L’ex-attaquant des années 90, reconverti entraîneur depuis plus de 20 ans, mais sans club depuis l’hiver dernier, retrace sa riche carrière, parle des ses expériences et évoque sans filtre sa personnalité, un peu méfiante, mais pas si réservée que cela !
Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos 13HF et DR

Jean-Noël Cabezas donne rendez-vous au café L’Escale près du port à Golfe-Juan, entre Cannes et Antibes. « Viens on se met en face, de l’autre côté de la route, contre la mer et des bateaux de pêche ! » lance-t-il. À force de voir la mer et les bateaux, nous, on n’y prête même plus attention ! Mais pas celui que ses amis appellent « Nono ». La mer, les bateaux, il adore ça. « Je fais un peu de plongée en apnée, ça permet de travailler le mental, et j’aime bien partir en pêche ».
En même temps, l’ancien attaquant des années 90 est né à Martigues et a grandi à Marseille, sous le soleil – « Il brille toujours ! » – et au bord d’une grande bleue qu’il a retrouvée en 2017, quand il a quitté le centre de la France et le Clermont Foot après 17 saisons , dont 15 dans l’encadrement, pour s’asseoir sur le banc de Fréjus/Saint-Raphaël en National 2. Pour se rapprocher de ses parents aussi.
Depuis, il n’a quasiment plus bougé de la Côte d’Azur, hormis une escapade à Andrézieux, en banlieue de Saint-Etienne, en 2018/19, avec à la clé la fameuse élimination de l’Olympique de Marseille, le 6 janvier 2019 (2-0), en 32e de finale de la coupe de France, au stade Geoffroy-Guichard ! Malheureusement, l’épopée s’était arrêtée en 16e (élimination face à Lyon-Duchère 1-2, club de National).
Quinze saisons dans l’encadrement à Clermont

Cette qualification face à l’OM, c’est sans doute à ce jour son fait d’armes le plus marquant comme coach, du moins celui qui a eu le plus de retentissement médiatique. Cela aurait pu lui ouvrir les portes du BEPF, le diplôme d’entraîneur professionnel, il n’en fut rien. Cela lui a au moins ouvert les portes du club de son coeur : l’AS Cannes. Limogé d’Andrézieux après seulement 8 matchs la saison suivante, il rebondit, certes à l’étage en dessous, en National 3, chez les Dragons azuréens, mais le projet est tellement ambitieux et l’institution si prestigieuse…
Et puis Cannes, comme le raconte Jean-Noël dans cet entretien ensoleillé, c’est l’équipe qu’il allait voir et supporter quand il n’était encore qu’un jeune avant-centre de 18 ans, qui évoluait en Division d’Honneur à Vallauris, sur les hauteurs de … Golfe-Juan. À cette époque, il s’entraîne la journée avec le centre de formation des Rouge et Blanc – l’un des meilleurs de l’Hexagone – et rejoint son club le soir. Deux saisons et deux accessions plus tard – Vallauris accède en Division 4 puis en Division 3 -, c’est le grand saut dans le monde pro pour le grand attaquant, qui portera ensuite les couleurs du Havre (D2), d’Annecy (D2), d’Alès (D2), de Vallauris à nouveau (D3, titre de meilleur buteur aux côtés de Hervé Renard et Zoran Vujovic notamment), de Toulon (deux passages, en National d’abord avec accession en D2 puis en D2 un an plus tard), de Cannes donc, en Division 1, de Troyes (D2, accession en D1), d’Amiens (D2) et enfin de Clermont (National et accession en D2), où il boucle sa carrière de joueur. Un très joli CV enrichi par la suite de quinze saisons passées dans l’encadrement du club auvergnat, à la formation, avec les U19 nationaux, avec la réserve et avec les pros comme adjoint. De quoi, là encore, emmagasiner beaucoup d’expérience.
Un vrai Marseillais qui se respecte !
Entraîner, « Nono » a su très vite qu’il se dirigerait vers ce métier une fois les crampons raccrochés : très tôt, déjà, à Marseille, dans des associations de quartier, il encadrait des plus grands que lui, le mercredi.
Sans club depuis son dernier « limogeage » à Fréjus, à l’hiver dernier, dans un club où il travaillait pour la seconde fois, Jean-Noël Cabezas, qui en profite pour s’entretenir et aller voir des matchs – « Ce soir je retourne au Vélodrome pour OM-PSG, j’y suis allé hier mais le match a été reporté à cause des intempéries ! » – s’est mis en quête d’un nouveau projet.
