Cinq ans après avoir injustement été privé d’accession en National 2 avec Hauts Lyonnais, le coach de 42 ans a finalement réussi avec le FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier, un autre club du Rhône, qu’il quitte pourtant dès la fin de saison.

C’était quelques jours avant l’officialisation de la montée en National 2 de son équipe, le FC Limonest-Saint-Didier. C’était aussi quelques jours avant l’annonce faite par son club : « Le FCLSD annonce le départ de son entraîneur principal, Romain Reynaud… »
Quand nous avons rencontré Romain à Lyon, la montée n’était certes qu’une question de jours… Son départ, en revanche, n’était pas dans les tuyaux : « On avait discuté d’une éventuelle prolongation (…), voilà, je ne suis plus en adéquation avec le club (…) C’est la fin d’une histoire exceptionnelle. On attendait des équipes comme Bourgoin, Mâcon, Thonon-Evian ou Lyon-Duchère, et finalement, c’est nous qui montons, c’est magnifique », expliquait en début de semaine, sans rentrer dans les détails, Romain Reynaud, désormais sur le marché.
Formé à « Sainté »
Né le 2 mars 1983 à Saint-Étienne, Romain Reynaud (42 ans) aurait pu vivre le rêve de tout footballeur : passer professionnel au sein de son club formateur, l’AS Saint-Etienne, et jouer dans le mythique « Chaudron ». Sauf que rien ne se passe comme prévu : une grave blessure va stopper son élan et le contraindre à prendre un autre virage.
Défenseur central, c’est ensuite au SC Schiltigheim, à l’AS Yzeure, au Vannes OC, à Arles Avignon, à La Berrichonne de Châteauroux et au KV Courtrai qu’il va construire son parcours de joueur. Jusqu’à connaître la Ligue 1… sans vraiment pouvoir y prendre goût.
Au bord du rectangle vert qu’il aura quitté en 2018 après une dernière expérience à Andrézieux, Romain Reynaud vit un début de reconversion plutôt réussi. A Hauts Lyonnais, regroupement de cinq communes (environ 8000 habitants), il fait monter le club de Régional 1 en National 3 avant d’être « injustement » stoppé dans son élan par la Covid-19, victime d’un règlement fédéral pondu pour l’occasion (quand les championnats se sont arrêtés, Hauts Lyonnais était en tête de sa poule au bénéfice de la meilleure attaque devant Rumilly-Vallières, qui avait le même nombre de points, mais la FFF a finalement favorisé l’équipe ayant disputé le plus de matchs à l’extérieur).
Des déceptions certes, mais des « joies » aussi comme il le mentionne souvent. A Limonest, « RR », arrivé en janvier 2023, a repris un groupe fragile, au bord de la descente il y a deux ans et demi. Depuis, le FC Limonest Saint Didier, club situé dans les Monts d’Or, a bien redressé la barre au point de décrocher sa montée en National 2, un « National bis » comme il le décrit.
Pendant près d’une heure, Romain a déroulé le fil de sa carrière de joueur et évoqué celle qu’il a commencée il y a 7 ans, sur un banc, à Hauts-Lyonnais.
Interview :
« On a un truc en plus quand on vient du monde amateur »

Romain, nous sommes en 2018, tu effectues tes débuts d’entraîneur…
Je suis revenu en 2017 en France pour finir ma carrière à Andrézieux (N2). Il n’y avait pas que ça puisque c’était Romain Revelli l’entraîneur, qui m’avait lui-même fait passer mes diplômes. Romain me dit « viens finir » et tu me suis sur le banc; ça me permettait de me former encore. La première année s’est bien passée en tant que joueur. Ça s’est bien passé pour moi, moins pour lui avec la direction. Il a fini par partir et le club a changé d’entraîneur. J’arrivais au bout de mon parcours, je prenais moins de plaisir à venir à l’entraînement et je me suis toujours dit que si je venais à l’entraînement à reculons, ça « puait » la fin.
C’est là qu’arrive l’opportunité Hauts Lyonnais !
