Il y a toujours deux clubs de National cette saison dans l’agglomération de Rouen ! Et la situation est partie pour durer, à moins que le sportif ou l’extra-sportif ne viennent changer la donne. Le président de QRM, qui croit toujours au projet d’un club unique, évoque les 10 ans du sien, fondé en 2015 et parle aussi de l’avenir, qu’il voit… en pointillé.
Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos : QRM
- Article paru avant la défaite de QRM à Diochon face à Aubagne (1-2), laquelle a précipité la chute de l’entraîneur David Carré et de son adjoint Grégory Scaffa. Un nouveau coach a été nommé : Fabien Valeri (ex-FC Chambly, Paris 13, Virton et Paris FC).
Bien sûr, le match de ce soir face à Aubagne, pour le compte de la 5e journée de National, revêt une grande importance si l’on se réfère simplement au classement. Mais depuis sa création, en 2015, Quevilly Rouen Métropole, lanterne rouge après quatre journées (un nul et trois défaites) a livré tellement d’autres matchs tout aussi importants…
Que l’équipe de David Carré ferme la marche du championnat n’est évidemment pas en adéquation avec l’objectif du club d’obtenir un maintien « facile », même si cela n’existe pas vraiment en National, du moins de faire partie de la première moitié de tableau. Rien n’est figé et l’on se souvient que QRM, qui a bouclé son recrutement tardivement, avait déjà occupé cette place quasiment au même moment la saison passée, mais un peu plus tard, fin septembre.
Non, le match le plus important de l’existence du club, c’est celui qu’il livre depuis dix ans avec son voisin, le FC Rouen, au travers du projet QRM qui, à défaut d’avoir été mené à deux, a trouvé une place mais sans doute pas celle escomptée. Un projet que nous avions largement relaté dans un de nos précédents articles (à lire : https://13heuresfoot.fr/actualites/national-fc-rouen-qrm-je-taime-moi-non-plus/).
À trois jours d’un déplacement à Concarneau (défaite 3-1 le 5 septembre dernier) et à dix de la réception d’Aubagne, le discret Michel Mallet, bientôt 25 ans de présidence et 60 de présence dans le foot, a accepté de répondre à nos questions sur le thème des 10 ans de QRM (2015-2025). Dix ans qui n’ont pas été célébrés… Comme si rien ne justifiait de souffler les bougies. Comme si l’on voulait passer sous silence dix ans durant lesquels il s’est pourtant passé beaucoup de choses.
Dans cet entretien en deux parties, le chef d’entreprise à la retraite mais toujours très actif revient sur la genèse de son projet qui a bien failli aboutir en 2024, avant que la Métropole rouennaise n’opte pour une autre voie. S’il n’est pas résigné, il sait cependant qu’il n’a pas toutes les cartes en mains et sous-entend que la gestion financière et les résultats sportifs pourraient, à terme, décider de l’avenir du football professionnel dans la 11e agglomération de France.
Partie 1. Interview
« J’ai remis le club en mode National »
Quand vous évoquez le projet QRM, vous dîtes « C’était un projet de territoire » au passé : cela signifie-t-il que vous n’y croyez plus ?
Je parle au passé parce qu’aujourd’hui, les conditions pour remettre ce projet-là en perspective ne sont plus aussi simples qu’avant. S’il y avait eu la bonne volonté de tous, je dis bien « de tous », politiques, supporters, dirigeants des deux côtés (FC Rouen et US Quevilly), et si les planètes s’étaient bien alignées, on aurait pu mener à bien ce projet qui est un projet de bon sens. Mais à un moment donné, les querelles de clochers, que je peux comprendre, m’ont amené à évoluer dans ma manière de penser depuis 10 ans. Je me suis rendu compte que j’avais commis des erreurs de vision, de langage.
Malgré tout, la sagesse me fait dire que c’est un projet qui aurait été top pour notre territoire. Ce n’était pas du tout un projet Quevilly qui voulait manger le FC Rouen. Pas du tout. Faire disparaître un club au profit d’un autre n’a jamais été d’actualité, cela n’a jamais été mon engagement. Aujourd’hui, l’on se sait pas dire comment cela va s’écrire demain. On a eu l’opportunité de le faire et on aurait pu tous réussir ce projet-là (à l’été 2024).
