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Hervé Papavero (Reims Sainte-Anne) : « Je manage au mérite »

Revenu dans le club de sa ville l’été dernier, l’ex-coach de Roye et de Châlons vient d’assurer le maintien en National 3 de son équipe au terme d’une saison éprouvante, malgré par une belle campagne de coupe de France malheureusement achevée par le douloureux épisode face à Wasquehal.

Photo Philippe Le Brech

Un meneur d’hommes. Prêt à forger un groupe, façonner un état d’esprit et créer une âme de conquérant.
Depuis août 2022, Hervé Papavero est l’entraîneur en chef de l’équipe fanion de Reims Sainte-Anne, promue la saison dernière en national 3, et 8e de l’exercice 2022-2023, qui vient de livrer son verdict.

C’est dans la ville du sacre des Rois que l’ancien coach de Roye-Noyon et de Châlons-en-Champagne (54 ans) nous reçoit pour retracer sa carrière. Une carrière qui l’a longtemps vu porter les couleurs de Reims Sainte-Anne, en 1976, peu de temps après la création du club (1974). Un club qui a aussi vu passer un certain Robert Pires : le Rémois de naissance, futur international français, a effectué ses premiers pas sous la tunique rouge et blanche de … Reims Sainte-Anne (le Stade Rémois évolue sous les mêmes couleurs), connu et reconnu pour son travail et formation et aussi son stade, qui porte le nom de cet illustre champion du monde 1998 et champion d’Europe 2000 !

« Un vrai stoppeur à l’ancienne »

Photo Philippe Le Brech

Mais ne vous fiez pas aux apparences. Le stade Robert Pirès, en dépit de son nom prestigieux, reste une enceinte aux installations assez sommaires, peu en rapport avec le niveau où Reims Sainte-Anne évolue. Il faut dire qu’il est situé à Cormontreuil, une commune avoisinante, et qu’il fait l’objet d’une convention d’occupation privative du domaine public avec la ville de Reims.

Défenseur central droitier de métier, Hervé Papavero, lui aussi natif de Reims, a évolué jusqu’en national 2, et se qualifie de « très rugueux, fort sur l’homme, un vrai stoppeur à l’ancienne ! ».

Docteur en Droit du Sport et enseignant à la faculté de Reims, il a l’âme d’un « sachant » qui veut transmettre son savoir, y compris en matière de football.

Avant le début de la séance de 10 h, Hervé Papavero nous reçoit dans le vestiaire des arbitres. Entretien avec un entraîneur passionné et passionnant.

INTERVIEW

« Ce sont les joueurs qui rendent l’entraîneur intelligent »

Comment vous est venue cette vocation d’entraîneur ?

Photo Reims SA

C’est Franck Lorenzetti, entraîneur de l’équipe fanion de Châlons-en-Champagne, qui m’a demandé de prendre en charge la réserve et en même temps de devenir son adjoint en équipe première. Je voulais encore jouer, j’avais 33 ans, mais il m’a dit d’arrêter et de devenir entraîneur. C’est ce que j’ai fait. Cette expérience m’a tout de suite plu et les résultats positifs ont fait que j’ai eu plus de plaisir à entraîner qu’à jouer (pour sa première saison comme numéro 1, en 2003/2004, il obtient l’accession en National 2 avec Châlons-en-Champagne). Entraîneur, je sentais que j’étais un rouage important, alors que quand j’étais joueur, je ne me sentais pas décisif. En devenant entraîneur, je suis plus impactant sur le résultat d’un match. Je comprends aujourd’hui que certains deviennent entraîneur très jeune, prenez l’exemple de Will Still au Stade de Reims. Pour moi c’est un gain de temps pour plus tard.

Quel est justement pour vous le rôle d’un entraîneur ?

C’est avant tout le garant de la discipline collective. Il est un catalyseur d’énergie et le garant des valeurs du groupe. À partir du moment où on définit le cadre, le premier qui ne doit pas sortir du cadre, c’est l’entraîneur. Je ne peux pas exiger aux autres ce que je ne m’impose pas à moi-même. C’est le seul qui doit être complètement objectif. L’entraîneur n’a aucun intérêt, mis à part gagner, c’est l’objectivité incarnée. Au contraire, le joueur peut, par nature, être guidé par son intérêt personnel de vouloir marquer, faire la différence seul, briller pour se faire remarquer. Ce n’est pas le cas de l’entraîneur.

« Si je mets 4 défenseurs, ce n’est pas très bon signe… »

Quelles sont les qualités requises pour faire un bon entraîneur aujourd’hui ?