Effectivement, la vie fait que le club arrête avec leur entraîneur, et le président, Bruno Lacand, m’appelle. Mon frère, Florent, qui est équipementier (SportAvenue), travaille d’ailleurs avec lui. Du coup, c’était un vendredi et il m’explique qu’il veut que je coache le club. Je lui réponds que je n’ai pas d’expérience. Il me dit « Ce n’est pas grave, mais il me faut ta réponse avant dimanche ». J’étais encore joueur et quand j’ai raccroché, je savais que j’allais dire oui. Je lui réponds que je viens voir le match de dimanche à Pomeys contre Côte Chaude et je prendrai ma décision ensuite. Je vais voir le match et je lui ai dit « allez, j’y vais ».
Avais-tu posé une réflexion sur tes débuts en tant qu’entraîneur ?
En fait, je ne me suis rien dit. C’est cette opportunité qui a fait que. Partout où je suis passé, j’ai essayé de donner un p’tit coup de main car mon fils a commencé à jouer. Mon père aussi m’a beaucoup accompagné. Par contre, je ne pense pas que j’aurais pu être éducateur chez les jeunes. Je n’ai jamais pensé au cursus U14, U16… J’ai juste saisi cette opportunité.
La cohabitation avec les Lyonnais s’est donc faite naturellement ?
Hauts Lyonnais, c’est vraiment à la limite avec la Loire, donc il y a quasiment autant de Stéphanois que de Lyonnais. Après, moi, je n’ai pas de problème avec ça. J’aime la ville de Lyon, ma femme est d’ici, je n’ai jamais pensé à ça surtout quand on est entouré de gars intelligents, compréhensifs. Je n’ai jamais montré de signe de supporter « pur stéphanois », que je ne suis pas d’ailleurs ! Après, il y a du « chambrage » mais c’est dans la rigolade. Par exemple, Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest, venait aux entrainements avec un maillot de l’OL. J’ai demandé au président de lui donner des équipements du club (sourires). À Limonest, la deuxième couleur du gardien, c’est le vert, et ils ont un peu du mal avec ça… Mais je suis contre ces « guéguerres ». La différence sociale entre les deux villes existe mais c’est du sport, on est là pour kiffer quoi. Si Lyon va en Ligue des Champions, je serai pour eux !
« Cette montée en N2 avec Hauts Lyonnais, on nous l’a volée »

Tu as vécu des bons moments à Hauts Lyonnais avec une montée en N3 puis des moins bons avec cette « non accession » en N2 à l’époque du Covid. Est-ce que la plaie est refermée pour le club, pour toi ?
Pour le club je ne sais pas. Pour le président Bruno Lacand qui s’investit énormément, avec ses moyens persos, je pense que ça a été plus compliqué. Moi, j’ai eu du mal mais je me devais de la refermer rapidement. Il faut penser à la saison d’après et je suis un peu la tête de gondole du truc. Si je vis dans la revanche, ce n’est pas bon. Par contre, intérieurement, je l’ai mal vécu, vraiment. Le travail qu’on fait au quotidien, personne ne le voit. Entraîneur, c’est un super-métier. Le temps de travail effectif n’est pas ouf mais c’est 365 jours dans l’année, 24 heures sur 24. J’aimerais arriver à déconnecter mais je n’y arrive pas et j’ai vécu cet épisode comme une trahison. J’ai connu le monde pro, je sais qu’il y a des conflits d’intérêt mais je ne pensais pas en amateur. Et cette montée, on nous l’a volée. Certes la saison n’est pas arrivée à son terme, on s’est arrêté avant parce qu’il y a eu la Covid. Mais à l’instant T, c’est nous qui méritions de monter. Inventer une règle pour favoriser un club (GFA Rumilly Vallières) qui a un intérêt particulier avec les instances, je trouve ça moche… J’ai des joueurs qui ont arrêté sur ça.
Quelles sont les conséquences pour un club qui fait avec ses « moyens » ?
Pour être honnête, c’était trop tôt pour qu’on monte en National 2. On n’avait pas le stade et on aurait dû être délocalisé sur Tassin. Je pense que ça n’aurait pas été cool pour les supporters de jouer à 40 minutes du stade par exemple. C’était un mal pour un bien même si je pense que mon président ne l’aurait pas entendu de cette oreille. On a vécu avec et vite switché sur autre chose.