Hormis Paris et par le passé Ajaccio, deux clubs dans la même ville à ce niveau, c’est unique : on a du mal à voir les scénarios futurs et on se demande combien de temps la situation va durer, parce qu’à un moment donné, cela ne sera plus possible…
Personne n’est en capacité de dire combien de temps cela va durer, sauf à ce qu’il y ait des investisseurs qui arrivent chez l’un ou chez l’autre, avec un peu plus de moyens. J’en reviens toujours au même point : allier la ferveur du FC Rouen à la rigueur et l’expérience de Quevilly Rouen Métropole, c’était la bonne recette. Après, peut-être que l’histoire s’écrira. Mais, que cela soit moi ou mes actionnaires autour de moi, nous n’avons pas la volonté d’investir lourdement et n’importe comment. On respecte trop l’argent, ce n’est pas pour aller le dilapider dans le milieu du foot.
Ce qui nous intéresse, c’est la construction d’un projet : si on peut y arriver, c’est bien, mais ce n’est pas une fin en soi. Il n’y a pas que l’équipe fanion qui compte. J’ai un engagement moral vis à vis des gens qui nous suivent et nous ont suivi depuis 10 ans, et même plus encore, sur ce projet-là, et je tiens à le mener de la meilleure des manières. Après, si à un moment donné, il y a l’opportunité de construire quelque chose ensemble avec le FC Rouen, je serai forcément autour de la table.
« Je ne sais pas écrire la suite de l’histoire »
De l’extérieur, le projet QRM donne l’impression de stagner, voire de régresser… Et comme tous les scénarios sont possibles, avez-vous déjà imaginé celui d’une descente, un jour, en National 2 ?
On envisage tous les scénarios, bien sûr. C’est pour ça qu’à la question de savoir où on sera dans 10 ans, je suis incapable de répondre. La parole est d’abord et avant tout aux résultats sportifs. C’est ça aussi qui fait que le projet QRM est là depuis 10 ans : c’est parce qu’on a eu des résultats sportifs assez exceptionnels.
Après, il y a aussi la bonne gestion des clubs qui entre en ligne de compte, on l’a vu il y a un an et demi, souvenez-vous, quand le FC Rouen était en grande difficulté, avant que des investisseurs n’arrivent et ne sauvent le club d’un nouveau dépôt de bilan. Cela passe aussi et surtout par la bonne volonté des composantes. Je me répète, mais si on arrive à aligner une bonne politique entre supporters, chefs d’entreprises dirigeants, on arrivera à faire un seul club et ce sera au bénéfice de tout le monde. Pour l’heure, je ne sais pas écrire la suite de l’histoire.
Aujourd’hui, QRM n’aurait-il pas mieux sa place en Ligue 3 plutôt qu’en Ligue 2 ?
Je dirais spontanément oui, déjà parce que la Ligue 3 est en train de devenir une petite ligue 2 : il n’y a qu’à regarder le National d’aujourd’hui, avec un nombre de clubs très élevé qui, sur les dix dernières années, ont fréquenté la Ligue 1 et la Ligue 2. Ce qui fait qu’il ne reste plus beaucoup de places, entre guillemets, pour les clubs à l’esprit amateur.
Un mot sur la future Ligue 3 : comment ça se passe entre vous, présidents ? Vous en parlez ?
Bien sûr. J’ai fait partie du ComEx de la Fédération et sur le dernier mandat (de Noël Le Graët), on a beaucoup parlé et beaucoup travaillé sur le sujet avec Jacques Piriou (président de l’US Concarneau), le regretté Gilbert Guérin (président de l’US Avranches, décédé en octobre 2023), Antoine Emmanuelli (président du FC Bastia-Borgo) et d’autres bien sûr. Le flambeau a été repris maintenant par Thierry Gomez, le président du Mans. Il y a eu des réunions, je serai d’ailleurs demain (entretien réalisé mardi 2 août) dans une des commissions de la Ligue 3. Il y a vraiment quelque chose à construire. Le National, à quelques exceptions près, va dans le sens d’un championnat professionnel.
