Après 24 ans à Schiltigheim, l’ancien pro du RC Strasbourg a posé ses valises en 2016 à Colmar, après le dépôt de bilan. Depuis, l’Alsacien a redoré l’image du club qui est passé de Régional 2 à National 2 sous sa direction. Cette saison, il a laissé les commandes à Arnaud Bey pour se consacrer à un rôle de manager général.
Après avoir tout connu sous les couleurs de Schiltigheim, José Guerra (58 ans), l’un des coachs les plus connus (et reconnus) en Alsace prend désormais une part prépondérante dans la reconstruction du défunt Sports Réunis Colmar, qui revient peu à peu sur l’échiquier du football national sous le nom – et avec les mêmes initiales ! – de Stadium Racing Colmar depuis 2016.
Avant de devenir le nouvel homme fort du secteur sportif de Colmar, José Guerra n’avait connu qu’un seul banc, celui du SC Schiltigheim. Une aventure sportive, mais surtout une aventure humaine qui aura duré plus de 24 ans du coté du stade de l’AAR.
Arrivée sur la pointe des pieds en Avril 1995 pour mettre un terme à sa carrière de joueur professionnel et entamer une reconversion de cadre commercial, il n’imaginait surement pas le destin qui allait être le sien dans la banlieue de Strasbourg.
Valeurs et développement humain
José Guerra est un homme de caractère mais c’est surtout un homme de parole, un homme fidèle qui aura construit lui-même sa réussite personnelle et sportive à force de travail et de pugnacité.
Avant de signer son premier contrat de joueur professionnel à 26 ans au Racing Club de Strasbourg, José Guerra a connu l’usine dès l’âge de 16 ans.
Il n’a pas hésité aussi à retourner sur les bancs de l’école à 29 ans pour valider ses acquis et pouvoir emprunter une belle et longue carrière de cadre commercial au Grand moulin de Strasbourg.
Ce parcours tumultueux lui a beaucoup servi dans sa carrière de coach. Un coach qui se définit comme « très paternaliste » et qui « attache énormément d’importance aux valeurs et au développement humain ».
José Guerra a autant de bonheur à raconter ses exploits footballistiques qu’à expliquer les parcours professionnels qu’il a pu faire vivre à ses joueurs : « Gregory Spiewak, je suis allé le chercher à la sortie du centre de formation de Strasbourg, il ne savait pas ce qu’il allait faire de sa vie, nous avons cherché des solutions ensemble et nous l’avons fait rentrer dans un garage comme mécanicien. Aujourd’hui il est toujours dans ce garage et il a été de nombreuses années un joueur très important de mon effectif »
Un exemple qui en dit long. Si José Guerra peut paraître sévère et dur sur son banc de touche, c’est avant tout un coach qui fait passer l’humain avant tout. « Aujourd’hui je peux croiser n’importe quel joueur que j’ai eu sous mes ordres, aucun ne me tournera le dos, même ceux que j’ai eus pendant des périodes compliquées et ça, c’est la plus belle des récompenses ».
« En 2002/2003, j’avais des hommes ordinaires qui ont fait des choses extraordinaires »
24 ans au club de Schiltigheim, forcément ça marque. Qu’en gardez-vous aujourd’hui ?
Je suis arrivé à Schiltigheim après une saison en D2 à La Roche-sur-Yon. J’avais signé pour 3 ans là-bas mais au bout d’une saison, j’ai décidé de revenir en Alsace et de me consacrer à mon après-carrière. Schiltigheim m’a offert cette opportunité par l’intermédiaire de Jacky Duguépéroux. Je suis arrivé en 1995, j’ai été joueur, capitaine puis coach adjoint en 1998 et ensuite entraineur/joueur. J’ai vraiment débuté en tant que coach principal lors de la saison 2001/2002. J’ai été lancé dans le grand bain et ce fut une vraie découverte. La saison a été très compliquée mais j’ai énormément appris.
Vous avez appris rapidement car l’année suivante vous réalisez une saison exceptionnelle…
Oui cette première saison m’a beaucoup apporté surtout dans la gestion des hommes. La saison suivante, j’ai pu construire mon effectif en fonction de mes convictions et des valeurs des hommes avec lesquels j’avais envie de travailler. La saison 2002/2003 a été exceptionnelle avec cette accession en CFA et ce magnifique parcours en coupe de France où nous éliminons deux équipes de Ligue 2 (Beauvais et Troyes) et une équipe de L1 (Toulouse) alors que nous étions en CFA2 ! J’ai gardé l’équipe en CFA jusqu’en 2007 puis j’ai souhaité prendre du recul. Malheureusement lors des deux saisons suivantes, le club pour diverses raisons a été relégué et s’est retrouvé en DH. Après deux saisons d’arrêt, j’ai donc repris le club en DH. La première saison, nous échouons à une place de l’accession mais nous avons fait notre retour en CFA2 l’année suivante au terme d’une saison très aboutie. Après 7 saisons en CFA2, j’ai laissé ma place à Stéphane Crucet lors de l’accession en National 2 en 2017. Je devais rester, à un poste de manager général, mais rapidement, je n’étais plus en phase avec les décisions des dirigeants donc j’ai préféré m’effacer.
