En renversant Nice (Ligue 1) au terme d’un final absolument époustouflant, le Stade Briochin (N2) a réalisé un incroyable exploit qui semblait impossible à cinq minutes de la fin (2-1), et atteint les 1/4 de finale pour la première fois. Complètement dingue !
Par Anthony BOYER / Photos : Coralie Houeix et 13HF
Il a fallu un but. Celui de l’égalisation briochine, à la 88e minute, quand tout semblait perdu, pour réveiller un stade qui jusqu’alors s’était trop bien tenu. Les Bretons aiment le foot, tout le monde le sait. Tout le monde le dit. Jusqu’à en oublier parfois de faire énormément de bruit. De pousser. De hurler. De s’égosiller la voix.
Peut-être aurait-il fallu que cette équipe de National 2, entraînée par un président qui met de l’argent dans le club et fait le recrutement, frappe dix ou quinze fois au but pour soulever ce public parfois trop respectueux, plus spectateur que supporter. Comme s’il était résigné. Comme s’il savait d’avance que l’aventure allait inéluctablement s’achever face au 5e de Ligue 1.
Il a fallu ce but, à la 88e, sur une frappe de Boubacar Diakhaby – qui venait de rentrer – déviée par Hugo Boudin, pour transformer le stade Fred-Aubert en chaudron incandescent. « Quand on a vu que c’était « Bouba » qui frappait du droit, on s’est dit que le ballon allait finir en l’air, plaisantait encore le gardien Francl L’Hostis ! D’habitude, il ne frappe jamais du droit ! »
Il a fallu cette égalisation que l’on n’attendait plus et venue de nulle part pour vivre une folle ambiance et voir ces 4700 personnes présentes se lâcher, eux qui n’osaient plus y croire, contrairement aux onze acteurs aux maillots bleus floqués du logo au griffon et qui n’ont jamais lâché ni cessé d’y croire.
Et puisque l’on n’était pas au bout de nos surprises, il a fallu ce deuxième but, après un corner niçois, au bout du bout du temps additionnel, sur un contre de 80 mètres emmené par l’entrant Julien Benhaim, signé Hugo Boudin, pour rappeler ce qu’est la coupe de France : une épreuve unique et indécise, une épreuve qui rassemble et unit, une épreuve qui vous prend les tripes, fait pleurer et procure des émotions indescriptibles comme rien d’autre au monde, si ce n’est la naissance d’un enfant, n’est capable d’offrir.
Mais que faisait Hugo Boudin, le défenseur, à la conclusion de ce rush de la dernière chance, à la dernière seconde, alors que Nice venait de jouer un corner et de voir une frappe repoussée ? Mais que faisait Hugo Boudin au 2e poteau, à l’affût d’un centre ou d’une erreur – un ballon relâché par Maxime Dupé sur une frappe d’Artur Zakharyan -, lui que le coach avait failli sortir peu de temps auparavant. Personne ne sait. L’intéressé non plus, ne le sait pas. Mais il était là. Ils étaient d’abord 3 contre 2, puis 4, puis 5 on ne sait plus très bien, mais ils étaient nombreux et encore plein d’énergie à avoir couru jusque dans la surface sur cette dernière action pour faire mal et piquer tel les matadors.
Jamais une défaite n’avait rendu Franck Haise, le coach de l’OGC Nice, aussi abattu, hagard et désemparé cette saison, presque au bord des larmes. Jamais une victoire n’avait rendu Franck Allanou, l’entraîneur qui fait tout dans le club mais pas tout seul, aussi heureux : « C’est le plus grand moment de ma vie sportive » a-t-il confié devant les micros, après la qualification pour les 1/4 de finale (mercredi 26 février). Comme on le comprend ! Le premier essai avait eu lieu en 1966, quand l’Angleterre régnait sur le toit du monde du ballon rond, mais l’aventure s’était arrêtée en 8e, dans une épreuve à la formule alors différente. Le deuxième essai a été le bon, et ça valait le coup d’attendre 59 ans !
La coupe c’est ça : de l’abnégation, du dépassement de soi, de l’entraide, de la souffrance et puis cette magie qui vous propulse dans une autre dimension. Comme si vous franchissiez le mur du son. Le Stade Briochin n’avait pas cadré un tir avant d’égaliser. Comme quoi… Mais il avait tout de même montré de belles choses et rééquilibré un peu les débats depuis l’ouverture du score azuréenne à la 55e, sur un but un peu casquette de Tom Louchet, qui ressembla d’ailleurs à celui du 1-1.
Avant cela, l’équipe bretonne, où les entrants ont fait plus qu’apporter leur pierre à l’édifice, avait fait le dos et confirmé qu’elle était bien cette équipe difficile et « chiante » à jouer, la preuve, l’OGC Nice ne parvenait pas à trouver la faille (0-0 à la pause). Ce but niçois eut le don de réveiller les Griffons, soudain désinhibés, soudain décomplexés. Nice avait imposé sa domination sans rien laisser à son adversaire… jusqu’à l’égalisation. Mais se reposer sur ses lauriers était s’exposer à un tel scénario, et c’est ce qui s’est produit. Et c’est ce qui a permis ce final exceptionnel. On appelle ça la magie de la coupe !
Guillaume Allanou (entraîneur et président du Stade Briochin) : « Ma plus grosse émotion sportive ! »
« En termes d’émotion, c’était très fort. Il fallait que l’on soit vigilant et concentré. On ne leur a pas donné grand-chose. On a rivalisé sur l’aspect défensif, ce qui était la priorité. On a pris ce but en début de deuxième période sur une action que l’on a mal gérée car je pense que l’on doit être capable de la sortir, et puis, je l’avais vu contre Toulouse, quand Nice était en maîtrise à 1-0 et largement au-dessus, avant, au final, de se faire rattraper au lieu de plier le match. Ce scénario s’est répété. Et nous, on a ce supplément d’âme : contre Annecy, au tour précédent, on était mené, à Saint-Malo, chez le leader du championnat, il y a quinze jours, on était mené aussi (victoire 2-1), c’était déjà un exploit.
Après le but de Nice en début de deuxième période, le match s’est rééquilibré même si on n’a pas eu d’occasions franches. On n’a pas paniqué et nos changements ont apporté du dynamisme. En fait, leur but nous a permis de nous réveiller et de nous lâcher, parce que certains étaient un peu inhibés. Après, le scénario, cette dernière action, est extraordinaire ! Même dans les rêves les plus fous, on n’imagine pas ça. Quand j’ai vu ce dernier contre, où on a mis de l’énergie, j’ai pensé que l’on pouvait marquer, oui, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit Hugo (Boudin) qui le fasse, la surprise elle est là (rires) ! Ce soir, on est passé un peu par tous les états : au début, on espère, après, on se dit que c’est dur, puis que c’est foutu, après on revient… Ce sont ces émotions-là que les gens aiment. Que les journalistes aiment. J’avais dit aux joueurs que l’on avait 4,34 % de chance de se qualifier, et on les a joués à fond. C’est ma plus grosse émotion sportive de ma vie. J’ai bien dit « sportive », parce que j’ai des enfants, et ils restent ma priorité. »
- Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
- Photos : Stade Briochin et 13heuresfoot
- Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, X et Instagram) : @13heuresfoot
- Visitez le site web 13heuresfoot
- Un commentaire, une suggestion, contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr
Lire aussi : Franck L’Hostis, le goût des autres
https://13heuresfoot.fr/actualites/coupe-de-france-franck-lhostis-stade-briochin-le-gout-des-autres/
Lire aussi : Christophe Kerbrat : « J’ai toujours vu le foot comme un jeu ! »