Adjoint de Jean-Luc Vasseur en début de saison jusqu’à l’éviction de ce dernier, l’ancien joueur pro, déjà passé sur un banc à Bourgoin-Jallieu et Andrézieux, vit sa première expérience d’intérimaire. Il retrace son parcours et décrypte sa vision du métier.

Par Joël Penet – Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photo FC Versailles

Après une carrière professionnelle qui a démarré à l’Olympique Lyonnais, Jérémy Clément (40 ans), né à Béziers (Hérault), a grandi en Isère avant de rejoindre la prestigieuse école de l’OL à 13 ans. Le milieu de terrain, qu’on a pu comparer à Zidane localement à ses débuts, va ensuite découvrir le très haut niveau, du sacre de champion de France à la découverte de la Ligue des Champions. Un bagage suffisant pour s’exiler, à 21 ans, du côté des Glasgow Rangers.

La parenthèse écossaise refermée, c’est ensuite le Paris Saint-Germain et l’AS Saint-Etienne qui vont faire son quotidien et lui permettre de confirmer un potentiel décelé entre Rhône et Saône avant un dernier défi en Ligue 2 à l’AS Nancy Lorraine. Après 377 matchs en pro, c’est au FC Bourgoin Jallieu qu’il a définitivement raccroché les crampons en National 3 où Jérémy Clément a notamment pu avancer sur son projet de reconversion. En effet, depuis quatre ans maintenant, l’ancien milieu de terrain défensif a embrassé une carrière d’entraîneur au FCBJ, à Andrézieux mais aussi en tant qu’adjoint à Molenbeek (Belgique) et aujourd’hui à Versailles en National où, après avoir été l’adjoint de Jean-Luc Vasseur, remercié le 2 octobre dernier, il assure un intérim au poste de coach principal.

Interview : « On ne peut pas cocher toutes les cases »

Photo Philippe Le Brech

Jérémy, tout d’abord, quels souvenirs gardes tu de tes débuts à Rives SF, là où tout a commencé en amateur ?
Des bons souvenirs bien évidemment. On était jeunes, insouciants. C’est le foot avec les copains, le plaisir avant tout. Entre deux matchs, tu manges des frites (rires). Il en manque toujours un qui finit par être appelé par le speaker (sourires). D’ailleurs, les amis que j’ai aujourd’hui à 40 ans, ce sont mes amis d’enfance !

Vingt ans plus tard, tu boucles ta carrière de joueur du côté de Bourgoin. Que retiens tu de ces deux dernières saisons ?
J’ai beaucoup voyagé pendant ma carrière. Avec mon épouse, on est originaire de Rives et on voulait revenir s’installer ici. Je pouvais continuer à jouer un bon niveau en amateur, faire partie d’un vestiaire, m’entraîner, gagner des matchs. J’avais aussi envie de garder les mêmes habitudes qu’en pro même si en National 3, on s’entraîne le soir, ce qui est parfois compliqué, mais le principal était d’être sur le terrain.

Un environnement qui va te permettre de te reconvertir petit à petit en tant qu’entraîneur… qu’est ce qui t’a poussé à emprunter cette voie ?
L’objectif était surtout de ne pas perdre de temps et j’avais une double idée en arrivant à Bourgoin. Du coup, j’en ai profité pour continuer de jouer mais aussi pour passer mon BEF la même année afin de vite me reconvertir car je n’aime pas rester sans rien faire. Je savais que ma carrière de joueur était derrière moi et il fallait penser à la suite.

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Justement, avec du recul, comment t’es-tu entouré depuis tes débuts ?
Il y a forcément beaucoup de gens qui gravitent autour et c’est encore plus vrai dans le football que dans les autres sports. Mes amis sont restés les mêmes depuis le début mais on rencontre forcément de nouvelles personnes au cours d’une carrière. Le plus important est de garder ses racines pour avoir les pieds sur terres. On ne peut pas aller contre les mauvaises rencontres ou mauvaises intentions, ça fait partie du truc. Le conseil que je pourrais donner, c’est de s’intéresser un minimum à ce qu’on fait : contrat, placement… lire aussi et ne pas toujours « déléguer » car c’est vrai qu’on est conditionné à ne penser qu’au foot quand on se construit.

Avais-tu songé à d’autres scénarios pour ton après-carrière ?
Je pense que quand on est coach, peu importe l’âge, on est toujours dans l’apprentissage. Pour être honnête, je n’ai pas de plan de carrière et je ne peux pas affirmer que je serai toujours coach dans cinq ans par exemple. C’est un métier qui prend beaucoup d’énergie, où on encaisse beaucoup aussi. Il faut être très exigeant. L’être humain est un éternel insatisfait, le sportif de haut niveau aussi. C’est pour ça que je raisonne par rapport à l’instant T.

Photo FC Versailles

C’est aussi comme ça que tu as raisonné quand tu étais joueur professionnel ?
J’ai toujours essayé d’être en adéquation avec mes choix car je trouvais qu’il fallait être épanoui avant tout. Par exemple, en 2006, quand je pars de Lyon pour aller aux Rangers, j’avais ce besoin de m’émanciper à 21 ans… et ça m’a fait du bien ! Ensuite vient la réflexion de revenir à Paris, un club qui est coté en France. C’est très difficile de refuser cette proposition et quand les Qataris arrivent en 2011, je savais que j’allais moins jouer. J’avais 27 ans et c’est là que j’ai l’opportunité de rejoindre Saint-Etienne où j’ai joué à la Coupe d’Europe aussi !

Formé à l’OL, tu as dû réfléchir au moment de t’y engager, non ?
Forcément, je me suis posé la question mais bon… Je n’avais pas fait le transfert direct. Je trouvais ça dommage de refuser un nouveau projet si les conditions étaient réunies. J’ai été formé à Lyon, j’ai découvert la Ligue des Champions, j’ai été champion de France… Honnêtement, j’ai évolué au sein d’un groupe exceptionnel. À Saint-Etienne, c’est pareil, on avait un très bel effectif. J’ai découvert une ambiance de dingue aussi. D’ailleurs, aujourd’hui, que j’aille à Geoffroy Guichard ou au Groupama, c’est avec toujours autant de plaisir !

Photo FC Versailles

Quelle est ta vision du poste d’entraîneur ?
Des fois, je me dis que j’essaie d’être le coach que j’aurais aimé, moi, avoir en tant que joueur mais on ne peut pas cocher toutes les cases (sourires). Je ne fais pas l’unanimité, personne d’ailleurs ne la fait je pense, donc je reste fidèle à ce que j’étais pendant ma carrière. Bien sûr qu’il y a toujours un « jeu d’acteur » quand on décide de se lancer là-dedans mais il ne faut pas « tricher » ou être quelqu’un d’autre.

Du coup, tu penses que c’est important d’avoir été joueur pour entraîner ?
Il n’y a pas de vérité non plus (sourires). Il y a des très bons coachs qui n’ont pas fait de carrière, d’autres qui ont joué et qui réussissent aussi. Dans mon cas, je trouve que c’est un avantage comme un inconvénient. Il y a des situations qui sont similaires en tant que joueur, on a peut-être plus les codes mais un coach qui n’a pas fait carrière a peut-être d’autres atouts. Est-ce que mon parcours m’aide ? Je pense que oui sur certaines choses, sur d’autres non.

En février 2023, tu choisis de rejoindre Andrézieux, en National 2, où François Clerc, un de tes anciens coéquipiers est président pour maintenir le club…
J’étais avec le Pôle espoir féminin à Lyon à cette époque, je faisais deux / trois séances et en même temps je passais mon certificat d’entraineur « attaquant-défenseur » (il est diplômé du CEAD, certificat d’Entraîneur Attaquant et Défenseur). François avait besoin d’un coach sur du court terme. On s’est appelé et je lui ai expliqué que la compétition me manquait aussi, que j’avais envie de retrouver un groupe seniors, une équipe dirigeante…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Une aventure qui va s’arrêter quelques mois plus tard… le regrettes-tu ?
J’étais venu pour maintenir le club et la mission était réussie. François savait que j’avais d’autres ambitions derrière. On est potes et nous savions très bien que si les résultats s’inversaient une fois le maintien acquis, il y aurait forcément des prises de tête. On a réussi à maintenir le club et c’était mieux de passer à autre chose.

Le club d’Andrézieux est-il à sa place en N2 selon toi ?
C’est déjà énorme d’être toujours en National 2 avec la réforme des championnats. Aujourd’hui, il y a trois poules et c’est comme si tu joues en National à ce niveau. Ce sera compliqué d’aller plus haut pour eux. Je pense surtout qu’ils sont dans l’ombre de Saint-Etienne. Malgré les installations qui sont bonnes, il faut savoir se satisfaire d’être régulier dans le temps.

Tu prends ensuite un nouveau virage en rejoignant l’épineux projet Molenbeek en Belgique un an plus tard. Comment cela s’est fait ?
Épineux, oui, forcément (sourires) mais c’est toujours pareil quand on prend des projets en cours de saison. On récupère un groupe malade mais on se dit qu’on va tenter l’aventure avec Bruno (Irles). Ça ne se passe pas bien et on n’a pas les résultats escomptés…

Photo FC Bourgoin-Jallieu

Que retiens-tu de positif ?
J’ai appris, j’ai vu un nouveau championnat. Molenbeek, c’est un club professionnel qui a la particularité d’être dans une Galaxie. On a essayé de vivre les choses de la meilleure des façons même si c’était compliqué. J’ai bien aimé travailler avec Bruno (Irles), un coach avec des qualités. Quand il s’est fait licencier, je ne me voyais pas rester donc je suis parti avec lui.

Comment arrives-tu à gérer avec ces changements fréquents en termes de famille, déplacements ?
En Belgique comme à Versailles, je me suis installé tout seul. Ma femme est professeure des écoles et elle s’occupe de nos trois enfants dont le dernier qui a 7 ans. Mon métier m’anime mais je suis un peu partagé. C’est aussi pour ça que je dis que je ne ferai pas ça toute ma vie. Tout peut aller très vite. J’avais besoin de travailler, j’avais envie d’explorer ces opportunités mais il y a beaucoup de contraintes dont le côté familial qui me manque.

Rejoindre Versailles cet été, c’était quand même l’occasion de continuer voire d’accélérer ton apprentissage du métier…
Je ne me voyais pas ailleurs que dans le foot pour le moment et je pense que ce n’est pas bon quand on est inactif, peu importe le domaine. C’est une décision que j’ai prise en pesant le pour et le contre. On a besoin d’être stimulé professionnellement et je trouvais que le projet versaillais correspondait à mes attentes.

Être adjoint, c’est donc l’option qui te correspondait le plus à l’heure actuelle ?
À Bourgoin-Jallieu comme à Andrézieux, j’avais toujours eu le rôle d’entraîneur principal avec les responsabilités qui en découlent. J’avais envie de connaître d’autres facettes du coaching car c’est un monde à part. La différence, c’est qu’on est moins impacté et c’est l’entraîneur en chef qui « prend ». Alors lorsqu’il y a des résultats, c’est plutôt sympa à vivre mais quand la dynamique s’inverse… je dirais qu’on a moins de pression en tant qu’adjoint… et ça me va !

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Tu es arrivé à Versailles dans les valises de Jean-Luc Vasseur qui a déjà quitté le club. Quelle a été ta réflexion à ce moment ?
C’est vrai mais je reste quand même salarié du club. Comme à Molenbeek, je me suis posé des questions… quitter le club au moment où Bruno (Irles) partait, c’est un peu la même situation aujourd’hui ! Tu peux avoir le sentiment d’abandonner l’objectif que tu t’étais fixé et tu es partagé. Bien entendu que ce sont des situations qu’on ne veut pas vivre car on a tous envie d’avoir des résultats.

Et aujourd’hui ?
Je suis dans une position assez « bizarre » car on sait que c’est un intérim avec le staff et que ça va s’arrêter à un moment. Je n’ai pas envie de changer ma posture même si la situation n’est pas très confortable. C’est aussi dans ce genre de situations qu’on apprend. La preuve, je n’avais jamais vécu le fait d’être en intérim donc on fait du mieux possible.

Du coup, comment on s’adapte au quotidien ?
Notre rôle c’est de ne pas tout bouleverser non plus. Avec le staff, on a quand même la responsabilité de l’équipe et il faut faire avec nos idées. Je ne remets pas tout en cause, j’essaie d’être moi avec les joueurs, selon ma perception. Ce n’est pas possible de tout révolutionner comme il est compliqué de continuer dans cette configuration. D’ailleurs, si on m’avait proposé de prendre officiellement la place de numéro un, j’aurais refusé car ce n’était pas le but en venant… et je ne serai peut-être plus là avec un nouvel entraîneur (sourires).

Comment caractériserais-tu un club comme Versailles ?
Il y a des idées et on essaye d’amener quelque chose d’un peu novateur : des maillots avec une identité marquée, une série télé sur notre quotidien…  C’est un club qui a une histoire à construire, qui est jeune et où il y a de l’envie. Malheureusement, nous ne sommes pas aidés, on a de nombreuses problématiques structurelles pour s’entraîner. Nous jouons nos matchs à Jean-Bouin mais nous ne sommes ni propriétaires ni prioritaires ! Or ce sont des aspects indispensables pour performer.

Avec ta vision de néo-entraîneur, Versailles a-t-il sa place dans la Ligue 3 dont le débat revient éternellement sur la table ?
Oui, même si pour aller plus haut, il faudra des changements indispensables à plusieurs niveaux… mais pour l’instant, le plus dur est de se maintenir en National comme je l’évoquais avec la réforme des championnats. Pour l’instant, on est 11es avec 11 points, le club veut se donner les moyens de grandir et les joueurs sont mis dans de bonnes conditions pour avoir des résultats.

Jérémy Clément, du tac au tac

Photo FC Versailles

Meilleur souvenir sportif ?
Le football quand j’ai commencé avec les frites entre les matchs, les amis d’enfance que j’ai rencontrés et que j’ai gardé jusqu’à aujourd’hui (sourires).

Pire souvenir sportif ?
Ma blessure en 2013 : une triple fracture ouverte de la malléole.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Est-ce qu’on le choisit ou pas ? Mon père adorait le foot, c’était ma passion et ça l’est toujours ! On est conditionné à aimer le foot dès le plus jeune âge.

Ton but le plus important ?
Il y en a deux : le but que je marque à Monaco avec l’OL parce qu’on est premiers et eux deuxièmes. Celui avec Paris contre Saint Etienne à 1-1, un but très important pour le maintien qui arrive en fin de match.

Ton geste technique préféré ?
Le sombrero.

Photo FC Versailles

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un ou deux.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Bonne question mais comme je l’ai déjà dit, quand on est piqué au foot, c’est compliqué de s’imaginer ailleurs. En tout cas, je ne sais pas si j’aurais pu.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Un joueur fiable avec beaucoup d’abnégation, capable de courir, récupérer… Ce que j’aurais pu améliorer c’est peut-être mon influence dans le jeu, le fait d’être plus décisif, distribuer aussi…

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Dans tous les clubs, j’en ai pris ! A l’OL, on était invincibles, on était meilleurs, c’était une évidence. Paris j’ai adoré parce que c’est la capitale, le Parc des Princes. Saint-Étienne, c’était une putain de bande de potes et même si nous étions moins bons, nous avons réussi à regarder les gros dans les yeux…

Le club où tu as failli signer ?
Franchement ? Aucun !

Photo FC Versailles

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Les clubs qui font rêver, on les connaît tous (sourires) ! Que ce soit le Real en Espagne, le Bayern en Allemagne, l’Inter ou la Juventus en Italie, ce sont tous des clubs qui font rêver mais je n’avais pas le niveau pour signer là-bas (sourires).

Un stade et un club mythique pour toi ?
San Siro à Milan et aussi Ibrox Park en Ecosse, impressionnant !

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
J’ai quand même eu la chance de côtoyer des très grands joueurs… Hatem Ben Arfa, lui, c’était vraiment un talent incroyable.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Il y’en a eu plein…

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Yoann Gourcuff.

Photo FC Bourgoin-Jallieu

L’équipe, l’adversaire, qui t’a le plus impressionné ?
Paris à l’époque où il y avait le milieu de terrain Thiago Motta, Marco Verratti et Blaise Matuidi.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Sammy Traoré.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Michel Aulas pour tout ce qu’il représente, son charisme, ce côté patron qu’il dégageait.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Non, parce que sinon j’aurais posé la question (sourires).

