Nat. 3 / Nordine Assami : « Rousset va changer de dimension ! »

Le co-entraîneur du FC Rousset Sainte-Victoire, situé près d’Aix et de Marseille, se livre à une introspection et évoque les particularités du football dans le Sud. Il revient aussi sur la saison exceptionnelle de son club, déjà promu en National 2, sur les difficultés qui l’attendent, et met en lumière l’équipe qui l’entoure.

Par Anthony BOYER (aboyer@13heuresfoot.fr)

Photos FC Rousset SVO / Lucas Zanoni / HMZ Production

Si vous êtes observateur et que vous aimez regarder les paysages en conduisant, vous les avez sûrement déjà aperçus… ces stades ! Il n’y en a que trois aux bords de l’autoroute du sud de la France.

Le premier, celui de Vergèze, entre Nîmes et Montpellier, est facilement reconnaissable avec son logo Perrier et son gardien de but géant qui se détend. Le second, le stade Lamartine, où Consolat évoluait en National, est à Marseille. Le troisième, c’est celui de Rousset, juste avant Aix-en-Provence, quand vous arrivez de Nice, avec l’immense montagne Sainte-Victoire en toile de fond. Voilà pour la géographie !

Pour le volet démographique, Rousset, c’est un peu plus de 5000 habitants. C’est aussi la viticulture, une chapelle de style « art roman » du XIIe siècle, une église du XIXe siècle. Rousset, c’est enfin un club de football qui vient d’accéder en National 2 ! Et ça, ce n’est pas le plus petit des exploits de ce village provençal où il fait vraiment bon vivre.

Un exploit historique

À quatre journées de la fin du championnat, le FC Rousset Saint-Victoire Omnisports, de son vrai nom, est assuré de terminer champion de sa poule de National 3 après son large succès contre Corte (5-0) samedi dernier. Un exploit historique (la réserve accède quant à elle de D1 à Régional 3 et les seniors féminines vont disputer un barrage d’accession en D3 contre Lorient les 1er et 8 juin). Le mérite revient aux joueurs, bien sûr, ainsi qu’aux dirigeants, dont le quatuor Assami-Delachet-Lahouel-Aït Atmane.

Les deux premiers entraînent, le troisième recrute et le quatrième préside. À ce trio, il convient d’ajouter le staff, avec notamment Yoann Taguelmint, 3e adjoint, Victor Ferreri, le « prépa » physique et Eric Vallée, l’intendant.

La présence de Delachet, 75 ans et une expérience longue comme le bras (il a notamment gardé les cages des Girondins de Bordeaux, de Monaco et de Valenciennes en première division dans les années 70, et même celle de … l’OM), est aussi une manière de passer le flambeau, de préparer la suite, de pérenniser l’ensemble : « Il ne faut pas énormément changer de fonctionnement. Le club est en plein développement. On a vu des clubs qui se sont cassés la gueule parce qu’ils voulaient aller trop vite. La chute peut être plus brutale. »

Assistant d’éducation à Marseille

Aux côtés du maire de Rousset, Philippe Pignon (au centre) et du président du club, Malek Aït Atmane.

Le natif de Marseille (37 ans), assistant d’éducation au collège Henri Barnier à Marseille depuis 6 ans, a joué – en défense – dans tous les clubs de la région marseillaise. On exagère un peu. Encore que : Canet Sports (Le Canet / Jean-Jaurès, quartier de Marseille), JO Saint-Gabriel (encore Marseille), Marignane, Istres, Martigues, Marseille-Consolat, Aubagne, Gémenos, voilà pour les clubs provençaux qu’il a fréquentés en short.

Depuis trois ans, il est à Rousset, en survêtement cette fois. C’est dire s’il en connaît un rayon sur le football dans les Bouches-du-Rhône (il a aussi joué à Cannes et Gap en National, Strasbourg en réserve et Pribram en D1 Tchèque).
Pendant près d’une heure, à Aubagne, la ville où il réside, au lendemain de la 17e victoires (en 22 matchs, pour 3 nuls et 2 défaites seulement, 57 buts marqués !) du FC Rousset SVO, premier de la poule J avec 13 points d’avance sur l’Olympique d’Alès-en-Cévennes, Nordine Assami a déroulé le fil de sa carrière. Calme, posé, réfléchi, lucide, l’ancien défenseur a aussi évoqué sa nouvelle vie de coach et expliqué comment il a « switché ».

