Passé par la Norvège, l’Espagne, la Grèce, l’Afrique du Sud et l’Italie, où il a découvert différentes cultures, l’ancien défenseur central apporte son expérience de globe-trotter au sein du staff technique du club azuréen, promu en National 2. Un parcours de vie ultra-enrichissant.
Derek Decamps est un peu le Phileas Fogg des temps modernes. S’il n’a pas bouclé un tour du monde en 80 jours comme le héros de Jules Verne, le natif de Paris (38 ans) a mené une carrière de défenseur tambour-battant de la France à la Norvège, en passant par la Grèce, l’Espagne ou encore l’Afrique du Sud.
Si le football est un sport, il est aussi un vecteur indispensable de transmission de passion et de culture. Au-delà de ses simples voyages, Derek s’en sert pour transmettre sa passion et sa vision à sa famille et à ses joueurs.
Entraîneur-adjoint de l’AS Cannes – promue en National 2 – depuis 2019, avec qui il a connu un titre de champion de France de National 3 la saison dernière aux côtés du coach principal Jean-Noël Cabezas, celui qui a joué contre Totti et Odegaard invite à une réflexion globale sur la transmission des valeurs et sur l’importance du poste d’adjoint au sein d’une équipe de football.
Derek, ton histoire commence à Cannes : raconte-nous…
Oui, de 1998 à 2005, je joue à Cannes. Puis je signe à l’Aris Salonique en Grèce et là, premier grand souvenir, je me retrouve à jouer l’Europa League contre l’AS Rome ! Le fait de partir à l’étranger et de jouer la Coupe d’Europe, j’étais sur un nuage, c’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas. Là-bas, en Grèce, je découvre un nouveau pays, une nouvelle culture, mais ce que je retiens, c’est surtout la ferveur des supporters, tu joues devant de vrais fanatiques ! Il faut savoir que, là-bas, si tu ne gagnes pas, tu n’es pas payé. Donc, pour manger, il faut gagner.
Ensuite, tu pars en Espagne à Lorca…
Oui. Alors, le club venait de descendre en 3e division avec, notamment dans ses rangs, un certain Unai Emery ! Mais quand je suis arrivé, il partait. L’Espagne, c’est un football totalement différent, plus convivial, moins fanatique-agressif. Après, je suis parti à Alcorcon pendant 6 mois. J’ai eu une blessure, l’équipe tournait bien, donc j’ai pris la décision de partir aux Baléares, sans grand succès.
Et tu reviens en France… Avant de partir en Afrique du Sud !
Oui, je fais un essai à Troyes ! A la fin de la semaine d’essai, on fait un match amical contre Auxerre et, lors de ce match, un agent est présent. A la fin du match, il vient me voir et me propose le club de l’Ajax Cape Town en Afrique du Sud. C’est un club qui appartient à l’Ajax Amsterdam. Banco, j’y vais. Là-bas, c’est incroyable, les Africains surfent sur la dynamique de la Coupe du Monde. Malheureusement, on finit vice-champion au goal-average et on perd en finale de coupe. On a joué devant plus de 40 000 personnes, c’était vraiment sympa de pouvoir bénéficier des stades de la coupe du monde 2010.
On dit que les Africains sont très solaires…
Oui, ils sont très joyeux malgré tout ce qu’ils peuvent vivre au quotidien, ils n’ont rien. Le contraste entre l’Europe, où l’on se plaint beaucoup, et l’Afrique, où ils n’ont rien et où ils vivent de manière différente, est quand même grand…
Tu traverses la planète du sud au nord pour ensuite te rendre en Norvège…
En fait, mes enfants sont nés et on voulait se rapprocher de la France. En Norvège, en-dehors du terrain, les gens sont assez froids, directs, tout comme au foot. C’est un foot rugueux, direct, plus athlétique mais moins tactique qu’en France. J’ai pris beaucoup de plaisir, et j’ai réalisé une saison 2011-2012 où j’étais vraiment épanoui. Malheureusement, mes enfants ont eu quelques soucis de santé et il fallait que je rentre en France. Je suis donc arrivé à Angers (Ligue 2) où j’ai fait une saison, ça ne s’est pas super bien passé…
“Mes enfants parlaient norvégien entre eux !”
Que s’est-il passé à Angers ?