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Justement, il faut que ça reste dans le vestiaire (sourires).

Photo Andrézieux-Bouthéon FC

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Ça dépend ce qu’on veut dire par connu mais récemment par exemple j’ai échangé avec Hugo Lloris par SMS !

Des rituels, des tocs, des manies ?
Non.

Une devise, un dicton ?
Savoir être avant de savoir-faire.

Tes passions dans la vie ?
J’aime bien manger, bien boire, profiter des gens que j’apprécie.

Un modèle de joueur ?
J’aimais Fernando Redondo, pour les amoureux du football même si les plus jeunes ne verront très certainement pas qui c’est !

Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
Un bon Paris-Marseille ou Lyon-Saint Etienne.

Ta plus grande fierté ?
Avoir la famille que j’ai avec mes trois enfants et ma compagne et dans le foot, je suis fier des liens que j’ai créé avec les footeux !

Championnat National – Journée 11 (vendredi 1er novembre 2024) : FC Villefranche-Beaujolais – FC Versailles

Regarder le match : https://ffftv.fff.fr/video/x93e2yo/j11-i-fc-villefranche-beaujolais-vs-fc-versailles-en-direct-19h15

 

Texte : Joël PENET

Photos : Philippe Le Brech, FC Versailles, FC Bourgoin Jallieu et Andrézieux-Bouthéon FC

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L’homme du renouveau boulonnais, revenu dans le club de sa ville en 2018 après s’être assis sur des bancs régionaux à Dèsvres, où il est éducateur sportif, à Étaples et au Portel, a, en l’espace de 20 mois, sauvé l’USBCO d’une descente en N3 avant de le conduire aujourd’hui en haut de tableau du National. Son credo : le mental. Son mérite : un staff sans faille. Portrait.

Par Anthony BOYER / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0

Photo Philippe Le Brech

C’est à un horaire très matinal – 7h30 – que Fabien Dagneaux nous a donnés rendez-vous, en visio, un mug de café à la main (nous aussi !), depuis son domicile, à Boulogne-sur-Mer, pour un entretien de quarante minutes. C’était la veille de l’entrée en lice en coupe de France à Gamaches (5e tour, qualification 3 à 0).

Quarante minutes durant lesquelles le natif de Boulogne-sur-Mer, qui vient de fêter ses 52 ans, ne s’est jamais attribué la paternité des excellents résultats de l’USBCO depuis sa prise de fonction, début février 2023, à la tête d’une équipe qui occupait alors la dernière place de sa poule en National 2 avec seulement 13 points (en 17 journées) et une 16e et dernière place.

Vincent Boutillier : « Mon choix a été rationnel »

Fabien Dagneaux a préféré mettre en avant le travail d’un staff soudé de quatre personnes. Un staff boulonnais aussi, et ça, dans une ville où l’attachement au club est très fort, c’est quelque chose d’important, comme l’a d’ailleurs expliqué Vincent Boutillier, le président : « À 13 journées de la fin, il fallait gagner 9 matchs pour se maintenir en National 2, et je me suis posé cette question, « qui peut faire gagner l’équipe ? », raconte celui qui a succédé à Reinold Delattre en novembre 2022; je ne voyais qu’une personne connaissant le club, alors quitte à prendre un risque, autant prendre celui-là. Fabien avait déjà réalisé un exploit avec la réserve en N3 quelques années plus tôt, il connaissait cette pression du résultat. Et puis je voulais retrouver les valeurs boulonnaises, qui sont au centre du projet et même du développement du club, basé sur un ADN territorial. Finalement, je vois que mon choix a été rationnel. »

Dans le wagon de tête

Avec Anthony Lecointe. Photo Philippe Le Brech

Depuis sa prise de fonction, il y a plus de 20 mois, Fabien Dagneaux a dirigé 47 matchs de championnat sur le banc : 39 en N2 à cheval sur deux saisons et 9 en National (match de Nîmes compris). Pour seulement 10 défaites.

Fabien Dagneaux n’a pas compté. De toute façon, il préfère retenir les victoires (28). Et savourer. Profiter de l’instant présent. Communier avec le public retrouvé de la Libé.

Vendredi dernier, en battant Orléans 3 à 0 devant près de 4000 spectateurs, dans ce stade qui pue le foot et transpire l’amour de ses couleurs, l’USBCO, 3e du championnat à une longueur des deux co-leaders Nancy et Concarneau (mais avec un match de moins) a effacé la défaite 3-0 concédée à Aubagne lors de la précédente journée (entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0).

Revenu dans « son » club de coeur en 2018, d’abord pour s’occuper des jeunes avant de prendre la réserve, Fabien Dagneaux retrace son parcours et évoque son staff, notamment son adjoint Anthony Lecointe, une figure locale, joueur du CFA jusqu’à la Ligue 1 avec l’USBCO.
Il évoque aussi le public boulonnais, le stade de la « Libé » si particulier, la pêche et son lien indéfectible avec le foot, l’histoire avec un grand H, le plaisir. Le tout avec humilité, passion et émotion parfois.

Interview

« Donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme ! »

Photo Philippe Le Brech

Fabien, vous êtes sans doute le coach le moins « connu » du championnat National, alors… présentez-vous !
J’ai 51 ans. Je suis pur boulonnais. J’habite à Boulogne, dans la ville, mais je suis originaire du haut de la ville, du quartier du chemin Vert. J’ai 4 enfants : deux filles (Caroline, 32 ans, psychologue et Agathe, 20 ans, étudiante en commerce) et deux garçons (François, 26 ans, maître-nageur et Charlie, 17 ans, pensionnaire du centre de formation du SC Bastia).

Votre carrière de joueur ?
J’ai joué à l’US Boulogne de poussins jusqu’à seniors, plutôt en réserve. J’ai été papa très tôt donc j’ai privilégié le travail. J’ai intégré une commune, Dèsvres (à 20km de Boulogne), qui m’a recruté comme éducateur sportif et aussi joueur pour le club local, où j’ai structuré l’école de football, lancé une section sportive avec des classes à horaires aménagés. J’ai passé mon BE1 en 1993, j’étais jeune (il avait 21 ans) !

À quel poste jouiez-vous ?
Je jouais latéral droit ou gauche, parfois en numéro 6. J’étais bon dans les duels, je poussais l’équipe.

Joueur puis entraîneur à Dèsvres

Photo Philippe Le Brech

Dèsvres, c’est donc là que vous faites vos débuts d’entraîneur …
J’y suis resté de 1994 à 2003. J’étais joueur d’abord. Puis j’ai eu un peu toutes les fonctions, entraîneur-joueur, entraîneur, éducateur, puis je suis revenu à Boulogne de 2003 à 2008 pour entraîner les U18 à l’époque de Philippe Montanier. C’est là que j’ai croisé quelques joueurs qui ont fait partie de l’épopée boulonnaise jusqu’en Ligue 1, comme Damien Marcq et Matthieu Labbé. Ensuite je suis parti à Etaples, à côté du Touquet, où j’ai fait deux saisons comme coach en DHR (Régional 2), de 2008 à 2010. On a fait deux belles saisons, on a failli monter en DH. Puis j’ai été contacté par Le Portel (Stade Portelois), club voisin de Boulogne, où j’ai entraîné pendant 7 ans, avec une montée en DH, un 32e de finale de coupe, deux 8e tour de coupe et aussi deux 7e tour. C’était une belle aventure. On s’est maintenu en DH et il y a eu l’arrivée d’un nouveau président, qui a voulu repartir sur autre chose, et moi, dans le même temps, j’ai été contacté par Jacques Wattez, le président de l’USBCO, et par le président de l’association, Clément Iffenecker. Monsieur Wattez voulait que je revienne au club car il manquait quelqu’un pour les U16 qui avaient l’objectif de monter en U17 Nationaux, donc je suis parti dans ce projet mais très vite, au mois de février suivant, j’ai basculé avec la réserve de National 3, parce qu’elle était mal en point. Je suis venu épauler l’entraîneur, Alexis Loreille, que j’avais eu en U18, et avec qui je m’entendais très bien. Et finalement, on a réussi à se sauver à la dernière journée et à maintenir l’équipe en N3 ! Derrière, j’ai enchaîné quatre saisons avec la réserve.

Actuellement, vous êtes en disponibilité de la mairie de Dèsvres, n’est-ce pas ?
Oui. Et je remercie la mairie, parce que depuis deux ans et demi, je peux m’atteler à la tâche de l’USBCO. C’était le deal à l’époque. J’avais des diplômes d’éducateur sportif, le BEESAPT et le BE foot, donc ce que je voulais, c’était devenir éducateur sportif dans une commune, travailler dans des écoles. Puis j’ai passé le concours d’éducateur territorial des APS (activités physiques et sportives, ETAPS), et j’ai encadré les enfants dans les écoles à Dèsvres, dans les centres de loisirs, dans les associations. On a développé pas mal de choses. A Dèsvres, on est trois éducateurs sportifs dans un service qui fonctionne très bien.

« J’ai beaucoup appris au contacts des coachs à l’USBCO »

Photo Philippe Le Brech

Quand vous êtes revenu à Boulogne pour entraîner les U16, n’était-ce pas une forme de « rétrogradation » pour vous qui veniez de passer plusieurs saisons en seniors au Portel ?
Non. Ma passion, avant tout, c’est le foot. J’ai entraîné toutes les catégories d’âge et je prends toujours du plaisir, que ce soit dans la formation des jeunes ou dans l’entraînement des seniors. Forcément, j’avais comme objectif de continuer à progresser, à entraîner, d’être au contact de coachs expérimentés qui pouvaient m’apprendre beaucoup de choses. Et puis c’était l’occasion de retrouver mon club. Ce n’était pas une rétrogradation mais l’envie de prendre du plaisir et de transmettre. Quand l’opportunité d’aller en seniors et de relever le défi du maintien avec Alexis, que j’apprécie beaucoup, est arrivée, c’était aussi un beau challenge, qui m’a conforté dans mon idée que, avant tout, un coach, c’est un staff, et quand il n’y a pas de faille dans le staff, on peut réussir de belles choses, ce qui est le cas aujourd’hui en National.

Vous aimez apprendre des autres coachs : à Boulogne, vous avez dû être servi avec tous ceux qui y sont passés ces dernières saisons…
Forcément, comme j’avais la réserve, j’ai eu beaucoup de contacts avec les coachs de l’époque de l’équipe fanion, Olivier Frapolli, Laurent Guyot, Eric Chelle, Stéphane Jobard. J’ai toujours été proche d’eux, notamment de Laurent et Olivier qui sont restés un peu plus longtemps. On a pu beaucoup échanger et j’ai appris d’eux.

Photo Philippe Le Brech

Vous ne vous êtes jamais dit « Un jour je serai coach de l’équipe fanion de l’USBCO… » ?
C’est vrai que, dans un coin de ma tête, me titillait l’idée d’avoir une expérience, plutôt comme adjoint, à un niveau supérieur, mais j’étais aussi devenu responsable de la formation à l’USBCO, afin de redynamiser l’équipe d’éducateurs et remettre les choses en place. Vous savez, à Boulogne, on a une équipe d’éducateurs très solidaire, où les gens s’apprécient énormément. Donc quand j’ai eu l’opportunité de reprendre l’équipe première, l’année dernière, et en plus avec un de mes meilleurs amis (Antony Lecointe), ça a fait tilt (rires) !

Dans la liste des entraîneurs côtoyés à Boulogne, vous n’avez pas cité votre prédécesseur, Christophe Raymond…
Mais je l’apprécie beaucoup ! C’est un oubli. C’est vrai que cela a duré peu de temps, j’ai beaucoup échangé avec lui. J’ai toujours été au service des coachs quand j’avais la réserve, pareil avec Christophe, qui est un bon coach, malheureusement, avec lui, la mayonnaise n’a pas pris.

« C’est la première fois que je gère des gens dont le foot est le métier »

Avec Anthony Lecointe. Le PhotographeHDF

Parlons de votre staff : vous le mettez sans cesse en avant, notamment votre adjoint, Anthony Lecointe…
Anthony, c’était mon capitaine au Portel, et j’échangeais déjà beaucoup avec lui. On a un fonctionnement bien défini. D’abord, je fais énormément confiance à mon staff, que cela soit Antoine Decaix notre préparateur physique, qui a lui aussi pas mal d’expérience. On a décidé de se faire confiance les uns les autres. Antoine a proposé une méthode de travail au niveau athlétique avec de « l’intégré » et du « dissocié », du travail pur de course parfois, et une planification. J’ai donné quelques lignes directrices. Moi, j’ai beaucoup travaillé sur l’aspect mental et humain, parce qu’avec Anthony (Lecointe), on croit beaucoup en l’humain. Anthony, lui, est plus dans la gestion tactique de l’équipe parce qu’il a une sensibilité, il observe beaucoup les matchs; après, forcément, il a été un joueur de haut niveau. Moi, j’ai déjà géré beaucoup de groupes, beaucoup d’hommes, même si là, c’est la première fois que je gère des homme dont le football est leur métier. On a beaucoup échangé là-dessus. J’ai aussi essayé de me servir des bienfaits des coachs qui m’ont précédé, mais aussi de ce qui me semblait parfois être de petites erreurs.

Un exemple d’erreur ?
Je pense que, quand on est pris par la machine des résultats, on regarde moins certains joueurs qui sont en réserve par exemple, parce qu’on a tendance à dire qu’ils sont à la cave alors que quand l’entraîneur de l’équipe réserve les a avec lui, il peut se rendre compte que, parfois, un mot, un regard, un peu d’attention, permet de relancer la machine : j’en ai eu l’exemple avec un garçon comme Jean Vercruysse, qui aujourd’hui est dans notre équipe en National. Jean était en réserve avec moi pendant 3 mois, il n’avait certainement pas eu la bonne attitude avec le coach de l’équipe Une (titulaire indiscutable en début de saison 2022-23, il avait ensuite été écarté pour « raisons disciplinaires ») et quand il est revenu, c’était un homme neuf. C’est important de s’appuyer sur les expériences de chacun.

« On est un staff sans faille »

Le Photographe HDF

Vous avez parlé d’Anthony, d’Antoine, et il y a aussi Hugo Stevenart dans votre staff…
Oui, c’est l’entraîneur des gardiens, il est plus jeune que mon premier fils (Hugo a 21 ans) ! On travaille tous les quatre en osmose. On est très proches les uns des autres. Je dis souvent à Antoine qu’ils pourraient être mes fils, ils me le rendent bien ! On se dit les choses. On est un staff sans faille.

Vous êtes aussi un staff boulonnais…
Oui, c’est aussi ce qui fait notre force. En terme de soutien populaire, les gens sont très chauvins, et le fait que le staff soit d’ici, avec Anthony forcément, qui est une icône à l’USBCO, avec moi, qui suis du quartier du chemin Vert à Boulogne, on a cette chance-là, d’être « populaires » entre guillemets, et puis on connaît le club de fond en comble, on connaît son histoire, on s’appuie dessus, c’est super-important. Je connais l’USBCO depuis que j’ai 8 ans ! J’ai tout connu, la DH, la Ligue 1…

« J’ai dit oui au président avant même de prévenir ma femme ! »

Un staff sans faille. Photo Philippe Le Brech

Début février 2023, le président Vincent Boutillier vous demande de prendre en charge l’équipe Une, dernière de N2 : avez-vous hésité, avez-vous eu peur ?
(Catégorique) Non. Je n’ai pas hésité. Il m’a appelé un lundi soir et m’a dit qu’il voulait prendre le petit déjeuner avec moi le lendemain matin. Je me suis demandé ce qu’il voulait. Je pensais qu’il me demanderait d’épauler le staff ou de prendre l’équipe Une, mais je n’avais pas d’indication. En fait, je pensais vraiment que l’on allait me demander d’intégrer le staff, parce que je m’entendais bien avec Christophe (Raymond), mais le club a décidé de se séparer de lui et a pensé que je pouvais être l’homme de la situation. Le président m’a demandé, si je prenais l’équipe, avec qui je voudrais travailler, et quand j’ai répondu sans hésiter Anthony (Lecointe), il m’a répondu « ça tombe très bien, j’ai pensé à la même personne que toi ! ». Et il m’a aussi dit : « J’ai besoin de ta réponse, mais tout de suite ». Donc j’ai dit oui, et on est parti voir Anthony, et avant même de prévenir nos femmes, on avait chacun donné notre accord (rires) !