« J’aime la cohésion, la force collective »
Malgré cet événement, quelle philosophie avais-tu mis en place au niveau du jeu ?
Quand j’ai réuni pour la première fois mes joueurs, je me suis dit que j’allais « faire avec ». Je n’avais pas de plan précis, de schéma… Je me suis toujours dit que j’allais prendre de chaque entraîneur que j’ai eu, de mon expérience personnelle aussi. Ce que j’ai inculqué, c’est la proximité avec mes joueurs, la confiance et l’amour que je peux leur donner ; j’adore le PSG de cette année, pas celui de l’année dernière. C’est onze mecs qui vont dans le même sens. Le côté cohésion, la force collective.
Et aujourd’hui, à Limonest ?
À Limonest, j’ai pu mettre en place un groupe avec mes convictions, avec des joueurs que je voulais, qui me ressemblent. L’objectif que je leur ai donné en début de saison, ce n’est pas de finir premier, c’est d’avoir la meilleure défense. Et comment on fait pour y arriver ? On ne se met pas tous devant la cage, mais on défend tous ensemble, du numéro 9 au latéral droit. Et on attaque tous ensemble. J’aime le foot, quand c’est beaucoup. Si on n’était là que pour frapper au but… C’est une chance d’avoir des joueurs qui savent dribbler, il faut en profiter. J’essaye de laisser à mon groupe un maximum de liberté offensivement mais défensivement, non, il n’y aucune liberté. Le rôle de l’entraîneur sera toujours d’essayer de faciliter le truc à ses joueurs… à condition qu’ils aient envie de jouer !
Quel regard poses-tu sur la région Rhône Alpes, où plusieurs clubs travaillent très bien avec un niveau relevé ?
Ils ont nivelé par le bas en enlevant des poules. Je n’ai pas d’exemple en particulier, ni l’image d’un club en tête… Je suis très curieux de tout. J’ai mes convictions à moi, pas ma vérité parce que dans le foot, il n’y en a pas. Par contre, quand on voit l’image qu’ont donné Espaly et Bourgoin-Jallieu cette saison en Coupe de France, c’est génial pour notre poule Auvergne-Rhône Alpes. Mais c’est aussi des contextes différents. Il n’y a qu’à regarder chez nous. On est la seule équipe du Top 6 à s’entraîner quatre fois par semaine le soir, pendant que les autres s’entraînent le matin. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ! J’ai un groupe de 24 joueurs, dont 6 jeunes.
« A Limonest, j’ai construit une équipe de moches ! »

Tu découvres finalement un environnement structuré. Est-ce que ça facilite ton travail ?
C’est pour ça que je suis venu au FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier. Hauts-Lyonnais, c’est un club jeune qui bosse super bien, on a touché du doigt l’accession à un niveau historique mais je voulais aller dans un club qui était prêt à monter, que ce soit au niveau des infrastructures, des moyens humains aussi. Je pense qu’ils font le travail d’anticipation de la montée en N2 en coulisses… comme on a pu le faire à Hauts-Lyonnais. Dans le foot, on voit beaucoup de coachs qui sont managers généraux, directeurs techniques. Je suis incapable de faire ce qu’a fait l’ancien coach de Limonest chez les jeunes. Je laisse faire ceux qui ont les compétences pour faire ces choses-là et je me focalise sur mon groupe. Je suis arrivé il y a deux saisons et demi pour sauver le club tout en apprenant à le découvrir, avec ses spécificités. J’ai construit une équipe à mon image, une équipe de « moches » (sourires) comme je l’avais imaginé. Des « lâche-rien », des mecs qui ont envie de se battre… même s’il y en a qui ne sont pas contents parce qu’ils se trouvent beaux (rires).
Le club peut perdurer en National 2 ?
Oui, je pense qu’il peut. Il faut qu’il se donne les moyens de le faire. Il y a tout pour en tout cas !
Personnellement, comment tu anticipes les choses ?
