Deuxième buteur de National à trois journées de la fin, l’attaquant éclate cette saison à 29 ans avec Marignane Gignac Côte Bleue. Arrivé en France en 2010, le Malien, qui avait disputé son premier match de National à 17 ans avec le Paris FC, a dû surmonter de nombreuses embûches pour en arriver là.
Par Laurent Pruneta / Photos : Philippe Le Brech et Benoît Ciantar – MGCB
Actuel deuxième buteur de National (14 réalisations) derrière Alan Kérouédan (Avranches, 15 buts) et élu meilleur joueur du championnat en mars, Diawoye Diarra est en train de réaliser la meilleure saison de sa carrière. Mais à 29 ans, l’attaquant malien de Marignane Gignac Côte Bleue n’est plus une révélation. Son premier match de National, il l’avait en effet disputé… en septembre 2012 avec le Paris FC, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans. « Après, j’ai un peu traîné en route », avoue Diarra, qui a essentiellement évolué en National 2 (Entente Sannois Saint-Gratien, Montceau-les-Mines, Martigues, Louhans-Cuiseaux) avant donc d’éclater cette saison. « Je n’ai pas eu un parcours très facile », poursuit-il, toujours très réservé et pudique. « Quand vous m’avez connu au Paris FC, j’étais vraiment timide. Je ne parlais pas beaucoup. Je me méfiais. Mais à l’époque, je ne comprenais pas et je ne parlais pas encore bien le français. Au Mali, je n’étais pas allé à l’école. Mais maintenant, je suis plus à l’aise. »
Dans tous les clubs où il est passé, il a fait l’unanimité par sa gentillesse et sa simplicité. Il a toujours mis en avant le collectif et n’a jamais joué pour ses « stats ». Installé à Martigues avec sa femme, qu’il a connue en région parisienne, et leur fille de 8 ans, Diawoye Diarra est aujourd’hui pleinement épanoui et se sent prêt à rattraper le temps perdu. « Il reste trois matchs de championnat, ça sera trois finales. J’ai un double objectif : le maintien en National avec mon club et aller cherche le titre de meilleur buteur. »
À quelques heures d’un derby décisif à double titre (montée d’un côté, maintien de l’autre) à Martigues, l’un de ses anciens clubs, il s’est longuement confié à @13heuresFoot.
Les rues de Bamako, l’Ajax d’Amsterdam, un foyer d’aide à l’enfance
Issu d’une fratrie de 10 enfants, Diawoye Diarra jouait surtout au foot dans les rues de Bamako. « Je n’étais pas dans un vrai club mais dans un club de quartiers », explique-t-il. C’est là qu’un recruteur l’a remarqué quand il avait 15 ans. « Il m’a aidé à avoir un visa et je suis parti en test à l’Ajax Amsterdam avec quatre autres camarades. Mais ça n’a pas marché et je suis donc arrivé en France à Paris, seul. » C’était en décembre 2010.
Mineur isolé, il est pris en charge par des associations puis l’Aide Sociale à l’Enfance qui lui a permis d’intégrer un foyer des Apprentis d’Auteuil à Sannois (Val-d’Oise). Il suivait une formation d’ébéniste. « Ce n’était pas facile », soupire-t-il.
Malgré ce quotidien très précaire, il a toujours gardé en lui ses rêves de réussir dans le foot. Avec les U17 de l’UJ Alfortville, il a empilé les buts en 2010-2011. « Quand je suis arrivé, on m’a parlé d’un attaquant qui avait énormément marqué avec les U17, je l’ai donc intégré en CFA. C’est un garçon très attachant, mais qui était un peu livré à lui-même. C’était compliqué pour lui car il devait rendre des comptes au foyer qui l’hébergeait », expliquait son entraîneur Christophe Taine dans les colonnes du Parisien.
Le soir, Diarra mettait plus d’1 h 30 en RER pour rentrer dans son foyer. Pour sa première saison en CFA à 17 ans, il dispute 13 matchs (1 but) avec l’UJA.
