Après un long passage à Valenciennes, où il a touché un peu à tout, jusqu’aux pros en Ligue 2, l’ancien latéral gauche, formé à Lyon, a terminé son apprentissage et s’est assis cet été sur le banc du SAS, où il a misé à la fois sur l’ancrage local et sur l’expérience.

Par Augustin Thiéfaine / Photo de couverture : SAS Epinal

Nouveau maître à bord d’un vaisseau spinalien relégué en National 2 à l’issue de la saison 2023-2024 (17e de National), Nicolas Rabuel a rallié la préfecture des Vosges pendant la trêve estivale et commencé à vivre sa deuxième saison en tant qu’entraîneur principal.

Fort de presque dix ans d’expérience – dont une à la tête de Valenciennes, club dans lequel il a tout connu, de la formation au banc de Ligue 2 (comme numéro 1) en passant par le poste d’adjoint après une riche carrière de joueur (à retrouver dans le tac au tac), ce Burgien d’origine a su développer au fil des saisons sa propre philosophie du ballon rond.

Sa manière de manager, sa trajectoire, son parcours qui l’a mené de la formation lyonnaise jusqu’à la cité des Images en passant par le Nord et l’Ouest de la France, Nicolas Rabuel s’est confié peu avant la réception de Biesheim (6e journée de N2) le 21 septembre dernier, au stade de la Colombière (défaite 4-2). Tour d’horizon.

VAFC : « Un enrichissement »

Avec Epinal cette saison. Photo Justine Touvenot / SAS Epinal

À 46 ans, Nicolas Rabuel n’est finalement encore qu’un petit jeunot sur les bancs du football français. Longtemps adjoint ou coach au centre de formation valenciennois, il s’est lentement mais sûrement préparé à un avenir tout tracé en qualité d’entraîneur principal.

Son diplôme professionnel (BEPF) en poche, le moment est venu pour cet ancien arrière gauche de métier, un certain 1er juillet 2022, de prendre officiellement et sans intérim la tête de sa première formation de haut niveau : Valenciennes, qui était alors en Ligue 2. « Sur ma première expérience à la tête de VAFC, je suis satisfait. Je suis satisfait parce que je m’étais préparé à ça. Ça faisait longtemps que je préparais le BEPF et que je voulais avoir l’équipe. Quelque part, c’était un peu la suite logique dans mon cursus que je puisse devenir numéro 1. Je m’y étais préparé en ayant coaché les jeunes à Boulogne, les U19 et la réserve à Valenciennes et en ayant effectué quelques intérims. Je savais exactement à quoi je devais m’attendre ».

Voilà Nicolas Rabuel lancé dans le grand bain de l’élite. « C’est une saison qui a été très riche en apprentissages. On fait une bonne première partie puisqu’on est 5es à la trêve. »

Photo SAS Epinal

Malheureusement et pour des raisons qu’il préfère taire, la phase retour ne sera pas du même acabit pour ses joueurs et lui. Valenciennes termina son exercice 16e, au bord du précipice et des quatre relégations causées par la refonte des championnats et le passage à 18. Nicolas Rabuel, lui, ne pourra pas en dire autant : il aura entre-temps été licencié par ses dirigeants mi-avril 2023 (après une série de huit matchs sans victoire) et remplacé par Ahmed Kantari, à 8 journées de la fin.

Après presque dix ans de bons et loyaux services, il quitte le Hainaut par la petite porte. Une expérience qu’il a finalement jugé, à froid, comme étant « très enrichissante » car il a appris. Oh oui, il a beaucoup appris. « À la fois sur la façon de bâtir un effectif et de pouvoir performer mais aussi sur le management des joueurs, du staff et de la direction, ce qui est un élément très important. »

Mais avant de reprendre sa carrière où elle en est aujourd’hui, au Stade Athlétique Spinalien (SAS), continuons de remonter le temps. Nicolas Rabuel termine sa carrière de joueur à l’USBCO et reste dans un premier temps à Boulogne-sur-Mer avant de rallier Valenciennes en qualité d’adjoint en 2015. Un club qu’il ne quittera donc qu’en 2023.

Avec Epinal cette saison. Photo Justine Touvenot / SAS Epinal

Avant d’arriver au guidon du club nordiste, il fera ses gammes dans le centre de formation à la tête des U19 puis de la réserve et fera même quelques intérims. Il voit passer un paquet de jeunes joueurs prometteurs. De jeunes talents sur lesquels, à un moment, l’équipe première s’est forcément appuyée.

« C’était une fierté. J’ai vu beaucoup de jeunes passer du centre de formation au monde professionnel. Fierté aussi de réussir à les emmener à ça, de pouvoir les préparer à ce monde-là et de les voir évoluer. Chacun à un parcours différent, certains grandissent en même temps que le club. D’autres grandissent plus vite que le club et ça en fait des joueurs qui sont « bankables ». C’est une fierté et à la fois un petit regret. À Valenciennes on était contraint chaque saison de devoir vendre nos meilleurs jeunes pour équilibrer le budget et on a rarement eu l’occasion d’avoir un pécule suffisant pour dire qu’en vendant nos joueurs on améliorait le quotidien du club. Je parle plutôt d’améliorer les infrastructures du centre de formation, de pouvoir développer les staffs d’éducateurs. Pour avoir de bons jeunes il faut aussi un bon encadrement. »

Épinal : le pari de l’ancrage local

Photo SAS Epinal

L’ancrage local. Pourquoi est-ce important de souligner cela ? Déjà parce que cela fait partie intégrante de son chemin de croix jusqu’au BEPF et de son actuelle fonction à Epinal mais aussi parce que ce sont sur ces jeunes du cru valenciennois qu’il a misé, en partie, dans ses plans de reconstruction du SAS.
Mué en véritable architecte, sa mission a été, tout d’abord, de mettre en place un staff resserré mais cohérent avant de bâtir son effectif. Ainsi, l’équipe encadrante déjà en place a-t-elle été conservée – John Panfili, entraîneur des gardiens), Loïc Soria (préparateur physique) et Romain Gotté (team manager et analyste vidéo, entre autres). Tous sont fins connaisseurs du club et constituent une base solide de l’ancrage local souhaité par les dirigeants du club vosgien.

Pour Nicolas Rabuel, l’une des clés pour réussir quand on est entraîneur dans le football moderne, c’est être capable « de bien s’entourer. Il faut évidemment des compétences tactiques mais il faut savoir s’entourer des meilleurs experts ». Il n’y avait pas de meilleurs experts avec lesquels collaborer pour réussir sa tâche en plein coeur des Vosges.

Avec Jean Antunes, le coach de Feignies-Aulnoye, en n2, cette saison. Photo Thierry Colas / SAS Epinal

Pour autant, une place est restée vacante : celle de l’entraîneur adjoint. A son arrivée en juin dernier, le président, Yves Bailly, lui a laissé le choix de pouvoir intégrer une personnalité extérieure au club dans son équipe. Seulement, s’il faisait venir quelqu’un de l’extérieur, le coût de son arrivée amputerait le budget alloué pour le recrutement des joueurs et le premier édile du club avait déjà une petite idée dans un coin de tête. Il propose à son nouveau coach le nom de Yannis Rouani, responsable jusqu’alors des U18 R1 du SAS (qui ont notamment réussi un fabuleux parcours jusqu’en 32e de finale de Coupe Gambardella l’an passé et affronté le PSG d’Ethan Mbappé).

Rouani, qui a joué au club, fils de Slimane Rouani, un des historiques du SAS (ex-joueur de Division 2 notamment au milieu des années 90), est aussi un expert. Il connaît tous les joueurs et tous les jeunes.
L’idée fait mouche. Rabuel ne voit pas de meilleure personnalité que lui. « Il cochait toutes les cases. C’est une ressource interne indispensable. C’est un gain de temps énorme d’avoir quelqu’un, qui, en plus de John et Loïc, connaît les jeunes, en plus, on en a intégré six ! ».

Photo SAS Epinal

Promu au poste d’adjoint Rouani complète donc le staff spinalien. Nicolas Rabuel s’est ensuite penché sur l’effectif. Une fois encore, il a le choix. « Pour rebâtir, il y avait deux options : profiter du fait que l’effectif comportait beaucoup de joueurs qui arrivaient en fin de contrat et pouvoir repartir sur une page blanche. Ou alors s’appuyer sur la base spinalienne. Comme on l’a dit, au club, il y a un ancrage local très fort. C’est ce que j’ai préféré choisir en essayant de conserver un maximum de joueurs qui étaient en National la saison dernière. J’estimais qu’il y avait un potentiel à exploiter. On n’a pas pu garder tout le monde, certains joueurs avaient exprimé des envies d’ailleurs et/ou la volonté de rester à un niveau supérieur mais on a quand même réussi à s’appuyer sur un socle d’anciens joueurs du club. »

Le SAS a notamment su conserver des cadres importants comme le capitaine Sébastien Chéré, son gardien Salim Ben Boina ou encore l’indéboulonnable Jérémy Collin. Paul Léonard, Muamer Aljic, Baptiste Aloé, Abdoulaye Niang et Karim Coulibaly ont aussi été conservés. Des jeunes sont montés et des recrues sont arrivées. La gloire locale, Gaëtan Bussmann (Nancy) est revenu; Fredler Christophe (Strasbourg), le gardien international béninois Dava David Agossa, Bastien Launay (Avranches), Aeron Zinga, Jawad Kalai (ex-Valenciennes) et Valdir Fonseca – qui a aussi été formé au VA mais arrive en provenance de Bergerac – ont débarqué. Ces derniers ont déjà été coachés par Rabuel dans le passé. Enfin, Marvyn Vialaneix arrive lui aussi du club nordiste mais n’a jamais officié sous les ordres de son nouvel entraîneur. Une liste à laquelle s’ajoute le nom de Baptiste Aloé, prêté par Marseille au VAFC entre 2015 et 2017, et qui avait déjà, lui aussi, côtoyé son « nouveau » coach au stade du Hainaut.

« Chacun doit se sentir investi »

Photo Thierry Colas / SAS Epinal

« L’objectif était vraiment de constituer ce groupe avec 16 joueurs confirmés et polyvalents, ça va aussi de paire avec nos moyens actuels. On ne pouvait pas recruter 20 joueurs. » Au-delà des moyens, l’idée d’avoir un groupe qui compte jusqu’à 25 têtes maximum en comptant les trois gardiens est la base de la conception souhaitée par Nicolas Rabuel. « Dans le projet de jeu, j’ai demandé un groupe restreint. On sait que 80% du temps de jeu est aujourd’hui partagé entre 15-16 joueurs, or pour que les joueurs se sentent entièrement investis, il faut qu’ils aient un minimum de minutes. Si chaque week-end 5 ou 6 garçons restent à la maison et n’apparaissent jamais sur la durée, ça devient beaucoup plus difficile à gérer car ce sont des joueurs qui vont lâcher et qui ne se sentiront pas impliqués dans le projet. Et pour que le système soit performant, chacun doit se sentir investi. »

Un credo aussi valable pour son staff. « Chacun doit être capable d’apporter des couleurs et des saveurs différentes dans les séances d’entraînement, tout en partageant des valeurs compatibles. J’aime avoir un staff qui soit aussi une force de proposition, qui puisse me confronter à certaines idées et certains choix dans le but de faire avancer la réflexion. En signant ici à Epinal, il y a un slogan, c’est « grandir ensemble » : que ce soit dans la relation avec les joueurs ou le staff, à la fin de la saison, il faut que l’on soit tous plus grands, qu’on se soit enrichit les uns les autres et qu’on ait pu apprendre de chacun. »

C’est ainsi qu’Epinal aborde sa reconstruction et pourquoi pas une rapide remontée. Habitué à faire l’ascenseur depuis une dizaine d’années, champion de son groupe de National 2 il y a encore deux ans, le niveau s’est depuis relevé et tout est à recommencer pour une équipe qui vise, à court voire moyen terme, de remonter.

La loi des séries pour la saison à venir

Avec Stanislas Oliveira, à Diochon, face à QRM, quand il était adjoint en L2 à Valenciennes (saison 2017-2018). Photo Bernard Morvan.

Si le projet sportif est défini et le plan de jeu établi, le vestiaire a fixé ses propres règles de vie. Sur le terrain, les Spinaliens version 2024-2025 vont devoir montrer de quel bois ils se chauffent avec un effectif expérimenté et qualitatif.

« Oui, on est ambitieux mais on aborde la saison avec beaucoup d’humilité en gardant en mémoire tout ce qu’il s’est passé la saison dernière. Une descente est toujours un évènement difficile à digérer psychologiquement. Malgré ça, on est contents par rapport à notre recrutement et la qualité du groupe. On a faim dans notre championnat, dans certainement la poule la plus difficile de National 2 mais on reste encore aussi dans une phase de découverte avec la refonte qui est passée par là. C’est difficile de se projeter, les adversaires se sont aussi renforcés, il ne faut pas l’oublier. Est-ce qu’on a le potentiel de remonter dès la première saison ? Pour le moment, on a décidé avec le staff de découper la saison par séries de quatre ou six matchs en fonction du calendrier afin de se fixer des objectifs de points sur ces séries-là. On pourra faire un premier bilan à la trêve une fois qu’on aura rencontré tous nos adversaires et faire une projection sur la deuxième partie de saison en chiffrant nos objectifs de fin de saison. »

Après six journées, le club vosgien pointe au 9e rang, en milieu de tableau (7 points, 2 victoires, 1 nul et 3 défaites). Si certains peuvent juger ce début de saison décevant, il faut savoir laisser le temps au temps et accepter une période de rodage. Beaucoup de choses ont changé et chacun doit trouver sa place dans ce projet. Épinal semble malgré tout sur de bons rails en interne alors que son nouveau stratège continue de cimenter la cohésion de son groupe. Pour autant, rien ne sera facile dans ce championnat, avec une seule montée, et puis, vous connaissez la chanson : tous les points compteront en fin de saison !

Nicolas Rabuel, du tac au tac

« Mon rêve, c’était un parcours à la Maldini ! »

Ton meilleur souvenir de carrière ?
La montée en Ligue 1 avec Boulogne-sur-Mer (2008-2009). Et aussi la montée en Ligue 2 avec le FC Rouen (2003-2004), elle a été marquante mais forcément quand tu touches le Graal… Sorti de l’OL, après ma formation, ça faisait 10 ans que j’attendais de jouer en Ligue 1 et je touchais ça du doigt dans un contexte de dingue avec un engouement populaire énorme à Boulogne. C’est valable pour les deux clubs d’ailleurs ! Mais le meilleur souvenir, reste la montée en Ligue 1.

Ton pire souvenir ?

Avec Valenciennes, dans le staff de la Ligue 2, face à QRM, en 2018. Photo Bernard Morvan.

C’est la sortie de ma formation à Lyon où on m’a promis un contrat professionnel d’un an. Mon modèle de carrière c’était ‘’je suis formé à Lyon, je fais ma carrière à Lyon’’. Mon rêve c’était un parcours à la Paolo Maldini avec Milan. Pendant les vacances, à quelques jours de la reprise, l’OL était qualifié pour la première fois en Ligue des Champions. À ce moment-là, Jean-Michel Aulas recrute Sonny Anderson et Tony Vairelles et il y avait un joueur de trop dans l’effectif. Comme je n’avais pas encore signé mon contrat, eh bien je ne l’ai jamais signé. Ça a été très douloureux à digérer, je n’aurais peut-être jamais joué en Ligue des Champions avec Lyon, je ne sais pas, mais en tout cas, je me suis retrouvé en CFA à Angoulême et il m’a fallu dix ans pour retrouver la Ligue 1. J’ai eu la nouvelle tellement tardivement que finalement tous les effectifs de Ligue 2 et de National étaient bouclés et il fallait bien jouer au football.

Un joueur avec lequel tu as évolué qui t’as marqué ?
J’en ai vu un paquet mais je crois que celui qui m’a toujours mis sur le derrière (sic) c’est Sidney Govou. Tout le monde sait qu’il n’avait pas la meilleure hygiène de vie mais c’était un dragster sur le terrain. Peu importe ce qu’il faisait la semaine, peu importe ce qu’il faisait la veille d’un match, il était toujours à 100% et performant. C’est quelqu’un qui en plus est arrivé sur le tard, il n’a pas fait de centre de formation, il venait du monde amateur et c’était un extra-terrestre.

Un entraîneur qui t’a marqué ?

Avec le FC Rouen, en L2, au stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

Ça va de paire avec la montée en Ligue 1, c’est Philippe Montanier. On était le tout petit Boulogne et Philippe avait cette capacité de réussir à transcender le groupe. Il réussissait à nous faire croire qu’on était capable de taper n’importe qui en Ligue 2 malgré notre 20e budget. On pouvait jouer n’importe qui, se bagarrer contre Montpellier, Lens, Strasbourg et gagner ! Jouer la montée n’était absolument pas programmé. L’année précédente, on s’était maintenu à la dernière seconde de la dernière rencontre ! »

Un modèle, une idole ?
Je ne suis pas trop dans ce modèle-là. Par contre, j’avais un petit carnet pendant ma carrière de joueur et je notais toutes les grandes idées que j’aimais bien chez chaque coach, les principes de jeu, les entraînements et même les préparations estivales. Je résonnais en mode ‘’ça, ça me plait, je prends et je garde ou ça je n’aime pas, je ne le ferai jamais‘’. C’était un capteur d’idées et de management pour tout ce qui était approche du terrain et du vestiaire.

Un entraîneur que tu as perdu de vue et que tu aimerais revoir ?
C’est un entraîneur qui a malheureusement disparu : René Marsiglia que j’ai eu à l’AS Cannes. C’est quelqu’un qui m’avait toujours suivi, on était en contact et pour une fois, on a pu travailler ensemble. Malheureusement, il s’était fait virer après quatre ou cinq journées… Aujourd’hui, je suis sûr que c’est quelqu’un avec qui j’aurais aimé reprendre contact pour parler foot.

Un coéquipier avec qui tu pouvais jouer les yeux fermés ?
Il n’y a pas besoin de réfléchir : c’est Alexandre Cuvillier. On était à Boulogne et on était proches sur le terrain et dans la vie. On l’est toujours dans la vie d’ailleurs. J’étais latéral gauche, lui excentré gauche et si le match durait 90 minutes, nous on se parlait pendant 120 ! Je savais que quand je montais, il prenait ma place. Quand j’avais le ballon, je savais quand et où il allait me le demander. Finalement, on a fait trois saisons ensemble (deux en Ligue 2 et une en Ligue 1), mais la connexion s’est faite très rapidement, on était un vrai binôme. Des années plus tard, on s’était retrouvé dans un match de gala à Boulogne et la connexion était toujours là. C’était drôle parce que j’avais arrêté le foot, lui jouait encore mais rien n’avait changé !

Choisis un stade : Le Hainaut (Valenciennes), La Libération (Boulogne), Robert-Diochon (Rouen), Coubertin (Cannes) ou Les Costières (Nîmes) ?

Avec le FC Rouen, en L2, au stade Diochon. Photo Bernard Morvan.

Cette fois, je dirais quand même Diochon. Ce n’est pas pour l’infrastructure en elle-même mais vraiment pour l’ambiance, surtout que c’était l’année où on monte avec le FC Rouen de National en Ligue 2. Il y avait aussi une super ambiance à la « Libé » l’année de la montée avec Boulogne mais c’était un cran au-dessus à Diochon. J’ai le souvenir d’une ambiance à l’anglaise, où dès qu’on passait le milieu du terrain, tu sentais que ça vibrait, que le public te portait. Tu passais le milieu et tu étais persuadé que tu pouvais marquer un but tant la ferveur était folle. Les gens te portaient vraiment jusqu’au but.

Le public qui t’a le plus impressionné ?
Il y en a deux… et même si je suis Lyonnais, je vais devoir le dire. Il faut être objectif, aujourd’hui, quand tu vas à Saint-Étienne et à Lens et qu’ensuite tu rentres chez toi, pendant deux jours tu as encore les chants dans la tête. Ils appuient sur « lecture » au début du match et pendant 90 minutes ça n’arrête pas. Ailleurs, les chants s’arrêtent puis repartent; là, c’est un concert. J’espère que les Bad Gones ne m’en voudront pas (rires) !

Ton plus beau but ?
Je n’en ai pas marqué des masses mais le choix est dur. Il y en a un avec la réserve d’Angoulême. Mon fils naît la veille, soit un jour de match et je ne peux pas jouer avec l’équipe première. Le coach me demande si je veux jouer avec la réserve le lendemain et je dis oui. Je marque un but de 25-30 mètres, je reçois un ballon dos au jeu, je me retourne et je frappe de l’extérieur du pied gauche et elle arrive en pleine lunette ! Le but parfait. Il y a aussi un but dans le derby contre Le Havre avec Rouen, on gagne 4-0 à Diochon et je mets le premier but de loin et du gauche. Enfin, j’ai aussi marqué un doublé avec Louhans-Cuiseaux contre Guingamp en Coupe de France. Ce sont ces trois situations qui me sont tout de suite venu en tête.

Tu découvres la Ligue 1 en fin de carrière, est-ce que c’est un final en apothéose ?

Avec Valenciennes, dans le staff de la Ligue 2, face à QRM, en 2018. Photo Bernard Morvan.

Oui et quelque part je pense que ça m’a coûté ma fin de carrière. Quand je suis au centre de formation de l’OL, j’ai un problème au dos pour lequel on me dit que je pourrai pas faire carrière et que le foot va devoir s’arrêter. Je continue et à partir de ce moment-là, quand je ne signe pas mon contrat pro à Lyon, je me suis dis « il faut que je joue en Ligue 1 ». C’est mon objectif. Le cerveau est compliqué. Lorsque j’atteins la Ligue 1, je fais la saison mais on redescend en Ligue 2 et à partir de là mes problèmes de dos se sont amplifiés. Je suis convaincu que j’avais tellement programmé mon cerveau pour la Ligue 1 que, une fois l’objectif atteint, il m’a dit « tu as mis le GPS sur la Ligue 1, la destination est atteinte, maintenant stop ». J’ai arrêté en octobre la saison d’après.

Le football en deux mots ?
Humilité et ambition.

Qu’aimes-tu faire à côté du football ?
J’aime bien passer du temps en famille et aussi avec mes amis : avec eux c’est pétanque, pêche, poker et un apéro de temps en temps ! J’ai besoin de ça dans mon équilibre. J’ai besoin de mon épouse et de mes enfants. J’ai besoin de sortir du contexte du foot et de prendre du temps pour moi et pour les autres. J’ai beaucoup travaillé la-dessus car avant, quand j’avais un peu de temps, c’était toujours foot. Je m’impose des coupures comme le dimanche, quand on a joué le samedi : et s’il faut reprendre le match, je le ferai le lundi. Ça a été difficile à faire au départ, désormais ça devient de plus en plus naturel. C’est indispensable.

Epinal est un club…
Où on grandit ensemble. C’est le slogan du club en plus !

Tu es un coach plutôt…
A l’écoute. C’est le premier truc qui me vient !

Texte : Augustin THIEFAINE

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De retour « chez lui » au nouveau Racing-club de Calais, et dans le rôle de directeur sportif cette fois, l’ancien gardien de but et entraîneur entend contribuer au réveil du football dans une ville et une région en forte demande.

Par Anthony BOYER

Devant le stade de l’Épopée. Photo Radio6

En « renversant » la France du football en 2000 avec sa finale inoubliable de coupe de France, Calais s’est construit une notoriété qui, vingt-quatre ans après, perdure. Une notoriété telle que, à chaque nouvelle édition de l’épreuve reine du football, l’on reparle de cette épopée qui a donné son nom au nouveau stade de 12 000 places, inauguré en septembre 2008. Comme un refrain que l’on n’oublie pas. Comme un tube indémodable, que les nouveaux acteurs reprennent en chœur inlassablement. Comme si, finalement, peu importe la division dans laquelle les Calaisiens opèrent, il n’y en aurait que pour Dame Coupe.

Mais, sans vouloir faire de mauvaise allusion, la vie du ballon rond n’a jamais été un long fleuve tranquille au bord d’une Manche très agitée qui, elle non plus, ne laisse personne tranquille, et surtout pas ces nombreux migrants qui tentent très régulièrement de la traverser dans des embarcations de fortune, au péril de leur vie.

Une instabilité chronique

Avec Espaly, lors de la montée en N3. Photo Lucas Jacquet / LEveil43

Les temps ont changé. Aujourd’hui, Calais est plus connu pour ses « faits divers » au large de ses côtes que pour ses performances footballistiques. Il faut dire aussi que, depuis la disparition du célèbre CRUFC (Calais Racing Union Football-club), en 2017, le citoyen s’est un peu perdu avec ces fusions, ces ennuis administratifs (deux rétrogradations de National en CFA2 en 2001 et 2009 et une liquidation judiciaire en 2017, et une dernière rétrogradation en juin dernier de R1 en R2 avant que la commission d’appel de la DNCG n’infirme cette décision), ces changements d’appellation, bref, cette instabilité presque chronique.