Je suis resté focalisé sur la montée. Je ne me fixe pas de limites en tant qu’entraîneur. Bien sûr que j’ai envie d’entraîner plus haut. Entraîner en National 2, peut-être repartir en N3 avec un gros projet… Je ne suis pas carriériste, j’ai fait plein de choix dans ma carrière de joueur, juste parce que je pensais que c’étaient les bons. J’ai envie de prendre du plaisir comme celui que je prends cette année avec mes joueurs. Parce que ce sont mes joueurs pendant un an. Depuis le début de saison, le fil rouge de ma causerie, c’est de trouver un titre pour chaque match, comme on fait pour des chapitres différents. Ce que je retiens à 42 ans, ce sont les aventures humaines. Il n’y a que le sport qui fait ça. Je kiffe mes joueurs parce qu’on a créé quelque chose.
Comment tu imagines la suite ?
J’ai le projet de finir de passer mes diplômes. Il ne m’en manque plus qu’un (le BEPF, qui permet d’entraîner en National, L2 et L1) et je veux le passer. Par contre, ma position dans un staff, je ne la définis pas encore. Je pense que j’aurais un peu plus de mal à être adjoint par exemple. Mes qualités iraient avec un adjoint de Ligue 1, je pense que ça pourrait le faire. Je me vois plus dans un rôle de numéro 1.
Est-ce que le parcours d’un coach comme Christophe Pélissier t’inspire ?
Beaucoup, oui ! Il a vécu la même injustice avec Luzenac. Quand je me suis blessé à Saint-Etienne, je le répète, c’est quelque chose qui m’a servi. Pour découvrir le milieu amateur notamment. Quand on a fait une carrière pro et qu’on a connu le monde amateur, c’est une force. Tous les détails, l’organisation, etc. Je veux le professionnaliser à 100%. Le mercredi, je fais des pots. Les joueurs me demandaient s’ils pouvaient ramener une bière… bien sûr qu’ils peuvent. Je trouve qu’on a un truc en plus quand on vient du monde amateur. Le côté pro, c’est bien, mais le milieu amateur, c’est bien aussi.
Romain Reynaud, du tac au tac

Meilleur souvenir sportif ?
Je pense que c’est la montée en Ligue 1 avec Arles Avignon même si je garde aussi en tête celle avec Vannes (de National en Ligue 2). Vannes, c’était plus le côté humain, l’ambiance qu’on avait au sein du groupe, quelque chose que je retrouve aujourd’hui avec mes joueurs en tant qu’entraîneur. Les deux montées, c’était quelque chose de marquant.
Pire souvenir sportif ?
Ma grave blessure à Saint-Etienne alors que je devais signer professionnel. On ne savait pas ce que j’avais, on m’a dit que c’était fini pour le haut niveau. Souvent, on me dit « tu n’as pas eu de chance à Sainté » mais finalement, c’est aussi une chance parce que cette blessure m’a construit. Elle a fait qui je suis. Je ne pense pas que j’aurais fait cette carrière sinon. Sur le moment, ça a été dur. Par contre, le souvenir le plus délicat, c’est quand Vannes a voulu arrêter avec moi alors que j’avais fait une grosse saison quand on est monté en Ligue 2. J’avais été élu meilleur joueur de National, on avait un groupe tellement génial.
As-tu marqué des buts décisifs ?
En tant que défenseur, ce n’était pas ma qualité première mais dans les années importantes, j’en ai mis quelques-uns, oui ! 4 à Arles, 3 à Vannes, 3 en Belgique aussi. Je crois que j’en ai mis une vingtaine en tout ! (sourires).
Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Le poste de défenseur, c’était par rapport à mes qualités. Pourtant à mes débuts, j’ai commencé attaquant. Puis j’ai reculé, reculé (sourires). Je n’ai jamais voulu être footballeur, pro en tout cas ! J’ai suivi mon frère, mon père dans leur cursus footballistique. Je me suis pris au jeu. Saint-Etienne m’a appelé. Mon père a beaucoup hésité parce qu’il travaillait à l’usine. Les semaines où il travaillait l’après-midi, il ne pouvait pas m’amener. Et puis, au fur et à mesure, j’ai gravi les échelons. Après l’ASSE, je suis reparti en National 2 avec Schiltigheim et je n’avais pas de plan de carrière. J’ai toujours pris ça comme un plaisir, un kiffe, et mes parents étaient vachement détachés de ça.