Depuis votre prise de fonction, les résultats sont là, avec peu de défaites, 9 à ce jour, étalées sur trois saisons…
Neuf défaites ? C’est vrai, on a peu de défaites. La saison passée, en National 2, on a perdu 5 matchs je crois. Je savais que l’on était à moins de 10 défaites, mais je ne suis pas trop branché « stats », d’ailleurs, on m’a déjà reproché de ne pas le dire assez souvent. Je sais juste que, à un moment donné, on a avait 26 victoires sur 30 matchs.

« On aime les gens qui donnent tout »

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo USBCO

Y-at-il un style Dagneaux ?
Il n’y a pas de style Dagneaux en particulier, d’autant moins que l’on fonctionne en staff; à la limite, on pourrait plus parler de style Dagneaux-Lecointe. Je suis comme Anthony, nous on aime les gens qui donnent tout. On est dans un principe de ne jamais rien lâcher, de se dire que, sur le terrain, c’est 11 contre 11. Un homme reste un homme, c’est pour ça que l’aspect mental me paraît primordial, même s’il faut s’appuyer sur des aspects tactique et technique.

Voilà pourquoi notre binôme se complète très bien, car nous sommes deux personnes qui maîtrisons parfaitement ces points là, le mental et la tactique. Il faut rendre à César ce qui lui appartient : Anthony a beaucoup de clairvoyance dans le domaine tactique. Et dans l’aspect mental, je suis un meneur d’hommes comme on dit, je peux emmener avec moi des gens dans des défis un peu fous !

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo 13HF

La préparation mentale, c’est quelque chose qui vous a toujours plu ?
Oui. Je reste persuadé que, arrivé à un niveau, tous les joueurs ont le même bagage tactique et technique, et celui qui fait la différence, indépendamment du don, des qualités techniques et athlétiques que tout le monde n’a pas, c’est celui qui a une force mentale incroyable. J’ai vu évoluer des garçons comme Franck Ribéry ou même Anthony (Lecointe), avec tous les deux des caractéristiques différentes, j’ai côtoyé de près Jimmy Gressier, que j’ai eu comme joueur de foot (le champion d’athlétisme est né à Boulogne, quartier du chemin Vert lui aussi, et a joué à l’USBCO; Ndlr) ce sont des gens qui ont une force mentale incroyable, et qui, quand ils se donnent un objectif, le réalisent, parce qu’il parviennent à se surpasser dans la durée. On voit bien l’importance de l’aspect mental dans tous les sports. Se surpasser à l’instant T, tout le monde est capable de le faire, mais pour être un sportif de haut niveau, il faut le faire sur la durée. Une équipe, c’est pareil.

Quand j’ai pris la réserve, dernière de N3, on m’avait dit « Ce n’est pas grave si on ne se maintient pas, on continuera avec toi, etc, etc…  » Et là, j’ai dit « Comment ça si l’équipe réserve ne se maintient pas ? » On avait 14 points en février et j’ai dit « On va se maintenir ». Il n’y avait que deux personnes à y croire, Alexis (Loreille) et moi. On a renversé le mental de cette équipe. Et on y est arrivé. C’est un peu la même expérience que j’ai vécue avec l’équipe première de l’USBCO à ma prise de fonction en N2 : tout le monde nous voyait déjà en National 3 et parlait de reconstruire un projet… En fait, le président, le directeur général (Jérome Fouble), Anthony et moi, étions les seuls à y croire, et très vite, l’aspect mental a basculé, le groupe a vécu différemment, sur de la cohésion, sur l’envie de s’emmener les uns les autres. Anthony a apporté sa touche tactique, c’était vraiment la bonne complémentarité.

D’où vient ce goût pour l’aspect mental ?
Peut-être que ça vient des gênes de notre quartier, parce qu’on est tous ici du même quartier du chemin Vert, à Boulogne, alors quand on veut quelque chose, eh bien on l’obtient !

« Je suis content que l’on m’ait donné ma chance »

Les valeurs de l’USBCO, affichées devant le couloir menant aux vestiaires. Photo 13HF

Cette saison, vous découvrez le National dans le rôle de l’acteur, mais vous aviez eu le temps de vous faire une idée de ce championnat, quand vous étiez spectateur …
C’est sûr que là, en National, on est monté d’un cran en termes d’exigence. On essaie d’être encore plus pointilleux dans notre travail, encore plus dans le détail. On s’est rendu compte très vite que c’était un autre monde, ne serait-ce que dans les infrastructures, dans la qualité des joueurs, dans l’approche tactique des équipes. On sent qu’on est dans le monde pro, où tout au moins qu’on est très près du monde pro. On essaie de vite s’adapter au niveau aussi, parce qu’on a beaucoup de joueurs qui n’ont jamais joué en National. C’est vraiment un beau championnat et on espère y rester ! Par le passé, j’ai vu beaucoup de matchs de Boulogne en National même si, quand j’étais au Portel, je m’entraînais le vendredi soir, mais depuis que je suis revenu, j’ai vu tous les matchs, j’ai fait aussi deux intérims, quand Laurent (Guyot) et Stéphane (Jobard) ont eu la Covid, j’avais touché un peu le banc. Même quand Boulogne jouait à l’extérieur, je regardais les matchs chez moi, comme j’étais le coach de la réserve en plus… C’est là aussi où j’ai beaucoup appris : par exemple, avec Laurent (Guyot), le lundi, on discutait souvent du match de l’équipe réserve et aussi de son match, on échangeait.

Entraîner l’équipe Une de l’USBCO, c’est une revanche pour vous qui étiez déjà parti deux fois du club ?
Non. Il n’y a aucun côté revanchard. Je suis juste très content qu’on ait pu me donner ma chance, d’avoir parcouru tous les étages du club. Je vais vous faire une confidence : le jour du maintien en National 2… J’en suis encore ému rien qu’en en parlant… Ce jour-là, je me suis revu quand j’étais petit, quand je venais au stade, quand j’étais poussin, et là, je sauve le club d’une descente en N3. C’est l’image qui me revient et qui me restera. Et je me suis redit la même chose au printemps dernier, quand on est monté en National : « Voilà, t’as réussi un pari, avec des joueurs du cru, avec mon ami Anthony »… Parce qu’Anthony, je suis aussi son témoin de mariage. Là encore, plein d’images me sont passées par la tête, quand j’étais petit, mes entraîneurs, mes dirigeants. J’ai dû m’isoler un moment quand tout le monde était sur le terrain, parce que tout m’est revenu en tête.

« Le stade de la Libé transpire plein de choses chez moi »

Pour Fabien Dagneaux, « Boulogne est une vraie ville de foot ». Photo 13HF

Qu’est ce qu’il a de si particulier ce stade de la Libération ?
Il y a toujours eu une ferveur ici. Quand j’étais petit, le club était en DH, et même à ce niveau, il y avait du monde, alors qu’il avait joué en Division 2 juste avant. J’y ai tout connu. J’y ai joué dessus en foot à 7, en pupilles, forcément, il transpire plein de choses chez moi. Les gens lui sont fidèles. L’ambiance est bonne. C’est un stade qui regorge d’anecdotes, d’images, de souvenirs, qui nous fait vibrer, et aujourd’hui, de le voir rempli comme ça, de voir cette ambiance … D’ailleurs je remercie les supporters, parce qu’on a une vraie et belle ambiance, que je ne retrouve pas partout ailleurs.

Et ce public… On a l’impression qu’il encourage en toutes circonstances, qu’il est toujours derrière son équipe même quand ça joue mal…
Le public boulonnais, c’est un peu comme le monde de la pêche : il a surtout envie que les joueurs mouillent le maillot même si on est moins forts, même si on joue moins bien; ça, on l’avait beaucoup expliqué aux joueurs quand on avait repris l’équipe. Ici, ce n’est pas parce qu’on va jouer comme le Barça que le public sera content. Ce que les gens veulent, c’est des joueurs qui mouillent le maillot, qui se dépassent, et là, le public applaudira aussi bien un tacle, un but sauvé sur la ligne, un ballon dégagé en touche pour ne pas prendre de risque, qu’un beau geste technique ou plusieurs passes consécutives. Tout ça, c’est aussi quelque chose que l’on a mis dans les valeurs de notre équipe. On a le droit d’être moins bons que l’adversaire, mais on n’a jamais le droit de lâcher. Par exemple, récemment, contre Le Mans, on fait une bonne première période (2-0 à la pause), on est malmené en deuxième (Le Mans revient à 2-2) mais les joueurs n’ont pas lâché, et même si on avait fait 2 à 2, le public aurait été content, il aurait applaudi aussi, parce que les joueurs n’ont pas lâché (l’USBCO a finalement gagné 3-2 à la 90e). C’est une de nos vertus.

« Les valeurs de solidarité, comme quand on va en mer à la pêche »

Photo 13HF

Boulogne, vraie ville de foot ?
Oui, je pense que c’est une ville de foot plus qu’à Dunkerque, par exemple, qui est une grosse ville, et où il y a beaucoup de sports, Calais était une ville de foot aussi, d’ailleurs quand on était jeune, les derbys Boulogne-Calais, c’était quelque chose ! Il y a avait une rivalité bon enfant. Calais et Boulogne sont des vraies villes de foot. Dunkerque est plus omnisports.

Boulogne est connue pour être un port de pêche très actif économiquement : existe-t-il un lien avec le foot ?
Oui. Quand j’étais junior, j’ai été papa très jeune et j’ai travaillé très tôt avec monsieur Wytz dans une boîte d’import-export de poissons, dans la zone Capécure, et quand monsieur Wattez (président de la société COPALIS, spécialisée dans la valorisation des produits de la pêche) est arrivé à l’USBCO, tout le secteur de la pêche était derrière le club. Tous les Boulonnais ont un membre de leur famille qui ont un lien de travail avec la pêche, j’avais un oncle qui travaillait à la marée, comme on dit, des marins-pêcheurs dans la famille, Anthony a aussi travaillé à Capécure. Tous les Boulonnais ont un lien avec la pêche et le club de foot a une histoire avec elle, avec ces valeurs humaines très importantes, ces valeurs de solidarité quand on va en mer.

En ville, les gens vous reconnaissent-ils plus facilement ?
C’est l’avantage et l’inconvénient d’être un pur boulonnais ! Où que j’aille, il y a toujours des gens qui vous parlent de foot, ils sont contents de voir des Boulonnais à la tête du club, bien sûr, et quand on a des résultats, comme en ce moment, on a des encouragements. Les gens parlent avec nous ou nous disent juste bonjour, on sent qu’on leur donne du plaisir, et ça, c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché, idem pour les autres membres du staff : on a donné du plaisir aux gens, et ça, le mérite en revient aussi à l’équipe. On se rend compte que le foot peut vraiment être un vecteur de joie. On sent vraiment que le regard des Boulonnais envers le club est différent, qu’ils sont joyeux, derrière nous, et ça fait chaud au coeur quand on est natif d’ici. Parce qu’on connaît les problèmes sociaux que certains rencontrent. On a été au coeur de ça. Alors donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme. On me répète souvent aux joueurs : « Prenez du plaisir mais n’oubliez pas d’en donner aux autres ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Vous avez manqué :

– Vincent Boutillier : « J’ai envie de reconstruire une histoire à Boulogne (novembre 2022) :

https://13heuresfoot.fr/actualites/vincent-boutillier-jai-envie-de-reconstruire-une-histoire-a-boulogne/

– Sébastien Flochon : « À Boulogne, on respire le foot ! » (mai 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-2-sebastien-flochon-a-boulogne-on-respire-le-foot/

– Sylvain Jore : « À Calais, les gens n’attendent que ça » (septembre 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-3-sylvain-jore-a-calais-les-gens-nattendent-que-ca/

 

Arrivé début avril, le nouveau président de l’USO a déjà dû gérer pas mal de dossiers chauds dont celui des féminines, un épisode qui a laissé des traces. Il devra aussi se pencher sur celui des infrastructures, une nécessité économique selon lui.

Par Anthony BOYER / Photos : US Orléans

Avec le rachat au printemps dernier de l’US Orléans par Cyril Courtin, chef d’entreprise et président de HR Path, une société basée à Paris, spécialisée dans les ressources humaines et la « tech », et reconnue à l’échelle internationale, une page de l’histoire s’est tournée. Et si Philippe Boutron, qui a passé près de 15 ans à la tête de l’USO, n’a pas cédé aux sirènes de ces fonds d’investissement étrangers, c’est tout à son honneur, surtout que Cyril Courtin, 52 ans, est né à Orléans, a fréquenté les bancs du lycée voisin de La Source à Voltaire, y a encore des amis et des attaches familiales, et ça, finalement, c’est le signe d’une stabilité et d’un désir de ne pas perdre son identité et son ancrage local.

L’USO est a priori entre de nouvelles bonnes mains et Cyril Courtin, un homme chaleureux, disponible, ouvert et à l’écoute, qui ne manque pas d’idées, n’est pas venu tout seul : il est accompagné d’un co-actionnaire, François Boulet, co-fondateur et co-président de HR Path, dont on peut désormais voir le logo sur les maillots.

Vendredi dernier, depuis ses locaux parisiens, Cyril Courtin a répondu à nos questions à bâtons rompus et accepté de revenir sur certains dossiers « chauds » de l’actualité récente de l’USO. Il faut dire que, pour un club à la réputation « tranquille », il s’est passé énormément de choses en six mois : maintien en National à assurer, chèque de 2 millions à signer pour terminer la saison, départ de l’attaquant Kevin Fortuné en avril, passage devant la DNCG (le club était sous la menace d’une rétrogradation administrative en N2), départ du coach Karim Mokeddem pour Sochaux, coupe franche chez les féminines avec une demande de rétrogradation de D2 en D3, arrivée d’un nouveau coach (Hervé Della Maggiore), mercato, la buvette qui prend feu, le rugby qui veut jouer à La Source, etc. Suffisant pour faire dire à Cyril Courtin, qui a extrêmement mal vécu l’épisode de la section féminine, au point d’avoir songé à revoir son engagement, qu’il est « blindé ».
Il raconte ses premiers mois à la tête de l’USO et son désir de voir un nouveau stade sortir de terre. Il en va, selon lui, de l’avenir du club et de sa pérennité économique.

Interview : C’était un rêve de gosse !

Vous étiez déjà actionnaire de l’USO entre 2015 et 2018. Pourquoi être revenu en force au printemps, en rachetant le club ?
On n’a qu’une vie ! C’était un rêve de gosse de pouvoir m’impliquer, d’une façon ou d’une autre, dans le monde du sport, du football en particulier. Effectivement, j’avais eu cette expérience inachevée entre 2015 et 2018, parce qu’un ami m’avait présenté Philippe Boutron (l’ex-président). Cela avait été une expérience très positive et puis, un peu avant l’été 2023, ça m’a vraiment trotté dans la tête : j’ai 51 ans à l’époque, ce n’est pas dans 20 ans qu’il faudra le faire ! J’avais envie de voir autre chose. J’ai initié quelques contacts via Vincent Labrune (le président de la LFP est un de ses amis d’enfance), et pour être très transparent, je me suis aperçu que l’une des contraintes de l’US Orléans, c’était que cela ne soit pas tout près de chez moi, à Paris, du coup j’ai d’abord regardé un peu plus en région parisienne, sans que cela n’aboutisse à quoi que ce soit. Et puis il y a eu l’alignement des planètes : voilà un an, Philippe Boutron, avec qui j’avais gardé de très bons rapports, m’a appelé, et m’a signifié qu’il allait raccrocher. Il m’a demandé si c’était quelque chose qui pouvait m’intéresser. Cela tombait bien puisque c’était un vrai projet, donc je lui ai répondu oui. Une fois que je lui ai dit ça, il a fallu voir les conditions, le planning pour me laisser un peu de temps, les finances, et on a échangé entre octobre 2023 et mars 2024 pour arriver jusqu’à cette fameuse vente du 5 avril dernier. Cela a été un peu une course contre la montre. Le club était vraiment en grosses difficultés, il lui fallait absolument un repreneur. C’est là où je suis arrivé avec plein de bonnes ondes.

Pourquoi le choix de l’US Orléans ?
Cela cochait toutes les cases sauf l’extrême proximité. Il y avait tout le reste : le foot, mon club de coeur, ma ville natale, donc c’est comme ça que je suis arrivé.