Certes Calais a changé l’image que l’on pouvait avoir du monde amateur en 2000, au point de révolutionner le football, mais il s’est aussi beaucoup perdu au fil du temps.
Mais s’il a connu des heures compliquées, le foot à Calais n’est pas mort. Et, un peu à l’instar de ce qu’il se passe à 35 kilomètres plus au nord, à Boulogne-sur-Mer, le football est en train de reprendre sa place, celle-là même qu’il n’aurait jamais dû perdre.

Des attaches aussi en Haute-Loire

Avec Espaly. Photo La Commère 43.

Sylvain Jore, lui aussi, est en train de reprendre sa place à Calais, façon de parler. Lui le Boulonnais de 49 ans a vécu ses plus belles heures au CRUFC, qu’il a entraîné de 2000 à 2008, juste après la fameuse finale de coupe perdue au Stade de France face à Nantes (2-1). Il n’était donc pas de la fameuse épopée.

L’ancien gardien de but de l’USBCO dans les années 90 (en CFA), passé par le centre de formation du RC Lens pendant deux saisons et aussi par Amiens – « Je m’entraînais avec les pros d’Arnaud Dos Santos en Division 2 mais je n’avais pas de contrat pro », est revenu « chez lui » l’an passé, après une dernière saison 2022/23 sur le banc, à Espaly-Saint-Marcel, juste à côté du Puy-en-Velay, où il a fait grimper l’équipe de Régional 1 à National 3.

Espaly, Le Puy, deux destinations qui lui sont chères et qui l’ont profondément marqué, au point d’y avoir conservé de sérieuses attaches. C’est d’ailleurs au Puy Foot 43 qu’il avait poursuivi sa carrière de coach après ses huit saisons sur le banc du CRUFC et une autre à Saint-Omer (CFA2), faisant grimper l’équipe fanion de DH en CFA2 (N3), avant de « rentrer » une première fois à Calais pour tenir pendant près de sept ans un bar-tabac, le Victorien, après une seconde expérience sur le banc de Saint-Omer, en DH cette fois.

Son troisième retour à Calais !

Capture d’écran 13HF

Il avait ensuite tenté un deuxième retour dans le foot calaisien, en 2018, dans le nouveau club, le Calais Grand Pascal, en Régional 2, mais l’expérience n’avait duré que quelques mois : après seulement un match de coupe et un match de championnat, il avait prématurément quitté son poste.

Cette fois, son troisième retour à Calais, en février dernier, dans le tout nouveau club, le Racing-club de Calais, et dans un rôle différent, celui de directeur sportif, semble s’inscrire dans la durée et lui convenir à merveille, même s’il découvre une autre facette des métiers du foot.

Et puis, comme tout va très vite dans le foot, un an après une nouvelle fusion et la création du « Racing », que Sylvain Jore évoque dans l’entretien à suivre, et quelques semaines après son intronisation au club, les seniors d’Olivier Laridon ont quitté le Régional 1 et retrouvé le National 3 après une mémorable séance de tirs au but face à Arras (finale d’accession, 2-2 à l’issue du temps réglementaire, 4 tirs au but à 3 !), dans un stade de l’Epopée garni de plus de 5000 spectateurs ! Preuve qu’il y a bien une attente sur la Côte d’Opale, entre les deux « anciennes » places fortes que furent Le Touquet et Boulogne.

Interview

« Calais est une ville de foot ! »

A Espaly (ici aux côtés de Lionel Vaillant, son successeur à la tête de l’équipe de N3). Photo La Commère 43.

Sylvain, tu es arrivé sur le banc de Calais en 2000, juste après l’inoubliable épopée en coupe : mais où étais-tu cette saison-là ?
J’étais à Boulogne !

Du coup, cette finale Calais-Nantes, tu l’as vécue comment ?
J’étais très heureux ! Je me souviens que j’encadrais l’équipe féminine 15/16 ans de la Ligue à l’époque, avec Gérard Sergent, on était en coupe Nationale à La Pommeraye, on avait vu la demi-finale de la coupe contre Bordeaux avec la Ligue d’Aquitaine, on était tous comme des fous ! On est allé au stade de France pour les supporter en finale, bien entendu !

Quand tu as affronté Nantes en 1/4 de finale de la coupe de France, en 2006, avec Calais, 6 ans plus tard, tu t’es dit quoi ?
Je me suis dit que c’était un joli clin d’oeil, mais je n’ai pas pensé à une quelconque revanche. De mémoire, il y avait encore Cédric Schille, Jérôme Dutitre, Fabrice Baron, Mathieu Millien, Réginald Becque (entraîneur de la réserve), j’espère que je n’en oublie pas, on n’est pas passé loin, on a perdu 1 à 0 sur un but à la fin de Da Rocha, devant 30 000 personnes. C’était une belle aventure.

Il y a moins d’un an et demi, tu as fait monter Espaly en National 3 : pourquoi être parti ?
Pour raisons familiales. Mon épouse est fille unique, les enfants étaient restés dans le Nord, ma fille est à Boulogne, on a un garçon qui est à Nancy, c’était compliqué à gérer pour elle, avec la distance… Donc voilà, on a rapidement pris la décision de « rentrer », sans savoir que je travaillerais au RC Calais. Il y avait deux possibilités. On a tenu un bar tabac pendant six ans et demi à Calais, Le Victorien, donc soit on se projetait pour retravailler dans ce milieu des buralistes, soit je retournais dans le foot, et puis il y a eu cette opportunité au RC Calais, qui recherchait un directeur sportif, donc j’ai candidaté, j’ai été reçu comme d’autres, j’ai exposé ma vision des choses, j’ai la chance aussi de connaître les gens ici, donc cela s’est fait naturellement, au début de l’année. Quant à mon épouse, elle retravaille au Victorien. Comme quoi, cela nous colle à la peau !

« La disparition du CRUFC a fait mal »

Photo RC Calais

De l’extérieur, le foot à Calais donne vraiment l’image d’une grande instabilité : est-ce que tu peux nous éclaircir là-dessus ?
C’est exactement ça. C’est vrai que la disparition du CRUFC en 2017 a fait très mal au football calaisien, parce que c’était le club phare, le club « repère » des Calaisiens, et après, tout le monde s’est un peu perdu, entre guillemets. Et puis l’Amicale Pascal, autre club historique sur le bassin calaisien, un des meilleurs clubs régionaux de la région, a pris ce projet du club phare calaisien. Parallèlement, le club « Calais Haut de France » s’est crée et a fait un gros travail sur la formation des jeunes. Puis en 2019, le Grand Calais Pascal FC est né de la fusion de l’Amicale Pascal Calais et du FC Grand Calais. Puis, logiquement, avec l’aval de la mairie et avec l’arrivée des certaines personnes venues apporter leur expérience, il y a eu cette fusion des deux nouveaux clubs, Calais Grand Pascal et Calais Haut de France. Maintenant, il n’y a plus qu’un seul nom, il n’y a plus qu’un seul club phare calaisien : le RC Calais. Je pense que tout le monde s’y retrouve. On va pouvoir avancer sereinement. La médiatisation et l’accession des seniors en National 3 en juin dernier ont permis de poser les jalons.

« Participer au renouveau de la formation calaisienne »

Soir d’accession en N3 avec Calais, en juin dernier, au stade de l’Épopée. Photo Radio6

Le Racing-club de Calais, cela rappelle énormément le Racing-club de Lens, tout de même… C’est osé, non ?
Oui, et cela ne fait pas que des contents à Calais, parce que, historiquement, avant, on avait l’US Calais et le Racing Calais, et la fusion des deux (en 1974) a donné naissance au CRUFC, donc nos anciens de l’US Calais font un peu « la gueule », mais qu’ils ne s’inquiètent pas, on va faire en sorte que le football calaisien redevienne ce qu’il était.

Ton rôle de directeur sportif, c’est différent ?
C’est un rôle que je découvre. J’apprends énormément de choses, je commets des erreurs aussi, c’est très enrichissant. De toute façon, à partir du moment où je suis revenu à Calais, je ne me voyais pas entraîner, d’autant moins qu’il y avait des gens en place et qui faisaient du bon boulot. Je n’ai pas de problème avec ça. Il y a eu cette opportunité d’être directeur sportif et ça m’a intéressé, parce que j’ai envie de participer au renouveau de la formation calaisienne et j’espère pouvoir le faire. C’est un beau challenge, c’est beaucoup de boulot, mais c’est aussi une chance de pouvoir retravailler dans le foot.

« Ici, on parle du dépassement de soi, du courage, de l’agressivité »

Capture d’écran 13HF

Il y a une vraie culture de la formation à Calais ?
Oui, il y a une identité propre ici, on parle du dépassement de soi, du courage, de l’agressivité dans le bon sens du terme. Je me souviens que, quand je portais les couleurs de Boulogne, on ne passait pas de bons moments quand on venait jouer à Calais. Et quand j’entraînais, les équipes adverses ne passaient pas de bons moments non plus au stade Julien-Denis. Beaucoup de joueurs sont sortis, Djezon Boutoille, mais aussi l’attaquant Laurent Dufrenne, le gardien Karim Boukrouh, sans oublier cette épopée en coupe de France, où il y avait une majorité de Calaisiens dans cette équipe. C’est très long à construire, à bâtir, on a beaucoup de projets avec la section sportive pour remettre cette formation calaisienne sur le devant de la scène, on a des clubs alentours qui montent de niveau, comme Calais Beau Marais en Régional 1, l’AS Marck aussi qui a toujours été présente (au 3e tour de la Coupe de France, le RC Calais s’est qualifié 1 à 0 sur le terrain de l’AS Marck, club de R2), on va essayer d’être patient, de poser les bonnes bases et d’avancer.

« Travailler dans son coin, c’est compliqué »

Vous travaillez avec les clubs voisins ?
Ce n’est jamais facile de travailler avec eux, mais on va essayer, aujourd’hui. Travailler tout seul, dans son coin, c’est de plus en plus compliqué, les moyens sont de plus en plus réduits; tout le monde se connaît dans le bassin calaisien, donc c’est aussi mon job d’aller voir les copains dans les clubs aux alentours, d’écouter leurs positions.

Photo 13HF

Justement, quelle perception les clubs voisins ont-ils du RC Calais ?
Tous les clubs phares, dans une région, ont un déficit d’amour, parce qu’ils vont chercher les meilleurs jeunes chez les voisins, mais on nous impose tellement de choses aussi… Pourquoi va-t-on chercher des gamins tôt ? Parce qu’il y a un cahier des charges aussi pour atteindre le niveau Ligue. Parce qu’il y a des enjeux financiers avec les indemnités de préformation et de formation. C’est pour ça que je pense qu’il y a un travail à faire de la part de nos instances : il faudrait avoir des règlements qui permettent de laisser les gamins dans leurs clubs autour; peut-être faudrait-il aussi que nous, on ait moins d’équipes dans notre club pour laisser les gamins autour… Voilà, je suis assez ouvert, je veux que les clubs voisins fonctionnent. Et puis j’ai eu l’exemple au Puy-en-Velay, pourtant c’est une petite ville de 18 000 habitants, ils sont montés deux fois en National, et à côté, il y a beaucoup de clubs en Régional 1 et Espaly en National 3, parce qu’il y a cette émulation avec le club phare et ils bénéficient du travail effectué par Le Puy Foot. Nous, on va devoir aussi aller discuter avec les clubs voisins. On a des arguments.

Que reste-t-il de la coupe de France 2000 : y’a t-il des ex-joueurs chez les éducateurs ?
Cédric Schille vient de revenir au club comme entraîneur des gardiens chez les jeunes, et Samuel Marque, qui fut de l’épopée 2006, a remis un pied dans l’observation et le recrutement. Après, il y a des anciens qui viennent aux matchs, mais pas tous, parce que certains sont plus loin, vers Dunkerque.

En ce moment, ton travail consiste en quoi ?
C’est l’organisation sportive du club dans son ensemble. La mise en place d’un cahier des charges bien défini.

En National 3, vous avez des Calaisiens dans l’équipe ?
On a Tristan Schille, le fils de Cédric, Robin Knockaert, on aimerait en avoir d’autres. On a le petit Alexis Seize, qui est natif de Calais, Jules Darré, qui est aussi calaisien.

L’objectif des seniors N3, c’est le maintien ?
On a un bon groupe de joueurs, le début de saison est moyen mais à Valenciennes (2-2), on méritait de gagner, et contre Drancy, on s’est fait égaliser chez nous samedi dans le temps additionnel (1-1). Mais sinon, oui, l’objectif est de se maintenir cette saison. Déjà, l’an passé, pour une première année de fusion, accéder en N3 fut extraordinaire. Cela prouve qu’il y a eu un gros travail de fait.

« La coupe, c’est l’ADN du club »

Avec Espaly, lors de la montée en N3. Photo Lucas Jacquet / LEveil43

Aujourd’hui, ton rêve, ce serait quoi ? Quelle est la place du RC Calais dans le foot contemporain ?
Le souhait, c’est de refaire un parcours en coupe de France, parce que ça fait partie de l’ADN calaisien, de l’histoire du club, on l’a encore vu la saison passée quand on a affronté Caen au 8e tour, cela a déclenché la venue de 6000 personnes au stade. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir ce bel outil – le stade de l’Épopée – alors qu’à l’époque, on jouait les gros matchs de coupe à Boulogne. L’autre souhait, ce serait aussi de retrouver un jour le National, même si le National 2 serait déjà une très belle vitrine pour le football calaisien, surtout quand on voit ces nouveaux championnats nationaux, dont la complexité a été accrue en raison de la réforme fédérale. La N3 est devenue une petite N2. Et la N2 se professionnalise de plus en plus. Se stabiliser en National 2 serait déjà bien.

Le National serait donc le plafond de verre ?
On voit bien que le National est très compliqué, même si on a la structure pour le faire. Regarde Boulogne, qui vient de remonter : mais le club est passé par des années compliquées. On voit bien aussi que les clubs pros engagés en National ont du mal. Mais on reste des compétiteurs, on a envie d’aller le plus haut possible. L’an passé, il y a eu la fusion, l’objectif était de se maintenir en R1, la préparation a été très compliquée, le coach a dû composer, mais la mayonnaise a pris ! Michel Estevan est arrivé en Ligue 1 en très peu de temps avec Arles-Avignon. Philippe Montanier à Boulogne aussi. L’important est de mettre les bases, de structurer et de professionnaliser le club, mais cela ne se fait pas comme ça.

« Le stade Julien-Denis était un chaudron »

Le derby Boulogne – Calais, ça manque un peu, non ?
En coupe ça serait bien !

Ce stade de l’Épopée, il est bien, certes, mais il n’a pas le charme de Julien-Denis : tu es nostalgique ?
Oui, je suis très nostalgique de Julien-Denis, qui était un chaudron. Dès qu’on mettait un pied dans ce stade, le coeur battait à 1000 à l’heure. La deuxième année de National, en 2008/2009, a coïncidé avec le déménagement au stade de l’Épopée, et on a eu du mal à digérer ce changement, alors que la saison précédente, quand on jouait encore à Julien-Denis, on s’était maintenu. L’après Julien-Denis a été très difficile à gérer.

Sylvain Jore, du tac au tac

Soir d’accession en N3 au stade de l’Épopée, en juin dernier. Photo Radio6

Ton meilleur souvenir sportif ?
Comme entraîneur, c’est avec le CRUFC et les parcours en coupe de France : on a fait un 1/4 de finale, un 8e de finale, des 32es de finale…

Ton pire souvenir sportif ?
Je n’en ai pas beaucoup. Je dirais la séparation avec le CRUFC, en 2009, après la deuxième saison en National. Cela faisait 8 ans que j’entraînais, et c’est vrai que l’on n’était pas loin d’être à bout de souffle. Et puis c’était la deuxième saison en National (2008/09), elle avait été très compliquée, des tensions étaient apparues, cela n’avait pas été facile à vivre.

« J’aimerais bien revoir Johan Thery »

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Sans hésiter) Djezon Boutoille.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
J’ai arrêté ma carrière de joueur tôt, à l’âge de 26 ans, donc je vais plutôt parler d’un souvenir d’entraîneur : je vais dire, plutôt qu’une saison, une rencontre, celle avec Christophe Gauthier, le président du Puy-en-Velay. Cela a été pour moi une très-très belle rencontre. J’ai passé deux très bonnes années au Puy Foot, ça m’a permis ensuite de faire d’autres belles rencontres, comme celle avec Christian Perbet, le président d’Espaly, où j’ai entraîné il y a deux ans.

Avec le président du RC Calais, Nicolas Bouloy. Photo RC Calais

L’erreur de casting de ta carrière ?
Sincèrement aucune. Dans chaque club où je suis passé, j’ai eu la chance, tout d’abord, d’avoir des résultats, d’être suivi par mes joueurs et mes dirigeants, et d’avoir des bons groupes de joueurs.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
C’est surtout un ami, un proche que je n’ai pas vu depuis longtemps, c’est Johann Therry, qui a aussi joué à Valenciennes, Boulogne, on a été « élevé » ensemble à Lens, on était tout le temps ensemble.

Un coach perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
J’en croise beaucoup, comme Bruno Dupuis (son coach à Boulogne en 1999/2000), que je vois quand il est à Boulogne. Allez, je vais dire Jean-Michel Vandamme. Je l’ai eu un an à Lens. Il a été proche de moi, toujours été à l’écoute, il m’a expliqué les choses, notamment pourquoi cela ne marchait pas.

« Manu Pires m’a mis le pied à l’étrier »

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Joker !

Le stade de l’Épopée à Calais. Photo Radio6

Un président marquant ?
André Roches, à Calais (décédé en 2019). Il a eu cette audace de me nommer entraîneur à Calais après Manu Abreu, malheureusement disparu lui aussi, paix à son âme, parce qu’à ce moment-là, j’avais 26 ans. Donc il fallait avoir les c… pour lancer un gamin comme entraîneur et après ça, j’ai fait 8 ans sur le banc à Calais, j’ai tout connu, deux accessions, de CFA2 à CFA puis de CFA à National, on a fait quatre 32es de finale de coupe de France, deux 16es et et un quart-de-finale, en 8 ans, c’est pas mal.

Un président qui ne t’a pas marqué…
Joker, parce que c’est très compliqué de parler de ça. J’ai connu beaucoup de présidents, ils ont toujours été à l’écoute de ce que je demandais. Humainement, j’ai toujours connu des bonnes personnes.

Une rencontre ?
Celle avec Manu Pires à Amiens, qui est devenu mon ami. C’est lui qui m’a lancé, qui m’a poussé à passer mes diplômes, je peux lui dire merci ! Lui et des gens comme Jean-Carl Tonin à Amiens et ensuite à Lens forcément m’ont élevé ou presque dans le monde « éducateur ». Manu, c’est LE personnage important dans ma carrière. J’ai rencontré beaucoup de coachs, mais lui, il m’a donné les billes et les armes pour aller vers ce métier de coach et m’a mis le pied à l’étrier (Manu Pires fut notamment directeur du centre de formation de l’OGC Nice).

Tu étais un gardien de but plutôt…
Autoritaire. J’aimais bien diriger. Je connais mes défauts aussi : à une certaine période, je n’ai pas eu le mental pour passer ce cap du monde pro, et ça, je l’ai appris ensuite en tant qu’entraîneur. Et puis, il y a aussi le travail. Arsène Wenger le dit très bien : il faut avoir cette volonté de vouloir travailler, et quand on est jeune, quand on intègre un centre de formation, on pense que tout est acquis, que tout est beau, alors qu’il faut avoir cette envie de toujours travailler, et ça, malheureusement, je ne l’avais pas.

« Proche des joueurs »

Olivier Laridon, le coach de la N3 du RC Calais. Photo RC Calais

Tu étais un entraîneur plutôt…
Proche des joueurs.

Tes passions en dehors du foot ?
La famille. Aujourd’hui, on s’aperçoit que c’est la chose la plus importante qui puisse exister.

Boulogne ou Calais ?
Oh put… Tu me fous dans la merde ! Mon papa était dirigeant à l’USBCO toute sa vie et moi j’entraînais Calais… J’ai vraiment une affection pour les deux. D’ailleurs, j’ai souvent Fabien Dagneaux, leur coach en National, je leur souhaite tout le bonheur. Je suis marié avec une Calaisienne, et ma vie, c’est Calais, c’est ce club, et on va essayer de travailler du mieux possible pour le faire évoluer.

Le Pas-de-Calais ou la Haute-Loire ?
Le Pas-de-Calais, mais j’aime énormément la Haute-Loire !

« Parfois, le passé ne nous rend pas service »

Le RC Calais, en quelques mots ?
C’est un jeune club, qui a seulement un an d’existence, avec 700 licenciés dans une ville de 78 000 habitants, un nombre de bénévoles conséquent, des gens qui bossent… Avec une école de foot assez remplie. En foot à 11, on est présent dans toutes les catégories, on a trois équipe seniors. Je suis bien entouré, j’ai un bon pole d’éducateurs qui fait un super boulot. Calais est une ville de foot. Quand on voit que l’on est capable de faire 5 500 spectateurs la saison passée pour un match de Régional 1, cela veut bien dire qu’il y a une ferveur. Les gens n’attendent que ça. On a la chance d’avoir la municipalité qui nous suit. On est un club, qui démarre, et je pense qu’il y a de bonnes bases.

Qu’est-ce que tu entends par « Les gens n’attendent que ça » ?
Que le foot reprenne comme avant. En National 3, on fait 2800 personnes, dont 1000 qui ont suivi le premier match de N3 en live vidéo, alors bien sûr, c’est entrée gratuite au stade de l’Epopée, mais il y a une attente, qui est logique, parce qu’il y a un passé ici, et malheureusement, ce passé par moments ne rend pas toujours service. On a un nouveau et jeune président, Nicolas Bouloy, qui est une bête de travail et un passionné de foot.

Un modèle de joueur ?
Mon modèle, c’était Bernard Lama, que j’observais beaucoup quand j’étais jeune. J’ai eu cette chance de rentrer au centre de formation de Lens quand il était gardien de l’équipe de Division 1. Je l’ai vu travailler avec André Lannoy. Dans le Pas-de-Calais, on est tous fans de Lens, alors quand on a cette chance de porter ce maillot, même chez les jeunes, et de voir de près des gardiens comme ça, c’est fabuleux.

Un modèle d’entraîneur ?
Philippe Montanier, quand il était à Boulogne : c’était l’époque où je démarrais en tant qu’entraîneur à Calais. Il est arrivé avec Hubert Fournier : tous deux ont vraiment posé les bases à l’USBCO pour que cela devienne un grand club sur le plan sportif, même s’il y a eu le travail des dirigeants également, comme Jacques Wattez, mais pour moi qui ai côtoyé Philippe Montanier sur la Côte d’Opale, il a été quelqu’un d’important.

Le milieu du foot ?
Passionnant et cruel.

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Le club normand, blotti entre Deauville et Cabourg, est une anomalie dans l’antichambre du National. Mais il a gagné sa place sur le terrain, en grimpant de six échelons en huit ans. Et pour la conserver, il a misé sur Bruno Luzi, le coach faiseur de miracles avec Chambly.

Par Anthony BOYER

Le stade André-Salusse à Villers-sur-Mer. Photo 13HF

C’est peut-être parce que l’affiche annonçait un début de rencontre à 18h30 (au lieu de 17h30, heure officielle) que les Jaune et vert de Villers-Houlgate (prononcez « Vilère ») ont mis une heure pour lâcher les chevaux et face à Thionville Lusitanos, samedi dernier, dans cette affiche de promus en National 2 !

Ce n’est pas tout : le journal local, Le Pays d’Auge, avait pour sa part annoncé un coup d’envoi à… 18h. Même nous, d’ailleurs, n’étions pas informés du bon horaire : il aura fallu un message du jeune président Victor Granturco pour nous confirmer que le coup d’envoi était bien à 17h30. L’on comprend mieux pourquoi le champêtre stade André-Salusse a mis du temps à se remplir.

C’est un détail, bien sûr, mais qui a son importance, surtout quand on sait que le foot, a fortiori quand il se rapproche du semi-professionnalisme, est une somme de détails qui, additionnés les uns aux autres, font qu’un club va parvenir à ses objectifs ou non.

150 places en tribune

Le stade de Villers-sur-Mer, à quelques centaines de mètres à peine de la mer, à 10 kilomètres de Deauville et autant de Cabourg, dépareille un peu dans ce National 2 « 2.0 ». Les petites bourgades sont de plus en plus rares à ce niveau-là et, par la force des choses, seront de plus en plus rares. Une petite tribune d’à peine 150 places, trois mains courantes, une herbe certes verte mais un peu haute, un terrain difficile, bref, ça ressemble, sans vouloir être péjoratif, à une rencontre du dimanche après-midi en Régional.