Interview / « On est un club tremplin ! »

Nordine, Rousset va évoluer en National 2 la saison prochaine : tu réalises ?
Honnêtement, c’est inespéré qu’un club comme le nôtre, compte tenu des structures, de l’environnement, du nombre d’habitants (5 000), du budget (600 000 euros dont 150 000 de masse salariale, hors staff), atteigne ce niveau. On a un budget ridicule comparé à d’autres. On ne s’en rend même pas compte, mais c’est historique. Maintenant, il ne faut pas aller en N2 pour faire de la figuration, sans se préparer. On sait que l’on sera le plus petit budget de la poule, mais en travaillant de la même manière qu’on le fait depuis quelques années, on arrive quand même à attirer de sacrés bons joueurs, et ça, c’est grâce à Hakim (Lahouel), notre directeur sportif : avec lui, on arrive toujours à anticiper nos besoins. C’est ce qui fait la différence. On sait très bien que, financièrement, on ne peut pas batailler avec des clubs comme Fréjus ou Toulon, alors on doit avoir une stratégie de recrutement différente. Pour le moment, cela ne nous réussit pas trop mal.

Est-ce que Rousset et toi avez conscience de la difficulté de la tâche qui vous attend en N2 ?
Rousset va changer de monde. On le sait. En plus, on a entendu dire que Bordeaux, s’ils ne montent pas en National, pourrait intégrer notre poule… De toute façon, on sait bien que plus on monte de niveau, plus l’aspect financier est important. On sait que la fougue et les valeurs ont leurs limites. Quand on est démuni de moyens, qu’on a des conditions de travail plus difficiles, cela peut devenir compliqué.

« S’adapter aux exigences du N2 »

Ta manière de travailler en N2 va-t-elle être modifiée ?
D’abord, c’est important d’être reçu par sa direction. On va se voir rapidement. La division fait que l’on va changer de dimension. Il faudra s’adapter aux exigences du national 2, je pense au pole médical, au staff, à la vidéo, à la logistique, au secteur médical, etc. On a des réflexions par rapport à tout ça. Cette saison, je faisais l’analyse vidéo du week-end, un domaine dans lequel j’essaie de me perfectionner aussi, c’est un outil très important pour la performance. j’ai géré les joueurs aussi, j’ai ce rôle de manager général dans le fonctionnement du club. Quand on n’a pas forcément de moyens, il faut trouver des personnes investies, impliquées, il faut « vivre club » : ça va être le dossier numéro 1. On le voit à Jura Sud par exemple, où un garçon comme l’entraîneur Valentin Guichard, qui a fait de très belles choses là-bas, commence, à l’image de son club, à s’essouffler, parce que c’est usant. Il ne faut pas s’éparpiller.

Aujourd’hui, tu a un travail à côté du foot : envisages-tu, si tu es encore à Rousset la saison prochaine, de te mettre en disponibilité ?
C’est certain que le foot est de plus en plus prenant. Ma réflexion porte également sur ça, oui.

On dirait que la saison s’est déroulée comme dans un rêve…
Là, on a 13 points d’avance à 4 journées de la fin. C’est exceptionnel. Seuls Dieppe et Bayonne avaient déjà assuré leur montée en N2 avant nous. Pourtant, on avait fait un démarrage poussif, avec une victoire et trois nuls lors des quatre premières journées; à ce moment-là, on cherchait notre équipe, un ADN, une identité. L’été dernier, on a eu 60 % de l’équipe qui venait de changer. Il a donc fallu impulser un déclic et à partir de la 5e journée, on a enchaîné les victoires, sept de suite je crois, on est resté invaincu jusqu’au dernier match de la phase aller, perdu à Alès (3-2). Cette défaite a été salvatrice, parce qu’on commençait à entrer dans un certain confort. On n’appréciait plus les victoires comme on le devait. Ce n’était pas faute de mettre les joueurs en garde, de leur dire que ce que l’on était en train de vivre était exceptionnel, que l’on était pas programmé pour jouer quelque chose mais, pour autant, que l’on ne devait pas se priver d’être dans le confort en terme de résultats. Pour ça, il faut être exigeant à chaque match. Parce qu’en N3, on ne va rien nous donner. Quand on des garçons qui travaillent à côté, qui font du football une activité annexe plutôt qu’un vrai métier, qui ne sont pas 100 % dédiés au foot, comme c’est le cas chez nous, il faut toujours les tenir en alerte, être derrière eux, trouver le bon dosage. Mais je reconnais que l’on n’a pas eu de gros problèmes à gérer.