Premier match professionnel ?
Mon premier match pro avec l’étiquette professionnelle, c’est sous les couleurs de Libourne en National. Mais pour moi, mon premier match pro, c’est sous les couleurs d’Arles-Avignon au premier tour de Coupe de la Ligue. On va à Laval et on en prend 5 (25 juillet 2009, élimination 5 à 0). Par la suite, tout le monde était persuadé qu’on allait passer une année galère en Ligue 2 mais finalement on a réussi à faire taire les détracteurs. D’ailleurs, j’ai encore le maillot qu’on avait porté ce jour-là avec le trophée de la Coupe de la Ligue sur l’épaule.
« La technique, ce n’est pas le dribble »
Un geste technique préféré ?
Pour moi, la technique, ce n’est pas le dribble. C’est la technique de passe. J’avais un très bon jeu long et pour moi, c’est ça le plus beau geste technique. Je prends énormément de plaisir à être à deux et faire des passes. Même aujourd’hui, j’emmerde beaucoup mes joueurs avec ça car il y a une différence entre une bonne passe et une très bonne passe.
Combien de cartons rouges ?
J’en ai pris 4. Le premier, je m’en souviens très bien parce que c’était avec Schiltigheim et c’est Clément Turpin, qui commençait, qui me l’avait mis; on jouait contre la réserve de l’OL sur le terrain numéro 10. A la fin, il vient me voir et me dit « Je suis obligé de vous le mettre, vous êtes dernier défenseur ». Il avait raison.
Si tu n’avais pas été footballeur ?
Je ne sais pas… Je pense que j’aurais travaillé dans le social. Je suis quelqu’un qui aime les gens, l’humain. Des fois, je suis un peu outré par ce qu’il se passe dans le monde. J’ai envie d’aider.

Sur le terrain, joueur, tes qualités et tes défauts ?
Sur le terrain, je pense que ma qualité première, c’est que j’étais le « coéquipier idéal », je pouvais aller à la guerre pour les autres, je ne lâchais jamais rien. Mon défaut, c’était la vitesse, je n’allais pas vite mais ça m’a permis de développer d’autres choses, comme ma faculté à anticiper, à prendre l’info.
Qualités et défauts dans la vie ?
Je suis quelqu’un de gentil. Mes défauts, je suis quelqu’un de gentil aussi (sourires). Malgré le milieu dans lequel j’évolue depuis des années, je n’ai pas envie de changer. Et pourtant, j’ai vécu beaucoup de peines et de joies. Je prends à cœur les choses.
La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
A Vannes, surtout que cela coïncide avec l’arrivée de mon fils en fin de saison. On monte longtemps avant la fin du championnat, on était une bande de potes, ça se voyait sur le terrain. Souvent je l’ai dit, je souhaite à tout le monde de vivre une saison comme ça.
As-tu fait une erreur de casting dans tes choix ?
Un jour, mon meilleur ami m’a dit, quand j’avais plusieurs choix de clubs, qu’il y en avait toujours un, tu ne sais pas pourquoi, au fond de ton cœur, c’est celui-là que tu dois choisir. Donc je n’ai pas de regrets au niveau de mes choix car je n’ai jamais raisonné en termes d’argent. Le seul regret, c’est de ne pas avoir joué en Ligue 1 ici en France et de ne pas avoir accepté l’offre d’un an à Arles-Avignon. Car je pense que j’aurais joué.
« Saint-Etienne, c’est mon ADN »

Est-ce que tu as rêvé d’un club ?
A un moment donné, j’étais à un doigt de signer à Lens. Tout avait été fait, le contrat était en passe d’être signé mais c’est un changement d’entraîneur qui a fait que ça n’a pas pu se faire. Après, mon club de cœur, c’est Saint-Etienne ! J’aurais aimé jouer dans ce stade donc je ne me ferme pas à l’idée d’un jour coacher dans ce stade. Ce n’est pas un manque d’humilité, c’est ma ville, il y a quelque chose qui se dégage dans ce stade. C’est moi, mon ADN.
Un stade, un club mythique ?
Geoffrey Guichard, évidemment. Mais il y avait Manchester United et Cantona. Le Barça de la grande époque aussi.