D’ailleurs, on n’est pas loin de la vérité : voilà seulement, quinze mois, l’AS Villers-Houlgate évoluait encore en Régional 1. Et voilà seulement quatre ans, l’ASVH évoluait encore en … Départemental ! Quelle ascension !

Chambly, l’exemple

Juste avant le coup d’envoi entre l’ASVH et Thionville-Lusitanos. Photo 13HF

Il est 16h15. C’est l’ouverture des portes du stade, ou plutôt, du portique devant l’unique guichet. L’un des tous premiers spectateurs n’est autre que Thierry Granturco, l’ex-président du club (de 2016 à 2022, année où il a cédé son fauteuil à son fils aîné Victor), l’ex-maire de Villers, l’ex-président du FC Rouen, l’avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, l’homme d’affaires, n’en jetez plus, bref, un homme influent au CV long comme le bras, qui paie sa place et fait marcher la buvette !

Le temps est estival sur la côte fleurie, mais apparemment, cela n’a pas été vraiment le cas ces dernières semaines : « T’as de la chance, c’est le premier jour de grand beau temps depuis un mois » lance Bruno Luzi, le nouveau coach, le Druide, dont on apprendra plus tard que sa venue récente était d’abord un rêve pour les dirigeants : quand ces derniers ne sont pas tombés d’accord avec Benjamin Morel, l’homme des accessions, ils se sont mis en quête d’un profil à la Bruno Luzi … sans savoir que, quelques semaines plus tard, ce n’est pas son clone qui débarquerait sur les bords de la Manche, mais le vrai Luzi en personne ! Celui dont les exploit avec Chambly ont résonné dans toute la France et et donné des idées aux « petits » clubs. Parce que Chambly est un exemple, Villers-Houlgate, qui se trouve des points communs avec le club de l’Oise, veut s’en inspirer pour continuer de se structurer, de grandir, de performer dans l’anti-chambre du National.

Chambly, la ressemblance

Photo 13HF

16h45. L’échauffement commence. Julien, l’un des bénévoles du club, est debout devant le « tunnel » des joueurs. C’est la deuxième fois qu’il vient. Il est de Saint-Lô, dans la Manche, à 1h30 de route. C’est le gardien de l’ASVH, Gaëtan Boisroux, qui l’a entraîné dans cette aventure. La passion également. C’est drôle, parce que ces deux garçons-là se complètent bien : si Julien fait office de « monsieur sécurité » le soir des matchs, Gaëtan, lui, est « monsieur assurance tout risque » pendant le match : le gardien multiplie les parades – il ne s’est incliné que sur un penalty imparable du Mosellan Amine Groune (0-1, 23e) – ce qui permit à ses coéquipiers de « rester en vie »… jusqu’à cette égalisation en fin de deuxième période, à la 80e, signée du « vétéran » Oumar Konté, entré en jeu dix minutes plus tôt !

L’équipe de Thionville, en bleu, a gâché des occasions face à Villers. Photo 13HF

Sur le banc, avant la rencontre, Bruno Luzi fume sa clope. Comme d’hab’. Il discute avec Patrice Garande, l’ex-coach de Caen, venu en voisin. Luzi parle d’abord de la pluie et du beau temps : « Ici, on n’a pas de problème d’arrosage ! ». Puis, forcément, de Chambly. L’on ne sait plus trop pour quelle raison les souvenirs de l’accession en National (2014) et du premier match remontent à la surface : « C’était contre Istres, à Fos-sur-Mer, au stade Parsemain, dans un stade de 12 000 places quasiment désert ! On avait pris un but très rapidement sur une grossière erreur et là, on s’était tous regardé sur le banc en se demandant combien on allait en prendre ! » Ce soir-là, Chambly en avait pris 2, mais en avait mis 3 ! Les débuts d’une belle histoire en National qui se poursuivit même jusqu’en Ligue 2 !

Mais Villers-Houlgate n’est pas Chambly, quand bien même la ressemblance existe : petite ville, petit budget, petit stade, petite tribune, petits moyens, gros coeur et esprit de famille. La ressemblance est frappante.

Le dinosaure, emblème de la ville

Le dinosaure, emblème de la ville de Villers, sur le front de mer. Photo 13HF

Au bord du terrain, les Granturco sont là. Il y a Thierry, le papa. Et Victor, le fils. Le premier nous raconte l’histoire du dinosaure, emblème de la ville qu’il a administrée : « Nous sommes à côté des Falaises des Vaches Noires, qui sont un gisement paléontologique, et sur ces terres argileuses ont été découverts des fossiles de dinosaures ».

Le second nous dit OK pour un entretien à la fin du match, « 20 minutes si on gagne, 10 minutes si on fait match nul, par téléphone si on perd », plaisante-t-il. L’entretien durera 23 minutes !

Il est 17h30. Le président de la Ligue de Normandie, Pierre Leresteux, est présent pour remettre le trophée de champion de N3. Le match commence. Julien François, le coach de Thionville, suspendu, est debout en tribune, juste derrière le banc de touche de son staff. Il donne énormément de la voix. Son équipe a vraiment le match en mains, mais ne concrétise pas au tableau d’affichage, sauf sur penalty. « Il aurait dû y avoir 2 à 0 pour Thionville à la pause », dira Luzi après la rencontre.

Les dirigeants de l’ASVH tablaient sur 500 personnes au stade : grosso modo, ce fut ça, avec beaucoup plus de monde autour de la main courante que dans la tribune, il est vrai vite remplie car petite.
En face, un groupe de supporters fait beaucoup de bruit et attire l’attention du délégué, qui leur fait rappeler qu’il est interdit de s’asseoir sur la main courante. Ce sont des supporters du Havre, venus encourager le numéro 9 de Thionville, Ibrahim Baradji, un ancien de Gonfreville ! Ils ont même prévu quelques fumigènes !

« Retourne faire des spaghettis ! »

La fin du match approche. Il y a bien longtemps que l’arbitre de la rencontre, Alexandra Collin, ne tient plus le match. Ses décisions sont de plus en plus contestées et contestables. « Retourne faire des spaghettis » entend-on depuis le terrain : on taira volontairement l’auteur de ces propos, l’intéressé se reconnaîtra !

Pour ne pas avoir su plier le match, Thionville Lusitanos concède finalement l’égalisation après que l’équipe de Bruno Luzi a enfin un peu lâché les chevaux et mis l’intensité dans la dernière demi-heure. Les Jaune et vert croyaient eux aussi que le match commençait à 18h30…

Interview 1

Victor Granturco : « Une énorme fierté d’être en N2 ! »

Victor Granturco, président de l’ASVH depuis 2022, a succédé à son père Thierry. Photo 13HF

S’il est né à Bruxelles, en Belgique, Victor Granturco a de sérieuses attaches à Villers-sur-Mer, sur la côte fleurie, où a grandi sa mère. Et depuis la Covid, il est venu s’installer dans cette petite ville de 2500 âmes, où il a ouvert des restaurants, et où sa passion pour le foot l’a conduit au club, qu’il préside « officiellement depuis 2022, mais je suis présent depuis le lancement du projet 2016, j’étais d’abord secrétaire général ».

C’est quoi le « projet » du club ?
C’est un projet d’amour pour le foot et un projet familial. Quand on est arrivé, le club était en Départemental 2 (l’équivalent de la PHB). On est venu donner un coup de main dans une ville où l’on vit, où l’on connaît les gens, et que l’on aime bien. Et vous savez comment c’est : on commence par donner un peu, puis beaucoup puis énormément, et on se prend au jeu !

Cette fusion avec Houlgate (la fusion a été actée en 2017), elle est née comment ?
En fait, on s’est aperçu que l’on était une copie conforme du club voisin de Houlgate, avec une école de foot en souffrance, une baisse des licenciés seniors, etc. On s’est dit qu’il fallait fusionner, et pour l’équipe seniors, on a pris 4 ou 5 joueurs. Sur ce territoire dépourvue de gros clubs, ou tout au moins de clubs structurés, on a senti qu’il y avait un boulevard. On a lancé une école de foot qui a été labellisée, on a fait une école des devoirs, on a acheté des mini-bus, on a lancé une section féminine, tout ça est allé au-delà de l’équipe première. Un gros travail a été effectué. Le nombre de partenaires et licenciés a évolué. On est monté jusqu’en Régional 2 et il y a la Covid qui nous stoppe alors qu’on est 2e derrière une équipe que l’on avait battu 12 ou 14 à 0 (rires) ! On a rongé notre frein. On a continué à structurer, à développer le club, on a fait revenir Eric Ledeux, l’entraîneur qui a fait plusieurs accessions de suite, qui est aujourd’hui adjoint en N2, comme quoi nous n’avons pas la mémoire courte à Villers. On sait faire des clins d’oeil et remercier ceux qui ont donné. Et puis on est passé de Régional 2 à National 2 en trois ans…

On a quand même l’impression que c’est surtout le club de Villers plutôt que celui de Houlgate…
Houlgate, c’est 1800 habitants. Je vais vous faire une confidence : on a fait valider cet été en AG le retrait du nom de Houlgate dans l’appellation du club. Parce qu’en fait, la Ville d’Houlgate ne fait aucune effort et n’apporte pas un euro. Ils avaient l’avantage d’avoir le CREPS, qui est devenu le CSN (Centre sportif de Normandie), mais avec les Jeux Olympiques (le Centre a accueilli des délégations dans le cadre de leur préparation), il y a eu de gros travaux, on n’y a même pas accès, donc cela n’a plus aucun sens. Il ne reste presque plus rien d’Houlgate. Juste quelques bénévoles.

Le portier de Villers, Gaëtan Boisroux, ne s’est incliné que sur un penalty de Groune face à Thionville. Photo 13HF

Et la municipalité de Villers, dont votre papa fut maire avant de démissionner, elle vous suit ?
La nouvelle municipalité nous suit, mais j’ai envie de dire, encore heureux ! Si elle n’avait pas suivi, il aurait fallu qu’elle soit sacrément costaude dans ses explications. Le stade est sous dérogation cette saison, un synthétique est sorti de terre juste à côté, des travaux ont commencé sur notre pelouse, on va mettre le terrain aux normes, il faut des locaux pour l’infirmerie, le contrôle anti-dopage. Et puis il faut aussi pouvoir assurer la sécurité des supporters adverses… C’est vrai qu’on va recevoir le supporter de Biesheim et le mettre en parcage derrière quatre grilles (ironique)… Encore une fois, il y a les textes de la FFF et l’application de ces textes. Donc la municipalité suit, à son niveau, c’est pour ça que la création d’un club de territoire multiplierait les ressources par deux ou trois… Avant, il y a 30 ans, on pouvait monter en CFA, le football ne coutait pas aussi cher. Aujourd’hui, tout coûte cher, mais c’est juste un kiffe. Sur le chemin du retour de Créteil, on était content, et pourtant, on avait perdu 3 à 0. On était en 2e division de District quand ils étaient en Ligue 2, on a été accueilli par Sammy Traoré, par le DG de Créteil Rui Pataca, moi j’avais les packs d’eau sous le bras, et c’est pour ça que le profil de Bruno est important, on ne voulait pas quelqu’un qui pense que la Côte Fleurie, c’est riche, que c’est un puis de pétrole, que le président allait allonger la planche à billets… Il ne fallait pas un coach qui se prenne pour une star.

Le N2, justement, c’est un autre monde pour vous, non ?
L’histoire est merveilleuse, mais, c’est vrai, d’un coup, on se rend compte qu’on est dans un autre monde. À Créteil, on avait des étoiles plein les yeux… On a fait des photos du stade, des vestiaires, des bancs de touche en se disant « peut-être qu’un jour on aura des bancs de touche comme ça », on a pris en photos les écrans géants… C’est difficile de regarder des clubs comme ça dans les yeux. Il y a une réelle différence de niveau, surtout avec la réforme de la FFF. D’ailleurs, Bruno Luzi, le nouveau coach, nous a dit à l’intersaison, « On ne monte pas d’une division, mais d’une division et demie » ! Il a bien résumé le truc.

La remise du trophée de champion de N3, juste avant le coup d’envoi. Photo Ligue de Normandie

Comment êtes-vous perçu en N2 ?
D’abord, derrière cette success story familial, parce que j’ai pris la suite de mon père, parce que mon petit frère est attaquant chez les jeunes, il y a un gros travail de fait. On n’a jamais voulu se prendre pour des pros mais on a toujours voulu imposer une rigueur et un fonctionnement pas commun dans les clubs amateurs. C’est sans doute pour ça qu’on a étonné voire agacé les clubs alentours. Villers, c’est 2500 habitants. On a les féminines en R1, une équipe B masculine en R2, une équipe C masculine en D1, les U18 en Région, le club est doublement labelisé (école foot + section féminines), un stade qui se met aux normes… Et comme l’appétit vient en mangeant, cette National 2, on a envie d’y rester, d’y performer. En tout cas, je peux vous dire que c’est une énorme fierté d’être là. D’autres clubs comme Dives-Cabourg ou Deauville sont en N3 depuis des décennies mais n’ont jamais joué en CFA ou en N2. Dans le Calvados, il y a eu Lisieux en CFA (N2) y’a 30 ans, Mondeville il y a 20 ans et Vire la saison passée, qui a fait l’ascenseur, et c’est tout.

Justement, quid du rapprochement avec Dives-Cabourg ?
Il faut rappeler que l’on est sur un territoire aisé, certes, mais composé de résidences secondaires, avec une population de personnes âgées. Le bassin ici est dépourvu de grandes industries; à Villers, on a surtout des artisans, des bars, des restos, des hôtels : c’est pour ça qu’on a discuté avec Dives-Cabourg. On est conscient qu’on est le trouble fête, entre Deauville-Trouville (R1) d’un côté, et Dives-Cabourg (N3)de l’autre. Mais clairement, on ne peut pencher que d’un côté. La réforme des championnats a fait que les clubs ont vu que c’était compliqué de rester en National 3, et nous, pendant ce temps, on leur est passé sous le nez, on s’est faufilé, du coup, est-ce que ce n’est pas le meilleur moment de faire ce club de territoire dont on parle depuis toujours ? D’avoir un club de la Côte fleurie ? On échange avec la direction de Dives-Cabourg, c’est déjà ça. Selon moi, ce passage-là est inévitable, parce que, si on lit entre les lignes, cette réforme de la FFF tend vers des grands clubs dans des grandes villes, et ce message, je peux vous dire qu’on se le prend en pleine face quand on va devant la DNCG, quand on discute avec les services compétitions et juridiques : on l’a bien vu, le nom de notre club était mal orthographié quand on est arrivé devant la DNCG l’été dernier.

Et au niveau du budget, à combien s’élève-t-il ?
On a 500 000 euros de budget. C’est, de loin, le plus petit budget de National 2. Il y a des clubs de N3 qui ont un plus gros budget que le nôtre. En fait, on cumule la plus petite ville et le plus petit budget ! On est ce village gaulois qui fait « chier » tout le monde (sic). On voit bien le sens dans lequel pousse la FFF, qui veut du Beauvais, du Créteil, du « nouveau » Chambly, du Fleury, du Epinal, et nous, derrière, on bataille. C’est pour ça que cette fusion est nécessaire. C’est un projet à court ou moyen terme mais certainement pas à long terme.

Photo Ligue de Normandie.

Racontez-nous comment l’idée d’enrôler Bruno Luzi est venue ?
Au départ, on voulait un entraîneur du profil de Bruno Luzi. On est un club jeune, à petit budget, avec un terrain compliqué, sans expérience. On voulait garder notre coach de l’an passé, Benjamin Morel, mais nous ne sommes pas tombés d’accord. Là, on s’est dit qu’il nous faudrait un coach à la Luzi, qu’il nous faudrait une « chambly », un club familial, avec des conditions difficiles, qui a besoin de roublardise. On a reçu des CV lunaires. On a reçu des coachs, certains nous ont dit, pensant faire un geste, « Non mais attendez, l’argent, ce n’est pas un problème, il me faut juste 6000 euros par mois » … Si, là, l’argent, ça devient clairement être un problème ! On est loin du compte. Du coup, on enchaîne plusieurs rendez-vous. Certains coachs auraient sûrement été très pertinents en N2, mais pas chez nous. Et on s’est dit « Il faut qu’on trouve le numéro de Bruno Luzi ». On pensait que c’était inatteignable, il a le BEPF, il a entraîné en Ligue 2, il va rebondir en National, et on l’appelle, on le reçoit au stade, on part manger en ville, il se lève à la fin du repas, il va fumer une cigarette, il revient et il nous dit « C’est bon ». Le côté familial, le côté petit poucet, l’aventure humaine, ça lui a plu. En termes d’environnement club, il a retrouvé quelque chose qui ressemble à ce qu’il avait connu avant, alors qu’on ne pouvait pas s’aligner sur certaines propositions financières qu’il avait reçues. Il a eu un coup de coeur et nous aussi. Maintenant, tout le monde le sait, la saison va être rock’n’roll, en plus, vous avez vu la poule cette année ? Donc au niveau de l’organisation des déplacements, de la logistique, là aussi, on est entré dans une autre dimension, et on cherchait quelqu’un justement qui garde son calme, qui nous aide avec son carnet d’adresses, son expérience, à pouvoir exister en N2. On a essayé de conserver le noyau dur de l’an passé. Certains joueurs ont traversé les divisions depuis la R2, on en a une moitié, quand même, on a essayé de recruter intelligent, on vient de donner des des contrats fédéraux pour la première fois, mais on est encadré.

Vous leur donnez combien, aux joueurs ?
On leur donne de l’amour ! Et pas plus de 2000 euros. Malheureusement, on a les Dieux du foot qui ne sont pas avec nous. Cet été, on a recruté Amadou Diallo de Toulon : premier match, il met un but et une passe dé et la semaine suivante, son titre de séjour arrive à expiration (il est Guinéen). Depuis, alors que l’on a fait la demande de renouvellement dans les temps, il n’a même pas encore le récépissé, qui est juste la preuve qu’il y a une demande en cours et qu’il peut être présent sur le territoire français de manière légale. Offensivement, vous avez vu, il manque. On avait aussi recruté un milieu de terrain de Granville (N2), Kevan-Brimau Nziengui, un international gabonais, mais il s’est fait les croisés contre le Maroc en éliminatoires de la CAN… On va voir si on peut faire un autre Fédéral pour le remplacer, ce n’est même pas sûr (le club a officialisé ce mercredi la venue du milieu de terrain Madou Touré, formé à Valenciennes et joueur l’an dernier à Paris 13 Atletico, Ndlr.).

Interview 2

Bruno Luzi : « J’avais envie de revivre une aventure »

Le nouvel entraîneur de l’ASVH, Bruno Luzi (à droite), a reçu la visite de Patrice Garande. Photo 13HF

Il a toujours le sens de la formule. Et souvent une clope au bec, avant ou après le match. Bruno Luzi (59 ans) est toujours ce coach truculent, un peu hors du temps, qui a construit sa renommée en même temps qu’il a construit son club, Chambly, l’accompagnant de la la première division de District jusqu’en Ligue 2 ! Comme beaucoup de ses collègues estampillés « coach de National », Luzi s’était quelque peu ému, à l’été 2023, qu’on ne pense pas ou plus à lui pour reprendre une équipe de ce niveau. Peut-être en raison de cette fameuse étiquette « coach de Chambly ».

Du coup, il s’en est allé faire une petite pige en National 3 à Compiègne avant, cet été, d’accepter la proposition de la famille Granturco, à Villers-Houlgate. « Il y a beaucoup de jeunes coachs qui arrivent aussi, explique-t-il; après, oui, il y a eu un trou après Chambly. Je ne dirais pas que cela a écorché l’image mais en tout cas cela ne l’a pas améliorée non plus. Mais cet été, j’étais plus préparé que l’été précédent. Parce que c’est surtout la première saison qui a suivi Chambly qui été dure, quand tu sors de National… Je me suis dit que j’allais avoir plein de clubs, tu parles, que dalle, et là, c’est dur, t’es vite oublié, je ne comprenais pas. Mais aujourd’hui, c’est différent. J’ai digéré. J’ai compris. Je sais « que ». C’est pour ça que revenir dans le circuit, c’est important, et puis le terrain, c’est mon truc. Les autres clubs voient aussi que je suis en action, qu’on fait du travail ici. Dans une nouvelle région. Une belle région ! »

« J’ai été surpris qu’ils me contactent »

Pause buvette ! Photo 13HF

Et cette arrivée à Villers, comment a-t-elle vu le jour ? « J’ai d’abord été surpris qu’ils m’appellent parce que je savais qu’ils étaient montés de N3 en N2, donc la première question que je me suis posée, c’est « pourquoi ils ont changé de coach ? », raconte Bruno Luzi. « Ils m’ont expliqué qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord avec mon prédécesseur. Donc à partir de là, j’ai accepté de venir à Villers pour les rencontrer ! Je me suis retrouvé dans le discours du père et du fils Granturco. Ils devaient recevoir d’autres entraîneurs après moi, mais ils m’ont dit, « Si t’es d’accord, on y a va », et j’ai dit « allez, c’est parti » ! J’avais deux touches en attente mais on ne sait jamais (il prend une grande respiration)… Voilà, j’ai trouvé quelque chose qui me botte, ça m’a plu ! J’avais envie de revivre une aventure, et puis il y a le niveau, le N2, qui est plus beaucoup plus intéressant. Je ne veux pas cracher dans la soupe, mais la pige en N3, à Compiègne… J’y suis allé parce que je connaissais le président et que c’était à côté de chez moi, voilà. Là, à Villers, c’est une histoire sympa, un championnat relevé, encore plus qu’avant, avec Beauvais, Fleury, Créteil, Chambly, Epinal, ce sont des noms, et c’est très costaud. Et Thionville aussi, on a vu une belle équipe, ils vont se maintenir tranquille. Le championnat est plus costaud que celui que j’avais découvert avec Chambly il y a plus de 10 ans. C’est un « National 2 plus », sans les équipes de bas de tableau de l’an passé ; ça va être une saison passionnante ! »

Une chose est certaine, Bruno Luzi n’est pas venu pour l’argent ! « Non, ce n’est franchement pas l’objet ni le projet, pourtant, les loyers sont très chers ici (rires) ! J’ai quand même eu une proposition correcte à ce niveau-là. Tu sais, je suis dans l’affect : si ça me parle, si ça me prend, ce sont ces choses-là qui vont me faire avancer, bien plus que si tu me dis qu’il y a 1000 balles de plus. Moi, je ne suis pas là-dedans. »

« Ici, les loyers sont chers ! »

La joie des joueurs de l’ASVH après l’égalisation à la 80e. Photo Ligue de Normandie.

Du coup, le nouveau coach de Villers-Houlgate a emmené sa petite famille avec lui, et quitté l’Oise : « Oui, on habite ici, à Villers, près du restaurant Le Mermoz; on est à 50 mètres de la mer. J’ai toujours ma maison à Chambly. Dès que l’on pourra y aller deux jours, un week-end, on ira, mais les enfants sont entrés à l’école, en maternelle. Donc ça va être un peu difficile, mais bon, de temps en temps, on leur fera manquer un lundi ! »

Quant au FC Chambly Oise, il y retournera sur le banc adverse, en fin de saison : « On les reçoit en janvier et on ira pour l’avant-dernier match, peut-être que l’on devra jouer quelque chose là-bas ! Et peut-être que eux aussi joueront quelque chose, on ne sait pas ! »  Ce match à Chambly, dans un stade qui porte le nom de son papa, Walter Luzi, est encore loin. Verser dans un excès d’émotion ? Beaucoup trop tôt. Ce sera forcément différent lorsqu’il s’agira de jouer là-bas.

Oumar Konte, remplaçant et buteur ! Photo 13HF

Face à Thionville, samedi dernier, ses joueurs ont fait preuve de courage et d’abnégation pour prendre un point presque inespéré compte tenu de la domination mosellane pendant une heure : « Surtout, ce qui me fait plaisir, c’est que cela faisait trois fois que l’on était mené et là, c’est la première fois qu’on revient au score, c’est bien, parce qu’un nul, c’est un nul, et à ce niveau là, ça compte, surtout que Thionville est une équipe costaude, athlétique. Ensuite, on a stoppé la spirale de trois défaites. Et puis, tu as beau dire des choses à tes joueurs quand tu es entraîneur, mais tant qu’ils ne les vivent pas, tes paroles n’ont pas le même impact : là, au moins, ils ont vécu le truc, ils se sont souvenus qu’à un moment donné, ils ont mis l’intensité qu’il fallait. Maintenant, ils pourront se dire « on sait comment faire » pour retourner une situation. C’est vraiment un bon point parce qu’on était mal embarqué. A la mi-temps, j’ai positivé. On devait être mené plus que 1 à 0, mais Thionville n’a pas mis le deuxième but, ce qui nous a permis de rester en vie, et d’égaliser. »

Lire aussi l’article de 13HF sur Kevan-Brimau Nziengui :

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-2-brimau-nziengui-linternational-gabonais-de-granville/

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : 13HF / Photos : 13HF (sauf mentions spéciales)

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Après avoir longtemps évolué en R1 et N3, Mamadou Sylla (29 ans) avait accompagné l’US Concarneau en Ligue 2 en 2023. Le défenseur central, stoppé dans son élan par une blessure à un genou, se reconstruit avec le Paris 13 Atletico, en National.

Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech et Paris 13 Atletico

Photo de couverture : @phovw_sport

Photo Paris 13 Atletico

Une rétrogradation par la DNCG après la première saison de National avec Sète, une grave blessure alors qu’il était monté en Ligue 2 et portait le brassard de capitaine à Concarneau… À 29 ans, Mamadou Sylla, qui a signé cet été au Paris 13 Atletico (National), a connu plusieurs gros coups durs dans sa carrière.

Après avoir longtemps évolué en Régional 1 et National 3 à Muret et Blagnac, en périphérie de Toulouse, tout en travaillant dans la vie active, le défenseur central, a réussi à gravir les échelons jusqu’en Ligue 2 grâce à sa persévérance et sa foi. Une force de caractère qui ne l’a jamais quitté, même lorsqu’il était hospitalisé pendant plusieurs semaines à l’automne 2023 pour un vilain staphylocoque, ou même quand les clubs ne voulaient pas le faire signer cet été à cause de son genou…

Devant les magnifiques fresques du stade Pelé du Paris 13 Atletico, il a déroulé pendant plus d’une heure, d’une voix calme et sans quitter son sourire, le fil de sa carrière, jamais linéaire, pour 13HeuresFoot. Un exemple forcément inspirant.

« J’ai fait des petits boulots puis électricien à la mairie de Blagnac »

Avec Paris 13 Atletico cette saison en National. Photo Paris 13 Atletico

Mamadou Sylla a grandi dans le quartier du Mirail, à la Cité du Parc. Après des débuts au Toulouse Atlectic Club (TAC) puis à Toulouse Fontaines, il rejoint Muret, un club de la périphérie toulousaine en U17. « On ne voulait pas de moi en U17 Nationaux aux Fontaines. Stéphane Audard , mon  professeur à la section foot du Collège Paul Valery m’a dirigé vers Muret. »

Il évolue surtout avec l’équipe B au départ. « J’étais dans le groupe U17 Nationaux mais je n’ai pas fait beaucoup de matchs comme titulaire. Mais cela m’a forgé quand même. En U19, grâce à mon entraîneur Anthony Legiembe, j’ai vraiment progressé. On a terminé 1er en DH Ligue et réussi un bon parcours en Gambardella. »

Jean-Philippe Deneys, l’entraîneur des seniors, alors en DH (ex-R1) le fait naturellement monter dans son groupe.
Après cinq saisons à Muret dont deux en DH, il signe à Blagnac en 2016, alors qu’il a 21 ans. « Je sentais que je stagnais. À Blagnac, j’ai retrouvé des anciens de Muret, des gens de mon quartier, et d’autres que j’avais déjà affrontés. »

« J’ai toujours cru en moi »

Photo Paris 13 Atletico

Lors de sa première saison, Blagnac accède au National 3 et réalise un gros parcours en Coupe de France avec les éliminations de Béziers (National) et du Red Star (L2). L’aventure s’arrête (0-1) en 32e de finale face à Niort (L2). Parallèlement au foot, le défenseur central, titulaire d’un BTS électrotechnique, travaille dans la vie active. « J’arrivais à un âge où je devais travailler. J’ai fait des petits boulots. Le président Gilbert Grenier m’a fait entrer dans son service à la mairie de Blagnac. J’étais électricien. J’ai aussi posé des compteurs. »

S’il a évolué dans quatre clubs toulousains, il n’a jamais été contacté par le Toulouse FC. « J’y ai quand même fait un essai avec la réserve quand j’étais à Muret. C’était une bonne expérience mais je n’ai pas été pris. Je suis aussi allé au Havre. Quand on est jeune, on a des rêves, des ambitions. Mais la réalité nous rattrape vite. Il y a tellement de facteurs qui font qu’on réussit ou pas… Ça tient parfois à une bonne rencontre au bon moment. Moi, je n’ai pas fait de centre de formation et mes essais à Toulouse et au Havre, je ne les ai pas pris comme des échecs. Au contraire, ils m’ont donné confiance car j’ai pu me mesurer à d’autres joueurs qui, eux, étaient en centre de formation. J’ai toujours cru en moi. J’ai connu des galères, des moments difficiles mais j’ai quand même réussi à gravir quelques échelons dans le foot en partant de très bas. »

« Sète ne s’est pas arrêté à mon CV »

Avec l’US Concarneau en 2022-2023. Photo Philippe Le Brech.

Après quatre ans à Blagnac dont trois saisons en National 3, il quitte pour la première fois Toulouse, à 25 ans, pour découvrir le niveau au-dessus, à Bergerac (National 2), en 2020. C’est la première fois qu’il peut vivre uniquement du foot. « C’est grâce à un coéquipier qui savait que je voulais voir au-dessus. Il m’a mis en contact avec Bergerac. Le coach David Vignes s’est renseigné sur moi et j’ai signé. »

Malheureusement, cette première expérience en National 2 s’achève après huit matchs (et 2 buts) à cause de la Covid. La saison est stoppée fin octobre. « J’ai quand même vécu une bonne expérience. C’était un bon apprentissage pour moi. Il y avait vraiment des tops joueurs. Beaucoup avaient le niveau au-dessus mais ils étaient bien à Bergerac. »

Malgré cette saison tronquée, il connaît un rebond inespéré en signant à Sète en National, une division qu’il va donc découvrir pour la première fois à 26 ans. « C’est grâce à Samir Bakir, un ancien coéquipier de Bergerac. Il connaissait Sandryk Biton, le manager général de Sète, qui a été fantastique avec moi. Il a bien vu que je venais de nulle part mais il ne s’est pas arrêté à mon CV. Il m’a fait confiance. Il a pris un risque. Peu l’auraient fait… »

Sur le terrain tout se passe bien. Mamadou Sylla gagne sa place de titulaire et dispute 30 matchs. Miné par des problèmes internes et financiers, Sète arrache son maintien en s’imposant à Bastia-Borgo (2-1) lors de la dernière journée. « Je n’avais pas d’autres propositions donc j’ai décidé de rester à Sète. Mais pendant la préparation, la DNCG nous a rétrogradés en National 2. Forcément, j’étais très touché. On avait fait le job sur le terrain pour maintenir le club en National, donc c’est dur d’apprendre la descente pour raisons administratives. Dans ma tête, je suis KO. Bien sûr, il y a pire dans la vie. Mais je me retrouve dans le flou. »

« La montée en L2 avec Concarneau, la meilleure année de ma carrière »

Avec l’US Concarneau en 2022-2023. Photo Philippe Le Brech.

Mais fin juillet, il reçoit un coup de téléphone providentiel de Stéphane Le Mignan. L’entraîneur de l’US Concarneau veut pallier la blessure de son capitaine Guillaume Jannez et cherche un défenseur central. « J’ai toujours vécu à Toulouse ou dans le Sud à deux heures de chez moi, donc la Bretagne, c’était un changement radical. Mais j’étais tellement content de retrouver un club de National ! Un joueur s’est blessé et j’ai su saisir ma chance. Le foot, c’est une question d’opportunités. »

Il s’impose comme titulaire et porte même le brassard de capitaine. « Le coach m’a donné sa confiance et j’ai essayé de la lui rendre. Cette saison, c’est la meilleure année que j’ai connue dans ma carrière avec des coéquipiers qui sont devenus des frères. »

Mais à Avranches, lors de la 30e journée, le 21 avril 2023 (victoire 3-0), il est touché au ménisque juste après la mi-temps. « On a discuté avec les médecins. Il y avait la possibilité de ne pas me faire opérer, juste remuscler le bas du corps. C’est l’option qu’on a choisie. »

La saison se termine sans lui et c’est des tribunes qu’il assiste à l’historique montée de Concarneau en L2. En juillet, il est prêt pour la préparation. Lors du premier match face à Bastia, il reste sur le banc avant de disputer ses premières minutes en pros la semaine suivante à Bordeaux, un match forcément particulier pour le Toulousain. Lors des deux matchs suivants face à Caen et le Paris FC, il est titulaire et porte le brassard de capitaine. Ce match à Troyes contre le Paris FC le 26 août 2023 sera son dernier. « Le ménisque n’a pas tenu. Je n’avais pas forcément de grosse douleur. Mais il valait mieux me faire opérer. C’est là que j’ai chopé un staphylocoque et que les problèmes ont commencé. »

« L’affaire de mon genou revenait tout le temps »

Avec l’US Concarneau en 2022-2023. Photo Philippe Le Brech.

Si son retour avait été annoncé pour début 2024, Mamadou Sylla a dû être opéré à plusieurs reprises. « Je suis resté trois semaines à l’hôpital. J’avais du mal à marcher. Dans ces moments-là, tu ne penses plus au foot. C’est l’homme qui est touché. Ça n’a pas été facile. Heureusement, j’ai eu beaucoup de soutien. »

L’ancien électricien qui jouait encore en National 3 à 24 ans, est foudroyé au moment où il touchait son rêve de jouer chez les pros, en L2. « Les gens qui me connaissent vraiment savent comment j’ai galéré pour en arriver là, faute d’opportunités. Quand on n’a pas de CV, qu’on commence à prendre de l’âge, le foot, c’est comme dans le boulot : on ne te donne pas ta chance. Quand on a un parcours comme le mien et qu’il t’arrive un souci de santé comme ça, on est forcément dégoûté. Mais dans ma religion, on croit beaucoup au destin. La patience prime avant tout. Il y a toujours pire que soi dans la vie. »

Avec le FC Sète en National en 2021-2022. Photo Philippe Le Brech.

Mamadou Sylla a su se relever. Jusqu’à faire partie du groupe de Concarneau lors de la dernière journée de L2 chez le Champion Auxerre (défaite 4-1) le 17 mai. Début juillet, le club du Finistère, relégué en National, annonce son départ. « Il ne faut pas croire certaines choses qui sont sorties. Moi, je me voyais rester et Concarneau voulait me prolonger. Mais on n’est pas tombé à l’accord. »

Il part ensuite au Mans. « Je n’étais pas à l’essai. Le directeur sportif et le président souhaitaient que je vienne. Mais le coach n’a pas respecté les engagements qu’on avait pris au téléphone. Je devais signer si mes tests médicaux étaient bons. Ils ont été bons. Mais je n’ai pas signé. Certaines personnes en ont décidé autrement. »

L’état de son genou suscite des interrogations. « J’essayais d’expliquer les choses par A + B. Mais l’affaire de mon genou revenait tout le temps. Même si toi tu connais vraiment la vérité, même si tu as confiance en toi, les gens te mettent dans une case et oublient vite ce que tu as fait avant. Je voyais bien que certains qui avaient fait une plus grosse carrière que moi s’étaient retrouvés sur le carreau. Moi, je n’avais rien fait dans le foot et je n’avais rien. Forcément, dans cette situation la peur commence à revenir… »

« Au Paris 13 Atletico, j’ai trouvé des gens francs, j’en avais besoin »

Avec le FC Sète en National en 2021-2022. Photo Philippe Le Brech.

Fin juillet, le Paris 13 Atletico lui a tendu la main. « Je ne voulais pas prendre le risque d’enchaîner deux saisons blanches. J’ai fait le bon choix qui me permet de rester dans le circuit. Peut-être que certains n’ont pas compris pourquoi j’avais signé au Paris 13 Atletico. Mais moi, je ne me prends pas pour un autre. Je vais là où l’on me veut. Au Paris 13 Atletico, j’ai trouvé des gens francs, le coach Fabien Valeri, le président Frédéric Pereira, le directeur général Namori Keita. Ils disent les choses, ils parlent sans détour et sont honnêtes. C’est ce dont j’avais besoin. Je suis très content d’avoir retrouvé le terrain. »

Deux ans après avoir joué la montée avec Concarneau, le défenseur central a endossé le rôle du grand frère dans un groupe jeune où la plupart des joueurs n’ont jamais évolué en National. « Il y a aussi Germain (Sanou), Moussa (Diarra), Flo (Dexet), Lassana (Diako)  ou Ambroise (Oyongo). J’essaye d’amener ce que je peux mais je reste aussi à ma place. On n’a pas beaucoup d’aisance financière, pas trop d’infrastructures mais cela ne fait pas tout. Il y a beaucoup de jeunes qui manquent encore de vécu. Il y a des bons profils, il faut juste qu’ils emmagasinent un peu plus d’expérience. Je suis persuadé qu’on sera vite au niveau pour aller décrocher le plus vite possible notre maintien. »

Contre Sochaux, il y a quinze jours (1-1), il a montré l’exemple en partant de son camp et donnant une passe décisive à Issiaka Karamoko, après un beau une-deux entre les deux joueurs.

Quand il se retourne sur son parcours, Mamadou Sylla ne veut pas encore « tirer de bilan ». « On fera les comptes à la fin de ma carrière. Je suis fier d’avoir gravi les échelons, R1, N3, N2, National, Ligue 2. On peut penser que ma blessure m’a ralenti et qu’elle est arrivée au pire moment. Mais il y a pire dans la vie. Je suis surtout content de laisser, partout où je passe, une bonne image en termes de comportement. Il y a le footeux mais on est des hommes avant tout. C’est ce qu’on retient aussi. Une carrière, c’est aussi une aventure humaine. Ça fait toujours plaisir qu’on valide aussi bien le footeux que l’homme quand on parle de moi. Aujourd’hui, je suis juste heureux d’avoir pu retrouver les terrains et le plaisir pour me mettre au service du collectif. »

Mamadou Sylla du tac au tac

Avec le FC Sète en National en 2021-2022. Photo Philippe Le Brech.

Votre meilleur souvenir ?
Forcément la montée en L2 avec Concarneau qui a été incroyable. Mais je l’ai vécu de façon particulière puisque j’étais blessé et je n’ai pas disputé les 4 derniers matchs. Il était pour moi important d’accompagner le groupe, même en déplacement. Lors du dernier match à domicile contre Bourg-en-Bresse (avant-dernière journée, le 23 mai 2023), j’avais demandé à être sur le banc mais ça n’a pas été possible. J’étais donc près de la main-courante en mode supporter. Quand Antoine Rabillard a marqué le but du 3-2 à la 90e +4, ça été l’explosion. J’ai fait tomber mon portable, ma monnaie. Après, à la 90e +5, Bourg-en-Bresse a obtenu un coup-franc. Je ne voulais pas regarder. Et ils ont tapé sur la barre transversale… On a vécu un scénario de fou. Ce match contre Bourg-en-Bresse a vraiment été le moment le plus fort émotionnellement.

Votre pire souvenir ?
Sincèrement, je n’en ai pas. Je ferai les comptes à la fin de ma carrière. Même ma blessure, je n’ai pas envie d’en parler comme d’un pire souvenir. Quand j’y repense, je n’ai pas de tristesse. C’est plus l’homme qui a été touché car j’ai dû être opéré plusieurs fois. Mais je vois cette blessure davantage comme une épreuve qui me rendra plus fort. Il y a forcément une petite voix en moi qui va dire : « ah si je ne m’étais pas blessé »… Certes, c’est humain. Mais il fait combattre ça. Car si tu n’es pas fort mentalement, tu peux vite t’enfoncer. Moi, je n’ai aucune honte à dire, aujourd’hui, je joue au Paris 13 Atletico et j’en suis très heureux, même si certains ne vont pas le comprendre.

Vos qualités et vos défauts ?
Ce que je sais, c’est que mentalement je suis blindé. Je n’ai jamais douté de moi. Après, je n’aime pas parler de moi. Je laisse les gens juger de mes qualités. Pour mes défauts, je dois encore travailler mon jeu long et mes relances longues. Chez nous, on a Enzo Valentim qui a un jeu long magnifique. On l’a vu sur notre but contre Versailles (1-1, 2e journée) où il met une longue ouverture pour Issiaka Karamoko. S’il pouvait me donner un peu de son jeu long, je serais content.

Votre geste défensif préféré ?
Je ne suis pas le défenseur qui va mettre beaucoup de tacles. Mais j’aime tout ce qui est fait d’anticipation. L’anticipation, c’est une prise de risque. Mais ça donne confiance quand ça marche.

Photo Paris 13 Atletico

Le club ou l’endroit où vous vous êtes senti le mieux ?
Sur le plan football, Concarneau. La saison de la montée en Ligue 2, on se trouvait presque les yeux fermés sur le terrain. Mais c’est plus facile de jouer une montée que le maintien. C’est dans l’adversité que se révèle la force d’un groupe. C’est quand on est, passez-moi l’expression, dans la merde, qu’on voit si un on est solidaire ou non. Cette solidarité, je l’ai vraiment senti lors de la saison à Sète où l’on s’était sauvé à la dernière journée (NDLR: avant d’être rétrogradé en N2 par la DNCG). Il y avait une vraie osmose entre nous. Humainement, on avait un groupe magnifique. Mais il y avait aussi beaucoup de qualités. Ce n’est pas un hasard si on retrouve aujourd’hui beaucoup de joueurs en Ligue 2, à l’étranger ou dans des clubs pros de National. On a un gardé un groupe WhatsApp, on fait des conférences à plusieurs.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Je me souviens d’un gros duel avec Jeffrey Quarshie quand j’étais à Bergerac. Lui était à Bourges. Il m’avait vraiment étonné, il était très fort dos au but. J’avais vraiment kiffé notre duel. D’ailleurs après ça, il avait signé pro à Bourg-en-Bresse.

Les joueurs les plus forts avec qui vous avez joué ?
Je n’ai pas envie de faire des jaloux. C’est compliqué de choisir comme ça. Des bons joueurs, j’en ai vu beaucoup ! Faïssal Mannaï m’a touché particulièrement, j’ai beaucoup aimé évolué avec lui. C’est un vrai joueur, mais il a surtout le sens du sacrifice pour l’équipe. Il est vraiment altruiste. Amine Boutrah et Amine Sbai sont très complets.  Alexandre Phliponeau, Gaoussou Traoré, Alec Georgen, Tom Lebeau, Axel Urie, ils sont très forts techniqiuement aussi. Christian Koffi est train de prouver ses grosses qualités, il était aux oubliettes et il est maintenant à Chicago.

Les entraîneurs qui vous ont marqué ?

Avec l’US Concarneau en 2022-2023. Photo Philippe Le Brech.

Il y en a beaucoup. En U19 à Muret, j’ai eu Anthony Legiembe qui m’a appris beaucoup de choses tactiquement. Grâce à lui, on peut s’adapter à n’importe quel système. Je le remercierai à vie de tout ça. Il y a aussi eu Wilfried Niflore que j’ai eu à Muret et à Blagnac. Ensuite, David Vignes m’a fait passer un cap à Bergerac. A Sète, Nicolas Guibal m’a poussé mentalement. Stéphane Le Mignan à Concarneau, c’était le haut-niveau. Cela ne me surprend pas de le voir à Metz. J’espère qu’ils seront patients avec lui. Si Metz est patient, ça peut bien finir cette histoire… J’ai aussi beaucoup apprécié ses adjoints Hugues Prevost et  Danilson Da Cruz. Au Paris 13, je découvre Fabien Valeri qui a aussi des vraies idées.

Les présidents ou dirigeants qui vont ont marqué ?
Gilbert Grenier à Blagnac. Même si ça c’est mal fini entre nous, on avait une vraie relation. C’est une personne qui a fait énormément pour moi. A Bergerac, c’était très familial avec Christophe Fauvel et son fils Paul. Mon passage là-bas a été court à cause du covid mais intense. A Sète, j’ai connu Sandryk Biton qui était manager général, une personne hors-norme, un vrai monsieur. J’ai été marqué aussi par la passion des bénévoles à Concarneau qui ont fait beaucoup de sacrifices la saison dernière en Ligue 2 alors qu’on ne jouait pas chez nous. Je suis toujours en contacts avec des gens du personnel administratif à Concarneau.

Avec le FC Sète en National en 2021-2022. Photo Philippe Le Brech.

Vos amis dans le foot ?
Je suis quelqu’un qui m’entends très bien avec tout le monde donc j’en ai plein. C’est dur de tous les citer. Désolé pour ceux que je vais oublier… Amadou Seydi qui est à Concarneau, c’est mon frère. Il vient de Toulouse aussi et on a joué ensemble à Sète. Il était au Paris 13 Atletico ces deux dernières saisons, il m’a forcément parlé du club. A Sète, j’ai eu beaucoup de frères de galère : Alexis Mané, Yacouba Seydi, Christian Koffi, Amine Sbai, Steve Solvet… J’ai aussi gardé beaucoup d’amis de Concarneau avec qui je parle très souvent : Amine Boutrah, Faïssal Mannaï, Gaoussou Traoré, Alec Georgen, Tom Lebeau, Axel Urie, Fahd El Khoumisti, Issouf Paro.

Avez-vous des modèles dans le foot ?
J’aime bien les parcours de joueurs qui ont connu la souffrance et qui grâce à ça, ont ensuite franchi un cap. Ils ont été mis à l’épreuve mais en sont ressortis plus fort. On est des footballeurs mais derrière, il y a surtout des hommes. C’est ça que je regarde d’abord. Après, pour parler juste football, moi je suis à l’ancienne. Je vais citer John Terry, l’ancien capitaine de Chelsea et le Portugais Pepe. Deux joueurs dans l’anticipation, comme j’en parlais un peu avant.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je suis issu d’une famille nombreuse. On n’a jamais roulé sur l’or. On n’a pas le temps de se plaindre. Moi, j’ai toujours été dans la débrouille. Je sais ce que c’est de travailler et de se lever le matin même si on n’en a pas envie. Être passé par là me fait mesurer ma chance de gagner aujourd’hui ma vie grâce au foot. Mais si ça n’avait pas été le cas, je n’aurais eu aucun problème à travailler pour subvenir aux besoins de ma famille.

Comment occupez-vous votre temps libre en dehors du foot ?
Moi, ça toujours été maison, famille et foot. Ma femme et mes deux enfants sont restés à Toulouse. On a beaucoup bougé et ils avaient besoin de stabilité. Le club m’a trouvé un logement à Orly (Val-de-Marne). Là, je m’occupe de bien l’emménager. La vie parisienne, ça change. Mais je m’adapte. Il y a beaucoup de choses à faire. J’ai aussi de la famille proche en région parisienne. Je profite d’eux et j’essaye aussi de me reposer à maximum. J’ai aussi de la famille et des amis de Toulouse qui viennent me voir. Là, il y avait ma mère et ma sœur. Paris, c’est plus accessible que Concarneau.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech / Paris 13 Atletico

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Son image, son pays natal, son retour et son attachement à l’ASNL, sa carrière, sa vision du foot moderne, son style… Le technicien franco-uruguayen se raconte comme jamais. Entretien à coeur ouvert avec le coach de l’actuel leader du championnat !

Par Emile Pawlik / Photos : ASNL

Avec un personnage comme Pablo Correa, forcément, on sait que l’on ne va pas s’ennuyer ! Rendez-vous est donné un jeudi après-midi d’août. Le technicien, extrêmement loquace, nous a accordés plus de deux heures et demie pour nous raconter des anecdotes toutes plus fascinantes les unes que les autres et revenir sur l’actualité récente du club.
L’homme a une mémoire impressionnante. Il se souvient des matchs ou des scores d’une saison qui se sont déroulés il y a presque 20 ans. Il se souvient de tout ! Le technicien de 57 ans se livre à cœur ouvert. Il aborde l’actualité et notamment son aventure nancéienne en National, mais aussi sa vision du football, ses douleurs, ses joies, ses souvenirs et bien sûr… l’Uruguay. Entretien.

Pablo Correa : « On veut redevenir le Nancy que l’on a connu »

Après avoir quitté Virton (D2 Belge) en 2022, à quoi ressemblaient vos journées ?
À Virton, je viens pour donner un coup de main au club, mais je n’ai pas de regret parce que c’était un truc impossible (le club était dernier à son arrivée et n’a pu éviter la relégation, Ndlr). J’en profite pour m’éloigner et voyager. Ce qui rend les choses moins douloureuses. Je suis allé voir des footballs différents. Sortir de cette lessiveuse pour apprécier le jeu et remarquer des détails que l’on ne voit pas quand on est en plein dedans. Par exemple, il y a quelques années, je suis allé voir l’Atlético Madrid sur une semaine d’entraînement : ça m’a confirmé l’idée selon laquelle l’intensité de l’entraînement détermine l’intensité en match le week-end.