« Pour la Ligue 3, aucune marche arrière n’est possible »
Où en est-on au juste de la Ligue 3 ? On entend parler d’une AG en décembre qui définirait les grandes lignes…
Les choses se sont dessinées déjà, le président (Philippe Diallo) s’est engagé sur cette Ligue 3 dans le cadre de sa campagne post-élection. Le modèle, on le sait, c’est celui qui a été mis en place dans le football féminin. Cela prendra sa forme à l’assemblée générale du mois de décembre, ou à celle de juin prochain, mais les commissions travaillent sur les bases, sur les fondations. On sait bien qu’il y a plein de choses à faire évoluer, que c’est le seul championnat où les règlements ne sont pas les mêmes selon que l’on est un club qui descend de Ligue 2 avec un statut pro et qui est bien soutenu la première année, un peu moins la deuxième année, un club qui se maintient en National avec un statut pro (un club peut garder ce statut pendant 5 ans), un club amateur, avec des contrats à des niveaux de salaires différents alors que l’on joue dans le même championnat, etc. Il faut mettre tout ça à plat, écrire ces règlements. Cela va se faire. Aucune marche arrière n’est possible.
Revenons à QRM : où en est le projet de centre d’entraînement ?
Pour le moment, le calendrier est gelé, pour reprendre une expression du président de la Métropole Rouen Normandie (Nicolas Mayer-Rossignol), il y a des élections l’an prochain, donc tout sera remis sur la table ensuite. On a identifié un site avec la Métropole.
Dans le contrat de territoire, nous avons également un engagement avec la Région et le Département pour valider le principe d’un projet de 4 à 8 millions d’euros en fonction du niveau où l’on joue. Comme on est descendu de Ligue 2 en National (en 2024), on est pour le moment dans un projet de centre d’entraînement, parce que nos conditions d’entraînement actuelles ne sont pas requises pour une Ligue 3. Si on avait le bonheur de remonter un jour en Ligue 2, l’idée serait d’avoir le foncier nécessaire pour créer l’outil de travail dont disposent tous les clubs de Ligue 2 ou presque.
Publiquement, je me refuse à donner un site, parce que nous en sommes déjà au troisième depuis le début de la réflexion, il y a 5 ou 6 ans. Un premier site n’a pas été retenu, je pense à tort, parce que a priori trop petit, alors que c’était un beau projet collectif dans lequel étaient impliqués le foot, le rugby, le hockey et le basket, qui avait du sens, proche de Diochon, bien desservi, avec un parc sportif à côté. Puis il y a eu un projet sur Canteleu mais pour des raisons de transformation de terres agricoles en terrain sportif, cela n’a pas pu se faire. Donc je reste prudent et le jour où ce sera validé, que l’on entrera dans la phase active, je communiquerai.
« Pas besoin de nouveau stade à l’heure actuelle »
Le vendredi soir, quand le National joue, vous regardez en premier les résultats du FC Rouen ?
Je vous mentirais si je vous disais le contraire. Vous savez, on est une ville, donc je regarde aussi les résultats du hockey quand ils jouent, du basket… Mais je pense qu’au FC Rouen, eux aussi regardent nos résultats, c’est normal. Il faut se nourrir de cette ambiance qu’il y a autour de tout ça : je n’en retire que du positif. Si on mettait tout ça en commun, rendez-vous compte de ce que l’on serait en capacité de faire ? Quand on additionne la rigueur de QRM et la ferveur du FC Rouen… On a un stade aujourd’hui qui peut accueillir 8000 personnes assises, il y a 5000 personnes environ quand le FC Rouen joue à domicile : je pense qu’un projet commun ferait que ce stade-là pourrait être plein chaque week-end.

À propos de stade, êtes-vous favorable à une nouvelle enceinte ou à un stade Diochon rénové ?
À l’heure actuelle, nous n’avons pas besoin de nouveau stade. On ne créé pas un stade s’il n’y a pas de projet sportif, s’il n’y a pas une équipe en place. Si demain il y a du foot au FCR, ou à QRM, ou avec les deux réunis, quand il y aura une réussite sportive durable, les élus pourront mettre en place le projet d’un stade. J’ai entendu la saison passée l’ancien président du FC Rouen, Ivan Postel, parler de la construction d’un stade de 45 000 places… Mais même de 25 000, c’est mettre la charrue avant les boeufs. Il suffit de regarder ce qui se fait à côté, au Havre par exemple : 25 ans de Ligue 2, un stade de 25 000 place et ils faisaient 50 % de taux de remplissage en moyenne. Donc à quoi ça sert ?