Un coéquipier marquant ?
J’en ai plusieurs qui m’ont marqué. Il y a Kaba Diawara quand on était à Arles, il y avait une grosse différence d’âge et il m’a marqué par son investissement, l’apport qu’il nous a amené en faisant le lien entre les cultures, les différentes générations. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui. Au niveau footballistique, j’ai eu la chance de jouer en Belgique avec Leandro Trossard (Arsenal) et niveau footballistique, c’était quelque chose.
Un joueur adverse qui t’a impressionné ?
Mishy Batshuayi quand il était au Standard, il était dans un état de grâce ce jour-là et j’ai eu un peu de mal. J’ai eu de la chance de souvent jouer contre Olivier Giroud quand il était à Istres puis à Tours… et il est casse-couilles (sourires).
Un coéquipier perdu de vue ?
Il y en a plein ! J’ai souvent en appel, par messages, mes anciens coéquipiers. J’aurais bien aimé revoir Christopher Maboulou, mais il est décédé depuis… C’est un gamin que j’ai vu évoluer à Châteauroux. Il a fait ses premiers matchs en pro avec nous. C’était un jeune et il devrait être encore là.
Un dirigeant qui t’a marqué ?
Président ou directeur sportif non. J’ai toujours une relation particulière avec les bénévoles, un grand respect pour ces gens-là. Ils sont là avant nous, après nous, ils lavent notre linge. Et leur seul salaire, c’est notre sourire le jour du match. J’ai une relation encore plus particulière avec mon président de Hauts Lyonnais.
Une causerie de coach ?
Les causeries les plus exceptionnelles, c’est celles que j’ai vécues avec Michel Estevan à Arles. Je peux dire que j’ai eu la chance de le connaître. Il est différent. Tactiquement, on peut penser ce qu’on veut. Mais ses causeries, le personnage… Il allait sur des trucs… Je ne me suis jamais embêté en l’écoutant. Je ne m’attendais jamais à une causerie classique avec Michel Estevan parce qu’il était toujours là à nous surprendre. Il nous a certainement menti mais il ne « cachait » pas. Le lundi, il nous disait qu’il allait à la chasse ou jouer à la pétanque… Il allait voir les courses camarguaises aussi pendant les férias… alors qu’on était en Ligue 2 ! Aujourd’hui, tu fais ça, tu te fais scalper (rires). Je suis persuadé que l’accent du sud donne un truc en plus. Je regarde souvent les causeries de Christophe Urios, le coach de Clermont en rugby. Mais Michel Estevan, c’était fou. Il nous amenait, il nous prenait là et il nous faisait gagner 20% de notre performance dans ce qu’il nous disait. Il est inégalable à ce niveau.
Une consigne de coach jamais comprise ?
Il y a un coach en Belgique, Jacky Mathijssen, avec qui je ne me suis jamais entendu, et pourtant j’étais capitaine. Il était Flamand, il avait un côté identitaire à la Belgique, il n’aimait pas les Français et je n’ai vraiment pas passé une bonne année.
Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais osé raconter ?
(Rires). J’en ai plein mais j’en ai une à Arles oui. Il y a prescription mais c’est du Estevan (rires). La veille de notre dernier match en L2, qui était une finale puisqu’on était 3es, Clermont 4e et Metz 5e, il voulait « dédramatiser » l’enjeu… et il a fait venir une stripteaseuse la veille à l’hôtel (sourires). Il nous connaissait, il n y a rien eu, elle nous a juste fait un show qui n’a pas fini à poil d’ailleurs ! Mais dans ma tête, je me suis dit « Il est fou, c’est le match de la montée en Ligue 1 », là, tu te dis « Mais s’il se plante ? ». C’était « couillu » quand même (rires). Je pense qu’Estevan n’avait pas peur de se tromper et ce jour-là, il n’a pas eu peur.
Le plus connu de ton répertoire ?
Je suis en relation avec Sidney Govou, qui est dans mon staff à Limonest et qui anime les spécifiques attaquants. Il y a Kaba (Diawara), Andre Ayew aussi…
Un stade qui t’a procuré une émotion particulière ?