Un premier match en National à 17 ans avec le Paris FC
À l’été 2012, il rejoint le Paris FC. « C’est Manu (Souloy, ancien coach de la réserve) qui m’a dit de venir. Mais au départ, c’était pour jouer avec les U19 et la réserve en CFA2 ».
Mais le Paris FC, qui a noué un partenariat avec les Académies de Jean-Marc Guillou, rate totalement son départ en National. Diarra s’entraîne rapidement avec l’équipe première. Le 7 septembre 2012, il débute en rentrant à la mi-temps face à Bourg-Péronnas (2-1) avant d’inscrire son premier but face à Vannes (2-2) le 22 novembre.
Convaincu par son potentiel, le Paris FC lui fait signer un contrat fédéral de deux ans qui lui permet d’ouvrir son premier compte en banque et de tourner le dos à la précarité.
Relégué sportivement en CFA, le Paris FC est repêché en National le 14 juillet 2013. Diarra retrouve le coach qui l’avait lancé en CFA avec l’UJA, Christophe Taine, qui vient de s’engager avec le club parisien. Mais l’attaquant malien rate tout le début de saison à cause d’une longue suspension – il avait reçu un carton rouge lors de la demi-finale de la Coupe Gambardella entre le Paris FC et Bordeaux (0-1) au mois de mai précédent à Gap.
Il réalise néanmoins un deuxième exercice en National plein de promesses (16 matchs, 3 buts). Attirés par ses qualités de percussion et de dribble, de nombreux clubs de Ligue 2 viennent le superviser dans le petit stade Déjerine de la Porte de Montreuil (Paris XXe) où le Paris FC avait décidé de retourner cette saison-là.
Essai à Laval, rupture avec le Paris FC, refuge à l’Entente SSG
En mai 2014, il part effectuer un essai à Laval (L2). « Ça s’est bien passé. Mais il y a eu des soucis avec le Paris FC. Le directeur sportif Alexandre Monier (désormais retiré du foot) m’avait donné son accord pour partir faire ce test. Mais quand je suis revenu, il a dit le contraire. Après, il a raconté plein de choses mauvaises sur moi… L’entraîneur du Paris FC (Christophe Taine) voulait me garder. Mais Alexandre Monier ne voulait plus que je reste. Les clubs qui étaient intéressés par moi ne l’étaient plus. La saison a commencé et je n’avais rien. Ça m’a cassé le moral. À un moment, je voulais arrêter le foot pour aller travailler. »
Séparé de son agent, Diawoye a vaincu sa timidité pour appeler lui-même plusieurs entraîneurs de clubs de la région parisienne. Vincent Bordot, alors à l’Entente Sannois Saint-Gratien en CFA, a flairé le bon coup. Le club Val-d’Oisien fait l’effort financier en lui proposant un contrat fédéral. Hasard du destin, le Malien connaissait déjà bien Sannois. À son arrivée en France en 2010, il avait en effet vécu au foyer des apprentis d’Auteuil, situé dans cette commune du Val-d’Oise. « J’étais motivé. Je me disais que je reculais pour mieux sauter. Franchement, ça s’est bien passé même si on peut toujours mieux faire. Mais j’ai passé deux bonnes saisons avec l’Entente. »
Sur le plan statistique, il a inscrit 8 buts en 45 matchs. Pas suffisant pour retrouver le niveau au-dessus…
De Montceau à Louhans-Cuiseaux en passant par Rodez et Martigues
À l’été 2016, il signe à Montceau-les-Mines, toujours en CFA. « Avec tout ce qui s’était passé, ça m’a fait du bien de m’éloigner de la région parisienne. Montceau, c’était plus calme et plus anonyme que Paris. Mais je m’y suis bien senti. Ça m’a fait évoluer. J’ai vraiment passé une super saison à Montceau. »
Il marque 12 buts (dont 9 en championnat), distribue 5 passes décisives et contribue au maintien du club de Saône-et-Loire en CFA. Mais il regarde toujours au-dessus. En fin de saison, il participe à un match de détection avec Rodez, tout juste promu en National. Retenu, il est ensuite mis à l’essai avec le groupe lors de la reprise de l’entraînement puis dispute un match de préparation face à Toulouse (Ligue 1) qui achève de convaincre le coach, Laurent Peyrelade, de le faire signer. « J’étais content car je retrouvais le niveau National, ce qui était mon objectif ».