Si l’on revient à la genèse du projet QRM, il n’y avait plus de foot à Rouen au moment de sa création en 2015 : nous, Quevilly, on était en National 2, on ne cassait pas trois pattes à un canard, on n’avait même pas 1000 personnes au stade alors qu’on avait de bons résultats, et le FC Rouen était en DH (Régional 1) parce qu’il venait de déposer le bilan (en 2013). Le projet QRM mené avec les deux clubs a permis aussi de relancer une dynamique autour du stade Robert-Diochon, qui appartenait à la Ville de Rouen, mais qui n’avait plus la capacité à l’entretenir correctement. Du coup, le stade est passé « métropolitain ».
Avec la réussite du projet QRM les premières années, le stade Diochon a vécu sa première mue en 2017, quand on est monté en Ligue 2 : il y a eu 5 mois de travaux, c’est pour ça qu’on est allé jouer au Mans jusqu’en octobre. Depuis, il y a eu deux autres étapes de travaux. Le stade a beaucoup évolué, même s’il reste vieux, qu’il prend l’air de partout, qu’il est toujours difficile à sécuriser, mais il a des LED, un beau tableau d’affichage et des nouvelles loges en plus des anciennes. Il peut effectivement y avoir encore une étape de travaux, par exemple pour le fermer, un peu comme un fer à cheval, du côté sud. Ce qui permettrait d’avoir 10 000 places assises sans avoir à engager une centaine de millions dans un projet qui se déplacerait. Pour moi, c’est le bon sens, et c’est aussi respecter l’argent public. Trois équipes dans le même stade, et 3e ou 4e meilleure pelouse de Ligue 2 il y a 2 ans. La Métropole a pris la bonne décision de faire gérer la pelouse (hybride chauffé) par un prestataire qui fait un super boulot. Il y a parfois deux matchs à Diochon le même week-end, comme c’est le cas ce week-end (le week-end dernier, en rugby, Rouen recevait Marcq-en-Baroeul le vendredi soir et le FC Rouen affrontait Châteauroux le samedi).
« Avec Rouen, on s’est toujours respecté »

Votre plus grand rêve, finalement, ne serait-il pas de voir le projet initial QRM imaginé en 2015 aller au bout, avec Régis Brouard sur le banc ? Ceci dit sans faire offense à l’actuel coach de QRM, David Carré.
Sans faire offense à personne… Le mot rêve est un grand mot, je ne veux pas le galvauder mais oui, ce qu’on aurait aimé, c’est arriver au bout de ce projet-là, bien sûr. Après, avec Régis Brouard ou un autre… On a beaucoup discuté la saison passée avec Régis Brouard et cela ne s’est pas fait. L’histoire a fait qu’au mois d’octobre suivant, il est arrivé sur le banc du FC Rouen (à la place de Maxime d’Ornano). Personne n’a attendu après Michel Mallet pour dire que Régis Brouard était un bon entraîneur. On a su se faire la gueule pendant 10 ans et puis on a su se retrouver, en personnes intelligentes, on sait ce que l’un a apporté à l’autre, et réciproquement.
Mais vous ne me ferez pas dire un mot sur notre mésentente de l’époque : cela appartient au passé, et puis ça nous appartient à tous les deux. La plus belle des choses, c’est que l’on ait su se reparler, quand on a fait les 10 ans de la coupe de France (en… 2023), avec 2000 personnes dans le Kindarena, avec un joli plateau de joueurs, dirigeants, entraîneurs, on s’est fait un bon kiffe !
Aujourd’hui, avec Régis, on se voit, on se croise, on parle. La relation avec les entraîneurs et les joueurs du FC Rouen a toujours été très bonne, elle a juste été exécrable à un certain moment, quand Fabrice Tardy nous a tournés le dos (en 2017) et quand l’entraîneur de l’époque (David Giguel, aujourd’hui entraîneur en N2 à Angoulême) mettait de l’huile sur le feu dès qu’il voyait un micro tendu, mais après ça, on n’a jamais eu de problème. On s’est toujours respecté. Il n’y a pas eu de pugilat quand on s’est affronté deux fois l’an passé en championnat, même s’il y a eu deux cartons rouges, mais c’était sur des faits de jeu.
Quid aujourd’hui du poste de directeur sportif à QRM ? Et aussi du poste de Directeur général ?
On n’a pas de directeur sportif à l’heure actuelle (l’ex-directeur sportif, Julien Converso, a signé au Puy-en-Velay). J’ai remis le club en mode National. Quand on passe trois années en Ligue 3, on prend des risques positivement dans l’organisation mais là, même si c’est difficile à faire parce qu’il y a de l’humain, on a remis le club en « mode National ».