Racontez-nous comment s’est fait votre retour sur le banc de Nancy (depuis le 18 novembre 2023) : était-ce une évidence pour vous ?
Dans un coin de la tête, autant quand l’équipe va mal que bien, on pense à ce qu’ils nous appellent pour donner un coup de main. Mais à ce moment-là (été 2023), je faisais ma vie en Uruguay car j’étais au chevet de ma maman à qui l’on avait diagnostiquée une maladie grave. Je me déconnecte un peu et je sors avec elle. J’étais parti au pays sans l’idée de revenir car la priorité était de l’accompagner. Mi-novembre, je reçois un appel de Nicolas Holveck (le président, décédé le 8 avril dernier à l’âge de 52 ans, Ndlr) – que Dieu le garde quelque part – qui me dit “On a besoin de toi”. Ça ne me surprend pas parce que je connais Nicolas, il sait que je saurai mettre un énorme investissement pour le club. Je ne dis pas ça pour me vanter, mais je suis le seul coach en National avec une expérience en Ligue 1. Je n’aurais pas donné suite si une autre équipe de National m’avait appelé. Je lui ai dit : “Si tu as vraiment besoin de moi, je prends l’avion et je rentre, mais ne me faites pas rentrer pour rien.” J’ai prévenu ma maman qui m’a dit d’y aller, car elle connaît l’attachement que j’ai pour la ville et l’ASNL. C’est la dernière fois que je la vois, que je peux l’embrasser et je savais qu’elle était en paix avec elle-même. Et je rentre à Nancy sans me poser de questions.

Avec les dirigeants, de quoi parlez-vous quand vous vous voyez ?
On a une première discussion chez moi avec Nicolas Holveck et Michaël Chrétien et on parle de ce qu’on peut faire pour sortir le club de la difficulté. Quels sont les éléments qui peuvent nous aider. On a juste parlé de ça, de rien d’autre.

« Pourquoi tu fais une passe en arrière ? »

Comment remobilisez-vous les joueurs lorsque vous arrivez ?
Lors de mon premier entraînement, au bout de cinq minutes, je prends à part un joueur qui vient de faire une passe en arrière et j’arrête tout. Je lui dis : “Pourquoi tu joues derrière ? Si on veut faire mal à l’adversaire, c’est devant que ça se passe.” Je dois alors m’adapter au groupe que j’ai et je dois améliorer tout de l’intérieur. Je leur dis que j’accepte le déchet, à condition d’aller vers l’avant. Finalement, ce sont des mots assez simples qui font que les joueurs se prennent au jeu. Il faut aussi savoir tirer le positif de chaque situation négative et gérer les frustrations individuelles des joueurs. D’ailleurs, si vous regardez notre victoire contre Rouen (victoire 1 à 0 le 24 novembre 2023), lors de mon premier match, on voit tout ce qu’on ne voyait pas avant. Et là, j’ai dit aux joueurs : “Voilà, vous en êtes capables et je vais vous accompagner”.

Justement, racontez-nous ce premier match contre Rouen, ce retour à Marcel-Picot ? Qu’avez-vous avez ressenti ?
Honnêtement ? Rien ! Parce que je venais de rentrer d’un voyage usant psychologiquement et physiquement. Vous laissez la moitié de votre vie là-bas, très loin, en Uruguay, ça vous fatigue énormément. J’avais encore dans un coin de la tête ma maman. J’étais lié à l’équipe, mais ma tête est occupée à autre chose. Même si j’avais été accueilli avec des feux d’artifice, je ne l’aurais pas remarqué. Ce n’est pas pour être méchant avec le public, qui nous a aidés et nous aide encore énormément, mais ce soir-là c’était particulier à cause de ça.

« Je n’ai jamais pensé une seconde que l’on pouvait monter »

Ensuite, il y a des événements très tristes qui s’enchaînent pour vous personnellement, mais aussi pour tout un club (décès de sa maman puis décès de Nicolas Holveck) ? Comment vit-on ces moments-là en pleine saison ?
On peut utiliser des phrases comme “La vie continue”, mais ce n’est pas vrai. Il y a toute une remise en question. Une partie de vous-même qui revient à la surface. Il y a un ce côté injuste, incompréhensible… On se demande pourquoi… Et il y a l’autre côté, où je suis coach même si pour moi on ne peut pas détacher l’homme de l’entraîneur. À Sochaux (après le décès de Nicolas Holveck), je n’avais pas de mots pour mes joueurs. On dit que le show doit continuer, mais je fais semblant. Le foot vient en deuxième partie, mais c’est à l’image de la société : quand on montre nos émotions, c’est mal. Si ça ne dépendait que de moi, je me serais arrêté, mais je dois respecter les propriétaires du club et le club.

La saison passée, juste avant le match contre Le Mans, à quatre journées de la fin, il y a eu un vent d’optimisme avec des espoirs de montée. Mais ils ont été douchés par une défaite lourde (3-6) : avec le recul, comment analysez-vous cette défaite et auriez-vous tout fait pareil, si c’était à refaire ?
Exactement pareil. Il n’y a pas une seule seconde où j’ai pensé que l’on pouvait monter avec ce groupe-là. Les gens vont dire “quel manque d’ambition !”, mais je pense que pour être un bon entraîneur, il faut connaître la valeur de son groupe. Le match peut finir à 6-6 car Le Mans a été très efficace et a bien su nous contrer. Ce qui nous empêche de monter, c’est d’avoir joué un tiers de championnat en étant 17e, même si je n’aime pas parler du travail d’un collègue. Il aurait vraiment fallu un miracle pour monter.

« Je suis anarchiste sur le terrain et dans le jeu »

Vous l’avez annoncé tôt, vous vouliez donner un autre visage à Nancy en changeant de système. Pourquoi ce choix et depuis quand aviez-vous cette idée ?
Je déteste m’enfermer dans un système. L’adaptation à la compétition fait partie de ça. Je veux que mes joueurs soient capables d’assimiler plusieurs systèmes. Je suis anarchiste sur le terrain et dans le système de jeu. Quand vous êtes condamnés à jouer dans le même style, vous rendez service à l’adversaire. Je savais déjà, dès le début de la saison, que le groupe était déséquilibré. Très vite, j’ai aussi compris que c’était un groupe encore traumatisé par la descente (en mai 2023) de National en National 2 (avant que le club ne soit repêché).

Durant l’inter-saison, vous vous séparez de cadres importants. Ces décisions fortes ont-elles été difficiles à prendre ?
Il y a différentes raisons que je ne vais pas évoquer. Mais il y a des raisons physiques, footballistiques, tactiques, des raisons de renouvellement et de fraîcheur aussi. On saura en mai si l’on a fait les bons choix. Avec Michaël (Chrétien, le directeur sportif), Laurent (Moracchini, cellule de recrutement) et Adrian (Sarkisian, son adjoint), on a joué des montées et on sait comment faire. On ne voulait pas perdre de temps. Il faudra cacher le manque dans les automatismes par d’autres choses pour arriver au meilleur résultat.

“Ça me fait plaisir de voir les joueur rigoler ensemble »

Que pensez-vous du recrutement ?
C’est dur à dire si tôt dans la saison. Je suis très content de la manière dont vit le groupe. On sait qu’une bonne année est liée à des choses qui naissent dans le vestiaire. La crainte était que la mayonnaise ne prenne pas. On a fait beaucoup de travail sur la cohésion, sur le physique. Même avec la communication qu’on a avec les joueurs, on ne peut pas faire en sorte que tout le monde s’entende. Ça me fait plaisir de voir les joueurs rigoler ensemble. On a dit à toutes nos recrues : “On veut redevenir le Nancy que l’on a connu”. S’ils accrochaient au projet, on y allait et on savait que c’était le bon choix.

Le début de saison est bon (entretien réalisé avant la journée 3) et on a le sentiment que le management va être important tant les joueurs sont nombreux à postuler à certains postes. Est-ce un luxe ou une difficulté ?
Le groupe qu’on a aujourd’hui, c’est celui que l’on a voulu. On veut faire réagir les éléments par la concurrence au sein de l’équipe. On voulait doubler les postes et avoir de la concurrence pour tout le monde. Je préfère vivre avec ce sentiment d’injustice qui est de laisser des joueurs en dehors du groupe, même s’ils auraient pu tenir leur place, que de faire un groupe par défaut.

« Le jeu appartient aux joueurs »

Vous faites confiance à des joueurs des échelons inférieurs. Avec le recrutement de Brandon Bokangu et surtout l’éclosion de Cheikh Touré et Walid Bouabdeli, comment appréhendez-vous ce passage au niveau supérieur pour eux ?
Il faut leur faire confiance d’abord. Dans ce championnat, il y a beaucoup de joueurs qui n’ont pas été au bon endroit au bon moment. Des joueurs victimes du conditionnement du football français. Je prends l’image de l’entonnoir : lorsqu’il déborde pour le haut-niveau, les joueurs tombent dans un autre entonnoir, celui des divisions inférieures. Si vous regardez bien, ce n’est pas le cas que de Nancy. L’élément déterminant de cette adaptation, c’est le joueur lui-même, en fait. Nous sommes des accompagnateurs et nous leur apportons des choses, selon moi. Car finalement, le jeu appartient au joueur, et j’espère que cela reste comme ça.

Pablo Correa, du tac au tac

« L’entraîneur, c’est un meneur ! »

Pablo Correa, le joueur, l’attaquant : “Je n’aimais pas courir”

Votre geste technique préféré ?
La volée, car on la travaillait beaucoup à l’époque avec beaucoup de travail sur le dernier geste. J’aimais bien adapter mon corps, bien me positionner. Si vous me demandez un but là comme ça, je dirais Van Basten en finale de l’Euro 88 car c’est une volée différente dans un angle impossible. Même si ça paraît facile, c’est très difficile et généralement c’est très-très spectaculaire.

Vidéo : le but légendaire de Marco Van Basten à l’Euro 88

Vos qualités sur un terrain ?
J’étais assez vif et rapide dans les petits espaces. A la base, j’étais milieu de terrain, mais il fallait trop courir et je n’aimais pas ça donc je suis passé devant.

Vos défauts ?
J’avais du mal à courir. Je pensais que j’étais l’attaquant qui devait juste recevoir les ballons de la part des coéquipiers qui, eux, faisaient le travail pour nous. J’ai quand même compris très vite qu’il fallait aider l’équipe à récupérer le ballon, mais je ne voulais quand même pas trop m’éloigner du but ! J’étais souvent en position de hors-jeu donc je mettais l’équipe en difficulté parce que je ne me replaçais pas assez vite.

Citez-nous deux ou trois coéquipiers marquants ?
Carlos Aguilera, qui a joué à Cagliari, un attaquant de petite taille, technique. A Nancy, Tony Cascarino était un coéquipier modèle. C’était vraiment l’attaquant irlandais qui savait jouer avec ses défauts et qui se donnait à 100%, qui allait chercher le ballon haut sur le terrain. Par contre, il demandait toujours un congés le jour de la Saint-Patrick parce qu’on sait ce que ça représente pour eux.

Est-ce qu’il y a un club dans lequel vous avez failli signer ?
Oui, dans un club de Bundesliga à l’issue de ma troisième année à l’ASNL (1997-1998). Je finis meilleur buteur du club, on monte et on est champions de Ligue 2. J’ai une très belle offre, mais mes enfants étaient tellement bien à Nancy avec leurs copains… Avec ma femme, on a refusé. On n’a pas fait le choix de l’argent.

Complétez en deux mots : Vous étiez un joueur plutôt…
Casse-bonbons (rires) !

Pablo Correa, l’entraîneur : “Schalke, le plus beau moment de notre histoire !”

Avec son adjoint Adrian Sarkisian

Quand et pourquoi devenez-vous entraîneur ?
A la fin de ma carrière de joueur, le jour de la photo officielle, je vais voir Jacques Rousselot (l’ex-président) et je lui dis que je ne veux plus jouer. Il me demande ce que je veux faire et je lui dis que je ne veux pas entraîner les jeunes parce que ce sont des “petits cons”. Je ne voulais pas les jeunes parce qu’il faut leur apprendre beaucoup de choses, je n’aimais pas ce rôle d’éducateur. Je suis devenu entraîneur parce que l’âge vous indique qu’à un moment, il faut passer de l’autre côté de la ligne. L’entraîneur, c’est un meneur, on est dans le contact direct avec le joueur et c’est la première liaison avec le terrain. Vous n’imaginez pas la frustration quand vous voyez votre équipe en détresse, mais on apprend à vivre avec cette frustration.

Votre meilleur moment de coach, même si on se doute un peu de la réponse ?
Je suis sûr que vous pensez à la coupe de la Ligue (en 2006), mais pour moi c’est notre victoire contre Schalke 04 en tour préliminaire de l’Europa League (saison 2006/07). Au moment de notre victoire en Coupe, je savais qu’on allait tirer un plus grand club que le nôtre. On arrive à Schalke et on ne le savait pas encore, mais on vivait le plus beau moment de notre histoire. En plus, on vit cette période avec plus de la moitié de notre effectif qui vient du centre de formation. Ce match aller-retour en Coupe d’Europe est plus fort que la Coupe de la Ligue qui, elle, est plus le fruit d’un parcours. On perd 1-0 à l’aller en Allemagne et je me souviens avoir dit “On peut les taper chez nous”. Je l’avais dit comme ça pour marquer le coup. Et au match retour, on les surprend par notre tactique, notre intensité et notre mouvement. On leur est juste « rentré dedans » et on les a battus 3-1. Voir des joueurs que l’on a connus au centre de formation à 15-16 ans arriver en Coupe d’Europe sous le maillot de Nancy, ça a doublé ma joie.

Votre pire moment de votre carrière d’entraîneur ?
Tout d’abord, il y a les graves blessures de vos joueurs. Vous vous sentez coupables de voir certains arrêter leur carrière à cause de ça et on se sent totalement impuissant. Au-delà de ça, on revient à la violence à l’extérieur du stade. Pour notre premier match de Coupe d’Europe à Nancy, Feyenoord se déplace chez nous. Avant le match, ils ont tout cassé gratuitement dans la ville et au stade en lançant des sièges sur la pelouse vers la fin du match. L’ordre du préfet est arrivé demandant de vider le stade pour pouvoir finir le match. Tout le monde pleurait à cause des gaz lacrymogènes, et là je me suis dit que c’était terriblement injuste. Parce que les 1000 ou 2000 abrutis (il se reprend), pardon, supporters, eux sont restés au stade pour des raisons de sécurité. On a mis 3-0 à Feyenoord. Au revoir et merci, sauf que non. On a fait payer à des gens qui sont innocents et on a volé ce moment aux supporters qui attendaient ça depuis les années 1970. C’est de la faute de ces personnes qui ont eu un comportement de sauvage, je suis désolé, mais on demande juste du respect. Ce qui est terrible, c’est que les dirigeants et représentants de Feyenoord étaient aussi impuissants face à tout ça. (Feyenoord a été exclu de la compétition et ses supporters interdits de déplacement durant plusieurs années).

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre victoire en Coupe de la Ligue ?
Cette saison-là (2005/06), j’ai pris énormément de plaisir parce qu’on commence mal avec de nombreuses défaites, mais j’avais confiance dans mon groupe. On savait qu’on perdrait des matchs parce qu’on manquait de métier, mais c’est un processus. J’étais très attaché à ce groupe. Je connaissais la plupart des joueurs depuis tout jeune et on a passé les étapes ensemble pour les faire devenir des joueurs de Ligue 1. Sur notre parcours, on a joué tous nos matchs à domicile parce qu’il n’y avait pas de protection pour les équipes qualifiées en Europe, comme il y a eu lors des dernières éditions. En demi-finale, on bat Le Mans 2-0 et c’était extraordinaire, c’était en février. On se dit « Comment on va tenir les gamins jusqu’au 22 avril (date de la finale) ? », mais à chaque fois, ils me surprenaient. On est allé en finale pour la gagner, pas pour prendre une volée et on a réussi (victoire 2-1 face à l’OGC Nice).

Une erreur de casting ? Un club dans lequel vous n’auriez pas dû signer ?
Oui, à Evian-Thonon-Gaillard (2012), c’est une bonne erreur de casting. Je connais les deux propriétaires Richard Tumbach et Esfandiar Bakhtiar, même des gens qu’on appelle les petites mains, d’ailleurs on devrait les appeler les grandes mains. C’était trop bling-bling, on était trop concentré sur des choses pas importantes pour le football moderne. Et trop de gens interféraient et faisaient du mal au club. J’arrive et on me présente un seul terrain, qui n’est pas praticable : on a fini par faire des tennis-ballon sur un parking. Je prenais la suite de Bernard Casoni, donc ça nous appartient à tous les deux, et on finit 9e de Ligue 1, pour une première c’est pas mal. Mais j’avais alerté les propriétaires sur des éléments qui allaient les mener à la chute. Pour l’anecdote, je reviens (pour la deuxième fois, Ndlr) à Nancy en 2013/14 et quand on doit retrouver la Ligue 1 en 2016, pour notre dernier match à Picot, on bat Evian (1-0, le 6 mai 2016, Ndlr) et on les condamne en quelque sorte. J’étais heureux de retrouver la Ligue 1 avec Nancy, mais aussi peiné par ce sentiment d’avoir condamné ce club dans lequel il y avait de très belles personnes.

Avec son adjoint Adrian Sarkisian

Les meilleurs joueurs que vous avez entraînés ?
Christian Poulsen avait cette capacité à travailler à l’entraînement pour s’améliorer même quand il était à un âge avancé. Je vais vous surprendre, mais Sidney Govou, je l’avais toujours eu comme adversaire et il venait de la magnifique école lyonnaise des années 2000 si dominatrice. C’était un joueur qui avait un discours vis-à-vis des jeunes extrêmement positif et réaliste. Il avait des détails qui lui faisaient du mal, mais pas à l’équipe. Et il avait cette capacité à toujours jouer à fond. Ici, à Nancy, Julien Féret était un joueur de foot : quand on a dit ça, on n’a pas besoin d’expliquer grand chose de plus. Il avait été présélectionné en équipe de France. Être présélectionné à Nancy, c’était un exploit. Kim, le Brésilien, aujourd’hui impossible pour une équipe de la taille de Nancy d’aller chercher un joueur de la même qualité. Issiar Dia aussi, et bien sûr Clément Lenglet. Clément est devenu notre capitaine à un âge si jeune mais avec une énorme maturité. On savait qu’il allait faire une carrière car il venait toujours pour s’améliorer et non pour s’entretenir, c’est le point commun des grands joueurs.

Quelle est votre vision du football, du jeu ?
J’ai toujours cru que l’on faisait mal à l’adversaire dans sa surface. Mais je pense que dans le football, il y a plusieurs manières de mettre l’adversaire en difficulté. Avec le ballon, sans le ballon, avec les mouvements… Moi j’ai toujours cru, on appelle ça “transition” aujourd’hui, à la récupération et la projection chez l’adversaire. Mais ici en France on dit : “Ils jouent en contre”. Quand des joueurs arrivaient, ils me disaient qu’il n’y avait pas de limites dans mon jeu et ça allait à l’encontre de cette étiquette que l’on m’a collée.

On vous connaît pour une fameuse phrase “Si tu veux du spectacle, va au cirque” (interview dans SoFoot, en 2017). Est-ce que vous pensez que votre communication vous a desservi ou au contraire c’était dans l’optique de protéger les joueurs ?
Ma communication hors vestiaire m’a énormément desservie. Mais quelque part, je m’en fous. La communication, moi je m’en fous. Je suis d’ailleurs un grand fan de cirque ! Pour moi, le football, ce n’est pas un spectacle, ça dépend de trop de choses, ce n’est pas un numéro que l’on répète. Ce que je voulais dire, c’est qu’on peut toujours essayer d’inculquer une idée de jeu, mais il y a un adversaire et il faut l’accepter. Et moi, je voyais que l’on vivait un moment faste et les supporters sifflaient les composantes d’un club qui ont fait les années les plus belles de l’histoire du club. Mais je savais que mes joueurs donnaient tout, mais par moment, le football c’est le football, et on ne peut pas réussir notre numéro. D’ailleurs, le football est un très très grand cirque ! Chaque équipe est un cirque dans lequel chacun veut jouer son numéro, sauf qu’il n’est pas confronté à la difficulté ou la dangerosité du numéro, mais à l’obligation de résultat. Je pense qu’il y a plusieurs voies pour arriver à un résultat, et j’ai laissé cette étiquette de la combativité au détriment de mes joueurs qui faisaient de belles choses. On avait les moyens d’une équipe promue et on faisait toujours milieu de tableau de Ligue 1 : on ne fait pas ça qu’en attendant devant son but.

Justement, comment vivez-vous cette étiquette qu’on vous a collée ?
La saison où l’on est champion de Ligue 2, pas un seul joueur n’est dans l’équipe type de Ligue 2 alors qu’on est titré presque un mois avant la fin de la saison. Alors qu’on a mis le plus de buts, qu’on a gagné le plus de matchs… Je ne suis pas nommé parmi les meilleurs entraîneurs de Ligue 2. Mais je n’ai pas de regrets, je ne me nourris pas de ça. Finalement, j’ai compris depuis longtemps comment le football est fait. C’est parce qu’on reste dans cette notion d’étiquette : ça n’arrive pas que dans le foot, je vous rassure.

Sa vie en Uruguay : “J’ai vu des gens mourir sous les balles”

Comment êtes-vous arrivé au football ?
Je construis mon rêve de footballeur lorsque je vais au stade Centenario de Montevideo. Quand j’y allais avec mon père, je mettais toujours un short sous mes vêtements en me disant : “S’il manque un joueur, c’est sûr qu’ils vont m’appeler !”. Mais j’étais un enfant, c’était impossible, je rêvais. J’étais dans ce passage-là de l’insouciance avant de basculer dans le football avec l’obligation de résultats. Et la première fois que j’ai joué dans ce grand stade, j’ai réalisé mon rêve. Avec toute l’histoire qu’il y a derrière cet endroit aussi, c’était vraiment le plus beau souvenir de ma carrière.

Imaginons, vous êtes guide touristique. Quels endroits me conseillez-vous en Uruguay ?
La Rambla ! C’est une grande avenue à Montevideo de 22km qui longe la côte. On peut se promener entre la terre et la mer. Les quartiers sont très variés et il y a plein d’histoires à raconter. Vous avez aussi Punta del Este, qui est le Saint-Tropez sud-américain. Quand vous allez vers la frontière brésilienne, il y a des longues plages sauvages avec des dunes énormes. L’endroit est resté vierge, c’est magnifique… Et bien sûr, Montevideo est une belle capitale, assez européenne, avec des architectures différentes.

Et qu’est-ce que l’on mange bien en Uruguay ?
On mange beaucoup de viande grillée. Il n’y a pas de comparaison entre la viande d’Uruguay, d’Argentine ou du Brésil et celle que l’on peut retrouver en Europe. Elle est plus goûteuse et signe de convivialité. Les barbecues sont aussi le moment de se retrouver. L’Uruguayen, même en hiver, il va tenter d’allumer un barbecue par 5 degrés.

Quel regard portez-vous sur les Uruguayens ?
On sait rigoler de nous-mêmes, on a beaucoup d’autodérision.

Ça ressemblait à quoi le football en Uruguay quand vous commenciez ?
Les chaussettes nous mangeaient presque le talon, sans protège-tibias. Un football beaucoup plus identifié en institutions. Un autre rythme, parce qu’aujourd’hui c’est beaucoup plus physique. Mais c’était quand même plus fort parce qu’il y avait cette notion d’amoindrir l’adversaire par le contact physique. Aujourd’hui, le football va beaucoup plus vite avec le 4e arbitre, la VAR… A mon époque, on pouvait aller boire une bière avec les supporters, mais ça n’était qu’une bière. Aujourd’hui, c’est impensable, c’est incomparable.

Au contraire, quelle est votre pire expérience sur un terrain de foot ?
Les pires souvenirs sont liés à la violence qui est à l’extérieur du terrain. Il y avait des zones de terrains obscures où c’était plus rugueux. Même quand je jouais, je commençais à voir de la violence qui devenait ingérable. C’est le point noir du football en général. J’ai été choqué de voir des gens mourir sous les balles quand je jouais au foot. Ce sont des choses qui restent dans la tête, et on se demande même si l’on n’est pas générateur de ça. Le football a souvent été associé à ça, parce que c’est le sport populaire, mais aussi comme échappatoire nécessaire à la société.

Si vous ne deviez citer qu’un seul club en Uruguay ?
Ce serait Peñarol, parce qu’il est dans cette notion de club du peuple. Nacional est plus identifié comme le club des élites, même si ce n’est pas totalement vrai. Mais rien que pour mon papa qui n’est plus de ce monde, ça lui aurait fait plaisir que je dise Peñarol.

Ça vous arrive encore de regarder des matchs du championnat uruguayen ?
Tout le temps, parce qu’on ne se défait pas de mes racines footballistiques et familiales. Je suis aussi intéressé par l’évolution du football là-bas. Quand mes parents étaient encore là, je descendais une fois par an pour les voir et j’allais au stade pour voir des matchs. Aujourd’hui, je regarde minimum deux, trois matchs par semaine.