L’ex-pro Mickaël Tacalfred, 42 ans, capitaine de Reims Saint-Anne en N3. Photo RSA

Un bon entraîneur désormais c’est celui qui a un réseau, qui sait communiquer et se vendre. Pour ma part, je ne suis sur aucun réseau. Il y a 25 ans, ce n’était pas aussi important. C’est une des grandes compétences à posséder aujourd’hui quand on voit les entraîneurs qui ont des agents, qui prospectent auprès des clubs, qui savent se vendre. C’est tout sauf ma pratique. Cela devient primordial pourtant. Après, il y a le rôle des joueurs, forcément. Vous gagnez 1 à 0 sur un exploit individuel, vous n’y êtes pour rien. J’ai coutume de dire que ce sont les joueurs qui rendent l’entraîneur intelligent.

En parlant du football moderne, quelle place accordez-vous à la vidéo ?

Justement, je rentre d’un recyclage à l’INF Clairefontaine (durant la semaine du 1er mai) où j’ai opté pour le thème de l’analyse vidéo. Malheureusement, à Reims Saint-Anne, je ne bénéficie pas de caméra pour réaliser tout ce travail. C’est un vrai manque car c’est un outil sympa, apprécié des joueurs. On voit que même des équipes de Régional 2 sont dotées de ce type d’outil. C’est l’idéal en matière de débriefing pour adapter le discours à l’image et pouvoir corriger les attitudes, les positionnements avec des preuves à l’appui. Dans une société de l’image, ça paraît important d’adapter le discours à cette manière de faire. C’est toujours plus parlant.

Avez-vous un système tactique privilégié ?

Photo Philippe Le Brech

Je suis un adepte du 3-4-3 et du 3-5-2. J’ai toujours géré mes équipes sur ces deux systèmes tactiques. Le but est d’aller chercher haut l’adversaire, ne pas le laisser jouer et mettre beaucoup d’intensité. J’ai tout de suite eu la réputation d’un entraîneur qui faisait beaucoup courir. Avec le temps, on sait que la préparation physique a pris une place importante et c’est devenu normal. Le 3-5-2 est pour moi une machine à presser, très énergivore, alors que le 3-4-3 m’offre plus de possibilités sur l’animation offensive. L’objectif étant aussi que si l’adversaire est plus fort que nous, par le pressing, il aura moins de temps pour s’organiser et pourra être déstabilisé. Je reste au maximum à trois défenseurs car c’est tellement difficile d’avoir des repères dans ce système que lorsque les automatismes sont présents, on ne veut pas changer.

En plus, il y a quelques années, les équipes étaient assez perturbées d’affronter une équipe à trois défenseurs, ce n’était pas quelque chose d’aussi courant que ça ne l’est désormais. Si je mets 4 défenseurs, c’est jamais très bon signe dans un match, c’est que nous sommes menés. Cela fait d’ailleurs deux semaines que je passe à deux centraux et ce n’est pas bon (Reims Sainte-Anne restait sur deux défaites consécutives au moment de l’entrevue, début mai).

« On est passé pour un club de voyous »

Pensez-vous avoir évolué sur votre manière d’entraîner depuis vos débuts à Châlons-en-Champagne ?

Forcément on évolue avec les années et les expériences. Au début, j’étais davantage dans le rapport de force avec mes joueurs. Aujourd’hui je ne le suis plus du tout. Je suis davantage mesuré dans mes propos. Je suis presque plus comme un père, moins directif dans ma façon de conduire mes séances. J’axe davantage sur la transmission de valeurs qui s’appliquent d’ailleurs en dehors du sport, donner du sens à ce que je demande à mes joueurs. Le résultat est important, mais il ne faut surtout pas se focaliser uniquement sur cet aspect.

Quelle analyse faites-vous de la saison actuelle avec Reims Sainte-Anne (quand l’entretien a été réalisé, samedi 6 mai, avant un déplacement au Racing Club de Strasbourg B), le club possédait un point d’avance sur le premier relégable à 5 matches de la fin) ?

Photo Reims SA

La saison peut encore être une belle saison si nous nous maintenons en national 3. On a réalisé un parcours exceptionnel en Coupe de France en éliminant Sedan (National) et Fleury, leader de son groupe de N2, chez eux (Fleury a terminé 2e de sa poule derrière Epinal). On est resté invaincu durant toute la compétition (élimination aux tirs au but contre Wasquehal). Cette élimination nous a fait énormément de mal, surtout le scenario (match arrêté le 20 novembre à la 60e minute après des échauffourées alors que Reims Sainte-Anne, à domicile, menait 3 à 0 et qui a été rejoué à Clairefontaine, à huis clos, le 11 janvier 2023). Personnellement, je ne souhaitais pas rejouer. Pour vous remémorer le contexte, quand on rejoue, on sait que si on passe, c’est le Pays de Cassel au prochain tour et ensuite ce serait le PSG. C’était le match le plus compliqué à préparer dans ma carrière. Beaucoup de procédures, beaucoup d’attentes, de déplacements pour les différentes auditions, on pense qu’on ne va pas rejouer, on n’est pas prêts athlétiquement… On perd finalement aux tirs au but alors que nous avons l’occasion de marquer à cinq minutes de la fin, avec une énorme occasion aux 5 mètres 50. On a manqué d’efficacité contrairement au premier match où nous menions 3-0. Cet épisode a marqué le groupe, a marqué le président, a marqué le club, surtout parce que nous sommes passés pour des voyous. C’est ça le pire. C’est un énorme sentiment d’injustice. Un sentiment double, d’une part par rapport à l’issue de la rencontre et d’autre part rapport à l’image donnée.