Quand Arnaud (Saint-André, l’ex-directeur général) est parti aux Girondins de Bordeaux en cours de saison passée, on avait un accord tripartite avec la direction de Bordeaux pour qu’il nous donne un coup de main jusqu’à la fin de l’exercice 2024-25. Aujourd’hui, il n’est plus opérationnel au club. Je me suis impliqué à nouveau activement au club, mais vous savez, on a une organisation qui tourne avec les cinq actionnaires, Vincent Dumont qui chapeaute la communication, Philippe Blot qui s’occupe plus du sportif, Philppe Lansoy qui gère la partie financière et Laurent Duarte qui pilote l’association. Chacun a son pôle en fonction de ses compétences. Je suis bien épaulé, avec Stéphanie (Barré) à la comptabilité et Bérengère (Grattepanche, assistante de direction). Et on a des alternants que l’on forme, parce qu’aujourd’hui, on doit faire avec les moyens que l’on a.
C’est dur de passer de Ligue 2 en National. La deuxième année après la descente est plus compliquée, parce qu’on perd gros en terme de droits TV. Et puis, il n’y a pas que du football à Rouen, donc on ne regroupe pas non plus tout le monde de l’entreprise, c’est normal, quand il faut aller chercher les entreprises, c’est partagé, ce qui amène plus de difficultés à embarquer les gens, d’autant plus que le projet foot est un peu voilé.
Partie 2
L’interview « anniversaire des 10 ans de QRM »
Michel Mallet : « La discrétion, c’est une force ! »
QRM a fêté ses 10 ans d’existence cet été, pourtant, il n’y a pas eu de festivités…
Non. On s’incrit dans la durée, toujours avec notre envie de rester en National et de tenter la remontée en Ligue 2. On avait fêté le centenaire de Quevilly (1902-2002) et aussi les 10 ans de la finale de la coupe de France de 2012, mais il n’y avait pas lieu de fêter les 10 ans de QRM.
« Un bilan mitigé »
Si vous deviez dresser un bilan de ces 10 ans de QRM, vous diriez quoi ?
Il est mitigé parce que l’objectif de départ, qui était d’arriver à créer un club unique sur la métropole rouennaise, ne s’est pas réalisé pour diverses raisons. Sur le plan sportif, c’est plutôt une très belle réussite même si on s’est pris les pieds dans le tapis lors de la saison 2023-2024 en Ligue 2 et que l’on est descendu en National. On a fait une année de CFA (N2, la première à la création de QRM, en 2015-2016), quatre années de Ligue 2 (2017-18 puis 2021 à 2024) et cinq années de National (avec celle en cours). On a eu de superbes affiches à Diochon. On a remis le football métropolitain rouennais sur la scène hexagonale et pour moi, cela reste une belle réussite.
QRM dans 10 ans, vous voyez ça comment ?
Je ne saurais pas le dire, le foot va tellement vite… Il ne vous a pas échappé qu’en ce moment, il traverse un séisme… Il y a eu la problématique du contrat Médiapro. Je pense qu’on est dans les prémices de la reconstruction mais l’on ne sait pas dire les dommages ni combien de clubs aujourd’hui présents seront encore là demain. Il faut avoir un regard positif et se dire que QRM a sa place dans le top 54 du football français, il l’a prouvé. On a su surfer sur le sérieux du club, sur notre dynamique positive et d’un point de vue sportif, on a acquis un savoir faire. J’y crois.
« On avait braqué le National »
Plus grand souvenir de président depuis 2015 ?
Toutes les montées, forcément, parce que ça marque. La première fois qu’on est monté en Ligue 2 (en 2017), on est redescendu assez logiquement, on était allé très vite après deux montées successives. Mais la montée la plus marquante fut celle avec Bruno Irlès (en 2021), et pour reprendre ses mots, cette saison-là, on avait braqué le National ! Parce que personne ne nous attendait.
Votre plus grande émotion en 10 ans de QRM ?
Sûrement la première saison avec Olivier Echouafni (2023-24). Parce que c’était une saison sereine, durant laquelle on n’a pratiquement jamais regardé en bas de tableau. On n’a quasiment jamais été dans la difficulté, on a même toujours regardé vers le haut, on a terminé 10e parce qu’on n’a mal maîtrisé les trois derniers matchs alors que l’on avait la 6e place à portée de main.