« Un deal gagnant-gagnant »

Aux côtés de Hakim Lahouel, le directeur sportif (au centre) et de Yoann Taguelmint, adjoint.

Cette saison a permis aussi à des joueurs de se révéler, d’être remarqués. C’était déjà le cas la saison passée. Et si c’était ça la philosophie du club ?
Le dernier exemple, c’est Idriss Mohamed (21 ans), qui a fait un essai en Ligue 2 à Annecy, c’est un défenseur central que l’on a pris il y a 2 ans (ex-Marignane, Istres et pôle Espoirs d’Aix). C’est le projet que je vends aux joueurs, surtout aux jeunes : on est un club tremplin. On leur dit « Voilà, vous avez des qualités, nous on a un certain savoir-faire. Si vous êtes performants, on va vous mettre en lumière sur le terrain et on ne vous bloquera pas. Si vous êtes bons et que vous servez les intérêts du club, vous servirez aussi vos propres intérêts. » C’est un deal gagnant-gagnant. Un garçon comme Sofiane Sidi Ali, qui a signé pro à l’OM (en janvier 2023), c’est valorisant pour Rousset. On en aura encore un ou deux je pense cette saison. C’est une vitrine pour le club. Il y a aussi des projets de « rebonds » qui peuvent être intéressants pour des joueurs qui sortent d’un cursus pro, déçus de ne pas avoir été conservés ou de ne pas avoir eu leur chance.

Le village de Rousset avec, au fond, la montagne Sainte-Victoire. Photo DR

Tout n’a cependant pas été rose, on pense à la saison passée, quand des sites internet ont annoncé ton limogeage et celui de Christian (Delachet) en cours de saison…
Les entraîneurs sont jugés par leurs résultats. On le ait. Le duo que je formais avec Christian l’an passé était décrié, c’est normal, les résultats ne suivaient pas. La direction a pris la décision de se séparer de Christian. Pour ma part, je suis resté dans le staff et il y a eu l’arrivée de Yoann Taguelmint aussi comme adjoint qui est encore là aujourd’hui, et de Daniel Jean-Alphonse comme entraîneur principal. En fait, la saison passée, on avait prévu que l’on aurait ce creux-là. On était parti sur un recrutement de joueurs à relancer, qui coûtait moins cher. On se doutait que le démarrage allait être poussif. Simplement, on ne pensait pas que cela allait durer aussi longtemps. Quand on a récupéré les cadres et que les épisodes de blessures se sont terminés, cela a coïncidé avec l’amélioration des résultats à partir de janvier, ce qui nous a permis de finir premiers sur la phase retour. Quant aux articles parus, qui disaient que l’on était virés, c’était erroné. Cela a entaché ce que l’on faisait au quotidien.

Déjà, lors de ta première saison, le coach n’était resté que quelques semaines…
Quand je suis arrivé, le coach venait d’être nommé, c’était Fatsah Amghar (ex-coach de Rumilly, qu’il a emmené en CFA et en demi-finale de la coupe de France en 2021). Cela n’a pas duré longtemps (Amghar a été limogé en septembre 2022), et c’est là que Christian (Delachet) est arrivé. Et à la fin de la saison suivante, Daniel Jean-Alphonse avait averti le club qu’il allait repartir vers Paris, c’est pour ça que Christian est revenu quand il y a eu ce fameux épisode.

Comment fonctionnez-vous avec Christian Delachet ?
Christian c’est le sage, il ne parle pas énormément, mais quand il parle, il est très écouté. Il prend beaucoup de hauteur. Moi, c’est plus la fougue. On se met d’accord sur une programmation et derrière, j’anime les séances. Il y a Yoann aussi (Taguelmint), qui est très important au quotidien.