Texte : Emile Pawlik – Twitter: @EmilePawlik

Photos : AS Nancy Lorraine

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Le nouvel entraîneur du promu provençal s’impatientait de retrouver un banc après avoir maintenu Châteauroux en National en mai 2023. Dans un marché tendu, il sait la chance qu’il a, entend la saisir et parvenir à son objectif, histoire aussi de s’affranchir d’une certaine étiquette…

Par Anthony BOYER

Photo 13HF

Souvent aperçu la saison passée dans les tribunes du stade Saint-Exupéry, à Marignane, ou du stade Francis-Turcan, à Martigues, pour assister en voisin de Marseille à des matchs de National, Maxence Flachez s’est finalement engagé en juin dernier à Aubagne.

Et quand il a appris le départ de Mohamed Sadani, le coach qui a permis au club situé à l’est de Marseille de signer cet exploit – accession historique en National -, il a pris les devants et contacté les dirigeants. Parce qu’un an sans entraîner, c’est long.

Le Grenoblois (52 ans) sortait d’une saison blanche, après sa première expérience comme numéro 1 chez les « Grands », à Châteauroux, pour une mission maintien en National – mission accomplie – mais, à l’issue de la saison 2022-2023, il n’avait pas été reconduit par la direction berrichonne. Et puis, plus rien. Ou si peu.

Il faut dire que, dans l’esprit de beaucoup de personnes, et sans doute de dirigeants, Maxence Flachez est ce défenseur central qui compte plus de 500 matchs en pro, que cela soit en D1 ou en D2, à Lyon tout d’abord, son club formateur, à Martigues (en Division 1), à Sochaux (D2, D1, Ligue 1), à Guingamp (Ligue 1), à Valenciennes (Ligue 2 puis Ligue 1) et à enfin chez lui, à Grenoble (Ligue 2 puis Ligue 1). Il est sans doute plus ce soldat, ce joueur, que cet entraîneur connu ou reconnu chez les « Grands », une image qui lui pèse et dont il espère bien se débarrasser : « J’ai faim de prouver » n’a-t-il pas hésité à lancer, hier, pendant cet entretien qui a duré, chrono en mains, 29 minutes !

Prochain match à domicile à … Marignane !

Photo 13HF

Finalement, l’ancien entraîneur de la réserve de l’OM et de Lyon (et aussi des U19 Nationaux de Lyon), à qui l’on a peut-être flanqué une étiquette « d’entraîneurs de jeunes », a bien fait de toquer à la porte de l’AFC (Aubagne Football-club). Et, pour l’heure, le club du président Lionel Jeanningros n’a pas à se plaindre de ses services : 5 points en 4 matchs, pour un promu, c’est vraiment pas mal !

Surtout, sur ces 5 points, 4 ont été arrachés en fin de rencontre avec cette grinta qui sera sans doute l’une des marques de fabrique de l’équipe cette saison : contre Rouen, pour sa première « à domicile », dans le démesuré stade Parsemain de Fos-sur-Mer, ses joueurs, menés 1 à 0 le plus logiquement du monde face au FC Rouen, ont tout renversé dans les dix dernières minutes pour s’imposer 2-1 !

Le stade Parsemain, à Fos, a accueilli les deux premiers matchs à domicile. Photo 13HF

Rebelote quinze jours plus tard, toujours à Fos, face au FC Versailles : menés 3 à 1 à la pause, les Provençaux ont égalisé à la dernière minute (3-3) ! Sochaux, le prochain adversaire d’Aubagne à Marignane, au stade Saint-Exupéry, le 20 septembre, est prévenu (les travaux d’éclairage du stade De Lattre de Tassigny à Aubagne ne sont pas terminés). Entre-temps, il y aura un déplacement vendredi, à Villefranche (Journée 5).

Aubagne ne pourra pas toujours revenir au score. Maxence Flachez, titulaire du BEPF, le sait. Surtout, ses joueurs, aussi talentueux soient-ils, ne pourront pas toujours inscrire 3 buts non plus ! L’AFC doit apprendre à ouvrir le score ou, à défaut, ne pas prendre de but, comme ce fut le cas à Concarneau lors de la 3e journée, même si les occasions adverses ont été nombreuses (0-0). Là-dessus, on peut faire confiance au nouveau coach provençal, qui n’avait jamais vu jouer Aubagne en National 2 la saison passée, pour resserrer les boulons derrière !

Interview

« Aujourd’hui, il faut remplir certaines cases… »

Maxence, c’est donc vous qui avez effectué le premier pas avec la direction d’Aubagne…
Tout à fait.

Photo 13HF

En général, ce sont plutôt les coachs qui attendent un coup de fil…
J’avais passé une année blanche. Il y a eu des moments la saison dernière où des clubs ont changé de coach mais il n’y a jamais eu d’appel. Et à la dernière intersaison, il n’y a pas eu grand-chose non plus. J’étais tous les jours sur mon téléphone, pour essayer de trouver quelque chose, pour appeler, contacter, et c’est vrai qu’Aubagne a fait partie des clubs que j’ai contactés. J’ai demandé à être reçu, et après, les choses se sont faites.

N’avez-vous pas douté pendant cette saison blanche ?
Bien sûr que j’ai douté. Quand le téléphone ne sonne pas, on se pose des questions, on se demande pourquoi, on se remet en questions, et puis, quand arrivent deux ou trois touches, et qu’on vous demande si vous avez déjà fait des accessions de National 2 en National… Vous dites que non. C’est toute la complexité de notre métier aujourd’hui : on doit entrer dans des cases. Les décideurs, les investisseurs, bien sûr qu’ils sont obligés de faire du tri, il y a tellement de monde sur le marché, mais il faut cocher des cases, et moi, cette case « National 2 – National », je ne la coche pas. Idem pour l’accession de National en Ligue 2, je ne l’ai jamais fait. Après, j’ai même été, entre guillemets, tributaire de mon passé professionnel avec que des jeunes sous ma coupe, dans des centres de formation, donc la question que certains se sont posées, c’est : « Est-ce qu’il est capable d’entraîner dans le foot amateur ? ». En fait, il y a beaucoup de choses qui m’ont été imputés, à tel point qu’à un moment donné, je me suis demandé « Mais qu’est-ce qu’il faut faire pour travailler ? »

« On met tout le temps les mains dans le cambouis »

Photo 13HF

C’est vrai que vous avez beaucoup entraîné chez les jeunes et finalement assez peu en seniors…
J’ai passé huit mois en tant que numéro 1 en National, à Châteauroux. C’est tout. Voilà. Donc c’est vrai que ça fait très peu, mais bon, après, il y a des choix qui sont faits. Il y a des entraîneurs en National aujourd’hui qui n’avaient jamais entraîné à ce niveau.

Quand on a connu, comme vous, de belles infrastructures pour travailler, n’est-ce pas difficile de remettre les mains dans le cambouis ?
Les mains dans le cambouis, on les met tout le temps, que cela soit dans un club professionnel, avec une équipe réserve, avec des jeunes, parce que il y a sans cesse des contraintes que je n’ai pas aujourd’hui dans un club, entre guillemets, amateur : c’est plus simple pour moi de travailler à Aubagne que dans un club pro où il y a du monde au-dessus, où on n’a pas les mains libres. C’est pour ça, ça me faisait parfois doucement rire quand je cherchais un club. J’avais envie de dire aux personnes : « Mais justement, servez-vous de mon expérience des clubs pros » ! On doit plus s’adapter à mon avis quand on est dans un club professionnel, parce qu’il peut y avoir des changements au niveau de la direction, des changements d’entraîneur, parce qu’il faut établir une connexion avec tous les entraîneur du centre de formation pour les équipes jeunes… Il y a beaucoup de critères que, peut-être, parfois on oublie. Mon travail, aujourd’hui, il est simplifié, je suis plus serein. Ce que je fais, c’est moi qui le fais, c’est moi qui décide, alors bien sûr, j’ai mon président, mon directeur sportif, mon directeur général, mais j’ai les mains libres, je compose mon équipe, c’est le principal pour un entraîneur. Après, bien sûr, on a des contraintes aussi, mais des contraintes, il y en a partout. Et encore, j’ai la chance d’être dans un club, Aubagne, qui est, j’aime le dire, entre guillemets là encore, « amateur », mais qui se structure pour tendre vers le professionnalisme, avec des gens qui ont envie de faire les choses ensemble, d’avancer ensemble. Je sais très bien que, le jour où les résultats ne seront pas bons, je serai exposé, mais quoi qu’il en soit, les choses sont dites, et c’est transparent. J’adore travailler dans ce contexte.

« Je prends mon pied »

Photo Aubagne FC

Il y aurait moins de paramètres à gérer en « amateur » dans un club de National qu’avec des jeunes chez les pros ?
Non, il y en a autant, sinon plus, il y a même plus de travail, mais tout le travail que j’effectue, c’est pour mon équipe. C’est ça la différence. On va chercher du résultat. Coach d’une équipe Une, manager mon staff, manager mon équipe, avoir des relations avec le directoire, c’est là que je prends mon pied.

En signant à Aubagne, n’avez-vous pas l’impression de vous mettre en difficulté, de mettre en quelque sorte votre future carrière de coach en jeu si jamais les choses se passaient mal ?
C’est vrai que je suis un jeune entraîneur, mais je ne vois pas du tout les choses comme vous le dites. J’ai une faim de prouver. Prouver déjà aux personnes qui m’ont choisi qu’elles ont eu raison de me faire confiance. Et prouver à ceux qui avaient des arguments pour ne pas me choisir, ce que je pouvais certes entendre, qu’ils se trompaient, qu’ils auraient pu tenter le coup avec moi… Et puis j’ai besoin de me prouver aussi que « Je suis capable de », quelque soit le club où je suis. Cette saison, j’ai la chance d’être numéro 1 dans un club, en National, en début de saison, à moi de faire le travail pour être là en fin de saison, cela voudra dire que les choses se sont assez bien passées.

« À Châteauroux, je ne revendiquais rien »

Les supporters de l’AFC. Photo 13HF

Avez-vous digéré votre éviction de Châteauroux en juin 2023 ?
Je n’aime pas parler d’éviction, je parle de non-reconduction. Tout était possible. Je ne revendiquais rien. J’avais juste réussi un challenge : quand j’ai pris Châteauroux en cours de saison (il a remplacé Mathieu Chabert, dont il était l’adjoint, le 29 novembre 2022), on m’a demandé de maintenir l’équipe en National, chose qu’on a fait; à partir de ce moment-là, je pouvais continuer, maintenant, il y a eu des changements, ensuite World United (le propriétaire saoudien à l’époque) est parti, ils ont voulu repartir d’une page blanche. Et puis, j’étais content pour mon ami Olivier Saragaglia qui a pris la suite, d’ailleurs, je lui avais dit, « Vas-y » : « Olive » connaît la maison, il avait joué et travaillé à Châteauroux pas mal de temps. Après, peut-être qu’ils avaient envie de passer à autre chose, d’avoir des gens qui connaissaient bien le club, peut-être que j’étais trop exigeant sur certains trucs, mais quoi qu’il en soit, je suis content de leur maintien. La vie est comme ça. Je n’en veux à personne; la seule chose, c’est que l’on m’a annoncé ma non-reconduction un peu tardivement, du coup je suis arrivé tard sur le marché.

Vous allez retrouver en National des stades que vous connaissez bien, comme Bonal (Sochaux), Gaston-Petit (Châteauroux)…
Oui, c’est comme quand on est allé à Valenciennes lors de la première journée, j’ai revu des gens que j’avais côtoyés. Retourner dans des endroits où j’ai passé des moments formidables, c’est un plaisir, mais après, un match reste un match !

« C’est important d’avoir des joueurs du cru »

La joie après le succès face à Rouen. Photo AFC

Ce qui frappe dans votre équipe, c’est cette identité « marseillaise », avec beaucoup de joueurs de la région ou qui ont déjà joué au club ou dans la région (M’Dahoma, Rouai, Benhattab, Rocchia, Dali-Amar, Khatir, Nehari), etc.
C’est important d’avoir des joueurs du cru, qui connaissent l’atmosphère dans le sud, les enjeux, et aussi, c’est bien de s’appuyer sur des joueurs qui avaient connu le club avant, et d’autres qui ont connu le plus haut niveau. C’est important d’avoir des joueurs qui connaissent cette atmosphère « marseillaise ». Le travail qui a été fait par le club en matière de recrutement a été très bon : on a fait venir des joueurs qui connaissent le contexte et qui ont un niveau permettant d’élever le collectif, et ça, c’est bien.

Comment voyez-vous cette saison en National ?
Par rapport à ma saison avec Châteauroux, il y a deux ans, il a l ‘air un peu plus homogène, il est peut-être encore monté d’un cran en termes de niveau même si c’est trop tôt pour le dire, parce qu’on n’a joué que quatre matchs.

Aubagne, candidat déclaré… à la descente ?
Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent, nous on travaille de notre côté et on va faire le maximum pour faire mentir tout le monde !

« Il faut que l’on soit ambitieux dans le jeu »

Photo AFC

Face à Rouen et Versailles, vos joueurs sont revenus de loin : de tels scénarios ne pourront pas toujours se reproduire…
Comme j’ai dit à mes joueurs, que j’ai félicité, après le match de Versailles, on ne peut pas marquer trois buts à chaque fois, donc il faut que l’on arrive à concilier le travail défensif, qui a été bon sur les premiers matchs, un peu moins bon sur le match de Versailles, avec le travail offensif. Il faut que l’on trouve le juste milieu pour être bon défensivement et bon offensivement. C’est toute la complexité de notre travail au quotidien, mais je pense qu’on est sur la bonne voie. Le championnat, ça va être un marathon. On a correctement débuté, mais toutes les semaines, il faut remettre le bleu de chauffe et ne pas oublier les ingrédients indispensables dans un championnat de football de haut niveau, c’est à dire l’intensité et l’agressivité; sur ces plans-là, il faudra que l’on réponde présents chaque week-end, et après, le talent ressortira automatiquement, mais il faut d’abord penser à ça.

Vous dites que votre début de saison est « correct »…
Je n’aime pas employer le mot « moyen ». Pour moi, on fait un début correct compte tenu des points que l’on a pu prendre (5 points sur 12) et des prestations que l’on a livrées. Après, c’est vrai qu’en début de championnat, on aurait été content d’avoir 5 points en 4 matchs, mais il faut qu’on soit ambitieux dans le jeu, tout en conservant de l’humilité. Avec le collectif que l’on a, on doit être capable de faire beaucoup mieux. Il ne faut pas oublier que certaines équipes n’ont pas encore démarré leur championnat. À Valenciennes, on a fait un match intéressant, mais on est sorti avec des regrets. C’est le seul des quatre premiers matchs comme ça.

Positionnement, intelligence collective…

Photo La Berrichonne de Châteauroux.

C’est quoi la patte Flachez ?
J’ai un système préférentiel, déjà, c’est de jouer à 4 derrière, mais après, on est passé à 3 centraux comme contre Rouen, parce qu’il faut voir les forces de l’adversaire aussi, et parce que peut-être que c’était plus judicieux de jouer à 5, à ce moment-là. Je veux du jeu, qu’on soit bons dans nos transitions, qu’on reste un bloc équilibré. Mes joueurs arrivent à trouver une certaine liberté de jeu, une liberté qui ne peut se faire que si on a l’intelligence collective : je veux dire par là que, par exemple, comme je dis à mes joueurs, cela ne me dérange pas qu’à un moment donné, il y en a qui sorte de sa zone, mais il faut que la place soit compensée. Pour moi, le positionnement sur le terrain, c’est quelque chose d’important.

La succession de Mohamed Sadani, qui a réalisé un exploit colossal la saison passée, ce n’est pas trop compliqué ?
Non, on n’en parle pas, mais on s’en souvient. C’est très important de se souvenir de ce que les gens ont fait avant, donc l’accession en National, la saison passée, avec lui, son staff, son groupe, c’est vraiment quelque chose qui doit rester gravé dans la pierre. Pour moi, Sadani a participé à l’historie du club, à quelque chose de grand. Aujourd’hui, c’est à moi de bien faire le boulot pour bonifier tout le travail effectué avant, parce qu’on est tous de passage, un an, deux ans, trois ans, on ne sait pas… Comme je l’ai toujours dit, mon objectif, ce qui m’anime, c’est le projet club, et quoi qu’il se passe, je veux laisser quelque chose de positif à la sortie.

Maxence Flachez, du tac au tac

Photo La Berrichonne de Châteauroux.

Meilleur souvenir sportif ?
La victoire en coupe de la Ligue avec Sochaux en 2004.

Pire souvenir sportif ?
Franchement ? Je n’en ai pas. Il y a eu des moments difficiles parfois mais il n’y a pas de pires moments.

Pourquoi avez-vous fait du foot quand vous étiez petit ?
Parce que le terrain de football était en face de chez mes parents, que je voyais des grands jouer, et ça m’a donné envie de faire pareil, voilà ! J’ai commencé comme ça, à l’ES Manival, mais à l’époque, le club s’appelait l’AS Montbonnot, car après, il y a eu la fusion de plusieurs communes et c’est devenu l’ES Manival*, un club à 10 kilomètres de Grenoble environ.

Si vous n’aviez pas été footballeur ?
Je ne sais pas ! Je ne pensais qu’au foot.

Le stade Parsemain, à Fos. Photo 13HF

Vos qualités et défauts sur un terrain ?
Je voyais bien le jeu. Pour un défenseur central, j’avais les deux pieds, un bon jeu de tête, j’étais complet mais je manquais peut-être un peu de vitesse. Je n’étais pas lent mais pas très rapide non plus. Ma taille ? Non, non, ça ne m’a pas gêné du tout : avec Sochaux, j’ai affronté Jan Koller (2,02 m.) quand il jouait à Dortmund, en coupe d’Europe (saison 2002-2004), ça ne m’a pas dérangé !

Qualités et défauts dans la vie de tous les jours ?
je suis bienveillant, bien éduqué, après, je suis souvent impatient.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Oh il y en a eu beaucoup ! Toutes les saisons où on est monté de Ligue 2 en Ligue 1, avec Sochaux, Valenciennes, Grenoble, c’était énormément de plaisir, et puis avec Sochaux, on a terminé deux fois 5e, on a joué la coupe d’Europe, tout s’est enchaîné.

Le club où vous auriez rêvé de jouer dans vos rêves les plus fous ?
Quand j’étais jeune, c’était Barcelone, mais ne n’ai jamais vraiment été fan d’un club, même si petit, j’avais demandé le maillot de Barcelone, mais bon, un peu sans conviction !

Un modèle de joueur ? Une idole de jeunesse ?
Aucun, non.

Photo Philippe Le Brech.

Un coéquipier marquant ?
Il y en a eu pas mal, Samassi Abou à Lyon à l’époque, un talent phénoménal, il y a « Mika » Pagis aussi, qui n’a pas été reconnu comme il aurait dû l’être, Teddy Richert dans les cages aussi, pareil.

Le joueur avec lequel vous aviez le meilleur feeling sur le terrain ?
A Sochaux, avec toute la défense, Philippe Raschke, Omar Daf, Erwan Manach avant qu’il ne se blesse, Souleymane Diawara, tout était bien réglé entre nous !

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
Cela fait un petit moment que je n’ai pas vu Mika Pagis.

Un entraîneur perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
(sans hésiter) Jean Fernandez.

Un coach que vous n’avez pas forcément envie de revoir ?
(sans hésiter) Jean Tigana (rires).

Un président marquant ?
Oui, Jean-Claude Plessis à Sochaux.

Une causerie d’un coach marquante ?
Les causeries de Jean Fernandez étaient exceptionnelles. Avec lui, on avait envie de grimper au rideau !

Le footballeur le plus connu de votre répertoire ?
Je peux utiliser le joker ? J’ai peur de vexer !

Des passions ?
Ma famille et sinon, j’adore jouer au padel.

Vous étiez un défenseur plutôt…
Euh… Ce n’est pas évident, je n’aime pas parler de moi. Je dirais propre, je n’étais pas quelqu’un de méchant même si je mettais de l’agressivité, je n’abandonnais jamais, je ne lâchais jamais.

Vous êtes un entraîneur plutôt…
A l’écoute. Je pense être un entraîneur juste. Qui a ses idées. J’adore communiquer avec mes joueurs.

Le milieu du foot ?
Passionnant, compliqué et renversant.

*Le club regroupe 5 communes : Biviers, Saint-Ismier, Montbonnot-Saint-Martin, Saint-Nazaire-les-Eymes et Bernin.

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : 13HF

Photos : 13HF (sauf mentions spéciales)

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Supporter bordelais depuis son plus jeune âge, l’attaquant formé à Niort et passé par une dizaine de clubs de National et N2, était sur le point de signer en R1 quand le projet Marine et blanc s’est présenté. Il mesure la chance et le bonheur d’avoir rejoint cette institution du football français.

Par Anthony BOYER / Photos Girondins de Bordeaux (sauf mentions spéciales)

C’est à la fois le flop et le tube de l’été. Le flop, parce que les Girondins de Bordeaux, club historique du football français, six fois champion de France, quatre fois vainqueur de la coupe de France, trois fois vainqueur de la coupe de la Ligue, viennent de subir une double rétrogradation, de Ligue 2 en National puis de National en National 2. La faute à un déficit abyssal. Le tube de l’été parce que les médias se sont emparés du « phénomène », surfant sur une immense vague de sympathie autour de ces Girondins « new look », dont la plupart des joueurs, repartis en championnat samedi dernier avec quinze jours de retard sur tout le monde, sont des inconnus du grand public ! Pour eux, c’est la belle histoire, racontée chaque jour dans les journaux et sur les réseaux sociaux, comme un feuilleton !

« Je te propose de t’ouvrir les portes des Girondins »

Photo Girondins de Bordeaux

C’est la belle histoire aussi pour tous les joueurs qui ont rejoint le groupe N2/N3, puisque les deux sont, pour l’heure, indissociables, en attendant de nouvelles arrivées. En attendant d’y voir plus clair sur ce que souhaitent le nouveau coach, Bruno Irles, et son fidèle adjoint, Dado Prso. Une situation profitable à Jérémy Grain, contacté pour le groupe N3 mais titularisé samedi pour le premier match de N2, historique celui-là, des Girondins face à Poitiers (1-1).

Quelques jours avant de s’engager, le natif de Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne, était sur le point de rejoindre un club de Régional 1, l’Etoile Sportive de Boulazac, dans la proche banlieue de Périgueux (Dordogne) juste à côté de Trélissac, où il vient de passer deux saisons en N2. « Je n’avais rien, juste quelques touches comme ça, mais rien de concret, et puis…. »

Et puis il y a eu cette discussion avec Erwan Lannuzel, le coach de la réserve des Girondins en N3, passé par le banc de Bergerac en N2. « Je l’avais eu au téléphone et mon agent est entré en contact avec lui, raconte Jérémy, qui fêtera ses 30 ans le 21 octobre prochain; à l’époque, quand on s’est parlé, je ne savais même pas que l’équipe fanion allait être rétrogradé de Ligue 2 ! Je l’avais contacté pour la réserve, je me demandais s’il avait besoin de « cadres » pour son équipe en N3. Il cherchait des joueurs comme moi, sauf qu’avec la situation du club, il ne savait pas trop où il allait. Du coup, je n’ai pas eu de délai, il m’a dit de ne pas me bloquer, que si j’avais quelque chose, que j’y aille, mais je n’avais rien de concret. Et il m’a rappelé, il m’ a dit, « Ce que je te propose, c’est de t’ouvrir la porte des Girondins de Bordeaux, de rentrer dans l’institution, tu seras destiné à la National 3, après tu sais comment ça se passe, on ne sait pas ce qui peut arriver, si t’es bon, tu monteras avec la N2 ou si ça se trouve, tu resteras avec moi… »

« Je suis comme un enfant ! »

Photo GDB

Pour « Jérem », qui a beaucoup bourlingué (et parfois galéré) entre National et National 2 depuis 10 ans, et grand supporter des Girondins depuis son plus jeune âge, c’est une chance unique. « Je lui ai répondu que c’était une super opportunité qu’il m’offrait… Que j’allais la saisir à 200 %, sachant que les Girondins, c’est mon club de coeur ! Tout petit, j’allais voir les matchs à Bordeaux. Entrer dans l’institution, porter le maillot, c’est quelque chose de « ouf » ! Il m’a aussi dit, « Financièrement, on ne peut t’offrir « que ça » mais tu sais pourquoi tu viens ».