Pire souvenir de président en 10 ans de QRM ?
La descente en National en 2024. Autant en 2017/18, ce n’était pas surprenant de descendre, on avait joué pendant 2 mois au Mans en attendant que le stade Diochon ne soit aux normes, autant celle-là… On finit la saison 2023-24 de Ligue 2 avec 38, dont 25 points pris contre les équipes de la première partie de tableau ! On a battu Saint-Etienne, Auxerre, on a mené 3 à 0 contre Bordeaux (3-3)… Cette équipe avait de la qualité mais elle a peut-être un peu trop choisi ses matchs. Seul Angers nous a pris 6 points dans les équipes de haut de tableau.
« Je ne commente jamais un choix de coach »

Plus gros regret en 10 ans de QRM ?
On n’a pas réussi ce pourquoi on avait crée QRM, c’est à dire faire ce projet de territoire. Il y a la place pour un football d’élite, de Ligue 2, dans le territoire métropolitain rouennais. C’est une déception de ne pas avoir réussi à embarquer tout le monde dans le projet QRM, parce qu’il y avait matière à faire de belles choses tous ensemble.
Le joueur le plus emblématique ?
Beaucoup ont marqué le club ! Mais de là à dire emblématiques… Certains ont marqué l’histoire de QRM. J’ai parlé de réussite du club, mais cette réussite a été possible grâce à un collectif. C’est la recette du succès, avec la bonne alchimie. C’est pour ça que c’est difficile de sortir un seul joueur.
Alors, le meilleur joueur de QRM ?
Là encore, c’est difficile… Il y a eu, à des moments différents, à chaque saison, des bons joueurs. J’ai beaucoup aimé sur les premières années Medhy Guezoui, pour ses qualités de joueur et « d’homme du vestiaire ». Kalidou Sidibé nous a beaucoup apportés aussi, Lamine Ndao, Sambou Soumano, et Balthazar Pierret, parti jouer à Lecce en Italie, mais je n’ai pas envie de faire une liste à la Prévert.
Une tactique de coach que vous n’avez pas comprise en 10 ans de QRM ?
Oui … et non ! Cela ne fait pas partie des choses sur lesquelles je m’arrête. Je suis très respectueux des coachs, j’ai ce recul qui me fait dire « Si le coach a pris cette décision-là, c’est parce que la semaine d’entraînement lui a apporté des éléments qui l’ont amené à la prendre », or moi, je ne suis jamais là aux entraînements, donc je ne me permets pas commenter un choix, ce qui ne m’empêche pas d’en discuter avec le coach. Il faut laisser travailler le staff sereinement. C’est dans la sérénité que l’on obtient de meilleurs résultats, pas quand on est sous pression.
Vous n’êtes pas ce type de président à vouloir s’immiscer dans les choix de coachs…
Jamais. De la même manière que je ne prends pas la parole avant un match dans le vestiaire ou à la mi-temps. J’ai très rarement pris la parole à chaud après un match dans le vestiaire, et quand je l’ai fait, c’était en phase avec le coach en place. D’abord, il faut se méfier des réactions à chaud. Je préfère avoir une force tranquille et m’exprimer 48 heures après s’il le faut, pour recadrer ce qu’il y a à recadrer, pour remettre les objectifs en perspective. Tapie avait sa manière de faire, j’ai la mienne et je m’y tiens.
« La gestion saine, une marque de fabrique »
Le pire match de QRM en 10 ans ?
Je n’en ai pas un qui me vient spontanément à l’esprit mais en termes de non-maîtrise et de conséquences sportives, il y a eu des matchs que l’on a perdu comme contre Dunkerque à domicile ou à Valenciennes, et qui nous ont amenés vers la descente en fin de saison, en 2023-2024.
Inversement, un match référence ?
Cette même saison 2023-2024, le match contre Auxerre à Diochon (4-3 le 13 avril 2024) et aussi contre Bordeaux (3-2 après avoir mené 3 à 0, le 5 décembre 2023), et s’il doit y avoir une mi-temps référence, à quelques minutes près aussi, c’est celle, très aboutie, à Auxerre, où jusqu’à la 43e minute, on mène 2 à 0. Si on ne prend pas ce but à ce moment-là, avant la pause… Parce qu’à 2-1 à la mi-temps, ce n’est plus pareil, et on perd finalement 3 à 2 (le 2 décembre 2023).