Je devais remplacer un défenseur central, qui finalement allait bien et on s’est retrouvé à 5 défenseurs centraux dans l’effectif. Je n’ai ensuite pas saisi le bon wagon… J’ai joué contre Guingamp où je n’ai pas fait un très bon premier match, puis à Laval en Coupe de la Ligue où j’ai réalisé l’un de mes meilleurs matchs de ma carrière. Malheureusement, je suis sur le banc à Lens, lors du match suivant, je n’ai pas pu saisir ma chance. Mentalement, c’est une saison vraiment difficile, mais j’ai ma part de responsabilité.
Puis tu es prêté… en Norvège !
Oui ! Je réalise 3-4 mois très agréables avec un autre Français au sein de l’équipe, Jérémy Berthod. J’étais très bien intégré au club, j’avais de très bonnes relations avec le staff, les supporters, etc. Au quotidien, la vie est quand même différente, les gens sont plutôt casaniers parce qu’il fait froid. Tout le monde parle anglais par contre, mais, il faut avouer que c’est compliqué dans la vie de tous les jours si tu ne parles pas norvégien.
Et tes enfants ?
Ils allaient à l’école norvégienne, des fois ils parlaient même norvégien entre eux (rires) ! Ils pouvaient s’épanouir culturellement. Par la suite, ils ont eu quelques soucis de santé, il leur fallait du soleil et donc je décide de rentrer définitivement en France.
Pourquoi tant de voyages ?
Quand j’étais petit, j’ai habité au Gabon, à Paris, à Stockholm, à Milan avant d’arriver à Cannes à l’âge de 13 ans. J’ai d’ailleurs joué au Milan AC jusqu’à l’âge de 13 ans. Quand je suis arrivé en France, je parlais mieux italien que français (rires).
Il y a donc un parallèle incroyable entre ta vie personnelle étant petit et ta vie professionnelle…
Oui, involontairement, c’est peut-être dans les gènes.
“Je parle français, espagnol, anglais, italien couramment”
Comment on s’organise avec la famille lorsqu’on fait autant de voyages ?
Lorsque l’on voyage, nous, dans le foot, on est conditionné, c’est naturel. Mais les sacrifices réalisés par la famille sont des choses dont on prend conscience bien plus tard. Laisser ses amis, sa famille, c’est un vrai choix de vie, un vrai sacrifice. On met sa vie entre parenthèses. Je n’en avais pas pleinement conscience, mais l’on s’en rend compte avec plus de maturité.
Peux-tu nous évoquer une étape marquante de ta carrière ?
Chaque étape m’a marqué à sa façon. La Grèce avec son fanatisme, le fait de devoir gagner pour être payé, ce pays si particulier et le fait que je me sois beaucoup rapproché des Sud-Américains, à chaque fois. L’Espagne m’a surtout marqué par sa joie de vivre et son football. L’Afrique du Sud, lorsque nous avions 3 jours de repos, nous partions en safari. Le foot, c’était un football offensif, attirant. Au final, c’est un enrichissement de connaître toutes ses cultures, ces langues, ces types de football : la Grèce, c’est la culture de la gagne. L’Espagne, c’est le côté technique. La Norvège, c’est la transition, le côté athlétique. L’Afrique du Sud, c’est la vitesse, la joie de vivre. Et la France, c’est cette culture tactique, le fait de ne pas prendre de but. Chaque pays est un enrichissement sur le plan professionnel.
Tu parles combien de langues, du coup ?
Je parle français, espagnol, anglais, italien couramment. Le grec, je le parlais et je le lisais. Le norvégien, je l’ai moins appris mais j’étais capable de donner une interview autour du foot. L’acquisition de la culture permet de bénéficier d’une vision différente. Une vision que j’essaie de transmettre à mes enfants dans la vie de tous les jours et sur le terrain à mes joueurs.
“Quand j’étais petit, je voulais marquer plus de buts que Pelé !”
Avais-tu un objectif de carrière ?
Quand j’étais petit, je voulais marquer plus de buts que Pelé (rires) ! J’étais attaquant lorsque je jouais au Milan AC, mais c’était un objectif assez inatteignable (rires). Je suis très heureux de ma carrière.
Charly Charrier a récemment déclaré ici : « On a la carrière que l’on mérite ». Et toi, alors ?
Oui, je pense ! Il me manquait la vitesse pour jouer plus haut. J’aurais peut-être pu travailler cet aspect plus tôt… Mais ça m’a permis de développer une lecture du jeu.
As-tu des regrets ?
Je n’ai aucun regret, j’ai fait une belle carrière, ma force mentale m’y a aidé. J’avais cette rigueur et cette volonté de réussir. Il n’y avait pas de raison pour que je n’y arrive pas. Le mental fait beaucoup.