La situation financière critique dans laquelle était le club, cela ne vous a pas effrayé ?
Oui, la situation était compliquée financièrement, elle l’est toujours parce qu’elle n’a pas beaucoup changé. Mais c’est surtout que, sportivement, à mon arrivée, on jouait le maintien, parce qu’avec les 6 descentes en National 2, jouer sans attaquant… Il y a eu une histoire avec notre attaquant principal (Kevin Fortuné) qui a dû quitter le club, on avait d’autres attaquants blessés, donc on a réussi à faire des 0-0 jusqu’à l’avant-dernier match à domicile contre le Red Star où, là, on gagne 2-1, tout en étant conscient aussi que notre adversaire était déjà assuré d’être en Ligue 2. Ce fut ma première onde positive.

« C’est Vincent (Labrune) qui a parlé de moi à Philippe (Boutron) »

Philippe Boutron a présidé l’USO de 2010 à avril dernier.

Pourquoi, selon vous, Philippe Boutron a pensé à vous ?
Parce que j’avais demandé des infos à Vincent Labrune sur des clubs potentiellement intéressés par une vente ou l’arrivée d’autres actionnaires, et comme il y a des réunions assez régulières entre les présidents de clubs professionnels, Philippe a croisé Vincent et il lui en a parlé, et puis Vincent lui a dit « tu devrais appeler Cyril, ça peut l’intéresser ». C’est comme ça que le contact s’est fait.

Quand vous dites que, géographiquement, vous n’êtes par à Orléans, vous n’êtes cependant pas loin non plus…
C’est vrai, mes bureaux sont à Paris, j’habite Sèvres, donc je suis du bon côté ! J’ai une heure et quart porte à porte, ça se fait assez bien, et puis j’ai de la famille et des amis à Orléans. Mercredi dernier, par exemple, j’étais au match à La Source (contre Valenciennes, match en retard, victoire 4-1) et je suis resté dormir chez ma maman. Mais bon, je ne suis pas tous les jours au club, parce mon activité principale reste mon entreprise. C’est pour ça, de ne pas pouvoir consacrer assez de temps à l’USO est une de mes frustrations, et de ne pas pouvoir y consacrer plus de moyens aussi, mais ça va, ce n’est pas si lourd.

Orléans, ce n’est pas non plus si éloigné que ça de vos bureaux à Paris…
Oui c’est vrai. Et puis je crois, même si je ne suis pas sûr du chiffre, qu’il y a environ 5000 personnes d’Orléans qui bossent à Paris, et même dans les deux sens maintenant. Depuis la Covid, beaucoup de Parisiens sont venus s’installer vers Orléans, mais à moyen terme, cela risque d’être un peu compliqué, parce que les boîtes sont en train de revenir en arrière. D’ailleurs, je ne suis pas le dernier à penser que l’on ne peut pas tous travailler à 100 % derrière un PC.

Racontez-nous votre histoire : vous êtes né à Orléans ?
Oui et j’y suis resté jusqu’à la fin de ma maîtrise, puis j’ai fait un an à Grenoble, je suis revenu à Orléans où j’ai fait un service civil, puis j’ai été recruté par une boîte dans les études économiques d’urbanisme à Orléans, j’y suis resté un an et puis ma petite amie de l’époque, qui est mon épouse aujourd’hui, faisait ses études à Paris, c’était l’époque des démarrages forts autour des activités de la SAP (outil RH), c’est comma ça que j’ai été recruté en 1998 à Paris.

« Changer les habitudes, ce n’est pas évident »

Avec le co-actionnaire de l’USO et co-fondateur de HR Path, François Boulet.

Succéder à Philippe Boutron, qui a marqué le club pendant près de 15 ans, c’est difficile ?
Difficile, pas tant que ça. Philippe m’a proposé de m’accompagner, mais ne s’immisce pas. Il vient très régulièrement aux matchs, d’ailleurs, il est mon invité permanent au stade de la Source, il le sait. Vous savez, j’ai un immense respect pour tout ce qu’il a fait. Le fait qu’il ait choisi mon offre, qu’elle soit prioritaire, que je sois Français, Orléanais… Cela a facilité les choses. La seule difficulté, mais elle est humaine, ce sont les habitudes : parce qu’il y a au club des personnes en place depuis 30 ans ou 40 ans, et changer les habitudes, ce n’est pas évident, mais ça, c’est valable partout. Les Français y sont réfractaires. Il faut y aller petit à petit, je ne suis pas un bulldozer. J’ai un super DG (Reynald Berghe, directeur général), mais il faut améliorer, professionnaliser, donner des moyens humains et financiers. Quand je suis arrivé, j’ai rencontré les plus gros partenaires. Il y en a un, qui s’appelle « partnaire » justement (Agence d’intérim Partnaire, un des principaux sponsors et partenaire maillot), qui n’a pas continué, mais ce n’était pas contre moi, c’est juste qu’il était là par amitié pour Philippe, d’ailleurs je savais qu’il allait stopper son engagement quand j’ai signé le rachat de l’USO. Sinon, j’ai été plutôt bien accueilli. Après, on est dans le foot, donc je sais très bien que, quand cela ne va pas bien, c’est l’entraîneur et le président qui trinquent. Là, les résultats sportifs sont positifs, les gens sentent qu’il y a un dynamisme et une volonté de changement, d’aller vers le haut, de dépoussiérer, de ne pas rester dans une routine sur un certain nombre de sujets.

Adolescent, vous alliez voir les matchs à La Source ?
Je suivais le club, oui, mais je ne suis pas allé voir beaucoup de matchs quand j’étais petit, pour une raison logistique : j’habitais Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, mes parents arboriculteurs bossaient sept jours sur sept et ne pouvaient pas m’emmener au stade. Donc jusqu’au bac, j’allais au lycée en bus, à Voltaire, à La Source justement, et je rentrais. J’ai joué au foot jusqu’à 12 ans dans le club de Saint-Hilaire et dans les regroupements de clubs avec Dry, avec Mareau (Mareau-au-Près), etc, je faisais de la musique en parallèle, je n’ai pas eu le choix, j’ai dû arrêter le foot, j’ai continué la musique. Et le samedi, on se donnait rendez-vous à 15h au stade du Donjon à Olivet, on jouait de la musique avec un groupe de potes, Vincent (Labrune) venait de temps en temps, c’est là que j’ai rencontré plein de gens. C’était devenu une institution. Mais je n’ai pas eu la possibilité d’aller voir beaucoup de matchs. Après, quand j’étais actionnaire, je venais au conseil d’administration mais je n’allais pas régulièrement au stade, mes enfants étaient plus petits aussi.

« La réalité a dépassé ce que j’imaginais »

Avec Jean-Michel Aulas.

L’USO, c’est un peu un échappatoire ? Une façon d’évacuer, de sortir du cadre de votre entreprise, de voir autre chose ?
Oui, oui ! Bien sûr, il y a la volonté de bien faire, mais aussi de voir autre chose. Mon associé le sait : en rachetant l’USO, j’avais tout évalué, même l’option de complètement sortir de ma boîte actuelle, mais finalement, après avoir échangé avec les associés de manière transparente, on a trouvé ce modèle qui me va bien sur le papier, même si on fait plus que 100 % mais ça, c’est la vie, parce que j’avais envie de connaître autre chose. La réalité a dépassé ce que j’imaginais. Et puis, quelque part, de se mettre un peu « à risque », d’apprendre de nouvelles choses… D’ailleurs, j’ai plus appris en six mois à l’USO que pendant un certain nombre d’années dans ma boîte où tout est bien rodé. Là, quand vous arrivez dans le foot, qu’on vous parle de la DNCG, des budgets, des règles entre l’association et la SASP… J’apprends et je fais tout ça avec beaucoup d’humilité. Je fais confiance à des gens. Je voulais voir deux mondes différents, changer de costume, avec aussi des choses qui se rapprochent, parce qu’un club de foot reste une entreprise, et d’être impliqué.

C’est important pour vous d’avoir François Boulet avec vous dans l’aventure ?
Oui, c’est important, parce qu’on est très-très différent, c’est ça un binôme, même s’il me laisser gérer. François (Boulet), mon associé, même s’il n’est pas visible, est aussi mon co-actionnaire. Cela faisait partie des cases que je souhaitais. On est solidaire. Et quand il y a eu cette histoire avec l’équipe féminine, heureusement que j’avais mes proches et lui, qui m’ont soutenu. J’ai pris sur moi-même. Quelle injustice ! Pendant quelques jours, personnellement, j’allais très mal. Il m’a forcé la main pour prendre une boîte de communication afin de mieux gérer certaines situations. François, je le remercie chaque jour de m’avoir proposé, de m’avoir imposé même son soutien. C’est un vrai plus. Il m’a dit « On le fait ensemble ».

« Personne ne m’a mis des menottes »

Les joueurs de l’USO ont battu Valenciennes mercredi dernier et pointent à la 3e place du National après 8 journées.

Maintenant que vous êtes dans le foot, c’est comment de l’intérieur ?
(Catégorique) C’est compliqué. C’est magique aussi. J’en parlais justement l’autre jour avec Hervé (Della Maggiore), notre entraîneur, qui disait : « le foot, c’est 20 % de bonheur et 80 % d’emmerdes ». Je dirais plutôt « 10 % de bonheur et 90 % d’emmerdes », parce que, jusqu’à présent, je peux compter sur les doigts de la main les vrais moments de plaisir. Bien sûr, je prends du plaisir au quotidien, mais ce qui est compliqué, c’est d’être en National parce qu’il n’y a pas de moyens financiers. Certains clubs arrivent à équilibrer leur budget, ou alors ce sont des budgets moins élevés ou alors ils ont des gros fonds d’investissement qui mettent beaucoup d’argent. Et puis, il y a les liens avec l’association : il ne faut jamais oublier qu’il y a beaucoup de personnes qui sont bénévoles, qui donnent de leur temps après leur travail, ce n’est pas évident de faire avancer la machine, parce qu’on ne peut pas non plus trop pousser des personnes qui ne sont pas salariées. Ma plus grosse frustration, elle est là : c’est d’être contraint par des budgets; même si on met beaucoup d’argent dans le club, ce n’est jamais assez, ce n’est pas comme dans mon entreprise, qui a des moyens, qui est rentable, qui a des budgets de développement consacrés au marketing et à la com’, qui a des méthodes de management, alors qu’à l’USO, on regarde, on se dit « il faudrait faire ça », « ça coûte tant », « dommage on ne va pas pouvoir le faire ». Pour synthétiser, c’est plus dur que ce que je ne le pensais, mais je l’ai choisi, je ne m’en plains pas. Personne ne m’a mis des menottes. Après, il ne faut pas trop venir « m’emmerder » non plus !

« Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre »

Avec l’un des deux membres du groupe La Jarry, qui a composé le nouvel hymne de l’USO.

Depuis votre arrivée, vous n’avez pas eu le temps de vous ennuyer, avec déjà pas mal de « crises » et de choses à gérer…
Ah oui oui ! D’ailleurs, en plaisantant, Philippe (Boutron) me dit, « t’es un champion du monde », et mes potes me chambrent en ce moment, ils me disent : « Que se passe-t-il à l’USO, c’est bien calme en ce moment ?! » En fait, quand je suis arrivé, on ne pensait d’abord qu’à se sauver en National. Et il y a eu ce match face au Red Star, un super-moment. Une fois ce maintien assuré, cela a été pire après, car il a fallu se plonger dans les budgets. j’en avais présenté un sur 3 ans à la DNCG, je me suis promis avec mon associé d’être en conformité avec ça, mais que je ne ferais pas plus, sinon à court terme, cela pouvait enlever une année, mais il a fallu faire des réajustements, et je ne détermine pas les règles du foot… Le seul moyen de parvenir à avoir plus de ressources, c’est de monter en Ligue 2 mais je n’ai pas la prétention de garantir que l’on va y arriver donc on ne pouvait pas sanctionner l’équipe masculine alors on a regardé vers les féminines, mais contrairement à ce que les médias ont dit, il n’a jamais été question de supprimer la section féminine, mais de la descendre d’un niveau (de D2 en D3). J’ai sous-estimé l’impact médiatique mais j’ai été aussi maladroit. Certaines personnes de l’association m’ont un peu lynché, et elles ont préféré quitter le navire plutôt que d’affronter leurs responsabilités. Dans le même moment, Karim (Mokeddem, l’ex-entraîneur) décide de partir, il faut reconstruire l’équipe, il faut présenter un budget devant la DNCG… voilà, c’était un enfer.

Cette polémique sur les féminines, on sent que cela vous a vraiment marqué…
Oui, et je ne cache pas que … Je n’étais pas très loin de… (Il se reprend) Parce que là, ce n’est pas le club que l’on attaquait, mais moi. Je trouvais ça décalé de la réalité. C’est allé très loin, jusqu’à la ministre des Sports. Ce n’était pas ma décision, mais une décision « club ». J’ai quand même tout fait pour essayer de le sauver, donc je n’ai pas dormi pendant une semaine. Je n’étais pas loin d’aller devant la DNCG, de défendre le budget de l’année prochaine, de mettre l’argent pour l’année prochaine, et après de dire « maintenant vous vous démerdez ». Je ne peux pas accepter d’être l’homme à abattre. Et là, qui est venu sauver ma tête ? Jean-Michel Aulas (président de la nouvelle Ligue féminine de football professionnel) ! C’est lui qui est intervenu. C’est un grand monsieur. Il m’a appelé. Il m’a écouté. Il m’a compris. Il m’a aidé. Il a vu que je n’avais pas le choix. Il a calmé tout le monde, y compris la ministre qui ensuite est venue apporter son aide. Il faut bien comprendre que les aides ne peuvent pas être éternelles s’il n’y a pas des ressources supplémentaires qui arrivent, c’est pour cela qu’il faudra refaire des choix l’an prochain, réfléchir à des solutions alternatives. Je suis un entrepreneur, on n’est pas au casino, je ne vais pas faire « All in » (tapis), je ne peux pas miser sur une montée en Ligue 2. Ma réflexion n’a pas changé par rapport à ça.

« Ces premiers mois m’ont endurci »

Avec le président du District du Loiret, Benoît Laine.

Vous n’avez pas encore 7 mois de présence dans le foot et vous êtes déjà blindé !
Vous avez raison ! Le point positif, c’est que cela m’a endurci. Je n’apprécie pas énormément le conflit et là, j’ai pris cher, mais cela m’a beaucoup apporté d’un point de vue personnel. Aujourd’hui, je suis plus à l’aise pour affronter la presse. C’est vrai que ces dernières années, les médias n’avaient plus trop parlé de l’USO. Là, des gens m’ont dit « au moins cela fait parler d’Orléans ». J’aurais préféré que l’on parle du club différemment. J’avais deux choix : soit j’allais au fight, mais je n’en avais pas la capacité, soit on prônait la solution de se faire aider en matière de communication et c’est ce que l’on a fait, donc je n’ai pas parlé directement, et aujourd’hui il y a des règles, on passe par la com’. Et puis les médias ont senti qu’ils étaient allés un peu trop loin, peut-être parce qu’ils ne me connaissaient pas, parce qu’ensuite, il y a eu des articles un peu plus de fond. Aujourd’hui, ma relation est très correcte avec eux. Mon téléphone reste ouvert. Quand je les croise on échange, parfois même en off, ça ne sort pas. J’aurais vraiment préféré que ces événements n’arrivent pas. Tout le club aurait pu être en péril parce que la DNCG, qu’est-ce qu’elle aurait dit si on n’avait pas fait ce choix ? Elle aurait rétrogradé les garçons. Cela a été une expérience douloureuse. Je suis sur que j’appréhenderai mieux les prochains événements difficiles.

« Mon objectif est sportif et économique »

Changeons de sujet : lundi 7 octobre, les présidents de National se sont réunis à la FFF et ont à nouveau évoqué la Ligue 3…
J’ai rencontré les présidents. Il y a des personnalités très très différentes, tant en termes d’âge que d’expérience, et je remercie Thierry (Gomez, président du Mans FC), qui est l’instigateur de tout ça, parce qu’on est beaucoup de présidents à être arrivés tout récemment. On a un groupe WhatsApp et on partage ces points communs : une énorme solidarité, l’envie d’avoir cette Ligue 3, d’être tous soudés, de pouvoir passer du temps ensemble de manière conviviale, de bien recevoir et d’être bien accueilli quand se déplace les uns chez les autres, parce que des matchs, on va tous en perdre et on va tous en gagner. Certains présidents sont plus dans le sportif, d’autres dans le développement du marketing et de la communication, c’est intéressant de partager toutes ces idées.

Avec le coach Hervé Della Maggiore.