Ni une ni deux, l’ex-attaquant de, tenez-vous, la liste est longue, Niort, Fréjus, Boulogne-sur-Mer, Sedan, Virton (Belgique), Lyon-Duchère, Rouen, Bastia-Borgo, Le Puy et donc Trélissac, se rend lundi dernier à la plaine des sports du Haillan. « Je suis arrivé il y a une semaine (entretien réalisé mardi 3 septembre), sur la pointe des pieds. Le coach Erwan (Lannuzel) est là, il t’accueille à l’entrée, il te fait visiter un peu, et t’arrives dans la salle de soins, tu as un docteur, un kiné, un intendant, etc… Tout le monde se présente… Franchement, je suis comme un enfant. Je n’ai pas l’habitude de tout ça, et encore, le staff a diminué par rapport à l’an passé, quand ils étaient en Ligue 2. J’arrive de ma petite campagne, je trouvais ça limite démesuré, ce grand vestiaire… Des écrans partout, la salle de kiné est immense. Je n’étais pas à l’aise ! En fait, j’étais impressionné mais content à la fois, parce que ce que je vis depuis que je suis là, j’en rêvais depuis tout petit, c’est magnifique. »

« Irles-Prso, c’est ultra-pro »

Bruno Irles, debout devant son banc où l’on reconnaît Dado Prso à droite. Photo GDB

Le lendemain, le mardi, le nouveau staff est arrivé. Bruno Irles et Dado Prso. On ne les présente pas. Ils puent le professionnalisme et transpirent la compétence. « C’est ultra-pro, poursuit Jérémy Grain; tu sens qu’ils veulent vite apporter leur patte, qu’ils veulent mettre leurs principes en place. Ils demandent beaucoup d’intensité, c’est là où je vois la différence par rapport aux saisons précédentes. Ils sont très exigeants, sur la vidéo, sur des petits détails, sur le placement, mais ça t’aide vachement sur le terrain : en fait, tout est très clair, ils te montrent ce qu’ils attendent en vidéo et toi tu l’appliques. Quand on a préparé le match de Poitiers, le coach a montré les points faibles, mais vraiment dans le détail : il est très fort là-dessus. Et puis dans sa communication, il est bon. C’est un meneur d’hommes, il est bien avec le groupe. Et puis il y a Dado (Prso), et pour nous, les attaquants, d’être avec lui, on se régale… Les positionnements, les courses qu’on doit faire, les appels, il est toujours derrière nous. C’est top d’avoir un staff de avec cette expérience. J’avais eu Lilian Laslandes à Niort pour le spécifique attaquant. Ces mecs-là, on les écoute. Pour l’instant, on s’entraîne tous ensemble, groupe N2 et N3. Ensuite, la réserve est destinée à aller sur le terrain d’à côté. Mais là, comme on est mélangé, on s’entraîne sur le camp de base des pros, à La Plaine. C’est exceptionnel, les terrains sont au millimètre, la pelouse est magnifique, tu ne peux pas rater un contrôle. »

« Je n’avais pas l’habitude de recevoir autant de messages »

Photo GDB

Jérémy, qui habite encore dans son petit village de Dordogne, à deux heures de route de Bordeaux, a dû laisser son épouse Ophélie et ses deux enfants, Lyam (9 ans) et Ilyan (5 ans), en attendant de trouver un nouveau pied à terre et de pouvoir les emmener avec lui. « Je ne compte plus les déménagements ! Là, je suis à Bordeaux la semaine, je cherche un logement, mais la conjoncture est compliqué ici. »

Médiatiquement, « Jerem », qui a tapé ses premiers ballons à l’école de foot à Fumel (Lot-et-Garonne) jusqu’en benjamins, avant de rejoindre Agen jusqu’en moins de 17 ans et de passer 5 ans à Niort (centre de formation et pro), est passé dans une autre dimension, même s’il avoue ne pas trop faire attention à ça : « En fait, ce qui me fait bizarre, c’est que tous les gens m’ont vu, parce le match face à Poitiers a été télévisé et je suis passé en photo sur les réseaux sociaux, mais moi, pendant le match, les caméras, je ne les calcule pas. Je suis là pour jouer, me donner, mouiller le maillot. Ce qui me bizarre aussi, ce sont tous les messages que je reçois, je n’avais pas l’habitude de ça. Là, j’ai mis les pieds dans un club où, dès que tu postes quelque chose sur les réseaux, c’est vu par des milliers de personnes. À Trélissac, évidemment, tu n’avais pas cette ferveur. Quand on est arrivé au match contre Poitiers, il y avait un millier de supporters qui nous attendait ! J’ai eu des frissons, même quand un groupe de 150 supporters est venu à l’entraînement… Ils nous ont parlé, j’avais envie « d’arracher » tout le monde, c’est exceptionnel ! Moi, c’est ça qui m’anime ! C’est de jouer dans des stades où il y a de la ferveur, un peu comme à Virton ou à Sedan, où on sentait l’engouement. Ce qui m’arrive, c’est une chance exceptionnelle. Là, j’ai hâte de jouer devant les supporters bordelais (le match face à Poitiers était à huis-clos).« 

Déjà passeur décisif contre Poitiers

Photo 13HF

Pour leur premier match officiel de la saison en National 2, trois jours seulement après la première séance dirigée par le nouveau staff, les Girondins ont arraché le match nul – à huis-clos – au bout du temps additionnel, sur un but de la tête du gardien Lassana Diabaté (!), après un coup franc de … Jérémy (1-1) ! « On n’a pas pu faire de miracle. On a quand même plus travaillé le secteur défensif, pour que l’on soit bien en bloc, compact, et qu’on puisse « exploser ». On savait que, offensivement, on risquait d’être cuits. Et puis le coach nous a rassurés, il nous avait dit qu’il nous jugerait surtout sur l’état d’esprit et l’envie de mouiller le maillot et là, on a tous répondu présents parce qu’on était cuit à la fin du match ! Je pense que les supporters sont contents de voir des mecs investis et de se battre pour ce club, même en National 2. »

Et puis, quelque part, Jérémy est entré dans la légende du club : « Ce onze de départ-là, contre Poitiers, il va rester dans les annales, parce que c’est la première équipe alignée à la reconstruction du club. Elle restera dans l’histoire et elle est d’autant plus historique que c’est le gardien qui égalise à la fin ! Faire partie du 11, pour moi, c’était déjà exceptionnel, et en plus faire la passe décisive sur le coup franc de l’égalisation, alors là ! C’est encore plus gratifiant, mais maintenant, il faut confirmer chaque week-end. »

  • Vidéo : le but de l’égalisation bordelaise sur un coup franc de Jérémy Grain :

« Je suis obligé d’être à fond aux séances »

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Et l’avenir, maintenant qu’il a goûté à l’équipe Une ? « J’étais prédestiné à jouer en N3. J’ai joué avec la N2, c’est une belle surprise. Bruno Irles me connaît, il sait que je n’ai jamais joué en N3, j’ai joué contre lui avec La Duchère quand il était à Pau, j’étais aussi au FC Rouen quand il était entraîneur à Quevilly Rouen, je le croisais, on se saluait, j’avais joué aussi contre lui en coupe de France. Là, j’avais fait une bonne semaine avant Poitiers, j’ai été décisif au match, même si physiquement cela a été compliqué, mais j’ai montré un état d’esprit. »

Jérémy le sait, le groupe N2 est encore amené à évoluer : « Ce qui est délicat, c’est qu’il y a le groupe qui est destiné à la National 2, où ils sont 7 ou 8 joueurs, et le groupe de National 3, où on est 25. Normalement, ça devrait être l’inverse. Du coup, on ne sait pas si on est destiné à aller en N2 ou en N3, même si on fait partie du groupe, parce qu’on sait que des joueurs vont encore arriver pour jouer en N2. Il y a un peu d’incertitude. C’est pour ça aussi que je ne peux pas m’entraîner à 20 % ou gérer mes séances, je suis obligé d’être à fond aux entraînements pour prouver, parce que je me dis que si je ne suis pas à 100 % la semaine, le coach ne va pas me prendre. » Parole de soldat !

Jérémy Grain, du tac au tac

Photo GDB.

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en D2 belge avec Virton.

Pire souvenir sportif ?
Ma dernière saison à Trélissac, avec la descente en National 3.

Combien de buts marqués ?
Je ne sais pas. En championnat, une vingtaine (près d’une trentaine, Ndlr), mais je ne les compte pas. Je compte plutôt mes passes décisives.

Combien de passes dé ?
Euh….. J’ai le chiffre sur mon CV….

Plus beau but ?
C’est mon premier but en National avec Fréjus, le jour de la naissance de mon premier fils, Lyam, et c’était mon premier match avec le club, parce que je venais juste d’arriver en prêt de Niort.

As-tu déjà marqué contre ton camp ?
Non.

Combien de cartons rouges ?
Un avec Bastia-Borgo, un avec Lyon Duchère, j’avais mis un tacle par derrière. Deux je crois, des rouges directs.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Le foot, c’est de famille. C’est ma passion. J’ai ça dans le sang depuis tout petit. C’est mon grand-père puis mon père qui m’ont transmis ça. Je voyais souvent mon grand frère jouer au foot, et voilà. J’ai grandi avec un ballon dans les mains. Mon père n’a pas eu une grosse carrière, il jouait dans le Lot, à Montcabrier, une petite bourgade. Mon frère n’a pas percé non plus, il avait des qualités, il jouait dans le coin, vers Fumel.

Ton geste technique préféré ?
C’est donner des passes décisives.

La joie après l’égalisation dans le temps additionnel face à Poitiers. Photo GDB.

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Mes qualités, c’est la qualité de passe, la vision du jeu, la vista, mes défauts, c’est un peu la capacité athlétique, je fais les efforts, mais courir très longtemps parfois je pêche, et mon jeu de tête aussi, c’est compliqué. Mais je suis un soldat, un vaillant, un guerrier.

Que t’a-t-il manqué pour être un joueur de Ligue 2 ?
Le bon coach au bon moment.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Virton. Sans hésitation.

Le club où tu as failli signer (tu peux le dire maintenant, il y a prescription) ?
Laval. C’était quand j’étais à Lyon Duchère, en 2018. Je m’étais dit d’accord avec le club, j’avais eu le président au téléphone, ils m’ont dit « On t’envoie le contrat » et après ça, plus de son plus d’image… Ils ont pris Moussa Sao à ma place, parce que j’étais le deuxième choix. Au final, ils m’ont mis une carotte. Je n’ai jamais su pourquoi.

Le match face à Poitiers, samedi dernier, a été retransmis en direct sur TV7 Sud-ouest.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Les Girondins de Bordeaux !

L’erreur de casting de ta carrière ?
À Boulogne, j’avais signé deux ans de contrat, mais au bout d’un an, je suis parti, parce qu’on me dit « Voilà, le nouveau coach qui arrive, il ne souhaite pas te conserver » et je n’ai même pas eu de discussion avec lui, donc au final, le choix de ne pas avoir échanger avec lui, de ne pas connaître la situation, et de partir comme ça, sur un coup de tête, je le regrette, parce que j’aurais dû rester et montrer ce que je savais faire, que j’allais inverser la tendance. J’ai choisi la solution de faciliter. Si ça se trouve, il n’a donné aucun avis sur mon, parce que moi, je n’ai eu affaire qu’au directeur sportif de l’époque (Aurélien Capoue), et il m’as dit « le coach ne compte pas sur toi ». C’est pour ça, quand j’ai eu le coach Frapolli à Laval, je lui ai parlé de cette histoire, et il m’a dit qu’il n’était pas au courant. Après voilà… J’aurais pu faire une année de plus à Boulogne.

Le meilleur match de ta carrière ?
C’est quand j’ai mis un quintuplé avec la réserve de Niort, contre Royan. La semaine suivante, j’étais monté en Ligue 2.

Sous le maillot du FC Trélissac. Photo Trélissac AFC.

Le pire match de ta carrière ?
C’est récemment, avec Trélissac, toute la saison, je n’ai pas pris de plaisir. Une saison galère.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Le stade Bauer, au Red Star.

Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un, mais tu as droit à deux ou trois) ?
Bayal Sall, à Lyon Duchère, et John Utaka à Sedan.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling dans le jeu ?
Waouh ! Y’en a tellement ! Je dirais Quentin Daubin, à Niort (ex-Pau et Caen, aujourd’hui à Gaziantep, en Turquie).

Combien d’amis dans le football ?
Vraiment ? Dix-douze. J’ai fait pas mal de clubs donc j’en ai gardé un dans chaque club, avec qui on échangé régulièrement.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?
Ernest Seka, quand il jouait en National, à Strasbourg, je l’avais affronté avec Fréjus. Après, en coupe de France, contre des équipes de niveau supérieur, j’ai affronté des bons joueurs.

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Le joueur qui t’a posé le plus de problèmes ?
C’était en jeunes, Léo Dubois.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Non, parce que dans tous les clubs où je suis passé, j’ai toujours gardé au moins un contact.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Je ne l’ai pas perdu de vue, car je suis toujours en contact avec lui, c’est Jean-Philippe Faure, à Niort.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
(sans hésiter) David Giguel.

Un président ou un dirigeant marquant ?
Flavio Becca à Virton.

Une causerie de coach marquante ?
Celles de Nicolas Usai, à Sedan, donnaient des frissons, il sait trouver la motivation. Un vrai meneur d’hommes.

Une appli mobile ?
Snapchat.

Sous le maillot du FC Trélissac. Photo Trélissac AFC

Une ville, un pays ?
Bordeaux et l’Espagne.

Le joueur le plus connu de ton répertoire, c’est qui ?
Aymeric Laporte.

Un plat, une boisson ?
Les lasagnes et de l’eau pétillante.

Dernier match que tu as regardé à la télé ?
C’est Toulouse-Marseille dimanche dernier (1-4).

Dernier match auquel tu as assisté dans les tribunes ?
C’est Bordeaux-Caen, en Ligue 2, la saison passée… sans me douter que, quelques mois plus tard, je porterais le maillot des Girondins…

Des rituels, des tocs, des manies ?
Le même caleçon.

Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu es un joueur plutôt …
Altruiste !

Photo GDB

Un attaquant de légende ?
Karim Benzema. Il fait le jeu, il est toujours disponible, il se met au service du collectif.

Une idole de jeunesse ?
Zidane.

Un modèle de joueur ?
Dimitri Payet. J’aime ce style de joueur, qui donne des bonnes passes, qui fait la différence, bon dans les petits espaces, qui ne va pas forcément très vite. Valbuena aussi. Je me reconnais un peu dans ces profils de joueurs.

Ta plus grande fierté ?
C’est de porter le maillot de mon club de coeur, les Girondins de Bordeaux. Cela ne peut pas être mieux pour moi à l’heure actuelle.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Le foot, c’est à la fois très collectif et très individuel. Les gens ne pensent qu’à soi, et moi, je ne suis pas comme ça, je suis plus quelqu’un qui donne, et malheureusement, dans le foot, il n’y a pas trop de place pour des gens comme ça. C’est peut-être aussi ce qui m’a fait défaut à un moment donné, je n’ai pas pensé à moi. C’est un mon de requins, un monde égoïste.

Jérémy Grain, club par club

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Niort (2010-15, formation, réserve, L2). « C’est un de mes meilleurs souvenirs. J’y ai passé cinq merveilleuses années, j’ai rencontré Ophélie, mon épouse, j’ai eu mon premier petit, Lyam, qui est né à Niort, et sportivement, j’ai découvert un peu le monde pro avec d’autre joueurs du centre; je suis toujours en contact avec eux. On était un socle, une famille. Je sais que je les reverrai dans quelques années. Et puis c’est à Niort que j’ai signé mon premier contrat pro et en termes de stats’, j’étais exceptionnel en réserve. C’est juste le choix du coach : je n’entrais pas dans les plans de Régis Brouard, ni dans ceux de Karim Fradin. Récemment, je voulais revenir au club, avant de signer à Bordeaux, pour aider, mais ils ne savaient pas trop où ils allaient sportivement, mais même en Régional 1, j’y serais allé, ma belle-famille est installée à Niort, mais Bordeaux m’a appelé… »

Fréjus/St-Raphaël (déc. 2015 – 16, National). « Je suis prêté six mois en National, c’était du kiff ! J’arrive et au bout d’une semaine, je suis propulsé sur le devant de la scène, je suis obligé de jouer « entre guillemets » parce que le club est relégable, il y avait des attentes autour de moi, je marque pour mon premier match contre Chambly, le jour de la naissance de mon petit, le 18 décembre 2015, et après, je fais une bonne saison, ça s’est bien passé, même si on n’a pas réussi à se maintenir. Mais en termes de stats et de temps de jeu, pour moi, c’était bien. »

Boulogne (2016-17, National). « Au début ça se passait bien, puis je me suis blessé et quand je suis revenu, Antoine Leautey avait pris ma place, c’est le foot. Il a performé. Cela a été compliqué de revenir. J’ai quand même joué près de 25 matchs, c’est juste que j’ai eu beaucoup de pépins physiques là-bas. »

Avec l’entraîneur adjoint, Ddo Prso.

Sedan (2017-18, N2). « Je descends d’un échelon, en N2. Un souvenir exceptionnel. La ferveur. Un club mythique, avec une identité forte. On s’entraîne devant des supporters nombreux et puis un super coach, Nicolas Usaï, qui me fait confiance et me donne les clés du camion. J’ai fait une belle saison, j’ai donné 10 ou 11 passés décisives, je finis 3e meilleurs joueur élu par les supporters derrière Demba Thiam et Axel Maraval. C’était une saison aboutie. Mon deuxième enfant est né à côté, à Charleville. »

Virton (2018-19, D3 Belge). « J’avais signé un an à Sedan et j’ai cette opportunité, en D3 Belge, parce que l’adjoint à Sedan est allé là-bas, il m’a emmené avec lui. J’ai découvert un nouveau championnat, une nouvelle culture, un nouveau football. Je ne savais pas trop où je mettais les pieds. Ce fut une belle surprise. C’était exceptionnel. On avait une grosse équipe, on a fait une grosse saison, on est monté en D2. En fait, cela me rappelle un peu ce que je vis là avec Bordeaux, où on est nombreux, parce qu’à Virton, on était 40 joueurs, et sur 40, et donc plein de joueurs restaient sur le carreau le soir des matchs, et moi, j’ai fait 33 matchs sur 35, un truc comme ça. Dont 29 titulaires. J’ai fini meilleur passeur du championnat. Le président voulait racheter Kaiserslautern en Allemagne, il m’en parle, il veut m’emmener avec lui, je me dis que j’ai tout gagné, mais un nouveau coach arrive et il prend son 11 de départ de Dudelange, et change tout. Du coup, je suis viré. Encore une nouvelle désillusion. »

Lyon-Duchère (2019-20, National). « Je retrouve le National, dans un club à part; ça manquait de professionnalisme et, surtout, ce qui m’a frappé, c’est qu’il n’y avait pas de cadre, alors que j’avais connu des clubs avec un cadre. Mais il y avait un côté très familial et une bonne ambiance, on avait une grosse équipe. Le coach Laurent Roussey me faisait confiance, son adjoint, Ghislain Anselmini, m’a appris beaucoup de choses aussi, d’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui, il ne m’a jamais lâché, on a une belle relation. On a fini 5e, il y a eu la Covid, c’est la saison où Pau, avec Bruno Irles, est monté en Ligue 2, avec Dunkerque. Et puis à partir de là, ma carrière à basculé… »

Rouen (2020-21, N2). « Une saison blanche en N2 à cause de la Covid. Mentalement, ça m’a épuisé, et le coach, David Giguel, m’a lessivé. Il était trop derrière nous, comme des enfants, et ça, je l’ai mal supporté. Ils ne nous lâchaient pas. C’était une gestion particulière, j’ai l’impression qu’avec lui, c’était « marche ou crève », mais moi, j’ai besoin d’avoir une relation de proximité avec un coach, et avec lui, je n’avais pas ça. »

Bastia-Borgo (2021 – Janv. 22, National). « Je suis content, parce que je retrouve le National, alors que je sortais d’une saison blanche à Rouen. Il est 19h, je suis aux toilettes, je vois le téléphone qui sonne, je ne décroche pas; j’écoute le message, « Bonjour c’est Antoine Emmanuelli, le président de Bastia-Borgo… » et là, je suis comme un fou. « Il me dit qu’Albert Cartier, le coach, va m’appeler… » Moi, Albert Cartier, je le voyais en 3D ! J’échange avec Cartier, ça s’est super bien passé, je me dis « Je vais faire mes valises » alors que j’avais encore deux ans de contrat à Rouen, mais c’était l’opportunité de me relancer en National, je n’avais rien à perdre. Mais bon… J’étais installé dans un logement de vacances, j’avais mes affaires personnelles dans un box, mes enfants ont mis trois mois avant de me rejoindre, c’était long. En fait, c’est compliqué d’être performant sur le terrain si tu n’as pas ton équilibre de vie, ton équilibre familial. J’ai bien commencé mais j’ai pris carton rouge, puis je me suis blessé, et le coach s’est fait virer en décembre. Quand Stéphane Rossi est arrivé, je ne faisais pas partie de ses plans. Et je pars au Puy. »

Le Puy (Janv 2022 – Janv. 23, N2 puis National). « Je me dis, « encore National, National 2, National, National 2″, je n’arrête pas de faire le yoyo. J’arrive, le club est 8e en N2, j’ai du mal à me faire à l’idée que je vais quitter le soleil pour habiter au Puy, c’était compliqué, et j’ai eu du mal au début, c’était beaucoup mieux vers la fin, et en plus, on monte en National à la dernière seconde contre Colomiers : un de mes meilleurs souvenirs. On avait un groupe exceptionnel. Les joueurs de Bergerac sont sur leur terrain avec leur téléphone, ils attendent notre résultat, c’est eux qui montent en National… et puis on marque à la dernière seconde sur penalty ! Et on monte. Sur le plan émotionnel, c’était exceptionnel. Et la saison d’après, je ne rentre plus dans les plans de Roland Vieira, le coach. Et je pars à Trélissac. »

Trélissac (Janv 2023 – 2024, N2). « Là aussi, j’arrive, j’ai mis du temps à me mettre en route, je ne jouais pas depuis 6 mois, en fait, moi, ça a toujours été ça : partout, quand je suis arrivé, j’étais obligé de prouver, je fais beaucoup d’efforts et physiquement, je craque, je me blesse, le corps lâche, et c’est dur de devenir : à la fin de la première saison, j’avais fini en boulet de canon à Trélissac mais la saison dernière fut la saison de trop. Mentalement, j’ai pensé arrêter. Et là, Bordeaux qui t’appelle… »

  • Championnat National 2 (journée 4) – Samedi 7 septembre 2024 : Dinan-Léhon – FC Girondins de Bordeaux, à 18h
  • Le match est  suivre en direct sur TV7 Sud-Ouest : https://www.sudouest.fr/lachainetv7/

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photo de couverture : 13HF

Photos : GDB (sauf mentions spéciales)

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Le nouvel entraîneur de l’AS Furiani Agliani évoque son parcours et raconte son arrivée sur l’île de beauté l’été dernier, qu’il doit bien sûr à ses résultats sportifs avec Mâcon notamment, mais aussi à une drôle d’histoire de bus…

Par Anthony BOYER

Sur le banc de Furiani, lors de la journée 1, face à Thionville. Photo René Casamatta / ASFA

C’est une histoire de destin. Ou de bonne étoile. C’est une histoire qui, une fois racontée, mène vers une autre histoire, puis vers une autre, puis… Une histoire sans fin.

En fait, c’est l’histoire d’un bus. Celui de l’équipe de football de Mâcon. Qui un soir de match de N2 à l’AS Furiani Agliani, un soir d’après-match même, en octobre dernier, ne peut pas repartir, la faute à une voiture mal garée, qui bloque le passage.

Prendre son mal en patience. Discuter. Rencontrer. Cela tombe bien, Romain Paturel (39 ans), le coach des Bourguignons à l’époque, est dans le partage et l’échange. Habituellement, les équipes n’aiment pas trop s’attarder après une rencontre, a fortiori après une défaite (ce soir-là, Mâcon avait perdu 2 à 0).

Là, c’est l’occasion de prendre le temps, de découvrir. Avec Patrick Videira, le coach de Furiani (aujourd’hui au Mans, en National), le dialogue s’installe. Avec les dirigeants bastiais aussi. Dans le football moderne, le temps est compté. L’on n’en a jamais assez. Cette fois, le temps est mis à profit, en attendant que cette voiture ne s’en aille et ne libère le passage…

Sans ce bus, qui sait si Romain Paturel, qui n’avait quasiment jamais évoqué cet épisode, serait entraîneur de Furiani aujourd’hui ? On peut pousser le bouchon un peu plus loin. Sans la descente – mathématique – de Villefranche de National en N2 en mai dernier (il fut adjoint d’Alain Pochat pour les dix derniers matchs de la saison)*, il est probable que le natif de Lyon serait encore là-bas.