J’en ai deux. Au Standard de Liège avec Courtrai. Il y a une grosse grosse ambiance. En plus, sur le premier duel, je tacle un peu leur attaquant et après ils me prennent un peu en grippe. Donc quand même, ambiance un peu particulière. La plus belle ambiance en tant que joueur, je dirais que c’est à Lens en Ligue 2. Pour la petite anecdote, à la mi-temps, ils chantent les Corons. On est rentré un peu avant et moi comme un con, je chantais (rires). Il y avait des jardiniers qui regardaient mes coéquipiers en se disant « mais il est fou votre pote ? ». Je kiffais mon moment, le stade était plein parce qu’ils avaient fait une opération place gratuite.
Des rituels, tocs, manies ?
J’en avais plein oui ! En tant que joueur, j’avais ma paire de chaussettes qui était coupée donc je mettais mon protège tibia avec le strap que j’enroulais avec mon maillot le temps de l’échauffement. Je le mettais toujours au même endroit, sous mon siège. J’ai joué longtemps pas avec le même caleçon ! (sourires)
Une devise, un dicton ?
Sur ma manière de manager, je dirais « une main de fer dans un gant de velours » parce que j’ai toujours voulu être comme ça. Dans la vie de tous les jours, je dirais « kiffe » !
Des passions en dehors du foot ?
Ouais ! On joue au padel un petit peu. Je suis un bon vivant, j’aime bien manger, les plaisirs de la vie. Mes enfants aussi, ceux de ma femme aussi. La famille.
Une couleur ?
J’aime bien le vert (sourires) !
Un animal ?
J’aime bien les chevaux. Je ne suis pas très animal de compagnie mais le cheval, je le trouve classe.
Un chiffre ?
Le 6. Il m’a toujours suivi, j’ai toujours aimé ce numéro en tant que joueur et mon premier fils est né le 6.
Une chanson ?
J’ai eu la chance de connaitre Renaud à Arles donc j’aime bien ses chansons. Actuellement, je passe beaucoup du Grand Corps Malade à mes joueurs et notamment la chanson « Ensemble », parce que c’est des valeurs que je veux leur inculquer.
Un film ?
La ligne verte.
Une ville, un pays ?
En France, on a un super pays. Grâce au foot, j’ai pu vivre dans beaucoup de régions en France. Depuis que j’ai rencontré ma femme, elle m’a fait découvrir le Portugal. Le village où on va très souvent est un des seuls endroits où j’arrive à me déconnecter complètement. Pourtant, il n’y a rien, c’est tout petit mais on s’y sent bien. Je ne pense à rien d’autre.
Un endroit ? Lyon, Saint-Etienne ?
Mon village natal, à Saint-Cyr-les-Vignes ! C’est mon village, là où j’ai grandi, je me sens bien là-bas parce que c’est la campagne. Là-bas, j’ai toujours été le petit Romain. Il y a un endroit aussi à Saint-Didier où on voit tout Lyon, c’est agréable aussi.
Tu étais un joueur plutôt…
Efficace.
Un modèle de joueur ?
J’ai adoré Puyol à Barcelone, Ramos aussi, Cannavaro… ces trois joueurs, à ce poste, je pense que ce sont les trois meilleurs. Au-delà de leurs qualités de joueurs, c’est leur caractère.
Une idole de jeunesse ?
Cantona.
Match de légende ?
Il y a la Remontada de Barcelone contre Paris et Liverpool contre Milan en finale de la Ligue des Champions. En tant que français, la première finale de Coupe du monde en 98. Je me souviens où j’étais, avec qui j’ai regardé ce match… j’avais eu la chance de voir Marseille en finale de Ligue des champions en 1993.
Ta plus grande fierté ?
Mes enfants forcément. Dans le foot, c’est d’avoir relancé et fait évoluer des joueurs, de les avoir pris à un niveau et de les avoir accompagner psychologiquement et mentalement, de voir où ils en sont aujourd’hui. Quand on a la chance de prendre un joueur et de voir qu’on lui a permis d’en arriver « là »…
- Texte : Joël PENET
- Photos : 13heuresfoot et FC Limonest-Dardilly-Saint-Didier
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