Cabourg (N3)de l’autre. Mais clairement, on ne peut pencher que d’un côté. La réforme des championnats a fait que les clubs ont vu que c’était compliqué de rester en National 3, et nous, pendant ce temps, on leur est passé sous le nez, on s’est faufilé, du coup, est-ce que ce n’est pas le meilleur moment de faire ce club de territoire dont on parle depuis toujours ? D’avoir un club de la Côte fleurie ? On échange avec la direction de Dives-Cabourg, c’est déjà ça. Selon moi, ce passage-là est inévitable, parce que, si on lit entre les lignes, cette réforme de la FFF tend vers des grands clubs dans des grandes villes, et ce message, je peux vous dire qu’on se le prend en pleine face quand on va devant la DNCG, quand on discute avec les services compétitions et juridiques : on l’a bien vu, le nom de notre club était mal orthographié quand on est arrivé devant la DNCG l’été dernier.

Et au niveau du budget, à combien s’élève-t-il ?
On a 500 000 euros de budget. C’est, de loin, le plus petit budget de National 2. Il y a des clubs de N3 qui ont un plus gros budget que le nôtre. En fait, on cumule la plus petite ville et le plus petit budget ! On est ce village gaulois qui fait « chier » tout le monde (sic). On voit bien le sens dans lequel pousse la FFF, qui veut du Beauvais, du Créteil, du « nouveau » Chambly, du Fleury, du Epinal, et nous, derrière, on bataille. C’est pour ça que cette fusion est nécessaire. C’est un projet à court ou moyen terme mais certainement pas à long terme.

Photo Ligue de Normandie.

Racontez-nous comment l’idée d’enrôler Bruno Luzi est venue ?
Au départ, on voulait un entraîneur du profil de Bruno Luzi. On est un club jeune, à petit budget, avec un terrain compliqué, sans expérience. On voulait garder notre coach de l’an passé, Benjamin Morel, mais nous ne sommes pas tombés d’accord. Là, on s’est dit qu’il nous faudrait un coach à la Luzi, qu’il nous faudrait une « chambly », un club familial, avec des conditions difficiles, qui a besoin de roublardise. On a reçu des CV lunaires. On a reçu des coachs, certains nous ont dit, pensant faire un geste, « Non mais attendez, l’argent, ce n’est pas un problème, il me faut juste 6000 euros par mois » … Si, là, l’argent, ça devient clairement être un problème ! On est loin du compte. Du coup, on enchaîne plusieurs rendez-vous. Certains coachs auraient sûrement été très pertinents en N2, mais pas chez nous. Et on s’est dit « Il faut qu’on trouve le numéro de Bruno Luzi ». On pensait que c’était inatteignable, il a le BEPF, il a entraîné en Ligue 2, il va rebondir en National, et on l’appelle, on le reçoit au stade, on part manger en ville, il se lève à la fin du repas, il va fumer une cigarette, il revient et il nous dit « C’est bon ». Le côté familial, le côté petit poucet, l’aventure humaine, ça lui a plu. En termes d’environnement club, il a retrouvé quelque chose qui ressemble à ce qu’il avait connu avant, alors qu’on ne pouvait pas s’aligner sur certaines propositions financières qu’il avait reçues. Il a eu un coup de coeur et nous aussi. Maintenant, tout le monde le sait, la saison va être rock’n’roll, en plus, vous avez vu la poule cette année ? Donc au niveau de l’organisation des déplacements, de la logistique, là aussi, on est entré dans une autre dimension, et on cherchait quelqu’un justement qui garde son calme, qui nous aide avec son carnet d’adresses, son expérience, à pouvoir exister en N2. On a essayé de conserver le noyau dur de l’an passé. Certains joueurs ont traversé les divisions depuis la R2, on en a une moitié, quand même, on a essayé de recruter intelligent, on vient de donner des des contrats fédéraux pour la première fois, mais on est encadré.