Orléans, de l’extérieur, semble une ville tranquille, paisible, et son club de foot a traversé des périodes sombres, avec un historique lourd…
Orléans, c’est vrai, est une ville tranquille, bourgeoise, un peu « cul serré », où tout le monde se connaît et où tout le monde sait tout sur tout. C’est aussi pour ça que je suis content d’être à Paris, je n’ai pas de lien politique avec la ville, je suis un peu agnostique par rapport à ça. Après, c’est une très belle ville, qui s’est beaucoup améliorée en termes d’architecture ou d’un point de vue des transports ces dernières années, elle est attractive, parce qu’elle est à 100 gros kilomètres de Paris. Elle est attractive aussi pour les joueurs. Après, historiquement, l’US Orléans n’a jamais été en Ligue 1 et mon associé me dit souvent, en plaisantant, « On va aller jusqu’à la Ligue 1 et la Ligue des champions !!! » Non, mon seul objectif, il est sportif bien sur mais principalement économique. En National, il y a des grosses écuries. Regardez, vous avez vu les noms des clubs ? Je suis sûr que si l’on demandait à quelqu’un de pas très connaisseur la liste des clubs de Ligue 2 et de National, il se tromperait pour composer les deux championnats ! Le National, on dirait une Ligue 2, il y a de très bons clubs, le niveau de jeu est quand même très bon, alors bien sûr, il y a parfois des mauvais matchs, mais en Ligue 1 aussi parfois on se fait chier devant la télé.

« Ma vrai bataille, ce sont les infrastructures »

Le stade de la Source, à Orléans.

On dit que pour qu’un club puisse « tenir », il faut qu’il ait le bassin économique, la popularité, le soutien des instances et les infrastructures : l’USO a-t-elle tout cela ?
C’est un vrai sujet. Le bassin économique, on l’a, on est une métropole de plus ou moins 300 000 habitants tout de même. Orléans est une ville très étudiante, avec de grosses universités, des écoles, donc de ce point de vue-là, je ne suis pas inquiet. Il y a beaucoup de sport aussi à Orléans, le basket, le hand, le rugby, et c’est très bien, il n’y a pas de rivalité.

En fait, ma vraie bataille, ce sont les infrastructures. Je suis en train d’activer des réflexions, de pousser les murs. Je veux que l’USO ait un nouveau stade. Le mois dernier, la buvette a brûlé, il y a forcément des travaux à faire pour en reconstruire une. Ok, je ne suis pas fermé à des idées de rénovation, mais je pense que c’est une connerie (sic) de faire des millions de travaux dans un stade qui a plusieurs décennies, qui n’est pas forcément situé au bon endroit, même s’il y a beaucoup de transports. Après, il ne faut pas se leurrer non plus, on ne pourra pas construire un stade en centre-ville. Il faut juste bien le situer. C’est une nécessité économique. Le monde du sport évolue et si, pour des raisons X ou Y, l’USO doit rester encore quelque temps en National, il faudra trouver des ressources, or les seules ressources, ce sont les partenaires publics.

Bien sûr, il y a les partenaires privés aussi mais vous avez vu les loges à La Source ? On est très perfectible dans le domaine du réceptif. Le foot doit être un moment de convivialité, où on vient en famille, avec des clients, à un prix raisonnable. Avec le nouveau complexe CO’Met Arena, l’OFB basket arrive à avoir 8000 ou 10 000 spectateurs à chaque match : je suis très content pour eux mais est-ce que le basket ou d’autres sports attirent plus de spectateurs que le foot en général ? Deux ou trois fois par an, CO’Met est loué pour le handball, comme vendredi dernier, quand les « Septors » (Saran Loiret handball) ont joué devant 10 000 spectateurs (9069 billets vendus !) pour un match de handball de Pro D2, ils ont battu le record d’affluence de la division, avec un showcase, Big Flo et Oli, le bénéfice est énorme même si cela a un cout élevé. Et le président du Rugby (Didier Bourriez, président du RCO, Nationale 2) a déjà annoncé qu’il voulait joueur au stade de la source dès la saison prochaine… OK, je n’y suis pas opposé, je suis en bonne relation avec lui, mais là, on a balancé ça comme ça, alors qu’il n’y a rien d’officiel sur le sujet. Il y a quand même des contraintes.

Voilà, moi, je ne suis pas du tout opposé à l’idée de lancer la création d’un nouveau stade qui serait partagé par deux sports et de laisser le centre d’entraînement de l’USO au stade de la Source. J’espère un jour que l’on pourra lancer un centre de formation, en améliorant certaines choses. Je trouve que ce serait plus cohérent que de faire du rafistolage. Et je ne demande pas un gros stade. Entre 10 ou 15 000 places, avec du vrai réceptif, des commerces autour, bien situé, avec des transports.

« La Source n’est plus homologuée pour la L2 »

CO’Met Arena, un nouveau complexe à Orléans : la semaine dernière, un match de handball de Pro D2 a attiré 10 000 spectateurs.

Vous avez une vision à long terme, pas celle d’un président qui n’est là que pour deux ou trois ans…
En fait, s’il n’y a pas de nouvelles ressources, dans deux ans, je suis parti, parce qu’il faut savoir être raisonnable. Je ne vais pas dire à ma femme « Il faut vendre la maison ». J’espère qu’on y arrivera. Cela ne dépendra pas que de moi, parce que je prends beaucoup de plaisir mais aujourd’hui, avec les nouvelles règles de la Licence Pro, le stade de la Source n’est plus homologuée pour la Ligue 2. C’est ma vraie bataille. Et je vois que certains ne trouvent pas cette idée complètement idiotes : un stade, pour sortir de terre, il faut 3 ans. Indirectement, cela amènera des ondes positives pour tout le monde et apportera une nouvelle dynamique.

Sentez-vous le soutien des partenaires et des collectivités ?
Quand je suis arrivé au club, c’est l’une des premières questions que l’on m’a posées : allez-vous construire votre stade ? Bon, je ne suis pas milliardaire ! Je ne suis pas complètement fermé à une option mixte, en s’associant comme on le fait dans ma boîte, en faisant appel à des tours de table privés, avec une dette sur 20 ans parce qu’il peut y avoir des revenus; après, les collectivités, je les comprends, il y a des budgets, tout le monde demande de l’argent, ce n’est pas simple. La porte n’est pas complètement fermée de leur côté, mais elle n’est pas encore ouverte. Il faut y réfléchir, faire un avant-projet, voir s’il y a du foncier, voir combien ça coûte, etc. Il y a des personnes dans les collectivités qui sont réceptives à ce projet et prêtes à apporter une partie du financement.

Ce n’est pas tabou de vous demander le budget de l’USO cette saison ?
Un peu moins de 5,5 millions.

« Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise »

Vous êtes dans les Ressources humaines, le parallèle est tout fait avec le foot, où vous avez déjà dû gérer des crises…
Il y a des similitudes, en effet. Mon activité me sert. Des conflits, des soucis, il y en a eus et il y en a régulièrement. On n’est pas là pour partir en vacances ensemble, on est là pour travailler, dans le respect, la confiance. À Orléans, tout se sait, mais tout ce qui se passe dans le club doit rester dans le club. Je prends un exemple : un salarié de l’USO me demande « Est-ce que mon poste est à risque ? »… Non ! Après, on est une organisation, on veut aller dans un sens, et si des personnes n’adhèrent pas, et bien c’est comme dans mon entreprise, la porte est ouverte. Je n’ai jamais attaché un employé à une chaise. La petite différence, c’est que dans ma boîte, il y a des gros salaires, du turnover, parce qu’ils sont beaucoup « chassés », il y a un certain niveau je dirais, sans dénigrer le foot où faire sortir les gens de leur routine, avoir de nouvelles idées, changer les habitudes, les faire grandir et travailler ensemble, sont des choses que l’on essaie de faire. Je voudrais que ça aille plus vite, que l’on fasse plus de choses. Après, je suis un peu frustré, parce que je voudrais aussi renforcer cette équipe de salariés, mais ce que je veux, c’est que les gens prennent beaucoup d’autonomie, qu’ils n’aient pas peur : avoir une idée, critiquer mais proposer une solution pour améliorer la situation, c’est ça le coté RH et pour ça, j’ai un super DG (Reynald Berghe), qui a plus de 30 ans de foot avec les années du LOSC. Il est hyper carré et veut mettre en place des process. Ce n’est pas le plus grand des communicants mais il est parti de loin et est arrivé jusqu’en Ligue des champions.

Hervé Della Maggiore, votre coach, n’est pas non plus le plus grand des communicants…
Non, mais Hervé, je l’aime beaucoup. Moi non plus, je ne suis pas un grand communicant. Prendre le micro, à la fin du match, à quoi ça sert ? Hervé reste paisible mais peut être assez piquant dans ses mots, je l’ai vu dans les vestiaires. Ce n’est pas quelqu’un qui parle trop en tout cas et moi ça me va.

« Président, donnez moi plus d’argent ! »

Votre dernière grande joie, c’est la victoire en match en retard face à Valenciennes (4-1), avec le nouvel hymne en plus !
Oui, c’est la 2e plus belle soirée sportive sur le nouveau projet ! On n’était pas sur de jouer ce match à rejouer à cause des conditions climatiques. Contre Dijon, on avait fait la même prestation mais on n’avait pas gagné. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir jouer mon équipe, ça compense largement le reste ! Quant à l’hymne, y a toujours des gens qui n’aiment pas mais je voulais le faire, en y associant des gens d’Orléans, « La Jarry » : ce sont des Orléanais, qui sont un peu plus connus aux États Unis et au Canada. On n’a pas fait du rap, mais du rock. Même si j’essaie de faire venir un public plus jeune, je ne voulais pas non plus froisser nos partenaires actuels et notre public aussi. Même les joueurs se passent l’hymne dans le vestiaire, ils aiment bien le passage « Président, donnez moi plus d’argent ! » Un clip va sortir et il va aussi y avoir le tramway aux couleurs de l’USO, comme pour les autres disciplines, le 23 octobre, ce n’est pas anodin. Il faut que ça rayonne !

Ecoutez l’hymne :

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’artisan de l’accession historique d’Aubagne en National, qui se revendique du football amateur, a retrouvé « son » Sporting cet été, où il avait laissé de bons souvenirs il y a 8 ans. Le Marseillais à la carrure imposante et au caractère entier se confie, sans filtre. Mais pas sans accent !

Par Anthony BOYER

Photo 13HF

Mohamed Sadani a l’accent provençal bien prononcé et la faconde des gens du sud. Le nouvel entraîneur du Sporting-club de Toulon a aussi le tutoiement facile, le sens de la formule et de l’autodérision, et sait charmer son interlocuteur.

Bref, Sadani a, comme tout bon marseillais qui se respecte, la gouaille, comme on dit. « Mais c’est dur d’être Marseillais à Toulon », lance-t-il ! On pourrait lui répondre que l’inverse doit sans doute être vrai aussi. Et puis, avec son franc-parler, il en rajoute une couche : « C’est dur d’être marseillais et arabe à Toulon, tu comprends… ! »

Premier bail toulonnais de 2013 à 2016

Pour celui que ses amis surnomment évidemment « Momo », et même certains joueurs – « Je sais que ça peut déranger mais je n’y vois aucun inconvénient » – « l’adjectif « nouvel » (pour nouvel entraîneur) n’est pas tout à fait exact.
L’ancien coach emblématique de La Penne-sur-Huveaune, à 5 kilomètres d’Aubagne, qui va fêter ses 53 ans dans quelques jours, s’est déjà assis pendant trois saisons sur le banc des Azur et or, entre 2013 et 2016. Trois saisons couronnées de succès puisque le Sporting était passé de la Division d’Honneur au CFA (N2). Le début du renouveau toulonnais, pensait-on à l’époque. Tu parles…

Retour à la case départ, en N2

Photo 13HF

Huit ans après, Mohamed Sadani a retrouvé le club là où il l’avait laissé, en National 2. Un niveau dont Toulon n’est pas parvenu à s’extirper, excepté à l’issue de la saison 2018/19, emmené par le coach Fabien Pujo, artisan de l’accession en National. Mais, une fois retrouvée l’antichambre de la Ligue 2, un début de saison très moyen et la Covid-19 ont rapidement brisé les espoirs de maintien (la saison fut stoppée par la FFF à neuf journées de la fin).

Depuis, Toulon végète en National 2. Stagne. S’enlise. Ne s’en sort pas. Joue devant 500 spectateurs dans ce stade de Bon-Rencontre d’un autre temps, qui peut contenir 15 fois plus de personnes, qui renvoie constamment aux images du passé, et qui ne demande qu’à vibrer à nouveau. Parce que, détrompez-vous, avant d’être une ville de rugby, Toulon est une ville de foot.

Beaucoup plus qu’Aubagne, ça c’est certain. Mais ce que Mohamed Sadani a réussi à faire la saison dernière dans la ville de Marcel Pagnol a renforcé son crédit : qui aurait misé sur l’accession en National du club provençal ? Personne. Pas même lui. Et qui aurait pensé que, quelques semaines après cette saison historique, il quitterait le banc de l’AFC, alors que le National lui tendait les bras ?

L’épisode de l’intersaison et les récentes déclarations de son ancien président, Lionel Jeanningros, ont ravivé le douloureux souvenir d’un départ qui, c’est facile de le comprendre, n’était pas programmé. Mohamed Sadani a accepté de revenir sur cet épisode, précisant toutefois que Lionel Jeanningros n’était pas la source du désaccord.

Sadani, l’homme de la montée d’Aubagne, libre, le Sporting-club de Toulon a sauté sur l’occasion après le revirement de dernière minute du coach de Jura Sud, Valentin Guichard. Claude Joye, le président du Sporting, qui n’avait jamais coupé les ponts avec lui, a pris son téléphone. La suite, c’est Sadani qui la raconte.

Interview : « J’ai fait une vie de foot ! « 

Repro 13HF

« Momo », commençons par un constat : tu n’as jamais entraîné en National, est-ce un regret ? Un objectif ?
Ni un regret, ni un objectif. Après la saison qu’on a réalisée à Aubagne, improbable, c’est vrai que j’aspirais à le faire, mais je n’étais pas en accord avec une personne du club, qui n’est pas le président Lionel Jeanningros contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Le président Jeanningros qui, voilà quelques jours, en a rajouté une petite couche sur toi…
Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça. C’est n’importe quoi ! On a dit que j’étais parti à Toulon parce que le Sporting m’a fait une offre supérieure à celle que me proposait Aubagne : c’est complètement faux. Je gagne moins ma vie à Toulon qu’à Aubagne. Voilà. Je n’ai pas l’habitude de mentir. Je vais te dire comment ça s’est passé : le lundi, j’étais en désaccord avec Aubagne, le mercredi Claude Joye, le président de Toulon, qui a appris que je quittais Aubagne, m’a appelé, et le vendredi on s’est vu. Et le samedi, j’ai accepté. J’ai accepté parce que je connaissais la maison. Maintenant, pour en revenir au National, entraîner à ce niveau, ça serait une consécration. Mais à aucun moment je ne serais parti d’Aubagne si j’avais eu la possibilité de le faire à Aubagne, je serais resté, bien sûr…

« Tant que je me régale »

Mais avec l’accession d’Aubagne, une opportunité comme celle-là ne se représentera peut-être jamais…
Je peux te répondre en « marseillais » ? Je m’en tape. C’est ma 28e année d’entraîneur d’affilée… Tant que je me régale… Tu as vu mon parcours ? Il est atypique. J’ai fait beaucoup de montées, mais je n’ai pas de plan de carrière. Je n’aspire pas à aller au haut niveau. Maintenant, si je dois y aller, c’est le destin qui m y emmènera. Et si jamais demain je n’entraîne plus en N2 ou si je n’entraîne pas au-dessus, cela ne me gênera pas d’aller en Régional 1 si je sens le truc, si je prends plaisir.

Visuel SC Toulon.