Après cette très longue aventure à Schiltigheim, vous vous retrouvez à Colmar : comment ça s’est passé ?
Alors déjà, il faut savoir que je m’étais dit que je n’entraînerais pas à 20 kilomètres au-delà de Strasbourg car j’ai des obligations professionnelles assez importantes. En Novembre 2017, le club de Colmar enchaînait une seconde saison en Régional 2 avec des résultats décevants et je suis contacté dans un premier temps par le service des sports de la Mairie. Rapidement, je rencontre le président Guy Meyer qui avait repris le club après le dépôt de bilan de 2016 (Colmar a évolué en National de 2010 à 2016 avant de repartir au niveau départemental, Ndlr). On se met d’accord pour que je prenne le rôle de Manager général pendant six mois afin de mener un audit complet du club. A la fin de ces six mois, à l’été 2018, j’ai donc présenté au président un projet sur trois ans avec certaines conditions.
Quelles étaient ces conditions ?
Je voulais venir avec un adjoint qui soit employé à plein temps au club pour avoir également un rôle de coordinateur des équipes de jeunes. Lorsque j’étais à Schiltigheim, j’avais reçu le CV d’Arnaud Bey que je ne connaissais pas du tout mais qui avait un parcours très intéressant. Quand le projet Colmar s’est présenté je l’ai contacté et après dix minutes d’échanges téléphoniques, nous avons décidé de travailler ensemble. Dans les conditions aussi, je voulais gérer moi-même le budget qui allait m’être alloué pour l’équipe première.
« Un dépôt de bilan, c’est dévastateur pour un club »
La tâche devait être compliquée qui plus est dans un club historique comme Colmar où l’attente doit-être importante ?
Un dépôt de bilan, c’est dévastateur pour un club. Vous repartez de zéro, beaucoup d’éducateurs et de joueurs des années National 1 n’étaient plus là. Franchement, je me suis dit… « Tu vas avoir du boulot ». D’autant plus que, effectivement, l’attente est très importante à Colmar et les gens sont très exigeants, voire très dur parfois.
Malgré l’ampleur de la tâche, la première saison est réussie…
Oui, alors la première saison en R2, nous sommes montés assez facilement. Je me suis appuyé sur des jeunes du club et plusieurs joueurs que j’avais eus à Schilik’ n’ont pas hésité à me suivre, à l’image de Yannick Imbs. J’ai également eu la chance de pouvoir m’appuyer sur des joueurs d’expérience comme l’ancien pro Romain Gasmi qui revenait de Thaïlande et Loïc Meyer qui avait connu le National pendant 5 saisons à Colmar avant de partir 2 ans à Epinal suite au dépôt de bilan. Mais au-delà de l’accession de l’équipe fanion en Régional 1, il était important aussi de restructurer le club à tous les niveaux.
Vous enchaînez ensuite avec une nouvelle accession en National 3…
Après cette montée en R1, nous réalisons un bon de début de saison et quand les championnats s’arrêtent pour cause de Covid, nous sommes leaders donc nous accédons directement au National 3. La saison suivante a été vite arrêtée avec la pandémie.
N’avez-vous pas eu peur justement que cette période Covid casse la belle dynamique que vous aviez enclenchée ?
Pour notre retour en N3, le championnat est arrêté au bout de 7 journées mais je n’étais pas du tout satisfait ce que nous proposions. J’ai donc profité de cet arrêt pour faire une remise en question total sur mon fonctionnement et notamment mon approche tactique. Tous les week-ends de cette période Covid, nous nous sommes entrainés le samedi matin et le dimanche matin. Chaque week-end, j’organisais une opposition pour travailler inlassablement un nouveau dispositif tactique. J’ai beaucoup changé ma façon de jouer pour passer en 3-4-3 et nous l’avons énormément rodé pendant cette période.
Le travail a porté ces fruits avec une saison dernière exceptionnelle et une accession en National 2.
Effectivement, la saison a été exceptionnelle, nous sommes restés invaincus pendant 22 journées et nous avons décroché notre accession rapidement.
« Quand je suis arrivé à Colmar, on m’a dit « On veut vite rejouer le vendredi soir » ! »
Après cette accession, de nombreux observateurs ont été très surpris de vous voir quitter votre poste d’entraineur. Quelle en a été la raison ?