Pendant 45 minutes, il s’est confié, au point de parfois briser la carapace. Méfiant de prime abord, réservé, introverti, sensible, hésitant parfois à terminer ses phrases, « Jeannot » comme d’autres l’appellent aussi, ou « Cabezou », s’il intériorise beaucoup, a souvent montré une image à l’opposé de celle qui dégage, au point de parfois passer pour un grand bavard. Un vrai Marseillais qui se respecte, en quelque sorte. Qui aime parler … mais surtout de foot !
Interview : « Le foot rend méfiant »
Quand on retrace ton CV de joueur, on se dit… quel parcours, tout de même ! Partir de DH pour finir en D2 et en D1, c’est rare !
À Vallauris, j’étais surclassé, j’avais 18 ans, on a fait les montées de DH jusqu’en D3 mais je n’ai pas joué tout de suite en D3, je suis parti au Havre, avant d’être prêté à Annecy en D2, entraîné par Guy Stephan, que j’ai revu cet été au Mondial de Footvolley à Juan-les-Pins, c’était sympa, on a pu échanger. J’avais gardé un bon souvenir de lui. Après Annecy, je suis revenu à Vallauris, en D3, puis après c’est parti, Alès, Toulon, Troyes, Cannes, Amiens avant de finir à Clermont. J’ai eu de la chance dans ma carrière de joueur car j’ai fait beaucoup de montées, de la DH jusqu’à la Ligue 1, avec Troyes (accession en 1999).
À Clermont, où tu as fini ta carrière de joueur sur une nouvelle montée en Ligue 2 (en 2002), tu as passé quinze ans dans l’encadrement : pourquoi être parti en 2017 ?
C’est la venue de Corinne Diacre qui m’a fait partir. C’était un peu compliqué avec elle. Quand elle est arrivée, au bout d’une semaine, Olivier Chavanon, le directeur sportif de l’époque, m’avait dit « ça va être compliqué avec elle », et moi, je lui ai répondu « Dès le premier jour, j’ai su que ça allait être compliqué avec elle ! », donc là, j’ai décidé de partir.
« Je me suis présenté huit fois au BEPF… »

Quand as-tu su que tu deviendrais entraîneur ?
Quand j’habitais Marseille, j’entraînais les plus grands que moi, dans une association de quartier, La Millière, au milieu des HLM, c’était le mercredi, je faisais ça pour rendre service et gagner un peu d’argent aussi. J’aimais ça. J’avais entraîné des plus petits dans les quartiers aussi, avec une autre association, Les Escourtines (il a commencé au quartier de La Barasse, à côté du quartier de Saint-Marcel, puis à l’US Rouet). Quand j’étais joueur à Troyes, j’avais des discussions avec Alain Perrin, qui me voyait bien devenir entraîneur. Mais ce qui a tout déclenché, c’est à la fin de ma carrière de joueur à Clermont, quand j’ai monté une école de football pour les attaquants, en 2001; ça avait bien fonctionné, à tel point que des gros clubs, comme Marseille ou Lyon, venaient piller nos joueurs. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’équipe pro de Clermont, en Ligue 2 : l’équipe ne marquait pas beaucoup de but et Alain Dalan, le président de l’époque, m’a demandé de devenir adjoint et de m’occuper spécifiquement des attaquants; ça a bien fonctionné et tout est parti de là ! Ensuite j’ai passé mes diplômes. Aujourd’hui, je peux entraîner jusqu’en National 2.
Tu ne songes pas à te représenter au BEPF ?
Je me suis présenté huit fois déjà… Je n’ai pas eu la chance d’être pris et j’ai craqué ! Quand j’étais à Frejus, à Andrezieux, je me suis présenté, et une fois, j’ai même été le premier « repêchable » en cas de désistement d’un des candidats. Là, je me suis dit que, forcément, j’allais être pris l’année d’après, surtout qu’on venait d’éliminer l’OM en coupe de France avec Andrézieux, mais je n’ai pas été retenu et je dois dire que, mentalement, ça m’a « tué ». Aujourd’hui, ce n’est pas que je ne veux plus candidater, mais j’ai pris un peu d’age (58 ans), même si je m’entretiens, je cours, je fais attention à mon alimentation, mais je ne sais pas, je trouve que… Mais depuis quelques années, quand même, j’ai l’impression que pour l’admission au BEPF, ça s’est plus « ouvert ».
« Partir à l’étranger m’aurait plu »
Mais entraîner en National, ou dans la future Ligue 3, n’est-ce pas un objectif ? Ou être de nouveau adjoint en pro ?