Hervé Papavero, du tac au tac

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en National 2 pour ma première saison en tant qu’entraîneur principal, à Châlons-en-Champagne (2003-2004).

Pire souvenir ?
La rencontre contre Wasquehal pour le compte du 8e tour de coupe de France le 20 novembre 2022 (Reims-Sainte Anne menait 3 à 0 avant que le match ne soit interrompu et finalement à rejouer sur terrain neutre, à huis clos, où Wasquehal l’a emporté aux tirs au but).

Le club où tu as pris le plus de plaisir ?
L’US Laon (saison 2021-2022, avec une 5e place acquise en Régional 1, ligue des Hauts de France).

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
La saison 2003/2004 avec Châlons-en-Champagne.

Le club où tu n’aurais pas dû signer, l’erreur de casting ?
La Chapelle Saint-Luc (2011/2012)

Le club où tu as failli signer ?
Deux ans avant de signer à Roye, j’étais déjà proche de signer en National 2 dans ce club, quand ils avaient conservé Jean-Guy Wallemme. Finalement ça a juste été retardé deux saisons.

Le club que tu rêverais d’entraîner ?
Le Racing Club de Lens, pour leur système de jeu et le public.

Un modèle de coach ?
Pep Guardiola

Meilleur joueur entraîné ?
Steve Vétier. Il a été le plus impactant sur les résultats de son équipe, il a un pied gauche exceptionnel, comme j’en ai rarement vu à ce niveau là. Il a mis 20 buts en Régional 1 avec l’US Laon lors de la saison 2021/2022. Et aussi Anatole N’Gamukol et Gary Ambroise, très impressionnants. J’ai eu la chance de voir des très bons joueurs.

Pourquoi avez-vous choisi d’être entraîneur ?
Pour rester dans le monde du foot et l’envie de manager.

Un coach marquant ?
Jean-Claude Parage, que j’ai eu en coach jeune et plus tard.

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Franck Lorenzetti (qui a été notamment été l’adjoint à l’ESTAC d’Alain Perrin). Il a commencé très jeune à entraîner, de 23 ans jusqu’à 47 ans.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de croiser ?
Mehdi Izeghouine (entraîneur de Wasquehal)

L’adversaire qui t’a le plus impressionné ?
Récemment, c’est Thaon-les-Vosges, qui au match aller nous a baladé toute une mi-temps en réalisant des enchaînements offensifs parfaits sur l’animation du jeu.

Un président ?
Le Président Philippe Lépine à Roye.

Le coach le plus connu de ton répertoire ?
Hubert Fournier (actuellement DTN à la FFF)

Une devise ?
Si tu veux être respecté, soit respectable

Tu es un coach plutôt …
Dans l’échange, rigoureux, comme s’il n’y avait rien de plus important que le match ou la séance d’entraînement du jour, même si on sait pertinemment qu’il y a plus important en réalité dans la vie.

Ta philosophie de jeu ? Ton style ?
Beaucoup d’intensité, un pressing haut et la verticalité. Le 3-4-3 ou le 3-5-2

Ton match référence avec toi sur le banc ?
La victoire 5-1 en coupe de France contre Sedan (National) au 6e tour de la coupe de France (16/10/2022).

Ton pire match avec toi sur le banc ?
Avec Château-Thierry, une défaite à domicile contre l’US Laon sur le score de 5 à 0.

Un match de légende ?
En 2003, contre Créteil, on joue le match de la montée et nous sommes menés sur le score de 1 à 0. Si on ne gagne pas, on ne monte pas. Et au bout de 15 minutes en deuxième mi-temps, on mène 3 à 1.

Un modèle de joueur ?
Michel Platini à l’époque de l’Euro 84

Une idole de jeunesse ?
Michael Jordan

Ta plus grande fierté ?
Mes trois enfants

Le milieu du foot, en deux mots ?
Passion du foot et prenant

  • Hervé Papavero (né le 18 février 1969 à Reims)

Parcours d’entraîneur :

– Châlons football club Olympique : 2003-2006
– Reims Sainte-Anne : 2006-2007
– US Roye : 2008-2011
– La Chapelle Saint-Luc : 2011-2012
– Prix les Mézières : 2014-2015
– Château-Thierry : 2016-2019
– Reims Sainte-Anne (Directeur Général) : 2020-2021
– US Laon : 2021-2022
– Reims Sainte-Anne : 2022-2023

Texte : Marc-Antoine Goulieux / Mail : contact@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe Le Brech et Reims Sainte-Anne