« Avec des si… »

Remontons encore un peu plus le cours de l’histoire. Sans une douloureuse éviction de l’UF Mâconnais, début janvier de cette année, le coach n’aurait jamais signé chez le voisin caladois, presque dans la foulée…

C’est fou, non ? C’est fou de voir la manière dont le destin de cet ancien défenseur central (jusqu’en DH) à l’AS Misérieux-Trévoux, dans l’Ain, s’est écrit. Comme si tout ce qui s’était produit en relevait, même si, derrière cela, il y a aussi un travail acharné, couronné de nombreux succès : 4 accessions sur les 6 dernières saisons écoulées, et des talents révélés.
C’est peut-être aussi le destin qui a fait se rencontrer Romain Paturel, papa de deux enfants de 7 et 8 ans, et celle qui allait devenir son épouse, à l’AS Misérieux-Trévoux, quand il avait 18 ans. Imaginez qu’il n’ait jamais signé dans ce club. Avec des si…

Interview

« Je suis convaincu que les choses arrivent pour une bonne raison »

Photo ASFA

Romain, quel a été votre parcours de joueur ?
J’ai joué jusqu’au niveau DH, avec l’AS Misérieux-Trévoux, un club où je suis resté 18 ans; avant cela, j’étais dans le club de la la ville où j’ai grandi, à Villars-les-Dombes. c’est connu pour son « Parc des Oiseaux », dans la Dombes, dans l’Ain. J’y suis resté jusqu’à 15 ans.

D’où vient cette vocation d’entraîneur ?
J’ai commencé à entraîner assez jeune. D’abord, j’étais éducateur chez les tout-petits quand j’avais 16 ans, donc c’était quelque chose qui m’a plus très vite. J’ai passé mes diplômes dès que j’étais en âge de les passer, et à 20 ans, j’ai obtenu mon brevet d’état. J’ai entraîné toutes les catégories de jeunes à Misérieux et je jouais en même temps en seniors, j’étais défenseur central. À 27 ans, j’ai bifurqué vers l’entraînement des seniors et c’est là que j’ai arrêté de jouer. Je suis resté coach pendant 5 ans en DH à Misérieux puis j’ai passé et obtenu mon DES en même temps (diplôme permettant d’entraîneur jusqu’en National 2). La vocation est venue très tôt.

La suite de votre parcours vous a emmené à Bourg et à Rumilly, c’est ça ?
Oui, j’ai eu les U19 à Bourg (FBBP 01), on est monté en championnat de France. J’ai eu la chance aussi de détecter des joueurs à potentiel et de les accompagner à mon échelle vers le monde professionnel comme Amine El Ouazzani (actuellement à Braga) ou Malcom Bokélé (actuellement à Göztepe, en Turquie, et passé par les Girondins de Bordeaux). Puis j’ai eu les seniors II à Rumilly où j’étais également responsable technique du club en parallèle. Puis je suis allé à l’UF Mâconnais, où j’étais là aussi responsable technique, où on a développé un projet de club, et j’ai eu la charge des seniors Régional 1 et on est monté jusqu’en National 2, en deux ans. Et enfin, il y a eu ces 3 derniers mois de la saison passée avec Alain Pochat à Villefranche-Beaujolais, en National.

Cette vocation, elle est venue comment ?
Je n’avais pas de grosses qualités de joueur, si ce n’est celle d’analyser assez bien ce qui se passait sur le terrain et de le transmettre à mes coéquipiers si besoin; c’était ça ma qualité première. Observer ce qui se passait, transmettre aux autres, ça m’a toujours intéressé. J’étais tourné vers ça. Très vite, j’ai senti que je ne pourrais pas être joueur professionnel, et puis, quand je suis arrivé à Misérieux, à mon époque il n’y a avait pas encore tous ces contrats d’apprentissage que l’on voit maintenant, ce n’était pas simple, mais j’ai eu l’opportunité de passer mes diplômes. Je sentais que c’était quelque chose qui me motivait : la compétition avec les jeunes, la proximité avec les gens, les échanges, les partages des émotions, la gestion d’un groupe, je sentais que toutes ces choses-là, qui font que je continue de faire ce métier aujourd’hui, me correspondaient assez bien, que c’est tout cela qui m’animait.

Vous êtes donc un autodidacte…
Il a fallu apprendre, se construire, même si je continue d’apprendre. Avoir cette adrénaline-là, avoir un rôle différent, c’est quelque chose qui m’emballait; et puis faire évoluer le comportement des joueurs, les faire progresser, les amener à vouloir partager le projet qu’on met en place, ce sont des éléments importants pour moi. Tout cela m’a amené à continuer dans cette voie. Et puis j’ai eu les opportunités qui m’ont permis de le faire, notamment au club de l’AS Misérieux-Trévoux, alors que j’étais tout jeune. J’avais 27 ans quand j’ai pris les seniors, et à partir de ce moment-là, j’ai arrêté de jouer. Et puis ça s’est enchainé.

Quel type d’entraîneur êtes-vous ?
Je suis un entraîneur qui échange beaucoup avec les personnes de l’entourage, les joueurs, les dirigeants, le staff, afin d’ avoir un maximum d’éléments sur le contexte, l’environnement autour du groupe. J’ai des idées bien précises sur ce que je veux que l’équipe soit capable de produire : nous devons imposer ce que nous voulons faire sur le terrain, en étant acteur et entreprenant. J’aime faire évoluer mon équipe dans un projet de jeu ambitieux avec une certaine maîtrise pour poser des difficultés aux adversaires. J’aime donner beaucoup de liberté aux joueurs pour ne pas les inhiber dans la prise de décision, ce qui permet notamment aux plus créatifs de pouvoir s’épanouir et de déstabiliser les adversaires. Je suis convaincu qu’un groupe peut réussir de bonnes choses quand la notion de plaisir se retrouve au centre de la pratique, que ce soit plaisir de faire des efforts, d’évoluer ensemble, d’utiliser le ballon, de marquer des buts, mais aussi de défendre collectivement. Pour mettre en place tous ces éléments, il faut bien évidemment avoir le ballon le plus possible, et utiliser des espaces à des endroits précis du terrain pour gagner en efficacité offensivement.
J’aime observer les équipes d’Arteta ou Guardiola, mais je m’inspire aussi beaucoup du management des coachs et de ce point de vue-là, Ancelotti est le meilleur exemple selon moi. Je n’ai pas de système préféré que qu’il soit, l’animation est prioritaire, nous devons occuper des positions pour en libérer d’autres et créer des décalages par le travail collectif et le jeu de passes.

Forcément, vous avez dû garder des liens forts avec le club de Misérieux-Trévoux…
Oui, et puis c’est le club où j’ai rencontré ma femme, où j’y ai mes amis d’enfance. Récemment, j’ai beaucoup de copains qui sont venus me faire un coucou en Corse. Ils sont ravis pour moi et puis ils ont pu découvrir l’ïle. L’AS Misérieux-Trévoux a fait une publication sympa sur moi aussi dernièrement… C’est l’endroit où j’ai grandi, où j’ai fait un long passage.

La Corse, vous connaissiez ?
Non. J’étais juste venu deux jours pour les 35 ans de mon épousé, près d’Ajaccio, sinon je connaissais très peu.

« J’accorde beaucoup d’importance aux relations humaines »

Quand on reprend le fil de votre carrière, on a vraiment l’impression que le destin vous suit… Il y a vraiment quelque chose de « philosophique », qui relève presque du mysticisme, dans votre parcours…
Vous avez mis le doigt sur un trait de ma personnalité. Je suis convaincu que les choses arrivent pour une bonne raison. Quand je suis dans un projet, j’ai toujours pour ambition que le club dans son ensemble soit mieux quand je pars que lorsque j’arrive, au niveau sportif et au niveau structurel aussi. Bien sûr, il y a toujours mieux ailleurs, j’ai pour habitude de dire qu’il arrive de bonnes choses aux bonnes personnes, avec toute l’humilité que je me dois d’avoir. J’essaie d’être une bonne personne, j’essaie d’être le meilleur possible, avec mes proches, avec les personnes avec lesquelles je travaille, avec mes amis. Alors en effet, j’ai la chance que cela se passe toujours bien, mais en même temps, j’entretiens toujours cette volonté là : quand j’ai eu des périodes plus dures, comme j’en ai connues récemment à Mâcon, je sais que c’est pour une bonne raison, je sais qu’il va y avoir quelque chose de mieux ou de différent. Je sais que ma famille et moi, parce que j’associe toujours ma famille à mon parcours de vie, on y retrouvera toujours notre compte. J’accorde beaucoup d’importance aux relations avec les personnes, plus même qu’à l’aspect purement professionnel de notre travail, parce que je pense que c’est ce qui nous nourrit et nous enrichit le plus. Cela colle aussi avec ma façon de manager les joueurs : je pense qu’avant d’entraîner des joueurs, il faut connaître les hommes afin de gagner en efficacité et adapter son management. Je suis convaincu que cette manière d’être amène cet enchaînement de bonnes choses : regardez, je me suis fait « arrêter » à Mâcon et j’ai rebondi à Villefranche en National à 10 kilomètres de chez moi pour un challenge hyper-excitant, avec Alain Pochat, un coach que j’apprécie et que je continue d’apprécier, un passionné et quelqu’un d’entraînant. Et avec des gens que je connaissais depuis 15 ans parce que Villefranche, c’est à côté de chez moi. Et puis il y a eu ce match Furiani-Macon…

Oui ?
On perd à Furiani au match aller, avec Mâcon, en N2, contre une très bonne équipe, et puis, au moment de partir avec le bus, il y a une voiture qui nous bloque. Du coup, ça traîne, on reste une heure et demie bloqué, et là, on prend le temps de discuter avec le coach adverse (Patrick Videira), avec son adjoint (Cédrik Ramos), avec les dirigeants du club de Furiani… et tout ceci m’amène là. Je crois vraiment en ça, et je vais continuer d’y croire.

« Depuis 6 ans, j’ai gagné 75 % de mes matchs »

L’équipe de l’AS Furiani Agliani a remporté deux de ses trois premiers matchs de championnat en N2. Photo ASFA

Il y a comme une sortie de destin…
Bien sûr, mais il n’y a pas que ça ! Il faut travailler dur, avoir des résultats : là, j’en suis à quatre montées sur les six dernières saisons, avec les U19 du FBBP 01 (en championnat de France), la réserve de Rumilly (de R2 en R1), et avec Mâcon (de Régional 1 en National 2, en deux ans). Les équipes que j’ai dirigées ont gagné plus de 75 % des matchs sur ces 6 dernières années. Mais je crois aussi aux instants à vivre et à partager qui nous amène à rencontrer des personnes de qualité, avec qui j’ai plaisir à échanger. L’histoire du bus, je ne la raconte pas souvent, il y a peu de personnes qui sont au courant de cela.

Sous le maillot de l’UF Mâconnais. Photo UFM

Patrick Videira a donc joué un rôle dans votre venue ? Et prendre sa succession, quand on sait le travail qu’il a réalisé à Furiani, n’est-ce pas compliqué ?
Je ne sais pas si, sans Patrick, je serais quand même venu ou pas. En fin de saison dernière, j’étais en contact avec des clubs de National 2 et de National 3 sur le continent quand l’intérêt de Furiani est arrivé; à ce moment-là, mon nom circulait dans certains clubs. Et à la suite d’un échange avec Patrick, il m’a demandé mon CV et l’a transmis au club. Ce qui est certain, c’est que sans Patrick, à mon sens, il n’y aurait pas eu cette proximité dans mes relations avec les dirigeants, qui s’est faite via son avis. Avec Patrick, on n’a jamais évoqué le sujet. Il m’a simplement dit qu’il allait faire passer mon CV, mais après, je ne sais pas comment ça s’est passé, je ne sais pas ce qu’il leur a dit. Mais je pense que cela aurait été très compliqué s’il n’était pas intervenu, ça oui. Ensuite, par rapport à l’héritage de Patrick, ce que je peux dire, c’est que c’est très rare de passer après un coach dont le passage a été très réussi dans son club. En plus, un long passage de 6 ans, réussi, parce que ce que Furiani a réalisé en matière de structuration, d’énergie déployée dans la mise en oeuvre de la réussite du projet, c’est exceptionnel. Moi, je découvre ça au quotidien et c’est tout à leur honneur, cela montre aussi pourquoi ils ont réussi. Après, est-ce que c’est difficile de prendre sa succession ? Non, parce qu’on est différent, notamment dans nos tempéraments, même si on a des similitudes dans certains aspects du jeu. Il a fallu aussi communiquer avec les dirigeants, les joueurs, le staff, pour qu’ils comprennent ma manière de travailler et ma façon d’être, et il a fallu que je m’adapte également à eux et à ce qui a été fait avant. L’idée, c’était de trouver le meilleur équilibre pour que chacun y trouve son compte, pour qu’on arrive à travailler tous ensemble, en utilisant l’héritage laissé, tout en essayant avec mes idées, mes convictions, d’améliorer ça. Je suis sûr d’une chose, c’est qu’il y a de grandes chances que l’on fasse moins bien puisque il a fini 3e en National 2 et ça c’est très fort, mais il y a aussi une possibilité que l’on fasse mieux, même si on sait que le championnat va être plus relevé. En fait, ce n’est pas difficile dans la mesure où les relations sont saines. Simplement, c’est juste un autre projet.

Lors du premier match de N2 cette saison face à Thionville (2-0). Photo René Casamatta / ASFA

Votre venue en Corse, à l’AS Furiani-Agliani, c’est un projet familial aussi…
Oui. J’ai deux ambitions : la première, c’est de me dire qu’en arrivant à l’âge de la retraite, je ne me serai jamais levé le matin en me disant qu’il faille aller travailler. La deuxième, c’est qu’à travers ce métier-là, on puisse avoir un parcours de vie qui nous emmène vers des horizons différents, tout en respectant l’équilibre familial : il faut que cela convienne à tous les membres, parce que la famille est prioritaire. Là, c’est notre premier déménagement, on part dans l’inconnu, on va voir comment les enfants vont s’adapter. Et puis ma femme doit retrouver un travail. L’idée, c’est de faire, d’entreprendre. Si ça ne va pas, on n’aura aucun regret car on ne pourra jamais dire « ah ouaip peut-être que… ». Non ! Nous on y met tout notre coeur pour cela réussisse. Pour l’instant, c’est plutôt positif, les enfants sont arrivés samedi, en avion, 3 heures avant le match (entretien réalisé avant le match de la journé 1, Furiani-Thionville, 2-0) !

Avant de devenir coach, aviez-vous envisagé un autre métier ?
J’ai toujours eu le foot dans ma tête. J’ai fait des études pour être professeur des écoles, et en même temps je passait mon brevet d’état. Il a fallu choisir, du coup j’ai bossé beaucoup plus pour obtenir le BE que pour le concours de professeur des écoles que j’ai raté le plus normalement du monde ! Quand j’ai obtenu ce poste à Misérieux, c’est devenu un peu plus concret. Le métier de professeur des écoles m’aurait certainement plu. J’aime bien travailler avec les enfants. Mais la grosse différence entre le football et l’école, c’est qu’on vient au foot par envie. Parfois ce n’est pas toujours le cas pour l’école, et il aurait peut-être fallu que j’appréhende cette nuance.

Cédrik Ramos, son adjoint sur le banc de Furiani.

Vous avez un coté pédagogue ?
Oui, parce que je commence à avoir fait quelques clubs, j’en suis à mon cinquième en 20 ans. On sent que le message arrive à passer sans trop de difficultés avec les joueurs. Je ne dis pas que, parfois, cela ne passe pas aussi bien avec certaines personnes d’un club, ça, ça peut arriver, mais avec les joueurs, généralement, je n’ai pas trop de problème. J’aime prendre le temps d’expliquer, de démontrer précisément mes attentes pour emmener les joueurs avec moi. Donner du sens à ce qu’on va faire me paraît essentiel pour que le projet de jeu soit partagé par le plus grand nombre et du coup efficace. D’ailleurs, je garde des liens avec eux, avec ceux que j’ai entraînés aussi, que ce soit des jeunes que j’ai coachés à Bourg, ou des joueurs de Mâcon, de Misérieux-Trévoux ou de Rumilly aussi.

Quand vous entraîniez à Bourg, Rumilly et Mâcon, vous habitiez où ?
J’étais à Chaleins (Ain), à 40 kilomètres de Mâcon, à 9 kilomètres de Villefranche. Il y a juste la période de Rumilly, où là, j’avais une heure trente de route, mais cela n’a duré qu’une seule année : si j’étais resté à Rumilly, on aurait déménagé.

« Il y a beaucoup de défis à relever »

Cette nouvelle poule de National 2, elle donne un peu le tournis, non ?
C’est génial ! Il y a des supers clubs, certains qui arrivent du dessous, qui sont en train de se structurer, d’autres, historiques, qui ont un passé dans les divisions supérieures. Il y a des supers joueurs aussi. On était sur des saisons plutôt à 26 journées, là on passe à 30, c’est plus long, mais c’est très excitant et très intéressant, il y a beaucoup de challenges et de défis à relever, c’est ce qu’on aime !

Villefranche a finalement été repêché en National : ça vous a soulagé ?

Au printemps dernier, sous le maillot de Villefranche en National. Photo Ralph Neplaz.

Bien sûr, puisque la mission qui nous étais confiés, à Alain et son staff, c’était de laisser le club en National. Donc la mission est accomplie. Quant on est arrivé, la situation était périlleuse, et après un match perdu à Châteauroux (à deux journées de la fin), il a fallu s’accrocher à cette 13e place, certes synonyme de descente mais aussi de premier « repêchable », donc on est resté focus là-dessus, en sachant qu’il y avait de bonnes chances que finir à cette place-là pourrait suffire. On était conscient de ça. Quant on voit la réaction que l’on a eue après le dernier match de la saison face à Nancy (victoire 2-1), ce n’est pas une réaction d’un club qui va descendre, mais d’un club satisfait d’avoir fini 13e après tout ce qu’il venait de connaître durant la saison (changement de coach, perte de points sur tapis vert…). Donc c’est plutôt un soulagement de finir à cette place-là. On est satisfait de ce que l’on a fait avec le coach et le staff : on aurait pu faire un peu mieux, mais pas beaucoup mieux, en raison de la qualité des effectifs que l’on a affrontés sur les 10 matchs qui restaient à notre arrivée. Je pense notamment au match contre Avranches chez nous (J31), où on avait été plutôt bons, mais on avait perdu. C’est LE regret. Parce qu’alors, on serait allé à Châteauroux (J32) devant eux au classement, et cela aurait peut-être été différent… Mais avec des si…

À Villefranche, vous avez découvert le poste d’adjoint : ça vous plaît ?
Je n’ai pas la prétention de dire que je veux rester numéro 1, j’aime découvrir des choses, par contre, pour être adjoint, il faut que j’ai des idées communes avec la personne avec laquelle je travaille, et puis c’est un rôle complètement différent, que j’ai découvert là, pendant trois mois avec Alain, c’était très intéressant, on est très acteur sur le terrain. On est beaucoup dans le partage, avec moins la notion de prise de décision, donc moins de noeuds au cerveau la nuit. Mais on est quand même dans la gestion d’effectif, dans la notion d’entraînement, dans la conception, dans l’analyse vidéo… Il y a beaucoup de choses qui se rapprochent du poste de numéro 1 mais il n’y a pas certains aspect négatifs. Ce qui rend ce rôle de numéro 1 intéressant, c’est cette prise de décision, cette adrénaline en plus que tu as en plus dans les choix. Numéro 2, ça peut me convenir sans problème mais numéro 1 me plaît beaucoup même si je n’en fais pas une priorité.

Et si le club de Furiani-Agliani monte en National**…
Le CA Bastia était en National et jouait comme nous à Erbajolo, donc c’est possible… Après, c’est sûr que quand vous allez à Nancy, à Sochaux, à Dijon ou au Mans en National, c’est différent… Il y a des paliers à passer en terme de développement infrastructurel, et ce n’est pas le plus simple pour les dirigeants de clubs car cela dépend des collectivités et on sait bien que ce n’est pas évident.

Photo UF Mâconnais

Le club de Furiani en quelques mots ?
Le club est mené par des dirigeants passionnés, compétents, qui ont su le structurer pour répondre aux exigences des championnats nationaux. Les infrastructures sont cohérentes pour pouvoir bien travailler même si il y a des contraintes importantes liées au partage du terrain avec d’autres clubs notamment. Mais le partage est fait en bonne intelligence avec les autres utilisateurs et cela se passe très bien. Le sportif, le médical sont très bien structurés avec des staffs compétents et fournis pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions. Le club est aussi très bien structuré pour le recrutement, l’observation de joueurs, ce qui permet de compenser les départs chaque saison. L’ambiance générale est extraordinaire avec des personnes dévouées qui rendent ce club atypique et très agréable. L’organisation de Furiani permet aussi l’accueil des enfants corses qui veulent pratiquer pratiquer le foot et les dirigeants mettent beaucoup de choses en oeuvre pour promouvoir le foot des plus petits aux plus grands.

Un petit mot sur Mâcon ?
Oui ?

Le club est descendu en N3 après votre départ, et vous n’étiez pas relégable quand vous avez été évincé… Alain Griezmann, le président, aurait-il pris une mauvais décision en se séparant de vous ?
Il a pris une décision, c’est son rôle, je ne suis pas là pour juger. Ce que je peux dire, c’est que je suis arrivé en 2020, je suis resté trois ans et demi, j’ai passé des moments merveilleux à Mâcon, avec des gens agréables, j’ai eu une bonne relation avec mon staff, les joueurs et également le président, on savait qu’un jour ça s’arrêterait… Il y a eu d’autres personnes qui sont arrivés au club quand on est monté en National 2 et qui ont plus ou moins mis le bazar… C’est plus avec eux que cela a été compliqué mais pour le reste, non. Nous avions créé de très bonnes relations avec mon président et sa famille ainsi qu’avec les vice-présidents, on a fait deux montées d’affilée en remportant 90 % de nos matchs, un 32e de finale de coupe de France, ce sont des choses que l’on oublie pas. Cela aurait pu se finir différemment, cela aurait pu continuer mais on sait que dans ce métier là, cela se passe comme ça parfois. J’ai partagé des valeurs humaines avec beaucoup de membres du club.

N’y a-t-il pas eu divergence sur les objectifs ? N’y a-t-il pas eu un problème de communication, avec deux discours, un discours de montée en National et un autre de stabilisation du club en N2 ?
L’objectif du club était clair : quand on était en National 3, c’est-à-dire lors de la saison 2022-23, l’idée c’était d’arriver en National dans les 5 ans. Au bout d’un an, on est monté en National 2, donc si je sais bien compter, il restait 4 ans pour atteindre le National et être dans le projet du club. Mais si ça devait arriver plus tôt, évidemment… On aurait pu faire mieux en termes de résultats. Je ne sais pas s’il y avait une différence de discours, parce qu’on était ambitieux aussi avec mon staff, on voulait finir le plus haut possible, après, il y a ce que l’on a envie de faire et ce que l’on fait : on a eu des blessures, des erreurs de choix, je ne me dédouane pas de mes responsabilités, mais on était dans le tableau de marche pour faire une bonne saison en N2. On était plutôt en accord, avec le président, sur ce que l’on devait faire. Après, il a le rôle de choisir, de prendre des décisions, ce qu’il avait déjà fait avant et ce qu’il refera. Tout est toujours discutable. Prendre des décisions n’est pas un problème. Il faut en prendre pour avancer.

Mâcon peut-il un jour évoluer en National ?
Mâcon peut potentiellement devenir un club de National dans le futur de par le dynamisme qu’il y a dans cette ville, notamment sur le plan sportif, avec des installations de qualité, je pense à l’aviron, au rugby, à l’athlétisme. Le foot était resté en retrait de ce développement là mais en même temps, le club a joué pendant longtemps en Régional 1, et à cet échelon, le stade Pierre-Guérin est un super-stade, mais quand, en l’espace de deux saisons, vous vous retrouvez en National 2, dans ce même stade, forcément les infrastructures ne se développent pas comme ça du jour au lendemain et ne suivent pas. La ville essaie de combler ce retard. On a mis en place, quand j’y étais, beaucoup de choses au club pour le structurer et le développer. Il faut juste que les infrastructures rattrapent le niveau sportif, il y a des choses à faire, comme mutualiser avec le rugby, même s’il y a eu cette descente en N3. Mais je pense que Mâcon va continuer d’avancer et remonter, c’est la volonté du président, des dirigeants et du staff.

Des nouvelles d’Alain Griezmann ?
Non, je ne l’ai pas eu depuis que mon aventure à Mâcon s’est arrêtée.

*Le FC Villefranche-Beaujolais, relégué mathématiquement, a finalement été repêché en National après la sanction infligée par la DNCG aux Chamois Niortais.

** L’AS Furiani a remporté ses deux premiers matchs de championnat de N2 à domicile, au stade Erbajolo, face à Thionville et Beauvais, et s’est incliné sur le terrain du FC Balagne. Vendredi 6 septembre, l’ASFA se déplacera à Fleury dans le cadre de la 4e journée de N2 (19h).

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : 13heuresfoot et GFA Rumilly-Vallières

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