Si j’avais eu mon BEPF, j’aurais eu des opportunités pour aller en Belgique, par rapport à certaines connaissances que j’avais. Partir à l’étranger m’aurait plu, pour changer, pour ne pas rester dans le confort. Comme jouer en Espagne aussi, ça m’aurait plu à l’époque, j’ai des origines espagnoles, du côté de l’Andalousie. Après, retrouver un staff pro, oui, mais il faut que ça matche avec le coach; ça dépend de l’entraîneur en place. Par exemple, je m’entendais bien avec Michel Der Zakarian à Clermont, donc travailler pour et avec quelqu’un que l’on apprécie, comme Michel par exemple, oui. Je pense qu’il faut une connexion entre le numéro 1 et son adjoint, qu’on soit comme une équipe. Je le vois bien, car j’ai été numéro 1 aussi, et je n’ai pas eu que des bonnes expériences avec mes adjoints. Parfois, les choses négatives font grandir et permettent de rebondir. Je suis toujours dans cette optique-là. Ce n’est ni facile d’être adjoint, ni facile d’être numéro 1. Mais je préfère ne retenir que le positif de mes expériences.
« Je n’ai pas vu mes enfants grandir »
On sent un grand regret tout de même…
(Hésitation) Au Clermont Foot, j’ai fait de la formation, j’ai sorti Romain Saïss, le capitaine de l’équipe du Maroc, je me suis occupé de lui, il y avait aussi « Yacou » Sylla (Aston Villa, Rennes, Montpellier), que j’ai fait venir, l’attaquant « Momo » Bayod, Mathias Pereira-Lage, Julien Laborde, plein de joueurs comme ça, j’étais connu quand même aussi grâce à mon travail là-bas. J’avais une double casquette, entre la formation et les seniors, le matin et l’après-midi avec les pros, le soir avec la réserve… Et je ne n’ai pas vu mes enfants grandir… Si c’était à refaire, je ne le referais pas. C’est ma passion, bien sûr, mais bon…
Tu dis que tu n’as pas vu grandir tes enfants…
Ma fille, Mathilde, a 30 ans, elle chante (sous le pseudo « Mathilda »). Mon fils, Noë, a 25 ans, il joue à Alès en N3. Je ne les pas vu grandir, non, parce que j’ai tellement donné à Clermont que c’était au détriment de ma famille. Je m’en suis aperçu quand Corinne Diacre est arrivée. Je ne lui en veux même pas, cela fait partie du foot mais, surtout, cela m’a fait réaliser que la famille était plus importante, même si Claude Michy, le président de Clermont Foot, m’avait dit « Les entraîneurs passent, mais toi tu restes », parce qu’il voulait que je reste.
Le clip de Mathila (« Est-ce que les autres s’aiment ? ») : cliquez ici

À Fréjus/Saint-Raphaël, tu as été limogé une première fois puis tu n’as pas été conservé en fin de saison une seconde fois… À Cannes, tu n’as pas non plus été conservé : c’est digéré ?
Il y a eu Andrézieux aussi ! Mais à Andrézieux, la deuxième année, je savais que le club cherchait un entraîneur de la région stéphanoise, donc je n’ai pas été surpris quand j’ai été limogé, parce qu’on m’avait prévenu. Ils ont mis Romain Revelli à ma place.
Quand je suis allé la première fois à Fréjus/Saint-Raphaël, c’était pour être adjoint de Charly Paquillé. Et puis je voulais aussi revenir dans le sud pour des raisons familiales. Charly a été limogé et j’ai pris la suite mais en juin, je n’ai pas été gardé. J’ai été surpris parce qu’on avait vraiment fait une belle saison (5e). C’est dommage, parce qu’on n’a pas eu le temps de se structurer, c’est un peu le problème d’ailleurs du foot amateur, et aussi du foot pro, sauf que dans le foot pro, il y a plus de moyens pour mettre des choses en place, comme une cellule de recrutement par exemple, un meilleur suivi des joueurs, etc. C’est ce que j’ai essayé de faire à Fréjus et aussi à Cannes.
« J’ai toujours adoré l’AS Cannes ! »
Tu es « marseillais » mais tu as supporté Cannes, c’est étrange tout de même…
Quand j’étais jeune, j’allais voir tous les matchs de l’OM, et parfois j’allais aussi voir les entraînements à Saint-Menet, sur un terrain à côté de chez moi, je ratais parfois l’école pour y aller ! Je regardais les attaquants, je me souviens de ce joueur, Marc Berdoll… Je regardais aussi leur comportement, l’exigence, mais c’était une autre époque, le club était en Division 2. Quant à Cannes, j’ai toujours adoré ce club, alors que je n’y étais pas ! Mais j’aimais ce côté « petit poucet », quand le club était en première division.