« On part à l’aventure ! »

Comment est venue cette vocation d’entraîner ?
Après avoir joué à Gémenos (2018/19) avec « Titou » Hasni, j’ai fait une dernière saison en Régional 2 à Saint-Zacharie, on est monté en R1 en 2020. Puis j’ai décidé d’arrêter. J’étais déjà éducateur à Air Bel, juste pour donner un coup de main, avec les U16. Cela a été très formateur. Air Bel, c’est le deuxième club marseillais en termes de jeunes après l’OM, avec une pépinière de talents. Je croise beaucoup de joueurs de N2 et N3 passés par Air Bel. J’ai obtenu mon BEF quand j’étais éducateur en U16 R2 à Air Bel, en parallèle de ma dernière saison à Saint-Zacharie. C’est là que j’ai passé ce cap. J’ai signé ensuite à Carnoux comme adjoint, en Régional 1, avec Bruno Lacoste, lors de la saison 2020-2021. C’était la première fois que je coachais des anciens partenaires ! C’était une nouvelle posture à avoir, une proximité à trouver en même temps qu’une fonction à assumer. Il fallait trouver le bon compromis. Ensuite, j’ai signé adjoint en National 3 à l’Athlético Marseille (ex-Consolat), en 2021/22, avec Jimmy Turi puis Franck Priou est arrivé en cours de saison, mais le club a subi un dépôt de bilan. C’était très dur parce que c’est un club qui comptait pour moi. J’ai vu les galères de la vie, des garçons qui ne touchaient plus de salaire, vraiment une période compliquée. Voir que le club, qui était un monument du football régional, n’existe plus, c’est un déchirement. C’est triste. Ce club a mis en lumière des joueurs et permis l’éclosion de certains, comme Julien Lopez, Umut Bozok, Rémi Sergio, Salim Mramboini, Faïz Selemani, Youssouf M’Changama et plein d’autres.

Quand et comment es-tu arrivé au FC Rousset ?
Je suis arrivé en 2022. Le directeur sportif, Hakim Lahouel, est un ami d’enfance. On a des liens très étroits. On était à l’école primaire ensemble. Il est là depuis 10 ans. En 2018, j’avais failli signer comme joueur déjà.

On dit que Hakim Lahouel, souvent dans l’ombre, est la pierre angulaire du projet à Rousset…
Oui et ça me tient à coeur de parler de lui. Hakim, c’est une belle personne, quelqu’un qui ne se met pas en avant et qui ne cherche pas la lumière, alors qu’il mériterait d’être sous les projecteurs. Il est très compétent. Il a donné beaucoup de son temps au club et aujourd’hui, si Rousset en est là, si on parle autant des résultats, c’est parce que derrière, il y a un garçon très important, et c’est lui. C’est le socle. L’artisan principal de la montée en National 2, c’est lui. Quand il est arrivé, Rousset était en Régional 2. Il est passionné, c’est une encyclopédie du foot, il connaît tous les joueurs, et c’est quelqu’un qui a un boulot à côté.

A titre personnel, tu aimerais aller plus haut, plus tard ?
Actuellement, il y a des entraîneurs qui arrivent, qui sont inspirants, je pense là, comme ça, à Patrick Videira, qui m’a envoyé un message sympa pour le titre, Karim Mokeddem, etc. Il y a eu Claude Fichaux à Strasbourg, qui m’a lui aussi envoyé un message pour la montée. Oui, j’aspire, du moins, j’espère faire partie de ces entraîneurs-là, mais chaque chose en son temps. Intégrer un centre de formation aussi, ça peut être intéressant. J’arrive à la croisée des chemins. Je ne me ferme pas de porte. Mais là, aujourd’hui, dans mon parcours, vivre la saison en National 2, ça peut être très intéressant. On n’aura pas de pression, si ce n’est celle que l’on se mettra nous-mêmes ! On sait qu’un maintien en N2 serait historique pour Rousset. On part à l’aventure en fait !

« On attire un peu plus les regards »

La place Paul-Borde du village de Rousset. On y joue au… ballon !

On te demande souvent où se trouve Rousset ?
D’abord, souvent, quand on rencontre les autres clubs, ils ne savent pas comment appeler la ville : ils se demandent si on doit dire « Le Rousset » ou « Rousset » ! Cela montre déjà le degré de méconnaissance (rires) ! Après, au fur et à mesure de la saison, on est devenu l’ovni du championnat. On a attiré un peu plus les regards.

Mais si je te demande « C’est où Rousset ? », tu me réponds quoi ?
Je te réponds que c’est à côté de Marseille, à 15 minutes d’Aix-en-Provence. C’est important de citer les deux villes (rires).