Oui mais tu connais le milieu, on colle des étiquettes, et toi, tu as celle d’un coach qui a fait certes beaucoup de montées, mais de PH, de DH, de CFA2… Pour les gens, c’est facile de monter à ces échelons…
Je ne suis pas d’accord avec cette vision. Il faut vivre avec son temps et replacer les choses dans leur contexte. Quand je suis monté en PHA ou en DHR avec La Penne-sur-Huveaune, le club avait 5300 euros de subvention : c’est un exploit ce qu’on a fait, et je ne te parle même pas de notre accession en CFA2 avec La Penne. Un exploit. Après, quand je dis « Je suis monté », ce n’est pas moi tout seul, ce sont mes joueurs, mon staff, mes dirigeants, qui m’ont permis de monter. Moi seul, je n’ai rien fait. C’est un ensemble de choses, et j’englobe les gens du club. Je pense que toutes les montées sont bonnes : pourquoi minimiser une montée en PHA ? Aujourd’hui, on dit la D1 (District 1, ex-PHA), la D2, c’est faible, mais toi, tu as connu la PHA d’avant, il fallait y aller, au charbon, pour sortir de ces divisions ! Toutes les montées ont chacune leur importance. Je n’en minimise aucune. Maintenant, si tu me demandes si la montée de National est la plus belle, sincèrement non, j’en ai une en tête qui est plus belle, et c’était à un petit niveau. Après, tu as des coachs qui entraînent pendant 15 ou 20 ans sans jamais connaître de montée. J’ai eu la chance de toutes les faire, en commençant par la première division de district, puis PHB deux fois, PHA, DHR, DH, CFA2 trois fois, CFA, j’ai fait aussi deux montées avec les jeunes parce qu’à une époque, comme j’étais fada, j’entraînais les 17 ans en même temps que les seniors ! Mon parcours amateur, c’est quand même, sans orgueil déplacé, une belle référence, même si cela ne reste que du foot et que ce n’est finalement pas grand chose à côté de ce que l’on voit dans la vie de tous les jours. J’ai montré que, à chaque fois que j’accédais à un niveau supérieur, je savais m’adapter. Et si je ne suis pas aujourd’hui à un niveau au-dessus, comme le National, c’est parce que … Peut-être qu’il y a des choses que je n’accepte pas, voilà. C’est pour ça que si je ne suis pas allé plus haut que le milieu amateur, ou semi-professionnel comme le National 2, c’est parce que ces concessions, je n’ai pas voulu les faire.

Un exemple ?
Parfois, j’ai un fonctionnement atypique. Je suis entraîneur-manager. Je m’occupe de beaucoup de choses, du recrutement, de la gestion du joueur, de la gestion contractuelle, et maintenant, avec l’âge, j’ai un peu relâché au niveau de l’entraînement que je délègue beaucoup au staff qui est assez large. C’est un peu comme un fonctionnement, toutes proportions gardées, à la Ferguson ou à la Wenger, encore que, cette saison, alors que j’ai un bon staff, je dirige beaucoup plus l’entraînement qu’à Aubagne où j’avais beaucoup délégué les séances. En fait, chaque année, je m’adapte.

Repro 13HF

Tu as eu des propositions après la montée avec Aubagne ?
Oui, j’ai eu des clubs, j’ai eu des possibilités mais quand il t’arrive une consécration comme ça, tu ne te vois pas aller ailleurs. Regarde mon parcours, il est hyper régional. Pour des raisons personnelles, je préfère rester ici. Mais je le répète, à aucun moment je n’ai été en négociation avec Toulon, ça m’énerve que l’on puisse penser ça ou que les médias aient pu l’écrire. Bien sûr que l’on échangeait avec Claude Joye parfois, mais on n’avait jamais évoqué un quelconque retour jusqu’à ce fameux mercredi et son appel, deux jours après mon départ d’Aubagne. Toulon était sur le point d’enrôler Valentin Guichard (Jura Sud), qui a laissé tomber, ils m’ont appelé le mercredi et le samedi j’ai donné mon accord. Voilà comment ça s’est fait. A Aucun moment Toulon ne m’a fait une proposition supérieure à ce que j’avais à Aubagne. Je n’avais aucun intérêt ni financier ni sportif à quitter Aubagne. Il faut arrêter de dire n’importe quoi, que je suis parti pour une meilleure offre, non. Regarde, je suis à deux minutes trente du stade Saint-Exupéry, à La Penne, c’est juste à côté, je n’avais aucun frais de déplacement, c’est mon secteur, je faisais les entraînements, les gens passaient au stade, tout le monde me connaissait, j’étais vraiment chez moi, il y avait mes enfants à côté… Je pensais que ce serait le moment pour moi de montrer mes capacités en National. Alors, c’est vrai que l’on peut dire qu’une montée en DHR, en DH ou en CFA2, c’est facile, mais à chaque fois que l’on est monté d’un échelon avec mes équipes, on s’est adapté, c’est ça qui est le plus dur. S’adapter au niveau. Comprendre l’environnement. Etre hyper pragmatique. Créer une idée de jeu et un esprit de jeu adaptés à la division dans laquelle tu es. Je pense que c’est là-dessus que, pour ma part, j’ai évolué.

« Partir loin ? Je ne sais pas… »

Tu es aussi étiqueté « entraîneur du sud »…
Tu as raison, les gens collent facilement des étiquettes, mais je pense que mon parcours parle pour moi : je suis issu du foot amateur et je le revendique. Demain, si je suis en Ligue 2, je mettrai en avant le foot amateur, qui a bien changé, mais ça, c’est un autre débat. Avant j’étais un entraîneur de DHR, après on m’a dit je suis un entraîneur de DH… peut-être que si demain j’entraîne en National on va m’estampiller entraîneur de National…

Un jour, seras-tu prêt à partir loin du 13 ou du 83 ?
Je ne sais pas. Je ne dis pas que je ne le ferai pas. Il y a ma famille aussi…

Photo 13HF

A Aubagne, tu aurais pu faire fi de ce « problème » et choisir la solution de facilité en restant …
Non. Il y a de vraies raisons, qui n’ont rien à voir avec un manque d’ambition de ma part. Il y a des choses que l’on peut dire, mais que l’on ne peut pas écrire. J’ai un fort caractère. Mais je reste quelqu’un de discret, je n’ai pas envie de remuer la merde (sic), je dis souvent à mes joueurs, « Li fet met », ce qui signifie « le passé est mort »; je leur sors ça à tous, quelles que soient leurs origines, ça veut dire que, une fois que tu as fini un match, pense à celui qui vient après. Quoi de plus beau qu’une montée en National improbable avec Aubagne ? Improbable (il répète). Alors, ce cadeau que je leur ai laissé, je ne leur ai pas donné tout seul, j’avais un staff et des joueurs. Quand une personne te fait un cadeau comme ça, je pense qu’il faut la respecter. Je n’ai plus envie de parler de ça, j’ai envie de passer à autre chose.

Pour terminer avec Aubagne, tu es toujours en contact avec Lionel Jeanningros le président ?
Non. Je ne l’ai pas non plus appelé après sa dernière déclaration. Je ne vois pas l’intérêt. Mais si je le croise demain, je lui dirai bonjour, je suis respectueux quand même et bien élevé. Mais je trouve qu’il n’avait pas à dire ça, surtout que cela ne le concernait pas. Mais on s’apprécie.

« Je n’ai jamais envoyé un seul CV »

Quand tu signes à Toulon, tu te dis quoi ?
Quand je signe à Toulon, c ‘est pour aller en National, et je sais que deux cas de figure peuvent se produire : soit le président me vire avant la fin de la saison, soit je vais très haut avec ce club. Si on arrivait à accéder en National, quel parcours ce serait ! Mais Toulon mérite encore mieux. Toulon mérite la Ligue 2.

Tu avais remis Toulon sur les rails en 2016, pourquoi être parti après deux accessions de DH en CFA ?
Tu remues la merde toi (rires) !

Simple question…
Toulon, c’est dur, c’est usant. J’étais fatigué, j’avais aussi un point de désaccord avec le président, Claude Joye, mais on s’est quitté en bon terme, la preuve, c’est que les années qui ont suivi mon départ, j’ai fait un match amical de préparation contre Toulon, que cela soit avec Côte Bleue ou Marignane. On s’appelait avant la préparation pour parler de ça, on avait de bons rapports.

Le staff technique du SCT. Photo SC Toulon.

Claude Joye, réputé pour souvent changer de coach, t’a rappelé : c’est bon signe, non ?
Tu sais que j’ai le record sur le banc à Toulon ! 3 ans ! Le record toutes catégories (rires) ! Après l’accession en CFA (N2) en 2016, je voulais vraiment faire une année sabbatique mais Christophe Celdran (le président de Côte Bleue à l’époque), qui est un ami, m’a appelé, et finalement, j’ai embarqué dans l’aventure Côte Bleue. J’ai passé des moments exceptionnels avec lui. Je regrette juste de l’avoir déçu en partant de Marignane (le club de Côte Bleue est devenu Marignane Gignac Côte Bleue en 2022). Je pense que je lui ai fait du mal. Parce que s’il y a bien des choses auxquelles je suis attaché, ce sont les valeurs humaines, le respect, le partage, l’entraide, et avec lui, j’avais trouvé ça. C’est ça qui donne de l’énergie, quand tout le monde va dans le même sens. C’est le fondement de mon équipe.

A ton avis, pourquoi Claude Joye t’a fait revenir ?
Aujourd’hui, beaucoup de présidents veulent des noms, des coachs qui ont joué à un certain niveau, OK, d’accord, mais qu’est-ce qu’ils ont fait de plus ? Je connais les noms des coachs qui ont postulé à Toulon… Si tu savais ! Moi, je n’ai jamais envoyé un seul CV à ce jour pour entraîner, ni appelé un président. Et cela fait 28 ans que j’entraîne.

Photo SC Toulon.

Alors pourquoi Claude Joye t’a t-il appelé ?
Le club en situation d’urgence. Le destin. Le coach pressenti qui fait volte-face. Claude Joye me connaît. Il a en confiance en moi. On a fait deux montées ensemble en trois saisons. Je connais la maison. Je connais tout le monde ici, les éducateurs, les administratifs, les supporters. J’ai laissé un bon souvenir. Je pense que si je suis là, c’est parce qu’il croit en moi. Il a entendu que je partais d’Aubagne, le téléphone arabe a fonctionné, il m’a appelé, je lui ai confirmé que c’était vrai, il m’a appelé le mercredi, il m’a demandé si je voulais revenir, je lui ai dit que c’était encore trop frais, on a eu une discussion le vendredi, et le samedi je lui ai donné mon accord.

« Toulon reviendra »

On dit Claude Joye intrusif… Tu confirmes ?
98 % des présidents sont intrusifs. Ils aiment leur club, ils mettent des moyens, ils veulent savoir, comprendre, ce n’est pas gênant. Le problème qui peut arriver, c’est quand un président te dit quoi faire. Là, c’est une source de conflit. Après, libre à chaque entraîneur de l’accepter ou pas. Jamais Claude Joye, qui me connaît très bien, n’a fait ça avec moi.

Plus généralement, pourquoi Toulon n’y arrive pas ?
Vaste question. Je ne sais pas… Dans le foot, il y a des cycles. Je pense que Toulon reviendra. Il faut de la stabilité. Pérenniser. Construire. Aller à l’étage supérieur.

Photo 13HF

Par le passé, Toulon avait bâti sa réputation grâce à une image d’équipe rugueuse : or l’équipe version 2024-25 ne semble pas dans cette lignée-là…
Le foot a changé. Toi et moi, on a connu le football rugueux, où tu faisais des tacles à la gorge sans que l’arbitre ne siffle. Aujourd’hui, tu effleures un joueur, tout de suite, c’est coup de sifflet. Et au moindre acte d’anti-jeu, au moindre excès d’agressivité, même si le joueur prend le ballon, c’est carton jaune. Le football s’est aseptisé, on ne peut plus revenir en arrière. L’époque que l’on a connu, il y a 30 ans, c’est terminé. Ce n’est pas une mauvaise chose que les attaquants, les créateurs, soient protégés. Je prends l’exemple de Messi, que beaucoup trouvent meilleur que Maradona. Je pose la question : est-ce que Messi aurait pu jouer à l’époque de Maradona ? Avec tous les coups que Maradona se prenait ? Parce que c’était une boucherie parfois ! Notre football aujourd’hui, c’est du spectacle, de la vitesse, et l’excès d’engagement est réprimandé : on ne peut plus faire ce que l’on faisait il y a 20 ou 30 ans.

Bien connaître la poule sud de N2 et le foot dans ta région, est-ce avantage selon toi ?
Non. Parce que dans la poule, je ne connais pas certains clubs, je pense aux nouveaux clubs qui viennent d’arriver. Bergerac, par exemple, je les connais moins, même si j’ai regardé leurs matchs. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde regarde tout le monde. Mais ici, dans mon environnement, je connais les joueurs, les staffs, les présidents, les terrains…

« Je ne suis pas gros, mais bien portant ! »

Parlons de ton physique imposant, dont tu parles avec une certaine autodérision : tu joues un peu de ça, non ?
(Rires) Alors je ne suis pas gros, je suis bien portant ! Je vais te raconter une anecdote : en déplacement, à chaque fois que l’on arrive dans un hôtel avec mon équipe, je suis souvent devant, le premier à rentrer, et à chaque fois, on nous prend pour une équipe de rugby ! Plus sérieusement, le foot c’est tellement prenant, je suis dedans à fond, ça me plaît, j’ai cette passion. J’ai envie de dire, quoi de plus beau que de vivre de sa passion ? C’est extraordinaire. Je vais avoir 53 ans, je n’ai toujours fait que du foot. Je sais que, pour certains, le foot est primaire, ce sont des gens qui courent derrière un ballon… Quand j’ai arrêté de jouer, j’ai compensé avec la nourriture, je mange bien. Il y a des périodes ou, quand je vais le décider, je vais perdre 12 à 15 kilos en un mois et demi, et je vais en reprendre 17 en deux semaines !

Le stade de Bon Rencontre ne demande qu’à vibrer. Photo 13HF

C’est vrai que tes frères et toi avez été joueurs aussi : raconte-nous le parcours des Sadani…
On est une famille de footeux ! Mon grand frère Abdallah a joué à Béziers et Niort, en D2, c’était un top joueur, qui n’a pas toujours été sérieux. Il y a aussi Mokhtar, mon petit frère, un crack, un top joueur ! Lui, il a joué à Cannes. Quand il est arrivé dans le monde pro à 18 ans, Guy Lacombe, qui l’aimait beaucoup, a été évincé et ils ont mis Adick Koot à sa place, et ça n’a pas fonctionné. Mokhtar n’a pas fait la carrière qu’on lui promettait. J’avais acheté une voiture pour venir le voir deux ou trois par semaine à Cannes ! C’était la belle époque de la formation cannoise avec aussi Richard Bettoni, avec qui je suis toujours en contact. Bien sûr, il y a les plus connus, Zidane, Vieira et Micoud, mais il y a aussi tous les autres, Mickaël Marsiglia, Adel Boutobba, Zaïr Mehah, tellement de joueurs talentueux.

Et toi ?
Moi j’étais un joueur doué aussi, j’ai eu beaucoup de clubs qui me voulaient quand j’étais jeune, Toulon, Strasbourg, Monaco, Istres, mais j’ai fait le choix familial de rester auprès de ma maman. Et puis, comme je gagnais un peu d’argent à 16 ou 17 ans en jouant au foot, en seniors, je suis resté comme ça, une sorte de soutien de famille. Je me suis occupé de mes frères et soeurs. J’ai joué aux Caillols à Marseille quand j’étais jeune, j’ai joué en seniors à La Ciotat et à Cassis aussi, en DH. J’étais attaquant ! Là tu me vois un peu gros, tu te dis « Lui, il jouait en défense », mais non, j’allais à 2000 à l’heure ! j’étais un gros dribbleur. Et puis un jour, quand La Penne-sur-Huveaune était en première division de District, je me suis dit, « avec un groupe de collègues, on retourne tous au club ! ». J’avais passé mon BE et j’ai fait entraîneur-joueur. On n’avait pas de moyens, on voulait essayer de monter en DHR. La première année, on monte en PHB mais ensuite, on redescend en District, et là, je prends conscience que, seul, je ne peux pas y arriver, qu’il me faut un staff. J’ai pris l’équipe des 17 ans en plus des seniors, j’ai commencé à faire les deux, j’ai intégré ceux qui avaient du potentiel en seniors, j’ai demandé à Jean-Pierre Garibian, le président, qui avait une grosse entreprise à La Penne (OGAPUR), de venir nous aider, et on a fait Première division, PHB, PHA très vite. Ensuite, on est resté 3 ans en PHA avant de monter en DHR. Là, pareil, on est resté 3 ans avant de monter en DH, et la dernière année, on est monté en CFA2. A chaque fois, on a pris le temps, on s’est adapté au niveau, on a progressé, et on a franchi un cap. Quand tu n’as pas de moyen, tu n’as que le temps et le travail pour y arriver.