Plus grosse fierté de président en 10 ans de QRM ?
C’est à la fois d’avoir mené ce projet et d’en tirer ce bilan, avec des finances saines. On n’a jamais été sous le coup d’une décision problématique de la DNCG. On n’a jamais été en difficulté, ni sur le plan financier, ni sur celui de la trésorerie : le joueur qui signe à QRM sait qu’avant la fin du mois, son salaire tombera toujours, et ça, c’est une vraie satisfaction, parce qu’on a connu des hauts mais aussi des bas, avec des périodes difficiles pendant la Covid notamment. Là, on vient de subir une descente, mais on passe toutes les étapes. C’est une marque de fabrique chez nous. Et puis on voit ce qui se passe à côté…
C’est ce que nous allions dire : les finances saines, c’est votre marque de fabrique à QRM. Et puis vous savez ce que l’on dit sur vous : « Michel Mallet, quand il a un euro en poche, il dépense 90 centimes »…
Oui, même si ça m’est arrivé d’en dépenser un petit peu plus quand même (rires) mais toujours d’une manière qui ne soit pas irréversible. Quand je vois certains clubs qui sont montés en Ligue 2 et qui sont redescendus parce que ça a été mal géré, je me dis que, à un moment donné, il manque peut-être quelque chose dans les décisions, quelque chose pour accompagner une équipe… Cela doit être fait avec plein d’exigences pour ne pas créer des incidents forts dont les clubs ont énormément de mal à se relever. Quand je dis ça, je pense à Martigues, qui avait fait de belles choses et se retrouve tout en bas de la hiérarchie : les organes décisionnaires fédéraux ou de la Ligue doivent mieux anticiper cela.
« Notre bilan plaide pour nous »
Ce côté « économe », « bonne gestion », il vient d’où ?
C’est mon éducation, et aussi mon côté « chef d’entreprise ». Et puis je me suis nourri d’expériences de clubs qui ont été en grandes difficultés ou qui n’ont pas été raisonnables. Notre bilan plaide pour nous. On n’a jamais fait n’importe quoi financièrement pendant ces 10 ans et je peux vous dire que l’on n’a pas non plus mis des millions sur la table. Aujourd’hui, on est là pour évoquer les 10 ans de QRM mais à l’époque de l’US Quevilly, déjà, la gestion était menée de la même manière. Je me souviens d’une saison en CFA quand les joueurs avaient 40 euros de prime de match ! Cela ne nous a pas empêchés d’aller au stade de France en finale de la coupe, avec des moyens très limités. La raison, par rapport à la passion, évite les gros accidents. Si l’on n’avait pas été raisonnable, notamment après la finale de la Coupe de France, sans doute que Quevilly serait en Régional 1 aujourd’hui. Idem pour QRM, on ne serait pas là aujourd’hui en train d’évoquer les 10 ans.
Plus grosse erreur de président en 10 ans de QRM ?
Peut-être des erreurs de casting sur des joueurs, mais cela arrive à tous les clubs, même si je reste attentif à ça, parce que derrière, on touche à l’humain, et forcément, laisser un joueur sur le bord du chemin, ce n’est jamais bien.
Le jour où vous avez eu envie d’arrêter durant ces 10 ans ?
Il y a toujours des moments où on se pose la question. Effectivement, après la descente, l’an passé, je me suis demandé si c’était le moment d’arrêter…. 25 ans de présidence, depuis l’âge de 13 ans dans le foot… Mais j’ai jugé que ce n’était pas encore le moment et j’ai bien fait parce qu’on prend encore du plaisir. Le jour où je ne prendrai plus de plaisir, je n’aurai aucun mal à arrêter.
« L’inclusion, la RSE, l’autre marque de fabrique »

Mais ce plaisir, vous le prenez comment ? Parce qu’on dit qu’être président, c’est 95 % d’emmerdements…
Oui mais ce ne sont pas les soucis qui enlèvent l’envie, ou alors il ne faut pas faire président ou chef d’entreprise, on sait très bien qu’il n’y a pas que du bon. Je ne regarde pas que les résultats de l’équipe première, il y a l’humain autour. Je suis très attentif à ce qui se passe dans les bureaux, au personnel qui se dépouille et qui n’a pas forcément le retour des joueurs. On a une association qui fonctionne très bien : on n’a pas enlevé un euro à son budget malgré la descente en 2024 et encore cette année. Et on est récompensé : les filles sont en D3 et les U19 filles sont montées cette année. Sur l’agglo rouennaise, on propose ce qu’il y a de mieux chez les jeunes avec des U17 et des U19 Nationaux.