Mais il joue peu (8 matchs dont 4 titularisations). En janvier 2018, il résilie son contrat fédéral pour signer à Martigues (N2). « Rodez comptait sur moi plus pour le long terme et voulait me garder. Mais moi, je n’étais pas heureux, je voulais du temps de jeu. Quand Martigues m’a appelé, j’ai décidé d’y aller même si c’était pour retrouver le N2. »
C’est à Martigues que Diarra est resté le plus longtemps dans un club : trois saisons et demie (les deux dernières abrégées par la Covid) avec des stats convenables (16 buts, 9 passes décisives). « C’est un club où je me suis senti bien. Il y avait vraiment une excellente ambiance entre nous. J’y ai fait des belles rencontres comme le coach Éric Chelle. J’ai aussi adoré le cadre de ma vie. »
Mais à l’été 2021, il choisit de retourner en Saône-et-Loire, à Louhans-Cuiseaux (N2). « Ils m’ont fait une proposition intéressante. J’ai passé une super saison là-bas. » Sur le terrain, il se met surtout au service du collectif (1 but, 4 passes décisives). « Moi, je peux jouer partout : en pointe, derrière l’attaquant, sur les côtés ou au milieu. Je n’ai jamais pensé qu’à moi. J’ai toujours voulu me mettre au service de l’équipe, faire des différences et faire des bonnes passes. »
La plénitude et les buts à Marignane
Après cette parenthèse à Louhans-Cuiseaux, il retrouve la région marseillaise, à Marignane. « Le Sud, le soleil me manquaient trop, sourit-il. Je suis arrivé dans un très bon groupe avec un très bon coach. Je me suis senti vraiment à l’aise. »
Avec 4 buts et 5 passes décisives, il est l’un des acteurs majeurs de la montée en National. Avant, donc, de réaliser sa saison la plus prolifique depuis ses débuts en 2012. « Il n’y a pas eu de déclic particulier. J’ai toujours marqué des buts mais à la base, j’étais plus passeur. Ça me plaisait de jouer pour les autres. Mais on a eu une discussion avec le coach Brahim Hemdani sur mon utilisation offensive. On s’est dit que je serais plus utile en pointe. Il m’a fait confiance et donné des responsabilités. En National, il y a plus d’espaces qu’en National 2 et je peux davantage jouer avec ma vitesse. J’ai commencé à marquer et tout s’est enchaîné. J’étais vraiment content d’être élu meilleur joueur de National du mois de mars après avoir déjà été nommé (décembre-janvier). Bien sûr que je veux terminer meilleur buteur de National. Mais il faut que mes buts permettent à Marignane de se maintenir, c’est ça le plus important. »
Enfin un contrat pro à 29 ans ?
Une fois sa mission accomplie, Diawoye Diarra va peut-être, pour une fois, penser un peu plus à lui. Il sait qu’à 29 ans et après une telle saison, c’est peut-être sa dernière chance d’attraper le bon wagon pour décrocher un contrat pro. Des clubs de L2, National et étrangers (Arabie saoudite, Danemark, Belgique) le suivent déjà.
« J’ai des contacts mais je suis bien ici à Marignane donc on verra à la fin du championnat. J’ai aussi réussi des grosses saisons en National 2 mais comme c’est moins suivi que le National et que je n’avais pas des grosses « stats », on parlait moins de moi. Mon parcours a été compliqué, j’ai connu la galère, surtout à mon arrivée en France. Après, parfois, j’ai signé des contrats parce qu’on me proposait un peu plus… Mais quand je vois ce que je suis devenu, je suis quand même fier de ce que j’ai réussi. À la base, j’étais dans un foyer, un peu perdu, personne ne me connaissait en France et j’ai quand même réussi à vivre du foot. Je remercie ma femme qui m’a toujours soutenu et tous ceux qui m’ont aussi aidé dans les clubs où je suis passé. »
Diawoye Diarra, du tac au tac
Votre meilleur souvenir ?