« Un entraîneur ne signe plus pour un projet »

Tu as essentiellement joué dans le sud-est de la France, souvent dans des clubs dits « à problèmes » ou qui ont connu des problèmes… Est-ce le hasard ou y a-t-il une explication ?
Oui, c’est fou ! Je pense que mon profil, à ce moment-là, collait à ces clubs-là. Parce que malheureusement, ici, dans notre région, on a eu beaucoup de clubs où c’était géré, disons, d’une certaine manière sur le plan financier. On était chaque année dans le dur. Si à un moment donné j’ai fait partie de ces clubs-là, Istres, Martigues, Consolat, c’est parce qu’ils avaient besoin de joueurs de ce niveau-là. Dans mon parcours, j’ai souvent connu des clubs sur le déclin. J’ai souvent été dans des projets où il fallait remonter, où ils avaient besoin de joueurs de caractère pour atteindre les objectifs, où les dirigeants faisaient des investissements mais sans forcément bien gérer les finances.

Tu parles de gestion parfois compliquée dans les clubs du sud : mais toi qui connais bien le microcosme régional, c’est quoi l’explication ? Pourquoi plus ici qu’ailleurs ?
Un projet, ça se construit. Mais beaucoup de présidents sont impatients dans les clubs du Sud. Ils veulent monter tout de suite. Ils sont accrochés aux résultats et du coup, pour eux, résultats = réussite. Et à côté de ça, dans d’autres régions de France, on voit plus de coachs qui construisent sur la durée. Dans notre région, les projets n’existent plus. D’ailleurs, ont-ils déjà existé ? Un entraîneur, aujourd’hui, ne signe plus pour un projet, mais pour des résultats, et c’est dommage, parce que, quand on voit des structures comme Toulon, Cannes, Fréjus, avec ce manque de stabilité dont tu as parlé, c’est un échec. Si la ligne directrice d’un club, c’est le projet avant les résultats, forcément, il y aura moins d’impatience et du coup, on va laisser du temps. Après, forcément, si les résultats ne sont pas là, si tu es dernier et que tu ne gagnes pas un match, la question d’un changement de staff va se poser. Mais si on a des résultats un peu moins bons qu’espéré, mais que le projet a l’air d’être sur la bonne voie, alors il faut accompagner les gens en place. Malheureusement, on casse trop vite les projets. À Rousset, Hakim (Lahouel) a compris ça très tôt. La saison passée, dans la tempête, on a pris de la hauteur alors que la facilité aurait été de tout casser. Je pense qu’on récolte les fruits de ça aujourd’hui. Ce mauvais passage a permis de nous souder encore plus. On savait que cela allait nous mener quelque part. Bon, de là à jouer la montée, non ! Avec le président (Malek Aït Atmane), c’est pareil, on est très proche, on a une certaine vision, on n’a pas vraiment ce rapport hiérarchique de président / entraîneur. On est lié par la même passion du foot. Ce qui fait que derrière, on n’a pas de pression. Pas d’obligation. Si ça marche, c’est bien, si ça ne marche pas, on essaie de réguler. Tous ensemble. C’est ça qui est bien à Rousset.

As-tu eu le temps de t’intéresser cette saison aux autres poules de National 3, de National 2 aussi ?
Je regarde beaucoup de championnats. Cela donne des idées pour le recrutement. C’est pour ça que l’on a parfois des joueurs qui viennent de loin, parce que d’autres clubs n’ont pas eu l’idée de les recruter. Il faut avoir la connaissance des joueurs et pour ça, Hakim (Lahouel) est très bon dans ce domaine.

« Nicolas Usai est très inspirant »

Ton meilleur souvenir de joueur ?
La victoire en Gambardella en 2006 avec le RC Strasbourg, il y avait notamment Kevin Gameiro, Quentin Othon, qui est toujours au club, Anthony Weber, c’était une promotion assez sympa. Le coach était Claude Fichaux, ensuite il était ajoint de Rudy Garcia à l’AS Roma, à L’OM et à Lille.

Et le pire ?
Quand on n’est pas monté en Ligue 2 avec Marseille-Consolat, après une saison extraordinaire (2015-2016), avec le coach Nicolas Usai, une personne qui a aussi beaucoup compté pour moi dans mon choix de l’après carrière. Il était très inspirant. La Ligue 2 aurait pu changer la vie sportive de beaucoup de joueurs. C’était une aventure humaine extraordinaire. Mais on a flanché à la fin.

Combien de buts marqués dans ta carrière ?
J’en ai marqué plus sur la fin qu’au début. J’avais la technique on va dire, j’ai marqué pas mal de coups francs directs. Avec Aubagne, je me souviens qu’une saison, j’avais mis 10 buts dont 7 ou 8 sur coup franc ! Sinon, en général, je marquais entre 3 et 5 buts par saison. Pour un défenseur, c’est correct.