Mais d’où vient cette « amour » pour l’AS Cannes ?
Quand je jouais à Vallauris, j’allais voir tous les matchs de Cannes. J’étais supporter. Puis j’ai eu la chance d’être joueur au club et ensuite entraîneur. Il y a eu des grands noms, des grands entraîneurs comme Jean Fernandez ou Arsène Wenger, qui est une référence pour moi. Wenger, c’est quelqu’un qui construit, qui outrepasse sa fonction d’entraîneur. J’essaie, à mon niveau, de le prendre en exemple. Quand on est entraîneur, on regarde les meilleurs pour s’en inspirer et voir ce qu’ils font. Quand j’étais joueur, je faisais pareil. Quand je suis venu travailler à l’AS Cannes, je me suis installé à Vallauris, parce que là-bas, j’y garde de bons souvenirs, c’est le club qui m’a mis le pied à l’étrier et j’y ai des amis.
« Il y a des choses beaucoup plus graves que le foot »

Que gardes-tu de ton passage à Cannes sur le banc, où tu es resté cinq ans ?
D’abord, on a eu deux années « covid » puis la troisième année, on est monté de National 3 en National 2 avec Anny Courtade et Xavier Bru aux commandes. Anny, elle nous faisait confiance, et quand le club a été vendu à la famille Friedkin, ils ont voulu mettre un entraîneur « à eux », c’est comme ça… Mais bon, je ne suis pas allé à Cannes pour l’argent, mais pour faire remonter le club, parce que j’étais attaché à ce club.
Ensuite, la saison passée, tu es retourné à Fréjus/St-Raphaël (N2), dans un club qui ne t’avait pas conservé cinq ans plus tôt : étrange, non ?
(Sourire) Oui, c’est vrai ! On était dans les trois premiers jusqu’en novembre/décembre et puis on a eu un problème… (il marque un silence). Un joueur est tombé malade (il marque à nouveau un silence), un très-très bon joueur, qui tenait la baraque derrière (le défenseur central Julien Mouillon). Il a eu une grosse maladie et ça m’a rappelé les mauvais souvenirs de janvier 2009, quand on a perdu Clément Pinault. La maladie de Julien, je l’ai mal vécue. Tu sais, le foot c’est dur, OK, mais quand on vit ça… Je crois qu’il n’y a rien de pire. J’ai mis deux ans pour me remettre du décès de Clément (Pinault), on était très proches. Donc ce limogeage à Fréjus, je le relativise, parce qu’il y a des choses beaucoup plus graves. La maladie de Julien (Mouillon) m’a ramené à tout ça, et sans doute que je n’ai pas été bon, que je n’ai pas su gérer mes émotions.
« Je suis peut-être un peu plus sensible que d’autres »

En ce moment, beaucoup d’entraîneurs nous parlent de la gestion de leurs émotions : tu aurais donc toi aussi des choses à régler de ce côté là ?
En général, j’arrive à les gérer sur le terrain, par exemple, je me contrôle, je ne me suis jamais fait expulser, mais un décès, une maladie, là, ce n’est pas pareil, on n’est pas préparé à ça. Je suis un peu plus sensible que d’autres, peut-être. J’ai du mal à gérer ces situations. Mon frère a eu une grosse maladie : il est resté à l’hôpital pendant deux ans à Hyères à Pomponiana (Institut de rééducation fonctionnelle), ça m’a vraiment touché, tout est lié à l’enfance aussi… C’est dur de gérer des choses comme ça. Je suis proche aussi de l’association Adrien et de René Molines, son président, à Pégomas, près de Cannes, parce que ce sont des choses qui me touchent. Et parce qu’il n’y a pas que le foot. Je pense être proche des joueurs : « Yacou » Sylla m’a appelé quand il a eu son diplôme d’entraîneur, Romain Saïss aussi, on garde le contact, j’ai de bons souvenirs avec eux. Le côté humain est important.
Tu dis que tu es un entraîneur exigeant : mais qui sont les coachs qui t’ont marqué ?