La montée en National avec Marignane la saison dernière.
Votre pire souvenir ?
De ne pas avoir pu signer à Laval en 2014. J’avais 19 ans et on ne sait pas aujourd’hui où j’en serais si j’avais joué en Ligue 2. C’est ça qui a fait basculer ma carrière. J’ai pris un gros coup au moral à l’époque.
Votre plus beau but ?
C’était en CFA avec l’Entente Sannois-Saint-Gratien. J’ai enchaîné une aile de pigeon et une tête ensuite. Avec Marignane, j’en ai aussi mis deux beaux cette saison : contre Avranches (il se retourne avant d’enchaîner par une grosse frappe en lucarne) et à Nancy (« une Madjer »).
Vos qualités et vos défauts ?
La vision du jeu, la vitesse et le dribble. Le sens du collectif, aussi. Je pense être un bon coéquipier pour les autres. Comme défaut, à mes débuts, c’était le placement. Mais à Rodez, j’ai beaucoup progressé dans ce domaine.
Le joueur qui vous a marqué plus jeune ?
Le Guinéen Pascal Feindouno. Un phénomène avec le ballon.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Christophe Jallet. Il était descendu jouer avec la réserve de Lyon quand j’étais à Montceau en N2. C’est lui qui me marquait sur mon côté.
Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Mon compatriote malien Hamari Traoré. C’est celui qui a fait la plus belle carrière : Lierse en Belgique, Reims, Rennes et maintenant la Real Sociedad. Il est capitaine de la sélection, aussi. Je l’ai connu en 2012-2013 au Paris FC en National. Il arrivait de l’Académie Guillou de Bamako. Déjà, il ne lâchait rien même si la saison a été difficile.
Vos amis dans le foot ?
Le gardien Melvin Adrien (Evian-Thonon). On a joué ensemble à Martigues et Louhans-Cuiseaux. Il est blessé en ce moment (rupture de la rotule). Bon courage à lui !
Les entraîneurs qui ont compté pour vous ?
Éric Chelle à Martigues et Brahim Hemdani à Marignane. Ils ont un peu le même fonctionnement. Avec eux, c’est « sérieux et travail ». Mais ils te donnent beaucoup de détermination et de confiance.
Un président marquant ?
Claude Menotti à Montceau. Un Monsieur vraiment super humainement.
Le club ou la saison où vous vous êtes senti le mieux ?
Depuis que je suis à Marignane. On m’a mis dans les meilleures conditions et on m’a vraiment fait confiance.
Vos occupations en dehors du foot ?
Je ne sors pas beaucoup. Je m’occupe déjà de ma femme et ma fille. Je fais aussi des entraînements individuels, de la musculation. Je me concentre à fond sur le foot.
Si vous n’aviez pas été footballeur ?
J’aurais été ébéniste. Depuis tout petit, j’ai toujours aimé le bois, fabriquer des choses. Au Mali, mon père était menuisier. J’allais travailler avec lui. Après, en France, j’ai fait une formation d’ébéniste quand j’étais aux Apprentis d’Auteuil. Ça me plaisait. J’ai préparé quelques tables. Mais le foot, c’était mon rêve depuis tout petit.
La région parisienne, la Bourgogne ou le Sud ?
Je préfère le sud pour le soleil. J’habite à Martigues, ça me plaît beaucoup. Quand je jouais à Louhans-Cuiseaux, c’était un peu plus compliqué. Il y avait souvent du brouillard et pas grand-chose à faire. C’était calme, les grandes villes comme Chalon ou Lons-le-Saunier, étaient loin…
Votre plus grand regret ?
De ne pas avoir pu revoir ma famille au Mali. C’est dur d’être loin d’eux. En 2020, je devais y retourner mais il y a eu la Covid et les frontières sont restées longtemps fermées.
Championnat National (32e journée) – Vendredi 3 mai 2024 : FC Martigues (2e, 53 points) – Marignane Gignac Côte Bleue (16e, 34 points), à 21h.
Texte : Laurent Pruneta – Twitter: @PrunetaLaurent
Photos : MGCB FC et Philippe Le Brech
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