« Le foot, un vecteur de solidarité »

L’église de l’Immaculée-Conception à Rousset.

Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Quelques-un quand même… Cela m’est arrivé d’être dur sur l’homme, d’avoir de l’excès d’engagement par moments, mais j’avais plutôt la réputation d’un joueur habile balle au pied, bon relanceur. Je n’avais pas cette réputation-là d’être un défenseur qui faisait mal. J’avais cette culture de vouloir ressortir proprement, ce qui ne m’a pas tout le temps servi, parce qu’à mon époque, on aimait bien les joueurs rugueux. Mais je ne voulais pas déroger à cette mentalité-là. Depuis que je suis passé entraîneur, c’est ce que je prône aussi, même si, parfois, bien sûr, il faut balancer ! C’est important d’avoir ce bagage, parce que le défenseur, comme le gardien, est le premier relanceur.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur et pourquoi défenseur ?
Parce que c’était le sport populaire, vecteur de solidarité entre nous. C’est ce qui nous rassemblait tous. Et puis, autour de nous, on n’avait pas non plus beaucoup de choix dans les sports à pratiquer. J’habitais dans les quartiers Nord de Marseille, au Canet / Jean-Jaurès, dans le XIVe arrondissement. On était une bande de copains, on se retrouvait après l’école pour jouer au foot dans le club du quartier, Canet Sports, qui n’existe plus aujourd’hui.

Quel a été ton parcours, ensuite ?
J’ai joué à la JO Saint-Gabriel, un club de Marseille un peu plus huppé; ça m’a permis d’être repéré et d’intégrer le centre de formation de Cannes, où j’ai passé 3 ans. Il y a eu le tournoi des Régions aussi, avec la Ligue de Méditerranée, qu’on a remporté, avec Serge Gakpé, Samir Nasri, Ahmed Yahiaoui, Vincent Muratori, Thomas Mangani, on avait une très belle équipe.

Vainqueur de la Gambardella avec Strasbourg

Comment as-tu été repéré par l’AS Cannes ?
On avait une équipe à Saint-Gabriel au-dessus du lot. On avait fini premiers du championnat, on était suivi chaque week-end par les recruteurs. Pour ma part, j’étais surclassé, mais j’étais assez grand, j’avais le profil pour intégrer le centre de formation d’un club pro. À Cannes, j’y suis resté 3 ans, des U15 jusqu’au groupe National, où j’ai même fait des matchs, 7 je crois, avec le coach René Marsiglia et Franck Passi comme adjoint (en 2004/2005). Mais le club commençait à décliner à ce moment-là. Cela m’a quand même permis d’être mis un peu en lumière. A la fin de cette saison, j’ai choisi d’aller au centre à Strasbourg pour évoluer. C’est là que je remporte la coupe Gambardella la première année (en 2006), mais je ne passe pas pro. Pourtant, je faisais partie des quatre joueurs pressentis pour signer. Du coup, j’ai signé pro à Istres, en National, qui venait de descendre de Ligue 2. On a fait une très belle saison avec le coach René Le Lamer. Il y avait notamment Walid Mesloub, Olivier Giroud, qui était prêté par Grenoble, Julian Palmieri, Simon Feindouno… On avait une équipe sympa, jeune, on était une bande de copains. On a terminé au pied du podium et on n’est pas remonté. Ensuite, j’ai attendu quelques mois avant de voir si je trouvais un club de National, cela ne s’est pas fait, et je suis reparti dans le foot amateur, à Marignane, en CFA. Mais je n’y suis resté que quelques mois : je suis parti en D1 Tchèque, à Pribram, sauf que… Financièrement, il y a beaucoup de retards de paiement, bref, ça n’a pas tenu. Mais c’était une bonne expérience et la première fois que je m’expatriais. Cela m’a permis aussi de voir le football ailleurs. Après, j’ai signé à Gap, en CFA, avec Franck Priou, une personne qui est chère à mon coeur et avec qui j’ai une histoire. On est monté en National. Dans la foulée, Franck a signé à Martigues et Patrick Bruzzichessi l’a remplacé. On s’est maintenu sportivement à la dernière journée à Créteil, malheureusement, administrativement, le club a déposé le bilan. Malgré tout, on avait rempli les objectifs sportifs.

Meneur d’hommes, rassembleur…

Victor Ferreri, le préparateur physique.