On a tissé des liens avec quelques clubs pros. Et je ne parle pas du travail de Laurent Duarte, le président, et de son équipe, en matière de RSE et d’inclusion, là encore une de nos marques de fabrique. D’ailleurs, quand j’ai pris la présidence de l’US Quevilly il y a près de 25 ans (en 2001), le projet initial, c’était un projet « jeunes ». À l’époque, on n’a jamais dit « On va monter en National » ou « On va monter en Ligue 2 ». la montée en National de 2011 fut un dégât collatéral positif entre une mayonnaise qui prend bien et un entraîneur, Régis Brouard, qui arrive en Normandie parce qu’il n’a pas de travail ailleurs. Et chez nous, il (Brouard) a fait un travail extraordinaire, et tout ça ont amené des années exceptionnelles.
Un modèle de président ?
J’ai toujours été marqué par le mode de gouvernance de l’AJ Auxerre et son président très sage, Jean-Claude Hamel (président de l’AJ Auxerre de 1963 à 2009, décédé en 2020 à l’âge de 90 ans). Bien qu’Auxerre était sur le toit de l’Europe, on l’entendait peu et on ne le voyait quasiment jamais. Derrière, il y avait un club qui tournait du feu de Dieu. Le sportif était mis en avant et à travers lui, la formation; ça, c’est quelque chose qui m’intéressait parce que dans ma vie de chef d’entreprise, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance à l’humain et à la formation. C’était ma manière de voir les choses. J’ai pris ça avec moi dans le projet US Quevilly puis dans le projet QRM. La discrétion, c’est une force. Par exemple, je me suis toujours attaché à ne parler à la presse que deux ou trois fois dans l’année, généralement en début de saison, à l’intersaison et en fin de saison pour le bilan. Là, je fais une exception. Mais ce n’est pas Michel Mallet qu pousse le ballon ! Tout le reste appartient au sportif.
« Rodez, c’était le calque »
Un club auquel vous aimeriez ressembler à l’avenir ?
Quand on est monté en Ligue 2, Rodez, c’était le calque. On se connaît avec le président (Pierre-Olivier Murat), on a déjà échangé, mais ce qu’ils ont fait, leur manière de travailler, c’est un modèle à suivre. J’aime bien aussi ce que font Pau et Annecy, parce que ça s’inscrit durablement. Mais pour nous, il y a la difficulté d’avoir deux clubs dans la même ville. Parce que la possibilité de construire avec le monde de l’entreprise et les politiques, et de l’entraîner avec soi, est forcément plus facile dans des villes moyennes comme Rodez, alors que dans notre métropole rouennaise, la 11e de France, cet effet est plus complexe, et il y a la présence de nombreuses disciplines aussi, rugby, hockey, basket, et aussi des deux clubs de foot.
Plus grosse prime de match en 10 ans de QRM ?
Il y a eu quelques primes doublées quand c’était le bon moment mais je suis de moins en moins fervent de ce genre de choses. Je pense que c’est mieux de récompenser les joueurs sur la saison plutôt qu’à un moment donné, même s’il y a sans doute l’exception qui confirme la règle. C’est sans doute la sagesse…
Votre plus grosse colère en 10 ans ?
Je me suis mis en colère, mais c’était plutôt une colère froide. Je ne me suis jamais mis en colère à chaud. Mais il m’est arrivé d’aller à l’entraînement en début de semaine pour secouer un peu le cocotier, avec des propos qui doivent mettre les joueurs face à leurs responsabilités. J’aime bien quand on peut regarder le staff et les joueurs dans les yeux, et leur dire quand les choses ne vont pas, pour provoquer une réaction.
Votre rêve de président ?
C’est difficile de dire si c’est un rêve… J’ai 71 ans, mais mon premier objectif, c’est d’avoir des finances qui restent saines, d’avoir une association qui tourne, de poursuivre notre politique en matière de RSE et d’inclusion, de faire comprendre aux jeunes qu’il n’y a pas que le football dans la vie.
Vendredi 12 septembre, à 19h30 : QRM – Aubagne, à suivre sur la chaîne Youtube du National :
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=jqpkVEqKDEw
- Texte : Anthony Boyer / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
- Photos : QRM
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