Vous leur donnez combien, aux joueurs ?
On leur donne de l’amour ! Et pas plus de 2000 euros. Malheureusement, on a les Dieux du foot qui ne sont pas avec nous. Cet été, on a recruté Amadou Diallo de Toulon : premier match, il met un but et une passe dé et la semaine suivante, son titre de séjour arrive à expiration (il est Guinéen). Depuis, alors que l’on a fait la demande de renouvellement dans les temps, il n’a même pas encore le récépissé, qui est juste la preuve qu’il y a une demande en cours et qu’il peut être présent sur le territoire français de manière légale. Offensivement, vous avez vu, il manque. On avait aussi recruté un milieu de terrain de Granville (N2), Kevan-Brimau Nziengui, un international gabonais, mais il s’est fait les croisés contre le Maroc en éliminatoires de la CAN… On va voir si on peut faire un autre Fédéral pour le remplacer, ce n’est même pas sûr (le club a officialisé ce mercredi la venue du milieu de terrain Madou Touré, formé à Valenciennes et joueur l’an dernier à Paris 13 Atletico, Ndlr.).

Interview 2

Bruno Luzi : « J’avais envie de revivre une aventure »

Le nouvel entraîneur de l’ASVH, Bruno Luzi (à droite), a reçu la visite de Patrice Garande. Photo 13HF

Il a toujours le sens de la formule. Et souvent une clope au bec, avant ou après le match. Bruno Luzi (59 ans) est toujours ce coach truculent, un peu hors du temps, qui a construit sa renommée en même temps qu’il a construit son club, Chambly, l’accompagnant de la la première division de District jusqu’en Ligue 2 ! Comme beaucoup de ses collègues estampillés « coach de National », Luzi s’était quelque peu ému, à l’été 2023, qu’on ne pense pas ou plus à lui pour reprendre une équipe de ce niveau. Peut-être en raison de cette fameuse étiquette « coach de Chambly ».

Du coup, il s’en est allé faire une petite pige en National 3 à Compiègne avant, cet été, d’accepter la proposition de la famille Granturco, à Villers-Houlgate. « Il y a beaucoup de jeunes coachs qui arrivent aussi, explique-t-il; après, oui, il y a eu un trou après Chambly. Je ne dirais pas que cela a écorché l’image mais en tout cas cela ne l’a pas améliorée non plus. Mais cet été, j’étais plus préparé que l’été précédent. Parce que c’est surtout la première saison qui a suivi Chambly qui été dure, quand tu sors de National… Je me suis dit que j’allais avoir plein de clubs, tu parles, que dalle, et là, c’est dur, t’es vite oublié, je ne comprenais pas. Mais aujourd’hui, c’est différent. J’ai digéré. J’ai compris. Je sais « que ». C’est pour ça que revenir dans le circuit, c’est important, et puis le terrain, c’est mon truc. Les autres clubs voient aussi que je suis en action, qu’on fait du travail ici. Dans une nouvelle région. Une belle région ! »

« J’ai été surpris qu’ils me contactent »

Pause buvette ! Photo 13HF

Et cette arrivée à Villers, comment a-t-elle vu le jour ? « J’ai d’abord été surpris qu’ils m’appellent parce que je savais qu’ils étaient montés de N3 en N2, donc la première question que je me suis posée, c’est « pourquoi ils ont changé de coach ? », raconte Bruno Luzi. « Ils m’ont expliqué qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord avec mon prédécesseur. Donc à partir de là, j’ai accepté de venir à Villers pour les rencontrer ! Je me suis retrouvé dans le discours du père et du fils Granturco. Ils devaient recevoir d’autres entraîneurs après moi, mais ils m’ont dit, « Si t’es d’accord, on y a va », et j’ai dit « allez, c’est parti » ! J’avais deux touches en attente mais on ne sait jamais (il prend une grande respiration)… Voilà, j’ai trouvé quelque chose qui me botte, ça m’a plu ! J’avais envie de revivre une aventure, et puis il y a le niveau, le N2, qui est plus beaucoup plus intéressant. Je ne veux pas cracher dans la soupe, mais la pige en N3, à Compiègne… J’y suis allé parce que je connaissais le président et que c’était à côté de chez moi, voilà. Là, à Villers, c’est une histoire sympa, un championnat relevé, encore plus qu’avant, avec Beauvais, Fleury, Créteil, Chambly, Epinal, ce sont des noms, et c’est très costaud. Et Thionville aussi, on a vu une belle équipe, ils vont se maintenir tranquille. Le championnat est plus costaud que celui que j’avais découvert avec Chambly il y a plus de 10 ans. C’est un « National 2 plus », sans les équipes de bas de tableau de l’an passé ; ça va être une saison passionnante ! »