J’aimais bien Alain Perrin, au niveau du jeu, il nous faisait bien jouer; au niveau relationnel, c’était dur, même si avec moi ça se passait bien. Il faut dire que quand je l’ai eu, j’avais la trentaine, j’avais déjà de la bouteille et il savait que je pouvais tenir le vestiaire. Je n’étais pas un leader par la parole mais par les actes, je pense que c’est pour ça qu’il m’appréciait aussi. J’ai eu un autre entraîneur qui m’a marqué : Léonce Lavagne, à Alès. Il faisait jouer des amateurs s’il le fallait, à la place des pros, parce qu’avec lui, c’était au mérite, peu importe le statut. Il était dur mais écouté et honnête. C’est quelqu’un qui allait au bout de ses idée. C’est ce qu’on attend d’un entraîneur.
« Beaucoup de clubs amateurs travaillent bien »

Puisque l’on parle d’Alès, pourquoi ce club (N3) n’y arrive-t-il pas ? Et pourquoi Toulon (N2), où tu as évolué deux fois, n’y arrive pas non plus ?
À Alès, il y a toujours eu des problèmes financiers et à Toulon, c’était un peu pareil à mon époque. Cela veut dire que cela a mal été géré de l’intérieur. Et puis il y a autre chose : aujourd’hui, il y a beaucoup de clubs amateurs de National 2 et de National 3 qui travaillent très bien, qui sont très bien structurés, avec des personnes qui s’investissent beaucoup dans leur travail. C’est pratiquement devenu du semi-professionnel. C’est pour ça qu’en N2 et en N3, c’est très dur de monter, il faut bien s’entourer et bien connaître le niveau.
Par exemple, en National 2, ce n’est pas parce qu’un club va prendre six ou sept joueurs du niveau au-dessus qu’il va monter, parce qu’il faut un état d’esprit, il faut que les joueurs soient complémentaires, sans compter que c’est la bagarre chaque week-end. Les clubs ont progressé, et peut-être que Toulon et Alès, qui ont été des clubs phares, ont moins progressé que les autres… Cette saison, Alès, où joue mon fils Noë, a une équipe très jeune, c’est très intéressant ce qu’ils font, ils ont quand même perdu leurs attaquants à l’intersaison alors qu’ils marquaient beaucoup de buts l’an passé, mais ça a l’air de bien prendre. Il faudra voir si l’effectif est suffisant sur la durée.
Il y a autre chose : il faut connaître les régions aussi. À Alès, il y a les mines à côté, il faut connaître la population locale, leurs valeurs, savoir où on est. Par exemple, quand j’étais entraîneur à Andrézieux, je suis allé voir le musée de la mine à Saint-Etienne, c’était incroyable, ce sont des choses qui marquent. On aurait pu ajouter Andrézieux dans la question précédente, un club qui évolue depuis longtemps en N2, qui a de superbes infrastructures, mais qui n’arrive pas à monter… Parce qu’il faut laisser du temps, et j’espère que Roland (Vieira), qui est un bon coach, en aura. Au Puy, il en a eu, il est resté 10 ans, mais dès fois, au foot, on n’a pas le temps de construire. Pourtant, c’est le secret, mais…
« Le foot, ce n’est pas que l’argent »
Tu connais bien le championnat de National 2 : tu le trouves comment aujourd’hui ?
Il évolue. Il est de plus en plus dur, parce que beaucoup d’équipes, comme je le disais avant, travaillent bien. Elles se donnent les moyens de bien travailler, même si elles n’ont justement pas trop de « moyens » financiers, parce qu’on voit bien que le foot, ce n’est pas que l’argent, sinon ce serait trop facile.
Tu penses à Cannes en disant cela…
Non mais quand j’étais à Cannes, il y a quelque chose qui m’a frappé : en fait, je regardais toujours mes adversaires en vidéo avant de les affronter, et quand ils jouaient contre nous, ce n’était pas du tout la même chose, cela ne ressemblait plus à l’équipe que j’avais vu en vidéo. J’avais bien prévenu mes joueurs par rapport à ça. En fait, l’explication est simple : nos adversaires avaient une envie décuplée de nous « taper », un peu comme ceux qui jouent contre Bordeaux aujourd’hui en N2, et ils étaient donc parfois en sur-régime. Ce qui fait que nos matchs ressemblaient plus à des matchs de coupe. Voilà, c’est ça, en fait, chaque semaine, on faisais des matchs de coupe de France, et même parfois des matchs de coupe d’Europe, parce que les mecs, en face, jouaient leur vie !