Qualités et défauts sur un terrain, c’était quoi, selon toi ?
J’étais un meneur d’hommes. Je m’intéressais pas mal aux autres. J’étais rassembleur. Bien sûr, comme chaque joueur, j’étais centré sur moi, mais pas trop en fait, car j’avais ce truc de savoir fédérer. J’ai souvent été capitaine dans les équipes où j’ai jouées. J’étais nonchalant, pas très attiré par l’effort : je me reposais sur mes acquis.

Que t’a-t-il manqué pour jouer en Ligue 2 selon toi ?
C’est un peu ce que je viens de dire : je n’avais pas cette présence d’esprit que j’ai aujourd’hui de me dire que, si j’avais tout donné, j’aurais pu faire beaucoup plus dans le football, parce que je pense que j’avais les qualités pour ça. Mais je ne me suis jamais vraiment donné les moyens d’y arriver. Parce que sur le moment, je ne prenais pas conscience de cela. Je me disais que ça allait arriver. Mais on se rend bien compte aujourd’hui que les qualités ne suffisent plus. Je ne le regrette pas forcément, c’est le destin, mais si je m’étais donné à 200 %, je serais curieux de voir ce que cela aurait pu donner.

« Une carrière, ça va très vite »

Cette prise de conscience tardive, cela te sert aujourd’hui dans ton approche d’entraîneur ?
C’est un peu le message que j’essaie de faire passer auprès de mes joueurs, surtout des jeunes. Je leur dis qu’il faut se donner les moyens pour ne pas avoir de regret, aussi bien dans l’entraînement visible qu’invisible. Il faut prendre conscience qu’aujourd’hui, une carrière, ça va très vite, que l’on peut en vivre mais que l’on peut aussi passer à côté et le regretter, parce que ça peut très vite s’arrêter.

En National 3, c’est possible d’avoir ce discours-là ?
Oui parce qu’il y a quelques clubs qui sont en capacité de donner des salaires cohérents, je pense à Alès où les joueurs vivent du football, s’entraînent le matin. C’est comme un club semi-pro. Là-bas, les joueurs en font un métier. C’est ce que je souhaite a minima à mes joueurs : d’être un très bon joueur amateur, de vivre du football si possible. Maintenant, s’ils ont des qualités pour aller au-dessus, il faut les encourager pour se donner à fond et ne pas avoir de regret.

« Je dois évoluer, adapter mon comportement »

La réserve est championne de D1 et accède en Régional 3.

Tu es un entraîneur plutôt comment ?
J’essaie d’être l’entraîneur que j’aurais aimé avoir. J’ai eu de bonnes expériences, d’autres moins bonnes, et j’essaie de tirer le parti de tout ça. Je suis très proche de mes joueurs. Mais je fais la part des choses. J’ai ce management qui fait que je sais créer un lien, c’est ce qui fait aussi que l’on a des résultats. Je ne pense pas que mettre de la distance soit une bonne chose. En fait, la meilleure pub que l’on peut me faire, c’est celle qui vient de mes joueurs, de ce qu’ils pensent de moi. Pour le moment, les retours sont bons, c’est ce qui me conforte. Mais je dois évoluer aussi. Adapter mon comportement. Je pense que depuis mon arrivée en 2022 à Rousset je me suis énormément développé. J’aspire chaque jour à être meilleur, à progresser.

Des entraîneurs inspirants ?
J’ai eu beaucoup de très bons entraîneurs, je pense à François Keller à Strasbourg, que j’ai eu en réserve en CFA, j’ai eu Lasaad « Titou » Hasni à Gémenos, qui est aujourd’hui directeur du centre de formation de l’OM, une personne très intelligente, qui m’a poussé aussi à passer mon BEF (Brevet d’entraîneur de football) pour franchir ce cap, Nicolas Usai, Eric Chelle, Franck Priou bien sûr avec qui j’ai une relation forte, encore aujourd’hui. Ils m’ont tous apporté quelque chose dans mon parcours.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Je suis allé à l’Emirates Stadium (Arsenal), c’était vraiment pas mal, au Nou Camp aussi (Barcelone). Sinon, le Vélodrome, c’est les racines, la meilleure ambiance d’Europe !