Après ta carrière, tu reviens à Cannes en 2016…
Arrêter le foot, ça a été un choix familial. Après avoir beaucoup voyagé, on voulait trouver de la stabilité pour s’épanouir. Pendant 6 mois, je n’ai rien fait et, au mois d’août, je croise Bernard Lambourde qui me propose de devenir adjoint de David Saffioti. Je suis venu m’investir dans le club en tant qu’adjoint et passer mes diplômes. On avait les U19 DHR et, en décembre, on a repris les U17.
Parallèlement, tu fais quelques entraînements avec la N3…
Oui, c’est une histoire un peu particulière. En 2017-2018, au mois de novembre, il y avait des soucis de défenseur central. Du coup, je me suis entraîné pendant deux semaines avec l’équipe. Le souci était que les entraînements étaient sur le même créneau que les U17. J’ai donc décidé d’arrêter de jouer pour continuer d’entraîner avec les U17.
Un rôle de confident
Depuis 2019, tu es entraîneur adjoint de l’équipe fanion. Quel est ton rôle ?
Le rôle d’adjoint est de s’adapter aux besoins, à la façon de faire du coach, de connaître parfaitement ce qu’il attend et ce qu’attend l’équipe. Avec le temps, une relation se noue, un apprentissage se met en place et on est un véritable lien entre les joueurs. Jean-Noël Cabezas, l’entraîneur actuel, a sa façon de travailler, il aime beaucoup entraîner, animer. Avec le temps, il m’a confié plus de responsabilités avec les défenseurs, dans l’analyse vidéo… C’est un réel travail en équipe.
Certains joueurs disent que tu es un peu le confident, le lien…
C’est souvent le rôle d’un adjoint d’avoir cette confiance réciproque avec les joueurs. Il y a des moments où c’est plus difficile pour certains joueurs, donc on fait en sorte de les accompagner. On est le lien entre l’entraîneur et les joueurs, on anticipe et on analyse les besoins des joueurs, les contextes, l’environnement, le vestiaire, etc. En réalité, l’adjoint doit tout connaître des joueurs et du staff.
L’entraîneur adjoint a-t-il pour vocation de devenir entraîneur principal ?
Je pense que c’est propre à chaque adjoint. Il y a des adjoints qui préféreront rester adjoints. On a une proximité avec les joueurs qui est différente. En termes de compétences, l’adjoint doit être capable de se mettre en retrait et d’accepter de travailler dans l’ombre, d’être humble. Si l’on regarde, on a beaucoup de formations d’entraîneur, de médecin, etc. Mais d’adjoint cela n’existe pas.
Est-ce un axe d’amélioration pour le développement du football ? L’entraîneur adjoint ne devrait-il pas avoir un rôle à part entière et acquérir des bases de compétences dans cette optique ?
Je pense qu’il y a une certaine réflexion à mener sur le rôle et la formation d’un entraîneur adjoint.
Te verrais-tu prendre une équipe en tant qu’entraîneur principal ?
J’ai les diplômes, mais je ne sais pas de quoi est fait l’avenir. J’ai déjà été entraîneur chez les jeunes et avec l’équipe réserve de Cannes, en R2. Après, ce n’est pas une fin en soi.
“J’aime que les choses soient faites méthodiquement”
En tant qu’entraîneur adjoint, comment prépares-tu un match ?
Je veille à ce que tout soit prêt pour que les joueurs soient dans les meilleures conditions. Je rassure les joueurs, je fais en sorte qu’ils soient dans leur cocon, dans leurs routines de match. Après, j’anime l’échauffement, on essaye d’être le plus positif possible, de réduire un maximum le stress. Dans n’importe quelle situation, n’importe quel contexte, on essaie de rester pareil. Simplement, on essaie parfois de jouer sur les mots employés pour réussir, par exemple, nos entames de match. Ce qui nous a beaucoup réussi l’an dernier !
Tu as un rituel particulier avant chaque rencontre ?
Non, j’en avais quand j’étais joueur, j’avais ma routine. Ce conditionnement est important pour se préparer à la compétition. Alors, en tant qu’entraîneur, je n’ai pas forcément de rituel, mais j’aime bien que les choses soient faites méthodiquement.