« Je vais au bout de mes idées »
Tu as l’air d’une personne très méfiante, limite « parano » comme pas mal de coachs d’ailleurs…
Oui, « parano », je me mets dedans aussi ! Méfiant, ce n’est pas que dans le foot, c’est dans la vie de tous les jours, même si évidemment le foot veut ça. Le foot rend méfiant. Peut-être que si j’avais fait un autre travail, j’aurais été pareil, parce que les gens sont…
Fourbes ?
Fourbes. Ce n’est pas que je me méfie, mais… Déjà, au foot, avec les joueurs, on arrive à cerner leurs mentalités, par rapport à ce qu’ils font sur le terrain, et on retrouve ces traits de caractère, la combativité, la créativité par exemple, après leur carrière de joueur.
Anny Courtade, l’ex-présidente de l’AS Cannes, nous a dit que tu avais pris des cours de communication, mais en plaisantant, elle a rajouté que tu n’en avais sans doute pas pris assez !
(Rires) J’ai lu un de tes articles l’an passé sur Hervé Della Maggiore, l’entraîneur d’Orléans, qui avait des problèmes de communication, et je me suis retrouvé en lui, ça m’a marqué. J’ai pris des cours quand j’étais à Clermont parce que je pensais que je devais progresser dans ce domaine, mais ce n’est pas évident, entre savoir les choses et les transmettre, c’est dur. Mais je trouve que j’ai beaucoup progressé par rapport à avant, je m’en aperçois quand je vois des joueurs que j’ai formés et que j’ai retrouvés plus tard, ils me le disent.
Anny Courtade dit aussi que tu es … têtu !
Disons que je vais au bout de mes idées mais je sais reconnaître mes torts. Dans le foot, il y a des choix à faire, je sais où je vais. Par exemple, quand j’étais à Cannes, j’étais critiqué, les supporters ont même demandé mon départ, mais ça me fait rire, parce que quand j’allais manger à La Bocca, ce quartier de Cannes que j’aime, juste à côté du stade Coubertin, les gens venaient me voir en me félicitant… Les supporters n’étaient pas contents après un match nul ou une défaite, c’est normal, mais je n’ai pas perdu beaucoup de matchs avec Cannes (sourire). Il faut accepter ça, je l’accepte, le foot est un sport populaire. J’ai été moi-même supporter, donc je peux comprendre que l’on ne soit pas content après un match, mais cela reste du foot. Et puis les supporters n’ont pas tous les éléments, ils ne savent pas, par exemple, que si je ne fais pas jouer tel joueur, c’est qu’il y a une raison… une blessure par exemple.
Créativité, intelligence de jeu…
C’est quoi, tes inspirations, tes modèles, tes références en matière de jeu ?
J’aime le foot espagnol (il a des origines espagnols, du côté de l’Andalousie). Je trouve qu’il est plus structuré, on y parle de « carré » par exemple. Comme je n’ai pas été pris au BEPF, j’ai suivi sur internet des cours de formation de foot espagnol pour « compléter », pour voir le jeu de position. Là bas, ils utilisent des mots différents. Nous, aujourd’hui, on parle de transition, mais les transitions, ça a toujours existé !
À mon époque, Jean Fernandez nous disait qu’il ne fallait pas faire cinq passes, il faisait déjà de la récupération du ballon, on n’invente rien aujourd’hui ! Moi, ce que j’aime, c’est que les joueurs trouvent des solutions; par exemple, quand je mets des situations de jeu à l’entraînement, c’est pour développer l’intelligence de jeu, parce que c’est important. On parle aussi de ce « foot robot », qui manque un peu de créativité aujourd’hui, mais pour moi, tout part du football chez les jeunes. Il faut laisser de la créativité dans les trente derniers mètres et accepter, si le joueur tente quelque chose, qu’il perde un ballon mais derrière, il faut que le mec chasse, qu’il fasse du « un contre un », ce qui se fait de plus en plus maintenant, où c’est pratiquement du marquage individuel. Il faut des joueurs rapides derrière si on joue haut, si on fait le pressing haut, sinon on prend des vagues. J’aime bien le système en 4-3-3 avec des centres, j’aime aussi quand on « rentre » à l’intérieur pour mettre le surnombre. Il faut mettre de la variété dans le jeu. Le 4-4-2 aussi, c’est bien structuré, mais si j’ai l’équipe pour jouer avec des pistons, je vais changer le style, parce qu’il faut gagner des matches ! C’est pour ça que la formation est importante, que le travail est important, afin que les jeunes connaissent les systèmes et s’adaptent quand il le faut.
- Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
- Photos : 13HF et DR
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