La raison elle est très simple. Je suis un homme de parole et j’avais fait un deal avec Arnaud Bey lorsque nous sommes arrivés à la tête de l’équipe en 2018. Je lui avais promis que je lui laisserais l’équipe quand je le sentirais prêt. L’été dernier, après l’accession en N2, l’objectif était de monter un effectif capable de jouer la montée en N1. Si j’étais resté à la tête de l’équipe et si nous étions montés en National 1, je n’aurais pas pu respecter ma parole car Arnaud BEY a le diplôme pour entraîner en National 2 mais pas en National 1. Aujourd’hui, je reste malgré tout très proche de lui en ayant un rôle de manager général du club.
Aujourd’hui, quasiment à mi-saison, quel regard portez-vous sur le parcours de votre équipe ?
Pour plusieurs raisons nous n’avons pas pu constituer l’effectif que nous aurions souhaité. Le club de Colmar par l’intermédiaire de ses nouveaux dirigeants a appris de ses erreurs. On ne dépense pas l’argent que l’on a pas.
Ensuite, notre recrue phare de l’inter-saison, Ibou Faye, s’est gravement blessé dès le premier match amical.
A cela s’ajoute plusieurs blessures qui fait qu’aujourd’hui tous nos attaquants (Pape Ibou Kebe, Abdelhak Belahmeur, Lenny Stoltz) sont sur le flan. Il faut également prendre en compte que sur les 11 premiers matchs, nous n’en avons joué que 4 à domicile. C’est plusieurs facteurs qui font que le début de saison est compliqué dans un championnat très exigeant.
Quel est donc l’objectif fixé par le club ?
L’urgence immédiate c’est d’assurer notre maintien. Nous sommes tous focus sur le maintien mais nous avons des joueurs qui ne sont pas forcément conditionnés pour ça car la plupart était avec moi depuis la R2/R1. Il faut donc vraiment jouer sur cet aspect psychologique mais je suis plutôt confiant car nous avons un staff et un groupe de joueurs de qualité.
Sur le long terme, l’objectif est quand même de retrouver le National ?
Quand je suis arrivé, alors que le club était en R2, on m’a dit « On veut vite rejouer le vendredi soir… » Sous entendu, on veut vite retrouver le National. Mais je pense qu’il faut déjà savoir apprécier à sa juste valeur et digérer nos trois montées consécutives. Le club doit rester souder et continuer à se structurer à tous les niveaux. Il y a un vrai beau projet ici à Colmar.
José Guerra du tac au tac
Schiltigheim, Colmar : vous entrainez que les équipes qui jouent en vert ?
Oui… (Rire), le vert, c’est la couleur de l’espoir.
Retrouver José Guerra coach principal sur un banc, c’est possible ?
Pourquoi pas…
Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en Ligue 1 avec le Racing Club de Strasbourg en 1991/1992.
Meilleur souvenir de coach ?
La saison 2002/2003 avec Schiltigheim. C’était ma seconde saison en tant que coach et nous réalisons une saison exceptionnelle. Montée en CFA et ¼ de finale de coupe de France dans un stade de la Meinau plein à craquer. Cumuler accession et épopée en coupe de France la même année c’est très rare.
Pire souvenir de coach ?
Une défaite au 7e tour de coupe de France avec Schiltigheim (CFA) 7-0 à domicile contre le club de Tampon (DH Réunion). Celle là on ne l’avait pas vu venir. Elle nous avait fait très mal.
L’équipe où vous avez pris le plus de plaisir à entraîner ?
J’ai pris du plaisir dans toutes les équipes que j’ai dirigées.
Le joueur le plus fort que vous ayez eu sous vos ordres ?
Stéphane Le Marchand à Schiltigheim. C’était un ancien joueur pro qui était dans la région de Strasbourg car il travaillait chez Adidas. Je vais le faire signer chez lui, dans son appartement, le dernier jour où il était encore possible de faire une licence. Un très bon joueur qui a grandement participé à l’aventure en coupe de France de 2002/2003.
Un joueur coup de coeur ?
Je vais faire des jaloux… (Rires). Cédric Hoffmann… Il fait partie de la famille. C’est mon fils spirituel !
Votre plus grosse colère ?
Il y en a eu beaucoup donc je n’en retiens pas une en particulier. Une colère, en tant que coach, c’est avant tout stratégique. C’est pour faire réagir les joueurs.
Votre style, c’est plutôt Guardiola ou Mourinho ?
Je dirais ni l’un ni l’autre. Je ne suis pas adepte de la possession pour la possession. J’aime bien avoir le ballon mais j’aime bien aussi trouver de la verticalité quand il le faut.
Qui va gagner la coupe du Monde ?
Je dirais la France ou le Portugal. Mon cœur balance car je suis né au Portugal (entretien réalisé la veille des ¼ de finale, Ndlr).
Texte : Aurélien Triboulet / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @Aurelref
Photo de couverture : Ligue du Grand Est de Football
Photos : Jean-Marc Hedoin, Ligue du Grand Est de Football et Stadium Racing Colmar.