Et ça a l’air de fonctionner puisque, la saison dernière, ton équipe monte en N2 avec 20 points d’avance…
C’est surtout l’aboutissement de tout le travail effectué en amont depuis 2016, chacun a apporté sa pierre au club et l’a fait grandir. Nous, on a réussi à faire fructifier ça. À Cannes, il y a eu une restructuration au niveau des jeunes, tout a été fait pour que l’on soit prêt à monter. Cette accession en N2 restera pour l’histoire du club, les supporters. Mais lors de cette saison de N3, en réalité, chaque match a été une bataille. Le groupe n’a jamais lâché, même une fois la montée actée. Les joueurs ont été professionnels jusqu’au bout.
Derek Descamps, du tac au tac
Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon match d’Europa League contre l’AS Rome, j’étais très jeune.
Ton pire souvenir sportif ?
Lorsque je me suis fait les ligaments croisés à 18 ans ! Ça m’a forgé le caractère. Il y a aussi ce qui s’est passé à Marseille Ardziv la saison dernière, ce n’était plus du foot, pour un match de National 3, en arriver là… (NDLR : Derek Decamps a reçu un coup de poing lors de la rencontre Euga Ardziv – AS Cannes, la saison dernière).
Ton plus beau but ?
Une tête rageuse en Afrique du Sud, sur un corner !
Tu étais un défenseur plutôt…
Très calme, dans l’anticipation et la lecture du jeu, qui relançait, bon dans le jeu aérien.
Pourquoi être devenu footballeur ?
Je ne sais pas, peut-être le conditionnement. Je ne me voyais pas faire autre chose, je voulais faire ça depuis que j’avais 6 ans. Mes parents voulaient que j’ai mon bac, j’ai d’ailleurs eu mon bac S !
Un coéquipier marquant ?
Gaël Clichy ! Je me souviens d’une volée de pied droit en U15, incroyable. Il y a aussi un match à Fréjus : un attaquant part dans son dos, Gaël le rattrape et lui prend le ballon. L’entraîneur adverse s’énerve contre son joueur en lui disant d’accélérer, et le joueur lui répond « Mais coach, je ne peux pas, il va trop vite ! » (Rires). Ça m’avait marqué ! Il allait tellement vite que même l’attaquant ne pouvait rien faire.
Un joueur adverse ?
Martin Odegaard lorsque je jouais en Norvège. Il avait 15-16 ans, il m’avait fait mal !
Une équipe qui t’a impressionné ?
Rome ou Fiorentina en amical, c’étaient tous des monstres. Il y avait Totti, quel joueur incroyable !
Un coach marquant ?
J’en ai eu des différents, mais je dirais que chaque entraîneur m’a marqué à sa façon.
Une anecdote de vestiaire ?
Un jour, en Grèce, alors que l’on avait fait match nul, les supporters étaient descendus dans le vestiaire, l’avaient aspergé d’essence et y avaient foutu le feu ! Ils étaient même venus au centre d’entraînement !
Un dicton ?
Tout le monde est important, personne n’est indispensable ! Ça permet de relativiser et de garder cette humilité.
Ton plat préféré ?
Il y en a tellement ! En France, les lasagnes (c’est pas français je crois, j’ai dit une connerie!) ! Ou encore la raclette ! (rires).
L’AS Cannes ?
Mon club de cœur, où j’y ai passé le plus de temps. Sept ans en tant que joueur, c’est ma 8ème année en tant que coach. En 2016, j’ai retrouvé des gens que je connaissais, c’est beau.
Derek Decamps vu par…
Cédric Gonçalves (capitaine de l’AS Cannes)
“Derek, c’est un intermédiaire par moments avec le coach. Il est très impliqué, il permet au coach de se focaliser sur certains aspects et lui en prend d’autres en charge. Les jours de match, il nous aide notamment sur les coups de pied arrêtés. C’est quelqu’un avec qui on peut parler, un peu comme un confident. C’est notre relais avec le coach. Il est important dans la vie de tous les jours. On a des habitudes avec lui depuis 3 ans et ça marche bien !”
Julien Domingues (attaquant de l’AS Cannes)
“Derek nous apporte beaucoup de sérénité et de confiance au sein du groupe. Il sait nous parler, il est là pour compléter ce que dit le coach et nous apporter des précisions.”
Texte : Romain Hugues – Mail : contact@13heuresfoot.fr – Twitter : @Romain_Hugues
Photos : Kevin Mesa / AS Cannes, Romain Hugues (sauf mentions)
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– Lire aussi (article sur l’AS Cannes paru le 8 février 2023) :
https://13heuresfoot.fr/actualites/national-3-las-cannes-sur-la-voie-royale/
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https://13heuresfoot.fr/actualites/steven-paulle/