Une chose est certaine, Bruno Luzi n’est pas venu pour l’argent ! « Non, ce n’est franchement pas l’objet ni le projet, pourtant, les loyers sont très chers ici (rires) ! J’ai quand même eu une proposition correcte à ce niveau-là. Tu sais, je suis dans l’affect : si ça me parle, si ça me prend, ce sont ces choses-là qui vont me faire avancer, bien plus que si tu me dis qu’il y a 1000 balles de plus. Moi, je ne suis pas là-dedans. »

« Ici, les loyers sont chers ! »

La joie des joueurs de l’ASVH après l’égalisation à la 80e. Photo Ligue de Normandie.

Du coup, le nouveau coach de Villers-Houlgate a emmené sa petite famille avec lui, et quitté l’Oise : « Oui, on habite ici, à Villers, près du restaurant Le Mermoz; on est à 50 mètres de la mer. J’ai toujours ma maison à Chambly. Dès que l’on pourra y aller deux jours, un week-end, on ira, mais les enfants sont entrés à l’école, en maternelle. Donc ça va être un peu difficile, mais bon, de temps en temps, on leur fera manquer un lundi ! »

Quant au FC Chambly Oise, il y retournera sur le banc adverse, en fin de saison : « On les reçoit en janvier et on ira pour l’avant-dernier match, peut-être que l’on devra jouer quelque chose là-bas ! Et peut-être que eux aussi joueront quelque chose, on ne sait pas ! »  Ce match à Chambly, dans un stade qui porte le nom de son papa, Walter Luzi, est encore loin. Verser dans un excès d’émotion ? Beaucoup trop tôt. Ce sera forcément différent lorsqu’il s’agira de jouer là-bas.

Oumar Konte, remplaçant et buteur ! Photo 13HF

Face à Thionville, samedi dernier, ses joueurs ont fait preuve de courage et d’abnégation pour prendre un point presque inespéré compte tenu de la domination mosellane pendant une heure : « Surtout, ce qui me fait plaisir, c’est que cela faisait trois fois que l’on était mené et là, c’est la première fois qu’on revient au score, c’est bien, parce qu’un nul, c’est un nul, et à ce niveau là, ça compte, surtout que Thionville est une équipe costaude, athlétique. Ensuite, on a stoppé la spirale de trois défaites. Et puis, tu as beau dire des choses à tes joueurs quand tu es entraîneur, mais tant qu’ils ne les vivent pas, tes paroles n’ont pas le même impact : là, au moins, ils ont vécu le truc, ils se sont souvenus qu’à un moment donné, ils ont mis l’intensité qu’il fallait. Maintenant, ils pourront se dire « on sait comment faire » pour retourner une situation. C’est vraiment un bon point parce qu’on était mal embarqué. A la mi-temps, j’ai positivé. On devait être mené plus que 1 à 0, mais Thionville n’a pas mis le deuxième but, ce qui nous a permis de rester en vie, et d’égaliser. »

Lire aussi l’article de 13HF sur Kevan-Brimau Nziengui :

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-2-brimau-nziengui-linternational-gabonais-de-granville/

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : 13HF / Photos : 13HF (sauf mentions spéciales)

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