Un coéquipier marquant ?
Il y en a plusieurs ! Walid Mesloub. J’ai gardé une relation forte avec lui. Nos épouses se connaissent. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié et pourtant on n’a joué qu’une seule saison ensemble à Istres. C’est l’un des plus talentueux avec lequel j’ai joué. Ibrahim Rachidi aussi, qui est l’adjoint d’Hakim Malek en L2 à Martigues, était particulièrement drôle : on se chambre encore beaucoup, on s’appelle.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling dans le jeu ?
À Gap et à Martigues, j’ai joué avec Medhi Messaoudi, on se ressemblait physiquement, on était complémentaires. A Aubagne, j’ai joué avec Yann Jean dit Gauthier, on n’était pas les défenseurs les plus rapides mais, là encore, on avait cette complémentarité. On avait fait une très bonne saison, on avait fini 2e.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné dans ta carrière, contre lequel tu t’es dit « ce soir, ça va être compliqué » ?
Quand on a joué contre Monaco, il y avait Djamel Bakar en réserve, c’était un super joueur. Il allait très vite. Il a fait une belle carrière mais il aurait pu faire encore mieux que ça. Et David Gigliotti aussi, c’était un crack quand il était jeune.

« Quand un coach qui « allez », je ne comprends pas ! »

Un coéquipier que tu aimerais bien revoir ?
Youssouf M’Changama.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Claude Fichaux.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
A Gap, la deuxième saison, quand on est monté en National, on ne s’est pas forcément compris avec le coach, Patrick Bruzzichessi. C’est dommage. Sur le plan personnel, c’était une année compliquée, mon père était malade, il est décédé, le club était dans une situation compliquée aussi. Dans le management et la manière d’appréhender l’équipe, cela a été difficile. Cette saison-là, je ne l’ai pas gardée dans mon coeur.

Une consigne d’un entraîneur que tu n’as pas compris ?
Quand un coach crie « Allez ! », je n’arrive pas à comprendre ce que cela veut dire !

Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Luc Mingallon, pour tout ce qu’il représentait à Marseille-Consolat. C’était folklrorique.

Une causerie de coach marquante ?
J’étais très jeune, c’était la causerie de la finale du tournoi des régions avec Bruno Bini, je devais avoir 14 ans, il nous avait fait marcher au bord d’une rivière et il avait fait sa causerie là, il s’était mis à la place de l’entraîneur adverse et il expliquait comment on était perçu. C’était les premiers pas vers le foot de haut niveau; ça m’avait marqué.

Des rituels, des tocs, des manies avant un match ?
J’aime rester dans ma bulle. La manière avec laquelle je fonctionne, et c’est paradoxal, est un peu à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui, où les joueurs aiment bien être décontractés, rigoler, et ils » switchent » à 5 minutes du jeu; ça ne me dérange pas, chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais moi, j’aime bien visualiser mon match dans la tête. J’ai besoin de me recentrer sur ça. Joueur, j’étais comme ça aussi. Je ne suis pas très bavard avant les matchs, alors qu’en dehors oui (rires).

Proximité et bienveillance

Une devise, un dicton ?
Non, je n’en ai pas en particulier, même si j’aime bien mettre une petite phrase de temps en temps, quand je pense que c’est le bon moment.

Tes passions dans la vie ?
La famille. Le foot prend tellement de temps ! Il faut trouver le bon dosage entre le foot et la famille. Les moments sont précieux.

Un chiffre ?
Le 7. Mon épouse est née le 7.

Un surnom ?
Nono.

Tu es un entraîneur plutôt …
Bienveillant. Joueur. « Protagoniste », je suis celui qui préfère avoir la balle plutôt que d’avoir à m’adapter à l’adversaire.

Tu étais un joueur plutôt …
Leader, technique et fédérateur.

Un modèle de défenseur ?
J’ai toujours aimé les défenseurs « propres » comme Paolo Maldini, ou Alessandro Nesta.

Une idole de jeunesse ?
Zidane, comme tout le monde.

Le match de légende de l’Histoire du foot, c’est lequel pour toi ?
Real Madrid – Leverkusen en finale de la Ligue des Champions (en 2002) avec la volée de Zidane. Et aussi Milan AC – Liverpool (en 2005), quand Liverpool est revenu de 0-3 à 3-3. On prenait beaucoup de plaisir devant la télévision, il y avait beaucoup de stars sur le terrain.

Le club de Rousset, en quelques mots ?
Familial, en plein développement et sur la bonne voie.

Le National 3 ?
Compliqué, exigeant. C’est ce qui résume ce championnat-là. Le N3 demande beaucoup de concentration, de remise en questions. À Rousset, on essaie de mettre une bonne méthodologie de travail.

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : FC Rousset SVO (Lucas Zanoni et HMZ Production)
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