Mohamed Sadani, du tac au tac

Photo SC Toulon.

Ton meilleur souvenir de coach ?
La montée en PHA avec La Penne-sur-Huveaune. L’équipe était moyenne mais elle était généreuse, valeureuse et avait du coeur. C’est l’une des équipes qui avait le moins de potentiel, de toutes celles que j’ai entraînées.

Pire souvenir ?
La première descente en 1998-99, avec La Penne, on venait de monter en PHB, et on est redescendu. C’était dur. J’étais seul. Je faisais entraîneur-joueur. J’étais frustré. Mais j’ai compris beaucoup de choses après ça : j’ai construit un vrai staff, je suis allé chercher des partenaires, j’ai pris ce rôle de manager assez vite. Et à partir de là, l’adage « seul on va vite, à plusieurs, on va loin » s’est vérifié. Je n’ai rien réussi tout seul. Je dois remercier tous les joueurs qui se sont donnés à fond pour moi, les staffs et les présidents que j’ai eus, qui m’ont aidé et soutenu.

Un club où tu as failli signer ?
Consolat. Mais je suis resté à La Penne.

Un modèle de coach ?
J’aime le management d’Ancelotti, la capacité à transmettre de Guardiola même si je ne suis pas fan de sa façon de jouer, avec cette possession… Je préfère un jeu de transition : je suis plus Klopp, avec un jeu rapide vers l’avant. Sinon j’aime les grands managers, Wenger, Ferguson.

Tu es un entraîneur plutôt…
(Il réfléchit). Généreux. J’aime sincèrement les gens. Si j’ai eu de la réussite, je pense que c’est parce que les gens, les joueurs, m’ont trouvé sincère. Et ils me l’ont rendu sur le terrain. C’est mon entièreté.

Photo SC Toulon.

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
Y’en a tellement… J’ai eu des Kebbal, des Gomis, mais les deux qui sortent du lot, qui m’ont beaucoup accompagné dans mon parcours, ce sont Lamine Djaballah, d’ailleurs je regrette qu’il ne soit pas venu avec moi à Toulon cette saison, et Belkacem Dali Amar, que j’ai récupéré en CFA2 à Côte Bleue, et qui vient de signer pro à QRM en National. Ce sont deux joueurs qui ont été importants dans mon parcours. Djaballah, dans ses appels, je n’ai jamais trouvé un joueur plus fort, et Dali Amar, il a le niveau pour jouer beaucoup plus haut.

Un joueur que t’as entraîné perdu de vue ?
Justement, bientôt, à La Penne sur-Huveaune, on va faire une fête pour les 95 ans du club, comme un jubilé, et on va en profiter pour faire venir tous les joueurs passés par le club. Ce qui ressort de toutes ces années pennoises, de ces accessions jusqu’en CFA2, c’est que tous les joueurs passés par ce club te disent que ce sont leurs meilleures années sportives de leur vie. Il faut qu’on arrive à organiser ça en 2026.

Le style Sadani ?
Je suis plus dans le 4-3-3, je n’aime pas le 4-2-3-1, après, c’est l’animation qui fait l’équipe. A partir du moment où tu perds le ballon, tu joues d’une certaine façon, quand tu l’as récupéré, tu joues d’une autre, même si tu es à 4 derrière, tu peux très bien sortir ta balle à 5, il y a plein de paramètres qui entrent en ligne de compte. Mais je suis ouvert. J’ai un football offensif, quand même. Et pour aller vers l’offensive, il faut avoir des certitudes et de la confiance, et ça, il faut l’élaborer. J’aime bien la percussion, le dribble, le jeu vers l’avant, ces choses-là. Joueur, j’étais un attaquant dribbleur mais paradoxalement, j’aime bien les joueurs qui courent.

Un président marquant ?
Deux ont été capitaux, Jean Pierre Garibian, qui a fait tout ce parcours à La Penne-sur-Huveaune avec moi, et Christophe Celdran, avec qui on avait noué une relation familiale à Côte Bleue puis Marignane.

Ton club de coeur ?
L’ES Pennoise !

Ton idole de jeunesse ?
Garintxa, Maradona, Zidane… Je suis de l’église « Maradonnienne ».

Tes passions ?
Ma famille, mon épouse et mes enfants. On vit foot, on mange foot, on dort foot : tu te rends compte, mes trois enfants jouent au foot, chacun dans un club différent ! Je me régale ! Le petit joue à l’ES Pennoise, le deuxième en 17 Nationaux à l’ASPTT Marseille et le troisième à Gémenos en Régional 1. Ils sont pas mal ! Parfois, le dimanche, quand je rentre de déplacement, même si un de mes fils joue à 1h30 de route, je reprends la route, pour aller le voir !

Le milieu du foot ?
A l’image de la société. Avec ses plaisirs et ses défauts. Dans sa perte des valeurs. Dans son injustice. Mais il ne faut pas se prendre la tête, il faut avancer et se faire plaisir, on n’est que de passage comme je dis souvent. Quand j’étais jeune, je n’ai jamais pensé devenir professionnel ou aller dans un centre de formation. Mon frère et moi, on a été contacté par des clubs, Mokhtar a été international, c’était un crack, il a eu des propositions financières; moi j’ai été contacté par Toulon à l’époque, ils m’ont fait dormir dans les chambres du centre de formation, ils voulaient me faire signer, mais j’ai refusé. Un recruteur de Strasbourg, Jean-Louis Leonetti, était venu pour voir un joueur et il m’a vu moi, il voulait m’envoyer là-bas; avec ma mère, on a dit « Jamais de la vie ». Aujourd’hui, il n’y a que l’oseille. Après, je ne crache pas dessus, mais les petits à 5 ans pensent à Mbappé, à faire de l’oseille… C’est la société, le capitalisme… Il n’y a plus que ça qui compte. Ce n’est pas une fin en soi. Moktar, on l’a fait signer à Cannes parce qu’à l’époque, c’était le meilleur centre de formation, mais en termes de proposition financière, c’était inexistant, alors que les autres propositions étaient extraordinaires. On a privilégié le sportif à l’argent. Aujourd’hui, on n’aurait pas fait ça. On aurait d’abord vu l’oseille, on aurait battu le fer tant qu’il était chaud. Aujourd’hui, Mokhtar habite en Belgique, depuis une quinzaine d’années, il gère une académie. C’est un top formateur. Moi je suis plus dans la compétition. Le grand frère, lui, vit avec ma mère et heureusement qu’il est là, parce que ma mère est fatiguée. Il nous soulage, avec ma soeur Keira aussi. Mon grand frère et ma soeur sont vraiment ceux qui se sacrifient le plus.

C’est donc ça, cet esprit de famille, dont tu parlais…
Mon pays, c’est La Penne-sur-Huveaune. J’ai perdu mon papa quand j’avais 10 ans. Ma maman a élevé seule ses quatre enfants pour ainsi dire. Moi, je suis le troisième de la famille, Moktar, c’est le petit dernier, il est né en 1979. En Belgique, il se régale. Il a 4 garçons. On en a fait des Sadani !

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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L’histoire d’un ancien maçon-charpentier qui a pris son envol sur le tard et qui, à force de mental, de travail et de persévérance, s’est construit une solide réputation d’attaquant, au point de devenir professionnel. Un parcours fait de hauts et de bas, inspirant pour de nombreux « galériens ».

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Marion Poirier – FBBP 01

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

Dans la vie, il y a deux choses que sait très bien faire Ottman Dadoune. C’est construire une maison et marquer des buts ! Construire une maison, travailler sur les toits, toucher à la charpente et à la maçonnerie, c’est ce que le natif de Nîmes (Gard) a longtemps fait avant d’embrasser une carrière de joueur de foot à plein temps, à l’âge de 23 ans.

Un âge tardif pour éclore mais le grand attaquant d’1,92 mètres (81kg) s’est bien rattrapé. Certes son décollage n’a pas été immédiat mais depuis sa demi-saison très réusie à Louhans-Cuiseaux en National 3 en 2018 (15 matches, 12 buts), il s’est forgé une belle réputation, surtout en National.
Premier contrat fédéral à 23 ans et demi.

Bien sûr, tout n’a pas été rose non plus depuis la signature de son premier contrat fédéral à Louhans à l’âge de 23 ans et demi, parce que la carrière d’un football, a fortiori celle d’un avant-centre dont chaque statistique est scrutée de près. Parce que l’ancien joueur de Bourgoin-Jallieu, où il a effectué ses débuts à l’âge de 19 ans en seniors, en CFA2 (N3, 2 matchs seulement la première saison), a aussi souffert d’un manque de confiance de la part du coach de l’époque. Mais il s’en est plutôt bien sorti.

Louhans puis Chambly en National (2018-19, accession en Ligue 2), puis Villefranche (2019-20, National), puis Quevilly-Rouen (2020-22, National puis accession en Ligue 2 avec un premier contrat professionnel) puis…. Puis les blessures, une expérience très mitigée au Puy-en-Velay, encore en National, une demi-saison « bizarre » à l’Olympique Charleroi, en Belgique (N1), un retour à la trêve, en janvier dernier, à Fréjus/Saint-Raphaël, en National 2, pour retrouver un peu de confiance et du temps de jeu…

Debuts à 10 ans et demi

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Le parcours d’Ottman est un peu en dent de scie. Avec des hauts et des bas, comme quand vous montez et descendez en ascenseur.

Et si l’on vous parle d’ascenseur, c’est parce qu’Ottman a aussi bossé dans le domaine, comme il le raconte dans cet entretien à coeur ouvert, où il n’hésite pas à parler de sa famille, du rôle de son oncle en particulier, de sa vie d’avant, de son mental, du travail, de la diététique, etc. De sa passion, tout simplement.

Le parcours d’Ottman, 30 ans aujourd’hui, est classique d’un joueur qui n’est pas passé par un centre de formation et qui, fait rare, n’a jamais joué dans le club de la ville où il est né, à Nîmes. A cela, une explication : « Si je n’ai jamais joué à Nîmes Olympique, c’est parce qu’avec ma maman, on a déménagé à Bourgoin-Jallieu, la ville dont elle est originaire, quand j’avais 10 ans et demi, et à cet âge-là, je n’avais pas encore démarré le foot. Je m’y suis mis, justement, à mon arrivée là-bas, au club de Nivolas-Vermelle, un club de district, juste à côté de Bourgoin. »

Rebond au FBBP 01

Malgré deux dernières saisons plus compliquées, donc, le FBBP 01 et son coach David Le Frapper l’ont choisi pour animer le front de l’attaque dans une équipe promue de National 2, et dont les infrastructures, magnifiques, sont l’héritage des saisons passées en Ligue 2 au milieu des années 2010 et d’une culture rugby également (l’Union sportive bressane Pays de l’Ain évolue en « Nationale », l’équivalent de la 3e division, après avoir plusieurs fois fréquenté la Pro D2).

Retrouver le National est une chance pour Ottman, qui entend bien la saisir et n’a pas tiré un trait sur la division supérieure, qu’il a trop peu goûtée à Quevilly Rouen, freiné par les blessures.

La délivrance au Mans

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Pour lui, la délivrance est intervenue à la 6e journée, au Mans, quand il a inscrit son premier but, avec la complicité du gardien certes, vingt minutes après son entrée en jeu en 2e période. Il aurait même pu « mettre » un doublé s’il n’avait pas manqué un face à face juste après. Un échec qui n’a pas eu de répercussion sur le résultat final puisque son équipe s’était imposée 2-1 après s’être déjà imposée à Dijon en ouverture de la saison.

Pour s’inscrire dans la durée en National et éventuellement retrouver le monde pro, « Otto » le sait : il devra être performant, enquiller les buts (4 titularisations, 1 but cette saison), et, s’il y parvient, son club ne devrait, lui non plus, pas être loin en fin de saison de son unique objectif de maintien. Quand bien même le FBBP 01 reste sur une « grosse » défaite à domicile, au stade Marcel-Verchère, face à Paris 13 Atlético (0-3). Mais vous connaissez le National : parfois, vous perdez quand on vous attend le moins, parfois vous gagnez aussi quand on ne vous attend pas…

Interview :

« Je me suis repassé le film 50 fois dans ma tête… »

Photo Marion Poirier / FBBP 01

Ottman, raconte-nous ta vie d’avant… Celle que tu avais quand tu travaillais.
J’ai commencé à bosser tôt. Après mon bac pro maintenance, je bossais dans les ascenseurs. Le problème, c’est que c’est un travail où les déplacements sont nombreux, et comme je ne voulais pas rater le foot, j’ai mis une croix là-dessus. J’ai choisi la solution de facilité en rentrant dans l’entreprise de mon oncle Ahmid, BAK Maçonnerie-Charpente (à Cessieu), comme maçon-charpentier; ça m’a garanti d’être chaque soir à l’entraînement ou à la salle, et j’ai fait ça pendant 3 ans. J’étais sur les chantiers jusqu’au moment d’aller à Louhans-Cuiseaux.

Donc si je te demande de me construire une maison, tu en es capable ?
Oui, même si j’ai perdu un peu la main ! Mais je me souviens de pas mal de choses. J’avais la chance d’être avec mon oncle qui m’a donné des responsabilités. Avec le recul, même si c’était un métier dur et physique, cela reste une super expérience; ça m’a forgé. On travaillait dans le chaud, dans le froid… Je n’aimais pas forcément ça, parce que dans ma tête, je ne pensais qu’au foot, mais comme j’étais avec mon oncle, et que j’ai une excellente relation avec lui, ça allait. Parfois j’étais absent, je prenais des « brasses » de sa part, il m’engueulait, mais sur le plan physique et surtout mental, ça m’a aidé. J’ai le souvenir d’avoir bossé sur des toits par moins 7 ou moins 9 degrés… J’avais les mains et les pieds gelés, ou inversement, l’été, on transpirait énormément, c’est pour ça aussi que j’ai beaucoup de respect pour ceux qui font ce métier-là.

« Mon oncle a été un repère et un exemple »

A Diochon, face à QRM, avec le FBBP 01. Photo Philippe Le Brech

Tu parles beaucoup de ton oncle…
Oui, c’est le frère de ma mère. C’est quelqu’un dont je suis très proche. J’ai passé énormément de temps avec lui. Et quand je bossais dans son entreprise, je vivais chez lui. Mes parents m’ont éduqué d’une certaine manière, et lui, il a eu un autre rôle. Il est très compétiteur, même sur le chantier, il est maniaque, il ne lâche jamais. Par exemple, quand il faisait super-froid, il te disait « Non, il ne fait pas froid, c’est dans ta tête »… Des choses simples, comme ça, qui aident à te forger mentalement. Parfois, quand je n’arrivais pas à faire quelque chose, quand je voyais une barrière, il me poussait. C’était à la dure. Mais ça fait partie de mon parcours. Et quand j’ai eu cette opportunité de partir à Louhans, il m’a dit « Fonce ». Et depuis, il me suit tout le temps, il regarde mes matchs à la télé, il se déplace quand il peut.

On a l’impression que ton oncle a joué un peu le rôle d’un second papa, non ?
Non, parce que malgré la distance, mon père Abdelkader a toujours bien joué son rôle. C’est juste que, « physiquement », forcément, mon oncle, je le voyais tous les jours, comme j’étais tout le temps avec lui. Et puis j’étais dans une période de ma vie, à l’adolescence, où j’avais besoin d’avoir une éducation. Ma mère a fait mon éducation, mon père aussi, à distance, et mon oncle a été un repère sur d’autres choses. Il a été aussi un exemple. Ce qu’il a fait, partir de rien, puis avoir son entreprise… Quand je vois tout ce qu’il a bâti, je me dis que, quand on se donne les moyens d’y arriver, on y arrive.

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Le parallèle avec le foot est tout trouvé…
Moi, ma passion, c’est le foot, et lui, sa passion, c’est la maçonnerie-charpente, on se « vanne » beaucoup avec ça ! Il a apporté sa pierre à l’édifice dans mon éducation. D’ailleurs, dans la famille, on lui dit en rigolant, « ton fils, c’est Ottman » (rires), et à moi, on me dit « Tu vas chez ton père », alors que l’on est oncle et neveu (rires), c’est une belle relation.

Tu as grandi à Nîmes, puis tu es parti à Bourgoin-Jallieu : pourquoi ?
Mes parents se sont séparés, c’est pour ça, et à l’âge de 10 ans, on a déménagé. Ma mère, Yasmina, est originaire de Bourgoin. Elle y est retournée pour s’installer. Je suis toujours en relation avec mon père, bien sûr, il est dans le Sud, près de Cavaillon. On échange beaucoup.

Pourquoi fais-tu du foot ?
Parce que c’est ma passion. Même si j’ai commencé tard, j’ai accroché avec ce sport. J’ai toujours eu l’objectif d’être footballeur.

Un désaccord avec Bourgoin Jallieu

Photo @_ms._.design_

Revenons sur ton parcours : à quel âge as-tu commencé ?
Vers 10 ans et demi – 11 ans, à Nivolas-Vermelle. J’y suis resté jusqu’à mes 18 ans avant d’intégrer les 19 ans Ligue Honneur de Bourgoin-Jallieu. Je fais une saison avec eux, je termine meilleur buteur et j’intègre les seniors en PHR, où je fais plusieurs saisons. Je suis performant mais l’entraîneur de l’équipe de CFA2 ne compte pas sur moi. Et petit à petit, je commence à faire des entraînements avec l’équipe une, puis des bancs, puis des rentrées, et puis je fais une saison (2016-17) avec 7 rentrées et je marque 7 buts. Mais je devenais de moins en moins patient, j’avais 22 ans, je voulais partir. Mais cela n’a pas été évident, parce que je n’avais pas trop de « stats », pas trop de temps de jeu, pas trop de vidéos non plus, donc en fait, je n’avais pas grand chose à montrer aux autres clubs, et finalement j’ai eu un coup de chance : le coach de Bourgoin (Laurent Rugel) se fait virer et ils font venir Fabien Tissot. Avec lui, je suis aligné dès les matchs de préparation et c’est parti ! Je suis titulaire en championnat, je suis meilleur buteur de la poule, je suis appelé en sélection du Rhône-Alpes, et à la trêve (12 matchs, 7 buts), on est premier invaincu, mais à ce moment-là, j’ai un désaccord sur le plan contractuel avec le club : je travaillais encore dans l’entreprise de mon oncle et on s’était mis d’accord pour que je démissionne pour me consacrer au foot, on était tombé d’accord sur une somme, mais cet accord n’a pas été tenu. J’ai attendu jusqu’à la trêve et là, j’ai eu Louhans-Cuiseaux, qui m’offrait un contrat fédéral, donc j’y suis allé, je mets 13 buts avec eux, ce qui fait 20 buts en cumulé sur une saison. Et là, je pars à Chambly, en National.

Ton meilleur souvenir sportif ?
Mes deux montées en Ligue 2, avec Chambly (2019) et avec Quevilly Rouen (2021). Mais je placerais celle de QRM un peu devant, parce que j’avais fait une grosse saison (32 matchs, 14 buts), alors qu’à Chambly, j’étais souvent remplaçant (30 matchs, 6 buts). Chambly, c’était ma première saison en National, j’étais arrivé dans un rôle de « super sub », mais j’avais quand même fait une bonne saison en termes de ratio buts/temps de jeu, mais à QRM, j’étais un joueur sur lequel on comptait, j’étais un des joueurs les plus utilisés.

Visuel FBBP 01

Pire souvenir sportif ?
Ma saison blanche tronquée par une blessure après la montée avec QRM, en Ligue 2. J’ai eu Bruno Irles comme coach jusqu’à Noël avant qu’il ne parte à Troyes, on avait travaillé un an et demi ensemble. Puis Fabien Mercadal est arrivé. Il a été avait été très correct, il me connaissait du National, il aimait bien mon profil : quand il est arrivé à la trêve, il m’a donné ma chance et permis de revenir, malheureusement, j’avais une déchirure aux quadriceps mais les protocoles n’étaient pas bons et à chaque fois ça « re-pétait », malgré ça, j’ai eu un peu de temps jeu (8 matchs) mais ça a « repété » et là, j’ai décidé d’aller me faire soigner au Centre de médecine du sport à Lyon par le kiné de l’équipe de France, Alexandre Germain, qui m’a repris en main. Depuis, je n’ai plus jamais rien eu.

Combien de buts marqués ?
Franchement, je ne saurais pas dire. Même sur Internet, je pense que ce n’est pas bon, car on ne voit mes « stats » qu’à partir de CFA2, à mes débuts, avec Bourgoin-Jallieu. Je ne les compte pas.

Mais ta meilleure saison, tu as compté ?
Oui c’était 14 en championnat, avec Quevilly Rouen en National. La coupe ? Je ne compte pas. J’ai fait pas mal de passes dé aussi.

Plus beau but ?
Contre le Red Star à Bauer en septembre 2019, je jouais à Villefranche : je reçois un ballon en « une » de Thomas Robinet, et je la mets en piqué, c’était David Oberhauser le gardien je crois. On avait gagné 2 à 0 et j’avais mis un doublé.

Voir le doublé en vidéo :

Ton plus beau raté ?
C’était ce week-end (entretien réalisé juste après le succès du FBBP 01 au Mans, avant la rencontre face au Paris 13 Atletico), au Mans, après avoir ouvert le score : je pars de mon camp, je fais une longue course, je passe devant le défenseur, j’arrive devant le gardien, je tergiverse un peu et le gardien la sort du genou. Je dois mieux finir, c’était un face à face cadeau.

À Charleroi, j’ai fait exprès de prendre un rouge !

Visuel QRM

Le club où la saison tu as pris le plus de plaisir ?
Quevilly Rouen.

Une erreur de casting ?
Oui. Le Puy-en-Velay… Euh non, Charleroi ! Charleroi, parce qu’au Puy, il y a quand même eu des bonnes choses, et puis j’ai rencontré Olivier Miannay là-bas, un super-mec.

Que s’est-il passé à Charleroi ?
Je sors d’une saison compliquée au Puy en National, je me dis que c’est peut-être le moment d’aller à l’étranger, j’avais beaucoup d’amis qui avaient goûté à ça, alors je me dis « pourquoi pas » ? L’Olympique Charleroi en National 1 (D3) veut me recruter (à ne pas confondre avec le Sporting Charleroi, en Division 1), je me renseigne sur le club, tout le monde ne m’en dit que du bien, donc allez ! J’arrive là-bas, jour de match, je suis dans le groupe, on est dans le vestiaire, et là, je vois le président rentrer avec un sac à dos, il s’assoit, il se change, il met ses crampons, son maillot… Putain… là je me dis… Et en fait, il se met titulaire sur la feuille de match, à mon poste. Le président ! 42 ans ! Alors ok, il avait eu une belle carrière, il avait joué en pro, en Division 1, mais j’ai pris ça comme un manque de respect, il ne s’entraînait pas avec nous. En fait, lui, il vient, il kiffe, il se fait plaisir, c’est son club… Là, je me dis « On n’est pas en France ». J’échange avec lui, on se brouille un peu. En plus, il y avait beaucoup d’écarts dans les date au moment où on devait recevoir les salaires. J’ai pensé que ce serait mieux de partir, d’autant que Fréjus/Saint-Raphaël (N2) voulait me recruter. Donc je suis parti là-bas.

Photo @ugopch_

Pourquoi cela n’a-t-il pas marché au Puy ?
Je sortais de ma saison blanche avec QRM en Ligue 2, j’avais déjà été contact avec le club via Olivier (Miannay), ça avait matché direct, le coach (Roland Vieira) me voulait depuis quelque temps déjà, mais je suis arrivé en méforme. Il m’a fallu du temps. Je pense que j’ai commencé à retrouver mon niveau en novembre/décembre par-là; avant ça, parfois, je faisais un bon match, parfois j’étais moyen, parfois j’étais nul, je n’étais pas constant, je sentais que je n’étais pas dans ma meilleure forme, mais à la trêve, le coach voit que je reviens bien, me remet titulaire, mais je n’avais pas la confiance, je suis quelqu’un qui marche à l’affect, alors une fois que ça n’a pas matché entre nous deux… Je n’arrive pas à faire semblant, je suis brut de décoffrage. Si je suis énervé, tu le vois, si je suis joyeux, tu vas le voir aussi. Une fois que c’est cassé, c’est cassé. Après, quand la descente en National 2 a été actée mathématiquement, à cinq journée de la fin, j’ai été écarté, tout comme d’autres joueurs. Olivier a fait en sorte d’être bienveillant avec moi, pour éviter les embrouilles. Le club a été très droit avec moi; ça arrive dans une carrière, avec moi, ça s’est toujours bien passé dans tous les vestiaires, mais ça n’a pas matché avec le coach, ça fait partie d’une carrière. Il fallait des coupables, peut-être que, compte tenu de mon vécu en National, on attendait beaucoup plus de moi, et d’autres aussi qui ont été tenus pour responsables. De la première à la dernière journée, on n’est jamais sorti de la zone rouge. Voilà, c’est un constat. Chacun a son avis.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un seul en Belgique, mais c’était dans un contexte particulier, parce que j’ai fait exprès de le prendre : je voulais ma lettre de sortie pour me tirer (sic), je venais de faire deux passes décisives et de mettre un but dans ce match, donc je me suis dit « Si je termine le match, ils ne vont pas vouloir me libérer, ils vont me dire qu’ils comptent sur moi », du coup, je suis allé vers un joueur adverse, je lui ai mis une claque, et j’ai pris carton rouge (rires).

J’ai pris 2000 euros net de prime en deux matchs à Fréjus !

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

Ta plus grosse prime de match ?
2000 euros net, à Fréjus/Saint-Raphaël la saison passée : il restait deux matchs de championnat, le président a dit « si vous gagnez les deux derniers matchs, vous aurez 2000 euros net, si vous n’en gagnez qu’un, vous aurez 1000 euros net », et on a gagné les deux !

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Je ne me suis jamais posé la question, mais après le foot, j’aimerais rester dans le milieu.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid (rires !).

Tu es né à Nîmes mais tu n’y a jamais joué : c’est un regret ?
Oui. Un petit regret. Nîmes Olympique, c’est un club que je suivais beaucoup mais comme après, j’ai quitté la ville… Je n’ai jamais joué contre eux. Cela ne me fera rien de particulier d’aller y jouer, surtout que ce ne sera pas au stade des Costières (Nîmes évolue au stade des Antonins depuis deux ans).

Tu as vu l’état du stade des Costières, à l’abandon…
(Il marque un temps d’arrêt) Ça fait mal au coeur.

Photo @ugopch_

Un coéquipier marquant (tu as droit à deux ou trois ?
Pour sa folie Medhy Guezoui, que j’ai côtoyé à Chambly, et puis aussi, il était impressionnant par son altruisme. J’ai une anecdote à son sujet : il vient d’arriver à Chambly en cours de saison, avec un statut fort, on joue contre Tours, on mène 2 à 0, il n’avait pas encore marqué depuis son arrivée, et là, je rentre en jeu. Il y a une contre-attaque, la défense de Tours abandonne, il se retrouve tout seul face au gardien, je suis à côté, il peut marquer facile s’il met un plat du pied et il décide de me faire une offrande, je n’ai plus qu’à la pousser dans le but vide… Chapeau ! (Il répète une deuxième fois) Chapeau ! Lui il m’a impressionné sur ça. C’est quelqu’un de bon vivant, qui est toujours de bon conseil. Après, Kalidou Sidibé, Joachim Eickmeyer, Joris Correa, je pourrais en citer plein. Techniquement Yassne Bahassa et Manoubi Haddad m’ont impressionné à QRM, on a formé une doublette fantastique avec Andrew Jung, franchement, y’en a.

Un défenseur marquant ?
Mickaël Nadé, avec qui j’ai joué à Saint-Etienne.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
Bayal Sall, quand il était à Lyon-Duchère, tu sentais que lui… Bon, bah, c’était « Le ballon-Le joueur »…

Le coéquipier avec lequel tu tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Andrew Jung.

Combien as-tu de vrais amis dans le football ?
Je les compte sur le doigt d’une main.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Quand je retourne à Bourgoin, je revois les anciens coéquipiers… (Il réfléchit) Oui, Thibault Jaques, avec qui j’ai joué à Chambly, les frères Doucouré aussi, Joachim Eickmeyer.

« Avec Bruno Irles, c’était exceptionnel »

Photo FBBP 01

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Bruno Irles, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Laurent Rugel à Bourgoin.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Michel Mallet à QRM.

Une causerie de coach marquante ?
J’ai connu deux styles de causeries différentes, les causeries de Bruno Luzi, c’était vraiment avec le coeur, un meneur d’hommes, où l’aspect humain était mis en avant, et celles de Bruno Irles, très pro, toujours ciblées et c’était toujours très juste. Mais ma réponse est faussée parce que, ce que j’ai vécu avec Bruno Irles, c’était exceptionnel, on avait une super relation aussi. Donc forcément, je le mets devant.

Visuel FBBP 01

Ton appli mobile favorite ?
Instagram.

Un souvenir de vacances ?
À Zanzibar.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Youssef Belaïli.

Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
Comme spectateur, je dirais le Groupama Stadium à Lyon, sinon comme joueur, Le Havre. Quand j’y ai joué avec QRM, y’avait du monde.

Des manies, tes rituels avant un match ?
Non. Je ne suis pas superstitieux.

Une devise, un dicton ?
J’aime bien les citations sur le mental, sur le travail. Quelqu’un avait dit, « Le talent ne suffit pas, parce qu’un jour, le travail dépasse le talent ». Quand j’ai commencé le foot, je faisais partie des plus nuls, et à force de travail, de travail, de travail (il répète), j’ai dépassé certains joueurs qui étaient passés par des centres de formation, parce que j’ai connu des joueurs très talentueux, mais il n’y avait pas de travail derrière. Au bout d’un moment, le travail et la persévérance te font aller au-delà du talent.

Râleur et mauvais perdant

Photo @2v.production / Vincent Chabrier

C’est un complexe de ne pas être passé par un centre de formation ?
Pas du tout.

Tes traits de caractère dans la vie de tous les jours et sur un terrain ?
Je suis impatient, râleur, et sur un terrain, je suis râleur aussi, trop exigeant, très mauvais perdant.

Selon toi, que t’a-t-il manqué pour être un bon joueur de Ligue 2 ?
Je me suis déjà repassé le film cinquante fois dans ma tête ! Si je n’avais pas eu mes soucis physiques l’année où on monte en Ligue 2 avec QRM, j’aurais peut-être pu montrer de belles choses, parce que je suis convaincu que j’ai les qualités, et puis ce n’est pas comme si c’était un fossé entre le National et la Ligue 2. J’ai été prolongé à QRM quand on est monté en Ligue 2, après je me suis fait mal pendant la préparation, j’ai perdu trop de temps, j’ai manqué jusqu’en avril quasiment. Donc je n’ai rien pu montrer en Ligue 2; à partir de là, je sais que ça va être compliqué de retrouver ce niveau.

Photo A. B. / QRM

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu es un attaquant plutôt …
Généreux.

Un modèle de joueur ?
Cristiano Ronaldo.

Un match de légende ?
Les « Real Madrid – Barcelone » de la grande époque.

Un plat, une boisson ?
La viande, je ne suis pas fan de poisson, sinon les gratins. Je suis un gros mangeur, je consomme ! Mais je fais attention. J’ai appris à découvrir la nutrition, d’ailleurs, c’était Sarah, l’épouse de Bruno Irles, qui m’a aidé à me perfectionner dans ce domaine. Je m’y tiens toujours. Bon, j’ai toujours mon pêché mignon, l’Ice Tea à la pêche. Mais je n’ai jamais eu de problème de poids, au contraire, quand j’étais plus jeune, j’étais trop maigre, j’ai dû prendre des compléments alimentaires pour en prendre.

Tu as le temps pour des passions ?
Non, je suis quelqu’un de très casanier. Quand je reviens à Bourgoin, avec mes frères, on joue au badminton, au padel.

Photo FBBP 01

Films ou séries ?
Film. Training day, avec Denzel Washington, ou Je suis une légende avec Will Smith.

Dernier match regardé à la télé ?
Lyon-Marseille (entretien réalisé 72 heures après le match OL-OM).

Dernier match pro que tu as vu en live ?
Lyon-PSG, quand Neymar jouait encore.

Un chiffre ?
Le 21. Le jour de la naissance de ma fille, Neïlya, qui a 5 mois.

Le FBBP 01 en deux mots ?
Un club sain, familial, avec des gens bienveillants, avec de très belles installations, bien meilleures que dans beaucoup de clubs. On a tout pour bien travailler.

Le milieu du foot, en deux mots ?
C’est le plus beau métier du monde mais (il réfléchit)… Et un milieu de… Non, sinon je vais être vulgaire.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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